Séance du 6 avril 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Lutte contre l'effet de serre. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p. 1 ).
Discussion générale : M. Paul Vergès, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; MM. Ladislas Poniatowski, PierreLaffitte, Gérard Le Cam.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Articles 1er à 5. - Adoption (p. 2 )

Vote sur l'ensemble (p. 3 )

MM. Jacques Bellanger, Michel Esneu, Marcel Deneux, Pierre Laffitte, Gérard Le Cam, le rapporteur.
Adoption, par scrutin public, des conclusions du rapport de la commission.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

3. Stockage des déchets radioactifs. - Discussion d'une question orale avec débat (p. 5 ).
MM. le président, Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.
MM. Jean Arthuis, auteur de la question ; Marcel Bony, Louis Moinard, Ladislas Poniatowski.

Suspension et reprise de la séance (p. 6 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 7 ).
M. le président.

RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION (p. 8 )

MM. Michel Mercier, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CYCLISME ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE (p. 9 )

M. Michel Pelchat, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

BAISSE DU CHÔMAGE (p. 10 )

M. Claude Estier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES
ET BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (p. 11 )

MM. Jean Bizet, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

AVENIR DES RETRAITES AGRICOLES (p. 12 )

M. Aymeri de Montesquiou, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE (p. 13 )

Mme Hélène Luc, M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

REMBOURSEMENT DES AIDES VERSÉES
À L'INDUSTRIE TEXTILE (p. 14 )

MM. Jean-Pierre Bel, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE (p. 15 )

MM. Guy Vissac, Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.

CONDITIONS DE FINANCEMENT
DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE (p. 16 )

M. François Marc, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

PROJETS DU GOUVERNEMENT
POUR L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL (p. 17 )

MM. Alain Vasselle, Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

UTILISATION DES BIOCARBURANTS,
ET DE L'ÉTHANOL EN PARTICULIER (p. 18 )

MM. Jacques Machet, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

5. Stockage des déchets radioactifs. - Suite de la discussion d'une question orale avec débat (p. 20 ).
MM. Jean Bizet, Gérard Le Cam, Aymeri de Montesquiou, Michel Moreigne, André Dulait.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.
Clôture du débat.

6. Commission mixte paritaire (p. 21 ).

7. Effets sur les finances publiques de la politique de la fonction publique. - Discussion d'une question orale avec débat (p. 22 ).
MM. Alain Lambert, auteur de la question ; Jean-Pierre Schosteck, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
Clôture du débat.

8. Mise au point au sujet d'un vote (p. 23 ).
Mme Anne Heinis, M. le président.

9. Transmission d'un projet de loi (p. 24 ).

10. Dépôt d'une proposition de loi (p. 25 ).

11. Transmission d'une proposition de loi (p. 26 ).

12. Renvoi pour avis (p. 27 ).

13. Dépôt d'avis (p. 28 ).

14. Ordre du jour (p. 29 ).




COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LUTTE CONTRE L'EFFET DE SERRE

Adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 293, 1999-2000) de M. Paul Vergès, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 159, 1999-2000), de M. Paul Vergès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Yvon Collin, Jean Delaneau, Jean-Paul Delevoye, Rodolphe Désiré, Michel Duffour, Guy Fischer, Gaston Flosse, Thierry Foucaud, Marcel Henry, Dominique Larifla, Robert Laufoaulu, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Serge Lepeltier, Claude Lise, Mmes Hélène Luc, Lucette Michaux-Chevry, MM. Lucien Neuwirth, Georges Othily, Lylian Payet, Jean-PierreRaffarin, Jack Ralite, Ivan Renar, Victor Reux et Mme Odette Terrade, tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Vergès, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit ce matin concerne l'effet de serre et la prévention des changements climatiques. Elle est cosignée par un certain nombre de nos collèges - certains de la métropole, d'autres des départements et territoires d'outre-mer - appartenant aux différents groupes de la majorité sénatoriale. Je tiens ici à les remercier tous très sincèrement.
De quoi s'agit-il ? Le texte qui vous est soumis tend à créer un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
Avant d'aborder précisément les dispositions de la proposition de loi, je dirai quelques mots du contexte dans lequel elle s'inscrit.
La nécessité de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et les conséquences du réchauffement climatique fait aujourd'hui l'objet d'un consensus international.
Je vous rappelle que l'effet de serre est, à l'origine, un phénomène naturel essentiel à la régulation de la température. Seule son amplification, liée au développement économique, constitue une menace pour l'environnement. L'intensification des émissions de gaz à effet de serre conduit, en effet, à un réchauffement climatique dont les conséquences devraient, à terme, être considérables.
Les changements climatiques seront sans doute l'un des problèmes structurels auquel le monde sera confronté dans les décennies à venir. C'est donc tout à l'honneur du Sénat que de s'extraire de la dictature de l'urgence pour aborder les enjeux de demain. Les exigences de l'immédiat nous font, en effet, trop souvent oublier les courants de fond qui façonneront l'avenir. Je pense notamment, à cet égard, à la démographie : comment oublier que les pays développés ne représenteront, en 2015, que 15 % de la population mondiale ?
Quoi qu'il en soit, d'après les dernières études internationales, fruit de la réflexion de plus de 2 000 chercheurs et experts, la température moyenne à la surface de la terre pourrait s'accroître de 2 à 3,5 degrés d'ici au siècle prochain. Cela représente une élévation du niveau de la mer d'environ 50 à 95 centimètres.
Cinquante centimètres par siècle, cela peut paraître peu. Pourtant les conséquences de cette augmentaion sur le climat risquent d'être déterminantes.
En France, l'élévation du niveau de la mer provoquerait l'inondation permanente des espaces côtiers aujourd'hui à peine émergés. La Camargue, les lagunes du Languedoc seraient touchées. Dans les départements et territoires d'outre-mer, la hausse de la température des eaux marines pourrait détruire une grande partie de la barrière corallienne et accroître la fréquence et l'amplitude des cyclones.
A l'échelle mondiale, ce sont bien sûr les pays les moins développés et les écosystèmes les plus vulnérables qui seront les premières victimes du changement climatique.
Il faut savoir que, dans les Caraïbes, le Pacifique et l'océan Indien, de nombreux petits Etats-îles envisagent très sérieusement la perspective de leur disparition. Certains Etats, tel l'Etat des îles Tuvalu, sont allés jusqu'à négocier des concessions avec la Nouvelle-Zélande au cas où il faudrait déplacer l'ensemble de leur population.
Devant l'ampleur de la menace, comme le souligne l'excellent rapport de notre collègue Serge Lepeltier sur l'effet de serre, le principe de précaution nous invite dès maintenant à mobiliser la communauté internationale pour engager une politique volontariste de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
De ce point de vue, la France - il faut le reconnaître - a joué un rôle très actif pour la mise en place d'engagements internationaux. Du sommet de La Haye, en mars 1989, au sommet de Kyoto, en décembre 1997, en passant par le sommet fondateur de Rio de Janeiro, en juin 1992, la France a été parmi les premiers pays à militer pour des engagements fermes de limitation des émissions à effet de serre.
Ce rôle pionnier mais aussi et surtout un sentiment de responsabilité à l'égard des générations futures nous imposent de tenir nos engagements.
Comme l'a souligné M. le Premier ministre, lors d'un récent colloque européen sur l'aménagement et le développement durable du territoire, « notre environnement n'est pas une marchandise, un simple stock de matières premières dans lequel on pourrait puiser sans se soucier des générations futures ».
Il n'est pas, mes chers collègues, de développement durable sans volontarisme.
Je vous rappelle que, pour la France, le protocole de Kyoto se traduit par l'obligation de ne pas dépasser, en moyenne, sur les cinq années 2008-2012, le niveau d'émissions de gaz à effet de serre qu'elle avait atteint en 1990. C'est, de l'aveu même du Premier ministre, un défi considérable. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui ont conduit le Gouvernement à adopter, le 24 janvier dernier, un nouveau programme d'actions contre le risque de changement climatique pour la période 2000-2010. On peut discuter pour savoir si ce plan est ou non suffisamment volontariste. Cela dépendra beaucoup des négociations communautaires. Je ne m'y étendrai pas.
Comme vous le savez, à la fin de l'année, la conférence de La Haye déterminera l'essentiel des conditions d'application du protocole de Kyoto. La France, qui présidera alors l'Union européenne, aura l'occasion d'imprimer sa marque. Elle doit, pour ce faire, montrer l'exemple. Je sais, madame la ministre, que vous ferez votre possible pour qu'il en soit ainsi.
Poursuivre une politique volontariste de lutte contre l'effet de serre suppose, mes chers collègues, de pouvoir se fonder sur une connaissance approfondie des émissions de gaz à effet de serre et de leurs conséquences sur le réchauffement climatique.
Cette connaissance suppose un inventaire systématique des émissions de gaz à effet de serre, une analyse des déterminants de ces émissions, un suivi des mesures adoptées pour les limiter, un suivi de l'évolution des changements climatiques et, enfin, une analyse de leurs conséquences.
La France dispose, pour recueillir l'ensemble de ces données, d'une capacité importante de recherche. Nous disposons, en effet, de plusieurs laboratoires de recherche qui consacrent une partie de leur activité à ces questions. Il y a bien sûr Météo-France, le Centre national d'études spatiales (CNES), le Centre national de la recherche scientifique le CNRS, ou le Commissariat à l'énergie atomique le CEA. Pour les conséquences des changements climatiques, un nombre important d'instituts - certains liés au CNRS, d'autres à Météo-France, à l'Institut national de la recherche agronomique, etc. - interviennent également. Les conséquences des changements climatiques concernent, en effet, aussi bien les infrastructures que l'agriculture ou la santé. Quant au suivi administratif des mesures de lutte contre l'intensification de l'effet de serre, il est enfin assuré, comme vous le savez, par la mission interministérielle de l'effet de serre.
Ici même, au sein de cette assemblée, l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a chargé notre collège Marcel Deneux d'une étude sur ce sujet.
J'ai la conviction que cette capacité de recherche doit être aujourd'hui renforcée et mieux coordonnée. Pour de nombreux observateurs, un des principaux enjeux est aujourd'hui d'asseoir la crédibilité des politiques de lutte contre l'effet de serre.
Comme le souligne le rapport de notre collègue Lepeltier, l'information des citoyens est un préalable nécessaire à la mise en oeuvre de choix collectifs et privés contraignants. Cela suppose d'accroître la diffusion de l'information, cela exige également de lever le maximum d'incertitudes scientifiques.
C'est d'abord pour cela qu'un renforcement de nos capacités de recherche est nécessaire. La multiplicité des intervenants ne doit pas faire illusion, l'effet de serre est pour beaucoup de laboratoires une activité accessoire et l'absence de coordination des travaux un frein à la complémentarité des efforts de recherche entrepris.
Une augmentation des moyens et une amélioration de la coordination de la recherche scientifique française dans ce domaine sont donc souhaitables. Elles permettraient, de plus, à la France de mieux faire valoir ses positions dans les négociations internationales. Les Américains, qui y ont consacré des moyens considérables, ont compris depuis longtemps combien l'approfondissement des connaissances dans ce domaine pourrait servir leurs intérêts.
Le renforcement de nos capacités de recherche permettrait également d'intensifier notre politique de coopération en faveur des pays en voie de développement.
Comme vous le savez, ces pays seront demain les premières victimes et les premiers responsables des émissions de gaz à effet de serre et des changements climatiques.
Or leur niveau d'expertise sur le sujet est aujourd'hui extrêmement faible. Il sont plus que jamais demandeurs de notre aide dans ce domaine. Il est de notre intérêt de coopérer car, sans cette aide, ils n'auront pas les moyens de s'engager dans des modes de développement plus respectueux de l'environnement et plus adaptés aux changements climatiques.
Au moment où je vous parle, l'un des plus graves cyclones du siècle s'est abattu sur Madagascar, y a provoqué un véritable désastre, et se dirige vers le Mozambique. Sans nul doute ces pays seront-ils intéressés par une expertise sur les mesures de prévention et d'adaptation susceptibles de réduire l'impact des cyclones !
C'est dans ce contexte que la présente proposition de loi tend, tout d'abord, à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale.
C'est évidemment là une mesure symbolique, mais l'expérience nous a montré que la définition d'une priorité pouvait, à terme, avoir des conséquences pratiques.
Le G8 considère les changements climatiques comme la plus grande menace pour le développement durable du monde. Il me semble que cette menace doit également figurer parmi les priorités des politiques publiques.
Quant à cet observatoire, il répond tout d'abord à la nécessité de développer notre capacité à prévenir les impacts des changements climatiques et des phénomènes extrêmes comme les cyclones et les tempêtes. Il s'agit, à terme, de réduire la vulnérabilité de nos territoires et de permettre la mise en place de mesures de prévention et d'adaptation aux changements climatiques. Comme le souligne la mission interministérielle sur l'effet de serre, c'est un domaine où la France gagnerait à assurer une présence scientifique comparable à celle des grands pays développés.
Cet observatoire répond également au besoin de recueillir, de consolider et de diffuser des informations actuellement disséminées dans les différents centres de recherche. Il s'agit aussi bien de collecter des données grâce à la constitution d'études scientifiques que de centraliser les études et travaux déjà effectués par les établissements et instituts de recherche nationaux.
Dans notre esprit, cette nouvelle structure devrait permettre de diffuser des informations auprès de la communauté scientifique, de sensibiliser le public sur les enjeux liés aux changements climatiques et, enfin, d'informer les collectivités territoriales sur les mesures de prévention et d'adaptation susceptibles d'atténuer les conséquences des changements climatiques.
Cet observatoire pourrait également être l'instrument d'une meilleure coordination des scientifiques français qui participent aux différentes instances internationales concernées par les enjeux climatiques. Il dotera également la France d'un outil de coopération avec les pays du Sud et, en particulier, avec les Etats insulaires, qui sont particulièrement vulnérables aux conséquences du réchauffement climatique.
Par rapport à la proposition de loi initialement déposée, la commission des affaires économiques vous propose de recentrer les missions de l'observatoire sur la collecte et la diffusion des informations et de ne plus faire référence à une mission de recommandation aux pouvoirs publics. Il y avait, dans ce pouvoir de recommandation, un risque de chevauchement avec les recommandations de la mission interministérielle sur l'effet de serre.
D'une façon générale, il nous a paru important que cet observatoire soit non pas une structure de plus, mais un centre où convergent les analyses de l'ensemble des laboratoires de recherche qui travaillent dans ce domaine.
C'est pourquoi j'ai souhaité écouter les scientifiques et les responsables administratifs qui participent à ces travaux pour connaître leurs besoins. Je me félicite qu'ils accueillent très favorablement cette initiative.
La commission vous propose, à cet égard, d'indiquer dans la rédaction de la proposition de loi que l'observatoire exerce ses missions en liaison avec les établissements et instituts de recherche concernés et avec le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC.
Il nous est apparu également utile de confier à l'observatoire une mission de sensibilisation du public et d'information des collectivités territoriales. L'expérience douloureuse de la tempête qui s'est abattue en France l'hiver dernier a montré que les élus locaux avaient besoin, dans ce domaine, d'informations.
Cet observatoire sera, pour tous les responsables locaux, un interlocuteur susceptible de les éclairer. L'observatoire pourra notamment les informer sur les mesures de prévention et d'adaptation de nature à limiter l'impact du réchauffement climatique et des phénomènes climatiques extrêmes.
Il m'a paru également important que l'observatoire puisse formuler dans son rapport annuel des recommandations en matière de prévention.
La commission n'a pas souhaité déterminer dans la loi la composition et les règles de fonctionnement de cet observatoire, qui non seulement relèvent du domaine réglementaire mais devraient, je crois, faire l'objet d'une négociation entre les différents centres de recherche concernés.
De ce point de vue, la formule du groupement d'intérêt public, le GIP, me paraît la plus adaptée, car elle permettrait à l'observatoire d'avoir une réelle autonomie de gestion tout en associant des partenaires publics et privés.
Comme vous le voyez, il s'agit d'une proposition de loi aux ambitions apparemment modestes, face à un enjeu qui est par nature planétaire. Je crois néanmoins que cet observatoire pourra contribuer à la lisibilité, à la crédibilité et à l'efficacité des politiques publiques liées aux changements climatiques.
Avec l'effet de serre, la notion de responsabilité à l'égard des générations futures me semble prendre tout son sens : nous travaillons ici essentiellement pour les petits-enfants de nos enfants.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Paul Vergès, rapporteur. Mais n'oublions pas, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que, si nous attendons leur avènement pour agir, il sera sans doute trop tard. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, mois après mois, l'alerte donnée par la communauté scientifique mondiale et les écologistes sur le risque d'un changement climatique se confirme. La température du globe a augmenté sans doute de plus d'un demi-degré au cours du xxe siècle. Les précipitations s'accroissent, particulièrement aux latitudes moyennes et élevées. La superficie et l'épaisseur des glaces des pôles diminuent. Les glaciers alpins et continentaux régressent.
Les scientifiques estiment également que le changement de climat se traduira par une augmentation de la fréquence et de l'intensité des aléas climatiques. S'il n'est pas possible d'attribuer avec certitude la double tempête qui a frappé la France en décembre dernier au changement de climat, celle-ci montre la vulnérabilité de notre pays à des évolutions climatiques extrêmes.
Autant que d'un réchauffement global de quelques degrés, nous devons nous préoccuper des conséquences que l'effet de serre pourrait avoir sur le bouleversement des climats. Le principe de précaution doit nous conduire à agir pour en réduire le risque et pour anticiper ses conséquences.
Consciente de ces enjeux, la France a joué un rôle de premier plan dans la négociation internationale sur les climats depuis la conférence de La Haye, qu'elle a co-organisée en 1989.
La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été négociée sous l'égide d'un Français, Jean Ripert. J'ai, pour ma part, fait de la lutte contre l'effet de serre une des priorités de mon action au ministère de l'environnement et je suis fière d'avoir présidé la délégation française à Kyoto, en décembre 1997, lors de la conférence qui a permis d'aboutir à un accord sur un protocole complétant la convention cadre et fixant pour la première fois des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés.
Son adoption, malgré les fortes réticences de certains de nos partenaires de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui ne souhaitaient pas s'engager sur des réductions réelles de leurs émissions, a été rendue possible par la solidarité dont les pays de l'Union européenne ont fait preuve pendant plus de deux ans de négociations.
La Communauté européenne et ses Etats membres ont en effet choisi de souscrire un engagement commun de réduction de leurs émissions de 8 % entre 1990 et 2010. Ils se sont réparti les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en juin 1998, au sein de ce que l'on a appelé la « bulle européenne ».
Du fait de l'intégration croissante des politiques économiques et environnementales des pays de l'Union européenne, le respect de cet engagement commun demandera, outre la mise en oeuvre de mesures nationales de réduction des émissions, une harmonisation au niveau communautaire des actions engagées.
L'objectif global de réduction des émissions des pays industrialisés, de 5,2 % entre 1990 et 2010, peut paraître modeste face aux enjeux du changement de climat. Assurer sans délai la mise en oeuvre des engagements que les pays industrialisés ont pris à Kyoto en décembre 1997 constitue cependant la première étape d'un effort qui devra se poursuivre tout au long du xxie siècle. Les pays développés doivent, en effet, s'orienter vers la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre et cesser d'offrir aux pays du Sud le modèle d'un développement reposant sur une consommation d'énergie toujours plus importante.
Au niveau national, le protocole de Kyoto nous a fixé comme objectif de ramener nos émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990 en 2010. Sans efforts de réduction, nos émissions, qui s'élevaient à 144 millions de tonnes d'équivalent carbone en 1990 et qui ont été stables sur la période 1990-2000, dans un contexte de recul économique pendant la première partie de la période, croîtraient de 31 millions de tonnes entre aujourd'hui et 2010. L'effort que nous aurons à accomplir est donc loin d'être négligeable, puisqu'il devra conduire à réduire nos émissions de près de 20 %.
Afin d'engager dès maintenant les efforts qui nous permettront de respecter nos engagements, j'ai souhaité que le Gouvernement adopte un nouveau programme national de lutte contre le changement climatique. Les mesures identifiées par ce programme, adopté en janvier dernier, ont donc pour objet de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 31 millions de tonnes d'équivalent carbonne par an jusqu'en 2010.
Prise individuellement, chacune de ces mesures réglementaires, fiscales, incitatives, de formation ou d'information, peut paraître de peu de portée ; prises dans leur ensemble, ces mesures constituent un ensemble cohérent devant nous permettre d'atteindre l'objectif de Kyoto.
Ce plan est à la fois un relevé de décisions de mesures immédiatement applicables, mais aussi un programme de travail pour le Gouvernement.
Les mesures immédiatement applicables concernent tous les domaines : le logement, l'industrie, l'agriculture, les transports et, heureusement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas le seul objectif. Ainsi, dans le logement, nous souhaitons non seulement réduire les émissions, mais aussi contribuer à l'augmentation du confort des usagers par l'isolation, par la lutte contre le bruit, et diminuer leurs factures, notamment dans le logement social.
On le voit bien, la mobilisation générale du Gouvernement dans tous les domaines permet donc, par des mesures qui sont positives pour le climat mais aussi dans d'autres domaines, de s'assurer d'un réel engagement de sa part.
Nous avons également mis en place un programme de travail et j'attacherai une importance particulière à sa mise en oeuvre effective et à la préparation des mesures complémentaires, qui supposent des négociations avec la Commission européenne, avec tel ou tel secteur économique et avec les ministères concernés. Cette stratégie conduit - je le rappelle - à ne pas faire de l'effet de serre le problème de la seule ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mais la préoccupation partagée de l'ensemble des membres du Gouvernement.
J'en veux pour preuve deux exemples : les contrats de plan ont marqué une réorientation des choix en matière de transports vers les transports collectifs dans les grandes améliorations et vers les transports à longue distance des marchandises par le rail, même si nous sommes encore loin de l'équilibre souhaité. Nous négocions toutefois avec les régions, et un certain nombre d'entre elles ont élaboré des projets routiers. Par ailleurs, s'agissant des schémas de services collectifs, le journal Libération relate aujourd'hui - et d'une façon qui ne peut pas être considérée comme exagérée - les difficultés qui résultent de la distance qui persiste parfois entre les engagements des ministres et les réticences d'administrations chargées de les « mettre en musique ».
Ces réticences sont d'abord culturelles : il est difficile de passer d'une civilisation de la route à une civilisation du rail en matière de transport, par exemple.
Sur plusieurs sujets, le Gouvernement a décidé d'anticiper des décisions communautaires. C'est le cas, notamment, de l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises, que le Gouvernement souhaite mettre en place dès l'année prochaine, sans attendre l'aboutissement des négociations communautaires.
La France présidera le Conseil de l'Union européenne à partir de juillet. La lutte contre l'effet de serre sera l'une des grandes priorités de cette présidence en matière d'environnement.
Il s'agira, d'abord, de se donner les moyens, au niveau communautaire, d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 1990 et 2010 que nous a fixé le protocole de Kyoto.
J'ai écrit, en février dernier, à la commissaire en charge de l'environnement pour lui demander d'élaborer une véritable stratégie communautaire visant à permettre à l'Union de respecter ses engagements et qui devrait être soumise rapidement au Conseil. Je souhaite en effet saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union pour avancer sur ces questions.
De manière plus générale, il me semble indispensable que les pays industrialisés mettent en oeuvre rapidement les mesures qui leur permettront de respecter leurs engagements. J'évoquerai ce sujet lors de la réunion du G 8 « environnement », qui aura lieu ce week-end au Japon et qui traitera essentiellement de la lutte contre l'effet de serre. La semaine prochaine, je présiderai avec mon collègue danois un atelier international sur les politiques et mesures de lutte contre l'effet de serre. Ce sera une étape importante pour définir quelles sont les meilleures politiques - ou « meilleures pratiques » - et les conditions de leur succès. Nos opinions publiques attendent nos actes dans la lutte contre l'effet de serre. Elles souhaitent que l'élan de Kyoto s'affirme d'abord à travers les politiques et mesures que nous mettons en place.
A défaut, la difficile avancée des négociations internationales, les délais que certains pays semblent vouloir mettre pour ratifier le protocole, laissent craindre que le souffle de Kyoto ne retombe.
C'est ce qui pourrait se passer si chaque pays s'accoutumait à l'idée qu'il ne respectera pas la totalité de ses engagements faute d'actions nationales suffisantes et comptait sur les difficultés rencontrées par les autres pays pour justifier ses propres manquements. Les effets d'une telle attitude seraient dramatiques : perte de confiance des opinions publiques, affaiblissement de la crédibilité des organisations internationales, mais aussi poursuite d'un processus de dégradation du climat dont chaque conférence internationale nous rappelle l'acuité. Ces conférences sont en général ouvertes par des représentants des petits Etats insulaires, qui nous disent avec beaucoup d'émotion que, si ce débat reste, pour nous, un débat sur le moment où il va falloir commencer à opérer des changements de nos habitudes et de nos comportements, il s'agit, pour eux, d'une question vitale, à tous les sens du terme.
C'est pourquoi il me semble essentiel que notre pays donne l'exemple, à la veille d'assurer la présidence de l'Union, en mettant en place les mesures nécessaires pour respecter ses engagements et en oeuvrant pour l'entrée en vigueur rapide du protocole de Kyoto.
La conférence de La Haye, qui aura lieu en novembre 2000 sous présidence française de l'Union européenne, sera une étape décisive pour rendre le protocole de Kyoto pleinement applicable. Mon objectif est que ses résultats permettent à un nombre suffisant de pays de ratifier ce protocole pour assurer son entrée en vigueur avant 2002, c'est-à-dire avant le dixième anniversaire de la conférence de Rio. La France est le premier pays de l'Union européenne qui ait véritablement engagé la procédure de ratification du protocole de Kyoto, puisque l'Assemblée nationale a approuvé hier le projet de loi que je lui ai présenté au nom du Gouvernement. Vous aurez sans doute à le faire bientôt au Sénat.
Je défendrai trois grandes priorités à La Haye.
D'abord, il convient de mettre en place un dispositif crédible de respect des obligations pour vérifier le caractère effectif et durable des réductions d'émissions et d'instituer un système complet d'incitations et de sanctions qui assurera le respect des engagements de Kyoto. L'enjeu n'est pas mince, car il s'agit de mettre en place, dans le cadre du système des Nations unies, des institutions ne reposant pas seulement sur le bon vouloir des uns et des autres.
Ensuite, il faut s'assurer que les objectifs de réduction des émissions seront principalement atteints par des mesures mises en oeuvre sur le territoire de chaque pays partie au protocole. C'est notre ambition au niveau national, puisque le programme national est calibré pour que nous puissions respecter nos engagements sans recourir à l'achat de droits d'émissions auprès d'autres parties. Cela suppose que les mécanismes prévus au protocole de Kyoto soient strictement encadrés et régulés. S'ils ne l'étaient pas, ces mécanismes pourraient avoir les pires conséquences en constituant des échappatoires faciles pour les pays peu soucieux d'engager, chez eux, les efforts nécessaires de réduction de leurs émissions.
Il s'agit, enfin, de développer une véritable politique de coopération avec les pays en développement, l'histoire nous ayant appris que des investissements ponctuels ne suffisent pas à entraîner le décollage de ces pays. A cet égard, j'ai apprécié, monsieur le rapporteur, votre insistance à plaider en faveur d'un renforcement de notre coopération avec les petits pays du Sud. J'y reviendrai, tout à l'heure, concernant la collecte et la diffusion de données, qui constituent un des premiers enjeux de la mise en place de l'observatoire.
Je veux également insister sur la nécessité de faciliter les transferts de technologie, qui permettront à un pays d'adopter des politiques de maîtrise de l'énergie pour participer à l'effort global de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de ne pas reproduire les erreurs que nous avons commises nous-mêmes au même stade de développement ; je crois que c'est un enjeu tout à fait majeur.
Il est important, dans ce contexte, que nous nous organisions mieux, à l'échelon national, pour lutter contre le réchauffement climatique et ses impacts.
La proposition de loi que vous venez de nous présenter, monsieur le rapporteur, tend à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale. Je ne peux, bien sûr, que m'en féliciter.
Vous avez souligné que le Gouvernement a déjà considérablement renforcé la mission interministérielle de l'effet de serre. Celle-ci doit jouer un rôle essentiel pour la préparation et le suivi de la mise en oeuvre des mesures de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et pour la préparation des positions que nous défendons dans la négociation internationale.
Mais, quels que soient les efforts de réduction des émissions que nous effectuerons, la France n'échappera pas à des variations du climat et à leurs conséquences, qui affecteront tous les secteurs de la société. La montée des niveaux des mers concernera toutes les zones côtières de la métropole ainsi, bien sûr, que les départements et territoires d'outre-mer, notamment ceux des Caraïbes, du Pacifique et de l'océan Indien. Ces départements et territoires d'outre-mer sont, au même titre que les petits Etats insulaires regroupés au sein de l'Alliance des petits Etats insulaires, l'AOSIS, particulièrement exposés aux risques du changement de climat.
L'observatoire national que vous proposez de créer, monsieur le rapporteur, aurait ainsi pour mission l'approfondissement de l'étude des conséquences du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer, en vue, notamment, d'offrir aux élus locaux et aux collectivités les moyens d'élaborer d'une véritable politique de prévention face à ces risques nouveaux.
Sa création permettrait d'améliorer notre organisation interne, notamment en matière de recherche sur les impacts du changement de climat et d'information sur les risques liés à ce changement.
La création de cet observatoire répondrait, en effet, tout d'abord à la nécessité de développer notre capacité à mieux connaître les impacts des changements climatiques et des phénomènes climatiques extrêmes, et ainsi de réduire notre vulnérabilité à ces phénomènes. Je suis convaincue qu'elle serait très utile, car l'analyse de l'évolution des phénomènes climatiques et de leur impact est, en effet, un des domaines où notre capacité de recherche devrait être renforcée.
Cette création répondrait également à un besoin de recueillir, de consolider et de diffuser des informations actuellement disséminées dans les différents centres de recherche. Le recueil de ces données permettrait de mener une politique plus active d'information et de sensibilisation du public sur les enjeux liés aux changements climatiques.
Je rejoins, monsieur le rapporteur, votre souci que cet observatoire ne soit pas une structure de plus mais qu'il travaille avec les établissements existants. Vous en avez cité certains. A y regarder de près, on se rend compte que nombreux sont les organismes où des chercheurs travaillent sur le climat. Je pense, par exemple, au CEA, où un groupe de travail s'est mis en place de façon quelque peu inattendue, l'administrateur du CEA, que j'ai rencontré il y a quelques jours, ayant pratiquement découvert, à cette occasion, l'ampleur des travaux menés sur ce sujet dans son établissement.
Je crois donc utile de travailler avec les établissements existants, avec la mission interministérielle de l'effet de serre, bien sûr, avec le GIEC, que vous avez cité, et qui n'est pas pour rien dans la prise de conscience internationale de l'ampleur et de la réalité du phénomène, qui étaient encore contestées, il y a quelques années, dans les instances politiques - plus que dans les instances techniques, je dois le dire - et qui ne le sont plus du tout aujourd'hui.
Enfin, vous l'avez dit - et, là encore, je partage votre analyse -, la mise en place de l'observatoire permettra de renforcer la capacité de notre pays à s'engager dans des politiques de coopération avec les pays du Sud.
Vous ne l'avez pas évoqué, mais je pense que c'était clair dans votre esprit d'après ce que je sais de votre engagement, il convient que cette politique de coopération en matière de climat, notamment par la mobilisation du mécanisme de développement propre, ne se fasse pas au détriment des crédits actuellement mobilisés par l'aide au développement, qu'elle vienne en sus, pour permettre d'accompagner les efforts de ces pays. Ainsi, notre coopération sera renforcée avec les petits Etats insulaires regroupés au sein de l'AOSIS.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à la proposition de loi soumise à votre approbation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Paul Vergès relative à l'effet de serre, que nous examinons aujourd'hui, est courte, simple et claire.
Ce texte est important, bien sûr, par les dispositions qu'il contient, mais surtout par le débat qu'il ouvre, débat que vous avez bien entamé, madame la ministre, et que M. le rapporteur évoque notamment dans son exposé des motifs.
Il vient compléter d'autres travaux parlementaires auxquels le Sénat a largement contribué et qui témoignent de la grande attention que nous portons à cette question. J'en veux pour preuve l'excellent rapport de notre collègue Serge Lepeltier sur l'effet de serre et les réflexions actuellement menées par l'office parlementaire des choix technologiques et scientifiques sous l'égide de notre collègue Marcel Deneux. Peut-être aurait-il d'ailleurs été plus judicieux d'attendre la remise de son rapport, prévue pour la fin de l'année, avant d'examiner la présente proposition de loi.
Mais ce texte ne doit pas occulter le reste. Il ne faudrait pas que l'observatoire que nous souhaitons créer aujourd'hui soit un simple gadget qui nous donne bonne conscience et qui dispense la France de tenir les engagements pris devant la communauté internationale à Rio de Janeiro et à Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Je rappelle que la lutte contre l'effet de serre est un enjeu majeur, qui appelle la mobilisation de tous, à commencer, bien sûr, par le Gouvernement.
Permettez-moi de rappeler les deux mesures contenues dans la proposition de loi que nous discutons.
Il s'agit, d'abord, de faire de la lutte contre l'effet de serre et de la prévention des risques liés au réchauffement climatique une référence nationale. Nous ne pouvons qu'approuver un tel objectif. Certes, d'aucuns pourront regretter qu'il s'apparente à une déclaration d'intention et que sa contrainte jurdique, pour le moment, reste faible.
La deuxième disposition envisagée est plus concrète : la création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et, bien sûr, dans les DOM-TOM. Cet observatoire aura pour mission d'approfondir la connaissance des risques liés au réchauffement climatique, d'élaborer des recommandations et de présenter un rapport d'information annuel.
A ce titre, je formulerai deux souhaits : le premier, c'est que ce rapport soit rendu public et communiqué à la représentation nationale ; l'observatoire participera ainsi pleinement à l'information de nos concitoyens. Le second, c'est que l'observatoire ait également un rôle fédérateur et travaille en coopération avec les organismes nationaux et internationaux qui s'intéressent déjà à la question - ils sont nombreux, vous venez de le dire, madame la ministre - de façon à faire oeuvre utile pour la Communauté internationale. Je pense notamment au CNRS - vous avez cité le CEA - aux chercheurs des pays étrangers, à l'Organisation météorologique mondiale et, bien entendu, au Groupe intergouvernemental d'évaluation du climat, le GIEC, créé dans le cadre des Nations unies.
Au-delà de ces dispositions immédiates, ce qui me semble important, c'est de pouvoir les mettre en perspective afin d'ouvrir le débat, dresser un état des lieux, suggérer des améliorations aux moyens mis en place pour lutter contre l'effet de serre.
A cette occasion, nous nous rendons compte que votre gouvernement, madame la ministre, ne peut pas, pour le moment - je ne voudrais pas faire de procès d'intention - se targuer d'un bilan très glorieux, malgré l'annonce, avec un effet médiatique assez réussi, des cent mesures du plan Jospin. J'y reviendrai.
Si le phénomène naturel de l'« effet de serre » a été découvert il y a plus d'un siècle par un savant suédois, cela ne fait qu'une douzaine d'années que la communauté scientifique mondiale s'est vraiment alarmée des conséquences possibles d'un excès de gaz carbonique et des risques de changements climatiques.
Face à cette situation, les analyses scientifiques sont complexes et n'apportent pas encore d'explication définitive. J'en veux pour preuve les interrogations du GIEC sur le rôle des forêts en tant que « puits à carbone » ou encore les conclusions de chercheurs britanniques sur les conséquences d'une augmentation du flux magnétique émis par le soleil.
Nous devons donc agir une fois encore en appliquant le principe de précaution, sachant que nous pouvons convenir que l'augmentation de CO2 doit non seulement être maîtrisée mais encore réduite.
Je citerai quelques chiffres pour situer l'enjeu.
Entre 1990 et 1996, les émissions de CO2 ont augmenté de 7 % au niveau mondial : de 9 % aux Etats-Unis mais de 11 % au Japon et, bien sûr, dans certains pays dont vous connaissez la situation les uns et les autres, de 33 % en Chine, de 44 % en Inde et de 32 % en Russie.
La France, avec une augmentation de CO2 dans la même période de 1,6 %, fait plutôt figure de bon élève, et d'ailleurs c'est une chose qui avait été présentée comme un bon point pour notre pays à Kyoto.
Les Etats-Unis émettent à eux seuls, il faut le savoir, le quart des gaz à effet de serre ; il faudra en tenir compte dans les discussions et les négociations qui nous attendent avec ce pays, et auxquelles vous avez fait allusion tout à l'heure, madame la ministre.
Enfin, dernier chiffre, les émissions de CO2 représentent 80 % des émissions de gaz à effet de serre dans l'Union européenne. Bien sûr, sur d'autres continents, ce n'est pas le même rapport.
Dans ces conditions, dès 1990, dans le premier rapport du GIEC, les experts estimaient qu'il fallait immédiatement réduire de 60 % les émissions de CO2 et de méthane.
A partir de ces analyses, la communauté internationale a commencé à se mobiliser : il s'en est suivi une série de conventions internationales, que vous avez évoquées, madame la ministre, et vous aussi, monsieur le rapporteur.
D'abord, au Sommet de la Terre, à Rio, en juin 1992, plus de 170 Etats, dont la totalité des Etats européens, ont signé la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. Elle visait la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre en 2000 au même niveau qu'en 1990.
Le résultat, nous le savons tous, a été décevant, car les moyens mis en oeuvre ne répondaient pas à cet ambitieux objectif. Il a donc été décidé au sommet suivant, le sommet de Kyoto, en décembre 1997, par les pays industrialisés de prolonger ces engagements pour la période 2008-2012 et de fixer un objectif de réduction des émissions, et non plus de simple stabilisation.
Les pays industrialisés se sont engagés à réduire de 5,2 % leurs émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Pour sa part, l'Union européenne s'engage à réduire ses émissions de 8 %, et la France, quant à elle, se fixe l'objectif de stabiliser ses émissions par rapport à 1990. Pourquoi seulement une stabilisation ? Tout simplement parce que la France est un meilleur élève que ses voisins, raison pour laquelle elle a moins d'efforts à faire.
Il avait également été dit, à cette époque, que les pays en développement, les PED, n'étaient pas tenus de réduire leurs émissions.
En contrepartie de ces différents objectifs, des mécanismes de flexibilité ont été adoptés, notamment la création d'un marché de « permis de polluer ». Je voudrais juste rappeler au passage que cela correspondait surtout à un souhait des Américains. Il y a simplement quelques semaines, la France et l'Union européenne se sont ralliées à ce marché de « permis de polluer », qui est à la fois une bonne chose du point de vue économique, mais une formule bien ambiguë sur le plan des principes.
En novembre 1998, la conférence de Buenos Aires devait préciser les outils permettant de décliner les objectifs du protocole de Kyoto. Elle s'est soldée par un échec dans la mesure où l'accord final ne comprenait pas d'engagements fermes ni, surtout, de calendrier de travail.
Les négociations ont repris récemment, en octobre 1999, à Bonn, et comme vous le disiez, madame la ministre, si la prochaine conférence internationale prévue à La Haye en fin d'année, ne sera pas l'ultime étape, car nous savons que tout cela prend du temps, du moins se tiendra-t-elle sous le présidence française de l'Union européenne. J'espère que nous en profiterons pour faire avancer ce débat difficile.
On le voit, la lutte contre l'effet de serre n'est pas évidente. Elle relève d'un long processus international de déclarations d'intention qui ne sont pas toujours assorties de mesures contraignantes. Ainsi le protocole de Kyoto est-il encore largement inapplicable. Il ne pourra entrer en vigueur que lorsque cinquante-cinq pays représentant 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre l'auront ratifié. L'enjeu est dur.
A cet égard, la procédure de ratification a été récemment engagée puisque l'Assemblée nationale a adopté votre texte hier, madame la ministre. C'est un signe encourageant qui ferait de la France un des premiers pays industrialisés à ratifier le protocole de Kyoto.
Je voudrais, après avoir dresser le tableau du contexte international, m'arrêter sur la position de la France et sur les mesures qui pourraient être prises.
C'est en début d'année que le Premier ministre a lancé un programme de lutte contre l'effet de serre, qui se décline en cent mesures.
Parler de programme est d'ailleurs bien ambitieux, car, à le lire, cela ressemble un peu à un catalogue « fourre-tout » dans la mesure où les moyens demeurent assez confus.
D'abord, avant même que ces mesures soient mises en place, vous déclariez, madame la ministre, le 19 janvier dernier, que ce programme serait amené à évoluer. Nous sommes curieux de savoir comment et en vertu de quels arbitrages au sein du Gouvernement.
Quoi qu'il advienne, permettez-moi de vous dire que si ces cent mesures vous donnent le sentiment d'agir, elles nous laissent perplexes et inquiets notamment du fait de certaines incohérences et ambiguïté.
Premièrement, ce programme augmente la fiscalité en étendant l'assiette de la TGAP, mais ne concerne pas le secteur des transports qui est pourtant à l'origine de près du quart de la pollution à effet de serre.
Ce choix ou, devrais-je dire, cette absence de choix est lourde de conséquences.
D'une part, l'augmentation de la TGAP et sa nouvelle version sous la forme de l'écotaxe représentera 12 milliards de francs au moins en 2001 : un tel prélèvement - je n'entends pas beaucoup de membres du Gouvernement le rappeler - pose la question de la compétivité de nos entreprises et du risque de délocalisation de certaines d'entre elles. Vous le savez très bien, cette écotaxe frappe certains secteurs - pas tous - notamment certains secteurs créateurs d'emplois malheureusement.
D'autre part, sans rouvrir ici le débat sur les 35 heures, je tiens à rappeler que la TGAP ne finance pas la politique de l'environnement mais une décision que je considère comme doctrinaire : celle d'imposer la réduction du temps de travail. C'est absurde !
Enfin, notre fiscalité sur les carburants est l'une des plus fortes d'Europe. Certes, nous savons tous ce qu'elle représente comme ressources pour le budget de l'Etat, mais je vous pose la question suivante : peut-on encore augmenter la fiscalité sur les carburants ?
En tout état de cause, madame la ministre, vous avez le devoir de défendre votre secteur de compétence. Vous devez exiger que la totalité de ces nouveaux prélèvements aillent à la lutte contre l'effet de serre et ne servent pas à payer d'autres dépenses.
La deuxième remarque sur les actions proposées par le Gouvernement, c'est qu'elles n'abordent pas la question d'un comportement individuel qui permettrait de réduire nos consommations d'énergie. Il est temps, par le biais notamment d'une communication et d'une information appropriées, de sensibiliser nos concitoyens - nous pouvons modifier nos habitudes sans réduire notre confort - car tous doivent participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Troisièmement, le plan proposé par le Gouvernement passe complètement sous silence l'encouragement à la recherche et, bien sûr, la recherche sur des technologies réduisant les émissions de gaz.
Quatrièmement, il est évident que des mesures de lutte contre l'effet de serre ne peuvent pas être engagées au seul niveau national.
Vous vous réjouissiez, voilà quelques instants, madame la ministre, de l'augmentation de la TGAP. Certes, elle procurera des ressources, mais elle frappera nos entreprises. Or il importe que nos entreprises ne se trouvent pas handicapées par rapport aux entreprises des pays voisins en Europe. Il est impératif à cet égard que nous profitions de la présidence française de l'Union pour faire en sorte que ces mesures soient engagées à égalité à l'échelon européen. Cela permettra d'éviter les distorsions de concurrence et, le cas échéant, de réduire les coûts.
A ce titre, la démarche de la Commission européenne est tout à fait pertinente : elle a récemment présenté un livre vert sur l'établissement d'un système d'échange de droits d'émissions ; ce livre vert doit être l'occasion d'un large débat jusqu'à l'automne.
Mes questions à ce sujet sont, dès lors, simples : quelle position la France va-t-elle défendre ? D'autant que j'ai cru comprendre qu'il existait, au sein du Gouvernement, des différences d'analyse sur le choix même du recours à l'échange des permis d'émission. Quelles initiatives seront prises lors de la présidence française de l'Union européenne ? En effet, le livre vert ne répond pas à toutes les questions. Par exemple, il ne dit pas comment la charge sera répartie entre les secteurs polluants, ni, surtout, comment les quotas seront alloués.
J'espère, madame la ministre, que vous défendrez la France, qui, je viens de vous le rappeler, est un bon élève en matière d'émission de gaz à effets polluants. La logique veut qu'en contrepartie nous soyons bien servis en matière de quotas.
En particulier, il me semble indispensable d'établir avec précision les règles d'organisation de cette bourse d'échange. A cet égard, il faut fixer un encadrement aux droits qui pourront être vendus ; cet encadrement peut se concevoir comme un plafond en volume ou comme une limite dans la durée. Il faut aussi se donner les compétences techniques en matière de mesures d'émission, de certification des installations et des moyens de contrôle efficaces pour que le système fonctionne vraiment et surtout pour qu'il ne se transforme pas en un droit à polluer plus. Je ne suis pas inquiet en ce qui concerne la France en l'occurrence, mais je suis inquiet s'agissant du comportement des pays voisins.
Je terminerai mon propos en rappelant que le débat énergétique ne se limite pas au seul critère de l'environnement mais qu'il relève d'une stratégie globale sur le long terme.
Ainsi, le dossier de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne peut être ouvert sans évoquer la question du nucléaire, principale industrie énergétique, avec l'hydraulique, qui ne dégage quasiment pas de CO2. Or, la France, grâce à son parc de centrales, est, avec la Suède, l'un des pays d'Europe qui produit le moins de CO2.
Il faut savoir que la production d'électricité est responsable dans le monde de 40 % des émissions de CO2 ; mais, en France, du fait de notre parc nucléaire et hydraulique, ce sont plus de 95 % de l'électricité qui sont produites sans émettre de CO2. Actuellement, la France présente le plus faible rejet de CO2 par kilowatt/heure produit : 78 grammes de CO2 par kilowatt/heure en France, contre 444 en moyenne pour l'ensemble des pays européens. A vous, madame la ministre, d'exiger des instances européennes qu'elles prennent en considération cet effort.
Dans le grand débat qui nous attend à propos du renouvellement de notre parc de centrales, nous devrons raisonner de manière globale, pour toutes les énergies propres ; nous devrons aussi prendre en compte les énergies renouvelables, énergies d'appoint qu'il faudra intégrer dans des projets économiques et secteur où la France a des progrès à faire si elle veut rattraper ses voisins.
Mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants apporte son soutien à la présente proposition de loi, mais il souhaite que s'engage enfin une véritable politique nationale de lutte contre l'effet de serre et les risques de réchauffement climatique. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je pense qu'il y a unanimité dans cet hémicycle pour considérer que l'effet de serre, comme l'a révélé le G 8, est un problème fondamental pour l'humanité.
Il y a plus de quinze ans, à Sophia-Antipolis, j'ai organisé, au sein de l'Ecole des mines de Paris, décentralisée pour partie là-bas, un colloque sur le changement de climat et le gaz carbonique atmosphérique. C'était le premier colloque au monde à réunir des décideurs de politique énergétique, y compris des politiques, et les scientifiques internationaux les plus compétents, ceux qui lançaient le programme « effet global de serre », notamment un certain nombre de nos collègues américains.
Les conclusions furent, bien entendu, parce que les scientifiques sont toujours prudents : « Nous ne pouvons pas l'affirmer, mais nous sommes absolument certains que, d'abord, l'augmentation de l'effet de serre est dû à un effet anthropique, c'est-à-dire au développement de l'utilisation des combustibles fossiles, ensuite que cet effet aura, à terme, sans que nous puissions dire quand, des conséquences catastrophiques. » Malheureusement, quand un scientifique dit : « Nous ne savons pas quand », automatiquement, les médias et les gouvernements lui répondent : « Quand vous saurez quelque chose de plus précis, vous reviendrez nous voir. »
L'échelle de temps, dont on pense qu'il s'agit d'une échelle de temps géologique, correspondant donc à des centaines de milliers d'années, n'intéresse, au fond, ni les décideurs, ni les politiques, ni les économistes, ni les industriels.
A partir du moment où l'on avoue ne pas savoir si l'échéance est à dix ans, ou à cent ans, la nature du problème change. Or, nous sommes dans cette situation à l'heure actuelle.
Il ne faut pas croire que les conséquences de l'effet de serre seront pour le xxiie siècle. Non ! le processus est déjà en marche. Les scientifiques savent aujourd'hui de façon certaine que l'augmentation des cyclones tropicaux est due à un changement de climat.
Il est tout à fait normal que le rapporteur de cette excellente initiative soit sénateur de la Réunion. Il est en effet certain que les premiers menacés par l'effet de serre sont les pays situés dans les zones tropicales.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Pierre Laffitte. Mais sont-ils les seuls ?
Quelle que soit leur importance, quel que soit l'intérêt que nous apportons aux petits Etats-îles, il y a beaucoup plus grave.
Ainsi, parmi les conséquences de l'aggravation de l'effet de serre, il faut noter, tout d'abord, l'augmentation de la température des mers, qui conduit à une élévation de leur niveau de 50 à 60 centimètres.
Mais il y a plus grave, il y a la fonte des glaciers, en particulier de l'inlandsis antarctique.
Il faut savoir que des pans entiers de glace se détachent et deviennent des icebergs. Cela a été le cas, l'an dernier, pour un morceau gros comme la Corse. Cela aussi contribue à une augmentation instantanée du niveau de la mer de quelques millimètres.
Nous savons également que, au-dessus de la mer de Ross, un morceau grand comme la France est en équilibre instable. Ce que nous ne savons pas, en revanche, c'est s'il va s'effondrer dans cinq ans, dans dix ans, ou dans cinquante ans. Mais, s'il s'effondre, cela conduira à une augmentation du niveau des mers de 5,5 mètres. Tous les ports mondiaux seront arrêtés, la plupart des aéroports mondiaux seront submergés. Ce sera une catastrophe globale, planétaire.
Un certain nombre de villes, voire de pays, y compris européens - je pense en particulier au Danemark et aux Pays-Bas - sont eux aussi directement concernés par ce scénario catastrophe, dont les scientifiques savent qu'il se produira, même s'ils ne savent pas quand.
Pour ce qui concerne des problèmes très importants, tels que la sécurité alimentaire, les scientifiques prennent des précautions. En matière d'effet de serre, en revanche, il n'est pas question du principe de précaution. Les conséquences économiques de ce phénomène sont pourtant fondamentales, considérables.
Les mesures à prendre visent l'ensemble des centrales d'électricité dans le monde, à l'exception des centrales nucléaires.
Il faudrait d'abord bannir toutes les centrales à lignite car ce sont les plus polluantes, notamment par leur radioactivité ; il faudrait bannir aussi toutes les centrales à charbon, toutes les centrales à pétrole et même les centrales à gaz.
Il faudrait bannir également la circulation automobile, sauf pour les véhicules électriques - mais on retombe alors sur le problème de la fabrication de l'électricité.
Il faudrait évidemment aussi mettre un terme à toutes les dépenses d'énergie extravagantes, notamment dans des pays tels que l'Ukraine ou la Russie, où elles sont de trois ou quatre fois supérieures à celles d'autres pays, en particulier de la France.
La France est la bonne élève dans cette affaire. Il convient toutefois qu'elle renforce la recherche, qu'elle a un peu laissé tomber, sur la biomasse, qui est une forme d'énergie solaire, sur l'utilisation du bois dans le bâtiment, qui est une forme de stockage de CO2, sur le photovoltaïque, sur toutes les formes d'énergies alternatives.
Il faut par ailleurs renforcer la recherche sur tout ce qui contribue aux économies d'énergie, y compris dans les transports, comme Mme la ministre l'a rappelé tout à l'heure.
Il faut renforcer la recherche sur la gestion à long terme des déchets nucléaires. Car, ne nous y trompons pas, l'avenir dépend en grande partie du développement de la sécurisation de la seule énergie dont nous pensons à l'heure actuelle qu'elle n'a pas d'effet sur le réchauffement de la planète. De plus, elle est stockable.
Il faudra également développer les recherches sur l'utilisation de l'électricité dans les transports. Pour le rail, c'est fait, et bien fait. Mais, pour les voitures personnelles, c'est beaucoup plus compliqué. Toutefois, des recherches sont en cours pour l'utilisation de l'hydrogène pour la propulsion des voitures, surtout en Allemagne, à Munich.
Il y a donc véritablement une stratégie à mettre en oeuvre, pour laquelle tant Mme la ministre que M. le rapporteur ont très clairement évoqué la nécessité de faire des recherches.
M. Poniatowsky a relevé, à très juste titre, que, pourtant, cela ne paraissait pas une prioriété actuelle. J'espère que le Gouvernement se rendra compte que c'est une nécessité à la fois pour que la France puisse développer les moyens scientifiques, qui sont de plus en plus importants dans la nouvelle économie, et attirer vers elle les cerveaux du monde entier qui s'intéressent à ce problème.
Comme nous sommes réputés être les bons élèves en la matière, nous pouvons très bien saisir l'occasion, avec la création de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, d'afficher d'emblée une volonté technique et scientifique qui nous aidera à être véritablement perçus par les scientifiques du monde entier comme les leaders indispensables et indiscutables. Nous pouvons l'être, nous devons l'être. C'est notre intérêt et nous pouvons y parvenir.
Je demande donc à Mme la ministre de profiter de la présidence française pour développer cet observatoire - auquel je suis favorable - en lui donnant au départ une dimension européenne.
Mme Hélène Luc. Cela, c'est très bien !
M. Pierre Laffitte. Dans quelques minutes, je vais faire une conférence de presse sur la politique européenne de recherche, thème sur lequel je viens de terminer un rapport pour le compte de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Vous voyez, madame la ministre, que le Parlement s'intéresse à des sujets d'avenir. J'en veux pour preuve également le rapport que M. Deneux va déposer, lui aussi, sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Mon propre rapport prévoit très clairement de faire financer par l'Europe les opérations initiées par un pays, à condition qu'elles aient une vocation mondiale. Nous l'avons fait pour le CERN et pour l'institut Léo-Langevin notamment. Nous pouvons le faire pour l'observatoire, qui sera un lieu de concentration des compétences mondiales en matière de réchauffement climatique.
Mon groupe votera, sous réserve de l'affirmation de la volonté d'européanisation, puis d'internationalisation de l'observatoire, l'excellente proposition de loi de notre collègue, M. Vergès. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. M. le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'indique dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi notre collègue Paul Vergès : « Il est peu d'autres exemples dans l'histoire du monde où la responsabilité n'a été aussi forte, dans les choix du présent, au regard de l'avenir de l'humanité et des générations futures. »
Il est peu d'autres exemples, peut-être, mais doit-on s'en réjouir ? Ces derniers se multiplient et le réchauffement de la planète, comme souvent les dossiers qui ont trait à l'environnement, appelle une responsabilité particulière, qui dépasse très largement le cadre national et dans laquelle notre pays doit prendre toute sa part, voire l'initiative, comme nous le propose notre collègue.
Ce dossier, qui se révèle à plus d'un titre complexe - les études sont encore relativement récentes, les conclusions des experts ne sont pas unanimes - est l'objet, depuis les moments clefs que furent le sommet de Rio et la conférence de Kyoto, d'une attention de plus en plus grande tant chez nos concitoyens que dans la classe politique elle-même.
En outre, l'ampleur des catastrophes naturelles de la dernière période ajoute encore à cette préoccupation.
Figurant au rang de ces questions qui appellent une responsabilité internationale - je serai même tenté de dire universelle - le réchauffement de la planète est l'exemple de ces questions qui justifient une autre manière de règlement politique, non plus à l'échelle de l'Etat, mais à l'échelle planétaire.
Comment ne pas voir en effet qu'en l'espèce d'autres relations au monde sont nécessaires.
Les rapports Nord-Sud, l'augmentation de la population mondiale, une nouvelle conception du développement, bref un nouveau mode de pensée de la modernité et, bien entendu, une autre définition des règles économiques en cours, à l'échelle mondiale, sont des éléments incontournables de la réflexion à conduire.
Faut-il y voir la venue du « village planétaire » qui bouleverse notre vision du monde dans son ensemble et qui nous impose une tout autre conception du « vivre en société », fondée sur d'autres paramètres que des critères économiques, qui paraissent ici, compte tenu des enjeux, bien déplacés ?
Nous le pensons, comme le pensent ceux qui ont pour souci la mise en place d'autres règles ou d'autres modèles pour l'organisation mondiale du commerce, pour la sécurité alimentaire ou encore pour les organismes génétiquement modifiés. La liste s'allonge, comme je l'indiquais à l'instant, de ces questions universelles auxquelles il faut nous confronter pour assurer le devenir de l'humanité tout entière !
La réduction des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique doit être l'affaire de chacune et de chacun des individus qui peuplent notre planète, nous en sommes convaincus.
Pour autant, nous savons - et, à ce titre, le sommet de Rio fut un moment important - qu'il convient de distinguer la réalité des pays développés de celle des pays en voie de développement : pour faire court, le souci environnemental est partagé dès lors que le développement lui-même est partagé. En elle-même, cette question est déjà bien vaste.
Saurons-nous répondre, avec modestie mais non sans solennité, à la question posée par le sommet de Rio et qui soulevait la question du développement durable : l'espèce humaine saura-t-elle durer ?
Sans sombrer dans une vision eschatologique universelle, la proposition de notre collègue Paul Vergès nous invite à cette réflexion.
Quel développement pour demain ?
Après le sommet de Rio, il nous faut, avec l'ensemble de la communauté des hommes, proposer, innover, rechercher.
Le sommet de Rio n'a pas fini d'appeler des réponses neuves, et il convient en premier lieu de redéfinir la notion même de développement.
A ce titre, les projections des émissions de CO2 varient considérablement selon les hypothèses de la croissance mondiale, donc selon le niveau de développement.
Ainsi, pour un taux de croissance annuel moyen de 3,3 %, les émissions de CO2 à l'horizon 2050 pourraient tourner autour de trente milliards de tonnes de carbone et atteindre neuf milliards de tonnes selon une hypothèse de croissance annuelle de 1,3 %.
Il va sans dire que le coût annuel des dommages liés au changement climatique pèserait très lourdement sur les économies des pays en voie de développement, même si ces indications sont à relativiser dans la mesure où de nombreuses incertitudes scientifiques pèsent encore.
Dans ce contexte, la proposition de notre collègue et ami Paul Vergès s'inscrit pleinement dans le cadre du principe de précaution tel que le suggère dans son rapport notre collègue Serge Lepeltier : « L'effet de serre est un dossier qui préoccupe notre Haute Assemblée. »
Au premier rang des priorités pour lutter contre l'effet de serre, notre pays doit disposer de connaissances suffisantes. A cet égard, si la création d'un observatoire national peut constituer un élément privilégié pour la mise en réseau des informations relatives au réchauffement, l'effort de notre pays en matière de recherche scientifique ne doit pas fléchir. La moindre croissance, ces dernières années, du budget de la recherche civile et du développement doit donc être inversée.
L'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique aura également pour mission d'informer l'ensemble non seulement de nos concitoyens, mais également des élus et au-delà, sur l'avancement de la recherche scientifique en matière de réchauffement climatique et sur les mesures propres à prévenir ce phénomène.
La solidarité de cet observatoire en direction des petits pays, des Etats-îles les plus exposés est un aspect particulièrement positif de cette proposition.
La sensibilisation à ces questions passe par une plus grande information de nos concitoyens qui, seule, permettra une responsabilisation de chacun.
Plus qu'aujourd'hui peut-être, le débat, l'enjeu démocratique est incontournable autour de questions dont la portée fondamentale pour le devenir des espèces ne doit pas nous échapper.
La proposition de loi que nous examinons fait l'objet d'une attention unanime des membres de notre Haute Assemblée et permettra, si elle est adoptée, de donner une place neuve dans ce défi universel qu'est le réchauffement de la planète et ses conséquences.
Les territoires et départements d'outre-mer constituent des pôles avancés de l'observation des phénomènes climatiques ; ils peuvent également, du fait de leur proximité géographique avec les pays en voie de développement, constituer un instrument d'appréhension particulièrement adapté à de nouvelles formes de coopération internationales.
En adoptant ce texte, nous mesurons l'importance du problème et donc les tâches qui nous attendent dans les contours de ce dossier aux dimensions internationales.
Nous souhaitons, pour notre part, que cette initiative soit la première d'une série qui associe le Parlement à des questions d'une portée aussi fondamentale.
Nous prendrons part, toutes les fois que l'occasion nous en sera donnée, à ces débats qui, bien qu'éloignés de la stricte actualité politique, n'en constituent pas moins une des missions fondamentales du politique aujourd'hui.
Il va sans dire que notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous apporter des éléments de réponse et formuler quelques remarques à la suite de vos interventions.
Je ne crois décidément pas qu'un discours d'autosatisfaction soit de mise à cette heure. La France a pu peut-être, par le passé, apparaître comme un bon élève. Mais il faut reconnaître qu'une certaine stagnation des émissions de gaz à effet de serre a pu aussi correspondre à des périodes de récession économique. La description d'une France bonne élève, d'une France exemplaire, à laquelle reviendrait le soin de diffuser de bonnes pratiques et de donner de bons conseils, n'est donc pas vraiment à la mesure de la réalité.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à une explosion des émissions, dans le domaine des transports notamment, qui nécessite d'envisager, dans l'avenir, des mesures allant au-delà de ce qui a déjà été fait aux échelons tant national et communautaire qu'international.
Sur le plan national, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à apporter le plus grand soin à la cohérence des positions des uns et des autres dans les différentes enceintes où nous sommes amenés à nous exprimer. En effet, je me suis trouvée confrontée, au sein de cet hémicycle, à des membres de la Haute Assemblée qui plaidaient pour la poursuite à l'identique du programme autoroutier et d'un programme d'aménagement routier qui pourraient être déconnectés, à mes yeux, des efforts que nous déployons par ailleurs en matière d'effet de serre !
Vous souhaitez, par le programme national de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, susciter une mobilisation générale et assurer la cohérence entre les mesures qui sont prises aux niveaux national, régional - dans le cadre des contrats de plan -, départemental et des collectivités locales.
Je voudrais assurer une articulation entre les mesures que nous prenons ici et celles que je défends, au nom de la France, au sein du conseil « environnement », par exemple, ou qui sont défendues par M. Jean-Claude Gayssot au sein du conseil « transports ».
Ce qui frappe, c'est que ces mesures touchent des champs - dans le domaine du transport notamment - qui n'ont pas de lien apparent avec l'effet de serre. Quand je plaide, sur le plan communautaire, pour la réduction des émissions par la modification des moteurs et des carburants, c'est limpide ; mais quand M. Jean-Claude Gayssot se bat, au niveau européen, pour harmoniser les temps de travail des chauffeurs routiers ou pour infléchir de façon significative les choix d'infrastructures en faveur du rail pour les transports à longue distance de marchandises, le lien avec l'effet de serre n'est pas aussi évident pour tout le monde.
Notre premier combat réside donc dans la mise en place d'un plan national de maîtrise des émissions qui soit à la mesure des besoins et qui, par un soin maniaque, associe l'ensemble des secteurs.
M. Poniatowski a plaidé d'une curieuse façon tout à l'heure en déclarant, en substance, que dans certains secteurs, on n'en fait pas assez, mais que c'est déjà trop. Vous vous êtes tour à tour étonné de l'absence de mesures fiscales nouvelles dans le domaine des transports, tout en espérant que l'on n'alourdisse pas la fiscalité des carburants.
M. Ladislas Poniatowski. C'est une question très difficile, madame la ministre, je le reconnais.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous le répète, monsieur Poniatowski, dans les domaines où nous sommes confrontés à des problèmes de compétitivité de nos entreprises, nous agissons évidemment en privilégiant la coordination des mesures qui doivent être prises au niveau communautaire. C'est ainsi que le Gouvernement français a choisi de faire de l'harmonisation de la fiscalité dans le domaine de l'énergie et de la taxation de l'énergie et du CO2 une des priorités de la présidence française. Je vous rappelle qu'il est prévu, dans le calendrier de la présidence, un temps permettant une réunion, soit parallèle, soit même conjointe, du conseil « ECOFIN » et du conseil « environnement », afin d'avancer dans ce domaine de la fiscalité de l'énergie.
Il en est de même s'agissant de la modification des comportements individuels. Vous nous dites -, et je suis tout à fait en accord avec vous -, qu'il est possible de modifier nos habitudes sans réduire notre confort. C'est bien l'enjeu du plan. Il ne s'agit pas de petites mesures qui auraient pour objet de dispenser la France de tenir ses engagements. Il s'agit de mesures qui touchent chacune et chacun d'entre nous dans ses habitudes, dans ses choix de consommation, dans ses comportements individuels. C'est l'ensemble de ces petites gouttes qui formeront la grande rivière qui nous est nécessaire pour satisfaire à nos engagements internationaux.
J'en arrive au programme national de lutte contre l'effet de serre, qui a été annoncé voilà quelques jours.
Bien sûr, il est évolutif. Il n'est pas le premier dont la France s'est dotée ; c'est pratiquement le quatrième ou le cinquième. A peu près tous les deux ans, nous sommes conduits à dresser un bilan des résultats obtenus par les mesures déjà décidées, à les compléter, voire à les modifier s'il se révèle que certaines de ces mesures sont de fausses bonnes idées, comme cela peut aussi arriver.
En tout cas, je défends, tant aux niveaux national et communautaire qu'au niveau international, l'idée que les pays industrialisés doivent réaliser l'essentiel de leurs efforts à travers des politiques et des mesures domestiques coordonnées.
M. Ladislas Poniatowski. Mais conjointement !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je pense, par exemple, à l'idée d'une taxe sur le kérosène. On me dit, au niveau communautaire, qu'une telle décision ne peut être prise qu'au niveau international. Pour ma part, je ne partage pas cette idée. Les avions qui atterrissent sur le continent européen doivent en repartir. Si nous mettons en place une taxe sur le kérosène coordonnée au niveau communautaire,...
M. Ladislas Poniatowski. Ce serait une bonne chose !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... je pense au contraire que cette mesure sera très efficace. Elle pourrait même être une des idées-forces que l'Union européenne défendrait au niveau international. Je n'ai donc pas l'intention de relâcher la pression sur l'idée que ce sont les politiques et les mesures coordonnées et/ou domestiques qui doivent constituer l'essentiel des efforts des pays industrialisés.
Viennent ensuite les mécanismes de Kyoto.
Vous aurez noté que je ne les qualifie jamais de mécanismes de flexibilité. En effet, ils ne me paraissent acceptables que dans la mesure où, précisément, ils ne sont pas flexibles. Ils ne doivent pas permettre aux Etats de s'exonérer de leurs responsabilités et de faire peser sur d'autres la responsabilité de limiter les émissions de gaz à effet de serre.
A cette heure, ces mécanismes sont au nombre de trois. Ils ne se limitent pas à la mise en place d'un marché de « droits à polluer », comme je l'entends parfois dire de façon hâtive.
En premier lieu, il s'agit du mécanisme de mise en oeuvre conjointe. Il s'adresse aux pays dits « de l'Annexe I », c'est-à-dire à ceux qui ont d'ores et déjà pris des engagements contraignants de réduction de leurs émissions. Ce mécanisme comporte un risque, à savoir l'échange, entre pays, d'émissions qui n'existent déjà plus, comme « l'air chaud ».
Les pays de l'ex-Europe de l'Est, confrontés à une récession économique de grande ampleur, ont déjà fermé ou fermeront nombre d'installations qui polluaient beaucoup et émettaient beaucoup de gaz à effet de serre.
On ne peut pas considérer, c'est vrai, que la coopération entre - je vais donner des exemples au hasard - la Finlande et la Russie, ou bien la France et la Pologne se traduirait par une dotation en équipements permettant de limiter les émissions du côté russe sans réduction réelle des émissions, les installations correspondantes ayant été fermées voilà déjà plusieurs années. Ce serait un marché de dupes.
En deuxième lieu, le mécanisme de développement propre concerne, cette fois, des systèmes de coopération entre des pays de l'Annexe I et des pays en voie de développement. Il comporte une difficulté : il doit vraiment correspondre à des projets additionnels au programme de coopération et de développement. Il ne faudrait pas que ce soit un prétexte pour vendre à ces pays des technologies à la place de programmes de développement préexistants.
En troisième lieu, il y a la mise en place d'un marché de permis d'émissions, avec tous les problèmes que vous avez évoqués les uns et les autres et que M. Lepeltier a très bien résumés dans son rapport. Quid de l'allocation initiale ?
M. Ladislas Poniatowski. C'est vrai.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il y a une vraie ambiguïté.
Défendons-nous, pour notre pays, des droits d'émissions aussi élevés que possible, ce que vous m'avez appelée à faire, monsieur Poniatowski ?
M. Ladislas Poniatowski. Non, je pense qu'il ne faut pas tricher.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mais il faut savoir que cela reviendrait à s'allouer un droit maximal à polluer.
Défendons-nous, au contraire, l'idée de la fixation d'un droit d'émissions par être humain à l'échelle de l'humanité, avec le souci de s'engager dans une stratégie de convergence des émissions à un niveau qui nous paraît compatible avec les exigences du développement et avec celles d'une stabilisation du climat ?
Je considère que ce ne sont pas seulement des problèmes techniques. Ce sont d'abord des problèmes politiques. Il nous manque avant tout des lieux pour approfondir ces discussions qui sont d'ordre politique, éthique et social autant que technique.
M. Ladislas Poniatowski. La France, ce n'est pas ma crainte. Ma crainte, ce sont les Etats-Unis.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ma crainte, c'est aussi la France, parce qu'elle n'échappe pas davantage à cette tentation !
Il est vrai que l'on voit aussi se dessiner, dans les pays développés en général, des tentations qu'il nous faut cadrer.
M. Ladislas Poniatowski. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il existe une difficulté supplémentaire : alors que ce sont les Etats qui prennent des engagements internationaux, ce sont les entreprises qui pourraient être amenées à mettre en place un permis d'émissions,...
M. Ladislas Poniatowski. Absolument !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... d'où une vraie difficulté d'articulation.
J'en viens brièvement aux liens entre le nucléaire et l'effet de serre.
Heureusement, il existe, je crois, des alternatives. Le choix n'est plus, comme dans les années soixante-dix, entre le nucléaire et la bougie. Il n'est pas non plus, aujourd'hui, entre le nucléaire et l'effet de serre. On sous-estime les opportunités ouvertes par les progrès technologiques tout à fait considérables, par exemple dans le domaine de la cogénération. Le rendement des chaudières au gaz, qui permettent de produire à la fois de la chaleur et de l'électricité, est aujourd'hui tout à fait intéressant. Or je constate que les entreprises françaises sont bien plus capables d'en vendre à l'étranger que de les utiliser sur le territoire national ; mais le rendement atteint 60 % aujourd'hui.
Je constate également que la pile à combustible constitue une piste crédible à l'échelle de quelques années, tant pour la production d'électricité proprement dite dans le domaine industriel que pour la propulsion des véhicules.
Je note aussi que l'on ne peut pas faire l'impasse sur une réalité tragique, à savoir que la plupart des pays de la planète n'ont pas d'autres énergies à leur disposition que des énergies sales.
M. Ladislas Poniatowski. Le charbon.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous avons une grosse marge de manoeuvre dans la diffusion de techniques d'utilisation propre de ces énergies sales. Je pense notamment à la centrale thermique de Gardanne, à la chaudière à « lit fluidisé circulant », qui utilise du charbon qui n'est pas d'une qualité optimale, mais avec un procédé qui permet de réduire de façon tout à fait considérable les émissions.
Je ne veux pas laisser croire à des pays en voie de développement qui n'ont pas les moyens de nourrir leur population qu'ils pourront acheter des technologies ruineuses à nos pays développés, nucléaires ou autres. En revanche, je crois beaucoup à la diffusion massive des technologies qui permettent de réduire la casse dans des délais raisonnables. Il faut agir en ce sens de façon rapide.
M. Pierre Laffitte. Le terme « ruineux » est excessif !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est ruineux pour eux, effectivement !
Monsieur Vergès, nous avons à développer, pour les départements et les territoires d'outre-mer, une stratégie de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
Je ne veux pas faire l'impasse sur le fait qu'à la Réunion, tout particulièrement, est utilisé, pour des raisons économiques, un carburant, fourni par des pays du Moyen-Orient, qui ne respecte pas les normes européennes.
Une mise à jour de notre programme national de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre devrait nous permettre d'avancer de façon positive pour le confort des habitants des départements d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - La lutte contre l'intensification de l'effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique sont reconnues priorité nationale. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles 2 à 5

