Séance du 4 avril 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 2 ).

4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 3 ).

5. Questions orales (p. 4 ).

SITUATION DES PRATICIENS DE LA FONDATION
HÔPITAL SAINT-JOSEPH DE MARSEILLE (p. 5 )

Question de M. Francis Giraud. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Francis Giraud.

SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS D'ACCUEIL
POUR LES HANDICAPÉS (p. 6 )

Question de Mme Janine Bardou. - Mmes Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; Janine Bardou.

RÉGLEMENTATION APPLICABLE
AUX ATELIERS PROTÉGÉS (p. 7 )

Question de M. Jacques Machet. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Jacques Machet.

UTILISATION DES INSTALLATIONS SANITAIRES DU RÉGIME
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE MINIÈRE (p. 8 )

Question de M. Pierre Lefebvre. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Pierre Lefebvre.

SITUATION SCOLAIRE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'AUDE (p. 9 )

Question de M. Roland Courteau. - Mme DominiqueGillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Roland Courteau.

CONDITIONS DE TRAVAIL DES AGENTS
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (p. 10 )

Question de M. Gérard Cornu. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Gérard Cornu.

RÉFORME DE LA POSTE (p. 11 )

Question de M. Patrice Gélard. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Patrice Gélard.

GRÈVE DE TRÉSORERIES (p. 12 )

Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Pierre Hérisson.

SYSTÈME AUTOROUTIER (p. 13 )

Question de M. Paul Masson. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Paul Masson.

CRÉATION D'UN DÉLIT D'ENTRAVE
À LA PERCEPTION DU PÉAGE (p. 14 )

Question de M. Jacques Oudin. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jacques Oudin.

CONTRAT DE PLAN ÉTAT-RÉGION
DANS LE LIMOUSIN (p. 15 )

Question de M. Georges Mouly. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Georges Mouly.

AÉROPORT INTERNATIONAL DE BEAUVILLIERS (p. 16 )

Question de M. Gérard Larcher. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gérard Larcher.

AIDE AUX PRODUCTEURS DE POMMES (p. 17 )

Question de M. Jean Huchon. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean Huchon.

INSTALLATION DE MATÉRIELS DE SÉCURITÉ
AUTOUR DES PISCINES À USAGE PRIVATIF (p. 18 )

Question de M. Jean-Pierre Raffarin. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Pierre Raffarin.

COÛT DU RECYCLAGE DES DÉCHETS
POUR LES COMMUNES (p. 19 )

Question de M. Guy Vissac. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Guy Vissac.

LUTTE CONTRE LA MULTIPLICATION
DES RAGONDINS (p. 20 )

Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jean-Pierre Demerliat.

Suspension et reprise de la séance (p. 21 )

6. Communication de M. le président de l'Assemblée nationale (p. 22 ).

7. Démission de membres de commissions et candidatures (p. 23 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

8. Présomption d'innocence et droits des victimes. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxièmelecture (p. 25 ).

Article 19 bis A (p. 26 )

Amendement n° 114 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Charasse, Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. le président, Mme Hélène Luc. - Retrait.
Adoption de l'article.

Article 19 bis (p. 27 )

Amendement n° 42 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 19 bis (p. 28 )

Amendements n°s 88 rectifié de M. Alain Vasselle, 141 à 143 de M. Michel Charasse. - MM. Alain Vasselle, Michel Charasse, Jacques Larché, président de la commission des lois. - Retrait des quatre amendements.

Article 20 (p. 29 )

Amendements n°s 43 à 45 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 20 bis (supprimé)

Article 21 (p. 30 )

Amendement n° 46 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 21 (p. 31 )

Amendement n° 131 rectifié de M. Michel Charasse repris par la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Charasse. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 21 bis A et 21 bis B (supprimés)

9. Validation législative. - Adoption d'une proposition de loi (p. 32 ).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Georges Othily, rapporteur de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 33 )

MM. Robert Bret, Simon Sutour.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.

10. Lutte contre la corruption. - Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p. 34 ).
Discussion générale : M. José Balarello, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
Clôture de la discussion générale.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 35 )

Vote sur l'ensemble (p. 36 )

M. Robert Bret.
Adoption du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 37 )

11. Présomption d'innocence et droits des victimes. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxièmelecture (p. 38 ).

Article 21 ter (p. 39 )

Amendement n° 47 de la commission. - M. CharlesJolibois, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 21 quinquies . - Adoption (p. 40 )

Intitulé du chapitre III bis et article 21 sexies (p. 41 )

Amendements n°s 48 et 49 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Réserve de l'amendement n° 48 ; adoption des deux amendements supprimant l'article, la division et son intitulé.

Article 21 septies (supprimé)

Article 21 octies (p. 42 )

Amendement n° 50 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Bret, JacquesLarché, président de la commission des lois. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 21 octies (p. 43 )

Amendement n° 51 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 21 nonies A. - Adoption (p. 44 )

Article 21 nonies B (p. 45 )

Article 380-1 du code de procédure pénale. -

Adoption (p. 46 )

Article 380-2 du code de procédure pénale
(p. 47 )

Amendements n°s 52 de la commission et 115 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 115, adoption de l'amendement n° 52 rédigeant l'article du code.

Articles 380-3 et 380-4 du code de procédure pénale. -
Adoption (p. 48 )

Article additionnel après l'article 380-4

du code de procédure pénale (p. 49 )

Amendement n° 53 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel du code.

Article 380-5 du code de procédure pénale (p. 50 )

Amendement n° 54 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 380-6 du code de procédure pénale. - Adoption (p. 51 )

Article 380-7 du code de procédure pénale
(p. 52 )

Amendement n° 55 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 380-8 du code de procédure pénale. - Adoption (p. 53 )

Article 380-9 du code de procédure pénale
(p. 54 )

Amendement n° 56 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 380-10 du code de procédure pénale (p. 55 )

Amendement n° 57 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Charasse. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 380-11 et 380-12
du code de procédure pénale. - Adoption (p. 56 )

Article 380-13 du code de procédure pénale
(p. 57 )

Amendement n° 58 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 59 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 380-14 du code de procédure pénale (p. 58 )

Amendement n° 60 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Adoption de l'article 21 nonies B modifié.

Demande de priorité (p. 59 )

Demande de priorité des articles 2 G, 2 bis A, 2 bis B, 2 ter et 2 D. - M. le président de la commission, Mme le garde des sceaux. - La priorité est ordonnée.

Article 2 G (supprimé) (précédemment réservé)

Article 2 bis A (précédemment réservé) (p. 60 )

M. Christian Bonnet.
Amendements n°s 92 de M. Hubert Haenel, 4 de la commission et sous-amendement n° 155 de M. Robert Bret ; amendements n°s 107 à 109 de M. MichelDreyfus-Schmidt. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Bret, Jean Chérioux, Patrice Gélard, Pierre Fauchon. - Retrait des amendements n°s 4 et 107 à 109, le sous-amendement n° 155 devenant sans objet ; adoption de l'amendement n° 92 supprimant l'article.

Article 2 bis B (précédemment réservé). - Adoption

Article 2 ter (précédemment réservé) (p. 61 )

Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur. - Retrait.
Rejet de l'article.

Article 2 D (précédemment réservé) (p. 62 )

Amendement n° 3 de la commission, sous-amendements n°s 177 rectifié et 183 (priorité) de M. Jacques Larché. - MM. le rapporteur, Pierre Fauchon, Jacques Larché, Mme le garde des sceaux, MM. Hubert Haenel, Robert Bret, Michel Charasse. - Demande de priorité du sous-amendement n° 183 ; retrait du sous-amendement n° 177 rectifié ; adoption du sous-amendement n° 183 et de l'amendement n° 3 modifié.
Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 63 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

12. Nomination de membres de commissions (p. 64 ).

13. Présomption d'innocence et droits des victimes. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 65 ).

Article 21 nonies (p. 66 )

Amendement n° 61 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 62 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 21 decies A (p. 67 )

Amendement n° 63 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 21 decies B. - Adoption (p. 68 )

Article 21 decies (p. 69 )

Amendement n° 64 de la commission. - M. le rapporteur Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 21 undecies A. - Adoption (p. 70 )

Articles additionnels après l'article 21 undecies (p. 71 )

Amendements n°s 144 à 149 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait des six amendements.

Intitulé du chapitre III quinquies
et article 21 terdecies (p. 72 )

Amendement n° 170 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Réserve.
Amendement n° 171 rectifié du Gouvernement et sous-amendements n°s 176, 178 de la commission et 182 de M. Robert Badinter ; amendements n°s 116 de M. Robert Badinter et 65 de la commission. - Mme le garde des sceaux, MM. le rapporteur, Michel Charasse, Patrice Gélard. - Retrait des amendements n°s 65, 116 et du sous-amendement n° 178 ; adoption des sous-amendements n°s 176, 182 et de l'amendement n° 171 rectifié modifié rédigeant l'article.
Amendement n° 170 (précédemment réservé) du Gouvernement. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Articles additionnels avant l'article 22 A
ou après l'article 27 (p. 73 )

Amendement n° 66 de la commission et sous-amendement n° 185 de M. Patrice Gélard ; amendement n° 169 rectifié du Gouvernement et sous-amendement n° 179 de M. Patrice Gélard ; amendements n°s 118 à 125 de M. Robert Badinter. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Patrice Gélard, Michel Charasse, Louis de Broissia. - Retrait des amendements n°s 118 à 125 et 66, le sous-amendement n° 185 devenant sans objet ; rejet du sous-amendement n° 179 ; adoption de l'amendement n° 169 rectifié insérant un article additionnel avant l'article 22 A.

Article 22 A (p. 74 )

Amendement n° 67 de la commission. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Charasse, Louis de Broissia, Pierre Fauchon. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 22 (p. 75 )

Amendement n° 91 de M. Louis de Broissia. - MM. Louis de Broissia, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 25. - Adoption (p. 76 )

Articles additionnels après l'article 25 (p. 77 )

Amendement n° 150 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article addi- tionnel.
Amendement n° 151 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 25 bis et 25 ter (supprimés)

Article additionnel après l'article 25 ter (p. 78 )

Amendement n° 94 de M. Patrice Gélard. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.

Articles 26, 26 bis et 27. - Adoption (p. 79 )

Article additionnel après l'article 27 (p. 80 )

Amendement n° 136 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 28 et 28 ter. - Adoption (p. 81 )

Article additionnel avant l'article 28 quinquies
et article 28 quinquies (p. 82 )

Amendements n°s 163 à 165 de M. Robert Bret et 68 (priorité) de la commission. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement n° 68 rédigeant l'article 28 quinquies, les amendements n°s 163 à 165 devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 28 quinquies (p. 83 )

Amendement n° 166 de M. Robert Bret. - Devenu sans objet.

Article 28 sexies (p. 84 )

Amendement n° 184 du Gouvernerment. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 69 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 28 sexies
ou après l'article 33 (p. 85 )

Amendements n°s 70 de la commission et 127 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 127 ; adoption de l'amendement n° 70 insérant un article additionnel.

Article 29 A. - Adoption (p. 86 )

Article additionnel après l'article 29 B (p. 87 )

Amendement n° 89 rectifié de M. Louis de Broissia. - MM. Louis de Broissia, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Patrice Gélard, Pierre Fauchon, Philippe Nogrix, Michel Charasse. - Retrait.

Article additionnel après l'article 31 (p. 88 )

Amendement n° 90 de M. Louis de Broissia. - MM. Louis de Broissia, le rapporteur. - Retrait.

Articles 31 septies et 31 octies A. - Adoption (p. 89 )

Articles additionnels avant l'article 32 A (p. 90 )

Amendements n°s 99 rectifié de M. Michel Charasse et 101 à 104 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Charasse, le rapporteur. - Retrait des cinq amendements.
Renvoi de la suite de la discussion.

14. Transmission d'un projet de loi organique (p. 91 ).

15. Transmission de projets de loi (p. 92 ).

16. Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 93 ).

17. Ordre du jour (p. 94 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Je vous rappelle que l'ordre du jour prioritaire de la séance d'aujourd'hui a été modifié par le Gouvernement, en accord avec la commission des lois, et s'établit désormais comme suit :
A neuf heures trente :
- Seize questions orales ;
A seize heures :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence ;
A dix-sept heures et, éventuellement, le soir :
- Proposition de loi relative à la validation législative d'un examen d'accès à l'administration pénitentiaire ;
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre la corruption ;
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence.
La deuxième lecture de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire a été reportée au mercredi 5 avril après-midi.

3

DÉCISIONS
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date du 30 mars 2000, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative aux incompatibilités entre mandats électoraux et de la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel , édition des lois et décrets.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT
DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport triennal au Parlement sur l'enfance maltraitée, en application de l'article 17 de la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

SITUATION DES PRATICIENS DE LA FONDATION
HÔPITAL SAINT-JOSEPH DE MARSEILLE

M. le président. La parole est à M. Francis Giraud, auteur de la question n° 749, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Francis Giraud, Madame le secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur la situation des 282 médecins libéraux exerçant dans un établissement de santé privé, à but non lucratif, la fondation Hôpital Saint-Joseph à Marseille, et, bien entendu, de tous ceux qui exercent dans les mêmes conditions sur le territoire national.
Accordez-moi tout d'abord une remarque : j'interviens auprès de vous, madame le secrétaire d'Etat, en faveur de confrères libéraux. Je me sens d'autant plus à l'aise pour le faire qu'ayant été durant toute ma vie professionnelle un médecin hospitalo-universitaire, j'ai renoncé à exercer moi-même sous un mode libéral, comme la réglementation m'y autorisait.
Permettez-moi encore de rappeler le contexte dans lequel le problème s'inscrit. En France, les hôpitaux rencontrent actuellement deux phènomènes inquiétants concernant les médecins.
D'une part, des postes de praticiens hospitaliers ouverts ne sont pas pourvus faute de candidats.
D'autre part, des praticiens hospitaliers, qui ont acquis une compétence et une technicité indiscutables dans de nombreuses disciplines, quittent l'hôpital pour rejoindre le secteur libéral, mieux payé et plus motivant.
La fondation Hôpital Saint-Joseph, établissement de santé à but non lucratif, anciennement soumis à un prix de journée préfectoral, a opté pour un financement par la dotation globale. Que l'établissement fût géré au prix de journée ou financé par la dotation globale depuis 1998, les médecins libéraux ont continué, jusqu'au 1er janvier 2000, à être rémunérés à l'acte par la sécurité sociale, en vertu des conventions qu'ils avaient signées avec la CNAM, la Caisse nationale de l'assurance maladie.
Or les circulaires du 15 novembre et du 23 décembre 1999 ont modifié leur mode de rémunération. Leurs honoraires sont désormais inclus dans la dotation globale de fonctionnement. Ils deviennent, en quelque sorte ex abrupto , salariés de l'hôpital.
Comment concilier le nouveau dispositif mis en place au titre des deux circulaires et les dispositifs des textes qui les concernent et qui sont toujours en vigueur ?
En effet, la convention nationale et le règlement minimal conventionnel auxquels ils ont adhéré les lient jusqu'à ce jour dans leur exercice médical et ne peuvent être rompus unilatéralement.
Les récents mouvements sociaux du secteur hospitalier, expression d'un réel malaise, ont montré qu'il est impératif de doter les établissements publics de santé en moyens humains et financiers adaptés. Est-il opportun de modifier, au même moment, les modalités de rémunération des médecins libéraux d'établissements de santé privés, mais à but non lucratif, au risque de démotiver à leur tour ces personnels ?
Que répondre, en effet, à ces médecins légitimement inquiets pour leur avenir ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, vous avez tout d'abord appelé mon attention sur la situation de la fondation Hôpital Saint-Joseph, à Marseille.
Cet établissement, antérieurement placé sous le régime de financement « par prix de journée préfectoral », a décidé d'opter pour le régime de financement par dotation globale à compter du 1er janvier 1998. Ce choix a été fait en septembre 1996.
Il découle de la notion de dotation globale que toutes les dépenses prises en charge par les régimes d'assurance maladie à l'occasion de l'hospitalisation des patients des établissements de santé qui relèvent de ce mode de financement sont couvertes par cette dotation. Les rémunérations afférentes aux actes accomplis par les médecins auxquels les hospitalisés ont eu recours sont donc à la charge des établissements considérés.
Dans sa décision du 7 mai 1999, qui s'impose à tous, le Conseil d'Etat a indiqué sans ambiguïté que « les honoraires médicaux constituent pour les établissements de santé publics ou privés une charge d'exploitation du budget général couverte par la dotation globale ».
Jusqu'au 1er janvier 2000, les règles antérieures relatives aux honoraires ont été maintenues dans l'attente de l'issue du recours contentieux formé devant le Conseil d'Etat, justement par la fondation Hôpital Saint-Joseph.
Les circulaires du 15 novembre et du 23 décembre 1999 tirant les conclusions de cette décision de justice ont indiqué aux agences régionales de l'hospitalisation les conditions d'achèvement de la réforme du financement des établissements à prix de journée. Ainsi, les dépenses afférentes notamment à la rémunération des médecins sont désormais intégrées dans la dotation globale de ces établissements.
Enfin, il convient de préciser que si, pour des raisons qui lui appartiennent, l'hôpital Saint-Joseph, qui a librement opté pour ce mode de financement, estime aujourd'hui que le régime de la dotation globale ne lui convient plus il peut solliciter le bénéfice du régime du contrat avec l'agence régionale de l'hospitalisation prévu pour les cliniques privées. Il serait alors soumis au mode de financement qui leur est propre. Le choix existe donc toujours.
J'en viens à vos observations sur les conditions d'exercice à l'hôpital public, ayant bien noté que, pour votre part, vous aviez fait le choix exclusif du service public.
Lors des récentes discussions que Martine Aubry et moi-même avons eues avec les représentants des médecins notamment, nous avons affirmé la volonté du Gouvernement de valoriser ce choix exclusif de l'exercice public par l'attribution d'une prime destinée à compenser le bénéfice que les praticiens hospitaliers peuvent tirer d'une pratique libérale à l'hôpital.
Par ailleurs, le Gouvernement oeuvre à la revalorisation de la fonction hospitalière, avec une accélération de la carrière des jeunes praticiens afin que ces derniers trouvent plus attractive la fonction à l'hôpital.
De même, la prime multisite visant à étendre la couverture médicale aux différents hopitaux qui sont aujourd'hui mal pourvus du fait de leur faible attractivité ou d'une organisation difficile du service à l'hôpital a été confirmée et fait l'objet d'une valorisation et d'une incitation forte.
Je pense donc que l'amélioration des conditions de travail à l'hôpital, dont bénéficieront également les professionnels hospitaliers non médicaux, devrait concourir à redonner à l'hôpital public toute son attractivité. Ainsi seront garanties une meilleure couverture des besoins au regard des inégalités de santé pouvant être constatées, une amélioration de la qualité des soins et de la sécurité, ainsi qu'une amélioration assez notable des conditions de travail, ce qui devrait satisfaire tout le monde.
J'espère donc, monsieur le sénateur, que, dans votre circonscription, les négociations en cours et les groupes de travail visant à la mise en oeuvre des deux protocoles signés au début du mois de mars vont concourir à l'amélioration que vous avez appelée de vos voeux.
M. Francis Giraud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'Etat de sa réponse. J'ai bien noté le choix qu'a à faire cet établissement. Je me permets toutefois de rappeler que les médecins avaient signé à titre individuel un engagement dans le cadre de la convention avec la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, et que l'on assiste, si je puis dire, à une rupture unilatérale de cet engagement.

SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS D'ACCUEIL
POUR LES HANDICAPÉS

M. le président. La parole est à Mme Bardou, auteur de la question n° 755, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la réforme de l'organisation de la protection sociale, mise en oeuvre par les ordonnances de 1996, a instauré une régionalisation de la gestion des établissements de santé. Depuis lors, les agences régionales de l'hospitalisation étendent progressivement leur compétence aux établissements médico-sociaux.
La répartition régionale des dotations budgétaires et du nombre de lits, pour positive qu'elle soit, risque de remettre en cause la politique dynamique et novatrice de certains départements, dont la Lozère.
Il serait regrettable que la régionalisation de la gestion, pour nécessaire qu'elle soit, remette en cause l'existence même d'un certain nombre d'établissements de qualité, au motif que le ratio régional du nombre de lits par habitant est dépassé et alors même que, sur le plan national, le nombre d'établissements pour handicapés reste insuffisant.
Ne pourrait-on pas envisager, à ce titre, que soit maintenue une enveloppe budgétaire nationale qui tendrait à compenser les frais entraînés par la prise en charge dans une région des personnes venues d'autres régions dépourvues de moyens d'accueil ?
Par ailleurs, le passage aux 35 heures va entraîner une baisse de 10 % du temps de travail dans ces établissements, baisse qui ne sera compensée qu'à hauteur de 6 % par un recrutement de personnels supplémentaires.
Cette diminution de 4 % du temps consacré aux handicapés n'est guère compatible avec l'objectif de maintenir les prestations rendues aux usagers.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, madame la secrétaire d'Etat, pour que la qualité des soins et de l'encadrement soit préservée ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Madame la sénatrice, les dispositions du décret n° 94-1046 du 6 décembre 1994 donnent effectivement compétence aux préfets de région pour répartir les ressources entre les départements chargés de la tarification des établissements sociaux et médico-sociaux ; les agences régionales de l'hospitalisation n'interviennent pas dans ce champ.
La mise en oeuvre déconcentrée du plan pluriannuel pour adultes lourdement handicapés, qui va se développer de 1999 à 2003, s'appuie sur une programmation pilotée par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, en articulation très étroite avec les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, et reflète donc les besoins des départements.
La répartition des capacités supplémentaires et des moyens financiers correspondants vise un double objectif de rééquilibrage en termes de niveau d'équipement mais également de soutien à une prise en charge adaptée et proche de la famille.
La priorité accordée par le Gouvernement au développement du secteur social et médico-social se traduit par des moyens nouveaux élevés, dans le cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, en faveur de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Ainsi, les moyens consacrés par l'assurance maladie à ce secteur augmenteront de 4,9 % en 2000, contre 2,3 % pour le secteur sanitaire.
Afin d'amplifier cette politique, des mesures nouvelles très importantes ont été annoncées, le 25 janvier dernier, par le Premier ministre : il s'agit, d'une part, de la mobilisation de 2,5 milliards de francs pour favoriser la prise en charge des personnes handicapées et, d'autre part, de l'engagement, d'ici à la fin de la législature, d'une réforme profonde de la prestation spécifique dépendance, réforme qui sera accompagnée par le développement d'un plan pluriannuel de médicalisation des établissements et des services pour les personnes âgées, à concurrence de plus de 7 milliards de francs sur cinq ans.
L'application de la réduction du temps de travail au secteur sanitaire, social et médico-social privé comporte des spécificités, notamment en termes de financement public, de prise en charge des personnes fragiles et de continuité du service dispensé à ces personnes, spécificités qui doivent être prises en compte dans la négociation collective, afin de parvenir à des accords équilibrés ne remettant pas en cause la qualité du service rendu, à laquelle nous sommes très attachées.
Ces préconisations ont été retenues dans les accords de branche et dans les accords conventionnels ou d'établissements que les partenaires sociaux du secteur ont négociés et qui ont été agréés par les services du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Ces accords garantissent en effet le maintien tant de la qualité du service que du salaire. Ils organisent le financement de la réduction du temps de travail en s'appuyant, d'une part, sur les aides incitatives et sur les allégements de charges liés aux 35 heures, et, d'autre part, sur une modération des évolutions salariales conventionnelles. C'est ainsi que, sur les 3 350 accords présentés à l'agrément, 2 188 ont été examinés et 1 673 d'entre eux agréés, soit 76 %.
Pour ce qui concerne le département de la Lozère, sur les 28 dossiers enregistrés par les services, 25 ont déjà été examinés et 21 ont été agréés.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. J'ai bien noté que la plupart des dossiers présentés par la Lozère ont été agréés.
Je voudrais simplement revenir sur les ratios. Vous avez indiqué que vous teniez à ce que les handicapés soient près de leur famille. J'en conviens tout à fait. Mais le département de la Lozère accueille depuis quarante ans des handicapés venant d'autres départements où n'existaient pas, à l'époque de la prise en charge de cespersonnes, d'établissements pour handicapés. Or, les familles sont extrêmement attachées à ce que les handicapés restent dans le département de la Lozère. Et nous craignons toujours la remise en cause de ce fameux domicile de secours. C'est pourquoi ma question abordait ce point.

RÉGLEMENTATION APPLICABLE
AUX ATELIERS PROTÉGÉS

M. le président. La parole est à M. Machet, auteur de la question n° 750, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jacques Machet. Madame la secrétaire d'Etat, je me permets d'appeler votre attention sur les vives préoccupations des responsables des ateliers protégés et entreprises de travail adapté, qui emploient actuellement 16 000 salariés handicapés dans notre pays.
Les intéressés sont très préoccupés par les conséquences de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 juin 1999 condamnant une entreprise de travail protégé à payer à l'un de ses salariés un avantage conventionnel, y compris sur le complément de rémunération pourtant normalement apporté par l'Etat aux termes des lois du 23 novembre 1957 et du 30 juin 1975. Il s'agit plus particulièrement de la structure Bretagne-Ateliers et, au-delà, de l'ensemble des ETA, les entreprises de travail adapté.
Cette décision, qui fait obligation aux ateliers protégés de prendre à leur charge un avantage conventionnel ou complément de rémunération en lieu et place de l'Etat, remet en cause la survie même de ces structures.
Par ailleurs, les responsables de ces entreprises de travail adapté craignent vivement que l'application de l'article 16 de la loi du 19 janvier 2000 relative à l'aménagement et à la réduction du temps de travail n'aboutisse à faire supporter par l'employeur l'ensemble des compléments de rémunération qui étaient jusque-là à la charge de l'Etat.
Au-delà de cette difficulté majeure, les entreprises de travail adapté réclament depuis plusieurs années la redéfinition de leurs missions et de leurs moyens et aspirent à ce que l'actualisation du dispositif législatif et réglementaire débouche sur un véritable statut d'entreprise de travail adapté, qui pérennise le rôle qu'elles doivent exercer dans la cité.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander, madame la secrétaire d'Etat, quelles réponses vous comptez apporter aux propositions du groupement national des ateliers protégés, le GAP-UNETA, pour que l'engagement de l'Etat soit réaffirmé, afin de mettre un terme à la situation créée par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 1999, et pour que l'insertion professionnelle, dont bénéficient heureusement les handicapés par leur statut de salarié, ne soit pas remise en cause.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, vous évoquez une question qui, actuellement, nous préoccupe grandement.
Effectivement, les ateliers protégés, issus de la loi du 23 novembre 1957 sur le reclassement des travailleurs handicapés, ont été conçus comme des unités de production relevant d'une logique économique et non médico-sociale, à l'inverse des centres d'aide par le travail qui, eux, accueillent des personnes plus lourdement handicapées. Ils assument une mission sociale spécifique, liée à l'emploi de 80 % de travailleurs handicapés au minimum. Ceux-ci trouvent dans l'atelier protégé un lieu d'insertion professionnelle et, pour certains d'entre eux, un lieu de préparation à l'intégration dans le milieu ordinaire detravail.
Le soutien de l'Etat à la mission sociale des ateliers protégés se traduit par une aide à la personne assurée par le mécanisme de la garantie de ressources du travailleur handicapé visant à offrir aux intéressés une garantie de ressource minimale, tout en compensant pour les employeurs les conséquences de la moindre productivité liée au handicap. Cette aide de l'Etat, qui s'élève à 700 millions de francs, sera complétée par une subvention annuelle d'un montant global de 160 millions de francs.
Vous évoquez, monsieur le sénateur, l'arrêt de la Cour de cassation de juin 1999 qui est venu rappeler que les travailleurs handicapés des ateliers protégés devaient bénéficier des avantages prévus par les conventions collectives, en l'occurrence la prime d'ancienneté.
La Cour de cassation a posé le principe que l'assiette de référence pour le calcul de cet accessoire de salaire devait être l'intégralité de la ressource garantie à ces travailleurs, et non la seule part salariale de leur rému-nération.
Les conséquences à tirer de cette décision sont vraisemblablement très importantes ; elles sont aujourd'hui à l'étude, afin d'en mesurer toute la portée financière.
Si cela se révélait nécessaire, le Gouvernement pourrait présenter au Parlement une disposition législative dans le cadre du futur projet de loi de modernisation sociale, qui viendra bientôt en discussion au Sénat.
Plus généralement, les ateliers protégés connaissent des difficultés qui tiennent notamment dans la délicate combinaison entre dispositions générales du code du travail et dispositions liées à leur mission sociale. Pour identifier et résoudre ces difficultés au bénéfice des ateliers protégés et répondre à la demande des associations gestionnaires, qui ont souhaité une réflexion sur les missions et les moyens des ateliers protégés, un groupe de travail issu du Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés a été mis en place au début de l'année.
Les résultats des travaux de ce groupe, dont je suis tenue régulièrement informée parce que j'y suis très attachée, seront présentés devant ce même Conseil supérieur et pourront, le cas échéant, donner lieu à des modifications législatives ou réglementaires.
Enfin, comme le Premier ministre l'a annoncé le 25 janvier dernier, 100 millions de francs supplémentaires vont être dégagés sur trois ans, de 2001 à 2003, pour contribuer au renforcement et à la modernisation des ateliers protégés, soit un accroissement de plus de 60 % de l'aide aujourd'hui consentie.
Vous le voyez, les préoccupations émises par les représentants du secteur des ateliers protégés sont bien connues et ont d'ores et déjà largement prises en compte par le Gouvernement.
Nous comptons aller jusqu'au bout pour conforter ces structures, à la fois dans leur rôle d'intégration au travail et dans leur fonction sociale.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, des réponses que vous m'avez apportées.
Je compte sur vous afin de donner à la mission que vous venez d'évoquer devant nous les moyens de faire un bon travail et, surtout, d'intervenir assez rapidement, car nos handicapés attendent.

UTILISATION DES INSTALLATIONS SANITAIRES
DU RÉGIME DE LA SÉCURITÉ SOCIALE MINIÈRE

M. le président. La parole est à M. Lefebvre, auteur de la question n° 759, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Pierre Lefebvre. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger sur les dispositions susceptibles d'être mises en oeuvre pour assurer la pleine utilisation du potentiel des installations sanitaires du régime de la sécurité sociale minière dans le Nord - Pas-de-Calais.
Je ne citerai que quelques chiffres de ce potentiel : 160 dispensaires, 36 pharmacies, 39 cabinets dentaires, 13 services de radiologie.
Chacun sait que la durée de vie de ce régime particulier est liée à la démographie de ses ressortissants. Mais on sait aussi que le Nord - Pas-de-Calais souffre d'un sous-équipement médical, avec ses conséquences sur l'état sanitaire de la population.
L'équipement médical, social et hospitalier de la sécurité sociale minière permettrait de compenser en partie ce déficit.
Des propositions ont été formulées qui n'ont, jusqu'à présent, pas reçu de suite ni même de réponse : projet d'ouverture réciproque entre le régime minier et le régime général ; projet de création d'un réseau de soins du Nord - Pas-de-Calais à partir d'une politique d'ouverture des oeuvres du régime minier ; projet élaboré par la caisse autonome, intitulé : « l'avenir du réseau de soins miniers ».
Il semble, madame la secrétaire d'Etat, que le temps de la décision soit venu.
Va-t-on laisser mourir le régime minier, avec son vaste réseau sanitaire et social décentralisé et moderne, ou va-t-on lui permettre d'apporter au Nord - Pas-de-Calais une contribution essentielle à l'amélioration de la protection de la santé ?
Tel est bien l'enjeu sur lequel il me semble, madame la secrétaire d'Etat, urgent de se prononcer.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, comme vous l'évoquez dans votre question, le régime minier dispose d'un vaste réseau sanitaire et social, moderne et diversifié.
Ce réseau sanitaire et social des organismes de sécurité sociale minière est incontestablement une richesse qu'il faut préserver, particulièrement dans la région du Nord - Pas-de-Calais, où existent d'importants besoins sanitaires non satisfaits.
Aujourd'hui, face à la diminution de la population minière, le potentiel d'offre de soins que représente ce réseau et l'expérience qu'il a acquise peuvent, en effet, contribuer à améliorer la prise en charge sanitaire de l'ensemble de la population, minière ou non minière.
De nombreuses réalisations ont été mises en oeuvre, comme la polyclinique d'Hénin-Beaumont, établissement neuf résultant du regroupement de trois cliniques, ou encore la polyclinique de Riaumont, à Liévin, établissement médico-chirurgical doté d'une maternité, d'un service de soins de suite et regroupant l'ancienne clinique de Bully-les-Mines, l'hôpital gériatrique et l'hôpital général. Ces établissements sont aujourd'hui ouverts à tous, quel que soit leur régime d'assurance maladie.
D'autres réalisations pourraient être citées. Je pense ainsi aux établissements de soins de suite à vocation gériatrique d'Escaudin et de Fresnes, dans le bassin de vie du Hainaut, qui occupent une position de référence dans le domaine des soins aux personnes âgées du Valenciennois.
Le secteur ambulatoire constitue depuis trente ans un modèle d'organisation coordonnée des soins. Dans ce domaine aussi, l'expérience acquise doit être valorisée. La société de secours minière du Pas-de-Calais vient d'ailleurs de s'engager dans une coopération étroite avec la mutualité du Pas-de-Calais, dans le domaine de l'optique et de la prothèse dentaire.
Le développement de la coopération et l'ouverture des oeuvres du régime sont nos objectifs dans le cadre de la réflexion sur l'avenir du réseau. Vous savez d'ailleurs que Martine Aubry et moi-même sommes très attachées au développement des réseaux. La contribution du régime minier à la couverture des soins dans le Nord - Pas-de-Calais est essentielle et il importe que les projets en cours trouvent leur aboutissement, en partenariat avec l'ensemble des acteurs concernés.
L'union régionale des sociétés de secours minières du Nord - Pas-de-Calais et la société de secours minière du Pas-de-Calais achèvent de mettre au point un projet de réseau de soins. Une forte concertation avec les personnels et les conseils d'administration sera prochainement engagée sur ce projet, concertation à laquelle nous serons très attentives.
Je vous informe, enfin, que le bureau du conseil d'administration de la caisse autonome nationale recevra, dès ce mois-ci, les représentants des personnels, afin d'aborder avec eux le sujet de l'avenir du régime minier et de son réseau de soins sur tout le territoire.
J'espère, monsieur Lefebvre, que vous êtes ainsi rassuré sur notre volonté de maintenir le potentiel et l'expérience acquise du réseau minier pour répondre aux besoins de santé des habitants de la région Nord - Pas-de-Calais.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Madame le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier pour les informations que vous m'avez apportées dans votre réponse.
Si je me suis permis d'insister pour que, rapidement, des décisions soient prises, c'est bien parce que, de restructurations en restructurations, je craignais que le déclin organisé de la sécurité sociale minière ne crée des situations irréversibles qui seraient dommageables. Votre réponse me rassure sur ce point.

SITUATION SCOLAIRE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'AUDE

M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 763, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Roland Courteau. Avant de poser ma question, je tiens à dire que je suis très heureux de retrouver M. Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, au banc du Gouvernement.
Dans une récente intervention, M. le Premier ministre reconnaissait que la mission des enseignants était de plus en plus difficile et que la transmission des savoirs était plus complexe qu'autrefois. Or, chacun ici en convient, l'école doit contribuer à assurer à chacun sa juste place dans la société et, donc, à aider les jeunes à se forger un avenir.
Même si cela a déjà été dit et redit, il me paraît nécessaire de le redire encore : la mise en oeuvre d'une école de qualité constitue bien pour nos jeunes la clé d'un avenir différent, en ouvrant à chacun d'eux un chemin vers la réussite.
Que demandent, au fond, les enseignants, les parents et les élèves ? C'est bien la transformation qualitative du service public d'éducation ! Ils considèrent, en effet, que la transformation de l'école passe « par sa capacité à mieux adapter l'enseignement aux besoins de chacun, ce qui nécessite aussi du temps, de la formation, et donc des moyens ».
De la même manière, nombre d'enseignants m'ont fait part de leurs grandes difficultés à apporter à chacun des élèves l'aide dont ils ont besoin. « Pour pouvoir donner les mêmes chances à tous », m'indiquaient ceux d'une école de l'Aude, « nous devons pouvoir offrir plus à ceux qui sont en situation d'échec. C'est aussi pour cela que nous nous battons, pour obtenir des moyens supplémentaires. »
Comment faire, en effet, lorsque les classes sont surchargées ou lorsque les professeurs absents ne sont pas remplacés ?
Comment faire lorsque les cours de sciences, de technologie ou de langue sont dispensés en classe entière et non en groupes de seize à dix-sept élèves ou lorsque les horaires sont réduits a minima dans l'enseignement artistique ?
Comment faire face a l'impossibilité d'offrir aux élèves en difficulté un soutien scolaire et psychologique suffisant ?
Comment faire pour assurer l'égalité des chances pour tous si, dans le secteur médico-social, on constate un manque certain de médecins scolaires, d'infirmiers ou d'assistantes sociales ?
Je pourrais aussi évoquer les difficultés liées au nombre insuffisant de personnels administratifs, y compris dans les zones d'éducation prioritaires, ou encore d'agents de service ou de personnels d'encadrement, comme c'est le cas dans certains établissements de l'Aude.
Cette situation est mal vécue dans l'académie de Montpellier et dans le département de l'Aude, où l'on déplore, en matière de moyens, un retard bien réel par rapport à d'autres académies.
Certes, enseignants et parents ont bien constaté la volonté du Premier ministre de dialoguer et de prendre en compte leurs préoccupations. Ils ont aussi enregistré « la fin du dogme du gel de l'emploi public et l'engagement du Gouvernement dans une démarche pour un plan pluriannuel ».
S'il est vrai que la ligne tracée est bien celle de la qualité du service public, il importe de concilier les objectifs et les moyens financiers et de mettre en place un véritable plan de développement.
Pour l'heure, nous souhaitons que ce plan pluriannuel soit mieux précisé et permette de dégager les moyens suffisants pour garantir les évolutions nécessaires à un service public d'éducation de qualité.
Des questions sont donc posées : quelle sera la durée de ce plan ? Quels crédits supplémentaires y seront affectés ? Combien de créations d'emplois comportera-t-il ? Quelle sera la politique éducative du Gouvernement ?
Enfin, pour conclure, en ce qui concerne l'académie de Montpellier et le département de l'Aude, quelles dispositions le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour répondre à l'attente des élèves, des familles et des personnels de l'éducation nationale ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation du département de l'Aude, qui se trouve, cette année, confronté à un certain nombre de difficultés, notamment en matière de taux d'encadrement ou de remplacement, dans le premier degré en particulier.
M. Jack Lang m'a chargée de vous assurer qu'il est particulièrement attentif à cette situation, comme d'ailleurs à celle des autres départements de l'académie de Montpellier qui, comme vous le savez, vont également solliciter de sa part un traitement spécifique.
Pour ce qui concerne le département de l'Aude, l'une des raisons des problèmes rencontrés tient au différentiel d'élèves important repéré entre le nombre prévisionnel d'élèves établi l'an dernier et les élèves effectivement scolarisés à la rentrée 1999, ce qui aura des répercussions pour la rentrée 2000 : ce différentiel a atteint près de trois cents unités, ce qui est quand même considérable à l'échelle d'un département.
Dès sa prise de fonction, M. Jack Lang a décidé de rouvrir, en liaison avec le recteur de l'académie de Montpellier et les inspecteurs d'académie, des concertations approfondies destinées, dans un premier temps, à corriger dès la rentrée 2000 les principaux dysfonctionnements que vous avez soulignés et, dans un second temps, à élaborer un plan d'accompagnement sur trois ans des évolutions pédagogiques et structurelles souhaitées.
Je vous encourage, monsieur le sénateur, à adhérer à la méthode et au processus mis en oeuvre par le ministre de l'éducation nationale et à participer à cette large concertation : le projet va se développer sur trois ans et devrait répondre aux besoins et aux préoccupations exprimées dans le secteur scolaire de votre département.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, je voudrais remercier Mme le secrétaire d'Etat et lui dire que nous faisons confiance au Gouvernement pour que l'école, lieu de savoir, lieu de formation à la réflexion critique et à la pensée autonome de l'élève puisse accomplir ses missions en faisant en sorte que les chances de réussite soient les mêmes pour tous.

CONDITIONS DE TRAVAIL DES AGENTS
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

M. le président. Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'ai le plaisir de saluer votre première venue au Sénat dans vos nouvelles fonctions.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues, que nous travaillions ensemble avec le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement que vous représentez aujourd'hui.
Nous attachons beaucoup d'importance à la participation des ministres compétents aux séances de questions orales. Je vous remercie donc de votre présence à notre séance d'aujourd'hui à laquelle les auteurs de questions seront, je pense, sensibles.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je vous remercie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Cornu, auteur de la question n° 765, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, je tiens à mon tour à vous adresser mes souhaits de bienvenue, d'autant plus que je suis sénateur d'une région dont vous êtes encore le président à ce jour. Vous avez toujours fait preuve de pragmatisme ; j'espère qu'il en sera de même dans vos nouvelles fonctions, notamment à l'occasion de la réponse que vous allez apporter à ma question.
Il s'agit d'une question dont j'ai été saisi par le maire d'une petite commune rurale sur la situation d'un de ses agents titulaires à temps partiel.
Ce dernier est employé par le service des eaux de la commune en tant que surveillant depuis dix ans. Par ailleurs, entrepreneur de travaux agricoles et ruraux, il effectue, en cette qualité, des réparations sur le réseau.
Or, il se trouve qu'à l'occasion de la délivrance du visa des comptes de gestion, le trésorier-payeur général a fait valoir que cet état de fait n'était pas acceptable. Autrement dit, il a fallu dix ans de service dans ces conditions pour se rendre compte que cet état de fait inacceptable.
En effet, l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 pose le principe selon lequel « les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées ». L'interdiction de cumul souffre certes quelques dérogations : production d'oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques, activités d'enseignement, d'expertise ou de consultation. Mais il se trouve que l'intéressé ne peut y prétendre.
De plus, le trésorier-payeur général a cru bon de souligner que l'agent, effectuant en outre, dans le cadre de son activité privée, des réparations sur le service des eaux, pourrait être exposé au délit de prise illégale d'intérêt et voir sa neutralité et son indépendance mises en doute. Ainsi a-t-il demandé à la municipalité de régulariser sa situation.
Le maire est très ennuyé. Il fait valoir de son côté que cet agent, n'effectuant que huit heures hebdomadaires, ne peut raisonnablement pas vivre de ce seul emploi et que la conjugaison de ces deux activités est gage d'efficacité et de réduction des coûts pour la commune. Cette situation, je le rappelle, dure depuis dix ans et donne satisfaction à tout le monde.
En se mettant en conformité avec la loi, la commune va, de fait, pénaliser cet agent.
Monsieur le ministre, j'ai salué votre pragmatisme en tant que président de la région Centre, j'espère que vous n'allez pas vous en départir en tant que ministre. Je vous demande donc s'il n'y aurait pas lieu de prévoir, pour les cas de cette espèce, un assouplissement de la règle en vigueur instaurant un seuil de tolérance dès lors que l'activité à temps partiel confiée à l'agent ne suffit pas à assurer sa subsistance.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de vous dire combien j'ai apprécié les mots que vous avez prononcés pour saluer mon arrivée ici, sur ce banc que je n'ai pas fréquenté depuis quelques années. J'ai profité de cette disponibilité ministre pour conquérir et exercer quelques mandats locaux, ce qui devrait aller droit au coeur des sénateurs, qui sont, comme chacun sait, les représentants des collectivités territoriales.
Monsieur le président, je comprends l'exigence des sénateurs de tous les groupes d'avoir pour interlocuteurs les ministres chargés des dossiers sur lesquels vous les interrogez.
Pour ma part, je l'ai toujours fait avec beaucoup de plaisir. Je n'ai jamais compté le nombre de journées et de nuits que j'ai passées en tant que parlementaire au sein de commissions mixtes paritaires, pour faire aboutir un certain nombre de textes, ou au titre de ministre en participant à nombre de débats relatifs à la justice ou aux finances.
Monsieur le sénateur, je suis très honoré que ce soit un élu de la région Centre qui soit le premier à m'interroger. Vous avez souligné ce que vous avez bien voulu appeler mon pragmatisme. Je ne voudrais pas vous décevoir trop vite, même si les réponses que je vais vous apporter commenceront par partir des grands principes. Mais quand on parle de fonction publique, comme vous l'avez fait vous-même, on doit partir d'un certain nombre de principes puis voir comment ils pourraient être éventuellement adaptés pour être plus conformes aux réalités de la vie quotidienne, en particulier dans les collectivités territoriales.
La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit, ce qui est un grand principe ancien, que ces derniers doivent consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur ont été confiées et qu'ils ne peuvent donc exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sauf dérogations exceptionnelles fixées par un décret en Conseil d'Etat.
Ce principe selon lequel il n'est pas possible de cumuler un emploi public et une activité privée est au nombre de ceux qui permettent d'assurer - vous en serez d'accord - la disponibilité, l'indépendance et l'impartialité des agents en vue d'une bonne exécution du service public qui leur a été confié. Il s'applique de manière identique - c'est là où réside la difficulté - aux agents exerçant à temps complet et ceux qui exercent à temps partiel.
L'article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936, qui s'applique toujours en l'absence de décret pris en application de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983, précise toutefois que l'interdiction de cumul d'un emploi public avec une activité privée ne s'applique ni à la production des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques, ni aux expertises et aux consultations effectuées sur la demande d'une autorité administative ou judiciaire ou sur autorisation de l'administration dont dépendent les agents, ni aux enseignements.
L'article L. 324-4 du code du travail place également hors du champ de l'interdiction du cumul d'un emploi public avec une activité privée les « travaux ménagers de peu d'importance effectués chez des particuliers pour leurs besoins personnels ». Bien que cette disposition ne s'applique pas au cas que vous avez indiqué, elle peut être utile pour nos collectivités territoriales ; elle peut concerner un certain nombre d'agents employés à temps partiel dans les collectivités territorailes.
La réglementation est différente en ce qui concerne le cumul d'emplois au sein de l'administration. J'y fais allusion mais vous savez qu'il existe des possibilités de cumuler des fonctions au sein de l'administration avec des limitations.
De même, les centres de gestion de la fonction publique territoriale peuvent mettre des fonctionnaires à disposition de plusieurs collectivités pour accomplir auprès de chacune d'elles un service à temps non complet, ce qui peut être une manière d'utiliser les compétences d'un agent dans plusieurs collectivités territoriales.
Cela étant, conscient de certaines imperfections des textes actuellement en vigueur et des problèmes posés par l'évolution des modes de gestion publique, le Gouvernement a demandé au Conseil d'Etat voilà quelques mois de lui faire des propositions d'adaptation de la réglementation en vigueur. Le rapport du Conseil d'Etat lui ayant été remis, c'est sur la base de cette réflexion qu'avec l'ensemble du Gouvernement je vais réfléchir aux dispositions qui pourront être améliorées et que le Gouvernement arrêtera sa position à l'issue d'un travail en cours mené par les différentes administrations concernées et qui donnera lieu, bien entendu, à un dialogue avec les organisations d'élus, s'agissant de la fonction publique territoriale.
C'est dans ce cadre, qui à la fois réaffirme les principes auxquels nous sommes tous attachés et cherche à prendre en considération les difficultés actuelles que ces principes et leur application peuvent faire surgir, que nous allons essayer de travailler dans les mois qui viennent pour tenter de répondre à des problèmes identiques à celui que vous avez bien voulu me soumettre.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. La réponse est d'ordre général et je comprends bien que M. Sapin, nouvellement nommé au Gouvernement, ne puisse pas me donner une réponse plus précise.
Je suis forcément un peu déçu mais il m'a laissé entrevoir une proposition d'adaptation : nous verrons à l'oeuvre M. le ministre sur cette question.

