Séance du 9 février 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Conventions sur l'emploi de l'informatique et l'assistance mutuelle dans le domaine des douanes. - Adoption de cinq projets de loi (p. 2 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Jean-Luc Bécart.
Clôture de la discussion générale.
Adoption des articles uniques des cinq projets de loi.

4. Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et Israël. - Adoption d'un projet de loi (p. 3 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Bertrand Delanoë, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Jean-Luc Bécart, Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

5. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 5 ).

6. Conséquences et suites des intempéries et de la marée noire intervenues fin décembre 1999. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 6 ).
MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Gérard Le Cam, Bernard Joly, Louis Le Pensec.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

MM. Philippe Arnaud, Jean-Pierre Raffarin, Philippe Adnot, Hubert Haenel, Jean-Claude Peyronnet, Pierre Jarlier, Philippe Nachbar, Philippe Darniche, Xavier Darcos, Mme Marie-Madeleine Dieulanguard, MM. Jean-Guy Branger, Gérard César, Bernard Cazeau, Claude Huriet, Jacques-Richard Delong, Michel Moreigne, Henri de Richemont.

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; le président, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean Faure.
Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

7. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 8 ).

8. Volontariats civils. - Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 9 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Hubert Durand-Chastel, Jean-Luc Bécart.
Clôture de la discussion générale.

Articles 1er à 1 ter et 2 à 5. - Adoption (p. 10 )

Article 6 (p. 11 )

Amendement n° 1 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 6 bis et 7 à 10. - Adoption (p. 12 )

Article 11 (p. 13 )

Amendement n° 2 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 12. - Adoption (p. 14 )

Article 13 (p. 15 )

Amendement n° 3 du Gouvernement. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 13 bis et 14 à 15 bis . - Adoption (p. 16 )

Article 16 (p. 17 )

Amendement n° 4 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Articles 16 bis à 16 quater et 17. - Adoption (p. 18 )

Article additionnel après l'article 17 (p. 19 )

Amendement n° 5 du Gouvernement. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; le rapporteur, Emmanuel Hamel. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Intitulé du projet de loi (p. 20 )

Amendement n° 6 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
M. le ministre délégué.

Vote sur l'ensemble (p. 21 )

M. André Rouvière, Mme Paulette Brisepierre.
Adoption du projet de loi.
M. le président.

9. Accord avec la Suisse relatif à la coopération transfrontalière. - Adoption d'un projet de loi (p. 22 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Robert Del Picchia, en remplacement de M. Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 23 )

M. Pierre Hérisson.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

10. Protocole avec le Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants. - Adoption d'un projet de loi (p. 24 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

11. Convention d'entraide judiciaire et convention d'extradition avec l'Uruguay. - Adoption de deux projets de loi (p. 25 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.

12. Convention portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite. - Adoption d'un projet de loi (p. 26 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

13. Convention internationale de 1989 sur l'assistance. - Adoption d'un projet de loi (p. 27 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

14. Convention internationale relative aux infractions douanières. - Adoption d'un projet de loi (p. 28 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
MM. le ministre délégué, le rapporteur.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

15. Dépôt de projets de loi (p. 29 ).

16. Transmission d'un projet de loi organique (p. 30 ).

17. Transmission d'un projet de loi (p. 31 ).

18. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 32 ).

19. Dépôt de rapports (p. 33 ).

20. Dépôt de rapports d'information (p. 34 ).

21. Ordre du jour (p. 35 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Les questions orales sans débat n° 711 de M. Robert Bret, n° 713 de M. René-Pierre Signé et n° 715 de M. Claude Domeizel pourraient être inscrites à l'ordre du jour de la séance du mardi 22 février 2000.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.

3

CONVENTIONS SUR L'EMPLOI
DE L'INFORMATIQUE
ET L'ASSISTANCE MUTUELLE
DANS LE DOMAINE DES DOUANES

Adoption de cinq projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 48, 1999-2000) autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention. (Rapport [n° 185, 1999-2000.])
- du projet de loi (n° 49, 1999-2000) autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes. (Rapport [n° 185, 1999-2000.])
- du projet de loi (n° 50, 1999-2000) autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes. (Rapport [n° 185, 1999-2000.])
- du projet de loi (n° 51, 1999-2000) autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes. (Rapport [n° 185, 1999-2000.])
- du projet de loi (n° 138, 1999-2000) autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe) (Rapport [n° 185, 1999-2000.])
La conférence des présidents a décidé que ces cinq projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, j'ai l'honneur de vous soumettre aujourd'hui cinq projets de loi autorisant la ratification de deux conventions, de deux protocoles et d'un accord relatifs à la coopération entre les administrations douanières des Etats membres.
Derrière leur apparente technicité, ces textes constituent des avancées importantes en matière de contrôle et de lutte contre des trafics illégaux de toute nature. Ils contribueront ainsi de façon décisive à la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice tel que prévu par le traité d'Amsterdam et s'inscrivent pleinement dans le cadre des décisions prises lors du Conseil européen de Tampere, premier Conseil consacré au développement du troisième pilier sous la récente présidence finlandaise.
En effet, après l'achèvement du marché intérieur et la suppression des contrôles douaniers systématiques aux frontières intérieures de la Communauté européenne, le 1er janvier 1993, il est apparu nécessaire de renforcer la coopération entre les administrations des douanes des Etats membres et de rénover les instruments juridiques à la disposition des agents des douanes en matière de lutte contre la fraude : c'est l'objectif essentiel des textes qui vous sont soumis aujourd'hui.
Le premier de ces textes, qui constitue sans doute le coeur du nouveau dispositif juridique, est la convention relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières que les quinze Etats membres de l'Union européenne ont signé le 18 décembre 1997.
Cette convention dite « de Naples II », qui remplacera l'actuelle convention de Naples, adoptée en 1967 lors de l'achèvement de l'Union douanière, vise à renforcer la base juridique de l'assistance mutuelle que se prêtent les administrations des Etats membres dans le domaine douanier, dans les matières qui ne sont pas soumises à une législation communautaire.
La convention de Naples II définit les modalités de coopération entre les douanes lorsqu'il s'agit de poursuivre et de réprimer des infractions aux dispositions douanières communautaires et nationales. Ce texte permettra par exemple aux agents des douanes de procéder, dans le cas de flagrant délit, à des poursuites au-delà des frontières. L'importance, aux yeux des autorités françaises, de cet outil pour lutter contre les trafics illicites s'est traduite par le choix de la France de déposer, avec les instruments de ratification, une déclaration au titre de l'article 32, alinéa 4, de ce texte. Cette déclaration permettra d'appliquer de façon anticipée les dispositions de la convention avec les Etats membres qui auront fait une déclaration similaire.
Le second texte, également très important, est la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes, que les quinze Etats membres de l'Union européenne ont signé le 26 juillet 1995. Cette convention vise à établir un système d'information des douanes, le SID.
Là encore il s'agit d'un texte attendu qui dote l'Union européenne d'un outil efficace en matière de lutte contre la fraude.
En effet, cette base de données est appelée à contenir des informations dans des fichiers distincts, couvrant aussi bien les matières proprement communautaires - fraude à la politique agricole commune, par exemple - que des domaines relevant du troisième pilier, notamment des informations sur la contrebande de drogues ou d'armes.
C'est la raison pour laquelle sa création est fondée à la fois sur le règlement du Conseil du 13 mars 1997 et sur la présente convention.
Concrètement, le système informatique douanier européen comportera une base de données centrale, gérée depuis Bruxelles par les services de la Commission européenne, à laquelle l'ensemble des administrations douanières des quinze Etats membres pourront avoir accès en temps réel. L'objectif du SID est de créer un système d'alerte comprenant des avis de fraude en vue de prévenir, de rechercher et de poursuivre les violations des normes communautaires et les infractions graves aux lois nationales. Grâce à une diffusion plus rapide des informations, le SID renforcera l'efficacité des procédures de coopération et de contrôle des administrations douanières.
Je tiens néanmoins à préciser à ce stade que le SID est considéré dans chacun des Etats membres comme un fichier national soumis aux dispositions nationales en matière de protection des données à caractère personnel. La Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, aura donc un droit de contrôle sur les données de cette nature communiquées au système européen.
La convention « SID » est complétée par un accord relatif à son application provisoire entre certains Etats membres, signé le même jour, le 26 juillet 1995, qui permettra l'entrée en vigueur de la convention dès sa ratification par huit Etats membres. Elle est également complétée par deux protocoles.
Le premier de ces protocoles, signé le 29 novembre 1996, concerne l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice de la convention SID.
Deux options sont ouvertes aux Etats membres, qui peuvent déclarer que toutes leurs juridictions ont la faculté de demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel ou ne réserver cette faculté qu'aux seules juridictions statuant en dernier ressort. La France, pour sa part, a opté pour la formule selon laquelle toute juridiction aura la faculté d'interroger la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel. Dans la mesure où le système d'information douanier est fondé sur une double base juridique, il semble logique que la Cour, qui sera en tout état de cause compétente pour interpréter le règlement communautaire constitutif, le soit aussi pour interpréter les dispositions parallèles de la convention.
Le second protocole, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport, a été signé plus tardivement, le 12 mars 1999. Il vise, en fait, à aligner le champ de la convention SID sur celui, plus large, de la convention de Naples II en matière de blanchiment de capitaux. Quant à l'inclusion du numéro d'immatriculation, il s'agit simplement de remédier à une lacune de la convention à cet égard : il n'est possible, en effet, d'enregistrer individuellement les moyens de transport que par leur numéro d'immatriculation. En l'absence d'une telle information, la rubrique « moyen de transport » figurant parmi les données reprises dans le SID serait dénuée de toute utilité opérationnelle.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les cinq textes qui font l'objet des cinq projets de loi aujourd'hui proposés à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les cinq conventions dont nous devons autoriser la ratification constituent un dispositif complet et cohérent, mais complexe, il est vrai, dont vous avez, monsieur le ministre, rappelé l'économie générale.
Je ne reviendrai donc pas sur l'ensemble, préférant attirer l'attention de la Haute Assemblée sur trois points : tout d'abord, l'approfondissement de la coopération douanière est aujourd'hui indispensable ; ensuite, les conventions de 1995 et de 1997 constituent un véritable progrès ; enfin, ce progrès ne se fait pas au détriment de la protection des citoyens de l'Union européenne.
La réforme et l'approfondissement de la coopération entre les administrations douanières de l'Union européenne étaient devenus une nécessité. En effet, le texte qui la régit actuellement, et qui la régira jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention de Naples II du 18 décembre 1997, est la convention de Naples I du 7 septembre 1967. Si cette convention a constitué, à l'époque, une véritable avancée, elle ne répond plus maintenant aux besoins de coopération dans une Europe unifiée. Le contexte a, en effet, beaucoup changé depuis 1967 : l'Europe est désormais un marché unique de quinze membres et se prépare à accueillir de nouveaux candidats ; les frontières internes se sont effacées et les échanges de marchandises se sont beaucoup accrus entre des pays dont l'économie est de plus en plus intégrée.
Face à ces mutations et à l'internationalisation des fraudes, il était devenu nécessaire de fonder la coopération douanière sur de nouvelles bases alors que, par ailleurs, des progrès importants étaient accomplis en matière de coopération policière, avec l'accord de Schengen, ou en matière douanière, avec certaines conventions multilatérales.
La convention du 26 juillet 1995, relative à l'emploi de l'informatique, et la convention du 18 décembre 1997, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération douanière, constituent de vrais progrès en la matière.
La convention de 1995 permettra de créer et d'exploiter un système d'information des douanes, ou SID, à l'instar du SIS, le système d'information Schengen. Le SID permettra une centralisation informatique des informations et, surtout, leur circulation très rapide, puisque les administrations douanières habilitées pourront en disposer en temps réel. Il s'agit donc de mettre à la disposition des douanes les techniques modernes de communication.
La convention de Naples II, tout en reprenant l'acquis de la convention de Naples I, rendra possibles des méthodes de coopération beaucoup plus poussées qu'auparavant. Elle va au-delà des possibilités ouvertes par l'accord de Schengen, car son champ d'application est plus large. Il y est reconnu un droit de poursuite transfrontalière qui pourra s'étendre sur tout le territoire d'un Etat membre, sous réserve, bien sûr, de réciprocité. Un droit d'observation transfrontalière y est également organisé. Par ailleurs, les livraisons surveillées, les enquêtes discrètes et les équipes mixtes d'enquêtes spéciales sont autorisées par la convention, et constituent d'importantes innovations. Toutefois, chaque Etat est à même de choisir dans quelle mesure il s'engage. Ainsi, la France ne mettra pas en oeuvre les dispositions relatives aux enquêtes discrètes pour ne pas interférer avec son ordre juridique interne.
Il me semble fondamental d'ajouter que ce progrès dans la coopération des administrations douanières ne se fera pas au détriment des droits des citoyens à protéger données personnelles les concernant. Les différentes conventions sont très précises sur ce point.
L'inscription de ce type d'informations et leur utilisation est conditionnée à un objectif. Elle est normalement temporaire. Leur accès est strictement contrôlé et toutes les mesures sont prises pour en assurer la confidentialité.
Les informations susceptibles d'être inscrites sont limitativement énumérées et excluent, bien évidemment, toute référence à la race, à la religion ou aux opinions politiques.
Cette base de données sera contrôlée au niveau national par des autorités indépendantes, comme la CNIL en France, et, au niveau européen, par une autorité ad hoc réunissant les autorités nationales de contrôle.
Le SID étant considéré comme un fichier national, la CNIL conserve à son égard tous ses pouvoirs habituels et les citoyens l'intégralité de leurs droits d'accès, de rectification ou de suppression des informations.
Cette convention aura même pour effet d'accélérer l'harmonisation vers le haut des législations nationales en la matière, puisque ne pourront y participer que les pays offrant suffisamment de garanties.
Je crois donc, avec l'ensemble de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que ces cinq conventions constituent un ensemble cohérent et positif. C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, d'approuver ces cinq projets de loi visant à autoriser leur ratification.
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les cinq projets de loi qui nous sont présentés ont pour objectif louable de favoriser la coopération douanière dans le cadre de l'Union européenne, afin de lutter plus efficacement contre les trafics en tout genre.
Cette volonté, réaffirmée par les quinze pays de l'Union au sommet de Tampere en octobre dernier et appuyée de manière significative par la France, ne peut, bien évidemment, qu'être partagée.
Mais, si nous partageons les objectifs à atteindre, les moyens proposés pour mettre en place cette stratégie de lutte contre la criminalité organisée ne nous semblent pas toujours pertinents, notamment en ce qui concerne la création du système d'informations des douanes, le SID, dont traitent quatre des projets de loi qui nous sont soumis.
Le SID est présenté comme un système d'informations spéciales qui doit permettre une diffusion rapide desdites informations et accroître l'efficacité des administrations douanières. Il est prévu qu'il soit géré techniquement de façon centralisée par la Commission et accessible aux Etats membres en temps réel, un organisme spécialisé par Etat étant chargé de la surveillance.
C'est un comité composé de représentants des administrations douanières des parties contractantes qui sera chargé du bon fonctionnement et du suivi des activités.
Le SID comprendra notamment des données à caractère personnel.
S'il est précisé que de nombreuses dispositions de la convention visent à assurer la protection de ces données - cela a été rappelé à l'instant par M. le rapporteur - et que le SID sera soumis à la législation propre à chaque Etat dans ce domaine - soit à la loi « informatique et libertés » en France - nous sommes cependant inquiets. Ce système d'informations ressemble en effet sensiblement au système d'information Schengen, le SIS, que nous avons souvent critiqué pour son caractère discriminatoire : je rappellerai ici que le SIS accumule depuis 1995 plus de 20 millions de signalements et ne sert presque exclusivement qu'à la surveillance de l'immigration clandestine.
S'agissant du SID, les mêmes dérives sont possibles et, si nous soutenons la lutte contre la fraude et le crime organisé, nous refusons de cautionner des structures qui confortent une démarche quelque peu sécuritaire et une vision frileuse de l'Europe. Les dangers de renforcement de l'amalgame entre drogue, criminalité et trafic, d'une part, et émigration extracommunautaire, d'autre part, sont certains.
Il nous semble que d'autres moyens devraient être privilégiés, en raison de leur efficacité à grande échelle. Par exemple, l'argent provenant des trafics illicites représente de 500 milliards à 1 000 milliards de dollars aujourd'hui en Europe. Or il est de notoriété publique que cet argent, après avoir été recyclé dans les circuits bancaires, est assez souvent placé à l'abri dans des paradis fiscaux puis investis dans des activités diverses.
Une réelle volonté de l'Union européenne de lutter contre ce fléau devrait, selon nous, se traduire par une action rigoureuse et concertée contre ces paradis fiscaux, ainsi que par la signature de conventions garantissant la levée du secret bancaire lors de demandes d'entraides internationales.
D'autres mesures sont à inventer. Dans cet esprit, le groupe communiste au Parlement européen avait proposé, pour lutter contre les trafics en Europe, de créer un observatoire européen en lui donnant un caractère démocratique, puisqu'il serait composé, notamment, d'élus, mais aussi de représentants de syndicats et d'associations.
A été également évoquée la possibilité donnée aux employés des banques confrontés à des opérations douteuses de faire part de leurs soupçons. Ces mesures vont, selon nous, dans le sens de l'efficacité, en s'attaquant directement aux vrais responsables.
Il nous semble également que les gouvernements européens ne prennent pas suffisamment de mesures réelles pour lutter, notamment, contre l'investissement de fonds d'origine criminelle dans les entreprises situées sur leur territoire.
Monsieur le ministre, je tiens à le répéter, nous partageons avec vous et avec d'autres la volonté de lutter contre la criminalité organisée de façon plus active et efficace. Cependant, en raison du manque de clarté et de précision de certaines mesures contenues dans ces projets de loi ainsi que des inquiétudes que nous avons évoquées, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

PROJET DE LOI N° 48

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 48.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention, signé à Bruxelles le 12 mars 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI N° 49

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 49.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI N° 50

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 50.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes, fait à Bruxelles le 29 novembre 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI N° 51

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 51.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes, fait à Bruxelles le 26 juillet 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI N° 138

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 138.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe), signée à Bruxelles le 18 décembre 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

4

ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN
ÉTABLISSANT UNE ASSOCIATION
ENTRE LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

ET ISRAËL

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 95, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part. [Rapport n° 168 (1999-2000).]
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord rappeler que c'est le 20 novembre 1995 à Bruxelles qu'était signé l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part. Une semaine plus tard, l'Union européenne et les douze partenaires méditerranéens, dont Israël, adoptaient la déclaration de Barcelone, qui, comme chacun le sait, est l'acte fondateur du partenariat euroméditerranéen.
Depuis lors, l'ensemble des pays de la région, à commencer par Israël, ont traversé bien des épreuves et connu bien des soubresauts. En dépit des difficultés rencontrées, les peuples israélien et palestinien n'ont cessé de manifester leur attachement à la paix et leur volonté de poursuivre le processus de paix. L'élection de M. Barak et la constitution d'un nouveau gouvernement en Israël, soutenu par une large majorité à la Knesset, ont ravivé les espoirs mis dans une solution négociée du conflit israélo-palestinien.
Comme vous le savez, le processus de paix avait connu une « éclipse » pendant un peu plus de trois ans, alors que M. Netanyahou était au pouvoir. Cette situation explique, pour une bonne part, le délai qui s'est écoulé depuis la conclusion de cet accord.
C'est pourquoi le Gouvernement estime opportun de saisir cette occasion pour témoigner concrètement de son engagement en faveur de la paix et de la stabilisation dans la région. Tel est le sens de l'accord d'association qui vous est présenté aujourd'hui.
Certes, nous le savons, la route est encore longue et il faudra aux parties beaucoup de courage et de volonté. Les récents événements illustrent, si besoin était, combien la voie est ardue. Je pense tout particulièrement au brusque regain de tension au Sud-Liban, suivi des bombardements israéliens au Liban...
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Hélas !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. ... qui ont fait de nombreux blessés civils et atteint des stations relais électriques, c'est-à-dire des objectifs civils, ce que nous déplorons. Nous avons appelé les deux parties à ne pas céder à la tentation de représailles ou à l'escalade.
Mais la mise en oeuvre de l'accord de Charm el-Cheikh, signé le 4 septembre 1999, et les négociations sur le statut final des territoires palestiniens, qui ont véritablement débuté le 8 novembre, doivent être considérés comme des signaux particulièrement encourageants, en dépit d'évidentes difficultés d'application.
Je mentionnerai enfin la reprise des négociations entre Israël et la Syrie le 15 décembre dernier. Malgré un processus qui avance par à-coups, comme le montre le report récent d'une nouvelle session de pourparlers syro-israéliens, ce développement va aussi dans le bons sens.
La communauté internationale, et plus particulièrement l'Union européenne, doit poursuivre sans relâche son appui à ce processus en exprimant sa confiance aux dirigeants de la région, qui sont pleinement conscients de leur lourde responsabilité historique. La France, pour sa part, y est résolue.
En effet, pour la France comme pour l'Union européenne, les peuples des autres rives de la Méditerranée, qu'il s'agisse d'Israël ou de ses voisins, sont des amis proches et des partenaires essentiels. L'Europe est unie à eux par la richesse de l'histoire, la force des liens présents et la volonté de construire un avenir commun.
Je tiens à souligner qu'Israël occupe une place qui la distingue dans l'histoire de la politique méditerranéenne de l'Union. Dès 1975, un accord de coopération avait été conclu entre Israël et la Communauté, permettant très rapidement aux deux parties de renforcer leurs relations dans le cadre d'un libre-échange industriel effectif depuis 1989.
En dépit de ses protocoles d'adaptation successifs, cet accord restait limité aux questions économiques et commerciales. Ainsi, dans le prolongement des accords d'Oslo, le Conseil européen d'Essen, en 1994, avait reconnu à Israël un statut privilégié dans l'ensemble des relations extérieures de la Communauté.
La Commission a reçu mandat de négocier un nouvel accord avec Israël permettant de renforcer ces relations dans tous les domaines.
Enfin, la relance de la politique méditerranéenne de l'Union, voulue par la France et consacrée par la déclaration de Barcelone en 1995, confère à la relation euro-israélienne une dimension nouvelle et particulière.
Elle s'articule autour de trois volets : un volet politique et de sécurité, un volet économique et financier et un volet social et humain.
Elle fait de l'accord d'association l'une des pierres angulaires dans la perspective de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange à l'horizon 2010.
Elle a pour ambition d'élever Israël au rang de partenaire entier dans l'ensemble euro-méditerranéen.
Signé au terme de plus de deux ans de négociations, l'accord d'association s'articule autour des dispositions principales suivantes : l'insertion d'une clause sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, qui figure désormais dans tous les accords conclus par la Communauté européenne avec des pays tiers et qui peut aller, le cas échéant, jusqu'à la suspension de tout ou partie de l'accord ; la mise en place d'un dialogue politique, portant sur les questions d'intérêt commun, et notamment sur la paix et la stabilité dans la région ; la consolidation de la zone de libre-échange existante, en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce ; l'introduction de dispositions relatives aux services, aux mouvements de capitaux et au droit de la concurrence ; l'identification de nouveaux domaines de coopération - l'environnement et la culture, par exemple - ainsi que la conclusion parallèle d'un accord sur la recherche, qui a ouvert à Israël le droit de participer au quatrième, puis au cinquième programme cadre de recherche et de développement, le PCRD, de la Communauté.
En attendant son entrée en vigueur, les dispositions économiques et commerciales de l'accord ont été mises en oeuvre par anticipation dans le cadre de l'accord intérimaire, entré en vigueur le 1er janvier 1996.
Après la Tunisie, Israël sera ainsi le deuxième partenaire méditerranéen avec lequel un accord d'association entrera en vigueur. Il sera suivi très prochainement du Maroc, puis, plus tard, de la Jordanie et de l'Egypte, avec laquelle les négociations sont à présent terminées. Les négociations se poursuivent, vous le savez, avec le Liban, la Syrie et l'Algérie. Par ailleurs, un accord intérimaire, dont je déplore qu'il n'ait pas encore pu produire tous ses effets, est déjà entré en vigueur avec l'OLP.
Au total, les dispositions de cet accord euro-israélien conduisent à renouveler en profondeur les relations entre Israël et l'Union européenne, en les inscrivant dans le cadre d'une politique euro-méditerranéenne, ambitieuse et globale, destinée à faire de la Méditerranée une zone de stabilité et de prospérité, et qui constitue désormais l'une des priorités de la politique extérieure de l'Union européenne.
Notre pays à une contribution importante à apporter à ce grand projet, nous en sommes tous conscients. Très bientôt, dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, au second semestre de cette année, la France entend faire du renforcement du dialogue euro-méditerranéen une de ses priorités.
Je tiens à souligner que le processus de paix au Proche-Orient et le partenariat euro-méditerranéen sont distincts, qu'ils ne doivent pas se confondre. Mais ils sont aussi complémentaires, comme les vingt-sept partenaires l'ont une fois encore observé lors de la troisième conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Stuttgart, en avril dernier.
Fortifier le partenariat euro-méditerranéen, favoriser la coopération Nord-Sud, c'est aussi et d'abord contribuer à la paix.
Ces questions alimenteront désormais le dialogue politique de l'Union européenne avec Israël, notamment dans le cadre du conseil d'association. Le nouvel accord entre l'Union européenne et Israël nous donnera ainsi les moyens d'engager un suivi régulier de la mise en oeuvre de tous les volets de l'accord, y compris ses aspects relatifs aux droits de l'homme.
Je n'ignore pas, mesdames, messieurs les sénateurs, en présentant ce texte à votre assemblée, la préoccupation que continue de susciter dans la population palestinienne la poursuite de la colonisation ; mais les négociations sur le statut final, qui viennent de débuter, pourront - je le souhaite vivement - répondre, d'ici au 13 septembre 2000, aux aspirations des deux populations, israélienne et palestinienne, à la paix et à la sécurité, dans le respect des droits qui leur sont reconnus respectivement par la communauté internationale.
C'est pour appuyer les efforts en faveur de la paix, de la stabilité régionale et du développement que le Gouvernement souhaite que l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, qui s'inscrit précisément dans cette logique, puisse entrer en vigueur dès que possible. Il a été soumis à l'Assemblée nationale, qui l'a approuvé le 23 novembre 1999.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, accord qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bertrand Delanoë, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. M. le ministre vient de le dire, l'accord que nous examinons aujourd'hui et qui est soumis à notre ratification est l'une des étapes concrètes de la mise en oeuvre du processus inauguré par la conférence de Barcelone en 1995. Ce processus se met en place lentement, mais avec une certaine efficacité, permettant le développement régulier de l'espace euro-méditerranéen tel qu'il a été pensé par les Européens à la conférence de Barcelone.
C'est vrai, c'est en 1996 que le Parlement français a été saisi de la ratification de cet accord. C'est d'ailleurs pourquoi M. le président de Villepin avait souhaité, à l'époque, que la commission des affaires étrangères du Sénat envoie une mission tant en Israël que dans les territoires palestiniens pour rencontrer un certain nombre d'acteurs politiques, économiques, sociaux, voire philosophiques, et poser le problème dans son contexte régional difficile.
Entre 1996 et 1999, ce contexte a, évidemment, beaucoup pesé sur cette ratification, et si l'Assemblée nationale comme le Sénat ont attendu quelques années avant de prendre position, c'est qu'effectivement le climat politique entre les protagonistes du Proche-Orient ne favorisait pas cet acte solennel et important.
Maintenant, le moment est sans doute venu puisque, depuis 1999, on peut constater, sans vouloir cacher les difficultés que rencontrent les acteurs de cette région, que le climat a changé grâce à la nouvelle dynamique donnée par le gouvernement israélien et par les dirigeants palestiniens ou arabes à la reprise du processus de paix initié à Oslo.
Vous avez dit, monsieur le ministre, quelles étaient les composantes de cet accord, qui ressemble effectivement aux accords que nous avons passés ou que nous sommes en train de passer avec d'autres pays de la région.
La spécificité de l'accord entre l'Union européenne et l'Etat d'Israël tient à ce que les économies sont de niveau assez comparable et qu'il y a déjà des échanges commerciaux bien établis entre l'Europe et Israël qui permettent de donner un nouvel élan à la politique euro-israélienne, d'autant que, si ces échanges sont, certes, abondants, ils sont en défaveur des Israéliens, qui, assez légitimement, souhaitent, grâce la mise en oeuvre de cet accord, parvenir à un rééquilibrage.
Par ailleurs, vous l'avez dit, monsieur le ministre, avec la libéralisation des échanges dans le domaine des services, comme l'économie israélienne est assez performante du point de vue des nouvelles technologies, s'ouvre aussi un nouvel espace de coopération, de développement pour l'Europe et pour Israël qui, peut être assez intéressant.
Abandonnant le terrain économique, je veux parler un instant des relations politiques prévues par cet accord entre l'Union européenne et Israël. C'est très important, car, vous l'avez dit aussi, par les valeurs communes, l'histoire commune, l'habitude du débat politique, parfois heurté, entre Israël et l'Union européenne, cet accord ouvre à l'Europe un nouvel espace dans cette partie du monde.
C'est la première fois qu'un Premier ministre israélien reconnaît l'importance de l'Europe, l'importance de la France, dans le processus de paix et dans la vie politique de cette région.
A cet égard, ne perdons pas de vue que l'Union européenne fournit la moitié de l'aide économique internationale accordée aux territoires palestiniens. A la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous ne séparons pas les problèmes : quand nous parlons de l'accord entre l'Union européenne et Israël, nous n'oublions pas qu'il y a en même temps une volonté de dynamique dans le partenariat à la fois économique et politique entre l'Union européenne et les territoires palestiniens au travers de l'accord intérimaire.
Tout en restant lucide et modeste, l'Europe peut effectivement, dans le dialogue politique prévu par l'accord, trouver une place importante dans cette région du monde.
Le processus de Barcelone est un processus régional qui implique que les partenaires qui passent des accords avec l'Union européenne dialoguent aussi entre eux. C'est donc un moyen pour Israël de s'intégrer dans la région qui est géographiquement la sienne.
Je terminerai en disant que, si la commission des affaires étrangères a proposé de voter ce projet de loi de ratification, elle l'a fait avec confiance et lucidité.
M. le président de la commission et M. de la Malène, notamment, ont soulevé les interrogations qui sont les nôtres à la fois sur le bon climat qui s'est créé depuis l'élection de M. Barak au poste de Premier ministre et sur les difficultés actuelles, qui sont encore très importantes. Les pourparlers avec la Syrie sont bloqués, ceux avec l'autorité palestinienne sont difficiles, c'est le moins que l'on puisse dire, même si le processus est de nouveau sur les rails, et - vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre - les événements au Sud-Liban de ces dernières heures sont extrêmement préoccupants. Sur ce dernier point, je dirai simplement, à titre personnel, estimant que cet avis est partagé par la commission, qui n'en a pas discuté, que le Gouvernement de la France s'est exprimé avec une grande fermeté.
Il est important que la France, l'Europe fassent entendre leur voix pour mettre en garde contre des dérapages dangereux dans un climat qui s'était pourtant amélioré. Que des opérations militaires touchent les populations civiles à un moment où les négociations israélo-syriennes et israélo-palestiniennes vont plutôt moins bien est effectivement très préoccupant.
La commission des affaires étrangères propose, bien entendu, d'autoriser la ratification de cet accord, mais elle le fait les yeux ouverts. La construction de l'espace euro-méditerranéen est extrêmement difficile. Nous devons nous y engager avec volontarisme sur le plan de la coopération économique et politique. Mais n'oublions pas que nous voulons créer un espace de paix et de sécurité, et que cette ambition pèse très lourd. Le volontarisme n'exclut pas la lucidité. Le rôle de l'Europe et de la France est très important dans cette région du monde.
C'est pourquoi cette ratification n'est pas seulement un acte de confiance. C'est un appel à l'action pour aider tous les acteurs de bonne volonté dans cette région du monde à construire l'espace méditerranéen que nous souhaitons. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi, après M. le ministre et après M. le rapporteur, de faire part ici de ma préoccupation face à l'évolution, ces derniers jours, de la situation au Proche-Orient.
Nous sommes en effet inquiets de la montée des tensions et de la menace qui pèse à nouveau sur le processus de paix. Le gel des négociations israélo-palestiniennes et la reprise, parallèlement, des bombardements au Sud-Liban qui font des victimes civiles, sont vivement préoccupants.
Le viol des accords israélo-libanais de 1996, qui engageaient les protagonistes à ne pas viser de cibles civiles, laisse présager une escalade de la violence dans le sud du Liban, mais aussi, peut-être, dans toute la région, escalade contre laquelle la communauté internationale doit intervenir de façon urgente.
Dans ce contexte, il nous semble essentiel que l'Europe, en particulier la France, mette tout en oeuvre afin d'éviter une telle évolution. C'est aujourd'hui une réelle urgence !
M. Alain Gournac. Non !
M. Jean-Luc Bécart. Ces événements sont d'autant plus préoccupants - et notre engagement d'autant plus important - qu'ils se produisent dans un contexte que l'on pouvait qualifier, depuis quelques mois, de détente et d'ouverture, avec une possibilité réelle de voir les négociations avancer.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous souhaiterions voir affirmer avec force l'engagement de la France d'agir à tous les niveaux afin de renouer les fils du dialogue et de contribuer à relancer cette longue et difficile marche vers la paix.
C'est bien sûr dans cet esprit que nous abordons le projet de loi examiné aujourd'hui. Cette ratification ne peut, en effet, être dissociée de la problématique et des perspectives de règlement du conflit au Proche-Orient.
La France est l'un des derniers pays à ratifier cet accord signé à Barcelone en novembre 1995. Les reports successifs nous ont toujours semblé pleinement justifiés. En effet, la politique de blocage systématique du processus de paix israélo-palestinien par le gouvernement israélien de M. Netanyahou, au pouvoir jusqu'en mai dernier, n'incitait pas, c'est le moins que l'on puisse dire, à développer des relations privilégiées avec ce pays.
Mais la situation a évolué : l'élection d'un nouveau premier ministre, M. Ehud Barak, a permis la réouverture des négociations.
Il nous semble donc opportun que la France ratifie cet accord d'association, qui vise à améliorer les échanges, à renforcer la coopération et le dialogue politique entre l'Union européenne et Israël. Il constitue un geste de confiance dans l'avenir : l'avenir des relations entre l'Union européenne et Israël, que nous souhaitons voir se développer, mais aussi l'avenir des relations entre l'Union européenne et les Palestiniens, et entre Israéliens et Palestiniens.
Il participe aussi d'une volonté plus large de construire un véritable partenariat euro-méditerranéen dans un souci de développement durable et de sécurité régionale.
Le chemin à parcourir, bien évidemment, est encore long et l'actualité nous montre que les efforts doivent rester constants. Une paix durable n'est possible que si les droits et la sécurité de chacun sont respectés.
Si des efforts ont été réalisés par le gouvernement d'Ehud Barak pour relancer le processus de paix, les droits des Palestiniens sont encore loin d'être correctement et pleinement respectés. Amnesty International a publié en décembre dernier un rapport très critique à l'égard de l'Etat hébreu. Il dénonce la destruction de maisons, l'expropriation des terres palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem-est, avec notamment comme objectif de modifier les plans d'urbanisme aux dépens des Palestiniens.
Malheureusement, ces pratiques n'ont pas cessé malgré le changement de gouvernement. Ainsi, la poursuite de la colonisation constitue toujours une véritable provocation au regard du droit international. Elle interdit, à terme, toute continuité territoriale au futur Etat palestinien et, par là même, met en cause sa viabilité. L'Europe doit continuer d'exercer une forte pression.
Cet accord d'association Union européenne-Israël peut et doit être, selon nous, un moyen d'avancer dans ce sens. En le signant, les partenaires européens et israéliens ont pris des engagements contraignants, notamment celui du respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, comme il est stipulé expressément dans l'article 2 de l'accord.
Il est maintenant de notre responsabilité vigilante de faire en sorte que cet accord soit respecté dans toutes ses dimensions et que les engagements pris soient tenus.
Il convient également de soulever la question concernant les importations, au titre du régime préférentiel, de produits en provenance de Gaza ou de Cisjordanie et étiquetés comme étant des produits israéliens. L'accord intérimaire s'était déjà heurté à cette question.
L'entrée en vigueur de l'accord final peut-il, monsieur le ministre, mettre fin à cette pratique contestable ? Il devra pour cela exclure, dans son application, les colonies israéliennes et ne considérer que le territoire de l'Etat d'Israël au sens strict. Rappelons que les colonies continuent de s'étendre alors qu'elles devraient, selon le droit international et les résolutions de l'ONU, être en cours de démantèlement.
Cette question est particulièrement importante pour l'économie des territoires palestiniens. L'ouverture économique et le développement de ces territoires constituent à l'évidence une condition essentielle du processus de paix et de stabilité dans la région.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans cet esprit que le groupe communiste républicain et citoyen votera évidemment la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.).
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui passe actuellement au Liban me paraît inadmissible.
M. François Gerbaud. C'est vrai !
M. Xavier de Villepin, président de la commission. Depuis deux nuits, le Liban subit des raids aériens et se trouve privé d'électricité, et j'estime que pour le peuple libanais, c'est une humiliation inacceptable.
M. François Gerbaud. Vous avez raison !
M. Xavier de Villepin, président de la commission. A l'occasion de la présentation du rapport de M. Delanoë, j'ai exprimé devant la commission - et le rapport en témoigne - mes inquiétudes sur l'évolution du processus de paix, qui comporte deux grandes échéances : le 13 février et la fin de l'année 2000.
Tout indique que la première échéance ne sera pas respectée. Je le dis avec une très grande conviction et avec une très grande amitié pour Israël.
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Xavier de Villepin, président de la commission. La méthode du bombardement, qui prive d'électricité la population libanaise, n'est pas la bonne méthode pour aboutir à la paix.
Cela étant dit, je voudrais rendre hommage au Sénat qui, sur ce débat du rapport entre l'Europe et Israël, a toujours été, sans aucune hésitation, et je parle au nom de tous les membres de la commission, favorable à la ratification car, quelles que soient les circonstances d'aujourd'hui, nous devons penser au lendemain, et le lendemain passe par la réconciliation de la région, par son unification économique et par la paix. (Très bien ! et applaudissements.)
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Permettez-moi de faire écho à ces observations et à ces inquiétudes.
Moi aussi, je veux saluer le Sénat et son attitude positive. La ratification de cet accord aura valeur de double témoignage. Ce sera un témoignage de reconnaissance qu'une nouvelle période s'est ouverte avec l'arrivée au pouvoir de M. Barak - en toute hypothèse, nous verrons - porteuse d'espoir pour le processus de paix. C'est aussi un témoignage de la détermination de l'Europe et de la France d'apporter leur contribution à la recherche de la paix et au développement économique de la région.
Nous sommes à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne et le geste que vous allez accomplir est important et représente, en quelque sorte, cet appel à l'action auquel M. Delanoë faisait allusion.
Bien sûr, il y a eu, au Proche-Orient, de récents développements négatifs et préoccupants. Je citerai la tension au Sud-Liban, le gel des contacts israélo-palestiniens et le report des pourparlers syro-israéliens.
Malheureusement, ce n'est pas vraiment une surprise : le processus a connu des hauts et des bas, et il en connaîtra encore. Il ne faut pas mettre en cause la volonté des principaux acteurs d'aboutir à la paix, en dépit de difficultés réelles.
J'ai en mémoire un entretien récent du Premier ministre avec M. Barak lors du colloque sur l'holocauste qui s'est tenu à Stockholm et auquel j'ai participé. Les événements ont pris depuis une autre tournure, mais on sentait que les facteurs de déséquilibre étaient déjà là, tout comme la volonté de les surmonter.
Monsieur de Villepin, je vous ai tout à l'heure fait part de nos préoccupations sur la situation au Liban. M. Védrine a téléphoné au premier ministre libanais, M. Salim Hoss, pour l'assurer du soutien de la France, qui a d'ailleurs appelé à une réunion d'urgence du groupe de surveillance, créé par l'accord de 1996. Elle va envoyer au Liban une mission d'experts pour évaluer l'aide à apporter pour la reconstruction d'urgence des centrales électriques.
La formule qui a été utilisée par M. le rapporteur est juste. Vous vous apprêtez à ratifier cet accord. Il est temps. Il faut le faire les yeux ouverts, en sachant que c'est un acte de confiance et que la confiance n'est jamais aussi forte et aussi belle que lorsqu'elle est lucide. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, fait à Bruxelles le 20 novembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre quelques instants nos travaux, en attendant l'arrivée de M. le ministre de l'intérieur, retenu à l'Assemblée nationale par la séance des questions au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

5

CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de ses représentants au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques propose la candidature de M. Pierre Hérisson pour siéger au sein du Conseil national de la montagne.
La commission des affaires sociales propose la candidature de M. Paul Blanc pour siéger au sein du Conseil national du bruit et de M. André Jourdain pour siéger au sein du Conseil national de la montagne.
Ces candidatures ont été affichées.
Elles seront ratifiées, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure conformément à l'article 9 du règlement.