M. le président. « Art. 2. - Il est créé un Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer. » - (Adopté.)
« Art. 3. - L'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique est chargé de collecter et de diffuser les informations, études et recherches sur les risques liés au réchauffement climatique et aux phénomènes climatiques extrêmes en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer, en liaison avec les établissements et instituts de recherche concernés et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Il peut mener dans son domaine de compétence toute action d'information auprès du public et des collectivités territoriales. » - (Adopté.)
« Art. 4. - L'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique élabore chaque année, à l'intention du Premier ministre et du Parlement, un rapport d'information. Ce rapport peut comporter des recommandations sur les mesures de prévention et d'adaptation susceptibles de limiter les risques liés au réchauffement climatique. Il est rendu public. » - (Adopté.)
« Art. 5. - Le siège, la composition, les modes de désignation des membres et les règles de fonctionnement de l'observatoire sont fixés par décret. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Bellanger, pour explication de vote.
M. Jacques Bellanger. La proposition de loi que M. Paul Vergès et les sénateurs antillais du groupe socialiste, MM. Rodolphe Désiré, Dominique Larifla et Claude Lise, ont cosignée recueille la pleine adhésion du groupe socialiste. Dans son article 1er, elle fait de la lutte contre l'intensification des effets de serre et de la prévention des risques liés au réchauffement climatique une priorité nationale.
Bien sûr, cet article n'a qu'une valeur déclarative et non normative. Mais l'expérience nous montre qu'avec le temps les articles déclaratifs peuvent prendre du corps sur le plan tant législatif que constitutionnel. Je pense par exemple à l'article 1er de la loi de 1990 relative à la mise en oeuvre du droit au logement, qui affirmait que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ». A l'origine simple affirmation sans conséquence juridique, le droit au logement est devenu au fil de la jurisprudence du Conseil constitutionnel un principe de valeur constitutionnelle.
L'article 1er de la proposition de loi est donc pour nous important.
Il doit inciter les Etats à prendre en considération ce problème majeur qu'est le réchauffement de la planète et à agir en conséquence.
Je me félicite donc des dispositions annoncées par le Premier ministre lors de la réunion du comité interministériel consacré à l'effet de serre, le 19 janvier dernier. Le Gouvernement a montré qu'il avait pris conscience de l'ampleur du phénomène.
Je me réjouis également que le Gouvernement saisisse le Parlement pour ratifier le protocole de Kyoto ; ce devrait être bientôt chose faite à l'Assemblée nationale ; vous venez, madame la ministre, de le confirmer.
Enfin, mon groupe souscrit aux modifications apportées au texte initial par la commission des affaires économiques et du Plan sur les missions de l'observatoire. Il me paraît en effet utile de recentrer ces missions sur la collecte et la diffusion des informations, études et recherches sur l'effet de serre, de même que sur les actions de sensibilisation du public et des collectivités locales. Les lieux d'études ne manquent pas ; encore faut-il bien diffuser l'information pour pouvoir agir, et l'Observatoire pourra jouer ce rôle.
Le groupe socialiste votera donc les conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan, apportant tout son soutien à cette proposition. Il restera ensuite, madame la ministre, et vous avez raison de le rappeler, à mettre au quotidien nos décisions législatives en accord avec les choix que nous allons proclamer, de façon unanime vraisemblablement, dans cette assemblée.
Je souhaite donc que, dans chacune de nos décisions législatives à venir, nous déclinions notre volonté de lutter contre l'effet de serre. Je suis certain, par exemple, que, lorsque nous examinerons pour avis les prochains schémas de transport de voyageurs et de marchandises, nous prendrons de façon unanime les mesures nécessaires pour réduire considérablement les émissions de gaz carbonique. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Esneu.
M. Michel Esneu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de la présentation par le Premier ministre du programme national de lutte contre l'effet de serre, le groupe du Rassemblement pour la République a considéré que les mesures proposées étaient trop timides et d'application trop lointaine.
Alors que l'institution d'une écotaxe sur le carbone dans des secteurs ciblés, d'un montant suffisamment élevé pour obliger les industriels à agir, est urgente, le Gouvernement s'en remet à des décisions européennes aléatoires.
Pour notre part, nous proposons, par la voix de notre collègue Serge Lepeltier, de taxer les émissions de gaz carbonique conformément au principe « pollueur-payeur », de refonder et de rétablir la notion d'économie d'énergie, de restaurer les moyens de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, de rééquilibrer la fiscalité des carburants, de moduler la fiscalité des véhicules selon leurs émissions polluantes, de maîtriser le développement de la voiture en ville, de développer l'offre de transports en commun et de promouvoir la cogénération.
Nous proposons aussi de promouvoir le développement, avant 2008, d'un marché européen de permis d'émissions ouvert aux entreprises grandes consommatrices d'énergie. Enfin, nous rappelons que rien ne se fera sans l'adhésion et la participation des citoyens comme des collectivités locales.
La proposition de loi que notre Haute Assemblée vient d'examiner vise à créer un observatoire national sur l'approfondissement de l'étude des conséquences du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer. Cet observatoire doit offrir aux élus locaux et aux collectivités les moyens d'élaborer une véritable politique de prévention dans ce domaine et doit permettre plus spécifiquement aux départements et territoires d'outre-mer d'engager une coopération avec les Etats regroupés au sein de l'Alliance des petits Etats insulaires.
Cosignée par des parlementaires issus de l'ensemble des groupes politiques représentés au Sénat, cette proposition de loi s'inscrit donc dans la réflexion que le groupe du Rassemblement pour la République mène sur ce sujet. C'est la raison pour laquelle il la votera.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la qualité des débats que nous avons eus ce matin sur ce sujet très important, auquel l'opinion publique n'a pas toujours attaché, par la force des choses, l'attention qu'il méritait.
Le débat a été riche. Finalement, cette initiative aura permis à la Haute Assemblée d'avoir au moins une fois une discussion approfondie sur ce sujet crucial. Elle nous a en outre permis d'obtenir quelques réponses de votre part, madame le ministre, réponses qui, même si elles ne nous satisfont pas toutes, nous ont permis de connaître la position du Gouvernement.
Cependant, il se trouve que M. le président de l'Assemblée nationale et M. le président du Sénat ont chargé l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'un rapport sur un sujet plus large que l'effet de serre, puisqu'il s'agit de l'évolution du climat et de ses conséquences prévisibles sur la géographie. Il se trouve que je suis chargé de ce rapport.
C'est la raison pour laquelle, au nom de mon groupe, je tiens à réaffirmer la nécessité pour la représentation nationale d'accorder à ce problème crucial et majeur l'importance qui s'attache aux grands problèmes de notre époque. Nous n'avons pas le droit, en le négligeant, d'hypothéquer l'avenir de nos petits-enfants, comme l'a très bien dit Pierre Laffitte.
Je tiens à dire d'ailleurs que je souscris absolument aux interventions de MM. Laffite et Poniatowski, comme j'ai apprécié certains des propos de M. Le Cam. Il est heureux que toutes ces choses soient dites.
Toutefois, étant donné la méthode retenue, dans la mesure où la discussion de ce texte a eu lieu avant le dépôt du rapport de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, vous comprendrez, mes chers collègues, que, pour réserver l'avenir et, dans l'hypothèse où il y aurait des navettes, nous ménager la possibilité de déposer des amendements, mon groupe s'abstiendra. Bien entendu, cette abstention n'est motivée ni par la personnalité du rapporteur ni par le sujet traité, elle tient simplement à la procédure qui a été suivie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Ainsi que je l'ai indiqué lors de mon intervention à la tribune, mon groupe votera la présente proposition de loi, sous la réserve que j'ai faite, à savoir, d'une part, que, l'observatoire soit étendu à l'échelon européen et, d'autre part, qu'il ait essentiellement pour fonction d'être un lieu de concertation entre les multiples organismes qui, dans le monde de la recherche mais aussi dans le monde industriel, se préoccupent des effets du réchauffement climatique.
Je veux plus particulièrement insister sur la nécessité absolue de renforcer les moyens des équipes de recherche. Je pense notamment à la recherche dans les terres australes, qui doit avoir les moyens nécessaires à son action tant au niveau français, puisque nous avons sur place une équipe nationale, qui se consacre à l'Antarctique, qu'au niveau international, où nous devons nous doter des moyens de prévoir, puis suivre les catastrophes qui pourraient éventuellement se produire, de façon à informer le plus tôt possible les gouvernements des mesures à prendre pour éliminer les effets néfastes de telles catastrophes.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Certes, je comprends la frustration de notre collègue Marcel Deneux par rapport à la sortie de son rapport. Cela dit, il aurait été souhaitable que notre Haute Assemblée adoptât à l'unanimité cette proposition de loi.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Gérard Le Cam. Par ailleurs, je tiens à dire que la proposition de confier ce projet à la présidence française européenne n'enlève rien au rôle que la France doit jouer à l'égard de cette grande question humanitaire. Bien sûr, l'Europe peut apporter un plus ; cela n'a rien d'hypothétique. Sur ce point, j'adhère tout à fait aux propos qu'a tenus tout à l'heure notre collègue Pierre Laffitte.
Je souhaite, bien évidemment, que le groupe de Marcel Deneux revienne sur sa décision, et j'appelle la Haute Assemblée à voter à l'unanimité cette proposition de loi.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Paul Vergès, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Vergès, rapporteur. Je voudrais tout d'abord me féliciter de cette unanimité qui, après s'être manifestée au sein de la commission des affaires économiques, semble se faire jour dans notre assemblée tout entière pour faire en sorte que ce problème considérable pour l'avenir soit effectivement pris en compte. Il n'est pas indifférent que cette initiative émane du Sénat, et que celui-ci adresse ainsi à l'Assemblée nationale et à l'ensemble de l'opinion publique un message tendant à faire de la lutte contre l'effet de serre une priorité nationale.
Je comprends parfaitement les réserves de notre collègue Marcel Deneux. Mais ce que nous allons décider aujourd'hui ne remet absolument pas en cause le mécanisme du rapport dont il est chargé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Face à un problème d'une dimension historique, les réticences tenant à des raisons de procédure doivent, me semble-t-il, s'effacer.
Quelqu'un l'a dit, je viens d'une petite île située à 10 000 kilomètres de Paris. Notre insularité et notre éloignement nous permettent de prendre plus facilement nos distances par rapport au bruit et à la fureur des débats du moment, et de réfléchir aux grandes forces qui vont agir au cours du prochain siècle.
Tous les intervenants ont souligné les bouleversements que ne manqueront pas d'apporter partout dans le monde les changements climatiques.
Mais le xxie siècle sera aussi marqué par la poursuite d'un phénomène totalement inédit dans l'histoire de l'humanité. Je veux parler de l'explosion démographique qui a déjà fait passer la population mondiale de 1,5 milliard d'individus en 1900 à plus de 6 milliards aujourd'hui, et qui devrait la porter à 8 milliards en 2025, puis à 10 milliards en 2050. Il y a là un phénomène de fond qui va tout changer sur la planète, et qui se produit parallèlement à ce que nous évoquons tous les jours : la mondialisation des échanges, la globalisation des marchés, l'apparition des nouvelles technologies, les interrogations qui surgissent dans tous les pays sur l'identité culturelle et la spécificité des peuples, les crises que tout cela provoque.
Bien sûr, nous avons naturellement tendance à nous pencher d'abord sur les problèmes qui se posent dans l'immédiat, mais nous ne devons pas oublier de lever la tête et de regarder au-delà de l'horizon d'une, deux, voire trois décennies, pour considérer les bouleversements que nous allons connaître.
Leur prise en compte nous est rendue difficile par tout notre héritage historique et socioculturel.
J'évoquerai à nouveau l'île de la Réunion parce qu'elle est aussi un laboratoire. Dans cette île tropicale, soumise du 1er janvier au 31 décembre aux alizés et à un soleil constant, dominée par un volcan en activité permanente, nous n'avons que très peu recours à l'énergie éolienne, à l'énergie solaire, à l'énergie géothermique, et nous nous orientons vers la solution classique des centrales thermiques, qui nous oblige à importer des matières premières énergétiques !
En vérité, nous sommes à un tournant de l'histoire de l'humanité et nous devons remettre en cause tous les modèles de développement. Il s'agit de savoir comment nous allons, au siècle prochain, adapter toutes les conquêtes techniques héritées de notre passé à une situation totalement bouleversée.
C'est à la lumière de cette analyse que nous avons suggéré la création d'un observatoire. Après tout, il est normal que cette proposition soulève une approbation unanime pour l'avenir mais suscite des appréciations différentes pour l'immédiat.
Vous me permettrez, en concluant, de souhaiter que ce signal adressé depuis le Sénat à la nation et au monde soit unanime. N'oubliez pas, mes chers collègues, que, chez nos voisins des Caraïbes et d'Amérique, comme chez nos voisins du Pacifique, votre décision sera interprétée comme le témoignage de la volonté de la France d'apporter son savoir et d'anticiper l'avenir. (Applaudissements.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 159.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 54:

Nombre de votants 297
Nombre de suffrages exprimés 245123
Pour l'adoption 245

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Discusion d'une question orale avec débat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante :
« M. Jean Arthuis attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le problème du stockage des déchets radioactifs.
« La mission collégiale de concertation "Granite" s'est rendue le 13 mars en Mayenne. Cette mission est chargée de rencontrer les élus, les associations et la population des quinze massifs granitiques retenus en France pour l'étude du projet d'implantation d'un laboratoire de qualification géologique en vue de la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Elle s'est heurtée à une forte hostilité. En effet, ce projet, qui concerne en Mayenne le massif d'Izé, suscite, et à juste titre, une vive émotion, de nombreuses inquiétudes et interrogations. Cela tient sans doute à l'incompréhension, née de l'absence d'informations claires et cohérentes.
« Il doit d'abord être observé que l'annonce de la liste des sites susceptibles d'accueillir le laboratoire est venue non pas par la voie instituée par le Gouvernement mais par un collectif dénommé "Réseau sortir du nucléaire", opposé au principe de l'enfouissement des déchets.
« S'agissant de la production de déchets radioactifs à longue durée de vie, les déclarations les plus contradictoires sont prononcées, en effet, au sein du Gouvernement. Ainsi, M. le ministre de l'éducation nationale affirmait le 30 juin 1997 que, le stockage en profondeur des déchets nucléaires étant dangereux pour les générations futures, mieux valait les stocker en surface ou en subsurface. De son côté, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, indiquait récemment que "certains déchets à vie longue restent actifs pendant plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années et que, sur une période aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut reposer sur la pérennité de barrières ouvragées en surface".
« Par ailleurs, un très récent rapport parlementaire publié le jeudi 9 mars 2000 par Mme Michèle Rivasi, député de la Drôme, met clairement en évidence le manque total de cohérence de la gestion des déchets radioactifs en France et réclame qu'un plan national soit élaboré à ce sujet. Enfin, le Parlement est toujours dans l'attente d'un futur projet de loi sur la transparence nucléaire promis par le Gouvernement.
« Les ambiguïtés de la démarche gouvernementale contribuent à entretenir l'inquiétude, tant des élus que de la population des régions concernées, et à alimenter le rejet de l'accueil éventuel d'un laboratoire de recherche en vue du stockage de déchets hautement radioactifs. Tant d'incohérence ruine l'autorité des membres de la mission collégiale de concertation "Granite".
« Il lui demande donc de lui préciser quels sont les risques réels pour l'environnement du stockage en surface ou en subsurface, et quelle est la politique de l'Etat en matière de déchets nucléaires. »
Avant d'ouvrir le débat, je veux, monsieur le ministre de la recherche, saluer votre première venue au Sénat dans vos nouvelles fonctions.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues, que nous travaillions ensemble avec le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement, que vous représentez aujourd'hui.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je demande la parole.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Monsieur le président, je suis très sensible aux paroles d'accueil si aimables que vous avez bien voulu prononcer, et je tiens à vous dire que revenir devant la Haute Assemblée représente pour moi un grand honneur.
J'ai eu l'occasion de fréquenter cette enceinte voilà quelques années, en tant que secrétaire d'Etat aux universités, et j'ai toujours vivement apprécié la très forte expérience et la très haute compétence qui caractérisent les membres de la Haute Assemblée. J'attache donc beaucoup d'importance au fait d'être ici aujourd'hui. J'aurai bien sûr, à coeur, dans mes fonctions de ministre de la recherche, d'écouter et de dialoguer, et en priorité avec les parlementaires.
M. le président. La parole est à M. Arthuis, auteur de la question.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer à mon tour la présence parmi nous de M. Schwartzenberg en sa qualité de ministre de la recherche.
Bien entendu, les faits que je vais évoquer mettent en cause la politique du Gouvernement, et votre nomination récente, monsieur le ministre, vous amènera à sans doute les considérer avec un peu de recul.
A ce propos, je voudrais exprimer un regret, que vous ne devez pas prendre en mauvaise part : voilà un instant, Mme Voynet était présente dans cet hémicycle pour traiter d'un autre thème crucial, à savoir la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, et je déplore qu'elle ne soit pas restée au banc du Gouvernement pour participer à ce débat relatif à l'énergie nucléaire et au stockage des déchets nucléaires. En effet, j'observe que, depuis sa nomination au Gouvernement, ses interventions sur le thème du nucléaire se font rares, et je regrette donc profondément son absence.
Les événements qui se sont produits dans la soirée du 13 mars derniers à Bais, dans la Mayenne, sont d'une exceptionnelle gravité. Trois hauts fonctionnaires, un préfet de région honoraire, un ingénieur général des mines et un ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts se souviendront des longues heures marquées d'humiliation, d'insultes blessantes, d'expressions de haine et de violence qu'ils ont vécues. Ces trois représentants de l'Etat ont été nommés par le Gouvernement le 3 août 1999, en application de la loi du 30 décembre 1991, pour conduire une mission d'information, dite « mission Granite », en référence à la roche susceptible d'accueillir un laboratoire de qualification géologique en vue de la gestion de déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Cette mission s'est heurtée - et c'est peu dire - à l'incompréhension la plus flagrante.
Comment suscite-t-on la colère ? Comment en vient-on à de telles exactions ? Comment peut-on laisser une telle prise à la désinformation ? La réponse est simple : en manquant à son devoir d'information - je sais le poids de notre héritage d'opacité dans la sphère publique ! - en négligeant les règles de la concertation, en faisant fi de l'obligation de respecter les personnes directement concernées par le projet !
Je blâme toutes les formes de violence, je ne cherche aucune excuse aux manipulateurs et autres apprentis sorciers, aux activistes de la récupération politique ou aux adeptes de méthodes presque totalitaires, je récuse ce qui ne relève pas d'une attitude républicaine. J'ai donc tout fait, en ma qualité d'élu mayennais, pour rendre possibles l'information et le dialogue avec les trois « missionnaires » mandatés par le Gouvernement.
En cette fin d'après-midi du 13 mars, ils venaient de rencontrer les membres du conseil général, auxquels s'étaient joints les parlementaires du département, les maires des communes concernéees, soudainement mis en alerte, et deux représentants d'associations hostiles à l'implantation éventuelle d'un laboratoire dans le massif granitique affleurant d'Izé.
La suite, chacun la connaît désormais : c'est l'explosion des peurs et des angoisses. Elle n'est d'ailleurs pas localisée, puisque, dans les différentes régions concernées par un éventuel enfouissement de déchets radioactifs, la même absence d'information a conduit à des comportements de rejet, certes plus ou moins marqués.
Je pourrais mentionner quelques sites, dans l'Orne, la Vienne, la Charente, la Vendée, le Cantal, les Deux-Sèvres, etc.
M. Michel Moreigne. La Creuse !
M. Jean Arthuis. Mon collègue Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui, aurait ainsi aimé vous rappeler, monsieur le ministre, que les conseils municipaux de quatorze communes concernées et d'une trentaine de communes périphériques ont voté une délibération s'opposant à ce projet, qu'ils jugent totalement incompatible avec le développement du département et sa démarche en matière de qualité de vie. D'autres collègues, notamment André Dulait et Louis Moinard en ce qui concerne le groupe de l'Union centriste, interviendront dans ce débat.
Les manifestations de peur que j'évoquais découlent d'une conception étonnante de l'art de gouverner. C'est donc bien la méthode, ou peut-être devrais-je dire l'absence de méthode, qui est en cause. Dois-je rappeler ce que Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, déclarait devant l'Assemblée nationale le 21 janvier 1999 : « Transparence, parce que nos concitoyens sont en droit de bénéficier d'une information fiable et objective concernant les conséquences des choix de politique énergétique. » ?
Eh bien, mes chers collègues, le contrat n'est pas rempli, c'est le moins que l'on puisse dire ! C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, obtenir des éclaircissements sur la politique du Gouvernement en matière nucléaire, notamment sur l'important problème du stockage des déchets.
Ma démarche ne relève évidemment pas d'une opposition facile, voire primaire, instinctive, à un projet pourtant essentiel puisqu'il engage l'avenir de notre société : le développement de l'industrie électronucléaire. Mais j'ai le devoir de me faire l'interprète de mes concitoyens, espérant ainsi dissiper leurs incompréhensions. Je veux aussi faire écho à leur légitime manque d'indulgence pour un mode de communication défaillant, censé les rendre attentifs aux caractéristiques d'un projet aussi sensible.
Permettez, monsieur le ministre, que je formule, devant le Sénat, mes griefs.
En premier lieu, je déplore le manque de transparence qui a précédé l'annonce clandestine du projet d'implantation en France de ce fameux laboratoire. Je me dois de vous rappeler, en effet, que l'information a été portée à la connaissance de la population et des élus concernés non par la voix du Gouvernement mais par une dépêche émanant de l'Agence France-Presse, reprenant un texte signé d'un collectif d'associations écologistes et antinucléaires dénommé « Réseau sortir du nucléaire ».
Cette annonce n'accrédite-elle pas l'hypothèse d'une « fuite » tolérée ou organisée par le cabinet du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ? C'est dire si je regrette l'absence de Mme Voynet en cette instance. Il s'agit alors, vous l'avouerez, d'une conception de la transparence bien peu conforme à la volonté d'ouverture affichée par le Gouvernement. Ce dernier a compromis, avant qu'elle débute, la validité même de la démarche de consultation entreprise par la mission « Granite ». L'amertume a dû s'emparer de l'esprit des trois émissaires gouvernementaux, face à tant d'incohérence de la part de ceux qui venaient de les nommer quelques mois plus tôt, notamment votre prédécesseur, monsieur le ministre.
Le deuxième grief, monsieur le président, mes chers collègues, sera l'occasion de dénoncer l'art de l'équivoque et de l'ambiguïté que pratique le Gouvernement. S'agissant du traitement et du stockage de déchets radioactifs à longue durée de vie, des déclarations contradictoires circulent en effet au plus haut niveau de l'Etat.
J'en veux pour preuve les propos tenus le 30 juin 1997 par le tout nouveau ministre de l'éducation nationale et de la recherche, M. Claude Allègre, qui annonçait alors : « Je suis contre le stockage en profondeur des déchets nucléaires parce que c'est dangereux pour les générations futures. Un tel choix procède d'une philosophie de la peur ; on a peur des déchets, on les cache. Il vaut mieux les stocker en surface ou en subsurface. On peut les surveiller et, s'il y a des incidents, mieux les maîtriser. »
De son côté, l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, précise « que certains déchets à vie longue restent actifs pendant plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années et que, sur une période aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut reposer sur la pérennité de barrières ouvragées en surface ».
Les progrès de la science ont-ils eu, en si peu de temps, raison des propos de M. Claude Allègre, géochimiste de formation ? Le doute, vous en conviendrez, est permis, et les incertitudes les plus fortes demeurent.
En l'état actuel des connaissances scientifiques, s'agissant de la gestion des déchets radioactifs, il est moralement insoutenable d'engager les générations futures sur un choix exclusif de traitement dont les conséquences physiques, chimiques, hydrogéologiques, environnementales et humaines restent mal appréciées. Le principe de précaution, si souvent invoqué, s'impose donc et doit engager le Gouvernement à clarifier sa politique en matière de gestion de déchets nucléaires au niveau national.
Monsieur le ministre, les conclusions du récent rapport parlementaire de Mme Rivasi, députée apparentée socialiste de la Drôme, doivent naturellement vous y inciter vivement.
Ce rapport met en effet clairement en évidence « le manque total de cohérence dans la gestion des déchets radioactifs en France » et recommande la mise en place d'un plan national de gestion de déchets radioactifs faisant clairement apparaître les volumes en jeu et les responsabilités des uns et des autres.
Mais la plus grande des responsabilités n'incombe-t-elle pas aux pouvoirs publics, qui tardent à présenter devant le Parlement un projet de loi sur la transparence nucléaire ? Il est vrai que le Gouvernement nous a habitués à bien des atermoiements sur d'autres sujets pourtant vitaux pour l'avenir de notre pays.
Monsieur le ministre, je n'ignore pas que, à ce jour, la production d'électricité en France est à 77 % d'origine nucléaire. Je sais, par conséquent, qu'il en résulte une forte implication du Gouvernement pour imposer une filière nucléaire qui, contrôlée et maîtrisée, semble rester la manière la plus sûre de produire de l'électricité, et je pourrais revenir au débat du début de matinée sur l'effet de serre.
Les faits sont là : grâce au nucléaire, le taux de dépendance énergétique de la France est de 50 %. La compétitivité du nucléaire n'est plus, me semble-t-il, à démontrer. Cette énergie permet à EDF de se positionner en premier exportateur européen d'électricité. S'agissant de son impact écologique et environnemental, force est de constater que le nucléaire diminue l'émission de gaz polluants. Un kilowattheure génère 900 grammes de CO2 lorsqu'il est fabriqué avec du charbon, 700 grammes avec du fioul, 600 grammes avec du gaz, et n'engendre pas de CO2 quand il est produit avec de l'uranium ; on revient là au débat qui a eu lieu tout à l'heure sur l'effet de serre. C'est donc une solution digne d'intérêt.
Néanmoins, le problème majeur concerne les déchets nucléaires, notamment ceux qui ont une durée de vie longue. Cela doit donc inciter les autorités de l'Etat à favoriser et à intensifier les recherches dans le sens de la réduction de leur quantité, de leur volume et de leur nocivité.
Pour y parvenir, la mise en service en 1988 du surgénérateur Superphénix, réacteur à neutrons rapides, constituait une solution saluée par les spécialistes et représentait une source primordiale d'énergie renouvelable.
Seulement voilà, face au puissant lobby antinucléaire, dont l'objectif est de bloquer tout développement du nucléaire civil, à grand renfort d'assertions mensongères, de pressions sur l'opinion publique, de campagnes de désinformation, et compte tenu des petites lâchetés d'un gouvernement en mal de votes « verts », pris, de plus, en flagrant délit de contradictions internes, le Premier ministre a confirmé le 2 février 1998 l'arrêt définitif de Superphénix.
Cette décision remet en cause la notion même de retraitement des déchets et je m'interroge sur la voie explorée de la recherche sur la transmutation, préconisée par la loi du 30 décembre 1991.
Le problème de la réversibilité ou de l'irréversibilité des déchets n'est pas résolu. L'évolution des sciences et des techniques ne délivre aucune expertise fiable et indépendante sur l'hypothèse du stockage de déchets radioactifs en surface ou en subsurface.
Le devenir des déchets radioactifs demeure donc entier et extrêmement préoccupant. La décision annoncée le lundi 3 avril dernier par la mission collégiale de concertation « Granite » de faire une pause dans ses consultations n'est-elle pas un aveu d'échec du Gouvernement ? Cela ne laisse guère augurer une réelle volonté de la part de ce dernier de se conformer aux exigences de la loi du 30 décembre 1991, qui l'oblige à présenter en 2006 au Parlement le résultat de quinze ans de recherches scientifiques et techniques.
Face à cette incapacité à conduire la France dans la voie de la responsabilité et du progrès, interrogations et doutes se sont emparés de nos concitoyens : ils se refusent à cautionner plus longtemps une politique qui conduit à de tels errements et contrevient au bon sens.
Quelle est la politique nucléaire du Gouvernement ? Quelle est sa politique pour traiter les déchets radioactifs ? Quel est l'état actuel des recherches ? Quelles options le Gouvernement entend-il prendre en matière de stockage des déchets ? Enfin, que devient la mission « Granite » ? Lui avez-vous imposé, monsieur le ministre, d'interrompre son action ?
Avant d'entendre votre réponse à ces questions essentielles aux yeux de tous les Français, et particulièrement des Mayennais, je veux vous rappeler, monsieur le ministre, que les conseils municipaux et le conseil général de la Mayenne ont, pour leur part, répondu, sans ambiguïté, au Gouvernement. Ils n'étaient pas candidats, ils refusent d'accueillir le laboratoire de qualification géologique en vue de la gestion des déchets nucléaires, pour des motifs de cohérence avec leurs options de développement. Ils entendent privilégier les productions agricoles portant les marques de la qualité et de l'authenticité, le tourisme rural et le respect des sites et de l'environnement. Je souhaite que vous leur en donniez acte et que vous confirmiez que la Mayenne est désormais écartée des sites susceptibles d'être choisis.
Monsieur le ministre, « nous n'héritons pas de la Terre de nos parents. Nous l'empruntons à nos enfants ». Les générations futures nous demanderont des comptes. Aujourd'hui, comment comptez-vous répondre aux angoisses et aux inquiétudes exprimées par nos concitoyens ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous éclairer par vos réponses. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aval du cycle nucléaire, c'est-à-dire la gestion du combustible usé et des déchets qui en résultent, est l'une des questions qui préoccupent le plus nos concitoyens en matière de politique énergétique. C'est certainement parce qu'il s'agit du point faible de la filière nucléaire. En effet, il n'existe pas, aujourd'hui, de solution technique satisfaisante permettant de résorber les déchets.
Aussi, cher collègue Arthuis, le contenu de votre question m'a étonné.
Je ne comprends pas, en effet, que l'on aborde ce sujet de façon partisane et polémique. Je considère que nous n'avons pas à nous interroger sur la politique de l'Etat en matière de déchets nucléaires, car la réponse est très simple : le Gouvernement applique la politique définie, à l'unanimité,...
M. Jean Arthuis. ... par une dépêche de l'AFP !
M. Marcel Bony. ... par le Parlement dans la loi du 30 décembre 1991.
Souvenez-vous : cette loi fut votée après que Michel Rocard eut décidé de suspendre la recherche de sites d'enfouissement de déchets radioactifs. En effet, ces prospections, engagées plusieurs années auparavant, provoquaient déjà, à l'époque, une grande inquiétude parmi les populations concernées, y compris sous la première cohabitation.
Dans ces conditions, il est injuste de rendre l'actuel Gouvernement responsable de l'émotion, des inquiétudes, que la recherche sur l'enfouissement des déchets radioactifs provoque parmi nos concitoyens.
De même, il n'est pas correct d'assimiler au Gouvernement l'ANDRA, établissement public industriel et commercial, pour dénoncer de prétendues incohérences.
La vérité, c'est que la question du nucléaire a échappé trop longtemps au débat démocratique. Cela a contribué - et c'est compréhensible - à faire naître un sentiment de méfiance.
La loi de 1991 permet au Parlement d'être le garant de la démocratie et du dialogue dans un domaine extrêmement sensible.
En agissant comme vous le faites, monsieur Arthuis, vous décrédibilisez la représentation nationale puisque vous sabotez un débat que vous avez contribué à instaurer.
Les manifestants de la Mayenne, que vous invoquez, prétendent que l'installation d'un laboratoire de recherche souterrain préfigure inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites retenus, et ce alors que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront prises qu'en 2006, sur la base de données scientifiques recueillies pendant quinze ans.
M. Jean Arthuis. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Bony ?
M. Marcel Bony. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Arthuis, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis. Monsieur Bony, votre intervention a sans doute été rédigée avant que vous ayez pu entendre mes propos.
Je n'ai en effet pas manqué de dire que ce qui s'est produit en Mayenne a laissé une prise fantastique à la désinformation, à la suite, me semble-t-il de l'échec du Gouvernement dans sa mission d'information. C'est par une dépêche de l'AFP qu'un collectif de Verts a rendu public ce projet, doublant en quelque sorte la mission « Granite » et le Gouvernement.
Comment a-t-on pu permettre une telle fuite d'informations et créer des conditions aussi déplorables pour que les manipulateurs, les apprentis sorciers, les désinformateurs, tous ceux qui jouent sur les peurs et sur les angoisses aient pu à ce point susciter la colère, la réponse de toute bonne foi étant malheureusement, bien souvent, la violence ? (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur Arthuis, je rappelais que les manifestants de la Mayenne, que vous invoquez, prétendent que l'installation d'un laboratoire de recherches souterrain préfigure inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites retenus, et ce alors que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront prises qu'en 2006, sur la base de données scientifiques recueillies pendant quinze ans.
Ces personnes pensent donc que le Parlement est réduit au rôle de chambre d'enregistrement des choix d'un lobby nucléaire incontrôlable.
Il faut cesser les querelles inutiles et retrouver l'esprit qui nous animait lorsque nous avons décidé, unanimement, de nous saisir enfin de ces questions.
Si nous ne sommes pas capables de remplir notre rôle, les gens se tourneront de plus en plus vers des associations pour faire entendre leur voix.
C'est pourquoi le groupe socialiste préfère poser au Gouvernement une série de questions.
Tout d'abord, où en est-on dans l'application de la loi de 1991, qui, comme vous le savez, fixe trois actes de travail ?
Le premier axe correspond à la recherche sur la séparation et la transmutation.
En 1991, cet axe était difficile à formaliser compte tenu de l'état de la science nucléaire. Mais le Parlement avait tenu à l'inscrire au premier plan, non sans raisons d'ailleurs, puisque, aujourd'hui, certains experts pensent que, d'ici à une cinquantaine d'années, une méthode sera trouvée pour transformer par réaction nucléaire des déchets radioactifs à haute activité en éléments stables ou à vie courte.
La séparation-transmutation est donc aujourd'hui théoriquement fondée.
Ecarte-t-elle la voie du stockage ? Rien n'est moins sûr ! En effet, d'après le rapport Bataille, il semble, pour l'instant, que les deux axes de recherche soient complémentaires et non pas alternatifs.
Mais certains estiment déjà que, si la séparation-transmutation ne pouvait être réalisée entièrement, il serait inutile de mettre en oeuvre des processus longs et coûteux uniquement pour atteindre une réduction du volume des déchets ultimes, qui devraient être stockés tout de même.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous tous, citoyens et élus, avons besoin d'être rassurés sur le soutien du Gouvernement à ce premier axe, en lequel le législateur a fondé beaucoup d'espoirs.
Quel est l'avenir des réacteurs de type Phénix ? Où en sont les projets sur la transmutation et les coopérations entre le Centre national de la recherche scientifique et le Commissariat à l'énergie atomique ? Les réponses à ces interrogations sont primordiales pour l'après 2006 et l'éventuelle prééminence d'une voie sur l'autre.
Les deux autres axes fixés par la loi du 30 décembre 1991 sont relatifs à l'entreposage en profondeur et à l'entreposage en surface.
Nombreux sont les pays à avoir prévu des places de stockage souterrain. Mais la question de la sécurité reste posée. En France, l'ANDRA nous assure que les « barrières » successives entre les « colis » de déchets radioactifs et la surface permettent d'obtenir une sûreté maximale.
Cependant, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n'écarte pas l'accident géologique.
Est-il possible d'affirmer que les eaux souterraines ne feront pas remonter les éléments toxiques ou que des forages ne provoqueront pas de rupture du confinement ? Est-il possible, monsieur le ministre, de faire un point sur les recherches déjà effectuées, notamment par le BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières et l'ANDRA ?
Par ailleurs, la mission collégiale de concertation « Granite » chargée de consulter les élus, les associations et la population concernés devait se rendre dans le Puy-de-Dôme le 7 avril, c'est-à-dire demain. Or la réunion a été reportée. Cela signifie-t-il que le Gouvernement attend une période plus propice ou qu'il cherche à définir une autre méthode sur cet axe ?
Dans le Puy-de-Dôme, comme dans d'autres départements, les projets de laboratoire envisagés se télescoperaient avec les programmes de développement émanant des communautés de communes et interféreraient de manière très forte avec la gestation des « pays », au sens de la loi d'orientation pour l'aménagement et de développement durable du territoire.
Les travaux de réflexion sur l'entreposage en surface, troisième axe de la loi de 1991, avaient pris du retard par rapport à ceux des autres voies. Ce retard a été rattrapé.
Les problèmes portent sur les systèmes d'entreposage de différentes catégories de déchets sur de très longues durées. De cette réflexion dépend la réversibilité du processus.
La notion de réversibilité est essentielle. Les parlementaires y sont très attachés et l'ont affirmé.
Les générations futures doivent en effet pouvoir être en mesure de surveiller, de contrôler et, le cas échéant, de reprendre les déchets. C'est une charge qui pèsera sur elles, mais je n'ai, pour ma part, aucun doute sur cette option de précaution. Je la préfère à celle qui consisterait à faire en sorte que nos descendants n'aient aucune obligation de contrôle et de surveillance sur des stocks irréversibles. L'accident est peut-être improbable ; il est toujours possible.
Dès lors, je vous demande, monsieur le ministre, de veiller à optimiser cette réversibilité, sans que cela soit conçu au détriment de la sécurité et de la sûreté des installations.
Voilà donc les questions cruciales. Toutefois, le groupe socialiste ne pense pas que la démocratisation de la question nucléaire s'arrête au problème du traitement des déchets. Le Parlement doit pouvoir assurer un rôle régulier de surveillance de l'activité nucléaire en général.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, instauré en 1983, a représenté un premier pas important dans cette direction, suivi par la loi du 30 décembre 1991. Il nous faut aller plus loin et mettre fin définitivement à la culture du secret !
L'organisation française du contrôle et de l'expertise dans le domaine du nucléaire est aujourd'hui techniquement satisfaisante. Mais il convient de mieux dissocier les activités d'expertise et de contrôle de l'activité d'exploitation : il faut mettre en place des études sanitaires précises, comme le suggère Mme Rivasi dans le récent rapport que vous avez évoqué, monsieur Arthuis. A l'heure où les mots « sécurité » et « traçabilité » sont à la mode, c'est bien la moindre des choses.
Monsieur le ministre, quand le Gouvernement déposera-t-il le projet de loi sur la transparence nucléaire ?
De façon encore plus générale, la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, adoptée récemment, prévoit qu'un projet de loi d'orientation sur la politique énergétique doit être présenté au Parlement avant le 31 décembre 2002.
Il faut assurer l'intervention la plus large, la plus complète possible du Parlement dans ce domaine pour aller dans le sens des aspirations de nos concitoyens en faveur de modes de production durable et de la mise en place de dispositifs d'évaluation.
Pour conclure, je tiens à revenir à la question de l'enfouissement des déchets, car c'est ce qui focalise le débat.
Nous respecterons la loi de 1991 si nous abordons ce sujet sans préjugés.
Pour ma part, il me paraît essentiel d'écouter et d'étudier tous les arguments.
Les associations de défense de l'environnement posent, à mon avis, de bonnes questions : comment garder la mémoire d'un site pendant des milliers d'années ? Comment éviter la pollution des nappes phréatiques ou le retour de particules radioactives dans la biosphère ? J'attends des réponses à ces questions.
En 2006, ou plus tard, ce devra être au Parlement, et à lui seul, de trancher en toute objectivité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le massif granitique d'Avrillé, en Vendée, a été présélectionné pour l'étude d'un projet d'installation d'un centre de gestion de déchets radioactifs.
L'émoi de toute la population est le reflet d'une angoisse très profonde liée à tout ce qui concerne le nucléaire.
La commune d'Avrillé est située à moins de dix kilomètres du littoral, déjà atteint par les hydrocarbures échappés de l' Erika .
Imaginez un seul instant l'impact de la seule annonce d'une procédure de concertation locale !
La croissance démographique du territoire concerné, l'environnement de qualité qui favorise l'économie touristique d'un des premiers départements touristiques français plaident pour un refus catégorique à l'encontre d'un tel projet.
Un site est visé, et c'est tout un département qui est touché !
Vous prenez des décisions aujourd'hui, mais ce seront les générations futures qui géreront les impacts, voire les risques !
Par ailleurs, mon collègue et ami Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui ne peut être présent aujourd'hui, m'a fait part de l'opposition unanime des habitants et des élus à un projet identique dans son département, projet que les élus locaux ont également appris par voie de presse !
Monsieur le ministre, quinze sites au total ont été retenus par les géologues pour l'installation éventuelle du futur laboratoire d'études en terrain granitique.
Pouvez-vous me préciser si, préalablement à cette présélection, qui, bien évidemment, tient compte de la géologie des sites, il est procédé à une analyse de l'évolution démographique et économique du territoire visé ?
Face à l'opposition des Vendéens, quelles assurances pouvez-vous donner à ces derniers ? Peuvent-ils continuer à investir dans l'économie touristique ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le stockage des déchets radioactifs est de nouveau d'actualité depuis quelques semaines, et ce pour deux raisons.
Le premier élément d'actualité tient à la publication du rapport de Mme Rivasi, intitulé Les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l'environnement. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans le cadre duquel ce rapport a été préparé, a dû reporter sa décision avant de décider de son adoption. Je tiens à le rappeler parce que c'est un fait rarissime dans l'histoire de l'Office. A cette occasion, notre collègue Henri Revol, président de l'Office, a pu exprimer des réserves, que nous partageons, sur les propositions contenues dans ce rapport.
Le second élément d'actualité, mis en avant par M. Arthuis, est la manière de travailler de la mission dite « de concertation » : il s'agit, bien entendu, de la mission de concertation préalable au choix d'un ou de plusieurs sites pour implanter un laboratoire en zone granitique. Or, les déplacements de cette mission sont loin d'ouvrir le dialogue que l'on est en droit d'attendre et ne font qu'augmenter les crispations et le rejet sur le terrain par les populations.
Monsieur le ministre, votre collègue M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, nous l'a dit clairement, le 23 mars dernier, lors d'une de nos séances de questions d'actualité au Gouvernement : « Rien ne sera forcé, rien ne sera obligatoire, tout sera mêlé intimement grâce à une concertation très approfondie et au dialogue démocratique. »
Dans ce contexte, l'initiative de notre collègue Jean Arthuis est tout à fait appropriée, car elle devrait permettre d'ouvrir le débat et de clarifier les positions, même si l'on sait que la majorité gouvernementale n'aborde jamais sans difficulté et sans arrière-pensées politiques la question du nucélaire.
Depuis 1974, la France a fait le choix du nucléaire, ce qui lui a permis d'assurer son indépendance énergétique.
Bien sûr, le nucléaire produit des déchets. Mais les volumes de déchets radioactifs sont très faibles en comparaison avec les autres déchets industriels et chimiques toxiques, pour lesquels on ne prend pas toujours les mêmes précautions de traitement et de stockage.
Cependant, la dangerosité et la durée d'activité des déchets radioactifs expliquent qu'une procédure particulière leur soit réservée. Tel était l'objectif, qui prévoyait que les déchets de faible et moyenne activité à vie courte devaient être stockés dans des installations d'entreposage de surface et que les déchets nucléaires à haute radioactivité devaient être stockés en profondeur, dans des couches géologiques différentes, avec possibilité de réversibilité.
La loi prévoit, pour 2006, un rapport global d'évaluation des travaux, accompagné, le cas échéant, d'un projet de loi autorisant la création d'un centre de stockage. Il y a donc une « obligation de résultat » pour 2006.
Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que le retraitement, même très poussé, ne permettra pas l'élimination totale des déchets. En conséquence, le stockage profond apparaît comme le mode de stockage le plus raisonnable sur lequel s'accordent la plupart des experts.
C'est en 1998 qu'avait été rendue publique la décision de créer un premier laboratoire en site argileux, à Bure, dans la Meuse, ainsi que la décision de rechercher un deuxième site en terrain granitique.
Je tiens à rappeler ce qu'a dit, à cette occasion, Dominique Strauss-Kahn : « Le choix de l'énergie nucléaire sera poursuivi comme composante majoritaire de l'approvisionnement électrique national. Ce choix nécessite un effort de recherche renforcé pour apporter des réponses aux questions laissées ouvertes par le cycle nucléaire, en particulier celles qui sont relatives aux déchets nucléaires. »
La construction des laboratoires est un choix adapté, car on ne connaît pas tous les effets à long terme des déchets radioactifs. Les laboratoires permettent de continuer les recherches pour trouver la meilleure réponse possible à la question du stockage, dans le respect de la sécurité des populations et de la protection de l'environnement.
A ce propos, monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre analyse sur l'expérience que la Suisse est en train de mener et qui paraît très intéressante : celle d'un stockage évolutif durable, sous contrôle régulier, réversible durant au moins une centaine d'années. La France a-t-elle engagé des études similaires sur ce point ?
Nous ne l'avions pas envisagé en 1991. Or, aujourd'hui, que se passe-t-il ? Où en sommes-nous ?
Nous avons l'impression de revivre ce que nous avions connu avant le vote de la loi de 1991, lorsque l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs avait commencé à rechercher les sites susceptibles de répondre aux critères géologiques d'un stockage en profondeur. A l'époque, ces travaux, menés sans information ni concertation, avaient provoqué un fort phénomène de rejet.
Il en est de même aujourd'hui tant apparaît au grand jour le manque de diplomatie et de clarté avec lequel intervient la mission « Granite » au fil de ses déplacements. Il est vrai que la tâche de ses participants est particulièrement difficile au regard de l'accueil qu'ils reçoivent à chaque étape !
A ce sujet, monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire pourquoi c'est une association écologiste qui a révélé à l'AFP les quinze sites présélectionnés pour l'implantation des laboratoires ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, alors qu'il reste encore onze sites sur quinze à visiter d'ici au 30 juin, on peut d'ores et déjà s'interroger sur la validité de la démarche entreprise. Les délais seront-ils tenus ? Ne devrait-on pas reprendre la concertation en ouvrant un véritable dialogue et un débat contradictoire clair ?
Nous connaissons les craintes qui se cristallisent autour du nucléaire, plus particulièrement autour de la question de la gestion des déchets. En conséquence, nous devons, d'une part, mieux comprendre les réactions de nos concitoyens, notamment de ceux qui habitent près des sites concernés, et, d'autre part, faire un véritable effort de communication et d'information.
Je voudrais vous poser une dernière question sur l'accueil, que je qualifierai d'organisé et d'irresponsable, qui attendait la mission « Granite » à chaque étape.
En Corrèze, un porte-parole a lu, au nom de 250 manifestants présents, une fin de non-recevoir.
En Mayenne - je n'y reviens pas, Jean Arthuis a bien rappelé comment cela s'est passé - plusieurs milliers de personnes ont encerclé pendant cinq heures le minibus dans lequel se trouvaient ces missionnaires avant de les raccompagner, encadrés par des tracteurs, jusqu'à la frontière départementale, vers la Sarthe.
Dans la Vienne, à Poitiers, 500 manifestants ont accueilli la mission.
A Dinan, dans les Côtes-d'Armor, ils étaient 5 000. C'était suffisant pour interrompre la mission, dont les membres ont décidé « de se donner le temps de la réflexion et d'adapter sa méthode d'information ». Je pense d'ailleurs qu'ils ont eu raison de prendre une telle décision.
Je vous ai parlé d'accueil organisé et irresponsable, monsieur le ministre, car, chaque fois, l'accueil était le même. Les missionnaires pouvaient entendre et lire les mêmes slogans sur les mêmes pancartes : « Non à une bombe sous nos pieds » ou encore : « Non à 180 Tchernobyl sous terre ». Ils retrouvaient exactement les mêmes organisateurs, membres d'un collectif d'associations qui s'est donné le nom « Sortir du nucléaire » !
Ce collectif déclare très ouvertement que, « à travers ce refus des laboratoires d'enfouissement de déchets nucléaires ; ils souhaitent poser la question du nucléaire », et ils ajoutent : « La première manière de se débarrasser des déchets nucléaires, c'est de ne plus en produire. »
C'est facile, mais sacrément irresponsable !
En matière nucléaire, monsieur le ministre - majorité plurielle oblige, devrais-je dire -, nous avons été habitués aux décisions abruptes, unilatérales et politiques, à l'image de l'abandon de Superphénix.
Aujourd'hui, nous attendons que soit clarifiée la position du Gouvernement sur la question des déchets et sur l'application de la loi votée par le Parlement en 1991.
Cela signifie au moins deux choses : premièrement, il faut expliquer à nos concitoyens de manière claire et cohérente la stratégie poursuivie, à court terme comme à long terme ; deuxièmement, il faut étudier sans a priori toutes les options de stockage avant de décider et d'arbitrer.
Ces deux conditions sont, en effet, les garantes du respect de la loi de 1991, qui prévoit, je le rappelle après d'autres, qu'en 2006 le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport afin que ce dernier puisse décider, en connaissance, des modalités de stockage pour notre pays.
En guise de conclusion, je présenterai une suggestion, monsieur le ministre : ne serait-il pas judicieux que la mission « Granite » ne reprenne son tour de France qu'après les élections municipales de 2001 ? (M. le ministre sourit.) La tension serait peut-être alors moins violente... (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendans, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.4

