Séance du 10 décembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Dotations de l'Etat aux collectivités locales. - Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 2 ).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances ; Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Thierry Foucaud, Jean-Pierre Fourcade, Jean-Claude Peyronnet, Yves Fréville, Jean-Claude Carle, Pierre Jarlier.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 3 )

Amendements identiques n°s 2 de la commission et 15 de M. Girod, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre, Thierry Foucaud. - Adoption des deux amendements.
Amendements identiques n°s 3 de la commission et 16 de M. Girod, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre, Jean-Pierre Fourcade. - Adoption des deux amendements.
Amendements identiques n°s 4 de la commission et 17 rectifié de M. Girod, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption des deux amendements.
Amendements identiques n°s 5 de la commission et 18 de M. Girod, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption des deux amendements.
Amendements identiques n°s 6 de la commission et 19 de M. Girod, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er (p. 4 )

Amendement n° 28 rectifié de M. Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 29 de M. Foucaud. - M. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Articles 2, 2 bis , 3 et 4. - Adoption (p. 5 )

Articles additionnels après l'article 4 (p. 6 )

Amendement n° 14 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Claude Peyronnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 7 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendemetn n° 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 36 rectifié de M. Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n°s 37 rectifié de M. Fréville et 44 de M. Arthuis. - MM. Yves Fréville, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 44 ; adoption de l'amendement n° 37 rectifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 38 de M. Fréville. - Retrait.
Amendement n° 1 rectifié de M. Bardou. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 41 de M. Arnaud. - MM. Yves Fréville, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 12 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 42 de M. Jarlier. - MM. Pierre Jarlier, le rapporteur, le ministre, le rapporteur pour avis. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s 39 et 40 de M. Arnaud. - MM. Yves Fréville, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.
Amendements n°s 21 de M. Hoeffel et 34 de M. Fréville. - MM. Daniel Hoeffel, Yves Fréville, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 21 ; adoption de l'amendement n° 34 insérant un article additionnel.
Amendement n° 47 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 20 du Gouvernement et sous-amendement n° 32 rectifié de M. Domeizel. - MM. le ministre, Serge Lagauche, le rapporteur. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 35 rectifié de M. Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 33 de M. Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre, Daniel Hoeffel, Yves Fréville. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 25 de M. Marini. - MM. Jean-Patrick Courtois, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques n°s 8 rectifié de la commission et 24 de M. Valade. - MM. le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 24 ; adoption de l'amendement n° 8 rectifié insérant un article additionnel.
Amendements n°s 9 rectifié de la commission et 23 de M. Valade. - MM. le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 23 ; adoption de l'amendement n° 9 rectifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 26 rectifié de M. Valade. - MM. Jean-Patrick Courtois, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 30 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Daniel Hoeffel, Jean-Claude Peyronnet.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

MM. Thierry Foucaud, Jean-Claude Gaudin, Mme Hélène Luc, M. le ministre. - Adoption de l'amendement n° 30 insérant un article additionnel.
Amendement n° 46 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques n°s 27 rectifié de Mme Luc et 31 de M. Lagauche.- Mme Hélène Luc, MM. Serge Lagauche, le rapporteur, le ministre.- Rejet des deux amendements.

Vote sur l'ensemble (p. 7 )

MM. Thierry Foucaud, Jean-Claude Peyronnet. - Adoption du projet de loi.

4. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 8 ).

5. Contestation de l'élection à l'Assemblée nationale d'un sénateur (p. 9 ).

6. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 10 ).

7. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 11 ).

Intérieur et décentralisation

SÉCURITÉ (p. 12 )

M. André Vallet, rapporteur spécial de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police et la sécurité, et en remplacement de M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis pour la sécurité civile ; Bernard Plasait, Michel Duffour, Jean-Claude Peyronnet.

Suspension et reprise de la séance (p. 14 )

M. Jean-Noël Guérini.
MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Jean Chérioux.

Crédits du titre III (p. 15 )

Mme Hélène Luc.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p. 16 )

DÉCENTRALISATION (p. 17 )

MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-Claude Carle, Michel Duffour, André Vallet, Jean-Claude Peyronnet, Claude Haut. M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.
Adoption des crédits.

8. Transmission d'un projet de loi (p. 18 ).

9. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 19 ).

10. Ordre du jour (p. 20 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. A la demande du Gouvernement et en accord avec la commission des finances, la discussion des crédits affectés à l'enseignement scolaire qui était inscrite à la fin de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui est reportée à la séance du dimanche 12 décembre, à quinze heures.
L'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui est modifié en conséquence.