6

CONSÉQUENCES ET SUITES
DES INTEMPÉRIES ET DE LA MARÉE NOIRE
INTERVENUES FIN DÉCEMBRE 1999

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire intervenues fin décembre 1999.
Je rappelle que ce débat a été organisé pour répondre à une demande formulée à l'unanimité par le Sénat.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez exprimé le souhait d'un échange sur les mesures adoptées pour faire face aux conséquences des tempêtes et du naufrage de l' Erika en décembre dernier. J'y prends part volontiers, au nom du Gouvernement, en ma charge de ministre de l'intérieur, qui est toute particulière en temps de crise.
Cette discussion me donne l'occasion de vous informer de la façon la plus complète possible sur les dispositions retenues par le Gouvernement le 12 janvier dernier et sur leur mise en oeuvre.
Sous la direction du Premier ministre, le Gouvernement s'est très rapidement mobilisé.
Peu importe l'appellation de « tempête » ou « d'ouragan », le déchaînement des éléments qui ont par deux fois balayé le territoire national en vingt-quatre heures a été source de souffrances et de dégâts pesant sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Dans le même temps, la pollution causée par le navire Erika nous imposait de lutter contre la marée noire.
L'Etat, comme c'est son premier devoir, mais aussi bien sûr les collectivités locales, que vous représentez plus particulièrement, et plus généralement tous les services publics ont manifesté leur capacité d'intervention commune et complémentaire.
Il faut ici rendre hommage au sens du service public qui anime tous ceux qui y participent et dont la crise sans précédent que nous avons vécue à la fin de l'an dernier est le meilleur révélateur.
A l'occasion de mes déplacement dans la Marne, en Moselle, en Charente-Maritime, en Gironde, dans le Doubs puis dans le Morbihan, j'ai pu mesurer, comme l'ont fait ailleurs le Premier ministre, le Président de la République et plusieurs de mes collègues au Gouvernement, la force de la solidarité nationale face à l'inquiétude et au désarroi qui pouvaient gagner certains de nos concitoyens les plus durement atteints.
Le Gouvernement tient à saluer le mouvement de fraternité auquel ont participé de nombreux Français : bénévoles, asociations, fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, militaires venus en renfort, agents des entreprises et des services publics, ainsi que des entreprises qui y ont apporté leur concours, sans oublier nos partenaires européens.
Conscient du rôle des maires et de leurs équipes municipales placés en première ligne face aux difficultés de chacun et plus généralement celui de tous les élus des différentes collectivités dont la Haute Assemblée est l'émanation, le Gouvernement a souhaité associer étroitement les élus que vous êtes à sa démarche. Le Premier ministre y a veillé personnellement tout comme l'ensemble des ministres afin de mieux répondre aux préoccupations des acteurs de terrain.
Hier, à Matignon, M. Jospin a reçu une délégation d'élus du littoral atlantique pour traiter les conséquences de la marée noire provoquée par le naufrage de l' Erika. Le 17 février prochain, il recevra les représentants des trois plus grandes associations d'élus afin de discuter des réponses qui ont été apportées aux intempéries.
Le Premier ministre a présenté le 12 janvier 2000 un plan d'ensemble des mesures gouvernementales. Après le temps de l'urgence, au cours duquel d'imposants moyens dont je vais dresser le bilan ont été mis en oeuvre, vient maintenant le temps de la reconstruction.
L'ensemble des ministères ont oeuvré à marche forcée pour mettre en oeuvre des mesures concernant l'ensemble des personnes et des biens qui ont subi des dégâts.
A travers ces actes et les moyens financiers qui les accompagnent, c'est l'expression de la solidarité nationale qui se manifeste.
Le Gouvernement reste à l'écoute des besoins. Ce dispositif sera bien évidemment complété et révisé si le besoin s'en fait sentir.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de dresser un bilan des interventions d'urgence mises en oeuvre, plus particulièrement des moyens humains et matériels que les préfets ont eu en charge de coordonner.
Pour les tempêtes qui se sont abattues sur notre pays, le bilan est tout d'abord humain. Il est lourd, puisque quatre-vingt-huit personnes ont trouvé la mort dont deux sapeurs-pompiers qui sont décédés en intervention. Il me revient de rendre hommage tout particulièrement à ceux qui ont sacrifié leur vie au nom de leur devoir. D'autres intervenants, faisant preuve d'un réel courage, ont été blessés à des degrés divers.
Afin de bien cerner l'ampleur de la crise, je souhaite rappeler quelques chiffres. Le 28 décembre au matin, 3,4 millions de foyers étaient privés d'électricité, 500 000 lignes téléphoniques étaient coupées et plusieurs centaines de milliers de personnes étaient privées d'eau potable. Le réseau routier principal était coupé en plus de 300 endroits. Des dizaines de milliers de personnes âgées dans des maisons de retraite ou des hôpitaux locaux devaient être mises en sécurité, de même que les personnes sous assistance médicale.
Cette situation de crise majeure, comme la France n'en avait jamais connu, a mobilisé l'ensemble des services de l'Etat, des collectivités territoriales, des entreprises du service public et les professionnels concernés. Sous l'autorité des préfets, qui ont été à la hauteur de leur mission, sept plans ORSEC ont été déclenchés, 200 000 sapeurs-pompiers volontaires et 40 000 sapeurs-pompiers professionnels, civils et militaires, sont intervenus. Je pense aux unités d'intervention de la sécurité civile, à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, au bataillon de marins pompiers de Marseille.
Certains départements ont enregistré en quarante-huit heures autant d'interventions qu'en une année ; 55 000 personnels d'EDF ont participé directement ou indirectement au rétablissement de l'électricité.
J'ai veillé personnellement à ce que les moyens du ministère de l'intérieur soient engagés de façon optimale. Ainsi, 1 200 personnels des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, les UIISC, sur un total de 1 600, sont intervenus et continuent à intervenir au profit des départements sinistrés.
Les armées mobilisent actuellement 4 000 hommes, qui se consacrent en priorité au déboisement des itinéraires forestiers, à la sécurisation des cours d'eau, se chargent des actions d'urgence, interviennent là où la main-d'oeuvre fait défaut. En outre, il a été décidé d'accorder un report d'incorporation aux jeunes exploitants et aux fils d'exploitant agricole appelés sous les drapeaux en février ou en avril.
A l'échelon national, le centre opérationnel et d'aide à la décision du ministère de l'intérieur, le COAD, installé à Asnières au sein de la direction de la défense et de la sécurité civile, a été activé dans sa configuration interministérielle pour coordonner et répondre aux demandes en moyens nationaux exprimées par les départements. C'est à ce COAD qu'est revenue la charge de répartir les moyens supplémentaires, les moyens militaires, les colonnes de secours, les moyens des UIISC, les groupes électrogènes, là où les besoins se faisaient sentir.
La mobilisation et la solidarité n'ont pas été que nationales puisque dix-sept pays ont répondu à l'appel de la France et ont fourni des équipes spécialisées et du matériel. C'est ainsi que 500 groupes électrogènes nous ont été fournis, s'ajoutant aux 2 500 que nous étions parvenus à mobiliser sur le plan national. Je tiens à remercier très chaleureusement les pays voisins et amis du concours qu'ils nous ont apporté. Je n'aurai garde d'oublier les renforts qui nous sont également parvenus des départements et territoires d'outre-mer.
En tout, ce sont plus de 300 000 personnes, tous services confondus, qui ont été engagées et qui continuent de l'être pour lutter contre les effets des deux tempêtes.
J'en viens maintenant à la pollution de l' Erika.
S'agissant du naufrage de ce pétrolier, la mobilisation et la solidarité ont été au rendez-vous. Dès le 12 décembre à dix-huit heures, le plan Polmar-mer était déclenché. Il en fut de même des plans Polmar-terre dans les départements de la Vendée, de la Charente-Maritime, du Finistère, du Morbihan et de la Loire-Atlantique. J'ai désigné le préfet de la zone de défense Ouest, préfet de Bretagne, comme coordonnateur de l'ensemble des moyens publics et privés d'aide à la lutte contre cette pollution. On peut considérer qu'en moyenne chaque jour 2 000 militaires, personnels de la sécurité civile, de la gendarmerie ou des sapeurs-pompiers des colonnes de renfort des autres zones de défense participent à la dépollution des côtes. Comme vous le savez, la mer rejette encore aujourd'hui galettes et boulettes. La tâche n'est donc pas terminée !
Conformément à l'engagement du Premier ministre, ces moyens civils et militaires restent à pied d'oeuvre et permettent, en liaison avec les collectivités territoriales, la réalisation d'un plan systématique de nettoyage décidé par le Gouvernement et que j'ai présenté le 17 janvier dernier à Lorient, aux élus concernés. Les opérations de lutte contre la pollution, conséquence du naufrage de l' Erika, se poursuivent toujours à un rythme soutenu.
Le colmatage des suintements est en voie de finition et aucune augmentation n'a été observée par les navires en permanence sur la zone ou par les surveillances aériennes. Si aucune nappe épaisse n'a été constatée, je l'ai déjà dit, des galettes et des boulettes de fioul continuent d'arriver sur les côtes. Ces arrivées sporadiques pour la plupart détachées des côtes sont facilitées par la combinaison de vents forts et les grands coefficients de marée, ce qui complique bien entendu les opérations de nettoyage. Plus de trente chantiers sont en activité dans quatre départements. Au total, le plan de nettoyage a d'ores et déjà permis de ramasser près de 107 000 tonnes de déchets.
Le Gouvernement a prévu un dispositif de protection de la santé des bénévoles, mais, comme l'a rappelé le Premier ministre, toutes les analyses confirment qu'il s'agit de fioul n° 2, visqueux, lourd mais peu toxique et non hautement cancérigène comme l'a affirmé un laboratoire qui, se fondant sur des résultats non avérés, a agi de manière irresponsable.
M. Jacques Oudin. Bravo !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La mobilisation et la vigilance ne se relâchent pas. Le Premier ministre a confirmé hier que les moyens tant en personnel militaire, qui mobilisent 1 250 hommes, qu'en personnel civil et en matériel seront maintenus pendant encore plusieurs semaines, jusqu'à la fin des opérations.
A ce dispositif sur le terrain s'ajoute, à la demande du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, la création auprès de chaque préfet concerné d'une cellule d'évaluation de l'impact écologique de la marée noire. En outre, a été installé à Rennes un observatoire des conséquences de la marée noire.
Le ministre de l'équipement, du logement et des transports a été chargé de coordonner l'action de l'Etat en matière de traitement de l'épave, dont la maîtrise d'ouvrage revient à TotalFina.
J'ajoute que de nouveaux moyens financiers sont dégagés pour le nettoyage des côtes. Le fonds POLMAR, déjà bénéficiaire d'une première enveloppe de 120 millions de francs, vient d'être abondé, sur décision du Premier ministre, d'une deuxième enveloppe de 140 millions de francs.
Après ce premier bilan des mesures d'urgence, j'en viens au deuxième point de non exposé : les mesures d'indemnisation et de soutien à la reconstruction.
Il s'agit en effet de mettre en oeuvre, au bénéfice de nos citoyens et des différents secteurs économiques, tous les moyens susceptibles de permettre la restauration et la reconstruction de ce qui a été endommagé ou détruit.
Je commencerai par les aides aux personnes.
La solidarité nationale doit, bien sûr, s'exprimer en priorité par une aide à nos concitoyens placés dans les situations les plus difficiles. Mais il faut être clair : pour les particuliers, le risque tempête est pris en charge par les assurances. Le Gouvernement a fait en sorte que les indemnisations interviennent dans les meilleures conditions : simplification des formulaires de déclaration, extension des délais, du champ des dommages couverts et plafonnement à 1 500 francs de la franchise dans le cadre des contrats multirisques.
Mais avant même l'intervention des assurances, il a fallu, vous le savez, reloger certains de nos concitoyens et leur apporter en toute urgence la première aide nécessaire. Les mairies qui y ont pourvu sont en passe d'être remboursées de leurs frais.
En complément de cette toute première intervention, un dispositif de secours a été mis en place pour aider à faire face aux dépenses de la vie quotidienne. Les personnes dont le logement, les biens ou l'outil de travail ont été détruits et qui se trouvent en situation précaire en ont bénéficié. A cette fin, l'Etat complète l'effort de solidarité des communes et des organismes sociaux par une dotation exceptionnelle de 500 millions de francs aux commissions d'aide sociale d'urgence. Des instructions précises ont été adressées aux préfets sur les conditions d'attribution de ces aides, et les premiers crédits ont déjà été délégués. Toutes les demandes reçues à ce jour ont été satisfaites immédiatement.
En outre, les personnes pourront bénéficier de prêts à taux nul pour la réparation de leur logement dans les cas non garantis par les assurances, comme les vérandas ou les clôtures, et pour l'acquisition d'un nouveau logement en cas de destruction de l'habitation principale.
Enfin, les personnes victimes des intempéries pourront bénéficier de délais, pour le paiement de leurs impôts, voire de remises en cas de grandes difficultés, mais aussi pour le paiement de la redevance télévision. En outre, des délais seront accordés pour le dépôt des déclarations.
Afin d'aider les particuliers mais également les entreprises et les collectivités locales confrontées à des difficultés d'indemnisation, ont été créées dans soixante-dix-sept départements des commissions départementales chargées d'examiner les cas d'indemnisation les plus difficiles, une commission nationale, présidée par M. le préfet Lebeschu, étant chargée d'en effectuer la synthèse. Le faible taux de saisine de ces commissions semble témoigner d'un bon fonctionnement des mécanismes d'indemnisation, pour autant que l'on puisse en juger.
J'en viens aux aides aux collectivités locales.
Comment ne pas mettre l'accent devant la Haute Assemblée sur l'effort tout particulier qu'a fait l'Etat pour soutenir les collectivités locales ? Celles-ci ont elles-mêmes oeuvré et continuent d'oeuvrer au secours et au bien-être quotidien de tous mais, en outre, les dégâts du vent et ceux de la pollution pétrolière ont gravement porté atteinte à leurs équipements, à leur patrimoine culturel, à leurs richesses agricoles et forestières, à leur potentiel touristique et économique. Il est normal que vous y soyez sensibles. Moi-même, en tant que ministre de l'intérieur, chargé des collectivités locales, j'y suis particulièrement attentif.
Les dépenses, chiffrées à 40 millions de francs, liées aux interventions effectuées par les services départementaux d'incendie et de secours hors de leurs zones de défense seront prises en charge par le budget du ministère de l'intérieur, qui a déjà été abondé de 20 millions de francs à cette fin.
Je rappelle que l'Etat contribuera aux dépenses engagées par les collectivités pour l'intervention de bénévoles, en tenant compte des ressources communales, des charges supportées et du cadre juridique de l'intervention.
Comme l'Etat l'a déjà fait pour les plus grandes catastrophes, mais en dégageant cette fois-ci des moyens financiers sans précédent, à concurrence de 1 milliard de francs, il participera à la reconstruction ou à la remise en état des biens non assurables : une circulaire vient d'être adressée aux préfets afin de préciser les biens concernés dans les soixante-dix-sept départements touchés par la tempête.
En pratique, vont pouvoir être ainsi subventionnés : la voirie communale et départementale, les biens annexes à la voirie nécessaires à la sécurité de la circulation, tels que les panneaux et glissières ; les réseaux d'assainissement et d'eau potable ; les ponts et ouvrages d'art ; les stations d'épuration et de relevage des eaux ; la reconstitution des aires de jeux ainsi que les parcs, jardins et espaces boisés appartenant au domaine public des collectivités locales ; enfin, les travaux urgents de restauration de capacité d'écoulement des cours d'eau lorsque leur maîtrise d'ouvrage sera assurée par une collectivité locale ou un établissement public de coopération intercommunale. Le taux moyen de ces concours sera de 50 % et pourra atteindre 80 % pour les communes de moins de 1 500 habitants ou pour celles de moins de 10 000 habitants ayant dû supporter plus de 4 millions de francs de travaux.
Ces deux catégories de communes seront privilégiées, eu égard à leurs faibles moyens, comme elles l'ont été dans les quatre départements du sud de la France qui ont dû affronter les inondations du mois de novembre.
Dans la fixation du montant des subventions, les préfets tiendront compte de la taille des collectivités, de leur situation financière et des catégories de dépenses.
La moitié du financement de l'Etat, soit 500 millions de francs, a été déjà ouverte par décret de dépense accidentelle, de façon que l'on puisse procéder dans les jours qui viennent aux premières délégations de crédit.
En complément des indemnisations des assurances, l'Etat accordera 200 millions de francs de subventions pour la restauration du patrimoine historique et culturel des collectivités locales. Des aides seront également apportées aux collectivités pour les équipements éducatifs et sportifs.
Sachez que l'Etat a, lui aussi, un important patrimoine à restaurer, lequel nécessitera un effort de l'ordre de 600 millions de francs.
Les délais de remboursement du fonds de compensation de la TVA pourront être réduits. Une disposition législative sera soumise à cet effet au Parlement.
Les communes forestières sont bien sûr parmi les plus touchées, soit parce que leur patrimoine forestier est atteint et qu'après la vente des chablis cette année leurs recettes vont diminuer fortement, comme j'ai pu le voir en Gironde...
M. Gérard César. Très juste !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... ou dans d'autres départements, les Vosges, le Doubs, la Creuse, la Charente, la Charente-Maritime, notamment, soit parce qu'elles ont accepté, par solidarité, de geler leurs coupes de bois.
Le plan gouvernemental du 12 janvier avait déjà annoncé le versement d'aides exceptionnelles pour les budgets de fonctionnement des communes sinistrées.
Le Premier ministre a, devant l'Assemblée nationale, le 3 février dernier, pris l'engagement d'élargir le soutien de l'Etat à l'ensemble des communes forestières. Je suis à même de vous préciser que le Gouvernement mettra en place prochainement un dispositif de prêts bonifiés pour permettre aux communes en difficulté budgétaire ou financière, en raison du gel de leurs coupes de bois, de passer le cap difficile de l'année qui vient et, si nécessaire, de l'année suivante. Quant à celles dont la vente de chablis correspondant à plusieurs années de récolte et qui, en dépit de la baisse des cours, en tireraient un revenu supérieur à leurs recettes annuelles normales, elles pourront effectuer des placements en bons du Trésor selon des modalités simplifiées et adaptées à leur situation. Je sais que, sur ce dernier point, plusieurs membres de la Haute Assemblée avaient déposé une proposition de loi...
M. le président. Exact !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... et j'espère que la mesure prise permettra de répondre aux besoins dont ils se faisaient l'écho. Le contenu de ces mesures sera précisé très prochainement. J'en viens aux aides attribuées aux secteurs économiques qui ont été touchés par les tempêtes et la pollution pétrolière.
Je viens d'évoquer la situation des communes forestières. Les arbres déracinés, décapités, sont parmi les symboles les plus forts de l'ouragan subi. Cela fait peine à voir. J'en ai été le témoin lors de mes déplacements dans l'ouest et le sud de la France et, bien sûr, dans l'est que je connais bien.
Comme vous le savez, un plan national a été adopté pour la forêt. Il faut en effet évacuer, stocker et mettre en valeur les bois abattus. Deux enveloppes exceptionnelles de prêts bonifiés à 1,5 % ont été prévues...
M. Henri de Richemont. Il faudra rembourser !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... et 8 milliards de francs seront consacrés à l'abattage et au dégagement des bois, 4 milliards de francs à leur stockage et à leur valorisation. S'ajouteront les crédits destinés à la protection sanitaire des forêts, au dégagement, à la réalisation de pistes forestières et d'aires de stockage.
Je vous précise que les collectivités locales font partie des bénéficiaires de ces mesures.
Pour faire face au besoin de personnels qualifiés, un programme d'actions pour l'emploi en forêt a été lancé, avec pour objectif la formation de 2 500 demandeurs d'emploi.
Il sera par ailleurs possible de déduire des revenus professionnels des charges liées à la tempête non couvertes par les assurances. Les nouveaux matériels feront l'objet d'un amortissement accéléré. Les exploitants forestiers pourront bénéficier, pour les parcelles atteintes par la tempête, d'un dégrèvement exceptionnel de leur taxe foncière sur les propriétés non bâties de 1999.
Le Gouvernement fera, de plus, bénéficier tous les travaux d'exploitation forestière - plantation, débardage, élagage - du taux réduit de TVA à 5,5 %, qui s'applique déjà à l'abattage et au tronçonnage des arbres. La Commission européenne est, en outre, saisie d'une demande d'extension du taux réduit de TVA à l'ensemble des utilisations énergétiques du bois. D'autres dispositions fiscales sont à l'étude, qui devront tenir compte des spécificités des investissements dans ce secteur.
Avec l'appui du Gouvernement, et particulièrement du ministre de l'agriculture et de la pêche, l'ensemble des professions forestières a décidé le gel des coupes dans les régions épargnées par la tempête. Les bois abattus seront utilisés en priorité. Le surcoût qu'entraîne leur transport est important ; c'est pourquoi une aide au transport d'un montant de 700 millions de francs a été décidée afin de dégager et de commercialiser au plus vite plus de 25 millions de tonnes issues des essences les plus fragiles.
A plus long terme, il faudra reconstituer la forêt française. A cet égard, le Gouvernement a prévu un effort considérable pour le reboisement : 6 milliards de francs de subventions y seront consacrés sur dix ans, et les effectifs techniques seront renforcés dans le secteur forestier.
Dans son ensemble, le plan pour la forêt mobilisera plus de 2 milliards de francs en 2000.
Le Parlement sera saisi, au cours de ce semestre, du projet de loi forestière qui devra tirer les leçons du sinistre.
Mais les fléaux naturels sont toujours et d'abord subis par l'agriculture, et c'est ce secteur que je vais maintenant évoquer.
Je vous confirme que, pour les biens non assurables par nature, la procédure des calamités agricoles a été lancée : la commission nationale se réunira dès le 11 février, c'est-à-dire après-demain, et les premiers acomptes seront versés avant le 1er mars, afin d'indemniser les pertes de fonds et de récoltes.
Dans l'immédiat, des avances de trésorerie, des délais de paiement, des reports d'annuités et, dans certains cas, des dégrèvements de charges sociales sont accordés, ainsi que des prêts bonifiés à 1,5 %. Ces mesures spécifiques compléteront le dispositif mis en place en liaison avec la Banque des petites et moyennes entreprises, la BDPME, pour toutes les victimes des tempêtes de fin décembre. Le Fonds d'allègement des charges, doté de 200 millions de francs, sera en outre affecté aux exploitations agricoles les plus touchées.
Par ailleurs, 300 millions de francs sont mis à la disposition des offices agricoles d'intervention, l'ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, l'ONILAIT, l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, et l'OFIVAL, l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture, afin d'indemniser les pertes de production ou les dommages mal couverts par les contrats d'assurance : destruction de tunnels de plastique utilisés pour le maraîchage, pertes de production laitière ou dégâts subis par des abris dans de petits élevages. S'agissant des autres secteurs économiques, le chômage partiel touchant les entreprises privées d'activité par les intempéries sera indemnisé à 100 %. A la demande du Gouvernement, la BDPME a procédé à des avances sur les indemnisations des assurances qui ont atteint 40 millions de francs au 31 janvier. Le FISAC, le fonds d'intervention et de soutien au commerce et à l'artisanat, interviendra avec un premier crédit de 200 millions de francs. Les modalités d'attribution de ce fonds ont été précisées aux préfets par une circulaire du 28 janvier.
Un fonds de garantie mis en place auprès de la SOFARIS, la société française pour l'assurance du capital-risque, permet d'accorder 2 milliards de francs de prêts.
Comme pour les particuliers, des délais pour les déclarations et le paiement des impôts pourront être accordés aux entreprises frappées par les tempêtes ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en a donné l'instruction, dès le 13 janvier, à ses services.
Enfin, les dégâts causés aux équipements touristiques feront l'objet d'un examen particulier, notamment pour l'hôtellerie de plein air.
J'en viens aux réponses particulières qui sont apportées aux conséquences de la pollution de l' Erika.
Certains départements du littoral atlantique ont été touchés à la fois par les tempêtes et par la pollution de l' Erika. Des mesures particulières ont été prises ou sont envisagées pour y faire face. Pour les indemnisations à la charge du FIPOL, le fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le Premier ministre a annoncé hier que l'Etat acceptait de se placer en troisième rang derrière les collectivités locales et les particuliers.
Le Gouvernement traitera de la même manière les pêcheurs et les conchyliculteurs affectés par la pollution pétrolière ou par les tempêtes ou par l'un et l'autre de ces sinistres. Comme pour les agriculteurs, des avances de trésorerie, des reports d'annuités et des dégrèvements de charges sociales seront accordés. La BDPME y apportera son concours quelle que soit l'origine des dégâts. En particulier, 300 millions de francs affectés à l'OFIMER permettront de reconstituer les matériels et les stocks des conchyliculteurs, de réparer les navires et de compenser les pertes d'exploitation des marins pêcheurs. Pour les dégâts de la marée noire, ces crédits permettront également de verser très vite des avances à taux zéro sur les indemnités attendues du FIPOL.
Les professionnels seront associés à la définition des règles nouvelles. Le ministre de l'équipement et des transports réunira dès demain, 10 février, l'ensemble des acteurs du transport maritime, en vue d'élaborer une charte de la sécurité maritime sur la fiabilité des matériels et la qualification des équipages, ce qui permettra de lutter contre les pavillons de complaisance. Ensuite, des démarches seront engagées aux plans national, communautaire et international, afin d'assurer la sécurité maritime et de renforcer et harmoniser les systèmes de contrôle et de sanctions par les Etats du port et du pavillon. La sécurité maritime sera l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne.
Le Gouvernement prépare un comité interministériel de l'aménagement du territoire et un comité interministériel de la mer qui se réuniront à Nantes, le 28 février. Il a été demandé aux préfets d'organiser la plus large concertation avec les collectivités territoriales sinistrées afin que puissent être arrêtées des mesures de réparation sur le long terme. Les nouveaux besoins pourront être pris en compte par des avenants aux contrats de plan Etat-régions, dans le respect d'un juste équilibre entre l'Etat et la région.
Pour la protection des côtes atteintes par la pollution, l'Etat concourra pour moitié aux dépenses engagées par les collectivités au titre des travaux d'enrochement et de reconstruction des digues, dépenses évaluées à 150 millions de francs pour 2000.
Le Gouvernement fera tout pour que le rayonnement touristique des régions ne soit pas affecté par les conséquences des tempêtes et de la pollution.
Mme Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, a rappelé ce matin que la France avait reçu 71 400 000 touristes en 1999. Nous devons faire en sorte d'en accueillir au moins autant cette année, et des mesures sont prises en ce sens.
Ainsi, à l'initiative de Mme Demessine, qui réunit aujourd'hui même les comités régionaux et départementaux du tourisme, sera lancée une campagne de communication destinée à restaurer l'image du littoral atlantique. Des crédits spécifiques seront dégagés, notamment pour restaurer l'image de ces territoires, et 15 millions de francs y sont dès à présent affectés.
Pour faire face aux conséquences des deux ouragans comme à celles de la marée noire, les mesures arrêtées représentent d'ores et déjà un effort budgétaire de 4,6 milliards de francs pour l'année 2000, sans compter les prêts, qui représentent 12 milliards pour la seule forêt. Il faut aussi prendre en compte les 6 milliards de francs prévus sur dix ans pour l'aide à la reconstitution des forêts. Afin d'aller vite, ces mesures sont d'abord financées en mobilisant les crédits disponibles sur le budget des charges communes dans la loi de finances pour l'année 2000. Au-delà, les moyens nécessaires seront dégagés pour abonder les budgets des ministères concernés.
Le Premier ministre a, le 20 janvier, fait part au président de la Commission européenne, M. Prodi, de notre souhait de voir s'exercer la solidarité de l'Union européenne, en raison du caractère exceptionnel et dramatique des événements que notre pays a subis. La première demande concerne l'éligibilité aux fonds structurels des projets nécessaires à la réparation des dommages. La reconstitution du potentiel agricole et celle des forêts sinistrées pourront bénéficier d'un soutien communautaire au titre des crédits de développement rural. Je sais que M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui est chargé également du secteur de la forêt, y veille particulièrement.
Le Gouvernement demande, en outre, que des moyens spécifiques soient dégagés, notamment au titre de la pollution marine, de la restauration de milieux vitaux pour les oiseaux et des infrastructures de transport de l'énergie à très haute tension. L'Observatoire du suivi de la marée noire devrait recevoir un soutien communautaire. Le Gouvernement sera très attentif à la mobilisation rapide des fonds disponibles.
Naturellement, il faut tirer les conséquences d'événements aussi considérables, auxquels nous ne connaissons pas de précédent.
J'ai commencé mon propos en vous présentant le bilan de l'action entreprise en urgence, je l'ai poursuivi en vous précisant les actions mises en oeuvre par le Gouvernement depuis le 12 janvier et actuellement en cours de réalisation, je le conclus à présent par ce qu'il est nécessaire d'entreprendre pour le long terme afin d'améliorer la capacité de tous de faire face à d'éventuelles catastrophes et, dans la mesure du possible, de mieux les prévenir.
Il convient de tirer rapidement les enseignements des opérations liées aux intempéries.
Même si le bilan d'ensemble est favorable, et je tiens à saluer la réactivité de notre organisation, il apparaît que cette dernière est néanmoins encore perfectible.
Sur ma proposition, le Premier ministre a décidé de nommer une mission interministérielle d'évaluation, présidée par M. Gilles Sanson, inspecteur général de l'administration. Cette mission sera chargée d'évaluer le dispositif mis en oeuvre à l'occasion des tempêtes : prévention, procédures d'alerte des populations, organisation des secours, gestion de crise, normes de construction. Elle devra également examiner les pratiques d'assurance de biens des collectivités locales face aux risques de catastrophe naturelle. Elle se chargera aussi d'évaluer l'articulation entre POLMAR-terre et POLMAR-mer.
Cette mission, qui commencera ses travaux prochainement, sera composée de représentants des inspections générales ou des administrations des ministères de l'intérieur, de l'économie, des finances et de l'industrie, de l'équipement, des transports et du logement, de l'agriculture et de la pêche, de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ainsi que de la défense.
Pour mener à bien ses travaux, elle prendra notamment appui sur les situations recensées et révélées par la commission nationale chargée d'examiner les questions d'indemnisations.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que le Gouvernement a pris les dispositions nécessaires pour faire face aux conséquences d'une catastrophe naturelle sans précédent par sa gravité dans ce siècle et dans ceux qui l'ont précédé. Il est déterminé à mettre en oeuvre méthodiquement les plans d'action qui ont d'ores et déjà arrêtés et à tenir le plus grand compte des conclusions qui lui seront fournies par la mission d'évaluation.
Au-delà de l'action des pouvoirs publics, au-delà des 200 000 agents des services publics qui se sont mobilisés dans l'urgence et auxquels je tiens à rendre hommage, toute la collectivité nationale s'est engagée dans un grand mouvement de solidarité, pour relever le défi. Cet effort fait aujourd'hui encore la preuve de son utilité dans le nettoyage de nos côtes souillées par la pollution de la marée noire.
Je veux à nouveau saluer le sens civique de nos concitoyens et la force de la simple solidarité humaine. Ils sont un démenti en actes apportés à certain discours sur la primauté des valeurs de confort et l'absence de goût du risque qui caractériseraient la culture d'aujourd'hui. Cette mobilisation des énergies est, à mes yeux, dans les circonstances dramatiques que nous avons connues, une raison d'espérer et un signe rassurant de confiance collective des Français eux-mêmes.
Sur le plus long terme, les aléas de la prévision météorologique et l'accélération de la circulation atmosphérique, que beaucoup de spécialistes pronostiquent, renforcent le besoin d'une culture de gestion de crise qui soit commune aux professionnels de la sécurité civile et au plus grand nombre possible de nos concitoyens.
Cette culture, très présente chez nos compatriotes de l'outre-mer, confrontés au retour régulier des cyclones tropicaux, doit se développer en métropole. Faite de veille permanente, de vigilance, de capacité d'anticipation, d'apprentissage des réflexes qui font adopter les bons comportements au bon moment, elle est la meilleure réponse à la survenue de nouvelles et graves intempéries que l'on ne saurait exclure.
Le Gouvernement mènera la réflexion qui s'impose, à ce sujet, en mobilisant les responsables de la défense civile pour que nous progressions sur cette voie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très attentif à vos remarques dont je sais qu'elles peuvent enrichir la réflexion et l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du Rassemblement démocratique et social européen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste, du Rassemblement pour la République et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la tenue de ce débat portant sur les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire intervenues fin décembre 1999 doit nous permettre, d'une part, de prendre la mesure des décisions annoncées par le Gouvernement pour faire face, dans l'urgence, aux difficultés auxquelles sont confrontées les victimes de ces deux catastrophes, d'autre part, de tirer les leçons plus politiques de ces événements récents.
Tout d'abord, malgré le caractère exceptionnel des tempêtes - ne faudrait-il pas parler plutôt d'ouragan ? - qui ont dévasté notre territoire sur près des deux tiers de sa superficie provoquant des pertes en vies humaines - je tiens à cet égard à m'associer à la peine des familles frappées dans ces tragiques circonstances - le groupe communiste républicain et citoyen veut saluer l'action du Gouvernement dans son ensemble.
En effet, il a su se montrer à l'écoute des doléances qui se manifestaient de jour en jour, il a su prendre des mesures rapidement, sans s'interdire des ajustements ultérieurs et, enfin, il a su résister aux sirènes libérales qui lui demandaient d'agir massivement pour se substituer, en quelque sorte, aux assureurs privés.
En revanche, les réticences de la Commission de Bruxelles à manifester le soutien de l'Europe à l'égard de notre pays laissent perplexe s'il s'agit - comme il est annoncé - de procéder à un redéploiement des aides structurelles aux dépens des programmes prévus initialement.
Cette réactivité de l'Etat est, à nos yeux, rassurante, à l'heure où il est de bon ton, ici ou là, de fustiger les lourdeurs de l'administration, de critiquer l'éloignement du pouvoir politique face aux attentes exprimées par les citoyens, de vilipender les services publics, leurs agents et leurs statuts.
Jamais les mérites de notre service public, le dévouement exceptionnel des personnels de l'équipement, de la sécurité, d'EDF, de France Télécom, de la SNCF, les agents départementaux et communaux, n'auront été à ce point reconnus et salués, tant par les Français que par l'ensemble de la classe politique.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Gérard Le Cam. Cette actualité dramatique révèle, une fois de plus, la noblesse du service public au regard des comportements irresponsables et, pour tout dire, criminels des affréteurs de l' Erika, qui, pour servir les intérêts de leurs propres actionnaires, se montrent prêts à sacrifier l'intérêt général.
Un récent sondage a montré que la grande majorité des Français était satisfaite de l'efficacité et de la disponibilité de nos services publics durant la dernière période. Ainsi, les pompiers recueillent 96 % de satisfaction, EDF 92 %, les agents de l'équipement 87 %, France Télécom 85 %, l'armée 83 %, enfin, la SNCF 68 %.
Cette même étude précise, par ailleurs, que 46 % de nos concitoyens estiment que les missions remplies aujourd'hui par les services publics auraient été moins bien prises en charge par des entreprises privées. (Protestations sur certaines travées du RPR.)
Ces chiffres ne peuvent que nous conduire à nous interroger sur la pertinence du processus de déréglementation et de libéralisation des secteurs publics engagé à l'échelon européen, ainsi que sur les moyens nécessaires pour assurer le bon accomplissement des missions de service public.
Peut-on, mes chers collègues, vanter aujourd'hui avec juste raison les performances du service public et, demain, appeler à la réduction de la dépense publique, ce qui revient donc à priver l'Etat de ses moyens d'intervention et à freiner sa capacité à faire face, le cas échéant, à des dépenses imprévues ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Gérard Le Cam. Là où certains estiment que les pouvoirs publics n'ont pour seule vocation que d'être l'ultime recours, face à des événements imprévisibles auxquels le marché ne peut répondre dans l'urgence, nous pensons, quant à nous, que l'Etat doit, certes, favoriser l'expression de la solidarité nationale à l'égard des victimes, mais aussi être en mesure de prévenir les catastrophes et de mobiliser les énergies pour soutenir les secteurs d'activité frappés par les intempéries.
C'est, du reste, le sens de la proposition de loi déposée récemment par notre ami Paul Vergès et qui tend à faire de la lutte contre l'effet de serre et de la prévention des risques liés au réchauffement climatique l'une des priorités nationales.
Les pouvoirs publics doivent donc jouer leur rôle, sans pour autant déresponsabiliser les sociétés d'assurance, dont certaines disposent d'un matelas financier des plus confortables. Celles-ci doivent aujourd'hui pouvoir indemniser les dommages causés par les tempêtes, sans procéder pour autant à une augmentation des cotisations.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Gérard Le Cam. En outre, il est nécessaire d'amener les assureurs à prendre aussi en compte dans leur calcul un certain nombre de paramètres, aujourd'hui ignorés, tels que les pertes d'exploitation pour les agriculteurs ou encore la valeur utilitaire de certains équipements et bâtiments agricoles qui, bien que vétustes, pouvaient encore contribuer à assurer la survie d'une exploitation. Ce niveau d'indemnisation pour certains agriculteurs risque, dès lors, d'être bien insuffisant au regard des nouveaux investissements nécessaires pour reconstruire et retrouver des locaux fonctionnels.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Gérard Le Cam. Il convient également de prendre en considération les charges supplémentaires assumées par les exploitants pour effectuer les travaux nécessaires ou pour se doter des engins agricoles, parfois onéreux, pour dégager des parcelles, des cours d'eau ou reconstruire des clôtures. Face au coût exorbitant des réparations, les petites exploitations agricoles et forestières sont devenues des proies faciles pour les gros propriétaires et autres spéculateurs.
Un dialogue doit également s'instaurer en direction des industries situées en aval de la production - je pense tout particulièrement à l'industrie forestière - qui ont tendance à profiter de la situation catastrophique que rencontrent les professionnels pour inciter ceux-ci à brader le produit de leur exploitation.
On imagine de quelle façon les industriels peuvent utiliser leur position particulièrement favorable, lorsque l'on sait que la quantité des bois abattus au cours des tempêtes correspond au triple du volume produit chaque année.
Des moyens supplémentaires seront probablement nécessaires pour assurer le stockage des chablis - la rallonge de 500 millions de francs pour réduire les frais de transport par la SNCF était, à cet égard, une mesure attendue - ainsi que la gestion et le traitement des stocks, afin d'éviter une dépréciation ou une dégradation du bois, génératrice d'une perte importante de revenus, tant pour les particuliers que pour les collectivités locales.
Des synergies sont également souhaitables entre l'Office national des forêts, les communes, les sylviculteurs pour assurer, dans les meilleures conditions, le reboisement des forêts, sachant que les choix qui seront faits détermineront la configuration de notre patrimoine forestier pour les siècles à venir. Si une diversification des essences est certainement à envisager sérieusement, encore faut-il tenir compte également de la nature des sols, de la topographie ou encore des paysages.
La loi d'orientation forestière dite « loi Bianco », dont nous souhaitons l'examen le plut tôt possible, doit permettre le rapprochement des différents acteurs de la filière, qu'ils soient propriétaires privés ou publics, exploitants, industriels, mais également élus, associations d'usagers de la nature, pour refaçonner une forêt qui réponde aux besoins de chacun.
A cet égard, le bilan de la tempête sur la région d'Ile-de-France se révèle particulièrement préoccupant. Sur Paris, ce sont 140 000 arbres qui ont été abattus, ce qui représente un coût de 180 millions de francs. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, ce sont plus de 9 000 arbres qui ont été supprimés, soit une perte de 75 millions de francs. Pour le département du Val-de-Marne, près de 4 000 arbres ont été touchés, pour une valeur de reconstitution évaluée à 68 millions de francs.
Cette catastrophe est d'autant plus douleureuse qu'elle porte préjudice aux efforts consacrés depuis quelques années pour développer les espaces verts.
Au-delà des aides d'ores et déjà annoncées par la région, la solidarité nationale doit se manifester pour redonner vie à ce patrimoine vert, non couvert par les assurances et géré, pour l'essentiel, par les départements. L'extension des bénéfices de l'arrêté de catastrophe naturelle au patrimoine végétal est souhaitable, me semble-t-il, pour tenir compte de l'importance des dégâts provoqués par les tempêtes.
Outre les dommages provoqués sur les autres biens départementaux - les bâtiments scolaires, la voirie, les équipements sportifs, entre autres - dont le financement devra être appuyé fortement par le Gouvernement, certaines situations individuelles méritent également une attention toute particulière, notamment lorsqu'il s'agit de personnes de conditions modestes.
Soit les assurances ne couvrent que partiellement les dégâts - c'est le cas des automobiles assurées au tiers -, soit elle n'intègrent pas les surcoûts de la reconstruction qui, dans de nombreux cas, ne peut se faire à l'identique.
Il arrive également que certains biens ne soient pas du tout couverts par les assurances. C'est le cas des pierres tombales, dont la charge repose en totalité sur les familles. A Paris, ce sont 5 000 sépultures qui ont été endommagées. Combien pour la France entière ?
Autre sujet de préoccupation, les cultures en serres travaillées par plusieurs générations et réduites à néant en l'espace de quelques minutes. Mon amie Hélène Luc me citait, à titre d'exemple, il y a un instant, le cas de l'établissement Marcel Lecoufle, créé au début du xixe siècle à Boissy-Saint-Léger, qui disposait d'une collection nationale d'orchidées, dont les pertes sont évaluées à 500 000 francs. Aujourd'hui, c'est la survie même de cette collection de renommée internationale qui est menacée si une aide substantielle n'est pas débloquée rapidement.
La solidarité et le sens civique des Français, au cours de ces dernières semaines, n'ont cessé de s'exprimer en réaction à la marée noire qui pollue le littoral atlantique depuis maintenant plus d'un mois.
Samedi dernier, à Nantes, ce sont plus de 30 000 personnes venues de toute la France qui ont tenu à manifester leur colère contre tout un système fondé sur le principe du transport au prix le plus compétitif, au mépris des normes sociales et des règles techniques de sécurité.
Dès demain, le ministre de l'équipement, des transports et du logement, M. Jean-Claude Gayssot, rencontrera l'ensemble des acteurs du transport maritime, puis ses homologues européens, dans le but d'assainir un secteur qui favorise, aujourd'hui, la dilution des responsabilités pour le plus grand profit de quelques multinationales.
S'il est, à l'évidence, nécessaire de renforcer la réglementation maritime internationale - qu'elle concerne l'âge des navires, la périodicité des contrôles, la qualification des équipages ou la présence d'une double coque -, il est encore plus indispensable de se doter des moyens de la faire respecter et de prévoir un système de sanctions réellement dissuasif à l'encontre des armateurs qui utilisent des « navires poubelles » et des affréteurs qui, pour bénéficier de tarifs avantageux, font peser de lourdes menaces, non seulement sur l'environnement, mais aussi sur l'activité des pêcheurs, des conchyliculteurs et des professionnels du tourisme.
Actuellement, la France ne réalise que 13 % des contrôles sur les bateaux qui fréquentent nos ports, alors que le mémorandum de Paris limitait cette obligation à 25 % seulement, si je puis dire...
Compte tenu de l'état de la flotte mondiale qui fréquente nos eaux territoriales - notamment des pétroliers - il faut, de toute urgence, sortir d'un cercle vicieux qui fait le jeu des sociétés pétrolières, des armateurs, grâce à la bienveillance d'Etats qui pratiquent le dumping fiscal et social pour redorer leurs pavillons.
Ainsi, plus du tiers des 7 000 pétroliers qui parcourent le monde battent pavillon de complaisance.
Il suffirait qu'une même volonté politique anime quelques pays partenaires de la France, tels que l'Espagne, la Belgique et les Pays-Bas, pour lutter efficacement contre la complaisance, en imposant le respect des normes, comme les Etats-Unis ont su l'imposer, suite à la marée noire provoquée par l' Exxon Valdez en 1989.
L'Europe devrait assainir ses propres règles fiscales qui incitent aujourd'hui les armateurs à préférer tel ou tel pavillon selon les avantages fiscaux espérés. Une harmonisation fiscale est souhaitable, non seulement entre Etats membres de l'Union européenne, mais également avec les pays tels que Malte ou Chypre qui demandent à intégrer l'Union européenne et dont les conditions d'immatriculation sont réputées pour leur légèreté.
Pour autant, la France n'est pas exempte de critiques. Faut-il rappeler que notre pays dispose d'un « pavillon bis » appelé pavillon des Kerguelen, mis en place en 1987 par le gouvernement de Jacques Chirac et entériné par la loi, en 1994, sous le gouvernement de M. Balladur ?
Notre groupe avait alors été le seul à s'opposer à ce nouveau registre qui permet de déroger au code du travail maritime en employant des équipages étrangers aux conditions différentes des marins français.
Certes, si le pavillon des Kerguelen n'est pas nécessairement synonyme de vétusté des navires, il participe cependant au système de la complaisance avec les dérives que l'on connaît.
Si la France veut paraître crédible auprès de ses partenaires européens, elle doit se montrer disposée à renoncer à ce genre de pratique fiscale qui nourrit la complaisance et l'hypocrisie du système, plus qu'elle ne permet de le combattre. Toutefois, c'est au niveau européen et international qu'il convient d'agir. Des mesures isolées seraient vaines et contre-productives pour notre pays.
Enfin, la France doit relancer au niveau communautaire le programme de recherche concernant la construction du pétrolier appelé 3 E - « européen, écologique, économique » - conçu pour résister mieux que d'autres à l'érosion, sans pour autant engendrer un coût supérieur.
La construction de ce type de navires, plus résistants, plus solides et plus hermétiques, pourrait être assurée, notamment, par les chantiers navals français, qui sont à l'origine de ce concept et disposent du savoir-faire et du personnel compétent pour mener à bien un tel programme. A ce jour, un seul pétrolier 3 E existe, alors que les plans du navire ont été imaginés il y a plus de dix ans !
Voilà un formidable marché pour les chantiers navals français et européens, lorsque l'on sait que 40 % des pétroliers existants ont plus de vingt ans !
Ensuite, les statuts de l'Organisation maritime internationale, l'OMI, méritent d'être revus, afin d'accorder une place plus importante aux Etats qui vivent du transport maritime plutôt qu'aux Etats qui multiplient les immatriculations sans contrôle.
Comment pourrait-on concevoir autrement une prise de conscience internationale contre la complaisance de pays qui tirent profit de la déréglementation ?
Enfin, si la responsabilité de la firme TotalFina dans le naufrage de l' Erika apparaît aujourd'hui évidente pour les Français, encore faut-il lui trouver un prolongement juridique pour que, plus jamais, de tels désastres ne se reproduisent !
Les professionnels de la pêche et du tourisme, les communes du littoral atlantique, les bénévoles, qui se dépensent sans compter pour nettoyer les plages, méritent mieux, selon nous, que quelques grâces accordées du bout des doigts par M. Desmarest, plus soucieux de sauver son image de marque et ses 10 milliards de francs de bénéfices nets en 1999 que de préserver l'environnement et la sécurité des riverains.
A cet égard, face à la multiplication - légitime, il est vrai - des associations de protection du littoral, des fédérations de chasseurs, des professionnels, des collectivités locales qui se sont portés partie civile contre la société TotalFina, il est essentiel que les indemnités reversées profitent à ceux qui en ont le plus besoin dans l'immédiat. Rappelons à ce sujet qu'ils ont recueilli 60 000 oiseaux et sauvé 9 000 d'entre eux, et qu'ils ont ramassé 115 000 tonnes de déchets pratiquement « à la petite cuillère » sur 400 kilomètres de côtes.
Enfin, l'Etat devra veiller à ce que la réparation des préjudices subis s'effectue dans les meilleures conditions d'équité, de justice et de solidarité, avec l'objectif de relancer le développement économique du littoral dans l'intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet de notre débat d'aujourd'hui, je voudrais souligner l'aspect positif - c'est évidemment le seul - des épreuves que notre pays a subies à la fin de l'année 1999.
Dans ce terrible spectacle d'une France balafrée, de côtes souillées et de personnes en détresse, une chose m'a frappé : c'est l'extraordinaire élan de solidarité qui s'est manifesté tout au long de ces semaines, à travers la mobilisation et le dévouement des agents du service public, des professionnels, des élus, des associations mais aussi des simples citoyens.
A une époque où le repli, l'individualisme et l'incivisme sont parfois tentants, je crois qu'il faut se réjouir de ce sens du rassemblement et du voisinage qui a permis à de nombreuses victimes de passer malgré tout le réveillon de l'an 2000 dans la bonne humeur et la chaleur d'un foyer.
Six semaines se sont passées depuis les événements. Où en est-on aujourd'hui ?
Messieurs les ministres, vous avez présenté, le 12 janvier dernier, un plan d'ensemble destiné à remédier à la situation des personnes et des biens qui ont subi des dégâts. Ce débat est l'occasion de faire un premier point sur la mise en oeuvre de ce plan et d'associer la représentation nationale au suivi des mesures. Je m'en félicite et tiens à rendre hommage à la rapide mobilisation et au travail du Gouvernement. Mais force est aujourd'hui de constater que la plupart des sinistrés sont toujours dans l'attente des premières indemnisations. Il ne faudrait pas qu'après l'espoir suscité par le grand mouvement de solidarité qui s'est développé sur le terrain ces derniers cèdent à la déprime, puis à la colère.
De nombreuses petites entreprises, dans plusieurs secteurs d'activité, sont en sursis et attendent plus que des bonnes intentions.
Parmi les secteurs les plus touchés, j'aimerais évoquer l'agriculture, et plus particulièrement le tourisme.
Après les crises à répétition de ces dernières années - encéphalopathie spongiforme bovine, dioxine, listéria, effondrement des cours - ces tempêtes sont une nouvelle épreuve pour le monde agricole. Aux dommages patrimoniaux s'ajoutent des pertes d'exploitation considérables non couvertes par les contrats d'assurance.
Certains agriculteurs ont vu, en un coup de vent, une vie de labeur anéantie et sont légitimement découragés. Vous avez annoncé des mesures, certes, importantes, mais, compte tenu de l'ampleur des dégâts, je crois qu'il faut aller plus loin pour aider ceux qui, je le rappelle, ont été les premiers à se porter bénévoles pour dégager les routes et les chemins.
Un autre secteur est particulièrement sinistré : le tourisme.
L'hôtellerie de plein air a vu son outil dévasté, tant dans ses équipements d'hébergement que dans son environnement : des dizaines de milliers d'arbres abattus, des clôtures endommagées, 5 000 mobile homes détruits, représentant à eux seuls une perte estimée à 600 millions de francs, dont seulement 150 millions de francs seront indemnisés par les assureurs.
Le tourisme social et associatif est également concerné. Sur les 1 200 équipements de vacances, 800 villages ont été touchés, dont 350 de manière très importante, soit une capacité de 75 000 lits compromise. Les dégâts, pour ce secteur fragile qui ne peut compter que sur les aides de l'Etat ou des collectivités locales pour trouver un équilibre financier, sont estimés à 50 millions de francs.
Le tourisme rural est, quant à lui, affecté au travers à la fois des sentiers de randonnée - 40 000 kilomètres abîmés et 15 % du réseau aujourd'hui impraticable - et de l'hébergement en gîtes. Le coût de remise en état des sentiers ainsi que du rétablissement du balisage et de la signalétique représente 40 millions de francs.
Enfin, je n'oublie pas la situation des petits établissements - hôtels, restaurants et cafés - qui constituent un élément fondamental de l'attractivité de notre pays. Beaucoup d'entre eux ont subi des pertes et ne pourront sans doute pas rouvrir, faute de trésorerie.
Devant ce bilan, les comités départementaux du tourisme, dont je suis le président national, se sont, de leur côté, attelés, avec détermination et en concertation avec les acteurs concernés, à l'immense tâche de reconstruction. Les professionnels ont apprécié les mesures annoncées, mais ils attendent aujourd'hui les premières indemnisations. Quels seront les engagements de l'Etat ?
Par ailleurs, il est question de remplacer les mobile homes endommagés par des chalets susceptibles de mieux s'intégrer dans le paysage. Une modification de la législation relative au plan d'occupation des sols est-elle envisagée pour favoriser cette action ?