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de deux minutes trente, et pas plus.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps qui lui est imparti afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
Avant toutefois de donner la parole au premier orateur, j'ai le plaisir d'accueillir au Sénat, dans ses nouvelles fonctions de ministre, M. Laurent Fabius (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR), avec qui j'ai porté sur les fonts baptismaux le projet de chaîne parlementaire.
Avec lui, je fonde beaucoup d'espoir sur une meilleure diffusion de nos travaux auprès de nos concitoyens, dont la plupart ne connaissent du Parlement... que les questions d'actualité au Gouvernement.
C'est avec le même plaisir que j'accueille au Sénat M. Jack Lang. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE)

Je veux également saluer nos anciens collègues Jean-Luc Mélenchon, que nous félicitons de sa promotion (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE), et Michel Duffour (Applaudissements sur les mêmes travées), qui, le lendemain même de sa nomination, a été à l'ouvrage au Sénat, tenu qu'il était d'y présenter un projet de loi... qu'il connaissait d'ailleurs fort bien.

Je n'aurai garde d'oublier Mme Catherine Tasca et M. Roger-Gérard Schwartzenberg, que nous avons déjà eu l'occasion d'accueillir et de féliciter.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues sénatrices et sénateurs, naturellement, que nous travaillions tous ensemble avec le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement. (Applaudissements.)

RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez placé la question des impôts au centre du débat politique de notre pays. Vous avez eu raison de le faire, et c'est probablement l'un des motifs du choix qui s'est porté sur vous et de votre nomination au poste que vous occupez.
Vous avez expliqué que la baisse des impôts devait profiter à chacun des Français ; nous aurons probablement l'occasion d'en reparler.
Aujourd'hui, je souhaite vous interroger sur la taxe d'habitation.
Vous avez pris position, au cours des derniers mois, sur cette taxe, en expliquant qu'il convenait probablement d'aller vers sa suppression.
Si chacun reconnaît que les modalités techniques de cet impôt sont mauvaises, on admet généralement que le fait de taxer l'habitation n'est pas en soi quelque chose de répréhensible.
Aujourd'hui, cet impôt est un impôt local, dont le produit est mis à la disposition des communes, des départements et des régions. Chaque assemblée délibérante de ces collectivités prend la responsabilité de voter l'impôt, de l'augmenter ou de le diminuer, en faisant des arbitrages.
Nous entendons dire que la taxe d'habitation serait remplacée par des dotations provenant directement du budget de l'Etat. Si ce mécanisme devait être mis en place, l'autonomie des collectivités locales serait réduite à une autonomie de dépense. L'Etat se verrait en quelque sorte confié le soin de fixer le montant des besoins des collectivités locales, qui perdraient cette responsabilité. Ce serait une régression de la politique de décentralisation mise en place depuis 1982.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire clairement aujourd'hui si le Gouvernement entend que les collectivités locales continuent à avoir une réelle responsabilité, celle de voter les dépenses et celle de fixer l'impôt qui correspond à ces dépenses ? Il ne faudrait pas que, au moment même où le Gouvernement a chargé une mission, sous l'autorité de M. Mauroy, de réfléchir sur l'avenir de la décentralisation, on remette celle-ci en cause. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de vous remercier de la gentillesse et de la chaleur de votre accueil. J'y suis extrêmement sensible.
Monsieur Mercier, il est vrai que j'ai beaucoup insisté, comme d'ailleurs nombre d'entre vous, sur le poids des charges et des prélèvements obligatoires de toute sorte. J'espère que, dans la période qui vient, nous allons pouvoir réduire leur part par rapport au produit intérieur brut, l'objectif que nous avons fixé étant, vous le savez, de redescendre au taux - au demeurant assez élevé ! - de 43,7 % d'ici à deux ans.
La taxe d'habitation est un impôt qui n'est pas satisfaisant, nous le savons tous - je suis moi-même élu local depuis quelque vingt ans ! Nous avons tous fait des efforts pour essayer de trouver des améliorations. C'est très compliqué.
Une première mesure va déjà vous être proposée, qui correspond à un allégement, puisque la part régionale de la taxe d'habitation va être supprimée, étant observé que tout le problème - nous en discuterons - est de trouver une ressource de compensation correcte : il ne faudrait pas que la région paie la décision prise par l'Etat.
Pour aller plus loin, il est vrai que j'avais envisagé, avant d'occuper mes nouvelles fonctions, deux hypothèses.
La première consistait à entreprendre une réforme peut-être plus modeste, qui compléterait celle que nous allons engager et qui concerne la part régionale. Mais, dans le même temps, je ne voulais pas m'interdire une réflexion plus vaste, en prenant un peu pour modèle ce qui se passe en Allemagne, où, vous le savez, les Länder, bien qu'autonomes, ne prélèvent pas de ressources parce qu'une dotation leur est garantie, constitutionnellement même, qui leur permet de conserver une responsabilité sur la base des dépenses. Là encore, nous aurons à en discuter.
Sachez, en tout cas, que cette notion de responsabilité est, à mes yeux, comme aux yeux de l'ensemble du Gouvernement, essentielle et que que nous veillerons à ce que, dans cette réforme des prélèvements obligatoires, loin de surcharger les contribuables locaux, on procède, si possible, à des allégements (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

CYCLISME ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Mesdames, messieurs les ministres, ma question s'adresse à plusieurs d'entre vous.
La fédération française de cyclisme compte aujourd'hui plus de 100 000 licenciés, dont 53 % de jeunes de moins de dix-sept ans. S'y ajoutent, bien entendu, les centaines de milliers de cyclotouristes qui, chaque semaine, fréquentent les routes de France.
La pratique du vélo, l'année dernière, a occasionné la mort de plus de 300 personnes, et 5 000 autres ont été gravement blessées.
Pour tous les cyclistes, quelle que soit leur catégorie, cette situation est effrayante. Il ne peuvent la tolérer. Il est vrai qu'il est difficilement tolérable de voir nombre d'entre eux tomber chaque semaine sur les routes comme des quilles au bowling !
Doit-on attendre que tous les cyclistes soient éliminés ou découragés pour réagir ?
Alors que, pour l'ONU, l'an 2000 est l'année de la sécurité routière, que votre gouvernement a d'ailleurs déclarée « grande cause nationale », que comptez-vous faire pour renforcer la sécurité de tous les cyclistes ?
Les spots des campagnes de sécurité routière restent bien silencieux sur les mesures minimales que les usagers devraient prendre pour ne pas faire du cyclisme une activité à très haut risque.
Je ne conteste pas, bien évidemment, le bien-fondé et l'efficacité de ces campagnes. Simplement, je suis très étonné qu'elles ne mettent en lumière que les dangers de l'alcool et de la vitesse. Pas un mot sur la conduite que doit tenir un automobiliste par rapport aux cyclistes ! Pourtant, ces deux populations se doivent de partager la route en bonne intelligence.
Je vous demande, mesdames, messieurs les ministres, de faire appel au civisme de nos concitoyens, voire de les y contraindre, en mettant en place des mesures concrètes afin que chaque usager de la route soit respecté.
Dans quelle mesure, par exemple, comptez-vous développer, monsieur le ministre de l'équipement, les pistes cyclables sécurisées par une bande en béton, remparts efficaces contre le non-respect de la distance de dépassement ?
Quelles sont, monsieur le ministre de l'intérieur, les dispositions concrètes que vous mettez en place pour renforcer les obligations des automobilistes envers la population cycliste ? Ne peut-on envisager une interdiction totale de doubler les cyclistes sur les parties rétrécies des chaussées ou au niveau des ronds-points lorsqu'il n'y a qu'une voie de circulation ?
Comment pensez-vous, madame la ministre de la jeunesse et des sports, protéger les séances d'entraînement des membres de clubs cyclistes ? Ne serait-il pas possible de les autoriser à encadrer leurs sorties sur les routes par des voitures banalisées, voire de leur réserver des portions de route certains jours où la circulation automobile serait réduite de manière incitative ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Pelchat.
M. Michel Pelchat. Mesdames, messieurs les ministres, c'est aujourd'hui l'avenir du sport cycliste qui est en jeu, et cet avenir est entre vos mains. Ne nous décevez pas.
Il est temps de mettre en place une large concertation avec les fédérations concernées et les responsables des clubs pour définir une véritable politique.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, comme vous, je suis extrêmement sensibilisée aux dangers auxquels sont exposés les cyclotouristes, comme vous je déplore les graves accidents qui ont eu lieu l'année passée et cette année.
Les cyclotouristes souhaitent pouvoir rouler, certes, en toute liberté, mais aussi en toute sécurité.
Mais ce qui vaut pour le cyclotourisme vaut également pour toutes les pratiques de pleine nature.
Aussi ai-je pris la décision de réunir, le 20 avril prochain, toutes le fédérations concernées par ces pratiques hors stade, ces pratiques de pleine nature, pour examiner avec leurs représentants les propositions sur lesquelles nous pourrions travailler en concertation avec les autres ministères : ministère de l'équipement, des transports et du logement, ministère de l'intérieur, ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je recevrai jeudi le président de la fédération de cyclotourisme et celui de la fédération de cyclisme, qui m'ont fait des propositions concernant la prévention. Nous évoquerons l'éducation dans les centres de vacances et les centres de loisirs, l'information préventive des enfants, la mise à disposition de voitures d'accompagnement pour les entraînements collectifs.
Nous évoquerons également la question des bandes cyclables, de leur largeur, notamment pour les cyclotouristes qui partent en groupe, et celle des itinéraires partagés balisés.
Il faut apprendre aux automobilistes que la route est à partager avec les cyclistes et les motards. Il faut les sensibiliser à cet aspect des choses.
J'espère que, grâce à ce travail, à ces différentes réunions, nous pourrons concrétiser bientôt dans le texte sur le sport que vous examinerez en deuxième lecture toutes ces revendications relatives aux sports de pleine nature. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

BAISSE DU CHÔMAGE

M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lorsqu'ils sont interrogés sur le bilan du Gouvernement, les porte-parole de l'opposition - ici, de la majorité sénatoriale - ne manquent jamais une occasion d'affirmer que le Gouvernement n'est pour rien dans l'embellie économique et sociale que connaît notre pays.
M. Dominique Braye. A juste titre : la France est le moins bon des pays européens !
M. Claude Estier. Cette embellie, à les en croire, à vous croire...
M. Alain Vasselle. C'est le bon sens !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Claude Estier. Vous le confirmez !
Cette embellie ne serait due qu'à la conjoncture internationale.
M. Dominique Braye Absolument ! Vous avez de bonnes sources.
M. Claude Estier. Une personnalité du RPR (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) ... qui aspire à une haute fonction, apparemment d'ailleurs fort convoité...
M. Dominique Braye. Plusieurs candidats, c'est la démocratie !
M. Claude Estier. ... a même prétendu, dimanche dernier, que la politique du Gouvernement ne faisait que freiner le mouvement.
Eh bien, vous feriez bien, mes chers collègues, de lire de temps en temps la presse anglo-saxonne, par exemple, qui, habituellement, n'est pas complaisante envers la France, mais qui considère aujourd'hui que notre pays est la « locomotive » de l'Europe ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. On ne lit pas la même presse !
M. Claude Estier. Il apparaît en effet que la croissance est plus forte en France que dans la plupart des pays voisins, que le recul du chômage y est plus rapide et plus régulier (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) et que les créations d'emplois y sont plus nombreuses.
M. Dominique Braye. C'est faux !
M. Claude Estier. Cela vous gêne-t-il tellement que les résultats du Gouvernement soient aussi positifs ?
M. Dominique Braye. Cela nous gêne car c'est faux !
M. Claude Estier. Faut-il préciser qu'en Grande-Bretagne le chômage, après une légère baisse en 1999,...
M. Dominique Braye. Où est la question ?
M. Claude Estier. ... repart à la hausse, qu'en Allemagne il stagne,...
M. Dominique Braye. Où est la question ?
M. Claude Estier. ... de même qu'en Espagne, où il reste au niveau de 15 %.
D'ailleurs, dans un document du service des études du Sénat que vous avez tous reçu ces jours-ci,...
M. Alain Gournac. Le Sénat ? Anomalie !
M. Claude Estier. ... on peut lire que la croissance française serait « plus soutenue que celle de nos partenaires de la zone euro, traduisant un profil cyclique à la fois plus précoce et plus marqué. »
M. Alain Gournac. La question !
M. Claude Estier. Ne vous en déplaise, mes chers collègues, ce résultat doit bien aussi avoir quelque rapport avec la politique mise en oeuvre depuis trois ans...
M. Alain Gournac. Vous avez dépassé les trois minutes !
M. Claude Estier. ... et qui a notamment fortement favorisé la consommation, en particulier la consommation des ménages, ce qui est un signe de confiance.
Monsieur le président, vous m'autoriserez sans doute à être un peu plus long (Protestations sur les travées du RPR) dans la mesure où je suis constamment interrompu ! (Applaudissements sur les travées socialistes.) Je suis d'ailleurs frappé de la façon dont réagissent nos collègues chaque fois que l'on parle des bons résultats du Gouvernement !
M. Dominique Braye. Si seulement !
M. Claude Estier. L'opposition que vous êtes...
M. Dominique Braye. Oui, c'est vrai, cela ! C'est la seule chose vraie !
M. Claude Estier. ... ironise volontiers sur les emplois-jeunes ou sur les 35 heures, en dépit des premiers résultats positifs enregistrés, qui viennent d'être confirmés par l'INSEE, et dont les conséquences se font sentir tant sur les recettes fiscales que sur les comptes de la sécurité sociale ou de l'UNEDIC.
M. Dominique Braye. Cela fait quatre minutes, monsieur le président !
M. le président. Monsieur Estier, posez votre question !
M. Claude Estier. Madame le ministre, je voudrais vous demander (Exclamations sur les travées du RPR) comment vous concevez dans les mois qui viennent la consolidation de ces résultats.
M. Dominique Braye. Quatre minutes et demie !
M. Claude Estier. Vous paraît-il effectivement possible que le chômage en France puisse très bientôt passer en dessous de la barre des 10 %...
M. Dominique Braye. Cinq minutes !
M. Claude Estier... et que l'on puisse se fonder, comme l'a exprimé le Premier ministre, sur une perspective de retour au plein emploi à l'horizon de la décennie ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez bien expliqué la situation (Ah ! sur les travées du RPR), comme d'habitude. Il est vrai qu'aujourd'hui, et la Commission européenne l'a salué voilà quelques jours, la France connaît le niveau de croissance le plus élevé d'Europe, alors qu'elle se situait parmi les derniers au cours des quatre années précédant notre arrivée,...
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... dans une conjoncture internationale comparable.
Nous enregistrons aujourd'hui, avec l'Espagne, les meilleurs résultats en matière de chômage.
Je poserai une question simple à l'opposition : le Gouvernement n'y serait-il pour rien, alors que le chômage a baissé, au cours des douze derniers mois, à un rythme six fois supérieur à celui de l'Allemagne, pays pourtant comparable au nôtre en termes d'efficacité de ses entreprises et de structuration de son économie ?
Effectivement, cela est d'autant plus remarquable que la population active s'accroît en France - 200 000 personnes par an environ - alors qu'elle stagne en Allemagne.
Notre rythme de décrue du chômage est donc plus important.
Il résulte largement du soutien qui a été apporté à la croissance - vous l'avez dit - du soutien à la consommation et de la confiance retrouvée - les emplois-jeunes n'y sont pas pour rien ! - de l'aide aux nouvelles technologies, à la création d'entreprises... autant d'actions que le Gouvernement a développées pour faire en sorte que l'environnement économique soit plus favorable aux entreprises.
Nous avons également fait en sorte que la croissance soit plus créatrice d'emplois. C'est vrai des emplois-jeunes : 240 000 aujourd'hui. C'est vrai de l'aide aux nouvelles technologies et à l'innovation. C'est vrai également de la réduction de la durée du travail puisqu'on peut, selon les études dont nous disposons aujourd'hui, considérer qu'en 1999 le chômage aurait été de 40 % supérieur si nous n'avions pas mis en plan les emplois-jeunes et la réduction de la durée du temps de travail.
Sur les premiers mois de l'année, la moitié de la baisse du chômage, étant donné l'augmentation de la population active, est due à ces deux éléments.
Nous pouvons dire aujourd'hui que la réduction de la durée du travail a déjà en un effet positif sur le chômage : 130 000 emplois sur les 180 000 emplois annoncés par les accords qui ont été signés.
M. Dominique Braye. Vous êtes la seule à le dire !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne suis pas la seule à le dire puisque la presse anglo-saxonne, que vous pourriez continuer à lire même lorsqu'elle ne vous est plus favorable, se demande aujourd'hui ce qui explique ces résultats de la France. Pour ma part, je crois que ce sont ces deux éléments que je viens de citer.
M. Dominique Braye. Pourquoi Tony Blair ne prend-il pas exemple sur nous, alors ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis ravie de penser que la baisse des charges sociales qui a été mise en place depuis le 1er janvier pourrra encore accompagner cet accroissement de la création d'emplois, notamment dans les secteurs de main-d'oeuvre - industrie textile, habillement, etc. - mais également dans le commerce et l'artisanat.
Je suis convaincue que le travail que nous engageons avec Laurent Fabius sur l'épargne salariale, qui doit aider au développement local, à la croissance des entreprises, sera un élément complémentaire qui consolidera ces résultats sur l'emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicains et citoyen.)

MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES
ET BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, voilà quelques mois vous déclariez : « La baisse des prélèvements doit toucher l'ensemble des tranches pour éviter une fuite de la matière fiscale. Il convient de poursuivre les baisses de TVA, en particulier en matière de restauration. »
M. René-Pierre Signé. Qui l'avait augmentée ? Juppé !
M. Jean Bizet. Or, les annonces fiscales du Premier ministre ne rejoignent pas vos propositions. En matière d'impôt sur le revenu, seules les deux premières tranches d'imposition sont concernées. Pour la TVA, chacun sait qu'une baisse du taux à 19,6 % sera peu ou ne sera pas répercutée sur les consommateurs. Il suffit de regarder le prix de l'essence...
N'y a-t-il pas là une contradiction ?
Vous avez également déclaré : « Si l'on veut qu'une réduction du déficit se réalise, comme cela est nécessaire, et que les prélèvements obligatoires soient moins lourds, il faut être très attentif à la maîtrise des dépenses publiques. »
Nous avons défendu les mêmes positions lors de l'examen du dernier budget et le Gouvernement n'a pas souhaité nous suivre. Vous avez sans doute noté qu'aucun des 50 milliards de francs de recettes supplémentaires pour 2000 ne sera affecté à la baisse du déficit mais que 10 milliards de francs de nouvelles dépenses ont été annoncées.
N'y a-t-il pas là aussi une contradiction ?
Je citerai une autre de vos déclarations sur les retraites : « Il faut assouplir le régime des retraites, complété par l'épargne partenariale, et abonder le fond de réserve grâce, notamment, à la cession d'actifs comme France Télécom. »
Contrairement à vous, le Premier ministre a rappelé le 21 mars dernier son opposition absolue à tout système de retraite par capitalisation, que de nombreux Français appellent pourtant de leurs voeux. Pour les cessions d'actions France Télécom appartenant à l'Etat, je crains qu'il n'y ait quelque difficulté de compréhension entre vous et vos amis communistes.
N'y a-t-il pas là encore contradiction ?
En clair, le nouveau ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'est-il rallié à l'immobilisme du Premier ministre, ou bien l'ancien président de l'Assemblée nationale a-t-il conservé sa liberté de penser et sa volonté d'agir ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. Ridicule !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avant de répondre rapidement à la question judicieuse qui m'est posée, je voudrais présenter par avance mes excuses au président Lambert. En effet, je ne pourrai malheureusement pas assister au débat sur sa question orale car je reçois tout à l'heure les organisations syndicales de mon ministère. C'est donc, avec sa compétence habituelle, M. Pierret qui me suppléera.
Monsieur le sénateur, je ne pourrai pas être très exhaustif s'agissant de votre question sur les retraites. Mais je pourrai m'y attarder plus longuement à l'occasion d'une autre question, un autre jour, si vous le voulez bien.
Cela étant, en matière de retraites, il n'y a bien évidemment pas contradiction entre les orientations du Premier ministre et ce que j'ai pu déclarer.
S'agissant de la maîtrise des dépenses, je vous confirme qu'elle est nécessaire parce qu'on ne peut pas souhaiter réduire les déficits, alléger les prélèvements obligatoires, comme c'est notre ambition, sans mener dans le même temps une politique de maîtrise stricte des dépenses. (Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
Il est vrai que nous avons enregistré des surplus - je refuse le mot de « cagnotte » pour des raisons que j'ai expliquées tout récemment à vos collègues de l'Assemblée nationale - s'élevant à 50 milliards de francs. Nous avons consacré dans le collectif - vous en serez saisis - 10 milliards de francs à des dépenses nécessaires, ne serait-ce que pour réparer les dégâts causés par la tempête, puis à des allégements d'impôts.
Je vous précise, ou je vous apprends - je ne sais pas exactement ce qu'il faut dire - que si - ce qui est fort possible - nous avons, compte tenu de la forte croissance liée à nos bons résultats, de nouveaux surplus en fin d'année, nous les affecterons à la réduction du déficit. (Très bien ! sur certaines travées du RPR.)
En effet, lorsqu'on compare notre situation avec celle d'autres pays, il est vrai que nous constatons une amélioration, mais, en matière de déficit, nous avons encore du chemin à faire. (Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, vous êtes suffisamment averti des mécanismes fiscaux pour ne pas dire - je l'espère tout au moins - que l'abaissement ne concernera que les deux premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu. En effet, lorsqu'on abaisse les deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, cela profite à l'ensemble de ceux qui acquittent l'impôt sur le revenu.
Enfin, en ce qui concerne la TVA, j'ai repris les chiffres, et ils sont assez intéressants. Nous avons, dans un premier temps, opéré toute une série d'allégements de TVA ciblés, que vous avez d'ailleurs sans doute votés, qui se sont élevés à près de 30 milliards de francs. Et nous venons de décider de réduire d'un point la TVA, ce qui coûte, pour une année pleine, 30 à 31 milliards de francs. Avec ces deux séries de mesures très importantes, nous aurons ainsi à peu près effacé les deux points supplémentaires que la majorité précédente avait instaurés en 1995.
M. Serge Vinçour Il faut payer les dettes !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le fond de votre question, c'est qu'il pourrait y avoir une contradiction entre les positions du Premier ministre et les miennes. Je ne pense pas du tout que ce soit le cas.
J'ajoute pour terminer que nous avons considéré l'un et l'autre - et cela peut valoir d'une façon générale - que ce n'est pas en agitant les querelles du passé que l'on résout les problèmes de l'avenir. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Machet applaudit également.)
M. René-Pierre Signé. Vous pouvez en tirer des leçons pour la mairie de Paris !
M. le président. Monsieur Signé, s'il vous plaît !