RÉFORME DE LA POSTE

M. le président. La parole est à M. Gélard, auteur de la question n° 760, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Patrice Gélard. Actuellement, une restructuration des services de La Poste est en cours ; elle est liée en grande partie, d'ailleurs, à l'application de la règle des trente-cinq heures dans le service public de La Poste.
Cette restructuration prévoit de déconnecter les bureaux de poste et le service de la distribution du courrier lorsque le tri et la distribution étaient attachés à un bureau de poste. Dorénavant, le service de tri sera centralisé, dépersonnalisant, dans une certaine mesure, la distribution du courrier et les tournées.
D'ores et déjà, plusieurs communes de l'agglomération havraise et de la Seine-Maritime sont visées par ce projet et, comme la très grande majorité des Français, je suis attaché, en ce qui concerne La Poste, au maintien d'un service public de qualité et de proximité.
Cette restructuration risque de dévitaliser le réseau de service public de certaines communes et est organisée actuellement sans concertation étroite avec les élus, les usagers et les communes concernées.
J'ai demandé au directeur départemental de La Poste, que j'ai rencontré récemment, pourquoi les agents de La Poste ne pouvaient pas utiliser leur véhicule personnel pour aller du centre de tri au lieu de distribution ; c'est une revendication ancienne, qui n'a jamais abouti.
Monsieur le ministre, quels sont donc les projets du Gouvernement en ce qui concerne la restructuration de La Poste ? Comment faire en sorte que la concertation entre élus, usagers et fonctionnaires de ce service puisse s'établir de façon plus concrète qu'à l'heure actuelle ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, ce sujet qui touche à l'organisation de La Poste, vous le savez, est de la compétence de M. Pierret qui aurait souhaité vous répondre lui-même. Mais je me permettrai de vous donner en son lieu et place des éléments de réponse que je souhaite les plus concrets possibles.
Comme vous l'avez indiqué, un accord a été signé en février 1999 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail à La Poste. Cet accord marque une rupture importante par rapport à la période antérieure puisque 20 000 recrutements à temps plein sont prévus d'ici à la fin de l'année 2000, mettant ainsi fin à la baisse régulière de l'emploi constatée précédemment dans les services de La Poste.
Par ailleurs, 2 000 jeunes vont être formés en alternance pour assumer des tâches ultérieurement au sein du service de La Poste.
Une diminution volontariste du nombre des personnes en contrat à durée déterminée a également été engagée.
Cette inflexion significative de la politique d'emploi de l'exploitant public, avec un dialogue social renouvelé - même s'il peut donner lieu parfois à des difficultés - permet de renforcer de façon importante le nombre de postiers en contact direct avec le public, améliorant ainsi, comme nous le souhaitons tous, la qualité du service rendu.
La qualité du service postal est en effet au coeur des préoccupations du Gouvernement et du ministre chargé de mettre en oeuvre les dispositions adoptées.
Le Parlement a confié à La Poste, par la loi, que vous connaissez bien, du 25 juin dernier, des missions de service universel, avec des services réservés importants, qui en assurent l'équilibre économique.
Dans ce secteur comme dans d'autres, le Gouvernement souhaite avoir une vision ambitieuse du service universel.
Nous voulons en enrichir le contenu, notamment par un niveau de qualité élevé, une meilleure accessibilité, sur l'ensemble du territoire national comme au sein de la Communauté européenne.
La Poste doit donc rechercher la meilleure organisation possible de ses services afin d'améliorer son efficacité et d'assurer partout, pour tous les publics - quels qu'ils soient : zones rurales, zones urbaines - et sans augmentation du prix du timbre, un service de qualité.
Monsieur le sénateur, ces mesures d'organisation interne, qui visent par exemple, dans votre département, à regrouper au bureau du Havre aéroport, établissement créé en juin 1999, les tournées de distribution rattachées aujourd'hui à Octeville-sur-Mer et Sainte-Adresse, ne menaçent en rien l'existence des bureaux de poste, qui sont indispensables à la proximité du service public à laquelle nous sommes tous attachés.
Ces projets doivent naturellement être menés dans la plus grande transparence possible, c'est-à-dire après la concertation préalable. C'est pourquoi une commission de présence postale, dans laquelle les élus sont majoritairement représentés, a été mise en place dans chaque département.
M. Christian Pierret a demandé à La Poste d'en réunir, avec leur accord, les présidents d'ici à la fin juin pour effectuer un premier bilan et apporter les améliorations qui seront nécessaires.
Cette commission doit contribuer à déterminer, au plus près de la réalité, les moyens qui permettent de mieux répondre aux besoins des clients de La Poste. L'objectif est clair et je pense qu'il nous est commun : faire bénéficier l'ensemble du territoire d'une qualité de service toujours plus exigeante.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je tiens à remercier M. le ministre des explications qu'il vient de me donner. J'éprouve néanmoins encore quelques inquiétudes.
On sait que La Poste est en train de connaître une mutation technologique importante. L'augmentation de la masse du courrier implique en effet la mise en place de machines nouvelles et des restructurations. Le problème, c'est que ces restructurations se font généralement d'un point de vue exclusivement technologique et sans concertation préalable.
Je remercie donc M. le ministre de la déclaration qu'il vient de faire, selon laquelle la transparence doit exister, assortie d'une concertation maximale entre le personnel de La Poste, les usagers et les représentants des collectivités territoriales. Ces propos sont de nature à nous rassurer.
J'ajoute que les personnes âgées sont très attachées à leur facteur. Elles souhaitent voir toujours la même tête. C'est un élément important à prendre en compte.

GRÈVE DE TRÉSORERIES

M. le président. La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 753, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'une des conséquences de la très récente grève des trésoreries.
A la suite de la volonté exprimée par le Gouvernement de réorganiser les services de l'administration fiscale, sont nées quelques perturbations, qui ont pris des proportions importantes sur l'ensemble du territoire et qui ont causé de graves préjudices aux entrepreneurs, aux artisans et, d'une manière générale, aux fournisseurs des collectivités publiques. Je note en revanche que, partout, les salaires des fonctionnaires ont été versés dans des conditions à peu près correctes.
Ces grèves ont une forte incidence sur l'exécution des marchés publics du fait des règles que tous les partenaires doivent respecter. Les mandatements ont pris un certain retard, et de petites entreprises qui ont pour clientes les collectivités locales connaissent aujourd'hui, alors qu'elles commençaient à redresser la tête après une longue période de manque d'activité, des difficultés de trésorerie, d'autant que les banquiers ne font pas toujours preuve de la compréhension qui serait pourtant nécessaire dans ce cas-là.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de bien vouloir nous faire part des mesures que vous envisagez de prendre non seulement pour combler les retards accumulés, qui sont très importants dans certains départements, mais aussi pour permettre le paiement et l'exécution des marchés par les collectivités locales.
Ne pourrions-nous pas, monsieur le ministre, puisqu'il s'agit d'une situation exceptionnelle, prendre des mesures exceptionnelles, par exemple en appliquant une forme d'intérêt moratoire à la charge du responsable des retards de paiement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. En tant qu'élu local, je suis bien conscient des difficultés qui ont été entraînées par les perturbations occasionnées par les mouvements sociaux de ces dernières semaines.
Si parfois ces perturbations ont pu avoir des conséquences considérées comme heureuses par les contribuables - comme le report de la date de dépôt de leur déclaration - les conséquences sont certes plus nombreuses et plus graves pour les entreprises, en particulier pour les PME qui ont l'habitude de travailler avec les collectivités territoriales et qui risquent de pâtir ou ont pâti de retards de paiement.
Les grèves sont maintenant terminées, de sorte que les conséquences pour les entreprises - que les services du Trésor public se sont attachés à réduire autant qu'il a été possible, sans pour autant, loin de là, les effacer - ont été cantonnées dans le temps. Maintenant, il s'agit de rattraper le retard de la manière la plus efficace possible.
Pour compenser ces retards, les entreprises concernées bénéficient - aux termes d'une instruction qui a été donnée par le ministre de l'économie et des finances - du paiement prioritaire de leur créance. Il y a donc un tri entre les créances pour faire en sorte que les entreprises qui rencontrent des difficultés de trésorerie puissent voir le plus rapidement possible les paiements effectivement honorés et le versement dans leur caisse effectué.
Si ce retour à la normale, qui doit être le plus rapide possible s'agissant des paiements publics, ne permet pas d'exclure toutes les difficultés, il sera possible aux entreprises de prendre contact avec les trésoriers-payeurs généraux, qui ont reçu des instructions, pour étudier avec eux les mesures qui seraient propres à atténuer l'impact de ces difficultés, telles que l'étalement du paiement des dettes fiscales ou sociales dans le cadre de la commission des chefs de services financiers et d'organismes de sécurité sociale, ou l'examen d'ensemble de la situation de l'entreprise dans le cadre du comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises, le CODEFI, ou du comité régional de restructuration industrielle, le CORRI.
Ainsi, monsieur le sénateur, les difficultés réelles qui ont été rencontrées par ces PME pourront-elles, le plus rapidement possible, soit être surmontées par un paiement effectif, soit être retardées et améliorées par l'étalement dans le temps d'autres dettes que ces entreprises devraient normalement honorer auprès des organismes de l'Etat ou de la sécurité sociale.
Je suis bien conscient de ces difficultés, vous aussi. Je crois que, maintenant, elles sont derrière nous. A nous de faire en sorte qu'elles soient effacées le plus rapidement possible.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Je souhaite tout d'abord vous remercier, monsieur le ministre, de la réponse que vous m'avez apportée et de votre compréhension s'agissant de l'exécution des marchés publics, c'est-à-dire aller jusqu'au paiement dès lors que les travaux ont été réalisés dans des conditions satisfaisantes.
Je me félicite aussi d'apprendre, monsieur le ministre, que ces conflits sociaux - j'en déduis donc y compris les grèves dans les trésoreries - sont totalement derrière nous.

SYSTÈME AUTOROUTIER

M. le président. La parole est à M. Masson, auteur de la question n° 747, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Paul Masson. Monsieur le ministre, je suis ravi de reprendre notre dialogue sur l'A 19, sur laquelle vous m'avez répondu déjà à deux reprises.
La première fois, il y a un an, vous me disiez que vous alliez lancer très prochainement un nouvel avis de publicité pour la mise en concession de l'A 19. Et la deuxième fois, un peu moins de onze mois après, vous avez indiqué que vous cherchiez à garantir la fiabilité juridique du système.
Après une première réponse, vous avez demandé quelques mois de réflexion supplémentaires pour instituer des règles très simples concernant les nouvelles procédures que vous envisagiez de présenter très rapidement devant le Parlement. Vous aviez d'ailleurs dit que vous aviez sollicité l'avis de la Commission de Bruxelles sur l'allongement de la concession des SEMCA, les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute ; vous le connaissez depuis quelques jours. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire maintenant ?
Plus précisément, envisagez-vous de déposer un projet de loi devant le Parlement assez vite comme vous le disiez à l'époque ? Peut-on espérer un appel à candidatures avant l'été, comme vous le laissiez entendre voilà quelques mois ? Enfin, le concessionnaire pourra-t-il être désigné vers la fin de l'année ? Ces questions sont simples, mais précises, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. A une question simple, je vais essayer de répondre simplement !
Monsieur le sénateur, les modalités de financement des infrastructures autoroutières par le système de la concession, système qui a permis à notre pays de se doter d'un réseau développé - il ne s'agit surtout pas de nier cette avancée - ne correspondent plus, comme vous l'avez dit et comme je vous l'avais moi-même indiqué, aux objectifs de transparence dans les choix d'investissements publics imposés par l'évolution du contexte juridique, notamment communautaire.
Le Gouvernement a donc été conduit à envisager une réforme du système de financement des autoroutes qui devra notamment concerner les conditions de fonctionnement des sociétés publiques d'autoroutes.
Les exigences de respect du droit de la concurrence, et donc d'égalité de traitement des candidats concessionnaires, impliquent qu'ils soient placés dans des situations comparables.
Compte tenu du fait que les règles européennes applicables en la matière sont complexes et qu'elles ne sont pas encore complètement stabilisées, une concertation avec la commission a préalablement été engagée à partir de l'automne 1998.
Des échanges ont eu lieu dans cet objectif avec la direction générale chargée du marché intérieur et la direction générale chargée des transports et de l'énergie.
Le système de l'adossement n'étant plus possible, deux séries de mesures devront être mises en oeuvre pour les procédures d'attribution des concessions et les conditions de fonctionnement des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA.
En premier lieu, les apports publics éventuellement nécessaires à l'équilibre financier des futures concessions seront prévus sous forme de subventions et, conformément au droit communautaire, les nouvelles sections feront l'objet d'un contrat spécifique afin de mieux comparer les offres des différents candidats.
En second lieu, les SEMCA seront placées dans une situation comparable à celle des sociétés privées, ce qui impliquera des modifications affectant leur structure financière et leurs pratiques comptables. En contrepartie, la durée des concessions devra pouvoir être sensiblement allongée. Nous serons ainsi dans une situation comparable à celle dont je parlais, entre sociétés privées et sociétés d'économie mixte.
Dès qu'un accord définitif sera intervenu avec la Commission sur les différents volets de la réforme, je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que le Gouvernement - j'espère que ce sera dans les tout prochains mois - soumettra au Parlement des dispositions de caractère législatif. L'Assemblée nationale et le Sénat auront alors à débattre et à se prononcer, et chacun pourra faire valoir ses réflexions et ses propositions à cette occasion.
M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait pas. Je comprends d'ailleurs votre embarras : il y a un an, vous m'assuriez que c'était une affaire de semaines !...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est toujours une affaire de semaines !
M. Paul Masson. Bien sûr ! Il suffit de s'entendre sur le nombre de semaines.
Vous avez dit ensuite que cette question allait être réglée avec Bruxelles, et que c'était aussi une affaire de semaines. Je croyais que l'avis de Bruxelles, qui nous a été communiqué le 25 mars 2000, était définitif. Vous confirmez que ce n'est pas le cas et que la négociation se poursuit...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Avec Bruxelles !
M. Paul Masson. Ainsi, après six mois de négociations, nous n'avons pu obtenir de la Commission de Bruxelles une réponse à la question suivante : un allongement de vingt-cinq ans des concessions est-il suffisant, trop long ou pas assez ? On ne sait pas quoi nous répondre.
Nous sommes donc engagés dans une nouvelle procédure de négociation avec Bruxelles qui peut durer encore longtemps.
Bref, la loi que vous envisagiez de déposer avant la fin de cette session ne le sera pas. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre réponse, qui était en marge de la question que je vous ai posée.
C'était pourtant une question simple. Vous pouviez me répondre par oui ou par non. Dites-moi non, monsieur le ministre !... Vous ne pouvez pas me dire non. Donc, vous pensez oui ?... (Sourires.) Je vois que vous êtes embarrassé parce que vous ne savez pas comment répondre.
Je dois en conclure que l'on continue à amuser la galerie, si j'ose dire. En tout cas, la question qui me vient à l'esprit maintenant est de savoir si c'est l'A 19 ou l'Arlésienne que nous sommes en train de jouer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)

CRÉATION D'UN DÉLIT D'ENTRAVE
À LA PERCEPTION DU PÉAGE

M. le président. La parole est à M. Oudin, auteur de la question n° 748, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jacques Oudin. Monsieur le ministre, la prise d'otage est un phénomène qui se développe de plus en plus dans nos sociétés modernes. Même si ces prises d'otages sont pacifiques, elles sont condamnables et doivent pouvoir être sanctionnées.
C'est pourquoi je vous demande si vous envisagez de proposer au Gouvernement la création d'un délit spécifique d'entrave à la perception du péage qui permettrait aux sociétés concessionnaires, qu'elles soient d'économie mixte ou privée, de se faire rembourser les préjudices causés par les manifestations dont elles sont victimes.
En effet, entre 1995 et 1998, chaque année, plus de trois cent cinquante manifestations émanant de diverses catégories de la population, que ce soit des agriculteurs, des chasseurs, des chauffeurs routiers, des chômeurs et j'en passe, sans lien aucun avec l'exploitation des autoroutes, ont pris les barrières de péage comme cadre à leurs revendications.
Ces manifestants s'opposent alors à la perception dudit péage. Il en résulte, en moyenne, une perte annuelle de recettes de 70 millions de francs, soit environ 200 000 francs par manifestation.
Or, vous l'avez dit à l'instant, monsieur le ministre, notre réseau autoroutier a pu se développer de façon remarquable grâce au système de concession et de péage. Si l'on coupe la racine et la source d'alimentation, il est évident qu'un problème va se poser.
Le plus étonnant, c'est, non seulement que les forces de l'ordre présentes sur place n'interviennent quasiment jamais, mais que, de plus, les plaintes déposées par les sociétés concessionnaires d'autoroute sont, soit classées sans suite, soit soumises à une jurisprudence défavorable qui ne permet pas aux sociétés d'être indemnisées des préjudices financiers subis.
Cette situation donne aux manifestants un sentiment d'impunité et contribue vraisemblablement à la croissance régulière du nombre de manifestations. Elle engendre également un climat d'insécurité ressenti, à la fois, par les personnels des péages et, bien entendu par les usagers.
Par ailleurs, la multiplication de ces opérations favorise la remise en cause du paiement du péage, qui est, je le répète, l'un des moyens essentiels de financement des infrastructures de transport en général et des autoroutes en particulier.
C'est pourquoi, dans l'esprit de la circulaire du 10 août 1987 relative aux entraves à la circulation routière, mais aussi ferroviaire, fluviale et aérienne, il semble au moins indispensable que des instructions soient données aux préfets pour mettre un terme, quand cela s'avère nécessaire, à ces agissements.
De même, ces infractions n'étant pas actuellement retenues par les parquets, il conviendrait d'envisager la création d'un délit spécifique d'entrave à la perception des péages, qui assurerait aux sociétés concessionnaires d'autoroutes un remboursement des préjudices causés par de telles manifestations.
C'est pourquoi je renouvelle ma question : le Gouvernement a-t-il bien l'intention de prendre des mesures pour réduire le nombre de manifestations de ce type en engageant la responsabilité des organisations instigatrices et des meneurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, il est un peu excessif de ramener ce problème à des prises d'otages. Votre propos a certainement dépassé votre pensée.
Au demeurant, je vous dis tout de suite très nettement que, pour moi, il n'est pas question de créer un délit spécifique, comme vous le réclamez. Sans doute cette idée prévaut dans les sociétés concernées ou même dans certains services administratifs pour les raisons que vous avez évoquées, mais telle n'est ma conception ni du dialogue social ni de l'intérêt des sociétés autoroutières.
Je pense que vous avez fait allusion à la note adressée à d'autres départements ministériels, sur laquelle figurait la signature du ministre. Compte tenu de l'émotion qu'elle a suscitée dans la mesure où il y était fait référence aux manifestations des agriculteurs, des chasseurs, des chauffeurs routiers et même des chômeurs, j'ai été amené à exprimer clairement ma position, et je vous la confirme.
Sur le dialogue social, vous connaissez ma démarche comme vous connaissez celle du Gouvernement. J'ai eu à plusieurs occasions l'opportunité de vous dire que je préfèrais plutôt convaincre que contraindre, dialoguer qu'imposer, associer que mépriser.
En ce qui concerne la défense des sociétés d'autoroutes, je crois qu'il leur faut effectivement des moyens réels, nouveaux et transparents pour leur permettre d'assumer pleinement leur mission de service public, dans le souci de leurs équilibres financiers.
Mais, monsieur Oudin, vous êtes un spécialiste de ces questions. Vous avez d'ailleurs, je crois, évoqué le problème des sociétés concessionnaires au mois de juin de l'année dernière et j'avais alors eu l'occasion de vous répondre à ce sujet.
La réponse que je viens d'apporter à M. Masson devrait vous satisfaire. M. Masson attendait que je lui dise que, tel jour à telle heure, la question serait examinée par le Parlement. Nous n'en sommes pas là. Je ne peux pas vous en dire plus sinon vous me reprocheriez d'avoir avancé une date et, après, de ne pas l'avoir respectée.
En tout cas, messieurs, nous sommes actuellement dans la toute dernière partie de la discussion avec la Commission. Cette réforme interviendra donc propablement dans les prochains mois, pendant la session parlementaire.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais ne pensez pas que, sur ces travées, nous soyons opposés au dialogue social. Nous recommandons au Gouvernement et aux ministres concernés d'engager avec les chasseurs, les agriculteurs, les chauffeurs routiers, les chômeurs, le dialogue social le plus approfondi possible. Mais, que diable ! pourquoi les usagers des autoroutes devraient-ils être systématiquement pris en otages parce que le dialogue social s'établit mal entre le Gouvernement, les ministres et les catégories concernées ?
Monsieur le ministre, si vous êtes favorable au dialogue social, engagez-le ! Mais ne faites pas supporter aux usagers des autoroutes les conséquences de problèmes qui les dépassent complètement.
Votre réponse me paraît donc peu fondée. En tout cas, elle aura un effet certain : l'ordre républicain sera de moins en moins bien assuré sur les autoroutes, soyez-en sûr !
Tant que vous ne déciderez pas de créer un délit spécifique et que vous ne donnerez pas d'instructions aux préfets, les troubles ne feront que s'accentuer. A l'heure actuelle, on enregistre 350 manifestations par an ; je parie que l'on dépassera les 400 l'année prochaine !

CONTRAT DE PLAN ÉTAT-RÉGION DANS LE LIMOUSIN

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 768, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, il n'est sans doute pas fréquent - c'est une litote - que toutes les parties prenantes à l'élaboration d'un contrat de plan y trouvent également satisfaction.
Le Limousin, singulièrement le département de la Corrèze, attend toujours que se concrétisent tous les engagements du contrat de plan précédent. Pour ce qui le concerne, mon département est prêt, néanmoins, à participer au financement du volet routier du quatrième contrat de plan. Notre souhait est que soient prises en compte les priorités élaborées par l'ensemble des partenaires.
En effet, s'agissant des opérations à mener sur les routes nationales, à la suite d'une réflexion menée dans le cadre départemental, qui fut partenariale et consensuelle - je pense en particulier à la participation des chambres consulaires - ont été déterminées les priorités suivantes : déviation de Brive, déviation de Larche - deuxième tranche, déviation d'Ussel-Est, échangeur d'Egleton, pour un coût total de 535 millions de francs ; je ne citerai pas les chiffres correspondant à chacun des dossiers, car vos services les connaissent, monsieur le ministre.
A cette somme, doivent être ajoutées des opérations inscrites au troisième contrat de plan et non financées à ce jour ; là non plus, je ne donnerai pas le détail des chiffres. Il s'agit de la déviation d'Ussel-Ouest, de la déviation de Larche - première tranche, de Seilhac, pour un montant total de 60 millions de francs.
L'enveloppe annoncée au titre du volet routier pour toute la région Limousin, crédits d'Etat et de la région confondus, s'élève à 852 millions de francs sur un total d'opérations à réaliser évalué à 1 238 millions de francs pour les déviations d'agglomérations, la sécurité et l'aménagement qualitatif.
Le cofinancement des collectivités locales s'élèverait à 386 millions de francs si l'on ne tient pas compte des opérations retenues par l'Etat et financées hors contrat de plan ; je pense, par exemple, à la route Centre-Europe-Atlantique, la RCEA.
Pour que le département de la Corrèze profite pleinement de l'arrivée des autoroutes, le conseil général et la ville de Brive, pour l'opération qui la concerne, sont disposés à consentir un effort sans précédent qui pourrait conduire la Corrèze à participer à concurrence de 233 millions de francs. Cette participation serait multipliée par six par rapport au troisième contrat de plan et serait supérieure à celle de la région pour tout le Limousin.
Le désenclavement routier est bien engagé, j'en conviens ; l'autoroute A 20 est achevée, l'autoroute A 89 avance bien, la RCEA également. Aussi serait-il dommage que le quatrième contrat de plan Etat-région limousin ne permette pas de finaliser ce désenclavement en réalisant les opérations prévues au précédent contrat de plan et les priorités établies pour l'actuel contrat de plan.
J'ajoute, pour situer l'importance de l'effort de mon département, que son implication pour son propre domaine routier atteint environ 170 millions de francs. Ce financement vise à permettre une connexion des routes départementales aux autoroutes A 20 et A 89. Il s'agit en quelque sorte, pour schématiser, du désenclavement de tous les cantons.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, nous espérons un effort de l'Etat - en tout cas il est attendu - afin de soutenir les efforts financiers locaux, que j'ai évoqués, en vue d'un désenclavement pour lequel vous n'avez pas manqué une nouvelle fois de souligner vous-même votre attachement en annonçant récemment l'imminence de l'engagement des travaux inscrits en Corrèze au titre du contrat de plan précédent. Vous serait-il possible, monsieur le ministre, de préciser, dans la mesure du possible, les opérations concernées et la hauteur des crédits alloués, question importante à nos yeux, est-il besoin de le préciser ?
Par ailleurs, alors que l'Etat annonce un taux de financement qui ne tient pas compte de la TVA qu'il récupère sur les opérations, ne serait-il pas possible d'envisager un effort supplémentaire en confiant au département de la Corrèze la maîtrise d'ouvrage des opérations, comme cela serait prévu pour la déviation d'Aixe-sur-Vienne, dans la Haute-Vienne ?
En conclusion, je voudrais brièvement faire mention du désenclavement ferroviaire. Le projet de contrat de plan prévoit des opérations d'aménagement de lignes. Est-il toujours question que le POLT - Paris-Orléans-Limoges-Toulouse - soit un train à grande vitesse ? Cela n'est pas indiqué dans les documents du contrat de plan. Les participations de la région et de l'Etat sont connues, mais qu'en est-il de celle de la SNCF ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, sur certaines des questions que vous m'avez posées, je m'engage à vous répondre précisément par courrier.
Pour le reste, voici les éléments de réponse que je suis en mesure de vous apporter ce matin.
Comme vous le savez, lors du Comité interministériel pour l'aménagement et de développement du territoire du 23 juillet 1999 et de la réunion interministérielle du 22 novembre 1999, il a été décidé de consacrer 1 139 millions de francs à la modernisation des routes nationales en région Limousin.
L'importance de cette dotation témoigne de l'intérêt que l'Etat accorde au désenclavement de cette région puisque ce montant représente une augmentation de plus de 50 % par rapport à celui que l'Etat avait consacré à la résolution de ce problème tout à fait réel au cours du précédent contrat.
Bien entendu, ce pourcentage d'augmentation est calculé par rapport à ce qui a été effectivement réalisé. Il ne s'agit pas de se contenter d'afficher des chiffres en hausse : il faut surtout faire en sorte que les crédits en question soient intégralement consommés pendant la période couverte par le contrat de plan, et cela vaut pour toutes les régions.
S'agissant de la Corrèze, le désenclavement, déjà engagé avec l'autoroute A 20, se poursuit avec la construction de l'A 89. Par ailleurs, des efforts sont réalisés hors contrat de plan, et je pense ici, notamment, à la RCEA.
Les négociations menées en vue de la signature du contrat de plan, concernant la Corrèze, pour la période 2000-2006, ont conduit à privilégier l'amélioration des relations de proximité le long de la RN 89.
Ainsi, outre les opérations de sécurisation du réseau routier, près de 560 millions de francs, dont 255 millions de francs de participation de l'Etat, pourraient être inscrits pour l'aménagement de cette route nationale, avec notamment la déviation de Brive-la-Gaillarde.
Cela représente un effort indiscutable de la part du département, mais il convient de noter que l'Etat, qui doublera sa dotation, fait un effort tout aussi remarquable.
Je comprends tout à fait votre proposition concernant la délégation de maîtrise d'ouvrage, qui permettrait d'accélérer les programmes routiers. Cependant, la réglementation en vigueur ne se prête pas vraiment à ce genre d'opération.
En effet, même si l'article 5 de la loi du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage public et à ses relations avec la maîtrise d'oeuvre privée, prévoit que le maître d'ouvrage peut confier aux collectivités locales certaines des missions de maîtrise d'ouvrage sous forme de mandat, ces dispositions ne permettent pas d'accélérer les nécessaires procédures administratives qui restent du ressort de l'Etat. C'est notamment le cas de l'approbation des projets, des enquêtes publiques, des autorisations et déclarations au titre de la loi sur l'eau et de la désignation des entreprises.
De plus, le mandataire n'a pas accès au paiement direct des entreprises et ne peut donc pas récupérer la TVA, car je sais bien que c'est là l'objet des propositions qui me sont - et on peut le comprendre ! - régulièrement faites à cet égard. La signature d'une convention de mandat entre l'Etat et une collectivité locale ne présente donc pas vraiment, pour celle-ci, d'intérêt sur le plan financier. Les collectivités locales ont toujours la possibilité de faire porter leurs efforts sur le réseau qui leur est dévolu et qui est complémentaire au réseau national.
Enfin, je crois que le réseau routier corrézien, pris dans sa globalité, devrait être à même de répondre correctement aux besoins de la population et de l'activité économique dans les prochaines années, grâce à l'action conjuguée de l'Etat et des collectivités locales.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement de votre réponse.
Ce n'est certes pas la première fois que vous entendez parler du désenclavement du Limousin. J'ai soulevé à nouveau cette question parce que l'effort doit toujours être poursuivi, malgré ce qui a été fait, et qui n'est pas négligeable !
J'ai également tenu à souligner l'effort très important que consentent les collectivités locales et que vous avez vous-même relevé.
S'agissant de l'effort de l'Etat, le problème, comme vous l'avez indiqué, c'est l'utilisation effective des crédits. Il est tout de même rageant de constater que les fonds du contrat précédent n'ont pas été intégralement consommés !
Bien entendu, monsieur le ministre, je serai très intéressé par les réponses complémentaires que vous voudrez bien m'adresser par écrit.

AÉROPORT INTERNATIONAL DE BEAUVILLIERS

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, auteur de la question n° 752, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Gérard Larcher. Monsieur le ministre, à l'automne prochain, le schéma multimodal de transports de voyageurs devrait être connu.
Je souhaiterais savoir ou en sont les réflexions de votre ministère sur le projet d'implantation d'un aéroport international sur le site de Beauvilliers, dans le département d'Eure-et-Loire, autrement dit dans le bassin parisien. J'aimerais également connaître l'état d'avancement des éventuelles études d'impact en cours, notamment sur le plan environnemental et en ce qui concerne les infrastructures.
Quid, notamment, des infrastructures autoroutières et ferroviaires dédiées, telles qu'elles ont été envisagées ?
Quid de l'hypothèse d'une ville nouvelle située entre Dourdan, dans l'Essonne, Saint-Arnoult-en-Yvelines, dans les Yvelines, et Beauvilliers ?
Quid de la création d'un établissement foncier pour éviter l'envolée des prix dans toute la région ? On sait que la région d'Ile-de-France connaît déjà des tensions sur le foncier.
Quid de la protection réelle de l'environnement sur un site qui couvre 22 000 hectares ?
Ma dernière question, je la poserai en tant qu'ancien rapporteur de deux textes concernant l'aménagement et le développement du territoire, développement dit « durable » s'agissant du second.
Quid d'un choix qui privilégie la région d'Ile-de-France, ou du moins le bassin parisien, par rapport à des choix provinciaux ? Il vous est arrivé, monsieur le ministre, de dire que le choix se situait entre Beauvilliers et Francfort. Mais n'est-il pas aussi entre Lyon et Francfort ? Sommes-nous définitivement marqués par le centralisme ? Les textes successifs d'aménagement et de développement du territoire ne sont-ils que des pétitions pieuses qui consacrent, finalement, la centralité de la région capitale ?
Telles sont, monsieur le ministre, les préoccupations dont je souhaitais vous faire part.
Je sais que vous ne m'annoncerez pas la nouvelle qui « fuit » de partout concernant Beauvilliers, mais je souhaiterais savoir où l'on en est, de manière que, en septembre prochain, puisque le Parlement ne sera malheureusement pas consulté sur les schémas de services collectifs ou schémas multimodaux de transport, la représentation nationale soit au moins informée des réflexions menées et que notre délégation à l'aménagement du territoire puisse s'exprimer le moment venu. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est une réponse facile que j'ai à vous faire, monsieur le sénateur puisque vous savez que je ne vais pas vous répondre... (Sourires.)
M. Gérard Larcher. Sur l'état d'avancement de la réflexion, vous le pouvez, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vais tout de même essayer d'apporter quelques précisions au sujet des questions que vous évoquez.
Parallèlement à la question du développement du transport aérien, il y a un autre enjeu, celui de la lutte contre les nuisances provoquées par ce mode de transport. Je pense que vous y pensiez aussi en posant votre question.
Quand nous avons pris la décision de réaliser les deux pistes supplémentaires à Roissy - Charles-de-Gaulle, nous avons prévu des dispositions particulières pour limiter les nuisances sonores engendrées par le trafic aérien et son développement. L'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, vient d'être installée, comme en a décidé le Parlement, et peut maintenant jouer pleinement son rôle.
Le transport aérien est en plein développement, après avoir connu une période assez difficile dans les années quatre vingt-dix. On peut d'ailleurs se féliciter de voir la compagnie nationale Air France participer, comme d'autres, à cet essor. Si le rythme actuel de croissance du trafic se maintient à moyen terme, la capacité maximale des aéroports d'Ile-de-France devrait être atteinte avant dix ans ; certains font même état d'une échéance encore plus rapprochée.
Face à une telle situation, les compagnies aériennes seront évidemment incitées à adapter leur stratégie en accordant un rôle beaucoup plus important aux aéroports de province.
Bien entendu, pour ce qui est des distances relativement courtes, notamment lorsque existe une liaison par train à grande vitesse, le recours au réseau ferroviaire par préférence à l'avion peut être aussi un élément de réponse.
Cela étant, aujourd'hui, selon moi, la question du développement de certains aéroports de province est posée, mais l'est également celle d'un troisième aéroport dans la grande région parisienne. Rien n'est encore tranché : tout cela fait l'objet d'une réflexion et de discussions. Je rejoins évidemment votre prémonition, monsieur le sénateur,...
M. Gérard Larcher. Vous voyez ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... mais je ne peux pas vous en dire plus en cet instant.
J'ai décidé de lancer trois études. Elles concernent les potentialités d'intermodalité air-rail, les potentiels de développement des aéroports de province et les stratégies futures des compagnies aériennes et des aéroports. C'est aussi au vu de ces éléments-là que nous pourrons prendre les décisions.
Dans l'hypothèse où l'opportunité de la création d'un troisième aéroport se confirmerait, il s'agirait non seulement de définir le site de son implantation mais aussi tout ce qui a trait à son environnement, y compris en ce qui concerne les liaisons avec les autres métropoles.
En tout état de cause, les conditions d'intégration de cet équipement dans l'environnement feront l'objet, dans la transparence, d'études rigoureuses, qui seront portées à la connaissance de tous les acteurs et qui viendront nourrir le débat public. Vous avez évoqué les schémas de service. C'est dans ce cadre que pourraient être clarifiées et précisées les décisions qui vont être prises.
M. Gérard Larcher. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le ministre, comme je l'ai indiqué, je savais naturellement que vous ne pourriez pas m'apporter aujourd'hui de réponse sur le choix d'un site d'implantation d'un troisième aéroport dans le bassin parisien. L'auriez-vous fait que j'aurais bondi de mon fauteuil !
Il m'apparaît que l'analyse des « potentialités air-rail » et des rapports entre aéroports de province et aéroports du Bassin parisien est essentielle. Nous aurions pu aussi évoquer le problème du fret, qui n'est pas réglé : les aéroports de fret sont en voie de délocalisation rapide au profit de l'arc rhénan. De plus, il faut prendre en compte l'interfonctionnement à l'échelon du bassin parisien.
J'ai bien noté, monsieur le ministre, que la dimension environnementale, mais aussi, je me permets d'y insister, la dimension foncière, qui est également un facteur important d'exclusion, y compris d'exclusion sociale, et la politique d'aménagement du territoire seront prises en compte pour opérer un choix.
Voilà pourquoi, en tant que vice-président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, que préside M. Jean-Pierre Raffarin, mais aussi en tant qu'élu des Yvelines, je serai particulièrement attentif à ce dossier. En effet, nous connaissons une ville nouvelle, née en 1967 et qui n'est toujours pas desservie par une infrastructure autoroutière : je veux parler de Saint-Quentin-en-Yvelines. Instruits par cette expérience, dans laquelle nous avons notre part de responsabilité, nous nous méfions d'une infrastructure dont le fonctionnement s'appuierait pendant deux décennies sur la RN 10 ou l'autoroute A 10. Ce sont là des réalités que nous vivons !
En outre, à quoi servirait aujourd'hui, dans l'optique du contrat de plan, de transformer la RN 10 en un axe à deux fois deux voies entre Rambouillet et Chartres si, dans le même temps, le trafic double ?
M. Paul Masson. Tout à fait !
M. Gérard Larcher. Il s'agit là, à mes yeux, de légitimes préoccupations en termes d'aménagement du territoire, sur le plan tant national que régional. Monsieur le ministre, je serai personnellement extrêmement attentif à ce dossier. Le député de la dixième circonscription des Yvelines, Mme Boutin, le président du conseil général, M. Borotra, et moi-même avons d'ailleurs mis en place une unité de syndicat intercommunal de préservation des intérêts du sud de la région d'Ile-de-France, et nous serons, je le répète, très vigilants. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)

AIDE AUX PRODUCTEURS DE POMMES

M. le président. La parole est à M. Huchon, auteur de la question n° 751, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Huchon. Monsieur le ministre, j'ai l'honneur d'attirer votre attention sur le marasme que subit le secteur des fruits et légumes, et plus particulièrement le marché de la pomme.
Plusieurs raisons expliquent cette désastreuse situation, qui met en péril un pan important de l'agriculture française. En effet, le marché de la pomme était jusqu'à présent une production particulièrement développée et utilisatrice de main-d'oeuvre.
Hélas, pour des raisons étrangères aux producteurs de fruits, en l'occurrence le boycott décidé par le Royaume-Uni à la suite des incidents et du blocage des importations de viande anglaise consécutifs à l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine, le marché anglais, qui était un débouché intéressant en termes de tonnage et de prix, s'est très nettement fermé à nos producteurs. Nous y avons été remplacés par les Italiens, mais aussi par d'autres producteurs européens.
Il en résulte, sur le plan national, une mévente et une baisse des prix, lesquels ne couvrent plus le coût de revient. Il faut dire que la grande distribution utilise largement cette abondance en exerçant une pression sur les prix totalement intolérable.
Monsieur le ministre, le Gouvernement peut-il accepter le « massacre » d'une activité économique parfaitement respectable et victime d'incidents politico-économiques internationaux dont elle n'est nullement responsable ? Cette pression sur les prix à la production, qui va rapidement conduire les producteurs à la ruine, est particulièrement désastreuse. Or les prix au détail n'ont pas baissé. A titre d'exemple, dans les magasins parisiens, le prix des pommes varie de 12 à 21 francs le kilogramme, alors qu'elles vont être payées au producteur, et ce en juillet prochain seulement, au prix maximal de 1,60 franc le kilo !
Je souligne que le manque à gagner est énorme. On cite à cet égard des chiffres qui sont évidemment incontrôlables, et je n'y insisterai pas.
Je souhaite que le Gouvernement prenne l'exacte mesure de la situation où se trouvent aujourd'hui de nombreuses exploitations, pour lesquelles la production de ces fruits constitue l'activité principale.
Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre pour compenser le préjudice subi par les producteurs de pommes du fait du maintien de l'embargo et pour écouler au mieux les stocks restants d'ici à la fin de la campagne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, M. Glavany, qui ne pouvait être présent ce matin au Sénat, m'a demandé de vous communiquer les éléments de réponse qu'il a préparés à votre intention, ce que je fais bien volontiers.
Le Gouvernement est conscient des difficultés rencontrées par les producteurs de pommes en raison de l'évolution du marché au cours du second semestre de 1999.
Le début de campagne a en effet été difficile, avec la crise des fruits d'été et la présence en quantité inhabituelle sur le marché européen de stocks résiduels de pommes de l'hémisphère sud. La situation a été ensuite encore aggravée par les rétorsions britanniques pratiquées en réponse à l'embargo français sur la viande bovine originaire de Grande-Bretagne. La pression sur les prix au cours de cette première partie de campagne a été forte dans l'ensemble de l'Union européenne.
Le Gouvernement a été guidé, dans sa décision de mettre en place cet embargo, par l'application du principe de précaution et la volonté d'assurer au mieux la sécurité alimentaire du consommateur. Cette position a été bien comprise par les producteurs de pommes. Elle a cependant indirectement compromis un débouché important.
La filière française avait su, en effet, tirer parti en Grande-Bretagne de ses efforts en matière de qualité et acquérir sur ce marché une position de tout premier ordre. Les opérateurs français ont fait preuve de détermination devant une situation nouvelle. Ils se sont ainsi attachés à diversifier leurs destinations d'exportation. Cette attitude prouve la remarquable capacité de réaction des filières les plus organisées.
Des signes encourageants apparaissent, en ce premier trimestre, sur les marchés tant intérieur que britannique. Ils permettent d'espérer une meilleure deuxième partie de campagne. Afin de favoriser la reprise, d'assurer la promotion de la pomme en France et en Grande-Bretagne et de faciliter les expéditions, le Gouvernement débloquera des fonds. Leurs conditions d'utilisation ont été examinées, en concertation avec l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, l'ONIFLHOR, dans le souci du meilleur retour au producteur.
En outre, les exploitations les plus durement touchées par cette mauvaise première partie de campagne peuvent obtenir un soutien immédiat. Les mesures financières et sociales mises en place pour les producteurs de fruits d'été leur sont étendues. Les exploitations concernées peuvent ainsi bénéficier de mesures d'étalement des cotisations sociales personnelles mais aussi patronales, d'une prise en charge d'intérêts d'emprunts et d'un aménagement des échéances ou encours.
Par ailleurs, dès la fin de la campagne, les aides au renforcement des exploitations de l'organisation économique, après mise en place par l'ONIFLHOR pour les produits d'été, seront étendues aux producteurs de pommes. En vue de leur mise en oeuvre, des audits individuels d'exploitation pourront être réalisés dès la fin de la campagne 1999-2000. Des moyens exceptionnels seront alors dégagés pour répondre aux difficultés rencontrées.
Enfin, le gouvernement français suivra avec vigilance l'évolution du volume des importations en provenance de l'hémisphère sud pour la nouvelle campagne. Il demandera à la Commission européenne de faire jouer les mécanismes existants.
M. Jean Huchon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir communiqué ce message concernant un secteur ne relevant pas de vos responsabilités ministérielles.
La réponse de M. Glavany ne peut me satisfaire totalement, mais j'ai quand même noté un certain nombre de points positifs, notamment le recours envisagé à la clause de sauvegarde visant à éviter les importations massives en provenance des pays de l'hémisphère sud, qui constituent pour nos producteurs une concurrence insurmontable.
Il faut en effet souligner que ces pommes sont produites dans des conditions relevant de l'esclavagisme caractérisé. Je ne manquerai pas de le rappeler à M. Glavany, car ce secteur des fruits et légumes mérite la considération. Il représente de nombreux emplois et revêt une grande importance pour l'agriculture française.

INSTALLATION DE MATÉRIELS DE SÉCURITÉ
AUTOUR DES PISCINES À USAGE PRIVATIF

M. le président. La parole est à M. Raffarin, auteur de la question n° 756, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le secrétaire d'Etat, je m'adresse à vous par le biais d'une question orale, parce que la question écrite que j'avais posée le 18 novembre 1999 à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés à propos de l'avis de la commission de sécurité des consommateurs sur la sécurité des piscines privées est restée sans réponse.
Dans notre pays, les noyades dans les piscines privées constituent la première cause de mortalité accidentelle pour les enfants jusqu'à quatre ans. Pourtant, les statistiques nationales relatives à cette question me laissent sceptique. Mon expérience de terrain me donne en effet à penser que le nombre des accidents est encore plus élevé que ne l'indiquent les chiffres du ministère de l'intérieur. Le sujet est d'importance nationale.
La commission de sécurité des consommateurs préconise un dispositif contraignant de barrières ; d'autres pays ont adopté des dispositions de cette nature. Quelle est la position du Gouvernement à l'égard de cette proposition des consommateurs visant à assurer la sécurité des enfants ? Au mois de juillet de l'année dernière, j'avais déposé la proposition de loi n° 531, relative à la sécurité des piscines. Les textes sont donc prêts, nous attendons un geste du Gouvernement. J'ai beaucoup de considération, monsieur le secrétaire d'Etat, pour votre action et pour vos fonctions, mais je regrette que le secrétaire d'Etat à la santé ne se saisisse pas de ce sujet important, à propos duquel M. Kouchner, avant son départ, avait manifesté sa préoccupation. Nous avons été laissés, depuis, dans le silence le plus complet.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je me rapprocherai, bien entendu, de ma collègue chargée de la santé, car je suis désolé qu'une question écrite ait pu ne pas avoir de suite. Cela étant, les problèmes liés à la protection des usagers des piscines ont toujours été considérés comme relevant de l'urbanisme, et c'est à ce titre qu'ils entrent dans mon champ de compétence.
Monsieur le sénateur, la commission de sécurité des consommateurs a, comme vous l'avez indiqué, rendu public, le 6 octobre dernier, un avis par lequel elle préconise diverses mesures de prévention.
Je souhaite vous assurer que le Gouvernement est extrêmement vigilant s'agissant des conditions de sécurité des jeunes enfants, que ce soit à l'école, sur les aires de jeux ou à domicile, car les risques encourus par ceux-ci dans la vie quotidienne sont effectivement multiples.
En ce qui concerne plus particulièrement le risque de noyade, il existe aux abords des piscines, des cours d'eau et de tous les bassins.
S'agissant des piscines, les accidents concernent essentiellement des enfants âgés de un à cinq ans, qui commencent à marcher et échappent à la vigilance des parents. Souvent, ces enfants sont non pas ceux des propriétaires de la piscine, mais ceux de voisins ou d'amis. Je crois qu'il faut le noter pour bien comprendre la réalité de ce problème.
La commission de sécurité des consommateurs propose de rendre obligatoire l'installation de barrières autour des piscines enterrées non couvertes à usage privatif, mais recommande aussi que ces barrières soient normalisées. Dans cette attente, la commission a demandé aux professionnels que sont les fabricants et les distributeurs de piscines, mais aussi aux professionnels du tourisme, de mettre en oeuvre des actions d'information et de prévention. Cela n'est pas, bien évidemment, sans importance.
Enfin, la commission recommande aux parents et aux autres utilisateurs de piscines de suivre une formation aux gestes de premier secours, d'équiper les enfants de brassards ou de gilets gonflables, de les initier à l'usage de ces matériels et de disposer d'une perche près de la piscine et d'un téléphone sans fil. La commission préconise également d'améliorer le recensement des accidents, afin que l'on puisse disposer de statistiques fiables, ce qui rejoint l'un des points que vous avez évoqués à l'instant, monsieur le sénateur.
Tel est l'ensemble des préconisations de la commission qui ont donc été rendues publiques en octobre dernier, voilà maintenant six mois.
A la demande du Gouvernement et d'équipementiers, des travaux de normalisation des barrières ont été engagés en septembre 1999 par l'Afnor, l'Association française de normalisation. Ils portent en particulier sur la hauteur des barrières et sur les dispositifs de fermeture des accès. Des essais ont été réalisés pour tester l'efficacité de différents matériels. A ce jour, ils montrent la difficulté de trouver des solutions qui garantissent une sécurité réelle, notamment pour les dispositifs de fermeture automatique des portillons. Les travaux en cours portent également sur d'autres équipements de protection susceptibles d'apporter une contribution efficace à la sécurité.
Monsieur le sénateur, c'est à l'issue de ces travaux normatifs, de l'examen des possibilités de faire respecter une telle obligation et, surtout, de la mesure de leur efficacité que ces dispositifs pourront être rendus obligatoires. Comme vous le voyez, dès que ces éléments techniques seront clarifiés et assurés, le Gouvernement prendra toutes les dispositions pour aller dans ce sens.
Sans attendre l'aboutissement de ces travaux préalables, le secrétariat d'Etat au logement développe des actions d'information et de prévention à destination des parents et des propriétaires de piscines, en concertation avec le ministère de la jeunesse et des sports, le secrétariat d'Etat en charge de la consommation, le secrétariat d'Etat au tourisme et le secrétariat d'Etat à la santé. C'est ainsi, notamment, qu'une plaquette sur la maison individuelle, éditée récemment, disponible dans toutes les directions départementales de l'équipement, et qui est remise à l'ensemble des constructeurs de maison individuelle, attire plus particulièrement l'attention sur cette question et sur l'opportunité de précautions, notamment de barrières. Quant à la généralisation de ces mesures, les travaux en cours permettront de la prévoir.
Telles sont les indications très précises que j'étais en mesure de vous fournir, six mois après que nous avons eu connaissance des recommandations de la commission de sécurité des consommateurs.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends les termes de votre réponse. Les travaux de normalisation sont en effet très importants, mais le Gouvernement doit envoyer un signal fort si on veut accélérer le processus.
Depuis que nous avons déposé, ici même, une proposition de loi, les professionnels se sont engagés dans un certain nombre de procédures. Cependant, les choses avancent lentement. Le développement de produits nouveaux dans ce domaine est trop lent pour faire baisser le taux de mortalité des enfants dans les piscines privées. Aussi le Gouvernement devra-t-il, dans les mois à venir, prendre des initiatives fortes, envoyer des messages clairs, pour bien montrer que nous sommes déterminés à maîtriser cette situation.
Il y a, certes, l'initiative législative, qui est réclamée par la commission de sécurité des consommateurs. Le Sénat s'est d'ores et déjà engagé sur ce sujet. De nombreux députés sont également motivés. Si le Gouvernement hésite à déposer un projet de loi, qu'il laisse se développer l'initiative des parlementaires, par la voie d'une proposition de loi.
En tout état de cause, il importe que, avant la prochaine saison estivale, le Gouvernement accompagne les collectivités territoriales et toutes les structures qui prennent des initiatives comme celle qu'a prise la DDE et que vous avez mentionnée, afin que l'information sur la prévention soit diffusée le plus largement possible. A un moment où le droit aux vacances est de plus en plus affirmé, il est important que le droit à la sécurité, droit de l'enfant, puisse être respecté dans notre pays.