Au-delà de ces dégâts matériels, les professionnels s'inquiètent fortement des conséquences des tempêtes et de la marée noire sur le rayonnement touristique de la France, notamment du littoral atlantique. Ils constatent déjà une baisse considérable des réservations par rapport à la même période de 1999.
Sur l'initiative de Mme Michelle Demessine, des crédits spécifiques seront dégagés pour restaurer l'image de ces territoires. Les quinze millions de francs annoncés me semblent, à cet égard, insuffisants.
La campagne de communication qui doit être mise en oeuvre par Maison de la France à l'étranger comme en interne devra s'articuler avec les actions des départements, certains d'entre eux ayant déjà prévu des financements. En ce qui concerne l'image des côtes, je pense qu'il serait plus sage, avant de lancer une campagne, d'avoir la certitude qu'il n'existe plus aucun risque de pollution provenant de l'épave de l' Erika.
Pour conclure, messieurs les ministres, j'insisterai sur la nécessité d'une politique préventive concernant le transport maritime. Il existe, certes, des réglementations nationale et internationale qui imposent des normes techniques et un contrôle régulier des navires. Pourtant, des catastrophes comme celles que nous venons de vivre sont encore possibles. Ce n'est plus tolérable, et je sais que vous partagez cette préoccupation.
Les mesures prises aux Etats-Unis risquent d'avoir un effet détestable, les navires les plus vieux étant dirigés de plus en plus vers l'Europe.
La France doit exercer la présidence de l'Union européenne au second semestre : j'espère que ce sera l'occasion de faire avancer ce dossier. Au-delà des normes techniques obligatoires, du problèmes des inspections et de l'agrément des sociétés de classification et d'experts, il me semble qu'une évolution vers une coresponsabilité de l'affréteur et de l'armateur irait dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Le Pensec.
M. Louis Le Pensec. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la répétition des marées noires sur nos côtes, au-delà des imprécations, des dénonciations rituelles et des légitimes sentiments de colère qu'elle suscite, oblige de nouveau à s'interroger sérieusement sur les conditions de prévention et de protection contre ces risques majeurs. Je parlerai de la prévention, laissant à ma collègue Mme Dieulangard le soin d'évoquer la marée noire, son traitement et les indemnisations.
La multiplication de ces catastrophes nourrit le sentiment d'impuissance des pouvoirs publics ressenti par le citoyen. Un tel sentiment est intolérable à nos yeux. Il l'est aussi pour le Premier ministre, qui s'est situé d'emblée sur le terrain de la volonté politique en appréhendant fortement ce dossier. Il nous l'a montré en recevant les élus du littoral. La méthode choisie est la bonne : une écoute attentive pour une préparation rigoureuse du prochain comité interministériel de la mer et du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 28 février. Notre débat s'inscrit dans cette démarche.
Avant de formuler des propositions, partons de quelques constats.
Le dispositif français de prévention des catastrophes maritimes, d'intervention et de sauvetage fonctionne bien dans l'ensemble. Acte en est donné à ceux qui le serve. Le dispositif de séparation du trafic, les CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, l'harmonisation de l'intervention des moyens des divers services publics, dont la marine nationale, appellent non pas une remise en cause fondamentale mais des ajustements.
Toutefois, deux clignotants s'allument : notre incapacité à mobiliser rapidement des hélicoptères lourds et la nécessité de doter la France de deux remorqueurs supplémentaires de nouvelle génération à la mesure des nouveaux risques.
Pour avoir, en 1982, signé pour la France la convention de l'ONU sur le droit de la mer et pour avoir bâti, avec treize autres Etats, le mémorandum de Paris, je me crois autorisé à dire que le renforcement de notre dispositif de prévention ne requiert pas une somme de prescriptions et de textes nouveaux. Pour schématiser, presque tous les textes existent, il faut la volonté de les appliquer.
La convention sur le droit de la mer dote l'Etat côtier de pouvoirs importants afin de protéger le milieu marin, y compris à l'égard d'un navire qui serait dans sa zone économique exclusive. On peut inspecter le navire en mer, le retenir au port. Ces possibilités existent aussi pour l'Union. Les Etats membres peuvent convenir d'un renforcement draconien de leur contrôle. Ils peuvent imposer le signalement des navires et même l'obligation de transmission préalable du dossier d'un navire se rendant dans un port de l'Union.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Effectivement !
M. Louis Le Pensec. L'Organisation maritime internationale n'a pas à être consultée dans tous les cas. Il est toutefois judicieux de l'informer, de la saisir des propositions de la France, en sachant que ses procédures de prise de décision appelleront à coup sûr des réformes.
Les Etats-Unis ont montré, en 1994, la voie de la volonté politique au service d'une cause : chasser de leurs eaux les navires en dessous des normes exigeantes qu'ils se sont fixées. Jamais l' Erika ne s'en serait rapproché. Ce navire était donc tout indiqué pour un marché rentable car moins exigeant à l'égard des navires poubelles : celui de l'Europe. Ce que les Etats-Unis capitalistes ont su imposer à cette réforme débridée du libéralisme que sont les pavillons de complaisance, l'Europe ne saurait-elle le faire ?
La France, l'Europe doivent affirmer leur souveraineté au nom de la défense de leur intégrité territoriale, lorsque l'on sait que, en 1999, le CROSS de Corsen a vu passer 12 821 bateaux dangereux, au sens de la définition internationale, qu'il s'agisse de pétroliers, de gaziers, de chimiquiers ou de porte-containeurs.
Où faire porter la volonté politique dans la prévention des risques maritimes majeurs ? Je privilégie trois directions.
La première, c'est le renforcement draconien des contrôles.
Le Gouvernement a pris d'emblée une bonne décision : le doublement du nombre des inspecteurs de la sécurité maritime d'ici à la fin 2001. Ils sont à présent une cinquantaine. S'il s'agit de 100 inspecteurs vraiment opérationnels, la cible ne sera pas aisée à atteindre. Une intensification du rythme et de la nature des contrôles s'impose afin qu'ils ne soient pas seulement documentaires et qu'ils portent également sur la structure même du navire. La possibilité offerte aux Etats par le mémorandum de Paris de retenir au port le bateau est diversement appliquée selon les Etats. On peut s'étonner, par exemple, que les ports hollandais, intensément fréquentés par les pétroliers, ne retiennent pas les navires... Les services de contrôle peuvent recommander une réparation sous quinze jours, ce qui autorise bien sûr le navire à quitter le port.
La question du contrôle est capitale. C'est par là que l'on peut tendre vers le risque zéro dans le transport maritime. Mais il faut une uniformité des normes, des procédures et des pratiques des contrôles en Europe. Il faut garantir l'indépendance des contrôleurs, c'est ce qui m'a conduit à plaider pour un corps européen de contrôleurs de la sécurité maritime, compétents dans les ports et sur mer. Notons qu'il existe déjà un corps européen d'inspecteurs de la pêche.
La deuxième direction que je privilégie, c'est l'épuration du système des sociétés de classification.
On reconnaîtra à l' Erika le mérite d'avoir fourni une illustration flagrante des dérives du système des sociétés de classification. Classé au NKK puis à l'ABS, pris au bureau Veritas, il est transféré au RINA la veille d'une échéance décisive de contrôle... Les sociétés de classification exercent des fonctions régaliennes par délégation des Etats. Comment l'Etat de Malte pourrait-il affirmer sans rire qu'il contrôle ses délégataires ? Cet Etat candidat à l'Union vit bien dans la complaisance, dans tous les sens du terme.
La France a dit très vite ses exigences et sa volonté en ce domaine. Elle doit entraîner l'Europe dans une opération d'assainissement du système des sociétés de classification. Cela est attendu même par certaines sociétés de classification qui pâtissent d'une gangrène du système. De nouvelles normes et procédures d'agrément sont à édicter.
Enfin, j'en viens à la responsabilisation des opérateurs.
L' Erika a montré en quoi l'indemnisation par le FIPOL, le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, déresponsabilise l'affréteur Total. L'Europe doit franchir un nouveau pas en ce domaine : la responsabilisation des opérateurs, c'est-à-dire des armateurs et des affréteurs.
L'ampleur des dommages écologiques et économiques, mais aussi la morale tout court le requièrent. A chaque catastrophe maritime, cette question est soulevée. Elle suscite d'emblée un mouvement de résistance des lobbies concernés, comme c'est encore le cas cette fois-ci. Le Gouvernement n'aura pas trop de sa détermination en ce domaine et du soutien de l'indignation citoyenne fortement criée à Nantes pour faire franchir au droit une nouvelle étape en vue d'un comportement plus responsable des opérateurs et d'une plus grande transparence par la traçabilité patrimoniale du navire.
Messieurs les ministres, la France, exposée par sa géographie, a souvent été à l'avant-garde du combat pour la sécurité du transport maritime. Cette fois, on attend encore d'elle une avancée décisive à la mesure des risques. J'ai bien noté que notre pays ferait de la sécurité maritime une priorité de sa présidence de l'Union européenne. Nous ne doutons pas que cette présidence sera féconde.
Le Gouvernement peut être assuré de notre concours : nous prendrons toute notre part des travaux que la Haute Assemblée consacrera à la prévention des risques maritimes, à travers une mission d'information, par exemple, pour qu' Erika rime avec « plus jamais ça » ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'ouragan de cette fin d'année 1999 a laissé des plaies vives et béantes un peu partout sur le territoire français, ces plaies étant sûrement plus sensibles, entre autres départements, en Charente, en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres.
Il y a urgence à panser les plaies. Les compagnies d'assurance doivent faire face rapidement à leurs responsabilités ; mais il y a aussi de nombreuses fractures qu'il convient de réduire et qui supposent des opérations chirurgicales exceptionnelles, parce que la situation est hors normes.
Ce sont, par exemple, les biens non assurables ou assurables mais non assurés, tout simplement parce que soit les agents d'assurance eux-mêmes, sur le terrain, ignoraient que tel ou tel risque était assurable et ne le proposaient donc pas à leurs clients, soit le risque apparaissait, à l'évidence, tellement improbable que les agents d'assurance ne le conseillaient pas.
Ce sont, par exemple, les clôtures et les murs de clôture. En Charente, - mais c'est le cas dans d'autres départements - beaucoup de murs de cimetières sont anéantis et les devis atteignent souvent, pour les petites communes, des sommes vertigineuses : 150 000 francs, 200 000 francs ou 300 000 francs non assurables.
Ce sont aussi les arbres, les jardins, les forêts : j'ai appris hier que, contrairement à ce que j'avais entendu de la bouche de nombreux assureurs au cours des dernières semaines, les arbres, jardins et forêts étaient assurables ! Comment voulez-vous que l'on s'y retrouve ?
Ce sont aussi et surtout les pertes de stocks, les pertes d'exploitations dont nombre de petites entreprises, souvent très petites, ne se remettront pas. C'est notamment vrai, par exemple, pour les métiers de bouche, qui, à la veille des fêtes de fin d'année, avaient fait le plein de leur chambre froide.
Je connais certaines de ces petites entreprises qui étaient assurées pour pertes d'exploitations, pour leur chambre froide et leur contenu, mais qui s'entendent répondre par leur assureur : « Vos dommages sont consécutifs à une rupture d'alimentation électrique qui relève de la compétence et de la responsabilité de votre fournisseur EDF. » Ce dernier, quant à lui, déclare qu'il n'est pas responsable, car il s'agit d'un cas de force majeure !
Reconnaissez, messieurs les ministres, qu'il y a là un vrai problème, et je ne relève que les cas d'entreprises, de commerçants, d'artisans, d'agriculteurs et de collectivités publiques « bien assurées » et pour lesquels, la veille de l'ouragan, l'assureur lui-même aurait confirmé que ses clients étaient bien assurés.
Par votre arrêté du 29 décembre 1999, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez reconnu l'état de catastrophe naturelle en Charente. Pardonnez ma brutalité, mais cette annonce était inutile ! De plus, elle était perverse, car elle a fait naître des espoirs d'indemnisation puisque « l'état de catastrophe naturelle est constaté pour les dommages causés par les événements naturels d'intensité anormale non assurables ». Or, ces événements naturels d'intensité anormale, nous les avons subis et constatés en Charente et en Poitou-Charentes ; mais les espoirs ont été déçus, car la Charente, comme beaucoup d'autres départements, n'a connu ni inondations, ni coulées de boue, ni mouvements de terrain.
N'y a-t-il pas, sur ce point, des mesures à prendre pour que les effets directs ou indirects de l'ouragan soient pris en charge ? A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
C'est tout notre tissu économique primaire qui est grièvement blessé ; certaines blessures seront mortelles si elles ne sont pas traitées immédiatement. Comprenez-moi bien : il ne s'agit pas d'injecter des calmants, voire des placebos, comme des reports d'échéance, des remises de redevance télévison, des prêts bonifiés qu'il faudra rembourser, même si de telles mesures peuvent être utiles, dans l'urgence, en attente de l'injection salvatrice, cette dernière ne pouvant consister qu'en des subventions, de justes indemnisations.
Une petite entreprise de charcutier-traiteur, employant cinq personnes, dégageant un résultat de 50 000 francs, encore endettée pour la mise aux normes sanitaires de son outil de travail, ne se relèvera pas d'une perte sèche de 150 000 francs de stocks.
Un éleveur de chèvres qui, après avoir jeté son lait comme tous les producteurs laitiers, prévoit de 50 % à 70 % d'avortements de ses chèvres en gestation, ne tiendra pas le coup.
Le maraîcher, l'horticulteur ou le producteur de fruits - de noix, par exemple - qui a perdu la totalité de son outil de travail est K.-O debout, comme l'éleveur de faisans dont tous les volatiles sont dans la nature, à la suite de la destruction de ses enclos.
Et le forestier !
Et les petites communes dont les budgets ne pourront absorber les charges résiduelles ! Et les services départementaux d'incendie et de secours qui, pour financer leurs charges exceptionnelles - 6 millions de francs rien que pour le seul département de la Charente - devront se retourner vers les communes, elles-mêmes sinistrées !
Vous connaissez cette liste, et la suite.
Nous savons que le problème est complexe. Assurés - bien ou mal assurés -, non assurés, non assurables, assurance tempête, catastrophe naturelle, fonds de calamités agricoles, mesures spéciales... On peut faire des colloques, des analyses juridiques pour y voir clair ; mais, pendant ce temps, l'infection fatale gagne la plaie, et le malade à l'agonie n'aura plus que notre compassion !
La solidarité nationale doit donc jouer, et vite ! Il existe pour cela des procédures d'urgence. Nous avons critiqué, moi le premier, le Gouvernement pour avoir déclaré l'urgence sur un certain nombre de projets de loi dont l'examen aurait pu attendre un mois, deux mois, voire trois mois. Mais il y a là une urgence qu'il convient de traiter comme telle !
L'Etat français, et donc les citoyens et contribuables français n'hésitent pas à porter secours à l'extérieur quand des drames affectent gravement des contrées et des populations. Nous secourons nos départements et territoires d'outre-mer lorsqu'ils subissent les éléments déchaînés. Cette fois-ci, c'est en France, sur le territoire métropolitain, que cela se passe. Alors que faire ? Comment faire ?
Après avoir salué et rendu hommage aux agents d'EDF, aux autres agents de l'Etat et aux collectivités, qui, comme chacun a pu le constater, ont fait ce qu'ils ont pu, tout ce qu'ils ont pu, ne peut-on légitimement s'interroger sur la responsabilité d'EDF, entreprise publique, et de l'Etat, sa tutelle ? Ce qui s'est passé n'est-il pas le fruit d'une politique, d'une stratégie de fourniture et de distribution de l'électricité en France ? Service public oui, mais il doit y avoir continuité du service public. La situation était certes exceptionnelle, mais il y a eu une rupture de plus de quinze jours dans la distribution d'électricité !
Nos voisins, telles la Suisse et l'Allemagne, ont été plus prompts et ont réagi dans des délais de deux à quatre jours.
S'il n'est pas aisé d'établir une telle responsabilité juridique, l'entreprise EDF, accompagnée par l'Etat, ne pourrait-elle pas intervenir financièrement en indemnisant ? Ce serait un beau geste commercial, plus pertinent peut-être que les sommes colossales englouties par une entreprise pourtant en situation de monopole dans certaines promotions commerciales, telles que le sponsoring et les mécénats divers.
Et pour l'avenir, si, sans le souhaiter, un tel événement devait se reproduire, nous pourrions mettre en place de nouveaux dispositifs techniques et juridiques, y compris peut-être en matière d'assurance, pour y faire face.
Et qu'on ne me parle pas de coût insupportable pour l'Etat !
Sans épiloguer, messieurs les ministres, sur le « bonus » d'une quarantaine de milliards de francs - on connaîtra tout à l'heure le montant exact - réalisé par l'Etat sur l'année 1999 et qui, en toute logique, compte tenu de la conjoncture, se reproduira de façon encore amplifiée sur l'exercice 2000, je dirai que l'Etat a là un moyen de financement assuré par une légère ponction seulement sur ce bonus.
Et puis, comme après toute catastrophe naturelle ou humaine - en cas de guerre, par exemple - il faut reconstruire. C'est générateur d'activité économique, donc de taxes et d'impôts divers.
Il ne serait pas convenable et il serait à la fois malsain et fort critiquable que l'Etat « se fasse du gras » sur le dos de la France sinistrée. Ces recettes exceptionnelles que l'on peut aisément estimer à une dizaine de milliards de francs doivent être affectées à la réparation des dégâts de l'ouragan.
Messieurs les ministres, la France sinistrée, les collectivités et les citoyens victimes de l'ouragan n'attendent de l'Etat ni générosité, ni compassion, ni condoléances attristées. Ils demandent une légitime solidarité et une juste indemnisation. Vous avez le devoir d'y répondre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la région que j'ai l'honneur de présider a vécu, en cette fin d'année 1999, un véritable deuil régional, un deuil dont elle a connu toutes les étapes : l'effrondrement, le sursaut, la solidarité, la douleur, la solitude, l'attente et l'exigence.
Les images frappent les esprits : une femme et son enfant emportés par la mer au milieu des terres ; un enfant qui meurt dans les bras d'un pompier en pleurs.
Nous avons connu un désastre immense et profond. Le drame est durable. Nous attendons aujourd'hui, pour faire face à toutes les difficultés, non pas des gestes mais simplement une prise de conscience.
Je voudrais exprimer ma gratitude et ma reconnaissance aux membres du Gouvernement, à toutes les personnalités qui se sont rendues sur le terrain. Les deux ministres ici présents sont venus : monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez assisté aux obsèques d'un sapeur-pompier ; monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, vous êtes venu dans le bassin ostréicole et dans le port de pêche de La Rochelle ; vous avez donc pu mesurer tous deux l'ampleur de la tâche et combien les douleurs sont vives.
Je voudrais aussi remercier M. le commissaire Michel Barnier, qui s'est rendu en Charente et en Charente-Maritime, et tous ceux qui veulent bien, aujourd'hui, se serrer les coudes pour faire face à la situation engendrée par le désastre.
Evidemment, la tâche est difficile. Un certain nombre de solutions apparaissent, mais, je vous le dis franchement, beaucoup de problèmes nous semblent encore aujourd'hui sans solution, et nous avons besoin de l'aide de tous pour essayer de trouver les lignes d'action pour demain.
Je veux aussi, évidemment, saluer l'action des élus, qui ont été, sur le terrain, en première ligne de ce front de la tempête, même si, nous le reconnaissons tous, la prise de conscience a été lente devant cette catastrophe. Mais les élus étaient dans leur commune, sur leur terrain, et chacun était mobilisé face à « son » urgence. Avant que se fédère la conscience des difficultés, il a fallu beaucoup de temps !
Je tiens aussi à saluer tous les services des collectivités territoriales ainsi que ceux de l'Etat, mais aussi les bénévoles qui se sont impliqués et qui ont fait preuve d'une solidarité immense.
J'ai d'ailleurs noté, messieurs les ministres, que les services de l'Etat qui ont été les plus efficaces sont ceux qui ont toujours veillé à la qualité de leur personnel d'encadrement régional. Ainsi, dans cette crise, on a souvent fait des compliments à EDF. Or, si l'on compare l'encadrement d'EDF à l'échelle territoriale avec celui d'autres types de services publics, on constate que c'est la qualité humaine de ses cadres territoriaux qui a permis à cette entreprise d'encadrer les acteurs extérieurs qui sont intervenus dans la crise.
Nous devons donc veiller, pour le bon fonctionnement de notre organisation territoriale, à ce que les administrations centrales n'aspirent pas en permanence les talents et les compétences nécessaires aux collectivités territoriales.
Pour en revenir aux intempéries, nous avons d'abord été frappés, bien sûr, par les crises visibles, c'est-à-dire par les crises d'ordre géographique et économique, mais s'y sont ajoutées ensuite toutes les crises invisibles, qu'il nous faut aujourd'hui essayer de traiter et qui touchent aussi bien les personnes que l'économie, avec des pertes d'activité que l'on a du mal à chiffrer étant donné l'ampleur des difficultés.
Dans la région Poitou-Charentes, où un contrat de plan a été rapidement signé, il va de soi que la première de nos priorités aujourd'hui est la reconstruction. En effet, plus de 5 000 entreprises ne savent pas aujourd'hui si elles existeront encore l'année prochaine ! La reconstruction nous prendra donc beaucoup de temps, et elle concernera tout le monde, collectivités locales et services de l'Etat. Nous sommes engagés dans une action de longue haleine, ce n'est pas en quelques semaines que nous rétablirons la situation. Il nous faut donc mener, secteur par secteur, une action d'envergure pour la reconstruction.
Comme l'ont dit tout à l'heure avec force certains de nos collègues, les dégâts sont évidemment importants en matière agricole. Vous connaissez ce dossier, monsieur le ministre de l'agriculture, et vous savez que nous avons rencontré, notamment dans les Deux-Sèvres, en Charente et en Charente-Maritime, des difficultés importantes dans le domaine de l'élevage : nous avons enregistré des pertes d'exploitation, des bâtiments ont été dévastés, et la destruction des clôtures nous pose des problèmes très graves.
Notre filière « lait », qui connaissait déjà des difficultés, est aujourd'hui très fragilisée, de même que la filière « élevage », notamment pour ce qui concerne l'élevage hors sol.
Quant à la filière « horticulture et culture maraîchère », elle est, elle aussi, profondément touchée. C'est ainsi qu'une ville comme Rochefort avait monté, depuis quelques années, un pôle horticole - vous vous y êtes rendu, monsieur le ministre - avec de jeunes entrepreneurs. Alors que les entreprises du secteur commençaient à équilibrer, au bout de cinq ou six ans d'activité, leur compte d'exploitation, leur développement a été stoppé d'un seul coup. Or elles ont trop agi dans ce domaine pour faire autre chose, mais elles n'ont pas encore assez réussi pour être protégées et trouver les ressources pour faire face à ces difficultés.
Dans la filière horticole, avec le printemps qui s'annonce, on mesure à quel point il est urgent d'agir et de dégager les moyens nécessaires à la reconstruction. Nous risquons en effet de perdre la moitié des emplois de cette filière, qui était animée notamment par de nombreux jeunes. Le sénateur-maire de Surgères, notre collègue M. Branger, connaît bien ce dossier !
Dans la filière agricole, la secousse a été très rude, de même que dans la filière forestière. A cet égard, je vous le dis sincèrement, monsieur le ministre, le problème est immense, et nous ne voyons pas aujourd'hui comment trouver rapidement des solutions à la crise.
Je souhaite que nous rassemblions nos énergies pour faire face à ces difficultés. Ainsi, 12 millions de mètres cubes sont à terre, soit plus de 10 % de la perte nationale, 20 % des bois sur pied et sept années de production : telle est l'ampleur des dégâts. C'est ainsi que la région Poitou-Charentes vient au premier rang pour ce qui est du pourcentage de la superficie des forêts sinistrées, surtout dans sa partie sud, avec les deux Charentes.
Sur le plan des essences, ce sont les résineux et les peupliers qui ont subi le plus de dégâts et, en ce qui concerne les pins maritimes, il est urgent de trouver une solution en raison, on le sait, du bleuissement qui interviendra à partir d'avril. Il nous faut donc agir dans ce délai de quatre mois car, ensuite, le bois perdra de sa valeur financière, et des problèmes phytosanitaires ainsi que des risques d'incendie apparaîtront.
Quand j'entends parler de communication - j'y reviendrai - et d'image touristique, je me dis que, aujourd'hui, un certain nombre de secteurs ne pourront pas envisager la moindre action touristique si l'on ne rétablit pas les routes du feu. Il faut en effet protéger les touristes que nous voulons accueillir.
De plus, il faut savoir que, dans une région comme la nôtre, la propriété privée est très majoritaire, puisqu'elle représente 90 % de la surface de la forêt, chaque propriété représentant, en moyenne, moins de deux hectares. Les petits propriétaires privés sont donc très démunis, notamment face à certains marchands de bois peu scrupuleux qui, aujourd'hui, profitent de la situation pour acheter à des prix anormalement bas, je dirai même pathologiquement bas.
Il y a donc urgence à structurer l'offre en la matière et il nous faut aussi trouver des marchés supplémentaires pour absorber l'excédent de bois.
Il nous faut également réfléchir à la manière dont nous pourrions aider les propriétaires individuels à acheter certains matériels. A défaut, ils ne pourront pas faire face, eux non plus, à l'ampleur de la tâche.
Par ailleurs, il nous faut dès maintenant penser à la reconstitution des peuplements. Je sais que l'Etat entend y consacrer une part importante de son aide, mais, pour nous, une des premières actions à mettre en oeuvre consiste bien évidemment à dégager les parcelles sinistrées.
Dans l'ensemble, toutes les mesures qui ont été annoncées sont d'une certaine ampleur. Toutefois, les prêts bonifiés semblent occuper une part trop importante dans ce dispositif par rapport à l'argent frais. Mais nous verrons bien au fur et à mesure que se déroulera le programme, l'essentiel étant de trouver des solutions et d'essayer de donner les moyens nécessaires à l'ensemble des acteurs de la forêt.
Je n'insisterai pas sur la situation des conchyliculteurs : la profession a été agressée par la marée noire dans le nord de la région et par la tempête dans le sud. Nous ne pouvons qu'être inquiets face aux conséquences importants qui en résulteront sur les marchés !
A cela s'ajoutent les difficultés des PME du commerce et de l'artisanat et les dégradations subies par certains sites : je pense notamment au marais poitevin, où la moitié des peupliers sont à terre, soit l'équivalent de six à sept ans de stocks, et qui offre un paysage défiguré. Et je n'aurais garde d'oublier le zoorama de Chizé, qui est dévasté. Un travail immense de reconstruction est devant nous !
Je rejoins les propos de M. Arnaud sur les activités touristiques : l'hôtellerie de plein air a elle aussi été saccagée et doit être reconstruite.
Dans notre région - mais je sais que les régions voisines, l'Aquitaine et le Limousin, notamment, connaissent les mêmes difficultés - il nous faut élaborer des partenariats d'avenir. Je suis ainsi tout à fait ouvert à la négociation d'avenants au contrat de plan, car seul un partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, dans la durée et au-delà de l'urgence, nous permettra de construire de véritables stratégies de développement et de reconstruction.
Nous proposons donc, en Poitou-Charentes, un programme régionalisé de reconstruction sur trois ans, que les collectivités territoriales sont prêtes à financer pour 600 millions de francs : une réunion extraordinaire des quatre conseils généraux concernés et du conseil régional a ainsi décidé l'inscription de 300 millions de francs pour les quatre départements et de 300 millions de francs pour la région.
A ce sujet, je dois relever un point de désaccord avec vous, monsieur le ministre de l'intérieur : vous avez parlé de contractualisation et vous avez demandé que l'effort soit équilibré entre les régions et l'Etat. S'agissant de la tempête, on ne peut demander à l'impôt des personnes sinistrées de constituer la part essentielle de l'effort de reconstruction !
Que les collectivités territoriales participent, c'est important, certes, et nous l'avons d'ailleurs fait, nous l'avons montré dans le contrat de plan : pour les routes nationales, afin de désenclaver notre région, nous sommes allés jusqu'à payer les deux tiers du financement contre un tiers pour l'Etat ; pour l'université et l'enseignement supérieur, nous avons assuré, à égalité avec l'Etat, 50 % du financement ; pour la reconstruction, cependant, il nous paraît tout à fait raisonnable que l'effort soit partagé entre un tiers pour les collectivités territoriales et deux tiers pour la solidarité nationale. Au-delà, il n'y aurait pas de solidarité nationale ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Si les efforts importants qui restent à réaliser sont partagés, cela doit permettre aux différents partenaires de construire une stratégie. Je vous demande donc, messieurs les ministres, d'être nos interprètes, à l'occasion du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire qui se tiendra fin février à Nantes, en faveur de cette prise de conscience : oui au contrat de plan, oui au partenariat, oui à l'engagement des territoires, oui, bien sûr, à la solidarité nationale ! Je crois qu'ensemble nous pourrons redonner confiance à nos territoires. C'est de cela qu'ils ont aujourd'hui besoin.
Dieu sait si je comprends les combats politiques, et il m'arrive d'y participer avec ardeur. Pourtant, s'il est une chose que le territoire ne comprend pas aujourd'hui, c'est la trop grande différence entre l'argent du département, celui de l'Europe, celui de l'Etat et celui de la région. Il faut un effort global afin que chacun se rassemble pour dire avec conviction à ceux qui ont été meurtris, blessés, profondément atteints, qu'il y a un avenir possible, que nous sommes prêts et déterminés - et ce durablement - pour considérer que la fertilité des territoires est un élément qui engage l'unité même de la nation et l'équilibre de notre République.
C'est ce message qu'il nous faut aujourd'hui faire passer. En effet, les personnes blessées ont entendu à la télévision l'annonce des milliards de francs qui ont été inscrits au budget. Aujourd'hui, elles veulent qu'on surmonte la paperasse, la bureaucratie ; elles veulent qu'on surmonte les difficultés et qu'on montre que l'Etat - avec tous les acteurs représentants de la République, et les élus au premier plan - est, sur le terrain, le porteur de ce nouvel espoir. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le département de l'Aube a payé son tribut à la violente tempête que notre pays a connue et sa forêt est aujourd'hui dévastée.
Comme d'autres, je soulignerai ce qu'a de positif pour chacun d'entre nous une telle catastrophe. Nous devons faire un constat ; nous qui, très souvent, regardons les catastrophes du monde, que ce soit en Turquie, au Venezuela ou ailleurs, assis devant notre téléviseur, découvrons que, chez nous aussi, cela peut arriver.
Comme d'autres encore, je soulignerai le côté positif de la mobilisation générale, faisant simplement observer, pour que l'on en tire les conséquences, monsieur le ministre, qu'heureusement nous ne nous sommes pas trop posé de questions sur les normes. Quand il a fallu prendre des tracteurs pour déblayer les routes, nous n'avons pas vérifié si le fioul était blanc ou rose, nous n'avons pas demandé aux chauffeurs s'ils avaient le permis poids lourd. Heureusement d'ailleurs, sinon bien peu de choses auraient été faites !
M. Gérard César. Eh oui !
M. Philippe Adnot. Enfin, toujours au titre de ce qui est positif, je veux souligner le rôle actif de conseiller, d'organisateur, de médiateur des 36 000 maires de France. Si quelqu'un doutait encore de la richesse, et non de la charge, que représente le nombre de nos communes, je pense que, cette fois, il aura compris et qu'ainsi, sur ce sujet, le débat est clos.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé un certain nombre de mesures. Je n'ai pas, ici, à les critiquer. Elles seront jugées concrètement sur le terrain, notamment sous l'angle de la rapidité de leur application.
Je me contenterai de formuler trois demandes.
Même assurés, un certain nombre de bâtiments communaux, à cause de leur vétusté, représenteront des charges énormes. Je pense notamment aux toitures d'église. Je demande donc que l'enveloppe de la DGE soit augmentée. Sinon nous n'arriverons pas à mettre en oeuvre les travaux qui sont nécessaires et qui ne peuvent attendre.
Je demande également que des mesures dérogatoires soient prises de manière que l'on puisse commencer les travaux sans attendre de savoir s'il y aura suffisamment de crédits.
L'Etat a souvent cité les SDIS dans ses forces d'intervention. Je rappelle que ce sont les collectivités locales qui en assurent le financement. Vous avez indiqué que vous prendriez en charge les interventions hors zone. Dans les départements de l'intérieur, il n'y a pas eu d'intervention hors zone ; cela ne représente donc rien. Je demande donc que les taxes que l'Etat prélève au titre de la sécurité sur les assurances soient reversées pour assurer le financement des SDIS.
La forêt, je l'ai dit d'emblée, a été dévastée dans notre département. De ce point de vue, j'approuve totalement et je soutiens la position qu'exprimera ici notre collègue Jacques-Richard Delong.
M. Hubert Haenel. Moi aussi !
M. Philippe Adnot. J'ajoute simplement que la rapidité de mise en oeuvre des mesures sera déterminante et qu'il faudra savoir trouver, pour les propriétaires privés, des mesures particulières susceptibles de leur donner l'envie de replanter. Sinon, je le crains, notre nature sera défigurée, et pour longtemps ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera très ciblée.
Il y a une quinzaine de jours, j'ai présenté devant notre délégation pour l'Union européenne une communication sur les actions susceptibles d'être conduites au niveau communautaire pour faciliter la réparation des dommages causés par la tempête et par la marée noire.
Nous avons, à cette occasion, discuté d'une note d'information de la Commission européenne qui dressait l'inventaire des crédits disponibles - pour l'avenir ! - en vertu de l'accord conclu par le Conseil européen de Berlin, en mars dernier.
Certains d'entre nous - je pense, notamment à notre collègue Simon Sutour - se sont alors inquiétés des conséquences d'une éventuelle redistribution de ces crédits, qui couvrent la période 2000-2006, et, au cours du débat que nous avons eu, plusieurs voix se sont élevées pour noter qu'une telle redistribution aurait pour conséquence de donner à Pierre ce que l'on prenait à Paul.
Cela pourrait atteindre tout à la fois les départements touchés par les intempéries et ceux qui y ont échappé.
Si nous prenons l'exemple du Gard, objet légitime des attentions de notre collègue Simon Sutour, ne peut-on craindre que les crédits de l'objectif 2 qui seront mobilisés pour remédier aux dommages dus à la tempête dans des départements sinistrés n'amputent les fonds disponibles dans le Gard pour des actions de reconversion industrielle ou de soutien aux zones rurales ?
Pour un département sinistré, comme celui des Vosges, l'utilisation de crédits communautaires pour pallier les effets des intempéries ne va-t-elle pas empêcher d'y mener à bien des actions qui, sans cela, auraient bénéficié de fonds communautaires ?
Les départements éligibles aux fonds structurels ont déjà vu leur dotation réduite en raison d'un zonage resserré. Il serait choquant que ces collectivités subissent, de ce fait, une nouvelle amputation de leur enveloppe.
Personnellement, je doute fort que ce soit là l'intention de la Commission européenne - nous interrogerons d'ailleurs sur ce point notre ancien collègue Michel Barnier, qui sera entendu tout à l'heure par notre délégation - mais surtout, et c'est là le motif de mon intervention dans ce débat, il me semble possible de trouver des crédits en dehors des dotations arrêtées à Berlin, et donc d'éviter une redistribution entre les départements.
Je m'explique. Je fais allusion aux crédits qui ont été octroyés à la France pour la période 1994-1999 et que nous devrons « rendre » à Bruxelles si nous ne les consommons pas.
Or, c'est un fait indiscutable, et même régulièrement dénoncé, que les crédits des fonds structurels, tout particulièrement en France, sont sous-utilisés.
Pour l'Alsace, région que j'ai quelque raison de mieux connaître que les autres, les taux de programmation des fonds communautaires sont généralement très satisfaisants dans la mesure où ils sont le plus souvent de 100 %. Mais les taux de paiement ne permettent de concrétiser qu'une partie de cette programmation puisque, par exemple, il n'y avait, au 31 décembre 1999, que 37 % de paiements sur l'objectif 2 en ce qui concerne la période 1996-1997 et 49 % de paiements sur l'objectif 5 en ce qui concerne la période 1997-1999.
Sans doute ces taux vont-ils encore s'élever. Mais nous serons bien loin d'un taux de 100 % et une part importante restera, à l'évidence, inutilisée.
Bien sûr, la période à laquelle je fais allusion est aujourd'hui achevée. Bien sûr, il est désormais trop tard, du moins en théorie, en l'état actuel des textes, pour engager des crédits sur cette enveloppe. Mais nous ne devons pas renoncer à toute initiative et nous n'avons rien à perdre, monsieur le ministre, à saisir Bruxelles d'une demande exceptionnelle qui nous permettrait d'utiliser ces crédits pendant quelques mois supplémentaires.
M. Jean Chérioux. Bonne idée !
M. Hubert Haenel. Une catastrophe d'une ampleur exceptionnelle légitime une demande à caractère exceptionnel.
Bien sûr, me direz-vous, il nous faudra l'accord de nos partenaires. Mais je ne crois pas faire montre d'un optimisme démesuré en affirmant que la chose est possible. D'abord, parce que notre pays n'a pas été la seule victime des catastrophes de décembre, qui ont eu véritablement une dimension européenne, et que d'autres pays voisins pourraient être intéressés par une telle démarche et un tel accord. Ensuite, et surtout, parce que nous ne demanderions aucune augmentation de notre enveloppe, mais simplement la possibilité, pendant quelques mois encore, de bien utiliser des crédits qui - faut-il le rappeler ? - nous avaient déjà été octroyés.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention peut donc se résumer en une question tout simple : le Gouvernement envisage-t-il de soumettre à Bruxelles - je crois, monsieur le ministre, que vous devez le faire, après quoi nous verrons bien la réponse qui nous sera faite ! - des propositions pour que la France ne soit pas contrainte de « rendre » des crédits qui pourraient être utilisés pour réparer les conséquences des tempêtes et de la marée noire ?
S'il le veut, le Gouvernement peut, je crois, obtenir de ses partenaires un tel accord. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Très bonne proposition !
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne dispose que de quelques minutes pour évoquer cette tempête funeste du 27 décembre 1999 qui a frappé le sud de la France moins de quarante-huit heures après que le nord l'eût été, quelques minutes pour évoquer un traumatisme violent dont on n'a pas encore mesuré tous les effets, mais dont on sait, à coup sûr, qu'ils seront durables. Il faut entre cinquante et cent ans pour faire un arbre, et 15 millions de mètres cubes de bois au moins gisent à terre dans le seul Limousin !
La marée noire est révoltante parce que les hommes en sont les seuls responsables et qu'elle pouvait donc être évitée. Mais les deux événements ne se traitent pas sur la même échelle de temps. Dans les zones les plus touchées par la tempête, aucun de nos contemporains, quel que soit son âge, ne retrouvera le paysage tel qu'il a pu le connaître il y a moins de deux mois. Un tel cataclysme n'a pas été conservé dans la mémoire collective et même aucune trace historique n'en est repérable dans le millénaire qui vient de s'achever.
Traumatisme violent pour les êtres vivants, les hommes et les bêtes, désastre esthétique, écologique, touristique, économique, telle est, à grands traits, la description que l'on peut faire sans avoir besoin de noircir le tableau.
Dans l'urgence, l'essentiel a été fait et les services de l'Etat et du département ont travaillé avec efficacité, notamment au dégagement des routes. Mais ni le préfet ni le président du conseil général ne pouvaient répondre à l'attente précise et urgente des habitants. Seuls les maires et leurs conseils municipaux, aidés quelquefois, et peut-être même souvent, par les conseillers généraux, pouvaient dynamiser, organiser, coordonner et résoudre les mille problèmes quotidiens, dont certains pouvaient à tout moment se transformer en drame.
Ces maires ont démontré tout l'intérêt de l'existence de nos trente-six mille communes - on vient de le rappeler - ces communes pourtant si décriées il y a peu encore. Au passage, monsieur le ministre, prenons garde, même s'il faut inciter les maires à s'engager dans une intercommunalité nécessaire, à ne pas vider leur fonction de tout intérêt. Veillons à prévenir, grâce à des compétences suffisamment étendues, l'attrait de la fonction, donc la motivation des maires et, finalement, leur capacité d'action.
Monsieur le ministre, il serait très injuste de ne pas relever l'importance de la solidarité nationale exprimée au travers de plans de plus en plus affinés qui ont été présentés par le Premier ministre et déclinés par vous-même et vos collègues. Les annonces, après les ajustements successifs, ont été bien perçues et considérées globalement comme étant à la hauteur de la situation.
Cela étant, dire que tout va bien dans la mise en oeuvre serait évidemment faux ; dire que l'attente des populations n'est pas grande, et même grandissante, ne serait pas non plus conforme à la réalité.
Dans le temps qui m'est imparti, j'aborderai de façon quelque peu schématique quatre points à partir de l'exemple que je connais le mieux, celui de la Haute-Vienne.
Le premier concerne l'attente des collectivités locales, qu'elles soient de base ou regroupées notamment sous forme syndicale. La tâche qui leur reste à effectuer est immense. Si la plupart des voies communales sont dégagées, il reste à nettoyer fossés et bas-côtés. Mais surtout, les chemins ruraux, la voirie forestière et même les chemins d'exploitation sont dans un état tel que beaucoup de parcelles demeurent inaccessibles, les exploitants étant évidemment incapables de résoudre cet immense problème.
Le conseil général est en train de mettre en place un dispositif d'aide à l'embauche de personnels sous contrat de six mois. L'inquiétude porte sur la durée du soutien de l'Etat et sur la répartition des enveloppes. La préfecture a procédé à un recensement des dommages subis par les communes ; 28 millions de francs relevant du titre IV seraient pris en charge à 100 % par l'Etat et 160 millions de francs relevant du titre VI seraient pris en compte à 50 % par l'Etat, le conseil général se proposant de compléter jusqu'à 80 %.
Si j'emploie le conditionnel, c'est parce que, pour l'instant, personne n'a confirmation de ces enveloppes départementales, de leur montant, et encore moins de la date de délégation des crédits. Je me permets de dire qu'il y a urgence !
Je me permets aussi d'attirer l'attention du Gouvernement sur un point précis, les embâcles, qui constituent un grave danger potentiel d'inondations et de désordre pour les ouvrages, voire un danger pour les populations.
Ce qui interdit d'avancer, c'est moins le manque de fonds que le manque de bras. Nombreux sont ceux qui estiment - et je partage ce sentiment - que la présence de l'armée, son soutien en hommes et en matériel, sont nécessaires, et ce probablement pour un temps assez long.
J'en viens à mon deuxième point : le volet agricole.
Dans un souci de brièveté, je ne décrirai pas les dégâts occasionnés, si ce n'est ceux qu'ont subis les clôtures, élément important dans un pays d'élevage. Les chiffres avancés sont peut-être excessifs, mais on parle de 18 000 kilomètres de clôtures endommagées et de 800 000 heures de travail pour les réparer.
Le conseil général et le conseil régional, là encore, font leur devoir, en aidant à l'embauche de personnels par des structures collectives. Mais s'il faut être intransigeant pour ce qui est de la sécurité des personnes, car nous devons déjà déplorer plusieurs morts, il faut, en revanche, assouplir les conditions juridiques des embauches, parce que, là aussi, on risque de manquer de bras.
Des mesures fiscales seraient particulièrement bienvenues. Il faudrait rembourser rapidement les crédits d'impôt de TVA pour 1999 et appliquer le taux de 5,5 % sur les travaux de remise en état des bâtiments, y compris par dérogation de quelques mois sur l'acquisition de matériaux de construction par les exploitants dont on sait bien qu'ils assurent souvent eux-mêmes les réparations.
Le traumatisme forestier est évidemment le plus grave et le plus durable. Les mesures annoncées par le Gouvernement ont calmé les esprits qui s'inquiétaient à juste titre. Il n'en demeure pas moins que la mise en oeuvre concrète des mesures annoncées, en particulier pour le transport, est attendue avec impatience.
De même, chacun s'interroge sur la relative faiblesse des moyens que peut dégager la SNCF.
Par ailleurs et surtout, une modulation serait nécessaire pour ne pas défavoriser les régions centrales comme le Limousin, les plus éloignées des pays de réception des bois transportés.
Enfin, comment fait-on pour compenser le surcoût d'exploitation des bois de faible valeur, qui peuvent entraîner leur abandon sur place avec les risques inhérents d'incendie et de prolifération des insectes qui pourraient envahir l'ensemble de la forêt ?
Restent les grands oubliés - c'est mon dernier point - les artisans et les commerçants victimes des pertes d'exploitation.
Aucun organisme ne couvre les risques consécutifs à l'absence durable d'électricité, ni, par conséquent, les pertes pourtant considérables. Les 200 millions de francs du FISAC, annoncés par Mme Lebranchu pour l'ensemble de la France, sont un bon début. Ils sont insuffisants cependant, puisque la chambre de métiers et la chambre de commerce et d'industrie évaluent les pertes, pour la seule Haute-Vienne, à 560 millions de francs, chiffre confirmé par la DRIRE.
Le conseil général a abondé un fonds de solidarité créé par la chambre de métiers et par la chambre de commerce et d'industrie. Les sommes qui l'alimentent actuellement doivent être considérées comme un fonds de caisse d'appel en vue d'un abondement par un éventuel fonds national qui, lui, reste à créer. Il y a là une urgence, car nombre de petites entreprises sont proches du dépôt de bilan. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, outre le bilan humain considérable de la tempête des 26 et 27 décembre dernier, la forêt française - sur laquelle je concentrerai mon propos - est la principale victime de cette catastrophe. Elle a perdu l'équivalent de trois années d'exploitation, et le préjudice économique pourrait atteindre la somme de 30 milliards de francs.
Sur la base des évaluations provisoires transmises par l'ONF, le volume des bois abattus et brisés par la tempête correspond, en effet, à près de 115 millions de mètres cubes, soit près de 500 000 hectares de forêt et environ 300 millions d'arbres abattus.
A titre d'exemple, dans mon département, le Cantal, ces dégâts représentent l'équivalent d'au moins six années d'exploitation et deux millions de mètres cubes de bois abattus.
La mobilisation de l'Etat sur le terrain, à travers ses différents services, et le plan d'urgence annoncé par M. le Premier ministre le 12 janvier dernier ont suscité un immense espoir face à cette situation catastrophique. Or, à ce jour, même si 500 millions de francs de plus ont été accordés, la plupart des modalités pratiques d'utilisation de ces crédits ne sont toujours pas connues des principaux acteurs de la filière.
Dans cette attente, les exploitants forestiers, les agriculteurs, les propriétaires, publics et privés, et les collectivités territoriales ne sont toujours pas en mesure d'engager des actions significatives sur le terrain.
Le temps presse, car chacun sait que, dans trois ou quatre mois, il sera trop tard pour valoriser la plupart des arbres chablis en raison des risques phytosanitaires de printemps.
L'exemple de l'Allemagne, qui a connu en 1990 une tempête presque comparable, peut nous fournir, à cet égard, quelques enseignements.
Grâce à un plan ambitieux, un échéancier précis et une intervention rapide, elle est parvenue, en trois ans, au lieu des cinq prévus, à rétablir l'équilibre, tant écologique que financier, du secteur forestier.
Des aides multiples, au-delà des seules aides financières, ont été instituées par les pouvoirs publics allemands. Parmi les plus significatives, il faut d'abord relever le soutien du marché, par le biais notamment d'un stockage fédéral du bois. Cette mesure a été accompagnée d'une vente tournante afin d'éviter les transactions anarchiques. Grâce, entre autres choses, à ce dispositif, l'effondrement du marché a été endigué à 80 %.
Tout est donc possible mais, encore une fois, il faut faire vite, car, aujourd'hui, sur le terrain, malgré les premières dispositions prises, un certain nombre de difficultés subsistent.
Difficultés pour nos exploitants forestiers tout d'abord. L'ampleur de la tâche nécessite des investissements lourds à très court terme et le recrutement d'une main-d'oeuvre qualifiée pour assurer le bûcheronnage et le débardage. Il est donc urgent de concrétiser les aides spécifiques à ces investissements et à la création de ces emplois, compte tenu de la situation critique des entrepreneurs. De telles mesures compléteront efficacement l'appui au surcoût, lié au transport des bois, qui vient de faire l'objet d'une dotation supplémentaire.
Difficultés aussi pour les prorpriétaires forestiers publics ou privés. L'effondrement des cours est déjà constaté. Aujourd'hui, ce n'est plus la moitié mais le quart des prix de référence qui sont pratiqués. A titre d'exemple, dans le Cantal, un mètre cube de sapin est négocié à moins de 100 francs, contre 250 francs à 300 francs en temps normal, et un mètre cube de pin à 40 francs, contre 180 francs. Sans parler du bois à pâte à papier qui se négocie actuellement à 5 francs le mètre cube !
En l'absence de régulation du marché, c'est, à terme, l'économie d'ensemble de la filière bois, déjà fragilisée, qui s'en trouvera menacée. Aussi, une modulation des aides en fonction des prix d'achats consentis, comme la définition de prix planchers en concertation avec la profession, qui conditionneraient l'attribution des aides publiques, minimiserait les pertes pour les propriétaires forestiers et la chute des cours.
Difficultés encore pour les communes et particulièrement les communes forestières : elles vont, en effet, connaître des pertes de ressources importantes qui auront des conséquences graves sur l'équilibre de leur budget et leurs programmes d'investissements, d'autant que l'exploitation de leur forêt va nécessiter de lourds travaux sur les voiries forestières et rurales.
Si des subventions d'équilibre sur les budgets et des aides au déblaiement des routes forestières ont bien été annoncées, des inquiétudes substistent à cet égard, essentiellement pour deux raisons. D'abord, le montant des dotations d'équilibre envisagées suffira-t-il à combler les pertes ? Ensuite, quels financements exceptionnels - particulièrement au titre de la DGE - pourront être dégagés dès cette année pour remettre en état les voiries forestières, rurales et communales, après l'intervention des entreprises ?
Monsieur le ministre, le milliard de francs accordé au titre de l'indemnisation des biens non assurables sera-t-il mobilisable dans ces cas ?
Des dégâts considérables sont prévisibles car ces réseaux vont subir un trafic exceptionnel, trafic qui est habituellement interrompu à cette saison.
Après l'exploitation, se posera le problème de la réhabilitation des espaces forestiers, souvent situés dans des zones à vocation touristique. L'enjeu économique est majeur pour ces communes.
Aussi la création de nouveaux chantiers d'insertion, conduits par les collectivités intercommunales pour assurer le nettoyage et le débroussaillage des terrains sinitrés, pourrait-elle permettre d'accélérer cette remise en état et constituer une nouvelle voie de retour à l'emploi. La mise en oeuvre de ce dispositif, toutefois, n'est pas possible avec les contingents actuels de contrats emploi-solidarité, dont le nombre, a par exemple, été réduit de 50 % cette année.
Enfin, nos agriculteurs font face à des difficultés. Si la procédure de calamité agricole a d'ores et déjà été lancée, elle n'est toujours pas en application et, compte tenu de l'ampleur des dégâts, elle ne suffira sans doute pas à effacer les conséquences du sinistre.
Devant ces difficultés, la solidarité des agriculteurs s'organise autour de nouvelles coopératives forestières, mais également au sein des coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole, les CUMA, existantes. Or, actuellement, celles-ci ne peuvent bénéficier ni d'aides européennes ni de soutien au titre des contrats de plan.
Par conséquent, les dispositions du plan d'urgence devraient aussi viser ces groupements, afin d'encourager les initiatives locales allant dans ce sens.
Monsieur le ministre, les exploitants forestiers, les propriétaires publics et privés, les communes et les agriculteurs attendent aujourd'hui avec impatience ces mesures et la mise en oeuvre concrète du plan d'urgence. La plupart des conseils généraux et des conseils régionaux attendent également de connaître les dispositions que vous allez prendre, pour accompagner, à leur tour, ce dispositif de solidarité nationale. En effet, comme l'a rappelé à l'instant Jean-Pierre Raffarin, le partenariat est indispensable dans ce domaine. Monsieur le ministre, vous avez déjà largement exprimé la volonté de faire jouer cette solidarité nationale, mais l'ampleur du sinistre est telle que des moyens complémentaires seront nécessaires. Cela est possible aujourd'hui, car - nous le savons désormais, et cela a été rappelé à cette tribune - le Gouvernement dispose de recettes fiscales considérables.
Cet effort complémentaire et immédiat est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que les fonds structurels européens espérés et prélevés, il faut le rappeler, sur la dotation française au titre du développement rural pour la période 2000-2006 ne seront pas mobilisables avant plusieurs mois.
Ces mesures d'urgence, monsieur le ministre, et ce sera ma conclusion, ne doivent pas nous faire oublier la nécessité d'entreprendre, dès maintenant, la réorganisation de l'ensemble de notre filière bois - comme cela a été si bien fait en Allemagne en pareilles circonstances - autour d'un plan quinquennal pour la forêt.
Ce plan s'intégrerait parfaitement dans le cadre de la future loi forestière que M. le ministre de l'agriculture a annoncée. Or, selon le calendrier prévu par le Gouvernement, ce projet de loi ne devrait pas être examiné en première lecture par l'Assemblée nationale avant la fin du premier semestre de cette année. Les délais propres au processus législatif qui en découlent risquent d'être fatals à la filière bois, déjà extrêmement fragilisée.