3

DOTATIONS DE L'ÉTAT
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

Adoption d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 56, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales. [rapport n° 110 (1999-2000) et avis n° 109 (1999-2000).]
J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Assemblée nationale a adopté le 5 novembre dernier le projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Le Gouvernement vous propose par ce texte de limiter l'impact négatif que le dernier recensement de population des mois de mars et d'avril derniers risquerait d'avoir sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales.
A législation constante en effet, les quelque deux millions d'habitants supplémentaires qu'il faudra intégrer dans la répartition de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, provoqueraient un brusque recul des dotations de solidarité urbaine et rurale. Ce recul est évalué entre 20 % et 25 % dès l'année 2000.
Chacun s'accorde à reconnaître qu'une telle perspective est inacceptable. Le Gouvernement refuse de laisser s'effondrer la péréquation financière entre les collectivités locales. Le droit constant, c'eût été de laisser la solidarité nationale ne jouer qu'en faveur des communes les plus riches ou les mieux portantes, qui sont, de ce fait, en état d'attirer des habitants supplémentaires.
Le Gouvernement vous propose donc de porter remède à cette situation que vous connaissez bien puisque, la semaine passée, vous avez adopté, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, les dispositions financières que vous jugez nécessaires pour limiter l'impact du recensement sur la DGF.
Ainsi, contre l'avis du Gouvernement, vous avez décidé de modifier l'indexation du contrat de croissance et de solidarité en portant la part du produit intérieur brut dans le calcul de cette indexation de 25 % à 50 % dès l'année 2000. De même, vous avez décidé d'affecter 450 millions de francs à la DSU, la dotation de solidarité urbaine, et à la DSR, la dotation de solidarité rurale, pour annuler l'impact d'un lissage sur deux années des effets du recensement. Au total, le Sénat a accru la facture à la charge de l'Etat en faveur des collectivités locales de 940 millions de francs. J'aimerais que ce chiffre restât gravé dans vos esprits !
Le Gouvernement a fait valoir en temps utile son point de vue sur le projet de budget voté par le Sénat. Je ne crois pas utile de m'y étendre plus avant. Je rappellerai simplement que l'Etat a consenti un effort supplémentaire très conséquent en faveur des collectivités locales dans le projet de budget adopté par l'Assemblée nationale. Ainsi, l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales doit augmenter de 2,4 milliards de francs en 2000. Toutefois, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont jugé important d'affecter un bonus supplémentaire de près de 2 milliards de francs aux collectivités locales en 2000 : la DSU augmentera à nouveau de 500 millions de francs soit, avec la consolidation de l'effort consenti cette année, une majoration d'un milliard de francs l'année prochaine. La dotation d'aménagement sera augmentée de 200 millions de francs tandis que 500 millions de francs seront réservés au financement des communautés d'agglomération.
Une somme de 250 millions de francs sera consacrée à modifier l'indexation de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, qui augmente ainsi de 2,05 % et non pas de 0,82 % comme c'eût été le cas si nous avions procédé à une indexation sur la DGF, après régularisation négative.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous êtes sur la bonne voie ! Continuez ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Enfin, le Gouvernement vous propose de régler la détérioration prévisible dès l'année prochaine des comptes de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.
L'Etat, vous le savez, réduira la surcompensation imposée à la caisse à hauteur d'un milliard de francs en 2000 et de 2 milliards de francs en 2001 tandis que les employeurs cotisant à cette caisse - les collectivités locales et les hôpitaux - devront acquitter une cotisation légèrement augmentée de 0,5 point en 2000 comme en 2001, soit un effort de 550 millions de francs pour les collectivités locales et de 450 millions de francs pour les hôpitaux.
S'agissant de la DGF, le Gouvernement a privilégié une approche tendant à augmenter les effets de la péréquation au détriment d'une croissance indifférenciée des ressources des collectivités locales. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter un lissage sur trois ans, à la hausse comme à la baisse, des effets du recensement général de la population sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. Dans le même temps, afin de protéger les communes qui perdent de la population, le Gouvernement propose de maintenir pendant trois ans leur dotation forfaitaire au niveau atteint en 1999.
Tel est l'objet principal du projet de loi qui vous est soumis. Le Gouvernement a fait le choix de retenir une durée d'étalement légèrement plus importante que celle que préconisait le comité des finances locales, consulté au mois de juillet dernier. Il lui est apparu en effet préférable de demander des efforts financiers à des communes qui en ont les moyens plutôt qu'à celles qui, éligibles à la DSU ou à la DSR, bénéficient de ressources plus limitées et de charges plus élevées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les commissions des finances et des lois vous proposeront de modifier la durée du lissage envisagée par le Gouvernement. Ainsi, elles ont déposé des amendements tendant à ramener à deux années la période de transition au cours de laquelle les mouvements de population ne seraient pas totalement pris en compte dans les dotations.
Je ne vous cacherai pas, comme je l'avais indiqué à vos collègues députés le 5 novembre dernier, mon hostilité à l'égard de cette solution. Même si des ajustements sont possibles en faveur des communes dont les pertes démographiques sont très limitées - je suis d'ailleurs prêt à accepter un amendement dans ce sens - je considère la durée de lissage qui vous est proposée comme un juste équilibre entre la stabilité des ressources des collectivités locales et la capacité financière de l'Etat à soutenir la péréquation des dotations.
En effet, une durée de lissage plus réduite s'accompagnerait soit d'une diminution des dotations de solidarité urbaines et rurales, soit d'un accroissement des charges de l'Etat pour soutenir ces dotations. J'ai rappelé tout à l'heure ce que l'Etat faisait en faveur des collectivités locales. Le Gouvernement estime nécessaire de s'y tenir. Il faut savoir raison garder.
Le souci de préservation des équilibres financiers des collectivités locales comme des mécanismes de péréquation entre celles-ci a conduit le Gouvernement à proposer de corriger le potentiel fiscal retenu pour calculer le prélèvement effectué sur les communes contributrices au fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France. C'est dans le même esprit que l'Assemblée nationale a complété le projet du Gouvernement en intégrant dans le calcul du potentiel fiscal de l'ensemble des collectivités locales la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.
J'indique immédiatement que je proposerai au Sénat d'adopter un amendement qui permettra de renforcer le financement des services départementaux d'incendie et de secours, afin de leur permettre de financer plus aisément la mise à niveau des équipements nécessaires à l'application de la départementalisation de ces services. Le Gouvernement donne là le signe de sa détermination à trouver une solution au problème né à la suite de l'adoption d'une législation qui n'avait pas fait l'objet d'une étude financière sérieuse, contrairement au projet que je vous propose aujourd'hui d'adopter.
Je ne prétends pas, par cet amendement, régler toutes les questions en suspens concernant le monde des sapeurs-pompiers ; mais je vous propose, grâce à une démarche progressive, de répondre aux préoccupations légitimes des élus concernés. Cette réforme étant déjà appliquée pour plus des deux tiers, quelques tensions naissent du fait des écarts, des harmonisations, y compris au sein de chaque département ; tout cela est parfaitement normal. Il s'agit de trouver les mesures permettant d'aller plus loin et de réaliser cette réforme qui, au total, se traduira par un grand progrès dans l'organisation du service public de lutte contre l'incendie et de secours.
J'achèverai mon propos en réaffirmant la confiance que j'ai dans la sagesse des délibérations de la Haute Assemblée. Je sais que le Sénat sait faire prévaloir la défense de l'intérêt général sur les calculs politiques de court terme et qu'il pourra ainsi trouver avec l'Assemblée nationale un terrain d'entente en faveur des collectivités locales. C'est ce que je souhaite pour ma part. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc appelés à délibérer, cet après-midi, du « projet de loi relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales ». C'est là, monsieur le ministre, le titre initial du projet de loi.
Dès son dépôt, ce projet de loi comportait deux parties : une première partie ayant pour objet la prise en compte du résultat du recensement dans le calcul des divers concours que l'Etat apporte aux collectivités locales ; une seconde partie visant à corriger un certain nombre de dispositions, notamment en matière de potentiel fiscal, de la dotation globale de fonctionnement, dispositions qui sont nées de la réforme de la taxe professionnelle et qui peuvent soit gêner le bon fonctionnement du fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, soit perturber le jeu du potentiel fiscal.
Le Sénat a donc souhaité donner un peu plus d'ampleur à cette seconde partie du projet de loi, pour continuer le travail qu'il avait engagé sur la loi relative au développement de l'intercommunalité que vous nous aviez proposée ; nous serons donc amenés à proposer à la Haute Assemblée un certain nombre d'amendements ayant tous pour objet de permettre à la loi du 12 juillet 1999 de s'appliquer partout de la façon la plus positive, et visant donc à corriger, comme c'est bien normal pour un texte de cette importance, quelques petits détails ici ou là.
Je dirai tout d'abord quelques mots sur la première partie de ce texte, qui tend à la prise en compte des résultats du recensement.
La population est, en effet, l'un des critères essentiels que le Gouvernement utilise pour déterminer les soutiens financiers que l'Etat apporte aux collectivités locales, que ce soit, pour calculer le montant de la dotation globale de fonctionnement, pour répartir les dotations, notamment pour déterminer le potentiel fiscal, le revenu par habitant et l'effort fiscal d'une commune, ou que ce soit pour décider l'éligibilité à telle ou telle dotation, notamment aux deux dotations de solidarité contenues dans la DGF, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, qui sont directement liées au critère de population.
L'augmentation de la population conduit mécaniquement, en quelque sorte, à déséquilibrer la répartition interne de la dotation globale de fonctionnement, concours essentiel que l'Etat apporte aux collectivités locales.
Il faut rappeler que cette DGF est composée de deux dotations, la dotation forfaitaire et la dotation d'aménagement, qui comprend les dotations d'intercommunalité, la DSR et la DSU.
Pour 2000, il faudra prendre en compte, dans la population retenue pour calculer le montant de la DGF, ce que l'on appelle la « population DGF », soit 1,5 million d'habitants supplémentaires. Mais, si la totalité de ces habitants supplémentaires était prise en compte pour calculer la dotation forfaitaire, celle-ci augmenterait de 1,7 milliard de francs, alors que la DGF n'augmentera, l'année prochaine, que de 745 millions de francs.
Sur ce montant de 1,7 millliard de francs, 300 millions de francs relèvent de la progression mécanique de la DGF et 1,4 milliard de francs de l'accroissement du nombre d'habitants. Par conséquent, on voit bien que, si on laissait les choses en l'état, il manquerait un milliard de francs pour les dotations d'aménagement.
L'objectif du Gouvernement, à travers le présent projet de loi, est donc de freiner la progression de la dotation forfaitaire afin d'éviter une baisse des crédits de la dotation d'aménagement, notamment de ceux qui sont consacrés à la dotation de solidarité urbaine et à la dotation de solidarité rurale.
Le dispositif proposé par le Gouvernement est relativement simple.
S'agissant de la DGF, pour ne pas pénaliser les dotations de solidarité, le Gouvernement propose un dispositif à trois étages.
Premier étage, il est prévu, pour les communes dont la population augmente, que la prise en compte des nouveaux habitants sera lissée sur trois ans. Cela ramène l'augmentation de la dotation forfaitaire de 1,4 milliard de francs à 437 millions de francs.
Second étage, pour les communes dont la population baisse, le montant de la dotation forfaitaire perçue en 1999 est gelé à son niveau obtenu pendant trois ans. Cette mesure réduit le coût du recensement à 302 millions de francs.
Ces deux étages ne suffisant pas à préserver le montant de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale pour 2000, le Gouvernement a proposé - c'est le troisième étage - une inscription nouvelle de 200 millions de francs dans la loi de finances pour 2000 aux termes de l'article 34 de ce texte.
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé à Strasbourg une dotation majorée de 500 millions de francs pour la DSU et, lors de la discussion du budget à l'Assemblée nationale, 150 millions de francs ont pu être dégagés pour la DSR, ce qui permet à ces deux dotations d'aménagement de progresser respectivement de 16 % et de 26 %.
On constate donc que le dispositif qui nous est transmis par l'Assemblée nationale permet aux dotations de solidarité de progresser, mais aboutit à verser aux communes des dotations forfaitaires inférieures à ce qu'elles auraient perçu si l'on avait appliqué le droit actuel.
Le Gouvernement propose, en outre, de lisser toutes les évolutions liées à la population sur la même durée de trois ans.
La commission des finances reconnaît, tout d'abord, la logique qui sous-tend le texte du Gouvernement. Il répond à la volonté de ne pas pénaliser les communes qui perçoivent la dotation de solidarité urbaine et celles qui perçoivent la dotation de solidarité rurale, c'est-à-dire celles qui ont le plus besoin des concours de l'Etat.
Toutefois, nous nous demandons s'il est bien logique de retarder, en l'étalant sur trois ans, la prise en compte de la population nouvelle. Certes, le recencement ne crée pas les habitants, il les révèle ; en même temps, il fait apparaître des besoins supplémentaires que les collectivités doivent satisfaire. C'est la raison pour laquelle il sera proposé un amendement tendant à ramener de trois ans à deux ans la prise en compte des résultats du recensement pour le calcul de la dotation forfaitaire.
Comme nous ne souhaitons pas que la dotation d'aménagement, qu'il s'agisse de la DSU ou de la DSR, diminue, nous avons été amenés à proposer, lors de l'examen du projet de loi de finances, un amendement tendant à augmenter de 250 millions de francs le montant de la majoration de la dotation d'aménagement de la DGF. C'est donc au devenir de cet amendement qu'est subordonné celui que je vous proposerai tout à l'heure. Sans cet amendement, en effet, la DSU et la DSR diminueraient.
Le Sénat souhaite que le cas des communes qui perdent très peu d'habitants fasse l'objet d'un examen particulier. Actuellement, la sanction est en effet la même, qu'une commune perde un habitant ou quelques centaines, voire quelques milliers. Nous serons donc amenés à vous proposer un amendement rendant proportionnelles les conséquences de la perte d'habitants, en accordant aux communes qui perdent peu d'habitants une augmentation de leur dotation forfaitaire résultant de l'application des textes en vigueur.
Nous proposerons enfin, pour parfaire le système, une neutralisation des conséquences négatives du passage à deux ans pour les communes qui pourraient perdre plus rapidement que ne le prévoyait le texte du Gouvernement leur éligibilité à la DSU ou à la DSR.
Telle est notre position sur la première partie de ce texte. Nous reconnaissons sa logique, le bien-fondé de l'idée qui consiste à privilégier les deux dotations d'aménagement, mais nous pensons que le Gouvernement peut aller plus loin et, par exemple, faire bénéficier les collectivités locales de la croissance des recettes de l'Etat : depuis quelques jours, il est difficile au Gouvernement de cacher l'afflux des recettes fiscales. ( M. le ministre fait un geste de dénégation. ) Nous proposons donc, monsieur le ministre, un bon emploi des recettes fiscales que le Gouvernement sera amené à constater dans les jours qui viennent.
Je voudrais maintenant revenir très rapidement sur la seconde partie de ce texte, qui vise à corriger des effets pervers ou néfastes de la réforme de la taxe professionnelle ou des imperfections contenues dans divers textes qui empêchent la loi du 12 juillet 1999 de produire tous ses effets et qui peuvent poser quelques problèmes pour sa mise en oeuvre.
Nous avons pris en compte les réalités du terrain et je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir permis que vos services répondent de façon précise et dans les délais les meilleurs aux questions parfois très complexes que nous avons pu leur poser.
Très naturellement, il s'agit de mesures qui n'ont pas l'allure d'un bel ensemble législatif, mais qui nous permettent de corriger un certain nombre de points.
Vous avez souhaité que nous corrigions les effets de la réforme de la taxe professionnelle, notamment de l'abandon de la part « salaires » dans les bases pour ce qui concerne le fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, et le Sénat répondra favorablement à votre demande.
Nous vous proposerons par ailleurs un certain nombre d'autres mesures, notamment pour tenir compte des conséquences du calcul du potentiel fiscal pour la mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique ainsi que des conséquences de la mise en oeuvre du regroupement intercommunal des grandes agglomérations.
Vous avez aussi souhaité, comme nous, que la catégorie des communautés urbaines constitue une catégorie relativement fermée, ouverte aux seules grandes agglomérations. Nous essaierons d'en tirer ensemble les conséquences au niveau des concours que l'Etat est amené à leur donner au travers de la DGF.
Enfin, nous avons vu avec intérêt, monsieur le ministre, le Gouvernement nous proposer l'utilisation de crédits non consommés depuis de nombreuses années sur la DGE des communes pour mieux utiliser ces crédits en les transférant dans une dotation qui pourrait constituer un utile complément aux dépenses que les services d'incendie et de secours, les SDIS, sont amenés à supporter dans tout notre pays. La situation étant particulièrement difficile à cet égard, l'amendement du Gouvernement a naturellement reçu un accueil favorable de la commission des finances.
La seconde partie de ce texte a donc pour objet de permettre la bonne application de textes antérieurs auxquels, vous comme nous, nous tenons particulièrement. A cet égard, nous rechercherons un accord avec nos homologues de l'Assemblée nationale pour que les collectivités locales de notre pays, communes et départements, puissent recevoir la DGF qu'elles attendent, une DGF calculée de la façon la plus juste possible et dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances et la commission des lois ont travaillé en étroite collaboration sur ce texte qui vient à son heure, même si cette heure est, au demeurant quelque peu ennuyeuse. En effet, nous sommes à la fin de la session parlementaire, à une époque très proche de la date d'enclenchement des mesures qui découlent du recensement. Mais, surtout, étant donné que les recensements sont rares dans notre pays, les phénomènes qui aboutissent à des constatations de variations importantes de population dans les communes ne se révèlent que relativement rarement. Du coup, les chocs sur les dotations de l'Etat sont importants, ce qui amène à les étaler. C'est tout de même un peu contradictoire par rapport à la réalité desdits phénomènes.
C'est pourquoi vos deux commissions ont essayé de raccourcir le délai qui leur était proposé, la commission des lois s'attardant plus particulièrement, de son côté, aux communes qui, n'ayant perdu qu'un seul habitant, seront aussi mal traitées que celles qui ont perdu 30 % de leur population.
Sur la forme, monsieur le ministre, la commission des lois ne peut pas laisser passer la nouvelle intrusion dans le code général des collectivités territoriales de dispositions comportant un caractère transitoire sans réagir. Je crois qu'un toilettage sur ce point sera bienvenu.
Sur le fond, la prise en compte de 50 % de l'évolution de la population constitue, d'une certaine manière, une tradition. Elle recueille donc notre accord.
Sur le délai de trois ans, en revanche, nous avons un désaccord - je l'ai indiqué il y a un instant - d'autant plus, monsieur le ministre, qu'il existe quand même quelques cas bizarres : une commune qui aurait procédé à un recensement complémentaire au début de l'année 1999 profiterait immédiatement des 50 % liés à l'augmentation de sa population alors qu'une commune dont l'augmentation de population n'est constatée qu'au moment du recensement général verrait ces 50 % étalés sur trois ans - trois ans dans votre texte, deux ans dans le nôtre - et ne serait donc pas traitée de la même manière. Il y a là, je crois, un certain nombre de sources d'injustice qui, si elles sont peut-être marginales, ne pouvaient pas être passées sous silence à cette tribune par la commission des lois.
Le problème des communes qui perdent une partie de leur population a déjà été évoqué par le rapporteur de la commission des finances. Il était tout de même tout à fait choquant qu'une commune qui a perdu un seul habitant voie ses dotations forfaitaires gelées pour autant de temps qu'une commune qui en a perdu 10 %. Les deux amendements que nous avons déposés avec la commission des finances mettent heureusement bon ordre à cette anomalie.
Un autre problème concerne les communes qui sortent du dispositif de solidarité en fonction de l'évolution de leur situation. Sur ce point aussi, les suggestions de nos commissions consistant à lisser cette sortie sont les bienvenues.
Plus généralement, monsieur le ministre, ce texte est l'occasion de poser à nouveau un problème lancinant, qui est celui de l'esprit même de la DGF.
A la commission des lois, comme sur toutes les travées de cette assemblée, nous sommes tous de plus en plus mal à l'aise quand nous entendons parler de concours de l'Etat, d'efforts de l'Etat en direction des collectivités territoriales. En effet, on englobe dans ces efforts, certes ce que l'Etat verse en monnaie, mais sans s'interroger sur l'origine de la décision de versement. L'origine, c'était, pour la DGF, la mise en place de la TVA et la suppression des taxes locales. Il s'agissait donc d'une gestion nationale d'un impôt local avec une idée de péréquation qui a disparu depuis. S'y est substitué la notion de solidarité à laquelle on fait jouer de curieux rôles, assortie d'une notion de vecteur des politiques nationales dans la gestion d'une collectivité à travers la dotation d'intercommunalité, sans parler des suppressions de telle ou telle partie de tel ou tel impôt local, voire de taxe professionnelle compensée par l'Etat.
C'est dans la DGD, c'est donc un effort que consent l'Etat. Non ! Je m'inscris en faux contre cette assertion. Nous ne pouvons pas continuer à accepter cette notion qui est agitée en permanence sous nos yeux, à temps et à contretemps, et qui vient d'être accentuée, si j'ai bien lu la déclaration de votre collègue qui jouait un peu le rôle de secrétaire d'Etat au budget, même s'il est chargé de l'industrie. En effet, il arguait tranquillement que l'effort de l'Etat en direction des collectivités locales était d'autant plus important que l'Etat allait payer la différence entre ce qu'il récupère au titre de l'aide médicale générale et la CMU, et donc que c'était des dépenses qu'il fallait porter au crédit moral des collectivités territoriales. Si j'ai bien entendu, c'est à peu près ce qui a été dit.
Si nous entrons dans un système de relations entre l'Etat et les collectivités territoriales où tout ce que l'Etat dépense n'est dépensé qu'à la place de ces dernières et leur est par conséquent imputable au moins moralement, alors que l'on sait bien que l'Etat sollicite les collectivités en permanence pour toute une série de tâches, je crois qu'un nouveau malentendu va se créer !
Que se passe-t-il ? Nous constatons aujourd'hui que la DGF ne peut pas jouer son rôle. La population augmente de 3 % et la nécessité financière est de 1,4 milliard de francs. Nous suivons exactement, à due concurrence, l'évolution de la population.
Les communes ne font que réclamer leur dû. Vous ne tenez, monsieur le ministre, à l'intérieur de cette réforme due au recensement, que parce que les députés ont abondé, à côté de l'enveloppe normée, la DGF sur deux ou trois points bien ciblés, ce qui ajoute à ce sentiment d'intrusion de l'Etat dans la libre administration des collectivités territoriales. En effet, c'est l'Etat qui décide où vont tomber ces versements - je dis versements et non pas efforts - pour en faire un élément de son souci de l'équilibre des collectivités tel qu'il le conçoit.
Voilà quelques problèmes sur lesquels il y a lieu de réfléchir au-delà du débat d'aujourd'hui.
Je conclurai, monsieur le ministre, par un point de procédure. Il me semble prématuré de convoquer la commission mixte paritaire le 14 décembre. En effet, le Sénat doit se prononcer le soir du même jour sur le projet de loi de finances ; or c'est dans celui-ci que figure le supplément de dotation nécessaire pour étaler la mesure sur deux ans. Personne ne sait quel sort réservera la commission mixte paritaire financière à cette suggestion du Sénat, et pourtant nous devons trancher sur ce point en commission mixte paritaire technique avant de savoir de quoi nous parlons. Cette procédure obère la qualité du travail parlementaire ou à tout le moins sa sérénité. Je tenais à vous le dire en toute simplicité. C'est tout de même là un peu solliciter la procédure au bénéfice de quelques présupposés que nous ne pouvons pas approuver. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 9 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 8 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons vise à tirer les conséquences du recensement de la population sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. En effet, le recensement de 1999 a permis de constater une augmentation de la population de deux millions d'habitants. Comme nous le savons tous, ces variations de population ne sont pas sans conséquence sur les budgets des communes, départements et régions et, plus particulièrement, sur la dotation d'aménagement qui regroupe la dotation intercommunalité, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.
Le plus important n'est pas, à notre avis, les variations du montant des dotations qui changent peu, eu égard à la faible prise en compte de la population dans leur calcul, mais les modalités d'éligibilité aux dotations de solidarité ou encore le calcul du potentiel fiscal, pour lequel le facteur population joue un rôle primordial.
Compte tenu du poids que représente la perte pour une commune de son éligibilité à une dotation, vous comprendrez que les élus locaux soient inquiets.
Les répercussions budgétaires pourraient aller jusqu'à déséquilibrer les budgets locaux et créer des difficultés financières sans précédent.
C'est la première raison qui conduit le groupe communiste républicain et citoyen à préférer la solution visant à prendre en compte de façon progressive les variations de la population. Un lissage sur trois ans, à la hausse, comme à la baisse, pour réactualiser la dotation d'aménagement, comme le prévoit le projet de loi, permet d'éviter les ruptures trop brutales dans les budgets des collectivités et de pallier les effets de seuils.
La question des seuils d'éligibilité devrait, par ailleurs, être examinée de plus près, car elle se pose en général, sans qu'il y ait de recensement à prendre en compte. C'est la raison pour laquelle nous défendrons un amendement visant à allonger la durée de lissage lorsqu'une commune cesse d'être éligible à la DSU.
Concernant le dispositif retenu pour la dotation forfaitaire, force est de constater qu'il est perfectible. A l'évidence, le choix qu'avait à faire le Gouvernement n'était pas simple. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se félicitent que le Gouvernement ait opté pour la solution qui ne pénalise pas les communes défavorisées. Ainsi, les communes qui en ont le plus besoin continueront à recevoir davantage, alors que les autres accuseront une progression moindre de leur dotation forfaitaire.
Cependant, l'option de geler pendant trois ans la dotation forfaitaire au niveau atteint en 1999 pour les communes dont la population baisse n'aurait-elle pas pu être nuancée ? N'aurait-il pas été préférable de ne pas réviser à la baisse la dotation forfaitaire des communes qui perdent des populations et de maintenir l'évolution annuelle indexée sur la moitié de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement ? N'aurait-on pu, en quelque sorte, faire abstraction du recensement pour le calcul du montant de la dotation forfaitaire des communes dont la population baisse ?
Cette position médiane aurait, semble-t-il, permis de concilier les effets du recensement et la nécessité pour les communes de voir progresser leur dotation.
Vous le savez, pour nous, la vraie question est là. Il faut revaloriser les dotations de l'Etat en faveur des collectivités locales, afin d'établir une réelle corrélation entre les budgets, les charges transférées, les nouvelles normes ou encore l'aide pour l'application des 35 heures au sein de la fonction publique territoriale.
Les dotations d'Etat en faveur des collectivités, dont nous dénonçons constamment les insuffisances, représentent plus de 50 % des budgets des collectivités, d'où la nécessité de réformer dans son ensemble - sur ce point, je rejoins M. Paul Girod - la fiscalité locale, afin que les principes de la décentralisation, avec au premier chef, celui qui est posé par l'article 72 de la Constitution, qui consacre le principe d'autonomie des collectivités, soit réellement effectif.
Cette question, nous le savons, fait partie des préoccupations du Gouvernement. La mission d'information, commune aux deux assemblées, chargée de dresser le bilan de la décentralisation permettra - nous le souhaitons, en tout cas nous y participons - d'apporter des améliorations.
Force est de constater également que le projet de loi de finances pour 2000 consacre, il faut le reconnaître, des moyens accrus aux collectivités, et je crois que nous y avons largement contribué. Mais ces moyens restent, selon nous, largement insuffisants au regard des besoins, notamment en ce qui concerne les conséquences financières du recensement, auquel le Gouvernement ne consacre que 200 millions de francs de crédits en 2000, alors que l'Association des maires de France et le comité des finances locales évaluent de 1,5 milliard à 1,8 milliard de francs le coût engendré par l'augmentation de la population.
Le Sénat a porté à 450 millions de francs l'abondement exceptionnel de la dotation globale de fonctionnement. Les sénateurs communistes espèrent vivement que ces crédits seront maintenus dans le texte final.
Sans occulter le problème de financement, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen soutiennent le dispositif mis en place par le Gouvernement.
Nous reviendrons, lors de l'examen des articles, sur l'attitude qui ne nous semble pas responsable de la part de la majorité sénatoriale.
Vos propositions, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, ne tiennent pas compte des répercussions brutales qu'elles ne manqueront pas d'avoir sur les budgets locaux. En outre, tout un chapelet de vos amendements ne sont que des cavaliers législatifs. Vous essayez de refaire la loi sur l'intercommunalité - que vous avez votée - parce que, de ci, de là, dans nos régions respectives, nous nous rendons tous compte des lacunes de ce texte. Il va sans dire que notre groupe ne contribuera aucunement au débat que vous voulez instaurer et rejettera les amendements cavaliers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et M. Michel Mercier, rapporteur. Vous avez bien tort !
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends la parole au nom de mon groupe, d'une part, pour soutenir les propositions excellemment formulées par la commission des finances et par la commission des lois et, d'autre part, pour manifester mon inquiétude sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
Monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu devant le comité des finances locales, avant la discussion budgétaire, présenter l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, nous avions fait beaucoup d'observations. Je dois reconnaître, et c'est tout à votre honneur, que vous avez tenté de remédier à un certain nombre de difficultés.
Vous avez accepté à l'Assemblée nationale de majorer les crédits pour la dotation de solidarité urbaine. Bien ! Vous avez accepté un amendement visant à majorer les crédits pour la part bourg-centre de la dotation de solidarité rurale. Bien ! Vous avez accepté, surtout, une révision du taux d'indexation de la compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle, de manière à démontrer que le Gouvernement n'entendait pas confisquer aux collectivités locales une parcelle de leur autonomie financière. Encore bien !
Reste un point de discussion entre nous, tenant à la prise en compte des résultats du recensement général de la population.
Comme l'ont très bien dit M. Michel Mercier et M. Paul Girod, le projet de loi que vous nous présentez n'est pas satisfaisant : en effet, l'ensemble des élus locaux - ils l'ont indiqué lors du congrès des maires de France, voilà quelques jours - pensait que l'augmentation de population qu'enregistraient leurs communes allait se traduire par une augmentation des dotations de l'Etat. Ils sont très déçus de constater que, lorsqu'une commune, aura vu sa population croître de cent habitants, la dotation de fonctionnement pour 2000 ne tiendra compte que d'une augmentation de 16,33 %. Entre 100 et 16, il y a évidemment un écart assez considérable qu'il vous faudra nous expliquer !
Le texte en vigueur aujourd'hui, dont M. Hoeffel est le père, prévoit qu'un recensement de population, partiel ou général, n'entraîne aucune diminution de dotation pour les communes qui ont perdu des habitants. Ce dispositif se fonde sur le souci louable de ne pas accroître leurs difficultés. Il participe d'une politique d'aménagement du territoire tendant à ne pas sanctionner les pertes de population.
En revanche, pour les communes dont la population augmente, la prise en compte joue, l'année suivante, pour 50 % de l'augmentation.
Telle est la loi de 1993.
Si nous appliquions ce dispositif, il n'y aurait bien évidemment pas de débat entre nous et l'accord des collectivités locales vous serait acquis, monsieur le ministre.
Nous comprenons que l'application de ce texte, dans une année un peu tendue au cours de laquelle chacun fait des efforts de réduction sur les dépenses et sur les prélèvements, se traduirait pour l'Etat par une sortie d'argent importante. Par conséquent, vous nous avez persuadé d'accepter un certain étalement.
Mais il ne s'agit en fait de n'étaler la prise en compte que de la moitié de l'augmentation de la population. Une commune, dont la population augmente de 4 000 habitants, ne bénéficierait, au terme de l'étalement de trois ans que vous proposez, que d'une prise en compte de 2 000 de ses habitants. Cela signifie que les villes dont la population croît, qui sont obligées de financer des équipements supplémentaires, d'ouvrir des classes et des crèches, de développer leurs services sociaux et leurs équipements sportifs, ne bénéficieraient pas d'une prise en compte de l'augmentation de leurs charges dans la DGF.
C'est pourquoi je soutiens la proposition de la commission des finances et de la commission des lois qui consiste à étaler cette augmentation sur deux ans.
Deux systèmes étaient envisageables. Le premier consistait à étaler sur deux ans les conséquences de la loi de 1993 et le second à étaler sur quatre ans la totalité de l'augmentation de la population.
Si vous aviez choisi le second système, on se serait fondé sur la population réelle et l'on aurait évité ces principaux fictifs qui sont le drame de la fiscalité locale et qui nous amènent à débattre à partir de thèses fausses et de valeurs locatives obsolètes.
En fait, nous ne sommes jamais dans la réalité, nous sommes toujours en train de nous battre ou de débattre sur des données dépassées.
Dans un pays moderne, à l'heure des nouvelles technologies, il est quelque peu stupide que la « population DGF » ne soit pas la population française puisqu'elle prend en compte les occupants des résidences secondaires. Il est quelque peu stupide que l'évaluation de la population varie au gré des sautes d'humeur de l'INSEE, de la direction générale des collectivités locales, de tel ou tel ministère, de celui du logement ou de l'équipement, chacun ayant sa propre conception. C'est un peu comme sous l'Ancien Régime où chaque administration avait son ressort, son bailliage !
Par conséquent, je soutiens complètement la proposition de mes deux collègues et j'espère bien que vous nous donnerez satisfaction, monsieur le ministre.
Mais je suis inquiet quant à l'évolution de la DGF. La dotation globale de fonctionnement, il faut le rappeler de manière très ferme, comme l'a fait M. Girod, n'est pas une subvention de l'Etat ! Je sais bien que nos amis de Bercy ont toujours tendance à penser qu'ils sont trop bons de nous donner quelques miettes de l'évolution de la fiscalité française. Mais ils sont dans l'erreur.
Du point de vue juridique - les auteurs de la loi de 1993 y ont beaucoup tenu - la DGF est un prélèvement sur les recettes. Or un prélèvement sur les recettes n'a pas du tout la même finalité qu'une subvention, et les administrations centrales de l'Etat ne sont pas en situation de dire que telle année ou telle année elles feront un effort en augmentant telle ou telle dotation. La DGF est un prélèvement sur recettes, une ressource de substitution pour les collectivités locales afin de remplacer des impôts supprimés.
Mon inquiétude porte très précisément sur trois points.
Je crains, tout d'abord, comme je viens de le dire, de ne voir se dissocier le lien entre la population réelle d'une commune et la DGF. Il faudra, le plus tôt possible, revenir à une prise en compte de la population réelle, peut-être au prix de la suppression de la prise en compte des résidences secondaires.
On pourrait très bien envisager de retenir les calculs de l'INSEE et de ne pas tenir compte des résidences secondaires. Cela gênerait certes quelques communes. Mais pourquoi pas ? Ce serait plus simple : il y aurait identité entre les décomptes de l'INSEE et les chiffres de la direction générale des collectivités locales.