COÛT DU RECYCLAGE DES DÉCHETS
POUR LES COMMUNES

M. le président. La parole est à M. Vissac, auteur de la question n° 683, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Guy Vissac. Madame la ministre, ma question porte non pas tant sur le coût - je vous prie de m'en excuser - que sur les délais ; elle rejoint cependant la question du coût des déchetteries et des décharges.
La loi du 13 juillet 1992 donne dix ans aux collectivités locales pour réaliser les plans de traitement des déchets, mettre en oeuvre le recyclage et fermer les décharges. L'échéance arrivera donc en 2002.
Il faut reconnaître, pour s'en réjouir, les progrès sensibles réalisés dans ce domaine, tant par les communes et leurs syndicats, pour la mise en oeuvre des systèmes de collecte, d'élimination et de traitement des déchets, que par tous les acteurs locaux, pour l'action de sensibilisation pédagogique entreprise auprès des consommateurs usagers.
En France, nous constatons une réelle prise de conscience collective sur cet important problème de société de la part de nombre de nos compatriotes. Or, force est de constater que, si l'action est en marche, les objectifs ne sont pas atteints.
Il me paraît important de donner du temps aux collectivités locales afin que celles-ci puissent, sans précipitation imposée, mener à leur terme les schémas d'élimination des déchets.
Il ne faudrait pas, en effet, que cette date butoir du 1er juillet 2002 devienne un couperet pour des communes qui ont à coeur de s'adapter aux nouvelles normes.
Car, madame la ministre, cette échéance de 2002 ne pourra probablement pas être tenue. Seules deux années nous séparent de cette échéance, laps de temps manifestement trop court pour que soient réalisées dans leur intégralité les installations de stations de traitement. De nombreux maires sont concernés et leur inquiétude, à ce sujet, va croissant.
C'est pourquoi je souhaiterais avoir de votre part, madame la ministre, des précisions quant aux mesures que vous entendez prendre avant que cette échéance arrive à son terme, afin de rassurer nombre d'élus locaux préoccupés par cette question.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous vous inquiétez de la mise en oeuvre de la loi du 13 janvier 1992 sur les déchets, et plus particulièrement des difficultés que pourraient rencontrer les communes pour respecter l'échéance du 1er juillet 2002.
Vous l'avez vous-même rappelé, la loi a donné dix ans - dix ans, monsieur le sénateur ! - pour satisfaire aux obligations qu'elle prévoyait. Vous le savez, l'échéance du 1er juillet 2002 ne doit pas être interprétée comme la fin de la mise en décharge. Au-delà de cette date, des déchets pourront en effet toujours être admis en centre de stockage, mais il faut faire en sorte que seuls les déchets ultimes le soient.
J'ai précisé les orientations à suivre en matière d'élimination des déchets ménagers dans une circulaire datée du 28 avril 1998, qui résulte de l'analyse que nous avons souhaité réaliser à mi-course, sous forme, en quelque sorte, de bilan d'étape, en juin 1997. Nous avions en effet constaté que la plupart des départements s'étaient bien dotés d'un plan départemental de traitement des ordures ménagères mais avec, pour un nombre significatif d'entre eux, une part très belle laissée à l'incinération, situation qui emportait deux conséquences. La première : on ne respectait pas strictement l'esprit de la loi. La seconde : on était confronté à une explosion des coûts, très difficile à assumer pour les contribuables.
J'ai donc, dans cette circulaire du 28 avril 1998, rappelé l'objectif national : à terme, la moitié de la production des déchets dont l'élimination est de la responsabilité des collectivités devra être triée et collectée en vue de leur réutilisation, de leur recyclage ou de leur traitement biologique.
Localement, la déclinaison précise de cet objectif s'effectue dans le cadre des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers. Il en va de même pour la définition précise du déchet ultime, qui doit se faire à l'échelon local, en fonction de l'environnement technique et économique du moment.
Vous le savez, le Gouvernement a pris des décisions importantes pour accompagner cette réorientation de la politique des déchets. Je pense notamment à la baisse de la TVA sur les opérations de collecte sélective et de tri et à la modification des barèmes des sociétés agréées, Eco-Emballages et Adelphe, qui a conduit à l'augmentation du soutien aux collectivités locales. Je pense aussi à l'effort financier sans précédent décidé dans la loi de finances pour 2000, qui a permis de maintenir à un taux élevé les aides de l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
De nombreuses collectivités se sont engagées dans la voie de la collecte sélective et du recyclage. Il ne me paraît donc pas opportun de reporter les décisions qui permettront d'atteindre les objectifs de la loi de 1992. D'autant que la plupart des collectivités se sont engagées, avec beaucoup de volontarisme, dans la satisfaction de leurs obligations, notamment dans la perspective des prochaines élections municipales.
Çà et là, des problèmes restent pendants, qui justifieront la poursuite de la concertation ou de nouvelles études techniques. Ces difficultés ponctuelles ne me semblent pas de nature à justifier un report des dates butoirs.
Avec persévérance et volontarisme, les objectifs fixés dans la loi de 1992 pourront, dans la plupart des cas, être atteints. Ce qui nous intéresse, c'est de garder un haut niveau de mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux. Il va de soi que nous n'aurons pas une interprétation étriquée de la mise en oeuvre de la loi. Ce qui compte, c'est la qualité des plans départementaux plus que la satisfaction purement factuelle d'une échéance. La collecte sélective et le tri, c'est d'abord un réflexe, que nous, élus et pouvoirs publics, devons faire partager. La mise en oeuvre de cette politique de traitement des ordures ménagères a une forte dimension culturelle, au-delà des aspects techniques et financiers qui ne peuvent être sous-estimés.
Telle est la position de l'Etat. Il nous reste deux ans et demi, ce qui n'est pas rien. Ce délai est équivalent à celui qui nous sépare du bilan d'étape de juin 1997. Depuis ce moment-là, un travail considérable a été fait. Je ne doute pas que les élus locaux, les départements fourniront le coup de collier nécessaire pour nous permettre, dans de bonnes conditions, d'appliquer la loi.
M. Guy Vissac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Ma question n'avait bien sûr pas pour objet de rechercher une échappatoire à la loi et à cette échéance du 1er juillet 2002. Je souhaite que ceux qui n'auraient pas atteint l'objectif à cette date puissent poursuivre leur action après 2002. Je constate que la concertation reste ouverte, et je m'en réjouis, madame la ministre.

LUTTE CONTRE LA MULTIPLICATION
DES RAGONDINS

M. le président. La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 733, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur l'évolution inquiétante de la population des ragondins dans nos campagnes, et plus particulièrement dans le département que je représente ici, la Haute-Vienne.
Originaire d'Amérique du Sud, cet animal a proliféré en France dans les années soixante après s'être échappé des élevages destinés à la production de fourrure. Depuis cette période, il n'a cessé de se multiplier, causant ainsi de très importants dégâts, tant aux cultures qu'aux ouvrages hydrauliques.
En effet, herbivore peu sélectif, il s'attaque à une grande variété de cultures et de productions agricoles, telles que le maïs, les oléagineux, les céréales, les cultures légumières, les plantations de peupliers ou les prairies. De même, le creusement de terriers par le ragondin accélère l'érosion des berges, contribue ainsi à l'envasement des voies d'eau et, parfois, concourt à déstabiliser des ouvrages construits tels que les digues, les barrages et mêmes les routes.
Ces dégâts entraînent évidemment des préjudices importants et onéreux pour les collectivités qui sont chargées de l'entretien de ces ouvrages.
Par ailleurs, il convient de souligner que cet animal peut être porteur de nombreuses maladies transmissibles à d'autres espèces, voire à l'homme.
Aujourd'hui, malgré les luttes collectives conduites régulièrement dans les zones favorables à ces rongeurs, ces derniers continuent malheureusement à se multiplier, et il est clair que les moyens dont disposent les fédérations départementales des groupements de défense contre les ennemis des cultures sont insuffisants.
Ces groupements, qui doivent, aux termes du code rural, assurer la lutte collective contre les organismes nuisibles aux cultures, rencontrent, en l'occurrence, bien des difficultés pour endiguer la prolifération du ragondin, classé gibier sur le plan national mais également nuisible dans certains départements.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir faire étudier tous les moyens qui permettront sinon l'éradication de cette espèce, tout au moins la régulation efficace de sa présence.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, le ragondin est un gibier dont la chasse est autorisée, en vertu de l'arrêté ministériel du 26 juin 1987.
Le ragondin est également soumis à la réglementation sur les animaux nuisibles. Il figure en effet dans l'arrêté du 30 septembre 1988, qui fixe la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles dans un département.
Ce classement permet aux propriétaires ou à leurs fermiers d'assurer la défense préventive de leurs propriétés contre les dommages provoqués par des animaux tels que les lapins, les sangliers ou les ragondins.
Conformément à l'article R. 227-6 du code rural, « dans chaque département, le préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles parmi celles figurant sur la liste nationale, en fonction de la situation locale, et pour l'un des motifs ci-après : dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; pour la protection de la flore et de la faune. »
Dans les départements où ils sont classés nuisibles, les ragondins peuvent être détruits par le piégeage et par le tir. C'est notamment le cas dans la Haute-Vienne.
Par ailleurs, une autre réglementation, gérée par le ministère de l'agriculture et de la pêche au titre de la protection des végétaux, permet de lutter contre les « organismes nuisibles », ennemis des cultures. Au titre de cette réglementation, des campagnes de lutte collective sont menées contre le ragondin en faisant appel au piégeage, mais parfois aussi à l'empoisonnement avec des appâts qui contiennent des anticoagulants.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement privilégie les opérations de lutte qui s'inscrivent dans une stratégie intégrée portant d'abord sur les causes du développement de populations de rongeurs. Faute d'une telle stratégie, les campagnes de destruction sont d'une efficacité limitée et doivent être renouvelées fréquemment.
Quand les destructions s'avèrent nécessaires, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement recommande donc le piégeage. En effet, l'emploi de substances toxiques présente des risques d'empoisonnement majeurs pour d'autres espèces que le ragondin, soit par consommation directe des appâts, soit par consommation de ragondins empoisonnés.
C'est dans un contexte similaire qu'a été autorisé, voilà deux ans, l'emploi de bromadiolone pour réguler des populations de campagnols dans ma région. Les dégâts absolument considérables constatés sur la faune sauvage ont conduit non seulement les protecteurs de l'environnement, mais aussi les chasseurs et les agriculteurs à demander une suspension de cette expérience, qui s'est révélée désastreuse.
Vous l'aurez compris, monsieur le sénateur, mon ministère préconise le recours au piégeage et au tir d'un animal qui est chassable et qui est soumis à la réglementation sur les animaux nuisibles.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous venez de m'apporter.
Mais, sans aller jusqu'à préconiser l'importation massive du prédateur naturel de cet animal qui, comme chacun le sait, est l'alligator (sourires), peut-être pourrions-nous étudier d'autres pistes ?
Je partage tout à fait votre point de vue, madame la ministre, à savoir que l'empoisonnement peut se révéler dangereux pour d'autres espèces, voire pour l'homme, lorsque ce dernier ingère des produits dérivés.
Vous avez évoqué le piégeage et le tir. Pourquoi ne pas allier les avantages de la destruction de cet animal à des activités sportives, voire ludiques ? On m'a dit que, si le tir à l'arc de ce gibier était autorisé toute l'année, de nombreuses personnes qui aiment exercer leur art dans la nature seraient intéressées. De même, pourquoi ne pas autoriser toute l'année le déterrage, qui, m'a-t-on dit, est un moyen extrêmement efficace de combattre la prolifération des ragondins ? De nombreux équipages se feraient en effet un devoir mais aussi un plaisir de s'adonner à cette activité.
Madame la ministre, je livre ces quelques pistes à votre sagacité et je vous remercie de la suite que vous voudrez bien y donner.
M. le président. L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

6

COMMUNICATION DE M. LE PRÉSIDENT
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

M. le président. M. le président a reçu de M. le président de l'Assemblée nationale la lettre suivante :

« Paris, le 3 avril 2000.

« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'au cours de la première séance du 30 mars 2000 Mme Christine Lazerges a été nommée vice-présidente de l'Assemblée nationale.
« A la suite des nominations auxquelles il a été procédé les 29 et 30 mars 2000, le bureau de l'Assemblée nationale est ainsi composé :
« Président : M. Raymond Forni ;
« Vice-présidents : Mme Christine Lazerges, MM. Yves Cochet, Patrick Ollier, Pierre-André Wiltzer, Mme Nicole Catala et M. Philippe Houillon ;
« Questeurs : MM. Serge Janquin, Patrick Braouezec et Henri Cuq ;
« Secrétaires : MM. René André, Bernard Charles, René Dosière, Mme Nicole Feidt, MM. Edouard Landrain, Pierre Lequiller, Germinal Peiro, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. François Rochebloine, Mme Yvette Roudy, MM. Michel Suchod et Jean Ueberschlag.
« Je vous prie, monsieur le président, de croire à l'assurance de ma haute considération.

« Signé Raymond Forni »

Acte est donné de cette communication.

7

DÉMISSION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS ET CANDIDATURES

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de Mme Nicole Borvo, comme membre de la commission des affaires sociales.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
J'informe le Sénat que le groupe communiste républicain et ciotyen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des lois en remplacement de M. Michel Duffour, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, avec la courtoisie qui sied au sein de notre Haute Assemblée, j'ai cru de mon devoir d'attendre que Mme le garde des sceaux nous rejoigne avant de reprendre nos travaux.
Dans la mesure où elle n'était toujours pas là au bout de vingt-cinq minutes, j'ai considéré que je devais vous en informer, ouvrir la séance puis, bien entendu, la suspendre immédiatement, dans l'attente de son arrivée. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-huit, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

8

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DROITS DES VICTIMES

Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 222, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. [Rapport n° 283 (1999-2000).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 19 bis A.

Article 19 bis A



M. le président.
« Art. 19 bis A. - I. - L'article 149-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 149-1 . - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par décision du premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. »
« II. - Au premier alinéa de l'article 149-2 du même code, les mots : "La commission, saisie" sont remplacés par les mots : "Le premier président de la cour d'appel, saisi" et les mots : "qui n'est susceptible d'aucun recours de quelque nature que ce soit" sont supprimés.
« III. - Le dernier alinéa du même article est supprimé.
« IV. - Il est inséré, après l'article 149-2 du même code, deux articles 149-3 et 149-4 ainsi rédigés :
« Art. 149-3 . - Les décisions prises par le premier président de la cour d'appel peuvent, dans les dix jours de leur notification, faire l'objet d'un recours devant une commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires. Cette commission, placée auprès de la Cour de cassation, statue souverainement et ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours, de quelque nature que ce soit.
« Le bureau de la Cour de cassation peut décider que la commission nationale comportera plusieurs formations.
« La commission nationale, ou le cas échéant, chacune des formations qu'elle comporte, est composée du premier président de la Cour de cassation, ou de son représentant, qui la préside, et de deux magistrats du siège de la cour ayant le grade de président de chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire, désignés annuellement par le bureau de la cour. Outre ces deux magistrats, ce bureau désigne également, dans les mêmes conditions, trois suppléants.
« Les fonctions du ministère public sont remplies par le parquet général près la Cour de cassation.
« Les dispositions de l'article 149-2 sont applicables aux décisions rendues par la commission nationale.
« Art. 149-4 . - La procédure devant le premier président de la cour d'appel et la commission nationale, qui statuent en tant que juridictions civiles, est fixée par un décret en Conseil d'Etat. »
« V. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur six mois après la publication de la présente loi au Journal officiel . »
Par amendement n° 114, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse et Badinter proposent de rédiger comme suit cet article :
« L'article 149-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 149-1. - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par décision de la commission prévue à l'article 706-4. »
La parole est à M. Charasse...
Est-ce bien vous, monsieur Charasse, qui défendez cet amendement ?
M. Michel Charasse. Pardonnez-moi, monsieur le président, de vous avoir fait attendre un peu, mais Mme le ministre est arrivée un peu vite, si bien que je n'ai pas eu le temps de prendre mes dispositions et de classer ma liasse d'amendements. (Sourires.)
Il s'agit, par cet amendement, de confier le contentieux de l'indemnisation à raison d'une détention provisoire à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la CIVI, chargée jusqu'à présent de la seule indemnisation des victimes d'infraction.
Cette commission a une grande pratique et un grand savoir-faire. Il nous a semblé préférable de retenir cette solution plutôt que de faire intervenir l'unique commission siégeant à la Cour de cassation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission n'est pas favorable à cet amendement.
La CIVI est une commission tout à fait différente que celle qui est prévue ici, puisqu'elle est chargée d'indemniser les victimes d'infraction dont on ne retrouve pas l'auteur.
L'Assemblée nationale a décentralisé le système d'indemnisation des détentions provisoires puisque ce sont les premiers présidents des cours d'appel qui, dorénavant, statueront en première instance. Nous considérons que l'idée est bonne et qu'il est préférable de retenir le système qui nous est proposé par l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement, je tiens à faire une remarque.
Puisque M. Charasse a ironisé sur l'heure à laquelle j'arrivais...
M. Michel Charasse. Pas du tout !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... et que j'ai cru entendre quelques rires - j'aurais préféré que cela s'exprime de façon plus claire, c'eût été moins grossier ! - (Exclamations sur certaines travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains Indépendants), je veux dire ici que j'ai indiqué à plusieurs reprises que je ne pouvais donner l'assurance d'être au Sénat à seize heures quinze, alors que j'assistais à l'Assemblée nationale à la séance consacrée aux questions d'actualité, séance qui, très fréquemment - c'était encore le cas aujourd'hui - se prolonge jusque vers seize heures dix.
Je ne vois pas comment, matériellement - sauf à utiliser, et encore ! des moyens auxquels je n'aime pas recourir - on peut parcourir la distance qui sépare l'Assemblée nationale du Sénat en cinq minutes en milieu d'après-midi.
Je répète donc que, si la conférence des présidents s'obstine à fixer la séance à seize heures quinze, j'aurai le regret, de temps en temps, d'être en retard et de faire attendre le Sénat, ce dont je le prie par avance de bien vouloir m'excuser.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il faut voir cela avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, madame le garde des sceaux !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est la conférence des présidents qui fixe les horaires, et pas seulement le ministre chargé des relations avec le Parlement.
J'en viens à l'amendement n° 114.
Cet amendement vise à confier l'indemnisation des détentions provisoires à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la CIVI.
Il me paraît contestable de faire un parallèle entre la victime d'une infraction pénale et une personne qui a été placée en détention provisoire et qui a bénéficié par la suite d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.
Un juge d'instruction aujourd'hui, un juge de la détention provisoire demain, peut, au moment où il est saisi, au vu des éléments du dossier de la procédure et pour assurer le succès des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité, décider une mesure de placement en détention provisoire.
Ce qui est justifié à cet instant au vu des éléments du dossier pourra être effectivement contesté plus tard.
La personne placée dans ces conditions en détention provisoire est effectivement une victime : le préjudice qu'elle a subi doit être légitimement indemnisé.
Ce qui la distingue, toutefois, de la victime d'une infraction pénale, c'est qu'aucune faute n'est à l'origine du préjudice dont elle a souffert.
Le parallèle avancé par les auteurs de l'amendement ne peut donc être accepté et, dans ces conditions, le recours à la CIVI ne se justifie pas.
De plus, le système proposé par le Gouvernement, et accepté par l'Assemblée nationale - je rappelle qu'il confie l'indemnisation au premier président de la cour d'appel et qu'il prévoit un appel devant la commission placée auprès de la Cour de cassation - me paraît répondre aux voeux de l'auteur de l'amendement.
Le premier président pourra élaborer une jurisprudence qui s'appliquera à l'ensemble de la cour d'appel. Cela lui permettra d'évaluer de façon encore plus précise l'action des juges d'instruction et des magistrats des cours et des tribunaux de son ressort, dont il assure la notation.
Je demande donc au Sénat de rejeter l'amendement.
M. le président. Madame le garde des sceaux, permettez-moi, à la suite de vos propos, de vous dire que l'ensemble des membres de la Haute Assemblée ont eu envers vous une attitude très courtoise, que leurs sourires ironiques faisaient suite à la réflexion de M. Charasse et ne visaient pas du tout votre personne.
Au Sénat, la courtoisie a toujours été la règle envers tous les gouvernements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Madame le garde des sceaux, sans vouloir prolonger l'incident, je tiens néanmoins à vous dire, pour que vous n'interprétiez pas mal le propos que j'ai tenu tout à l'heure, que M. le président a suspendu la séance en indiquant que vous étiez légèrement retardé et cela quelques secondes seulement avant votre arrivée. J'avais cru naïvement pouvoir disposer de quatre ou cinq minutes pour reclasser mes amendements, et il se trouve qu'en raison de votre arrivée immédiate c'est moi qui ai dû faire attendre et le Sénat et vous-même. Donc, si quelqu'un doit être confus, c'est moi et pas vous !
En tout cas, n'interprétez pas ce que j'ai dit tout à l'heure comme quelque chose de désagréable à votre endroit. Nous sommes un certain nombre ici à connaître les contraintes des membres du Gouvernement lorsqu'il faut se partager entre les deux assemblées en temps réel, et loin de moi l'idée de faire au garde des sceaux, en particulier, quelque reproche que ce soit à cet égard !
Par conséquent, pardon, madame le garde des sceaux, de vous avoir fait attendre tout à l'heure trop longtemps avant de présenter l'amendement n° 114, que, compte tenu de vos explications et de celles de la commission, je retire ! (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. L'amendement n° 114 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19 bis A.

(L'article 19 bis A est adopté.).
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Puisque la question vient d'être abordée, j'indique que je vais renouveler à la conférence des présidents ma proposition de commencer à seize heures quinze le mardi après-midi pour que les ministres puissent être à l'heure.
M. le président. C'est à la conférence des présidents que vous ferez cette proposition, madame Luc.

Article 19 bis



M. le président.
« Art. 19 bis. - Une commission de suivi de la détention provisoire est instituée. Elle est placée auprès du ministre de la justice. »
« Elle est composée de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit, d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.
« Elle est chargée de réunir les données juridiques, statistiques et pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et à l'étranger. Elle se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à des visites ou à des auditions.
« Elle publie dans un rapport annuel les données statistiques locales, nationales et internationales concernant l'évolution de la détention provisoire ainsi que la présentation des différentes politiques mises en oeuvre. Elle établit une synthèse des décisions en matière d'indemnisation de la détention provisoire prises en application des articles 149-1 à 149-4 du code de procédure pénale.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
Par amendement n° 42, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a institué une commission du suivi de la détention provisoire chargée de collecter des statistiques, d'élaborer un rapport annuel et de faire une synthèse des décisions de la commission d'indemnisation.
La commission des lois a estimé que cette commission supplémentaire, qui s'ajouterait, évidemment, à tant d'autres, n'était pas nécessaire dès lors qu'un certain nombre de dispositions étaient prévues : ainsi, dorénavant, les parlementaires pourront tous visiter les prisons dans leur département ; par ailleurs, la Cour de cassation dresse déjà, chaque année, un bilan des décisions de la commission d'indemnisation des détentions provisoires abusives, bilan que les commissions des lois des assemblées parlementaires peuvent naturellement se procurer.
J'ajoute, au surplus - ce point n'est pas sans importance - que la question relève du domaine réglementaire et non pas du domaine législatif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je regrette la suppression d'une disposition qui, aux yeux de M. le rapporteur, n'a pas d'utilité dans la mesure où il est permis à tout parlementaire de visiter les prisons.
Soit, nous allons visiter des prisons et des maisons d'arrêt ! Mais qu'en résultera-t-il ? Lorsqu'un parlementaire, après avoir visité des prisons, adressera un courrier au garde des sceaux ou au Premier ministre pour faire état des conditions dans lesquelles les détenus sont hébergés, peut-il espérer que cette initiative trouvera auprès d'eux quelque écho ?
J'en doute, et c'est la raison pour laquelle je considérais - sans doute à tort, si j'en crois M. le rapporteur - que cette commission de suivi aurait eu quelque utilité, et qu'au moins un rapport annuel aurait pu être présenté sur les conditions dans lesquelles les détenus sont hébergés.
J'ai moi-même visité, sans doute comme d'autres dans leur département, une ou deux prisons et les maisons d'arrêt de mon département. J'ai été effaré de constater dans quelles conditions l'hébergement était assuré et quelles étaient les conditions de vie. Il s'agit certes de détenus, mais voilà bien longtemps que les directeurs de prison dénoncent l'insuffisance, quels que soient les gouvernements, des moyens mis à leur disposition pour l'humanisation des établissements !
Certes, si cette commission avait eu pour seul objet d'établir des statistiques sur le plan national, elle n'aurait présenté qu'un intérêt relatif, mais, si elle avait pu appeler l'attention de la représentation nationale et du Gouvernement sur les moyens qu'il faut mettre en oeuvre pour que les prisons et les maisons d'arrêt soient aménagées de façon acceptable, encore une fois, elle aurait eu son utilité.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Monsieur Vasselle, je comprends parfaitement votre souci, qui est d'ailleurs également le nôtre.
Vous le savez, une commission d'enquête a été créée pour étudier ce sujet. Vous savez également que M. Canivet, Premier président de la Cour de cassation, a établi un rapport sur ce problème des prisons. Dans ce texte même, nous avons fait un certain nombre de démarches, notamment celle visant l'emprisonnement individuel lorsqu'on est en détention provisoire.
C'est vrai, cette commission de suivi n'est pas faite seulement pour établir des statistiques, mais nombre d'informations convergent déjà vers nous sur la détention provisoire, et nous continuerons à suivre cette affaire, qui est de la plus haute importance.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 bis est supprimé.

Articles additionnels après l'article 19 bis



M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 88 rectifié, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsque le procureur de la République est saisi d'une plainte avec constitution de partie civile à raison des actes d'un élu ou d'un agent public et que l'instruction est confiée à un juge d'instruction, le préfet peut élever le conflit à tout moment afin que soit déterminé s'il y a eu faute de service ou faute personnelle. »
Par amendement n° 141, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit dépose plainte contre un élu municipal agissant en qualité de maire ou par délégation de ce dernier, le procureur de la République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les faits incriminés sont détachables ou non de la fonction d'élu municipal. Dans le cas où le tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction judiciaire compétente. »
Par amendement n° 142, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 3123-28 du code général des collectivités territoriales, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit dépose plainte contre un membre d'un conseil général agissant en qualité de président ou par délégation de celui-ci, le procureur de la République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les faits incriminés sont détachables ou non de leurs fonctions. Dans le cas où le tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction compétente. »
Par amendement n° 143, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit dépose plainte contre un membre d'un conseil régional agissant en qualité de président ou par délégation de celui-ci, le procureur de la République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les faits incriminés sont détachables ou non de leurs fonctions. Dans le cas où le tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normale compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction judiciaire compétente. »
La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 88 rectifié.
M. Alain Vasselle. Cet amendement reprend, dans son esprit, un amendement que j'avais déposé en première lecture et qui avait fait l'objet de l'assentiment de la commission des lois et de la Haute Assemblée. Il concerne l'aiguillage des plaintes déposées par certaines personnes ou certaines entreprises se considérant victimes d'initiatives prises par des magistrats municipaux dans l'exercice de leurs responsabilités.
Le présent amendement a été rejeté par la commission des lois, et j'ai bien noté dans le rapport que, si tel est le cas, c'est parce que la commission a considéré qu'il avait plutôt sa place ailleurs que dans le texte de loi sur la présomption d'innocence.
Bien évidemment, on s'est fondé sur le rapport Massot et, surtout, sur la proposition de loi de M. Fauchon, adoptée par la Haute Assemblée telle qu'amendée par la commission des lois.
Ce que j'ai lu et ce que j'ai entendu laisse à penser qu'en définitive, avec la proposition de loi de M. Fauchon, nous avons réglé de manière définitive les problèmes qui se posent aux maires.
Je pense tout particulièrement, en ce qui me concerne, aux seize maires de l'Oise qui ont connu la mise en oeuvre de la procédure pénale à leur encontre, c'est-à-dire la mise en examen et la garde à vue.
D'ailleurs, ce dossier, vieux déjà de plusieurs mois, n'a toujours pas connu, pour le moment, d'aboutissement : les maires sont encore sous contrôle judiciaire, aucune issue n'a été trouvée, le juge d'instruction n'a même pas remis son rapport et la procédure est complètement stoppée. Les maires, évidemment, vivent assez mal cette attente d'un jugement qui peut survenir à un moment ou à un autre.
Sans doute ce problème sera-t-il évoqué lorsque nous examinerons, à la fin du texte, tout ce qui a trait à la garde à vue. Les maires avaient en effet mal vécu les conditions dans lesquelles la garde à vue avait été mise en oeuvre à leur encontre : ils avaient été traités comme des criminels de grand chemin et les officiers de police judiciaire n'avaient pas fait preuve de discernement au cours de l'interrogatoire auquel ils les avaient soumis et qui avait pour but d'éclairer la justice pour savoir s'il y avait faute ou non.
Par conséquent, cet amendement vise notamment à revenir sur cette idée du filtre, qui permettrait d'orienter dans la bonne voie la plainte déposée par un administré ou par une entreprise, afin d'éviter le recours à la procédure pénale. Chacun sait qu'aujourd'hui nombre de victimes s'engagent dans cette procédure, souvent sur le conseil de leur avocat, d'une part, parce que cela ne leur coûte rien et, d'autre part, parce que cela leur permet d'obtenir plus rapidement la réparation des dommages, la procédure civile ne leur permettant pas de parvenir aux mêmes résultats.
Chacun reconnaît aujourd'hui qu'il y a une utilisation perverse de la procédure pénale et que celle-ci est complètement inadaptée aux situations vécues par les maires, par les élus.
C'est pourquoi il m'apparaît urgent que nous puissions à nouveau aller plus loin en matière d'aménagement du code de procédure pénale, mais également d'aménagement des dispositions législatives, pour que, effectivement, il y ait une procédure tout à fait adaptée aux plaintes visant les maires dans l'exercice de leurs fonctions.
Je tenais à présenter l'objet de cet amendement dès à présent devant la Haute Assemblée. J'adopterai la position qu'il me paraîtra utile d'adopter en fonction des éléments de réponse ou des considérations que ne manqueront pas d'apporter M. le rapporteur, le président de la commission des lois ou le Gouvernement sur cet amendement.
Je me réserve donc la possibilité de le retirer pour reprendre un peu plus tard l'initiative à l'occasion de la deuxième lecture de la proposition de loi de M. Fauchon devant la Haute Assemblée, sous réserve, bien entendu, d'être assuré que la commission des lois acceptera de prendre en considération une disposition de cette nature ; sans préjuger la suite qui y sera donnée par le Sénat, je veux au moins avoir l'assurance qu'elle sera examinée.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre les amendements n°s 141, 142 et 143.
M. Michel Charasse. Ces trois amendements pourraient n'en constituer qu'un seul, puisque leur philosophie est identique, mais ils visent chacun une catégorie d'élus locaux : le premier, les élus municipaux ; le deuxième, les élus départementaux ; le troisième, les élus régionaux.
La philosophie de ces trois amendements est analogue, même si le dispositif est différent, à la philosophie de l'amendement n° 88 rectifié que vient de présenter M. Vasselle.
Ce que je propose, c'est que chaque fois qu'une plainte est déposée contre un élu local, le tribunal des conflits apprécie si la plainte relève de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, puisque, contrairement à ce que l'on peut croire, tout n'est pas pénal, mais qu'aujourd'hui tout le devient, puisque tout va systématiquement devant le juge judiciaire.
Je m'étais rallié en première lecture à un amendement, je dis analogue parce qu'il n'était pas exactement le même que celui que M. Vasselle vient de nous présenter, qui partait de la même idée, même si le dispositif était défférent.
L'Assemblée nationale ne l'a pas retenu - dont acte - sans que j'arrive d'ailleurs à savoir si elle l'a contesté sur le fond ou si elle a considéré qu'il était mal placé dans le projet de loi dont nous discutons.
Monsieur le président, personnellement, je suis prêt, comme l'a laissé entendre à l'instant M. Vasselle, à renoncer à cette discussion et au vote maintenant, si nous avons l'assurance que la proposition de loi de M. Fauchon qui reviendra en deuxième lecture sera ouverte. C'est ce que l'on nous a dit la semaine dernière ; j'ai d'ailleurs accepté de retirer deux ou trois amendements la semaine dernière, en indiquant que je me réservais de reprendre cette discussion, en accord d'ailleurs avec le rapporteur de la commission des lois et peut-être même le président de la commission des lois, lorsque la proposition de loi de M. Fauchon nous sera soumise en deuxième lecture.
Mais j'ai appris tout à l'heure, de la bouche du rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, qui a prévenu mon groupe politique, qu'un accord pourrait être conclu entre M. Fauchon et l'Assemblée nationale, pour que nous votions ici, en deuxième lecture, conforme la proposition de loi de M. Fauchon modifiée et complétée par l'Assemblée nationale.
Je voudrais savoir ce qu'il en est exactement parce que l'on ne peut pas nous « baguenauder » ainsi pendant toute la session, en nous disant : ce n'est pas maintenant, c'est tout à l'heure ; ce n'est pas tout à l'heure, c'est maintenant ; ce n'est pas aujourd'hui, c'est demain, etc... ! Sur un plan purement sexuel, par exemple, certains sont devenus fous avec de tels allers et retours ! (Rires.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'aministration générale. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse. Certes, je vais vous permettre de m'interrompre, mais je voudrais savoir ce qu'il en est exactement. Cela ne nous empêchera pas de présenter nos amendements ; mais s'il doit être entendu à l'avance qu'ils ne seront pas adoptés parce que l'on veut faire un « conforme », je ne retire rien du tout !
M. le président. La parole est M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Puisque nous sommes dans le domaine de la fabulation, du on-dit ou du racontar, je ne sais vraiment pas comment vous répondre ! Ce n'est pas sérieux !
Moi, je peux vous dire qu'à ma connaissance ce texte viendra devant la commission des lois quand il reviendra de l'Assemblée nationale. Il sera normalement discuté et la commission fera les propositions qu'elle entend faire et la Haute Assemblée décidera. Il paraît peu convenant de subordonner la suite de notre discussion à...
M. Hilaire Flandre. A un engagement !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... à la vérification d'un on-dit !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur Larché, qu'il n'y ait pas de malentendu : il n'est pas question de soumettre la commission des lois à quelque mandat impératif que ce soit. Ce que nous souhaitons, et je pense que c'est également l'opinion de M. Vasselle, c'est que nos textes puissent être discutés et que le Sénat puisse se prononcer à leur sujet sans aucune obligation ni contrainte.
Si le président de la commission des lois nous confirme qu'il n'est pas question de partir sur la base d'un vote conforme - ce qui ne veut pas dire que la commission des lois n'a pas le droit de changer d'avis, lorsqu'elle sera saisie, en deuxième lecture, de la proposition de M. Fauchon - donc, si d'ores et déjà les choses ne sont pas déterminées, je veux bien en tenir compte, pour simplifier, et accepter de ne pas insister aujourd'hui comme, je le pense, M. Vasselle. Mais si nous devions nous sentir floués, lorsque la proposition de loi de M. Fauchon viendra en deuxième lecture, cela augure mal de notre souplesse et de notre bienveillance dans des débats ultérieurs.
En tout état de cause, je ne peux pas me prononcer sur l'amendement n° 88 rectifié de M. Vasselle, mais, pour ce qui est de mes amendements n°s 141, 142 et 143, compte tenu de la confiance que je porte à la parole de M. le président de la commission des lois, je les retire.
M. le président. Les amendements n°s 141, 142 et 143 sont retirés.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Au bénéfice de la confiance incommensurable que je porte à M. le président de la commission et à M. le rapporteur, je suis M. Charasse en retirant mon propre amendement.
Mais les choses doivent être claires. J'ai l'habitude de parler franc et d'être très direct - je suppose que M. Charasse le ferait également - je reprendrai l'initiative lorsque la proposition de loi de M. Fauchon viendra en deuxième lecture car je tiens à dire ici - cela n'engage que moi, mais je crois savoir que quelques autres collègues ne sont pas loin de partager mon sentiment - que ce texte ne me satisfait pas.
Je considère que nous n'avons pas réglé, une fois pour toutes, le problème de l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les élus locaux. Il faudra aller plus loin ; la proposition de loi de M. Fauchon en est l'occasion, au bénéfice d'ailleurs des réflexions et des amendements qui auront été apportés par l'Assemblée nationale. Cet éclairage supplémentaire permettra à la Haute Assemblée d'aller encore plus loin s'agissant des dispositions législatives à prendre sur ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 88 rectifié est retiré.

Chapitre III

Dispositions renforçant le droit à être jugé
dans un délai raisonnable

Article 20



M. le président.
« Art. 20. - Après l'article 77-1 du même code, sont insérés deux articles 77-2 et 77-3 ainsi rédigés :
« Art. 77-2 . - Toute personne placée en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec accusé de réception.
« Dans le mois suivant la réception de la demande, le procureur de la République compétent doit soit engager des poursuites contre l'intéressé, soit engager l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-4, soit lui notifier le classement sans suite de la procédure à son égard, soit, s'il estime que l'enquête doit se poursuivre, saisir le président du tribunal de grande instance. A défaut de saisine de ce magistrat, il ne peut être procédé contre l'intéressé, à peine de nullité, à aucun acte d'enquête postérieurement au délai d'un mois à compter de la réception de la demande.
« Lorsque le président du tribunal de grande instance est saisi en application des dispositions du précédent alinéa, il entend, au cours d'un débat contradictoire, les observations du procureur de la République et de la personne intéressée, assistée le cas échéant par son avocat. A l'issue de ce débat, le président décide si l'enquête peut être poursuivie. En cas de réponse négative, le procureur de la République doit, dans les deux mois, soit engager des poursuites contre l'intéressé, soit lui notifier le classement sans suite de la procédure à son égard, soit engager l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-4. Si le président autorise la continuation de l'enquête, il fixe un délai qui ne peut être supérieur à six mois, à l'issue duquel la personne intéressée peut, le cas échéant, faire à nouveau application des dispositions du présent article.
« Si la personne intéressée en fait la demande, le débat contradictoire prévu à l'alinéa précédent se déroule en audience publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations nécessitées par l'enquête, à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le président du tribunal de grande instance statue sur cette demande par une décision motivée qui n'est pas susceptible de recours.
« Art. 77-3 . - Non modifié. »
Par amendement n° 43, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, à la fin du premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 77-2 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « accusé de réception » par les mots : « demande d'avis de réception ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 44, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans les deuxième, troisième et quatrième alinéas du texte présenté par l'article 20 pour l'article 77-2 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « président du tribunal de grande instance » par les mots : « juge des libertés ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à donner au juge des libertés, dont nous avons admis le principe et l'ensemble des pouvoirs lors de nos premières délibérations, le pouvoir de contrôler l'évolution des enquêtes préliminaires.
Comme je l'avais déjà dit, le juge des libertés n'interviendrait pas seulement pour toutes les procédures ou instructions ; il sera le gardien des libertés individuelles et il interviendra pour toute une série d'affaires dont j'avais déjà donné d'ailleurs la liste.
Il s'ensuit cet amendement qui vise à remplace les mots « président du tribunal de grande instance » par les mots « juge des libertés ».
M. le président. Par amendement n° 45, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 20 pour l'article 77-2 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « le président décide », par les mots : « le juge des libertés décide ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 44 et 45 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable par coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article 20 bis

M. le président. L'article 20 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 21



M. le président.
« Art. 21. - I. - Le deuxième alinéa de l'article 89-1 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est inférieur à un an en matière délictuelle et dix-huit mois en matière criminelle, le juge d'instruction en avise la partie civile. Si le juge ne peut fixer un délai prévisible d'achèvement inférieur à ces durées, il indique à la partie civile qu'elle pourra demander, en application de l'article 175-1, la saisine du président de la chambre d'accusation au bout d'une année en matière délictuelle et de dix-huit mois en matière criminelle.
« Les avis prévus par le présent article peuvent également être faits par lettre recommandée. »
« II. - Il est inséré, après le quatrième alinéa de l'article 116 du même code, un alinéa ainsi rédigé :
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est inférieur à un an en matière délictuelle et dix-huit mois en matière criminelle, le juge d'instruction en avise la personne mise en examen. Si le juge ne peut fixer un délai prévisible d'achèvement inférieur à ces durées, il indique à la personne qu'elle pourra demander, en application de l'article 175-1, la saisine du président de la chambre d'accusation au bout d'une année en matière délictuelle et de dix-huit mois en matière criminelle. »
« III. - L'article 175-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 175-1. - Le témoin assisté, la personne mise en examen ou la partie civile peut, si l'information n'est pas close à l'issue d'un délai de douze mois en matière délictuelle ou dix-huit mois en matière criminelle à compter, selon le cas, de la date de la première audition, de la première comparution ou de celle du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, demander au juge d'instruction de transmettre immédiatement le dossier de la procédure au président de la chambre d'accusation. Le juge d'instruction effectue cette transmission par une ordonnance motivée justifiant la durée de l'information et les perspectives de son règlement.
« Dans les huit jours de la réception de ce dossier, le président peut autoriser le juge d'instruction, par une ordonnance non susceptible d'appel, à poursuivre l'information pour une durée qui ne peut excéder six mois.
« Dans le même délai, il peut également transmettre le dossier de la procédure au procureur général qui le soumet à la chambre d'accusation dans les conditions prévues aux articles 194 et suivants. Celle-ci peut ordonner soit le renvoi devant la juridiction de jugement ou la mise en accusation devant la cour d'assises, soit le non-lieu à suivre. Elle peut également soit renvoyer le dossier au même juge d'instruction ou à tel autre aux fins de poursuite de l'information, soit évoquer et procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202 et 204, auxquels cas elle fixe un délai qui ne peut excéder un an en matière délictuelle ou dix-huit mois en matière criminelle ; si l'information n'est toujours pas close à l'issue de ce nouveau délai, la chambre d'accusation peut, selon la même procédure et les mêmes conditions, le proroger.
« Jusqu'à ce que la chambre d'accusation ait statué, le juge d'instruction peut procéder à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. »
Par amendement n° 46, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article 89-1 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est inférieur à un an, le juge d'instruction donne connaissance de ce délai à la partie civile et l'avise qu'à l'expiration dudit délai elle pourra demander la clôture de la procédure en application des dispositions de l'article 175-1. Si le juge ne peut fixer un délai prévisible d'achèvement inférieur à un an, il indique à la partie civile qu'elle pourra demander, en application de ce même article, la clôture de la procédure au bout d'une année.
« Les avis prévus au présent article peuvent également être faits par lettre recommandée. »
« II. - L'article 175-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 175-1. - La personne mise en examen ou la partie civile peut, à l'expiration du délai qui lui a été indiqué en application du cinquième alinéa de l'article 116 ou du deuxième alinéa de l'article 89-1, ou, si un tel délai n'a pas été notifié, après qu'une année s'est écoulée à compter, respectivement, de la date de la mise en examen ou de la constitution de partie civile, demander au juge d'instruction, selon les modalités prévues au dixième alinéa de l'article 81, de prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou de transmettre la procédure au procureur général, ou de déclarer qu'il n'y a pas lieu à suivre, y compris en procédant, le cas échéant, à une disjonction. Cette demande peut également être formée lorsqu'aucun acte d'instruction n'a été accompli pendant un délai de quatre mois.
« Dans le délai d'un mois à compter de la réception de cette demande, le juge d'instruction y fait droit ou déclare, par ordonnance motivée, qu'il y a lieu à poursuivre l'information. Dans le premier cas, il procède selon les modalités prévues à la présente section. Dans le second cas, ou à défaut pour le juge d'avoir statué dans le délai d'un mois, la personne peut saisir le président de la chambre de l'instruction en application de l'article 207-1. Cette saisine doit intervenir dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision du juge ou l'expiration du délai d'un mois.
« Lorsque le juge d'instruction a déclaré qu'il poursuivait son instruction, une nouvelle demande peut être formée à l'expiration d'un délai de six mois.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables après l'envoi de l'avis prévu au premier alinéa de l'article 175. »
« III. - Après l'article 175-1 du même code, il est inséré un article 175-2 ainsi rédigé :
« Art. 175-2. - En toute matière, la durée de l'instruction ne peut excéder un délai raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen, de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense.
« Si, à l'issue d'un délai de deux ans à compter de l'ouverture de l'information, celle-ci n'est pas terminée, le juge d'instruction rend une ordonnance motivée par référence aux critères prévus à l'alinéa précédent, expliquant les raisons de la durée de la procédure, comportant les indications qui justifient la poursuite de l'information et précisant les perspectives de règlement. Cette ordonnance est communiquée au président de la chambre de l'instruction qui peut, par requête, saisir cette juridiction conformément aux dispositions de l'article 221-1.
« L'ordonnance prévue à l'alinéa précédent doit être renouvelée tous les six mois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'importance de cet amendement ne vous a sans doute pas échappé. Il s'agit de revenir au dispositif prévu par le projet de loi initial, s'agissant du contrat de procédure et du « droit au cri ».
Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale pouvait aboutir à bloquer les instructions en prévoyant la transmission au président de la chambre d'accusation du dossier de l'instruction à l'issue d'un délai d'un an. Le Sénat avait prévu, en première lecture, une demande de clôture au bout d'un an et, à la demande de M. Hyest, un renvoi obligatoire du dossier au président de la chambre d'accusation au terme d'une période de deux ans.
Notre amendement tend à revenir au système que nous avions prévu lors de la première lecture. La commission saisit l'occasion de cette deuxième lecture pour vous proposer d'en améliorer la rédaction en reprenant un amendement déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale et que celle-ci n'avait pas retenu. L'objectif est en fait, sur le fond, de revenir aux dispositions adoptées par le Sénat en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement, qui est un nouvel exemple du rôle très constructif du Sénat.
Votre assemblée a amélioré, en première lecture, la disposition initialement présentée, en ajoutant au mécanisme du calendrier prévisionnel proposé par le Gouvernement un contrôle automatique de la chambre d'accusation à l'issue d'un délai de deux ans.
Votre commission propose de rétablir ce contrôle qui a été supprimé par l'Assemblée nationale en reprenant sous une forme très légèrement différente un amendement que j'avais déposé à l'Assemblée nationale et qui était directement inspiré du texte que vous aviez adopté en première lecture. Là encore, je ne peux que me réjouir de cette amélioration et, évidemment, de la communauté de vues qui existe entre le Gouvernement et le Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 21



M. le président.
Par amendement n° 131, MM. Charasse et Dreyfus-Schmidt proposent d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 432-14 du code pénal est complété, in fine, par un second alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les violations des dispositions du code des marchés publics ne peuvent donner lieu qu'à réparation civile, quand elles n'ont pas été commises intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel de leurs auteurs ou de leurs bénéficiaires. »
L'amendement est-il soutenu ?...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je le reprends, monsieur le président, la commission ayant émis un avis favorable.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 131 rectifié, présenté par M. Jolibois, au nom de la commission.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement soulève un problème très important - la complexité des règles relatives aux marchés publics - et recouvre une partie des préoccupations que nous avons évoquées tout à l'heure lorsque M. Vasselle a exposé son amendement.
Dans de petites collectivités, la passation de marchés publics est effectivement extrêmement risquée : très souvent, on peut se trouver en infraction sans même en avoir conscience.
Une refonte du code des marchés publics avait été annoncée, mais on n'a rien vu venir malgré les appels réitérés des parlementaires.
Dans l'attente d'une vraie réforme, cet amendement de M. Charasse a le mérite d'éviter que des personnes parfaitement honnêtes ne se trouvent poursuivies pénalement parce qu'elles n'ont pas respecté une procédure qui - il faut le reconnaître - est très souvent difficile à maîtriser.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement tendant à restreindre le champ d'application du délit de favoritisme aux seules violations du code des marchés publics qui auraient « été commises intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel de leurs auteurs ou de leurs bénéficiaires ».
J'observe, en premier lieu, que - contrairement à ce que semble sous-entendre cet amendement - le délit de favoritisme n'a pas la portée générale que certains veulent bien lui prêter. Le délit de favoritisme est bien un délit intentionnel.
Les juridictions de fond ne se contentent pas, en effet, de démontrer la violation en connaissance de cause d'une disposition du code des marchés publics. Elles caractérisent aussi l'intention coupable par des éléments objectifs tirés de la procédure de passation du marché, tels que l'existence d'autres infractions - faux en écriture, corruption, prise illégale d'intérêts -, la succession, la gravité ou l'évidence des irrégularités ou des manquements constatés, le niveau de formation, l'expérience, l'ancienneté dans les fonctions électives de l'auteur du délit.
Par ailleurs, le critère de l'enrichissement personnel ne me paraît ni juridiquement fondé ni en vérité très opérationnel. Le droit pénal est indifférent au mobile. Or l'amendement proposé érige en élément constitutif de l'infraction ce qui n'est que son mobile.
En outre, des hésitations jurisprudentielles ne manqueront pas de surgir quant à la définition de la notion d'enrichissement personnel, qui pourrait se caractériser soit par un accroissement du patrimoine, soit par l'absence d'appauvrissement. Ainsi, loin d'accroître la lisibilité de la loi pénale, l'amendement proposé générerait une insécurité juridique accrue au préjudice des élus.
J'ajoute que, si la jurisprudence adoptait une conception restrictive de l'enrichissement personnel, seraient désormais exonérés de responsabilités pénales les auteurs d'agissements pouvant s'avérer préjudiciables à la loyauté de la concurrence mais qui, pour autant, n'en tireraient aucun bénéfice personnel. L'existence de l'enrichissement personnel conduirait donc à « patrimonialiser » la commande publique.
Je rappelle enfin que le délit de favoritisme est intimement lié à la moralisation de la vie publique. Son objet est de sanctionner pénalement les premiers signes de corruption, à savoir la passation d'un marché en violation des règles garantissant la mise en concurrence loyale et égalitaire des candidats. La restriction de son champ d'application serait donc en contradiction avec la volonté d'accroître la transparence de la vie politique et économique.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 131 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voudrais d'abord remercier M. le rapporteur d'avoir bien voulu reprendre cet amendement. J'ai été retardé dans le couloir et, au moment où j'ai rejoint l'hémicycle, ce texte avait été appelé. J'ai bien des problèmes avec le temps, cet après-midi !... (sourires.)
Je remercie également M. le rapporteur d'avoir exposé de la façon la plus claire l'objet de cet amendement, qui vise, naturellement, non pas à couvrir d'horribles turpitudes, mais à avoir une vue réaliste des choses telles qu'elles se passent aujourd'hui.
Le code des marchés est d'une incroyable complexité. Il a été modifié à plusieurs reprises ces dernières années, mais toujours dans le sens de la complication.
Il nous arrive aux uns et aux autres, lorsque nous présidons une commission d'adjudication, de nous poser des questions, de nous demander si nous avons le droit ou non de faire ceci ou cela. Or les services qui nous conseillent - dans les petites communes ils sont d'ailleurs peu nombreux, voire inexistants - ne savent pas toujours à quoi s'en tenir.
J'ajoute, madame le garde des sceaux - vous pouvez faire la commission - que l'on ne peut pas tellement compter sur le concours des services de la concurrence et de la consommation !... Dans les communes rurales, les commissions d'adjudication ont lieu le vendredi soir, le samedi et le dimanche, et ces jours-là - je le dis aux maires des collectivités plus importantes - vous êtes tranquilles, vous êtes sûrs qu'il n'y aura personne du ministère des finances, les personnels sont en week-end. Cela ne les empêche pas de faire des observations a posteriori. Ils ne s'en privent pas !
Chaque fois, je leur dis : « Vous étiez sous la table, on ne vous a pas vus !. » Mais, Dieu merci ! j'ai peu d'observations parce que je fais plutôt attention. Cela vaut mieux, d'ailleurs, parce que certains sont très attentifs, font très attention au fait que d'autres ne font pas attention, vous voyez ce que je veux dire !...
Cet amendement vise donc à éviter des « chicayas ». Au fond, madame le garde des sceaux, à la limite, on aurait pu prévoir la violation des dispositions « non substantielles » portant sur une question de détail non fondamentale.
Lorsqu'un marché est divisé en plusieurs lots et que la même entreprise est candidate à plusieurs lots, elle doit fournir le même dossier pour chaque lot. Si, pour le deuxième lot, elle a oublié, par exemple, l'attestation d'assurance qui figure au dossier du premier lot, elle doit être écartée alors que cette attestation, la commission la détient, elle est sur la table, à côté de nous. Si on applique les textes strictement, tels qu'ils ont été écrits par des gens intelligents, on est obligé d'écarter cette entreprise.
Quand je parle de « gens intelligents », il se trouve que je les connais, que je sais de qui je parle. Et, pour certains, leur situation ne s'améliore pas.
Je serais prêt, madame le garde des sceaux, à accepter qu'à la faveur de la commission mixte paritaire, par exemple, vous proposiez un seuil ou une somme. Il est bien évident que, si une violation involontaire devait entraîner un préjudice considérable, on pourrait se poser la question de savoir si, au fond, le pénal n'a pas son mot à dire.
Mais ce qui compte dans cette affaire et au stade où nous en sommes, c'est-à-dire avant la commission mixte paritaire, c'est que le Sénat confirme sa volonté, exprimée en première lecture, de régler ce genre de problèmes.
Dans mon esprit, en tant qu'auteur de cet amendement, il s'agit naturellement de petites sommes et non de plusieurs milliards de francs, de marchés conclus par de petites communes plutôt que par de grandes collectivités.
Si le Sénat adoptait cet amendement, je suis persuadé que, en commission mixte paritaire, la bonne solution serait trouvée ; il s'agit d'une mesure qui ne serait pas exagérée, mais qui serait suffisante pour un très grand nombre d'élus locaux, notamment de petites et moyennes communes qui ont quelquefois bien des ennuis pour des marchés modestes parce que, involontairement, ils n'ont pas respecté telle ou telle disposition. Pourtant, ils l'ont fait sans penser à mal, sans s'enrichir, et même sans penser à enrichir celui qui a bénéficié du marché.
Je remercie à nouveau M. Jolibois d'avoir repris cet amendement, que je voterai naturellement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.