C'est pourquoi, dans ce contexte de crise, monsieur le ministre, le déclenchement d'une procédure d'urgence permettrait sans doute d'activer dès le début de l'année prochaine un programme pluriannuel ambitieux en faveur de notre forêt et de notre filière bois.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre attention et des réponses que vous voudrez bien apporter à notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps du bilan est aujourd'hui venu, et il apparaît aux yeux de tous que la forêt française, que j'évoquerai dans mon intervention comme l'a fait mon prédécesseur à cette tribune, vient de subir la plus grande catastrophe de son histoire.
Les chiffres témoignent de l'ampleur du désastre. Ainsi, la forêt française a perdu 115 millions de mètres cubes, le chiffre vient d'être rappelé, soit plus de 310 millions d'arbres. A titre d'exemple, mon département, la Meurthe-et-Moselle, a perdu plus de 8 millions de mètres cubes, soit l'équivalent d'à peu près dix années de production.
Les conséquences sont lourdes pour le cadre de vie et pour l'environnement ; elles sont accablantes sur le plan économique pour l'ensemble des professionnels de la filière bois ; elles pèseront durablement, enfin, sur le budget des communes forestières qui sont déjà et seront confrontées à d'immenses difficultés, tant à court terme qu'à moyen et long termes. Dans l'immédiat, ces communes ont eu à dégager les routes desservant les massifs forestiers et à assurer la récolte, le traitement et le stockage des bois. La tâche, souvent immense, est loin d'être terminée. Les communes ont réagi avec une rapidité exemplaire, tant pour assurer la sécurité de leurs forêts que pour limiter les dégâts en termes d'exploitation future.
Qu'il me soit permis ici de saluer l'immense travail accompli par les élus locaux qui, depuis le 26 décembre, n'ont ménagé ni leur temps, ni leur peine. J'y vois, si besoin en était, comme deux de mes prédécesseurs à cette tribune l'ont indiqué, la preuve de l'irremplaçable utilité de nos 36 000 communes.
Je voudrais dire également, monsieur le ministre, combien le soutien des services de l'Etat, à commencer par les services préfectoraux et par l'Office national des forêts, a été constant et apprécié des élus.
Toujours à court terme, un autre problème majeur se dessine : la chute des cours du bois.
Nous constatons aujourd'hui que ce phénomène, hélas prévisible, est tel que des ventes prévues et organisées ont dû être annulées in extremis. Sans doute faudra-t-il, devant certaines manoeuvres des professionnels du bois, manoeuvres qu'évoquait M. Raffarin tout à l'heure, envisager, pendant une durée limitée, un assouplissement des procédures régissant les ventes publiques. Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Sûrement !
M. Philippe Nachbar. Mais c'est à long terme que les conséquences de la tempête vont peser le plus lourdement sur les budgets communaux. A titre d'exemple, en Meurthe-et-Moselle, les forêts publiques représentaient 163 000 hectares : 90 000 sont endommagés. Certaines forêts communales sont détruites à 90 %. Nombre de communes ont perdu jusqu'à cinquante années de revenus forestiers et, pour beaucoup d'entre elles, cette recette représentait jusqu'à 40 % de leur budget, alors même qu'elles devront remettre en état leurs voiries forestières et régénérer leurs forêts. C'est tout l'effort d'investissement qu'elles accomplissaient année après année qui risque d'être compromis avec toutes les conséquences qui s'ensuivront pour les entreprises qui travaillent avec elles. Le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé un certain nombre de mesures. Vous venez, monsieur le ministre, d'en évoquer quelques-unes. Il me paraît nécessaire d'aller au-delà. Mais permettez-moi, très modestement, de vous faire quelques propositions pouvant apaiser les inquiétudes que ressentent de plus en plus les représentants des communes forestières.
A court terme, des mesures tant financières que fiscales me paraissent devoir s'imposer. Je n'en évoquerai que deux.
La première consisterait à rendre éligibles au FCTVA tous les travaux forestiers consécutifs à la tempête. Ainsi, les communes pourraient récupérer la TVA, y compris lorsque ces travaux sont considérés comme du fonctionnement et non comme de l'investissement.
L'autre mesure, et certains de mes collègues l'ont d'ores et déjà suggérée, consisterait à laisser les communes libres de placer les fonds générés par l'exploitation des bois renversés par le vent, les chablis, par dérogation aux prescriptions de l'ordonnance du 2 janvier 1959.
Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer une mesure de ce type, et je m'en réjouis. Je suis cependant conscient que, du fait de la chute des cours, les communes risquent malheureusement d'avoir peu de fonds à placer dans les mois qui viennent.
A long terme, il me paraît essentiel qu'un fonds national de solidarité des communes forestières, géré conjointement par le ministère de l'intérieur et le ministère de l'agriculture, puisse, une fois chiffré le préjudice subi par chacune des communes forestières et sa durée prévisible - un tel travail a déjà été réalisé dans la plupart des communes en liaison étroite entre les élus et l'office national des forêts - verser aux communes une subvention d'équilibre annuelle sur la base de cet inventaire. Les communes pourraient ainsi compenser la perte qu'elles ont subie, tout en poursuivant l'effort d'investissement qu'elles doivent réaliser pour régénérer leurs forêts et rétablir leur voirie, mais aussi pour continuer à développer les services publics irremplaçables qu'elles offrent à leurs habitants.
Telles sont les quelques mesures que je souhaitais vous suggérer, monsieur le ministre. Elles se fondent sur le bilan, ô combien sommaire, que je viens de dresser ; mais le temps m'était compté.
Ces mesures dérogent bien sûr au droit commun mais, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Notre pays a montré, durant la tempête et dans les jours qui ont suivi, qu'il avait su retrouver ce sens de la solidarité qu'il puise dans son histoire. L'exigence des communes forestières en tire toute sa force : une fois passé le temps de l'émotion, les communes forestières françaises doivent connaître le temps de la solidarité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Vendée, au nom de laquelle je m'exprime à cet instant, comme bon nombre de départements du littoral Atlantique a été doublement sinistrée : par la marée noire et la tempête.
A chacune de ces catastrophes répond un triptyque devenu hélas ! trop célèbre : conséquences économiques, écologiques et sociales. Nous devons y répondre par ces trois mots : responsabilité, indemnité et solidarité.
A ce jour, on ne connaît toujours pas les véritables causes du naufrage de l' Erika et les responsabilités réelles ne sont toujours pas établies. Il y a trop de zones d'ombre sur cette affaire. Vous devez nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.
A court terme, le pompage des soutes doit être effectué. Pouvez-vous nous affirmer que cette opération sera efficace et sans dommage pour le milieu marin ?
J'ai demandé au président du Sénat la mise en place d'une commission d'enquête sénatoriale. Sans doute serait-il souhaitable d'associer le Sénat à la commission d'enquête de l'Assemblée nationale pour faire le jour sur cette affaire.
Tous les métiers de la mer, l'agriculture et le tourisme ont été particulièrement touchés, sans oublier les propriétaires publics et privés.
Or, six semaines après ces deux événements catastrophiques, force est bien de constater que la plupart des sinistrés attendent toujours les premières indemnisations.
Face à l'impuissance, au désarroi ou à la déprime des dizaines de milliers de sinistrés, la mobilisation des premières semaines et la forte solidarité qui s'est dégagée ne doivent pas retomber. Il est du devoir du Gouvernement d'apaiser maintenant les inquiétudes en matière de responsabilité. Il y a urgence !
Dans son intervention du 12 janvier, M. le Premier ministre a déclaré que le ministre de l'économie avait demandé aux compagnies d'assurances de faire preuve de diligence et de compréhension. Or nous constatons sur le terrain que beaucoup de particuliers ou de professionnels rencontrent des difficultés pour la fixation du montant des franchises ou dans la distinction entre la situation de tempête et l'état de catastrophe naturelle.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si l'Etat va bien prendre en charge la différence entre la franchise contractuelle et la limite de 1 500 francs pour les particuliers, et sous quelle forme.
Je souhaiterais aussi savoir si la déforestation ne serait pas l'occasion d'améliorer la fiscalité, avec la mutualisation du risque du chablis.
Enfin, je souhaiterais savoir si, à titre exceptionnel, il ne faudrait pas exonérer ou étendre le taux réduit de TVA aux travaux de remise en état. De même, il importe que les travaux engagés par les collectivités locales soient considérés comme éligibles au fonds de compensation de la TVA.
S'agissant des professionnels du tourisme, je suggère que soit créé pour eux un fonds spécial d'indemnisation qui prendrait en charge les dommages non indemnisés par les assurances.
L'Etat doit prévoir des aides immédiates de trésorerie afin de financer les dépenses engagées par les exploitants pour nettoyer ou déblayer les terrains, en particulier pour l'hôtellerie de plen air qui est très touchée.
L'Etat doit aussi envisager une exonération des charges sociales sur les frais de personnel affectés aux opérations de nettoyage et de déblaiement ainsi qu'une exonération des surtaxes de l'EDF.
Il importe également d'accélérer le remboursement de la TVA, qui doit intervenir au plus tard quinze jours après la déclaration.
Pour la reconstruction des installations et le réaménagement des terrains, sans doute faut-il assouplir les procédures afin de dégager des superficies supplémentaires au profit de l'hôtellerie de plein air.
Nos concitoyens ont été particulièrement touchés par ces deux désastres, et même ceux qui ont été épargnés - il sont peu nombreux, il faut le dire - ont renouvelé une solidarité envers les plus touchés.
Les sinistrés attendent que la solidarité nationale fasse redémarrer les entreprises et finance les réparations indispensables à la remise en état de leur patrimoine.
Comme l'ont dit excellemment nos collègues Philippe Arnaud et Jean-Pierre Raffarin, à ce jour, la solidarité gouvernementale est insuffisante ; elle se fonde sur beaucoup de petites mesures et ne remédie pas totalement à la détresse immense qui a été engendrée. Or des moyens financiers sont disponibles.
Avant de prendre des mesures de répartition démagogiques, telles que la baisse de la taxe d'habitation, pensez aux sinistrés de la tempête et de l'Erika. Nos compatriotes le comprendront, ils sont prêts à accepter cet effort.
Monsieur le ministre, je souhaiterais par ailleurs savoir si le Gouvernement va accorder de nouveaux délais de paiement aux ménages et aux entreprises.
Je pense également qu'un report au 15 octobre 2000 de l'échéance de la taxe professionnelle est nécessaire, tout comme une exonération partielle de la taxe foncière pendant trente ans pour les exploitants forestiers.
Monsieur le ministre, revenant à l' Erika , je souhaite soulever trois points supplémentaires.
Tout d'abord, la législation existante doit être respectée et améliorée pour renforcer la sécurité de la navigation.
Aujourd'hui, deux navires sur cinq ne respectent pas les normes internationales et leurs propriétaires sont très difficiles à identifier. C'est pourquoi il importe de renforcer les contrôles techniques dans les ports, de les rendre plus rigoureux.
Pour éradiquer les « navires poubelles », je demande que l'on accueille sur nos côtes uniquement les navires à double fond. Nous devons imposer les contrôles au-delà des 200 miles, pour prévenir de tout risque de dégazage en haute mer, il faut interdire aux tankers de sortir d'un port sans avoir nettoyé leurs cuves à terre.
Ensuite, il est indispensable que, à l'échelon national, européen et international, des mesures réellement dissuasives soient prises à l'encontre des armateurs et des affréteurs qui ne respectent pas les normes de sécurité. La France doit retrouver la souveraineté de ses eaux territoriales. Aujourd'hui, des clones de l' Erika naviguent encore et des catastrophes identiques peuvent se produire demain.
Enfin - dernier point - aux conséquences écologiques désastreuses de cette marée noire s'ajoutent des conséquences économiques, qui ont été évoquées par un certain nombre de mes collègues et qui touchent les professionnels du tourisme.
Constatant que les réservations pour la saison estivale dans certains départements sont d'environ 40 % inférieures à ce qu'elles étaient l'année dernière à la même époque, il est du devoir du Gouvernement de restaurer l'image touristique de la France et de son littoral. Nous comptons sur un financement considérable de l'Etat et sur un concours actif du secrétariat d'Etat au tourisme.
Pour conclure, je constate une fois de plus que nous n'avons pas le courage de tirer au clair les conséquences des erreurs passées. Nous sommes plutôt animés par une forte propension à toujours vouloir tirer la sonnette d'alarme une fois que la catastrophe est survenue.
C'est pourquoi les mesures que vous avez annoncées, monsieur le ministre, doivent être considérablement renforcées. Nous attendons de votre part une plus grande solidarité et des mesures préventives à la hauteur de cette catastrophe. (Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe du Rassemblement pour la République auquel je suis rattaché, je me féilicite de l'organisation de ce débat.
Lors de sa récente visite en Dordogne, M. le Premier ministre a pu lui-même constater les dégâts occasionnés dans ce département lors des deux tempêtes du mois de décembre.
Je suis l'élu d'un département, le troisième de France par l'étendue, au nord de la première région forestière française qui a été durement affecté par les intempéries : le coût de la reconstruction avoisine le milliard de francs et il nous faut maintenant redresser la situation.
M. le Premier ministre a annoncé à l'Assemblée nationale, le 3 février dernier, les mesures décidées par son Gouvernement pour faire face aux conséquences des tempêtes ; lors de cette déclaration, il a prononcé les mots qui convenaient : « Les épreuves que nous venons de traverser ont montré que notre peuple n'était pas emprisonné dans l'individualisation et dans l'égoïsme dont on dit qu'ils le caractériseraient désormais. Au contraire, le sens de la solidarité, du voisinage, du rassemblement, s'est manifesté entre simples citoyens, chez ceux qui agissaient comme bénévoles ou professionnels, mais aussi chez les élus, qui ont su dépasser leurs divergences pour travailler ensemble. »
Travailler ensemble, monsieur le ministre, est notre souhait le plus sincère, et je suis convaincu de la bonne volonté de chacun pour résoudre des difficultés matérielles qui sont à l'origine du drame que nos concitoyens ont vécu et qui sont immenses.
Je souhaiterais revenir sur les difficultés qu'éprouvent nos concitoyens.
Les conséquences psychologiques résultant des deux tempêtes sont particulièrement lourds pour les personnes âgées. Ainsi, en Dordogne, les admissions dans les services d'urgence des hôpitaux ont été multipliées par deux, alors que nous manquions déjà des personnels hospitaliers. Pire encore, dans le centre hospitalier dont je préside le conseil d'administration, nous avons constaté, pendant une quinzaine de jours, un doublement du nombre des décès de personnes âgées et isolées.
Par ailleurs, dans ce département à vocation rurale et forestière, 400 000 hectares ont été touchés et 5 millions de mètres cubes de bois, soit l'équivalent de cinq années de production, jonchent le sol.
Je relève encore que la reprise de l'activité agricole est difficile. La préparation des terres et des semis devient une nécessité alors que les champs, les voies communales et forestières sont encore obstrués çà et là.
Chaque jour, je reçois des lettres de maires, d'organisations syndicales ou d'administrés qui expriment leur découragement ; ils se sentent démunis face aux réalités matérielles.
Ainsi, dans la seule commune de Capdrot, au sud du département, 100 tonnes de matières plastiques se sont envolées dans les champs et les bois, jusqu'au sommet des arbres. Que peut faire le maire ? Il m'a écrit récemment pour m'indiquer que, malgré la venue sur place du sous-préfet du canton, ce qui est bien normal, aucune solution au déblaiement n'avait pu être trouvée.
Mais il y a aussi les dommages causés aux élevages, aux vergers, aux haies ou aux clôtures, qui sont considérables.
Un journal local daté d'hier titrait en première page : « Un mois après la venue de Jospin en Dordogne, le temps des angoisses ». L'article poursuivait : « Le 7 janvier dernier, le Premier ministre en visite dans notre département rencontrait un producteur de lait à Sceau-Saint-Angel. » C'est une charmante petite commune de notre département, monsieur le ministre. « Un mois plus tard, rien n'a vraiment changé, si ce n'est que les jours qui passent sont autant de menaces sur l'avenir... »
Ce sentiment de découragement n'a pas un caractère politique. Un producteur l'exprime parce que de nombreux Périgourdins le ressentent, alors même que vous nous avez fait connaître les mesures d'indemnisation décidées par votre Gouvernement dans un plan d'urgence qui s'imposait.
Nous sommes toujours submergés par les demandes d'intervention et je suis sûr que mon collègue le président du conseil général de la Dordogne le confirmera tout à l'heure. Il s'agit de demandes de mise en oeuvre d'urgence de la procédure des « calamités agricoles », de demandes de création d'un fond d'urgence auprès de la Commission européenne, comme l'a rappelé M. Haenel, de demandes de renforcement urgent des effectifs dans les services de l'équipement dont les interventions hebdomadaires se sont situées bien au-delà des trente-cinq heures dont on discute aujourd'hui, de demandes d'un renforcement urgent des effectifs des militaires pour dégager les routes obstruées, de demandes de régulation urgente du gibier à la suite des dégâts forestiers, de demandes d'aide pour les victimes, prélevée sur les recettes importantes de TVA que percevra le Trésor public, grâce à la réalisation de travaux de réparation et de reconstruction des biens et bâtiments sinistrés. Il serait absurde, comme l'a dit M. Adnot, que les communes sinistrées fournissent des revenus à l'Etat sans qu'elles en tirent finalement avantage.
Ces demandes spécifiques sont considérables ; elles s'adressent au sénateur de la Dordogne que je suis et émanent d'élus locaux, d'organisations professionnelles ou de syndicats qui attendent des solutions aux difficultés inextricables dans lesquelles ils se débattent, mais elles s'adressent aussi au Sénat, force de propositions, qui, contrairement à ce que l'un de vos ministres déclarait récemment devant notre assemblée, ne se réduit pas à l'image caricaturale d'une « belle maison reposante ».
Monsieur le ministre, un député de votre majorité s'exprimait en ces termes, le 3 février dernier à l'Assemblée nationale : « Au nom du groupe socialiste, je demande que l'on nous fasse régulièrement le point sur l'évolution du dossier tempête. »
Eh bien, le Sénat souscrit entièrement à la demande de ce collègue. C'est pourquoi, le 2 février dernier, j'ai écrit au Président du Sénat pour lui suggérer que notre assemblée, qui représente l'ensemble des communes de France, mette en place, au sein de la direction des collectivités locales, une cellule de coordination restreinte qui serait l'intermédiaire entre les membres de la Haute Assemblée, les services de Bruxelles, les différents ministères ou même les préfectures. Il s'agit de créer un guichet unique.
Ce guichet unique aurait pour objet de regrouper les problèmes en les hiérarchisant et, bien entendu, d'en assurer le suivi afin de faire régulièrement le point avec le Gouvernement sur les problèmes qui ont été réglés et ceux qui ne le sont pas.
Localement, cette notion de guichet unique devrait pouvoir s'adapter : nos concitoyens sinistrés n'en peuvent plus de courir dans dix guichets à la fois, que ce soit à la préfecture, à la mairie, dans les chambres de commerce ou auprès des assurances...
Le drame récent que nous avons vécu nous démontre qu'un travail considérable de coordination et de hiérarchisation des interventions s'impose à court et à moyen terme.
Dans ce drame, nous devons aussi dissocier ce qui relève du droit privé, c'est-à-dire de l'assurance, et de la solidarité nationale, c'est-à-dire de l'Etat.
Cependant, les marges d'incertitudes sont nombreuses : à cet effet, je souhaite citer quelques exemples de pertes d'exploitation.
Prenons le cas d'un éleveur qui utilisait une cuve pour refroidir son lait. A l'issue des deux tempêtes du mois de décembre dernier, faute de courant, cet éleveur a dû jeter son lait au caniveau.
S'il fait appel à son assureur, celui-ci rétorque que le bien assuré n'a pas subi de dommage : de fait, la cuve est intacte.
L'éleveur se tourne vers EDF, puisque la rupture d'approvisionnement, est semble-t-il, une rupture de contrat.
EDF lui répond à son tour que cette carence de fourniture résulte d'un cas de force majeure. Cette réponse est un peu courte. En tout cas, elle ne saurait satisfaire l'éleveur en question. Les rayons de bibliothèques débordent, au Sénat comme dans les facultés de droit, d'ouvrages jurisprudentiels datant presque tous du siècle dernier et qui ont pour titre Responsabilité de l'Etat et cas de force majeure.
Monsieur le ministre, pour cet éleveur périgourdin, s'il y a eu rupture de courant, c'est le résultat de choix politiques faits par EDF. Le personnel d'EDF a montré sa capacité admirable à se mobiliser, mais cela n'interdit pas de s'interroger sur la politique générale de l'entreprise nationale.
Ainsi, le choix de n'avoir que quelques grandes centrales, ce qui implique le recours à de nombreuses lignes à haute tension, résulte bien d'une décision politique, tout comme celle qui consiste à retarder l'enfouissement des lignes. En Suisse et en Allemagne, le retour à la normale est intervenu en quarante-huit heures, grâce notamment à un réseau fondé sur des centrales intermédiaires.
Qu'en est-il donc du principe de précaution pour EDF ? Je me demande si l'argument de force majeure n'est pas devenu désuet ou un peu facile, comme celui de l'inexécution des lois par l'Etat au nom du principe du maintien de l'ordre public.
C'est donc un problème de responsabilité financière que nous devons examiner et sur lequel nous devons avancer. Je suis convaincu que les travaux du Sénat seront utiles et éviteront que ne se reproduisent dans l'avenir contentieux et désillusions en cas de nouvelle catastrophe naturelle.
Monsieur le ministre, les besoins sont immenses : dans la coordination et avec méthode, il nous faut continuer à adresser aux sinistrés un message fort de solidarité pour qu'ils retrouvent espoir ; les centaines de lettres ou de messages de détresse que nous recevons démontrent que, dans le drame auquel nos concitoyens sont confrontés, le Sénat par sa force de réflexion a quelque chose à apporter.
Je suis convaincu que le Gouvernement nous aidera dans cette tâche car le message que nous avons reçu, en particulier des maires des communes rurales, va bien au-delà d'une simple indemnisation ponctuelle que l'on adresse à l'Etat lorsque se produit un événement grave ou de portée nationale.
« Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat ! » (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Henri de Richemont. Excellemment dit !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, Louis Le Pensec, fort de son expérience, a formulé un certain nombre de propositions s'articulant autour de mesures préventives à prendre en matière de sécurité maritime.
Vous comprendrez que l'élue de Saint-Nazaire que je suis soit particulièrement convaincue de l'intérêt du transport maritime, à condition qu'il soit sécurisé.
J'aborderai, pour ma part, la gestion au quotidien des conséquences de la marée noire.
Avant tout, je tiens à saluer la formidable mobilisation qui rassemble sur nos plages les services de l'Etat et des collectivités locales ainsi que les bénévoles, de tous âges et de tous horizons, pour nettoyer et charrier jour après jour des tonnes de déchets, dans des conditions pénibles et épuisantes. Le Premier ministre nous a annoncé hier soir l'arrivée de renforts sur nos côtes.
Le combat que nous menons aujourd'hui contre la pollution constitue une première mise à l'épreuve du plan POLMAR tel qu'il a été revu en 1997.
Le fonds abondé par l'Etat, qui avait déjà bénéficié de 120 millions de francs, a été renforcé de 140 millions de francs ; nous allons devoir en effet passer à la phase de nettoyage des rochers, qui s'annonce délicate et coûteuse.
Aujourd'hui, à la lumière des premières réactions, il nous semble important d'ajuster certains mécanismes du plan POLMAR, et une mission d'évaluation a été confiée à cette fin à M. Sanson.
Tout d'abord, l'unanimité se fait autour de la nécessité d'améliorer le volet communication, à destination des professionnels de la mer, de la population et des élus, qui doivent planifier leurs interventions dans l'urgence et sur la durée. Ils souhaitent que l'information redescende plus systématiquement des services de l'Etat sans se perdre dans le dédale des différentes administrations concernées, que ce soit la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la direction départementale de l'équipement, la direction régionale de l'environnement, etc.
Les PC avancés sont coordonnés par des pompiers, qui sont, en quelque sorte, des « urgentistes ». Il serait souhaitable qu'y soient associés un ou des représentants des communes touchées, afin de favoriser une évaluation permanente et plus précise des besoins et de faciliter la prise en compte des conséquences économiques de cette crise.
Par ailleurs, certains scientifiques et des associations de protection de la nature ont émis des critiques sur les procédures de nettoyage et leurs incidences sur la flore ou la stabilisation des dunes. Si leurs réserves peuvent parfois irriter alors qu'il faut être présent sur tous les fronts, elles soulèvent pourtant des questions bien réelles qu'il conviendrait d'examiner avec eux.
J'ajouterai par ailleurs que les zones de préstockage, à la délimitation desquelles ont participé les collectivités, devront dans certains cas être revues. Si elles permettent de faire face à des pollutions dues à des dégazages, malheureusement encore trop fréquents, certaines se révèlent largement sous-dimensionnées, alors que, parallèlement, certains équipements situés à proximité de nos raffineries s'avèrent presque saturés ou indisponibles du fait du stockage de déchets issus du naufrage de l' Amoco Cadiz, comme c'est le cas à La Rochelle.
J'en viens maintenant à l'appréciation de l'impact économique de cette pollution.
Comme l'a rappelé le Premier ministre, il n'est pas concevable que la communauté nationale soit mise à contribution pour réparer les dégâts causés par un désintérêt fautif de l'armateur, l'inconséquence condamnable de la société de classification et le désengagement cynique de l'affréteur, TotalFina, soucieux de dégager des économies sur l'acheminement de son fret.
Conformément au principe « pollueur-payeur », ce sera donc au FIPOL et à TotalFina d'intervenir pour compenser les pertes d'exploitation des acteurs économiques, indemniser l'Etat et les collectivités locales et rembourser les avances consenties.
En ce qui concerne les travailleurs de la mer, les autorités sanitaires, sur les recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, ont préféré, à juste titre, faire prévaloir le principe de précaution et interdire temporairement la mise en vente des coquillages. On a mesuré, en cette occurrence, toute l'importance d'une définition rapide des seuils de contamination en vue de concilier les exigences de transparence à l'égard des consommateurs et la nécessaire reprise d'activité des conchyliculteurs. Dans mon département, cette mesure concernait 929 concessions sur 980 ! Quant aux activités touristiques, nombre d'entre elles se développent sur toute l'année - je pense aux thalassothérapies ou aux centres de vacances - ce qui permet de pérenniser des emplois. Or on perçoit déjà une chute des réservations pour les vacances de février.
Le FIPOL est censé intervenir pour compenser les pertes d'exploitation. Mme Demessine a d'ores et déjà confié à l'Observatoire national du tourisme l'évaluation de ces incidences afin de mesurer les pertes d'activité au regard des cinq années précédentes. TotalFina participera, à concurrence de 30 millions de francs, au financement de la campagne de 100 millions de francs lancée par les pouvoirs publics afin de revaloriser l'image des régions touchées.
Toutefois, je relève que la convention du FIPOL est particulièrement restrictive et ne vise que les entreprises qui fournissent directement des biens aux touristes.
A ce propos, je veux me faire l'interprète des inquiétudes légitimes des professionnels et des élus qui s'interrogent sur la signification concrète de la notion de « dépenses raisonnables » que le FIPOL prendra en charge. Ne risque-t-on pas d'aller au-devant d'un contentieux important dès lors que le plafond du FIPOL est fixé à 1,2 milliard de francs ?
Dernières remarques sur ce volet financier : lors de sa venue en Loire-Atlantique, M. le Premier ministre avait eu l'attention attirée sur les difficultés qu'allaient inéluctablement rencontrer les élus, dès lors qu'il fallait concilier l'urgence extrême de l'intervention et la rigueur des procédures de passation de marchés publics, procédures qui se réfèrent à des plafonds très rapidement atteints.
Cette question s'est d'ailleurs posée lors des inondations qu'ont connues les régions du Sud-Ouest ou lors des intempéries de cette fin d'année.
Or les communes dont les budgets sont parfois lourdement grevés par ces dépenses commencent à avoir des retours négatifs de la part des trésoriers-payeurs généraux.
M. Michel Charasse a déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement à la proposition de M. Fauchon, amendement qui fut adopté à l'unanimité, afin que, dans de telles situations exceptionnelles, des instructions comptables qui auraient valeur de décharge de responsabilité soient adressées aux trésoriers-payeurs généraux.
Je terminerai en évoquant bien sûr l'impact sur l'environnement d'une pollution provoquée par un fioul pour lequel il a été difficile, à l'évidence, de déterminer la nature, la toxicité et l'évolution.
Une telle évaluation ne peut se faire qu'à l'échelle d'une décennie. Déjà un premier bilan fait état de plus de 60 000 oiseaux mazoutés, mais la faune et la flore vont également souffrir des moyens que nous devrons vraisemblablement employer pour nettoyer les rochers.
Le Gouvernement a souhaité mettre en place un Observatoire de la marée noire qui établira le bilan du coût et des méthodes de nettoyage afin d'établir un protocole de suivi et de restauration des sites.
Par ailleurs, la Commission européenne a indiqué que le cinquième programme cadre de recherche comporterait un volet consacré aux polluants marins et aux écosystèmes. Je conclurai en rappelant que, malgré toutes les exigences nouvelles que nous imposerons en matière de sécurité maritime, le risque zéro n'existera pas.
Des règles existent afin d'interdire l'arrivée de navires dangereux à proximité de nos côtes. Si elles peuvent apporter une réponse à la question de la pollution immédiate de nos rivages, elles ne résolvent pas le problème de la pollution en haute mer. C'est pourquoi il nous semble intéressant d'étudier la possibilité d'édifier sur les principaux axes du trafic maritime une installation protégée offrant des facultés d'accostage et d'évacuation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la volonté du Gouvernement, réaffirmée hier soir encore par le Premier ministre devant les élus, de prendre des mesures drastiques et de mettre ces mesures en application ne fait pour nous aucun doute. Nous continuerons d'accompagner sur le terrain et au quotidien les élus locaux dont la collectivité a été touchée par la marée noire.
Le plus difficile sera évidemment de lutter contre le découragement qui gagne quand chaque jour vient effacer le travail effectué la veille (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'ouragan qui a traversé notre pays et, plus particulièrement, le département de Charente-Maritime, je souhaite tout d'abord rendre hommage au dévouement et à la solidarité dont a fait preuve l'ensemble de la population, tant les élus locaux que les agents communaux, les agents de l'Etat, les militaires, les sapeurs-pompiers professionnels et bénévoles, les agents d'EDF et de France Télécom, pour sauver des vies humaines et rétablir les conditions de la vie quotidienne.
J'avoue que, dans ces moments de détresse, la grandeur et la générosité qui émanent du coeur de l'homme sont réconfortantes et porteuses d'espoir. Je le dis parce que nous avons vécu des moments très difficiles.
Il convient toutefois, aujourd'hui, de permettre la mise en oeuvre des mesures d'urgence qui s'imposent, tant sur le plan financier que sur le plan directement opérationnel. Sur le plan financier, il faut venir en aide aux plus démunis, qu'il s'agisse de particuliers, d'entreprises ou de collectivités.
Les mesures annoncées le 12 janvier dernier doivent être précisées dans leurs modalités. En effet, aucune d'entre elles - à l'exception, semble-t-il, de celles qui concernent l'ostréiculture et la conchyliculture - n'est opérationnelle à ce jour dans mon département ; en particulier, les crédits ne sont pas délégués.
Mais, au-delà des indispensables aides financières, dont nous ne pouvons encore juger si elles seront suffisantes, le problème à régler immédiatement est celui du déblayage : déblayage du littoral, des forêts, des rivières et des marais. Or, à cet égard, nous ne disposons pas de tous les moyens humains - en particulier pour ce qui est des bûcherons qualifiés - et de tout le matériel qui seraient nécessaires.
Tant que des réponses adéquates n'auront pas été apportées au problème du déblayage, il sera inutile de parler de reconstruction - même si celle-ci doit, bien sûr, être envisagée - et notre département restera en grand danger, sur le plan des personnes et des biens comme sur le plan économique. En effet, ce n'est pas seulement la sécurité des personnes et des biens qui est en cause : de lourdes menaces pèsent également sur nos intérêts économiques, et je pense là, en particulier, à l'activité touristique.
Les forêts couvrent une large partie de notre territoire départemental.
En Charente-Maritime, le domaine forestier public représente 11 500 hectares se répartissant ainsi : 9 400 hectares de forêts domaniales, 1 100 hectares de forêts communales, 960 hectares de forêts dépendant du Conservatoire du littoral. Ces forêts sont situées particulièrement sur les sites de La Coubre, de Saint-Augustin et des îles de Ré et d'Oléron. Ce sont des massifs non productifs, mais qui sont essentiels à l'activité touristique du département, second département touristique de notre pays.
Le danger principal, sur ces sites touristiques, est le feu ; à ce jour, les pistes, les grands et les petits pare-feux ne sont pas rouverts parce qu'ils ne soit pas accessibles. Si leur accessibilité ne peut être assurée avant la saison, des moyens devront hélas ! être mobilisés l'été prochain, sur le plan national, pour venir à bout des incendies. Je le dis de manière solennelle, monsieur le ministre, nous devrons à nouveau déplorer la perte de vies humaines.
Un autre danger menace : les rivières et cours d'eau ne sont pas dégagés, et leur obstruction peut engendrer de nouvelles inondations.
Nous ne devons pas ignorer le problème de la forêt privée, qui représente 90 000 hectares en Charente-Maritime, dont un tiers en Haute-Saintonge, et qui se trouve détruite à 80 % ! Pouvons-nous laisser 3 500 propriétaires sans secours ? Et je ne compte que ceux qui possèdent plus d'un hectare de forêt ! Au total, ils sont 10 000 !
Trois millions de mètres cubes de pins maritimes doivent être extraits avant le printemps - à défaut, les maladies et le bleuissement se propageront - et, surtout, ils doivent être vendus. Or aucun débouché n'apparaît en France. Il paraît opportun de prospecter de nouveaux marchés dans la péninsule ibérique et sans le Maghreb.
Pour ce qui concerne les peupleraies, 600 000 mètres cubes sont à exploiter, et l'écoulement de ce bois dans des conditions convenables est, lui aussi, problématique.
Des monuments historiques privés ouverts au public ne peuvent, à ce jour, accueillir leurs visiteurs dans des conditions de sécurité minimale ; c'est le cas du château de la Roche-Courbon, par exemple.
En Charente-Maritime, nous avons pu, au plus fort de la crise, bénéficier - et je tiens à vous en remercier -, pour ce qui ressort du domaine de l'Etat, de la solidarité d'autres départements : Bouches-du-Rhône, Var, Alpes-Maritimes, Hérault. Nous attendons toujours de l'Etat une réponse sur la prise en charge des frais liés au séjour des personnes venues de ces départements. Les collectivités locales déjà sinistrées devront-elles prendre en charge ces dépenses concernant des opérations effectuées sur le territoire de l'Etat et qu'exigeait d'urgence la sécurité des personnes ?
Il s'agit, aujourd'hui, de sécurité publique. Faute d'une action forte dans les mois à venir, il est à craindre que le bilan en vies humaines ne soit plus élevé que celui que nous avons déjà dû déplorer.
La tempête ne pouvait pas être anticipée, certes, mais, aujourd'hui, ses conséquences sont clairement établies et les risques parfaitement identifiés.
Il est indispensable de continuer à mobiliser les moyens militaires, dont je salue l'efficacité - si nous ne les avions pas eus, nos digues n'auraient pas été reconstruites en vingt jours ! - sur le territoire tant public que privé, même si des équipes de forestiers - ouvriers et sapeurs - doivent nous rejoindre d'ici au mois de juin.
Ce n'est que lorsque ce travail préalable de nettoyage aura été achevé qu'il conviendra de commencer à envisager la reconstruction.
A ce titre, la région Poitou-Charentes, que M. Raffarin a évoquée tout à l'heure, et les départements qui la composent sont prêts à s'engager à hauteur d'un tiers, soit 600 millions de francs, sur un plan de reconstruction dans le cadre d'un avenant au contrat de plan Etat-région. Ils sollicitent l'Etat à hauteur de 1,2 milliard de francs.
Par ailleurs, il paraît souhaitable d'exonérer de TVA, à titre exceptionnel, les travaux de remise en état. En effet, il serait choquant que l'Etat récupère des recettes fiscales sur le dos des sinistrés, qu'ils soient publics ou privés.
Nous nous trouvons, d'autre part, devant un problème de procédure fort préoccupant : va-t-on nous opposer le décret n° 72-100-96, du 10 mars 1972, selon lequel les collectivités ne peuvent engager les travaux pouvant bénéficier d'aides de l'Etat avant l'arrêté de subvention, qui ne peut être délivré qu'après examen des dossiers complets, sauf dérogation spéciale, pour cause d'urgence, de maintien de la sécurité publique ? Cela ne nous semblerait pas admissible. Cette procédure dérogatoire très lourde n'est absolument pas adaptée à l'urgence de la situation. Un décret du 16 décembre 1999, relatif aux subventions de l'Etat pour des projets d'investissement, pourrait permettre de répondre au problème, mais ce décret n'est pas applicable avant le 1er avril 2000.
Or, monsieur le ministre, vous le savez comme moi, les collectivités locales ont évidemment dû engager des travaux. Je vous sais suffisamment pragmatique pour comprendre que nous devions faire face à une situation d'urgence. Si le décret que j'ai évoqué était appliqué, tout ce qui a été fait dans la solidarité se trouverait pénalisé.
Je vous demande donc avec insistance d'user de toute votre influence pour faire en sorte que, dans cette situation exceptionnelle, cette réglementation puisse être quelque peu assouplie dans les mois qui viennent. Ce serait une mesure de bon sens, et je sais pouvoir compter sur vous.
Nous vous demandons que la solidarité nationale s'exprime clairement de manière prompte et opérationnelle.
Nous ne saurions admettre que les fruits de la croissance dont l'Etat bénéficie actuellement - et dont on parle beaucoup ! - ne viennent pas abonder les efforts de reconstruction des départements sinistrés. Il serait difficilement compréhensible qu'en l'absence d'une solidarité nationale adaptée aux difficultés rencontrées les collectivités locales soient amenées, pour y faire face, à augmenter la fiscalité locale tandis que l'Etat réduirait ses propres prélèvements.
Quarante-quatre jours après l'ouragan, il y a urgence à agir. La population, aujourd'hui, ne peut se contenter des annonces faites. Les crédits doivent être immédiatement délégués au niveau départemental, les dossiers instruits, les aides promises versées, les procédures allégées et les moyens mis à notre disposition.
Je partage l'analyse du président de la région, Jean-Pierre Raffarin, pour ce qui concerne les cultures maraîchères et florales.
Dans ce domaine, les efforts exemplaires de la ville de Rochefort sont ruinés.
M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé.
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, pardonnez-moi : je suis tellement passionné par ce drame !
Il faut donc, pour ce secteur, des mesures exceptionnelles, comme il en faut pour toutes les communes qui ont connu des inondations.
Monsieur le ministre, je compte sur votre efficacité pour que la solidarité nationale s'exprime en faveur des familles sinistrées de Charente-Maritime afin qu'elles retrouvent leur sérénité, et je vous en remercie à l'avance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Henri de Richemont. Voilà qui est très bien dit !
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes ches collègues, l'ouragan du 27 décembre 1999 dernier a fortement touché l'Aquitaine, et plus particulièrement le département de la Gironde, dans ses composantes urbaines et rurales, ses infrastructures routières, son réseau électrique. Mais c'est surtout son agriculture et sa forêt qui se trouvent une nouvelle fois confrontées à un sinistre d'une ampleur exceptionnelle.
Je tiens à mon tour à m'associer aux remerciements adressés à toutes les personnes qui se sont tant dévouées pour porter secours et assistance.
Même s'il est encore difficile de dresser un bilan précis du volume de bois renversé, on peut avancer le chiffre de 27 millions de mètres cubes en Aquitaine.
Incontestablement, le département de la Gironde a payé un lourd tribut puisque 35 % du massif forestier, soit 18 millions de mètres cubes, y sont détruits, alors que la production annuelle commercialisée est de 2,6 à 2,9 millions de mètres cubes. Ce sont six à sept années de récolte qui sont anéanties, avec toutes les conséquences qui en découlent pour les producteurs. Dans le Médoc, particulièrement sinistré, 80 % des 130 000 hectares sont détruits. Cela signifie qu'au minimum 10 millions de mètres cubes de bois sont à terre.
Ces chiffres donnent une idée de la violence de la tempête. J'ajoute que celui qui n'a jamais vu la forêt médocaine après son passage ne peut imaginer le quasi-bombardement qu'elle a subi.
La catastrophe est à la fois économique et écologique. Les conséquences sont immédiates et multiples.
Il faut savoir que, en Aquitaine, l'ensemble des activités de la filière forêt-bois-papier représente 28 000 emplois et un chiffre d'affaires de 17 milliards de francs, l'équivalent de celui des vins de Bordeaux.
Pour beaucoup de sylviculteurs, qui attendaient de récolter les fruits de quarante à cinquante ans d'investissements, la perte de revenu est considérable. Certains sont complètement ruinés et n'ont même plus l'espoir de transmettre leur capital forestier à leurs enfants.
De même, beaucoup de communes propriétaires de forêts se voient privées d'une grande partie de leurs recettes pour très longtemps.
Des parcelles entières ayant été ravagées, les problèmes de lutte contre les incendies se posent d'ores et déjà. Les forestiers réclament, monsieur le ministre de l'intérieur, le stationnement à titre préventif des hélicoptères et bombardiers d'eau dès le mois de mars.
Déjà, les cours ont chuté très fortement en raison de l'apport massif de bois sur le marché. Et il ne faut pas oublier la masse de bois non commercialisable issue de jeunes boisements sinistrés, qui devront faire l'objet d'une destruction totale avant les nouveaux travaux de reboisement.
M. Henri de Richemont. S'ils ne prennent pas feu !
M. Gérard César. Exactement !
Sur le plan de l'environnement, les conséquences de la déforestation se feront sentir sur le niveau de la nappe phréatique, et les îlots de culture risquent d'en souffrir. Ne perdons pas de vue que la forêt de pins a été plantée pour assainir cette région, sachant qu'un pin absorbe quatre-vingts litre d'eau par jour.
La qualité de l'air sera également affectée. En Médoc, le climat peut s'en trouver modifier, ce qui pourrait avoir des répercussions sur l'activité viticole.
Je n'aurai garde d'oublier les graves conséquences de cette catastrophe sur le tourisme et l'image de notre belle région, aspect que d'autres orateurs ont déjà évoqué.
Le plan national pour la forêt comporte des mesures positives. Toutefois, eu égard à la singularité du pin maritime en Aquitaine - bois fragile, qui « bleuit » très vite et dont le prix n'est guère élevé -, les sylviculteurs ont rapidement pris conscience de l'inadéquation entre les mesures annoncées et les besoins des forestiers. A l'évidence, la dimension de la catastrophe, ses conséquences pour les forêts et leur renaissance ont été sous-estimées.
Dans ces conditions, le financement d'une action volontariste sur cette région est indispensable pour débloquer la situation et abaisser le niveau de tension qui se fait jour un peu partout. Messieurs les ministres, le temps presse. Dans un mois, il sera trop tard. Il y a donc urgence à sauvegarder le maximum de bois d'oeuvre dans le minimum de temps.
Parmi les mesures urgentes à prendre, celle qui est prioritaire est l'aide au transport, qui devra être sectorisée. Elle est indispensable à la mobilisation effective des bois et elle sera déterminante pour les opérations de stockage. Les moyens prévus à cet effet, malgré l'enveloppe supplémentaire, restent encore très insuffisants et inadaptés au regard des enjeux économiques et des coûts engendrés par la perte des bois.
Le Médoc étant la partie la plus isolée du département et la moins bien pourvue en voies de communication, la solution du transport par route, par voie ferrée et voie navigable sur l'estuaire est à étudier, en particulier dans une perspective d'exportation massive vers la péninsule Ibérique, les pays scandinaves et même l'Extrême-Orient.
Une autre mesure urgente est l'exploitation des bois. Les besoins en machines et en hommes pour le bûcheronnage et le débardage étant considérables, leur venue et leur transport de l'étranger devraient être facilités. Certes, des demandeurs d'emploi seront formés, mais il faut faire vite. Il faut, par ailleurs, prendre en considération les limites imposées par l'acquisition de matériels nouveaux qui ne serviront pas après la crise, par manque de bois.
Les pertes de revenus des sylviculteurs doivent être impérativement compensées. Entre le surcoût des frais d'exploitation des chablis et la forte diminution des prix, les sylviculteurs ont perdu l'essentiel de leurs recettes et leur avenir est fortement compromis. Aujourd'hui, il est clair qu'une subvention pour reboiser ne suffira pas à convaincre un propriétaire forestier de réinvestir pour quarante ans si de fortes mesures d'accompagnement ne lui sont pas accordées.
Après les trois mesures de première urgence dont je viens de parler, il y a lieu d'affecter des moyens au stockage des bois. Avec un potentiel d'arbres sur pied amputé de plus de 30 % dans le département, on peut légitimement s'inquiéter quant à la configuration industrielle au sortir de la crise.
Si l'on veut sauver des usines et des emplois, il faudra « lisser » les effets de la tornade, en particulier par le recours au stockage de produits bruts ou semi-ouvrés.
Le système de prêts mis en place pour le stockage est peu attractif, tout au moins pour le pin maritime, essence qui se conserve mal et se trouve pénalisée par son faible coût unitaire.
La remise en état des infrastructures forestières - pistes, routes et fossés - devra se faire rapidement, notamment en zone humide, en raison du risque de remontée du plan d'eau. Ni les communes rurales ni les associations de défense de la forêt contre l'incendie n'auront les moyens de le faire.
Enfin, sur le plan fiscal, des mesures d'accompagnement devront être prises touchant à l'exonération de la taxe foncière à compter du 1er janvier 2000, au classement en lande des parcelles sinistrées, à l'impôt sur le revenu de ces mêmes parcelles ou encore à l'exonération des mutations pendant de nombreuses années.
Il y a lieu aujourd'hui, messieurs les ministres, de répondre à l'urgence, mais aussi de préparer l'avenir avec le projet de loi d'orientation de la forêt et de la filière bois.
Parmi les pistes de réflexion que nous devons explorer, je citerai : la mise en place d'un fonds de calamités forestières, en s'inspirant de ce qui a été fait dans d'autres secteurs et l'incitation à la prévention.
De ce point de vue, la défiscalisation de la taxe prélevée dans le cadre des associations de défense de la forêt contre l'incendie se justifie du fait, bien sûr, des risques d'incendie, mais aussi du fait de leur rôle d'aménagement du territoire après les incendies, accidents - pistes, hydraulique - sans oublier leur apport dans l'organisation des traitements phytosanitaires. Par exemple, la part prise par ces associations dans le dégagement des pistes et fossés après la tempête a été déterminante.
Je citerai encore l'aménagement foncier des parcelles avant la replantation : l'incitation à l'investissement me semble également une voie à explorer. Aujourd'hui, la question de l'investissement en forêt et de sa gestion à long terme est posée. Les récents événements climatiques démontrent la pertinence du concept de plan épargne forêt. La défiscalisation des sommes déposées dans un tel plan constituera une incitation déterminante - et la moins coûteuse pour l'Etat - pour le succès de ce concept.
En résumé, messieurs les ministres, la sortie de la situation actuelle requiert de mener conjointement cinq types d'opérations : augmenter les moyens de mobilisation des bois ; augmenter la capacité de sciage ; accroître le stockage par voies sèche et humide - si l'expérience actuellement menée par le comité interprofessionnel des bois d'Aquitaine est concluante -, favoriser l'exportation par des soutiens financiers et stimuler la demande du produit bois, comme vous l'avez dit voilà quelques instants, monsieur le ministre de l'agriculture.
Je dis qu'à situation exceptionnelle il faut des mesures exceptionnelles.
Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans parler du monde agricole, qui se trouve une fois de plus confronté à une épreuve. Je connais - nous connaissons - son courage et sa détermination, qui se sont concrétisés, et ce, à titre bénévole, par le dégagement des routes départementales et communales obstruées par la chute des arbres. Cependant, les blessures sont très profondes, et il faudra beaucoup de temps et de moyens pour les guérir.
A ce jour, la chambre d'agriculture de la Gironde a recensé 750 exploitations sinistrées, pour un montant total de dégâts non couvert par les assurances estimé à 100 millions de francs, hors forêt et ostréiculture. Je crains que, malheureusement, ces chiffres ne soient pas définitifs.
Les exploitations les plus touchées sont celles qui pratiquent le maraîchage sous tunnels en plastique. Les petits éleveurs de volailles fermières ont également beaucoup souffert, ainsi que les éleveurs de gibiers, qui perdront des débouchés à cause de la fermeture prématurée des chasses privées. Les stocks de fourrage des éleveurs de bovins à viande et d'ovins ont été affectés, et deux élevages laitiers ont été complètement anéantis, dont l'un par les inondations de la Garonne. J'ajoute que les pivots destinés à l'arrosage des céréales ont été couchés à terre et brisés par la force du vent.
Les pertes d'exploitation étant considérables et souvent mal, voire pas du tout assurées, il apparaît insuffisant de mobiliser uniquement les outils actuels, le FAC, le fonds d'action conjoncturelle, et les offices, pour y faire face. La reconstruction ne pourra pas être financée exclusivement par un recours à l'emprunt, compte tenu du niveau d'endettement déjà atteint par certaines exploitations.
Le Gouvernement a pris des mesures d'urgence. Il me paraît indispensable de les compléter, afin que tous les agriculteurs sinistrés puissent être indemnisés correctement. Ceux qui ont tout - ou beaucoup - perdu et sont mal assurés ne ressortissent à aucune des procédures en cours et, pour eux, la solidarité nationale doit pouvoir s'exprimer par le biais de moyens spécifiques.
De plus, lors du débat budgétaire, j'avais souligné, monsieur le ministre de l'agriculture, le désengagement financier du fonds des calamités agricoles : pas un centime inscrit en 1999, 50 millions de francs budgétés en 2000. Ce jour-là, vous nous aviez promis, monsieur le ministre, que vous tiendriez vos engagements et que ce fonds serait alimenté...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Si nécessaire !
M. Gérard César. ... en fonction des besoins, si nécessaire, pour reprendre vos propres termes.
Vous voilà malheureusement au pied du mur ! Les agriculteurs français attendent leurs justes indemnisations.
De même, je me réjouis qu'au côté de l'Etat français, se joigne bientôt - du moins je le souhaite - l'Europe grâce aux fonds structurels et aux crédits d'urgence. La région Aquitaine, le conseil général de la Gironde accompagnent d'ores et déjà les différentes mesures destinées à favoriser le soutien économique et social aux nombreux sinistrés, démunis face aux réalités matérielles évidentes.
J'attends des précisions sur les 500 millions de francs supplémentaires que le Premier ministre a annoncés et sur l'application pratique et rapide de ces mesures.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gérard César. Je conclus, monsieur le président.
Messieurs les ministres, vous avez tous déclaré vouloir aider ceux qui ont souffert à surmonter ce grave sinistre. Je prends acte de cette déclaration, car nous savons que les moyens financiers existent. La solidarité nationale doit s'exprimer aujourd'hui, mais aussi dans la durée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la tempête qui a traversé la France du Nord au Sud, touchant, en cette fin de millénaire, soixante-neuf départements, n'a pas épargné le Sud-Ouest, plus particulièrement au creux de la deuxième vague, celle du 27 décembre 1999, qui a pris en écharpe un certain nombre de ces départements, tant sur la côte atlantique qu'à l'intérieur des terres.
Parmi eux, la Dordogne est sans doute, avec certains de ses voisins, l'un des plus sinistrés.
Au lendemain du 27 décembre, c'est la totalité du territoire départemental qui se trouvait privée d'électricité et, par voie de conséquence, d'eau et de téléphone. Autant dire que nous nous trouvions en état d'urgence, situation dont nous ne sommes définitivement sortis qu'au bout de trois semaines.
Ensuite seulement est venu le temps du bilan, qui est évidemment très lourd.
Je m'abstiendrai d'autant plus d'en dresser ici le tableau complet que vous connaissez bien la situation puisque M. le Premier ministre, précédant de quelques jours M. le ministre de l'agriculture, a pris le temps de venir en mesurer la réalité sur le terrain.
Pour aller à l'essentiel, disons que, outre l'immensité des dégâts concernant les biens privés, les deux secteurs économiques les plus touchés sont la sylviculture qui, avec 5 millions de mètres cubes de bois couchés, doit trouver les moyens de traiter et d'écouler dans l'urgence l'équivalent de cinq années de production, et l'agriculture qui, entre les dégâts aux installations et les pertes d'exploitation, a subi un préjudice chiffré à ce jour à 600 millions de francs. Des filières entières sont sinistrées en particulier, la filière noix, ce qui est symbolique dans ce département. En une nuit, s'est envolé le revenu agricole d'une année !
Pour faire face à une telle tourmente, nous pouvons néanmoins nous réjouir d'avoir pu compter sur trois grandes forces.
Il s'agit d'abord de l'élan de solidarité unanimement souligné à cette tribune.
Il s'agit ensuite de la solidité et de l'efficacité de nos grands services publics, au sein desquels je voudrais particulièrement distinguer les services de secours et d'incendie, EDF et les forces armées.