AVENIR DES RETRAITES AGRICOLES

M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lors de sa dernière allocution télévisée, M. le Premier ministre, traitant du problème des retraites, n'a pas prononcé un mot sur celles des agriculteurs, ni, pour le présent, sur leurs droits, comme les autres retraités, à une part dans la redistribution des surplus fiscaux, ni, pour le futur, quant à la réparation d'une profonde injustice qu'ils ressentent comme une insulte.
Ils connaissent les chiffres des retraites des autres catégories socio-professionnelles : en moyenne 12 000 francs dans le secteur public, 9 000 francs pour les salariés du privé, moins de 6 000 francs pour les artisans et commerçants, et seulement 3 300 francs pour eux, les agriculteurs.
Ils ont tout à fait conscience que ces disparités peuvent en partie s'expliquer - mais en partie seulement - par les différences structurelles des régimes et par des cotisations inégales ; mais ils ne peuvent admettre, et on ne peut admettre avec eux qu'à peine 2 % des retraités agricoles touchent un montant supérieur à 75 % du SMIC. Les agriculteurs ressentent ces écarts totalement injustes avec amertume.
M. Dominique Braye. Ils ont raison !
M. Aymeri de Montesquiou. Si l'agriculture française est aujourd'hui la deuxième au monde et génère des excédents commerciaux très importants, c'est bien à eux qu'on le doit.
Un relèvement des retraites a été amorcé en 1994 et il se poursuit, mais beaucoup trop lentement.
Madame la ministre, la lutte contre les injustices est la priorité des priorités. Quand prendrez-vous les décisions nécessaires pour que les agriculteurs et leurs conjoints bénéficient d'une retraite décente, après une première étape à 75 % du SMIC ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que les agriculteurs regardent depuis des années la situation des retraités agricoles avec amertume. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, dès son arrivée, a décidé de réagir et d'accélérer la revalorisation des retraites agricoles.
Je veux vous rappeler, monsieur le sénateur, que l'effort consenti depuis trois ans dans le cadre du plan gouvernemental de revalorisation des plus faibles retraites agricoles est sans précédent. (C'est vrai ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) En effet, de 1998 à 2000, ce sont plus de 5 milliards de francs de mesures d'augmentation des pensions de retraite agricoles qui ont été inscrits au budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA.
L'article 114 de la loi de finances pour 2000 prévoit par ailleurs une nouvelle étape de réalisation de ce plan d'amélioration des retraites, ces dernières étant majorées de 2 400 francs par an, pour être portées à 38 400 francs pour les chefs d'exploitation, à 36 000 francs pour les personnes veuves, à 32 400 francs pour les aides familiaux et à 28 800 francs pour les conjoints. Le coût de cette nouvelle mesure s'élève à 1,6 milliard de francs en année pleine. C'est peut-être peu, mais vous n'en aviez pas fait autant. Nous, nous le faisons !
Le décret d'application de cette mesure vient de paraître au Journal officiel du 23 mars dernier, ce qui va permettre aux caisses de mutualité sociale agricole de rendre effective cette revalorisation dans les prochaines semaines.
Le Gouvernement entend poursuivre cet effort, de telle sorte qu'au terme de la législature, ainsi que l'a annoncé le Premier ministre lors de la table ronde avec les organisations professionnelles agricoles du 21 octobre 1999, les chefs d'exploitation et les personnes veuves perçoivent, pour une carrière pleine, une retraite au moins égale au montant du minimum vieillesse - vous voyez que nous allons au-delà de ce que vous souhaitez, monsieur le sénateur - 42 910 francs en valeur 2000, et les conjoints ainsi que les aides familiaux perçoivent, pour une carrière pleine, une retraite équivalente au montant du minimum vieillesse du second membre du foyer.
Tels sont les engagements pris par le Premier ministre. Je crois d'ailleurs qu'ils ont été bien reçus par les organisations agricoles.
Le Gouvernement entend donc porter le montant de la pension minimum d'un chef d'exploitation justifiant d'une carrière pleine à 50 % du SMIC, soit au même niveau que la retraite d'un salarié rémunéré au SMIC. De ce fait, en 2002, le régime de retraite agricole sera à parité avec le régime général.
Tels sont les engagements du Gouvernement et voilà ce qui a déjà été fait ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Ma question d'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, vous venez de prendre vos fonctions. Je sais que vous organisez des consultations pour définir vos grandes orientations. Cependant, comme nous pouvons le mesurer avec les partenaires de l'école, les jeunes, les enseignants et les personnels, les parents et les élus, l'urgence est là.
Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre vos intentions sur deux questions essentielles.
La première a trait aux dispositions immédiates à prendre pour corriger les mesures négatives et contestées prévues pour la rentrée scolaire prochaine.
La seconde porte sur le futur de notre service public, avec la réalisation du plan de programmation des moyens supplémentaires annoncés par M. le Premier ministre.
En tant que rapporteur du budget de l'enseignement technique, je tiens d'emblée à dire que je me réjouis qu'un accord soit en vue dans l'enseignement professionnel et que celui-ci soit considéré comme une voie de la réussite pour apprendre un métier et accéder à l'emploi.
Les multiples mouvements concernant la carte scolaire sont une chance et un atout pour notre pays, à un moment où la reprise économique crée un climat d'attentes fortes et dégage des marges budgétaires nouvelles.
Mais la rentrée scolaire a été préparée de façon bien trop comptable, avec le couperet de la calculette. Il y a donc eu beaucoup trop de fermetures de classe et de suppressions de moyens à l'aveugle ! Il y a encore trop de classes chargées et surchargées : un tiers des classes ont encore plus de vingt-cinq élèves dans les écoles et plus de trente dans les collèges et les lycées.
N'est-il pas dans le vrai cet enseignant qui déclare : « La baisse des effectifs est la seule solution pour assurer un suivi individualisé à des gamins qui ont besoin qu'on s'occupe d'eux tout le temps. »
M. Alain Gournac. C'est trop long !
Mme Hélène Luc. C'est aussi trop d'inégalité entre départements, entre secteurs.
M. le ministre, la priorité doit être donnée à des plans de rattrapage pour combler des retards persistants.
Un sénateur du RPR. Trois minute quinze !
M. le président. Je vous prie de conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je ne citerai que quelques exemples, ceux de l'Hérault, du Gard, du Val-d'Oise et du Val-de-Marne, où une exigence s'exprime unanimement, avec la motivation première de la qualité de l'enseignement et la réussite des enfants.
M. Dominique Braye. Coupez !
Mme Hélène Luc. Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de préciser vos initiatives pour régler, avec le collectif budgétaire, la question urgente de la rentrée scolaire et des postes supplémentaires à créer au concours de recrutement de 2000...
M. Dominique Braye. C'est long !
Mme Hélène Luc. ... ainsi que vos intentions sur les transformations attendues et nécessaires.
M. Serge Vinçon. La cagnotte ne va pas suffire !
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour deux minutes trente.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Madame le sénateur, comme vous l'avez rappelé à l'instant, l'éducation est une priorité absolue pour notre gouvernement. Notre ambition est de construire une école de la République, qui soit une école de l'excellence, de la réussite et de l'initiative.
M. Guy Vissac. Il ne fallait pas virer Allègre !
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Cette école, nous ne la construirons que par le dialogue avec les uns et les autres.
C'est pourquoi nous avons souhaité en particulier, avec le ministre délégué à l'enseignement professionnel, sortir de la crise les lycées professionnels.
Voilà quelques heures, nous avons ainsi pu faire adopter un plan qui permet de reconnaître la pleine dignité des professeurs de l'enseignement professionnel, à l'égal de leurs collègues de l'enseignement général ou technologique. C'est un grand progrès !
En même temps, nous avons décidé d'engager ou, plutôt, de confirmer et de consolider la rénovation pédagogique dans les lycées professionnels. Je pense en particulier au suivi des élèves en stage, à l'introduction des mathématiques et du français, ou encore à ce qui a été décidé pour la rentrée prochaine afin de favoriser la modernisation des équipements.
Le dialogue, c'est ce qui, en effet, nous permettra, au cours des prochaines semaines, de créer les meilleures conditions pour que notre rentrée scolaire se réalise à la satisfaction générale.
M. Dominique Braye. C'est vraiment du baratin tout ça !
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. S'agissant du département du Val-de-Marne, vous le savez, madame le sénateur, nous sommes à l'écoute des élus, qui souhaitent, sur ce plan, obtenir des ajustements.
M. Alain Gournac. Du concret !
MM. Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle. Oui, du concret !
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Du concret ? Messieurs les sénateurs, on ne décroche pas des postes avec une machine à sous !
Plusieurs sénateurs du RPR. Et la cagnotte ?
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Lorsque, dans la loi de finances pour 1997, vous avez supprimé 5 000 postes, là, c'était du concret ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Il faut répondre ! Vous ne répondez rien du tout ! (Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. C'était non pas du baratin, dans ce cas, mais de l'amputation budgétaire ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Nous continuerons dans le concret positif, et non pas dans le concret négatif,...
M. Dominique Braye. Et le concret neutre ?
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. ... qui a consisté pour les gouvernements précédents à amputer, à couper et à supprimer !
M. Alain Gournac. C'est du pipeau !
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Vous pouvez être sûre, madame le sénateur, que nous continuerons à réformer...
M. Adrien Gouteyron. On verra !
M. Dominique Braye. C'est de la bouillie pour les chats !
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. ... et que, en particulier dans le cadre concret du plan pluriannuel, nous pourrons progressivement répondre à vos demandes. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Nous verrons bien !

REMBOURSEMENT DES AIDES
VERSÉES À L'INDUSTRIE TEXTILE

M. le président. La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Depuis le 1er avril, les entreprises françaises du secteur du textile, de l'habillement et de la chaussure se voient contraintes de rembourser les allégements de charges salariales accordés en 1996 par le gouvernement d'Alain Juppé.
Il faut rappeler à ce propos la légèreté avec laquelle ce plan dit « Borotra » a été promulgué. En effet, ni les avertissements de la Commission européenne ni un précédent parfaitement identique chez nos voisins belges n'avaient empêché la mise en oeuvre d'un dispositif qui nous a conduit dans l'impasse.
Aujourd'hui, c'est à nos entreprises de payer les pots cassés : alors que la plupart d'entre elles ont respecté le contrat qui leur avait été proposé, elles sont tenues de rembourser des sommes considérées comme indûment perçues.
Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui plus encore qu'en 1996 la situation est extrêmement difficile et tendue. Ces reversements peuvent avoir des conséquences extrêmement graves dans un secteur fragilisé.
M. Dominique Braye. C'est vrai.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous préciser quels aménagements vous comptez prendre pour le remboursement de ces aides ?
Plus globalement, je relève qu'il s'agit de 340 000 emplois directs, de milliers d'entreprises, qui constituent souvent le seul poumon d'oxygène, la seule activité sur leur territoire, d'entreprises modernes qui n'ont plus rien à voir avec l'image vieillotte qu'on leur renvoie communément, mais aussi de salariés inquiets et mobilisés.
Ne pensez-vous pas de ce fait, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il est urgent que vous nous disiez si ce secteur doit être considéré comme définitivement condamné ou si l'Europe est prête à prendre les mesures adaptées qui s'imposent ?
Vous savez, par ailleurs, que les représentants des collectivités ont demandé que, en France, un comité interministériel à l'aménagement du territoire soit consacré au textile et à l'habillement.
Sans attendre, plusieurs bassins industriels textiles - c'est le cas, en Midi-Pyrénées, du Tarn et de l'Ariège - se sont regroupés pour présenter un plan cohérent de dynamisation de la filière. D'autres régions françaises sont en train de s'engager dans la même voie.
Pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'Etat, face à cette approche, qui est, cette fois, non pas sectorielle, mais territoriale, quels moyens le Gouvernement français envisage de dégager pour donner espoir à tous ceux qui vivent du textile ? (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, les charges supplémentaires des entreprises du textile et de l'habillement proviennent d'une mauvaise évaluation en 1996 et 1997 du risque entrepreneurial attaché au plan dont vous avez parlé dans votre question.
Il est vrai que nous sommes obligés aujourd'hui d'appliquer la loi de Bruxelles, en particulier le jugement de la Cour européenne de justice du mois d'octobre 1999, qui nous enjoint de faire procéder aujourd'hui au remboursement des aides indues, illégales au regard des règles européennes, perçues par ces entreprises.
Nous nous sommes battus, je me suis vraiment beaucoup battu pour que ce remboursement soit supportable, et je crois que nous avons obtenu le maximum.
Compte tenu de la structure des salaires, les entreprises de moins de quatre-vingts salariés à l'époque auront très peu à rembourser, voire rien. Sur 5 500 entreprises environ, 600 au plus, et peut-être moins, seraient redevables d'une aide litigieuse.
Par ailleurs, l'organisation d'une franchise de remboursement de 100 000 euros, un correctif fiscal permettant de déduire le remboursement de l'impôt sur les sociétés payé à l'époque et l'étalement du remboursement sur trois ans participent du succès de la négociation que j'ai entamée dès 1997 avec la Commission.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le rôle des entreprises du textile et de l'habillement dans l'action régionale.
Toutes les régions sont aujourd'hui peu ou prou concernées.
J'ajoute à cet égard que les directions régionales de l'industrie, par les conseils et les aides qu'elles peuvent prodiguer à l'investissement, à l'innovation et à la formation, ont été mobilisées pour qu'une réponse positive et dynamique soit apportée aux entreprises du secteur.
De plus, les contrats de plan Etat-région prévoient, dans leur volet industriel et technologique, une mobilisation au profit de ces entreprises. Des projets régionaux ambitieux, comme le projet MUTEX, dans la région de Roanne, peuvent voir le jour lorsque les industriels, l'Etat et les collectivités se mobilisent.
Enfin, je note que l'action européenne a toujours été au coeur de la politique suivie par la France dans ce domaine. Dans la seconde partie de l'année, je présiderai le conseil « Industrie ». Nous serons alors certainement appelés à réviser le plan en faveur du textile établi en 1997 par la Commission, qui, hélas ! n'a pas produit de grands effets, le dossier ayant été mal suivi par Bruxelles. Je souhaite que le conseil en dresse un bilan et analyse les axes de relance de ce secteur à l'échelon européen.
Je renouvelle enfin ma confiance et celle de tout le Gouvernement dans notre secteur du textile-habillement et dans les entreprises qui se battent dans des conditions difficiles pour exister et pour se développer. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !

DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mardi, à l'Assemblée nationale, vous déclariez : « Il est étrange de voir à quel point notre réussite suscite l'impatience et la colère de la droite ! ».
Mais ce n'est pas le sujet, monsieur le ministre. (Rires sur les travées du RPR.)
Colère et impatience se sont manifestées dans la rue, portées par des milliers d'enseignants.
Vous faites diversion. Le mot à employer n'est pas « réussite » mais « échec » : échec de la réforme, échec auprès des enseignants, échec du Gouvernement.
Le 16 mars dernier, le Premier ministre annonçait en urgence l'octroi d'un milliard de francs pour l'éducation. Comment servira-t-il la réforme ?
Vous-même, mercredi, vous annonciez un effort supplémentaire de 600 millions de francs pour les lycées professionnels, dont 350 millions de francs pour la prochaine rentrée. Ces millions de francs sont-ils à déduire du milliard de francs annoncé ?
Après « la boulimie transformatrice » de votre prédécesseur, qu'évoquait récemment le secrétaire général de la Fédération de l'éducation nationale, subsistent les nombreux problèmes dont le traitement n'a été, jusque-là, que différé. Je pense, par exemple, au problème de la carte scolaire, qui n'a toujours pas été revue.
Qu'il s'agisse de l'échec scolaire, des postes à pourvoir ou de la violence au sein des établissements, le corps enseignant attend autre chose que des solutions quantitatives et d'interminables tergiversations.
Après la méthode qui consistait à agir sans écouter, monsieur le ministre, n'êtes-vous pas condamné à écouter sans agir, à vous porter au chevet d'un malade qui n'a reçu, en guise de traitements, que de coûteux placebos ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous exposer les grandes lignes de votre action à venir pour que ce grand ministère ne devienne pas, d'échec en échec, celui du renoncement ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, « écouter sans agir », voilà une formule qui, je crois, convient mal à ce qui a été entrepris depuis quelques jours par le ministère dont j'ai la charge avec votre ancien collègue, M. Mélenchon.
A peine installés rue de Grenelle, nous avons souhaité, en effet, écouter...
M. Alain Lambert. Il était donc temps que cela change ?
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Je suis interrogé sur le présent et sur le futur !
Nous avons donc rencontré les uns et les autres, et engagé avec les différentes organisations, les professeurs et les différents responsables le dialogue nécessaire au sujet des lycées professionnels. Après quelques jours, nous avons agi.
La réforme engagée ne se limite pas seulement à la décision que vous rappelez d'attribuer les moyens matériels qui manquaient en effet à ces lycées professionnels. Cette réforme, c'est aussi un statut donnant pleine dignité à ces professeurs, qui méritent la reconnaissance de la nation. C'est l'engagement d'une série de modifications pédagogiques dans l'organisation des stages, dans la mise au point de filières pluridisciplinaires, dans la nomination de chefs de travaux dans les filières tertiaires, dans la mise en place, dès la rentrée prochaine, d'un programme de modernisation des équipements, qui avait trop tardé. Ce sont des actions !
Au cours des prochaines semaines, je serai amené à annoncer ou à confirmer devant vous des mesures concernant la rentrée prochaine et les autres réformes à entreprendre.
Je n'ai nulle intention de me croiser les bras et de me contenter d'écouter ! Mais, dans une démocratie digne de ce nom, on prend le temps de rencontrer les uns et les autres : les parlementaires, naturellement, les organisations, les professeurs.
Aujourd'hui même, je profite de cette séance de questions pour vous répondre ; je réunirai ensuite l'ensemble des recteurs de France. Demain, ce sera le tour des parents d'élèves, puis, dans quelques jours, celui des organisations d'étudiants. Ces consultations sont destinées à déterminer l'ensemble des dispositions que le Gouvernement sera appelé à prendre.
M. Adrien Gouteyron. C'est une critique en règle de votre prédécesseur !
M. Alain Gournac. Ce n'est pas gentil pour lui.
M. le président. Veuillez terminer, monsieur le ministre !
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, mon programme d'action ne repose ni sur l'immobilisme ni sur l'improvisation. Ce gouvernement sera, plus que jamais, un gouvernement du dialogue et de l'action. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Serge Vinçon. Plus qu'avant ?

CONDITIONS DE FINANCEMENT
DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE

M. le président. La parole est à M. Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat chargée des petites et moyennes entreprises, et concerne les conditions de financement de la création d'entreprise.
Madame la secrétaire d'Etat, vous allez présider, le 11 avril prochain, à Paris, les états généraux de la création d'entreprise, et cela après avoir ouvert un très large débat, en particulier au travers de forums organisés dans plusieurs régions de France.
Le fait est que la démarche de création d'entreprise continue de se heurter, en France, à de multiples obstacles, en particulier au problème du financement des projets innovants.
Les informations statistiques disponibles démontrent que, depuis 1987, le nombre de créations a connu une décroissance régulière, tant pour les créations ex nihilo que pour les réactivations d'entreprises.
Outre ce phénomène de diminution des créations, on ne peut manquer de faire état du taux encore élevé de défaillances. Ainsi, sur dix entreprises créées en 1994, seules six ont été en mesure de fêter leur troisième anniversaire. Ces défaillances s'expliquent de multiples façons. Mais la mise en cessation trouve fréquemment son origine dans la mauvaise articulation des composantes financières de démarrage, au niveau tant des apports que des garanties financières.
Il semble en particulier que ces problèmes soient plus importants dans un certain nombre de métiers traditionnels - pourtant essentiels pour un développement équilibré de notre territoire - tels que le bâtiment, le commerce et les services de proximité. On peut, à la limite, considérer qu'il est aujourd'hui plus facile de réunir 2 millions de francs pour monter une start up que d'obtenir 150 000 francs pour reprendre une activité de première nécessité ou pour exercer un métier traditionnel en zone rurale.
Des améliorations doivent incontestablement être recherchées sur le terrain des dispositifs financiers d'aide à la création d'entreprise. Je vous serais par conséquent reconnaissant de nous donner toutes précisions sur les préconisations qui sont les vôtres et sur les projets du Gouvernement en la matière.
Par ailleurs, les questions du soutien à la création et d'accompagnement des projets par les structures de proximité sont également posées car, dans certaines parties du territoire, les réseaux sont peu nombreux ou parfois mal organisés.
Pouvez-vous, dès lors, nous indiquer quelles propositions le Gouvernement entend faire en vue de soutenir encore plus efficacement la démarche de création d'entreprise dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de le souligner, dans notre pays, il est plus simple aujourd'hui - le rapport de votre collègue de l'Assemblée nationale M. Eric Besson le montre - de créer une start up, car on trouve facilement un, deux ou trois millions de francs pour ce faire. Pourtant, la petite défaillance de la « bulle » américaine devrait nous appeler à beaucoup de prudence en matière de création de ce type d'entreprise !
La création d'entreprise a commencé à chuter de façon quasi permanente en 1987. L'année 1994 a été acceptable. Nous avons connu un léger retour à la création en 1999, le taux de croissance ayant engendré des besoins. Au 31 décembre, on est passé de 166 000 à 170 000 créations.
Ce qui manque le plus aujourd'hui dans notre pays - j'ai beaucoup apprécié l'analyse que vous avez faite - c'est le soutien de l'Etat pour couvrir l'ensemble du territoire de correspondants de la création d'entreprise, qu'ils soient issus des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers, des plates-formes d'initiative locale, les PFIL, de France initiative réseau, du réseau Entreprendre en France, de l'Association pour le droit à l'initiative économique, l'ADIE, etc.
On ne trouve aucun accompagnement pour les créateurs d'entreprise sur des pans entiers de notre territoire ! Ou lorsque ces réseaux existent, ils s'adressent souvent aux secteurs de la haute technologie, des biotechnologies, des technologies de l'information, mais assez peu aux métiers traditionnels. J'ai pourtant coutume de dire en souriant que le P-DG d'une grande entreprise de haute technologie a besoin de prendre un petit déjeuner le matin, d'avoir du pain, de s'habiller, de disposer d'un bureau, de mobilier... sinon il ne peut pas exercer son activité.
Nous avons cédé à un engouement qui se justifie et que nous avons eu raison de soutenir eu égard à l'innovation. En revanche, nous avons oublié que les entreprises traditionnelles sont innovantes et qu'elles ont besoin de crédits.
Que faire par rapport au système bancaire ? Celui-ci est frileux sur la création de petits projets, car le coût de gestion d'un dossier est aussi important que le projet soit petit ou gros. Nous avons donc abondé cette année le fonds SOFARIS, que vous connaissez bien, pour les petits projets. De plus, après SIAGI et SOCAMA, nous venons de signer des conventions avec le Crédit agricole, le Crédit mutuel et la Société générale.
Ce sera insuffisant si nous ne proposons pas, au cours des assises, un soutien à l'accompagnement. Je vous signale que, dans les contrats de plan, il me manque des propositions des régions pour cofinancer le soutien à l'accompagnement, qui est déterminant pour la réussite de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

PROJETS DU GOUVERNEMENT
SUR L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ma question s'adresse à M. Mélenchon. (Ah ! sur les travées du RPR.)
Cette semaine, M. Lang et vous-même, monsieur Mélenchon, avez annoncé la mise au placard de la réforme Allègre, tout au moins de l'essentiel de cette réforme.
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. Alain Vasselle. Cette réforme est pourtant nécessaire pour adapter l'enseignement professionnel aux évolutions technologiques et économiques. La modernisation des lycées professionnels nécessite leur enracinement dans le tissu industriel local, donc un partenariat fort avec les entreprises. En effet, il ne sert à rien de délivrer des diplômes s'ils ne tiennent pas compte de la réalité économique. Mes questions sont donc les suivantes.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à présenter aujourd'hui, devant la Haute Assemblée, les grands axes de la réforme que vous souhaitez engager ?
Etes-vous prêt à garantir un partenariat fort avec les entreprises ?
Allez-vous, à l'exemple du Premier ministre, sous couvert de concertation, faire preuve d'immobilisme ? (Protestations sur les travées socialistes.) Nous en avons eu un exemple brillant avec la réforme des retraites ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Allez-vous vous engager dans la voie de la réforme telle qu'elle est attendue par la société, ou bien allez-vous rester dans l'inaction ?
L'inaction sera-t-elle votre vertu, à l'image de l'inaction du Gouvernement, qui ne s'est pas appliqué à lui-même la parité, alors qu'il veut l'imposer au Sénat ?
Monsieur Mélenchon, vous qui aviez, dans cette enceinte, la critique facile et la langue bien pendue,...
M. Dominique Braye. Trop bien pendue !
M. Alain Vasselle. ... allez-vous adopter aujourd'hui la langue de Blois... pardon, de bois ? (Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée devine facilement, j'imagine, le bonheur et l'émotion que j'ai à me présenter en cet instant devant elle dans mes nouvelles fonctions. A chacun de ceux avec qui j'ai partagé ces quatorze années de débats rigoureux et exigeants, l'ex-sénateur adresse un salut personnel et amical, et le nouveau ministre dit son respect.
Monsieur Vasselle, vous apprécierez le matériau dans lequel sera faite ma langue à cet instant. Je n'ai qu'une chose à vous dire : vous m'interrogez sur le partenariat ; personne n'en nie la nécessité, mais il ne faut pas en faire une affaire idéologique !
Chacun doit être à sa place. Le service public, qui a pour mission d'éduquer et de former en débouchant sur des savoir-faire opérationnels, ne renonce à aucun de ses objectifs. L'entreprise n'est pas un substitut à l'école ; elle a ses propres objectifs.
Contractualisons clairement, chacun dans son rôle et dans ses missions, et tout sera pour le mieux dans ce pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur Mélenchon, vos collègues sénateurs vous remercient de votre salut amical et assurent le ministre que vous êtes de toute leur sympathie.

UTILISATION DES BIOCARBURANTS
ET DE L'ÉTHANOL EN PARTICULIER

M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et porte sur l'avenir des biocarburants.
Monsieur le ministre, la récente polémique sur le caractère cancérigène des rejets de l' Erika et le protocole d'accord signé entre votre Gouvernement et la société TotalFina, censé contrôler la diffusion d'informations sur le contenu des cuves du pétrolier, montre qu'il faut être très prudent en ce domaine.
De la même façon, en 1996, la loi sur l'air votée par le Parlement devait annoncer le printemps des énergies renouvelables, mais les décrets d'application n'ont toujours pas été pris !
Depuis dix ans, le dossier de l'éthanol stagne. Pourtant, l'intérêt de ce composant issu de ressources renouvelables, c'est-à-dire de productions agricoles telles que le blé ou la betterave, et destiné à augmenter l'indice d'octane des carburants n'est plus à démontrer tant pour la santé publique que pour l'environnement.
En outre, au moment où la filière agricole cherche de nouveaux débouchés, l'éthanol peut apparaître comme une réponse tout à fait appropriée.
Le 21 octobre 1999, le Premier ministre avait annoncé la poursuite du programme pilote précédemment engagé et la création d'une mission d'évaluation dont les travaux devaient aboutir dans les trois mois. Où ces travaux en sont-ils aujourd'hui ?
Monsieur le ministre, quelles perspectives allez-vous donner au développement des carburants propres, et ce dans un délai que nous souhaitons bref, conformément aux dispositions figurant dans le livre blanc de la Commission européenne relatif aux sources d'énergie renouvelables ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vais vous répondre à la place de Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il s'est trouvé dans l'obligation d'assister au congrès général de la fédération paysanne, comme il assiste à tous les congrès des syndicats agricoles. Bien évidemment, M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, et passionné par les sujets que vous avez évoqués, aurait également pu vous répondre. (M. Chritian Pierret opine.)
A la suite des décisions prises en 1992 par le Gouvernement dans la foulée de l'adoption de la réforme de la PAC, la France dispose d'une politique ambitieuse en matière de production de biocarburants et de deux filières bien structurées : celle de l'EMHV, ester méthylique d'huile végétale, ou Diester, produit à partir d'oléagineux et incorporés dans le gazole ; celle de l'ETBE, éthyl tertio butyl éther, élaboré à partir d'éthanol de bettraves ou de céréales et introduit dans l'essence.
Au cours de l'année 1999, plus de 246 000 tonnes de Diester ont été mises à la consommation sur le territoire français, bénéficiant d'une exonération partielle de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, pour un montant de 669,18 millions de francs.
La même année, environ 193 400 tonnes d'ETBE, correspondant à 90 900 tonnes d'éthanol, ont été mises à la consommation en France avec une exonération partielle de TIPP pour un montant de 377 millions de francs.
Trois usines implantées en France bénéficient d'un agrément pour un volume total de 219 000 tonnes d'ETBE.
Ainsi, 350 000 hectares ont été utilisés en France à des fins non alimentaires et ont bénéficié d'un soutien public de plus de 1 milliard de francs au seul titre de la défiscalisation.
Lors de la table ronde du 21 octobre dernier, le Premier ministre a marqué son intérêt pour le développement de cette filière, qui passe par la construction de nouvelles usines, et a demandé qu'une étude d'évaluation soit lancée afin de permettre d'apprécier les gains de productivité réalisés depuis 1992.
M. Jean Glavany vient de charger M. Lévy, ingénieur général du génie rural des eaux et forêts, de faire des propositions au Gouvernement. Dès qu'il disposera du rapport de M. Lévy, le ministre de l'agriculture ne manquera pas de se faire l'avocat de cette filière économique...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. ... compatible avec la défense de l'environnement.
Je pense que c'est un sujet qui ne peut que rassembler les sénateurs.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Suite de la discussion
d'une question orale avec débat