Articles 21 bis A et 21 bis B

M. le président. Les articles 21 bis A et 21 bis B ont été supprimés par l'Assemblée nationale.
Conformément à la décision de la conférence des présidents, nous allons interrompre la discussion de ce texte et aborder le point suivant de notre ordre du jour.

9

VALIDATION LÉGISLATIVE

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 245, 1999-2000) adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire. (Rapport n° 288 [1999-2000].)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis à votre examen a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Je remercie votre commission des lois, son président, Jacques Larché, et son rapporteur, M. Georges Othily, de vous proposer de l'adopter sans modification.
Je vois d'ailleurs une certaine continuité entre les deux assemblées quand je constate que l'auteur de la proposition de loi, M. le député André Gérin, est le rapporteur du budget de l'administration pénitentiaire et que M. le sénateur Georges Othilly exerce la même fonction au sein de la Haute Assemblée.
Le texte que votre commission des lois vous propose d'adopter apportera à un grand nombre d'agents de l'administration pénitentiaire un apaisement auxquels ils aspirent après avoir craint de voir remettre en cause leur situation professionnelle.
Je rappellerai brièvement les événements qui sont à l'origine de ce texte et la situation susceptible d'en résulter pour certains agents de l'administration pénitentiaire avant d'aborder, plus brièvement encore, les questions juridiques susceptibles de se poser.
Sur les événements se trouvant à l'origine de la proposition de loi, ce texte a pour objet de valider les promotions de 181 fonctionnaires au grade de premier surveillant de l'administration pénitentiaire.
Ces promotions prenaient respectivement effet au 1er juillet 1992 et au 1er mars 1993 et faisaient suite à un arrêté ministériel du 10 avril 1992 fixant le liste d'aptitude à l'exercice des fonctions de premier surveillant telle qu'elle avait été établie à l'issue de l'examen professionnel d'accès à ce grade organisé au titre de la session 1991-1992.
Elles ont été annulées par deux jugements du tribunal administratif de Paris des 20 mai et 1er juillet 1997 confirmés en appel le 4 juin 1998.
Ces décisions étaient fondées sur deux motifs tirés d'irrégularités formelles dans l'organisation de l'examen.
Le premier de ces motifs tenait à la désignation de certains examinateurs en dehors des membres du jury. Je précise qu'un arrêté ministériel du 20 janvier 1978, signé du directeur de l'administration pénitentiaire de l'époque, autorisait alors le président du jury à faire appel à d'autres examinateurs participant aux épreuves de sélection dans les mêmes conditions que les membres du jury.
L'objet de cette disposition était de permettre de recourir à des compétences extérieures pour la bonne organisation d'épreuves auxquelles se présentent un très grand nombre de candidats. Cet arrêté a été invalidé par les décisions que je viens d'évoquer.
Le second motif tenait à l'absence de mention au procès-verbal des délibérations d'une péréquation des notes entre les différents groupes d'examinateurs. C'était une erreur purement formelle, bien que particulièrement regrettable, car la péréquation avait bien eu lieu.
Autrement dit, le concours n'a été entaché d'aucune fraude portant atteinte à l'égalité entre les candidats. Or les conséquences d'une annulation susceptible d'intervenir pour les agents sont d'une gravité très disproportionnée au regard des erreurs que je viens de rappeler.
Quelles seraient les conséquences pour les agents si le concours n'était pas validé ?
Je rappelle que 181 agents sont directement concernés par l'invalidation de l'examen qui leur a permis d'accéder aux fonctions de premier surveillant. Certains ont, depuis leur promotion, pris des grades supplémentaires.
D'autres ont été admis à la retraite et l'annulation de leur nomination en qualité de premier surveillant aurait pour effet de remettre en cause le montant de leur pension, calculée à partir du dernier indice de traitement d'activité perçu. Il faut aussi penser aux ayants droit de deux agents décédés depuis.
Toutes ces situations se trouveraient brusquement compromises.
En outre, la promotion au grade de premier surveillant des agents concernés a induit de nouveaux recrutements et des mutations en vue de combler la vacance des emplois de surveillant qu'ils occupaient précédemment. Les personnels ainsi recrutés ou mutés pourraient également voir leur situation remise en cause si l'administration procédait à la rétrogradation des 181 agents.
Enfin, certains de ces agents ont siégé en qualité de représentant des premiers surveillants à la commission administrative paritaire du corps de gradés et surveillants, chargée d'émettre des avis sur les mesures individuelles intéressant la carrière des membres de ce corps, qu'il s'agisse de décisions concernant des mutations, des avancements ou des mesures de discipline. Cette circonstance pourrait être la cause de contestations de la validité des avis émis par une commission paritaire ainsi jugée irrégulièrement composée.
En définitive, c'est la régularité de plus de 3 000 décisions individuelles prononcées après avis de cette commission qui pourrait se trouver soumise à contestation.
Il est vrai, comme le relève votre commission des lois, que la théorie jurisprudentielle dite « des fonctionnaires de fait » laisserait augurer favorablement de l'issue d'un contentieux, mais il demeure que les agents seraient, au moins pendant un temps, placés dans une situation réelle d'insécurité juridique.
La validation législative est ici non seulement le meilleur mais aussi l'unique moyen de remédier à ces difficultés.
Le recours à cette procédure pour pallier les effets de ce qui est indiscutablement un dysfonctionnement administratif peut, j'en suis consciente, susciter des interrogations.
Mes services ont, bien sûr, été sensibilisés à l'obligation qui leur incombe d'éviter le renouvellement d'une telle situation, dont je comprends, moi aussi, que personne ne puisse la trouver satisfaisante.
Mais, pour autant, peut-on faire supporter les conséquences d'une erreur, si regrettable soit-elle, à des fonctionnaires qui y sont totalement étrangers ? Je ne le pense pas. Votre commission des lois ne l'a pas voulu et je l'en remercie.
Reste à examiner si cette validation législative est juridiquement possible.
Votre commission des lois rappelle que le juge constitutionnel subordonne la constitutionnalité d'une loi de validation au respect de la chose jugée, d'une part, à sa justification par des nécessités d'intérêt général, d'autre part.
Je crois pouvoir ici faire miennes, sans les développer plus avant, ses observations, qui rejoignent en tous points mon analyse, aux termes de laquelle ces deux critères sont ici réunis.
Ainsi, cette proposition de validation législative est régulière en droit et, j'espère vous l'avoir montré, justifiée en opportunité. L'Assemblée nationale l'a admis à l'unanimité. Je souhaite que vous partagiez cette analyse, dans le contexte d'une actualité où les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sont particulièrement sensibles à l'attention qui leur est portée.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de M. André Gérin, député, adoptée sans modification par l'Assemblée nationale le 29 février 2000, comporte un article unique tendant à valider les promotions au grade de premier surveillant de l'administration pénitentiaire, qui sont consécutives à un examen professionnel organisé en 1991 et qui ont, depuis lors, été annulées par la juridiction administrative.
L'examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant, transformé en concours interne en 1993, constitue une voie de promotion interne au sein du corps des surveillants de l'administration pénitentiaire.
A l'issue de l'organisation de cet examen professionnel au titre de la session 1991-1992, 181 fonctionnaires ont été promus, les uns à compter du 1er juillet 1992 et les autres à compter du 1er mars 1993, par des décisions du directeur de l'administration pénitentiaire datées respectivement des 4 mai et 2 décembre 1992.'
Cependant, ces décisions ont été annulées par deux jugements du tribunal administratif de Paris des 20 mai et 1er juillet 1997, confirmés par deux arrêts de la cour administrative d'appel de Paris du 4 juin 1998.
Ces jugements sont fondés sur la désignation d'examinateurs en dehors des membres du jury et l'absence de mention au procès-verbal d'une péréquation des notes attribuées aux candidats, qui sont apparues contraires aux dispositions du dernier alinéa de l'article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant statut général de la fonction publique de l'Etat.
La cour administrative d'appel a en effet considéré que la constitution de quatorze groupes d'examinateurs, eu égard aux modalités retenues, n'avait pas permis d'assurer le respect du principe d'égalité entre les candidats.
Cette jurisprudence a conduit le Gouvernement à proposer au Parlement de régulariser les promotions au grade de premier surveillant consécutives au concours interne organisé en 1997, qui risquaient d'être annulées par le juge administratif pour les mêmes raisons. Ces promotions ont ainsi déjà été validées par l'article 5 de la loi n° 99-957 du 22 novembre 1999 portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable. En outre, les modalités d'organisation du concours interne d'accès au grade de premier surveillant ont désormais été réformées afin de prendre en compte la jurisprudence relative à l'examen professionnel de 1991.
Reste néanmoins posé le problème résultant des conséquences pratiques de l'annulation de ce dernier examen, qui soulèvent de nombreuses difficultés alors que près de huit années se sont écoulées depuis les promotions des agents intéressés.
Les décisions précitées de la cour administrative d'appel de Paris en date du 4 juin 1998 ont en effet pour conséquence de remettre en cause la carrière des 181 fonctionnaires concernés du fait de la perte du bénéfice de leur nomination au grade de premier surveillant.
Pour exécuter ces décisions, l'administration est en principe tenue d'organiser un nouvel examen professionnel se substituant à celui qui a été annulé, ce qui entraîne la nécessité de procéder à de multiples reconstitutions de carrière à l'issue de ce nouvel examen.
Certes, en application de la théorie jurisprudentielle dite des « fonctionnaires de fait », les actes accomplis par les fonctionnaires concernés avant l'annulation de leur nomination seraient considérés comme valables et les intéressés n'auraient pas à rembourser les rémunérations qui leur ont été versées avant cette annulation.
En revanche pourraient être remises en cause leurs rémunérations pour l'avenir, de même que les montants des pensions versées à ceux qui ont depuis lors été admis à la retraite, ainsi qu'aux ayants droit des agents décédés.
En outre, la situation des agents qui ont remplacé les 181 fonctionnaires irrégulièrement promus pourrait également être compromise.
Enfin, la régularité de plus de 3 000 décisions individuelles prononcées, après avis d'une commission administrative paritaire, en matière de mutation, d'avancement ou de discipline, pourrait être contestée en raison de la participation à ladite commission paritaire de certains agents dont la promotion a été annulée.
Toutes ces difficultés ont conduit Mme le garde des sceaux à considérer devant l'Assemblée nationale, lors de la discussion de la présente proposition de loi, que les conséquences susceptibles de découler, pour les agents, de l'annulation de l'examen professionnel de 1991, étaient « d'une gravité très disproportionnée au regard de l'erreur commise » et que la validation législative était, en l'espèce, « non seulement le meilleur mais aussi l'unique moyen de ne pas s'engager dans un processus impossible ».
Si une mesure de validation législative apparaît donc justifiée en opportunité, il importe néanmoins de s'assurer qu'elle est possible sur le plan juridique, eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Celle-ci, en effet, soumet les lois de validation à deux conditions essentielles, comme l'a rappelé Mme le garde des sceaux : le respect de l'autorité de la chose jugée, conformément au principe de la séparation des pouvoirs, et la justification de la validation par un motif d'intérêt général.
S'agissant de la première condition, une loi de validation ne peut revenir sur une décision de justice devenue définitive, car « il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions », selon une décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet 1980.
Certes, les voies d'appel sont, en l'espèce, épuisées, mais certains agents dont la promotion a été annulée ont engagé une procédure de tierce opposition - sur le fondement de l'article R. 225 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel - qui permet à toute personne de remettre en cause un jugement qui préjudicie à ses droits, dès lors qu'elle n'a pas été représentée au cours de l'instance ayant abouti à cette décision.
Dans la mesure où une décision de justice ne passe en force de chose jugée vis-à-vis des tiers opposants qu'à compter du rejet éventuel de la tierce opposition, on peut donc considérer que les décisions précitées de la cour administrative d'appel de Paris ne sont pas définitives à l'égard des tiers opposants et qu'une mesure de validation législative est encore possible.
En ce qui concerne la condition tenant aux motifs justifiant la validation, l'existence d'un motif d'intérêt général ne fait guère de doute. En effet, le Conseil constitutionnel admet que des mesures relatives aux agents publics puissent être validées afin de préserver le « déroulement normal des carrières du personnel ».
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité d'une loi de validation dès lors qu'elle n'intervient pas en matière pénale et qu'elle ne concerne pas des actes pouvant être assimilés à des sanctions.
Aux termes de cet examen, la validation proposée apparaît sans doute envisageable, même si elle n'est guère satisfaisante sur le plan des principes. Elle présente en tout état de cause l'avantage d'éviter les difficultés liées à l'organisation d'un nouveau concours et d'assurer la sécurité juridique des fonctionnaires intéressés.
Je vous propose donc d'adopter sans modification la présente proposition de loi soumise à la Haute Assemblée. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Sont validées rétroactivement les promotions au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire prononcées par le directeur de l'administration pénitentiaire en application de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 10 avril 1992 portant liste d'aptitude aux fonctions de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, établie à l'issue de la session 1991-1992 de l'examen professionnel organisé conformément au décret n° 77-1540 du 31 décembre 1977, relatif au statut particulier du personnel de surveillance des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, et à l'arrêté ministériel du 20 janvier 1978. »

La parole est à M. Bret pour explication de vote.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon propos sera bref, car notre collègue M. Georges Othily a présenté, de manière précise, le contenu de cette proposition de loi de mon ami M. André Gérin, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 29 février dernier.
Je tiens d'ailleurs à rappeler que j'avais moi-même déposé, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, une telle proposition, le 22 décembre 1999, sous le numéro 157.
Notre objectif était donc clair et simple : il s'agissait d'éviter de faire payer à 181 personnes membres du personnel de l'administration pénitentiaire des défauts, voire des erreurs, d'organisation d'un examen professionnel organisé en 1991.
Il aurait été inacceptable, en effet, d'obliger ces personnels à repasser le concours. Depuis 1993, un concours a remplacé l'examen.
De plus, l'annulation définitive des promotions prononcées en 1992 aurait eu pour effet de remettre en cause la carrière de ces agents. Cette rétrogradation aurait eu pour conséquence la révision des traitements ou des pensions de réversion versées aux conjoints des agents décédés depuis.
Je vous demande, madame la ministre, de mettre tout en oeuvre pour éviter que de telles difficultés ne se reproduisent, poussant le Parlement à utiliser une procédure atypique, dont il ne faudrait surtout pas abuser. Le fait d'avoir transformé l'examen professionnel en concours apporte un certain nombre de garanties, mais pas suffisamment semble-t-il, puisque déjà une mesure de validation a été nécessaire en 1997.
Nous comptons donc, madame la ministre, sur votre vigilance en la matière.
La mesure que cette proposition de loi met en exergue est une mesure d'intérêt général. Il ne s'agit aucunement d'une accumulation d'intérêts individuels, c'est une mesure de justice à l'égard du personnel pénitentiaire à l'heure où la question des prisons est au centre des débats. Nous savons bien ici que la question des conditions de vie des prisonniers est étroitement liée aux conditions de travail du personnel pénitentiaire.
C'est après avoir ajouté ces quelques remarques au rapport de M. Othily que je voterai, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Sutour pour explication de vote.
M. Simon Sutour. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite que le rapporteur ait proposé à notre assemblée d'adopter conforme cette proposition de loi tendant à valider les promotions au grade de premier surveillant de l'administration pénitentiaire consécutives à un examen professionnel organisé en 1991.
En effet, l'annulation par la juridiction administrative soulève de nombreuses difficultés, alors qu'il est avéré que le concours lui-même n'a été entaché d'aucune fraude portant atteinte à l'égalité des candidats.
Si 181 fonctionnaires sont directement concernés par l'invalidation de l'examen qui leur a permis d'accéder aux fonctions de premier surveillant, ce sont 3000 décisions individuelles prononcées après avis de cette commission qui pourraient se trouver mises en cause.
Le groupe socialiste est donc favorable à cette proposition de loi proposant la validation du concours en cause et la votera.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
M. Emmanuel Hamel. Nous voterons la proposition de loi !

(La proposition de loi est adoptée.)

10

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 275, 1999-2000) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici au terme du processus législatif concernant le projet de loi relatif à la lutte contre la corruption, en particulier dans le domaine du commerce international.
La commission mixte paritaire est parvenue à élaborer un texte commun aux deux assemblées.
Les deux assemblées avaient en effet la même volonté de mettre fin à des comportements qui portent atteinte aux fondements de la démocratie et entravent gravement le développement économique de nombreux pays.
Toutefois, l'Assemblée nationale et le Sénat avaient quelques divergences d'appréciation relatives aux moyens de lutter contre la corruption. Ces divergences ont pu être surmontées.
Le texte dont je vous propose aujourd'hui l'adoption complète notre code pénal pour y intégrer de nouvelles infractions de corruption d'agents publics appartenant aux pays de l'Union européenne et de corruption d'agents publics étrangers.
Il s'agit de prendre en compte plusieurs conventions signées au sein de l'Union européenne et de l'OCDE. Les nouvelles infractions seront punies de dix ans d'emprisonnement et de 1 million de francs d'amende, conformément au droit actuel en matière de corruption d'agents publics nationaux.
Le Sénat aurait souhaité que les peines d'emprisonnement prévues en matière de corruption d'agents publics étrangers soient plus faibles pour tenir compte du fait que nos principaux partenaires commerciaux se sont dotés d'une législation où les peines les plus fortes sont moitié moins lourdes que celles qui sont prévues par notre code.
Il conviendra, madame la garde des sceaux, de veiller à ce que les autres pays signataires de la convention de l'OCDE, qui ont été prompts à nous donner des leçons - vous le savez -, se montrent aussi rigoureux que la France dans l'application de la convention. En particulier, il nous semble d'ores et déjà que la transposition de la convention de l'OCDE par les Etats-Unis est inacceptable en ce qui concerne l'échelle des peines retenue et la procédure suivie.
Un point essentiel du texte adopté par la commission mixte paritaire est la centralisation des poursuites à Paris, mesure que le Sénat a souhaitée tout au long de la procédure parlementaire. Cette centralisation permettra une grande cohérence de la politique d'action publique dans un domaine extrêmement sensible. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que ce système soit retenu dans le présent projet de loi.
Un autre point mérite d'être mentionné. Dans le projet de loi initial, vous aviez prévu, madame la garde des sceaux, que les nouvelles infractions ne s'appliqueraient pas aux commissions versées dans le cadre des contrats signés avant l'entrée en vigueur de la convention de l'OCDE. Il s'agissait au fond d'inscrire explicitement dans la loi le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Le Sénat a approuvé cette disposition, mais l'Assemblée nationale l'a écartée. Elle a en effet estimé qu'il n'était pas possible de condamner la corruption tout en continuant de tolérer certains versements. Elle a cependant indiqué que le principe de non-rétroactivité était un principe constitutionnel, qui n'avait pas à être rappelé dans la loi.
Aussi, en commission mixte paritaire, nous avons finalement estimé qu'il n'était peut-être pas nécessaire de rappeler ce principe dans la loi. En revanche, nous avons été unanimes pour dire que le principe de non-rétroactivité ne souffrait aucune exception. Cela signifie que les commissions versées dans le cadre de contrats antérieurs à l'entrée en vigueur de la convention de l'OCDE ne sont pas pénalement punissables.
A cet égard, la centralisation des poursuites à Paris est très heureuse, car elle évitera que les procureurs n'aient des pratiques divergentes, notamment sur ce point, d'un parquet à l'autre. En tout état de cause, la volonté du législateur est absolument claire : la nouvelle loi ne s'applique pas aux commissions versées dans le cadre de contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.
Tels sont, monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les éléments les plus saillants du texte, adopté par la commission mixte paritaire, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Le projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption revient devant le Sénat après qu'un accord a été trouvé en commission mixte paritaire.
Je me réjouis de cet accord et remercie tout particulièrement votre rapporteur, M. José Balarello, de l'excellente qualité du travail accompli tout au long de la procédure parlementaire et, en dernier lieu, devant la commission mixte paritaire.
Je ne peux que me féliciter de la teneur de ce texte, qui permettra à la France non seulement de respecter les engagements internationaux qu'elle a souscrits, mais aussi d'être l'un des pays les mieux armés juridiquement pour lutter contre la corruption internationale.
Une faillite importante est ainsi comblée dans notre droit positif : la corruption d'un fonctionnaire étranger est désormais punissable.
Les principales dispositions de ce texte traduisent la volonté du Gouvernement de lutter de façon implacable contre la corruption sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de l'extension de la répression de la corruption aux versements faits à des fonctionnaires étrangers « à tout moment », du large éventail des peines prévues tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales ou de la prohibition de toute déductibilité fiscale des commissions versées postérieurement à l'entrée en vigueur en France de la convention de l'OCDE.
Je voudrais m'arrêter un court instant sur l'article 3 bis.
La commission mixte paritaire a, en effet, souhaité réserver à la juridiction parisienne une compétence facultative pour les faits de corruption active d'agent public étranger dans les transactions commerciales internationales.
Cette centralisation parisienne, dont j'observe qu'elle n'est que facultative, peut être légitime pour certaines affaires particulièrement complexes de corruption internationale qui, d'ailleurs, en raison du lieu des sièges sociaux, dans la plupart des cas, relèvent de fait de cette juridiction.
Cette compétence facultative ne fera pas obstacle à la politique déconcentrée de modernisation de la justice économique et financière que je conduis au nom du Gouvernement.
Le texte adopté sera ainsi, tant sur un plan procédural qu'au fond, une pierre angulaire de la lutte contre la délinquance économique et financière, qui est et qui demeure une priorité.
L'effort du Gouvernement ne s'arrêtera pas là : ainsi que vous le savez, dans le cadre du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, des mesures relatives à l'amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent seront très prochainement soumises à l'examen du Parlement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d'autre part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte. En l'occurrence, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« Art. 1er A. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 432-11 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 433-1 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".
« Dans le dernier alinéa du même article, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".
« III. - Dans le premier alinéa de l'article 434-9 du code pénal, après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".
« Dans le deuxième alinéa du même article, après les mots : "le fait", sont insérés les mots : ", à tout moment,". »
« Art. 1er. - Il est créé, dans le titre III du livre IV du code pénal, un chapitre V intitulé :
"Des atteintes à l'administration publique des Communautés européennes, des Etats membres de l'Union européenne, des autres Etats étrangers et des organisations internationales publiques" comprenant trois sections ainsi rédigées :

« Section 1

« De la corruption passive

« Art. 435-1. - Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Section 2

« De la corruption active

« Sous-section 1


« De la corruption active des fonctionnaires des Communautés européennes, des fonctionaires des Etats membres de l'Union européenne, des membres des institutions des Communautés européennes
« Art. 435-2. - Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« Sous-section 2


« De la corruption active des personnes relevant d'Etats étrangers autres que les Etats membres de l'Union européenne et d'organisations internationales publiques autres que les institutions des Communautés européennes
« Art. 435-3. - Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.
« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.
« Art. 435-4 - Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un magistrat, d'un juré ou de toute autre personne siégeant dans une fonction juridictionnelle, d'un arbitre ou d'un expert nommé soit par une juridiction, soit par les parties, ou d'une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de médiation, dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.
« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

« Section 3

« Peines complémentaires
et responsabilité des personnes morales

« Art. 435-5. - Non modifié.
« Art. 435-6. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 435-2, 435-3 et 435-4.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Pour une durée de cinq ans au plus ;
« - l'interdiction d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
« - le placement sous surveillance judiciaire ;
« - la fermeture des établissements ou de l'un des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« - l'exclusion des marchés publics ;
« - l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;
« - l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;
« 3° La confiscation suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. »
« Art. 2. - Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ainsi que l'article 689-8 du code de procédure pénale entreront en vigueur à la date d'entrée en vigueur sur le territoire de la République des conventions ou protocoles visés par ces articles. »

« Art. 3 bis . - I. - L'article 706-1 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 706-1. - Pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes incriminés par les articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République de Paris, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 282, du second alinéa de l'article 663 et de l'article 706-42.
« Lorsqu'ils sont compétents pour la poursuite et l'instruction des infractions prévues aux articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République et le juge d'instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l'étendue du territoire national. »
« II. - A la fin du premier alinéa de l'article 693 du même code, les mots : "et 706-17", sont remplacés par les mots : ",706-1 et 706-17,". »
« Art. 4. - Le deuxième alinéa (1°) de l'article 704 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« 1° Délits prévus par les articles 222-38, 313-1, 313-2, 313-4, 313-6, 314-1, 314-2, 324-1, 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1, 433-2, 434-9, 435-1 et 435-2 du code pénal. »
« Art. 4 bis . - Le début du 2 bis de l'article 39 du code général des impôts est ainsi rédigé : "A compter de l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention sur la lutte contre la corruption"... (Le reste sans changement.) »

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Bret pour explication de vote.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les hasards de l'ordre du jour ne manquent parfois pas d'ironie : on en a l'exemple aujourd'hui, qui nous offre de traiter de la lutte contre la corruption en plein milieu du texte sur la présomption d'innocence !
Ces deux textes ont toutefois une similarité : ils nous montrent que, au-delà de leurs divergences, les parlementaires savent se rassembler sur les principes fondamentaux qui font l'essence de notre démocratie.
La lutte contre la corruption est en effet - chacun en convient ici - une nécessité impérieuse. On est de plus en plus conscient du coût que ces pratiques engendrent, et pas seulement du point de vue financier : au-delà, elles induisent une rupture d'égalité dans le commerce international entre les entreprises qui ne jouent plus à part égale.
Plus encore, les sénateurs communistes avaient souhaité mettre l'accent sur les graves conséquences que la corruption fait peser sur la démocratie : au nom de l'économique, on finit par transiger avec des principes moraux ; au nom du succès financier des entreprises, on entretient volontairement les liens de dépendance des pays en voie de développement en légitimant une économie pervertie.
Depuis la première lecture, les sénateurs communistes ont invariablement plaidé pour un traitement à l'identique des délits de corruption, qu'ils se produisent à l'intérieur ou à l'extérieur de nos frontières.
C'est pourquoi ils sont particulièrement satisfaits que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur les peines applicables pour ce type de délit en les alignant sur celles qui sont encourues pour corruption sur un agent public national ; il en est désormais ainsi, tant du point de vue des peines d'emprisonnement des personnes physiques que des sanctions applicables aux personnes morales.
Pour parfaire cette identité de traitement, nous aurions certes préféré que ces affaires de corruption soient traitées par les pôles financiers. Néanmoins, nous prenons acte de l'accord qui s'est dégagé en commission mixte autour d'une compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris.
Quant au problème de l'applicabilité aux contrats en cours, qui a suscité bien des discussions, la solution retenue par la commission mixte paritaire nous semble la plus sage dans la mesure où elle se fonde sur le principe général de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Nous avions en effet, lors de la seconde lecture, fait part de nos inquiétudes quant aux risques que risquait d'entraîner à terme un aménagement de ce principe fondamental de notre droit, même justifié par les meilleures intentions du monde.
Avec ce texte, que les sénateurs communistes voteront sans réserve aujourd'hui, la France aura indiqué sa volonté de lutter fermement contre des pratiques que notre morale réprouve absolument.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)
M. José Balarello, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello, au nom de la commission des lois. Monsieur le président, avant que nous ne reprenions l'examen du projet de loi relatif à la présomption d'innocence, au nom de la commission des lois, je demande une suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va, bien entendu, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

11

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DROITS DES VICTIMES

Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 222, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 21 ter .

Article 21 ter



M. le président.
« Art. 21 ter. - Après l'article 175-1 du même code, il est inséré un article 175-2 ainsi rédigé :
« Art. 175-2 . - Le juge d'instruction informe tous les six mois la partie civile de l'avancement de l'instruction. »
Par amendement, n° 47, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet article prévoit que le juge d'instruction doit informer tous les six mois la partie civile du déroulement de l'information. Nous en proposons, comme en première lecture, la suppression, car nous estimons que, la partie civile ayant un avocat, elle est de toute façon tenue au courant. Par conséquent, cette disposition ne nous paraît pas avoir une grande utilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable : je pense que cette formalité n'induit pas de charges excessives, et elle me paraît utile.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 ter est supprimé.

Article 21 quinquies



M. le président.
« Art. 21 quinquies . - Après l'article 215-1 du même code, il est inséré un article 215-2 ainsi rédigé :
« Art. 215-2 . - L'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive.
« Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, la chambre d'accusation peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation des effets de l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de six mois. La comparution personnelle de l'accusé est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Si l'accusé n'a pas comparu devant la cour d'assises à l'issue de cette nouvelle prolongation, il est immédiatement remis en liberté. » - (Adopté.)

Chapitre III bis

Dispositions relatives aux audiences

M. le président. Par amendement n° 48, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer la division Chapitre III bis et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de cet amendement, jusqu'après l'examen de l'amendement n° 49.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de réserve ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 21 sexies

M. le président. « Art. 21 sexies . - Après l'article L. 311-15 du code de l'organisation judiciaire, il est inséré une sous-section 4 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 4 bis.

« Composition des audiences pénales.
« Art. L. 311-15-1 . - La composition prévisionnelle des audiences pénales est déterminée par une commission paritaire composée de magistrats du siège et du parquet. »
Par amendement n° 49, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a adopté cette disposition destinée à faciliter le concertation au sein des tribunaux en ce qui concerne le nombre et la nature des affaires inscrites aux différentes audiences.
La commission des lois considère que c'est surtout un certain état d'esprit qui doit prévaloir, comme il prévaut d'ailleurs déjà dans beaucoup de tribunaux. En effet, interprétée littéralement, cette disposition pourrait remettre en cause l'un des aspects du principe de l'opportunité des poursuites, qui permet au procureur de citer une personne à comparaître à une date qu'il détermine.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, pour cet amendement comme pour l'amendement n° 48.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 sexies est supprimé.
Nous en revenons à l'amendement n° 48, précédemment réservé, qui tend à supprimer la division Chapitre III bis et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'unique article de la division ayant été supprimé, celle-ci n'a plus de raison d'être.
M. le président. Le Gouvernement s'est déjà prononcé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, la division Chapitre III bis et son intitulé sont supprimés.

Article additionnel après l'article 21 sexies

M. le président. Par amendement n° 132, M. Dreyfus-Schmidt propose d'insérer, après l'article 21 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après les mots : "par la chambre criminelle, soit sur requête du", la fin du deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : "ministère public établi par la juridiction saisie soit sur requête des parties."
« II. - Le second alinéa de l'article 663 du même code est suprimé. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 21 septies

M. le président. L'article 21 septies a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Chapitre III ter

Dispositions instaurant un recours
en matière criminelle

Article 21 octies



M. le président.
« Art. 21 octies . - I. - Le premier alinéa de l'article 231 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« La cour d'assises a plénitude de juridiction pour juger, en premier ressort ou en appel, les personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en accusation. »
« II. - L'article 296 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le jury de jugement est composé de sept jurés lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel. » ;
« 2° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : "des neufs jurés" sont remplacés par les mots : "des jurés de jugement". »
« III. - L'article 298 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 298 . - Lorsque la cour d'assises statue en première instance, l'accusé ne peut récuser plus de trois jurés, et le ministère public plus de deux. Lorsqu'elle statue en appel, l'accusé ne peut récuser plus de cinq jurés, le ministère public plus de quatre. »
« IV. - A l'article 359 du même code, les mots : "à la majorité de huit voix au moins" sont remplacés par les mots : "à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel".
« V. - A l'article 360 du même code, les mots : "la majorité de huit voix au moins" sont remplacés par les mots : "la majorité de voix exigée par l'article 359".
« VI. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 362 du même code, les mots : "qu'à la majorité de huit voix au moins" sont remplacés par les mots : "qu'à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et qu'à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel". Dans l'avant-dernière phrase de cet alinéa, les mots : "la majorité de huit voix" sont remplacés par les mots : "cette majorité". »
Par amendement n° 50, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer les paragraphes II, III, IV, V et VI de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous abordons là les dispositions qui concernent la cour d'assises.
Le Sénat avait pris l'initiative, sur la suggestion de sa commission des lois, de créer un double degré de juridiction pour les cours d'assises. L'Assemblée nationale, soucieuse de souligner le caractère d'appel de ce deuxième degré de juridiction, a retenu une solution consistant à porter de neuf à sept le nombre de jurés en première instance et à le maintenir à neuf en appel.
La commission des lois du Sénat a estimé au contraire qu'il fallait absolument conserver les neuf jurés quel que soit le degré de juridiction. En effet, si l'on réduit le nombre de jurés, on modifie du même coup le rapport numérique, au sein du jury, entre jurés tirés au sort et magistrats professionnels, ce qui n'est pas anodin.
Pour souligner le caractère d'appel du deuxième degré de juridiction - j'ai même eu recours à un néologisme, pour lequel j'implore le pardon des uns et des autres, en parlant d'« appeliser » le deuxième degré de juridiction - nous proposons que, en appel, la cour d'assises soit obligatoirement présidée par un président de chambre de cour d'appel.
Par ailleurs, en adoptant le système dit de l'« appel tournant » pour créer le deuxième degré de juridiction, nous n'avons pas voulu bouleverser les habitudes des cours d'assises. Leur fonctionnement est fortement ancré dans notre histoire : il remonte à l'époque où l'on a fondé la composition des cours d'assises sur l'échevinage, en plaçant, aux côtés de magistrats professionnels, des jurés pris parmi les simples citoyens.
Nous avons estimé qu'il était plus sage et plus prudent de conserver le même système tout en donnant, en quelque sorte, des galons obligatoires à celui qui sera appelé à présider la cour d'appel d'assises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit là évidemment d'un point extrêmement important, et même de l'un des plus importants de ce projet de loi.
Je veux souligner à nouveau, comme je l'avais fait dans mon propos liminaire, que c'est en effet au cours de la première lecture de ce projet de loi au Sénat que le principe de l'appel tournant a été institué pour la cour d'assises. Cette initiative mérite à mon sens d'être saluée.
Je voudrais tout d'abord rappeler la communication en conseil des ministres du 27 octobre 1997, qui, vous le savez, a tracé le panorama de la réforme de la justice que souhaite le Gouvernement. J'y évoquais le principe de l'appel des décisions de cours d'assises.
J'avais demandé à mes services de réfléchir de façon approfondie aux différents scénarios envisageables et à leurs coûts respectifs, parce que j'avais souhaité tirer les leçons des longs débats que vous aviez eus sur la proposition de mon prédécesseur, M. Jacques Toubon, et surtout sur les implications en termes de créations de postes, eu égard à d'autres priorités, que ces scénarios pouvaient induire. J'ai d'ailleurs adressé aux parlementaires intéressés un document de synthèse sur cette question, qui montrait clairement les avantages et les inconvénients, les difficultés et les problèmes qui pouvaient résulter de tel ou tel choix.
Lors de l'examen du projet de loi au Sénat en première lecture, en juin dernier, le texte a été complété par un amendement tendant à instituer le principe du recours circulaire des décisions de cours d'assises. Nous en étions restés là, car j'avais pensé, à l'époque, que notre réflexion n'avait pas encore suffisamment mûri.
Cependant, le texte que vous avez adopté en juin m'a amenée à présenter sept mois plus tard devant l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, des propositions précises sur l'appel tournant, conformément d'ailleurs aux engagements que j'avais pris devant vous.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale vise à engager une réforme tenant compte des enseignements du passé et des choix opérés par le Sénat en juin dernier. L'objectif de cette réforme peut se résumer, de mon point de vue, en une phrase : donner aux personnes condamnées pour crime le droit à une deuxième chance.
Deux interrogations principales demeurent au stade où nous en sommes, que vous avez d'ailleurs rappelées, monsieur le rapporteur : elles portent sur le nombre de jurés et sur la question de l'appel. Il s'agit évidemment ici, à titre principal, de la possibilité d'appel pour le condamné - cela est déjà inscrit dans le projet de loi, sinon il n'y aurait pas de deuxième chance - mais ne faut-il pas aussi prévoir que le parquet puisse interjeter appel, sauf, bien entendu, en cas d'acquittement ? En outre, ne convient-il pas d'ouvrir une possibilité d'appel à la partie civile s'agissant des intérêts civils ?
En ce qui concerne le nombre de jurés, les thèses qui s'affrontent, les uns souhaitant que le nombre des jurés soit identique pour les deux degrés, les autres optant pour un effectif différent, sont à mon avis également soutenables. Je ne doute pas qu'un accord soit possible en commission mixte paritaire sur cette question.
Je m'étendrai plus longuement sur la question plus complexe de l'appel.
Conférer un droit d'appel principal au parquet ou à la partie civile implique que l'appel criminel n'est plus uniquement une deuxième chance pour le condamné, comme j'en avais fait le choix au nom du Gouvernement lorsque j'avais déposé le texte à l'Assemblée nationale, mais qu'il peut également constituer une deuxième chance pour la société. Depuis l'adoption du texte par l'Assemblée nationale, j'ai procédé à de nombreuses consultations et il est vrai que de nombreux magistrats m'ont dit souhaiter un appel principal du parquet, même si, à leurs yeux, un tel appel devrait rester exceptionnel.
Je souhaite là encore qu'un accord puisse être trouvé à ce propos entre les deux assemblées, et je voudrais suggérer une solution qui pourrait être étudiée par la commission mixte paritaire, si le Sénat en était d'accord, et qui aurait précisément pour avantage de permettre d'instaurer le principe de cet appel du parquet tout en faisant en sorte qu'il reste exceptionnel : elle consisterait à réserver la possibilité d'appel principal au seul procureur général.
Telle est l'idée que je soumets à votre réflexion, mesdames, messieurs les sénateurs. En tout état de cause, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 50, et je souligne naturellement à nouveau l'importance historique, ce qualitatif ne me semble pas exagéré, de la réforme sur laquelle le Sénat va se prononcer. Je me félicite encore une fois que le Sénat en ait pris l'initiative sur le plan des principes et que le travail que nous avons pu accomplir ensemble, ainsi qu'avec l'Assemblée nationale, nous permette de la faire aboutir dans des conditions qui n'avaient pas été réunies à ce degré lors de l'examen du texte de mon prédécesseur, qui cependant a certainement contribué aussi, je tiens à le souligner, à faire mûrir les esprits.
Je suis donc très heureuse que nous puissions trouver une solution à cette question qui est débattue depuis maintenant plusieurs années. Elle nous permettra de donner une deuxième chance aux personnes condamnées par la cour d'assises et de nous mettre ainsi au diapason des pays européens et des préconisations de la Convention européenne des droits de l'homme.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. « Dispositions instaurant un recours en matière criminelle » : à lui seul, l'intitulé du chapitre III ter représente une véritable révolution.
Ainsi, il est enfin remédié à ce qui, avec le temps, apparaissait comme un anachronisme : pour les infractions les plus graves, mettant en jeu, plus qu'en nul autre domaine, la vie des personnes et le droit des victimes, il n'existe actuellement aucun recours aux décisions de justice quant au fond.
En effet, hormis le contrôle de la Cour de cassation, la contestation d'une décision de cour d'assises n'est actuellement possible que par la voie du procès en révision. Pourtant, ni l'existence d'une instruction à double degré ni la spécificité de la composition de la cour d'assises ne pouvaient justifier que l'on refuse durablement le droit à une seconde chance. Cela étant, nous avons encore des difficultés à concevoir la procédure d'appel, comme le montrent les tâtonnements actuels.
Si nous approuvons la quasi-totalité des modifications proposées par la commission des lois en cette matière, en particulier le droit d'appel octroyé au ministère public et la possibilité d'appel de la victime s'agissant des intérêts civils, il nous semble toutefois que le choix d'une composition identique pour les deux cours d'assises de premier et de second ressorts n'est pas bon.
On peut notamment douter que soient pleinement remplies les exigences posées par l'article 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits de l'homme : celui-ci donne en effet le droit à toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation.
La nécessité d'un appel devant une juridiction supérieure n'implique-t-elle pas au moins une composition différente et singulièrement plus large de la cour d'assises d'appel par rapport à celle de la cour d'assises de première instance ? Il ne suffit pas, selon nous, de confier la présidence de celle-là au président de la cour d'appel pour qu'elle ait une légitimité renforcée justifiant la remise en cause d'une décision prise par le peuple souverain.
On sait que les procès d'assises sont toujours traumatisants pour les victimes, a fortiori s'agissant de l'appel des décisions de condamnation. Si l'on veut que l'institution d'un appel permette d'atteindre les objectifs visés, il ne faut surtout pas que l'on puisse mettre les deux décisions de premier et de second ressorts en concurrence, sur le même plan, spécialement en cas d'appréciations divergentes sur la culpabilité de l'accusé.
Telles sont les réflexions que je souhaitais vous livrer, mes chers collègues, s'agissant du dispositif proposé par la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je crois que nous vivons un moment important du débat parlementaire. Au terme d'un très long travail, qui a commencé sous de précédents gouvernements et qui a été alimenté par bon nombre de réflexions tendant à souligner le caractère inéquitable de notre système judiciaire, nous sommes en voie d'aboutir.
Cela étant, faisons très attention : c'est une lourde mécanique que nous mettons en place. En effet, lorsqu'une cour d'assises se sera prononcée dans un sens et qu'une autre cour d'assises aura émis un jugement différent, que dira l'opinion publique ? Or chacun bénéficiera de ce droit d'appel. Songez à des procès d'allure historique relativement récents : que serait-il advenu si l'appel avait été alors possible ? C'est donc une voie difficile, mais nécessaire, que celle dans laquelle nous nous engageons.
Il est un point de procédure que nous ne pouvons pas régler par la loi, mais qui revêtira, dans la pratique, une extrême importance : c'est la Cour de cassation qui décidera du choix de la chambre de renvoi. Toute une politique est sous-jacente, car, on le sait bien, certaines cours d'assises ont quelquefois tendance à être plus répressives ou, à l'inverse, plus indulgentes que d'autres. Il faudra donc que ceux qui seront responsables de cette dévolution y prêtent une attention considérable.
Vous savez que, lorsqu'il y a cassation d'une décision de la cour d'assises de Paris, il est de coutume que l'on renvoie l'affaire à Orléans ; il en est ainsi dans presque tous les cas. Or il faudra faire très attention au choix de la chambre de renvoi, j'y insiste, car il entraînera, en pratique, des conséquences considérables. Je relève que plusieurs systèmes étaient possibles : celui qu'avait proposé M. Jacques Toubon et un autre, auquel j'avais réfléchi mais qui n'a pas eu la faveur de la Cour de cassation, et qui consistait à accroître le pouvoir de vérification donné à la Cour de cassation.
Nous aboutissons cependant à un système acceptable. Vos quelques remarques, madame le garde des sceaux, montrent, à l'évidence, non pas que nous sommes parfaitement d'accord, mais que, aux détails près que vous avez soulignés, nous sommes très proches de l'accord. Je crois donc que nous pourrons tous nous souvenir que nous aurons vécu la mise en place de l'appel des cours d'assises.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21 octies , ainsi modifié.

(L'article 21 octies est adopté.)

Article additionnel après l'article 21 octies



M. le président.
Par amendement n° 51, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 21 octies , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 244 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la cour d'assises statue en appel, elle est présidée par un président de chambre de la cour d'appel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement prévoit que lorsque la cour d'assises statue en appel, elle est obligatoirement présidée par un président de chambre de la cour d'appel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21 octies .

Article 21 nonies A



M. le président.
« Art. 21 nonies A. - I. - Il est inséré, après l'article 349 du même code, un article 349-1 ainsi rédigé :
« Art. 349-1 . - Lorsqu'est invoquée comme moyen de défense l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-1 (premier alinéa), 122-2, 122-3, 122-4 (premier et second alinéas), 122-5 (premier et second alinéas) et 122-7 du code pénal, chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions posées ainsi qu'il suit :
« 1° L'accusé a-t-il commis tel fait ? ;
« 2° L'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article ... du code pénal selon lequel n'est pas pénalement responsable la personne qui... ? »
« Le président peut, avec l'accord des parties, ne poser qu'une seule question concernant la cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des faits reprochés à l'accusé.
« Sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce, il est donné lecture des questions posées en application du présent article.
« II. - A l'article 356 du même code, après les mots : "s'il y a lieu,", sont insérés les mots : "sur les causes d'irresponsabilité pénale,".
« III. - Il est inséré, après l'article 361 du même code, un article 361-1 ainsi rédigé :
« Art. 361-1 . - Si, lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article 349-1, la cour d'assises a répondu positivement à la première question et négativement à la seconde question, elle déclare l'accusé coupable. Si elle a répondu négativement à la première question ou positivement à la seconde question, elle déclare l'accusé non coupable. » - (Adopté.)

Article 21 nonies B



M. le président.
« Art. 21 nonies B. - Il est inséré, après l'article 380 du même code, un chapitre VIII ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« De l'appel des décisions rendues
par la cour d'assises en premier ressort

« Section 1

« Dispositions générales

« Art. 380-1 . - Les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises en premier ressort peuvent faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent chapitre.
« Cet appel est porté devant une autre cour d'assises désignée par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation et qui procède au réexamen de l'affaire selon les modalités et dans les conditions prévues par les chapitres II à VII du présent titre.
« Art. 380-2 . - La faculté d'appeler appartient à l'accusé.
« En cas d'appel de l'accusé, la faculté d'appeler appartient également :
« 1° Au procureur de la République ou au procureur général près la cour d'appel ;
« 2° A la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement ;
« 3° A la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ;
« 4° Aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique.
« Art. 380-3 . - La cour d'assises statuant en appel sur l'action publique ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de ce dernier.
« Art. 380-4 . - Pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel, il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action publique.
« Toutefois, l'ordonnance de prise de corps continue de produire ses effets à l'encontre de la personne condamnée à une peine privative de liberté conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 367.
« Art. 380-5 . - La cour d'assises statuant en appel sur l'action civile ne peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la partie civile, aggraver le sort de l'appelant.
« La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ; toutefois, elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis la première décision.
« Art. 380-6 . - Pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel, il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action civile, sous réserve des dispositions de l'article 374.
« Art. 380-7 . - Lorsque la cour d'assises statuant en premier ressort sur l'action civile a ordonné le versement provisoire, en tout ou en partie, des dommages-intérêts alloués, cette exécution provisoire peut être arrêtée, en cause d'appel, par le premier président, statuant en référé si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Le premier président peut subordonner la suspension de l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.
« Lorsque l'exécution provisoire a été refusée par le tribunal statuant sur l'action civile ou lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée, ou si, l'ayant été, la cour a omis de statuer, elle peut être accordée, en cas d'appel, par le premier président statuant en référé.
« Pour l'application des dispositions du présent article, est compétent le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la cour d'assises désignée pour connaître de l'affaire en appel.

« Section 2

« Délais et formes de l'appel

« Art. 380-8 . - L'appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé de l'arrêt.
« Toutefois, le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt, quel qu'en soit le mode, pour la partie qui n'était pas présente ou représentée à l'audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n'auraient pas été informés du jour où l'arrêt serait prononcé.
« Art. 380-9 . - En cas d'appel de l'accusé, pendant les délais ci-dessus, les autres parties ont un délai supplémentaire de cinq jours pour interjeter appel.
« Art. 380-10 . - L'accusé peut se désister de son appel jusqu'à son interrogatoire par le président prévu par l'article 272.
« Ce désistement rend caducs les appels incidents formés par le ministère public ou les autres parties.
« Le désistement d'appel est constaté par ordonnance du président de la cour d'assises.
« Art. 380-11 . - La déclaration d'appel doit être faite au greffe de la cour d'assises qui a rendu la décision attaquée.
« Elle doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, par un avocat, par un avoué près la cour d'appel, ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l'acte dressé par le greffier. Si l'appelant ne peut signer, il en sera fait mention par le greffier.
« Elle est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le droit de s'en faire délivrer une copie.
« Art. 380-12 . - Lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
« Cette déclaration est constatée, datée et signée par le chef de l'établissement pénitentiaire. Elle est également signée par l'appelant ; si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement.
« Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie, au greffe de la cour d'assises qui a rendu la décision attaquée ; il est transcrit sur le registre prévu par le troisième alinéa de l'article 380-11 et annexé à l'acte dressé par le greffier.

« Section 3

« Désignation de la cour d'assises statuant en appel

« Art. 380-13 . - Dès que l'appel a été enregistré, le ministère public adresse sans délai au greffe de la chambre criminelle de la Cour de cassation, avec ses observations éventuelles, la décision attaquée et, le cas échéant, le dossier de la procédure.
« Dans le mois suivant la réception de l'appel, le président de la chambre criminelle désigne la cour d'assises chargée de statuer en appel.
« Il est alors procédé comme en cas de renvoi après cassation.
« Art. 380-14 . - Si le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation constate que l'appel n'a pas été formé dans les délais prévus par la loi ou porte sur un arrêt qui n'est pas susceptible d'appel, il dit n'y avoir lieu à désignation d'une cour d'assises chargé de statuer en appel. »
Sur cet article, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.