Il s'agit enfin de la solidarité gouvernementale qui s'est manifestée.
Elle a pris la forme d'un plan d'aide tout à fait exceptionnel par son ampleur et par les sommes qu'il mobilise et tout à fait adapté à l'éventail des situations qu'il prend en compte.
Pour autant, fidèles à votre pratique de la concertation, vous avez souhaité, messieurs les ministres, participer aux débats organisés sur ce sujet la semaine dernière à l'Assemblée nationale, et aujourd'hui au Sénat pour entendre les propositions des parlementaires afin d'améliorer encore l'efficacité de ce plan d'aide gouvernemental.
Prenant comme exemple le cas spécifique de la Dordogne, je vous citerai deux pistes au moins qui pourraient vous guider en vue d'adapter les dispositions que vous avez prises et de prévoir, si possible, les abondements nécessaires.
Elles concernent tout d'abord le plan en faveur de la forêt. Certes, nous ne contestons ni l'effort qu'il représente - avec en particulier 12 milliards de francs de prêts aidés et 640 millions de francs supplémentaires dégagés la semaine dernière pour l'aide à la prise en charge des coûts de transport et de stockage - ni les perspectives qu'il offre pour la replantation.
Il nous semble en revanche que ces dispositions ne sont pas tout à fait adaptées à la structure spécifique de la forêt périgourdine, qui représente tout de même le troisième massif français.
M. Henri de Richemont. C'est toute la forêt française qui est en cause !
M. Bernard Cazeau. Notre forêt n'est en effet comparable ni à celle des Vosges, où la propriété publique domine, ni à celles des Landes ou de la Gironde souvent organisées autour de grandes exploitations à caractère industriel.
M. Henri de Richemont. Elle est comparable à celle de la Charente !
M. Bernard Cazeau. La forêt périgourdine est, elle, une forêt paysanne, composée à 80 % de petites parcelles d'une superficie inférieure à quatre hectares et qui représentent pour leurs propriétaires essentiellement un complément de revenu, voire une forme d'épargne. C'est dire que la forêt est en quelque sorte, pour eux, une soupape de sécurité.
Or, si les dispositifs ne sont pas adaptés, la plupart de ces petits propriétaires ne pourront pas concrètement bénéficier des aides gouvernementales. De ce fait, complètement découragés, voire rebutés par l'ampleur de la tâche, ils risquent de renoncer à véritablement débarder la forêt, or, il faut la nettoyer pour la reboiser.
Il serait donc souhaitable, si l'on veut s'engager dans un délai raisonnable vers la restauration de nos forêts, c'est-à-dire de nos paysages, d'imaginer des dispositifs spécifiques. Une solution envisagée est la constitution de groupements d'employeurs dont la prise en charge en Aquitaine se ferait par les collectivités territoriales et les agriculteurs, et pour lesquels il serait souhaitable que l'Etat prenne en charge l'exonération des charges sociales au moins pendant la durée de dégagement des chablis.
M. Henri de Richemont. Très bien !
M. Bernard Cazeau. Ma deuxième proposition concerne l'agriculture et les pertes d'exploitation qu'elle a subies. Celles-ci sont partiellement prises en charge dans le cadre du fonds des calamités agricoles.
Considérant l'ampleur exceptionnelle de la catastrophe, il me semble qu'il serait bon d'envisager, peut-être au cas par cas, en fonction du préjudice subi par telle ou telle filière, comment le taux habituel de prise en charge de ces calamités, soit 35 %, pourrait être exceptionnellement relevé jusqu'à 60 % ; je crois savoir que la région Aquitaine a décidé de prendre en charge 15 % ; l'Etat ne pourrait-il pas faire de même ? Enfin, certains seuils d'accessibilité aux aides, en particulier le seuil de vingt noyers groupés pour la filière noix, ne pourraient-ils pas être abaissés ?
Je ne voudrais pas conclure cette intervention sans tirer, à mon tour, à la suite de mes collègues, quelques enseignements des difficultés que nous venons de connaître. En effet, s'il nous faut nous féliciter de l'efficacité avec laquelle les services publics ont su réagir, il ne faut pas pour autant ignorer les orientations qui permettraient à l'avenir de nous mettre mieux à l'abri de telles difficultés, ou qui nous permettraient de mieux les gérer.
Tout d'abord, bien sûr, c'est de la fragilité du réseau EDF qu'il s'agit. J'ajoute ici ma voix à celle de tous ceux qui ont souhaité un plan très volontariste d'enfouissement, en particulier du réseau à moyenne tension, mais aussi, comme l'ont dit certains de nos collègues députés, en faveur d'une multiplication des sources locales d'approvisionnement en électricité, limitant de ce fait le rôle et la présence des réseaux à très haute tension.
Parallèlement, il nous faudra prendre le temps d'analyser la manière dont les instances de gestion des urgences ont pu répondre à une catastrophe d'une ampleur sans précédent. Ce sera peut-être l'occasion de s'interroger sur la rapidité de mobilisation des moyens, qui ont pu, ici ou là, faire défaut dans les premiers temps. Ce serait surtout, je crois, l'occasion de mener, au sein des services de l'Etat et en partenariat avec les collectivités locales, une réflexion en profondeur sur ce que pourrait apporter, en de telles circonstances, un véritable processus de communication de crise.
Sur tous ces points, je sais pouvoir compter sur votre écoute, messieurs les ministres. Je vous remercie par avance des décisions nouvelles que saura prendre le Gouvernement. Elles nous permettront de vous montrer très bientôt un visage plus rayonnant de la Dordogne, entre autres départements, que celui qu'offrait une veillée à la lampe à pétrole, si chaleureuse soit-elle. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Henri de Richemont applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la tempête survenue à la fin décembre, exceptionnelle par sa violence, a entraîné des conséquences dramatiques qui ont été maintes fois évoquées par les intervenants qui m'ont précédé à cette tribune.
Le plan national pour la forêt, inscrit dans les mesures d'urgence qui ont été annoncées par le Gouvernement le 12 janvier dernier, constitue un dispositif satisfaisant.
Toutefois, compte tenu de l'ampleur des conséquences économiques - quatre années de production commercialisée sont à terre - les inquiétudes restent profondes et chaque jour qui passe les aggrave. Chaque jour, en effet, ce sont environ 300 000 mètres cubes de bois de qualité qui sont définitivement perdus et qui constitueront en outre un obstacle à la reconstitution.
M. Henri de Richemont. C'est vrai !
M. Claude Huriet. Comme je l'ai dit, les mesures annoncées sont satisfaisantes, mais elles doivent être désormais effectivement mises en place d'extrême urgence, la situation risquant de devenir périlleuse dans les toutes prochaines semaines, qu'il s'agisse des risques phytosanitaires ou d'incendie, du salissement des coupes et de l'envahissement par la végétation du fait de la mise en lumière des sols.
Pour répondre à ces inquiétudes, les ministères concernés doivent faire diligence, ce qui n'est, semble-t-il, pas le cas, hormis pour le ministère de l'agriculture.
Le ministère de l'intérieur refuse de lever les barrières à l'intervention de professionnels qualifiés provenant de pays extérieurs à l'Union européenne, notamment ceux qui ont une activité saisonnière arrêtée en hiver.
Le ministère de l'emploi et de la solidarité met en avant l'existence de 8 000 chômeurs recensés par les ANPE pour refuser toute arrivée de professionnels étrangers, alors même qu'un très faible pourcentage de ces chômeurs sont aptes à intervenir dans les exploitations de chablis.
Quant au ministère de l'équipement, des transports et du logement, ses positions, parfois « exotiques », génèrent de longues et coûteuses discussions qui font perdre un temps précieux.
Ces attentes sont, pour la plupart, celles des propriétaires forestiers sylviculteurs et des communes forestières. Pour ces dernières, des mesures spécifiques doivent être prises, telles que la libre gestion des fonds disponibles provenant de la vente du chablis.
Avec plus de cent de nos collègues, dont M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France, et M. Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, j'ai déposé une proposition de loi organique à cette fin, à laquelle vous avez fait référence dans votre propos, monsieur le ministre.
Cette proposition de loi tend à permettre aux communes forestières, pendant une période limitée et en vue d'une gestion souple et dynamique, de placer des fonds libres sur le marché privé, plus rémunérateur, chacun en convient, que les bons du Trésor.
Ces circonstances exceptionnelles justifient, en effet, qu'une dérogation soit apportée au principe posé par le décret impérial du 27 février 1811 imposant le dépôt obligatoire au Trésor, principe repris dans l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 aux termes duquel « les collectivités territoriales de la République et les établissements publics sont tenus de déposer au Trésor toutes leurs disponibilités ».
Cet article prévoit effectivement une possibilité de dérogation « admise par le ministre des finances » à titre exceptionnel. Les circonstances que nous venons d'évoquer, messieurs les ministres, ont à l'évidence un caractère exceptionnel et l'immensité des dégâts aurait pu appeler une telle disposition.
Puisque le ministre des finances n'a pas utilisé cette possibilité, il appartient au législateur d'en prendre l'initiative, et tel est bien l'objet de notre proposition de loi. Monsieur le ministre, vous avez annoncé une procédure simplifiée pour le dépôt au Trésor. Comprenez-le bien, notre proposition va beaucoup plus loin, car elle est fondée sur le rapport des fonds placés, compte tenu des difficultés qui attendent les communes forestières. Nous demandons instamment, messieurs les ministres, que le Gouvernement veuille bien inscrire très rapidement cette proposition de loi à l'ordre du jour du Parlement. Pouvez-vous nous faire part des intentions du Gouvernement ?
Pouvez-vous aussi, pour répondre à l'inquiétude et à l'impatience des propriétaires forestiers, vous engager sur un calendrier précis pour la mise en oeuvre effective, sur le terrain, des mesures annoncées voilà près d'un mois par le Gouvernement ?
Il en va, et vous en êtes, comme nous, convaincu, de l'avenir de la forêt française, qui est notre patrimoine commun, et des activités économiques qu'elle génère. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, six semaines se sont déjà écoulées depuis les tempêtes du mois de décembre 1999. Il en reste dix pour tenter de sauver, notamment, plusieurs millions de mètres cubes de hêtre qui seront irrémédiablement perdus au-delà du 15 avril, s'ils ne sont pas commercialisés ou stockés sur des parcs humides.
Lors des déplacements que vous avez effectués dans divers départements, vous avez pu, messieurs les ministres, mesurer l'ampleur des dégâts causés à la forêt dans toute la France, en particulier dans ce qu'on appelle le Grand Est.
M. Henri de Richemont. Et la Charente !
M. Jacques-Richard Delong. Le 12 janvier, le Premier ministre a annoncé des mesures financières importantes en faveur de la forêt. Le 3 février, une enveloppe de 500 millions de francs destinée à favoriser les transports de chablis a été ajoutée.
Cependant, l'impatience, voire l'exaspération, monte de jour en jour chez les élus des communes forestières. Notre fédération a d'ailleurs fait une déclaration en ce sens, et vous connaissez, messieurs les ministres, ma modération naturelle. (Sourires.)
Contrairement aux arbres chablis, les élus forestiers gardent encore les pieds sur terre. Ils attendent que les mesures décidées par le Gouvernement se traduisent dans les faits : à ma connaissance, pas un franc n'est disponible à ce jour dans les départements pour engager l'exploitation forestière qui constitue la première phase.
Les procédures en vigueur en temps normal dans les administrations françaises s'avèrent totalement obsolètes dans la crise que nous traversons. Aussi faut-il les suspendre.
Il faut que les moyens financiers arrivent de toute urgence dans nos massifs forestiers. Messieurs les minitres, je vous le demande avec la plus grande insistance : faites dire dans les prochains jours aux maires et à tous les acteurs de la filière forêt-bois à quelles échéances se traduiront, sur le terrain, les aides que vous avez vous-mêmes annoncées.
Les acteurs de la filière ont découvert, en particulier, et avec stupeur, la situation ubuesque et inadaptée à un pays comme la France dans laquelle se trouve la circulation des camions grumiers.
M. Henri de Raincourt. C'est exact !
M. Jacques-Richard Delong. En dépit des moyens financiers que vous venez d'accorder, et qu'il faudra certainement accroître si le système fonctionne, cet imbroglio technico-réglementaire risque de tout compromettre !
Messieurs les ministres, redites aux maires des communes sinistrées que leur situation financière sera examinée au cas par cas, afin que leur soit versée une subvention de fonctionnement dûment calculée en compensation des pertes occasionnées par les chablis.
Je vous citerai un seul exemple : le cas de la commune de Frasne dans le Doubs. J'ai reçu, vendredi, un appel de détresse de la part du maire de cette commune que l'on disait « riche » : les tempêtes ont renversé un volume de 70 000 mètres cubes dans la seule forêt communale.
Plusieurs centaines de communes se trouvent dans une situation analogue. Le revenu net dégagé par les forêts communales du quart Nord-Est de la France était jusqu'alors consacré aux investissements. Qu'en sera-t-il demain et pour combien d'années après cette catastrophe ?
La situation est très angoissante pour les maires dont beaucoup font face courageusement à l'adversité : peuplements saccagés, paysage bouleversé, bois qui ne se vendent pas ou qui sont bradés, car les requins ne sont pas seulement aquatiques. Sourires sur plusieurs travées.) Il faut ajouter le spectre des attaques parasitaires, le gel des coupes et les préoccupations financières dès l'année 2000.
Il ressort que la forêt communale française a environ l'équivalent de trois récoltes de bois réduites à l'état de chablis. La perte en volume et en valeur marchande engendrera une perte financière d'au moins cinq milliards de francs, sans compter les coûts de stockage, le gel des coupes, la remise en état des parcelles, la lutte contre les parasites et la reconstitution des forêts détruites.
Par ailleurs, la forêt offre au public des possibilités d'accueil qui donnent une grande attractivité à de nombreuses communes. Le préjudice causé par les tempêtes à l'esthétique des forêts sera sensiblement aggravé dès l'été prochain, si l'exploitation des chablis est peu avancée, et surtout si les insectes xylophages s'attaquent aux arbres sains qui ont pu résister à la violence du vent.
Un malheur n'arrivant jamais seul, après les « rapaces » qui voudraient parfois s'emparer à bon compte des bois de nos communes, on a lu et entendu dans les médias beaucoup de sottises proférées par des esprits ignorants mais qui se veulent savants - car la France est un pays où le diplôme de savant se décerne au petit bonheur (Sourires.) ... ou au petit malheur, si vous préférez - par des esprits prétentieux et par d'autres carrément polémiques - et c'est peut-être incurable (Nouveaux sourires.) - qui s'en prennent à la gestion passée des forêts françaises, volontiers qualifiée de passéiste, conduite par des gestionnaires rétrogrades, avec la caution de communes conservatrices par définition car elles héritent d'une longue tradition, qui plus est rurale, donc archaïque, on pourrait presque dire en plaisantant sénatoriale.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Oh non !
M. Henri de Raincourt. Quel scandale !
M. Jacques-Richard Delong. Mais, bien entendu, je ne le crois pas, monsieur le ministre, cela va de soi.
Au lieu de préconiser des médecines de sorciers - je ne dirai pas de sorciers africains afin de ne pas encourir des reproches d'ordre ethnique - il serait plus sage de recourir aux compétences de sylviculteurs qualifiés et de scientifiques sérieux car, malgré tout, il y en a.
Il est choquant, pour les forestiers français comme pour les élus des communes forestières, d'entendre dire que la forêt française ne connaît la régénération naturelle que depuis quelques années : en effet, c'est nous qui l'avons inventée et c'est M. Parade, professeur à l'Ecole nationale des eaux et forêts, qui l'a mise en oeuvre en 1830. Les Allemands, très tardivement, n'ont pu que nous imiter,...
M. Henri de Richemont. Pour une fois !
M. Jacques-Richard Delong. ... même s'ils nous ont rattrapés dans d'autres domaines !
Je crois savoir que le sapin se trouve dans son aire écologique sur les versants de la montagne vosgienne, et je ne pense pas que M. le ministre de l'intérieur nous dira le contraire.
M. Henri de Raincourt. Il n'en a pas l'intention !
M. Jacques-Richard Delong. Va-t-on prétendre, si nous écoutons certains écologistes distingués - ils sont forcément distingués ! - qu'il faudra désormais le remplacer, pour plus de sûreté et plus de solidité, par des plantations de chêne pédonculé ?
C'est tellement risible que l'on se demande pourquoi on n'y plante pas carrément des cactus ! (Sourires.)
Que signifient les anathèmes lancés contre « le productivisme effréné de l'Office » - il s'agit, bien entendu, de l'Office national des forêts - et l'hystérie antirésineux, largement exagérée pour ce qui concerne les forêts communales puisque l'office y plante des feuillus - il n'y a plus de résineux ! - depuis 1974 ?
Si des chênes de 250 ans ont été, malheureusement, abattus par les rafales de vent, ces arbres vénérables n'avaient-ils pas été préservés, jusque-là, grâce à des générations de forestiers et d'élus ?
M. Gérard César. C'est vrai !
M. Jacques-Richard Delong. Toutes les essences, toutes les formes de sylviculture, qu'elles soient régulières ou irrégulières, ont été touchées.
Une bataille d'Hernani sur la forêt française ne peut que conduire à des débats stériles peu enclins à favoriser la reconstitution des massifs.
Nous n'accepterons jamais de laisser croire aux Français qu'il est possible d'installer des peuplements forestiers capables de résister à des vents soufflants à 200 kilomètres à l'heure. La preuve ? Les poteaux en béton d'EDF n'y ont pas résisté non plus ! (Sourires.)
Si la forêt communale a doublé sa production, c'est bien grâce à la double action des élus des communes forestières et de l'Office national des forêts, et nous sommes très fiers, messieurs les ministres, d'avoir obtenu ces résultats malgré des participations de l'Etat qui ont été, disons-le, dérisoires. Mais nous n'avons pas l'habitude de faire la quête à la sortie de l'église, nous nous débrouillons autrement !
Les forêts communales constituent, avec la forêt domaniale, le moteur amont de la filière forêt-bois. Les communes forestières éprouvent la satisfaction d'apporter à la nation beaucoup plus de richesses qu'elles ne demandent de moyens.
Je veux rendre ici un hommage solennel aux élus des communes forestières, qui sont quotidiennement « sur le pont » et Dieu sait si le pont est actuellement branlant ! et aux personnels de l'office, qui, après avoir subi un véritable traumatisme, accomplissent ensemble un travail difficile, qui s'étalera sur de longs mois, pour préserver le patrimoine forestier français dans son ensemble.
Qu'on laisse les forestiers travailler avec leur savoir-faire au lieu de les culpabiliser ! Aussi je vous demande, monsieur le ministre de l'agriculture, vous qui êtes chargé de ce lourd dossier de la forêt, de lancer une campagne de communication visant à établir la réalité et à soutenir tous les acteurs qui sont à la peine aujourd'hui. J'ai effet en mémoire un reportage télévisé où l'Office national des forêts était véritablement tourné en ridicule. Certes, son personnel n'est pas uniquement constitué par des saints ou par des fonctionnaires d'un dévouement uniforme, mais il ne méritait vraiment pas un tel traitement.
Il ne faudrait pas que soit mis en péril l'organisateur de la forêt française, qui est actuellement la mieux structurée du monde.
Les ministres des finances successifs n'ont eu de cesse de faire fondre la provision de conjoncture de l'Office, qui serait pourtant aujourd'hui un outil bien utile. J'espère que la leçon sera retenue pour l'avenir et que le futur contrat entre l'Etat et l'ONF prendra en compte les évènements actuels. J'espère, mais je vous avoue que je n'y crois pas trop ! (Sourires.)
Les forces déchaînées de la nature viennent d'infliger un handicap de dix années dans la lutte contre l'effet de serre par le boisement, si l'on en croit l'objectif affiché par la France à Kyoto.
Les communes forestières se proposent toujours de combattre l'effet de serre en boisant, en quinze ans, malgré les problèmes actuels, un million d'hectares supplémentaires, capables de dégager deux millions de tonnes d'oxygène par an.
Travaillant sur le très long terme, forestiers et élus possèdent et cultivent les vertus de la discrétion, de la patience et du courage. Apollinaire leur a rendu hommage : « Les forestiers sont les généraux de la paix. On ne leur a pas monté de monuments. Leurs monuments sont les forêts. »
Du courage, il nous en faudra encore beaucoup, mais nous le trouverons, messieurs les ministres, pour reconstituer le patrimoine forestier que nous léguerons à nos successeurs.
A travers le rapport Bianco, le Gouvernement a manifesté de l'ambition pour la forêt française. Nous sommes arrivés, si nous ne l'avons pas dépassé, au point où les intentions deviennent plus nuisibles qu'utiles si elles ne se traduisent pas en actions.
Alors, monsieur le ministre de l'agriculture, vous qui êtes le grand maître de la forêt française, et vous, monsieur le ministre de l'intérieur, vous qui êtes le grand maître des communes, qu'elles soient forestières - ce sont les plus intéressantes, c'est vrai ( Sourires ) - ou qu'elles ne le soient pas,... »
M. Henri de Richemont. Et les propriétaires privés ?
M. Jacques-Richard Delong. ... nous comptons sur vous pour agir, et pour agir très vite ! ( Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants ).
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le département que j'ai l'honneur de représenter a subi les deux tempêtes consécutives de la fin de l'année 1999.
Il en est résulté le tableau suivant : les voiries nationales, départementales et rurales ont été coupées par les chutes d'arbres sur un nombre de kilomètres dont je ne connais pas l'estimation ; 60 000 foyers sur 85 000 ont été privés d'électricité ; des lignes de haute tension ont été coupées ; 2 600 kilomètres de lignes de moyenne tension ont été détruites et plus de 2 000 kilomètres de lignes de basse tension ont été détruites, essentiellement par des chutes d'arbres ; plus de 3 millions de mètres cubes de forêts ont été détruits, pour une production annuelle de bois de 480 000 mètres cubes, avec toutes les conséquences qu'il faudra envisager sur le devenir des voiries forestières, communales et départementales lors du bardage.
En ce qui concerne le monde agricole et rural, actuellement, près de 7 000 déclarations de sinistres ont été enregistrées auprès du groupe d'assurances Groupama, qui n'est pas le seul assureur, pour un montant de pertes estimé supérieur à 75 millions de francs.
J'ajouterai, pour faire bonne mesure, que 6 000 lignes téléphoniques, soit 2 500 kilomètres de câbles, ont été détruites, privant de communication 16 000 abonnés, sur une zone où vivent moins de 20 habitants au kilomètre carré et qui s'étend sur plus de 300 000 hectares.
Dès la fin de la tempête il a fallu faire face, organiser la riposte, créer et mettre en place une cellule de crise dont le fonctionnement a été directement géré par le préfet. Cette cellule a fonctionné du 27 décembre 1999 au 10 janvier 2000, date à laquelle elle a été transformée en cellule de veille fonctionnant également 24 heures sur 24, assurant encore la gestion des groupes électrogènes, démontrant en quelque sorte la permanence des services de l'Etat et des départements, palliant toute éventualité, notamment les coupures d'électricité pouvant résulter de la fragilité de certaines réparations faites dans l'urgence.
La cellule de veille a été levée le jeudi 13 janvier au soir.
Ces cellules ont été remarquables dans leur fonctionnement et dans leur organisation pour faire face à cet événement à caractère statique que sont les tempêtes aboutissant à un effondrement sur les voies et dans les bois d'une quantité énorme d'arbres, surtout résineux, et nécessitant des secours à une population totalement isolée : voiries coupées, plus de radio, d'électricité, de télévision, de téléphone, et souvent plus d'eau.
M. Gérard César. Et plus de chauffage !
M. Michel Moreigne. Un effort considérable de communication, de contact et d'organisation immédiate d'opérations marquant le retour à la vie a été effectué. La radio locale a contribué à maintenir un petit lien de vie.
Des urgences sont apparues qu'il a fallu traiter, démontrant ainsi au public la réalité du rendement des secours.
Je citerai notamment parmi ces premières urgences la mise à l'abri de près d'une centaine de naufragés de la route, la mise à l'abri, l'hébergement et l'alimentation des passagers du train Paris-Toulouse à La Souterraine, le rétablissement de la circulation sur la seule voie nationale, la RN 145, dès la première journée, la sauvegarde des collectivités et individus dépendant de la desserte électrique, la réalimentation en électricité par des groupes électrogènes de vingt maisons de retraite et établissements de handicapés, et l'hospitalisation des insuffisants respiratoires.
Dans le même temps, il a fallu rétablir les signes de retour à la vie par l'ouverture des autres routes du réseau dit secondaire, la réalimentation des réservoirs d'eau, la réalimentation des autocommutateurs de téléphone pour reconnecter des grappes d'abonnés, l'ouverture de centres d'accueil dans les salles polyvalentes et la mise à dispositions de plus de cent lits hospitaliers pour accueillir en urgence les personnes âgées et les malades.
Toutes ces actions ont été menées en communiquant avec la population au moyen d'un service, le seul qui soit resté opérationnel et auquel il faut rendre hommage, La Poste : dès le 28 décembre, les postiers et préposés sont passés dans toutes les maisons, qu'il y ait eu ou non du courrier à distribuer.
Cette action a été menée sous l'autorité du préfet en associant les élus locaux et départementaux à la gestion de la crise, avec la création de dix cellules cantonales dont trois regroupaient six cantons au sein de communautés de communes. Quoi qu'on dise sur les communautés de communes, leur action est à saluer !
Ces cellules ont également assumé au plan strictement local leur mission de prise en compte des besoins au plus près de la population. Elles ont ainsi apporté des réponses de solidarité, d'accueil, d'assistance, et elles ont surtout indiqué aux équipes de préparation EDF affectées localement où se trouvaient précisément les pannes et les coupures du réseau.
Ainsi, ce dispositif a permis le rétablissement de la desserte électrique. Le 6 janvier, environ 13 400 foyers étaient encore privés d'électricité, le 7 janvier, 8 800, et le 8 janvier, 755.
Mon département, parmi les plus touchés, est sorti le premier de la crise.
Quels enseignements sont à tirer de ce drame, de ce malheur et de ces efforts ?
Les efforts de tous sont à souligner - pompiers, EDF, services de l'équipement, volontaires, plus de 1 000 militaires mis à disposition, des équipes spécialisées en électricité venant de pratiquement tous les pays d'Europe -, sans oublier les efforts des agriculteurs qui ont été les principaux acteurs : tout cela a constitué un acte de solidarité remarquable, aux côtés, bien sûr, des élus, qu'il nous faut bien citer, même si c'est avec humilité.
En quinze jours, les pompiers ont effectué autant d'interventions que pendant près d'un an, ce qui représente tout de même un palmarès extraordinaire.
Toutefois, un petit bémol doit être mis : force est de constater l'inadéquation de certains matériels mis à disposition par les armées. Petit détail qui a son importance, les prises de raccordement électrique de l'armée et celles d'EDF ne sont pas compatibles. C'est un enseignement comme un autre ! Bon nombre d'établissements d'accueil pour personnes âgées et handicapées n'ont pas de groupe électrogène de secours, sauf ceux qui bénéficient d'un abonnement particulier qui ne se renouvelle plus, « l'effacement en jour de pointe ».
De même, le monde agricole ne dispose pas toujours des groupes de secours nécessaires. La traite des vaches a subi de ce fait, M. le ministre de l'agriculture, les conséquences que vous savez. Les congélateurs ont souffert, même si les communes en ont abrité quelques-uns dans leurs locaux. Les élevages hors sol se sont arrêtés.
L'isolement complet des chefs-lieux de commune par absence de téléphone est à prendre en compte. Le seul lien a souvent été la brigade de gendarmerie la plus proche, en passant par leur réseau de radio-téléphone. Les téléphones mobiles n'ont pas survécu longtemps au défaut d'autonomie en énergie de leurs relais.
J'ai eu sous les yeux les propositions de M. Patrice Lagadec, que vous connaissez sans doute bien, monsieur le ministre.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Moreigne.
M. Michel Moreigne. J'en termine, monsieur le président.
Il a écrit dans la revue Administration de janvier 1995 : « Conçues pour le traitement de situations normales, consolidées à la marge par des services d'urgence, préparées à traiter des brèches bien déterminées, nos organisations se trouvent rapidement prises à contre-pied, minées par des concurrences externes, déstabilisées et profondément mises en question par de telles situations. ».
S'il n'en a pas été ainsi en Creuse, en raison d'une organisation particulièrement efficace, ne vous semble-t-il pas opportun de demander aux préfets de dresser, sur la base d'un même schéma, le compte rendu du déroulement et de la gestion de la crise des tempêtes ? Ne pourrait-on, par exemple, créer un organisme chargé de faire des propositions après avoir visité les départements où l'action a été la plus significative, afin d'obtenir ainsi des retours d'expérience ? La mise en place de formations de responsables de première ligne des cellules de crise ne serait-elle pas nécessaire ? Enfin, l'installation d'un comité national des crises ou des catastrophes regroupant des spécialistes de la gestion de crise pourrait-elle être envisagée ?
Vos déclarations et celles de M. le Premier ministre répondent largement à ces préoccupations, notamment au travers de la création de la mission interministérielle d'évaluation.
Les mesures prises par le Gouvernement ont été rappelés par vous-même et par de nombreux intervenants. Elles ont apporté beaucoup d'apaisements. Les dégrèvements, les aides aux sinistrés, la compensation des frais des communes, notamment, sont très appréciés.
Dès maintenant, se mettent en place des réunions cantonales avec les maires, les trésoriers-payeurs généraux, les sous-préfets, pour faire le point des indemnisations.
M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé.
M. Michel Moreigne. Reste un point important que je ne peux passer sous silence : la compensation des dépenses des SDIS dans leur propre circonscription d'intervention, qui n'apparaît pas nettement dans votre exposé, monsieur le ministre. Ne pourrait-on pas réserver un sort particulier aux pompiers volontaires ?
Telles sont, au sortir de la crise, messieurs les ministres, les observations que j'ai cru devoir faire sur le vécu de cette catastrophe épouvantable à laquelle population, administration, services publics, élus ont fait face avec un grand dévouement et, souvent, une grande efficacité. Il reste à en effacer les conséquences, et je vous en remercie à l'avance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord exprimer ma reconnaissance à toutes celles et à tous ceux, Français et étrangers, qui, au cours de ces dernières semaines, ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour aider nos concitoyens à surmonter les conséquences des drames que nous avons connus.
Je rends un hommage appuyé et sincère à tous les agents des services publics concernés, civils et militaires, mais aussi à tous les élus, aux maires et aux bénévoles si nombreux qui se sont dépensés sans compter.
Messieurs les ministres, on a beaucoup parlé de la forêt, et, en tant qu'élu d'une commune rurale de Charente, je pourrais également évoquer la catastrophe écologique et économique qu'a entraînée cette tempête.
Mais je veux aujourd'hui limiter mon propos aux quelques questions qui se posent après le naufrage de l' Erika et la marée noire qui s'est ensuivie afin de savoir quelles mesures peuvent être envisagées pour protéger nos côtes, assurer la sécurité des personnes et réparer les dommages.
Mes chers collègues, les pollutions maritimes de ces dernières années sont à l'origine des conventions internationales qui régissent tant la responsabilité des armateurs que la réglementation en matière de sécurité. Ce système international a été mis au point après le désastre du Torrey-Canyon, qui a donné lieu aux conventions de 1969. Celles-ci permettent aux Etats d'intervenir en pleine mer et rendent l'armateur responsable de plein droit de tout dommage par pollution, le régime de responsabilité n'étant plus fondé sur la faute. Il s'agit, toutefois, d'une responsabilité canalisée, en ce sens qu'aucune action ne peut être intentée contre l'affréteur.
Vous connaissez également le plafond de responsabilité qui a été mis en place par cette convention. Il a été doublé par la convention de 1971 sur le FIPOL, le fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
Me Simon écrivait dans le Journal de la Marine marchande : « Trente ans de pollution, trente ans de législation ». Il ne suffit pas, messieurs les ministres, de légiférer pour empêcher les pollutions, car le risque maritime est lié à l'expédition maritime : on n'évitera jamais les explosions, les abordages, les échouements qui sont à l'origine de pollutions maritimes.
La vraie question est donc de savoir si les textes existants sont bons, s'ils doivent simplement être mieux appliqués, ou s'il convient de les amender.
La réforme des règles de responsabilité par l'intermédiaire des lois françaises est impossible, car la matière - je l'ai indiqué tout à l'heure - est régie par les conventions internationales. Il serait difficile d'obtenir de l'Organisation maritime internationale, l'OMI un nouveau chantier de réformes.
Je sais bien - on en a beaucoup parlé ! - que, sur le plan théorique, nous pourrions, comme l'ont fait les Américains avec l' Oil Pollution Act, envisager de déclarer l'affréteur responsable au même titre que l'armateur ; mais cela ne changerait pas grand-chose, car la communauté maritime internationale admettrait difficilement que les limitations de responsabilités se cumulent. On aurait ainsi deux responsabilités pour un même plafond. A quoi bon ?
La seule question qui se pose est donc vraiment celle de l'augmentation du plafond des limitations, comme nous le permet l'article 15 de la convention de 1995, mais aussi des limites de réparation incombant au FIPOL.
En ce qui concerne la réglementation, messieurs les ministres, c'est, depuis toujours, la règle du pavillon qui s'applique. Je sais bien que l'OMI a commencé à faire valoir la règle de contrôle du pavillon par l'Etat du port. Mais il ne s'agit que d'une faculté, sauf pour les Etats de l'Union européenne parce que le protocole de Paris, qui a été transposé dans le droit national par une directive du mois de juillet 1996, impose le contrôle d'au moins 25 % de navires dans nos ports, avec un droit de rétention quand ils ne sont pas conformes aux règles en vigueur.
Cela étant, ce protocole n'est pas appliqué, car moins de 10 % des navires sont contrôlés. L'Union européenne ne devrait-elle pas, sous l'impulsion de la France, porter cette obligation à 30 % ou à 35 % des navires et rendre obligatoire ce contrôle, qui nous apparaît aujourd'hui indispensable, pour tous les navires pétroliers ?
Il est vrai que l'efficacité de ce contrôle dépend des moyens en argent et en hommes, et je me réjouis que M. Gayssot ait annoncé dans Le Monde de ce soir que le nombre d'inspecteurs serait doublé, passant de 50 à 100.
Il existe toutefois, même au niveau européen, des disparités nationales qui peuvent entraîner la fuite des navires à problèmes vers les ports où l'administration a la réputation d'être moins rigoureuse. Une dimension européenne doit donc être donnée aux contrôles, qui sont aujourd'hui exclusivement nationaux. D'où la nécessité d'une coopération entre l'Etat du port et l'administration européenne. C'est par cette coopération, que la France pourra, lorsqu'elle présidera l'Union européenne, essayer de mettre en oeuvre, qu'on arrivera à améliorer la sécurité dans le transport maritime et à protéger nos côtes.
Messieurs les ministres, je profite des quelques minutes qui me restent pour vous demander de penser à l'avenir de la flotte de commerce battant pavillon national.
M. Gayssot, dans Le Monde d'aujourd'hui, se plaint qu'il n'y ait que 200 navires qui naviguent sous pavillon national, alors que 150 naviguent sous des pavillons dits de complaisance. Pourquoi ? Parce que nos lois et nos règlements pénalisent notre flotte et l'empêchent d'être compétitive par rapport aux armements concurrents. Là est tout le problème.
M. Gayssot dit qu'il faut rendre notre flotte attractive. Ce ne sera possible que si on la rend concurrentielle. Ce sera mon dernier mot, messieurs les ministres : mon seul rêve est que notre pavillon puisse continuer à flotter et à rayonner à travers le monde. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tous ceux qui sont intervenus ce soir à cette tribune ont témoigné, avec la sensibilité qui est la leur, de l'importance et de la réalité de la solidarité nationale en ces temps d'épreuve, témoignant des détresses dont ils avaient été les témoins.
Je suis heureux de constater l'accord qu'ils ont exprimé sur la qualité du service public et sur le rôle qui revient à l'Etat, même si j'ai bien entendu qu'un certain nombre de procédures paraissaient lentes à se mettre en oeuvre.
Et puisque certains ont demandé un guichet unique, sachez qu'il y a, dans chaque département, un représentant de l'Etat, et un seul ; c'est le préfet, qui est chargé d'assurer la coordination des services et sous la responsabilité duquel a été placée la commission dite d'indemnisation, qui, au niveau national, a comme correspondant la commission présidée par le préfet Lebeschu.
Je salue le ton courtois des propos qui ont été tenus aujourd'hui.
M. le président. C'est la tradition au Sénat, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Sans doute, mais je l'ai remarqué tout particulièrement aujourd'hui, compte tenu des angoisses qui peuvent légitimement s'exprimer dans notre pays.
Je ne mésestime pas du tout les difficultés de mise en oeuvre sur le terrain. Comme je l'ai dit, il y a un préfet dans chaque département et, à l'échelon du ministère de l'intérieur, la direction générale des collectivités locales et le bureau des concours financiers, qui veillent à la mise en oeuvre des procédures dans les délais les plus rapides.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez fait part de beaucoup d'expériences sur le terrain. Vous avez fait des suggestions concrètes et vous avez montré ce qu'était le « vécu » de cette crise, comme l'a dit M. Moreigne. Cela a été très enrichissant et pour moi-même et pour mon collègue Jean Glavany, à qui je laisserai le soin de répondre sur tout ce qui concerne la forêt, les communes forestières, d'une manière générale l'agriculture et la pêche. (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Richemont. Beau bébé !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Pour ma part, j'évoquerai brièvement le problème de la police et de la sécurité maritimes. C'est le ministère de l'équipement, des transports et du logement qui est chargé de coordonner l'organisation.
Dans la mesure où les règles qui existent ne sont pas mises en oeuvre, on doit se poser la question de l'affirmation d'une volonté politique au niveau non pas seulement de la France mais de l'Europe...
M. Jacques Delong. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ...pour nous doter d'un système comparable à celui des Etats-Unis, avec des garde-côtes.
En tout cas, sachez que ce sera l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne au cours du second semestre de cette année. Dès le comité interministériel de la mer, le 28 février, les mesures les plus urgentes, ou en tout cas les grandes orientations, seront annoncées.
M. Le Pensec, qui a une grande expérience en la matière, a fait beaucoup de suggestions intéressantes. Il a proposé de renforcer certains moyens, en particulier les hélicoptères lourds, et de nous doter de remorqueurs de nouvelle génération. Tout cela sera pris en compte.
M. Darniche a évoqué les responsabilités dans le naufrage de l' Erika. Je lui rappelle qu'une procédure judiciaire est ouverte pour établir les responsabilités des uns et des autres et qu'il n'appartient pas à l'exécutif de se substituer au judiciaire, bien que chacun, naturellement, puisse avoir sa petite idée.
Mme Dieulangard a posé le problème des communications. Là encore, je pense qu'il appartient aux préfets de faire en sorte que la communication fournie soit bien relayée, aussi bien vis-à-vis des professionnels de la mer que des citoyens et des communes.
J'en viens à la mise en oeuvre d'un certain nombre de procédures.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, s'agissant du plan POLMAR, M. le Premier ministre a ajouté 140 millions de francs aux 120 millions de francs qui représentaient la dotation initiale. Celle-ci a déjà été presque entièrement consommée puisque, sur 113 millions de francs, la Charente-Maritime a reçu 1,7 million de francs, le Finistère 2,1 millions de francs, la Loire-Atlantique 61,5 millions de francs, le Morbihan 10,8 millions de francs, la Vendée 17,4 millions de francs et la préfecture maritime 18,8 millions de francs.
S'agissant des arrêtés de catastrophe naturelle, je rappelle que les conséquences des tempêtes et des ouragans sont pris automatiquement en compte, indépendamment de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; que les garanties d'assurance des catastrophes naturelles permettent la prise en charge des dommages causés par les inondations, les vagues et les mouvements de terrains ; que la reconstitution des espaces verts appartient à la première catégorie des garanties d'assurance, c'est-à-dire à la couverture automatique.
Toutefois, certaines dépenses relèvent de la catégorie des biens non assurables ou mal assurés. C'est pour cette raison que le Gouvernement a décidé un plan national, en particulier pour la forêt.
M. Raffarin a posé le problème des contrats de plan. Je suis bien conscient qu'il faut faire un effort qui tende à l'équilibre, mais qui manifeste aussi la solidarité nationale. J'ai donc bien compris le message.
M. Arnaud a évoqué la substitution de l'Etat aux assureurs. Je lui répète qu'elle n'est pas possible. Les assureurs doivent d'abord faire leur travail, l'Etat intervenant ensuite, et l'on ne peut dissocier ces procédures, qui relèvent du droit des assurances, des aides publiques exceptionnelles que le Gouvernement a décidé de mobiliser au profit des particuliers, des collectivités locales ou des entreprises. Je crois qu'il s'agit quand même de l'une des bases du système que nous avons proposé. Celui-ci peut paraître un peu complexe, mais il faut tenir compte de toutes les situations, qui sont elles-mêmes extrêmement variables.
M. Peyronnet a soulevé le problème des délégations de crédits. Je tiens à souligner à cet égard que, depuis le 1er janvier 2000, 112 millions de francs ont été transférés par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 62 millions de francs étant d'ores et déjà délégués aux préfets de trente-huit départements - il s'agit ici des secours d'extrême urgence pour les victimes de calamités publiques - le reliquat devant l'être dans les tous prochains jours. Tout cela prend un peu de temps, il faut être patient.
M. Peyronnet a aussi évoqué la prise en charge de la remise en état des chemins d'exploitation et des voies forestières. Cela sera fait grâce aux prêts bonifiés mis en place par le ministère de l'agriculture et de la pêche.
S'agissant de l'enlèvement des embâcles, son coût pourra être pris en compte dans l'optique du financement mis en oeuvre au titre du chapitre 67-54.
D'autres orateurs ont évoqué la situation des communes forestières. Je ne m'étendrai pas sur ce point, laissant à M. Glavany le soin de leur répondre.
M. Branger a, quant à lui, parlé des conditions dans lesquelles jouaient les règles appliquées aux subventions à l'investissement. S'agissant des dommages causés par les tempêtes et les inondations, à titre exceptionnel, les règles traditionnelles - la subvention doit être notifiée avant le commencement des travaux et ne doit pas représenter plus de 80 % du coût total - ne s'appliquent pas. Lorsque les travaux sont à effectuer d'urgence, la subvention peut être notifiée après le commencement des travaux. Un décret permettra également de déroger à la règle des 80 % dans les communes défavorisées ayant subi des dommages très importants. Les subventions pourront aller jusqu'à 100 % pour les communes qui connaissent des difficultés budgétaires importantes.
M. Henri de Raincourt. C'est très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. S'agissant des subventions d'investissement qui pourraient abonder les surcroîts de dotation globale d'équipement, je verrai ce qu'il est possible de faire. Je rappelle tout de même que la DGE pourra, bien sûr, privilégier les projets de reconstruction liés aux catastrophes.
MM. Branger et Moreigne ont évoqué la prévention des incendies. Des moyens aériens seront prépositionnés à Bordeaux et à Cahors,...
M. Gérard César. Je l'ai demandé, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... deux Canadair dès le printemps, pour pouvoir intervenir très vite dès le déclenchement d'un feu. Des moyens terrestres supplémentaires - USC et sapeurs-pompiers territoriaux - seront également amenés sur la côte ouest lorsque les conditions météorologiques deviendront plus sévères.
Il y a, bien entendu, des risques d'incendie, et nous y sommes très attentifs. La direction de la défense et de la sécurité civile a demandé au préfet de zone de défense sud-ouest d'établir tous les rapports nécessaires à cet égard.
M. Cazeau a souhaité une mobilisation plus rapide des moyens. Nous sommes en train de réfléchir et, dans le cadre de la mission Sanson, des propositions seront faites. J'ai demandé un rapport d'étape afin que nous puissions agir rapidement et pour que le COAD, au niveau national, puisse apparaître très vite comme l'instance interministérielle qu'il est et pour que, par ailleurs, au niveau des zones de défense, des moyens nouveaux soient mis en oeuvre pour renforcer les centres inter-régionaux de coordination opérationnelle de la sécurité civile, les CIRCOSC.
MM. Joly et Raffarin ont parlé du tourisme. Un certain nombre de mesures ont été annoncées pour revaloriser l'image des régions sinistrées. Le prochain comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, qui se tiendra à Nantes, le 28 février, portera particulièrement sur ces mesures.
En tout cas, sachez, mesdames, messieurs les sénateurs que nous sommes d'une extrême vigilance, pour que, à partir des moyens très importants réunis par le Gouvernement, l'administration puisse faire son travail dans les meilleurs délais. Chaque directeur d'administration, chaque préfet, est sensibilisé à ces problèmes. Je leur demande de tenir compte des sentiments de la population dont vous vous êtes faits, à juste titre, les interprètes en fournissant au Gouvernement beaucoup d'informations dont il ne manquera pas de tenir le plus grand compte. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur le ministre, nous sommes très sensibles aux compliments que vous venez d'adresser aux différents intervenants qui vous ont rapporté avec précision, avez-vous dit, les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Cela tient au fait que les sénateurs exercent aussi un mandat de maire !
Cela prouve combien, outre un mandat national, un mandat local est indispensable pour une parfaite appréhension de la situation sur le terrain. Mais je n'insiste pas, je crois que vous m'avez compris ! (Sourires.)
M. Gérard César. Excellent !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mon collègue et ami Jean-Pierre Chevènement, par amitié et solidarité, a souhaité me laisser le soin de traiter, outre les problèmes forestiers, les problèmes des communes forestières. Cette attention me touche, mais ces communes, soit un tiers des communes françaises, ne relèvent ni de ma tutelle, ni de ma compétence. (Sourires.)
Je répondrai toutefois à M. Delong que les dépenses de fonctionnement relatives aux travaux forestiers ne sont pas éligibles au fonds de compensation de la TVA, car ce n'est pas dans la nature de ce fonds. Cela étant précisé, les dépenses d'élagage, de débardage, d'exploitation forestière bénéficieront - M. le Premier ministre l'a confirmé - d'un taux de TVA réduit à 5,5 %. Cette mesure est importante.
Quant à l'idée de mutualiser les ressources des communes forestières, sans doute cette période de crise est-elle propice pour l'initier et la proroger à long terme. Les représentants des communes forestières seront donc consultés sur le contenu d'un dispositif de soutien au budget des communes forestières sinistrées. M. Delong le connaît.
Je m'en tiendrai, en quelques mots, à trois thèmes : les délais de versement des aides, la forêt et l'agriculture.
S'agissant des aides, vous avez été nombreux à insister sur l'urgence qu'il y avait à les débloquer.
Je me référerai aux inondations qui ont frappé le département de l'Aude au mois de novembre. Alors que cette catastrophe a eu lieu avant la mi-novembre, nous avons versé les premières aides aux agriculteurs sinistrés fin décembre, soit moins de deux mois après. C'est un record historique de rapidité ; tous les élus de l'Aude peuvent le confirmer.
Nous entendons faire de même, en l'occurrence non plus pour un seul département, mais pour plus de soixante. Nous avons pris tous les dispositifs pour tenir ce délai et verser les aides à la fin du mois de février, même s'il faudra pour cela parfois forcer le pas et brusquer les énergies.
M. Delong a dit qu'à ce jour pas un franc n'avait été encore versé à la forêt. Malgré la cordialité de nos rapports, je suis désolé de lui confirmer qu'au moins 327 millions de francs ont déjà été délégués aux départements forestiers !
Chaque jour qui passe nous amène à prendre des mesures nouvelles pour rendre le dispositif plus opérationnel. En tout état de cause, je veux vous assurer de la détermination du Gouvernement à tenir les délais.
M. Claude Huriet. Il n'y a pas seulement les délais de versement des aides !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous assure que si l'on tient ce délai de deux mois dans plus de soixante départements et que l'on égale le record de l'Aube en termes de rapidité, ce qui ne s'était jamais vu dans aucun sinistre, ce sera exemplaire !
En matière agricole - et je réponds là à plusieurs d'entre vous, notamment à M. César - c'est un peu plus simple, si j'ose dire, parce que l'agriculture est, hélas ! habituée à subir des calamités. Nous disposons d'instruments adaptés : le fonds des calamités agricoles, le fonds d'action conjoncturelle, et d'autres procédures encore, telles que les procédures AGREDIF, ou agriculteurs en difficulté. Nous avons aussitôt actionné l'ensemble de ces dispositifs en les surévaluant.
Par exemple, pour les calamités agricoles, nous avons augmenté de dix points les taux d'indemnisation, raccourci les délais et baissé les taux des prêts bonifiés pour arriver à des prêts à 1,5 %. En tout cas, nous faisons le maximum.
Je voudrais dire également, et je réponds là très précisément à M. César qui m'a rappelé les promesses que j'avais faites lors du débat budgétaire sur le fonds des calamités agricoles que, tout d'abord, nous disposons encore, s'agissant de ce fonds, d'une trésorerie de 1,2 milliard de francs. Aujourd'hui, les dossiers recensés en termes de calamités s'élèvent à environ 2 milliards de francs ce qui, compte tenu des taux, même augmentés de dix points, représente une dépense de l'ordre de 600 millions de francs, dont 400 millions de francs peuvent être utilisés à très court terme. Nous avonc donc de quoi faire face. Je vous confirme que l'Etat, si nécessaire, augmentera ces fonds mais, dans l'état actuel des choses, nous n'avons pas d'inquiétude particulière.
J'ajouterai un dernier mot sur le plan agricole mais qui rejoint également le plan de la conchyliculture et de la pêche. N'oublions pas que nous avons mobilisé plusieurs centaines de millions de francs : 300 millions de francs pour les offices agricoles et 300 millions de francs pour l'OFIMER, à titre d'avance de trésorerie s'il s'agit de biens assurés, ou dans l'attente des versements du FIPOL pour la marée noire.
S'agissant des dommages non pris en charge par les assurances, vous connaissez comme moi la procédure, monsieur César. Nous pourrons y faire face, notamment dans l'horticulture ou dans l'élevage, par le biais des offices. De même, pour les ostréiculteurs, les conchyliculteurs, les pêcheurs, ces fonds sont mobilisables à très court terme, avec une grande souplesse d'intervention.
J'en viens à la forêt. Un plan a été mis en place le 12 janvier, quinze jours après le désastre, ce qui traduit, là aussi, une réaction ultra-rapide du Gouvernement pour un plan de cette envergure. Plusieurs orateurs ont relevé qu'il prévoyait sans doute un peu trop de prêts bonifiés et pas assez de crédits. Je suis assez d'accord avec eux.
D'ailleurs, comme M. le Premier ministre l'avait dit ce jour-là, nous modifierons en cours de route le dispositif. Je vous indique à ce sujet que, notamment pour l'aide au transport qui s'est révélée indispensable pour dégager ces bois, ces chablis, nous sommes passés de 200 millions de francs, essentiellement au profit de la SNCF, à 700 millions de francs, puisque 500 millions de francs ont été affectés au transport routier.
Un décret ou un arrêté du ministre de l'équipement et des transports sera pris aujourd'hui ou demain pour préciser les modalités d'utilisation de ces crédits.
Vous voyez que nous tenons compte de vos remarques, monsieur Delong. Mais elles rejoignaient les nôtres, c'est pour cela qu'il a été facile de s'entendre !
Je vous ai déjà confirmé, monsieur Delong, que 327 millions de francs sont délégués. Il ne s'agit donc pas d'un simple fonds et nous continuons à progresser sur ce point.
Par ailleurs, tout en usant d'un ton très courtois, vous avez critiqué le budget en qualifiant certaines mesures de « dérisoires ». Je ne peux pas laisser dire cela ! Pour la forêt, hors tempête, elles s'élevaient en effet à 500 millions de francs, vous le savez, monsieur le sénateur. (M. Delong s'exclame.)
La suppression des taxes, que toute la filière réclamait depuis des années, nous l'avons décidée. C'est quand même notable.
Je vous confirme de plus que le Gouvernement s'est engagé à déposer le projet de loi sur la forêt au premier semestre 2000. Cette tempête qui a tant sinistré notre forêt française rend encore plus urgente la discussion de ce texte. Probablement va-t-elle rendre plus...
M. Jacques-Richard Delong. Animée !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... plus forte la pression à propos de certaines mesures que nous souhaitons tous, mais qui ne sont pas encore définitivement arrêtées !...
Ce sera une très bonne occasion pour nous, non seulement d'avoir une grande discussion sur l'avenir de la forêt française, qui est une grande richesse pour notre pays, une richesse encore insuffisamment exploitée, mais aussi de tirer les leçons, collectivement, de ces tempêtes qui ont fait tant de mal à nos forêts. (Applaudissements.)
M. Jean Faure. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le ministre, les communes forestières qui n'ont pas été sinistrées mais dont les recettes diminueront cette année, car elles n'auront pas vendu leur bois, bénéficieront-elles de prêts de trésorerie remboursables, par exemple en cinq ans ?
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée et distribuée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales ont présenté des candidatures à des organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Paul Blanc, membre du conseil national du bruit,
- MM. Pierre Hérisson et André Jourdain, membres du conseil national de la montagne.