M. le président. Nous reprenons la discussion de la question orale avec débat n° 21 de M. Arthuis.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette question orale avec débat est l'occasion pour notre assemblée de débattre sur un sujet sensible, qui préoccupe l'ensemble de nos concitoyens.
En effet, les études d'opinion, tous secteurs et toutes activités confondus, montrent que les déchets nucléaires constituent une préoccupation figurant au tout premier rang de la liste des risques redoutés par nos concitoyens.
De quelle manière répondre à leurs préoccupations ?
L'objectif fondamental de la gestion à long terme des déchets radioactifs est de protéger l'homme et son environnement contre toute émission ou dissémination de matières radioactives.
En France, les déchets faiblement et moyennement radioactifs à vie courte sont gérés par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, dans deux centres de stockage en surface. Cette agence, plus connue sous le nom de ANDRA, est un établissement public, indépendant des producteurs de déchets, et dont les statuts et la mission ont été clairement définis par le législateur.
L'un des centres de stockage se trouve dans mon département ; il s'agit du centre de la Manche, situé à la pointe du Cotentin, à vingt-cinq kilomètres à l'ouest de Cherbourg.
Mis en exploitation en 1959, ce centre était conçu à l'origine pour un simple stockage en tranchée.
Dès sa création en 1979, l'ANDRA a élaboré un nouveau concept qui a fait de la France le pionnier de ce type de stockage : case de stockage, dalles en béton de protection de la nappe phréatique, conditionnement pour garantir l'étanchéité des colis ont été conçus et mis en place pour assurer une protection sûre et efficace de l'environnement. Le centre est entré en phase de surveillance depuis 1994.
Grace à une plus grande transparence de l'information, notamment à l'organisation de visites, nos concitoyens ont pu accueillir ce centre et, par la suite, d'autres infrastructures de manière plus sereine. En effet, le souci d'information doit être constant et l'on ne peut oublier les errements du passé, qui ont longtemps jeté un discrédit sur le nucléaire et nourri une suspicion à son égard.
A ce propos, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous interroger sur les normes de sécurité de la première tranche creusée entre 1969 et 1978 sur le site de la Manche. Il semblerait que l'étanchéité ne soit pas parfaite au regard des connaissances techniques actuelles. Pourriez-vous rassurer à cet égard les habitants de ce département ?
Malgré tout, l'opacité subsiste. Elle a notamment entouré la mission collégiale de concertation « granite », chargée de rencontrer les élus, les associations et la population des quinze massifs granitiques retenus en France pour l'étude du projet d'implantation d'un laboratoire de qualification géologique en vue de la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Cette mission a suscité une forte hostilité de la part de la population, des associations, ainsi que des élus, comme l'ont souligné de nombreux collègues dont M. Arthuis s'est fait en quelque sorte l'interprète.
Par ailleurs, le problème du stockage des déchets radioactifs ne peut être dissocié de la problématique de réduction des rejets. En effet, l'objectif de réduction des rejets doit être privilégié tandis que des précisions plus poussées sur les connaissances actuelles en matière d'effets de rayonnements ionisants sur la santé doivent être demandées. En tout cas, la Communauté européenne engage les Etats membres à poursuivre leurs efforts en vue de la réduction des quantités et de l'activité des déchets provenant de toutes les applications nucléaires.
Sur ce point, il est important de rappeler que des efforts considérables ont été réalisés depuis vingt ans ; il conviendra d'en accomplir encore dans l'avenir.
Dans les conclusions qu'il a adoptées le 15 juin 1999, le conseil des ministres de l'Union européenne se dit conscient de l'importance cruciale que revêt l'existence d'une saine gestion et d'un stockage effectué dans de bonnes conditions de sécurité des déchets nucléaires dans la Communauté.
Le conseil a également souligné l'importance d'assurer la transparence, au niveau des gouvernements, des autorités réglementaires, des opérateurs et du public, des opérations de gestion des déchets dans l'ensemble de la Communauté en vue de permettre une meilleure compréhension des questions techniques, sociales, environnementales en cause.
C'est dans ce contexte que devrait s'inscrire la ratification de la convention commune sur la sûreté de la gestion des combustibles usés et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs.
Cependant, cette réduction ne pourra être envisagée que si elle est accompagnée de moyens financiers qui permettront d'intensifier les recherches avec, pour objectif, non pas d'arriver à des rejets radioactifs proches de zéro d'ici à 2020, comme le préconise Michelle Rivasi, dans le rapport qu'elle a effectué au nom de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, tout simplement parce que le « zéro rejet » n'existe pas, mais d'obtenir l'impact zéro sur la santé.
Je souhaiterais donc entendre votre réponse sur ces points, monsieur le ministre.
En conséquence, permettez-moi de rappeler ce que j'ai souligné à l'époque, dans mon avis relatif au projet de loi de finances pour 2000, à savoir que la multiplication des normes relatives à la lutte contre les pollutions de toutes natures modifie trop fréquemment le champ réglementaire, ce qui complique singulièrement la tâche des responsables locaux et des professionnels, qui ont besoin d'une certaine lisibilité à moyen terme pour programmer des investissements coûteux.
Enfin, je déplore que cette plus grande prise en compte de l'environnement par les pouvoirs publics se soit souvent traduite par un durcissement des exigences imposées aux collectivités locales et aux entreprises, exigences imposées sans beaucoup de concertation.
Ce sujet, à l'instar de quelques autres, est un vrai sujet de société, et nos concitoyens souhaitent être partie prenante dans l'élaboration des décisions qui présideront à leur évolution.
Nous vivons dans une « société d'inquiétude », où la démocratie, par essence représentative, a de plus en plus tendance à devenir participative, au-delà même des seuls élus de la République, ne l'oublions pas !
Monsieur le ministre, nous entendrons donc avec intérêt les réponses que vous voudrez bien apporter aux diverses questions que je viens de vous poser et serons heureux de savoir quelle appréciation vous portez sur le faible souci de concertation et d'information dont ce gouvernement a fait preuve jusqu'à présent s'agissant de la filière nucléaire, une filière à laquelle nous sommes attachés, car elle est le gage de notre indépendance énergétique nationale et de la préservation de notre environnement au regard de l'effet de serre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d'abord remercier M. Arthuis d'avoir suscité ce débat en posant sa question orale.
La question du stockage des déchets radioactifs vient d'enflammer nos régions, nos campagnes, tout particulièrement celles où se trouvent les quinze sites susceptibles d'accueillir un laboratoire de recherche souterrain.
Je voudrais brièvement rappeler l'historique des faits.
Le 30 décembre 1991, le Parlement a adopté la loi relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Cette loi définit trois axes de recherches.
Le premier concerne la recherche sur la séparation-transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans les déchets.
Le deuxième est l'étude des procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface de ces déchets.
Ces deux missions de recherche ont été confiées au CEA. A ce sujet, il serait intéressant, monsieur le ministre, de connaître les avancées réalisées par nos scientifiques en la matière et les perspectives d'évolution des crédits mis à leur disposition pour mener à bien les recherches en question.
Le troisième axe est l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains. La loi prévoit que quinze ans au maximum après sa promulgation - cela nous amène à 2006 - devra être prise une décision afin de déterminer la ou les méthodes à retenir en matière de stockage des déchets nucléaires.
Cette troisième mission de recherche a été confiée à l'ANDRA, qui a déjà réalisé enquêtes et expertises sur les sites de Bure, de Chusclan et de La Chapelle-Bâton et s'apprête à y installer des laboratoires de recherche.
L'arrêté du 19 novembre 1999 nomme une mission collégiale de concertation « Granite », chargée d'établir un rapport après consultation des élus, des associations et des populations concernées par les sites de recherche.
L'annonce de la venue de cette mission et la détermination des sites granitiques choisis ont soulevé les passions, réveillé les militants antinucléaires, interpellé les élus et mobilisé les associations. La culture du secret, qui a longtemps prévalu en matière de nucléaire, a contribué à accentuer le doute et la méfiance dans le grand public.
Il est vrai que l'occasion est trop belle pour certains de remettre en cause l'énergie nucléaire en tant que telle, sans proposer par ailleurs de solutions alternatives susceptibles de répondre aux besoins énergétiques de la société française.
En France, la production d'énergie électrique est à 80 % d'origine nucléaire. Ce chiffre montre qu'il convient de diversifier les modes de production et d'accentuer la recherche sur les énergies renouvelables qui restent marginales et qui, au demeurant, n'échappent pas aux critiques quant à leur impact sur l'environnement.
A travers ces questions, c'est le problème du développement de l'énergie électrique et de l'évolution future de la consommation globale d'énergie qui est posé.
Les hasards du calendrier parlementaire juxtaposent aujourd'hui deux débats intimement liés ; je fais bien sûr allusion à la proposition de loi de mon ami Paul Vergès, portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique et visant à reconnaître comme une priorité nationale la lutte contre l'effet de serre.
Les communistes ne privilégient pas un mode de production énergétique par rapport à un autre. Ils préconisent au contraire l'accentuation de la recherche et la diversification des modes de production d'énergie. Nous sommes bien conscients que les enjeux financiers ont déterminé et déterminent encore des choix défavorables à l'environnement, alors qu'il conviendrait de mettre au premier plan la durabilité, le respect de l'environnement, le souci des générations futures.
A cet égard, l'autre problème que pose la loi de 1991 est bien celui de l'irréversibilité des solutions d'enfouissement. Un document adressé récemment aux élus concernés précisait : « Ces recherches doivent s'inscrire dans une logique de réversibilité. » Mais ce document en dit moins que la loi, qui évoque la réversibilité ou l'irréversibilité des solutions à trouver en matière d'enfouissement.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous apportiez également des éclaircissements devant notre assemblée sur ce sujet.
Pour en savoir plus sur l'irréversibilité, la conception des laboratoires, les investigations censées y être menées, j'ai consulté le site Internet de l'ANDRA, et je dois vous avouer que je n'ai pas été vraiment rassuré.
Au-delà d'un certain nombre de mesures mécaniques, calorifiques, hydrologiques et chimiques qui doivent être effectuées dans ces laboratoires, on apprend que des sources radioactives peuvent y être installées et qu'il faudra déterminer comment sceller les puits, les gaines et les forages.
L'enfouissement apparaît bien, aux yeux des populations, comme une solution à risque pour l'avenir, ayant un caractère particulièrement irréversible, quelles que soient les précautions prises aujourd'hui. Psychologiquement, enfouir, c'est cacher, et cacher, d'une certaine façon, c'est mentir ! Chacun peut imaginer le pire pour les décennies et les siècles à venir : secousses sismiques, détérioration des puits, pollution de l'eau et d'un volume considérable de matière... Que feront alors nos descendants ?
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, la mission collégiale « Granite » est plutôt fraîchement accueillie, voire rejetée par certains. Cela étant, je ne cautionne pas ce qui s'est passé dans la Mayenne. Nous avons notre analyse, mais nous ne refusons pas de rencontrer la mission, de lui exposer notre point de vue, de lui faire part des réactions de nos concitoyens. Il y va du fonctionnement de la démocratie républicaine, à laquelle nous sommes attachés.
En Bretagne et plus particulièrement dans les Côtes-d'Armor, département abritant trois sites, nous avons fait valoir, pour motiver notre refus, un certain nombre de problèmes, notamment environnementaux, que connaît déjà notre région : qualité de l'eau, algues vertes, marée noire, émanations de radon naturel. Faut-il vraiment en rajouter d'autres ? La nature géologique du sous-sol breton et d'autres régions granitiques de France ne peut, selon nous, constituer à elle seule un critère d'éligibilité. Nous ne sommes donc pas candidats à l'accueil de ces laboratoires, même si nous sommes bien conscients que la région Bretagne est particulièrement déficitaire en sources d'énergie.
Nous avons également insisté sur le nucléaire militaire - je pense ici, en particulier, au site de l'Ile-Longue, à Brest - car nous estimons qu'il faut aussi envisager une réduction concertée de la puissance nucléaire, laquelle n'est pas sans incidence sur ces problèmes de déchets.
Certes, si l'on veut faire appliquer la loi de 1991, toute la loi, mais rien que la loi, il conviendrait de disposer de la palette complète des solutions préconisées. Mais je crains que, eu égard à nos connaissances actuelles et à l'état de l'opinion publique, il ne soit préférable de ne retenir que les deux premiers axes, à savoir la séparation-transmutation et le stockage en surface ou subsurface. C'est, en tout cas, l'idée qui gagne du terrain, si j'en crois ce que j'ai pu entendre au sein de l'association d'élus que je préside en Côtes-d'Armor, ainsi que ce qui s'est dit dans les nombreuses réunions et manifestations qui se sont déroulées.
En tout état de cause, la question des choix énergétiques de notre pays ne doit pas rester une affaire de spécialistes, ni même ressortir du seul champ du politique.
De nouvelles formes de citoyenneté doivent prévaloir afin de porter le débat sur les choix énergétiques dans l'ensemble de notre société : c'est la seule garantie de voir retenues des options responsables pour le futur.
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un rapport d'information sur la situation de l'énergie nucléaire en Europe m'ayant été confié par la délégation du Sénat pour l'Union européenne, je voudrais apporter un éclairage européen à notre débat.
Le nucléaire, tout le monde en convient, est un enjeu essentiel pour l'indépendance énergétique de l'Europe. Mais le degré d'acceptation sociale et politique est très variable dans les quinze Etats membres.
Si l'on met à part le problème de la prolifération, qui ne se pose pas vraiment en Europe de l'Ouest, les deux points de controverse et même de polémique sur la filière nucléaire sont le risque d'accident majeur dans une centrale et le devenir des déchets.
Il s'agit là de questions qui ne peuvent être traitées qu'en rassemblant tous les éléments issus de l'expérience des quarante dernières années et des études en cours faites par divers organismes.
Le nucléaire se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins en Europe. Bien que vivement contesté, il constitue la seule réponse pour mener à bien une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui sont à l'origine du réchauffement climatique de la planète.
Le nucléaire répond également à la préoccupation de sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Union, selon Mme Loyola de Palacio, le nouveau commissaire européen chargé de l'énergie. Enfin, il doit faire la preuve de sa compétivité économique dans le cadre concurrentiel du marché unique de l'électricité qui est mis en place.
Dans ce contexte européen, la France a une responsabilité particulière et majeure. En effet, la France produit à elle seule près de la moitié de l'électricité d'origine nucléaire eu Europe. A ce titre, elle fait figure de « chef de file » naturel des Etats membres favorables au nucléaire. Elle se doit donc d'être exemplaire, dans tous les aspects de la politique qu'elle conduit dans ce domaine.
Les Etats membres qui ont fait le choix de l'énergie nucléaire sont aujourd'hui minoritaires au sein de l'Union : sept sur quinze. Et encore deux d'entre eux, la Suède et l'Allemagne, ont-ils officiellement annoncé leur intention de renoncer au nucléaire.
Pour ce qui est du sujet essentiel des déchets radioactifs, il ne faut jamais oublier que les adversaires du nucléaire misent sur l'incapacité des pouvoirs publics à traiter correctement cette question. En l'absence de solutions acceptables et crédibles pour ce qu'il est convenu d'appeler l'« aval du cycle », c'est toute la filière nucléaire qui se trouverait irrémédiablement compromise.
Il s'agit là d'un problème difficile, à l'égard duquel j'avoue mes propres interrogations.
Un sondage réalisé récemment par Eurobaromètre à la demande de la Commission de Bruxelles donne la mesure des inquiétudes que la gestion et le stockage des déchets nucléaires inspirent à l'opinion publique européenne.
Il faut savoir que 79 % des citoyens européens interrogés pensent que tous les déchets radioactifs sont très dangereux. Cette opinion est fort loin de la réalité, mais elle conditionne les réactions des populations concernées.
Si 79 % des citoyens européens interrogés s'intéressent à la gestion des déchets dans leur propre pays, ceux qui se soucient également de la gestion des déchets dans les autres Etats de l'Union représentent une proportion à peine moindre : 70 %. Nous devons garder à l'esprit que cette préoccupation ignore les frontières et que, lorsque nous avons à prendre des décisions à caractère national, nous agissons devant l'opinion publique européenne.
Enfin, nous devons relever une contradiction majeure dans les avis exprimés : près de 75 % des citoyens européens interrogés se prononcent en faveur de l'implantation d'un site de stockage dans chacun des Etats membres. Mais 3 % seulement accepteraient de vivre à une distance de 10 kilomètres d'un tel site, 5 % à une distance de 50 kilomètres et 8 % à une distance de 100 kilomètres. Plus de 40 % des sondés refusent de vivre à moins de 1 000 kilomètres d'un site de stockage de déchets radioactifs. Et 15 % déclarent n'accepter aucune distance minimale entre eux-mêmes et un tel site !
Je mesure bien, monsieur le ministre, la difficulté de conduire une politique de stockage cohérente face à une défiance aussi forte, et par certains côtés irrationnelle, de l'opinion publique.
Pourtant, par rapport à ses voisins, la France peut se targuer d'une meilleure acceptation sociale du nucléaire. Mais cette relative confiance des Français dans leur filière nucléaire n'est pas acquise. Elle résulte d'un effort de transparence de la part des industriels et des autorités publiques, qui n'a d'ailleurs pas toujours été très spontané.
Sur ce point, l'émancipation progressive de la direction de la sûreté des installations nucléaires et de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire a joué un rôle essentiel. L'indépendance des organismes en charge du contrôle de la filière nucléaire renforce leur objectivité, et donc leur efficacité réelle, et améliore grandement leur crédibilité aux yeux de l'opinion.
Le projet de loi sur la transparence nucléaire annoncé par le Gouvernement devrait consacrer cette évolution positive. A ce sujet, monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire pourquoi la présentation de ce texte au Parlement tarde tant ?
Pour ce qui est de la mise en oeuvre de la transparence, je voudrais saluer, en particulier, l'action positive de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. L'ANDRA s'acquitte remarquablement bien de la mission qui lui a été confiée par la loi Bataille de 1991. Je la rappelle : approfondir les pistes d'études retenues pour le devenir des déchets radioactifs et assurer leur stockage provisoire en attendant une solution plus satisfaisante.
L'action quotidienne de l'ANDRA a beaucoup contribué à dépassionner le débat. D'une certaine manière, on peut même considérer que la filière nucléaire constitue aujourd'hui un modèle de gestion responsable des déchets produits par toute activité humaine.
Il faut rappeler que beaucoup d'autres activités polluantes pourraient s'inspirer de l'effort de recensement des déchets radioactifs, de réduction de leur volume, de contrôle de leur nature exacte et, in fine, de retraitement et de conditionnement. Dans ce domaine, les solutions imaginées pour l'industrie nucléaire mériteraient d'être appliquées à d'autres industries qui, aujourd'hui, dispersent leurs effluents et leurs déchets sans grande précaution, alors que la nocivité de ceux-ci est parfois plus grande et, souvent, pérenne.
L'ANDRA remplit donc efficacement les missions qui lui ont été confiées par le législateur, mais elle ne peut pas, à elle seule, prendre en charge le débat démocratique sur les déchets radioactifs. Aussi efficaces que soient les administrations dans ce domaine, il ne peut y avoir, là non plus, de confiance publique sans orientations claires données par les autorités politiques. Le « modèle français » d'acceptation sociale du nucléaire reste un combat permanent. Il peut être remis en cause à tout instant par le moindre faux pas des responsables politiques, ou simplement par une atmosphère de flottement et d'indécision.
C'est pourquoi je m'associe à la question posée aujourd'hui par notre collègue Jean Arthuis. Le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, tergiverse publiquement en matière d'énergie nucléaire. Les déclarations intempestives de certains de ses membres entretiennent une impression de flou politique extrêmement dommageable.
Certes, d'après la loi Bataille, les choix définitifs pour le stockage des déchets radioactifs ne doivent être faits qu'en 2006. Mais, dans l'intervalle, il est de votre responsabilité de faire progresser les études en toute transparence, afin de ne pas provoquer d'inquiétudes irraisonnées chez nos concitoyens.
Monsieur le ministre, par votre réponse, vous vous engagerez non seulement devant l'opinion publique française, mais aussi devant l'opinion publique européenne. La politique que la France va décider aura des conséquences majeures sur le coût de son énergie électrique, son indépendance énergétique et sa contribution à la réduction de l'effet de serre, mais elle conditionnera aussi l'avenir de l'énergie nucléaire au sein de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne me placerai pas, comme l'a fait ce matin, - contrairement d'ailleurs à son habitude -, l'auteur de la question, sur un plan trop polémique.
M. Alain Lambert. C'est une question orale avec débat !
M. Michel Moreigne. Deux sites potentiels d'implantation d'un laboratoire destiné à l'étude du stockage des déchets ultimes en granit profond, ceux de Crocq et d'Auriat, se trouvent dans le département de la Creuse, que j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée.
Les conseils municipaux, le conseil général et le conseil régional ont délibéré et s'opposent à ce projet ; les parlementaires ont fait part par écrit de leur hostilité ; les populations s'opposent, ont manifesté et manifestent aujourd'hui même à Clermont-Ferrand, au pied des volcans de la chaîne des puys, située à moins de cinquante kilomètres de Crocq. Je ne doute pas que les délibérations des collectivités seront respectées, comme le prévoit la loi Bataille et comme nous l'a affirmé ici même M. Pierret à l'occasion d'une récente question d'actualité au Gouvernement.
La loi Bataille, qui a été votée en 1991, semble être le résultat de l'application en France d'une doctrine déjà retenue par les Etats-Unis depuis 1981-1982 sur les bases des connaissances de l'époque et qui consiste à retenir uniquement des sites appartenant au domaine continental et à privilégier le stockage géologique profond, chaque pays prenant l'engagement d'entreposer ses déchets sur son propre territoire.
Depuis une quarantaine d'années, la tectonique des plaques a donné une nouvelle image dynamique de la déformation de la croûte terrestre. En particulier, le phénomène de subduction conduit certaines plaques lithosphériques à s'engager sous d'autres plaques et à plonger dans l'asthénosphère visqueuse, à des profondeurs allant jusqu'à sept cents kilomètres, souvent au niveau des fosses océaniques.
L'idée d'enfouir des déchets aux abords de ces fosses océaniques, avec l'espoir qu'ils soient engloutis pour des millions d'années, se heurtait jusqu'à présent au fait que dans la zone de pinçage des plaques se forme un prisme d'accrétion où se manifestent une intense activité et des mouvements tectoniques ascendants, ce qui explique la remise en cause totale de l'enfouissement dans ces zones.
Mais, depuis quinze ans, des travaux, en particulier ceux de M. Bourgeois, directeur de recherche au CNRS, permettent d'affiner notre compréhension de ce type de mécanisme. M. Bourgeois a notamment montré que, dans certaines zones de subduction, il n'existe pas de prisme d'accrétion. On peut penser que, dans ce cas, des déchets convenablement placés pourraient disparaître, emportés vers les profondeurs du manteau terrestre. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre en compte ces données nouvelles et de lancer des campagnes d'études afin d'explorer cette possibilité ?
En outre - cela a été démontré ce matin - la variabilité du climat pourrait constituer une menace pour tous les sites continentaux retenus par la loi Bataille, quels qu'ils soient, et l'impossibilité actuelle de « craquer », c'est-à-dire de dissocier les atomes lourds actiniques pour les transformer en atomes à période courte, faute de moyens adéquats tels que le surgénérateur ou la fusion nucléaire, non encore opérationnelle, semble exclure pour au moins une quarantaine d'années, selon des informations tout à fait fiables, le recours au stockage continental.
Tous ces éléments convergent pour inciter à prendre en considération la possibilité d'enfouissement des déchets radioactifs dans des zones de subduction des fosses océaniques. Les travaux de M. Bourgeois ont été publiés dans le numéro de janvier 1996 de la revue Réalités industrielles , que je vous ai fait parvenir, monsieur le ministre, sous le titre : « Un processus naturel pour éliminer définitivement les déchets nucléaires ultimes ». Il y a là, me semble-t-il, une piste intéressante à explorer. Je vous remercie à l'avance, monsieur le ministre, de la réponse que vous m'apporterez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour reprendre le titre en forme d'interrogation d'un grand quotidien, la question « Que faire des déchets nucléaires ? » n'est pas en elle-même suffisante, même si elle s'impose à notre pays, qui a fait, voilà un demi-siècle, le choix de l'indépendance énergétique en promouvant le nucléaire.
En effet, les autorités sont confrontées au choix du mode de stockage des déchets, aucun pays européen n'ayant véritablement fait sa religion sur le sujet.
En revanche, tout le monde s'accorde pour considérer la question comme très sensible, et il convient de s'interroger sur la méthode de concertation. Le Gouvernement a chargé une mission « Granite » de sonder la population et les élus des quinze sites susceptibles d'accueillir un deuxième laboratoire, après celui de Bure dans la Meuse, situé en terrain argileux. Le département des Deux-Sèvres, plus particulièrement la région granitique de Neuvy-Bouin, est concerné.
J'ai encore en mémoire les événements qui se sont produits voilà une dizaine d'années, quand une précédente tentative de l'ANDRA avait été menée, avec le concours du préfet du moment, dans de très mauvaises conditions.
En effet, la démarche des différents acteurs de l'époque, qui arrivaient un peu en pays conquis et ne faisaient pas preuve de la plus élémentaire psychologie vis-à-vis des populations locales, loin de dissiper les peurs et les résistances que suscite le dossier du nucléaire et que même les scientifiques ont du mal à apaiser, a renforcé considérablement les nombreuses oppositions.
Ainsi, dans le département du président de notre groupe, les populations rurales et les élus ont récemment vu se lever une réaction violente qui avait pour thème : « la gâtine n'est pas à vendre ». Les propositions qui avaient été faites étaient, pour l'essentiel, d'ordre financier, ce qui a été fort mal perçu par les habitants de la région. Ces événements ont laissé une trace très vivace dans les mémoires et ont forgé un véritable esprit de résistance.
Je constate à regret, aujourd'hui, que les responsables au plus haut niveau n'ont pas appris grand-chose et sont en passe de renouveler les mêmes erreurs.
Entre-temps, bien entendu, le territoire auquel j'ai fait allusion a mis en oeuvre de nombreux projets économiques et culturels fondés sur ses atouts naturels : les paysages, l'environnement, avec, par exemple, le développement de la pêche en étang.
Il m'apparaît que les populations des principaux sites pressentis manifestent une même opposition.
Ce qui est en cause, par-delà le problème, réel, je le répète, du sort réservé aux déchets nucléaires, c'est la méthode du secret et l'opacité de la gestion des aides financières, qui sont totalement inacceptables. Certains mots sont galvaudés, parmi lesquels, incontestablement, celui de « concertation ». L'Etat ne peut continuer à agir ainsi.
L'ensemble des grands projets d'infrastructures - autoroutes, lignes TGV, lignes électriques à haute tension, barrages, usines, centres d'enfouissement des déchets... - touchant à l'environnement et, d'une manière générale, à l'aménagement du territoire sont l'objet d'une forte contestation émanant principalement des populations concernées, mais également de groupes de pression quelque peu spécialisés.
La loi de 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement est trop limitée, et la loi de 1995 offrant la faculté d'ouvrir un débat public sur les grandes opérations d'aménagement ne prévoit pas l'obligation, pour les maires, de procéder à une consultation à l'échelon communal.
Soucieux de modifier cet état de fait, j'ai déposé, dès 1996, une proposition de loi - démarche renouvelée récemment au nom du groupe de l'Union centriste - portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de grandes infrastructures, un peu selon le modèle anglo-saxon.
Si ce texte était adopté, la démocratie en sortirait renforcée et cela permettrait, dans l'optique de la décentralisation, de faire participer encore plus la population aux décisions locales concernant son avenir et celui de ses enfants. Cela irait dans le sens de l'intérêt général, et la décision politique y gagnerait en efficacité et en clarté, par une complète association des populations. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, dont je salue les débuts au Sénat.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Monsieur le président, c'est un honneur pour moi de m'adresser à la Haute Assemblée, dont je connais la très grande qualité des travaux. J'ai pu apprécier encore une fois, en entendant les différents intervenants, à quel point le dialogue avec les sénateurs pouvait être utile et enrichissant.
Même si je ne dirige ce ministère que depuis peu de temps, je vais essayer de répondre aussi complètement que possible aux orateurs, en particulier à M. Arthuis.
Beaucoup d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont rappelé que nous disposons d'un instrument législatif de très grande qualité, à savoir la loi Bataille du 30 décembre 1991, qui a été votée à l'unanimité et qui reflète la nécessité d'orienter les recherches selon trois axes explorés de façon équilibrée : la séparation-transmutation, l'entreposage et le stockage profond. Des recherches et des études sont menées dans ces domaines, tant par le Commissariat à l'énergie atomique que par l'ANDRA.
Sans hiérarchiser ces trois axes, j'évoquerai d'abord celui, tout à fait important, de la séparation-transmutation des déchets.
De nombreux intervenants, ayant souligné l'intérêt que présentait cette solution, m'ont interrogé sur l'état d'avancement des recherches en la matière.
Il s'agit, vous le savez, de mettre au point les moyens d'isoler chimiquement, dans la mesure du possible, des éléments radioactifs de très longue période et de leur faire subir en réacteur une transmutation en des formes susceptibles de retrouver beaucoup plus rapidement un état stable.
Cette solution, qui est évidemment séduisante, est examinée avec intérêt et attention par chacun.
En ce qui concerne la séparation, les études ont atteint le stade de la démonstration en laboratoire, et une démonstration industrielle peut être envisagée pour 2006.
Quant à la transmutation, la démonstration en laboratoire est en cours de mise au point selon deux voies : dans les réacteurs à eau pressurisée - cela est actuellement possible - et dans les réacteurs spécialisés. Des études visent par ailleurs à établir un dossier en vue de la mise en place d'un démonstrateur à l'horizon 2006, de manière à atteindre l'un des objectifs qui avaient été fixés par la loi Bataille dont nous parlions tout à l'heure.
En ce qui concerne l'entreposage, en surface ou en subsurface, c'est surtout une solution provisoire, une solution d'attente, dont il ne faut pas méconnaître, bien sûr, l'intérêt, mais qui ne saurait constituer une solution définitive s'agissant de déchets radioactifs à durée de vie longue. C'est cela, notamment, que je souhaitais répondre à M. Le Cam, qui a, très judicieusement d'ailleurs, soulevé le problème.
Notre objectif, c'est bien évidemment la sécurité des personnes et de l'environnement, qui est une préoccupation majeure. C'est d'ailleurs un principe fondamental de la loi Bataille : protection de la nature, de l'environnement et de la santé, et prise en considération du droit des générations futures.
Plusieurs sénateurs ont cité le rapport Mme Michèle Rivasi, qui n'est pas suspecte d'indulgence particulière envers les installations confrontées à ce genre de problème,...
M. Ladislas Poniatowski. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. ... et M. Poniatowski veut bien en porter témoignage.
Le rapport Rivasi a été établi dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je tiens, à cette occasion, à souligner l'intérêt pour le Parlement, tant le Sénat que l'Assemblée nationale, conjointement s'agissant de cet office, de disposer d'un organisme de ce type, qui peut faire des études extrêmement avancées et poussées.
C'est vrai s'agissant du sujet traité dans le rappport de Mme Rivasi. C'est vrai également pour d'autres sujets, je pense notamment au rapport sur le synchrotron. Nous aurons sans doute l'occasion d'évoquer ce point, compte tenu du débat suscité par la construction de cet ouvrage. Aujourd'hui, restons-en à la question de M. Arthuis, qui appelle une réponse assez complexe.
Le rapport de Mme Rivasi précise que l'impact des installations de stockage nucléaire sur la santé publique et l'environnement est, selon toutes probabilités, limité.
Ces techniques d'entreposage provisoire, en surface ou en subsurface, sont connues et sûres, comme le souligne le rapport, que vous citiez. Par ailleurs, les recherches se poursuivent pour améliorer la sécurité des installations d'entreposage, notamment en cas de catastrophe naturelle, comme l'a souhaité Mme Rivasi dans son rapport.
J'en viens au troisième axe : le stockage en formation géologique profonde, qui a été à l'origine de la question de M. Arthuis.
Je répondrai d'entrée de jeu à M. Moreigne, qui a proposé le stockage dans les fosses océaniques. C'est une idée intéressante. Je le remercie de m'avoir transmis un document scientifique dans lequel ce mode de stockage est évoqué.
Il est extrêmement difficile de savoir si une telle opération ne présenterait pas de risques imprévus. Tout le problème du stockage de longue durée réside en effet dans la démonstration de la sûreté. Or, il est difficile, dans des fosses océaniques, d'installer des équipements qui permettent de procéder préalablement à la démonstration de la sûreté, à laquelle le Gouvernement est attaché. Toutefois, nous examinerons cette suggestion, qui est intéressante.
Le Gouvernement a décidé que le stockage en formation géologique profonde doit être réversible. Je tiens à le rappeler de nouveau ici, puisque plusieurs sénateurs m'ont interrogé sur ce point.
Il a été jugé nécessaire d'explorer deux sites de nature différente : l'un en argile, l'autre en granite.
S'agissant de l'argile, la décision a été prise sans réelles difficultés. Vous le savez, ce mode de stockage sera exploré dans le site de la Meuse, à Bure.
Quant au granite, et là les problèmes sont sans doute plus consistants, quinze sites ont été présélectionnés. Une mission a été désignée afin d'engager et de mener la concertation sur ces sites susceptibles d'accueillir un second laboratoire.
La loi prévoit que nous devrons présenter au Parlement une proposition de deux sites en 2006 : un site argile - qui a été choisi - et un autre site, vraisemblablement en granite.
La mission de concertation est venue sur le terrain non pour décider, pour imposer, mais pour ouvrir le dialogue avec la population, les élus, les associations et toutes les personnes concernées.
M. Alain Gournac. Cela a été fait maladroitement !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Attendez un instant.
Il s'agit non pas d'imposer mais de proposer.
M. Alain Gournac. Il faut le dire à la mission !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. En tout cas, je voudrais recadrer très clairement la philosophie qui est celle du Gouvernement dans son ensemble. Il s'agit pour nous, sans que cela comporte aucune critique à l'égard de ce qui s'est passé s'agissant de la mission, d'écouter et de dialoguer, là comme ailleurs. Notre volonté, c'est la transparence, le dialogue, la concertation.
C'est le dialogue avec tous les secteurs de la société, les citoyens, et leurs élus au premier chef, les associations, les producteurs de déchets, quels qu'ils soient.
L'objectif de cette mission, est de recueillir les interrogations, les avis, les propositions des élus, des populations et des associations concernées.
Je sais que sur le terrain - mais pas partout, d'ailleurs, car certains sénateurs ont cité des exemples où le dialogue a pu s'instaurer entre les élus et la mission - dans certains départements, notamment celui que représente M. Arthuis, la situation a été très difficile pour la mission de concertation, qui a fait l'objet, disons-le, de pressions fortes, de la part de certains en tout cas.
Cela me paraît tout à fait regrettable et il importe de retrouver des conditions de sérénité pour ce dialogue, qui est nécessaire, qui inspire la philosophie même de la loi Bataille, laquelle est une loi de démocratie, de transparence et de concertation.
Si le sentiment existe qu'il convient, une fois la concertation lancée - et elle l'a été ! - d'améliorer cette concertation et ses modalités, il est en effet souhaitable de réfléchir aux moyens d'y parvenir. Je ne doute pas que ce soit du domaine du possible.
En ce qui concerne le stockage géologique, pour conclure sur ce point, je souligne que, pour l'instant, il s'agit bien sûr simplement - encore que l'adverbe « simplement » soit sans doute un peu miminaliste - d'implanter un laboratoire chargé d'effectuer toutes les mesures nécessaires. Il ne s'agit pas de décider de l'implantation d'un centre de stockage. D'ailleurs nous n'en aurions pas le droit, car il appartient au Parlement de le faire par le vote d'une loi spécifique. Il s'agit de décider de l'éventuelle implantation d'un second laboratoire. En effet, le premier laboratoire existe à Bure, dans la Meuse, pour l'argile. S'agissant du granite, il faut, comme cela a été dit, trouver une solution.
Le passage du laboratoire qui serait créé à un éventuel stockage prendrait plusieurs années, au moins pour deux raisons, en dehors même des raisons techniques. Première raison : le Parlement devra tout d'abord se prononcer sur une solution globale de gestion des déchets radioactifs, incluant ou non le stockage géologique. Seconde raison : une loi spécifique - et cette disposition figurera dans la loi Bataille - serait nécessaire pour autoriser un tel stockage. La loi Bataille invite le législateur à prendre, en 2006, la décision de créer ou non un centre de stockage des déchets radioactifs en formation géologique profonde, si toutes les conditions nécessaires de sûreté et de protection sont remplies. Mais cela nécessitera, je le répète, le vote d'une loi spécifique et, par conséquent, de nouveau, bien sûr, l'intervention des sénateurs et des députés.
J'ajouterai, dans le sens de la transparence, tant sur le plan scientifique que sur le plan technique, que la loi Bataille a créé une commission nationale d'évaluation, composée de douze personnalités éminentes, qui fait chaque année un rapport au Gouvernement sur l'évolution des recherches. Cette commission nationale d'évaluation auditionne tous les acteurs de la recherche, les gestionnaires et les producteurs de déchets. Elle fait naître un débat scientifique et technique de grande qualité. Ensuite, le ministre chargé de la recherche fait établir chaque année, en collaboration avec chacun des acteurs de la recherche et les industriels, un document qui est intitulé : Stratégie et programme des recherches, au titre de la loi du 30 décembre 1991. Ce document est, à son tour, un instrument de dialogue avec la commission nationale d'évaluation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant conclure mon propos.
Cette intervention, qui est peut-être brève, cadre, je crois, les intentions du Gouvernement en la matière, sans répondre bien sûr très spécifiquement sur l'opportunité qu'il y aurait d'implanter ou non un éventuel laboratoire souterrain dans tel ou tel site. En tout cas, soyez assurés que rien ne sera imposé, que personne ne sera contraint. Il est évidemment indispensable de prendre pleinement en considération les avis exprimés par les élus locaux et aussi, bien sûr, par les parlementaires. Soyons ensemble particulièrement lucides, et je le dis d'autant plus facilement ici que, je le sais, le Sénat est lucide.
Quelle serait l'alternative à cet éventail de trois solutions qui figurent dans la loi Bataille ? Elle consisterait, en réalité, à ne rien faire ; c'est d'ailleurs souvent celle qui est retenue dans la vie.
Mais ne rien faire serait en soi extrêmement dangereux...
M. Ladislas Poniatowski. Cela signifie un stockage en surface !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. ... car c'est précisément quand les déchets sont dispersés, non stockés de manière convenable ou, en tout cas, mal conditionnés, voire oubliés, que peuvent se poser des problèmes de sécurité mettant en cause l'environnement ou la santé publique.
Je crois donc indispensable que notre société prenne en considération cette question. Elle produit des déchets, notamment dans ce secteur d'activité. Il faut faire quelque chose de ces déchets. Nous ne pouvons pas nous contenter de refouler ce problème, l'extraire de notre analyse et de notre esprit. Une société adulte, et la France en est une, doit regarder la réalité en face, même si celle-ci comporte des difficultés. Il faut, dans ce secteur qui concerne vraiment l'intérêt national, instaurer une solidarité entre toutes les générations. Les générations futures ne doivent pas se trouver confrontées à un problème qui se poserait dans des conditions encore plus difficiles s'il n'était pas traité par les générations actuelles. Il nous faut donc regarder les problèmes en face, ne pas les nier, ne pas les occulter, et essayer ensemble de les résoudre en tenant compte de l'intérêt général, qui, en la matière, correspond à l'impératif de protection de l'environnement et de la santé publique. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?... En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

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COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