ARTICLE 380-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 380-1 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 380-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 380-2 du code de procédure pénale, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 52, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger commer suit le texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-2 du code de procédure pénale :
« Art. 380-2. - La faculté d'appeler appartient :
« 1° A l'accusé ;
« 2° Au ministère public ;
« 3° A la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ;
« 4° A la partie civile, quant à ses intérêts civils ;
« 5° En cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique. »
Par amendement n° 115, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
« I. - De compléter in fine le premier alinéa du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-2 du code de procédure pénale par les mots : "et au ministère public, sauf en cas d'acquittement".
« II. - En conséquence, de supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-2. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est extrêmement important, car à partir du moment où un second degré de juridiction en assises a été créé, il est essentiel de décider qui aura la faculté d'interjeter appel.
Il est vrai que nous avions d'abord prévu que seul l'accusé aurait le droit d'interjeter appel. A la réflexion, cette solution apparaît déséquilibrée voire, dans certains cas, pratiquement impossible à mettre en oeuvre.
Elle est déséquilibrée parce que, si nous souhaitons essentiellement donner une deuxième chance à l'accusé, il importe d'en donner une également à la société, qui a son mot à dire par l'intermédiaire du parquet.
Mais il faut aussi reconnaître que, en l'état actuel du dispositif, lorsqu'il y a plusieurs accusés et qu'un seul d'entre eux décide d'interjeter appel, on risque d'aboutir à des situations totalement extraordinaires et à des décisions qui pourraient être véritablement contestables sur le plan de l'équité et, peut-être, sur celui de la moralité des débats judiciaires. C'est la raison pour laquelle nous proposons un dispositif, qui existe en matière d'appel correctionnel, aux termes duquel la faculté d'appeler appartiendrait : à l'accusé ; au ministère public ; à la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ; à la partie civile, quant à ses intérêts civils ; en cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique. Ainsi le dispositif nous paraît-il plus complet, plus équilibré, autant dire plus juste.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 115.
M. Michel Charasse. Cet amendement rejoint en partie celui que vient de présenter M. le rapporteur. Cependant, s'il vise à octroyer au ministère public la faculté d'interjeter appel, M. Badinter et les membres du groupe socialiste proposent que le ministère public ne puisse pas procéder ainsi en cas d'acquittement.
Je serais assez tenté de retirer cet amendement pour me rallier à l'amendement n° 52, si dans celui-ci au 2°, après les mots « au ministère public », sont ajoutés les mots « sauf en cas d'acquittement ».
Par ailleurs, s'agissant du 5° de l'amendement n° 52, je ne comprends pas pourquoi la commission ne souhaite pas que les administrations publiques puissent faire appel s'il n'y a pas d'appel du ministère public. En effet, je ne vois pas pour quelle raison les administrations publiques n'auraient pas une autonomie par rapport au parquet. Aussi je souhaite que soient supprimés, dans le 5°, les mots : « En cas d'appel du ministère public ».
Si la commission modifie son amendement sur ces deux points, je retirerai l'amendement n° 115.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a considéré que l'amendement n° 115 était satisfait.
Tout d'abord, j'aurai dû le préciser, mais je me suis exprimé sans recourir à mes notes, nous avons maintenu la règle selon laquelle l'appel n'est pas possible en cas d'acquittement. Cela résulte de la phrase, déjà adoptée, qui prévoit que l'appel est possible en cas de condamnation. Par conséquent, lorsqu'il y a un acquittement, l'appel n'est pas possible. Voilà ce que je tenais à indiquer s'agissant du premier point sur lequel vous avez bien voulu vous exprimer, monsieur Charasse.
Par ailleurs, vous m'avez interrogé sur le sens du 5° du texte que nous proposons pour l'article 380-2 du code de procédure pénale. Aux termes de cet alinéa, la faculté d'appeler appartient « en cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique ». En effet, il existe deux cas : ou bien les administrations publiques ont le droit d'exercer directement l'action publique et elles l'exercent en formulant leur appel ; ou bien, conformément aux textes, elles n'ont pas le droit d'exercer directement l'action publique et, dès lors, la voie officielle et institutionnelle pour les représenter, c'est le ministère public, qui peut faire appel. Vous avez donc également satisfaction sur ce point, monsieur Charasse.
M. le président. Monsieur Charasse, avez-vous été convaincu par M. le rapporteur ?
M. Michel Charasse. Les explications de M. le rapporteur m'ayant convaincu, je n'insiste pas s'agissant des modifications que je proposais et je retire l'amendement n° 115.
M. le président. L'amendement n° 115 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 52 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Voilà un instant, j'ai indiqué ma position sur la question de l'appel qui serait formulé par le parquet sur les décisions de la cour d'assises. Aussi, je n'y reviens pas.
Je comprends tout à fait que l'on veuille donner aussi une deuxième chance à la société, et pas seulement au condamné. S'il faut certes prendre en compte la situation des victimes, l'appel du parquet doit rester en pratique exceptionnel. J'ai donc suggéré, peut-être pour la commission mixte paritaire, une solution qui consisterait en l'appel du procureur général.
Cela étant dit, en l'état actuel de la discussion, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 380-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé.

ARTICLES 380-3 ET 380-4 DU CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 380-3 et 380-4 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les textes proposés pour les articles 380-3 et 380-4 du code de procédure pénale.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 380-4
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 53, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, après le texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-4 du code de procédure pénale, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... Lorsque la cour d'assises n'est pas saisie de l'appel formé contre le jugement rendu sur l'action publique, l'appel formé par une partie contre le seul jugement rendu sur l'action civile est porté devant la chambre des appels correctionnels. Les articles 380-13 et 380-14 ne sont pas applicables. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission propose que la partie civile puisse faire appel même lorsque l'accusé n'a pas fait appel. Mais, s'il n'y a pas d'appel sur l'action publique, on ne va pas réorganiser un procès d'assises. Dans ces conditions, l'amendement prévoit que, lorsque l'appel ne porte que sur les intérêts civils, il est porté devant la chambre des appels correctionnels. Cette disposition figurait dans le projet de loi présenté par M. Jacques Toubon et elle respecte complètement les intérêts à la victime.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis tout à fait favorable à cet amendement, qui prévoit l'hypothèse du seul appel de la partie civile sur la décision rendue sur l'action civile. Cet appel, dans la mesure où il ne concerne pas la décision sur l'action publique - car, de manière générale, même en correctionnelle, la victime ne peut pas faire appel de la condamnation pénale - ne soulève nullement les interrogations concernant l'appel principal du ministère public. Il ne soulève pas non plus de difficultés pratiques puisque, à défaut d'appel concomitant sur l'action publique, il sera porté devant la chambre des appels correctionnels.
En revanche, ce mécanisme prend bien en compte les droits des victimes, et c'est une très bonne chose.
J'indique d'ores et déjà que j'émettrai également un avis favorable sur l'amendement n° 54, que nous examinerons dans un instant et qui participe du même esprit.
M. Jean-François Picheral. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré après l'article 380-4 du code de procédure pénale.

ARTICLE 380-5 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 54, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de compléter le second alinéa du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-5 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée : « Même lorsqu'il n'a pas été fait appel de la décision sur l'action civile, la victime constituée partie civile en première instance peut exercer devant la cour d'assises statuant en appel les droits reconnus à la partie civile jusqu'à la clôture des débats ; elle peut également demander l'application des dispositions du présent alinéa, ainsi que de celle de l'article 375. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n° 53.
M. le président. Le Gouvernement s'est déjà exprimé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-5 du code de précédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 380-6 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 380-6 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 380-6 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 380-7 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 55, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-7 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « le tribunal » par les mots : « la cour ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-7 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 380-8 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 380-8 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 380-8 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 380-9 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 56, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-9 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « de l'accusé » par les mots : « d'une partie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-9 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 380-10 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 57, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-10 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« La caducité de l'appel de l'accusé résulte également de la constatation, par le président de la Cour d'assises, que ce dernier a pris la fuite et n'a pas pu être retrouvé avant l'ouverture de l'audience ou au cours de son déroulement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'apporter une précision indispensable pour éviter des situations inextricables en cas d'appel en matière criminelle si l'accusé prenait la fuite entre la décision en première instance et l'audience en appel. Dans un tel cas, le procès d'appel ne pourrait pas être mené jusqu'à son terme et la personne ne pourrait être jugée définitivement. Il convient donc de prévoir que, dans une telle hypothèse, la fuite de l'accusé rend caduc son appel, ce qui aura pour conséquence de rendre définitive la décision rendue par la première cour d'assise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 57.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je souhaite savoir, monsieur le rapporteur, si vous avez bien voulu écrire que l'accusé « a pris la fuite et n'a pu être retrouvé ». En effet, si l'accusé est retrouvé et qu'il n'est pas ramené devant la juridiction, à quoi sert-il de savoir qu'il est, par exemple, à Cayenne ? Cher rapporteur et ami, le mot « retrouvé » n'est-il pas mal choisi et ne serait-il pas préférable de le remplacer par « interpellé » ou par un autre terme ? Si on « retrouve » l'accusé à Bangkok : il est retrouvé.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Vous nous croyez peut-être trop optimistes, monsieur Charasse ! Nous pensons que si l'accusé a été retrouvé, il pourra être ramené. Ce point pourra sans doute être réglé lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Toutefois, le mot « retrouvé » ne nous paraît pas inexact dans ce texte et en l'état actuel du débat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-10 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 380-11 ET 380-12
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 380-11 et 380-12 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les textes proposés pour les articles 380-11 et 380-12 du code de procédure pénale.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 380-13 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 58, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-13 du code de procédure pénale :
« Dans le mois qui suit la réception de l'appel, la chambre criminelle, après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats, désigne la cour d'assises chargée de statuer en appel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement important, qui tend à confier à la chambre criminelle elle-même, et non au président de la chambre, le soin de désigner la cour d'assises chargée de statuer en appel. Il convient, en effet, d'éviter que ce choix ne puisse être critiqué comme étant imputé à une seule personne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 59, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-13 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 380-1, en cas d'appel d'une décision de la cour d'assises d'un département d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna, la chambre criminelle peut désigner la même cour d'assises, autrement composée, pour connaître de l'appel. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables en cas d'appel des décisions de la cour criminelle de Mayotte ou du tribunal criminel de Saint-Pierre-et-Miquelon. En cas de vacance de poste, d'absence, d'empêchement ou d'incompatibilité légale, les fonctions de président de la juridiction criminelle statuant en appel et, le cas échéant, des magistrats assesseurs qui la composent, sont exercées par des conseillers désignés, sur une liste arrêtée pour chaque année civile, par le premier président de la cour d'appel de Paris, ou, pour la cour criminelle de Mayotte, par le premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est indispensable pour permettre l'application de la réforme dans les départements et territoires ou collectivités d'outre mer. Sauf hypothèses exceptionnelles, il convient en effet de permettre à la chambre criminelle de la Cour de cassation de désigner la même juridiction, autrement composée, pour juger de l'appel, afin d'éviter aux victimes, aux accusés, aux experts et aux témoins de devoir se déplacer en métropole ou dans un autre territoire, à plusieurs milliers de kilomètres, pour assister au procès en appel. On prévoit, en outre, le cas où la cour d'assises ne pourrait être composée différemment ; il faudrait alors pouvoir faire venir des magistrats de la métropole.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 380-13 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 380-14 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 60, M. Jolibois, au nom de la commission, propose :
I. - Au début du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-14 du code de procédure pénale de remplacer les mots : « Si le président de la chambre criminelle » par les mots : « Si la chambre criminelle » ;
II. - En conséquence, dans le même texte, de remplacer le mot : « il » par le mot : « elle ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de coordination, compte tenu de ce que le Sénat vient de voter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-14 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 21 nonies B, modifié.

(L'article 21 nonies B est adopté.)

Demande de priorité



M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute que, précédemment, à la demande de notre commission et pour la commodité du débat, le Sénat avait réservé les articles 2 D à 2 ter. La commission souhaiterait que ces articles viennent en discussion maintenant et que nous examinions l'article 2 D après l'article 2 ter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je n'y vois pas d'objection.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Nous allons donc examiner l'article 2 G, puis les articles 2 bis A, 2 bis B et 2 ter, et, enfin, l'article 2 D.

Article 2 G
(précédemment réservé)

M. le président. L'article 2 G a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 2 bis A
(précédemment réservé)



M. le président.
« Art. 2 bis A. - I. - Il est inséré, après l'article 63-4 du même code, un article 63-5 ainsi rédigé :
« Art. 63-5 . - Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue font l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.
« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au cours de la procédure.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »
« II. - Dans le dernier alinéa de l'article 77 du même code, après la référence : "63-4", est insérée la référence : "63-5".
« III. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 154 du même code, après la référence : "63-4", est insérée la référence : "63-5". »
Sur l'article, la parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout au long de son histoire, la France a connu des procès en sorcellerie dont les motivations étaient le plus souvent entachées de légitimes suspicions.
Nous assistons aujourd'hui à un procès de même essence fait à notre assemblée que certains, irrités par son indépendance, souhaiteraient voir s'aligner en tous domaines sur la pensée dominante.
C'est, alimenté par certains au mépris des réalités, un procès en ringardise qui est instruit depuis quelque temps contre le Sénat, affligé de la très lourde tare d'être une assemblée de réflexion dans une société soumise à la dictature de l'image et sensible au choc de l'instant.
« Au mépris des réalités », disais-je, et cinq exemples concrets, tous tirés de l'actualité, en portent témoignage, n'en déplaise à ses contempteurs.
Ringard, le Sénat, initiateur, grâce à Guy Cabanel, de l'alternative à certains abus du placement en détention provisoire qu'est le bracelet électronique ?
Ringard, le Sénat, qui peut se flatter d'avoir, là encore en éclaireur, pallié cette faille du système judiciaire français qu'est l'impossibilité de faire appel des jugements rendus en cour d'assises, ce qui vient d'être salué par vous-même, madame la ministre, comme un moment historique ?
Ringard, le Sénat, qui, sensible à certaines dérives de la prestation compensatoire a, de son propre chef, à l'invitation de l'un des siens, notre collègue Nicolas About, décidé d'y porter remède ?
Ringard, le Sénat, qui, il y a tout juste douze jours, applaudissait longuement Claude Allègre lors de son ultime plaidoyer en forme de testament pour la réforme de notre système éducatif ?
Ringard, le Sénat, qui, jeudi dernier, votait la constitution de sa commission des finances en commission d'enquête dans le dessein de mettre un terme à l'omerta de la citadelle de Bercy ?
M. Michel Charasse. Oh ! le mot est fort !
M. Christian Bonnet. Il appartient à ce Sénat, dont l'indépendance a toujours été la fierté, de ne pas tomber dans le travers du « suivisme », de ne pas céder à la grande peur de l'an 2000 : celle de ne pas être « dans le coup », celle d'être insensible aux caprices du vent !
Le Sénat, s'il n'est pas sourd aux évolutions nécessaires, ne doit pas pour autant faire preuve d'aveuglement face à une improvisation lourde de conséquences surgie au Palais-Bourbon en deuxième lecture.
Il ne doit pas avaliser, fût-ce en tentant de l'encadrer, le principe d'un enregistrement dont Mme le garde des sceaux a été amenée, voilà quelques jours, à confirmer, ici même, avec la finesse dont elle est coutumière, qu'il l'amenait à se poser des questions... propos ô combien révélateur !
Notre réputation, mes chers collègues, nous la devons à la qualité de notre réflexion. Et, quelle que doit la prégnance médiatique, nous n'avons pas le droit de l'altérer sur un sujet aussi fondamental en apportant notre caution à une mesure dont l'application se révèlerait immédiatement ingérable : sait-on qu'il y a eu, en France, près de 450 000 gardes à vue, qui ont ouvert la voie à près d'un million d'auditions ?
La police, comme toute institution humaine, connaît des défaillances. Mais elle est aussi la plus exposée et la plus contrôlée de toutes les institutions.
Volontiers prolixe sur les manques de ceux - policiers et gendarmes - qui ont la charge de veiller à la sécurité des Français dans un contexte social de plus en plus difficile, on ne l'est guère sur leurs mérites.
Mes chers collègues, chacun aura compris que le Sénat doit, après réflexion, refuser un enregistrement ingérable mais aussi, montrant par là son ouverture d'esprit, adopter le progrès que va représenter la formule de compromis imaginée, avec l'objectivité qui est l'une des marques de son talent, par l'excellent rapporteur de la commission des lois qu'est notre collègue Charles Jolibois. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 92, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 4, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte présenté par le I de l'article 2 bis A pour l'article 63-5 du code de procédure pénale :
« Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue font, à leur demande, leur avocat consulté, l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.
« En cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire par la personne, l'enregistrement original peut être écouté sur décision d'un magistrat au cours de la procédure. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 155, présenté par M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'amendement n° 4, à supprimer les mots : "à leur demande, leur avocat consulté," ».
Par amendement n° 109, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 2 bis A pour l'article 63-5 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, ces enregistrements sonores ne sont versés au dossier qu'à titre indicatif. Seuls les procès-verbaux écrits et signés font foi sauf si la bande enregistrée fait l'objet, sur le champ, d'une transcription intégrale signée par la personne entendue. »
Par amendement n° 107, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter et Rouvière proposent, après le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 2 bis A pour l'article 63-5 du code de procédure pénale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La publication ou la diffusion, totale ou partielle, de ces enregistrements sonores par tout moyen audiovisuel est passible des peines prévues au 1er alinéa de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »
Par amendement n° 108, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter et Rouvière proposent de compléter in fine l'article 2 bis A par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le premier alinéa de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 est complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette amende est portée à 200 000 francs en cas de publication ou de diffusion totale ou partielle par tout moyen audiovisuel des enregistrements sonores visés à l'article 63-5 du code de procédure pénale". »
La parole est à M. Haenel, pour défendre l'amendement n° 92.
M. Hubert Haenel. Je crois que nous sommes toutes et tous, quelles que soient les travées de la Haute Assemblée sur lesquelles nous siégions, profondément attachés au respect de la liberté individuelle et de la dignité humaine. Il ne faut donc pas, à mon avis, faire de procès sur ce terrain-là.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai déjà eu l'occasion de développer lors de la discussion générale en faveur de la suppression de l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale, visant à instituer l'enregistrement sonore systématique des gardes à vue dont le nombre - M. Bonnet vient de le rappeler - s'élève à près de 450 000 par an.
Je rappelle que cet amendement n'est pas réaliste, et ce pour toutes sortes de raisons d'ordre pratique, technique et budgétaire. Mme la ministre nous avait d'ailleurs indiqué, en réponse aux propos que j'avais tenus dans la discussion générale, le coût qu'une telle masse représenterait pour le budget du ministère de la justice.
Par ailleurs, cet amendement ne va pas jusqu'au bout de la logique sur laquelle il se fonde. En effet, un enregistrement sonore n'a pas de sens. Il aurait fallu, pour être parfaitement cohérent, parler d'enregistrement vidéo.
En outre, cet amendement jette dangereusement - on vient de le dire et je reprends ce propos - et de façon infondée la suspicion sur l'ensemble des officiers de police judiciaire, tant de la police nationale que de la gendarmerie nationale. Il n'est pas opportun. Il faut rappeler - et c'est notamment aux sénateurs, qui sont souvent confrontés à ces difficiles questions tant dans les villes que dans les zones rurales, qu'il incombe de le faire - le difficile métier exercé aujourd'hui par les policiers et les gendarmes. Je crois que nos policiers et nos gendarmes ont plus besoin de considération que de suspicion ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Une autre question se pose - vous-même, madame la ministre, en êtes convenue, je crois - concernant la nature juridique de cet enregistrement. Quelle sera sa valeur probante ? Quelles garanties aurons-nous que l'enregistrement sera bien fidèle, compte tenu de tous les problèmes que cela pose et surtout des nullités à la clef. Quand, comme cela arrive malheureusement de temps en temps, un magistrat, une cour d'appel ou une chambre d'accusation doit, pour cause de nullité, relâcher une personne qui est pourtant passée aux aveux, nos concitoyens considèrent cela comme inadmissible et se demandent ce que fait la justice. Il ne faut donc pas donner des motifs supplémentaires d'avoir à relâcher, pour des raisons de nullité, des truands, des bandits de grand chemin.
Il y a au moins trois autres solutions pour recadrer la garde à vue. Tout d'abord, il faut faire en sorte que le procureur de la République et ses substituts contrôlent effectivement la garde à vue ; pour cela, ils ont besoin de temps et de moyens.
Par ailleurs, il y a la présence du médecin - ne l'oublions pas ! - au cours de la garde à vue.
Enfin, il y a la présence de l'avocat : actuellement à l'issue de la vingtième heure, bientôt dès la première heure, si ce projet de loi est adopté, ou dès la dixième heure, si le sous-amendement n° 183 déposé par M. Jacques Larché est adopté.
Par conséquent, tenons-nous en à ces formules de contrôle et ne tentons pas de copier des modèles étrangers qui - il faut absolument le dire - ne sont pas transposables dans notre système.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter l'amendement n° 92, visant à la suppression de l'article 2 bis A. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Mes chers collègues, vous en savez suffisamment maintenant, compte tenu à la fois du débat public et des intéressantes interventions qui ont eu lieu dans cette assemblée, sur le problème de l'enregistrement sonore. Cette disposition a été introduite dans le projet de loi lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Nous avons donc dû examiner cette disposition présentée à la fois comme généreuse et comme protectrice des intérêts et des droits des citoyens placés en garde à vue.
Il nous est ainsi très rapidement apparu - et cette réflexion a aussi été la vôtre, madame la garde des sceaux - que l'enregistrement pouvait donner lieu à certaines dérives, qu'une telle mesure, si elle était adoptée, devrait être encadrée, et qu'elle nécessiterait en tout cas une profonde réflexion.
Les dérives possibles sont évidentes.
Tout d'abord la police peut, dans une certaine mesure, être paralysée dans la recherche des preuves, alors que, très souvent, le délit vient juste d'être commis.
Par ailleurs, l'enregistrement peut, dans certains cas, se retourner contre l'intéressé, ce qui risquerait d'aller à l'encontre du souhait des auteurs de l'amendement. Rappelez-vous le nombre de fois où un inculpé ou un accusé, même au cours de l'audience, revient sur les aveux qu'il a faits et qui figurent au dossier. Je rappelle que le dossier de garde à vue est essentiellement constitué de longs interrogatoires qui se terminent quelquefois par deux pages de déclaration contresignées par la personne auditionnée. Je rappelle également qu'il en est de même, au cours de l'instruction, puisque le juge d'instruction, en présence de l'avocat, procède, devant le greffier, à de longs interrogatoires, qui sont souvent résumés, quelquefois avec beaucoup de talent, par le juge d'instruction et ne reprennent donc pas la totalité de la conversation.
Quel serait l'intérêt de diffuser in extenso, à l'audience, l'enregistrement sonore de la garde à vue, alors que la personne interrogée est présente et peut être à nouveau questionnée ?
Nous avons déjà eu sur ce point un débat très intéressant, dont certains d'entre vous peuvent se souvenir. M. Dreyfus-Schmidt, qui, malheureusement, n'est pas là aujourd'hui, était intervenu tant en commission des lois que dans l'hémicycle pour nous rappeler que le système français était fondamentalement ancré sur l'oralité des débats.
L'oralité des débats, c'est l'audience. A l'audience, bien que l'on dispose d'un dossier écrit, on fait revenir les témoins, on interroge à nouveau l'accusé. La possibilité de passer des enregistrements au cours de l'audience pourrait donc constituer une atteinte à l'oralité des débats selon le choix de la partie de l'audition diffusée.
C'est la raison pour laquelle, lors de la discussion du projet de loi relatif aux infractions sexuelles contre les mineurs, dont j'étais le rapporteur, le Sénat avait refusé, sur proposition de la commission, qu'il soit procédé à la diffusion de l'enregistrement de l'audition de la petite victime au cours de l'audience, en raison de l'impression que cela pouvait avoir soit sur les juges, soit sur les jurés.
Nous avions ainsi déjà senti la difficulté que présentait le système de l'enregistrement, et nous avions voulu y parer.
Dans le cas présent, j'avais cru, dans un premier temps, qu'il était possible de répondre à ces dérives éventuelles en proposant à la commission des lois, qui l'avait accepté, un système comportant deux barrières. La première consistait à ne procéder à l'enregistrement que lorsque la personne interrogée le demandait ; la seconde, à ne pouvoir produire l'enregistrement au cours de l'audience qu'en cas de contestation du procès-verbal par la personne gardée à vue. Cette double protection aurait permis d'encadrer l'introduction de l'enregistrement sonore dans notre procédure judiciaire, qui n'est pas prête pour une telle innovation.
Cela étant, un amendement tendant à la suppression pure et simple de l'article 2 bis A a été déposé par M. Haenel et les membres du groupe du RPR. La commission des lois, qui l'a examiné, est alors revenue quelque peu sur sa décision, décision qu'elle avait prise, reconnaissons-le, après beaucoup d'hésitation et à une courte majorité. Ainsi, dans sa sagesse, elle a finalement estimé préférable, pour l'instant, de supprimer l'enregistrement.
Ce mot seul d'« enregistrement » avait d'ailleurs ouvert de nombreuses portes : certains demandaient un enregistrement audiovisuel complet, d'autres qu'il soit procédé à des vérifications de l'enregistrement. Nous aurions alors couru le risque de basculer dans un tout autre système au moment même où les innovations très importantes qui sont introduites dans notre code de procédure pénale - que je salue aujourd'hui, comme vous avez bien voulu le faire, madame le garde des sceaux - pouvaient, parce que nous aurions voulu en faire trop sans prévoir l'encadrement suffisant de la mesure proposée, nous faire perdre la chance qui nous est offerte d'élaborer un texte moderne et prometteur pour l'avenir.
C'est la raison pour laquelle c'est sans aucun regret que je vois s'évanouir la chance de voir adopté l'amendement que j'avais imaginé pour encadrer l'enregistrement et l'enserrer dans des règles protectrices à la fois pour la société et pour les droits de la personne gardée à vue.
J'ai, en effet, reçu de la commission des lois instruction de retirer cet amendement, ce que je fais bien volontiers dans la mesure où nous allons aboutir à un système qui tiendra quand même compte des idées que nous avons échangées et qu'a suscitées ce simple mot d'« enregistrement ». Nous aurons ainsi pénétré dans les mécanismes complexes de ces trois phases d'un procès que sont la garde à vue, l'instruction et l'audience.
Dès lors, j'indique sans aucun regret que la commission des lois est favorable à l'amendement n° 92 de M. Haenel, qui tend à supprimer l'enregistrement dans l'attente d'un futur système. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hubert Haenel. Merci !
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 155 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Charasse, pour présenter les amendements n°s 109, 107 et 108.
M. Michel Charasse. Ces amendements ne se justifient, bien entendu, que dans l'hypothèse où l'amendement n° 92 de M. Haenel, qui vient de recueillir le soutien de la commission, ne serait pas adopté. Dans le cas contraire, ces amendements faisant référence au même article 63-5 du code de procédure pénale, ils n'auraient bien évidemment plus d'objet.
Nous vous proposons de prendre un certain nombre de précautions, dans l'esprit qu'a rappelé M. le rapporteur, en précisant d'abord - c'est l'objet de l'amendement n° 109 - que les enregistrements sonores ne seraient versés au dossier qu'à titre indicatif, puisque seuls les procès-verbaux écrits et signés par l'intéressé font foi, sauf si la bande enregistrée devait être décryptée immédiatement et la transcription signée par l'intéressé avant la fin de l'audition. Cela me paraît être une précaution élémentaire.
M. Jean Chérioux. Cela prouve bien que cela ne sert à rien !
M. Michel Charasse. L'amendement n° 107 vise à réprimer le risque - et c'est à mon avis l'un des risques majeurs de ce dispositif d'enregistrement - de diffusion de l'enregistrement à la radio le lendemain matin. En effet, on n'est jamais sûr qu'il n'y aura pas de fuite et, dans ce cas, la fuite serait absolument dramatique puisque l'on entendrait sur France Inter, RTL, Europe 1 ou telle radio périphérique...
M. Hubert Haenel. Ne citons personne !
M. Michel Charasse. ... un extrait de l'enregistrement d'une personne entendue en garde à vue, extrait choisi à dessein sans que l'intéressé ait la possibilité de se défendre ou de faire valoir ses arguments.
L'amendement n° 107 vise donc à interdire absolument toute diffusion, partielle ou totale, de ces enregistrements par un moyen audiovisuel, en renvoyant à la loi de 1881 et en fixant l'amende, dans ce cas, à 200 000 francs, ce qui est la moindre des choses.
Cela étant, monsieur le président, il est évident que si l'amendement n° 92 est adopté, je n'aurai parlé que pour le Journal officiel ! (Rires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 92, 109, 107 et 108 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission n'a pas émis d'avis sur les amendements n° 109, 107 et 108 puisqu'elle est, je le confirme, favorable à l'amendement de suppression n° 92. Et, si ces amendements n°s 109, 107 et 108 deviennent sans objet, je n'aurai parlé que pour le Journal officiel. (Nouveaux rires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 92, 109, 107 et 108 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Assemblée nationale a adopté deux dispositions prévoyant l'enregistrement sonore des interrogatoires des majeurs et des mineurs au cours de la garde à vue.
Ces dispositions ont fait ici, au Sénat, l'objet de nombreux amendements. Je vais vous donner dans un instant l'avis du Gouvernement sur ces amendements, mais peut-être me permettrez-vous d'abord de vous faire part de la position du Gouvernement sur le principe même des mesures adoptées par l'Assemblée nationale.
D'abord, je rappelle que le Gouvernement n'a pas proposé l'enregistrement sonore des gardes à vue : celui-ci résulte de deux amendements introduits en deuxième lecture par l'Assemblée nationale...
M. Maurice Ulrich. C'est habile !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... et adoptés, je le souligne, à l'unanimité de tous les groupes.
M. Jacques Oudin. C'est inquiétant !
M. Michel Charasse. Les erreurs collectives, cela existe !
M. Jean Chérioux. Cela ne nous fera pas changer pour autant !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je souligne cette unanimité, parce que je veux quand même rappeler la réalité des faits !
M. Michel Charasse. Oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Par conséquent, le Gouvernement n'a pas proposé l'enregistrement sonore, c'est l'Assemblée nationale qui l'a proposé et adopté en deuxième lecture, à l'unanimité de tous les groupes.
L'amendement n° 92, de MM. Haenel et Gélard, tend à supprimer cet enregistrement.
Votre rapporteur, de son côté, avait proposé de conditionner l'enregistrement à une demande expresse du gardé à vue.
Des policiers s'interrogent sur les conséquences de cet enregistrement sur le déroulement de l'étrange dialogue que constitue l'interrogatoire de la garde à vue.
Des magistrats se demandent ce que deviendra cet enregistrement écouté dans le silence du prétoire ou, pis, comme vient de l'indiquer à l'instant M. Charasse, produit sur une radio de manière légale ou illégale.
Nous sommes donc tous d'accord, et ce bref rappel des péripéties du débat le montre, il s'agit d'une question délicate.
Devant l'Assemblée nationale, je vous l'ai rappelé, j'avais marqué ma réserve sur la réponse qui était apportée à une vraie question, celle du contrôle des gardes à vue.
J'ai trois doutes, essentiellement, sur la portée réelle d'un éventuel enregistrement des gardes à vue. Je les ai exprimés à l'Assemblée nationale, je les redis ici.
Tout d'abord, risque de contestation ultérieure de la véracité des enregistrements dès lors que la bande magnétique n'est pas inviolable, et donc de fragilisation des procédures.
Ensuite, risque d'allongement des procédures si les audiences se transforment en auditorium : comment refuser à telle personne mise en cause le droit d'entendre, même à plusieurs reprises, tel enregistrement pour en commenter ou en contester tel passage ?
Enfin, risque d'affaiblissement de l'enquête : l'enregistrement sonore suppose du son et il peut conduire la personne mise en cause à se taire de peur de se voir opposer directement la version originale de ses dires.
L'intérêt principal d'un enregistrement serait de vérifier d'éventuelles discordances de fond - et non de forme - entre les propos tenus et les propos retranscrits dans un procès-verbal signé par l'intéressé, qui accepte ainsi cette retranscription.
J'avais également souligné, devant l'Assemblée nationale, la difficulté résultant du fait que l'enregistrement pouvait être écouté sur décision d'un magistrat, ce qui semblait indiquer qu'aucun contentieux ne pourrait intervenir si ce magistrat, malgré la demande des parties, refusait cette consultation ; on pouvait par ailleurs penser qu'il aurait été difficile pour la juridiction d'instruction ou de jugement de refuser de faire droit à de telles demandes, ce qui pouvait avoir pour conséquence de paralyser le traitement des affaires en temps réel, notamment les audiences de comparution immédiate.
J'avais aussi indiqué que certaines personnes pouvaient refuser de parler en sachant que leurs propos seraient enregistrés et que cet enregistrement pouvait être utilisé contre elles.
Voilà le rappel des questions que j'avais posées devant l'Assemblée nationale.
Dès lors, faut-il, dans ces conditions, comme le propose M. Haenel dans l'amendement n° 92, supprimer ces dispositions ? Je comprends que la question soit posée.
M. le rapporteur vient de retirer son amendement n° 4. Je ferai à ce sujet une simple remarque, même si j'avais préparé un argumentaire plus complet au cas où il l'aurait maintenu : cet amendement m'avait paru intéressant, parce qu'il répondait à certaines de mes préoccupations. Il empêchait, notamment, qu'un enregistrement ne se retourne contre la personne gardée à vue, ce qui, parmi toutes les considérations que j'ai énumérées, est sans doute la plus préoccupante. Mais je passe rapidement, puisque votre rapporteur vient de retirer son amendement.
La même remarque vaut pour le sous-amendement n° 155 de M. Bret.
Par ailleurs - j'en viens aux amendements n°s 109, 107 et 108 - faut-il prévoir une sanction en cas de diffusion des enregistrements sonores effectués lors d'une garde à vue, comme le prévoient les amendements n°s 107 et 108 du groupe socialiste ? Sans doute, ne serait-ce que parce qu'une disposition similaire existe pour la diffusion des enregistrements sonores ou audiovisuels des auditions des mineurs victimes d'infractions sexuelles : il s'agit, vous vous en souvenez, de l'article 706-54 du code de procédure pénale, qui résulte de la loi du 17 juin 1998.
Je pense donc que ces amendements sont justifiés dans leur principe.
Je me demande toutefois s'il ne serait pas plus simple, comme c'est le cas dans l'article 706-54, qui prévoit, dans son dernier alinéa, une peine d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende, de faire figurer cette sanction dans le nouvel article 63-5 du code de procédure pénale plutôt que dans la loi sur la presse, et de prévoir des pénalités similaires. Mais cette question pourra sans doute être examinée lors de la commission mixte paritaire.
M. Michel Charasse. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Faut-il, enfin, préciser que les enregistrements ne sont qu'indicatifs et que seul le procès-verbal fait foi, sauf retranscription intégrale et immédiate de ces enregistrements, comme le prévoit l'amendement n° 109 ?
Je ne le pense pas, pour plusieurs raisons. D'une part, d'une manière générale, les procès-verbaux ne valent qu'à titre de simple renseignement, ils ne font foi que jusqu'à preuve du contraire, en application des articles 430 et 431 du code de procédure pénale. D'autre part, si, en écoutant l'enregistrement, on découvre une discordance de fond - et non de forme - si, par exemple, à aucun moment la personne ne reconnaît les faits alors que les aveux sont couchés sur le procès-verbal, il serait paradoxal que le juge ne puisse pas en tenir compte.
M. Michel Charasse. Les enregistrements peuvent être « bidouillés » !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Enfin, si une retranscription intégrale et immédiate de l'enregistrement était prévue, cela démultiplierait les difficultés matérielles, déjà très importantes, qui résultent des nouvelles dispositions proposées. Cela justifie d'ailleurs que le Gouvernement prévoie le report de leur entrée en vigueur d'un an afin de permettre leur application effective dans de bonnes conditions.
Voilà les quelques remarques que je voulais faire.
En résumé, tout en comprenant les interrogations des auteurs des différents amendements, en les remerciant d'approfondir ainsi la réflexion sur une question complexe et certainement importante - même si elle n'a pas l'importance historique de la réforme de la cour d'assises et des libérations conditionnelles, n'est-ce pas ! - le Gouvernement adopte la position suivante.
Le Gouvernement n'a pas proposé, dans son projet initial, d'enregistrement des gardes à vue. Il ne l'a ensuite pas demandé. Par conséquent, il s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 92, il est favorable aux amendements n°s 107 et 108 sur les sanctions en cas de diffusion de l'enregistrement - si, finalement, la CMP décidait de conserver cette modalité - et il est défavorable à l'amendement n° 109 sur les valeurs probantes respectives du procès-verbal et de l'enregistrement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 92.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'amendement présenté par MM. Haenel et Gélard tend à supprimer purement et simplement l'enregistrement sonore des gardes à vue, qui, comme vient de le rappeler à l'instant Mme le garde des sceaux, a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Cette position qui a été finalement retenue, alors que la commission des lois avait initialement opté pour le principe de l'enregistrement, en l'assortissant de conditions restrictives, reflète les hésitations que nous avons ici et là sur une question délicate qui a cristallisé l'opposition des syndicats de police.
Ces derniers ont en effet ressenti l'adoption des dispositions à l'Assemblée nationale comme une marque de suspicion injustifiée à leur égard.
Il est, à mon avis, fort dommage que le débat ait pris une telle ampleur, alors qu'il ne représente, en fin de compte, qu'un élément de la réforme en profondeur qui est réalisée ici.
Mais peut-être est-ce parce que le système des enregistrements sonores est assez éloigné de notre droit pénal. En France, celui-ci reste essentiellement fondé sur l'écrit et l'on ne conçoit pas facilement d'entourer le travail d'enquête de certaines garanties vécues comme autant d'entraves.
J'en veux pour preuve l'étrange ressemblance des arguments développés aujourd'hui contre l'enregistrement des interrogatoires avec les critiques qu'on avait pu entendre lors de la réforme du code pénal en 1993, quand le Parlement avait introduit la présence de l'avocat à la vingtième heure de garde à vue.
L'usage a montré que cette disposition n'avait pas entraîné les catastrophes que certains avaient pu prédire à l'époque. D'ailleurs, les expériences menées à l'étranger devraient nous convaincre que, à défaut d'être une panacée, l'enregistrement des interrogatoires ne porte pas en lui toutes les menaces qu'on lui prête trop volontiers, à mon goût.
Je regrette que les enregistrements sonores aient été perçus comme un « espionnage » déguisé des commissariats. Mais peut-être aurait-il mieux valu, pour éviter ce sentiment, associer plus étroitement les personnels de police et de gendarmerie au traitement de la question !
M. Hubert Haenel. Ça, c'est vrai !
M. Robert Bret. Pour nous, l'enregistrement ne doit être qu'un complément du procès-verbal d'interrogatoire : en cas de contestation de ce dernier, l'enregistrement sert d'instrument de certification. C'est pourquoi nous y sommes favorables.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai, bien sûr, l'amendement n° 92.
Je dois dire que j'ai écouté Mme le garde des sceaux avec beaucoup d'intérêt, notamment lorsqu'elle a rappelé les déclarations qu'elle avait faites devant l'Assemblée nationale. Ce que je constate, c'est qu'à l'évidence l'Assemblée nationale ne les a pas entendues, si j'en juge par son vote.
Ce que je constate aussi, c'est que le Sénat, lui, les a bien enregistrées et qu'il en a fait son miel, ce qui montre, à l'évidence, l'importance de son rôle. Le Sénat est une chambre de réflexion, et il vient encore de le prouver.
Ce qui m'étonne, dès lors, c'est que Mme le garde des sceaux s'en remette à la sagesse du Sénat, un Sénat qui vient de lui donner raison puisqu'elle nous a dit que le Gouvernement n'avait jamais proposé l'enregistrement et qu'elle nous a donné les raisons pour lesquelles, au fond, sans trop le dire, elle était contre.
Malgré cela donc, peut-être en raison d'une espèce de révérence pour l'Assemblée nationale, qu'elle ne veut pas désavouer, Mme le garde des sceaux se contente de s'en remettre à la sagesse.
C'est déjà quelque chose, et cela montre, en tout cas, que le Sénat est plein de sagesse ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. M. Chérioux est très perspicace.
En effet, si je suis très respectueuse du Sénat - je l'ai montré à plusieurs reprises en saluant les apports de votre Haute Assemblée à ce projet de loi sur la présomption d'innocence - je suis aussi très respectueuse du vote de l'Assemblée nationale, surtout lorsqu'il est unanime.
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas un critère !
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. A ce moment du débat, je souhaite rappeler un certain nombre d'éléments qui ont peut-être échappé aux uns et aux autres.
C'est vrai, dans d'autres pays, on procède à l'enregistrement. Je signale d'ailleurs qu'en Grande-Bretagne, c'est la police elle-même qui a pris l'initiative de procéder à l'enregistrement, pour se défendre contre des attaques dont elle était parfois l'objet.
Je crois que l'on a mal cerné le problème en voulant utiliser l'enregistrement dans les prétoires. En règle générale, les pays qui pratiquent l'enregistrement - l'Espagne, l'Allemagne, la Grande-Bretagne - n'utilisent pas les enregistrements dans le prétoire, au cours du procès.
Le vrai problème, c'est que, dans ce projet de loi sur la présomption d'innocence, nous avons fait d'énormes progrès, mais que nous ne sommes pas allés au bout des choses. Il est vraisemblable que, dans cinq ou dix ans, il nous faudra revenir sur la loi sur la présomption d'innocence,...
M. Henri de Raincourt. Peut-être même avant !
M. Patrice Gélard. ... il nous faudra revoir l'ensemble de notre système d'instruction pénale pour le mettre en conformité avec les normes européennes, pour le rendre plus dynamique, plus moderne.
Le problème est si difficile, si complexe, qu'on ne peut pas se lancer dans l'aventure par le biais de l'adoption d'un amendement déposé et adopté, malheureusement, à l'unanimité - Mme le garde des sceaux l'a rappelé à l'instant même - à l'Assemblée nationale.
C'est une réforme dont on n'a pas étudié les conséquences, qu'il ne serait donc pas sérieux de mettre en oeuvre sans une véritable étude d'impact, sans une véritable étude comparative avec ce qui se passe à l'étranger. Nous n'avons pas fait ces préalables. La justice, la presse, les avocats, la police et la gendarmerie ne sont pas mûrs, ne sont pas prêts.
Aussi, la sagesse était de trouver une autre solution, et c'est pourquoi mon collègue Hubert Haenel et moi-même avons proposé la suppression de l'article.
Ce n'est pas un enterrement, c'est simplement une mise en réflexion pour voir si, par la suite, nous ne pourrons pas reprendre cette disposition, mais certainement pas dans les termes où elle a été retenue à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication du vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, mes chers collègues, la commission mixte paritaire aura une lourde tâche, notamment dans ce domaine, et nos collègues qui y siégeront - je n'en serai pas - peuvent s'attendre à ce que les discussions avec leurs collègues de l'Assemblée soient vives, même si elles sont courtoises et amicales. Il n'est donc pas inutile que les membres de la commission mixte paritaire puissent, le moment venu, se référer aux travaux du Sénat.
J'ai écouté, tout à l'heure, Mme le garde des sceaux commenter les amendements n°s 109, 107 et 108, qui sont, qu'on le veuille ou non, liés à l'article 2 bis A, dont l'amendement n° 92 propose la suppression.
J'ai bien entendu ce qu'a dit Mme le garde des sceaux sur les amendements n°s 107 et 108 : si la commission mixte paritaire devait revenir à l'enregistrement, à supposer que le Sénat le supprime, il serait utile de prévoir des pénalités, sous une forme ou une autre, pour éviter la diffusion audiovisuelle de ces enregistrements.
A titre de bienveillance, je retire les amendements n°s 107 et 108, car il me paraît préférable d'attendre que la commission mixte paritaire trouve la bonne rédaction. Ce que souhaitait le groupe socialiste c'est que les idées soient retenues et que sa démarche soit comprise et acceptée. A cet égard, je remercie le Gouvernement.
S'agissant de l'amendement n° 109 - j'en viens, du même coup, à l'amendement n° 92 - je me demande si nous ne sommes pas tous en train de commettre une erreur de raisonnement, erreur que j'ai peut-être moi-même commise lorsque je l'ai rédigé avec mes collègues.
Que recherchait l'Assemblée nationale, ou alors je n'y comprends rien ? A l'évidence, à protéger les droits individuels pour qu'il n'y soit pas porté atteinte pendant une garde à vue, qu'il y ait donc un témoin. Et comme on n'a pas trouvé le témoin physique, on a mis le magnétophone.
Mais, s'il s'agit de cela, mes chers collègues, il ne peut s'agir que de cela, et la bande enregistrée ne peut être éventuellement utilisée que si on l'évoque ou l'on invoque des incidents en cours de garde à vue. Dès lors, quand on prévoit, dans telle disposition, qu'on peut, à titre indicatif, écouter l'enregistrement pour vérifier, par exemple, si la personne entendue ne s'est pas contredite entre le texte du procès-verbal écrit et ce qui a été enregistré, on n'est plus du tout dans le domaine qui était visé, celui de la garantie des droits, et rien d'autre. On ne peut pas à la fois prétendre garantir les droits et utiliser l'enregistrement, le cas échéant, pour protéger ou piéger l'intéressé. C'est un point qui devra être examiné de très près en commission mixte paritaire.
L'amendement n° 109 participe donc de cette confusion dans laquelle je m'étais également laissé entraîner au départ, et c'est pourquoi, je le retire.
J'en viens à l'amendement n° 92. S'il s'agit de savoir si la garde à vue s'est passée normalement ou non, c'est-à-dire si chacun a fait son métier sans franchir les limites de l'épure, l'enregistrement est-il le meilleur moyen d'y parvenir ?
Mme le garde des sceaux a énuméré tout à l'heure - d'autres collègues en ont également parlé - les inconvénients qui pouvaient s'attacher à l'enregistrement : risque de fuite, de diffusion audiovisuelle. Mais le magnétophone peut aussi tomber en panne sans que personne s'en aperçoive : on continue à interroger l'intéressé, qui dit peut-être des choses très intéressants - on ne sait pas, on n'a pas fait attention ! - alors qu'il y a eu une panne de courant ou que la bande est arrivée au bout de sa course. La technique n'est pas si facile à manipuler, comme dirait « M. Microsoft », après le jugement de ce matin ! (Sourires.)
Encore une fois, l'enregistrement est-il le meilleur moyen ? On n'en sait rien. N'y en a-t-il pas d'autres ? Ne peut-on imaginer que l'avocat soit témoin muet, interdiction lui étant faite d'intervenir, de parler ? Simplement, il regarde. Ce moyen n'est peut-être pas plus contestable que l'enregistrement, et il a au moins l'avantage de ne pas être lié à l'électricité ou à la mécanique.
En tout cas, le groupe socialiste, qui comprend parfaitement la démarche de ceux de ses amis qui, à l'Assemblée nationale, avaient proposé cette solution, même si elle est techniquement discutable, souhaite que, dans un domaine qui touche aux libertés individuelles, on arrive à trouver une solution qui concilie les indispensables nécessités de l'enquête et l'indispensable préservation des droits et des garanties individuels.
Alors, enregistrement, témoin ? Je n'en sais rien, car je dois dire que le groupe socialiste n'a pas tranché. C'est la raison pour laquelle il s'abstiendra sur l'amendement n° 92.
M. le président. Les amendements n°s 109, 107 et 108 sont retirés.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Madame la garde des sceaux, dans ce débat effectivement complexe et délicat - vous l'avez très bien dit - j'avoue que je suis embarrassé. Je vois bien les difficultés de l'enregistrement, mais je regrette tout de même qu'apparemment un mot n'ait pas été prononcé, et donc qu'un souci n'ait pas été exprimé. Ce mot, c'est celui d'« authenticité ».
M. Hubert Haenel. Si, moi je l'ai dit !
M. Pierre Fauchon. Il ne faut pas oublier que les transcriptions que l'on fait des déclarations des gens ne sont jamais que des transcriptions. Quant on les rapproche de l'original on est quelquefois très surpris de la distance qui les sépare. Ensuite, la transcription devient un acte définitif et poursuit son cours.
C'est un vrai problème, et je regrette qu'on ne puisse pas opter pour le dispositif prévoyant la version authentique. Je reconnais que cela soulèverait des difficultés, mais il est fâcheux que nous ne puissions pas choisir la version qui, dans les technologies modernes, devrait être la transcription audiovisuelle.
L'étape de l'enregistrement sonore est déjà dépassée ; aujourd'hui, la solution tout à fait satisfaisante, c'est l'enregistrement audiovisuel.
Songeons, si je peux rêver et vous offrir de rêver un instant, à ce que seraient les enregistrements audiovisuels des grands procès du passé. Peut-être verrions-nous Jeanne d'Arc, là, à qui on demanderait : « Etes-vous en état de grâce ? » et qui répondrait : « Si je n'y suis, Dieu m'y mette ; si j'y suis, Dieu m'y garde »... Cela serait extraordinaire ! Or, nous sommes en train de renoncer à de telles ressources historiques ! Peut-être est-ce dommage.
Mais je vois bien qu'on ne peut pas faire autrement. Je reste donc fidèle à la solution proposée par M. le rapporteur, à laquelle je m'étais rallié, non sans hésitation.
Je rends hommage à sa solution qui, me semblait-il, était assez raisonnable. Je doute pourtant que, en réalité, nous puissions trouver une solution parfaitement raisonnable.
Ces doutes montrent combien notre système inquisitorial bat de l'aile, de plus en plus d'ailleurs. En fait, on ne peut probablement plus le rendre supportable.
Je présenterai une autre solution tout à l'heure ; mais je sais bien qu'elle ne sera pas retenue. Pourtant, on le voit bien, il faudrait probablement remettre en cause le principe même de nos procédures inquisitoriales aller vers des procédures accusatoires.
Cela supposerait, au préalable, de mettre en place un système de « plaider coupable », qui permettrait d'évacuer des débats, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, on oublie toujours de le dire, 90 % des affaires qui échappent dès lors à cette procédure accusatoire. La procédure accusatoire peut se dérouler d'une manière à peu près normale et satisfaisante, oralement, en présence du juge, des jurés et des avocats pour des affaires réellement problématiques.
Oserai-je dire que nous allons continuer à « patauger » quelque peu. M. Gélard a dit quant à lui que ce n'était pas un enterrement, je dirai pour ma part que c'est une mise au congélateur. Tout cela n'est guère satisfaisant.
Donc, en ce qui me concerne, je m'abstiendrai.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 92, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Jacques Larché. Je m'abstiens également.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis A est supprimé.

Article 2 bis B
(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 2 bis B. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 64 du même code, après les mots : "ces interrogatoires, ", sont insérés les mots : "les heures auxquelles elle a pu s'alimenter, ". » - (Adopté.)

Article 2 ter
(précédemment réservé)



M. le président.
« Art. 2 ter. - L'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.
« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au cours de la procédure.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »
Par amendement n° 5, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte présenté par l'article 2 ter pour le VI de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 :
« Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font l'objet, à leur demande, leur avocat consulté, d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.
« En cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire par le mineur, l'enregistrement original peut être écouté sur décision d'un magistrat au cours de la procédure. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Du fait de l'adoption de l'amendement n° 92, je retire l'amendement n° 5, qui concerne les mineurs. Je vous demande par voie de conséquence, mes chers collègues, de rejeter l'article 2 ter.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 ter.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'article 2 ter n'est pas adopté.)