8

VOLONTARIATS CIVILS

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 179, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code de service national. [Rapport (n° 199, 1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc à nouveau réunis pour examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif aux volontariats civils.
Je tiens tout d'abord, en mon nom et en celui de M. Hubert Védrine, à saluer une nouvelle fois l'esprit positif et constructif qui a constamment présidé à l'élaboration de ce projet de loi.
Je tiens tout particulièrement à remercier M. Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. J'associerai à ces remerciements Mmes et MM. les sénateurs membres de cette commission ainsi, bien évidemment, que son président.
Vous connaissez notre ambition, et je sais que vous la partagez, vos débats en attestent : mieux affirmer encore, sous une forme renouvelée, les missions civiles confiées à ce jour à des appelés du service national, mais aussi, conjointement, satisfaire à des exigences et des attentes très fortes, aussi bien individuelles que collectives, au service de la solidarité nationale et internationale.
Pour que le volontariat civil réunisse les conditions de son développement futur et soutienne notre volonté d'amplifier notre champ de coopération, il fallait un cadre juridique spécifique, clarifié et adapté, qui prenne en compte les structures d'accueil dans leur pluralité, mais qui réponde aussi, de façon adéquate et précise, au souhait de nombreux jeunes gens et jeunes filles de vivre une expérience susceptible de profiter autant aux autres qu'à eux-mêmes.
Je voudrais redire ici que le volontariat civil n'a pas d'autre ambition, pour ce qui concerne les associations, que celle de leur proposer un dispositif complémentaire de celui de droit privé relevant du décret du 30 janvier 1995, qui continuera de constituer une alternative pour leur action.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement, vous le savez, a voulu tenir le plus grand compte de vos propositions. Les amendements votés en première lecture par la Haute Assemblée ont amélioré sensiblement le texte qui vous était soumis. L'Assemblée nationale en est convenu et a pour sa part entériné en quelque sorte les aménagements ou précisions que vous avez voulu apporter, qu'ils soient d'ordre technique ou qu'ils visent à renforcer l'attractivité du dispositif.
Je rappellerai ainsi, en particulier, l'élargissement d'accès aux classes d'âge qui ne relèvent pas du nouveau code du service national, l'extension de la couverture sociale des volontaires à leurs ayants droit, mais aussi l'amélioration de la reconnaissance du volontariat par la délivrance d'un certificat d'accomplissement ou encore, dans le même esprit, la prise en compte du temps du volontariat pour la validation des acquis professionnels.
Vous aviez souhaité, par ailleurs, que l'exonération fiscale des indemnités supplémentaires servies aux volontaires expatriés soit étendue à l'indemnité de base commune à toutes les formes de volontariat. L'Assemblée nationale vous a rejoints sur ce point. Cette disposition installe une exception, puisque des indemnités ou des rémunérations d'un montant comparable sont soumises à imposition. Le Gouvernement, cependant, sensible à vos arguments et soucieux de préserver le climat consensuel qui entoure ce texte de loi, a finalement décidé de l'agréer.
Des modifications supplémentaires, complémentaires - je le crois - de celles que vous avez vous-mêmes adoptées, ont été introduites à l'occasion du débat devant l'Assemblée nationale. Ces modifications, qui, pour l'essentiel, ont été approuvées par le Gouvernement, ne remettent pas en cause la philosophie du projet. Elles la confirment en soutenant l'équilibre du dispositif et en soulignent les ambitions.
Je pense d'abord à la nécessité de veiller à un égal accès des hommes et des femmes, conformément aux exigences qui découlent du principe de parité. Je pense aussi, notamment, à l'ouverture de ce volontariat aux jeunes ressortissants de l'Union européenne ou de l'espace économique européen, qui auront vocation à accomplir leur volontariat dans un pays tiers. C'est là un signe très manifeste de la détermination de la France à affirmer l'idée de citoyenneté européenne.
J'évoquerai enfin l'extension des missions du volontaire en faveur du développement de la démocratie et des droits de l'homme. On a voulu ainsi reconnaître et consacrer, en particulier, l'action de nombreuses ONG fortement enracinées dans la société civile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi a fait l'objet d'un très large accord devant chaque assemblée. Il est très attendu et il n'est plus à démontrer qu'il répond à un besoin. Dans son rapport, M. le rapporteur exprime la volonté de la commission de « privilégier l'achèvement rapide du processus législatif ». C'est, bien entendu, un souhait que nous partageons.
Quelques amendements d'origine gouvernementale ont été présentés ce matin à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Elle a bien voulu les approuver. Je veux, dès à présent, vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le ministre des affaires étrangères et moi-même sommes convaincus que le volontariat civil représente une occasion unique pour l'apprentissage et l'expression d'une citoyenneté active et responsable, mise au service d'actions d'intérêt national ou international. Cela implique bien sûr d'en faciliter l'accès : croyez que je serai particulièrement attentif à ce que toute la publicité requise soit donnée à la connaissance de ce dispositif et des démarches à accomplir, que je souhaite simples et compréhensibles par tous.
Permettez-moi, pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, de me réjouir des conditions de travail et de concertation qui ont entouré l'élaboration de ce projet de loi. C'est donc avec une confiance renouvelée que nous le soumettons en deuxième lecture à la délibération de la Haute Assemblée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 13 octobre dernier, lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi, j'avais souligné, au nom de la commission des affaires étrangères, combien la mise en place du volontariat civil, engagée il y a trois ans - par le précédent gouvernement d'ailleurs - lors de la réforme du service national, était attendue avec intérêt, et parfois même avec impatience par l'ensemble des organismes accueillant actuellement les jeunes qui effectuent une forme civile de service national, tout particulièrement à l'étranger, dans notre réseau diplomatique ou nos entreprises.
En effet, l'objectif premier de ce projet de loi est bien de mettre en place un dispositif capable de relayer, une fois la conscription suspendue, ces formules de service national qui ont prouvé leur utilité pour la collectivité, tout en offrant aux jeunes, filles comme garçons, la possibilité d'un engagement volontaire au service de l'intérêt général dans des domaines aussi divers que l'action sociale, la sécurité civile, le développement de l'outre-mer ou l'action extérieure de la France.
Au terme d'une lecture dans chaque assemblée, je crois pouvoir dire qu'un très large accord s'est réalisé au Parlement autour des objectifs et de l'organisation du volontariat civil.
Nous avions signalé, en octobre dernier, les limites évidentes de ce projet de loi : la mise en place du volontariat civil s'effectuera à moyens financiers constants, son champ d'intervention en métropole recouvrira quelque peu celui des multiples formules d'insertion des jeunes, ses caractéristiques le rendront difficilement accessible à certaines associations et organisations non gouvernementales.
Malgré ces réserves, le Sénat avait largement approuvé le projet de loi. Il avait toutefois souhaité le renforcer sur un certain nombre de points, et nous constatons avec satisfaction que l'Assemblée nationale a retenu, sans exception, l'ensemble des amendements que le Sénat avait adoptés en première lecture.
C'est le cas tout d'abord de notre amendement relatif à l'extension du volontariat civil aux classes d'âge qui n'étaient pas concernées par le nouveau code du service national, à savoir les jeunes filles nées avant le 1er janvier 1983 et les garçons nés avant le 1er janvier 1979, à condition bien sûr qu'ils soient en règle vis-à-vis de leurs obligations militaires. Il s'agissait, nous le pensons, d'une mesure indispensable en vue de susciter un volume suffisant de candidatures durant les toutes premières années de mise en place du volontariat civil.
L'Assemblée nationale a également retenu tous nos amendements visant à améliorer le statut du volontaire civil, à commencer par celui qui concernait - cela nous semblait très important - l'exonération fiscale des indemnités, mais également ceux qui étaient relatifs à l'extension de la protection sociale aux ayants droit, à la délivrance d'un certificat d'accomplissement et à la prise en compte du temps de volontariat pour la validation des acquis professionnels.
L'Assemblée nationale a aussi approuvé notre article additionnel relatif aux formes de droit privé de volontariat, qui visait à accorder une reconnaissance législative au statut de volontariat de solidarité internationale, reconnu par le fameux décret du 30 janvier 1995, qui est un support indispensable pour l'action des organisations non gouvernementales.
Enfin, les députés n'ont pas modifié les différents amendements techniques que nous avions introduits, comme celui qui permet de souscrire un nouvel engagement lorsque le premier est interrompu pour des raisons indépendantes de la volonté du volontaire civil.
L'Assemblée nationale a donc maintenu dans leur intégralité les apports du Sénat, tout en procédant à son tour à un certain nombre de modifications.
J'ai détaillé dans mon rapport écrit les différents amendements adoptés par les députés, qui ont en outre inscrit le projet de loi dans le code du service national. Ils visent notamment à permettre de solliciter une prolongation de volontariat après une interruption pour cause de maladie ou de maternité, à permettre d'exercer, avec l'accord de l'organisme d'accueil, des activités annexes d'enseignement ou à rappeler le principe d'égal accès des femmes et des hommes au volontariat civil, vous l'avez dit, monsieur le ministre.
Je m'attarderai sur deux modifications plus importantes.
La première est l'ouverture du volontariat civil aux jeunes des pays de l'Union européenne et de l'espace économique européen.
Tout en s'interrogeant sur l'opportunité d'utiliser à cet effet un statut inséparable de la notion de service national, la commission des affaires étrangères reconnaît l'intérêt que peut présenter, pour nos organismes d'accueil, la possibilité de s'attacher le concours de jeunes Européens. Nous observons que, dans ce cas, le pouvoir discrétionnaire du ministre en matière d'acceptation des demandes sera renforcé, puisque ces candidats pourront être écartés de certaines fonctions liées à l'exercice de la souveraineté ou de prérogatives de puissance publique. En clair, ce sera seulement une faculté supplémentaire donnée à l'Etat, aux entreprises et aux ONG de recruter des volontaires.
Il nous semble que les conditions d'accueil des ressortissants européens devront être précisées. Pourront-ils être affectés dans leur pays d'origine et, dans ce cas, percevront-ils l'indemnité supplémentaire prévue en cas d'affectation à l'étranger ? Comment s'intégreront-ils dans nos procédures d'envoi de volontaires à l'étranger, en particulier dans les pays les plus restrictifs en matière d'octroi d'autorisations de séjour ? Ce sont là autant de questions qui mériteront un examen attentif dans le cadre de l'application de la loi.
La seconde modification d'importance touche le fonctionnement même du dispositif puisqu'elle instaure, dans le temps de volontariat, une période probatoire d'un mois au cours de laquelle le volontaire pourrait résilier unilatéralement et sans préavis son engagement. Cette mesure semble inspirée du volontariat dans les armées, qui n'a pas cependant la même nature que le volontariat civil. Il nous a semblé que cette facilité de résiliation pouvait susciter quelques difficultés, en particulier dans le cas de volontaires envoyés à l'étranger ; j'y reviendrai dans un instant.
En résumé, la commission a donc porté une appréciation plutôt positive sur le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale. Elle a bien entendu été sensible au maintien des amendements qu'elle avait préconisés en première lecture. Elle s'est interrogée sur l'opportunité de certains ajouts ou sur certaines formulations qui pourraient mériter d'être précisées. Je pense en particulier aux missions liées à l'action de la France dans le domaine de la démocratie et des droits de l'homme ou aux modalités de coordination avec le service volontaire européen.
Mais la commission des affaires étrangères demeure également très soucieuse de permettre un aboutissement rapide du processus législatif et de ne pas retarder de quelques mois encore, par une prolongation exagérée de la navette, la mise en oeuvre du volontariat civil.
C'est pourquoi notre commission n'a déposé aucun amendement.
S'agissant de la période probatoire d'un mois, nombre de nos collègues ont estimé qu'il y avait là un risque pour les organismes d'accueil, mais la commission n'avait pas modifié le texte afin d'examiner avec le Gouvernement si ce risque pouvait être réduit dans le décret d'application. Vous l'aurez compris, l'objectif de la commission était, dans la mesure du possible, de permettre l'adoption conforme par le Sénat du texte venant de l'Assemblée nationale.
Entre-temps, la situation a quelque peu évolué et, sur le seul point qui suscitait réellement un doute, celui de la période probatoire, le Gouvernement nous a informés que la difficulté ne pouvait être résolue dans un simple décret d'application, ce qui l'a conduit à déposer un amendement.
D'autre part, le Gouvernement a également souhaité clarifier la question, complexe, de l'application du volontariat civil aux territoires d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie.
La commission a émis un avis favorable sur ces différents amendements. Si ces ultimes modifications nous obligent à renoncer à une adoption définitive aujourd'hui même du projet de loi, elles permettront incontestablement de faciliter l'application du texte.
Je ne ferai que mentionner, à cet instant de mon propos, l'amendement que le Gouvernement nous propose au sujet du recrutement des officiers sous contrat. Il s'agit là d'un sujet quelque peu étranger au volontariat civil. J'exposerai la position de la commission sur ce point lorsque cet amendement viendra en discussion.
Telles sont, mes chers collègues, les observations de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur un projet de loi que nous souhaitons désormais voir mis en oeuvre rapidement, afin que nos jeunes puissent apporter leur contribution aux missions d'intérêt général qui leur seront proposées à l'étranger, outre-mer et, bien sûr, en métropole. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous comprendrez que je m'intéresse surtout au volontariat civil à l'international, considérant qu'une expérience à l'étranger suffisamment longue et bien encadrée constitue indiscutablement un « plus » dans la vie d'un jeune, une ouverture sur le monde qui enrichira son avenir. Si cette expérience est issue d'un engagement volontaire, elle n'en sera que plus profitable.
Le projet de loi instituant les volontariats civils, dont le Sénat s'était attaché, en première lecture, à rendre le dispositif plus attractif, revient de l'Assemblée nationale amélioré sur plusieurs points.
Le principe d'égal accès des hommes et des femmes aux volontariats civils incitera les filles à investir un domaine où elles étaient très peu nombreuses, s'agissant notamment des postes de coopérant à l'étranger. Ce déséquilibre, qui tenait à ce que les CSN constituaient la forme civile du service militaire national obligatoire, n'est plus justifié dans un système de volontariat qui s'adresse aux filles comme aux garçons. Cette mesure répond en outre à l'exigence de parité que nos concitoyens manifestent.
L'ouverture des volontariats civils aux ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen prend en compte la logique de l'intégration européenne, en les rendant compatibles avec la formule du service volontaire européen. Les jeunes Français et Européens ainsi engagés au service d'une même nation constitueront sans aucun doute des ferments du sentiment européen.
La consolidation du statut de droit public des volontaires civils, qui leur assurera une protection sociale complète, une reconnaissance professionnelle, et dont les indemnités et prestations complémentaires seront finalement exonérées de l'impôt sur le revenu, de CSG et de CRDS, est de nature à compenser des conditions matérielles d'indemnité très peu attractives.
L'autorisation d'enseigner bénévolement dans le pays d'accueil, en sus du contrat de volontariat civil, constitue également une précision heureuse, que je tiens à souligner.
Enfin, l'obligation de versement de prestations compensatoires pour assurer des conditions de vie décentes à l'étranger facilitera les candidatures pour le volontariat international.
Une seule lecture dans chaque chambre aura permis d'améliorer le dispositif à la satisfaction générale. Cette entente est heureuse, car il est urgent de mettre en oeuvre les volontariats « nouvelle formule », afin de leur donner le temps de monter en puissance d'ici à l'extinction des CSN.
Il existe en effet un risque de voir le nombre des départs diminuer pendant la période de transition. Il convient, en faisant côtoyer l'ancienne et le nouvelle formule pendant plusieurs mois, d'augmenter le nombre des bénéficiaires pour l'étranger. Les besoins ne manquent pas dans nos ambassades, nos consulats, nos postes d'expansion économique et nos entreprises implantées sur tous les continents. Plus vite les volontariats civils entreront en application, plus vite les besoins grandissants à l'extérieur seront comblés.
Je demande également de soumettre au plus tôt au Conseil supérieur des Français de l'étranger les projets de décret d'application afin de ne pas retarder l'entrée en vigueur de cette loi, une fois qu'elle aura été examinée en dernière lecture à l'Assemblée nationale. Deux années et demie se sont déjà écoulées depuis la loi mettant fin à la conscription.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. Hubert Durand-Chastel. Quels objectifs chiffrés vous êtes-vous fixés, monsieur le ministre, pour la première année de fonctionnement des volontariats civils à l'international et combien de postes pensez-vous atteindre globalement à l'étranger ?
Les coopérants du service national ont constitué pendant plus de trente ans un véritable vivier pour l'expatriation puisque deux tiers des jeunes sont restés installés à l'étranger à la suite de leur coopération et que 70 % des coopérants en entreprise ont été embauchés.
Mme Paulette Brisepierre. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. Les objectifs se doivent donc d'être ambitieux si l'on veut poursuivre et même amplifier le mouvement. Il faudra, en effet, remplacer les 6 420 CSN et CSNE en poste à l'étranger en 1999.
La nouvelle formule, moins onéreuse, devrait profiter aux petites et moyennes entreprises désirant s'implanter à l'étranger. Espérons que des jeunes suffisamment formés seront séduits par cette perspective, malgré des conditions matérielles peu avantageuses.
En effet, la présence française à l'étranger, dans le contexte actuel de mondialisation, est insuffisante pour répondre aux enjeux économiques et culturels. Multiplier les incitations à l'expatriation, qui représente moins de 3 % de la population hexagonale, pourcentage très inférieur à ceux de nos principaux partenaires et concurrents, est donc un impératif national. Je remercie le Gouvernement de l'avoir compris à l'occasion de la discussion de ce texte, que je voterai en insistant encore une fois sur l'urgence de sa mise en oeuvre pour sa complète réussite. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme en première lecture, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen approuveront ce projet de loi non sans réaffirmer leurs préventions à l'égard de la professionnalisation complète de nos forces armées d'ici à 2002. A cette professionnalisation nous aurions préféré, vous le savez, une rénovation du service national, accompagnée de la constitution d'unités professionnelles.
Nous portons une appréciation positive sur les dispositions contenues dans ce projet de loi, très attendu en France et l'étranger, qui permettra de remplacer les différentes formes civiles d'un service national finissant.
Il faut souligner ici tous les effets heureux de l'activité de ces jeunes appelés, tant en métropole, dans les services de sécurité civile, les services sociaux et sanitaires, dans les quartiers défavorisés, que dans les départements et territoires d'outre-mer ou encore à l'étranger, avec les coopérants, les CSNE.
Je ne réitérerai pas aujourd'hui les remarques que j'avais formulées en première lecture, notamment sur l'attractivité limitée de la rémunération des volontaires et sur l'enveloppe financière globale affectée à ces nouvelles dispositions.
Compte tenu de l'urgence de la mise en place du nouveau système de volontariat civil, les sénateurs de mon groupe et moi-même étions prêts à adopter ce texte tel qu'il ressortait des travaux de l'Assemblée nationale, non sans émettre quelques réserves sur cette notion, introduite par les députés, de « période probatoire » d'un mois au cours de laquelle le volontaire pourrait résilier sans préavis et unilatéralement son engagement.
Le Gouvernement nous propose sur ce point un amendement de suppression. C'est la sagesse ! Bien sûr, cela ne signifie pas qu'il ne faudra pas examiner avec l'attention nécessaire les quelques cas particuliers qui pourront se poser, et nous souhaitons que le Gouvernement donne des directives en ce sens. Il reste que la mise en oeuvre du texte de l'Assemblée nationale sur ce point ne manquerait pas d'avoir les effets pervers que chacun peut imaginer.
Pour toutes ces raisons, nous voterons ce projet de loi assorti des amendements présentés par le Gouvernement (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er - Il est inséré, après le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code du service national, un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Les volontariats civils