Je crains également qu'en ajoutant 500 millions par-ci, 200 millions par-là, 150 millions par ailleurs pour jouer, non pas au niveau de la masse globale, mais au niveau des sous-comptes, au niveau de la DSU ou de la DSR, on ne change la nature de la DGF.
Comme, par ailleurs, on finance une grande partie du coût de l'intercommunalité par un prélèvement sur la masse de la DGF, c'est la distinction établie par la loi de 1993 entre dotation forfaitaire et dotation d'aménagement qui volerait en éclat.
De plus, avec l'effort de recentralisation que je perçois à l'heure actuelle et dont votre collègue, M. Gayssot, sera un vivant témoignage lorsqu'il présentera le projet de loi relatif à l'urbanisme, au logement et aux transports, j'ai peur que la notion de ressource de substitution destinée à compenser la suppression d'un impôt préexistant, la taxe locale ou la taxe sur les salaires en l'occurrence, ne connaisse des lendemains difficiles.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je souhaite que vous acceptiez, sinon aujourd'hui, du moins en fin de débat, l'étalement sur deux ans.
Je souhaite également qu'on réfléchisse pour faire coïncider la DGF et la population réelle de chaque commune ou de chaque groupement intercommunal.
Je souhaite enfin qu'on cesse de procéder par petits ajouts et que l'on aboutisse à une ressource globale.
La DGF est un des éléments importants de la vie des collectivités locales. Comme je défends ce principe depuis vingt ans, vous comprendrez, monsieur le ministre, mon attachement à cette dotation. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai très bref, car, je ne reprendrai pas dans le détail toutes les explications données par nos excellents rapporteurs sur la composition de la DGF et sur les conséquences de la prise en compte du recensement.
Le débat se fonde sur trois éléments. Le premier découle de la prise en compte de l'indiscutable évolution de la population française mesurée par le recensement de l'INSEE. Le deuxième porte sur la mise en oeuvre de la solidarité entre les communes, en faveur de celles qui enregistrent une baisse de population et qui sont en difficulté. Le troisième élément, qui découle des deux premiers, porte sur l'effort potentiel de l'Etat : ce qu'il est et ce qu'il pourrait être si l'on décidait d'opérer le lissage non pas sur trois ans, mais sur deux ans, comme le demande la majorité sénatoriale.
Tout d'abord, il est souhaitable de se fonder sur la réalité, sur les chiffres du recensement. C'est même une nécessité. Pourtant, ce ne serait pas la première fois qu'un certain nombre de réalités ne seraient pas prises en compte.
M. Jean-Pierre Fourcade et M. Michel Mercier, rapporteur. Pour les bases, par exemple !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je pense effectivement aux bases. Nous sommes dans le virtuel, dans ce domaine mais aussi dans beaucoup d'autres.
Je ne prétends pas qu'il soit bien de continuer dans le virtuel. Je constate cependant que, pour la population, le décalage ne serait que sur trois ans et qu'il est bon que les communes dont la population augmente fassent preuve d'une certaine solidarité envers les communes qui éprouvent des difficultés.
Il est important, ensuite, de relever l'effort accompli par le Gouvernement pour éviter que ce lissage ne se fasse au détriment de la DSU ou de la DSR. Le projet de loi de finances prévoyait initialement un abondement de 200 millions de francs. Après discussion à l'Assemblée nationale, l'effort du Gouvernement a été renforcé, notamment pour la DSU, qui bénéficie d'une majoration de 500 millions de francs. Quant à la DSR, sur proposition de la commission des finances de l'Assemblée nationale, elle a profité d'une majoration de 150 millions de francs pour sa fraction bourg-centre grâce à un prélèvement sur le produit des impositions directes locales de La Poste et de France Télécom versé au FNPTP. Ainsi, la DSU progressera l'année prochaine de 16 % et la DSR, de 4,5 %.
Les propositions du Gouvernement sont donc de nature à préserver et la dotation forfaitaire des communes et les dotations d'aménagement. Elles nous paraissent équilibrées.
Il est vrai qu'on pourrait aller plus loin et, avec un lissage sur deux ans au lieu de trois ans, il faudrait, pour se conformer à la demande de M. le rapporteur, que l'effort du Gouvernement soit plus important encore.
Je rappelle qu'à l'occasion du précédent recensement, la prise en compte avait été étalée non pas sur deux ou trois ans mais sur quatre ans. Ce gouvernement fait donc preuve d'une plus grande rapidité dans la prise en compte des réalités.
En demandant au Gouvernement de faire un effort plus important encore, la commission des finances est en contradiction avec les objectifs qu'elle affiche et qui sont, je vous le rappelle, la limitation des dépenses et la réduction du déficit budgétaire.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il ne s'agit pas d'une dépense !
M. Paul Girod. rapporteur pour avis. C'est un versement !
M. Jean-Claude Peyronnet. La commission des finances me semble oublier sa position globale sur l'ensemble du budget.
J'ajoute enfin que la comparaison entre la situation des dotations telle qu'elle résulte de l'application du contrat de croissance par rapport à ce qu'elle aurait été si nous en étions restés au pacte de stabilité fait apparaître pour l'année 2000, pour les collectivités locales, 2,4 millions de francs supplémentaires auxquels s'ajoutent 1,7 milliard de francs d'abondements spécifiques, soit, au bout du compte, un bonus de plus de 4 milliards de francs,...
M. Michel Mercier, rapporteur. Même le ministre n'avait pas trouvé autant !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... ce qui permet de passer des caps dans des conditions relativement satisfaisantes, malgré tout !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes favorables au dispositif mis en place par le Gouvernement, avec un lissage sur trois ans qui me semble parfaitement équilibré et qui maintient la solidarité entre les collectivités en expansion et celles qui sont en difficulté. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le recensement de 1999, qui, d'ailleurs, est sans doute le dernier recensement exhaustif que connaîtra notre pays, a été réalisé avec deux ans de retard et il sera appliqué avec un décalage de trois ans, de telle sorte que les chiffres qui devaient rénover les données de 1990, au lieu d'être appliqués pour l'année 1997, le seront en l'an 2000.
Douze années de retard, c'est bien la preuve de l'obsolescence ou, du moins, de l'absence de plasticité de notre système financier local, et cela face au bouleversement démographique que connaît notre pays du fait, en particulier, de l'explosion périurbaine.
Puisque notre excellent rapporteur souhaitait que l'on s'en tienne aux réalités du terrain, je vais, tout simplement, m'appuyer sur le département que je connais bien, sur lequel j'ai pu procéder à une simulation de la DGF.
J'ai la chance d'être dans un département dont la progression de population est de 9 % et où les 80 communes qui perdent de la population ne perdent au total que 3 000 habitants alors que l'augmentation est de 90 000 habitants pour les autres communes.
Et ces autres communes, ce ne sont pas des villes, ce sont essentiellement des communes de 500 à 5 000 habitants qui progressent de 25 %, voire de 60 %, pour certaines d'entre elles. C'est en pensant à ces communes en expansion rapide que je me permettrai, monsieur le ministre, de porter un jugement sur votre projet de là.
Je ne crois d'ailleurs pas que ce soit tant le problème de la durée du lissage - sur 2 ou 3 ans - qui soit essentiel que celui de l'obsolescence de la dotation forfaitaire. Bien entendu, puisque j'essaie de défendre les communes en expansion, la durée de deux ans me paraît préférable, d'autant plus qu'un filet de sécurité protège, à très juste titre, les communes qui sont en perte de vitesse.
Je reconnais que des efforts ont été faits : il en est un, cependant, qui n'a jamais été signalé depuis le début de ce débat ou qui a échappé à mon attention, c'est un décret qui a été pris par le Gouvernement avant le recensement et selon lequel on devait tenir compte, pour l'évaluation des populations communales, des doubles comptes. En termes très clairs, cela signifie que, désormais, les étudiants qui étaient décomptés uniquement dans la ville universitaire où ils poursuivent des études compteront également dans leur commune de résidence, où ils créent des besoins importants puisqu'ils y participent généralement à la vie sportive et culturelle. Ces étudiants représentent près d'un demi-million d'habitants supplémentaires.
Monsieur le ministre, vous avez été ministre de l'éducation nationale. Si le Gouvernement dispose à la fin de l'année, dans le collectif budgétaire, de certaines recettes - je ne citerai pas les mêmes chiffres que ceux qui ont été annoncés à l'Assemblée nationale -, je pense qu'il pourrait obtenir, pour ce demi-million de population étudiante supplémentaire, les 250 millions de francs qui permettraient de boucler le lissage en deux ans de la DGF.
Cela étant, je reconnais qu'un effort financier a déjà été accompli.
Ma seule inquiétude porte sur ce que l'on appelle le « rebasage », c'est-à-dire la perpétuation des dotations supplémentaires l'année prochaine.
Je m'interroge sur les effets du lissage, sur deux ans, des autres dotations, tout jouant symétriquement, à la hausse comme à la baisse. En effet, une diminution de la population communale accroît - c'est un paradoxe - la richesse apparente de la commune et risque de lui faire perdre son éligibilité à telle ou telle dotation.
Pour remédier à cet inconvénient, la commission des finances a proposé un mécanisme de garantie. A défaut de ce mécanisme, je me demande s'il ne conviendrait pas d'examiner après un an d'application les conséquences d'un tel étalement sur l'éligibilité de certaines communes.
Mais, au fond, là n'est pas pour moi l'essentiel. L'essentiel, c'est le devenir de la dotation forfaitaire. J'approuve totalement les propos du président du Comité des finances locales.
Quand on aborde la question de la DGF avec un maire, quel n'est pas son étonnement d'apprendre qu'elle n'est indexée qu'à hauteur de 50 % ! Il serait même sans doute plus juste de parler d'un sentiment d'incompréhension, voire de révolte. Les maires sont beaucoup plus sensibles à ce point qu'au choix de la durée du lissage.
L'incompréhension des élus locaux sera encore aggravée par l'effet conjugué de la prise en compte partielle de la croissance de la population et de la retenue sur DGF due à la suppression du contingent, suppression que j'approuve même s'il en résultera un certain brouillard. Les maires ne comprendront pas comment a évolué la dotation forfaitaire.
La demi-indexation de la DGF forfaitaire date, je le sais bien, de la réforme de la DGF, que j'ai d'ailleurs votée. Mais, je l'avoue, je n'avais par perçu, à l'époque, la portée néfaste de cette mesure qui, à court terme, s'appliquait uniquement aux recensements complémentaires. La réforme de la DGF avait d'ailleurs toujours été considérée comme partielle et, une fois retrouvée la marge de péréquation au travers de la dotation d'aménagement, il fallait - c'est ce que l'on disait et je maintiens aujourd'hui, monsieur le ministre, qu'il faut le faire - ouvrir le chantier de la réforme de la dotation forfaitaire.
J'ai simulé l'évolution de la DGF forfaitaire à échéance 2002 pour les communes de mon département. Je ne parle donc pas ici des grandes villes. (M. Fréville présente un document du haut de la tribune.) Bien que vous ne puissiez le constater vous-mêmes, faut d'un dispositif permettant la diffusion de documents dans cet hémicycle, le fait est très net : la dotation forfaitaire pour les communes de moins de 10 000 habitants varie, dans 90 % des cas, dans une fourchette de 600 francs à 1 300 francs par habitant.
De plus, quelles que soient les méthodes, je n'ai pu établir aucune relation significative avec un quelconque facteur discriminant, que ce soit la population ou le potentiel fiscal. Seule l'histoire peut être une explication, si l'on remonte à la taxe locale !
Le seul facteur - il est essentiel - qui discrimine le montant de la DGF, d'une commune à l'autre, c'est le taux de croissance. En effet, plus une commune croît, plus sa DGF par habitant est faible. Ce sont les communes qui connaissent une croissance de 40 % à 50 % qui ont la plus faible DGF, alors que ce sont aussi ces communes-là qui ont les besoins les plus importants, et qui doivent supporter la charge d'équipement !
Monsieur le ministre, je sais très bien que l'objet de ce projet de loi n'est pas d'apporter des corrections à la DGF. Je ne vous fais donc aucun reproche, j'attire seulement votre attention sur la nécessité de mettre en chantier - chantier auquel tout le monde pourrait s'associer - une réforme de la dotation forfaitaire. Ce sera sans doute long et difficile, mais c'est sur ce chemin que nous devons nous engager pour ne pas avoir seulement à expliquer les réformettes que nous sommes en train de voter et qui ressemblent en quelque sorte à des rustines appliquées sur une chambre à air déjà percée de partout !
En conclusion, monsieur le ministre, compte tenu des circonstances financières que nous connaissons en cette fin d'année, j'approuve sans réserve la mesure instaurant un lissage étendu sur deux années. Votre projet de loi constitue une nécessaire adaptation, mais c'est d'une loi de modernisation que nous avons besoin et que j'appelle de tous mes voeux ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd'hui a pour objet de prendre en compte les conséquences financières de la variation de la population recensée en 1999 sur les dotations versées par l'Etat aux collectivités locales, qu'il s'agisse de la DGF, de la DSU ou de la DSR. A-t-il atteint vraiment son but ?
Telle est la question à laquelle je vais tenter de répondre, après avoir brièvement rappelé les incidences du dernier recensement.
Les premiers résultats du recensement ont été connus en juillet dernier ; mais, pour des raisons techniques, l'exploitation de ces premières données a pris du retard et leur analyse détaillée ne devrait être disponible qu'à l'automne prochain.
De tels délais entre deux recensements poussent à se demander s'il ne serait pas possible de les réaliser de façon plus rapprochée afin d'aligner plus précisément les dotations sur les évolutions démographiques car, dans l'entre-deux, ce sont les collectivités locales, notamment celles dont la population augmente, qui financent les infrastructures et les besoins de ces populations nouvelles.
Les tendances suivantes sont cependant d'ores et déjà connues avec une relative certitude, à savoir : une croissance ralentie de la population, une expansion urbaine continue, notamment dans les métropoles régionales, une répartition qui traduit un certain rééquilibrage entre Paris et la province, mais qui montre aussi que quatre régions - Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nord - Pas-de-Calais - concentrent 43 % de la population.
C'est ici que se pose le principal problème : pour être efficace, la loi ne doit pas s'en tenir aux seuls critères de population ; elle doit prendre en compte les besoins en termes d'aménagement du territoire. Une région riche n'est pas une région sans besoins.
Dans le cas particulier de mon département, la Haute-Savoie, je retiendrai la très forte progression de la population : 11,1 % de plus entre les deux recensements. C'est la troisième plus forte progression en France, après l'Hérault et la Haute-Garonne ; c'est aussi la plus forte hausse parmi les départements de la région Rhône-Alpes ; c'est enfin le premier département dans la catégorie dépourvue de métropole régionale. Quant à Annecy, elle fait partie des villes qui ont connu un taux de croissance annuel de 1 %.
Cette rapide progression se traduit par le fait que la densité est passée, depuis 1990, de 130 à 144 habitants au kilomètre carré. Le sillon alpin de Grenoble à Genève en passant par Annecy constitue la zone la plus dynamique de la région. En outre, il convient de noter que certains espaces ruraux connaissent un regain d'intérêt.
Je me permets d'attirer votre attention sur la particularité d'une telle évolution, car elle pose la question non seulement de la gestion de l'augmentation de population, mais de l'aménagement du territoire lui-même. L'espace devient relativement rare en Haute-Savoie ; c'est largement un espace fragile, car un espace de montagne. Cela implique une gestion précautionneuse de cet espace et des investissements toujours plus importants pour satisfaire les besoins des populations, qu'il s'agisse des logements, des écoles, des moyens de communication ou de l'implantation d'entreprises pour créer de nouveaux emplois.
Or, face à l'impact financier de ce recensement sur le budget des collectivités territoriales, la réponse générale et uniforme apportée par le présent projet de loi paraît imparfaite.
Les rapporteurs des commissions des finances et des lois ont proposé plusieurs amendements pertinents que nous ne saurions que retenir afin de répondre réellement aux besoins des collectivités territoriales.
Premièrement, il est nécessaire de prévoir un étalement sur deux ans, et non trois, de la prise en compte du résultat du recensement, dans le droit-fil des recommandations du Comité des finances locales.
Deuxièmement, nous avons prévu une augmentation de la DSU et de la DSR, afin que ces dotations de solidarité continuent de jouer tout leur rôle.
Ensuite, pour ce qui concerne les communes qui ont enregistré une diminution de population, la précaution même pousse à la modulation des dotations de l'Etat, car elles risquent d'être, à court terme, inéligibles à certaines dotations.
Enfin, il est évident que ce dispositif est complémentaire de l'augmentation des crédits que nous avons votée lors de l'examen de la première partie de la loi de finances et que, je l'espère, nos collègues députés accepteront de retenir lors de l'examen définitif du projet de loi de finances.
Mais s'il est nécessaire d'adopter aujourd'hui ces amendements - qui améliorent le texte proposé - c'est-à-dire la marge de manoeuvre des collectivités locales, il est tout aussi important d'envisager la réforme du système de financement des collectivités locales ainsi qu'une relation plus responsable entre l'Etat et les collectivités.
L'Etat doit, en effet, arrêter de se décharger sur les collectivités locales et de grever ainsi leurs budgets. J'en donnerai quatre exemples, si vous le permettez.
Premièrement, l'Etat se désengage dans ses domaines de compétences, tels que les travaux sur les routes nationales, où il n'assure pas des conditions élémentaires de sécurité et pratique ce que j'appellerai un véritable racket sur les collectivités publiques en encaissant les honoraires de maîtrise d'oeuvre et en récupérant la TVA. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'interroger votre collègue de l'économie et des finances, lors d'une question orale, pour lui demander s'il entend mettre fin à cette situation inacceptable.
Deuxièmement, les collectivités locales subissent le coût croissant des services départementaux d'incendie et de secours, notre rapporteur l'a dit tout à l'heure.
Troisièmement, elles doivent faire face à l'accroissement des dépenses de personnel résultant de l'accord salarial, signé par l'Etat, en date de février 1998.
Enfin, quatrièmement, elles doivent prendre en compte l'inflation des normes, notamment techniques, qui ont des conséquences directes sur leurs interventions et à la définition desquelles elles ne participent nullement. Le coût des normes techniques est ainsi chiffré à 140 milliards de francs d'ici à 2005.
De cette augmentation des charges, il résulte un besoin de financement auquel il n'est répondu, ni par une hausse suffisante et proportionnelle des dotations de l'Etat, solution à laquelle nous ne saurions être favorables, car elle se traduit par une recentralisation des finances locales, ni par une hausse des impôts locaux, les collectivités locales s'étant engagées, depuis plusieurs années, et avec succès, dans la voie d'une « politique volontariste de limitation de la croissance de leurs dépenses de gestion », comme le souligne notre collègue Joël Bourdin dans son rapport de l'Observatoire des finances locales.
C'est donc bien d'une réforme complète des finances locales qu'il s'agit. Le phénomène des abondements successifs des dotations montre d'ailleurs clairement que le fonctionnement de notre système est en train de s'enrayer et qu'il faut prévoir une remise à plat.
A ce titre, je me demande s'il ne faudrait pas envisager un dispositif nouveau dans lequel les dotations de l'Etat reposeraient non pas sur un critère dominant de population, mais sur un critère qui serait véritablement pondéré par des indices qualitatifs reflétant les besoins réels de la collectivité territoriale. En témoigne l'exemple de la Haute-Savoie que je viens d'évoquer.
La réforme de nos finances locales doit être une priorité pour notre démocratie, car elle est garante de clarté et de bonne gestion ; c'est ainsi que nos concitoyens comprendront qui décide, qui paie et à quoi servent leurs impôts.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants apportera son soutien aux amendements présentés par nos éminents rapporteurs, MM. Mercier et Girod, et votera ce texte sous réserve de leur adoption. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats du recensement de 1999 montrent, à première vue, une augmentation globale de la population, plus particulièrement dans les secteurs ruraux.
L'analyse approfondie des chiffres dévoile une tout autre réalité, que je me dois de signaler ici en tant que représentant d'un département de montagne. Cette réalité, c'est le signal d'une véritable fracture territoriale.
En effet, aujourd'hui, 80 % de la population française occupent seulement 20 % du territoire, même si un rééquilibrage entre Paris et les grandes métropoles régionales se dessine autour de l'essor de l'habitat périurbain.
Au contraire, dans les secteurs ruraux à forte dominante agricole, où plus de 13 000 communes perdent des habitants depuis 1990, la chute de la démographie est alarmante.
Le Massif central est particulièrement touché par cette situation et les chiffres qui suivent nous interpellent.
Dans le Cantal, 204 communes sur 260 ont vu leur population chuter, dont certaines de 35 %, et des cantons entiers ont perdu jusqu'à 17 % de leur population en moins de dix ans.
Aussi, au-delà du texte qui nous est proposé, au risque de m'évader quelque peu du débat technique qui nous rassemble cet après-midi et pour lutter efficacement contre ce risque réel de fracture territoriale, quatre grandes orientations me semblent devoir être impulsées par l'Etat : une solidarité nationale renforcée ; une organisation territoriale solidaire ; une politique forte d'aménagement du territoire ; enfin, une nouvelle étape dans la décentralisation.
Pour renforcer la solidarité nationale, tout d'abord le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à traiter de manière solidaire deux situations différentes : celles des communes ayant vu leur population diminuer et celles ayant bénéficié d'une augmentation de leur population.
Vous proposez, monsieur le ministre, pour les communes qui perdent des habitants, le gel pendant trois ans de la dotation forfaitaire. Ainsi, en 2000, ces communes percevront le même montant que l'année précédente, comme en 2001 et 2002, et leur dotation forfaitaire ne recommencera à augmenter qu'en 2003.
Cela permet de ne pas pénaliser le montant des dotations de solidarité, la DSU et la DSR. Ce délai de trois ans semble raisonnable et c'est un sentiment partagé par plusieurs de mes amis du groupe centriste. Il faut se rappeler qu'en 1990 il était de quatre années. Mais je pense que, à l'avenir, il faudra aller encore plus loin et prendre en compte de nouveaux critères territoriaux dans le calcul de la DGF.
En effet, une rénovation des modes de calcul actuel, de façon à reconsidérer les zones à faible population - de plus en plus importantes en surface et dont le rôle est majeur en termes d'aménagement de l'espace - participerait aussi à cet effort de solidarité.
Pour ce qui est de rendre l'organisation territoriale solidaire, la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale que vous avez impulsée, monsieur le ministre, en accord avec les deux assemblées, constitue, sans aucun doute, une avancée significative dans ce sens.
Désormais, des bassins de vie cohérents et homogènes pourront se structurer solidairement, notamment autour des bourgs-centres, pour compenser les pertes d'emploi dans nos campagnes en optimisant leurs moyens et leur développement.
Pour assurer une politique forte d'aménagement du territoire, compte tenu de la très grande diversité de notre territoire mise en lumière par les résultats de ce recensement, une adaptation réelle de cette politique aux difficultés de nos secteurs ruraux est nécessaire.
Face à ces situations particulières, des dispositifs législatifs particuliers doivent absolument être mis en place pour donner à ces territoires une nouvelle chance à l'avenir.
Cet effort national s'avère d'autant plus nécessaire que l'Europe s'appuie sur des critères exclusivement régionaux pour déterminer son soutien au développement rural.
Enfin, une nouvelle étape dans la décentralisation s'avère désormais nécessaire pour mieux répondre, au plus près du terrain, avec tous les acteurs locaux déjà très fortement mobilisés, au besoin urgent de développement de ces territoires.
Monsieur le ministre, ce projet de loi répond à une volonté que je partage, comme plusieurs élus du groupe centriste, de tenir compte solidairement de l'évolution démographique de notre pays dans les dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Les communes rurales en difficulté attendaient ce texte avec une certaine inquiétude, elles seront rassurées. Mais l'ampleur de la fracture territoriale est telle, aujourd'hui, que sa réduction doit devenir une des priorités nationales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
Art. 1er. - I. - L'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une diminution de la population d'une commune telle qu'elle est définie à l'alinéa précédent, seule une part de cette diminution est prise en compte, pendant deux ans, pour l'application des dispositions de la présente section. En 2000, cette part est égale au tiers de la diminution ; en 2001, elle est égale aux deux tiers de la diminution.
« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une augmentation de la population d'une commune telle qu'elle est définie au deuxième alinéa, seule une part de cette augmentation est prise en compte, pendant deux ans, pour l'application des dispositions de la présente section. En 2000, cette part est égale au tiers de l'augmentation ; en 2001, elle est égale aux deux tiers de l'augmentation. »
« I bis (nouveau) . - Le premier alinéa de l'article L. 2334-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998). »
« I ter (nouveau) . - L'article L. 2334-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le potentiel fiscal visé à l'alinéa précédent est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée. Ce montant est réparti entre les communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale au prorata des diminutions de bases de taxe professionnelle dans chacune de ces communes qui donnent lieu à compensation. »
« II. - L'article L. 2334-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une diminution de la population d'une commune, la dotation forfaitaire revenant à cette commune en 2000, 2001 et 2002 demeure égale à celle qui lui a été attribuée en 1999. Si un recensememt complémentaire est organisé en 1999, 2000 ou en 2001 dans cette commune, les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le recensement complémentaire fait apparaître une population supérieure à celle qui était prise en compte avant le recensement général de 1999. Dans ce cas, seule est retenue l'augmentation entre la population prise en compte avant le recensement général de 1999 et celle constatée par le recensement complémentaire. »
« III. - Au 4° de l'article L. 2334-17 du même code, les mots : "calculé en prenant en compte la population qui résulte des recensements généraux ou complémentaires" sont remplacés par les mots : "calculé en prenant en compte la population définie au premier alinéa de l'article L. 2334-2 et, pour 2000 et 2001, aux troisième et quatrième alinéas du même article".
« IV. - L'article L. 2531-13 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le potentiel fiscal à prendre en compte pour l'application du présent paragraphe est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998). » ;
« 2° Au III, après les mots : "dans les conditions prévues à l'article R. 114-1 du code des communes", il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'une commune, cette variation est prise en compte dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2334-2. »
« V. - L'article L. 2531-14 du même code est complété par un VII ainsi rédigé :
« VII. - Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'une commune, cette variation est prise en compte, pour l'application des dispositions du présent article, dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2334-2. »
Sur cet article, je suis d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 15 est déposé par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent, après les mots : « à l'alinéa précédent, » à rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales : « seule la moitié de cette diminution est prise en compte en 2000, pour l'application des dispositions de la présente section ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Au moment de commencer la discussion des articles, je voudrais souligner combien nous avons apprécié que les deux commissions puissent travailler de concert. Ainsi, la plupart des amendements sont-ils présentés conjointement par les deux commissions. Je remercie M. Paul Girod de sa collaboration efficace.
L'amendement n° 2 prévoit que les baisses de population seront prises en compte sur deux ans au lieu de trois ans.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Lors de la discussion générale, j'ai expliqué à quel point les deux commissions étaient d'accord sur cette question.
L'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons l'étalement sur deux ans est que le recensement est arrivé très en retard et que nous ne pouvons pas attendre trop longtemps la prise en compte des conséquences de ce recensement dans la réalité communale.
MM. Jean-Pierre Fourcade et Jacques-Richard Delong. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 2 et 15 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer que l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales dépassait 4 milliards de francs, somme condidérable.
Il existe une contrainte budgétaire pour toutes sortes de raisons - certains orateurs dont M. Peyronnet l'ont rappelé - raisons qui devraient être particulièrement sensibles aux sénateurs de la majorité, qui luttent contre l'accroissement des prélèvements obligatoires.
Nous en sommes à un point où il faut naturellement arbitrer entre les nécessités de la péréquation et le souhait bien compréhensible de toutes les collectivités locales de voir augmenter leur dotation. Si nous voulons préserver les dotations de solidarité, l'étalement sur trois ans s'impose. Par conséquent, je suis défavorable à ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 2 et 15.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je ne comprends toujours pas pourquoi la commission des finances nous propose le lissage sur deux ans.
Une prise en compte de 50 % de la variation, à la hausse comme à la baisse, de la population sur deux ans aura pour effet d'amplifier la facture sur les budgets locaux.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons la position du Gouvernement et sommes défavorables à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 15, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis à nouveau saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 16 est déposé par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent, après les mots : « définie au deuxième alinéa », à rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales : « seule la moitié de cette augmentation est prise en compte en 2000 pour l'application des dispositions de la présente section. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est la conséquence de l'amendement n° 2.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. J'ajouterai simplement un mot : monsieur le ministre, quand l'Etat transmet un certain nombre de charges aux collectivités locales sans transférer les ressources correspondantes - vous savez bien que cela arrive plus que souvent - ou quand celles-ci sont sollicitées pour participer à telle ou telle opération - j'ai encore entendu dire qu'on faisait appel à elle, il y a deux jours, à propos de la crise en Bretagne - il faut bien que les collectivités territoriales trouvent leurs subsides quelque part. Si ce n'est pas l'Etat qui fait l'effort, ce sont elles.
Que le budget des collectivités locales soit alimenté par l'Etat ou par leur propre fiscalité ne change rien au total des prélèvements obligatoires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 3 et 16 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 3 et 16.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. M. le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas augmenter les prélèvements obligatoires. Mais l'Assemblée nationale a décidé d'octroyer 150 millions de francs pour la dotation de solidarité rurale en opérant un prélèvement sur la taxe professionnelle que ne versent pas aux collectivités locales La Poste et les télécommunications.
Je trouve cet exemple intéressant. On aurait pu faire la même chose pour tenir compte des résultats du recensement, monsieur le ministre, sans augmenter le niveau des prélèvements obligatoires !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 3 et 16, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Toujours sur l'article 1er, je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 17 rectifié est déposé par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le II de l'article 1er :
« II. - L'article L. 2334-9 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2334-9 . - En cas d'augmentation de la population d'une commune constatée à l'occasion d'un recensement général ou complémentaire, la dotation forfaitaire revenant à cette commune est calculée en appliquant au montant antérieurement perçu indexé dans les conditions prévues à l'article L. 2334-7 un taux d'augmentation égal à 50 % du taux de croissance de la population telle qu'elle a été constatée.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une augmentation de la population d'une commune, seule une part de cette augmentation est prise en compte en 2000 dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 2334-2.
« Lorsque le recencement général de population de 1999 fait apparatîre une diminution de la population d'une commune, la dotation forfaitaire revenant à cette commune en 2000 et en 2001 est calculée en appliquant au montant antérieurement perçu indexé dans les conditions prévues à l'article L. 2334-7 un taux égal à 50 % du taux d'évolution de la population telle qu'elle a été constatée. Toutefois, si le montant de la dotation forfaitaire ainsi calculé est inférieur au montant de l'attribution due à la commune au titre de 1999, la dotation forfaitaire lui revenant demeure égale à celle due à la commune au titre de 1999. Lorsqu'un recensement complémentaire est organisé en 1999 ou en 2000 dans cette commune, les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le recensement complémentaire fait apparaître une population supérieure à celle qui était prise en compte avant le recensement général de population de 1999. Dans ce cas, seule est retenue l'augmentation entre la population prise en compte avant le recensement général de 1999 et celle constatée par le recensement complémentaire. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Michel Mercier, rapporteur. Dans la mesure où c'est M. Paul Girod qui a eu le premier l'idée extrêmement intéressante de cet amendement, je suis soucieux de respecter sa paternité. (Sourires.) En conséquence, je lui laisse la parole, avec votre autorisation, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 17 rectifié.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je remercie M. Mercier, rapporteur au fond, de sa courtoisie à l'égard de la commission saisie pour avis et de son rapporteur. Il s'agit, c'est vrai, d'une disposition qui est née dans un bureau que je connais bien.
Ainsi, lorsque nous avons commencé à réfléchir sur ce texte, j'ai été amené à faire remarquer qu'une commune qui perdait un seul habitant voyait sa dotation gelée pendant trois ans, comme une commune qui en perdait beaucoup. Cela nous a semblé un peu excessif, d'où un travail en commun des deux commissions - et, monsieur le rapporteur, je veux, à mon tour, rendre hommage à la commission des finances - travail en commun qui a abouti à ce texte dont l'objet est de lisser les effets du dispositif sur les communes qui perdent peu de population.
Je veux profiter de l'occasion pour dire à M. Foucaud qu'il n'a pas tout à fait compris l'intérêt de l'étalement sur deux ans. En effet, l'abaissement de l'étalement vise à faire profiter plus vite les collectivités territoriales des bénéfices qu'elles peuvent retirer de l'application du recensement. Autrement dit, ce que nous proposons est en faveur des collectivités, qui gagnent un an. Cela se vérifie aussi pour les communes qui perdent de la population, puisque ces communes ne verront leur dotation gelée que pendant deux ans, l'indexation reprenant dès la troisième année alors que, dans le texte du Gouvernement, elle ne reprend qu'à la fin de la troisième année.
S'agissant des communes qui perdent peu de population, je crois que le Gouvernement pourrait, sans se déjuger, se rallier à cette suggestion qui, d'abord, ne coûte pas extrêmement cher, en tout cas certainement pas la première année, et qui ne coûterait un peu d'argent que si l'indexation de la DGF était importante la seconde année, ce que tout le monde souhaite ! Au demeurant, ce ne serait pas un effet de l'effort de l'Etat, monsieur le ministre, ce serait la constation d'un droit des collectivités, ce qui n'est pas tout à fait la même chose !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. S'agissant du mécanisme que vient d'évoquer M. Girod visant à éviter de pénaliser excessivement des communes qui perdent peu de population, je crois que c'est une mesure de bon sens et de justice. Le Gouvernement serait donc prêt à aller dans ce sens.
Cependant, je reste très ferme sur la durée de l'étalement : elle sera de trois ans et ne peut être de deux ans. Je suis donc défavorable à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4 et 17 rectifié, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis de nouveau saisi de deux amendement identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent à insérer, après le III de l'article 1er, un paragraphe ainsi rédigé :