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EFFETS SUR LES FINANCES PUBLIQUES
DE LA POLITIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante :
« M. Alain Lambert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la politique du Gouvernement à l'égard de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Sur le plan budgétaire, les dépenses liées à la fonction publique, qui s'élèvent à 675 milliards de francs, soit environ 40 % du budget de l'Etat, ne sont pas maîtrisées. Le poste de dépenses le plus dynamique, et aussi le plus inquiétant pour l'équilibre à venir des finances publiques, concerne le poids des pensions qui s'établit à plus de 160 milliards de francs. Or la moitié des fonctionnaires actuellement en poste partira à la retraite d'ici à 2012.
« Par ailleurs, le récent rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat a mis en exergue les limites de l'Etat employeur : méconnaissance des effectifs réels, absence de gestion prévisionnelle des emplois, existence de crédits extrabudgétaires, infractions au droit budgétaire et comptable, indemnités privées de base juridique, etc.
« S'agissant de la réforme de l'Etat, on peut craindre que le Gouvernement n'ait choisi l'attentisme, les priorités qu'il affiche étant nombreuses mais pas toujours très claires et d'une portée pratique limitée.
« Dès lors, il souhaite connaître l'effet à moyen terme - cinq ans et dix ans - sur les finances publiques de certaines évolutions relatives à la fonction publique : départs en retraite massifs, situation des emplois-jeunes, passage généralisé aux trente-cinq heures.
« Par ailleurs, il demande au Gouvernement de présenter les mesures qui seront mises en oeuvre pour remédier aux dysfonctionnements constatés en matière de gestion des personnels.
« Enfin, il souhaite connaître les décisions qui seront prises afin de donner un contenu concret à la réforme de l'Etat. »
La parole est à M. Lambert, auteur de la question.
M. Alain Lambert. Ma question vise à savoir si le Gouvernement a une politique en matière de fonction publique et de réforme de l'Etat. S'il en a une, il serait opportun et urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous la faire connaître, en prenant devant le Sénat les engagements qui en découlent.
Si l'on s'interroge sur les chances d'avenir de la France, une question lancinante revient : celle de la fonction publique, et donc de la réforme de l'Etat qui lui est intimement liée.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. L'effectif des trois fonctions publiques - fonction publique de l'Etat, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière - représente plus de 5 millions de personnes. Le montant des rémunérations, pensions et charges sociales atteint plus de 1 000 milliards de francs pour les trois fonctions publiques confondues. Enfin, quelque 60 millions de Français attendent de leurs administrations qualité, efficacité, accessibilité et priorité, en un mot le meilleur rapport coût-efficacité possible.
Or, face à cet immense enjeu, la réponse du Gouvernement apparaît vague, floue, dilatoire ; elle alimente d'ailleurs des malentendus, des blocages, des critiques, laissant aux citoyens usagers comme aux fonctionnaires eux-mêmes une impression de cafouillage et de gaspillage, si ce n'est de dérobade.
Alors que cette question était inscrite à l'ordre du jour du Sénat depuis plusieurs semaines, M. le ministre de l'économie et des finances s'est vu fixer, par ses services, une autre obligation. Il s'en est excusé tout à l'heure, et je tiens à lui rendre hommage pour la considération qu'il témoigne à l'égard du Parlement, ce dont je ne doutais d'ailleurs pas.
Nous sommes bien évidemment toujours heureux de vous accueillir dans cette enceinte, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais je constate que le point dont nous discutons aujourd'hui ne constitue pas une priorité pour le Gouvernement.
Votre ancien collègue M. Zuccarelli, dans le rapport intitulé La Fonction publique et la réforme de l'Etat, résumait d'ailleurs ainsi la politique du Gouvernement en la matière : « La politique conduite par le Gouvernement s'est traduite par la mesure la plus marquante, et la plus symbolique à la fois, la conclusion de l'accord salarial du 10 février 1998... ». Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation y insistait avec raison : la seule mesure concrète prise par le Gouvernement en matière de politique de la fonction publique est en effet la signature du coûteux accord salarial du 10 février 1998.
Pour le reste, monsieur le ministre - reconnaissons-le - le tableau est sombre : la gestion des effectifs est indigente, l'Etat employeur ignorant jusqu'au nombre de ses agents ; la satisfaction de revendications corporatistes tient lieu de réforme de l'Etat, et la capitulation récente du Gouvernement face à son administration fiscale en est une éclatante illustration ; les négociations sur un accord-cadre relatif à la réduction du temps de travail ont échoué ; les conflits sociaux se multiplient, qu'il s'agisse des enseignants, des personnels hospitaliers ou des agents des entreprises publiques qui, au fond, sont déçus de l'application de cette idée magique des 35 heures.
Mon constat ne vise pas les fonctionnaires ; je les plains, au contraire, de subir un employeur si défaillant. En effet, je mesure la haute idée qui les habite, le plus souvent, du service qu'ils veulent rendre aux Français. Leur courage lors des récentes catastrophes, qu'il s'agisse de la tempête ou de la marée noire, l'a une fois de plus démontré.
Mes propos s'appuient sur deux événements récents : la publication, en janvier dernier, du rapport de la Cour des comptes consacré à la fonction publique de l'Etat, et l'actualité sociale, qui oriente à nouveau le Gouvernement dans une logique dépensière, tenant lieu prétendument de politique réformatrice.
Le rapport de la Cour des comptes est accablant, monsieur le secrétaire d'Etat : « Les documents budgétaires et comptables ne permettent pas de prendre une vue exacte et précise des effectifs employés dans les services de l'Etat ni du montant et de la structure des rémunérations qui leur sont allouées. »
La somme des dysfonctionnements ou irrégularités relevés est impressionnante : contrôle défaillant des effectifs, gestion prévisionnelle des ressources humaines quasi inexistante, emplois en surnombre ou bloqués, mises à disposition, détachements injustifiés ou irréguliers, dépenses indemnitaires financées sur des ressources extrabudgétaires, avantages indus sans base juridique, flou sur les effectifs... Dois-je citer d'autres exemples ?
Je veux d'ailleurs rendre hommage au rapporteur spécial des crédits de la fonction publique, M. Gérard Braun - vous le connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, puisqu'il est élu d'un département qui vous est cher -, dont le rapport élaboré à l'occasion du projet de loi de finances pour l'an 2000 devançait de quelques semaines le constat de la Cour des comptes. Je vous prie d'ailleurs de bien vouloir excuser son absence en cet instant : il effectue, précisément aujourd'hui, un contrôle budgétaire sur la situation, la gestion et les rémunérations des personnels du ministère de l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, que comptez-vous faire pour porter enfin remède à cette situation ?
Toutes ces remarques, au-delà de leurs conséquences dommageables pour les personnels, traduisent une absence de rigueur préjudiciable à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques.
Le Gouvernement a décidé, en apothéose des mouvements de grève et manifestations diverses, d'affecter 10 milliards de francs à des dépenses nouvelles, dont 2 milliards de francs pour l'hôpital et 1 milliard de francs pour l'éducation nationale.
Ce dernier cas est l'aveu le plus révélateur de la politique du Gouvernement : ce dernier s'en remet à la facilité de l'accroissement de la dépense plutôt qu'à l'engagement de vraies réformes d'amélioration du service public. Qui ne voit pas s'accentuer le malaise de l'éducation nationale à mesure de l'accroissement de ses moyens ? Disons-le, monsieur le secrétaire d'Etat, l'éducation nationale manque moins de moyens que de « bonne administration », et la hausse perpétuelle de ses crédits n'y changera rien !
Le secrétaire d'Etat au budget et la ministre déléguée à l'enseignement scolaire avaient d'ailleurs reconnu, devant la commission d'enquête du Sénat, que l'éducation nationale pouvait être réformée à moyens constants.
En réalité, le Gouvernement ne maîtrise plus les dépenses de la fonction publique et, au fond, il renonce à les maîtriser.
J'oserai quelques chiffres : pour 2000, les dépenses de la fonction publique sont en progression de 3,4 % par rapport à l'année dernière.
Ces dépenses représentant désormais plus de 40 % du budget de l'Etat, comment le Gouvernement entend-il respecter le programme de stabilité qui fixe une augmentation des charges de l'Etat de 1 % en trois ans ?
Le Gouvernement se satisfait-il du poids de l'emploi public dans notre pays ? Je suis impatient de connaître votre sentiment sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat. Une étude de l'OCDE place la France en quatrième position, immédiatement après les pays scandinaves, en taux d'emploi public au sein de l'emploi total. Conduire une politique à total contre-courant de tous nos partenaires - et en même temps concurrents - européens répond-il à un objectif ? Le Gouvernement souhaite-t-il la fonctionnarisation totale de la société française ?
Le Gouvernement a répété à maintes reprises qu'il entendait stabiliser le nombre total de fonctionnaires, en procédant à des redéploiements d'effectifs au bénéfice de départements ministériels sous-dotés. La capitulation dans la réforme de l'administration fiscale vient-elle bouleverser ce programme ? Devons-nous, en réalité, craindre une augmentation globale du nombre de fonctionnaires ?
Au cours de l'année 2000, le coût annuel de la fonction publique de l'Etat s'établira à 23,3 milliards de francs. Au fond, mes chers collègues, on engloutit en une seule année la valeur de la totalité du budget de la justice dont nous dénonçons chaque jour l'insuffisance des moyens !
M. André Dulait. Exactement !
M. Alain Lambert. Et le coût atteint plus de 41 milliards de francs après prise en compte de la fonction publique territoriale, pour 10 milliards de francs, et de la fonction publique hospitalière, pour 8 milliards de francs.
Sur trois années - 1998, 1999 et 2000 - le coût global de l'accord salarial que M. Zuccarelli présentait comme la grande politique du Gouvernement sera de 77 milliards de francs. Au-delà de tous les discours, la seule et vraie priorité du Gouvernement apparaît comme la rémunération des fonctionnaires.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous confirmer ce choix ? Envisagez-vous encore de nouveaux moyens, comme le réclament d'ailleurs certains fonc-tionnaires ?
Outre la fonction publique active, l'évaluation du coût des pensions ne manque pas non plus d'être inquiétante. Le mur s'approche de nous à grande vitesse !
L'évolution des charges de pension - fonctionnaires et militaires - trace une tendance extrêmement rapide ; de 1990 à 1997, nous sommes passés, en francs constants, de 136 milliards de francs à 164,5 milliards de francs, soit une progression de plus de 20 %. Or, les évolutions démographiques sont très préoccupantes. D'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite, la moitié en 2012. Les dépenses de pension devraient s'établir à plus de 210 milliards de francs en 2005, à plus de 260 milliards de francs en 2010, et à plus de 320 milliards de francs en 2015. Ainsi, de 2001 à 2015, les dépenses de pension devraient croître de 73 %. Et que faites-vous ? Rien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. C'est un peu excessif !
M. Alain Lambert. Le rapport Charpin prévient « qu'il faut se garder de recourir à la facilité d'un recrutement à l'identique qui ne tiendrait pas compte de l'évolution souhaitable des missions ». Il met en garde contre un remplacement nombre pour nombre de chaque départ à la retraite ; en termes distingués, il met au fond en cause le maintien des effectifs dans la fonction publique d'Etat, insistant sur le caractère insoutenable, à terme, du poids des pensions.
Monsieur le secrétaire d'Eat, entendez-vous saisir l'occasion unique offerte par cette perspective pour réformer l'Etat, pour réformer les retraites publiques et pour limiter le poids des dépenses publiques ? Selon la direction du budget, le non-remplacement total des départs à la retraite en 2000 engendrerait une économie de l'ordre de 9 milliards de francs cette année. De 2000 à 2005, à supposer que les salaires n'augmentent pas, cette économie pourrait s'établir à 64 milliards de francs sur la même période. Le remplacement d'un départ sur deux produirait une économie de 32 milliards de francs de 2000 à 2005.
En outre, envisagez-vous d'engager la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui, je le rappelle, n'ont pas été concernés par la réforme de 1993 ?
Or, devons-nous comprendre que le Premier ministre, le 21 mars dernier, nous a annoncé en quelque sorte une non-réforme ? L'allongement de la durée de cotisation à quarante ans, à l'évidence inévitable, est renvoyé à plus tard, présenté comme une vague piste de réforme. La concertation et la négociation avec les organisations syndicales garantissent apparemment à elles seules l'avenir des retraites ! Cette proposition de réforme connaîtra-t-elle le même sort que celle de l'administration fiscale ?
J'en viens, monsieur le secrétaire d'Etat, à deux autres motifs de préoccupation.
Le premier concerne l'avenir des emplois-jeunes embauchés par l'Etat. S'agit-il de futurs fonctionnaires ? L'ancien ministre de la fonction publique a déclaré que « certains intégreront la fonction publique à l'issue de leur contrat de cinq ans ». Combien d'entre eux seront concernés ? Selon quelles modalités intégreront-ils la fonction publique ? Quelle estimation - votre ministère sait en effet faire des estimations - avez-vous faite de l'impact de leur intégration sur le budget de l'Etat ?
Ma seconde préoccupation concerne le coût du passage aux 35 heures dans la fonction publique. Aujourd'hui, le Gouvernement est en quelque sorte acculé à révéler ses propres contradictions : présentées comme un moyen de créer beaucoup d'emplois dans le secteur privé, les 35 heures devraient être appliquées dans la fonction publique à effectif constant ! Les revendications des syndicats en matière de créations d'emploi sont d'ailleurs à l'origine de l'échec des négociations sur la convention-cadre. Pourquoi entretenir ces contradictions, monsieur le secrétaire d'Etat ? Pourquoi en rester à ces atermoiements ?
Il ne sert à rien de commander des rapports si c'est pour les classer au fur et à mesure. Or le rapport de M. Jacques Roché de février 1999 vous signale que la durée du travail dans la fonction publique est très contrastée : entre 29 heures et 40 heures par semaine pour la seule fonction publique de l'Etat. Il vous recommande de considérer la réduction du temps de travail comme « une formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de travail dans les fonctions publiques ».
M. Alain Gournac. Il faut du courage !
M. Alain Lambert. Mais le Gouvernement a renoncé à mettre en oeuvre la réforme qualitative recommandée par M. Roché, à qui vous aviez pourtant demandé un rapport. Nous attendons aujourd'hui votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat : à quel coût le ministère de l'économie et des finances évalue-t-il le passage des trois fonctions publiques aux 35 heures ?
M. Alain Gournac. Bonne question !
M. Alain Lambert. Je terminerai par la question essentielle de la réforme de l'Etat, placée en toile de fond dans l'ensemble de mon propos. La réforme de l'administration fiscale était un test. Pourquoi le Gouvernement l'a-t-il abandonnée alors qu'il pouvait se saisir des recommandations du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Bernard Angels ? Il suffisait de lire le rapport qu'il avait fait approuver par la commission des finances !
Quand le Gouvernement s'apercevra-t-il enfin qu'il existe un Parlement, au sein duquel le Sénat ne cesse de lui faire des propositions constructives ?
Quel sort, enfin, sera réservé aux orientations retenues par le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999 ?
J'attends de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, à la fois des réponses précises à toutes mes questions et vous l'imaginez bien un démenti : dites-nous que vous ne renverrez pas les indispensables réformes à plus tard, que vous ne renverrez pas aux générations futures le poids insupportable de l'inaction des autorités politiques d'aujourd'hui, dont vous porteriez - je vous le dis avec gravité - l'impardonnable responsabilité historique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on ne peut que se féliciter de l'initiative du président de la commission des finances d'interroger le Gouvernement sur la nature des mesures qu'il compte mettre en oeuvre pour remédier aux graves dysfonctionnements constatés dans la fonction publique.
Cette question est d'autant plus d'actualité que le remplacement de deux des principaux ministres du précédent gouvernement, MM. Sautter et Allègre, résulte, à l'évidence, du refus manifeste des organisations syndicales d'accepter le fait même d'ouvrir un dialogue sur la réforme de la fonction publique.
Pour fixer les termes du débat, il convient de rappeler un certain nombre d'éléments chiffrés.
La France compte 6 millions de fonctionnaires ou assimilés, dont 2,1 millions ont des emplois budgétaires. Plus de 25 % de la population active est rémunérée par le produit des impôts. La France compte 40 % de fonctionnaires de plus que la moyenne de l'OCDE et que les Etats-Unis, et quatre fois plus que le Japon. Et ces derniers chiffres incluent les enseignants !
Chaque fois que la population d'âge actif a augmenté de cent unités, les pays du G7 ont créé soixante-huit emplois privés, onze emplois publics, dix-huit chômeurs et trois inactifs ; en Allemagne, les résultats sont de trente-deux emplois privés, dix emplois publics, trente-quatre chômeurs et vingt-quatre inactifs ; pour la France, ce sont dix-huit emplois privés détruits, vingt-sept emplois publics créés, quarante-cinq chômeurs et dix inactifs.
Pour 2000, les dépenses de fonction publique du budget général s'élèvent à 675 milliards de francs, soit 40,05 % du budget de l'Etat. La progression est de 22,5 milliards de francs en un an !
Trois sujets semblent devoir être étudiés : la gestion des effectifs, la réduction du temps de travail dans la fonction publique et le dossier des retraites.
En premier lieu, s'agissant de la gestion des effectifs, le récent conflit au ministère de l'économie et des finances a rappelé à quel point l'Etat employeur est aujourd'hui dépassé pour n'avoir pas voulu se réformer à temps. Chacun garde en mémoire ce terrible aveu du ministre des finances reconnaissant son incapacité à donner les effectifs exacts des administrations placées sous son autorité !
L'Etat ignore également la position statutaire dans laquelle se trouvent les fonctionnaires. A la suite d'un rapport de l'inspection générale de l'administration et de la fonction publique, en 1996, le ministère de la fonction publique précisait : « On ne peut pas recenser nommément les organismes d'accueil dans lesquels sont placés les agents. »
L'Etat ne se comporte pas à l'égard de certains de ses agents comme il le conviendrait. Il s'exonère ainsi très largement de règles qui s'imposent pourtant aux employeurs privés.
Comment tel ingénieur technico-administratif peut-il être maintenu en contrat à durée déterminée depuis vingt-cinq ans alors que, dans le secteur privé, cette durée ne peut excéder dix-huit mois ?
Le caractère précaire de nombreux emplois est de plus en plus fréquent. La principale motivation de l'Etat est ici financière : rappelons qu'un fonctionnaire bénéficiant des dispositions statutaires légales et des avantages s'y rattachant aura un coût annuel moyen pour l'Etat employeur de 250 000 francs ; or cette somme est divisée par deux lorsqu'il s'agit d'un vacataire.
Il convient de dénoncer, à l'occasion de ce débat, le fait que l'Etat organise lui-même des dérogations aux textes dont il est pourtant l'auteur. Ainsi, l'obligation d'employer un fonctionnaire titulaire pour les postes à plein temps et à durée indéterminée a connu tant d'exceptions et de catégories dérogatoires que l'Etat employeur est perdu. Les agents temporaires vacataires, les contractuels annualisés, les auxiliaires permanents ou les contractuels payés sur fonds de vacation sont autant d'illustrations de cet épais brouillard créé par l'Etat lui-même.
Le rapport du Commissariat général du Plan sur les adaptations nécessaires à apporter aux trois fonctions publiques, de l'Etat, territoriale et hospitalière, remis à la fin du mois dernier, fait d'intéressantes recommandations que le Gouvernement serait bien inspiré de suivre.
Face à l'important renouvellement démographique que connaîtront les fonctions publiques dans les prochaines années, il faut impérativement éviter le remplacement poste pour poste des agents retraités l'année de leur départ, qui se traduirait par un surcoût annuel de 115 milliards de francs.
La solution préconisée relève d'une véritable gestion des ressources humaines : il convient d'utiliser les marges de manoeuvre créées par des départs à la retraite plus importants pour ajuster les recrutements aux besoins des administrations.
Afin d'assurer un meilleur pilotage de l'évolution des fonctions publiques, il est proposé que soit mis en place un système de contrôle de gestion auprès du Premier ministre. Par ailleurs, il pourrait être effectué des revues de programmes régulières. Enfin, chaque administration serait dotée d'un schéma cible à dix ans sur l'évolution des objectifs, des missions et des structures au niveau central et local.
Il va très rapidement se poser au Gouvernement le délicat problème du devenir des emplois-jeunes, ainsi que l'a dit tout à l'heure M. Lambert.
La nomination d'un secrétaire d'Etat à l'économie solidaire qui sera chargé de cet encombrant fardeau ne nous rassure pas : ces jeunes, qui seront 350 000 à la fin de l'année 2000, n'ont pour le moment aucun avenir au-delà des cinq années de leur engagement. Or, cinq ans, c'est à la fois long et court.
Le Sénat avait manifesté son opposition à la création de ces emplois prétendument novateurs. Mais ne s'agit-il pas plutôt, pour reprendre la phrase de mon collègue Gérard Braun, rapporteur spécial des crédits de la fonction publique, de donner de nouvelles appellations à d'anciens métiers ?
De quelles solutions disposera le Gouvernement à la fin de la législature, sinon d'intégrer ces emplois-jeunes dans la fonction publique ? Et à quel coût pour la collectivité, alors que les crédits alloués sont inscrits au projet de budget pour 2000 pour environ 24 milliards de francs ? Et, ce que l'on se garde bien de dire, c'est que le problème se posera également pour les collectivités locales !
Même si je sors quelques instants du sujet, il serait intéressant que le Gouvernement informe le Sénat de l'état du recrutement des 350 000 emplois-jeunes annoncés dans le secteur privé en 1997. Belle illustration de ce qu'il est plus facile de décréter des emplois à durée déterminée sur fonds publics que de convaincre des entreprises privées de la nécessité qu'il y a pour elles de créer de tels emplois !
J'en viens, en deuxième lieu, à la réduction du temps de travail dans la fonction publique.
En la matière, l'Etat n'applique pas non plus les règles qu'il impose au secteur privé et il s'en exonère largement. Ainsi, dans nos hôpitaux, certains internes travaillent jusqu'à quatre-vingts heures par semaine, alors que cette durée ne peut excéder quarante-huit heures.
L'Etat est incapable de résister à la force d'inertie des syndicats de la fonction publique, hostiles à toute réforme. Il se refuse à appliquer à ses agents les règles particulièrement coercitives d'organisation du temps de travail qu'il impose pourtant sans concertation aux entreprises privées.
La durée moyenne hebdomadaire du temps de travail dans la fonction publique oscille entre vingt-neuf et quarante heures. S'il doit y avoir aménagement du temps de travail, c'est pour une plus grande efficacité au service des usagers des services publics ! Or cette efficacité ne doit pas résulter d'une augmentation des effectifs de la fonction publique, mais d'une meilleure gestion des horaires.
Les propositions du Gouvernement ne vont pas dans ce sens. En effet, la réduction du temps de travail ne concernerait que les seuls agents travaillant plus de trente-cinq heures par semaine. Aucune garantie n'est donnée à nos compatriotes sur la meilleure qualité des prestations du service public qui devrait en résulter. Quant à la création d'emplois, elle ne constitue pas un objectif pour le Gouvernement. C'est sur ce dernier point que se situe, d'ailleurs, le hiatus avec les organisations syndicales, nous le voyons très bien à La Poste, par exemple.
Le remplacement récent de M. Emile Zuccarelli par M. Michel Sapin ne semble pas modifier la donne : le Gouvernement reste toujours aussi discret sur la réalité du coût de la réduction du temps de travail dans la fonction publique.
Il convient ici de garder à l'esprit que, dans ce dossier, l'Etat joue le rôle de l'employeur. Espérons cependant que nous n'entendrons plus le ministre de la fonction publique, de la décentralisation et de la réforme de l'Etat déclarer que, « en matière d'effectifs, les besoins du service public sont quasiment illimités » !
En troisième lieu, j'évoquerai le dossier des retraites.
Les termes du débat sont bien connus : évolution démographique préoccupante et conséquences budgétaires inquiétantes pour les finances publiques.
Le choc démographique, pour les fonctionnaires, est attendu pour l'année 2010. D'ici à 2012, la moitié des fonctionnaires seront à la retraite, ce qui constitue une opportunité unique d'entamer une profonde réforme de la fonction publique.
Comme l'avait montré le rapport Charpin - un de plus, monsieur Lambert ! -, les écarts entre les régimes de retraite du secteur privé et les régimes spéciaux s'accentuent au bénéfice des seconds.
Il convient de rappeler ici que la réforme de 1993 n'avait concerné que les seuls régimes des salariés du secteur privé. Un certain conservatisme des organisations syndicales de la fonction publique avait alors bloqué toute possibilité de réforme.
Actuellement, les fonctionnaires sont dans une situation privilégiée par rapport aux salariés retraités du privé. Ainsi, le montant mensuel moyen des retraites pour une carrière complète est de 8 936 francs dans le secteur privé et de 12 314 francs dans la fonction publique.
Afin de faire rattraper leur retard aux régimes spéciaux, qui connaîtront leurs premières difficultés dès 2005, il convient d'engager leur réforme. Le rapport Charpin préconisait un allongement progressif de la durée de cotisation, qui devrait être portée, en 2019, à quarante-deux annuités et demie pour l'ensemble des régimes généraux et spéciaux.
La présentation du plan du Gouvernement pour les retraites, au mois de mars, n'était à la hauteur ni des enjeux ni des attentes. A l'évidence, la pusillanimité l'a emporté sur le courage. Même si le Gouvernement savait que la durée des cotisations était au coeur du dossier, aucune décision n'a été prise.
M. Alain Lambert. C'est exact !
M. Jean-Pierre Schosteck. Le Premier ministre n'a fait que proposer aux fonctionnaires de réfléchir à un alignement de leur durée de cotisation sur le régime général. Si la réponse est négative, nous avons l'assurance qu'il ne se passera rien, alors que trois Français sur quatre considèrent pourtant que cet alignement de l'ensemble des régimes à quarante années de cotisation est indispensable.
Ces tergiversations ne font que reculer les nécessaires réformes et les rendre à terme plus brutales, donc plus insupportables, tant pour les actifs que pour les retraités.
Il est donc plus facile pour l'Etat de plafonner le quotient familial, au mépris de toute équité fiscale, de taxer les entreprises dans des proportions inégalées dans les pays comparables au nôtre, d'imposer des HLM sans précaution partout en France...
M. Alain Gournac. Ça oui !
M. Jean-Pierre Schosteck. ... que d'engager une réforme structurelle de l'administration.
M. Alain Gournac. Il est plus facile de donner des conseils aux autres !
M. Jean-Pierre Schosteck. Un élément, parmi d'autres, nous sépare, monsieur le secrétaire d'Etat : pour nous, le service public, c'est l'intérêt du public, et non pas l'intérêt du service public !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck. Au fond, mes chers collègues, ce que je viens d'affirmer ici n'est jamais que le lointain écho de ce que disait déjà Cicéron : « Il en est de l'administration de l'Etat comme d'une tutelle, qui doit être gérée dans l'intérêt des pupilles et non dans celui du tuteur. » (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la question première que l'on peut se poser est simple : la présence d'un secteur public structuré et important est-elle un obstacle à la croissance économique ?
Cette question est sous-jacente dans la formulation de la question orale que nous propose d'examiner aujourd'hui notre collègue M. Lambert, président de la commission des finances.
On connaissait déjà, au demeurant, votre position de fond, monsieur Lambert - position partagée par la majorité de notre commission - quant à l'existence d'un fort secteur public, largement développé.
Nous n'entrerons pas dans une querelle de chiffres : ce serait, selon moi, une habile manière de détourner le débat de son objet essentiel.
La gestion des effectifs de la fonction publique n'est pas seulement une question de budget, de chiffres. Elle est étroitement liée à une certaine conception de la société, aux choix que l'on peut opérer en matière d'intervention publique dans la vie économique et sociale et, partant, aux orientations que l'on imprime aux missions assumées par le service public dans l'ensemble de ses composantes.
Plusieurs défis doivent être relevés, dans les années qui viennent, pour le secteur public, et il nous semble utile d'y revenir.
Le premier est le renouvellement indispensable des cadres et des effectifs, lié au mouvement fort important des départs en retraite qui devrait affecter - plus ou moins, bien entendu -, selon les secteurs et les collectivités l'ensemble de la fonction publique.
D'aucuns - et je pense ici aux auteurs du rapport récemment publié par le Commissariat général du Plan - ont cru pouvoir déceler dans cette situation l'opportunité de réduire de façon sensible les effectifs budgétaires, en tirant parti des gains de productivité issus de la mobilisation croissante des nouvelles technologies de l'information en lieu et place du travail humain.
On pourrait notamment profiter de cette situation pour liquider l'essentiel du cadre C de la fonction publique et procéder à une restructuration-redistribution des effectifs, sans être contraint pour autant de geler excessivement les promotions internes ou de réduire aussi excessivement les postes ouverts aux concours.
Une telle démarche peut vous apparaître évidemment satisfaisante, mesdames, messieurs de la majorité, puisque vous ne cessez d'appeler de vos voeux une réduction des effectifs de la fonction publique, corollaire d'une démarche qui, couplée à la réduction de la dépense publique, permettrait d'atteindre le double objectif de la réduction du déficit et de l'allégement des prélèvements.
Cette démarche - faut-il le préciser ? - nous ne la partageons pas. Elle nous semble, en effet, strictement marquée par une logique comptable, dont l'un des effets, apparemment positif, serait de limiter la progression des dépenses du titre III pour ce qui concerne les traitements et les rémunérations des agents, mais dont un autre serait aussi d'accroître le déséquilibre que certains craignent quant à la situation du financement des pensions, en tarissant le nombre des fonctionnaires actifs contribuant au financement de la retraite des fonctionnaires retraités.
Ce problème du devenir des pensions est - nous l'avons remarqué - aujourd'hui clairement posé.
Nul doute, en effet, que notre commission des finances - en tout cas sa majorité - partage certaines orientations présentées et visant à l'allongement des durées de cotisations des agents du secteur public pour l'ouverture des droits.
Plus fondamentalement, on sait aussi que notre commission s'est souvent positionnée à l'avant-garde - si l'on peut dire ! - du combat pour l'affaiblissement des garanties collectives des salariés et le développement de la retraite individualisée au travers de toutes les formules possibles et imaginables de capitalisation.
Un effet d'optique, assez étonnant, veut aujourd'hui que le développement de la précarité de l'emploi dans le secteur privé conduise, en fait, à rendre plus attirantes les rémunérations du secteur public.
Une bonne part de l'épargne des ménages est, en fait, potentiellement entre les mains des agents du secteur public, et cette épargne intéresse évidemment au plus haut point ceux qui souhaitent que notre pays se livre sans retenue à la spéculation boursière.
Il est évident qu'une remise en cause des garanties collectives des agents du secteur public en matière de retraite par la voie de la répartition serait une manière de les contraindre à investir encore plus leur épargne dans les circuits financiers.
Nous ne partageons pas, là encore, cette orientation, quand bien même elle aurait comme caractéristique de montrer, une fois de plus, une réalité que l'on ne saurait omettre dans le débat : le poids économique fondamental des agents du service public.
Car le défaut essentiel de toute position tendant à remettre en question le nombre de fonctionnaires, à laisser entendre que le secteur public est une sorte de poids mort pour la collectivité, est bien celui-là.
L'un des moteurs de la croissance, c'est bel et bien l'existence d'un nombre important de salariés du secteur public, dont la consommation est décisive dans la progression générale de l'activité économique.
De la même manière, sans l'investissement public, et singulièrement celui des collectivités locales, qui peut dire ce que serait aujourd'hui l'état de l'emploi dans de nombreux secteurs d'activité, par exemple dans celui du bâtiment et des travaux publics ?
Sur le strict plan des ressources mêmes de l'Etat, quel serait le niveau de rendement de l'impôt sur le revenu sans l'existence, pour les agents du secteur public, de rémunérations qui, sans être excessives - loin s'en faut ! - participent de manière décisive à la constitution des revenus des ménages ?
Deux autres défis me semblent devoir être également relevés, dans les années à venir, par les agents du secteur public et par la fonction publique de manière générale.
Le premier défi, d'importance réelle, est celui de l'intégration des emplois-jeunes.
Pour notre part, nous estimons que l'opportunité du départ en retraite d'un grand nombre d'agents du secteur public dans les dix années à venir doit être prise en compte pour permettre aux jeunes employés sous contrats emplois-jeunes d'être en position d'intégration dans le cadre normal de la fonction publique.
Dans chaque secteur concerné, cela passe évidemment pas une analyse la plus fine possible des besoins et des capacités, mais il n'en demeure pas moins que, l'utilité des postes occupés par ces jeunes étant avérée, le débouché naturel de leur contrat actuel est constitué par l'intégration.
Je sais que, y compris dans la majorité sénatoriale, certains sont convaincus que c'est là la voie normale pour résoudre la question.
Le second défi est celui de l'indispensable retour sur les missions de service public. Il est d'une importance sans doute plus grande, malgré les apparences, que le précédent. Il traverse, qu'on le veuille ou non, d'ailleurs, l'ensemble du débat ouvert aujourd'hui sur le devenir du secteur public, comme les récents conflits sociaux qui ont animé l'administration fiscale et l'éducation nationale l'ont encore prouvé.
De manière générale, les agents du secteur public refusent une conception étroite du service public qui tendrait, notamment, à en réduire la portée.
Derrière certaines des propositions formulées par M. Claude Allègre, il y avait, en effet, le risque - je dis bien « le risque » - de voir remise en cause l'existence de diplômes de valeur et de portée nationales ou celle d'un enseignement technique et professionnel public.
De la même manière, prenant appui sur des comparaisons pour le moins hasardeuses, pour des raisons d'histoire et de pratiques fiscales particulièrement hétérogènes, une part de la réforme des services fiscaux portait en germe la remise en question de certaines missions de ces services dans la collecte de l'impôt comme dans le conseil aux collectivités locales ou aux particuliers.
On peut, évidemment, toujours justifier, en dernière instance, des suppressions de postes ou un gel des effectifs budgétaires par un amoindrissement des missions de service public.
Pour notre part, et aussi étrange que cela puisse paraître, nous estimons a contrario que le champ d'intervention des services publics est encore, en grande part, à défricher et que l'on peut encore et toujours améliorer leur fonctionnement comme leur efficacité.
Le point nodal de la discussion est là : devons-nous abriter derrière une exigence de maîtrise des coûts un affaiblissement de l'efficacité du service public ou devons-nous, sans cesse, revenir aux missions de service public pour que notre pays se donne les moyens d'en accroître encore l'efficacité ?
Des enjeux comme la lutte contre l'exclusion, le développement de la formation des salariés et des sans-emplois, l'éducation des jeunes, l'action contre la fraude fiscale, la sécurité publique, la justice ou l'accès à la santé et à la culture sont suffisamment cruciaux pour que nous repoussions, sans équivoque, les orientations que souhaitent voir imprimer au secteur public la majorité de la commission des finances et son président.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la question qui est aujourd'hui posée au Gouvernement est caractéristique des ambiguïtés qui peuvent se cacher derrière une expression largement employée, ou derrière une notion largement admise, à savoir la nécessité d'une politique de réforme de l'Etat et, à travers elle, la nécessité d'une évolution de la fonction publique.
Mais là où ces ambiguïtés se révèlent être des divergences entre majorité et opposition, c'est quand on étudie dans le détail le sens que nous donnons les uns et les autres, au mot « réforme », ou même aux mots « service public ».
Eh bien, mes chers collègues, les socialistes n'ont pas peur d'affirmer haut et fort qu'ils sont fiers de défendre l'administration de l'Etat républicain, c'est-à-dire la fonction publique, et qu'ils reconnaissent sans gêne la nécessité de la réformer afin de mieux assurer son efficacité au service des citoyens !
Regardons les choses en face : la droite considère souvent l'emploi public comme une variable d'ajustement permettant de corriger les déséquilibres budgétaires. Et pourtant, nous savons les ravages que cause cette conception libérale et dépassée de la fonction publique dans certains pays !
Pour nous, « moderniser » l'Etat ne peut pas signifier purger la fonction publique d'une partie des agents compétents, dévoués et intègres qu'elle compte dans ses rangs. Car nous ne cesserons jamais de dire aux Français que moins de fonctionnaires, c'est moins d'infirmiers, moins de professeurs, moins de policiers, moins de services d'aide à l'emploi ! C'est moins de santé, moins de savoir, moins de sécurité, et ce pour eux et pour leurs enfants, pour leur avenir !
Ne nous berçons pas d'illusions : la logique libérale ne peut se traduire que par la limitation des dépenses sociales, c'est-à-dire des dépenses qui permettent de maintenir solidarité, sécurité, égalité et justice entre les citoyens ! Derrière la logique libérale, c'est toujours la loi du plus fort qui pointe le bout de son nez.
Face à cette conception de l'Etat, nous, socialistes, sommes fiers de réaffirmer que les fonctionnaires sont nécessaires à la bonne marche de l'Etat. Jamais nous n'envisagerons de déterminer leur « bon nombre » selon une logique exclusivement comptable, car la plus grande économie serait, dans ces conditions, de n'en employer aucun !
L'Etat a des missions à remplir ; il faut des fonctionnaires pour les assurer, et c'est par le dialogue avec ceux-ci, ainsi qu'avec l'ensemble des Français, que l'Etat sera modernisé, la vraie modernité étant plus que jamais synonyme de solidarité.
En effet, qu'ils soient sociaux, comme la santé ou l'éducation, régaliens, comme la police, la justice ou l'armée, ou industriels et commerciaux, comme l'énergie, les transports, la Poste ou les télécommunications, les services publics sont au coeur de notre modèle social. Ils sont tout autant un instrument au service de la cohésion sociale et de la réussite économique qu'un reflet de notre vie collective. Ils concernent toute la population, et ils sont notre vie quotidienne à tous.
Nous avons tous en mémoire l'exceptionnelle efficacité d'EDF lorsqu'il s'est agi d'effacer les conséquences des terribles tempêtes de la fin du mois de décembre dernier.
Moins d'Etat, comme on nous le propose une fois de plus, ce serait moins d'unité nationale, plus de fractures sociales, l'affaiblissement de notre identité culturelle et le risque de porter atteinte à l'Etat de droit auquel nous sommes attachés. Ce serait, en fin de compte, accroître l'incertitude et, partant, limiter l'initiative et l'énergie créatrice des Français.
Quand on nous dit que la France serait à contre-courant de ce qui se pratique en la matière dans les pays étrangers, gardons-nous de comparaisons simplistes. Il n'est pas inutile de rappeler qu'en France les chiffres de l'emploi public englobent la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale, la fonction publique hospitalière, les militaires, les agents des établissements publics nationaux, les agents publics de La Poste et de France Télécom, les enseignants des établissements privés sous contrat et les salariés des établissements de santé privés à but non lucratif. Rien d'étonnant, alors, à ce que les fonctionnaires représentent plus d'un cinquième de la population active française !
A l'étranger, il est fréquent que les fonctions publiques hospitalière et enseignante n'existent pas. Souvent, des organismes non publics remplissent des missions d'intérêt général, telles des associations qui bénéficient d'emplois aidés. On pourrait presque dire que le pays qui a le plus de fonctionnaires, sinon au sens juridique du moins au sens fonctionnel, ce sont les Etat-Unis, où une kyrielle d'agences fédérales et locales à statuts divers remplissent le rôle que jouent, chez nous, nos fonctions publiques et assimilées.
Cette administration, dont nous, Français, avons tout lieu d'être fiers, n'est pas, nous venons de l'évoquer, un corps monolithique ; elle n'est pas non plus un corps statique.
Cette administration, qui a toujours su évoluer pour mieux rendre service aux citoyens, a toujours su, quand il le fallait, se réformer. Et le gouvernement de la gauche plurielle, dans lequel nous avons pleinement confiance, est plus que jamais prêt à l'aider à se moderniser, non pas pour faire « plus moderne », mais pour « mieux » faire, non pas pour aboutir à « moins d'Etat », mais pour aboutir à « mieux d'Etat ».
En effet, rénover les services publics, c'est renforcer leur légitimité. N'oublions pas que 75 % des Français sont satisfaits de leurs services publics, même s'ils leur reprochent parfois des dysfonctionnements auxquels il faut, bien évidemment, porter remède.
Mieux d'Etat, cela veut dire un Etat moderne, efficace, plus transparent, soucieux des deniers publics, capable de prendre en compte les attentes des Français, garant d'une société rassemblée, solidaire et ouverte sur l'avenir ; un Etat qui a besoin de services publics rénovés et de fonctionnaires respectés, d'une meilleure évaluation des politiques et des dépenses publiques, et de pouvoirs locaux mieux organisés.
Plus d'efficacité, c'est mieux servir les citoyens et l'intérêt général ! Pour combattre les inégalités sociales et territoriales, le service public doit réaffirmer ses principes fondateurs : continuité, égalité, impartialité. Pour être à l'écoute de ses usagers, il doit adapter sa gestion et ses missions en poursuivant la modernisation engagée par la gauche depuis 1997 : simplification, déconcentration, évaluation. Si une réforme de l'administration fiscale a été suspendue, le projet de réformer cette administration n'a pas été abandonné : d'autres pistes existent, comme celle qu'à explorée notre collègue Bernard Angels, rapporteur spécial du budget des services financiers.
Plus d'efficacité, c'est aussi dépenser mieux, c'est-à-dire dépenser autrement, en privilégiant les dépenses d'avenir - éducation nationale, recherche - ainsi que les dépenses de solidarité. C'est lutter contre les gaspillages en recherchant une plus grande unité de l'action publique au niveau local. C'est mieux définir la distribution des compétences entre l'Etat et les collectivités locales.
Plus d'efficacité, enfin, c'est rapprocher l'Etat du citoyen. La décentralisation, lancée par la gauche en 1982, est l'une des réformes les plus profondes de ces vingt dernières années : elle appelle une déconcentration vigoureuse et organisée des services déconcentrés de l'Etat, d'autant que ceux-ci regroupent 96 % de ses agents, gèrent les deux tiers des crédits et prennent les trois quarts des décisions administratives individuelles. Par ailleurs, ce gouvernement s'attache à faire en sorte que l'espace français soit mieux structuré, grâce à l'intercommunalité, et que les pays ruraux soient plus solidaires et disposent d'un projet global de développement.
Quant au poids des pensions dans les dépenses de l'Etat, qui va s'alourdir du fait du départ à la retraite de 40 % des fonctionnaires au cours des dix prochaines années, eh bien ! le Gouvernement, est en train de s'y attaquer, courageusement et résolument.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France a construit son unité au travers de l'Etat, l'Etat républicain étant aujourd'hui, entre autres choses, le garant de la cohésion sociale de la nation et de l'égal acccès de tous aux grands services publics. Ces valeurs, les Français, et, parmi eux, les agents de l'Etat, y sont profondément attachés. Mais parce que les Français, la France et le monde changent, l'Etat doit changer aussi, pour les accompagner et faciliter leurs mutations. C'est la raison pour laquelle la réforme de l'Etat est une des priorités de l'action gouvernementale.
Mais, au moment où la presse étrangère s'étonne de voir coexister en France le dynamisme et l'efficacité économiques avec un Etat très présent, au point que l'on commence à disserter sur les vertus d'un « modèle français », permettez-moi, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de penser que l'Etat - Etat que nous essayons de rendre encore plus apte à répondre aux attentes des citoyens - n'est pas étranger à ce dynamisme français. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec attention l'intéressante question et l'intervention riche de M. Lambert, président de la commission des finances.
Je dois dire, tout d'abord, que je tiens ici, au nom du Gouvernement, à nuancer certaines de ses affirmations et même, pour plusieurs d'entre elles, à m'y opposer avec véhémence, comme l'ont fait, voilà quelques instants, Mme Beaudeau, qui a eu raison, je crois, de critiquer une approche, sinon systématiquement hostile, du moins méfiante à l'égard de la fonction publique ou du secteur public, ou, à l'instant même, M. Demerliat qui, à juste titre, a mis en avant ce concept de « mieux d'Etat » qu'il s'agit de promouvoir, plutôt que, systématiquement, dans tous les domaines des trois fonctions publiques, démolir la fonction publique, la fonction de l'Etat dans la société française.
Par conséquent, d'emblée, je dirai, monsieur Lambert, que la position du Gouvernement n'est, pour reprendre les termes que vous avez employés, ni « vague », ni « floue », ni « dilatoire » dans les grandes questions qui se posent au pays.
Je commencerai par un cadrage général relatif à la gestion des finances publiques.
L'an dernier, nous avons respecté notre engagement de limiter la hausse des dépenses de l'Etat à 1 % en volume hors intempéries, évidemment, avec les conséquences financières et les décisions de solidarité que nous avons prises à l'égard des régions touchées.
En outre, les plus-values de recettes générées par la croissance économique que le Gouvernement a favorisée ont permis de réduire le déficit de 236 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1999, à 206 milliards de francs en exécution et à 206 milliards de francs en loi de finances initiale pour 2000.
M. Alain Lambert. Cela n'a rien à voir avec les dépenses !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le déficit a beaucoup à voir avec les dépenses !
Pour 2000, la loi de finances initiale que le Parlement a adoptée - mais, il est vrai, pas la majorité sénatoriale - prévoit une stabilité des dépenses en volume. Cette modération, mesdames, messieurs les sénateurs, se poursuivra durant les prochaines années : nous avons pris l'engagement de limiter la croissance des dépenses à 1% en volume pour les trois prochaines années, et nous tiendrons cet engagement de saine gestion et de rigueur.
Ainsi la dette publique pourrait-elle passer de 5 180 milliards de francs à la fin de 1999, soit 60,3 % du produit intérieur brut, à 57,7 % en 2003, dans un scénario de prudence, et même à moins de 57 % dans un scénario de croissance économique plus favorable.
Voilà pour le cadrage général, qui témoigne d'une volonté politique et qui traduit dans les faits que cette volonté politique ne s'accompagne pas seulement de discours, mais d'une véritable action claire, nette, déterminée, en matière de gestion des finances publiques.
Vous avez évoqué les uns et les autres, à cette tribune, les dépenses de rémunérations de l'Etat. Elles atteignent, en loi de finances initiale 2000 - y compris les charges de pensions - 722,3 milliards de francs, soit effectivement 45 % des dépenses de l'Etat.
Les engagements que la France a pris en matière d'évolution des dépenses publiques et de diminution du déficit budgétaire à l'égard de ses partenaires européens, et le souci de bonne gestion qu'impose en tout état de cause un endettement important de l'Etat, tout comme la nécessité d'une diminution des prélèvements obligatoires - je rappelle à cet égard le récent engagement pris, au nom du Gouvernement, par le Premier ministre et par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - doivent en effet nous conduire à examiner ces dépenses comme l'ensemble des charges de l'Etat. Cela est normal et sain.
Je vais même surprendre certains d'entre vous en disant que le centre de gravité de nos préoccupations doit être en effet autant l'action sur les dépenses que l'action sur les recettes,...
M. Alain Lambert. Surtout sur les dépenses !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... au risque de renverser, de tourner autrement l'approche que nous avons des finances publiques, c'est-à-dire d'insister aujourd'hui davantage sur l'action consistant à contenir un certain nombre de dépenses - mais dans un contexte qui ne cède en rien à la logique du président de la commission des finances - que ne l'avait fait jusqu'à présent les gouvernements de progrès.
M. Alain Lambert. Cela fait trois ans que l'on paye de plus en plus d'impôts !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Telles sont les grandes lignes de notre politique concernant les dépenses de l'Etat.
J'ajoute que la forte augmentation, dans les années à venir, du nombre des départs à la retraite de fonctionnaires va se traduire par une augmentation de la charge des pensions, qui doit passer de 112 milliards de francs en loi de finances 2 000 à 182 milliards de francs en 2010, hors évolution du point de la fonction publique, donc une évolution spontanée importante. Cette augmentation forte peut permettre à l'Etat employeur d'assurer l'adéquation qualitative et quantitative des moyens aux besoins de la population.
Un rapport récent du Commissariat général du Plan relatif à l'évolution des fonctions publiques - je rappelle qu'il y en a trois - fait apparaître que 45 % des agents de la fonction publique de l'Etat, soit 807 000 agents - j'insiste sur ce chiffre - seront partis en retraite d'ici à 2012.
Ce phénomène, qui s'inscrit dans le mouvement général d'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses dites du baby-boom, est encore plus accentué pour les fonctionnaires de l'Etat en raison d'une structure démographique moins homogène que celle de l'ensemble de la population active.
A la différence de la pyramide des âges de la population française, marquée, celle-ci, par une répartition homogène parmi les 30 ans à 50 ans, la pyramide des âges de la fonction publique d'Etat est caractérisée par une concentration particulièrement forte de la tranche d'âge des 45 ans à 55 ans, et c'est l'arrivée très prochaine de cette tranche d'âge à la retraite, au cours des dix ans à venir, qui va provoquer un renouvellement des effectifs sans précédent.
La répartition des actifs de la fonction publique de l'Etat par tranche d'âge montre ainsi qu'il y a environ 9 % d'agents de moins de trente ans dans la fonction publique d'Etat, mais 26 % de plus de cinquante ans.
M. Alain Lambert. Qu'est-ce qu'on fait ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Les résultats des travaux demandés par la commission de concertation sur les retraites, sous l'égide du Commissariat général du Plan, montrent que l'accroissement des flux des départs à la retraite, hors PTT, est de l'ordre de plus de 26 % entre 1999 et 2003, soit 6 % de plus en rythme annuel, pour atteindre 53 800 agents en 2003, contre seulement 42 600 en 1999.
En 2012, les flux de départs à la retraite devraient s'établir à 65 000 agents par an. Ce sont donc près de 211 000 agents supplémentaires qui seront partis à la retraite par rapport à la tendance assise sur le niveau attendu en 1999.
M. Alain Lambert. Il faudra les remplacer !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il y a donc une marge de manoeuvre, qui ne doit pas aboutir à une sorte de procès a priori contre la fonction publique. L'emploi public n'est pas entaché d'un péché originel ineffaçable. Nous en avons besoin dans les hôpitaux, dans l'enseignement, dans la police, dans la justice que sais-je encore ? Les besoins criants que révèlent un certain nombre de situations locales, régionales ou nationales sont là pour montrer qu'il convient d'utiliser ces souplesses dans le sens d'une bonne gestion des effectifs, pour la fonction publique de l'Etat comme pour les autres fonctions publiques, et aussi parfois, lorsque c'est nécessaire, de renforcer la présence d'agents publics dans les secteurs qui le réclament, et, à l'évidence, il y en a un certain nombre.
Pour les prochaines années 2001-2003, avant l'arrivée du choc démographique, dans le contexte du passage aux 35 heures dans la fonction publique au plus tard le 1er janvier 2002, le Gouvernement a donc décidé que les départs définitifs de fonctionnaires en activité dans la fonction publique de l'Etat seront globalement compensés par une augmentation des recrutements externes.
Ces remplacements, nombre pour nombre globalement, s'accompagneront de redéploiements au profit des actions prioritaires de l'Etat - je viens de les citer - redéploiements qui seront concomitants avec une amélioration de l'efficacité de l'action publique dans les domaines que j'ai évoqués, en particulier grâce à l'utilisation plus importante des nouvelles technologies de l'information et de la communication partout dans l'administration d'Etat.
En outre, un plan de titularisation - je m'adresse là à Mme Beaudeau - sera mis en oeuvre pour réduire l'emploi précaire. Je pense à la direction qui a été contractuellement acceptée par La Poste dans le contrat d'objectif et de progrès, où le passage des CDD en CDI devient systématiquement la règle ainsi que la réduction du nombre des emplois à temps trop partiel - on pourrait peut-être les qualifier ainsi !
Malgré la titularisation de plus de 21 000 agents depuis 1996 au titre de la réduction de l'emploi précaire, les administrations d'Etat ont eu tendance à faire à nouveau appel à des personnes à statut précaire du fait de besoins non satisfaits en qualité ou en quantité, tout le monde l'a souligné.
Je veux ici rappeler qu'il convient de nous éloigner du précédent que constituent les échecs des plans de « déprécarisation » mis en oeuvre dans le passé. Un plan va être établi par le ministre de la fonction publique, en concertation avec les organisations syndicales. Il doit s'accompagner de mesures visant à éviter la reconstitution de l'emploi précaire, notamment en termes de durée et en termes de non-renouvellement.
Je tiens à préciser qu'il ne faut pas confondre emploi précaire et emploi contractuel, car l'Etat, tout comme les autres employeurs, a besoin de souplesse pour faire face à des activités saisonnières ou qui ne peuvent être satisfaites dans le cadre des corps de la fonction publique.
Le statut de la fonction publique prévoit ainsi le recrutement d'agents non titulaires soit pour couvrir des besoins occasionnels ou saisonniers, soit lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles de remplir certaines fonctions spécifiques.
Cette remarque me conduit à répondre à la question de M. Schosteck concernant les emplois-jeunes.
A cet égard, la loi de 1997 prévoit que les personnes de droit public ne peuvent effectuer de recrutements au titre des emplois-jeunes que pour les activités qu'elles n'assumaient pas jusqu'alors.
Il est en effet essentiel, mesdames, messieurs les sénateurs - cela doit être dit clairement - d'éviter les effets de substitution entre emplois-jeunes et agents publics.
M. Alain Lambert. C'est ce que nous faisons !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement accorde donc, mesdames, messieurs les sénateurs, une priorité absolue à la formation et à la professionnalisation de ces jeunes, qui n'ont en général pas vocation à rester dans le secteur public.
M. Alain Lambert. En général !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'objectif est de compléter l'expérience qu'ils ont acquise pendant cinq ans par une formation qui les prépare à un métier hors de la fonction publique.
On constate par exemple que, dans l'éducation nationale, le taux de rupture des contrats emplois-jeunes est proche de 50 %, ce qui montre bien la capacité de ces jeunes à trouver un métier avant l'expiration de leur contrat emplois-jeunes.
Pour le moyen terme, une démarche volontaire et prospective sera mise en place afin de rechercher la meilleure efficacité de l'Etat au moindre coût et de ne pas reconstituer le déséquilibre démographique constaté aujourd'hui : en 2015, la moitié des salariés actuellement présents dans la fonction publique - le chiffre est considérable et surprenant - auront plus de soixante ans, contre plus d'un tiers seulement dans le secteur privé.
Face à de tels défis, il est essentiel de prévoir et de développer dès à présent une culture de la gestion des personnels en améliorant les conditions de la connaissance des effectifs et de la masse salariale des agents employés par l'Etat.
M. Alain Lambert. C'est un vrai travail !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Oui, c'est un vrai travail, vous avez eu raison de le souligner tout à l'heure, monsieur Lambert.
Un effort de clarification sans précédent a été opéré ces dernières années, notamment lors de la préparation de la loi de finances. Ainsi, dans le cas du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la réintégration au budget général des recettes et des dépenses extrabudgétaires pour plus de 8 milliards de francs depuis 1998 devrait être achevée à l'occasion du vote du prochain projet de loi de finances.
Pour les ministères de l'équipement et de l'agriculture, les contributions des collectivités bénéficiaires des activités d'ingénierie publique - que cela est dit en termes choisis ! - et les indemnités allouées à certains corps de fonctionnaires à partir de ces recettes sont réintégrées en totalité dans le projet de loi de finances pour 2000, pour un montant de 1,3 milliard de francs.
En outre, des engagements ont été pris en matière de transparence des rémunérations - vous les avez appelés de vos voeux. La récente circulaire - elle date du 1er février 1999, signée par le directeur du budget et par le directeur général de l'administration et de la fonction publique précise ou rappelle les règles applicables à l'élaboration des textes sur la rémunération des fonctionnaires.
Les textes de toute nature, sans exception, fondant la rémunération des fonctionnaires doivent désormais donner lieu à publication.
Dans ce cadre, les régimes indemnitaires reposant sur des principes énoncés dans des textes des années cinquante et, parfois, c'est vrai, juridiquement fragiles, sont revus actuellement.
En outre, les règles de droit commun sur la fiscalisation des indemnités seront appliquées strictement.
Enfin, la mise en oeuvre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail doit s'appuyer sur un état des lieux et s'accompagner d'une réorganisation des services permettant d'améliorer la qualité du service public.
Monsieur Lambert, vous m'avez aussi interrogé sur la traduction concrète de la politique de réforme de l'Etat. Je récuse à cet égard le mot beaucoup trop vif, qui a certainement dépassé votre pensée, de « capitulation » face à l'administration fiscale.
M. Alain Lambert. C'est ce qui a été écrit !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il s'agit en fait de la réaffirmation par M. le Premier ministre de la nécessité d'une méthode qui consiste essentiellement en un dialogue, une concertation, une écoute préalable à toute réforme. Il est nécessaire de prendre le temps de l'explication, de la discussion, de la modification des réformes avant de les mettre en oeuvre.
M. Alain Lambert. Cela fait trois ans que le Gouvernement en parle !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est la leçon que nous tirons des différents événements récents.
Ce chantier de la réforme de l'Etat apparaît, mesdames, messieurs les sénateurs, comme essentiel aux yeux du Gouvernement. Le Premier ministre l'a d'ailleurs redit il y a deux jours, devant l'Assemblée nationale.
Ce chantier va évidemment bien au-delà de la simplification des organigrammes ministériels, de la loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il va bien au-delà encore de la suppression du régime d'autorisation administrative et de l'accélération de la délivrance de documents administratifs, notamment par l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999, présidé par M. le Premier ministre, a arrêté plusieurs orientations dont la finalité est bien de replacer l'usager au centre de l'action de l'Etat. C'est notre conception de l'action de l'Etat, c'est notre conception du service public.
Dans cette optique, l'action des services déconcentrés devrait être améliorée par le renforcement de la coopération interservices au plan local et par l'adaptation de leur organisation elle-même au tissu local, qui constitue leur environnement.
Les modalités de cette réforme doivent être construites dans le dialogue et la concertation avec les syndicats. Ce sera le cas dans tous les ministères. C'est actuellement - en ce moment même ! - le cas au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les réformes budgétaires et comptables, enfin, s'inscrivent elles aussi dans cette démarche de simplification de la nomenclature budgétaire. La globalisation des crédits, la systématisation des reports des crédits de fonctionnement donnent une plus grande capacité d'arbitrage aux services gestionnaires.
L'ensemble de ces évolutions et de cette rigueur dans la gestion des crédits budgétaires et dans l'administration comptable de l'Etat tient bien évidemment compte des remarques de la Cour des comptes.
Le développement de la contractualisation est également un facteur de modernisation de la gestion publique.
En contrepartie d'un accroissement de la souplesse de gestion et d'une meilleure visibilité de l'évolution de leurs moyens, les gestionnaires s'engagent sur des objectifs en matière de qualité de la gestion et du service, mais aussi d'efficacité socio-économique. Cette démarche s'accompagne nécessairement de la mise en place d'outils de pilotage et de contrôle de la gestion.
Un effort particulier a été entrepris en matière de transparence de l'action publique. L'élaboration des programmes pluriannuels de modernisation, la réforme de la présentation du projet de loi de finances et, dès cette année, l'établissement de rapports d'activité et de comptes rendus de gestion ministérielle dans le cadre des lois de règlement témoignent d'une volonté de transparence des responsabilités et des objectifs en matière de politique publique.
De tels outils - vous l'avez souligné et c'est très important - doivent permettre de rendre compte de l'efficacité de l'utilisation de la ressource budgétaire. C'est un objectif essentiel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous l'avons vu à l'instant, ce Gouvernement est celui du mouvement. (M. Lambert rit.)
L'heure est bien à la réforme solidaire et juste. L'heure est bien aux réformes dans les fonctions publiques lorsqu'elles sont nécessaires, comme dans toute la société française.
Nous inscrivons ces réformes dans la perspective, récemment rappelée par mon collègue chargé de l'économie et des finances, d'une baisse du déficit et d'une diminution des prélèvements obligatoires jusqu'aux 43,7 % sur lesquels nous nous sommes engagés.
Cette réduction du déficit, cet allégement des prélèvements obligatoires, qui s'accompagnent d'une rigueur dans la gestion des crédits, d'une clarté, d'une transparence et du dialogue dans l'évolution des fonctions publiques, seront bien la marque de notre succès et sans doute l'indice éclatant que nous avons raison de faire confiance aux fonctionnaires de l'Etat, de compter sur eux pour porter avec nous, dans le dialogue et la concertation, la réforme de l'Etat, afin d'aboutir à la réforme de la société française. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert. Que Dieu vous entende !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