Article 2 D
(précédemment réservé)



M. le président.
« Art. 2 D. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du même code, après les mots : "agent de police judiciaire, ", sont insérés les mots : "de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, ". »
« II. - Le premier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 77-2 sont également portées à sa connaissance. »
Par amendement n° 3, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer le II de cet article.
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Par sous-amendement n° 177 rectifié, MM. Jacques Larché, Gélard, Ulrich, de Richemont, Fauchon et Balarello proposent :
I. - De compléter l'amendement n° 3 par un B ainsi rédigé :
« B. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 63-4 du même code, un article 63-5 ainsi rédigé :
« Art. 63-5. - Sans préjudice des dispositions de l'article 63-4, la personne gardée à vue peut être assistée par un avocat pendant ses auditions.
« Toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée de ce droit. Si elle n'est pas en mesure de désigner un avocat ou si l'avocat choisi ne peut être contacté. elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
« Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation et lorsque l'enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs prévue par l'article 450-1 du code pénal, les infractions de proxénétisme et d'extorsion de fonds aggravés prévues par les articles 225-7, 225-9, 312-2 à 312-5 et 312-7 du code pénal ou une infraction commise en bande organisée prévue par les articles 224-3, 225-8, 311-9, 312-6, 322-8 du code pénal. »
II. - En conséquence, de faire précéder le texte de l'amendement n° 3 de la mention : « A ».
Par sous-amendement n° 183, M. Jacques Larchépropose :
I. - De compléter l'amendement n° 3 par un B ainsi rédigé :
« B. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 63-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la dixième heure. »
II. - En conséquence, de faire précéder le texte de l'amendement n° 3 de la mention : « A ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 2 D prévoit que l'officier de police judiciaire doit immédiatement prévenir une personne mise en garde à vue que, six mois plus tard, si elle ne fait l'objet d'aucune poursuite, elle pourra interroger le procureur pour connaître la suite donnée à la procédure. Il nous est apparu qu'à la minute où une personne est placée en garde à vue la notification de cette information revêt un caractère quelque peu surréaliste.
Nous maintenons la position que nous avions adoptée en première lecture : nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Fauchon, pour défendre le sous-amendement n° 177 rectifié.
M. Pierre Fauchon. C'est un enfant qui a eu beaucoup de pères à l'origine et qui n'en a plus qu'un. C'est un enfant abandonné. Ce n'est pas comme le Cid, qui arrive au port de plus en plus entouré : là, j'arrive tout seul, et il faut que je tienne le coup encore quelques minutes ! (Sourires.)
Dans les incertitudes où nous étions, il me semblait que la solution saine et raisonnable consistait à dire, comme le pensent beaucoup de professionnels, que plutôt que d'avoir l'avocat à la première, à la dixième, à la vingtième heure - c'est comme les ouvriers de l'Evangile ! - l'avocat est présent d'un bout à l'autre de l'interrogatoire.
Les interrogés sont bien assistés d'avocats pour une raison que je vais vous apprendre et qui va être une révélation extraordinaire ! Depuis plus de cent ans, on considère en effet que les personnes soumises aux pressions d'un interrogateur, d'un inquisiteur, doivent être défendues, doivent être assistées.
Dans ce cas de figure-là, cela paraît une évidence, et personne ne songerait à supprimer la présence de l'avocat en cours d'instruction.
En revanche, dans la phase antérieure, celle de la garde à vue, où cependant la pression morale - je préfère ne pas parler des pressions physiques puisqu'il est entendu qu'ici nous restons un peu à la surface des choses - est plus forte qu'elle ne le sera jamais par la suite, les avocats ne sont pas nécessaires, si ce n'est pour jouer le rôle d'infirmiers ou de témoins de temps à autre.
Le Sénat va sans doute se rallier à cette dernière solution. Elle est peut-être un peu moins mauvaise que celle qui figure dans le texte qui nous a été transmis. Disons que, parmi les solutions acceptables ou acceptées - car nous en sommes à faire le recensement de ce qui est supporté ou non ici ou là, et généralement plus ailleurs qu'ici en vérité - c'est cette solution qui passe le mieux.
Pourtant, la solution saine, normale, à laquelle on aboutira me semble-t-il assez rapidement, à moins de passer directement à l'accusatoire, consisterait tout simplement à dire que, lorsqu'on est dans un état aussi angoissant, lorsqu'on se trouve seul face à un inquisiteur redoutable, il est normal que l'on soit assisté, parce qu'il est juste et conforme aux principes les plus anciens des droits de l'homme qu'un homme qui est mis en accusation, qui est « mis sur la sellette », ne soit pas seul. C'est un droit fondamental ! Il me semble qu'il eût été bien de le reconnaître à cette occasion en prévoyant que la personne gardée à vue peut être assistée par un avocat pendant toutes ses auditions.
Voilà ce que je propose pour ma part et sur quoi je souhaiterais entendre les réflexions des uns et des autres.
M. le président. La parole est à M. Jacques Larché, pour défendre le sous-amendement n° 183.
M. Jacques Larché. Pour ce sujet, il y a eu tout un cheminement avant de parvenir au sous-amendement que j'ai l'honneur de présenter à la réflexion de la Haute Assemblée.
Tout d'abord, je dirai qu'aucun membre de la Haute Assemblée n'entend jeter la suspicion sur les gendarmes et la police. Je dirai par ailleurs qu'aucun parmi nous, j'en suis persuadé, ne voudrait faciliter outre mesure ce qui se passe au cours d'une garde à vue.
Un problème se pose, ce problème est très simple à formuler. Nous nous efforçons tous de le résoudre, mais en utilisant des méthodes différentes.
La garde à vue existe. Elle fonctionne. Fonctionne- t-elle bien ?
Si nous répondons oui à cette question, nous n'avons pas besoin de voter quoi que ce soit, nous pouvons même supprimer la présence de l'avocat à quelque moment que ce soit.
Si nous estimons en revanche que le déroulement de la garde à vue, qui est nécessaire, ô combien ! présente quelquefois, quelquefois seulement, un certain nombre d'aspects qui ne sont peut-être pas intégralement satisfaisants, nous pouvons chercher à améliorer le dispositif.
Il ne s'agit nullement de jeter une suspicion sur qui que ce soit. Cela peut même être de nature à aider ceux qui accomplissent la tâche difficile de mener la garde à vue, dans le respect des lois et de la dignité des personnes, autant que faire se peut. Le cheminement, vous le connaissez : l'amendement, l'Assemblée nationale l'a voté à l'unanimité, mais pas à la demande du Gouvernement ; circonstance atténuante, si j'ose dire ! Mais nous ne sommes pas en garde à vue, pour l'instant, nous sommes en train de voir exactement le déroulement des événements (Sourires.)
La proposition de notre collègue M. Charles Jolibois, je le dis très franchement, m'avait paru, à titre personnel, parfaitement raisonnable. L'enregistrement était encadré et il pouvait conduire à des résultats positifs aussi bien pour ceux qui mènent l'enquête que pour ceux qui la subissent.
La position de la commission des lois était parfaitement claire, sur la base de l'amendement de notre collègue. Mais la proposition d'un enregistrement n'existant plus, nous nous sommes efforcés de trouver une autre solution.
C'est alors qu'un certain nombre de démolisseurs habituels de l'ordre public (Sourires), je veux parler de MM. Patrice Gélard, Maurice Ulrich, Henri de Richemont, Pierre Fauchon, José Ballarello et de moi-même, bien sûr, se sont demandés si l'on ne pouvait pas envisager la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue.
Je dois dire que je rejoins ici le propos très éloquent qu'a tenu tout à l'heure mon ami Pierre Fauchon : si nous adoptons cette mesure, nous changeons de système, et l'avocat change de nature. Il n'est plus cet avocat que nous avons l'habitude entre nous de qualifier d'« avocat humanitaire », c'est-à-dire celui qui vérifie si les sandwichs étaient bons, si le médecin est venu à l'heure, ou s'il faisait chaud dans la salle, toute une série de prescriptions particulièrement importantes qui doivent êtres vérifiées, c'est un avocat d'assistance. La garde à vue se transforme dès lors en instruction.
Vous avez dit, monsieur Fauchon, que l'on y viendrait peut-être dans cinq ou dix ans.
M. Pierre Fauchon, Bien sûr !
M. Jacques Larché. Je suis persuadé pour ma part que l'on y viendra bien avant ! Nous allons en effet nous rendre compte que tout ce que nous nous efforçons de faire ne produit pas le résultat escompté.
Nous aboutirons donc, un jour, à la présence de l'avocat de manière constante tout au long de la garde à vue, ce qui induira, sans aucun doute, un certain nombre de progrès importants dans la manière dont ces gardes à vue se déroulent parfois. En disant cela, je ne pense pas aux violences physiques ! Il y a tellement d'autres moyens que les violences physiques pour faire aboutir une garde à vue qu'il n'est même plus besoin de parler de ce genre de procédés.
On viendra un jour à la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue mais, vous l'avez reconnu, monsieur Fauchon, nous ne sommes pas prêts à la transposition totale non seulement de ce mécanisme, mais de tout ce qui l'accompagne.
Si nous passons d'un système inquisitoire à une procédure accusatoire, il faut en effet instituer le « plaider coupable », ce qui n'est pas facile. Il faut aussi changer le rôle des procureurs de manière fondamentale. Le procureur ne sera plus obligatoirement un magistrat pouvant passer de la magistrature assise à la magistrature debout. Mais ce n'est pas tout.
Honnêtement, à dix-neuf heures quarante-cinq, ce soir, je dirai que nous ne sommes pas prêts pour aboutir à un résultat de cet ordre. Je vous propose donc, c'est l'objet du sous-amendement n° 183, un système plus modeste : la présence accrue de l'avocat.
Cette présence accrue ne change pas la nature de l'avocat. Il reste celui qui vient vérifier les conditions matérielles de la garde à vue et qui n'entre pas dans le déroulement de l'interrogatoire. Mais il sera là un peu plus que dans le passé.
Nous sommes déjà convenus qu'il serait là à la première heure, à la vingtième heure et, si la garde à vue est prolongée, à la trente-sixième heure, nous proposons aujourd'hui qu'il soit là, aussi, à la dixième heure.
Mais, ne nous y trompons pas, même si cet amendement paraît relativement secondaire, il est important et intéressant. Il signifie que le Sénat aura porté une attention particulière aux conditions dans lesquelles se déroule la garde à vue. Qui plus est, il démontre que le Sénat aura entendu apporter sa pierre à la correction nécessaire des conditions dans lesquelles se déroulent certaines gardes à vue (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 183 et 177 rectifié ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est défavorable au sous-amendement n° 177 rectifié de M. Fauchon...
M. Pierre Fauchon. Nous n'avons pas délibéré !
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est par voie déductive et non par délégation !
Elle est favorable au sous-amendement n° 183 de M. Larché, qui s'inscrit plus dans la logique de ce que nous avons décidé à l'occasion des discussions que nous avons eues lorsque nous avons accepté la présence de l'avocat dès la première heure.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 et les sous-amendements n° 177 rectifié et 183 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme je l'avais indiqué en première lecture, il ne me paraît pas illogique de prévoir, comme le propose l'Assemblée nationale, d'aviser les personnes gardées à vue de leur droit de saisir le président du tribunal dans le cas où, six mois après cette garde à vue, elles s'inquiètent de la suite de la procédure. Je suis donc défavorable à l'amendement n° 3.
Le sous-amendement n° 183 prévoit que, à sa demande, le gardé à vue pourra consulter un avocat à l'issue de la dixième heure. Le sous-amendement n° 177 rectifié prévoit que l'avocat pourra être présent en permanence pendant la garde à vue et assister son client. Ces dispositions ont clairement pour objectif de constituer une contrepartie à la suppression, que vous venez de décider, de l'enregistrement sonore des auditions. Je me suis expliquée sur les questions que soulève l'enregistrement sonore.
Je voudrais tout d'abord souligner que le texte d'ores et déjà adopté en termes conformes par le Sénat et l'Assemblée nationale prévoit des garanties fondamentales indépendamment de ces deux amendements, puisque la personne gardée à vue pourra demander à trois reprises l'intervention d'un avocat : dès la première heure - je rappelle que cette présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue est une disposition que j'avais présentée dès le 27 octobre 1997 dans ma communication en conseil des ministres - à la vingtième heure et à la trente-sixième heure, c'est-à-dire douze heures après une éventuelle prolongation. Ce sont là des droits significatifs qui constitueront des contraintes importantes pour les enquêteurs, il ne faut pas le cacher, mais que justifie la nécessité de sauvegarder les libertés individuelles.
Le Gouvernement se demande s'il est possible d'aller plus loin, sauf à modifier trop sensiblement les équilibres de notre procédure pénale. Bien sûr, la disposition proposée par M. Jacques Larché, la présence de l'avocat à la dixième heure, soulève moins de difficultés que la proposition de M. Fauchon qui prévoit la présence de l'avocat tout au long des auditions. Mais je voudrais tout de même souligner quelques-unes des difficultés importantes que provoquerait la proposition de M. Jacques Larché, à savoir la présence de l'avocat à la dixième heure.
D'abord, il s'en suivrait, pour l'avocat, un aller-retour qui serait difficilement possible dans la plupart des procédures en raison de la charge que cela représenterait pour les barreaux. Qu'un avocat puisse être suffisamment disponible pour intervenir pendant trente minutes à trois reprises pendant les premières vingt heures de la garde à vue pour s'entretenir avec la personne mise en cause sera souvent difficile. Les contraintes liées à la présence de l'avocat à la première, à la vingtième et à la trente-sixième heures sont déjà très importantes. La Chancellerie, qui a augmenté le budget de l'aide juridictionnelle en conséquence, de plus de 55 millions de francs, ne peut qu'espérer que les barreaux, spécialement ceux de province, pourront y faire face.
Permettre un nouvel entretien du gardé à vue pendant trente minutes avec l'avocat à la dixième heure est, à l'évidence, une source de contraintes supplémentaires pour les enquêteurs. Je voudrais vous donner un exemple précis des difficultés qui en résulteraient pour les enquêteurs si l'avocat devait revenir aussi à la dixième heure.
Imaginons un cas de violences urbaines ; de nombreux auteurs présumés sont arrêtés en même temps par les enquêteurs. Dans le temps limité de la garde à vue, les enquêteurs devraient gérer les auditions d'une dizaine de personnes pouvant s'entretenir avec un avocat à trois reprises - première, dixième et vingtième heure - pendant les vingt premières heures, soit trente entretiens ! Le sous-amendement n'exige pas que les enquêteurs attendent l'arrivée de l'avocat pour procéder à des auditions, mais il est évident que les enquêteurs devront, en pratique, concilier leurs investigations avec les disponibilités des avocats ! Je voulais souligner ces difficultés matérielles que, je crois, il ne faut pas négliger.
Avec le sous-amendement n° 177 rectifié de M. Fauchon, qui prévoit que l'avocat pourra être présent en permanence pendant la garde à vue et assister son client, à l'évidence on change de système. On confère à l'enquête de police judiciaire un aspect aussi contradictoire que l'instruction elle-même.
M. Hubert Haenel. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. D'ailleurs, M. Fauchon est cohérent puisqu'il a rappelé tout à l'heure qu'il souhaitait qu'on passe à la procédure accusatoire, de type anglo-saxon. C'est effectivement ainsi que cela se passe dans la procédure accusatoire. Mais en proposant un tel sous-amendement, il oublie que la plupart des procédures, au Royaume-Uni, par exemple - je ne parle pas des Etats-Unis - comprennent une phase policière très longue sans la présence de personne.
M. Pierre Fauchon. Avec enregistrement !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Pas toujours, loin de là ! Comme je l'ai souligné la semaine dernière, on voit les défauts de notre système, mais pas ceux des autres ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Charasse applaudit également.)
Outre le fait qu'il tend à changer de système, le sous-amendement n° 177 rectifié présenté par M. Fauchon non seulement entraînerait des difficultés matérielles, comme je viens de le dire s'agissant de la présence de l'avocat à la dixième heure, mais présenterait le risque d'affaiblir l'enquête et donc de la rendre moins efficace, puisqu'il ne retient pas tous les dispositifs qui sont en vigueur dans les pays anglo-saxons et qui rendent l'enquête ô combien efficace.
Le sous-amendement n° 183 de M. Jacques Larché entraînerait des difficultés matérielles, que je crains considérables et difficiles à surmonter.
Vous l'aurez compris, je vous demande de laisser aux nouvelles dispositions qui font l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, à savoir la présence de l'avocat à la première heure, à la vingtième heure et à la trente-sixième heure, le temps de faire leurs preuves. Déjà, nous instituons une avancée considérable en permettant au gardé à vue de demander trois entretiens successifs avec un avocat, le premier ayant lieu dès le début. Ces dispositions très protectrices doivent d'abord être appliquées au moins quelque temps. Ce n'est qu'après que l'on verra s'il est nécessaire et possible d'aller plus loin, ce dont je ne suis pas aujourd'hui persuadée, mais cela peut apparaître.
Un bilan détaillé, qui n'a jamais été réalisé pour les dispositions de la loi du 4 janvier 1993, qui a institué la présence de l'avocat à la vingtième heure de la garde à vue, pourra être dressé. Nous ferons de même au début de l'année 2002 pour la présence de l'avocat à la première heure de la garde à vue, disposition introduite par la loi du 4 janvier 1993 et supprimée par une loi d'août 1993, rappelons-le. Tout le monde évolue et les esprits mûrissent. En effet, cette disposition avait été introduite en janvier 1993 pour permettre la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, mais elle a été supprimée en août 1993 par la nouvelle majorité de l'époque. Quoi qu'il en soit, c'est très bien que nos points de vue se rapprochent.
Ce bilan, sur la présence de l'avocat à la première heure, que je compte faire effectuer pourra comporter une appréciation quantitative sur le nombre d'interventions sollicitées, effectuées à la première heure, à la vingtième heure et à la trente-sixième heure, sur les pourcentages d'avocats choisis et d'avocats commis d'office, sur les délais moyens pour l'arrivée de l'avocat et enfin, sur les conséquences sur la durée des gardes à vue ; n'oublions pas ce dernier point. Il pourra également comporter une appréciation qualitative demandée aux praticiens : avocats, enquêteurs et magistrats.
Je m'engage à réaliser un rapport pour le début de 2002, à le porter, bien évidemment, à la connaissance des parlementaires, qui verront ainsi s'il est vraiment nécessaire de légiférer. Voilà pourquoi je demande au Sénat de ne pas se précipiter sur la solution proposée.
Je comprends, certes, que vous vouliez manifester - c'est aussi mon souci - votre volonté d'améliorer les conditions de garde à vue. Nous sommes tous, je crois, d'accord sur cet objectif. Toutefois, je vous demande d'abord de réfléchir déjà sur les dispositions qui font l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Vous l'aurez donc compris, je souhaite que vous rejetiez ces deux sous-amendements.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Monsieur le président, je demande que le sous-amendement n° 183 soit mis aux voix en priorité.
M. Pierre Fauchon. Ce n'est pas gentil !
M. Michel Charasse. Ce n'est pas M. Fauchon qui aurait fait ça !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je n'ai pas d'opposition.
M. le président. La priorié est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 183.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Ma première considération sera de rappeler que le Sénat est réputé, et à juste titre, pour sa sagesse et son sérieux. Nous devons donc faire très attention de ne pas bouleverser complètement les ordres juridiques au détour d'un sous-amendement dont nous ne sommes pas en mesure d'apprécier toutes les conséquences.
Deuxième considération : si des lecteurs étrangers lisaient nos débats, ils auraient le sentiment que, dans le système français, la garde à vue n'est absolument pas encadrée, ce qui est totalement faux ! La garde à vue est encadrée, même si elle mérite encore des aménagements, auxquels nous sommes en train de réfléchir.
Troisième considération : qu'est-ce que la garde à vue ? Le système britannique, qui a été évoqué tout à l'heure, ne comporte pas d'officiers de police judiciaire, qui sont des mandataires de justice. Ils ont une qualification qui leur a été reconnue à l'occasion d'un concours et ils sont habilités par chaque procureur général pour exercer leurs pouvoirs dans un ressort. La garde à vue est donc « sous main de justice ». Ne l'oublions jamais !
C'est pourquoi je m'étonne qu'on parle beaucoup d'avocats, mais que l'on n'ait pas encore évoqué une seule fois les procureurs de la République. Ce sont pourtant eux et leurs substituts qui sont chargés du contrôle de la garde à vue ! J'aimerais bien qu'on me dise, une fois pour toutes, si l'on donne les moyens nécessaires aux procureurs de la République et aux substituts.
En fait, comme ils n'en ont pas, on prévoit la présence des avocats à la vingtième heure, à la huitième heure, à la onzième heure... Mais ce n'est pas satisfaisant.
Qu'il y ait un avocat, oui ! Mais alors le procureur de la République, qui est tout de même le gardien de l'intérêt général, doit être présent, d'une façon ou d'une autre. Arrêtons de dire, pour des raisons qui m'échappent, que seul l'avocat doit être présent ! Cela me choque profondément, pour des raisons qui tiennent au droit.
Où est donc passé le procureur de la République ?
M. Michel Charasse. On se le demande !
M. Hubert Haenel. S'agissant de l'avocat à la première heure, à la dixième heure, à la vingtième heure, vous avez dit, les uns et les autres - sauf Pierre Fauchon - que c'est un avocat humanitaire qui sera présent, mais en se taisant, et qui aura droit de s'entretenir avec celui qui n'est même pas son client puisqu'il ne l'assiste pas. Quel est exactement son rôle ? Cela mériterait aussi une définition.
M. Michel Charasse. Il serait un témoin. (Sourires.) M. Hubert Haenel. Que va donc dire l'avocat à cette personne, sinon lui répéter ce que lui a déjà dit le policier avec peut-être plus de détails ? « Voici vos droits ! »
On aurait pu aussi imaginer que le procureur de la République, ou son substitut, intervienne à la dixième heure. C'était également une solution. Personne n'y a songé, et je me garderai bien d'aller à l'encontre de la position du président de la commission des lois sur ce point !
J'en viens au barreau. J'ai dit dès la première lecture que je regrettais - je sais que M. Badinter n'était pas d'accord avec moi - qu'un truand appréhendé puisse présenter une carte et dire : « Appelez M. Untel, avocat ; s'il n'est pas là, appelez tel autre ! » Cela me semble dangereux.
Il faudrait donc que le barreau s'organise. Il pourrait y avoir un avocat de permanence, commis d'office, lequel avocat - je l'avais dit, j'y reviens - ne pourrait pas ensuite défendre la personne qu'il aurait assistée. Voilà qui me paraîtrait sérieux.
On n'a pas voulu adopter cette proposition. Tant pis ! Mais cela méritait de figurer dans le débat. Si, par la suite nous avons encore un débat sur la présence accrue de l'avocat, il faudra bien entendu se poser la question !
Si nous allions au bout de la logique de Pierre Fauchon, il n'y aurait plus de garde à vue ! Une personne arrêtée serait immédiatement mise entre les mains du juge d'instruction : il faut le savoir ! Je ne vois pas pourquoi on conserverait la garde à vue si, pendant son déroulement, il y a un avocat et pas de procureur. Je trouve quand même un peu extravagant qu'un avocat soit présent, ainsi que le policier qui mène son enquête, mais pas celui qui représente l'intérêt général et qui est, jusqu'à nouvel ordre, le procureur de la République !
On reparlera peut-être un jour de ce problème lorsque l'on abordera les relations parquet-Chancellerie. En tout cas, monsieur le président, madame le ministre, ayons bien cela présent à l'esprit lorsque nous examinons les amendements d'où qu'ils viennent.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Est-ce parce que j'ai fait allusion aux procédures médiévales que l'on a créé une chausse-trappe en appelant le sous-amendement n° 183 en priorité pour faire disparaître le mien ? Au demeurant, celui-ci ne disparaîtra pas facilement car je vais profiter de cette explication de vote pour répondre aux observations de Mme la ministre, observations dont je la remercie mais qui ne sont pas satisfaisantes.
Elle m'a d'abord dit que mon système consistait en réalité à « liquider » le système inquisitoire et à le remplacer par le système accusatoire au stade de la garde à vue. La deuxième observation, sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure, a été seulement esquissée, mais, en réalité, c'est la vraie raison de son opposition.
Je tiens à dire que le fait d'introduire l'avocat au cours de la garde à vue ne constitue pas nécessairement un changement de procédure, pas davantage que le fait que l'avocat intervienne au cours de l'instruction, sous réserve de ce que notre collègue Hubert Haenel a fait observer pour le procureur et qui est assez fondé, me semble-t-il.
Je rappellerai qu'actuellement 90 % des affaires ne font pas l'objet d'une instruction. Nous ne sommes plus du tout au temps où la moitié des affaires étaient instruites. C'est fini ! Il faut bien savoir que l'instruction ne concerne que 8 % ou 10 % des affaires. Pour les autres affaires, il n'y a rien ou bien il y a justement la garde à vue.
Par conséquent, dire que si l'on prévoit l'assistance d'un avocat pendant la phase de l'instruction, on peut également la prévoir pour les affaires qui ne font pas l'objet d'une instruction - soit 90 % des affaires - et qui donnent lieu à une garde à vue, ne changerait pas le système.
Comme je l'ai dit, toutes ces solutions ne sont pas satisfaisantes et je reconnais volontiers que la mienne est loin d'être parfaite. Tout cela nous achemine vers un changement du système, lequel- à supposer que nous le décidions et il y a peu de chances, à l'heure qu'il est, qu'il en soit ainsi - ne consisterait pas à faire intervenir l'avocat en tant qu'assistant pendant la durée de la garde à vue.
En réalité, madame, le garde des sceaux - et c'est ce que vous avez dit à la fin de votre explication - vous pensez que la présence de l'avocat pourrait nuire à l'« efficacité de l'enquête ». Sur cette formule pleine de pudeur, mais aussi d'une clarté quelque peu obscure, j'aurais aimé avoir plus de détails. Mais je n'insiste pas davantage.
Si on m'en avait laissé le loisir, j'aurais retiré cet amendement non pas parce que je souhaitais qu'il disparaisse, mais pour qu'on ne puisse pas dire que le Sénat avait voté contre l'assistance de l'avocat pendant toute la durée de la garde à vue car je ne crois pas souhaitable que nous donnions cette image à l'extérieur.
Mais, puisque la question ne va pas se poser, disons simplement que je retire mon amendement pour qu'il ne tombe pas dans la chausse-trappe, traîtreusement mise sur son chemin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La chausse-trappe, dont vous parlez, monsieur Fauchon, est la stricte application de notre règlement et n'est le fait ni du président de séance ni du président de la commission des lois. Cela dit, le sous-amendement n° 177 rectifié est retiré.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Je pense que tout le monde est conscient de la nécessité de renforcer les garanties de la personne à ce stade de la procédure et de renforcer la transparence de la garde à vue. De ce point de vue, le procès-verbal est largement insuffisant.
Les réticences et les inquiétudes que soulèvent les enregistrements sonores ont conduit certains de nos collègues à proposer des solutions alternatives, par le biais de deux sous-amendements, à savoir la présence de l'avocat pendant les auditions - c'est l'objet du sous-amendement n° 177 rectifié - et la possibilité de s'entretenir avec un avocat à l'issue de la dixième heure - c'est l'objet du sous-amendement n° 183.
Je souhaite, à ce sujet, formuler quelques remarques.
Tout d'abord, nous sommes en deuxième lecture et il convient à ce stade de nous placer dans la perspective d'une éventuelle commission mixte paritaire qui devrait suivre.
Si nous décidions d'adopter le sous-amendement n° 177 rectifié, nous risquerions de bouleverser l'équilibre que nous avions, me semble-t-il, réussi à atteindre et que nous avions pourtant jusqu'à présent et d'un commun accord décidé de préserver, pour basculer, c'est vrai, dans un système accusatoire de type anglo-saxon.
Je sais que cette solution a de nombreux adeptes. Pour notre part, nous avons à plusieurs reprises souligné les risques d'une telle option qui favorise, on le sait, les classes aisées, au détriment des plus pauvres.
Le débat peut s'engager, mais je ne pense pas que ce soit le bon moment, sauf à considérer que le texte peut bien attendre encore un peu, sans compter que cela changerait, à notre avis, la lecture d'ensemble de la réforme globale de la justice.
Quant à la présence de l'avocat à la dixième heure de garde à vue, prévue par le sous-amendement n° 183, c'est une garantie supplémentaire, même si je ne suis pas certain qu'elle soit d'application aisée. Cela pose en effet la question des moyens et cela sous-entend, comme notre collègue M. Haenel l'a évoqué, des systèmes de permanence, car il n'y a pas toujours d'avocats disponibles, notamment dans les petites communes. Je rappelle que les gardes à vue ont bien souvent lieu la nuit.
Aussi, je pense préférable d'en rester au texte initial et il serait bon que la sagesse gagne le Sénat sur cette question.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je crois que nous sommes en train de nous engager dans une discussion qui, à mon avis, mérite une réflexion plus approfondie en commission mixte paritaire. Il faudra bien, en effet, que l'on trouve une solution, et on ne pourra la trouver qu'en essayant de rapprocher nos points de vue de ceux de l'Assemblée nationale, puisqu'elle a aussi son mot à dire.
Donc, point n'est besoin, me semble-t-il, de s'éterniser là-dessus.
Que voulons-nous, mes chers collègues, et l'opinion publique le comprendra à la lecture de nos débats ? Renforcer les garanties individuelles et ne pas empêcher, entraver ou freiner l'enquête.
Le magnétophone n'est pas forcément le meilleur témoin et, pour ce qui est de l'avocat, moi, je n'en sais rien !
Comme le disait très justement Mme le garde des sceaux, que se passera-t-il dans les petits barreaux qui ne comptent qu'un nombre d'avocats très restreint ? Si, d'aventure, à l'issue d'une manifestation agricole, par exemple, deux ou trois avocats peuvent être présents alors que dix ou vingt personnes sont interrogées à la suite de saccages divers, que se passera-t-il ?
M. Hilaire Flandre. Pourquoi les agriculteurs ?
M. Michel Charasse. Les membres de mon groupe sont donc perplexes sur la proposition de M. Larché, même si nous en comprenons bien les motifs et si elle n'est pas forcément à écarter de façon systématique.
En revanche, monsieur Fauchon, l'assistance de l'avocat en permanence pendant la garde à vue, c'est le désarmement des enquêteurs, l'impossibilité de faire avancer l'enquête. L'avocat cherchera éventuellement à prolonger indéfiniment l'interrogatoire pour arriver aux vingt-quatre, puis aux quarante-huit heures. Or, ce n'est pas un domaine où l'on a tout le temps devant soi ! La durée de la garde à vue est limitée. On ne peut pas se permettre de se perdre dans les fantaisies ou les « chicayas » de ceux qui joueront la montre pour que, au bout de vingt-quatre ou de quarante-huit heures, l'enquête préliminaire soit interrompue sans que l'on ait abouti au moindre résultat.
Monsieur le président, tout cela n'est pas satisfaisant. Aussi, de même que tout à l'heure, sur le magnétophone, nous nous sommes abstenus, nous nous abstiendrons sur le sous-amendement n° 183, tout en espérant beaucoup, je le répète,...
M. Hubert Haenel. Qui ne dit mot consent.
M. Michel Charasse. ... que ce débat inspire celles et ceux de nos collègues qui siégeront à la commission mixte paritaire pour dégager une solution qui préserve les intérêts de la personne mais aussi, et ils ne sont pas négligeables, ceux de la société et de l'Etat. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 183, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste s'abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 D, ainsi modifié.

(L'article 2 D est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre maintenant nos travaux. Nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

12

NOMINATION
DE MEMBRES DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales et une candidature pour la commission des lois.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
M. Roland Muzeau membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Mme Nicole Borvo, démissionnaire.
Mme Nicole Borvo membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Michel Duffour, démissionnaire de son mandat de sénateur.

13

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DROITS DES VICTIMES

Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 222, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 21 nonies.

Article 21 nonies



M. le président.
« Art. 21 nonies . - I. - L'article 181 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 181 . - Si le juge d'instruction estime que les faits retenus à la charge des personnes mises en examen constituent une infraction qualifiée crime par la loi, il ordonne leur mise en accusation devant la cour d'assises.
« Il peut également saisir cette juridiction des infractions connexes.
« L'ordonnance de mise en accusation contient, à peine de nullité, l'exposé et la qualification légale des faits, objet de l'accusation, et précise l'identité de l'accusé.
« Lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure.
« Le mandat d'arrêt ou de dépôt décerné contre l'accusé au cours de l'information conserve sa force exécutoire jusqu'à la comparution de celui-ci devant la cour d'assises, sous réserve des dispositions de l'article 215-2. Le contrôle judiciaire dont fait l'objet l'accusé continue à produire ses effets.
« La détention provisoire ou le contrôle judiciaire des personnes renvoyées pour délit connexe prend fin, sauf s'il est fait application des dispositions du troisième alinéa de l'article 179. Le délai prévu par le quatrième alinéa de l'article 179 est alors porté à six mois.
« L'ordonnance de mise en accusation ordonne également prise de corps contre l'accusé, et contre les personnes renvoyées pour délits connexes.
« Le juge d'instruction transmet le dossier avec son ordonnance au procureur de la République. Celui-ci est tenu de l'envoyer sans retard au greffe de la cour d'assises.
« Les pièces à conviction, dont il est dressé état, sont transmises au greffe de la cour d'assises si celle-ci siège dans un autre tribunal que celui du juge d'instruction.
« II. - Au premier alinéa de l'article 186 du même code, les mots : "et 179, troisième alinéa" sont remplacés par les mots : ", 179, troisième alinéa, et 181".
« III. - Il est inséré, après l'article 186-1 du même code, un article 186-2 ainsi rédigé :
« Art. 186-2 . - En cas d'appel contre une ordonnance prévue par l'article 181, la chambre d'accusation statue dans les quatre mois de l'ordonnance, faute de quoi, si la personne est détenue, elle est mise d'office en liberté. »
« IV. - Le dernier alinéa de l'article 214 du même code est supprimé.
« V. - L'article 215 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 215 . - L'arrêt de mise en accusation contient, à peine de nullité, l'exposé et la qualification légale des faits, objet de l'accusation et précise l'identité de l'accusé.
« Il décerne en outre ordonnance de prise de corps contre l'accusé et contre les personnes renvoyées pour délit connexe devant la cour d'assises.
« Les dispositions des cinquième et sixième alinéas de l'article 181 sont applicables. »
« VI. - L'article 215-1 du même code est abrogé.
« VII. - Au deuxième alinéa de l'article 272 du même code, les mots : "à l'article 215-1, deuxième alinéa" sont remplacés par les mots : "à l'article 272-1".
« VIII. - Il est inséré, après l'article 272 du même code, un article 272-1 ainsi rédigé :
« Art. 272-1 . - Si l'accusé, après avoir été convoqué par la voie administrative au greffe de la cour d'assises, ne se présente pas, sans motif légitime d'excuse, au jour fixé pour être interrogé par le président de la cour d'assises, ce dernier peut, par décision motivée, mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps.
« Il en est de même, y compris pendant le déroulement de l'audience de la cour d'assises, si l'accusé se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire, ou s'il apparaît que sa détention est l'unique moyen d'assurer sa présence lors des débats ou du prononcé de l'arrêt. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables aux personnes renvoyées pour délits connexes.
« A tout moment, la personne peut demander sa mise en liberté devant la cour. »
Par amendement n° 61, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer la première phrase du cinquième alinéa du texte présenté par le I de cet article pour l'article 181 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Dans la mesure où l'ordonnance de prise de corps se substitue au mandat d'arrêt ou de dépôt, la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé pour l'article 181 du code de procédure pénale apparaît comme juridiquement inutile et elle risque d'entraîner des confusions sur les effets de cette ordonnance. Elle doit donc être supprimée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 62, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte présenté par le VIII de l'article 21 nonies pour l'article 272-1 du code de procédure pénale :
« Pendant le déroulement de l'audience de la cour d'assises, la cour peut également, sur réquisition du ministère public, ordonner la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps si l'accusé se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire ou s'il apparaît que la détention est l'unique moyen d'assurer sa présence lors des débats ou d'empêcher des pressions sur les victimes ou les témoins. Dès le début de l'audience, la cour peut aussi, sur les réquisitions du ministère public, ordonner le placement de l'accusé sous contrôle judiciaire afin d'assurer sa présence au cours des débats ou empêcher des pressions sur les victimes ou les témoins. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables aux personnes renvoyées pour délits connexes. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il paraît nécessaire de mieux préciser les conséquences de la suppression de l'obligation, pour un accusé libre, de se constituer prisonnier la veille de l'audience.
Tout d'abord, la possibilité d'ordonner l'incarcération de l'accusé en cours d'audience, déjà prévue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, doit être subordonnée aux réquisitions du parquet et décidée non pas par le président, mais par la Cour, c'est-à-dire par le président et les deux magistrats assesseurs. Cette incarcération doit pouvoir intervenir non seulement en cas de violation d'un contrôle judiciaire ou de risque de fuite, mais également si des pressions sont susceptibles d'être exercées sur les témoins ou les victimes.
Par ailleurs, afin d'éviter autant que possible ces incarcérations en cours d'audience, il faut permettre à la cour d'assises d'ordonner, en début d'audience, si nécessaire, le placement de l'accusé sous contrôle judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21 nonies, modifié.

(L'article 21 nonies est adopté.)

Article 21 decies A



M. le président.
« Art. 21 decies A. - Dans toutes les dispositions de nature législative, les mots : "chambre d'accusation" sont remplacés par les mots : "chambre d'appel de l'instruction". »
Par amendement n° 63, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Dans toutes les dispositions de nature législative, les mots : "chambre d'accusation" sont remplacés par les mots : "chambre de l'instruction". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a souhaité qualifier la chambre d'accusation de « chambre d'appel de l'instruction », ce qui ne rend pas pleinement compte de toutes les attributions de cette chambre et de celles de son président. Le présent amendement tend à retenir la dénomination de « chambre de l'instruction », au demeurant plus courte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, tout en espérant qu'un accord pourra être trouvé en commission mixte paritaire à ce sujet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 decies A est ainsi rédigé.

Article 21 decies B



M. le président.
« Art. 21 decies B. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 183 du code de procédure pénale, les mots : "ou de transmission des pièces au procureur général" sont remplacés par les mots : "ou de mise en accusation". » - (Adopté.)

Article 21 decies



M. le président.
« Art. 21 decies . - I. - L'article 367 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 367 . - Si l'accusé est exempté de peine ou acquitté, s'il est condamné à une peine autre qu'une peine ferme privative de liberté, ou s'il est condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention provisoire, il est mis immédiatement en liberté s'il n'est retenu pour autre cause.
« Dans les autres cas, tant que l'arrêt n'est pas définitif et, le cas échéant, pendant l'instance d'appel, l'ordonnance de prise de corps est mise à exécution ou continue de produire ses effets, jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée. Toutefois, si la cour d'assises saisie en appel n'a pas commencé à examiner l'affaire à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle a été interjeté l'appel, l'accusé est remis en liberté.
« La cour d'assises peut, par décision spéciale et motivée, décider que l'ordonnance de prise de corps sera mise à exécution contre la personne renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au moment où l'arrêt est rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement et si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.
« Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-6 à 131-11 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision. »
« II. - L'article 374 du même code est ainsi rétabli :
« Art. 374 . - Lorsqu'elle statue en premier ressort, la cour peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision, si celle-ci a été demandée, sans préjudice des dispositions de l'article 380-8.
« Toutefois, l'exécution provisoire des mesures d'instruction est de droit. »
Par amendement n° 64, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, à la fin du deuxième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 367 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « à compter de la date à laquelle l'appel a été interjeté, l'accusé est remis en liberté » par les mots : « à compter de la date à laquelle la cour d'assises d'appel a été désignée, l'accusé est remis en liberté, sauf si la chambre de l'instruction prolonge les effets de l'ordonnance de prise de corps dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article 215-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a prévu que, en cas d'appel d'une décision de cour d'assises, l'instance d'appel devrait se tenir dans un délai d'un an, faute de quoi la personne serait remise d'office en liberté.
Il nous semble indispensable, à la fois pour des raisons pratiques, liées à l'encombrement actuel des cours d'assises - et l'on espère que cette situation évoluera dans le bon sens ! - et de cohérence juridique, eu égard à ce que dispose le projet de loi, à l'article 21 quinquies , s'agissant des délais d'audiencement en matière criminelle, de prévoir que la chambre de l'instruction pourra, à titre exceptionnel, prolonger ce délai d'un an.
Cette prolongation ne pourra intervenir que pour une durée de six mois, renouvelable une seule fois, par une décision exposant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21 decies , ainsi modifié.

(L'article 21 decies est adopté.)

Article 21 undecies A



M. le président.
« Art. 21 undecies A. - L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifiée :
« 1° a) Dans le 4° de l'article 9, les mots : "l'ordonnance de transmission de pièces au procureur général, prévue par l'article 181 du code de procédure pénale" sont remplacés par les mots : "une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises des mineurs" ;
« b) Dans la deuxième phrase de l'antépénultième alinéa du même article, les mots : "la chambre d'accusation" sont remplacés par les mots : "le juge d'instruction" ;
« c) Dans le dernier alinéa du même article, les mots : "la chambre d'accusation" sont remplacés par les mots : "le juge d'instruction" ;
« 2° Le troisième alinéa de l'article 24 est ainsi rédigé :
« Les règles sur l'appel résultant des dispositions du code de procédure pénale sont applicables aux jugements du juge des enfants et du tribunal pour enfants et aux arrêts de la cour d'assises des mineurs rendus en premier ressort. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 21 undecies



M. le président.
Par amendement n° 144, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 441-2 du code pénal est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le faux ou l'usage de faux est commis par un magistrat de l'ordre judiciaire administratif ou financier, il constitue un crime de forfaiture. »
« II. - L'article 441-4 du code pénal est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Les infractions prévues aux premier et deuxième alinéas constituent un crime de forfaiture si elles sont commises par un magistrat de l'ordre judiciaire, administratif ou financier. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Comme j'ai retiré les amendements rétablissant le crime de forfaiture, cet amendement devient sans objet : il fait référence à des dispositions qui n'existent plus. Par conséquent, je le retire également.
M. le président. L'amendement n° 144 est retiré.
Par amendement n° 145, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« La troisième phrase de l'article 103 du code de procédure pénale est complétée par les mots : "dans le procès verbal, et ce à peine de nullité". »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si vous le permettez, monsieur le président, pour faire gagner du temps au Sénat, je présenterai d'un même mouvement les amendements n°s 145, 146, 147, 148 et 149, qui sont tous des amendements de précision.
M. le président. Je suis en effet saisi de cinq amendements présentés par M. Charasse.
L'amendement n° 146, tend à insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux premières phrases de l'article 106 du code de procédure pénale sont ainsi rédigées :
« Dans chacun des procès-verbaux, doivent être portées, à peine de nullité, la signature du juge, la signature du greffier, la signature du témoin, ainsi que les questions posées et les réponses à ces questions. Le témoin est alors invité à relire sa déposition telle qu'elle vient d'être transcrite, puis à la signer s'il déclare y persister. »
L'amendement n° 147, a pour objet d'insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 428 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 428. - Ce procès-verbal est dicté par la personne entendue en ce qui concerne les réponses aux questions posées. Il doit porter, à peine de nullité, la mention selon laquelle elle fait cette déclaration spontanément, après avoir été préalablement avisée de son droit au silence et de ne pas témoigner. »
L'amendement n° 148, vise à insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 429 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin d'assurer la loyauté du procès-verbal, la personne entendue, qu'elle soit témoin ou mise en examen, doit savoir avec précision sur quelle matière chaque question lui est posée.
« Tout procès-verbal d'interrogatoire, même ceux afférents à un aveu, doit, à peine de nullité, comporter les questions auxquelles il est répondu. »
L'amendement n° 149, tend à insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du premier alinéa de l'article 427 du code de procédure pénale, les mots : "et le juge décide d'après son intime conviction" sont supprimés. »
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. Par l'amendement n° 145, il s'agit d'apporter une précision à l'article 103 du code de procédure pénale.
Par l'amendement n° 146, il s'agit, à l'article 106 du même code, de préciser d'une façon claire les mentions qui doivent être portées sur les procès-verbaux.
L'amendement n° 147 tend à préciser, à l'article 428 dudit code, que le procès-verbal est dicté par la personne entendue en ce qui concerne les réponses aux questions posées et qu'il doit porter, à peine de nullité, la mention selon laquelle elle fait cette déclaration spontanément.
L'amendement n° 148 a pour objet de faire apparaître, à l'article 429, que la personne entendue, qu'elle soit témoin ou mise en examen, doit savoir avec précision sur quelle matière chaque question lui est posée et que tous les procès-verbaux doivent comporter les questions auxquelles il est répondu, car, paradoxalement, ce n'est pas le cas.
Enfin l'amendement n° 149 vise à supprimer la notion d'intime conviction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 145 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je voudrais à mon tour, monsieur le président, si vous le permettez, présenter globalement l'avis de la commission sur les amendements n°s 145, 146, 147 et 148.
La commission a en effet considéré qu'ils étaient tous quatre satisfaits par l'amendement qui a été précédemment adopté par le Sénat et où il est bien précisé qu'il est nécessaire de faire apparaître les questions auxquelles il doit être donné une réponse.
Je suggère donc à M. Charasse de retirer ces quatre amendements.
M. le président. Monsieur Charasse, êtes-vous convaincu par les explications de M. le rapporteur ?
M. Michel Charasse. Monsieur le président, ayant une confiance illimitée en M. le rapporteur, je retire ces quatre amendements. (Sourires.)
M. le président. Les amendements n°s 145, 146, 147 et 148 sont retirés.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 149 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Comment pourrait-on supprimer la notion d'intime conviction alors que celle-ci est à la base même du raisonnement du juge ? Ce dernier, après avoir recueilli toutes les preuves, procède en effet par la voie de l'intime conviction.
Nous ne saurions donc admettre la suppression proposée par M. Charasse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet avis est défavorable.
Ce que l'adoption de l'amendement n° 149 provoquerait, ce n'est rien de moins qu'une rupture radicale avec la tradition française en matière de procédure pénale. En effet, il vise à ce que soit abandonné le principe selon lequel le juge décide d'après son intime conviction.
J'observe que cet amendement ne s'attache qu'aux règles s'appliquant au contentieux correctionnel, alors que, au terme de l'article 304 du code de procédure pénale, il doit être dit aux jurés : « Vous vous déciderez selon votre conscience et votre intime conviction. »
M. Michel Charasse. Là, c'est le peuble !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur le fond, il faut savoir qu'il n'existe que deux systèmes possibles en matière de preuve pénale : celui du régime des preuves légales ou celui de la liberté de la preuve, corollaire du principe de l'intime conviction.
Je ne suis guère favorable, vous le savez - je me suis exprimée souvent à ce sujet - au modèle anglo-saxon et, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, je ne vois nullement l'avantage qu'il y aurait, pour la protection des droits des personnes poursuivies, à changer radicalement de système.
Le système de l'intime conviction s'appuie sur le principe de la liberté de la preuve. Celui-ci est néanmoins strictement encadré. Si le juge apprécie librement la valeur des éléments de preuve régulièrement versés au dossier, ceux-ci doivent avoir été soumis à la discussion contradictoire des parties. Ils doivent également justifier la motivation de la décision.
Le libre et complet exercice des droits de la défense constitue le contrepoint du principe de l'intime conviction.
Je demande donc au Sénat de repousser cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 149.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse J'ai bien entendu Mme le garde des sceaux. Je ne suis pas vraiment convaincu par ses propos parce que je considère que, dans l'intime conviction, il y a un côté « doigt mouillé » qui est très déplaisant.
Cela étant, le sujet n'est pas mûr, et ce n'est pas maintenant que nous pouvons aller au fond des choses. Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 149.
M. le président L'amendement n° 149 est retiré.