« III bis - Après le premier alinéa de l'article L. 2334-18-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, à la suite de la prise en compte, dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas de l'article L. 2334-2, des variations de population constatées par le recensement général de 1999, une commune cesse d'être éligible en 2000 ou 2001 à la dotation, elle perçoit, à titre de garantie, une attribution égale à 60 % de celle qu'elle a perçue l'année précédente et à 30 % l'année suivante. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de neutraliser les conséquences négatives du passage de trois ans à deux ans pour l'éligibilité aux dotations d'aménagement DSU et DSR car, comme l'a rappelé M. Girod, le fait de ramener à deux ans la prise en compte des conséquences du recensement pour les communes qui perdent de la population leur est favorable sur le plan de la dotation forfaitaire mais peut conduire certaines communes à perdre plus vite leur éligibilité à la DSU ou à la DSR. Cet amendement, ainsi que le suivant, neutralise cet effet pervers en provoquant une garantie sur deux ans pour les communes qui perdent leur éligibilité en 2000 et en 2001.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Les motivations et la démarche des deux commissions étant identiques, je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit M. Michel Mercier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. On m'explique qu'il est nécessaire de prendre en compte l'évolution de la population et que le souci de justice doit nous guider, mais, chaque fois qu'apparaît une incidence négative, il faudrait geler, garantir contre les effets d'une sortie du régime. Bref, on veut tout et son contraire. Comprenne qui pourra !
Il faut un peu de logique dans le système de la fiscalité locale, dont M. Fourcade déplorait tout à l'heure le caractère quasi féodal. Je rappelle qu'il existe une garantie de droit commun qui est égale à la moitié de la dotation perçue l'année précédente. Cela devrait suffire pour tenir compte des réalités.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix les amendements identiques n°s 5 et 18, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est déposé par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent à insérer, après le III de l'article 1er, un paragraphe ainsi rédigé :