« Section 1

« Principes de volontariats civils

« Art. L. 122-1. - Dans les conditions prévues par le présent chapitre, les Français et les Françaises âgés de plus de dix-huit ans et de moins de vingt-huit ans à la date du dépôt de leur candidature peuvent demander à accomplir comme volontaires le service civil prévu aux articles L. 111-2 et L. 111-3 du présent code.
« Sous réserve de respecter ces dispositions, les Français nés avant le 1er janvier 1979 et les Françaises nées avant le 1er janvier 1983 peuvent également se porter candidats à un volontariat civil.
« Ce service volontaire est également ouvert dans les mêmes conditions d'âge aux ressortissantes et ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Ces candidats doivent se trouver en position régulière au regard des obligations de service national de l'Etat dont ils sont ressortissants. Ils peuvent être écartés des fonctions qui, soit sont inséparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques. »
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)

Articles 1er bis , 1er ter et 2 à 5

M. le président. « Art. 1er bis. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-2. - Les candidats à un volontariat civil doivent satisfaire à des critères d'aptitude et à des conditions qui, définis pour chaque forme de volontariat par décret en Conseil d'Etat, doivent permettre un égal accès des femmes et des hommes.
« Ils doivent en outre, sauf cas de force majeure, être en règle avec les obligations résultant du présent code.
« Enfin, l'accomplissement du volontariat civil est subordonné à l'acceptation de la candidature par le ministre compétent qui statue dans la limite des crédits budgétaires prévus à cet effet, en respectant chaque fois que cela est possible, le principe de la parité entre les femmes et les hommes. » - (Adopté.)
« Art. 1er ter. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-3. - L'engagement de volontariat civil est conclu pour une durée de six à vingt-quatre mois et doit être accompli auprès d'un seul organisme ou collectivité, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-8. Il peut être prorogé une fois sans que sa durée totale excède vingt-quatre mois. Son accomplissement ne peut être fractionné. » - (Adopté.)
« Art. 2. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-4. - Les volontaires civils participent dans le domaine de la prévention, de la sécurité et de la défense civiles aux missions de protection des personnes, des biens et de l'environnement. Dans le domaine de la cohésion sociale et de la solidarité, ils participent à des missions d'intérêt général.
« Dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, le volontariat de l'aide technique contribue également au développement scientifique, économique, administratif, sanitaire et social, éducatif et culturel.
« Au titre de la coopération internationale, les volontaires civils participent à l'action de la France dans le monde en matière d'action culturelle et d'environnement, de développement technique, scientifique et économique et d'action humanitaire. Ils contribuent également à l'action de la France en faveur du développement de la démocratie et des droits de l'homme, éléments indissociables d'une politique de paix, et au bon fonctionnement des institutions démocratiques. » - (Adopté.)
« Art. 3. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-5. - Le volontariat civil est accompli auprès d'une personne morale autre que l'Etat pour des activités agréées par le ministre compétent. Sur le territoire national, le volontariat civil ne peut être effectué qu'auprès d'une personne morale à but non lucratif ; à l'étranger, il peut être effectué auprès de toute personne morale. Toutefois, à l'étranger ou dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, le volontariat civil peut également être accompli dans un service de l'Etat. » - (Adopté.)
« Art. 4. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-6. - Les volontaires civils sont placés sous l'autorité d'un ministre. Ils relèvent à cet égard des règles de droit public résultant du présent chapitre, des textes réglementaires et des décisions pris pour son application. » - (Adopté.)
« Art. 5. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-7. - Lorsque le volontariat civil est accompli auprès d'une personne morale autre que l'Etat, le ministre compétent ou un organisme gestionnaire qu'il désigne conclut une convention avec la personne morale concernée. Lorsque le volontariat civil est accompli en partenariat avec le service volontaire européen pour les jeunes mis en place par la Commission européenne, la convention est en outre signée par cette dernière. Cette convention détermine les conditions d'accomplissement du volontariat. Elle prévoit notamment :
« - la nature des activités confiées au volontaire civil ;
« - les conditions de prise en charge des dépenses liées à l'accomplissement du volontariat, notamment les indemnités mensuelles et les prestations éventuelles prévues à l'article L. 122-12, ainsi que le régime de protection sociale mentionné à l'article L. 122-14 ;
« - la formation du volontaire et les règles d'encadrement ;
« - les modalités d'affectation et celles relatives au contrôle des conditions de vie et de travail du volontaire.
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 122-18, les conventions conclues avec les personnes privées prévoient l'obligation pour cette personne de souscrire une assurance au titre de la responsabilité civile du volontaire. » - (Adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre 1er du code du service national, un article L. 122-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-8 . - Le contrat initial de volontariat civil prévoit une période probatoire de un mois, pendant laquelle le volontaire peut, unilatéralement et sans préavis, mettre fin à son engagement dans des conditions prévues par décret.
« Le ministre compétent peut mettre fin au volontariat civil en cours d'accomplissement :
« - en cas de force majeure ;
« - en cas de faute grave ;
« - dans l'intérêt du service ou de l'activité agréée ;
« - en cas de violation par la personne morale des clauses de la convention prévue à l'article L. 122-7 ;
« - à la demande conjointe du volontaire civil et de la personne morale.
« Enfin, sur demande du volontaire et avec un préavis d'au moins un mois, le ministre compétent peut mettre fin au volontariat pour permettre au demandeur d'occuper une activité professionnelle.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 122-3, lorsqu'il a été mis fin au volontariat civil en cas de force majeure ou en cas de violation par la personne morale des clauses de la convention prévue à l'article L. 122-7, l'intéressé peut demander à conclure un nouvel engagement de volontariat sans que la durée totale des périodes de volontariat civil n'excède vingt-quatre mois.
« Le volontaire civil dont la mission est suspendue pour cause de maladie, de maternité, d'adoption ou d'incapacité temporaire liée à un accident imputable au service, peut demander une prolongation de son volontariat d'une durée égale à celle de son indisponibilité, sans que la durée totale de son engagement ne puisse excéder vingt-quatre mois. »
Par amendement n° 1, le Gouvernement propose de supprimer le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 122-8 du code du service national.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. L'institution d'une période probatoire a été jugée nécessaire par le rapporteur de l'Assemblée nationale, la durée d'un mois lui paraissant propre à ne pénaliser ni les volontaires ni l'organisme d'accueil.
Il convient cependant d'observer que l'Etat ou l'organisme d'accueil engagent des frais importants, notamment en matière de transport pour les volontaires à l'étranger. Ce fait nous semble plaider contre une telle possibilité de rupture de l'engagement.
On peut craindre, en outre, qu'une telle disposition n'incite le volontaire à faire éventuellement preuve d'une certaine légèreté. Il pourrait y voir, en quelque sorte, une « invitation au voyage »...
Cette période probatoire n'existe, au demeurant, ni pour les CSN ni pour les personnels.
Les frais découlant de cette rupture anticipée, sans préavis, pèseront d'autant plus lourdement que l'organisme d'accueil sera une association. N'oublions pas que les associations concernées, tant en France qu'à l'étranger, n'ont que des moyens limités.
Faut-il préciser que le départ anticipé du volontaire pourrait remettre en cause le projet pour lequel il aurait été engagé ? Il y a là la source d'un désordre contre lequel il convient de se prémunir.
J'ajoute que la suppression de cette disposition ne porte pas atteinte à la possibilité, pour le volontaire international, de présenter à tout moment sa démission. En droit public la démission doit simplement être régulièrement acceptée par l'autorité investie du pouvoir de nomination ; elle devient effective à la date fixée par cette autorité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Robert Del Picchia, rapporteur. La commission a été sensible aux difficultés que pourrait en effet entraîner une trop grande facilité de renonciation unilatérale, en particulier lorsque des frais importants sont engagés pour l'envoi d'un volontaire civil à l'étranger, voire pour sa formation. Les organisations non gouvernementales pourraient, ainsi que vous l'avez souligné très justement, monsieur le ministre, être particulièrement pénalisées par cette disposition.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 bis et 7 à 10



M. le président.
« Art. 6 bis . - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-9 . - Un certificat d'accomplissement du volontariat civil est délivré au volontaire par le ministre compétent à l'issue de sa période de volontariat. » - (Adopté.)
« Art. 7. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Droits et obligations du volontaire civil

« Art. L. 122-10. - Le volontariat civil est une activité à temps plein. Le volontaire consacre l'intégralité de son activité aux tâches qui lui sont confiées.
« Le volontariat civil est incompatible avec une activité rémunérée publique ou privée. Seules sont autorisées les productions d'oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques ainsi que, sous réserve de l'accord de l'organisme auprès duquel est accompli le volontariat civil, les activités d'enseignement. » - (Adopté.)
« Art. 8. - il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-11. - Outre les obligations résultant de l'article L. 122-6, le volontaire civil est soumis aux règles des services de la collectivité ou de l'organisme auprès duquel il accomplit son volontariat. Il est tenu à la discrétion pour les faits et informations dont il a connaissance dans l'exercice et à l'occasion de l'exercice de ses activités.
« Il est tenu également aux obligations de convenance et de réserve inhérentes à ses occupations, notamment lorsqu'il est affecté à l'étranger, à l'égard de l'Etat de séjour. Il est tenu aux obligations professionnelles imposées aux Français exerçant une activité de même nature dans l'Etat de séjour. » - ( Adopté. )
« Art. 9. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-12. - L'accomplissement du volontariat civil ouvre droit, à l'exclusion de toute rémunération, à une indemnité mensuelle, exonérée de l'impôt sur le revenu et exclue de l'assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale, prise en charge, selon le cas, par l'Etat, l'organisme gestionnaire ou la personne morale mentionnée à l'article L. 122-7. Le montant de cette indemnité mensuelle, identique pour toutes les formes de volontariat civil, est fixé par décret. Il ne peut être supérieur à 50 % de la rémunération afférente à l'indice brut 244.
« Le volontaire civil peut également recevoir les prestations nécessaires à sa subsistance, à son équipement et à son logement. Lorsqu'il est affecté hors du territoire métropolitain, le volontaire reçoit ces prestations qui peuvent être servies sous forme d'une indemnité supplémentaire, exonérée de l'impôt sur le revenu et exclue de l'assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale. Le montant de cette indemnité supplémentaire est fixé à un taux uniforme, quelles que soient les activités exercées, pour chacune des collectivités et chacun des pays ou régions de ces pays. » - ( Adopté. )
« Art. 10. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-13. - Le régime des congés annuels est fixé par décret. » - ( Adopté. )

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-14. - I. - Le volontaire civil affecté en métropole ou dans un département d'outre-mer bénéficie en cette qualité, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations en nature de l'assurance maladie, maternité et invalidité du régime général. Il relève, en cas de maladie ou d'accident survenu par le fait ou à l'occasion du volontariat civil, des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale. La couverture de ces risques est assurée moyennant le versement de cotisations forfaitaires à la charge de l'organisme d'accueil et dont le montant est fixé par décret.
« En Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans les collectivités territorales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, la protection sociale est assurée par l'organisme d'accueil dans les conditions prévues par la réglementation applicable localement.
« L'organisme d'accueil assure au volontaire affecté outre-mer une couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps. Le ministre chargé de l'outre-mer fixe par arrêté les modalités de cette couverture.
« II. - L'organisme d'accueil assure au volontaire civil affecté à l'étranger, pour lui-même et ses ayants droit et sous réserve des engagements européens et internationaux de la France et des dispositions de l'article L. 122-7, le bénéfice des prestations en nature de l'assurance maladie, maternité, invalidité et des prestations accidents du travail et maladies professionnelles, d'un niveau au moins égal à celui prévu au I.
« Il assure, en outre, le bénéfice d'une couverture complémentaire pour les risques précités, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps. Le ministre compétent arrête les conditions dans lesquelles cette couverture complémentaire est mise en place.
« En cas de maladie, d'accident, y compris de trajet, ou de décès survenant par le fait ou à l'occasion du volontariat, l'organisme d'accueil assure également des conditions d'indemnisation au moins équivalentes à celles prévues par la législation française sur les accidents du travail.
« III. - L'Etat assure lui-même la couverture des risques mentionnés au présent article pour les volontaires civils affectés dans ses services et pour leurs ayants droit, sans préjudice de la réglementation applicable localement en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
« IV. - Le bénéfice des dispositions de l'article L. 122-12 est maintenu durant la période de volontariat au profit du volontaire en cas de congé de maladie, de maternité ou d'adoption ou d'incapacité temporaire liée à un accident imputable au service.
« V. - Un décret fixe les conditions et les domaines dans lesquels l'Etat contribue, dans le cadre de conventions établies avec les associations, à la protection sociale des volontaires lorsque le volontariat civil est accompli auprès d'associations. »
Par amendement n° 2 rectifié, le Gouvernement propose :
I. - De supprimer le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-14 du code du service national.
II. - En conséquence, dans la première phrase du dernier alinéa du I du même texte, de remplacer les mots : « affecté outre-mer » par les mots : « affecté dans un département d'outre-mer ».
III. - En conséquence, dans le III du même texte, de supprimer les mots : « , sans préjudice de la réglementation applicable localement en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. »
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Cet amendement est en fait lié à la nouvelle rédaction que nous proposons pour l'article 16.
Il s'agit de supprimer, à l'article 11, les dispositions intéressant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont relatives à la protection sociale des volontaires civils, précisément parce qu'elles seront reprises dans le nouvel article 16.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Robert Del Picchia, rapporteur. La commission ayant émis un avis favorable sur l'amendement n° 4 rectifié, qui affecte l'article 16, elle a également approuvé les amendements, n°s 2 rectifié et 3, qui en tirent la conséquence. Ces différents amendements sont en effet inspirés par le souci de mieux prendre en compte les compétences propres de certains territoires et collectivités d'outre-mer.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12



M. le président.
« Art. 12. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-15. - Le temps du service accompli au titre du volontariat civil, d'une durée au moins égale à six mois, est assimilé à une période d'assurance pour l'ouverture et le calcul des droits à retraite dans le premier régime d'assurance vieillesse de base auquel le volontaire est affilié à titre obligatoire postérieurement à son volontariat.
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa ci-dessus, le temps du service, d'une durée au moins égale à six mois, accompli au titre du volontariat est pris en compte par le régime spécial de retraite auquel l'assuré est ultérieurement affilié.
« Les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d'assurances vieillesse de base obligatoires sont prises en charge par le fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. » - (Adopté.)

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-16 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-16. - Pour l'accès à un emploi de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire, à l'exception des emplois relevant de la compétence des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que des collectivités territoriales en relevant, la limite d'âge est reculée d'un temps égal au temps effectif du volontariat civil.
« Ce temps effectif de volontariat est compté dans le calcul de l'ancienneté de service exigée dans les fonctions publiques de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers. »
Par amendement n° 3, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 122-16 du code du service national, de supprimer les mots : « , à l'exception des emplois relevant de la compétence des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que des collectivités territoriales en relevant, ».
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Cet amendement se justifie par les raisons exposées précédemment.
M. le président. La commission s'est déjà exprimée sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13, ainsi modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13 bis, 14, 15 et 15 bis



M. le président.
« Art. 13 bis . - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-17 . - Le temps effectif de volontariat civil est compté dans la durée d'expérience professionnelle requise pour le bénéfice de la validation des acquis professionnels en vue de la délivrance d'un diplôme de l'enseignement supérieur ou technologique ou d'un titre professionnel. » - (Adopté.)
« Art. 14. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Dispositions diverses

« Art. L. 122-18. - En cas de faute exclusive de toute faute personnelle, la responsabilité pécuniaire de l'Etat, sans préjudice d'une action récursoire à l'encontre de la personne morale mentionnée à l'article L. 122-5, est substituée à celle du volontaire civil affecté à l'étranger.
« Le volontaire civil affecté à l'étranger bénéficie, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de son volontariat, d'une protection de l'Etat dans les conditions prévues à l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. » - (Adopté.)
« Art. 15. - I. - Non modifié.
« II. - L'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Après le 12°, il est ajouté un 13° ainsi rédigé :
« 13° Les volontaires mentionnés au I de l'article L. 122-14 du code du service national. » ;
« 2° Au dernier alinéa, après les mots : « en vertu du livre III », sont insérés les mots : « ainsi que les personnes mentionnées au 13° ». - (Adopté.)
« Art. 15 bis . - Il est inséré, dans la section 3 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-19 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-19. - Les dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-18 du présent code ne font pas obstacle à des dispositions spécifiques définies pour des volontaires non visés par l'article L. 111-3 dudit code. Ces dispositions spécifiques peuvent organiser des formes contractuelles d'engagement volontaire pour l'accomplissement de missions d'interêt général. » - (Adopté.)

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - Les dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-18 du code du service national sont applicables aux territoires d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, à l'exception de celles du dernier alinéa de l'article L. 122-1 dudit code. »
Par amendement n° 4 rectifié, le Gouvernement propose de rédiger ainsi cet article :
« Il est inséré, dans le chapitre II du titre II du livre 1er du code du service national, une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Dispositions relatives à l'outre-mer

« Art. L. 122-21 . - Sous réserve des adaptations prévues ci-après, le présent chapitre, à l'exception du dernier alinéa de l'article L. 122-1, du III de l'article L. 122-14 et du dernier alinéa de l'article L. 122-15 est applicable dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de Mayotte.
« 1° Par dérogation aux dispositions des articles L. 122-12, L. 122-14, L. 122-15, L. 122-16, L. 122-17 et L. 122-20 du présent chapitre, une convention entre l'Etat d'une part, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française d'autre part, fixe les conditions d'application du présent chapitre dans ces deux collectivités. Elle précise obligatoirement :
« a) Les conditions d'exonération d'imposition et de versement des taxes fiscales et sociales attachées à la perception de l'indemnité mensuelle et de l'indemnité supplémentaire prévues à l'article L. 122-12 ;
« b) Les conditions dans lesquelles les volontaires civils affectés en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française et leurs ayants droit bénéficient des prestations du régime local de sécurité sociale et de couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire et de rapatriement de corps lorsque le volontariat civil est accompli auprès d'un service de l'Etat ou d'un organisme d'accueil public ou privé, y compris lorsqu'il s'agit d'une association ;
« c) La prise en compte du temps du service accompli au titre du volontariat civil par les régimes de retraite de base ou spécial de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française auquel le volontaire civil est affilié à titre obligatoire ou volontaire postérieurement à son volontariat ;
« d) Les modalités d'adaptations du II de l'article L. 122-14 au regard des dispositions prévues par les b et c ci-dessus lorsqu'un volontaire civil engagé en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française est affecté à l'étranger ;
« e) Les conditions d'ancienneté et d'accès à un emploi relevant de la compétence de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie ou de ses provinces ainsi que de leurs établissements publics dont le personnel est soumis au statut réglementaire ;
« f) La prise en compte de l'expérience professionnelle acquise lors du volontariat civil pour la délivrance d'un diplôme ou d'un titre professionnel par la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française ;
« g) Le cas échéant, les modalités de coordination lorsqu'un volontaire civil est affecté successivement en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française et dans une autre collectivité territoriale de la République.
« 2° Dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que dans les territoires d'outre-mer des îles Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises :
« a) L'indemnité mensuelle et l'indemnité supplémentaire prévues à l'article L. 122-12 sont exonérées de toute imposition et taxes fiscales, parafiscales et sociales applicables localement ;
« b) La protection sociale prévue par l'article L. 122-14 est assurée dans les conditions prévues par la réglementation applicable localement lorsque le volontariat civil est accompli auprès d'un service de l'Etat ou d'un organisme d'accueil public ou privé, y compris lorsqu'il s'agit d'une association. Lorsque l'organisme d'accueil assure au volontaire une couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps, le ministre chargé de l'outre-mer fixe par arrêté les modalités de cette couverture ainsi que les règles particulières lorsque le volontaire civil est affecté à l'étranger. La législation sur les accidents du travail est celle applicable localement. »
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Les adaptations ici proposées sont nécessaires au regard des compétences attribuées à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française par les lois les régissant.
Je rappelle que la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie lui confie une compétence pleine et entière en matière d'imposition, de protection sociale, de délivrance de certains titres ou diplômes professionnels et de fonction publique locale.
La loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française attribue à ce territoire les mêmes compétences.
Bien que le présent projet de loi intéresse au principal une matière de la compétence de l'Etat, certaines de ces dispositions interviennent donc dans les domaines réservés à la Nouvelle-Calédonie ou à la Polynésie française. Or la loi simple ne saurait intervenir dans une compétence locale en introduisant des charges ou obligations supplémentaires dans des domaines administrés par les institutions propres de ces deux collectivités.
Il est cependant possible de permettre aux volontaires civils servant en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française de disposer de garanties sans pour autant transgresser le partage de compétences établi par les lois statutaires précitées entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française.
Il convient, pour ce faire, de procéder par le moyen d'une convention. Tel est précisément l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Robert Del Picchia, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé.

Articles 16 bis, 16 ter, 16 quater et 17



M. le président.
« Art. 16 bis . - Dans le premier alinéa de l'article L. 114-3 du code du service national, après les mots : "adapté à leur niveau de formation", sont insérés les mots : "et respectueux de l'égalité entre les sexes,". » - (Adopté.)
« Art. 16 ter . - Une information détaillée et respectueuse de l'égalité entre les sexes est organisée, à l'intention des jeunes Françaises nées avant le 1er janvier 1983, notamment dans les médias et dans les établissements relevant de l'éducation nationale. » - (Adopté.)
« Art. 16 quater . - A l'occasion de l'examen de la loi de finances de l'année, un rapport est adressé par chaque ministre compétent aux commissions intéressées de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il détaille les conditions d'exécution de la présente loi et contient les statistiques comparatives des missions exercées par les femmes et les hommes. » - (Adopté.)
« Art. 17. - Il est inséré, dans la section 3 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, un article L. 122-20 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-20. - Les modalités d'application des articles L. 122-1 à L. 122-19 sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Les dispositions réglementaires relatives à l'accomplissement du volontariat civil à l'étranger sont prises après consultation du Conseil supérieur des Français de l'étranger. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 17



M. le président.
Par amendement n° 5, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 17, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires est modifiée ainsi qu'il suit :
« 1° Dans le quatrième alinéa de l'article 38, les mots : "les officiers de réserve" sont remplacés par les mots : "les officiers sous contrat" » ;
« 2° L'intitulé du chapitre 1er du titre III est ainsi rédigé : "Officiers sous contrat" ;
« 3° L'article 82 est ainsi rédigé :
« Art. 82 . - L'officier sous contrat est recruté dans les armées ou les formations rattachées, parmi les aspirants, pour une durée déterminée et renouvelable. Il ne peut dans cette situation ni servir plus de vingt ans, ni dépasser la limite d'âge du grade correspondant de l'officier de carrière du corps auquel il est rattaché. Les dispositions des articles 32, 35, 43, 51, 53 à 56, 57 (1°, 2°, 7° et 8°), 60, 65-1, 65-2, 95, 96 et 97 lui sont applicables.
« Par dérogation aux articles L. 6 et L. 7 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'ensemble des dispositions prévues par ce code, au profit des officiers de carrière, s'appliquent aux officiers sous contrat. »
« 4° L'article 83 est ainsi rédigé :
« Art. 83 . - Il peut être mis fin au contrat de l'officier sous contrat, soit pour infirmités ou maladies, soit par mesure disciplinaire après avis d'un conseil d'enquête.
« Le non-renouvellement du contrat pour un motif autre que disciplinaire fait l'objet d'un préavis de six mois ».
« 5° L'article 84 est ainsi rédigé :
« Art. 84 . - L'intéressé reçoit, à l'expiration de son contrat, dans les conditions définies par décret, une prime déterminée en fonction de la solde obtenue en fin de service et de la durée des services accomplis. »
« 6° Au début de l'article 85, les mots : "L'officier de réserve servant en situation d'activité" sont remplacés par les mots : "L'officier sous contrat" ;
« 7° L'article 86 est ainsi rédigé :
« Art. 86 . - L'officier sous contrat qui a effectué au moins quinze ans de services civils et militaires effectifs tels qu'ils sont définis par le code des pensions civiles et militaires de retraite, dont six au moins dans le personnel navigant militaire, peut bénéficier d'un congé du personnel navigant d'une durée d'un an, qui entre en compte pour le calcul des droits à pension de retraite, à l'issue duquel il est mis en retraite avec le bénéfice d'une pension à jouissance immédiate. »
« 8° Après l'article 86, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. 86-1 . - La qualité d'officier sous contrat se substitue à celle d'officier de réserve servant en situation d'activité. Les officiers sous contrat issus des officiers de réserve servant en situation d'activité conservent le grade, l'ancienneté de grade et l'ancienneté de service détenus. Toutefois, à titre transitoire, ceux dont le contrat en cours arrive à échéance dans les deux années qui suivent la date de publication de la présente loi, s'ils le demandent, conservent le bénéfice des dispositions relatives à l'attribution d'un pécule ou au droit d'option entre le pécule et l'attribution d'une pension de retraite.
« Art. 86-2 . - Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Mesdames, messieurs les sénateurs, je dois demander au Sénat de faire preuve de compréhension à l'égard de l'adjonction législative que vous propose le Gouvernement.
Il y a bien sûr un lien entre l'objet de l'amendement que je vais soumettre à la délibération du Sénat et le reste du projet de loi. Comme l'a brillamment exposé tout à l'heure M. le rapporteur, l'un et l'autre se situent dans le prolongement de la loi du 28 octobre 1997, portant réforme du service national.
L'objet de cet amendement est de modifier quelques articles du statut général des militaires relatifs à une catégorie d'officiers recrutés à partir de jeunes appelés qui choisissent ensuite une carrière généralement courte dans les armées et que l'on dénomme familièrement les ORSA, ou officiers de réserve servant en situation d'activité.
La rigueur des procédures législatives nous imposerait de soumettre au Parlement un projet de loi dont la portée très limitée coïnciderait avec cet objet.
Mais nous sommes aussi respectueux de la gestion du calendrier législatif des deux assemblées, que nous savons très chargé.
Or il se trouve que les dispositions, me semble-t-il, de bon aloi et relativement simples contenues dans cet amendement n'ont pu être techniquement mises au point qu'à la fin de l'année 1999.
A cette époque, le projet de loi portant organisation de la réserve militaire au sein duquel elles avaient parfaitement leur place était déjà en voie d'adoption définitive. Je fais donc appel à votre indulgence à l'égard du procédé employé.
Jusqu'à présent, dans le cadre de l'armée mixte, une part non négligeable des officiers, notamment dans les grades d'officiers sulbaternes, servaient sous le régime des officiers de réserve en situation d'activité, les ORSA.
Ces officiers servaient sous contrat, mais après avoir effectué leur période d'appel sous les drapeaux en qualité d'officier. Leur recrutement était, jusqu'à cette année, intimement lié à l'existence de la conscription.
Le nombre de ces officiers s'est élevé en raison de la nécessité de maintenir une proportion de jeunes dans nos armées. Ces dernières années, ce nombre était de 5 500, ce qui est loin d'être négligeable. Ils représentent 13 % des officiers de l'armée de terre, 22 % de ceux de la marine et 28 % de ceux de l'armée de l'air, où ils constituent notamment une part significative des personnels navigants. Il s'agit toujours de garder un flux de jeunes officiers effectuant une carrière courte.
Or, plus encore que l'armée mixte que nous voyons disparaître, l'armée professionnelle, vous le savez - c'est l'un des éléments constitutifs de la réforme - aura besoin de jeunes officiers directement issus de la société civile pour assurer l'encadrement dans les unités opérationnelles. Il s'agit aussi de se doter de personnels dans des domaines d'expertise qui n'offrent pas de perspectives de carrière complète jusqu'aux grades d'officiers supérieurs.
Donc, dès la conception du nouveau système, il a été prévu de faire appel à des officiers sous contrat qui viendraient prendre le relais des officiers de réserve servant en situation d'activité.
L'objet du dispositif qui vous est proposé est donc de créer un statut d'officier sous contrat assez largement calqué sur l'expérience, qui a été très positive, des officiers de réserve servant en situation d'activité, mais qui, par définition, ne seront plus issus de la conscription, puisque celle-ci n'existera plus.
Pour atteindre l'objectif, qui est maintenu, d'un effectif d'environ 5 500 officiers sous contrat, et puisque la durée moyenne de carrière sera légèrement supérieure à dix ans, il faudra recruter chaque année entre 400 et 500 jeunes.
Jusqu'à l'année 1999, le service national nous a fourni cet effectif moyen. Nous savons que c'est dans le courant de l'année 2000 que le nombre d'appelés choisissant de devenir ORSA décroîtra fortement.
C'est donc maintenant, en ce début d'année, que nous proposons de modifier le statut général des militaires pour pouvoir recruter dès 2000 les premiers officiers sous contrat.
Ce besoin, je le signale, est d'autant plus important que, pour un certain nombre d'entre eux, une période de formation s'étalant sur plusieurs mois sera nécessaire. C'est tout particulièrement le cas, bien sûr, des jeunes officiers sous contrat de l'armée de l'air, dont la durée de formation est supérieure à une année.
C'est donc pour ces raisons qu'il est urgent de pouvoir mettre en oeuvre ces dispositions qui sont en pleine cohérence, vous l'avez bien ressenti, tant avec la loi de programmation militaire qu'avec la réforme de 1997.
J'aurais préféré laisser du temps au Sénat, en particulier à sa commission des affaires étrangères, puisque la chance veut qu'elle soit saisie du texte dont nous débattons, pour examiner ces dispositions dans le cadre d'un projet de loi spécifique.
Vous connaissez tous, notamment ceux d'entre vous qui participent à la conférence des présidents, les difficultés pour inscrire actuellement un projet de loi supplémentaire à l'ordre du jour.
Donc, en me réjouissant que la commission des affaires étrangères ait accepté de délibérer de cet amendement ce matin, je soumets au Sénat cette proposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Robert Del Picchia, rapporteur. L'amendement n° 5, ainsi que l'amendement n° 6 qui en est la conséquence ont fait l'objet d'un long débat en commission ce matin même.
La commission s'est en effet étonnée d'être saisie en deuxième lecture d'un tel amendement sans lien direct réel avec le volontariat civil. Le déroulement de notre discussion législative, qui arrivait pratiquement à son terme, s'en est donc trouvé quelque peu perturbé.
Toutefois, monsieur le ministre, nous avons bien compris l'urgence relative de la mesure proposée qui incite le Gouvernement à déposer cet amendement.
Comme plusieurs de mes collègues l'ont fait remarquer, il n'en demeure pas moins qu'il serait nécessaire, monsieur le ministre, de rassembler dans un projet de loi spécifique l'ensemble des dispositions législatives rendues nécessaires par les réformes en cours dans nos armées.
Nous souhaitons donc vivement, monsieur le ministre, qu'un tel projet de loi puisse être inscrit dans des conditions normales à l'ordre du jour du Parlement pour éviter ainsi de nous présenter à l'avenir des mesures au coup par coup, dans l'urgence, et dans un cadre peu approprié.
J'en viens maintenant au fond. Monsieur le ministre, nous avons dû examiner la mesure que vous nous proposez dans des délais, certes relativement brefs, mais qui nous ont tout de même permis de formuler certaines remarques dont vous avez bien voulu tenir compte, nous vous en remercions.
Mes chers collègues, il nous semble effectivement nécessaire de mettre rapidement en place un statut permettant de remplacer les fameux officiers de réserve en situation d'activité. C'est ce que vous nous proposez avec le statut des officiers sous contrat qui seront recrutés parmi les engagés ou les volontaires ayant accédé au grade d'aspirant. Ce statut, vous l'avez dit, comportera certaines améliorations par rapport à celui des ORSA.
Dans le seul souci de ne pas pénaliser les armées en retardant la mise en oeuvre d'une mesure nécessaire, la commission a émis un avis favorable sur les amendements n°s 5 et 6.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je tiens à remercier M. le rapporteur et les membres de la commission de leur bonne volonté.
Je vous sais d'autant plus gré de cette attitude que j'ai conscience du caractère un peu précipité du dépôt de ces amendements.
J'adhère à la recommandation formulée d'élaborer un « dispositif-balai », lorsque nous aurons évalué l'ensemble des conséquences juridiques de la loi de 1997.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je n'avais pas voté la loi du 28 octobre 1997, mais je voterai cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Intitulé du projet de loi



M. le président.
Par amendement n° 6, le Gouvernement propose de compléter l'intitulé du projet de loi par les mots : « et à diverses mesures relatives à la réforme du service national ».
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Dans la mesure où nous avons conscience du caractère impromptu que revêt l'insertion de cet amendement dans un texte pleinement cohérent, il nous a paru judicieux de compléter l'intitulé du projet de loi.
Il mentionnera la création du volontariat civil, clé de voûte du dispositif, tout en y ajoutant les mesures qui viennent d'être votées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Robert Del Picchia, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je souhaite répondre aux questions qui viennent de m'être posées.
M. le rapporteur s'est inquiété de l'ouverture aux ressortissants étrangers.
Qu'il se rassure, la philosophie du projet de loi consiste bien, comme c'est le cas aujourd'hui, à envoyer ces jeunes dans des pays tiers plutôt que dans leur propre pays.
Nous veillerons donc à préserver cette logique dans les décrets d'application.
Je précise à M. Durand-Chastel, qui a souligné l'urgence de la mise en oeuvre du dispositif, que le projet de décret sera examiné lors de la réunion du bureau du CSFE qui se tiendra en mai prochain, donc après adoption définitive de la loi.
Quant à l'estimation du nombre de contrats dont nous pourrions disposer, une montée en puissance sera constatée à partir de 2003, qui correspond à la première année sans service national.
L'évaluation est difficile mais nous aurons vraisemblablement besoin d'au moins 7 000 contrats correspondant aux remplacements, tant dans les entreprises que dans les ambassades.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Rouvière pour explication de vote.
M. André Rouvière. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe socialiste se félicite de l'accord qui s'est dégagé sur l'ensemble de ce projet de loi, notamment sur les deux derniers amendements. La sagesse l'a emporté. Cela illustre bien les excellents rapports que nous avons entretenus au sein de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre.
Mme Paulette Brisepierre. Le volontariat civil est absolument indispensable pour notre jeunesse et l'avenir de notre patrie.
Le texte est aujourd'hui renforcé et enrichi par le travail de l'Assemblée nationale et de la Haute Assemblée.
Il était important de travailler avec rapidité et efficacité, car il est capital de préparer la relève de nombreux appelés par les futurs volontaires civils.
Ce texte devait être voté rapidement parce que nous avons également le devoir de faire connaître le volontariat civil à la génération concernée. En effet, d'ici à quelques mois, le service national, dans sa forme actuelle, ne s'adressera plus qu'à une partie de la jeunesse.
Je tiens à remercier le rapporteur de son excellent travail, qui nous a permis d'avoir une vision précise des différentes formes civiles du service national et de comprendre quels étaient les enjeux de la réussite de ces volontariats civils qui, comme nous l'avons constaté, ne sont pas des moindres.
Parce que ces volontariats civils relèvent du civisme et de la défense de valeurs qui nous semblent essentielles, notre groupe votera ce texte. Il affirmera ainsi combien il est indispensable que l'ultime volet de la réforme sur le service national mis en oeuvre par le Président de la République prenne corps et vienne clore une partie de l'histoire de notre défense nationale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier des compliments que vous avez adressés à la Haute Assemblée. En cette période troublée, croyez bien qu'ils nous vont droit au coeur.