Chapitre III quinquies

Dispositions relatives aux demandes de révision

M. le président. Par amendement n° 170, le Gouvernement propose de rédiger comme suit l'intitulé du chapitre III quinquies : « Dispositions relatives au réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme ».
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, Monsieur le président, dans la mesure où j'ai déposé un amendement à l'article 21 terdecies, qui constitue le corps de ce chapitre, je demande la réserve de l'amendement n° 170, jusqu'après l'examen de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 21 terdecies

M. le président. « Art. 21 terdecies . - L'article 622 du code de procédure pénale est complété par un 5° ainsi rédigé :
« Après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme constatant une violation de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses protocoles, lorsque la condamnation continue de produire ses effets et qu'une réparation équitable du préjudice causé par cette violation ne peut être obtenue que par la voie de la révision. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 171, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Il est inséré, après l'article 626 du code de procédure pénale, un titre III ainsi rédigé :

TITRE III

DU RÉEXAMEN D'UNE DÉCISION PÉNALE
CONSÉCUTIF AU PRONONCÉ D'UN ARRÊT
DE LA COUR EUROPÉENNE
DES DROITS DE L'HOMME

« Art. 626-1. - Le réexamen d'une décision pénale définitive peut être demandé au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'une infraction lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme que la condamnation a été prononcée en violation des dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne pour le condamné des conséquences dommageables auxquelles la "satisfaction équitable" allouée sur le fondement de l'article 41 de la convention ne pourrait mettre un terme.
« Art. 626-2 . - Le réexamen peut être demandé par :
« - le ministre de la justice ;
« - le procureur général près la Cour de cassation ;
« - le condamné ou, en cas d'incapacité, son représentant légal ;
« - les ayants droit du condamné, en cas de décès de ce dernier.
« Art. 626-3 . - La demande en réexamen est adressée à une commission composée de sept magistrats de la Cour de cassation, désignés par l'assemblée générale de cette juridiction ; chacune des chambres est représentée par un de ses membres, à l'exception de la chambre criminelle qui est représentée par deux magistrats, l'un d'entre eux assurant la présidence de la commission. Les fonctions du ministère public sont exercées par le parquet général de la Cour de cassation.
« La demande en réexamen doit être formée dans un délai de six mois à compter de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme.
« La décision de la commission est prononcée à l'issue d'une audience publique au cours de laquelle sont recueillies les observations orales ou écrites du requérant ou de son avocat, ainsi que celles du ministère public ; cette décision n'est pas susceptible de recours.
« Art. 626-4 . - Si elle estime la demande justifiée, la commission procède conformément aux dispositions ci-après :
« - si le réexamen du pourvoi du condamné, dans des conditions conformes aux dispositions de la convention, est de nature à remédier à la violation constatée par la Cour européenne des droits de l'homme, la commission, qui statue alors comme Cour de cassation, réexamine elle-même le pourvoi ;
« - dans les autres cas, la commission renvoie l'affaire devant une juridiction de même ordre et de même degré que celle qui a rendu la décision litigieuse, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 625.
« Art. 626-5 . - La suspension de l'exécution de la condamnation peut être prononcée, à tout moment, par la commission.
« Art. 626-6 . - Pour l'application des dispositions du présent titre, le requérant peut être représenté ou assisté par un avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation ou par un avocat régulièrement inscrit à un barreau.
« Art. 626-7 . - Si, à l'issue de la procédure, le condamné est reconnu innocent, les dispositions de l'article 626 sont applicables.
« II. - A titre transitoire, les demandes de réexamen présentées en application des articles 626-1 et suivants du code de procédure pénale et motivées par une décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme rendue avant la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française peuvent être formées dans un délai de six mois à compter de cette publication. Pour l'application des dispositions de ces articles, les décisions du comité des ministres du Conseil de l'Europe sont assimilées aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 176, présenté par M. Jolibois, au nom de la commission, a pour objet :
I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 171 pour l'article 626-3 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « de six mois » par les mots : « d'un an ».
II. - En conséquence, de procéder au même remplacement dans le paragraphe II de cet amendement.
Le sous-amendement n° 182, déposé par M. Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, tend, à la fin du deuxième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 171 pour l'article 626-4 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « la commission qui statue alors comme Cour de cassation réexamine elle-même le pourvoi. » par les mots : « la commission renvoie l'affaire devant la Cour de cassation qui statue en assemblée plénière. »
Le sous-amendement n° 178, présenté par M. Jolibois, au nom de la commission, vise à supprimer la dernière phrase du paragraphe II de l'amendement n° 171.
Par amendement n° 116, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 21 terdecies :
« I. - L'article 622 du code de procédure pénale est complété par un 5° ainsi rédigé :
« Après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme constatant une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses protocoles, lorsque la condamnation continue de produire ses effets et qu'une réparation équitable du préjudice causé par cette violation ne peut être obtenu que par la voie de la révision. Lorsque la décision de la Cour européenne porte sur les conditions dans lesquelles a été jugé le pourvoi en cassation la révision ne concerne que l'instance de cassation. »
« II. - Le troisième alinéa de l'article 623 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Dans l'hypothèse où la demande fondée sur le 5° de l'article 622 met en cause un arrêt rendu par la Cour de cassation, la commission ne peut comprendre de magistrat membre de la chambre criminelle et sa présidence est assurée par le premier président de la Cour de cassation. L'assemblée plénière est alors compétente comme cour de révision. »
Par amendement n° 65, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 21 terdecies pour le 5° de l'article 622 du code de procédure pénale.
« Après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme constatant une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses protocoles, lorsque la violation de la convention a été de nature à modifier la décision devenue définitive dans un sens défavorable au condamné. Lorsque la condamnation par la Cour européenne porte sur les conditions dans lesquelles a été examiné le pourvoi en cassation, le condamné ne peut demander qu'un réexamen de son pourvoi. La demande en révision doit être déposée dans le délai d'un an suivant l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. »
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 171.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet amendement porte sur une question très importante, à savoir la révision des condamnations pénales dans l'hypothèse d'une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.
L'Assemblée nationale a adopté, par le biais d'un amendement, sur lequel j'avais émis un avis favorable, déposé par M. Jack Lang, une disposition prévoyant qu'une telle condamnation ouvrirait désormais un nouveau cas de révision.
J'ai totalement fait miens les objectifs de l'auteur de cette disposition - vous connaissez mon engagement européen - et, après avoir notamment consulté la Cour de cassation sur cette question, j'ai déposé l'amendement n° 171, qui prévoit une procédure spécifique de réexamen des décisions pénales, mieux adaptée au traitement du problème considéré que la procédure de révision.
Les adaptations proposées rejoignent d'ailleurs en partie, j'y reviendrai, certaines suggestions de la commission des lois du Sénat ou de M. Badinter.
Outre la différence de terminologie, qui paraît opportune pour distinguer la révision fondée sur des raisons de fait et le réexamen fondé sur des raisons de droit, cette nouvelle procédure permettra à une commission chargée de se prononcer sur les demandes de réexamen soit d'examiner elle-même le pourvoi, dans le cas où c'est la décision de la chambre criminelle elle-même qui a été critiquée, comme dans l'affaire Kalfaoui, soit de renvoyer directement l'affaire devant la juridiction du fond, si c'est la décision rendue par la juridiction du fond qui a été jugée contraire à la convention européenne, comme dans l'affaire Hakkar.
Dans les deux hypothèses, il ne sera donc pas nécessaire que la chambre criminelle examine elle-même de nouveau l'affaire, comme c'est le cas en matière de révision. Cette solution, qui évite à la chambre criminelle de se déjuger et assure l'impartialité de la décision, rejoint ainsi les propositions avancées par la commission par son amendement n° 65 et par M. Badinter au travers de son amendement n° 116, c'est-à-dire que nous adaptons la procédure, mais que nous acceptons qu'il puisse y avoir une procédure de réexamen du procès en raison d'une condamnation, fût-ce pour vice de forme, comme c'est le cas dans l'affaire Hakkar, par la Cour européenne des droits de l'homme.
La composition de la commission chargée de statuer sur la demande de réexamen, qui a été suggérée par le premier président de la Cour de cassation, se rapproche de celle de l'assemblée plénière, puisque chacune des chambres de la Cour de cassation est représentée. Cette solution recoupe également en partie le dispositif que proposait M. Badinter par l'amendement n° 116.
Par ailleurs, la demande en réexamen devra être formulée dans un certain délai à compter de la décision de la Cour de Strasbourg : il est proposé un délai de six mois, identique à celui qui est prévu pour la saisine de la Cour européenne par l'article 35 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A titre transitoire, pour les décisions rendues avant la publication de la présente loi, un délai de six mois à compter de cette publication est également prévu. Je suis ouverte à la discussion pour une modification éventuelle de ce délai.
J'insiste sur le caractère capital des dispositions transitoires. Celles-ci ont pour objet de permettre à des personnes faisant l'objet de condamnations définitives de bénéficier de la nouvelle procédure qui vous est proposée. Autrement dit, une personne se trouvant, par exemple, dans la situation de M. Hakkar, ainsi que M. Hakkar lui-même, bien entendu, pourra introduire un recours dans le délai de six mois après la publication de la présente loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
C'est la raison pour laquelle j'estime que nous avons trouvé là le dispositif qui permettra de réexaminer des affaires jugées, suite à des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, qui, de surcroît, ouvre le bénéfice de dispositions transitoires à des personnes qui, depuis 1981, auraient fait l'objet de décisions favorables de la Cour européenne des droits de l'homme et, par conséquent, qui permet de régler le problème, comme je m'y étais engagée devant l'Assemblée nationale. En effet, contrairement à une position traditionnelle, depuis 1981 justement, de la chancellerie sur ces questions, il n'était plus possible d'ignorer les recours formés devant la Cour européenne des droits de l'homme et les arrêts auxquels ils ont donné lieu.
Compte tenu de ce que je viens de vous dire et qui a été décidé, en vérité, depuis la deuxième lecture de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, puisque je m'étais engagée devant celle-ci, en dehors de l'accord de principe que j'avais donné à l'amendement de M. Jack Lang relatif à l'affaire Hakkar, à présenter au Sénat un système nous permettant de mettre en place des procédures de réexamen qui soient tout à fait comparables à celles de nos partenaires européens et qui respectent, bien entendu, nos institutions, j'ai lu avec un grand étonnement les déclarations, rapportées ce soir par une dépêche de l'AFP,...
M. Michel Charasse. En volapuk !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux ... d'un parlementaire néerlandais, membre du Conseil de l'Europe, assemblée non élue au suffrage universel, c'est-à-dire émanation des parlements nationaux. Ce parlementaire néerlandais a cru devoir mettre en cause, dans des termes inadmissibles, l'attitude de notre pays à la suite de la décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Hakkar.
M. Hakkar, chacun ici s'en souvient, a été condamné en 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité par une cour d'assises pour l'assassinat d'un policier, commis en France en 1984. Plus tard, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour violation des droits de la défense : M. Hakkar avait récusé tous ses défenseurs, et le procès s'est donc tenu sans défenseur, ce qui certes est sans doute très regrettable. Telles sont les raisons de la condamnation de la France.
Les déclarations de ce parlementaire sont d'autant plus déplacées qu'elles surviennent la veille du jour où il devait être reçu, à sa demande, à la chancellerie, et ce non pas par n'importe qui, mais par le directeur de mon cabinet, c'est-à-dire par mon représentant personnel. Or ce parlementaire s'est indigné de ce que je ne le reçoive pas moi-même. Mais je vous le demande, mesdames, messieurs les sénateurs : ai-je reçu personnellement chacun des 898 parlementaires nationaux élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat ? Les parlementaires nationaux que je n'ai pas reçus personnellement ont-ils eu l'outrecuidance de s'en plaindre, et ce publiquement ?
M. Josselin de Rohan. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Voilà ! Par le biais d'une dépêche de l'AFP, on se permet de donner des leçons à la France à travers son Gouvernement, et ce dans des termes évidemment inadmissibles.
M. Josselin de Rohan. Ne vous laissez pas troubler, les Néerlandais sont coutumiers du fait !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne veux pas généraliser, mais j'ai décidé de ne pas laisser passer cela, d'autant que chacun connaît mon engagement européen et que je suis en passe de résoudre le problème qui a alerté ce parlementaire, ce que personne n'avait fait avant moi.
M. Michel Charasse. La bière et l'aquavit !... (Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ajoute que, compte tenu de ces déclarations, le rendez-vous qui avait été accordé à ma demande par le directeur de mon cabinet à ce parlementaire n'a évidemment plus lieu d'être. (Applaudissements.)
M. Josselin de Rohan. Vous avez raison !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Si ce parlementaire avait rencontré le directeur de mon cabinet, il lui aurait été rappelé que la France, en dehors de toute injonction de tel ou tel parlementaire, tient le plus grand compte des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Par ailleurs, je signale que j'ai autorisé la visite de ce parlementaire au détenu Hakkar sur le lieu de la détention de celui-ci, le 14 février dernier, alors que rien ne m'y obligeait, et que j'avais accepté de le faire recevoir à mon cabinet. Je rappelle enfin que nous sommes dans un Etat de droit ; hormis par le biais de la grâce présidentielle, monsieur le président du groupe du RPR, laquelle ne relève que du seul Président de la République, on ne fait pas sortir de prison une personne condamnée en dehors des règles du code de procédure pénale. Surtout, en liaison avec le Parlement, notamment avec M. Jack Lang, qui était alors député, le Gouvernement a, depuis quelques mois, entendu travailler à introduire dans notre législation les outils juridiques nécessaires à la prise en compte sans délai des conséquences des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.
Les dispositions prévues par l'amendement n° 171 seront, si celui-ci est adopté, applicables au cas Hakkar. Ainsi, la France aura rendu possible la révision, y compris pour des affaires jugées avant la promulgation de la loi dont nous débattons en ce moment. Les critiques du membre de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sont donc particulièrement irrecevables ce soir. Il est inutile de vous préciser, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en dehors de l'écho qui sera forcément donné à cette déclaration que je prononce devant vous, mes paroles seront naturellement transmises personnellement par le directeur de mon cabinet à M. l'ambassadeur des Pays-Bas en France. (Applaudissements.)
MM. Michel Charasse et Jacques Pelletier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 176.
M. Charles Jolibois, rapporteur. J'ai compris tout à l'heure, en écoutant son exposé, que Mme la ministre était tout à fait disposée à envisager un allongement du délai dans lequel la demande en réexamen doit être formée.
Précisément, prévoir un délai d'un an nous semble préférable. En effet, un délai de six mois est vraiment trop court. Tel est l'objet du sous-amendement n° 176.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 182.
M. Michel Charasse. Il s'agit d'apporter une précision à l'amendement n° 171 du Gouvernement, s'agissant de l'article 626-4 du code de procédure pénale, en prévoyant que c'est non pas la commission qui statue alors comme Cour de cassation, mais la commission qui renvoie l'affaire devant la Cour de cassation qui statue en assemblée plénière.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 178.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la dernière phrase du paragraphe II de l'amendement n° 171.
En effet, la commission estime que l'on peut admettre le réexamen d'une procédure pénale à la suite d'une décision juridictionnelle de la Cour européenne des droits de l'homme, mais que cela paraît beaucoup plus contestable lorsque la décision émane du comité des ministres, même si cette possibilité n'était ouverte qu'à titre transitoire.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, pour gagner du temps, comme il a été commenté tout à l'heure, allusivement en tout cas, à deux ou trois reprises par Mme le garde des sceaux dans son commentaire d'ensemble sur l'amendement n° 171, je considère qu'il est défendu.
J'ai cru comprendre qu'une partie de l'amendement n° 116 rejoignait les préoccupations du garde des sceaux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 65.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Par cet amendement, nous avions rédigé à nouveau le texte relatif à la révision après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Cet amendement devient sans objet, puisqu'il se trouve satisfait par celui du Gouvernement, qui nous semble plus complet et plus précis.
Par conséquent, la commission retire l'amendement n° 65.
M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 171, le sous-amendement n° 182 et l'amendement n° 116 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 171, sous réserve de l'adoption des sous-amendements n°s 176 et 178 qu'elle a déposés.
Je rappelle pour mémoire que le sous-amendement n° 176 a pour objet de remplacer les mots « de six mois » par les mots « d'un an ».
Quant au sous-amendement n° 182, la commission n'a pas pu l'examiner. Cependant, M. Badinter l'avait évoqué lors de la réunion de la commission. Au fond, il paraît assez normal que la commission renvoie une affaire aussi grave devant la Cour de cassation qui statue en assemblée plénière. Je suis donc favorable au sous-amendement n° 182.
Le sous-amendement n° 178 de la commission vise à supprimer la dernière phrase du II de l'amendement n° 171 du Gouvernement afin de retirer des cas de révision les décisions qui émanent non pas de la Cour européenne des droits de l'homme mais du comité des ministres.
Quant à l'amendement n° 116, il est satisfait par l'amendement n° 171 du Gouvernement. Je pense donc que M. Charasse pourrait le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n°s 176, 182 et 178, ainsi que sur l'amendement n° 116 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. En ce qui concerne le sous-amendement n° 176, qui vise à porter à un an le délai pour saisir la commission de réexamen, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 116 est effectivement satisfait par celui qu'a présenté le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Retiré !
M. le président. L'amendement n° 116 est retiré.
Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable au sous-amendement n° 178, car il tend à supprimer la référence aux décisions du comité des ministres du Conseil de l'Europe. Il me semble qu'il existe un malentendu, que je vais essayer de dissiper.
Avant le 1er novembre 1998, date de l'entrée en vigueur du protocole n° 11 qui a supprimé la Commission européenne des droits de l'homme, le mécanisme de recours prévu par la convention était le suivant : le requérant saisissait la Commission européenne, qui rendait un avis sous forme de rapport concluant à la violation ou non de la convention. Si, dans un délai de trois mois, ni la commission ni l'Etat intéressé ne saisissait la Cour européenne, le comité des ministres, en tant qu'organe juridictionnel, jugeait lui-même l'affaire, en application de l'article 32. C'est ce qui s'est passé dans l'affaire Hakkar.
Depuis l'entrée en vigueur du protocole n° 11, la Commission et le pouvoir juridictionnel du comité des ministres ont été supprimés, sauf à titre transitoire pour des affaires pendantes devant le comité à la suite des décisions déjà rendues par l'ancienne commission. C'est l'article 5, paragraphe 6, du protocole.
Il est donc indispensable de faire référence aux décisions du comité des ministres, sinon aucun réexamen ne sera possible dans ces affaires, notamment dans l'affaire Hakkar qui, je le rappelle, concerne une personne condamnée en cour d'assises sans l'assistance d'un avocat.
Pour éviter toute ambiguïté, le Gouvernement propose toutefois de rectifier son amendement afin de montrer clairement dans quelles circonstances exceptionnelles le comité des ministres a pu avoir ou pourra avoir un rôle juridictionnel. Vous connaissez les dispositions de l'amendement n° 171. Je souhaiterais simplement vous donner lecture de la rédaction que nous proposerions pour la dernière phrase du paragraphe II : « Pour l'application des dispositions de ces articles, les décisions du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, après une décision de la commission européenne des droits de l'homme, en application de l'article 32 (ancien) de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ou de l'article 5 (paragraphe 6) de son protocole n° 11, sont assimilées aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. »
Compte tenu de ces précisions et cette rectification, le sous-amendement n° 178, qui aura eu le mérite de permettre une clarification opportune d'un texte important, pourrait, me semble-t-il, être retiré, monsieur le rapporteur. Je suis donc prête à déposer la rectification à l'amendement n° 171 du Gouvernement si vous retirez votre sous-amendement. Nous aurons ainsi la clarification sans ambiguïté que vous souhaitez.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable au sous-amendement n° 182. Il me semble que le texte proposé par le Gouvernement présente, au regard de l'objectif, les garanties nécessaires.
En effet, la commission de réexamen prévue par l'amendement du Gouvernement est composée d'un membre de chacune des chambres de la Cour de cassation. C'est donc une forme d'assemblée plénière. Exiger que la commission renvoie l'affaire à l'assemblée plénière alourdirait, me semble-t-il, la procédure sans raison véritable. En pratique, la commission statuera elle-même sur le pourvoi dans les cas où la France a été condamnée pour avoir refusé d'examiner le pourvoi au fond ; c'est l'affaire Kalfaoui. Ce qui est critiqué, ce n'est donc pas le fond de la décision de la Cour de cassation, c'est plutôt l'absence de décision.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir demander à la commission de dire que le pourvoi doit être examiné et demander ensuite à l'assemblée plénière de l'examiner elle-même ? Je crois que cela ne ferait que retarder encore l'examen du fond du pourvoi par la commission, ce qui nuirait aux intérêts du requérant. Nous sommes là sur des questions de procédure. Je crois que nous avons exactement le même résultat.
M. le président. Monsieur le rapporteur, le sous-amendement n° 178 est-il maintenu ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Madame le garde des sceaux, vous avez bien voulu proposer de préciser - ce qui allonge effectivement l'article - le caractère exceptionnel et purement temporaire de l'application de la révision dans le cas d'une décision qui émanerait du Comité des ministres. Ainsi, la phrase qui pouvait nous irriter ne nous irriterait que quelque temps, l'espace d'un instant. Je pense donc, à titre personnel, que l'on pourrait accepter cette irritation temporaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendements n° 176.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, je crois que M. le rapporteur a fait un oubli.
C'est la raison pour laquelle je lui suggère une rectification. En effet, le délai de six mois apparaît à deux reprises dans l'amendement du Gouvernement : dans le texte proposé pour l'article 626-3 du code de procédure pénale et dans celui qui est présenté pour l'article 626-7 du même code, qui concerne les mesures transitoires. Ne serait-il pas souhaitable d'étendre le sous-amendement n° 176 à l'article 626-7 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. M. Gélard me rappelle un oubli... qui n'en est pas un.
M. Patrice Gélard. Ah ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. En effet, dans le texte même du sous-amendement n° 176, un paragraphe II vise à corriger la deuxième mention du délai.
M. Patrice Gélard. D'accord ! J'ai lu trop vite !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 176, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 182, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je viens d'être saisi de la rectification à l'amendement n° 171 du Gouvernement, qui tend à écrire comme suit la dernière phrase du II :
« Pour l'application des dispositions de ces articles, les décisions du Comité des ministres du Conseil de l'Europe rendues, après une décision de la commission européenne des droits de l'homme, en application de l'article 32 (ancien) de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ou de l'article 5 (paragraphe 6) de son protocole n° 11, sont assimilées aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. »
Il s'agit donc de l'amendement n° 171 rectifié, et le sous-amendement n° 178 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 171 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 terdecies est ainsi rédigé.
Nous en revenons à l'amendement n° 170, qui a été précédemment réservé et qui tend à rédiger comme suit l'intitulé du chapitre III quinquies :
« Dispositions relatives au réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 170, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre III quinquies est ainsi rédigé.

Chapitre IV

Dispositions relatives à la communication

Articles additionnels avant l'article 22 A
ou après l'article 27



M. le président.
Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 66, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 22 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
« I. - Dans le troisième alinéa de l'article 14, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et" sont supprimés.
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 26, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 300 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« III. - L'article 27 est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de trois ans, et d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs" ;
« 2° Dans le second alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de cinq ans et" sont supprimés.
« IV. - Dans l'article 30, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 32, les mots : "d'un emprisonnement de six mois et" sont supprimés.
« VI. - L'article 33 est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de trois mois et d'une amende de 80 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 80 000 francs" ;
« 2° Dans le deuxième alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de deux mois et d'une amende de 80 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 80 000 francs".
« VII. - Dans l'article 36, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« VIII. - Dans l'article 37, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs". »
Par amendement n° 169 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 22 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sont supprimées les peines d'emprisonnement encourues pour les délits prévus par les articles 32, premier alinéa, 33, deuxième alinéa, et 37 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 179, présenté par MM. Gélard, Paul Girod et Martin, et tendant :
I. - A compléter le texte proposé par l'amendement n° 169 par un II ainsi rédigé :
« II . - L'article 63 de la loi du 29 juillet 1881 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de récidive des délits prévus par les articles 32, premier alinéa, 33, deuxième alinéa, et 37 et lorsque l'infraction est commise contre la même victime, pourra également être prononcée une peine de six mois d'emprisonnement. »
« II. - En conséquence, à faire précéder le début du texte proposé par l'amendement n° 169 de la mention : "I". »
Les huit amendements suivants sont présentés par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 118 a pour objet d'insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le troisième alinéa de l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : "sont punies", les mots : "d'un emprisonnement de six jours à un an et" sont supprimés. »
L'amendement n° 119 vise à insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "est punie", la fin du premier alinéa de l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de 300 000 francs". »
L'amendement n° 120 tend à insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après les mots : "sera punie", la fin du premier alinéa de l'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de 300 000 francs" ;
« II. - Dans le second alinéa du même article, après les mots : "seront punis", les mots : "d'un emprisonnement de un an à cinq ans et" sont supprimés. »
L'amendement n° 121 a pour but d'insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin de l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de 300 000 francs". »
L'amendement n° 122 a pour objet d'insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin du premier alinéa de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de 80 000 francs". »
L'amendement n° 123 vise à insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :
« I. - Après les mots : "sera punie", la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : "d'une amende de 80 000 francs" ;
« II. - Après les mots : "sera punie", la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : "d'une amende de 80 000 francs". »
L'amendement n° 124 tend à insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de 300 000 francs". »
L'amendement n° 125 a pour but d'insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin de l'article 37 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de 300 000 francs". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 66.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est très important car il vise à supprimer la plupart des peines de prison en matière de délits de presse. Ces peines ne sont jamais prononcées en France. Il faut dire que la loi française est d'une certaine manière, dans d'autres domaines, heureusement copiée.
Dans beaucoup d'Etats étrangers, notamment en Afrique, des journalistes sont emprisonnés. Il est donc nécessaire que notre législation ne serve plus de prétexte à ces Etats pour mener une politique répressive à l'égard de la presse. Il est vrai que l'on ne manque pas de citer en exemple la législation française quand on veut justifier, à l'étranger, un emprisonnement.
La commission avait décidé de supprimer ces peines de prison et de conserver uniquement celles qui sont prévues en cas de provocation à commettre des infractions graves ou d'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse. Elle avait adopté un amendement à cet effet, mais elle a ensuite émis un avis favorable sur l'amendement n° 169 rectifié du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 169 rectifié.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet amendement reprend un amendement similaire que le Gouvernement avait déposé devant l'Assemblée nationale, mais qui n'a pas été adopté pour des raisons de procédure.
Il a pour objet de supprimer les peines d'emprisonnement actuellement prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en matière de diffamation ou d'injures envers les particuliers et d'outrage envers les agents diplomatiques étrangers.
On sait que de telles peines ne sont quasiment jamais prononcées par les juridictions françaises.
Au demeurant, cette suppression, par son caractère symbolique, aura vertu d'exemplarité dans nombre de pays dont la législation en matière de presse reproduit celle de la loi de 1881 mais dans lesquels, à la différence de la France, les tribunaux n'hésitent pas à prononcer fréquemment des peines d'emprisonnement ferme contre des journalistes poursuivis pour de telles infractions.
Une telle modification de la loi sur la presse a ainsi été préconisée par l'association Reporters sans frontières, qui avait attiré l'attention du Gouvernement sur cette question - je les avais reçus personnellement et j'avais saisi ma collègue Catherine Trautmann - puis alerté la commission consultative des droits de l'homme.
Resteront toutefois punies de peines d'emprisonnement, en raison de leur gravité, les provocations, notamment les provocations à la haine, à la discrimination ou à la violence raciste, le négationnisme, les diffusions de fausses nouvelles de nature à troubler la paix publique ainsi que les diffamations ou injures racistes.
Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement ne prévoit pas la suppression des peines d'emprisonnement pour les délits d'offense au chef de l'Etat, d'offense envers les chefs d'Etat étrangers et pour les délits de diffamations et d'injures envers les corps constitués - ainsi que, par conséquence obligée, les administrations publiques, les dépositaires de l'autorité publique - car ces modifications suscitent des difficultés particulières.
Je vous demande donc d'adopter cet amendement plutôt que les autres amendements déposés sur le même sujet, dont je partage les objectifs mais qui me semblent parfois aller trop loin.
Par exemple, je ne pense pas que soit également justifiée la suppression des peines d'emprisonnement prévues pour le délit de diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler la paix publique, qui présente, de par sa nature, une gravité particulière. Il permet ainsi de sanctionner des personnes qui diffuseraient, en la sachant inexacte, une information selon laquelle l'eau du robinet de telle ou telle ville est dangereuse pour la santé, provoquant ainsi une panique chez les consommateurs.
L'amendement du Gouvernement me paraît, sur la forme, plus lisible et, sur le fond, mieux circonscrit.
Je ne suis donc pas favorable à l'amendement n° 66 de votre commission, ni aux amendements n°s 118 à 125 de M. Badinter.
M. le président. La parole est à M. Gélard, pour présenter le sous-amendement n° 179.
M. Patrice Gélard. Pour défendre ce sous-amendement, je vais vous raconter une histoire qui, rassurez-vous, sera courte.
M. Michel Charasse. C'est l'heure des histoires ! (Sourires.)
M. Patrice Gélard. Un de nos concitoyens - également élu local, mais il pourrait ne pas l'être - fait l'objet depuis dix-huit ans de diffamations permanentes de la part d'un tiers. Ce dernier diffuse ainsi, journée après journée, des tracts, tout en colportant au téléphone des nouvelles complètement fausses, diffamant ainsi l'élu en question.
Le corbeau a été condamné sept fois, dont trois fois à 100 000 francs d'amende, qu'il n'a jamais payés. La dernière fois, le tribunal correctionnel et la cour d'appel l'ont condamné à trois mois de prison ferme. La Cour de cassation, qui a été saisie, attendra que nous ayons statué avant de se prononcer.
Quoi qu'il en soit, la vie de l'élu dont je vous parle est empoisonnée depuis dix-huit ans, sa famille est complètement traumatisée par ces attaques permanentes et il n'a pas d'autre solution que d'obtenir une peine de condamnation de prison, puisque l'auteur des diffamations est insolvable et que les trois amendes de 100 000 francs auxquelles il a été condamné ne seront jamais payées.
Voilà pourquoi le sous-amendement n° 179 prévoit que, en cas d'infractions répétées contre une victime par la même personne, des peines de prison pourront être prononcées. Ce sera le seul moyen de faire cesser ce type de comportement !
Cela étant, monsieur le président, par précaution, dans l'hypothèse où l'amendement du Gouvernement ne serait pas adopté, je dépose sans attendre un sous-amendement identique à l'amendement n° 66 de la commission. Ainsi, je me couvre des deux côtés !
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 185, présenté par M. Gélard, et tendant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 66 par un IX ainsi rédigé :
« IX. - L'article 63 de la loi du 29 juillet 1881 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de récidive des délits prévus par les articles 31, premier alinéa, 32, premier alinéa, 33, deuxième alinéa, et 37, et lorsque l'infraction est commise contre la même victime, pourra également être prononcée une peine de six mois d'emprisonnement. »
La parole est à M. Charasse, pour défendre les amendements n°s 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124 et 125.
M. Michel Charasse. Ces huit amendements ont le même objet.
Il s'agit, dans tous les cas, de modifier plusieurs dispositions de la loi sur la presse afin de supprimer des peines qui ne sont plus prononcées et de renforcer, en contrepartie, les amendes prévues.
Ces amendements ont été suggérés par mes collègues MM. Badinter et Dreyfus-Schmidt, qui ne peuvent malheureusement les défendre personnellement ce soir. Vous imaginez bien, en effet, que je ne peux être l'auteur d'amendements qui visent à alléger les peines en matière de presse ! (Sourires.)
Cela étant, il se trouve que l'amendement n° 169 rectifié du Gouvernement nous convient parfaitement. Par conséquent, je suis autorisé à retirer les amendements n°s 118 à 125, au profit de l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Les amendements n°s 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124 et 125 sont retirés.
M. Pierre Fauchon. Quelle hécatombe !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 179 et 185 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Ces sous-amendements ont reçu un avis favorable, même s'il s'agit d'un avis virtuel sur le second, qui vient d'être déposé.
M. Gélard ayant eu la courtoisie de déposer le même sous-amendement à la fois sur l'amendement du Gouvernement et sur celui de la commission, le Sénat va pouvoir se prononcer maintenant entre le texte du Gouvernement et celui de la commission, qui est beaucoup moins répressif...
M. Louis de Broissia. Tout à fait !
M. Charles Jolibois, rapporteur. ... puisqu'il ne maintient la peine de prison que sur un seul point - qui devrait recueillir l'unanimité au sein de cette assemblée -, alors que l'amendement n° 169 rectifié ne supprime pas les peines de prison en cas de délits d'offense et d'injures aux chefs d'Etat, aux corps constitués et aux personnalités diplomatiques.
Quoi qu'il en soit, la commission m'a chargé, quelles que soient mes opinions personnelles, de donner un avis favorable à l'amendement n° 169 rectifié du Gouvernement et de retirer, par voie de conséquence, l'amendement n° 66.
M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 185 n'a plus d'objet.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 179 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 179.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, vous ne vous étonnerez pas que j'intervienne sur une disposition qui touche à la liberté de la presse et à la grande loi du 29 juillet 1881.
Permettez-moi d'abord de regretter que l'amendement n° 66, qui me convenait parfaitement, ait été retiré. Mais je ne ferai pas de commentaires sur un amendement qui a été retiré.
Permettez-moi ensuite de vous dire, madame le ministre, que, s'agissant de l'amendement n° 169 rectifié, le fait que reste punie de peines d'emprisonnement la diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler la paix publique est susceptible d'illustrer des comportements qui, dans des pays qui prennent exemple sur la France, demeurent relativement fâcheux.
On a parlé d'un corbeau national. Je raconterai, moi, l'histoire d'un journaliste qui vit sur un continent proche du nôtre et que je ne citerai pas. Ce journaliste est en prison parce qu'un soir il a annoncé, sur la foi d'une information qu'il avait obtenue, que le chef de l'Etat avait été victime d'un malaise en assistant à un match de football. Le lendemain, il a publié un rectificatif pour dire que son information était erronée, mais il est en prison depuis lors.
Cela ne se passe pas en France, je le sais bien, mais je tiens à dire que le fait d'introduire un élément extrêmement vague - la diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l'ordre public - me gêne. Autant tout ce qui est propagation de la haine raciale, de la violence raciste, du négationnisme, de la discrimination m'apparaît tout à fait condamnable, autant la diffusion de fausses nouvelles est un élément qui me paraît flou, surtout à l'heure d'Internet. On a bien annoncé que le fromage d'Epoisses était atteint de listéria. Or c'était faux ! Cela a pourtant forcément troublé la paix publique dans toute le production de ce secteur.
Je considère en tout cas que cette notion est trop vague, et je regrette infiniment, je dois le dire, cette formulation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 179, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 169 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 22 A.

Article 22 A



M. le président.
« Art. 22 A. - Dans le deuxième alinéa de l'article 9-1 du code civil, après les mots : "mise en examen", sont insérés les mots : ", entendue comme témoin assisté". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 67, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article 9-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 9-1. - Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence.
« Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence et ce, aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. L'action se prescrit par un an. Ce délai est ouvert à nouveau pour la même durée à compter de la décision définitive sur ces faits. »
Par amendement n° 117, MM. Badinter et Dreyfus-Schmidt proposent de rédiger ainsi l'article 22 A :
« I. - Dans le second alinéa de l'article 9-1 du code civil, les mots : "placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de partie civile" sont supprimés.
« II. - Dans le même alinéa, les mots : "faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire" sont remplacés par les mots : "faisant ou non l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rédiger différemment l'article 9-1 du code civil relatif au « référé présomption d'innocence ». Nous sommes donc au coeur du sujet !
L'article 9-1 du code civil ne permet aujourd'hui que la protection de la présomption d'innocence des personnes qui sont en garde à vue, mises en examen ou faisant l'objet d'un réquisitoire ou d'une citation à comparaître en justice. Les personnes qui sont accusées publiquement d'être coupables de faits répréhensibles alors qu'aucune enquête n'est en cours ne peuvent utiliser l'article 9-1 du code civil pour faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence. C'est donc une situation paradoxale.
Nous ne voulons pas aller jusqu'au bout de ce que l'on pourrait faire, c'est-à-dire prévoir que l'atteinte à la présomption d'innocence peut être réprimée par le référé présomption d'innocence même s'il n'y a absolument aucune instance judiciaire.
Notre amendement vise à étendre l'application de l'article 9-1 du code civil à toutes les personnes présentées comme coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction. La limite que nous introduisons est qu'il faut que les faits que l'on impute à ces personnes fassent l'objet d'une enquête ou d'une instruction, mais il n'y a pas besoin que ces personnes soient déjà engagées dans la procédure judiciaire.
Il est paradoxal que, pour pouvoir être protégées par le référé présomption d'innocence, ces personnes aient déjà dû être, par exemple, mises en examen ou visées dans une procédure, car celles qui ne sont pas visées méritent encore plus la protection que celles qui le sont.
Je rappelle que cette modification avait été proposée par la commission Truche, et, dans mon souvenir, la rédaction que nous proposons était déjà celle qui figurait dans le rapport que j'avais eu l'honneur de faire sur la présomption d'innocence et le secret de l'instruction dans le cadre d'une mission d'information de la commission des lois. Par conséquent, il s'agit d'une demande ancienne.
M. le président. L'amendement n° 117 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 67 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'amendement n° 169 du Gouvernement supprimant les peines d'emprisonnement pour certains délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 s'expliquait par la volonté du Gouvernement de préserver la liberté de la presse.
C'est cette même volonté qui justifie mon opposition à une extension de l'article 9-1 du code civil autre que celle, de pure coordination, à laquelle a procédé l'Assemblée nationale du fait de l'extension du témoin assisté.
Je me suis longuement expliquée sur cette question en première lecture et je reconnais à M. Jolibois la constance de son point de vue.
Je ne vois pas pourquoi l'article 9-1 du code civil devrait être applicable à des personnes qui ne sont pas juridiquement mises en cause dans une procédure pénale, comme le prévoit l'amendement présenté par la commission.
Dans de telles hypothèses, les dispositions réprimant la diffamation comme celles sur le droit de réponse peuvent recevoir application, et cela m'apparaît constituer une voie suffisante pour parvenir à un équilibre entre la protection de la réputation des personnes et la liberté de la presse. Je suis donc opposée à l'amendement n° 67.
Pour les mêmes raisons, j'étais opposée à l'amendement n° 117, qui supprime toute référence à l'existence d'une procédure judiciaire en cours, ce qui vide de tout sens les dispositions de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et tout particulièrement la possibilité de faire la preuve des faits diffamatoires.
A quoi bon, notamment, encadrer l' exceptio veritatis , qui permet à la personne poursuivie pour diffamation de se défendre, si l'article 9-1 s'applique à chaque propos diffamatoire faisant état de l'existence d'une infraction, ce qui est le cas dans la plupart des diffamations ? Ce n'est que lorsqu'une procédure judiciaire est en cours, et qu'elle est en cours contre une personne mise en cause par les autorités judiciaires, que l'article 9-1 doit recevoir application.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 67.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. N'étant pas cosignataire de l'amendement n° 117, je ne pouvais pas le défendre, mais cet amendement rejoint, dans ses préoccupations, ce qu'a exposé M. le rapporteur en défendant l'amendement n° 67, même si les deux rédactions ne sont pas tout à fait les mêmes.
Je voudrais dire amicalement à Mme la garde des sceaux que je commence à en avoir assez de la position des tribunaux, aujourd'hui relayée par la Chancellerie, selon laquelle la liberté de la presse serait la première liberté en France et toutes les autres devraient lui céder le pas. Que je sache, la liberté individuelle prime toutes les autres, et la liberté de la presse ne consiste pas à avoir le droit de salir à tout propos, sans motif, sans preuve et sans risque !
Nombre de nos collègues étant friands de comparaisons - on a parlé tout à l'heure de la Grande-Bretagne, de la procédure inquisitoriale ou de la procédure directe, sans juge d'instruction, de certains autres pays étrangers - je dirai que, si nous étions aux Etats-Unis, ce genre de choses ne se passerait pas. Même si les Américains sont très respectueux de la liberté de la presse, j'aime autant vous dire que, quand la presse franchit la bande jaune, les sanctions tombent, et c'est autre chose que les sanctions d'opérette que l'on voit devant les tribunaux français !
C'est la raison pour laquelle, ne pouvant pas voter en faveur de l'amendement n° 117, que j'aurais voté des deux mains, je voterai avec plaisir, bien que ce ne soit pas le texte de mes amis, pour l'amendement n° 67, parce que trop c'est trop, surtout lorsque cela concerne des gens qui peuvent n'être en rien concernés par une procédure en cours.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Puisqu'il y a eu un orateur pour l'amendement, il y aura un orateur contre, en tout cas pour le Gouvernement.
Je tiens à dire à Mme le garde des sceaux que je partage l'expression qui est la sienne...
M. Michel Charasse. Il est directeur de journal !
M. Louis de Broissia. ... et à M. le rapporteur que je lui reconnais une grande continuité dans sa ligne législative.
Mes chers collègues, la première lecture a permis au Sénat de faire une avancée importante par rapport au texte de l'Assemblée nationale. Nous avons en effet tenu à séparer ce qui relevait du code de procédure pénale de ce qui relevait de la loi sur la presse, nous avons « rapatrié » dans la loi sur la presse tout ce qui la concernait.
Autrement dit, sans vouloir faire, comme M. Charasse, une exégèse sur la liberté individuelle par rapport à la liberté de la presse - je pense qu'elles sont compatibles et non contradictoires - je dirai que les deux exercices doivent être distincts.
M. Charasse sait comme moi que, face à la presse, il y a l'exercice fréquent, quotidien, du droit de réponse et qu'une possibilité très grande est ouverte à chaque citoyen diffamé d'aller devant les tribunaux.
L'amendement n° 67 introduit une confusion qui est contradictoire avec l'intention du Sénat, en première lecture, de faire deux lois distinctes et de ne pas affaiblir la grande loi de 1881.
M. Michel Charasse. Les tribunaux sont aux ordres de la presse !
M. Louis de Broissia. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas l'amendement soutenu par notre excellent rapporteur.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je voterai, moi aussi, l'amendement, qui me paraît bienvenu.
A cette occasion, je veux dire, après beaucoup d'autres, qu'il y a tout de même un problème de la presse, monsieur de Broissia, un grave problème auquel on n'arrive pas à trouver une solution.
Voila bien longtemps que l'on connaît les inconvénients et les abus de la presse, le pouvoir immense dont disposent, directement ou indirectement, les journalistes par les allusions, par les titres, par la mise en page, par toutes sortes de procédés...
M. Michel Charasse. Par des sous-entendus !
M. Pierre Fauchon. ... qui parviennent, sinon toujours à diffamer clairement, du moins à réduire les uns, à oublier les autres, à faire la promotion des troisièmes. Il y a toute une manipulation d'opinion par l'ensemble de la presse qui pose, il faut tout de même le dire, un vrai problème.
Je ne suis pas de ceux qui croient que l'on peut résoudre ce problème par des textes répressifs dont l'application serait confiée aux juridictions. En revanche, je suis de ceux qui croient que, lorsqu'on dispose d'un tel pouvoir, si l'on veut garder son autonomie, il faut gérer ses reponsabilités à travers une démarche de déontologie.
Nous sommes quelque-uns, ici ou là, à appartenir à des professions qui jouissent, elles aussi, d'un assez grand pouvoir, de prérogatives, mais qui acceptent de s'engager dans des démarches de déontologie, avec des conseils de l'ordre qui peuvent prendre des dispositions, donc un système, des mécanismes, qui arrivent tout de même à réguler, à éviter le pire.
Pourquoi la presse n'accepte-t-elle pas d'entrer spontanément dans une telle voie, excepté quelques chartes sympathiques adoptées par tel ou tel journal, surtout de province d'ailleurs, alors que chacun sent bien que c'est surtout à la presse parisienne que je fais allusion ici ? Pourquoi tout cela ne prend-il pas plus d'envergure ?
Madame le garde des sceaux, une réflexion sur une déontologie de la presse, compte tenu de l'importance de son pouvoir, ne serait-elle pas la bienvenue et n'entrerait-il pas dans vos responsabilités d'engager cette réflexion ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 22 A est ainsi rédigé.

Article 22



M. le président.
« Art. 22. - Il est inséré, après l'article 35 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 35 ter ainsi rédigé :
« Art. 35 ter . - I. - Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant apparaître qu'elle porte des menottes ou des entraves, est punie de 100 000 francs d'amende.
« II. - Est puni de la même peine le fait :
« - soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion, ou toute autre consultation, portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée à son encontre ;
« - soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou consultations visés à l'alinéa précédent. »
Par amendement n° 91, M. de Broissia propose, dans le I du texte présenté par cet article pour l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881, de remplacer les mots : « et faisant apparaître qu'elle porte des menottes ou des entraves » par les mots : « et faisant apparaître soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire ».
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. J'avais déjà défendu cet amendement en première lecture.
J'estime effectivement - j'espère être rejoint en cela par la commission et par le Sénat - que faire apparaître une personne placée en détention provisoire, par exemple derrière les barreaux d'une prison, dans un journal est de nature à porter atteinte à la présomption d'innocence, au même titre que la montrer avec des menottes ou des entraves.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement a émis un avis défavorable.
J'avais déjà indiqué, en première lecture, que j'étais opposée à toute aggravation des dispositions pénales du projet concernant la communication, car il en résulterait, à mes yeux, une atteinte excessive à la liberté de la presse.
J'indique toutefois que la prise de photographies au téléobjectif d'une personne détenue dans un établissement pénitentiaire et sa diffusion ultérieure peuvent non seulement donner lieu à des dommages et intérêts sur le fondement des dispositions du code civil, mais constituer également le délit d'atteinte à la vie privée, comme l'ont d'ailleurs déjà jugé le tribunal correctionnel et la cour d'appel de Paris en 1986.
Les peines prévues par les articles 226-1 et suivants du code pénal, qui protègent tant les prévenus que les condamnés, sont d'ailleurs plus sévères que celles qui sont prévues par le projet de loi. Aussi M. de Broissia pourrait-il peut-être - c'est une suggestion que je me permets de lui faire - retirer son amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, ainsi modifié.

(L'article 22 est adopté.)

Article 25



M. le président.
« Art. 25. - I. - Non modifié .
« II. - Le quatrième alinéa de l'article 145 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Si la personne majeure mise en examen ou son avocat en font la demande dès l'ouverture de l'audience, le débat contradictoire a lieu en audience publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le juge de la détention provisoire statue par ordonnance motivée sur cette demande de publicité après avoir recueilli les observations du ministère public, de la personne mise en examen et de son avocat. »
« III. - Non modifié .
« IV. - L'article 199 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, si la personne majeure mise en examen ou son avocat le demande dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent et l'arrêt est rendu en séance publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. La chambre d'accusation statue sur cette demande, après avoir recueilli les observations du procureur général et, le cas échéant, des avocats des autres parties, par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la demande principale. » ;
« 2° La seconde phrase du cinquième alinéa est supprimée.
« V. - Supprimé.
« VI. - Non modifié.
« VII. - Supprimé. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 25



M. le président.
Par amendement n° 150, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - La publication des noms, images et qualité des magistrats de l'ordre judiciaire, administratif et financier ayant en charge l'instruction d'une affaire est passible d'un an d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende. Cette disposition s'applique aux publications ou émissions étrangères vendues ou diffusées en France.
« Les magistrats qui ont facilité la divulgation des informations en cause ou qui y ont participé sont passibles des mêmes peines. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je suggère de compléter la loi de 1881 sur la presse par une disposition interdisant la publication des noms, images et qualité des magistrats des ordres judiciaire, administratif et financier qui ont en charge l'instruction d'une affaire, sous peine d'un an de prison et d'une amende de 500 000 francs.
J'avais déjà présenté cet amendement en première lecture et Mme le garde des sceaux m'avait dit qu'elle était « sensible au problème de la médiatisation excessive des juges et de la justice ». Mme le garde des sceaux continuait : « Les juges exercent leur fonction au nom du peuple français. Leur personnalité doit disparaître derrière l'exercice de cette fonction. L'intérêt n'a pas à se porter ni sur leur vie privée ni sur leurs opinions politiques ou philosophiques. Cela est essentiel, me semble-t-il, pour la sécurité de la justice et pour le bien de nos concitoyens. Par ailleurs, cette personnalisation peut parfois transformer le cours de la procédure dans un débat personnalisé qui oppose les uns et les autres, ce qui ne me paraît pas de bon aloi ».
Mme le garde des sceaux m'avait cependant dit qu'elle pensait que la mesure que je proposais était un peu sévère et avait conclu en souhaitant le retrait de mon amendement. Elle avait toutefois affirmé que la réflexion devait se poursuivre pour envisager des solutions permettant effectivement d'éviter les médiatisations excessives.
J'ai donc retiré mon amendement. J'attendais une initiative de l'Assemblée nationale, mais rien ne s'est passé.
Je constate d'ailleurs que les juges et les magistrats tiennent toujours le haut du pavé, une photo par-ci, Mme Joly chez son coiffeur, Mme Machin ailleurs. On est au courant de leur vie intime, ou à peu près.
Parallèlement lorsqu'on arrête, à Rouen, un pédophile, on n'a pas le droit de connaître son nom, lequel ne paraît pas dans le journal. Et lorsqu'on a arrêté un magistrat proxénète, comme à Bordeaux, voilà trois jours, on n'a pas donné son nom. Je ne sais pas si vous le connaissez ; mais moi, je l'ignore !
Dans certains cas, on est content d'être en photo à la une ; dans d'autres cas, en revanche, on préfère que cela ne paraisse pas. Si un maire d'une commune de 150 habitants faisait la même chose, il ferait la une des journaux ; mais là, les magistrats se protègent !
Madame le garde des sceaux et chère amie, la réflexion sur le sujet n'ayant pas beaucoup avancé, je dépose à nouveau cet amendement. Il y en a marre de ces juges qui se produisent à la une des journaux. La médiation est excessive. Ils deviennent les vedettes de certaines affaires alors qu'ils sont là pour être muets, cachés, et pour servir la loi.
M. François Autain. Il faut leur interdire la télévision !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Elle estime que cet amendement est contraire à une certaine forme de liberté.
M. Michel Charasse. Et au droit de réserve !
Qu'en est-il par ailleurs de l'anonymat de ceux qui violent ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je reconnais, monsieur le sénateur, qu'il existe des excès dans la médiatisation de certains magistrats et, plus encore, que certains magistrats sont fortement sollicités. Je ne crois pourtant pas que la réponse à ces problèmes se situe au plan pénal.
Cette réponse suppose, d'une part, une adaptation des règles sur le secret des procédures, et nous avons un début de réponse sur ce point avec les dispositions du présent projet sur les fenêtres de publicité. Elle suppose, d'autre part, des procédures disciplinaires en cas de manquement au devoir de réserve. Je ne pense donc pas que la création d'une infraction pénale en cas de divulgation de l'identité ou de l'image d'un magistrat soit la bonne réponse et votre amendement ne semble en réalité pas adapté.
Quant à l'anonymat des magistrats qui se sont rendus coupables de crimes ou de délits, en général, dans le cas de sanctions pénales, il ne dure pas très longtemps et, dans le cas de sanctions disciplinaires, surtout lorsqu'elles sont assorties de sanctions pénales, de plus en plus, on sait de qui il s'agit.
J'ajoute que j'avais proposé dans le projet de loi organique sur la responsabilité des magistrats, lequel projet est bloqué - provisoirement je l'espère - en raison du report de la loi constitutionnelle sur le Conseil supérieur de la magistrature, que l'anonymat soit levé dans le cas de sanctions disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature.
Sachant qu'en matière pénale, en général, cet anonymat n'est pas tenu, il ne faut pas non plus trop exagérer.
Ces dispositions, je l'espère, entreront rapidement en vigueur ; par ailleurs, il ne me semble pas possible de sanctionner au plan pénal la médiatisation excessive, je suis donc défavorable à l'amendement.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je maintiens cet amendement parce que je considère que les magistrats n'ont pas à se faire de publicité sur les affaires qu'ils instruisent.
J'ajoute que j'ai bien entendu les propos qu'a tenus Mme le garde des sceaux en ce qui concerne ceux qui fautent. Je constate simplement que, tant que l'affaire n'est pas arrivée devant le Conseil supérieur de la magistrature ou la juridiction de jugement, on ignore complètement les noms de ceux qui franchissent la bande jaune.
En revanche, le pauvre instituteur d'une commune de cent cinquante habitants qui est soupçonné de la moindre chose, lui, j'aime autant vous dire qu'on ne lui fait pas de cadeau et que le juge, quelquefois, se charge de faire de la publicité sur son cas.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 150, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 25.
Par amendement n° 151, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est abrogé.
« II. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 32 de la même loi, un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à un an et 300 000 francs lorsque la diffamation est commise, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou l'autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des cultes salariés par l'Etat, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin à raison de sa déposition. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il y a là une disposition que j'avais déjà présentée en première lecture et qui avait été adoptée par le Sénat. En revanche, je ne comprends pas pourquoi - mais je finirai un jour par comprendre, je pense - l'Assemblée nationale ne l'a pas retenue.
Mes chers collègues, ceux d'entre vous qui ont été confrontés à ce problème savent les difficultés de procédure qui entourent la mise en oeuvre de la diffamation dans le cadre de la loi de 1881, notamment lorsqu'on exerce des responsabilités. Deux articles de la loi de 1881 traitent du sujet : les articles 31 et 32. Ces articles prévoient des peines pour la diffamation, mais ils font la distinction entre les personnes dites protégées et celles qui ne le sont pas.
La personne non protégée, c'est le citoyen de base, oserai-je dire ; et la personne protégée, c'est le citoyen qui exerce des responsabilités particulières, un élu, un ministre, un fonctionnaire, un agent de l'autorité publique, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, etc. Or un très grand nombre de procédures engagées pour diffamation sont déclarées irrecevables par les tribunaux, d'abord parce qu'ils n'aiment pas beaucoup condamner la presse et, ensuite, parce que, lorsqu'il s'agit d'un responsable ou d'un élu, le tribunal s'efforce de faire une analyse très fine pour savoir si l'individu a été insulté ou diffamé comme personne individuelle ou comme personne protégée.
Généralement, si l'on va devant le tribunal en disant : « On m'a insulté en ma qualité de parlementaire », le tribunal répond : « Non ! on vous a insulté à titre personnel. Vous vous êtes fondé sur l'article 32, alors qu'il fallait vous fonder sur l'article 31. Irrecevable ». Si l'on dit au contraire : « On m'a insulté à titre personnel », le tribunal répond : « Non ! on vous a insulté comme parlementaire. Il ne fallait pas vous fonder sur l'article 31, il fallait vous fonder sur l'article 32. Irrecevable aussi ».
Le maintien de ce privilège de personne protégée ne se justifiant plus dans un Etat moderne, où l'on est contre les privilèges, à juste titre d'ailleurs, je propose de supprimer la distinction entre les personnes protégées et celles qui ne le sont pas, de manière que tous les citoyens, qu'ils soient responsables ou non, soient soumis à la même règle.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement n° 151, qui vise à abroger l'article 31 de la loi de 1881 sur la presse et à regrouper tout sous l'article 32. Ainsi, les tribunaux n'auront plus d'échappatoire par la procédure pour éviter d'avoir à se prononcer sur le fond sur des faits qui sont caractérisés comme diffamatoires.
J'ajoute que, dans la plupart des cas, le tribunal commence par dire : « C'est vraiment diffamatoire, c'est vraiment scandaleux, inadmissible. Vous n'avez pas pris le bon article, allez donc vous rhabiller ! »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement a pour objet d'éviter qu'une personne ne se trompe lorsqu'elle porte plainte en ne choisissant pas le bon article. Or, le regroupement des deux incriminations dans un même article n'aura certainement pas les effets escomptés, puisqu'il faudra que le plaignant porte plainte sur le fondement de l'alinéa pertinent, dès lors que les peines ne sont pas les mêmes.
Nous retrouverons exactement les inconvénients que l'auteur de l'amendement voulait éviter.
M. Michel Charasse. Pas du tout !
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président, Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement lui non plus n'est pas favorable à cet amendement, puisque je ne pense pas qu'il permette d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixés. Même en insérant dans le même article les diffamations contre les personnes publiques et contre les particuliers, les peines étant différentes, il s'agira toujours de deux infractions différentes. Le bon alinéa devra être visé précisément dans les actes de poursuite à peine de nullité de la procédure.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 151.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je crois que M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux ont fait une confusion, monsieur le président, mais c'est certainement involontaire.
Pour l'instant, les personnes dites protégées relèvent de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881. Je propose de le supprimer. Il n'y a donc plus de personnes protégées.
Je procède simplement, dans l'article 32, à une distinction entre les citoyens que j'appellerai « ordinaires » - mais ce terme n'est pas méprisant dans ma bouche - et les personnes qui sont investies de responsabilités particulières.
La plainte sera déposée sur le fondement de l'article 32 et il reviendra, ensuite, au tribunal de décider si la personne est passible de l'aggravation des peines prévues à l'article 32 que j'ajoute ou de la peine simple.
Aujourd'hui, en revanche, il n'est pas possible de déposer une plainte sur le fondement des articles 31 et 32. Il faut choisir l'un ou l'autre de ces articles. C'est ainsi que 80 % des affaires sont déclarées irrecevables alors que les faits de diffamation sont caractérisés. Je me permets d'insister sur ce point.
J'ajoute que le Sénat avait adopté en première lecture cette disposition que la commission des lois avait jugée à l'époque, très bonne.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. La loi du 29 juillet 1881 est semée d'embûches et de causes de nullité qu'il faut connaître. Il faut être un spécialiste pour la manier.
M. Michel Charasse. Je suis parfaitement d'accord !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Si un plaideur, dans son assignation, ne visait pas le bon alinéa, sa plainte serait rejetée.
Par conséquent, si vous aviez voulu créer une nouvelle disposition, il aurait fallu unifier les peines mais, comme précisément on veut les aggraver pour les personnalités investies de responsabilités particulières, le spécialiste qui rédigera l'assignation devra viser le bon alinéa.
Il est aussi difficile de ne pas se tromper entre deux articles qu'entre deux alinéas. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je rectifie mon amendement en supprimant le paragraphe II et la référence aux personnes protégées.
C'est plus simple. Il n'y aurait plus qu'une seule procédure pour tout le monde, il n'y aura donc plus de problème.
M. le président. Je suis donc saisi par M. Charasse d'un amendement n° 151 rectifié tendant à insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est abrogé. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement répond à une raison technique. Mais je n'ai pas dit tout à l'heure qu'il fallait supprimer le cas des personnes protégées. Selon moi, il faut le maintenir.
M. Michel Charasse. Elles ne sont plus du tout protégées, puisqu'elles perdent tout le temps !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Par conséquent, à titre personnel, puisque je n'ai pas pu consulter la commission, je maintiens l'avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 151 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 25.