« III ter. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'à la suite de la prise en compte, dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas de l'article L. 2334-2, des variations de population constatées par le recensement général de 1999, une commune cesse d'être éligible en 2000 ou 2001 à cette fraction de la dotation de solidarité rurale, elle perçoit, à titre de garantie, une attribution égale à 60 % de celle qu'elle a perçue l'année précédente et à 30 % l'année suivante. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est de même nature que le précédent, mais il porte sur la dotation de solidarité rurale.
Je voudrais répondre en quelques mots à M. le ministre. Dès lors que l'on ne tire pas les conséquences des résultats du recensement sur une seule année, il convient d'étaler, d'aménager, en tenant compte des réalités du terrain. Nous le faisons comme nous pouvons, de manière que les communes soient traitées au mieux dans cette période de forte croissance, où l'Etat voit ses recettes enfler, à tel point qu'il lui faut même les cacher !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Même argumentation, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendement identiques ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, pour les raisons que j'ai déjà expliquées. Il faut bien avoir quelques principes dans la vie !
Bien sûr, les sénateurs ou, plus précisément, le président de la commission des finances et les deux rapporteurs pourraient dire que c'est la charité chrétienne qui veut qu'on ne change jamais rien. Mais je vous rappelle que saint Martin lui-même a coupé son manteau en deux. (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. C'est ce qu'on vous demande !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Précisément, la garantie de droit commun porte sur la moitié de la dotation perçue ! Il n'est pas besoin d'aller plus loin. Soyons républicains ! (Nouveaux sourires.) M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, ce n'est pas de la charité chrétienne : c'est de la charité citoyenne. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 6 et 19, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Articles additionnels après l'article 1er



M. le président.
Par amendement n° 28 rectifié, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "une attribution égale", la fin du premier alinéa de l'article L. 2334-18-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : "à 60 % de celle qu'elle a perçue l'année précédente et à 30 % l'année suivante". »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à porter de deux à trois ans la période de lissage en cas de cessation d'éligibilité d'une commune à la DSU.
Nos collègues de la majorité sénatoriale se sont employés à démontrer qu'une durée de lissage de deux ans était préférable à une durée de trois ans. Je me permets de leur signaler qu'un délai de deux ans n'est pas suffisant pour les communes défavorisées.
L'article L. 2334-18-3 du code général des collectivités territoriales prévoit une suppression progressive, par moitié, sur deux ans, de la dotation de solidarité urbaine.
Allonger la durée du lissage donnerait aux collectivités locales qui cessent d'être éligibles à la DSU le temps d'assimiler la perte de recettes conséquente et leur éviterait de subir une rupture franche dans le montant de leur dotation.
Chacun sait que les seuils, quels qu'ils soient, ont des effets profondément injustes. Aussi, au-delà du mécanisme que nous vous proposons d'améliorer, sans doute faudrait-il réfléchir à l'instauration d'une progressivité, afin d'éviter des traitements différenciés aux abords des seuils.
Puisque vous préconisez, chers collègues de la majorité sénatoriale, l'instauration d'un mécanisme de lissage pour pallier les effets de la prise en compte du recensement dans le calcul des dotations, je pense que vous ne verrez aucun inconvénient à voter notre amendement, qui a le même objet, mais dans le cadre plus général de la DSU.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je voudrais dire à M. Foucaud que l'amendement qu'il vient de nous présenter est en quelque sorte le même - mais légèrement « aggravé » - que celui contre lequel il vient de voter.
Il faut avoir des principes, on vient de nous le rappeler. En l'espèce, le principe consiste à dire que, la prise en compte du recensement nous plaçant dans une situation transitoire, il s'agit de régler de façon transitoire la sortie de tel ou tel dispositif. Or l'amendement n° 29 a pour objet de pérenniser un mécanisme de sortie.
M. Foucaud aurait dû se rallier tout à l'heure à l'amendement présenté par la commission. Il n'a pas pu le faire, et je suis contraint de donner un avis défavorable sur son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Les raisons de principe qui m'ont amené à me prononcer défavorablement sur les amendements précédents me conduisent à adopter ici, à mon grand regret, la même attitude.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 29, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2531-14 du code général des collectivités territoiriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2531-14 - Bénéficient d'une attribution du fonds destiné à tenir compte de l'insuffisance de ressources fiscales au regard des charges particulièrement élevées qu'elles supportent :
« 1° Les cent premières communes de 10 000 habitants et plus classées en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges défini au II ci-après ;
« 2° Le premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants classées en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges définies au III ci-après ;
« Les communes soumises à un prélèvement en faveur du fonds ne peuvent bénéficier de ses attributions.
« II. - L'indice synthétique de ressources et de charges mentionné au I pour les communes de 10 000 habitants et plus est constitué :
« 1° Du rapport entre le potentiel fiscal par habitant des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France et le potentiel fiscal par habitant de la commune, tel que défini à l'article L. 2334-4.
« 2° Du rapport entre la proportion de logements sociaux, tels qu'ils sont définis à l'article L. 2334-17 dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France.
« 3° Du rapport entre la moyenne communale par logement des bénéficiaires d'aides au logement, telles qu'elles sont définies à l'article L. 2334-17, de leur conjoint et des personnes à charge vivant habituellement dans leur foyer et cette même moyenne constante dans l'ensemble des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France ;
« 4° Du rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France et le revenu de commune, calculé en prenant en compte la population qui résulte des recensements généraux ou complémentaires.
« Le revenu pris en compte pour l'application de l'alinéa précédent est le dernier revenu imposable connu. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à uniformiser les clés de répartition des crédits de la dotation de solidarité urbaine et du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, le FSCRIF.
Nous proposons d'appliquer au FSCRIF les critères synthétiques retenus pour la DSU, à savoir : le rapport potentiel fiscal de la commune/potentiel fiscal moyen des communes de la même strate démographique ; la proportion de logements sociaux ; la proportion de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement ; le revenu moyen par habitant.
En modifiant la pondération de ces critères comme nous le proposons, se verraient mieux prises en compte les difficultés économiques et sociales des habitants des communes défavorisées, qui trouveraient ainsi une réponse à certains des problèmes qu'elles rencontrent.
La région d'Ile-de-France - sans vouloir l'opposer aux autres régions, car certaines d'entre elles connaissent les mêmes inégalités - est une terre de contrastes et de disparités.
C'est une région riche, dans la mesure où la majorité du produit national de taxe professionnelle y est collectée. Mais cette région apparaît comme beaucoup moins riche si l'on considère la pauvreté qui s'y accroît et le fait qu'elle compte quelque 150 quartiers classés en quartiers sensibles.
Il faut aussi tenir compte des disparités internes à la région parisienne. Ainsi, le revenu moyen des habitants de la Seine-Saint-Denis est inférieur de 40 % à celui des habitants de l'ouest parisien ou, autre exemple, le taux des impôts locaux varie de 1 à 6 dans les Hauts-de-Seine.
Compte tenu de ses spécificités, des sensibles écarts de moyens entre les collectivités locales et de fortune entre les habitants, la région d'Ile-de-France, depuis 1991, constitue un champ d'expérimentation de la solidarité entre les collectivités locales, au travers de prélèvements opérés sur les recettes fiscales des collectivités les plus riches au bénéfice des plus démunies. Plus personne ne peut aujourd'hui contester le bien-fondé de ce mécanisme, d'autant qu'un second prélèvement a été mis en place par la loi relative à la simplification et au développement de la coopération intercommunale.
A travers notre amendement, il est porté un regard neuf sur le rôle péréquateur du FSCRIF, prenant en compte les situations économiques et sociales réelles des communes de la région parisienne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à aligner les critères de répartition du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France sur ceux de la dotation de solidarité urbaine.
Des amendements de même nature ont été régulièrement déposés au cours des années passées. Chaque fois, notre commission a indiqué que, à son sens, une telle proposition méritait d'être examinée, mais que cet examen, pour être sérieux, supposait au préalable la réalisation de simulations, que nous avons systématiquement demandées au Gouvernement.
Compte tenu de la fragilité du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, tant que nous ne disposerons pas de simulations nous permettant de nous prononcer en toute connaissance de cause, nous ne pourrons pas adopter une telle mesure.
Je demande donc à M. Foucaud de bien vouloir, une fois que nous aurons entendu le Gouvernement, de retirer son amendement. A défaut de son retrait, j'en demanderai le rejet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. L'avis du Gouvernement rejoint celui du rapporteur.
En effet, la pondération du critère de potentiel fiscal est plus élevée que pour la DSU. Cette spécificité permet de respecter la double vocation originelle du FSCRIF : à la fois de péréquation de la taxe professionnelle et de prise en compte de l'inadéquation entre les ressources et les charges de certaines communes d'Ile-de-France.
J'ajoute que la réduction du nombre de communes éligibles est contraire à l'objectif de la loi du 12 juillet, qui a précisément élargi le nombre de bénéficiaires, en même temps qu'elle instaurait un deuxième prélèvement destiné à alimenter les ressources du FSCRIF.
Cette réforme permettra donc d'accroître les ressources du fonds tout en augmentant le nombre de ses bénéficiaires, ce qui renforcera l'objectif de péréquation entre les communes de la région d'Ile-de-France, car il faut tenir compte de sa spécificité.
De plus, le rétablissement d'un mécanisme de garantie exceptionnelle remet en cause le principe même d'une répartition en fonction d'un indice synthétique.
C'est la raison pour laquelle je souhaite également que M. Foucaud retire son amendement.
Nous essaierons d'examiner cette question d'un peu plus près mais, dans l'état actuel des choses, je ne peux accepter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 29 est-il maintenu, monsieur Foucaud ?
M. Thierry Foucaud. Oui, monsieur le président.
Une fois n'est pas coutume, je suis plus enclin à me rallier aux propos de M. le rapporteur qu'à ceux de M. le ministre. Les simulations prévues n'ont pas été réalisées. En maintenant cet amendement et en appelant de nouveau le Sénat à le voter, je nourris l'espoir de voir au moins ce dossier avancer un peu plus vite.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 2, 2 bis , 3 et 4



M. le président.
« Art. 2. - L'article L. 3334-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'un département telle qu'elle est définie à l'alinéa précédent, cette variation est prise en compte dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2334-2. » - (Adopté.)
« Art. 2 bis . - Le premier alinéa de l'article L. 3334-6 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998). » - (Adopté.)
« Art. 3. - Après l'article L. 4332-8 du même code, il est inséré un article L. 4332-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4332-8-1. - Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'une région, cette variation est prise en compte, pour l'application des dispositions de la présente section, dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2334-2. » - (Adopté.)
« Art. 4. - I. - Le premier alinéa du II de l'article L. 5211-30 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998). »
« II. - Le troisième alinéa du II de l'article L. 5211-30 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée. »
« III. - L'article L. 5211-30 du même code est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre, cette variation est prise en compte, pour l'application des dispositions de la présente sous-section, dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2334-2. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 4