9

ACCORD AVEC LA SUISSE RELATIF
À LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 490, 1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une déclaration). [Rapport n°s 119 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement, de soumettre aujourd'hui au vote de votre assemblée le projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, signé à Berne le 11 mai 1998.
Comme vous le savez, la Suisse n'est pas membre de l'espace Schengen. Après la mise en oeuvre de la convention d'application de Schengen en Autriche, en décembre 1997, la Suisse s'est retrouvée enclavée dans l'espace de libre circulation des personnes, sans pouvoir participer à la coopération transfrontalière policière et douanière qui a été mise en place entre les Etats Schengen ayant des fontières communes. Je rappelle que la France a d'ores et déjà signé de tels accords de coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, et que ces accords constituent l'une des principales mesures compensatoires rendues nécessaires par la levée des contrôles aux frontières intérieures.
Ne souhaitant pas devenir pour autant un « îlot d'insécurité » en Europe, et voulant développer une coopération efficace en matière de lutte contre la délinquance transfrontalière et l'immigration clandestine, la Suisse a engagé des négociations avec ses quatre voisins membres de Schengen, l'Autriche, l'Italie, l'Allemagne et la France, en vue de signer des accords de coopération transfrontalière en matière policière, judiciaire et douanière.
L'accord entre la France et la Suisse a été signé par les ministres de l'intérieur des deux pays le 11 mai 1998 à Berne. Il a été adapté de façon à inclure certaines des dispositions de la convention Schengen, dont l'article 39, relatif à l'assistance entre les services de police aux fins de prévention et de recherche de faits punissables, précise que ses dispositions ne font pas obstacle aux accords bilatéraux plus complets présents et futurs entre les Etats Schengen ayant une frontière commune. L'accord tient également compte des particularités de la Suisse, notamment de la strucutre fédérale de ses services répressifs.
L'objet de l'accord entre la France et la Suisse est d'organiser une coopération directe entre les autorités et services de police et de douane, afin de prévenir les menaces à la sécurité et à l'ordre publics et de lutter plus efficacement contre la criminalité, notamment dans le domaine de l'immigration irrégulière et des trafics illicites. Il permettra aux services de police et de douane, au sein de centres de coopération policière et douanière, les CCPD, installés à proximité de la frontière commune, de procéder très largement à des échanges d'informations ainsi qu'à la réadmission de ressortissants d'Etats tiers, et d'organiser la coordination des mesures conjointes de surveillance dans les zones frontalières respectives. Le centre de coopération franco-suisse sera prochainement installé à l'aéroport international de Genève-Cointrin.
L'accord franco-suisse complètera donc utilement les accords d'ores et déjà signés par la France avec ses voisins ; il facilitera la coopération et l'échange d'informations dans plusieurs domaines importants.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, en remplacement de M. Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de présenter les excuses de M. Masson qui, en raison du changement d'emploi du temps, n'a pu être présent ce soir. Je m'efforcerai donc d'être son interprète.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif d'un accord dont vous venez de présenter les grandes lignes, monsieur le ministre. J'insisterai, en revanche, sur l'anomalie que représente, pour la commission des affaires étrangères, l'absence de la Suisse des instances de coopération Schengen.
La Suisse, en effet, n'est pas signataire des accords de Schengen. Les principes communs mis en oeuvre dans le cadre de ces accords en matière de circulation des personnes et les règles élaborées pour garantir la sécurité intérieure n'ont pas vocation à s'appliquer à la Suisse, qui se trouve pourtant au coeur de l'espace Schengen.
La Suisse pourrait-elle devenir dès lors un « îlot d'insécurité » en Europe ? La question mérite d'être posée. La Confédération constitue, en effet, une destination privilégiée pour l'immigration clandestine, comme l'a souligné la récente crise du Kosovo.
L'intérêt d'intégrer la Suisse dans une démarche commune au profit de la sécurité intérieure de l'Europe ne fait donc pas de doute.
Certes, seuls les Etats membres de l'Union européenne peuvent, en principe, participer aux accords de Schengen. Toutefois, ce principe a été assoupli. Ainsi, la Norvège et l'Islande, qui n'appartiennent pas à l'Union européenne, ont pourtant été associées à la coopération menée dans le cadre des accords de Schengen. La Suisse s'était montrée disposée à accepter une telle formule. Cette perspective lui a été refusée en septembre 1998.
Deux raisons ont été invoquées. D'une part, tout avantage donné en dehors d'une adhésion à l'Union européenne priverait la Suisse des raisons d'adhérer. D'autre part, la possibilité donnée à la Suisse de participer à Schengen paraîtrait ouvrir la possibilité d'une adhésion « à la carte » aux dispositifs de coopération prévus par l'Union européenne. Ce serait là un précédent que les Quinze souhaitent précisément éviter au moment où les négociations relatives à l'élargissement sont engagées.
Il faut observer que cette opposition a été le fait de pays qui, à l'instar des Pays-Bas ou du Luxembourg, n'ont pas de frontière commune avec la Suisse. La France a une autre appréciation. Notre frontière avec la Suisse constitue une frontière extérieure de l'espace Schengen, et notre pays apparaît dès lors comptable de l'efficacité des contrôles qui y sont effectués, vis-à-vis de l'ensemble de nos partenaires signataires des accords de Schengen. La France prend une juste mesure de la nécessité de coordonner les efforts de part et d'autre de la frontière et préconise, dès lors, le développement progressif de la coopération avec la Suisse. Ce qui n'a pas été possible pour l'heure sur le plan multilatéral, notre pays a décidé de l'entreprendre sur le plan bilatéral. C'est pourquoi, après la conclusion d'un accord de réadmission entre nos deux pays, la France a signé un accord de coopération transfrontalière dont nous sommes aujourd'hui saisis.
La France a conclu avec la Suisse un accord très proche de ceux qui ont déjà été conclus avec l'Italie et l'Allemagne. Pour ces pays, membres de l'espace Schengen, les accords bilatéraux avaient pour objet de renforcer la coopération policière afin que la suppression des contrôles fixes aux frontières ne s'accompagne pas d'un affaiblissement de la sécurité. La France a donc souhaité développer ce type de coopération avec la Suisse, pays avec lequel, pourtant, les contrôles fixes aux frontières ont été maintenus.
La mise en oeuvre des accords de Schengen a permis, en effet, de souligner que le renforcement de la coopération policière constitue un moyen indispensable pour lutter plus efficacement contre les flux migratoires clandestins. Le maintien de contrôles fixes ne saurait, dans ces conditions, dispenser les autorités de mieux harmoniser leurs efforts.
L'accord prévoit ainsi la mise en place d'un centre de coopération policière et douanière, qui, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, sera installé à l'aéroport de Genève-Cointrin. De tels centres existent déjà aux frontières avec l'Allemagne et l'Italie. Ils ont pour mérite d'associer dans une structure commune les forces de police des deux côtés de la frontière, mais aussi de réunir les différentes forces d'un même pays et de les conduire ainsi à travailler ensemble.
En outre, l'accord franco-suisse prévoit plusieurs modalités de coopération directe, en particulier un schéma d'intervention commune et des exercices communs dans la zone frontalière. Ces différents instruments, sans remettre en cause le principe des contrôles fixes aux frontières, ouvrent la voie à la mise en oeuvre de contrôles mobiles sur une bande intermédiaire de part et d'autre de la frontière. Ces nouvelles modalités d'intervention des forces de police présentent, comme l'a d'ailleurs souligné, à plusieurs reprises, notre collègue M. Paul Masson, une plus grande efficacité.
L'accord signé à Berne fixe ainsi un cadre utile pour la coopération. Il faudra donc veiller à ce qu'une véritable volonté politique permette une utilisation effective de ce nouvel instrument.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission vous invite, mes chers collègues, à approuver le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une déclaration), signé à Berne le 11 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en ma qualité de parlementaire d'un département frontalier et de président du groupe d'amitiés France-Suisse, simplement me féliciter des dispositions que nous examinons.
Voilà quelque temps, j'avais interpellé M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes et les difficultés relationnelles qui existent entre la police suisse, plus particulièrement dans le canton de Genève, et la police de la zone frontalière française. Ces dispositions permettront d'améliorer la situation, d'accroître l'efficacité par une harmonisation des interventions et, peut-être, d'atténuer les effets croissants de la criminalité dans ces secteurs où se posent véritablement des problèmes de sécurité.
Je tenais à souligner l'importance de cet accord. Je voterai bien sûr le présent projet de loi.
MM. François Trucy et Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

10

PROTOCOLE AVEC LE QUÉBEC
RELATIF A LA PROTECTION SOCIALE
DES ÉLÈVES ET ÉTUDIANTS

Adoption d'un projet de loi


M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 7, 1999-2000) autorisant l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération. [Rapport n° 120 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et le Québec ont signé, le 19 décembre 1998, un protocole d'entente relatif à la protection sociale des élèves, des étudiants et des participants à la coopération.
Ce protocole est destiné à se substituer au protocole d'entente du 2 juin 1986 qui s'adresse à des catégories trop limitativement définies de ressortissants français et québécois et d'organismes programmant des échanges entre la France et le Québec. En outre, le texte de 1986 ne concerne que les régimes de sécurité sociale applicables aux étudiants. Il ne paraît donc plus être aujourd'hui en mesure de répondre à l'évolution des échanges de jeunes et de la coopération entre la France et le Québec.
Ainsi, par rapport à son prédécesseur, le protocole d'entente de 1998 bénéficiera à d'autres catégories de personnes et d'établissements : les élèves de classes de première et de terminale des lycées d'enseignement général ou technologique et des établissements d'enseignement privé sous contrat, les étudiants de l'enseignement supérieur et les divers acteurs de la coopération bilatérale, tels que les stagiaires non rémunérés, les fonctionnaires, les salariés et les non-salariés. Le protocole est également étendu à de nouveaux risques couverts par les régimes de protection sociale : assurance médicaments au Québec, législations applicables en matière de soins de santé, d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
En outre, ce protocole règle également les modalités du service des prestations sociales. En cas de maladie ou de maternité, il détaille les droits qui sont attachés aux différentes catégories de personnes concernées ainsi que les institutions servant les prestations et celles auxquelles en revient la charge financière. S'agissant des risques d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, il met en place une protection en faveur des élèves et étudiants poursuivant leurs études sur le territoire de l'autre partie et effectuant, dans ce cadre, un stage obligatoire non rémunéré. Il prévoit la conservation des prestations en cas de transfert de résidence.
Enfin, il explicite les modalités du remboursement des prestations entre les parties.
En conclusion, le protocole d'entente relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération fixe un cadre rénové, ouvert et adapté à la volonté des gouvernements français et québécois de mettre l'accent sur les enjeux culturels et les échanges de jeunes.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération, signé à Québec le 19 décembre 1998, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conclusion d'engagements internationaux entre la France et le Québec constitue une particularité intéressante de nos relations bilatérales et une expression des « relations directes et privilégiées » qui nous unissent à la province francophone canadienne.
Le protocole d'entente signé le 19 décembre 1998, que nous examinons aujourd'hui, s'appuie sur un instrument franco-canadien - l'accord sur la sécurité sociale de 1979 - aux termes duquel « les autorités compétentes françaises et les autorités compétentes des provinces du Canada pourront conclure des ententes portant sur toute législation de sécurité sociale relevant de la compétence provinciale, pour autant que ces ententes ne soient pas contraires aux dispositions du présent accord ».
Plus précisément, ce protocole est destiné à compléter et à actualiser un accord de même nature conclu en 1986 pour organiser la couverture sociale des étudiants ou des participants à la coopération français séjournant au Québec, ou québécois séjournant en France.
La commission a émis un avis favorable sur ce texte qui apporte, au regard de la situation actuelle, de nombreuses améliorations : il couvrira, en effet, les élèves de première et de terminale, il élargira la protection sociale aux accidents du travail et, du côté québécois, à l'assurance médicaments, il permettra de maintenir la couverture sociale lorsque l'élève ou l'étudiant effectue un court séjour temporaire hors du Québec, il définit la notion de stage non rémunéré, et, enfin, il simplifie la procédure de prise en charge gratuite des soins maladie.
Ces différents aménagements devraient donc faciliter l'application d'une entente dont l'objet essentiel est de permettre aux organismes de sécurité sociale du pays d'accueil de prendre le relais de ceux du pays d'origine, et donc d'assurer des conditions normales de couverture sociale aux élèves, étudiants ou coopérants qui quittent pour quelques mois leur pays dans le cadre des programmes d'échanges franco-québécois.
Ce texte s'inscrit donc pleinement dans le prolongement de la coopération vivace instituée entre la France et le Québec.
Cette coopération comporte un important volet culturel, notamment dans le domaine de l'université, de la recherche et de l'audiovisuel, avec TV 5, et elle s'appuie également sur l'office franco-québécois pour la jeunesse, qui, en vingt-cinq ans, a permis des échanges entre plusieurs dizaines de milliers de jeunes des deux parties.
Cette dimension culturelle, dominante dans nos relations avec ce partenaire majeur de la francophonie qu'est devenu le Québec, ne doit pas occulter l'essor rapide de nos relations économiques, que ce soit en termes de commerce extérieur, de partenariats industriels ou d'investissements français.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi afin de permettre l'entrée en vigueur prochaine d'un texte utile pour le renforcement des relations entre la France et la province du Québec. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération, signé à Québec le 19 décembre 1998 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

11

CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
ET CONVENTION D'EXTRADITION
AVEC L'URUGUAY

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 33, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay. [Rapport n° 121 (1999-2000).]
- du projet de loi (n° 34, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay. [Rapport n° 121 (1999-2000).]
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux conventions soumises à votre approbation sont à replacer dans l'optique de la politique menée depuis plusieurs années afin de disposer d'instruments de coopération de cette nature avec la plupart des pays non parties à des conventions adoptées dans le cadre du Conseil de l'Europe.
Les textes liant la France à l'Uruguay permettront désormais d'établir de manière certaine les conditions d'une coopération entre les autorités judiciaires pour l'exécution de commissions rogatoires, la transmission d'informations ou de preuves concernant les infractions pénales de droit commun, ainsi que l'extradition des personnes poursuivies ou recherchées dans des affaires pénales.
Les autorités de l'Uruguay ont, de leur côté, manifesté un intérêt certain pour la conclusion d'accords d'entraide judiciaire avec la France, en attachant une importance particulière au domaine de l'extradition : la conclusion de tels accords contribue à renforcer l'image démocratique de l'Uruguay et sa crédibilité sur la scène internationale, et montre que l'Amérique du Sud n'est plus une terre d'accueil où l'on peut s'établir en toute impunité.
La convention franco-uruguayenne d'entraide judiciaire en matière pénale reprend, en les adaptant au système judiciaire de l'Uruguay, les principales dispositions habituellement retenues dans ce type d'accords : les deux parties s'engagent à s'accorder mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible dans les procédures visant des infractions pénales de la compétence de la partie requérante.
L'entraide peut toutefois être refusée lorsque les infractions sont considérées comme des infractions politiques par la partie requise ou comme des infractions connexes à de telles infractions, ou lorsque l'Etat requis estime que l'exécution de la demande peut porter préjudice à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d'autres intérêts essentiels pour son pays.
Ces demandes d'entraide, comme la transmission de dossiers, de pièces à conviction, ou l'accomplissement d'actes d'instruction - l'équivalent, en droit uruguayen, de la commission rogatoire - donnent lieu à une communication directe entre les ministères compétents, le ministère de la justice en France et le ministère de l'éducation et de la culture en Uruguay. Elles sont exécutées par la partie requise dans les formes prévues par sa législation.
La convention précise également les modalités selon lesquelles la partie requise procède à la remise des actes de procédure et des décisions judiciaires qui lui ont été adressées par l'autre partie. Elle prévoit les conditions de comparution de témoins, experts et personnes poursuivies qui sont cités à comparaître devant les juridictions de la partie requérante. Elle fixe des dispositions en matière de saisie et de confiscation des produits des infractions, clause reprise de la convention européenne de 1990 sur le blanchiment.
La convention contient, enfin, des dispositions relatives à l'envoi d'informations sur les casiers judiciaires, à la dénonciation aux fins de poursuite et à l'échange annuel d'avis de condamnation.
Pour ce qui la concerne, la convention franco-uruguayenne d'extradition s'écarte également très peu des accords bilatéraux récemment conclus en la matière par notre pays et des termes de la convention du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1957.
A travers cet instrument, les deux parties s'engagent à se livrer réciproquement les personnes poursuivies pour une infraction pénale ou recherchées aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté. L'extradition ne s'applique qu'aux infractions pénales punissables d'un maximum d'au moins deux années d'emprisonnement.
La présente convention énumère les cas dans lesquels l'extradition n'est pas accordée ou peut être refusée. L'Uruguay n'interdit pas l'extradition de ses propres ressortissants, contrairement à la pratique constante de la France en la matière. En outre, bien que la peine capitale soit abolie dans les deux pays, la convention contient la clause traditionnelle conditionnant l'extradition à l'obtention de l'assurance que cette peine ne sera pas exécutée.
L'accord reprend les dispositions généralement admises concernant la loi de la partie requise, seule applicable en matière d'arrestation provisoire, d'extradition et de transit, et prévoit que l'extradition peut être refusée pour des considérations humanitaires.
La convention comporte enfin des dispositions très classiques portant notamment sur la forme et le contenu des demandes, les restrictions à l'extradition, l'arrestation provisoire, le concours de requêtes, les procédures de remise des personnes extradées, la remise de pièces à conviction.
Ces deux conventions viennent compléter notre dispositif de coopération judiciaire avec les pays d'Amérique du Sud et devraient avoir une portée dissuasive. C'est ainsi que, ces dernières années, la France, sur la base de la réciprocité, a présenté aux autorités uruguayennes quatre demandes d'extradition, dont celle, accordée, concernant Jacques Médecin.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signées à Paris le 5 novembre 1996 et qui font l'objet des deux projets de loi proposés aujourd'hui à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux conventions qui nous sont soumises aujourd'hui sont de facture classique et reprennent très largement les dispositions de celles que la France a déjà conclues avec le Mexique, le Brésil et la Colombie. Je n'exposerai donc pas à nouveau leur dispositif, au demeurant déjà expliqué par M. le ministre.
Je souhaite simplement souligner que ces deux conventions revêtent une réelle importance pour l'Uruguay. En effet, lors de leur signature à Paris, en 1996, le président uruguayen, M. Sanguinetti, avait marqué sa volonté de mieux fixer les limites de la tradition d'asile de son pays pour lui permettre de participer pleinement à la lutte internationale contre le terrorisme et le trafic de drogue dont souffre aussi l'Uruguay. Je crois important de le rappeler, car il nous faut encourager cette volonté de coopération.
Ensuite, il me semble intéressant de nous arrêter un moment sur l'Uruguay, qui vit actuellement une période de profond changement. En effet, ce pays a été longtemps présenté comme un modèle de stabilité, de démocratie et de développement économique et social, à tel point qu'il était surnommé « la Suisse de l'Amérique latine ». Aujourd'hui encore, l'Uruguay possède le troisième produit national brut par habitant d'Amérique latine et se situe au premier rang en matière de développement humain.
Pourtant, depuis plusieurs années, à cause des crises extérieures mexicaines et brésiliennes, mais aussi du fait de la mondialisation de l'économie, le pacte social uruguayen est fragilisé. Le chômage touche 12 % de la population et on estime que 7 % de cette population vit au-dessous du seuil de pauvreté. On observe également une différence croissante de niveau de vie entre la capitale et les campagnes. Les agriculteurs souffrent beaucoup, en effet, de la baisse des cours mondiaux, alors même que les exportations agricoles sont l'une des principales richesses de l'Uruguay.
Toutefois, le pays dispose de plusieurs atouts. Le président Sanguinetti, puis aujourd'hui le président Jorge Battle, ont à coeur de réformer leur pays pour favoriser la croissance économique tout en préservant le pacte social. L'Uruguay reste toujours la principale place financière d'Amérique du Sud, ce qui favorise le développement du secteur tertiaire et constitue une source importante de richesse. L'enjeu est, justement, d'en faire profiter une part plus importante de la population uruguayenne.
Enfin, l'Uruguay est très engagé dans le processus d'intégration régional au sein du Mercosur avec le Brésil, l'Argentine et le Paraguay. Aujourd'hui, l'Uruguay souhaite élargir le nombre de ses partenaires pour ne pas trop dépendre de ses importants voisins.
Dans cette perspective, il serait souhaitable de relancer les relations bilatérales franco-uruguayennes. En effet, il semble que notre influence y décline alors que l'Uruguay était un pays très francophile et que nous y sommes toujours le troisième investisseur.
Il me semble donc important de favoriser une coopération plus poussée entre nos deux pays en matière judiciaire et pénale, mais également dans d'autres domaines. C'est pourquoi, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous propose l'approbation des deux projets de loi qui nous sont soumis. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

PROJET DE LOI N° 33

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 33.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI N° 34

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 34.
« Article unique. Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signée à Paris le 5 novembre 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

12

CONVENTION PORTANT CRÉATION
DE L'ORGANISATION EUROPÉENNE
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS PAR SATELLITE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 66, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999. [Rapport n° 122 (1999-2000)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat est appelé à se prononcer sur un projet de loi autorisant la ratification des amendements à la convention EUTELSAT, à laquelle la France est partie, adoptés à Cardiff le 20 mai 1999. Son objet est de transformer cette organisation européenne de télécommunications par satellite en une société sous tutelle, afin de permettre son adaptation efficace à un environnement en mutation rapide et de plus en plus concurrentiel.
L'adoption de cette restructuration est le résultat d'une négociation de plusieurs années entre ses quarante-sept Etats membres. Elle compte des enjeux importants pour l'Europe spatiale, face aux risques de domination des Etats-Unis. En effet, EUTELSAT, dont le siège est à Paris, a été créée en 1977 par un certain nombre de pays européens pour ne plus dépendre de la seule offre d'INTELSAT.
Afin de pouvoir disposer d'une capacité autonome de réponse aux appels d'offres, ces pays ont décidé d'exploiter en commun un réseau transeuropéen de télécommunications par satellite.
A cette période correspondait une répartition mondiale des télécommunications, fondée sur un monopole des opérateurs historiques sur leurs marchés nationaux. Ce sont ces opérateurs, dénommés signataires, comme France Télécom, qui ont été désignés par leur gouvernement pour investir au prorata de leur utilisation de la capacité spatiale en exploitation.
Pour tenir compte des infrastructures téléphoniques mises en place au niveau terrestre et de la croissance exponentielle des besoins dans l'audiovisuel, EUTELSAT s'est progressivement spécialisée dans la diffusion de télévisions et de radios. Dans ce secteur, elle subit cependant de plus en plus la pression concurrentielle d'opérateurs privés puissants, principalement européens - en particulier le groupe germano-luxembourgeois SES-ASTRA - et américains comme PANAMSAT, filiale de HUGUES, ORION, filiale de LORAL, et GE Americom.
Dans ce nouveau contexte concurrentiel, une transformation structurelle d'EUTELSAT vers une entité plus commerciale s'est avérée impérative. Son changement de statut doit lui permettre de diversifier ses activités vers la fourniture de nouveaux services par satellite liés à l'émergence de la société de l'information et de renforcer ses alliances au niveau international, par le biais de la création de filiales et d'entreprises communes.
L'accord global, qui a été adopté par consensus à Cardiff le 20 mai 1999, va se traduire par l'existence de deux entités distinctes : en premier lieu, une société anonyme de droit français, Eutelsat SA, se voit transférer les activités opérationnelles et les actifs correspondants d'EUTELSAT. La constitution de cette société de droit privé, basée à Paris et, dont les organes directeurs sont un directoire et un conseil de surveillance, se traduit au niveau du capital par une transformation des signataires en actionnaires.
Par ailleurs, des dispositions ont été insérées dans les statuts de la société privée. Elles visent à accorder un droit de préemption aux actionnaires existants en cas d'augmentation du capital, à subordonner l'entrée de nouveaux actionnaires à l'accord de la société et, enfin, à autoriser le rachat forcé d'actions en cas de changement de contrôle d'un actionnaire existant.
En outre, l'organisation intergouvernementale actuelle est maintenue, avec pour tâche principale de contrôler la mise en oeuvre des quatre principes de base énoncés dans la convention amendée - obligations de service public et de service universel, couverture paneuropéenne du système de satellites, non-discrimination, concurrence loyale - et de veiller au respect de ses obligations statutaires par la société Eutelsat SA.
Le rôle de l'organisation intergouvernementale EUTELSAT, par l'intermédiaire de l'assemblée des parties, est également d'assurer la continuité en matière de droits et obligations internationaux découlant de l'exploitation du secteur spatial d'EUTELSAT, notamment aux termes des dispositions du règlement des radiocommunications de l'UIT ayant trait à l'utilisation des fréquences.
Prenant acte de l'importance stratégique d'EUTELSAT pour la France dans le secteur des télécommunications spatiales, ces textes intègrent les principales propositions de notre pays, qui concernent, notamment, la domiciliation du siège en France, la création d'une société anonyme de droit français, l'identité européenne d'EUTELSAT.
Dans ce secteur, cette restructuration devrait donner la possibilité à l'Europe de faire face à la stratégie mondiale de domination poursuivie par les Etats-Unis pour le contrôle des maillons clefs de la société de l'information, sans pour autant que les obligations de service public international soient négligées.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les amendements à la convention EUTELSAT qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 mai 1999, à Cardiff, l'assemblée des quarante-sept Etats parties à l'Organisation européenne de télécommunications par satellite, EUTELSAT, a adopté divers amendements à la convention de 1982 créant l'organisation afin de lui donner une structure plus commerciale, c'est-à-dire mieux adaptée au marché. Cette modification fait l'objet du texte qui est aujourd'hui soumis à notre examen et dont M. le ministre vient de rappeler le dispositif général.
EUTELSAT a eu pour objet de constituer une coopérative de moyens de transmissions satellitaires avec une mission de service public impliquant un traitement équitable et non discriminatoire de tous les Etats membres.
Les opérateurs nationaux de télécommunication, dénommés les signataires, sont les actionnaires de l'organisation et chacun dispose d'une part d'investissement déterminée au prorata de sa part d'utilisation de l'ensemble des satellites dépendant d'EUTELSAT. Pour la France, le signataire est France Télécom, dont la part d'investissement le place au troisième rang, derrière British Telecom et Telecom Italia.
C'est aujourd'hui l'activité de diffusion par satellites de programmes de télévision et de radio qui représente l'essentiel de l'activité d'EUTELSAT et 83 % de son chiffre d'affaires.
Grâce à son réseau de quinze satellites opérationnels, EUTELSAT peut fournir toute une gammes de services fixes et mobiles vers l'ensemble de l'Europe, les pays de la CEI, l'Afrique du Nord et certains régions du Moyen-Orient.
La modification de la structure d'EUTELSAT qui nous est proposée tient compte d'une évolution très rapide et de plus en plus concurrentielle du marché.
La demande mondiale de services de télécommunication devrait, en effet, plus que doubler au cours de la prochaine décennie. Le trafic de données, y compris Internet, devrait ainsi augmenter de 28 % par an.
Une forte compétition euro-américaine caractérise le secteur des télécommunications spatiales. Cette compétition concerne tout à la fois le secteur des télécommunications et celui de l'industrie spatiale. Pour la construction de satellites de communication, l'Europe et la France se sont structurée autour de deux principaux pôles : Alcatel Space, d'une part, et Matra Marconi-DASA dans le cadre d'EADS et d'Astrium, d'autre part. L'industrie américaine domine, cependant, largement le marché mondial avec Hughes, qui vient d'être racheté par Boeing, Lockheed Martin et Loral.
Par ailleurs, les opérateurs mondiaux de télécommunication souhaitent renforcer leur poids dans le secteur des télécommunications spatiales : c'est à cette fin qu'ils ont engagé une vaste restructuration des organisations internationales de communication par satellites, INMARSAT déjà reformée, INTERSAT, en cours de négociation, et EUTELSAT, qui nous concerne aujourd'hui.
La structure actuelle d'EUTELSAT ne lui permet pas, en effet, de disposer des atouts nécessaires dans un environnement devenu très concurrentiel, notamment de mobiliser rapidement des financements extérieurs. En bref, une modification de structure s'imposait pour permettre la diversification des activités d'EUTELSAT et le renforcement de ses alliances par la création de filiales et d'entreprises communes.
Le dispositif que se propose de mettre en place la convention soumise à notre examen est une réponse réaliste à cet enjeu commercial nouveau.
Premièrement - vous l'avez dit, monsieur le ministre - il est créé une société EUTELSAT, société anonyme de droit français, à directoire et conseil des surveillance. L'ouverture du capital à de nouveaux actionnaires se fera sous certaines conditions permettant de préserver les intérêts des actionnaires initiaux.
Deuxièmement, l'organisation intergouvernementale est maintenue, ce qui est important. En son sein, les gouvernements veilleront au respect des quatre principes de base énoncés dans la convention amendée : obligation de service public, couverture paneuropéenne du système à satellites, non-discrimination et concurrence loyale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la restructuration qui nous est proposée, et qui prend notamment en compte les intérêts que notre pays a fait valoir dans la négociation, est de nature à conforter nos opérateurs spatiaux, d'une part, et de télécommunication, d'autre part, dans un marché en vive expansion où la concurrence est particulièrement rude.
Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je ne peux qu'inviter la Haute Assemblée à adopter le texte qui lui est soumis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

13

CONVENTION INTERNATIONALE
DE 1989 SUR L'ASSISTANCE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 107, 1999-2000) autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance. [Rapport n° 167 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation le projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la convention de 1989 portant modification de la convention de 1910 sur l'assistance en mer.
Cette convention a été signée à Londres, le 28 avril 1989, au siège de l'Organisation maritime internationale et est entrée en vigueur le 14 juillet 1996. Son but est de compléter la convention de 1910, qui ne donne pas de définition précise des notions d'assistance et de sauvetage en mer et ne permet donc pas de rémunérer l'assistance qui, sans avoir sauvé le navire, a pu protéger l'environnement.
Les coûts des opérations de lutte contre la pollution se sont accrus du fait de l'amélioration des techniques d'assistance et du recours à des moyens et à des équipements plus importants. Aussi est-il devenu nécessaire de tenir compte, pour le calcul de la rémunération de l'assistance, de la disponibilité, de l'efficacité et de la valeur des matériels spécialisés utilisés. En outre, il convient d'assurer les assistants professionnels de l'obtention d'une indemnité spéciale en cas d'opération destinée à prévenir ou à limiter des dommages à l'environnement, quel que soit le résultat de l'opération d'assistance.
Par rapport à la convention de 1910, deux innovations essentielles sont apportées.
La première est le rappel du droit d'intervention de l'Etat côtier, notamment en ce qui concerne les instructions données par rapport aux opérations d'assistance ;
La seconde réside dans le principe d'une indemnité spéciale due à l'assistant et versée par l'assisté lorsque l'opération a pour objet de prévenir ou de limiter les dommages à l'environnement. Lorsqu'une telle opération conduit à un résultat positif, cette indemnité est augmentée de 30 % à 100 %. Elle correspond aux dépenses réelles, lorsque la rémunération attendue du sauvetage ne couvre pas les dépenses engagées. Elle constitue donc une garantie pour l'assistant.
En revanche, les dispositions du contrat d'assistance sont maintenues, comme l'obligation de porter secours en vue de sauver des vies humaines. De telles opérations n'ouvrent pas droit à une rémunération.
La France, pour sa part, a décidé d'inclure deux réserves à l'application de cette convention, comme le texte l'y autorise.
La première vise à exclure du champ d'application de la convention les biens culturels maritimes qui présentent un intérêt préhistorique, archéologique ou historique, se trouvant au fond de la mer. Cette réserve est justifiée par l'existence d'une législation spécifique en France pour les épaves à caractère archéologique et historique.
La seconde réserve consiste à exclure les eaux intérieures du champ d'application de la convention. En effet, sur le réseau national de voies navigables, l'obligation d'assistance est déjà prévue par le règlement général de police de la navigation intérieure. De même, sur les voies navigables du Rhin et de la Moselle internationale, cette obligation est imposée par le règlement de police pour la navigation du Rhin.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention internationale de 1989 sur l'assistance, faite à Londres le 28 avril 1989, qui est aujourd'hui soumise à votre approbation et sur l'actualité de laquelle il n'est pas nécessaire d'insister.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans revenir sur l'ensemble du dispositif de la convention de Londres du 28 avril 1989, qui a été exposé par M. le ministre, je concentrerai mon analyse sur ce qui me paraît l'essentiel, c'est-à-dire le souci de protection de l'environnement, qui constitue la principale nouveauté de cette convention.
En effet, jusqu'à présent, le droit de l'assistance était régi au niveau international par la convention de Bruxelles de 1910, qui avait pour objet d'organiser les rapports juridiques entre l'assisté et l'assistant, c'est-à-dire entre le navire en danger de se perdre et le navire qui vient lui porter secours. Comme on le voit, il ne s'agissait que de régir des rapports de droit privé entre deux personnes privées. Cette conception exclusivement privatiste du droit maritime semble insuffisante aujourd'hui.
En effet, depuis 1910, le transport maritime a profondément évolué. Il a crû en volume et, surtout, le transport par voie de mer d'hydrocarbures, de produits chimiques et de toutes sortes de produits dangereux a atteint des quantités telles qu'elles font courir des risques élevés au littoral.
La première grande « marée noire », celle du Torrey Canyon, en 1967, a permis de prendre la mesure du danger, avant que d'autres, tout aussi dramatiques, comme celles de l' Amoco Cadiz, en 1978, de l' Exxon Valdez, en 1989, ou de l' Erika, aujourd'hui, ne rendent indispensables des solutions concrètes.
La convention de 1989 a précisément pour objectif de prévenir ce genre de catastrophe. Pour cela, elle édicte au moins quatre mesures importantes.
La première est la compétence reconnue au capitaine du navire en danger de prendre toutes les décisions utiles pour sauver son bâtiment et sa cargaison au nom de leurs propriétaires respectifs, sans attendre systématiquement leur accord.
Ensuite, la convention légitime l'action de l'Etat côtier pour prévenir une pollution. Si la notion d'« assistance imposée » n'est pas reconnue, la convention fait un pas en avant significatif dans ce sens et conforte en droit international la prise en compte de ses intérêts.
En outre, la convention de 1989 modifie les critères d'évaluation de la rémunération d'assistance. Cette modification vise, d'une part, à mieux rémunérer l'assistant en fonction de l'effort qu'il fournit et des moyens spécifiques qu'il met en oeuvre. D'autre part, elle intègre la protection de l'environnement comme un critère supplémentaire venant accroître la rémunération d'une opération d'assistance qui a réussi.
Enfin, et c'est la principale innovation de la convention, une « indemnité spéciale » est créée. Cette indemnité a pour objectif de pallier l'absence ou de compenser l'insuffisance de la rémunération d'assistance quand celle-ci a échoué ou n'a que partiellement réussi, mais quand l'action de l'assistant a permis de préserver l'environnement. Le plus souvent, elle couvrira tout ou partie des dépenses engagées, mais elle pourra également, si l'assistant le mérite, s'élever au double de ce montant. C'est donc un mécanisme incitatif. Tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour éviter une pollution, ils ne doivent pas se trouver limités par le montant espéré de la rémunération d'assistance.
Toutefois, je crois nécessaire de faire deux observations.
En premier lieu, il me semble nécessaire d'approfondir notre réflexion et notre coopération, aussi bien dans le cadre de l'union européenne que dans celui de l'Organisation maritime internationale, pour qu'une solution aussi complète que possible soit trouvée en vue de garantir la sécurité du transport maritime et la protection de l'environnement.
En second lieu, il faudra également faire en sorte que les responsables soient clairement identifiés, car il ne suffit pas de créer une rémunération supplémentaire, il faut aussi que l'assisté soit solvable. Or, trop souvent, il s'agit de navires en mauvais état, battant pavillon de complaisance et au propriétaire inconnu ou insaisissable. Il y a bien là un autre chantier : celui de la réforme de certaines pratiques maritimes, qui, légitimées par une concurrence acharnée, nuisent à la collectivité.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose, au nom de l'ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d'approuver le présent projet de loi, qui autorise l'adhésion à une convention allant dans un sens souhaité par tous. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
« Article unique. - Est autorisée l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance, faite à Londres le 28 avril 1989, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

14

CONVENTION INTERNATIONALE
RELATIVE AUX INFRACTIONS DOUANIÈRES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 137, 1999-2000) autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes). [Rapport (n° 186, 1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure de l'internationalisation des échanges, la fraude commerciale prend une ampleur sans précédent à l'échelle mondiale. Ses corollaires sont un accroissement et une sophistication des infractions douanières.
Au sein de l'Union européenne, un mécanisme de coopération administrative a été mis en place très tôt par la convention dite de Naples I, signée en 1967, pour accompagner le mouvement de libéralisation des échanges et la suppression des formalités douanières. Il sera renforcé par l'entrée en vigueur de la convention de Naples II, signée, elle, en 1997.
Sur le plan bilatéral, la France a signé un premier accord de coopération administrative douanière avec les Etats-Unis dès 1936 et elle liée aujourd'hui par une trentaine de conventions.
La convention internationale adoptée à Nairobi le 9 juin 1977 a pour objet la lutte contre les infractions douanières au niveau mondial. Elle a été élaborée sous l'égide de l'Organisation mondiale des douanes, l'OMD, dont le siège est à Bruxelles.
Le texte de Nairobi se présente comme une convention souple. En effet, le dispositif juridique mis en place par la convention consiste en un texte de base recouvrant onze protocoles spécifiques. Chaque Etat choisit parmi ces onze textes celui ou ceux qui conviennent le mieux à ses intérêts spécifiques, à son système juridique, à sa structure administrative - la compétence du service des douanes varie selon les pays - et au respect de sa souveraineté.
Les autorités françaises ont choisi les annexes I, IX et X, relatives respectivement à l'assistance spontanée, la centralisation des renseignements et l'assistance en matière de lutte contre la contrebande de stupéfiants et de substances psychotropes. Lorsque l'adhésion sera effective, la France se trouvera, certes, liée par la convention générale à tous les Etats déjà parties à l'instrument, soit trente-huit pays, mais elle ne prendra d'engagements concrets qu'envers les vingt-neuf Etats ayant adhéré à l'annexe I, les vingt-sept liés par l'annexe IX et les trente-deux qui ont choisi l'annexe X.
La convention générale stipule que les parties se prêtent mutuellement assistance sur une base volontaire et réciproque en vue de prévenir, rechercher et réprimer les infractions douanères. L'assistance peut être refusée si la partie requise estime qu'elle est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à ses intérêts essentiels ou commerciaux. L'assistance pouvant être demandée dans le cadre d'une procédure judiciaire, la France déposera une réserve par laquelle elle fera prévaloir les mécanismes de l'entraide judiciaire internationale sur celui de la convention de Nairobi.
L'annexe I prévoit que les administrations douanières adressent spontanément à leurs homologues les renseignements en leur possession laissant à croire qu'une infraction se commettra sur leur territoire.
Par l'annexe IX, les administrations douanières s'engagent à communiquer au secrétaire général de l'OMD des renseignements sur les personnes, les méthodes de contrebande et autres fraudes et les navires impliqués dans les infractions douanières. Ces renseignements servent à élaborer des résumés et des études portant sur les tendances en matière de fraude douanière. Dans une réserve, la France précisera qu'elle ne communiquera ni ne recevra de données nominatives dans ce cadre.
Enfin, l'annexe X fonctionne comme une convention d'assistance administrative mutuelle bilatérale classique - transmission spontanée de renseignements, surveillance sur demande, déclenchement d'enquête, faculté d'autoriser les agents des douanes à comparaître en tant qu'experts ou témoins devant les tribunaux des Etats contractants - mais uniquement pour les infractions en matière de stupéfiants et de substances psychotropes. Ce choix se justifie par l'importance de la coopération internationale et de l'échange d'information dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants.
Parmi les trente-huit pays actuellement parties à la convention, cinq appartiennent à l'Union européenne - Finlande, Grande-Bretagne, Irlande, Italie, Suède - et plusieurs sont des pays avec lesquels la France cherchait à conclure des accords bilatéraux, c'est le cas de l'Inde, du Pakistan, de la Tunisie, de la Turquie.
Tout en ayant une portée plus limitée que nos accords bilatéraux et que l'accord de Naples II entre pays de l'Union européenne, la convention de Nairobi constitue une complément utile de ces accords et répond de ce fait aux préoccupations françaises en matière de lutte contre les infractions douanières.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières, faite à Nairobi le 9 juin 1977, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement des échanges commerciaux internationaux, la mondialisation de l'économie ont pour conséquence, entre autres, l'accroissement des fraudes douanières.
Peu de domaines y échappent car la fraude douanière est multiforme. On peut citer, d'une manière non exhaustive, la contrefaçon dans le textile, les jouets, les articles de luxe, le trafic de tabac, d'alcool, de drogue, d'armes, de munitions, d'explosifs, d'animaux vivants, d'oeuvres d'art...
Face à ce trafic international, il était indispensable de mettre en place et de développer une coopération de lutte à l'échelon international.
Tel est l'objet de la présente convention qui a été signée, vous l'avez rappelé monsieur le ministre, à Nairobi, le 5 juin 1977, sous l'égide de l'Organisation mondiale des douanes. Elle est entrée en vigueur le 21 mai 1980.
Sur les cent cinquante membres de l'Organisation mondiale des douanes, trente-sept Etats l'ont ratifiée au 15 mai 1999.
En quoi consiste la convention ?
Elle comprend deux parties, le corps de la convention avec six chapitres fixant les conditions générales de fonctionnement et d'adhésion et une seconde partie avec onze annexes délimitant le champ de coopération ouvert à chaque Etat.
L'adhésion à la convention implique d'accepter au moins une des onze annexes. La France, vous l'avez dit, monsieur le ministre, en a retenu trois. Cette particularité permet de dire qu'il s'agit d'une convention à la carte.
L'article 3 de cette convention limite grandement le principe de coopération entre les services des douanes. En effet, lorsqu'une partie contractante estime que l'assistance qui lui est demandée pourrait porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou aux intérêts essentiels des entreprises publiques ou privées, l'Etat adhérent peut refuser l'aide sollicitée et il peut la refuser, ce qui est encore plus grave, sans avoir à motiver son refus.
La France a adhéré à la convention sous deux réserves.
La première vise à lui permettre de faire prévaloir les procédures d'entraide judiciaire internationales sur celles de l'assistance administrative dans le cas d'infractions douanières faisant l'objet de procédures pénales.
La seconde réserve vise à respecter la loi informatique et libertés, la France voulant s'interdire la diffusion et l'utilisation de données à caractère personnel.
Lors de la discussion de ce texte en commission, monsieur le ministre, un certain nombre de commissaires ont souligné les difficultés que risque de poser l'application de cette convention, insistant sur l'inefficacité qui peut résulter non seulement du choix d'une annexe sur onze, mais de la restriction que j'ai soulignée tout à l'heure. Ils m'ont chargé de vous demander, monsieur le ministre, si cette convention sera à la hauteur de ses ambitions, car le trafic en question, je l'ai dit, a tendance à se développer à une vitesse inquiétante.
Toutefois, la majorité des commissaires présents en commission a estimé qu'elle ne pouvait être partisane du tout ou rien - c'est également mon sentiment - et que cette convention, malgré ses faiblesses, était un pas important dans la lutte contre les fraudes douanières. Elle vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, c'est bien parce que nous espérons que cette convention permettra de se rapprocher des objectifs que vous avez rappelés que nous la présentons. En garantir totalement l'efficacité est plus difficile. Il ne fait cependant pas de doute qu'elle représente incontestablement un progrès par rapport au dispositif existant, notamment par la possibilité de coopérer avec des pays avec lesquels nous n'avions pas jusqu'alors d'instrument.
Je pense que les mauvaises pratiques que vous dénonciez à l'instant devraient être couvertes par ce dispositif, puisque, vis-à-vis des trente-huit parties, nous nous engageons à leur prêter mutuellement assistance, précisément afin de prévenir, rechercher et réprimer les infractions douanières, conformément aux dispositions de la convention.
M. André Rouvière, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur. Il faut être optimiste sur ce vaste chantier. C'est un premier pas. Nous espérons qu'il y en aura d'autres et que nous pourrons renforcer notre arsenal de lutte contre la fraude douanière.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
« Article unique. - Est autorisée l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes), faite à Nairobi le 9 juin 1977 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

15

Dépôt de projets de loi

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 217, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre le République française et la République socialiste du Vietnam.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 218, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 219, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 220, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

TRANSMISSION D'UN PROJET
DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en troisième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 212, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

17

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 213, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

18

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial.
Ce texe sera imprimé sous le n° E-1396 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la prorogation de la décision n° 710/97/CE concernant une approche coordonnée des autorisations dans le domaine des services de communications personnelles par satellite dans la communauté.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1397 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant vingt et unième modification de la directive 76/769/CEE relative à la limitation de la mise sur le marché et l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses (substances classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction C/M/R.)
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1398 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 85/11/CEE, 92/96/CEE et 93/22/CEE en ce qui concerne l'échange d'information avec des pays tiers.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1399 et distribué.
J'ai reçu de M. le premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc concernant certaines modifications des annexes 2, 3, 4 et 6 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1400 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision de la Commission modifiant la décision n° 2136/97/CECA de la Commission du 12 septembre 1997 relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1401 et distribué.

19

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. René Garrec un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 136, 1999-2000.)
Le rapport sera imprimé sous le n° 210 et distribué.
J'ai reçu de M. Luc Dejoie un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques (n° 156, 1999-2000.)
Le rapport sera imprimé sous le n° 211 et distribué.
J'ai reçu de M. Joseph Ostermann un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur :
- la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 163, 1999-2000),
- et la proposition de loi de M. Guy Fischer, Mmes Nicole Borvo, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Robert Bret, Michel Duffour, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 140, 1999-2000.)
Le rapport sera imprimé sous le n° 214 et distribué.

20

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de Mme Danièle Pourtaud un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (n° 192, 1999-2000) ;
- le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membres des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna (n° 193, 1999-2000).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 215 et distribué.
J'ai reçu de M. Gérard Larcher un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan et du groupe d'étude sur l'avenir de La Poste et des télécommunications sur les principales évolutions de La Poste et du secteur postal de novembre 1997 à juin 1999.
Actes du colloque « Poste Europe Territoire » organisé au Sénat le 2 juin 1999.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 216 et distribué.21

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 10 février 2000, à neuf heures trente et à quinze heures :
1. Discussion des conclusions du rapport (n° 209, 1999-2000) de M. Georges Othily, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur :
- la proposition de résolution (n° 165, 1999-2000) de M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt ;
- et la proposition de résolution (n° 183, 1999-2000) de MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel, tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires en France.
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 208, 1999-2000) de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 325, 1998-1999) de M. Bernard Joly tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3. Discussion des conclusions du rapport (n° 189, 1999-2000) de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 254, 1998-1999) de MM. Jean-Pierre Raffarin, Francis Grignon, Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Bizet, Jean Boyer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Paul Natali, Louis Moinard, Jean Pépin, Charles Revet et Raymond Soucaret, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires.
Avis (n° 200, 1999-2000) de M. Joseph Ostermann, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis (n° 201, 1999-2000) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures :
4. Nomination des membres de la commission d'enquête sur les établissements pénitentiaires, sous réserve de sa création par le Sénat.
5. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délais limites pour le dépôt des amendements

Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 136, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 février 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant un Défenseur des enfants (n° 97, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 février 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants (n° 125, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 février 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques (n° 156, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 février 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 163, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 23 février 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Lors de sa séance du mercredi 9 février 2000, le Sénat a désigné :
M. Paul Blanc pour siéger au sein du Conseil national du bruit ;
MM. Pierre Hérisson et André Jourdain pour siéger au sein du Conseil national de la montagne.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Avenir des buralistes

717. - 9 février 2000. - M. Martial Taugourdeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation des 34 000 buralistes qui représentent le premier réseau de commerce de proximité et contribuent à l'aménagement du territoire et à l'animation des quartiers difficiles. Cependant, derrière cette réalité, des menaces apparaissent comme autant de facteurs de déstabilisation. Elles concernent l'insuffisance des rémunérations fournies par l'Etat (la remise brute sur le tabac de 8 % n'a pas été modifiée depuis 1977), l'importance de la taxe professionnelle, en particulier pour les débits « secs » hors café et l'insécurité croissante malgré les efforts de la profession pour se doter d'équipements de sécurité. Il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour répondre aux attentes des buralistes et garantir leur avenir.

Crise de la filière de production de fruits et légumes

718. - 9 février 2000. - M. Serge Franchis interroge Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur la crise de la filière fruits et légumes d'août 1999 qui a eu pour conséquence d'ouvrir un débat sur l'organisation des filières de consommation. Une mission d'information à l'Assemblée nationale a déposé, récemment, un rapport sur l'évolution de la distribution. Dans ses conclusions, la mission a averti solennellement le Gouvernement qu'une nouvelle crise, de l'ampleur de celle de 1999, ne pourrait pas être amortie par la filière agricole des fruits et légumes. Lors de la clôture des assises de la grande distribution, le Premier ministre a annoncé la prise de mesures visant à corriger des déséquilibres, prévenir les abus et garantir les sanctions. Il semble que si la législation nécessite quelques modifications, elle est cependant claire. Que la loi soit mieux appliquée, et maintes pratiques dénoncées seraient mises en échec. La mission a invité le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à publier une nouvelle circulaire d'interprétation reprenant les éléments contenus dans les circulaires Scrivener du 10 janvier 1978 et Delors du 22 mai 1984. L'urgence de la mise en place de dispositifs qui traduisent la volonté politique du Gouvernement d'intervenir pour lutter contre les pratiques abusives et, en cas de crise conjoncturelle, contre une baisse excessive des prix est parfaitement reconnue. Selon quel processus et selon quel calendrier le Gouvernement compte-t-il agir ?