Articles 25 bis et 25 ter

M. le président. Les articles 25 bis et 25 ter ont été supprimés par l'Assemblée nationale.

Article additionnel après l'article 25 ter



M. le président.
Par amendement n° 94, M. Gélard propose d'insérer, après l'article 25 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 65-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - L'annonce d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement doit faire l'objet de la part des organes de presse écrite et audiovisuelle des mêmes conditions de diffusion que l'annonce de la mise en examen. »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Les organes de presse oublient généralement de mentionner, après qu'une personne a été mise en examen, la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement dont elle fait l'objet. Cet amendement vise donc à rétablir un équilibre entre les annonces publiées qui concernent la mise en examen et celles qui sont relatives à l'acquittement, au non-lieu ou à la relaxe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, les termes : « mêmes conditions de diffusion » recouvrant une notion extrêmement vague, qui rend la disposition difficilement applicable. Comment faut-il entendre ces termes ? Faut-il prendre en compte la quantité des articles, leur emplacement ? Les droits de réponse donnent lieu à un dosage extrêmement précis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends l'objectif que M. Gélard cherche à atteindre. Toute personne mise en cause ayant, à ce titre, fait l'objet d'articles de presse très fréquents et bénéficiant, finalement, d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement souhaiterait, bien évidemment, que la publicité donnée à la décision qui l'innocente soit équivalente à celle qui a été donnée à sa mise en cause, injustifiée selon la décision de justice. Mais je partage le point de vue de M. le rapporteur : il sera, en pratique, impossible de prendre des dispositions exactement équivalentes.
Par ailleurs, il est déjà prévu par ce projet de loi un droit de réponse et la possibilité de demander au juge la publication d'un communiqué dans des conditions qui sont encore améliorées. Je suis donc défavorable à cet amendement n° 94.
M. le président. Monsieur Gélard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard. Je voulais attirer, une fois de plus, l'attention sur la nécessité de mettre en place une déontologie dont a parlé tout à l'heure M. Fauchon.
Toutefois, je me rends bien compte qu'une telle disposition est quasiment impossible à appliquer. C'est la raison pour laquelle, ayant posé le problème, je retire cet amendement.
M. Pierre Fauchon. Merci pour ce soutien moral !
M. le président. L'amendement n° 94 est retiré.

TITRE II

DISPOSITIONS
RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES

Chapitre Ier

Dispositions réprimant l'atteinte à la dignité
d'une victime d'une infraction pénale

Articles 26, 26 bis et 27



M. le président.
« Art. 26. - I. - Il est inséré, après l'article 35 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 35 quater ainsi rédigé :
« Art. 35 quater . - La diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une victime et qu'elle est réalisée sans l'accord de cette dernière, est punie de 100 000 francs d'amende. »
« II. - Non modifié.
« III. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article 38 de la même loi sont supprimés. » - (Adopté.)
« Art. 26 bis. - L'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 précitée est ainsi modifié :
« 1° Il est ajouté, après le 6°, un 7° et un 8° ainsi rédigés :
« Dans le cas de diffusion de l'image d'une personne menottée ou entravée prévue par l'article 35 ter, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne intéressée ;
« Dans le cas d'atteinte à la dignité de la victime prévue par l'article 35 quater , la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la victime. » ;
« 2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« En outre, dans les cas prévus par les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° ci-dessus, ainsi que dans les cas prévus aux articles 13 et 39 quinquies de la présente loi, la poursuite pourra être exercée à la requête de la partie lésée. » - (Adopté.)
« Art. 27. - I. - L'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 39 bis . - Est puni de 100 000 francs d'amende le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l'identité ou permettant l'identification :
« - d'un mineur ayant quitté ses parents, son tuteur, la personne ou l'institution qui était chargée de sa garde ou à laquelle il était confié ;
« - d'un mineur délaissé dans les conditions mentionnées aux articles 227-1 et 227-2 du code pénal ;
« - d'un mineur qui s'est suicidé ;
« - d'un mineur victime d'une infraction.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la publication est réalisée à la demande des personnes ayant la garde du mineur ou des autorités administratives ou judiciaires. »
« II. - Non modifié. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 27



M. le président.
Par amendement n° 136, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le 1° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... . Dans les cas d'injure, de diffamation, d'offense ou d'outrage envers un membre du Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice qui donne les instructions nécessaires au ministère public. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit d'une disposition que nous avions adoptée, avec l'accord du Gouvernement, au moment de l'examen du projet de loi sur les liensChancellerie-parquet. Le garde des sceaux se souvient certainement de la conversation que nous avions eue alors à propos des cas de diffamation à l'égard des membres du Gouvernement.
Ces derniers n'ont pas le droit de saisir eux-mêmes la justice lorsqu'ils font l'objet d'une diffamation. Seul le garde des sceaux peut saisir, et ce en vertu non pas d'une disposition de la loi de 1881, mais d'une interprétation jurisprudentielle très ancienne de la Cour de cassation. Or, au moment de la discussion du projet de loi sur les liens Chancellerie-parquet, le garde des sceaux nous a dit à plusieurs reprises qu'elle ne donnait plus d'instruction au parquet. Au cas particulier, pour pouvoir poursuivre dans une affaire qui concerne les ministres, il faut pourtant donner une instruction de poursuite au parquet. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé cet amendement lors de la discussion du projet de loi relatif aux liens Chancellerie-parquet.
Mais ce projet de loi étant actuellement en instance à l'Assemblée nationale pour la deuxième lecture, et ne sachant pas à quelle date nous le réexaminerons, je pense qu'il faut régler le problème en revotant cette disposition, qui a plus de chance de « prospérer » et d'aller à son terme dans ce texte que dans le projet sur les liens Chancellerie-parquet !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 136 a pour objet de prendre en compte les dispositions du projet de loi Chancellerie-parquet tendant à supprimer les instructions du garde des sceaux, mais la discussion de ce projet de loi est actuellement interrompue.
Il est préférable d'attendre qu'elle reprenne, car je ne pense pas qu'il soit opportun d'examiner cet amendement dans le cadre de la présomption d'innocence. C'est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas opposée à cet amendement, à condition qu'il soit rédigé comme l'actuel 5° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, qui concerne les délits d'offenses ou d'outrages aux chefs d'Etat ou diplomates étrangers.
Il conviendrait donc de rédiger ainsi la fin de la disposition : « la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice », sans préciser que ce dernier « donne les instructions nécessaires au ministère public ».
En effet, comme en cas d'offense aux chefs d'Etat étrangers, le garde des sceaux n'a pas à donner d'instruction au parquet ; il lui adresse simplement la plainte et le ministère public est tenu d'y donner suite en raison de la tradition républicaine qui existe en cette matière.
Il conviendrait par ailleurs de supprimer de l'amendement les mots « d'offense ou d'outrage », car seules l'injure ou la diffamation envers les membres du Gouvernement, et non les offenses ou outrages, sont réprimés par la loi sur la presse.
Si le texte était ainsi rectifié, je m'en remettrais à la sagesse du Sénat.
Cela n'a donc pas grand-chose à voir avec le projet relatif aux liens parquet-Chancellerie. Par conséquent, j'espère ardemment qu'une fois levée l'opposition de l'opposition, à la révision constitutionnelle par le Congrès, je pourrais présenter le projet en deuxième lecture devant le Parlement.
M. le président. Monsieur Charasse, acceptez-vous la suggestion de Mme le garde des sceaux ?
M. Michel Charasse. Tout à fait, monsieur le président, cela répond au problème posé.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 136 rectifié, présenté par M. Charasse et tendant à insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le 1° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans les cas d'injure et de diffamation, envers un membre du Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice. »
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 136 rectifié ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 27.

Chapitre II

Dispositions relatives aux associations d'aide
aux victimes et aux constitutions de partie civile

Section 1

Dispositions relatives aux associations d'aide
aux victimes

Articles 28 et 28 ter



M. le président.
« Art. 28. - L'article 41 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République peut également recourir à une association d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement de la part des chefs de la cour d'appel, afin qu'il soit porté aide à la victime de l'infraction. » - (Adopté.)
« Art. 28 ter. - I. - Après l'article 53 du code de procédure pénale, il est inséré un article 53-1 ainsi rédigé :
« Art. 53-1 . - Les officiers et les agents de police judiciaire informent les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice subi et d'être aidées par un service relevant d'une ou plusieurs collectivités publiques ou une association conventionnée d'aide aux victimes. »
« II. - L'article 75 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils informent les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice subi et d'être aidées par un service relevant d'une ou plusieurs collectivités publiques ou une association conventionnée d'aide aux victimes. » - (Adopté.)

Article additionnel avant l'article 28 quinquies
et article 28 quinquies



M. le président.
Par amendement n° 163, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposant d'insérer, avant l'article 28 quinquies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 2-6 du code de procédure pénale, après les mots : "discriminations fondées sur le sexe", sont insérés les mots : ", l'orientation sexuelle, vraie ou supposée," et après les mots : "commises en raison du sexe," sont insérés les mots : "de l'orientation sexuelle, vraie ou supposée,". »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Les explications que je développerai ici valent également pour les amendements n°s 164, 165 et 166 qui ont été déposés par le groupe communiste républicain et citoyen et qui ont pour objet commun la lutte contre l'homophobie.
La récente loi sur le PACS a révélé combien les homosexuels, gays ou lesbiennes étaient encore exposés à des manifestations de violences physiques ou verbales et à des discriminations.
A cette occasion, nous ont aussi été révélées les lacunes de notre droit et l'urgence qu'il y a à adopter une législation adaptée, permettant de protéger les homosexuels contre les discours de haine et les discriminations, et à faire ainsi respecter pleinement les principes d'égalité et de liberté auxquels notre pays est profondément attaché.
L'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, auquel notre Constitution donne force positive par référence dans son préambule, constitue l'un des principes fondateurs de notre République qui affirme sans ambiguïté : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Pour être effective, la lutte contre les comportements homophobes nécessite que les homosexuels puissent être défendus par des associations agissant en leur nom collectif. Bien souvent, la lutte individuelle en cette matière est douloureuse, difficile à mettre en oeuvre et, dès lors, insuffisante. On en a des exemples, en particulier en matière de propos racistes ou antisémites.
Il apparaît par conséquent impératif de modifier l'article 2-6 du code de procédure pénale afin d'intégrer, au titre des associations habilitées à exercer les droits reconnus à la partie civile, celles qui visent la lutte contre les discriminations fondées non seulement sur le sexe et les moeurs, mais également sur l'orientation sexuelle, vraie ou supposée.
Dans le même sens, il est nécessaire de modifier l'article 2-18 du code, tel qu'il est proposé par le texte de l'Assemblée nationale, afin de permettre à des associations gays et lesbiennes de se porter partie civile dans les affaires d'atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne. Tel est l'objet de nos amendements n°s 164 et 165.
Enfin, il nous semble indispensable que l'incitation à la haine homophobe soit pénalement réprimée : nous vous proposons, en conséquence, de permettre à ces mêmes associations de se constituer partie civile dans les affaires de presse. Elles doivent également pouvoir porter plainte pour diffamation ou injure ; l'amendement n° 166 a été déposé dans cette perspective.
En commission des lois, nous avons vu opposer à nos amendements l'argument selon lequel l'expression « orientation sexuelle » serait trop floue pour constituer une définition juridique opérationnelle. Je note pourtant que ces termes sont précisément ceux qui sont retenus dans l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne, modifié par le traité d'Amsterdam : « Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».
Cet article, je le souligne, figure d'ailleurs dans la partie consacrée aux principes de la Communauté, ce qui en fait une pierre angulaire de tout le droit communautaire.
La commission des lois nous a, en outre, objecté que nos propositions feraient double emploi avec la lutte contre les discriminations fondées sur les moeurs. C'est vrai, en théorie ! Mais ce discours s'effrite devant la réalité judiciaire car, si l'on y regarde de plus près, il n'existe pas de jurisprudence sur cette base.
Il apparaît donc aujourd'hui indispensable d'aller au-delà et d'affirmer explicitement notre volonté, en tant que législateurs, de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour lutter contre les discriminations liées tant au sexe qu'à l'orientation sexuelle de la personne.
A l'heure de la parité, on ne peut justifier que subsistent encore des inégalités de cette nature. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter l'ensemble des amendements de notre groupe.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande que l'amendement n° 68, qui concerne le même problème, soit examiné par priorité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
J'appelle donc en discussion par priorité l'article 28 quinquies.
« Art. 28 quinquies . - Après l'article 2-16 du même code, il est inséré un article 2-18 ainsi rédigé :
« Art. 2-18 . - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations fondées sur le sexe, sur les moeurs, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, d'une part, les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal, d'autre part, les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne et les destructions, dégradations réprimées par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18 et 322-13 du code pénal, lorsqu'elles ont été commises en raison du sexe, de la situation de famille, des moeurs de la victime, et par l'article L. 123-1 du code du travail. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 68, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article 2-6 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'association peut également exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne et de destructions, dégradations et détériorations réprimées par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18 et 322-1 à 322-13 du code pénal, lorsque ces faits ont été commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime, dès lors qu'elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, celui de son représentant légal. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 164 vise, dans le texte présenté par l'article 28 quinquies pour l'article 2-18 du code de procédure pénale, après les mots : « discriminations fondées sur le sexe, », à insérer les mots : « l'orientation sexuelle, vraie ou supposée ».
L'amendement n° 165 tend, dans le texte présenté par l'article 28 quinquies pour l'article 2-18 du code de procédure pénale, après les mots : « commises en raison du sexe, », à insérer les mots : « l'orientation sexuelle, vraie ou supposé, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 68.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre à des associations qui luttent contre les discriminations en matière de moeurs d'exercer des droits reconnus à la partie civile. Il couvre donc le même problème que l'amendement de M. Bret, mais avec un langage différent.
Ce langage a paru préférable à la commission. Nous visons ainsi les faits qui ont été commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime. Cette expression me paraît plus complète, plus claire et plus précise que la notion d'orientation sexuelle, vraie ou supposée.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois souhaite le vote de l'amendement n° 68, qui rendrait inutile l'adoption de l'amendement n° 163, dont la conséquence était d'introduire dans nos codes une nouvelle notion déjà comprise dans la notion traditionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 68 ? Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Les amendements n°s 164 et 165 ont le même objectif : mieux asseoir la condamnation de discrimination pour des orientations sexuelles. J'avoue, moi aussi, préférer la rédaction de l'amendement de la commission des lois, amendement auquel je suis favorable.
M. le président. Les amendements n°s 164 et 165 sont-ils maintenus ?
M. Robert Bret. Ils le sont.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 68, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 28 quinquies est ainsi rédigé et les amendements n°s 163, 164 et 165 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 28 quinquies



M. le président.
Par amendement n° 166, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 28 quinquies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre le racisme, l'homophobie ou d'assister les victimes de discriminations fondées sur leur origine nationale, ethnique, raciale, religieuse ou leur orientation sexuelle, vraie ou supposée, peut exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les articles 24 (alinéas 2 et 6), article 32 (alinéa 2) et article 33 (alinéa 3) de la présente loi. »
Cet amendement est devenu sans objet du fait de l'adoption de l'amendement n° 68.

Article 28 sexies



M. le président.
« Art. 28 sexies . - Après l'article 2-16 du même code, il est inséré un article 2-19 ainsi rédigé :
« Art. 2-19 . - Toute association nationale régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, de défendre ou d'assister les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 221-6, 222-19 et 222-20 du code pénal commises à l'occasion d'une activité professionnelle, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »
Par amendement n° 184, le Gouvernement propose, dans le texte présenté par cet article pour l'article 2-19 du code de procédure pénale, de supprimer le mot : « nationale » et les mots : « à la date des faits ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'article 2-19 résultant de l'article 28 sexies du projet de loi prévoit que les associations nationales déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et défendant les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles pourront se constituer partie civile pour les infractions d'homicides et de blessures involontaires commises à l'occasion d'une activité professionnelle.
Il convient toutefois de ne pas réserver ce droit, qui ne pourra être exercé que si l'action publique a déjà été mise en mouvement par le parquet ou la victime et, du fait de l'amendement n° 69 de la commission de loi, uniquement avec l'accord de la victime, aux seules associations « nationales », notion dont l'interprétation n'est d'ailleurs pas évidente.
De même, il n'est pas souhaitable d'exiger que l'association ait cinq ans d'ancienneté depuis la date des faits, car les fautes d'imprudence à l'origine du dommage, notamment en matière de maladies professionnelles, peuvent avoir été commises plusieurs dizaines d'années auparavant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. Je me contenterai donc de donner mon avis personnel.
Pour ma part, je trouve une certaine logique aux modifications souhaitées par le Gouvernement. La notion d'association nationale ne me paraît pas une notion claire. Par ailleurs, les fautes d'imprudence peuvent en effet avoir été commises voilà plusieurs dizaines d'années : les cinq ans d'ancienneté à la date des faits ne se justifient donc pas.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 184, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 69, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 28 sexies pour l'article 2-19 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, celui du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission souhaite que la recevabilité de l'action des associations qui défendent les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles soit subordonnée à l'accord de la victime.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des secaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28 sexies, modifié.

(L'article 28 sexies est adopté.)

Articles additionnels après l'article 28 sexies
ou après l'article 33



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 70, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, après l'article 28 sexies , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 2-16 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Toute association départementale des maires régulièrement déclarée, affiliée à l'Association des maires de France, et dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans, peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou de coups et blessures à raison de leurs fonctions.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de l'élu. »
Par amendement n° 127, MM. Charasse, Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après l'article 33, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 2-16 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Toute association départementale des maires régulièrement déclarée, dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans et qui est affiliée à l'Association des maires de France, reconnue d'utilité publique, peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou d'agressions à raison de leurs fonctions. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 70.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'objet de l'amendement n° 70 est de reprendre une disposition que vous aviez déjà adoptée, mes chers collègues, sur proposition des membres du groupe socialiste lors de la discussion du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale.
De très nombreuses associations peuvent exercer des droits reconnus à la partie civile, et il paraît légitime que les associations de maires puissent aussi jouer ce rôle lorsque certains d'entre eux sont victimes d'infractions dans l'exercice de leurs fonctions.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 127.
M. Michel Charasse. C'est la reprise de l'amendement que nous avions adopté, avec l'accord du Gouvernement, à propos du texte parquet-chancellerie. Toutefois, l'amendement n° 70 comprend un deuxième alinéa, qui contient une précision utile. Par conséquent, je retire l'amendement n° 127 au profit de l'amendement n° 70.
M. le président. L'amendement n° 127 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 70 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des secaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28 sexies.

Section 2

Dispositions
relatives aux constitutions de partie civile

Article 29 A



M. le président.
« Art. 29 A. - L'article 80-3 du même code est ainsi rétabli :
« Art. 80-3 . - Dès le début de l'information, le juge d'instruction doit avertir la victime d'une infraction de l'ouverture d'une procédure, de son droit de se constituer partie civile et des modalités d'exercice de ce droit. Si la victime est mineure, l'avis est donné à ses représentants légaux. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 29 B



M. le président.
Par amendement n° 89, MM. de Broissia, Darcos et Gélard proposent d'insérer, après l'article 29 B, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 418 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois les associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile ne peuvent demander des dommages-intérêts d'un montant supérieur à un franc. »
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Mes collègues MM. Darcos et Gélard et moi-même souhaitons attirer l'attention de la Haute Assemblée sur le fait que certaines associations, comme l'ont souligné le rapport Massot et le rapport Albertini, peuvent aller au-delà de leur mandat qui consiste à défendre leurs adhérents et devenir des financiers avisés, se livrant parfois à du harcèlement judiciaire à des fins purement financières. Nous proposons donc qu'à l'instar de ce qui existe en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, les associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile ne puissent demander qu'un franc de dommages et intérêts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'exercice par les associations des droits reconnus à la partie civile peut parfois donner lieu à des abus. Cependant, la mesure suggérée par M. de Broissia, qui consiste, au détour d'un amendement, à limiter le montant des dommages et intérêts à un franc est bien brutale. Si cette disposition était adoptée, certaines associations remarquables seraient très rapidement mises hors de course alors que leur utilité n'est pas contestée.
Cet amendement soulève certes un réel problème, mais il mérite une réflexion beaucoup plus approfondie que celle qui a été menée. C'est pourquoi la commission y a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis également défavorable à cet amendement pour des raisons indentiques à celles que vient d'exposer M. le rapporteur.
Même si des abus existent, il n'empêche que, dans certains cas, et ils sont nombreux, il est légitime qu'une association puisse percevoir des dommages et intérêts. Quand une association de lutte contre le tabagisme, dont le budget sert à communiquer sur les dangers du tabac chez les jeunes, obtient des dommages et intérêts importants de la part d'une société condamnée pour publicité illicite en faveur du tabac, publicité qui réduit à néant les efforts de communication de l'association, n'est-ce pas légitime ?
On peut tenir le même raisonnement vis-à-vis d'autres associations qui accomplissent un rôle social : je pense aux associations antisectes, aux associations qui défendent les travailleurs victimes de maladies professionnelles. En outre, une association peut être la victime directe d'une infraction, par exemple d'un vol ; elle a alors également le droit à des dommages et intérêts. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il faille prévoir dans un texte que les associations ne peuvent avoir droit qu'à des dommages et intérêts limités au franc symbolique.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 89.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement n° 89 pour que la fin de l'alinéa proposé soit rédigé de la façon suivante : « ...ne peuvent demander des dommages-intérêts d'un montant supérieur à un franc en sus du remboursement éventuel des dépenses engagées dans l'affaire. »
M. Michel Charasse. C'est l'article 700.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié, tendant à insérer, après l'article 29 B, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 418 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile ne peuvent demander des dommages-intérêts d'un montant supérieur à un franc en sus du remboursement éventuel des dépenses engagées dans l'affaire. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Sans doute cette rectification témoigne-t-elle de la bonne volonté des auteurs de l'amendement pour venir au-devant des préoccupations de la commission, mais elle ne saurait lever complètement nos réserves, notamment au regard de la jurisprudence des tribunaux et des cours en ce qui concerne l'article 700.
En effet, monsieur Gélard, on ne voit pas comment ces dommages-intérêts de un franc « en sus du remboursement éventuel des dépenses engagées » pourraient être suffisants, ni comment une association pourrait faire la preuve des dépenses effectivement engagées.
Par conséquent, force m'est de considérer que les raisons demeurent qui avaient conduit la commission à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 89 rectifié.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je voudrais me référer à la pensée de Tocqueville, qu'on ne peut guère suspecter d'avoir été un avant-gardiste effréné.
Je trouve surprenant, désolant même, ce genre de dispositif manifestement anti-associations. On voit bien à quel état d'esprit il correspond ! Eh bien moi, avec Tocqueville et quelques autres, je crois que les associations jouent un rôle essentiel dans les sociétés qui se veulent démocratiques, pour compenser l'isolement des citoyens face à la puissance des appareils d'Etat ou d'autres grandes structures collectives. Les associations créent des réseaux de solidarité, suscitent et fédèrent des capacités d'initiative, d'imagination, de créativité, de dévouement.
Il est tout à fait légitime, reconnaissez-le, chers collègues, qu'à travers les dommages et intérêts elles reçoivent non pas l'essentiel de leurs moyens, mais des renforts qui leur sont tout à fait nécessaires. Cela est malheureusement d'autant plus vrai chez nous que, dans la société française, à la différence des sociétés anglo-saxonnes, il y a peu de dévouement pour l'action collective et que le mouvement associatif n'a pas la vitalité qui serait souhaitable.
Personnellement, je me suis beaucoup occupé, à une certaine époque de ma vie, d'associations de consommateurs. Je me souviens que M. Monory disait alors fort justement : « Il semble que les associations de consommateurs dérangent. Eh bien, il faut qu'elles dérangent parce que c'est leur raison d'être ! » Effectivement, dans une économie libérale bien équilibrée, il faut que les consommateurs soient défendus pour rétablir l'équilibre du marché. Il faut donc que leurs associations aient des moyens pour agir.
Dans un tout autre registre, j'évoquerai aussi des associations que je connais bien, celles qui militent pour la défense de l'enfance maltraitée. Dans ce domaine, il n'y a évidemment que des associations qui peuvent repérer les cas, provoquer des poursuites. Ce ne sont certes par les enfants qui sont susceptibles d'agir, et encore moins leurs parents ! Voilà un autre exemple d'associations qui jouent un rôle essentiel dans notre société.
Même si, j'en suis convaincu, chers collègues, vous ne souhaitez nullement faire du tort à de telles associations, c'est finalement la signification que prend votre amendement. (M. de Broissia fait un signe de dénégation.) Mais si ! Vous ne pouvez pas empêcher qu'il ait cette signification ! Dans le vaste réseau des associations, cette information sera diffusée et reçue comme une marque de défiance et d'hosilité du Sénat à l'égard de la vie associative.
C'est pourquoi, bien que n'ayant aucune autorité pour le faire, je me permets de vous suggérer, sinon en mon nom personnel, du moins au nom de Tocqueville, de retirer cet amendement.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Je voudrais à mon tour évoquer un exemple, qui m'est, lui, suggéré par l'actualité toute récente. Comment les associations qui ont organisé le nettoyage des plages par des bénévoles à la suite du naufrage de l' Erika pourraient-elles ne réclamer qu'un franc de dommages et intérêts ?
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je rappellerai à mes éminents collègues que tout ce qui est excessif est insignifiant. Certes, le mot n'est pas de Tocqueville, monsieur Fauchon, mais sachez que celui-ci a nourri mon enfance. A l'occasion, je vous raconterai comment j'ai lu Tocqueville alors que j'étais encore un enfant.
Cela étant, il ne me paraît pas sain, pour la qualité de nos débats, de dénaturer ainsi le sens de notre proposition. Nous avons tous, ici, la volonté de défendre les associations, de défendre leur liberté.
Je préside moi-même des associations. L'une d'elles a peut-être trois siècles, mais elle n'a jamais vécu de procès !
Monsieur Fauchon, comprenez bien ce que nous voulons dénoncer ! Lisez le rapport Massot et le rapport Albertini ! J'espère que vous avez au moins lu l'objet de notre amendement...
Une association du type « loi de 1901 » doit vivre des cotisations de ses adhérents. Elle ne doit pas vivre de procès inutiles. Qu'elle obtienne le remboursement des frais qu'elle a engagés, cela me paraît tout à fait naturel, mais pas plus !
Les associations qui s'occupent de l'enfance malheureuse, nous les connaissons bien. Les présidents de conseils généraux qui sont ici travaillent tous les jours avec elles. Quand nous nous portons partie civile, il va de soi que nous défendons l'intérêt des enfants. Je ne demande pas pour autant des dommages-intérêts pour couvrir tous nos frais, parce qu'une association doit avoir ses propres ressources.
J'espère que les associations conserveront leur indépendance. Il y a une grande loi, celle de 1901. Une commission a été créée, et je crois savoir que Jean-Michel Belorgey, ancien président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, où j'ai moi-même siégé, travaille sur cette question. Je serai très intéressé de connaître ses propositions.
En tout cas, je ne pense pas avoir, à travers cet amendement, porté atteinte aux associations dont j'ai l'honneur, monsieur Fauchon, d'être le président, et qui n'ont jamais sollicité de décisions judiciaires leur permettant d'équilibrer leurs comptes.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. M. de Broissia doit savoir que nous sommes un certain nombre à ne pas être totalement insensibles à ses arguments. Seulement, comme le disait notre rapporteur tout à l'heure à propos d'un autre amendement, c'est une bonne question mais la réponse qui y est apportée n'est pas satisfaisante. Et il est vrai que ce n'est pas facile !
Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : nous savons tous qu'il existe quelques associations nationales, comme le Centre national de lutte contre le tabac, qui engagent systématiquement des poursuites judiciaires, avec à la clé de très gros dommages et intérêts. L'association que je viens de citer ne vit que de cela et est en train de constituer une véritable sinécure à un certain nombre de ses responsables. Deux ou trois autres associations nationales plus ou moins spécialisées dans le domaine de l'environnement font à peu près la même chose, notamment en récusant les déclarations d'utilité publique.
Seulement, monsieur de Broissia, comment peut-on lutter contre ces trois ou quatre associations qui abusent de la loi...
M. Pierre Fauchon. En assommant les autres !
M. Michel Charasse. ... sans « taper » sur toutes les autres, qui, elles, n'en abusent pas ?
M. Pierre Fauchon. Ce n'est pas une solution !
M. Michel Charasse. Malheureusement, c'est un problème qui, au fond, relève de l'appréciation de l'autorité judiciaire. Si, dans ce domaine, le garde des sceaux voulait bien réfléchir à une instruction générale aux parquets, de telle manière que, au moins au stade des réquisitions, il soit fait preuve de discernement et qu'on n'en vienne pas à arroser quelques associations dans des conditions scandaleuses - étant entendu que le parquet ne fait que requérir mais que cela donne quand même une indication au juge - je pense que nous aurions l'amorce d'un début de commencement de réponse à la question soulevée par M. de Broissia.
En tout état de cause, eu égard au caractère trop général de son amendement, le groupe socialiste ne pourra pas le voter.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, en accord avec le coauteur de cet amendement, compte tenu des explications qui ont été données par les uns et par les autres, à l'exception néanmoins de celles de M. Fauchon (Sourires),...
M. Pierre Fauchon. Pourtant, c'était les plus justifiées !
M. Patrice Gélard. ... je retire l'amendement n° 89 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 31



M. le président.
Par amendement n° 90, MM. de Broissia, Darcos et Gélard proposent d'insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 618-1 du code de la procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - La Cour peut, aux dépens de la partie adverse, mais en tout état de cause au seul profit des associations, condamner à la publication du jugement dans la presse, selon une liste de quotidiens et hebdomadaires fixée par le juge. »
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Sur cet amendement, je sollicite toute l'attention de M. Fauchon, car il témoigne bien du souci d'équilibre qui a animé ses trois coauteurs. Il s'agit en effet de permettre à la Cour de cassation, pour bien faire valoir l'intérêt moral des associations, de condamner la partie adverse à publier à ses frais le texte du jugement dans la presse.
C'est dire, monsieur Fauchon - vous avez été trop rapide, mais je vous pardonne -...
M. Pierre Fauchon. Comme c'est gentil !
M. Louis de Broissia. ... l'intérêt que nous portons au rôle moral des associations, qui n'a rien à voir avec leurs intérêts financiers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission fait observer qu'il est écrit dans l'objet de l'amendement : « Toutefois, cet amendement ne serait opérant que dans l'hypothèse où le montant des dommages-intérêts demandés par les associations se constituant partie civile serait plafonné. »
Par conséquent, il semble bien que cet amendement a une sorte d'odeur de contrepartie et qu'il est totalement lié à celui qui vient d'être retiré.
M. Patrice Gélard. C'est vrai !
M. Pierre Fauchon. C'est le cachet d'aspirine ! (Rires.)
M. Charles Jolibois, rapporteur. Dès lors, il semblerait logique que vous retiriez aussi celui-ci, monsieur de Broissia.
M. le président. Monsieur de Broissia, l'amendement n° 90 est-il maintenu ?
M. Louis de Broissia. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 90 est retiré.

Articles 31 septies et 31 octies A



M. le président.
« Art. 31 septies . - A l'article 706-5 du même code, après les mots : "juridiction répressive", sont insérés les mots : " ; lorsque l'auteur d'une infraction mentionnée aux articles 706-3 et 706-14 est condamnée à verser des dommages-intérêts, le délai d'un an court à compter de l'avis donné par la juridiction en application de l'article 706-15". » - (Adopté.)
« Art. 31 octies A. - I. - Au début du premier alinéa de l'article 706-14 du même code, les mots : "ou d'un abus de confiance," sont remplacés par les mots : ", d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant,".
« II. - Dans le premier alinéa du même article, après les mots : "situation matérielle", sont insérés les mots : "ou psychologique". » - (Adopté.)

Articles additionnels avant l'article 32 A



M. le président.
Par amendement n° 99 rectifié, MM. Charasse et Rouvière proposent d'insérer, avant l'article 32 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 231-3 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'action en déclaration de gestion de fait se prescrit par cinq ans à compter du dernier acte constitutif de ladite gestion. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n°s 101, 102, 103 et 104.
M. le président. Je suis en effet saisi également de quatre amendements présentés par MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter, Rouvière, Plancade, Godard, Picheral et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 101 a pour objet d'insérer, avant l'article 32 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 236 du code électoral est supprimé. »
L'amendement n° 102 tend à insérer, avant l'article 32 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 205 du code électoral est supprimé. »
L'amendement n° 103 vise à insérer, avant l'article 32 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 341 du code électoral est supprimé. »
L'amendement n° 104 a pour objet d'insérer, avant l'article 32 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le huitième alinéa (6°) de l'article L. 231 du code électoral est supprimé. »
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit de régler une question urgente avant les prochaines consultations électorales municipales, qui a trait au délai de prescription en matière de gestion de fait.
Comme vous le savez, le droit français est particulièrement homogène en matière de délais de prescription : trois ans en matière d'impôt sur le revenu, dix ans en ce qui concerne les droits d'enregistrement et l'impôt de solidarité sur la fortune, dix ans pour les crimes, mais trois ans pour les délits, sauf s'il s'agit d'un abus des biens sociaux ; là, c'est trois ans à partir du jour où l'on a découvert le délit. Quant à la prescription de droit commun, elle est de trente ans. J'en passe et des meilleures ! Pour les créances de l'Etat et des collectivités locales, la déchéance est quadriennale. Mais, pour la gestion de fait, c'est trente ans.
Pourquoi trente ans ? Parce que le Conseil d'Etat, en 1990, et je ne lui en ferai pas reproche, ne trouvant aucun texte fixant la prescription en la matière, a décidé que cela ne pouvait être que la prescription de droit commun, c'est-à-dire trente ans.
Pouvoir rechercher un élu local pour une gestion de fait, même minime, trente ans après qu'il a cessé ses fonctions - même après sa mort, on peut se retourner contre ses héritiers : cela s'est vu - c'est un peu abusif !
L'amendement n° 99 rectifié fixe ce délai de prescription à cinq ans, soit encore un an de plus que la déchéance quadriennale des créances de l'Etat et des collectivités locales, ce qui est raisonnable.
Quant aux amendements n°s 101 à 104, ils portent sur la seule inéligibilité pour gestion de fait.
Voilà quelques mois, le Conseil constitutionnel a précisé que, s'agissant du droit des sociétés - c'était à propos de la Nouvelle-Calédonie, mais cela vaut d'une façon générale - une décision de perte de droits civiques ou d'inéligibilité ne pouvait résulter que d'une décision juridictionnelle expresse et que seul le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, était habilité à la prononcer.
Or le code des juridictions financières précise que dès qu'on est déclaré gérant de fait, on est inéligible avant même que les voies de recours soient épuisées, ce qui est contraire à la convention européenne des droits de l'homme, puisque nous sommes dans le domaine des sanctions.
Je souhaitais donc proposer, par ces amendements, que l'inégibilité pour les comptables de fait, comme pour tout le monde, ne puisse être prononcée qu'en cas de délit par le juge de l'ordre judiciaire.
Mais il se trouve que ces dispositions concernent des problèmes touchant aux mandats locaux. Conformément à la position que nous avons adoptée depuis le début de ce débat, dans la mesure où l'on nous a assuré que nous pourrions reprendre ces discussions lors de la deuxième lecture de la proposition de loi de M. Fauchon, je retire provisoirement l'ensemble de ces amendements, étant entendu que je les reprendrai lors de cette discussion en deuxième lecture.
M. Pierre Fauchon. Retrait stratégique !
M. le président. Les amendements n°s 99 rectifié, 101, 102, 103 et 104 sont retirés.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Tout en saluant le retrait de ces amendements qui ne correspondent pas, bien qu'ils soient intéressants, à l'objet du présent texte, je suis obligé de signaler, et peut-être M. Charasse en sera-t-il d'accord, que le Sénat a accompli un travail très important à propos des chambres régionales des comptes, grâce au groupe de travail animé par nos collègues Jean-Paul Amoudry et Jacques Oudin.
Ce groupe de travail a rédigé un rapport d'une certaine ampleur et préparé une proposition de loi qui doit être discutée au mois de mai prochain, la conférence des présidents ayant décidé mardi dernier son inscription à l'ordre du jour du Sénat. Il me semble, monsieur Charasse, que vos amendements devraient porter sur ce texte plutôt que sur la proposition de loi de M. Fauchon.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'entends bien ce que dit M. le rapporteur, et il parle d'or. Mais il se trouve que je pense, avec mes amis du groupe socialiste, que les questions que je viens d'évoquer doivent être réglées au plus tard avant les élections municipales de l'année prochaine.
Or, mes chers collègues, rien ne nous assure que l'Assemblée nationale sera disposée à « prendre » la proposition de loi relative aux chambres régionales des comptes avec la même diligence que la proposition de loi de M. Fauchon.
M. Jacques Larché, président de la commission. On verra !
M. Michel Charasse. Je peux même dire, après avoir lu l'édition d'hier du quotidien Libération , que nous avons déjà subi une première salve de tirs de la part de l'Assemblée nationale, qui semble nous indiquer de la façon la plus claire que celle-ci n'est pas du tout d'accord avec la démarche du Sénat, tant et si bien que notre proposition de loi sur les chambres régionales des comptes, dont je sais bien, monsieur le rapporteur, qu'elle est inscrite à l'ordre du jour du Sénat du 11 mai, puisque ce point a fait l'objet d'une discussion assez longue au sein du groupe socialiste, a, nous le savons tous, de fortes chances de tomber aux oubliettes à l'Assemblée nationale, où quelques-uns de nos collègues députés se font leur réputation et leur renom en tapant systématiquement sur le dos des élus locaux, en ne se rendant pas compte qu'ils tapent du même coup sur le suffrage universel.
Par conséquent, si je suis sûr que la proposition de loi « Fauchon » reviendra devant le Sénat, je n'ai pas la même certitude s'agissant de la proposition de loi sur les chambres régionales des comptes. Je veux bien dire, pour vous faire plaisir, monsieur le rapporteur, que nous reprendrons peut-être ce débat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi sur les chambres régionales des comptes, mais, en tout état de cause, nous nous retrouverons sur le texte de M. Fauchon. Fauchon, si je puis dire, c'est plus sûr ! (Rires.)
M. Pierre Fauchon. Mieux vaut Fauchon que fauché !
M. le président. Mes chers collègues, il reste vingt-quatre amendements à examiner sur ce texte ; nous allons maintenant interrompre nos travaux.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

14

TRANSMISSION D'UN PROJET
DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 296, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

15

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI



M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 295, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes modifiant le code des juridictions financières.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 297, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la chasse.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 298, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution évenutelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
Proposition de la Commission relative aux prix des produits agricoles (2000-2001), volume I : exposé des motifs, volume II : répercussions financières, volume III : actes juridiques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1432 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 5 avril 2000, à quinze heures :
1. Examen d'une demande conjointe des présidents des commissions des affaires économiques, des finances, des affaires étrangères et des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission commune d'information chargée d'étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises.
2. Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 222, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Rapport (n° 283, 1999-2000) de M. Charles Jolibois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3. Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 241, 1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.
Rapport (n° 291, 1999-2000) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
4. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 242, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité.
Rapport (n° 290, 1999-2000) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Paul Vergès et plusieurs de ses collègues tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer (n° 293, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 avril 2000, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 21 de M. Jean Arthuis sur le stockage des déchets radioactifs.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 5 avril 2000, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 20 de M. Alain Lambert à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Effets sur les finances publiques de la politique de la fonction publique).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 5 avril 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 5 avril 2000, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON






NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mardi 4 avril 2000, le Sénat a nommé :
M. Roland Muzeau membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Mme Nicole Borvo, démissionnaire ;
Mme Nicole Borvo membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Michel Duffour, démissionnaire de son mandat de sénateur.

MODIFICATIONS
AUX LISTES DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN
(17 membres au lieu de 16)

Ajouter le nom de M. Roland Muzeau.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(7 au lieu de 8)

Supprimer le nom de M. Roland Muzeau.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Développement du trafic aérien
et construction d'un aéroport international

780. - 4 avril 2000. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la progression du trafic aérien à l'aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy-en-France. La Direction de l'aviation civile annonce une augmentation de 8,02 % des vols civils aériens en France au cours de l'année 1999 par rapport à l'année 1998. Elle lui fait remarquer que la hausse dépasse les 10 % à l'aéroport Charles-de-Gaulle. Dans de telles conditions, le chiffre de 500 000 vols prévus il y a encore deux ans comme objectif de l'année 2015, sera atteint dès la fin de l'année 2000. Elle lui fait remarquer que, dans ces conditions, la construction d'un troisième aéroport ne peut plus être considérée comme une hypothèse, mais bien comme une nécessité. Elle lui demande de lui préciser si cette construction d'un troisième aéroport est bien devenue la solution qu'envisage le Gouvernement pour faire face à l'augmentation croissante du trafic aérien et, dans ce cas, de lui préciser la localisation éventuelle de l'implantation, ainsi que le calendrier de réalisation.

Prévention des risques liés à l'exposition aux rayonnements
des antennes-relais de téléphone

781. - 4 avril 2000. - M. Denis Badré appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les risques pour la santé des populations liés à l'exposition du public aux champs électromagnétiques diffusés par les antennes-relais utilisées pour les téléphones cellulaires. Il rappelle à cet égard que jusqu'à 4 mètres, les dispositions générales de l'urbanisme ne peuvent être opposées à une installation. Le problème est bien réel puisque, par recommandation du 12 juillet 1999, la Commission européenne a pris parti dans le sens d'une limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques. Lors de la discussion de cette recommandation devant le Parlement européen, le rapporteur a d'ailleurs proposé plusieurs amendements portant sur les effets potentiellement nocifs des rayonnements, les conditions de mise en oeuvre du principe de précaution ou la fixation de distances minimales de sécurité. A l'heure actuelle, la généralisation très rapide du téléphone cellulaire entraîne l'installation de nombreuses antennes-relais à proximité des habitations alors que, par lettre du 2 février 1999, le directeur général de la santé écrivait au directeur de l'habitat et de la construction que « ... si aucune pathologie objective n'a pu être mise en évidence à la suite de l'exposition au long cours du public à ces installations, il ne peut être établi qu'il n'existe aucun risque, compte tenu du développement récent de telles technologies et du manque de recul. » Il lui demande si elle entend prendre des dispositions concernant le regroupement des antennes-relais des différents opérateurs sur un seul site. Proposer de fixer une distance minimum entre les antennes-relais et les habitations ? Mettre en oeuvre le principe de précaution à travers des valeurs limites d'exposition du public ?

Mise en place des sections d'enseignement général
et professionnel adapté

782. - 4 avril 2000. - M. Fernand Demilly appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les SEGPA (sections d'enseignement général et professionnel adapté) des collèges qui se substituent aux SES (sections d'enseignement spécialisé). Dans le cadre de la mise en place des SEGPA, le département de la Somme doit entreprendre une importante modification des structures existantes, mais des fermetures et des suppressions de postes et de spécialités ont été annoncées début février, puis gelées provisoirement. Or, ces mesures ont des conséquences importantes pour les collectivités concernées : sur les transports scolaires ; sur la programmation en cours des travaux dans les collèges ; sur les travaux réalisés, laissant à penser qu'ils deviennent inutiles ! sur la participation des communes, antérieure à cette année, calculée sur les effectifs scolarisés lors des travaux, alors que les élèves ne fréquenteront plus l'établissement. En conséquence, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour éviter de tels errements.

Conséquences des « raves parties »

783. - 4 avril 2000. - M. Gérard Cornu attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences des rassemblements de « raveurs » qui se multiplient dans le département d'Eure-et-Loir, perpétrant des actes de dégradation irréparables. Depuis le début de l'année, quatre manifestations de ce type ont eu lieu dans le département. Dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 mars, 2 000 « raveurs » ont investi les bâtiments du Séminaire des Barbelés du Coudray et dévasté le musée dédié à la mémoire de l'abbé Franz Stock. Des documents historiques inestimables ont été volés ou saccagés. Les forces de l'ordre n'ont pu intervenir faute de moyens humains. Il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour prévenir ce type d'infractions et empêcher que ces rassemblements « clandestins » ne viennent porter atteinte à la sécurité des biens et des personnes.