M. le président.
Par amendement n° 14, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérér, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 1424-27 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les indemnités maximales votées par le conseil d'administration du service d'incendie et de secours pour l'exercice effectif des fonctions de président et de vice-président sont déterminées par référence au barème prévu, en fonction de la population du département, pour les indemnités des conseillers généraux par l'article L. 3123-16, dans la limite de 50 % pour le président et de 25 % pour le vice-président. »
« II. - La perte de recettes pour les communes et les départements résultant des dispositions du I ci-dessus est compensée par un relèvement, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir une indemnisation des présidents et vice-présidents des services départementaux d'incendie et de secours.
En effet, les tâches qu'accomplissent ces élus sont extrêmement lourdes et difficiles. Or ce sont les seules fonctions exécutives remplies par des élus qui ne donnent pas lieu à indemnisation.
C'est, mes chers collègues, une oeuvre à la fois de reconnaissance du travail réalisé et d'équité que je vous invite à accomplir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement considère que l'initiative de M. le rapporteur est bienvenue.
En effet, les présidents et vice-présidents des CASDIS - conseil d'administration des services départementaux d'incendie et de secours - doivent s'acquitter d'une tâche considérable pour laquelle ils ne sont pas rémunérés. Ils assument une responsabilité qui leur impose de lourdes contraintes, d'autant que la réforme née de la loi du 3 mai 1996 est aujourd'hui aux deux tiers de son application. C'est donc un investissement personnel important qui est demandé à ces élus.
La proposition de la commission des finances est raisonnable. J'y suis favorable et je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 14 rectifié.
Je vais le mettre aux voix.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je souhaite simplement indiquer que j'approuve cet amendement. J'étais plus réservé l'année dernière, mais j'ai mieux compris les charges qui pèsent sur les présidents de CASDIS.
Cela dit, j'attire l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il est bien d'autres établissements publics dans lesquels la tâche des élus et celle des personnes qui les président sont lourdes. Il faudra bien, un jour ou l'autre, revoir également leur situation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 7 rectifié, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article L. 2311-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 2311-4. - A l'occasion d'un recensement général ou complémentaire de population, les communes et leurs établissements publics administratifs disposent d'un exercice budgétaire, à compter de la date de publication des résultats, pour se conformer aux dispositions budgétaires et comptables liées à leur appartenance à une strate démographique différente. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Les obligations budgétaires et comptables auxquelles sont soumises les communes dépendent du niveau de leur population. Cet amendement tend à leur laisser un délai d'un an pour s'adapter lorsqu'elles changent de strate de population. Il s'agit simplement d'un amendement technique, mais je crois que cette disposition sera utile aux communes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 13, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'ajouter, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article L. 2311-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 2311-5. - Le résultat excédentaire de la section de fonctionnement dégagé au titre de l'exercice clos, cumulé avec le résultat antérieur reporté, est affecté en totalité dès la plus proche décision budgétaire suivant le vote du compte administratif et, en tout état de cause, avant la clôture de l'exercice suivant.
« La délibération d'affectation prise par l'assemblée délibérante est produite à l'appui de la décision budgétaire de reprise de ce résultat.
« Le résultat déficitaire de la section de fonctionnement, le besoin de financement ou l'excédent de la section d'investissement sont repris en totalité dès la plus proche décision budgétaire suivant le vote du compte administratif et, en tout état de cause, avant la fin de l'exercice.
« Entre la date limite de mandatement fixé au troixième alinéa de l'article L. 1612-11 et la date limite de vote des taux des impositions locales prévue à l'article 1639 A du code général des impôts, le conseil municipal peut, au titre de l'exercice clos et avant l'adoption de son compte administratif, reporter de manière anticipée au budget le résultat de la section de fonctionnement, le besoin de financement de la section d'investissement, ou le cas échéant, l'excédent de la section d'investissement, ainsi que la prévision d'affectation.
« Si le compte administratif fait apparaître une différence avec les montants reportés par anticipation, l'assemblée délibérante procède à leur régularisation et à la reprise du résultat dans la plus proche décision budgétaire suivant le vote du compte administratif et, en tout état de cause, avant la fin de l'exercice.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement technique, mais c'est aussi un amendement de bonne gestion, puisqu'il tend à préciser les règles de reprise du résultat d'un exercice au budget suivant, pour tenir compte des nouvelles règles d'affectation des résultats excédentaires introduites par la réforme des règles budgétaires et comptables des communes et de leurs groupements.
Il prévoit l'obligation de reprendre les déficits de fonctionnement dans la première décision budgétaire suivant le vote du compte administratif, afin de ne pas différer les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre financier des collectivités ou établissements en cause.
En outre, et surtout, il autorise la reprise anticipée du résultat de chacune des sections, déficitaire ou excédentaire, au budget avant le vote du compte administratif, entre la fin de journée complémentaire et la date du vote des taux des impositions directes.
Cette mesure technique vise à éviter la levée inutile d'impôts ; alors qu'il existe une recette qui ne serait pas utilisée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 45, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Le recouvrement de cette redevance est assuré par les services fiscaux dans les mêmes conditions que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 36, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« A compter de l'année de promulgation de la loi n° .... du .... modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales, pour la détermination du potentiel fiscal de chaque commune membre d'un établissement de coopération intercommunale faisant application du régime fiscal prévu à l'article 1609 nonies C du code général des impôts ou du régime fiscal prévu au II de l'article 1609 quinquies C du même code, il est procédé, en ce qui concerne la taxe professionnelle, à la ventilation entre les communes des bases de cette taxe selon les modalités suivantes :
« a) Les bases de taxe professionnelle de l'établissement public de coopération intercommunale faisant application du régime fiscal prévu à l'article 1609 nonies C du code général des impôts sont réparties entre les communes membres au prorata des bases constatées pour chaque commune l'année précédente ;
« - les bases de taxe professionnelle situées sur la zone d'activités économiques de l'établissement public de coopération intercommunale faisant application du régime fiscal prévu au II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts sont réparties entre les communes d'implantation de la zone au prorata des bases constatées pour chaque commune l'année précédente ;
« b) Toutefois, en cas d'augmentation ou de diminution des bases de taxe professionnelle par rapport à celles de l'année précédente de chaque commune membre d'un établissement ayant opté pour le régime fiscal prévu à l'article 1609 C du code général des impôts ou des bases de taxe professionnelle situées dans la zone d'activités économiques d'un établissement ayant opté pour le régime fiscal prévu au II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts, la répartition des bases correspondant à cette augmentation ou à cette diminution s'effectue entre la totalité des communes membres de l'établissement au prorata de leur population.
« Cette disposition ne s'applique pas la première année d'application des dispositions de l'article 1609 nonies C ou du II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts. »
« II. - Les pertes de ressources pour les collectivités locales résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de ressources pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Cet amendement vise à régler un problème qui est pendant depuis de nombreuses années : il s'agit du calcul du potentiel fiscal des communes en taxe professionnelle unique, la TPU.
La TPU est un impôt mutualisé pour les acquêts. Or, curieusement, le potentiel fiscal correspondant à ces acquêts reste à la charge des collectivités locales sur le territoire desquelles les nouvelles bases de taxe professionnelle sont localisées, alors que ces communes n'en bénéficient plus puisque, automatiquement, cette part de taxe professionnelle soit sert aux besoins de la communauté, soit est reversée sous forme de dotation de solidarité.
Il est tout à fait incompréhensible que ces communes, qui, au fond, cèdent leurs taxes professionnelles pour les besoins de la communauté, doivent continuer à les comptabiliser dans leur potentiel fiscal, ce qui risque de les rendre non éligibles à différentes dotations.
Cet amendement tend à régler ce problème à la fois pour la taxe professionnelle unique et pour la taxe professionnelle de zone. Il s'agit simplement de préciser que, pour les acquêts, c'est-à-dire pour les augmentations de taxes professionnelles, et elles seules, un partage s'effectue au prorata de la population entre toutes les communes membres.
Bien évidemment - et c'est là que la difficulté apparaît - il aurait peut-être été logique de rendre cette mesure rétroactive à la date de création de la communauté. Toutefois, afin d'éviter un bouleversement du potentiel fiscal des différentes communes, il nous paraît préférable de s'en tenir à une mesure non rétroactive : elle serait applicable en 2000 ou à la date de création de la communauté si celle-ci est postérieure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement et il lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 36 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 37, M. Fréville propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'à compter de l'année de promulgation de la loi n° .... du .... modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales, l'institution du régime fiscal prévu à l'article 1609 nonies C ou de celui prévu à l'article 1609 quinquies C du code général des impôts entraîne pour des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale la cessation de l'application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, les bases retenues pour déterminer leur potentiel fiscal tiennent compte de la correction de potentiel fiscal appliquée la dernière année précédant l'institution de ce régime. »
« II. - Les pertes de ressources pour les collectivités locales résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de ressources pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 44, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, en raison de la décision prise par un établissement public de coopération intercommunale d'appliquer le régime fiscal prévu au II de l'article 1609 quinquies C du même code, une des communes membres de ce groupement cesse de faire application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, les bases retenues pour déterminer son potentiel fiscal tiennent compte de la correction appliquée l'année précédant l'institution du régime fiscal ci-dessus. »
La parole est à M. Fréville, pour défendre ces deux amendements.
M. Yves Fréville. L'amendement n° 37 tend à régler le cas des communes qui, faisant partie d'une communauté, de communes, ont antérieurement bénéficié du partage de la taxe professionnelle au titre de la loi de 1980. Cette mesure concerne les communes à taxe professionnelle unique et elle n'est pas rétroactive.
Dans l'amendement n° 44, M. Arthuis propose une mesure similaire pour les communes à taxe professionnelle de zone et qui ont antérieurement bénéficié du système de péréquation dans le cadre de la loi de 1980.
M. Arthuis considère que, lorsqu'il s'agit de taxe professionnelle de zone, le potentiel fiscal a été redistribué de façon parfois plus intense. Il serait donc logique de rendre cette mesure rétroactive à la date de création de cette péréquation spécifique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Le problème posé par M. Fréville est tout à fait concret. Il se rencontre dans de nombreuses communautés ou groupements de communes.
La commission est donc favorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je ne peux pas donner un avis favorable sur les deux amendements parce qu'ils se contredisent l'un l'autre.
Le premier amendement n'est pas rétroactif. Le second, qui, lui, est rétroactif, nous obligerait à effectuer des travaux de consolidation rétrospective. J'ignore, d'ailleurs, si nous pourrions les réaliser convenablement.
Par conséquent, autant je peux émettre un avis favorable sur l'amendement n° 37 présenté par M. Fréville, autant je suis défavorable à l'amendement n° 44 présenté par M. Arthuis.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Yves Fréville. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Etant donné les observations de M. le ministre, je retire l'amendement n° 44 au profit de l'amendement n° 37. En effet, il règle de la même façon le problème de la TPU et de la TPZ, mais la mesure qu'il prévoit n'est pas rétroactive.
C'est un amendement de synthèse. Je donne ainsi raison à M. le ministre.
M. le président. L'amendement n° 44 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je lève le gage pour rendre possible l'adoption de cet amendement.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 37 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnant ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 38, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'à compter de l'année de promulgation de la loi n° .... du .... modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales, l'institution du régime fiscal prévu à l'article 1609 nonies C du code général des impôts entraîne pour des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale faisant application de ce régime la cessation de l'application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980, les bases retenues pour déterminer leur potentiel fiscal tiennent compte de la correction de potentiel fiscal appliquée la dernière année précédant l'institution de ce régime. »
« II. - Les pertes de ressources pour les collectivités locales résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de ressources pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.
Par amendement n° 22, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au cinquième alinéa (4°) de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, après les mots : "et le revenu par habitant de la commune", sont insérés les mots : "ou d'un rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de la même strate démographique et le revenu moyen de la commune lorsque celle-ci est membre d'une communauté urbaine créée avant la date de promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale". »
L'amendement est-il soutenu ?..
Par amendement n° 1 rectifié, Mme Bardou, MM. Faure, Descours, Vissac, Lesbros, Braun, Natali, de Rocca-Serra, Jourdain, Besse, Fournier, Humbert, Puech, Jarlier, Hérisson, Carle et Amoudry proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au début du troisième alinéa de l'article L. 2334-22 du même code, les mots : "1° Pour 30 % de son montant, en fonction de la population pondérée par l'écart entre le potentiel fiscal par habitant de la commune" sont remplacés par les mots : "1° Pour 20 % de son montant, en fonction de la population pondérée par l'écart entre le potentiel fiscal par habitant de la commune". »
« II. - Au début de l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "4° Pour 10 % de son montant au maximum, en fonction de l'écart entre le potentiel fiscal par hectare de la commune" sont remplacés par les mots : "4° Pour 20 % de son montant au maximum, en fonction de l'écart entre le potentiel fiscal par hectare de la commune". »
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Cet amendement, que je qualifierai « d'amendement de solidarité et d'équilibre », s'inscrit dans notre souci d'assurer un aménagement harmonieux du territoire. Pour ce faire, il faut croiser deux variables : la variable population, bien évidemment, mais aussi la variable espace, car les petites communes qui disposent de peu de ressources ont souvent à faire face à des charges liées à cette dimension spatiale.
C'est un amendement qui tend à mettre sur un pied d'égalité population et espace.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'un sujet complexe. Il est tout à fait légitime de vouloir tenir compte du critère de superficie. Un groupe de travail a été créé sur la péréquation des dotations aux collectivités locales au sein du comité des finances locales. Il convient d'attendre ses conclusions, qu'il rendra au début de l'année prochaine, pour pouvoir se prononcer.
Je souhaite donc que M. Carle retire cet amendement. Dans le cas contraire, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Carle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Carle. Je le maintiens, monsieur le président. En effet, j'ai bien entendu les arguments de M. le ministre, mais un rééquilibrage me paraît nécessaire.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 41, M. Arnaud et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa, il est inséré dans l'article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants dans les départements de métropole et de plus de 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer, dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale de même nature, et dont aucune commune membre n'a une population supérieure à 20 000 habitants. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Cet amendement pose le problème de l'éligibilité à la DGE des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants. Dans ce domaine, vous le savez, mes chers collègues, on tient compte des caractéristiques des communes membres, en particulier de leur potentiel fiscal.
Le présent amendement a pour objet de rétablir l'éligibilité à la DGE d'un tel établissement public de coopération intercommunale si son potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des EPCI de même nature.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission comprend la démarche qui sous-tend cet amendement. Néanmoins, elle n'a pas cru devoir la soutenir complètement. Elle s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Etendre encore le nombre des bénéficiaires de la DGE pénaliserait l'ensemble des collectivités actuellement éligibles. Cela n'aurait guère de sens dans le système actuel d'attribution de la dotation. En effet, un projet d'investissement sélectionné par une commission d'élus est toujours la base de l'octroi de la DGE.
Je demande donc à M. Fréville de retirer cet amendement. A défaut, le Gouvernement y serait défavorable.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Compte tenu des observations de la commission et du Gouvernement, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.
Par amendement n° 12 rectifié, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 2336-4 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
« II. - Aux articles L. 2563-1 et L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : "et L. 2336-4" sont supprimés.
« III. - Aux articles L. 3335-1 et L. 4333-1 du code général des collectivités territoriales, la référence "L. 2336-4" est remplacée par la référence "L. 2336-3". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de mettre un terme à un anachronisme. Aujourd'hui, les collectivités locales ont besoin d'une autorisation du ministre de l'intérieur pour procéder à des emprunts obligataires à l'étranger. L'amendement vise à supprimer cette obligation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Si le ministre de l'intérieur voulait véritablement vous empêcher de commettre des imprudences, il se dirait défavorable à cet amendement, mais comme, raisonnablement, il ne le peut pas, je donne un avis favorable ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 11, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'ajouter, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 1599 B du code général des impôts et le dernier alinéa de l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme sont complétés par les mots : "et a le caractère d'une recette de fonctionnement".
« II. - Le a de l'article L. 3332-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Le produit de la taxe destinée au financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. »
« III. - Le b de l'article L. 3332-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° La taxe départementale des espaces naturels sensibles. »
« IV. - Le 2° et le 4° de l'article L. 3332-3 du code général des collectivités territoriales sont supprimés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir l'imputation en section de fonctionnement des budgets des collectivités locales du produit de la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement ainsi que de la taxe départementale d'espaces verts naturels sensibles.
Pour la première, il s'agit de mettre le droit en accord avec la pratique ; pour la seconde, il s'agit d'assouplir la réglementation. Il est en effet aisé de passer de la section fonctionnement à la section investissement, mais l'inverse l'est moins.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 42, M. Jarlier et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 1° du III de l'article 1609 nonies C du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale faisant application du régime prévu au II de l'article 1609 quinquies C opte pour le régime prévu au présent article ou devient soumis à ce régime, le taux constaté dans une commune l'année précédente est le taux appliqué en dehors des zones d'activités économiques existant sur son territoire antérieurement au changement de régime ; le taux constaté l'année précédente dans chaque zone ou fraction de zone si celle-ci est implantée sur le territoire de plusieurs communes est alors assimilé à celui d'une commune-membre supplémentaire pour l'application des dispositions du III du présent article. »
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement est proposé dans le prolongement de la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
Son objet est de rétablir l'équité fiscale pour toutes les entreprises implantées sur un territoire ayant opté pour le régime de la taxe professionnelle unique.
Aujourd'hui, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi précitée, de nombreuses structures intercommunales s'intéressent fortement à ces nouveaux dispositifs.
Néanmoins, l'option de la taxe professionnelle unique, la TPU, se heurte à des difficultés de mise en oeuvre dans certaines communautés de communes qui avaient - préalablement à la nouvelle loi - opté pour le régime de la taxe professionnelle de zone. Car, si le lissage des taux de taxe professionnelle des communes adhérentes s'opère dans la durée pour parvenir au taux moyen pondéré, il n'est est pas de même pour le taux de taxe professionnelle de zone, qui est remplacé - dès l'option prise pour le régime de la TPU - par le taux de taxe professionnelle de la commune sur laquelle est implantée la zone, voire des communes, puisqu'il peut y avoir plusieurs communes pour une zone.
Cette situation induit, dans certains cas, une augmentation brutale de la taxe professionnelle des entreprises situées sur la zone intercommunale, augmentation pouvant aller jusqu'à 100 %. Par exemple, on a vu la taxe passer de 9 % à 18 % dans certains cas.
Cet écart constaté est d'autant plus important et fréquent que le choix initial de la taxe professionnelle de zone était, dans beaucoup de cas, motivé par le constat d'un différentiel élevé entre les taux pratiqués dans les bourgs-centres au regard des taux voisins.
Cet amendement permet d'appliquer le même lissage dans le temps du taux de taxe professionnelle de zone au même titre qu'au sein des communes membres.
Il permet surtout d'organiser progressivement l'harmonisation de la fiscalité des entreprises sur l'ensemble des territoires économiquement solidaires.
Enfin, il lève ainsi un obstacle majeur à la mise en place du régime de taxe professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. L'amendement que vient de nous présenter M. Jarlier est excellent en ce sens qu'il prend en compte une réalité.
Lorsqu'il existe, dans un groupement, une taxe professionnelle de zone et que ce groupement désire passer à la taxe professionnelle unique, la réglementation actuelle constitue un frein. Or, monsieur le ministre, vous nous aviez semblé, au mois de juin dernier, extrêmement favorable à la taxe professionnelle unique. L'amendement n° 42 de M. Jarlier vise justement à rendre possible le passage de la taxe professionnelle de zone à la taxe professionnelle unique, en évitant tout hiatus ou tout ressaut de taxe.
Je souhaite donc que le Gouvernement puisse s'associer à cette volonté de faciliter la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 12 juillet 1999 en émettant, comme la commission des finances, un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. L'intention est louable, mais cet amendement n'est pas utile, puisqu'il a déjà été adopté par votre assemblée lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2000. Il faut donc faire confiance à la suite de la discussion.
Si M. Jarlier maintenait son amendement, je m'en remettrais à la sagesse du Sénat, mais je souhaite qu'il le retire dans un souci de cohérence.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. J'ai rappelé dans quelles conditions nous sommes appelés à travailler en commission. Il ne me semble donc pas mauvais que cette disposition figure dans les deux textes !
M. Michel Mercier, rapporteur. C'est de meilleur augure pour les deux futures CMP !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Au moins, une des deux CMP retiendra cette disposition ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Jarlier, l'amendement n° 42 est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Nous ne savons pas quel sort sera réservé demain à l'amendement qui a été adopté par le Sénat dans le cadre de la loi de finances pour 2000. Reste qu'il a une extrême importance pour la mise en place du nouveau dispositif de taxe professionnelle unique.
C'est pourquoi je souhaiterais pouvoir conserver deux fers au feu, c'est-à-dire maintenir cet amendement de façon qu'il puisse être ensuite étudié dans le cadre de discussions ultérieures.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune et qui sont présentés par M. Arnaud et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 39 tend à ajouter, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 1636 B sexies et septies du code général des impôts sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article ne s'applique pas lors de la création d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou lors d'un transfert à celui-ci d'une nouvelle compétence entraînant un transfert de fiscalité.
« II. - Les pertes de ressources pour les collectivités locales résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de ressources pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 40 a pour objet d'ajouter, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1636 B sexies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du I et du II bis ne s'appliquent pas lorsqu'il est fait application par un établissement public de coopération intercommunale des dispositions de l'alinéa précédent ou du deuxième alinéa du I de l'article 1609 quinquies C, et qu'une commune membre de cet établissement réduit ses taux de l'année précédente du montant des taux votés par l'établissement.
« II. - Les pertes de ressources pour les collectivités locales du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - Les pertes de ressources pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville, pour présenter les deux amendements.
M. Yves Fréville. Je retire l'amendement n° 39, monsieur le président, au bénéfice du suivant.
M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Fréville, et présenter l'amendement n° 40.
M. Yves Fréville. Cet amendement vise à régler une situation assez curieuse.
Supposez qu'une communauté de communes adopte, la première année de son existence, des taux proportionnels aux taux pondérés sur l'ensemble de l'agglomération, ce qui est la loi. Supposez qu'une commune de cette communauté décide la neutralité fiscale, c'est-à-dire décide de déduire les taux votés par la communauté de ses propres taux la première année de vie de cette communauté. Les règles de liaison actuelles des taux ne lui permettront pas toujours de le faire.
C'est tout de même assez stupéfiant de mettre ainsi en échec la neutralité fiscale. C'est arrivé, je crois, en Charente.
Aussi, monsieur le ministre, je vous soumets ce problème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Nos collègues MM. Fréville et Arnaud soulèvent un vrai problème. Leur objectif est partagé par tous : l'augmentation de la fiscalité des groupements ne doit pas conduire à un accroissement de la pression fiscale sur les ménages et sur les entreprises.
Cependant, il nous semble que la rédaction de cet amendement ne permet pas de l'atteindre. En effet, l'absence de règle de lien entre les taux pourrait conduire à des baisses, comme le souhaitent MM. Fréville et Arnaud, comme à des hausses, ce qui déséquilibrerait la structure des taux.
Notre commission est donc conduite à demander à M. le ministre d'engager rapidement une réflexion sur les moyens susceptibles de rendre systématique la baisse des taux communaux quand les taux du groupement augmentent. En attendant, elle prie M. Fréville de retirer son amendement qui, dans sa rédaction, ne saurait résoudre le problème posé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je suis favorable à ce qu'une réflexion s'engage, mais, dans l'immédiat, il me paraît important de maintenir la règle du lien entre les taux, car elle a un effet protecteur à l'égard des entreprises.
De plus, le dispositif n'est pas techniquement gérable, puisque les communes et les EPCI votent leur taux simultanément.
En outre, les communes ont toujours la possibilité de faire baisser la pression fiscale en diminuant leur produit attendu du montant des charges transférées à l'EPCI. Pour toutes ces raisons, je ne peux pas être favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 40 est-il maintenu, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville. Non, monsieur le président, je le retire. Vous avez bien compris que M. Arnaud souhaitait ainsi lancer un appel. Ce problème mérite d'être examiné et je suis certain que M. Arnaud est tout prêt, monsieur le ministre, à vous communiquer les noms des communautés de communes dans lesquelles ce problème est véritablement prégnant.
M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 21, M. Hoeffel propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le IV bis de l'article 1636 B octies du code général des impôts, après les mots : "du montant", sont insérés les mots : " calculé à partir du seul taux communal". »
Par amendement n° 34, MM. Fréville, Hoeffel et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le IV bis de l'article 1636 B octies du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Après les mots : "du montant", sont insérés les mots : "calculé à partir du seul taux communal". »
« 2. Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du IV, le produit fiscal à recouvrer est minoré de la part reversée par la commune au syndicat du montant de la compensation visée à l'alinéa ci-dessus. »
La parole est à M. Hoeffel, pour défendre l'amendement n° 21
M. Daniel Hoeffel. Cet amendement, comme l'amendement n° 34, vise à combler une lacune et à éviter une injustice.
La compensation versée au titre de la suppression de la part salaires aux communes comprend non seulement la compensation afférente à la part communale de la taxe professionnelle calculée à partir du taux communal de 1998, mais aussi la compensation afférente aux parts syndicales de la taxe professionnelle perçue sous forme de contributions fiscalisées.
Normalement, il incombe à la commune de reverser à chaque syndicat la part qui lui revient.
Toutefois, le IV bis de l'article 1636 B octies prévoit de prendre en compte la totalité de cette compensation pour répartir les impositions syndicales au prorata des recettes que chacune des taxes procure à la commune. De ce fait, l'utilisation, pour le calcul de la contribution syndicale de taxe professionnelle, d'un produit majoré de toute compensation, divisé par des bases de taxe professionnelle minorées du fait de l'abattement sur la part salaires, entraîne une hausse des contributions syndicales de taxe professionnelle.
Il est donc proposé de remédier à cette situation en ne majorant le produit de taxe professionnelle que de la part communale de la compensation.
Cet objectif étant clairement énoncé, même s'il est très technique, je retirerai volontiers l'amendement au profit du suivant, l'amendement n° 34, qui, à mon avis, mais notre collègue M. Fréville va l'expliquer, sera d'une plus grande efficacité parce qu'il est plus complet.
M. le président. La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° 34.
M. Yves Fréville. M. Hoeffel a parfaitement expliqué ce qui arrivait aux syndicats fiscalisés ; il y en a beaucoup dans l'est de la France, en Alsace ou dans la Meuse.
Du fait de la réforme de la taxe professionnelle, il est arrivé - c'est une scorie de notre législation - alors que la loi sur la TP avait pour objet de faire baisser la taxe professionnelle, que l'inverse se produise du fait d'une augmentation des taux syndicaux. Un certain nombre de syndicats ont vu le taux de la taxe professionnelle exploser de 160 % ou de 200 % en contrepartie d'une relative diminution des impôts sur les ménages.
L'objet de cet amendement est de créer des dispositifs qui permettent d'éviter de tels effets pervers.
Le dispositif compte deux mécanismes. Le premier, décrit par M. Hoeffel, tend à faire en sorte que, pour le calcul de la clé de répartition, l'on tienne compte uniquement de l'allocation de compensation des réductions de bases de taxe professionnelle correspondant à la part communale et non pas à la part syndicale de cette taxe.
Le second mécanisme consiste à donner la possibilité à la commune de faire remonter au niveau du syndicat la part de l'allocation de compensation correspondant au taux syndical.
Ce problème complexe, d'ailleurs épineux, est difficile à résoudre. Si cet amendement ne règle pas tout, je crois qu'il constitue une amélioration très sensible.
M. le président. Monsieur Hoeffel, qu'en est-il de l'amendement n° 21 ?
M. Daniel Hoeffel. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 34 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il est également favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 47, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une fraction de l'attribution de compensation correspond au montant de la contribution des communes à un syndicat, le montant de cette fraction est modulé à due concurrence de l'évolution du montant de la contribution demandée aux communes par le syndicat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise le cas des groupements de communes à taxe professionnelle unique dont les communes membres appartiennent également à un syndicat exerçant des compétences qui ne sont pas celles de la communauté de communes ou de la communauté d'agglomération.
Dans ce cas, l'attribution de compensation versée par le groupement aux communes tient compte à la fois du produit de taxe professionnelle antérieurement perçu par la commune mais également du montant de la contribution demandée par le syndicat. Les communes reversent ensuite ce montant au syndicat. Lorsque le montant de la contribution demandée par le syndicat diminue, le groupement n'a, actuellement, aucun moyen de diminuer le montant de l'attribution de compensation et cela se traduit par un accroissement injustifié des ressources des communes, alors que cela devrait permettre une diminution du taux de taxe professionnelle. Cet amendement a pour objet d'atteindre ce but.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 20, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A. - L'article 1639 A bis du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "autres que celles fixant soit les taux, soit les produits des impositions" sont insérés les mots : "et que celles instituant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères".
« 2° Les deux alinéas constituent un I et il est complété par un II ainsi rédigé :
« II . - 1. Les délibérations des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale instituant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères conformément aux articles 1520, 1609 bis , 1609 quater , 1609 quinquies, 1609 quinquies C, et 1609 nonies D doivent être prises avant le 15 octobre d'une année pour être applicables à compter de l'année suivante. Elles sont soumises à la notification prévue à l'article 1639 A au plus tard quinze jours après la date limite prévue pour leur adoption.
« 2. Par exception aux dispositions du 1, les délibérations antérieures à la promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ayant institué la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, prises par les communes ou leurs établissements publics de coopération intercommunale conformément aux articles 1520, 1609 bis , 1609 quater , 1609 quinquies, 1609 quinquies C et 1609 nonies D dans leur rédaction en vigueur avant l'adoption de cette loi, restent applicables pour l'établissement des impositions afférentes à 2000 et 2001, sous réserve des délibérations prises avant le 15 octobre 2000 pour percevoir la taxe dans les conditions prévues par cette même loi.
« Au 15 octobre 2001, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale devront s'être mis en conformité avec la loi pour pouvoir continuer à percevoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au 1er janvier 2002. A défaut, ces collectivités perdront le bénéfice de la perception de cette taxe. »
« B. - Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale qui perçoivent en 2000 et 2001 la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sans assurer au moins la collecte des déchets des ménages doivent procéder à un reversement de la taxe ainsi perçue au profit, soit de la commune, soit de l'établissement public de coopération intercommunale, qui assure totalement ou partiellement, en 2000 et 2001, le service.
« C. - Les dispositions du 1° et du deuxième alinéa du 2° du A du I s'appliquent aux délibérations prises pour l'établissement des impositions afférentes à 2001 et aux années suivantes.