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MISE AU POINT
AU SUJET D'UN VOTE

Mme Anne Heinis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Mon collègue M. Henri Revol demande par ma voix la rectification de son vote lors de l'adoption des conclusions du rapport de la commission sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'effet de serre : il souhaiterait que soit indiqué qu'il s'abstient.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, madame Heinis.

9

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 306, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Guy Fischer, Jean-Yves Autexier, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à instituer une journée nationale du souvenir des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combattants du Maroc et de la Tunisie.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 309, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non institutionnels.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 308, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

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RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée à l'Assemblée nationale, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (n° 258, 1999-2000) et dont la commission des affaires sociales est saisie au fond est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

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DÉPÔT D'AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Bimbenet un avis présenté, au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 279, 1999-2000.)
L'avis sera inprimé sous le n° 306 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Jarlier un avis, présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 279, 1999-2000.)
L'avis sera imprimé sous le n° 307 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 25 avril 2000 :
A dix heures :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les aides accordées aux titulaires des contrats territoriaux d'exploitation par le fonds de financement des CTE.
Il lui rappelle que l'arrêté du 8 novembre 1999 relatif aux aides accordées aux titulaires de contrats territoriaux d'exploitation dispose que le montant total des « aides, matérielles ou immatérielles, liées à des investissements ou à des dépenses... ne peut excéder 100 000 francs ».
Il tient à lui indiquer à ce sujet qu'en zone de montagne les investissements sont plus coûteux, notamment s'agissant des bâtiments. Il lui indique également que dans ces zones de montagne le développement économique accuse souvent un certain retard. Il lui demande donc s'il entend favoriser les zones de montagne - dont la spécificité est à prendre en compte - en permettant aux CTE d'aller plus loin dans leur volet économique. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de relever, en zone de montagne, le plafond de l'aide économique des CTE de 100 000 francs à 150 000 francs (les taux de subvention restant sur la base de 40 % établie pour les zones défavorisées). (N° 688.)
II. - M. Charles Descours attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la difficulté de remplacer les enseignants manquants dans le département de l'Isère. C'est plus d'une quinzaine d'établissements, (collèges ou lycées), qui sont ainsi privés pendant plusieurs semaines d'enseignement. La liste en a été transmise à M. le recteur d'académie de l'Isère et à Mme le ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire lors de sa visite dans le département.
Il lui demande, par conséquent, quelles mesures il compte prendre pour remédier à cet état de choses inadmissible. (N° 709.)
III. - M. Philippe Richert appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'opacité des informations concernant la nature de la cargaison de l' Erika et les risques qui pourraient en résulter en termes de santé publique.
Depuis plusieurs semaines, en effet, des informations circulaient, selon lesquelles le chargement du pétrolier était une substance cancérogène.
Fin janvier, le laboratoire Analytika diffusait largement, notamment via internet, les résultats de ses analyses, laissant peu de doutes sur la nature réelle du produit concerné : un fioul lourd contenant des substances de la classe des hydrocarbures aromatiques polycycliques, hautement cancérogènes.
Le quotidien Le Monde a repris cette information dans ses colonnes, le 26 février dernier, et faisait par ailleurs état du fait que Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement confirmait le caractère cancérogène du produit en question.
Il lui demande donc comment il se fait que le Gouvernement, qui semblait avoir été informé de cette situation par le biais des « fiches de données de sécurité » ayant transité par la préfecture et le centre interrégionnal de toxicovigilance du Grand-Ouest, n'ait pas jugé utile d'alerter le public, notamment les milliers de bénévoles qui ont nettoyé, parfois à mains nues, le littoral français.
Il souhaite par ailleurs connaître les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour suivre médicalement les personnes qui auraient été en contact direct avec la substance incriminée et savoir si des mesures adéquates ont été prises.
Enfin, il lui demande si, depuis deux mois que le caractère toxique du chargement est connu du Gouvernement, une étude a pu être réalisée sur les conséquences probables de cette catastrophe sur le littoral français et son écosystème. (N° 743.)
IV. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la nécessité de rechercher l'ensemble des mesures nécessaires pour aboutir à une égalité réelle des hommes et des femmes au plan professionnel, à celui de leurs salaires, de leurs conditions de travail, de leurs droits aux loisirs, au logement, à la santé, à la culture...
Elle lui fait remarquer que la garde, l'éducation des enfants, la vie familiale sont des facteurs constituant encore trop souvent des obstacles à l'accès aux responsabilités permettant l'égalité. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures qu'elle envisage pour améliorer les possibilités de garde des enfants en offrant aux femmes salariées une plus grande diversité et choix du mode de garde, un plus grand nombre de places, des aides financières renforcées et des tarifs plus accessibles. (N° 746.)
V. - M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation ambiguë des communes de Boursies, Doignies et Moeuvres, qui sont situées dans l'arrondissement de Cambrai, mais forment une enclave du département du Nord, dont elles sont séparées par la commune de Graincourt-lès-Havrincourt, dans celui du Pas-de-Calais.
Quoique situées dans le Nord, ces communes sont dotées d'un code postal du Pas-de-Calais, commençant par 62. Leurs voitures sont évidemment immatriculées 59, mais l'entretien des routes relève de la direction de l'équipement du Pas-de-Calais.
De plus, ces communes viennent de se voir privées du bénéfice de l'Objectif 2, pourtant accordé à toutes les communes du canton de Marcoing, dont elles relèvent, au prétexte que les cantons du Pas-de-Calais au milieu desquels elles se trouvent sont eux aussi en dehors de l'Objectif 2.
Une telle situation créant un fort sentiment d'exclusion et d'injustice dans ces communes, il lui demande quelles mesures il compte prendre, en liaison avec tous les ministres concernés, pour que les trois communes de Boursies, Doignies et Moeuvres puissent se sentir à part entière des communes du Cambrésis. (N° 758.)
VI. - M. Christian Demuynck souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation actuelle de l'hôpital intercommunal de Montfermeil-Le Raincy.
Cet établissement suractif, qui sert 10 communes et 270 000 habitants, dispose des équipements les plus modernes et d'un personnel soignant performant et dévoué.
Bien qu'il constitue un élément fondamental de la santé publique dans l'Est parisien, cet hôpital risque de voir certains de ses services fermer à brève échéance, et ce en raison d'une aberrante logique comptable qui prévaut depuis quelques années.
Cette situation ne peut que s'aggraver et créer une intolérable inégalité des citoyens devant la santé si le Gouvernement n'utilise pas, en faveur de cet établissement, les récentes marges de manoeuvre budgétaires.
Il entend connaître et, avec lui, l'ensemble des Séquano-Dyonisiens, quelles mesures le Gouvernement envisage d'engager à court, moyen et long terme, en vue d'assurer le fonctionnement pérenne de cet hôpital indispensable. (N° 764.)
VII. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'application des 35 heures dans les fonctions publiques. A l'heure où cette réforme phare du Gouvernement semble remporter un franc succès dans le secteur privé, apportant une contribution significative à la lutte contre le chômage, force est de constater que la réduction du temps de travail ne s'appliquera pas avec autant de facilité dans le secteur public.
Il voudrait évoquer les problèmes que connaissent les services de la direction départementale de l'équipement de la Nièvre, concernant en particulier les conditions de travail de ses agents. L'inquiétude est renforcée par la mise en application des 35 heures combinée à l'application des nouvelles règles européennes et aux suppressions d'effectifs antérieures qui ne sont pas là pour encourager. Elles peuvent même contraindre à rechercher, faute d'embauches, de nouveaux modes d'intervention tels que des appels aux entreprises privées.
Dans le département de la Nièvre, où l'incorporation de la voirie dans les compétences des communautés de communes est courante, ces communautés lancent de plus en plus des appels d'offres, il est donc à craindre que tous les travaux sur les voiries communales échappent à la DDE, entraînant des sureffectifs dans chaque centre d'exploitation et donc des mesures de suppression de postes. Les conséquences en sont multiples et néfastes, la DDE est ainsi conduite à supprimer l'accompagnateur dans les équipes qui interviennent dans l'organisation de viabilité hivernale.
Au-delà des grands principes réglementaires, les conditions d'application des 35 heures seront déterminées par les discussions entre les représentants de la DDE et le ministère. Il lui demande donc dans quel délai et suivant quels principes cette négociation va s'effectuer ? Qu'en est-il de ce fameux dogme du « gel » de l'emploi public ? Peut-on trouver, en d'autres termes, faute d'accord-cadre, les garde-fous indispensables à l'application des 35 heures dans les fonctions publiques en général, et dans la DDE de la Nièvre en particulier. (N° 766.)
VIII. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au tourisme sur les conséquences indirectes des deux tempêtes de fin d'année dernière dans le secteur de l'hostellerie alsacienne. Les aides nouvelles les plus importantes, annoncées dans la lettre du Gouvernement du 9 mars, concernent principalement le littoral atlantique, ce qui est une bonne chose.
Mais les hôtels de la région Alsace ont eu, eux aussi, maille à partir avec les coupures de courant, l'absence de trains, une circulation perturbée, ce qui a généré de nombreux désistements, une baisse de fréquentation pour les vacances de février, voire celles de Pâques.
Si les dégâts matériels des hôteliers sont majoritairement couverts par les assurances, désistements et baisses de fréquentation ne sont pas indemnisés. Serait-il possible de prévoir une aide aux hôteliers pour leurs pertes d'exploitation ? (N° 769.)
IX. - M. Francis Grignon attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des infirmiers libéraux.
Face à la politique de maintien à domicile, les infirmiers libéraux ne sont plus en mesure d'absorber la demande en soins du fait des contraintes réglementaires qui pèsent sur l'exercice de leur profession. En effet, les infirmiers libéraux sont parfois obligés de refuser la demande en soins de patients, et ce afin de pouvoir respecter le seuil d'activité. Mais le manque d'infirmiers libéraux, dû entre autres aux conditions draconiennes d'installation, ne permet pas de pallier cette demande. Aussi, ces patients n'ont-ils pas d'autre choix que d'être hospitalisés, ce qui induit un coût plus important pour eux, mais aussi pour la sécurité sociale.
De plus, l'indemnité de déplacement des infirmiers, qui est de 9 francs par déplacement, paraît dérisoire au regard de celle qui est versée aux kinésithérapeutes et aux médecins, qui s'élèvent respectivement à 12 et 30 francs.
Il lui demande donc de lui indiquer quelles mesures elle entend prendre afin de donner aux infirmiers libéraux les moyens d'assurer le maintien à domicile de la population soignée. (N° 770.)
X. - M. Jean-Claude Carle souhaite attirer l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur certaines insuffisances de l'article R. 332 du code de la sécurité sociale relatif au remboursement des frais d'hospitalisation des ressortissants français à l'étranger. Cet article stipule que, dans certains cas présentant un caractère d'extrême urgence, les caisses primaires d'assurance maladie peuvent être amenées à rembourser partiellement aux patients français leurs frais d'hospitalisation à l'étranger, à condition, toutefois, qu'ils en assurent eux-mêmes l'avance. Il laisse manifestement une grande liberté d'appréciation aux caisses d'assurance maladie puisque ces organismes peuvent déterminer si ces cas présentent réellement un caractère d'extrême urgence et, donc, s'ils sont susceptibles de faire l'objet d'un remboursement.
En Haute-Savoie, cette situation pose un certain nombre de problèmes. En effet, à la suite de graves accidents, de nombreux patients sont, à la demande du SAMU, des pompiers ou des services d'urgence suisses, hospitalisés à l'hôpital universitaire de Genève. Dans ce cas de figure, les CPAM renâclent souvent à assurer le remboursement des frais d'hospitalisation engagés par cet établissement.
Récemment encore, un père de famille, victime d'un infarctus à la piscine publique de Genève, a été transporté par les pompiers genevois à l'hôpital universitaire de Genève. En raison de complications cardio-vasculaires, cet homme a subi des soins intensifs avant d'être rapatrié au centre hospitalier d'Annemasse. Le coût de ces soins a été évalué par l'hôpital de Genève à 84 000 francs français. La CPAM de la Haute-Savoie l'a informé que son remboursement s'élèverait au mieux à 13 000 francs. Comme justification, la CPAM a, de façon absurde, souligné que les pompiers auraient dû le conduire directement au centre hospitalier d'Annemasse. Par ailleurs, il convient de souligner que les services d'urgence helvétiques n'ont pas le droit de franchir la frontière franco-suisse.
Ce cas n'étant pas isolé, il aimerait connaître sa position concernant ce dossier particulier. Plus généralement, il souhaiterait savoir si elle entend prendre des mesures susceptibles de remédier aux carences de l'article R. 332. En tout état de cause, il lui semblerait opportun qu'elle puisse envisager de mettre un terme à ce type de situations. (N° 771.)
XI. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur les activités de la chirurgie pédiatrique du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-La Roche-Guyon.
La fermeture des services de chirurgie pédiatrique demandée par un groupe de travail du comité médical d'établissement et de la direction de la politique médicale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AH-HP) compromettrait gravement la qualité et la sécurité des soins pour l'accueil des urgences, pour la prise en charge des enfants handicapés et pour l'aval chirurgical de la maternité.
Elle lui demande de rouvrir le dialogue avec tous les acteurs. Elle aimerait également savoir quelles initiatives elle compte prendre pour maintenir l'activité de chirurgie pédiatrique et neurologique dans le projet médical du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul. (N° 772.)
XII. - M. Bertrand Auban attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur les oppositions qui continuent à se manifester à Toulouse et en Haute-Garonne concernant le regroupement géographique de la transfusion sanguine avec un seul plateau de qualification biologique à Montpellier.
Dès l'annonce de cette disparition éventuelle du plateau technique de Toulouse, de nombreuses inquiétudes et oppositions se sont fait connaître à la fois de la part des syndicats, des professionnels de la santé, des associations de donneurs de sang comme de la part des parlementaires et des collectivités territoriales, en particulier le conseil général de la Haute-Garonne.
Enfin, la commission d'organisation de la transfusion sanguine où siègent professionnels, syndicats, associations, usagers, collectivités territoriales a rejeté ce projet par un vote négatif important. Elle fut l'une des seules en France à rejeter le projet présenté. Il a bien enregistré que de ce fait le ministère a demandé une expérimentation avant toute décision définitive.
Néanmoins, toutes les informations et réactions qui se font jour localement montrent que ce projet de regroupement de la qualification biologique des dons ne répond pas aux réalités du terrain. Le plateau technique de Toulouse, mis en place il y a cinq ans seulement, dispose d'une équipe à la compétence reconnue et de matériels performants. Il est en mesure de répondre aux enjeux fixés par l'établissement français du sang avec peu de frais supplémentaires, tandis que le choix de Montpellier obligerait à de coûteux investissements, en particulier pour la construction d'un nouveau bâtiment. En outre, la région Midi-Pyrénées, qui est la plus peuplée des deux régions, doit impérativement conserver une qualification de proximité à Toulouse.
Enfin, il croit important d'écouter et de tenir compte de la réaction des associations départementales de donneurs de sang de toute la région Midi-Pyrénées, qui s'inquiètent grandement des conséquences de cette décision, en une période où elles peinent à mobiliser autour du don du sang.
Au vu de tous ces éléments, il lui demande donc de surseoir à l'application de cette décision afin que l'établissement français du sang réexamine son projet en tenant compte des analyses développées localement et des solutions proposées localement pour que, définitivement, les habitants de Midi-Pyrénées gardent le plateau technique de qualification biologique de Toulouse. (N° 773.)
XIII. - M. Bernard Joly attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'absence de représentation équilibrée des professionnels libéraux au sein du Conseil économique et social depuis les dernières nominations, en conseil des ministres, du 1er septembre 1999.
Jusqu'alors, cette catégorie comptait cinq représentants, trois membres en application des textes législatifs et réglementaires et deux désignés au titre des personnalités qualifiées.
Malgré plusieurs déclarations gouvernementales soulignant la nécessité d'améliorer la représentation des professions libérales, deux sièges leur ont été retirés alors qu'il n'était enregistré aucun repli de leurs effectifs.
Dans une récente réponse, il est avancé que cette représentation ne saurait être ni exhaustive ni exactement proportionnelle. Néanmoins elle doit être diversifiée et équilibrée, reflétant les activités économiques et sociales ainsi que les catégories socioprofessionnelles, comme il est également précisé. Or, on s'aperçoit que certains secteurs sont sur-représentés et d'autres, à l'inverse, sous-représentés.
Il lui demande, pour la crédibilité et l'audience du Conseil économique et social, dans quel délai le dépôt d'un projet de loi organique modifiant la composition de cette institution peut être espéré et, par ailleurs, quand les sièges indûment repris seront rendus. (N° 774.)
XIV. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur la situation des opérateurs des activités physiques et sportives.
En effet, le statut particulier de ce cadre d'emplois prévoit dans son article 2 que les opérateurs sont chargés d'assister les responsables de l'organisation des activités physiques et sportives.
Le terme « assister » est diversement interprété et provoque, eu égard à l'agrément dont doivent bénéficier les personnels intervenant en milieu scolaire, des difficultés.
Dans une réponse récente à un député, M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a, semble-t-il, instauré une différence entre les opérateurs nommés après concours et les opérateurs intégrés à la parution du cadre d'emplois le 1er avril 1992.
Cette différence entraîne, pour les opérateurs nommés après concours, une impossibilité à obtenir l'agrément nécessaire pour intervenir dans les écoles, même dans les collectivités qui disposent d'un ou plusieurs éducateurs chargés, comme le prévoit le statut particulier, de l'encadrement des personnels qui se consacrent notamment aux activités physiques et sportives de la collectivité.
Aussi, il souhaiterait savoir quelles mesures réglementaires le Gouvernement envisage de prendre pour permettre aux opérateurs des activités physiques et sportives d'exercer la totalité de leurs missions. (N° 775.)
XV. - M. Henri de Richemont attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire sur le refus opposé par le Premier ministre à toute mise en place d'un système de retraite par capitalisation dans les entreprises privées.
Or il se trouve que l'ensemble de la fonction publique de ce pays dispose d'une caisse de prévoyance, la PREFON, qui fonctionne par capitalisation. Cette caisse permet notamment à tout fonctionnaire d'effectuer librement des versements individuels qui sont non seulement productifs d'intérêts en vue de sa retraite, mais, de plus, immédiatement déductibles de ses revenus imposables.
Tout en se réjouissant que les fonctionnaires français puissent profiter d'avantages de cet ordre, il souhaiterait savoir au nom de quelle « solidarité » le Gouvernement en refuse le bénéfice aux salariés des entreprises privées. (N° 776.)
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2. Discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 295, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Rapport (n° 299, 1999-2000) de M. Guy Cabanel, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
3. Discussion en deuxième lecture du projet de loi organique (n° 296, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna.
Rapport (n° 299, 1999-2000) de M. Guy Cabanel, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi organique.
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes : mardi 25 avril 2000, à dix heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 279, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans discussion générale : mardi 25 avril 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 avril 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)



ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 23 mars 2000

GENS DU VOYAGE

Page 1532, première colonne, quinzième alinéa :
Au lieu de : « ..., l'amendement n° 16 n'est pas recevable. »

Lire : « ..., l'amendement n° 27 n'est pas recevable. »
Page 1534, seconde colonne :
Supprimer les deux premiers alinéas (2° et 3°).



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Taxe professionnelle concernant les titulaires des bénéfices

non commerciaux employant moins de cinq salariés

784. - 6 avril 2000. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'exclusion des titulaires des bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés du bénéfice de la baisse de la taxe professionnelle votée dans la loi de finances pour 1999. Cette situation lui paraissant particulièrement inéquitable, il lui demande de bien vouloir lui faire savoir s'il envisage de donner satisfaction à la requête des professions libérales qui vise à obtenir l'abrogation de ce dispositif pénalisant.




ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du jeudi 6 avril 2000


SCRUTIN (n° 54)



sur l'ensemble de la proposition de loi tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer.

Nombre de votants : 296
Nombre de suffrages exprimés : 245
Pour : 245
Contre : 0

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 1. _ M. Lylian Payet.
N'ont pas pris part au vote : 22.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 97.
Abstention : 1. _ M. Philippe de Gaulle.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Pour : 76.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean-Luc Mélenchon (membre du Gouvernement).

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 1. _ M. Marcel Henry.
Abstentions : 50.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Faure, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Pierre André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
José Balarello
Janine Bardou
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jean Bizet
Paul Blanc
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Christian Demuynck
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Bernard Fournier
Alfred Foy
Philippe François
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Roger Hesling
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Roger Husson
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Claude Lise
Paul Loridant
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Michel Moreigne
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Abstentions


Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
René Ballayer
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Didier Borotra
Jean-Guy Branger
Jean-Pierre Cantegrit
Marcel Deneux
Gérard Deriot
André Diligent
André Dulait
Pierre Fauchon
Serge Franchis
Yves Fréville
Philippe de Gaulle
Francis Grignon
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Alain Lambert
Henri Le Breton
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
René Marquès
Louis Mercier
Michel Mercier
Louis Moinard
René Monory
Philippe Nogrix
Jean-Marie Poirier
Philippe Richert
Michel Souplet
Albert Vecten
Xavier de Villepin

N'ont pas pris part au vote


François Abadie
Jean-Michel Baylet
Georges Berchet
Jacques Bimbenet
André Boyer
Guy-Pierre Cabanel
Yvon Collin
Gérard Delfau
Fernand Demilly
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Pierre Laffitte
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Georges Othily
Jacques Pelletier
Jean-Marie Rausch
Raymond Soucaret
André Vallet

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Ne peut prendre part au vote (en application de l'article premier de l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution) M. Jean-Luc Mélenchon.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 297
Nombre de suffrages exprimés : 245
Majorité absolue des suffrages exprimés : 123
Pour l'adoption : 245
Contre : 0

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.