« II. - A. - Les délibérations antérieures à la promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ayant institué la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, prises par les communes ou leurs établissements publics de coopération intercommunale conformément à l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction en vigueur avant l'adoption de cette loi, restent applicables pour les redevances établies en 2000 et 2001, sous réserve des délibérations prises avant le 31 décembre 2000 pour percevoir la redevance dans les conditions prévues par cette même loi.
« Au 15 octobre 2001, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale devront s'être mis en conformité avec la loi pour pouvoir continuer à percevoir la redevance d'enlèvement des ordures ménagères au 1er janvier 2002. A défaut, ces collectivités perdront le bénéfice de la perception de cette redevance.
« B. - Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale qui perçoivent en 2000 et 2001 la redevance d'enlèvement des ordures ménagères sans assurer au moins la collecte des déchets des ménages doivent procéder à un reversement de la redevance ainsi perçue au profit, soit de la commune, soit de l'établissement public de coopération intercommunale qui assure totalement ou partiellement, en 2000 et 2001, le service. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Domeizel, Lagauche, Peyronnet et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à compléter le 1 du texte présenté par le 2° du A du I de l'amendement n° 20 pour le II de l'article 1639 A bis du code général des impôts par un second alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, pour les communautés urbaines, les communautés d'agglomérations et les communautés de communes ayant été créées entre le 12 juillet 1999 et le 31 décembre 1999, les délibérations relatives à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2000 doivent être prises avant le 31 janvier 2000. Dans ce cas, elles sont soumises à la notification prévue à l'article 1639 A au plus tard trois jours après la limite prévue pour leur adoption. »
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 20.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La loi du 12 juillet 1999 a réformé l'organisation et le financement de l'élimination des déchets des ménages. Désormais, seules peuvent percevoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, la ROM, les communes qui assurent au moins la collecte, ainsi que les EPCI qui bénéficient de l'ensemble de la compétence « élimination des déchets des ménages » et assurent au moins la collecte.
Par ailleurs, la loi prévoit de rationaliser les périmètres d'organisation de l'élimination des déchets des ménages afin qu'ils soient inclus les uns dans les autres.
Les situations locales ne correspondent pas forcément à cette configuration. Afin de laisser le temps aux communes et aux EPCI de se réorganiser et ainsi de financer leurs services d'élimination des déchets des ménages de manière conforme à la loi, il est proposé, par cet amendement, de prévoir une période de transition jusqu'au 1er janvier 2002.
M. le président. La parole est à M. Lagauche, pour présenter le sous-amendement n° 32 rectifié.
M. Serge Lagauche. Nous considérons que le coefficient d'intégration fiscale ne sera pas décompté dans ce que propose le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous présentons ce sous-amendement, afin que les EPCI, en particulier, ne soient pas lésés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 20 et sur le sous-amendement n° 32 rectifié ?
M. Michel Mercier, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 20, qui a pour objet d'aménager le régime de perception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'adapter aux dispositions de la loi du 12 juillet 1999, la commission émet un avis favorable.
Quant au sous-amendement n° 32 rectifié, il vise à compléter l'amendement n° 20 en étendant le régime transitoire aux années suivantes. Aussi, souhaiterions-nous entendre le Gouvernement avant de prendre position.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 32 rectifié ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La précision de M. Lagauche n'est pas utile, car elle créerait d'importantes difficultés de gestion pour l'administration. Elle conduirait à différer la date de notification des bases aux EPCI. C'est pourquoi je demande à M. Lagauche de bien vouloir retirer ce sous-amendement, sinon je ne pourrais qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. M. Lagauche, le sous-amendement n° 32 rectifié est-il maintenu.
M. Serge Lagauche. Compte tenu des raisons techniques invoquées pour contrebalancer l'intérêt politique de notre proposition, je retire ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 32 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 35, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 1639 A ter, il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les délibérations prises en matière de taxe d'habitation et de taxes foncières par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre perçevant le produit des taxes foncières, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle demeurent applicables tant qu'elles ne sont pas modifiées ou rapportées dans les conditions prévues à l'article 1639 A bis, lorsque cet établissement public de coopération intercommunale devient soumis de plein droit ou sur option aux dispositions du I de l'article 1609 nonies C et décide de faire application des dispositions du II de cet article.
« Les dispositions du premier alinéa ne sont toutefois pas applicables lorsque l'établissement de coopération intercommunale fait application pour la première fois des dispositions du II de l'article 1609 nonies C au titre d'une année postérieure à celle au titre de laquelle il a perçu pour la première fois le produit de la taxe professionnelle conformément au I de l'article 1609 nonies C.
« II. - Les dispositions du I s'appliquent pour les impositions établies à compter de 2000.
« III. - Les pertes de ressources pour les collectivités locales résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
« IV. - Les pertes de ressources pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Il s'agit de régler le cas de certains EPCI à fiscalité additionnelle qui souhaitent passer au régime de la TPU et, de ce fait, adopter le principe de la fiscalité mixte. Cela pose un problème : quel sera, la première année, le régime des abattements en matière de taxe d'habitation, par exemple ? Rien n'est prévu à cet égard dans la loi que nous avons votée. Mon amendement vise à combler cette lacune en prévoyant simplement que l'ancien système adopté par l'EPCI demeurera valable au moins pour la première année.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement technique et de bonne gestion. Il concerne les groupements de communes qui avaient recours à la fiscalité additionnelle, qui passent à la taxe professionnelle unique mais qui décident immédiatement de recourir à la fiscalité mixte.
Cet amendement vise à préciser que les anciennes délibérations relatives à la taxe d'habitation et aux taxes foncières demeurent en vigueur jusqu'à ce qu'elles soient modifiées.
Aussi, la commission émet-elle un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est, lui aussi, favorable à cet amendement et, par conséquent, il lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 35 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 10, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le I quater de l'article 1648 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Au troisième alinéa, les mots : "à compter du 1er janvier 2001" sont insérés après les mots : "est égal", et les mots : "l'année précédant" sont insérés avant les mots : "l'année considérée". »
« 2. Au dernier alinéa, les mots : "et à compter du 1er janvier 2002", sont remplacés par les mots : "et à compter de la date de publication de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement concerne la transformation des districts, qui devra intervenir au plus tard le 1er janvier 2002. Il vise à harmoniser le régime de la taxe professionnelle des communautés de communes issues de la transformation des districts existant avant 1992.
Dans la rédaction actuelle de la loi du 12 juillet 1999, si le district se transforme avant la date limite prévue par la loi, il sera totalement écrêté. En revanche, s'il se transforme à compter de la date limite prévue par la loi, il bénéficiera d'un régime d'écrêtement beaucoup plus favorable. Ce régime d'écrêtement favorable est justifié par le fait que, jusqu'à la loi du 12 juillet 1999, les districts n'étaient pas du tout écrêtés au profit des fonds départementaux de la taxe professionnelle. Cet amendement vise à aligner toutes les communautés issues de districts existant avant 1992 sur le régime le plus favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets au voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 33, MM. Peyronnet, Miquel et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel, ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa, il est inséré dans l'article 52 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les districts ayant fait application des dispositions de l'article 1609 quinquies A du code général des impôts et dont le périmètre n'était pas d'un seul tenant à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République, la condition de continuité territoriale fixée à l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales n'est pas exigée dès lors que leur transformation nécessiterait l'intégration d'une commune appartenant déjà à un autre établissement public de coopération intercommunale percevant la taxe professionnelle selon les dispositions de l'article 1609 nonies C du même code au 1er janvier 1999. »
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. En l'occurrence, il s'agit d'un cas particulier, et loin de moi l'idée d'en faire un cas général.
Nous avons accepté, certains avec enthousiasme, d'autres avec beaucoup moins d'exaltation, le principe de la continuité territoriale, avec toutes les contraintes qui en résultent. Dans notre esprit, il n'est pas question de revenir sur ce principe. En effet, la raison doit l'emporter et, malgré les contraintes qu'il fait peser sur un certain nombre de communes, ce principe doit être maintenu.
Toutefois, dans la législation, il peut y avoir erreurs - tout à l'heure, M. Fréville parlait de « scories » - ou des lacunes. Il n'y a aucune honte à les corriger ou à les combler, si cela s'avère nécessaire,
En l'occurrence, il s'agit du district de Rennes qui, dans les conditions que vient de rappeler M. Mercier, espère pouvoir se transformer en communauté d'agglomération.
Je rappelle que ce district est l'un des plus anciens de France ; il est antérieur, et de loin, à l'actuelle municipalité ; il est l'un des plus dynamiques et l'un des plus vertueux en matière d'intégration fiscale puisqu'il pratique la TPU depuis des années. Même s'il n'a pas encore abouti - et c'est l'un des aspects de ses difficultés - il souhaite vivement arriver à l'intégration fiscale.
Or, à l'heure actuelle, le blocage est total. La situation est la suivante : il y a, d'une part, le district de Rennes qui se compose d'un grand bloc autour de la ville de Rennes et, d'autre part, une commune isolée, pas très importante, qui se situe à deux kilomètres de la limite du district. On observe donc une discontinuité territoriale. Cette commune est elle-même au coeur d'un ensemble de communes regroupées en communauté de communes, laquelle pratique aussi la TPU.
Nous sommes dans une situation de blocage car la commune séparée du district de Rennes ne peut être séparée - d'ailleurs, elle ne le souhaite pas - du district, l'intégration fiscale n'étant pas achevée et les taux n'étant pas unifiés. Par ailleurs, on ne peut pas créer de presqu'île puisque la commune qui pourrait faire le lien entre le gros de l'agglomération et la commune isolée est elle-même dans une communauté de communes qui n'a pas achevé son intégration fiscale où l'unification de ses taux ; d'ailleurs, apparemment, elle ne souhaite pas se distraire de cette communauté.
Dans ces conditions, il est difficile de trouver un arrangement. C'est pourquoi il faut légiférer par voie d'amendement sur ce cas singulier, au sens réel du mot car il me semble unique. Nous avons un district à TPU avec une seule commune qui n'est pas en continuité territoriale et qui se situe au coeur d'une communauté elle-même sous le régime de la TPU. Nous avons donc une situation complètement bloquée.
M. le président. Elle n'est pas unique !
M. Jean-Claude Peyronnet. S'agissant des districts, elle l'est !
J'insiste pour parvenir à trouver une solution. Il serait pour le moins grotesque que le district de Rennes, qui, je le répète, est l'un des plus anciens, l'un des plus vertueux et l'un des plus intégrés fiscalement bien avant que ce soit « à la mode », soit obligé de se constituer en communauté de communes, et non pas en communauté d'agglomération. Par rapport à la situation actuelle, qui est celle du district, cela apparaîtrait comme un recul pour l'ensemble de ses composantes. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'approuver l'amendement que mes collègues du groupe socialiste et moi-même présentons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise des situations particulièrement délicates et, à l'évidence, nous pose problème sur le plan des principes. Je voudrais rappeler les débats que nous avons eus ici même sur le rapport présenté par notre collègue M. Daniel Hoeffel lors de l'examen du texte qui est devenu la loi du 12 juillet 1999.
Il faut, je crois, essayer de bien cerner la question. Il s'agit en fait d'un district existant dans un périmètre qui était établi avant le vote de la loi de 1992. Ce district a déjà recours à la taxe professionnelle unique. La loi du 12 juillet 1999 stipule qu'il doit disparaître en qualité de district, puisque la loi du 12 juillet 1999 a supprimé la catégorie des districts.
Un district a vocation, dès lors qu'il correspond aux normes démographiques, à se transformer en communauté d'agglomération, puisque celle-ci est un peu plus intégrée que la communauté de communes et que le district avait lui-même des compétences obligatoires qui correspondent aux compétences de la communauté d'agglomération.
Nous nous trouvons devant des situations où il y a un district, un territoire et, pour des raisons que nous ignorons, une excroissance qui se situe à quelques kilomètres. Or celle-ci a bien entendu bénéficié des services du district, qu'il s'agisse des transports urbains, du service d'incendie et de secours ou de l'assainissement.
Certes, je crois pour ma part que l'on n'aurait jamais dû permettre la création d'un tel district, mais malheureusement il constitue une réalité humaine, physique et administrative, et nul ne peut invoquer les turpitudes du passé pour justifier les rigueurs du présent.
Compte tenu de la difficulté de la situation, à la fois sur le plan des principes et sur celui des réalités quotidiennes, nous souhaiterions entendre l'avis du Gouvernement avant de nous prononcer. J'insiste toutefois sur le fait que le district en question risque en fait de se voir infliger une punition, par le biais de la réduction du montant de la dotation que lui verse l'Etat, alors qu'il s'est conformé, dans le passé, à la loi.
Il s'agit donc là d'un vrai problème. Je crois, monsieur le ministre, qu'il faut que vous nous éclairiez avant que nous puissions adopter une position définitive, car nous avons à coeur de résoudre toutes les difficultés qui se présentent sur le terrain, pour que la loi puisse bien s'appliquer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le principe de la continuité territoriale est un principe de base de la loi du 12 juillet 1999. Le problème du district de Rennes, qui compte une commune disjointe située à deux kilomètres, est particulier, ...
M. Michel Mercier, rapporteur. Il a déjà instauré la TPU !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... puisque l'on me dit que c'est le seul district qui soit dans ce cas. Il faudra vérifier ce point, mais un connaisseur me confirme que c'est bien cela ! Si véritablement il s'agissait de la seule exception, je serais tenté de m'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
Cela étant, j'attire votre attention sur le fait que créer un précédent ne serait pas acceptable. En effet, un pouvoir d'agglomération doit englober un territoire unique, et le principe de la continuité territoriale est à la base d'une organisation saine de l'espace urbain. Par conséquent, accorder cette dérogation me gêne, je l'avoue. Toutefois, je suis prêt à m'en remettre à la sagesse de votre assemblée, je le répète, mais sous réserve que cette exception reste unique.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu prendre en compte une réalité. En effet, le district applique depuis longtemps déjà la taxe professionnelle unique. A cet égard, je me souviens bien des discussions que nous avons eues avec vous au mois de juin, d'où il ressortait que la continuité territoriale devait d'abord permettre la mise en place de cette TPU.
Or, dans le cas particulier, cela a déjà été fait et je crois que l'on doit tenir compte des efforts d'intégration consentis par ce groupement pour lui permettre de devenir une communauté d'agglomération, comme sa taille l'y autorise.
Compte tenu de l'avis que vous venez de donner, monsieur le ministre, j'invite le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. C'est ici un problème pratique qui se pose à nous, et toute la question est de savoir si le non-respect de la condition de continuité territoriale peut empêcher un district de devenir une communauté d'agglomération.
Nous sommes tous très attachés, comme nous l'avons montré au cours du débat sur la loi du 12 juillet 1999, au principe du libre choix des communes. C'est là un élément important, mais nous avions aussi la volonté de ne pas entraver la transformation d'un district en une communauté d'agglomération. Je me demande donc si, dans ces conditions, il ne faut pas savoir faire preuve, dans certaines circonstances et à titre tout à fait exceptionnel, d'un minimum de pragmatisme.
C'est au nom de ce pragmatisme, qui prend en compte les réalités du terrain, que je me rallie à l'opinion qu'a exprimée M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. J'ai beaucoup apprécié les propos de M. le rapporteur sur un cas que je connais bien. Il est exact qu'il s'agit d'une situation tout à fait particulière, et si je suis aussi attaché que nombre de mes collègues au principe de la continuité territoriale, il arrive que, exceptionnellement, l'on aboutisse à un blocage.
Sans reprendre ce qu'ont dit MM. Peyronnet et Hoeffel, je voudrais apporter un ou deux éléments complémentaires au débat.
Tout d'abord, la situation considérée n'est pas aberrante. En effet, la petite commune dont il s'agit, située deux kilomètres à l'écart du district, est reliée à ce dernier par une route à quatre voies, et c'est très logiquement qu'il n'a pas été tenu compte des quelques champs qui les séparaient.
Voilà la situation de fait. Il est question ici non pas d'une taxe professionnelle dont le produit serait exceptionnel, mais d'un problème très simple, tout à fait terre-à-terre, qui avait été résolu avant l'adoption de la loi relative à l'administration territoriale de la République.
La commune du Verger, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, faisait alors partie du district de Rennes, qui a été le premier à instaurer, à l'unanimité, la taxe professionnelle unique. Le conseil municipal de Rennes, majorité et opposition confondues, a joué le jeu, et la transformation du district de Rennes en communauté d'agglomération est également demandée à l'unanimité des communes, qu'elles soient de droite ou de gauche. C'est donc un problème d'intérêt général qui est posé. Or, s'il y a blocage, c'est non seulement parce que la taxe professionnelle unique a été mise en place pour le district de Rennes, mais aussi parce que la petite commune en question est elle-même englobée dans d'autres communautés qui, elles aussi, ont adopté le principe de la taxe professionnelle unique, laquelle concerne les trois quarts des habitants du département.
Or, lors du vote de la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, nous souhaitions tous que ce régime fiscal se généralise progressivement. Il me paraîtrait donc vraiment tout à fait dommage que, pour résoudre le problème qui nous occupe, on soit amené soit à ne rien faire, ce qui conduirait, comme l'a souligné M. Hoeffel, à faire régresser le district, parce qu'il regroupe plus de 50 000 habitants, au rang de communauté de communes - je ne veux pas dire que la communauté de communes est une forme régressive, mais, dans le cas des agglomérations de plus de 50 000 habitants, monsieur le ministre, une telle évolution est regrettable - soit à recourir à la contrainte pour détacher la petite commune en question disjointe de sa communauté, ce qui irait tout à fait à l'encontre des positions défendues depuis toujours par le Sénat.
Je pense donc que le bon sens prévaudra. Il arrive que les lois soient ainsi faites que l'on doive les modifier pour sortir d'une situation de blocage.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 25, MM. Marini, Vasselle, Souplet, Braye, Courtois, Lassourd et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 53 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale est complété par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - une commune peut être autorisée, par le représentant de l'Etat, à se retirer d'un district pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dans les conditions prévues à l'article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Une fois la transformation des districts en EPCI acquise, la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a prévu des procédures spécifiques permettant aux communes membres de ces EPCI de s'en retirer. Il convient donc, durant la période intermédiaire, soit entre 1999 et l'échéance butoir pour la transformation, à savoir 2002, de permettre à une commune de se retirer d'un district pour adhérer à un autre EPCI, après autorisation du représentant de l'Etat et dans les conditions prévues par la loi du 12 juillet 1999.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Sagesse très favorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'un pouvoir donné au préfet. Le Gouvernement ne peut donc pas être défavorable à cet amendement. (Sourires.)
M. Lucien Lanier. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 24 est déposé par M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa du II de l'article 54 de la loi de finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La compensation mentionnée au I versée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existant en 1986 et faisant application, à compter de 2000, des dispositions du I de l'article 1609 nonies C du code général des impôts ou du II de l'article 1609 quinquies C du même code, est égale au montant de la compensation versée l'année d'entrée en vigueur de ces dispositions, actualisée chaque année dans les conditions prévues au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par un relèvement, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est un peu technique. Il vise des groupements à fiscalité propre qui existaient en 1986 et qui, de ce fait, perçoivent la compensation de l'abattement de 16 % sur les bases de la taxe professionnelle. Il s'agit essentiellement des communautés urbaines et de quelques districts.
Si ces groupements instaurent la taxe professionnelle unique, l'augmentation du produit de la taxe professionnelle qui en résulte aboutit à accroître le montant de la réfaction de la compensation de l'abattement de 16 % sur les bases.
Le dispositif proposé consiste à appliquer à ces groupements le même régime que celui qui prévaut pour les communes membres d'un groupement qui met en place la taxe professionnelle unique.
Dans ce système, le montant de la compensation de l'abattement de 16 % sur les bases est « gelé » à son niveau de l'année du passage à la taxe professionnelle unique.
M. le président. La parole est à M. Courtois, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Jean-Patrick Courtois. L'amendement de M. Valade est identique à celui que vient de présenter M. Mercier. Par conséquent, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 8 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 9 rectifié, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - L'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale est ainsi modifié :
« 1° Les deux premiers alinéas constituent un I, les sept alinéas suivants constituent un II et les six derniers alinéas constituent un III.
« 2° Au septième alinéa, les mots : "du présent article" sont remplacés par les mots : "du présent paragraphe".
« B. - L'article 29 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale est ainsi modifié :
« 1° Les deux premiers alinéas constituent un I, les cinq alinéas suivants constituent un II et les six derniers alinéas constituent un III.
« 2° Au cinquième alinéa, les mots : "du présent article" sont remplacés par les mots : "du présent paragraphe". »
Par amendement n° 23, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - L'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale est ainsi modifié :
« 1° Les deux premiers alinéas constituent un I, les sept alinéas suivants constituent un II et les six derniers alinéas constituent un III.
« 2° Au septième alinéa, les mots : "du I et du II" sont insérés avant les mots : "du présent article".
« B. - L'article 29 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale est ainsi modifié :
« 1° Les deux premiers alinéas constituent un I, les cinq alinéas suivants constituent un II et les six derniers alinéas constituent un III.
« 2° Au cinquième alinéa, les mots : "du I et du II" sont insérés avant les mots : "du présent article". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié.
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel. Il vise à préciser clairement que les dotations de solidarité ne doivent pas être prises en compte dans le calcul du potentiel fiscal des communes.
M. le président. La parole est à M. Courtois, pour présenter l'amendement n° 23.
M. Jean-Patrick Courtois. Je retire cet amendement au profit de celui de la commission.
M. le président. L'amendement n° 23 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 rectifié ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est favorable à cet amendement rédactionnel.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 26 rectifié, MM. Le Grand, Bizet et Courtois proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le neuvième alinéa de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des sept alinéas précédents, le produit de taxe professionnelle s'entend du produit des rôles généraux majoré, jusqu'au 31 décembre 2003, de la compensation prévue au paragraphe I du D de l'article 44 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 portant loi de finances pour 1999. »
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Cet amendement a pour objet de prendre en compte la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle dans les accords de partage de taxe professionnelle au titre de la loi de 1980.
Cependant, il n'est proposé d'appliquer la mesure que jusqu'au 31 décembre 2003, puisque, au 1er janvier 2004, cette compensation sera non plus versée individuellement, mais intégrée dans la dotation globale de fonctionnement des collectivités concernées, sous une forme non encore déterminée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 30, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 2000 et jusqu'au 31 décembre 2002, les services départementaux d'incendie et de secours perçoivent une majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement visée au deuxième alinéa de l'article L. 3334-11 du code général des collectivités territoriales.
« Les sommes nécessaires au financement de cette majoration sont prélevées chaque année, à hauteur de 100 millions de francs, sur les crédits affectés à la dotation globale d'équipement des communes tels qu'ils résultent de l'application de l'article L. 2334-32 du code précité.
« La majoration prévue au premier alinéa est répartie proportionnellement aux dépenses réelles d'investissement effectuées par les services départementaux d'incendie et de secours.
« II. - A compter du 1er janvier 2000 et jusqu'au 31 décembre 2002, le montant de la dotation globale d'équipement des communes tel qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales est réparti après prélèvement des crédits prévus au deuxième alinéa du I. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La loi du 3 mai 1996 prévoit la départementalisation des services d'incendie et de secours et le transfert des personnes et des biens qui relevaient antérieurement des communes ou de leurs groupements.
L'évaluation du coût de ces services pour les quatre-vingt-seize départements concernés s'inscrit dans une fourchette de 13 milliards à 15 milliards de francs de dépenses globales, dont 1,6 milliard à 2 milliards de francs de dépenses d'équipement.
Cette réforme appelle des mesures d'harmonisation et des mises à niveau et suscite quelques tensions, comme il est bien naturel pour une réforme de cette ampleur. Il s'agit par conséquent d'aider au financement des SDIS, notamment au travers de la dotation globale d'équipement.
L'amendement n° 30 vise à renforcer l'aide de l'Etat aux SDIS. Il tend à favoriser la relance d'une politique d'investissement, afin d'éviter l'obsolescence du parc des matériels, des équipements et des infrastructures des SDIS, d'autant que beaucoup de schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, les SDACR, prévoient de reconstruire un certain nombre de casernements.
Il vise donc à instituer au profit des SDIS une majoration au sein de la dotation globale d'équipement des départements, sans modifier l'architecture de cette dernière. La majoration prévue permettrait d'accompagner, pour les trois prochaines années, la montée en charge des efforts. Au total, l'effort financier en faveur des SDIS devrait s'élever, entre l'éligibilité à la fraction principale de la première part de la DGE des départements et la majoration, à 350 millions de francs actuels. En effet, d'un montant de 300 millions de francs, la majoration compléterait l'attribution perçue au titre de la DGE des départements qui, pour mémoire, s'établissait à près de 50 millions de francs en 1999. Cette majoration serait répartie de la manière suivante : 100 millions de francs prélevés sur les crédits ouverts en loi de finances pour la DGE des communes et 200 millions de francs apportés par l'Etat par redéploiement des reliquats de gestion de la DGE qui ne sont pas utilisés et qui, par conséquent, rendent non nécessaire l'ouverture complémentaire de crédits en loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Comme vient de l'expliquer M. le ministre, cet amendement a pour objet d'organiser un concours pour aider les services départementaux d'incendie et de secours dans leurs dépenses d'équipement. Ce concours que l'Etat propose d'adopter se chiffrerait à 350 millions de francs par an, essentiellement à travers des redéploiements de crédits de DGE non utilisés. Je vois plusieurs raisons pour nous d'être satisfaits de cet amendement.
Sur le plan technique, les crédits votés chaque année pour la DGE des communes sont très mal consommés dans la mesure où plus de 3 milliards de francs sont reportés pour cause de non-consommation. Que le Gouvernement souhaite les recycler et les utiliser pour des dépenses urgentes et pressantes est une bonne chose.
Par ailleurs, les dépenses des services départementaux d'incendie et de secours explosent. Le Gouvernement a choisi d'apporter une aide en matière d'équipement, ce dont nous sommes satisfaits. Néanmoins, le problème du fonctionnement se pose également.
Voilà quelques jours, le Sénat a voté, sur l'initiative de notre collègue M. Charasse, un amendement tendant à fiscaliser le coût des services départementaux d'incendie et de secours.
Cet amendement permet de rendre visible, pour les contribuables, le coût de ces services, mais n'apportera pas un centime supplémentaire aux services départementaux.
La question se pose d'ailleurs de savoir s'il est sain, fiscalement et administrativement, qu'un établissement public ayant un seul objet et supportant des dépenses très lourdes soit financé par des impôts perçus par d'autres collectivités. Il y a certainement là un vrai problème.
Sans doute aurait-il été préférable en 1996 - mais c'est une idée personnelle - de confier directement les services de secours aux départements. Cette solution aurait été plus claire et plus facile à gérer.
Néanmoins, le Gouvernement fait là une avancée importante, et la commission des finances ne fera pas la fine bouche : elle émet donc un avis favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. J'approuve la position adoptée par la commission des finances, et je salue l'avancée que constitue l'amendement n° 30.
Le Gouvernement écrit, dans l'objet de son amendement, que « le financement des SDIS par les contributions des communes, de leurs groupements et des départements semble avoir atteint ses limites ». J'ajouterai « les limites du supportable », car les dépenses des SDIS en matière tant d'équipement que de fonctionnement augmentent en flèche.
Si nous voulons sauver la réforme des SDIS, il faut que, sur le plan financier, les contribuables aient le sentiment que nous restons ou que nous rentrons dans les limites du raisonnable.
C'est pourquoi j'ai le sentiment qu'il s'agit d'une première étape salutaire mais qui, probablement, ne réglera pas encore tout. Puissions-nous très vite faire en sorte que cette réforme soit mieux comprise par les communes et par les contribuables.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. On ne peut évidemment pas être contre cette proposition honnête du Gouvernement et la constitution de ce fonds.
Je constate que, sur un concours de 350 millions de francs, 200 millions de francs proviennent du redéploiement de crédits antérieurs, 50 millions de francs proviennent de la DGE départementale et 100 millions de francs sont prélevés, en fait, sur la DGE communale.
On me dira que, de toute façon, ces 100 millions de francs, compte tenu de la probable non-consommation de l'ensemble des crédits, aboutissait au renforcement des lignes des reliquats. Mais il faudrait s'interroger sur les raisons pour lesquelles les communes, en particulier, les petites, n'utilisent pas ces fonds.
Nous voterons bien évidemment cette disposition, mais nous l'aurions fait avec enthousiasme si l'Etat avait abondé la DGE de 100 millions de francs, montant du redéploiement qu'il effectue sur les communes.
(M. Paul Girod remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explitation de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L'amendement n° 30 vise à régler les problèmes d'application de la loi du 3 mai 1996 relative à la réforme des services d'incendie et de secours. Cette loi, dont l'objet était de garantir une distribution équitable et homogène des secours sur l'ensemble du territoire, a montré ses limites, en particulier s'agissant des questions de financement, que nous évoquions à l'instant. Les collectivités locales n'arrivent plus à assumer les charges, les cotisations de certaines d'entre elles ayant été multipliées par trois, voire par neuf, alors que celles de certains départements ont augmenté de 50 %.
Les sapeurs-pompiers professionnels, dont le courage et le dévouement ne sont plus à démontrer, agissent dans tous les départements de France, à la fois pour faire reconnaître leur profession comme dangereuse et insalubre, pour obtenir la retraite à cinquante ans - ils viennent d'avoir satisfaction sur ce point - et pour faire revaloriser la filière afin d'obtenir des moyens supplémentaires pour les SDIS, ainsi que nous le réclamions d'ailleurs nous-mêmes.
L'amendement n° 30 prévoit certes une telle augmentation des moyens. Mais malheureusement, comme vient de l'expliquer Jean-Claude Peyronnet, ce sont les communes qui vont être mises à contribution ! Par conséquent, monsieur le ministre, votre amendement nous conviendrait si la dotation globale d'équipement était abondée d'autant. En l'absence d'une telle augmentation, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra que s'abstenir sur cet amendement.
M. Jean-Claude Gaudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaudin.
M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le ministre, je me réjouis de l'effort du Gouvernement, et je suivrai donc, sur cet amendement, l'avis de la commission des finances.
Je profite de cette discussion sur les sapeurs-pompiers pour rappeler un événement s'étant déroulé à Marseille, en 1939 : un incendie aux Nouvelles Galeries causa 73 victimes, et ce alors même que se tenait dans la ville le congrès du parti au pouvoir, auquel participaient, entre autres personnalités, Daladier, Chautemps et Boncour.
J'ai parlé de 73 victimes, mais il faut y ajouter une victime morale pour qui j'ai toujours eu de l'affection, bien que ne l'ayant pas connue : le maire de Marseille, premier fusible que l'on fit sauter et à qui on osa enlever le titre de maire ! Il ne fut plus que président du conseil municipal, un préfet étant nommé pour administrer la ville de Marseille. Après quoi, on arrivera au 10 juillet 1940.
Je suis heureux de raconter cela en y associant notre éminent collègue M. Jean-Noël Guérini, qui connaît cette histoire aussi bien que moi.
L'année suivante, le Gouvernement de la République décida la création d'un bataillon de marins-pompiers pour assurer la sécurité de Marseille, du port dans toute son étendue, de l'aéroport, ainsi que de quatre communes ayant souhaité être protégées par ce bataillon. Or, jusqu'à présent, ces quatre communes versaient leur quote-part en matière de sécurité au SDIS ! A ce jour, nous n'avons toujours pas trouvé de solution à cet égard.
Plus grave à mes yeux, comme sans doute à ceux de M. le sénateur Guérini que je me permets d'associer à mon propos, est la dépense annuelle de 300 millions de francs pour le bataillon des marins-pompiers. Or, monsieur le ministre, ce bataillon est exemplaire : du fait de sa technicité, de sa compétence et de son dévouement, il intervient dans le monde entier, souvent d'ailleurs à la demande du Gouvernement : il s'est ainsi déplacé à l'occasion des tremblements de terre d'El Asnam, d'Erevan, de Mexico, de Turquie, et, plus récemment lors des événements d'Albanie et du Kosovo.
A la suite de la professionnalisation des armées, le coût du fonctionnement de ce bataillon de marins-pompiers de Marseille va être porté à 350 millions de francs. Or, la ville de Marseille ne touche pas un sou de qui que ce soit, et notamment pas de l'Etat ! Seul le conseil général, de temps à autre, fait cadeau de matériel.
Bien entendu, monsieur le ministre, je me réjouis de l'effort tout à fait louable et légitime que vous faites en faveur des SDIS. Mais je me demande à quel moment un gouvernement de la République fera aussi un geste pour le bataillon des marins-pompiers !
J'irai même plus loin : récemment, l'amiral Delaunay, chef d'état-major de la marine, m'a téléphoné pour m'annoncer que le commandant des marins-pompiers allait peut-être être nommé contre-amiral. « S'il en allait ainsi, il faudrait bien entendu que la ville de Marseille participe à l'augmentation de son salaire, m'a-t-il dit ! Comment voulez-vous ne pas répondre favorablement ? (Sourires.)

Un jour, peut-être, le gouvernement de la République répondra à son tour favorablement à nos demandes ! (Applaudissements.)
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. M. Gaudin vient d'évoquer les pompiers de Marseille. Pour ma part, je parlerai des pompiers de Paris et de la petite couronne - le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine -, qui sont des militaires. Si les départements participent financièrement depuis longtemps à ces services, la suppression de la conscription entraîne une augmentation des contributions telle que ces dernières ne sont plus adaptées à leur situation financière difficile. Et je suis sûre, disant cela, de me faire l'interprète de tous les départements !
Je vous pose donc tout haut la question que je me pose tout bas, monsieur le ministre : l'Etat ne pourrait-il compenser l'augmentation des dépenses supportées par les départements de Paris et de la petite couronne, s'agissant des sapeurs-pompiers ?
Mon propos ne remet bien sûr pas du tout en cause - mais nous en reparlerons tout à l'heure lors de l'examen du budget de la sécurité civile - tout le bien que nous pensons du rôle et de l'action des sapeurs-pompiers, que toute la population admire. Monsieur le ministre, n'êtes-vous pas d'accord avec moi ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je tiens à répondre aux différents intervenants en disant tout d'abord que, bien évidemment, je salue le courage des sapeurs-pompiers, qui a trouvé maintes fois à s'illustrer. Personne ne le contestera !
Pour autant, ne nous dissimulons pas la réalité : il faut bien payer et, dès lors qu'il s'agit de payer, plus personne n'est au rendez-vous.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il est extrêmement facile d'oublier que l'Etat a déjà la charge des renforts nationaux, des unités d'intervention de la sécurité civile, de la flotte aérienne - Canadair, Tracker, Fokker, Hercules C 130, hélicoptères BK 117 qui vont prochainement entrer en service - et que cela coûte cher aussi !
Il existe des unités militaires à Paris et à Marseille et, pour le reste, le principe de la responsabilité des collectivités locales s'exerce, sauf pour les unités d'intervention de la sécurité civile. Toutefois, à Paris, l'Etat verse une contribution pour la brigade des sapeurs-pompiers, ce qui n'est pas le cas à Marseille pour des raisons historiques qui auraient mérité d'être développées étant donné notre intérêt pour la vie tumultueuse de la grande citée phocéenne. Ainsi, je crois savoir que c'est l'un de mes prédécesseurs, qui, pour tenir compte des conclusions d'un rapport, a mis fin au système précédent.
Je suis tout à fait disposé à me pencher à nouveau sur ce qui apparaît, d'une certaine manière, comme une anomalie. Il faut cependant examiner le problème de Marseille dans son intégralité et je suis prêt à recevoir à cette fin MM. Gaudin et Guérini.
L'amendement du Gouvernement a pour objet d'abonder de 350 millions de francs le financement des investissements des SDIS. Or, traditionnellement, les services d'incendie et de secours relevaient de la compétence communale, et la DGE communale contribuait donc à leur financement. Aujourd'hui, l'Etat apporte 200 millions de francs, les communes 100 millions de francs et les départements 50 millions de francs. Et, 350 millions de francs, cela représente le cinquième et le quart de la dépense d'équipement totale.
J'ajoute - j'ai omis de le dire tout à l'heure - que je suis en train de négocier avec la Caisse des dépôts et consignations, en liaison avec le ministère de l'économie et des finances, la possibilité d'offrir des prêts à long terme - trente ans - et à bas taux - 3,05 % - qui permettraient également de financer les investissements des SDIS.
Cet ensemble de dispositions devrait permettre aux SDIS de voir certaines de leurs charges soulagées et d'entreprendre ainsi une politique d'équipement plus dynamique.
Les pompiers professionnels, qui ont des revendications de divers ordres - sur lesquelles je ne m'étends pas : les négociations sont engagées et j'espère qu'elles trouveront un aboutissement heureux -, doivent comprendre que tout n'est pas possible. Je fais appel à leur esprit de responsabilité ! Je pense, par exemple, à la revendication de la retraite à cinquante ans : on ne peut pas traiter ce problème en dehors d'un contexte plus général mis en relief par le rapport Charpin !
Des dispositions précises ont été proposées, qui permettront aussi de trouver des solutions conformes aux réalités. Ainsi, certains pompiers méritent, au-delà de cinquante ans, une cessation d'activité, parce qu'ils ne sont plus opérationnels.
Il faut donc replacer cette affaire dans un ensemble et essayer d'avancer d'une manière raisonnable sur tous les plans, de façon que chacun y retrouve son compte. L'Etat fera un effort de son côté, mais il ne peut pas être seul dans cette matière. Son geste est déjà très significatif, il était très attendu et, croyez-le, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est pas arrivé tout à fait par hasard. Cela n'a pas été si facile !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 46, Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« 1. L'article L. 5211-29 est ainsi modifié :
« A. - 1. Le premier alinéa est précédé de la mention : "I. -" ;
« 2. Dans le même alinéa, le mot : "six" est remplacé par le mot : "cinq".
« B. - Le deuxième alinéa (1°) est ainsi rédigé :
« 1° Les communautés urbaines ; »
« C. - Le troisième alinéa (2°) est supprimé. En conséquence, au début des quatrième, cinquième, sixième et septième alinéas, les mentions : "3°", "4°", "5°" et "6°" sont remplacées par les mentions : "2°", "3°", "4°" et "5°".
« D. - Après le septième alinéa, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :
« 6° Pour la période de 2000 à 2002, la catégorie mentionnée au 1° est divisée en deux catégories distinctes :
« - les communautés urbaines ne faisant pas application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts ;
« - les communautés urbaines faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts.
« De 2000 à 2002, la dotation par habitant des communautés urbaines est fixée par le comité des finances locales et ne prend pas en compte les sommes nécessaires au mécanisme de garantie prévu à l'article L. 5211-33. »
« E. - Le début du huitième alinéa est précédé de la mention : "II. -".
« F. - Le début du douzième alinéa est ainsi rédigé : "De 2000 à 2002, la dotation par habitant...".
« G. - Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 2003, le montant de la dotation d'intercommunalité affecté aux communautés urbaines est celui qui résulte de l'application du troisième alinéa du I de l'article L. 5211-30. »
« II. - L'article L. 5211-30 est ainsi modifié :
« A. - Dans le premier alinéa du I, les mots : "six catégories d'établissements publics de coopération intercommunale" sont remplacés par les mots : "catégories d'établissements publics de coopération intercommunale mentionnées au 2°, au 3°, au 4° et au 5° du I de l'article L. 5211-29".
« B. - Après le premier alinéa du I il est inséré trois alinéas ainsi rédigés :
« De 2000 à 2002, les sommes affectées aux deux catégories des communautés urbaines mentionnées au 6° du I de l'article L. 5211-29 sont réparties entre ces établissements à raison de 15 % pour la dotation de base et de 85 % pour la dotation de péréquation.
« A compter du 1er janvier 2003, les sommes affectées à la catégorie des communautés urbaines sont réparties de sorte que le montant de l'attribution par habitant de chacune d'entre elles est égal à l'attribution par habitant perçue l'année précédente augmentée comme la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7.
« Pour les communautés urbaines créés à compter du 1er janvier 2002, ou issues de la transformation, postérieure à cette date, d'un établissement public de coopération intercommunale, le montant de la dotation par habitant est égal, la première année d'attribution, à la dotation moyenne par habitant de la catégorie des communautés urbaines. »
« C. - Dans le deuxième alinéa du I, après les mots : "Chaque établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre", sont insérés les mots : "mentionné aux premier et deuxième alinéas".
« D. - Les mots : "de 2000 à 2002" sont insérés après les mots : "des communautés urbaines" dans le premier alinéa du II et après les mots : "les communautés urbaines" dans le premier alinéa (1°) du III et dans le deuxième alinéa du IV.
« E. - Cet article est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« V. - A compter du 1er janvier 2003, la dotation des communautés urbaines est répartie selon les dispositions fixées aux troisième et quatrième alinéas du I. »
« III. - Dans les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 5211-32, les mots : "de 2000 à 2002" sont insérés après les mots : "des communautés urbaines".
« IV. - L'article L. 5211-33 est ainsi modifié :
« A. - 1. Le premier alinéa est précédé de la mention : "I. -".
« 2. Dans le même alinéa, les mots : "les communautés urbaines" sont supprimés.
« B. - Après le premier alinéa, il est inséré trois alinéas ainsi rédigés :
« De 2000 à 2002, les communautés urbaines ne faisant pas application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts ne peuvent percevoir une attribution par habitant inférieure à la dotation par habitant perçue l'année précédente.
« Les sommes nécessaires à l'application du mécanisme de garantie défini ci-dessus sont prélevées de 2000 à 2002 sur la dotation d'aménagement mentionnée à l'article L. 2334-13 après utilisation, à cet effet, des disponibilités dégagées par la mise en oeuvre des dispositions du septième alinéa du présent article.
« A compter du 1er janvier 2003, les communautés urbaines perçoivent une dotation d'intercommunalité dans les conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article L. 5211-30. »
« C. - Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les communautés urbaines faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, et qui sont issues de la transformation de communautés urbaines existantes l'année de promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, ne peuvent percevoir en 2000 une dotation par habitant supérieure à 1,5 fois la dotation par habitant qu'elles percevaient l'année précédant leur transformation. »
« D. - Le début du quatrième alinéa est précédé de la mention : "II. -".
« E. - Dans le cinquième alinéa, les mots : "les communautés urbaines" sont supprimés.
« F. - Dans les sixième, septième et à l'avant-dernier alinéas, les mots : "mentionnés au premier alinéa du I" sont insérés après les mots : "établissements publics de coopération intercommunale".
« V. - L'article L. 5211-34 est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de dissolution d'une communauté urbaine après le 1er janvier 2003, le montant de la dotation qui aurait dû lui revenir l'année suivante est partagé entre les communes qui la composent en fonction du montant du produit des impôts, taxes et redevances mentionnées à l'article L. 2334-6 constaté la dernière année de fonctionnement sur le territoire de chacune d'entre elles pour le compte de l'établissement public. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Avec cet amendement très technique et très long, nous abordons le problème des communautés urbaines. Je vais essayer d'expliquer le plus clairement possible quel est notre but.
Je veux tout d'abord rappeler au Sénat - et surtout à vous, monsieur le ministre - que nous souhaitons que la loi du 12 juillet 1999 puisse être appliquée dans son esprit. Le législateur a essayé, à l'époque, de définir quelques groupements de coopération intercommunale : la communauté de communes, la communauté d'agglomération et la communauté urbaine, cette dernière étant réservée aux grandes agglomérations de plus de 500 000 habitants. Si la catégorie des communautés urbaines est peu importante en nombre, ce n'est donc pas le cas du point de vue de la population.
Certes, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis plus de trente ans ont toujours favorisé financièrement ces catégories. Mais, aujourd'hui, il ne s'agit plus du tout de cela ! Il s'agit simplement de faire en sorte que les communautés urbaines puissent vivre dans l'harmonie en appliquant la loi.
C'est pourquoi nous proposons de veiller à l'aménagement de l'entrée des nouvelles communautés dans la catégorie des communautés urbaines et de déterminer le montant de la dotation globale de fonctionnement lors de l'entrée dans cette catégorie ou de la mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique à partir du coefficient d'intégration fiscale.
Une fois calculée cette DGF, il ne faut pas qu'elle puisse varier en fonction des décisions erratiques que prendrait telle ou telle communauté. Il existe douze communautés, mais il suffirait que l'une d'entre elles décide de considérer, par exemple, que l'enseignement musical sera une compétence communautaire pour remettre en cause toute la répartition de la DGF entre les communautés urbaines. C'est ce type de phénomène que nous voulons éviter.
Nous proposons donc simplement de geler la DGF des communautés urbaines au niveau atteint cette année pendant trois ans, période pendant laquelle les communautés urbaines nouvelles - deux, peut-être, sont susceptibles de se créer dans notre pays - vont pouvoir entrer dans la catégorie. Les autres vont devoir organiser le passage à la taxe professionnelle unique.
Passer d'un système de fiscalité additionnelle à un système de taxe professionnelle unique entraîne forcément une majoration de la DGF en fonction du coefficient d'intégration fiscale, et nous proposons de la limiter à une fois et demie la DGF qui était perçue auparavant, par une sorte d'écrêtement.
Par ailleurs, une fois la catégorie constituée, nous savons qu'elle ne sera plus modifiée puisque nous n'avons plus de candidat possible. La DGF des communautés urbaines variera alors, selon notre proposition, comme la dotation forfaitaire, parce que le coefficient d'intégration fiscale ayant joué son rôle, nous n'aurons plus besoin d'y avoir recours. Nous organisons ainsi la vie normale des communautés urbaines à l'intérieur de cette catégorie.
Certes, cet amendement est un peu compliqué et les membres de notre Haute Assemblée n'avaient peut-être pas tous perçu, à travers sa technicité, le but que nous nous étions fixé. Et peut-être vous-même, monsieur le ministre, n'aviez-vous pas bien vu que l'élément essentiel demeurait le coefficient d'intégration fiscale qui, une fois qu'on l'aura fait jouer, sera bloqué pour permettre aux douze communautés urbaines de pouvoir se réunir de temps en temps afin de discuter avec le Gouvernement sur l'avenir des grandes agglomérations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est très attentif au sort des communautés urbaines. Toutefois, celles-ci ne font pas partie des groupements défavorisés, puisqu'elles reçoivent une dotation de 502 francs par habitant ! Les communautés urbaines viennent ainsi très loin devant les communautés de communes, qui touchent à peine plus de 100 francs par habitant, et très loin encore devant les communautés d'agglomération, qui toucheront 250 francs.
Cela dit, cette politique répond au souci de créer des grandes métropoles d'équilibre. Elle a sa logique et, naturellement, le Gouvernement tiendra compte des réalités acquises.
Pour que les choses soient aussi claires que possible, je rappelle que nous avons voté une loi le 12 juillet dernier. Comme je l'avais indiqué alors, je suis et je reste favorable à l'application des mêmes principes à l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale.
Je vois d'ailleurs d'autant moins de raisons de réserver un sort particulièrement privilégié aux communautés urbaines qu'elles sont déjà relativement privéligées.
Distinguons les différents problèmes.
S'il s'agit de favoriser le passage à la taxe professionnelle unique - c'est en effet l'esprit même de la loi - je suis prêt à étudier tous les mécanismes qui garantiront que cela ne se traduira pas par une baisse de la dotation.
S'il s'agit de faire en sorte que le coefficient d'intégration fiscale ne soit plus pris en compte pour les communautés urbaines, je considère que ce ne serait pas juste à l'égard des autres groupements de communes, qu'il s'agisse de communautés de communes ou de communautés d'agglomération. Il faut dissuader autant que possible ce qu'on appelle « l'intercommunalité d'aubaine » et les mêmes règles doivent s'appliquer à toutes les catégories d'intercommunalité.
S'il s'agit d'éviter qu'en effet la prise en compte de deux nouvelles communautés urbaines - Marseille et Nantes - vienne déséquilibrer l'ensemble, je suis tout à fait d'accord pour mettre le dossier sur la table.
Je vous donne donc rendez-vous, si vous le voulez bien, pour reprendre langue avec l'ensemble des présidents de communautés urbaines afin d'étudier, quand l'affaire prendra forme, la manière dont nous pourrons éviter que l'entrée dans la catégorie des communautés urbaines de deux grandes cités, l'une de plus d'un million d'habitants - cela dépendra des limites géographiques, bien entendu - et l'autre de 500 000 à 600 000 habitants, vienne déséquilibrer l'édifice. J'accepte tout à fait d'aborder ces problèmes, dans un esprit d'impartialité et d'équité.
Je constate que vous prévoyez vous-même, dans votre amendement, de maintenir le CIF pendant trois ans. Soit ! Mais nous aurons trouvé un accord avant trois ans ! Je ne vois donc pas très bien l'intérêt de cet amendement, qui vise, en quelque sorte, à faire l'impasse sur une discussion dont je reconnais l'intérêt, la nécessité, et que je suis prêt à aborder dans un esprit tout à fait favorable.
Parce que je veux qu'effectivement les communautés urbaines puissent passer à la TPU sans qu'aucune ne supporte de conséquences négatives, je suis prêt à considérer les modalités de la prise en compte des problèmes que les nouvelles communautés pourraient rencontrer.
Compte tenu des assurances que je vous ai déjà données et que je réitère publiquement, je vous demande donc de retirer cet amendement, qui est en effet extrêmement complexe et qui tend à sortir les communautés urbaines du régime général de l'intercommunalité.
M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez vous l'amendement n° 46 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je voudrais avec votre permission, monsieur le ministre, et avec l'indulgence de mes collègues, revenir sur cette question extrêmement importante.
Je crois que nous sommes à peu près d'accord sur tout, monsieur le ministre, et je ne vois pas pourquoi, étant d'accord sur tout, vous ne voulez finalement pas qu'on règle le problème avec le texte que nous proposons, parfaitement respectueux des principes que vous venez de rappeler.
Monsieur le ministre, il s'agit d'une catégorie très particulière puisqu'elle ne comprend, avec Marseille et Nantes, que quatorze communautés urbaines. Certes, en matière de DGF, cette catégorie est mieux dotée que les autres, mais notre amendement n'a pas pour objet de donner plus aux communautés urbaines. L'année 2003, on constatera que l'intégration est terminée et qu'il n'y a plus aucun candidat. Le CIF aura joué et il n'aura plus rien à faire. Notre amendement a simplement pour objet de préserver les communautés urbaines des conséquences brutales de la variation des CIF au sein de cette catégorie, qui ne comprend que douze membres.
Nous prévoyons donc une augmentation indexée sur le taux de progression de la dotation forfaitaire. Comme vous, monsieur le ministre, nous souhaitons que les principes posés par la loi du 12 juillet 1999 soient respectés. C'est votre texte mais c'est aussi un peu le nôtre et nous n'avons pas du tout l'intention de le dénaturer.
Si nous proposons cette solution, c'est qu'il s'agit d'une catégorie fermée comptant un nombre de membres très restreint. J'observe d'ailleurs que notre collègue Clause Lise, dans un rapport qu'il a fait sur un tout autre sujet - les départements d'outre-mer - a appliqué le même principe. S'agissant d'une petite catégorie avec peu de membres, les variations des montants perçus par les uns ont des conséquences importantes sur les montants perçus par les autres. Or les communautés urbaines, les grandes agglomérations ont besoin d'avoir des ressources stables.
Je souhaite vraiment, monsieur le ministre, que vous donniez un avis favorable sur notre amendement qu'en conscience je me dois de maintenir.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, certes, il s'agit d'une petite catégorie par le nombre de ses membres, mais je dirai que la dotation d'intercommunalité, elle, est importante puisqu'elle atteint 5,6 milliards de francs, dont 2,2 milliards de francs pour les communautés urbaines, soit près de 40 %. Ce n'est donc pas négligeable.
La question que, pour ma part, je me pose et à laquelle vous n'avez pas répondu est de savoir pourquoi, au bout de trois ans, il faudrait renoncer au coefficient d'intégration fiscale, qui est la garantie que l'intercommunalité est bien réelle et que, en tout cas, le degré d'intégration de chaque communauté urbaine est pris en compte. C'est tout de même le bon sens !
M. Michel Mercier, rapporteur. Le CIF ne servira plus à rien en 2003 parce que l'intégration sera faite !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Vous n'en savez rien. J'ai quelques principes simples...
M. Michel Mercier, rapporteur. Moi aussi.
M. le président. Monsieur le rapporteur, n'interrompez pas M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... et, pour ma part, je ne sais pas ce qui se passera après 2003. La prise en compte de l'intégration, c'est la prise en compte de l'effectivité des compétences exercées au niveau de la communauté. Il est possible de revenir en arrière, il est possible aussi que certains soient plus intégrés que d'autres. Il est donc tout à fait normal de prendre en compte le degré d'intégration de chaque communauté urbaine. Pourquoi le ferait-on pour les communautés d'agglomération et pour les communautés de communes, et pourquoi ne le ferait-on pas pour les communautés urbaines ?
Permettez-moi de vous dire que ce n'est même pas une question de « gros sous » - pas du tout ! - c'est une question de principe simple. Je suis ainsi fait que je ne peux pas comprendre des choses qui correspondent à des logiques que flétrissait, tout à l'heure, M. Fourcade et qui nous ramènent à l'Ancien Régime.
M. Michel Mercier, rapporteur. Ce n'est pas gentil et en plus c'est faux !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, on peut commettre des injustices sans le vouloir, et vous venez d'en commettre une. Je sais votre souci de justice et je voudrais tenter de vous montrer que vous n'avez pas été juste dans votre présentation.
Pourquoi sommes-nous dans cette situation par rapport, par exemple, à la catégorie la plus nombreuse qui est celle des communautés de communes ? Lorsque se produit un mouvement considérable d'intégration dans une communauté de communes, la masse de communautés de communes est telle que cela n'a aucune influence sur les autres.
Là, nous sommes en présence d'une catégorie comportant douze communautés urbaines aujourd'hui, et peut-être quatorze demain. S'il advenait que l'une d'entre elles - imaginez que ce soit, par exemple, la plus importante - prenne une disposition d'intégration qui modifie et déforme considérablement le montant éligible de sa DGF, cela pourrait avoir un effet tout à fait dévastateur pour les autres communautés urbaines puisqu'elles sont peu nombreuses. Dans les autres catégories de groupement, la marge de manoeuvre est très importante.
M. Mercier a indiqué à juste titre que votre loi, que le Parlement quasi unanime a soutenue,...
M. Thierry Foucaud. Pas nous !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le groupe communiste est depuis toujours opposé à la coopération intercommunale !
... devait s'appliquer à toutes les catégories de groupements, y compris aux communautés urbaines. Or, si les communautés urbaines ne passent pas à la taxe professionnelle unique toutes ensemble cela déstabilisera totalement la DGF des autres communautés. Il faut donc prévoir un dispositif particulier.
Monsieur le ministre, je vous en conjure, écoutez notre rapporteur. En 2003, les communautés qui doivent passer à la TPU y seront passées et nous aurons à peu près trouvé le régime de croisière pour cette dotation.
Le dispositif proposé par le rapporteur constitue-t-il une exception intolérable par rapport aux autres catégories de structures intercommunales ? Mais, monsieur le ministre, s'agissant des communautés de communes, si la situation de l'une d'entre elles changeait, alors que son coefficient d'intégration fiscale est de plus du double de la moyenne de sa catégorie, il est prévu qu'elle bénéficierait d'un régime de protection. C'est impossible pour les communautés urbaines puisqu'elles ont un coefficient d'intégration fiscale quasiment identique.
Je vous supplie, monsieur le ministre, de bien vouloir ne pas vous figer sur cette question, dans une volonté de préserver l'équité de traitement des différentes catégories d'EPCI. Il faut faire en sorte que la loi Chevènement n'aboutisse pas à la suppression des communautés urbaines, ou alors il fallait le dire dans votre loi.
L'amendement de M. Mercier est un amendement équilibré. Je me tourne vers mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, excepté nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen puisqu'ils ont toujours été contre la coopération intercommunale (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen), pour leur demander de voter cet amendement. Toutes les communautés urbaines unanimes, qui oeuvrent pour la coopération intercommunale depuis des années, vous le demandent aussi. Je ne peux pas croire que le Sénat ne répondra pas à leur appel.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 27 rectifié, est présenté par Mme Luc.
Le second, n° 31, est déposé par MM. Lagauche, Domeizel, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« A titre transitoire et exceptionnel, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre constitués avant le 15 mars 2000 bénéficient des dispositions de la section 2 du chapitre II du titre II de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. »
La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 27 rectifié.
Mme Hélène Luc. Notre amendement vise à reporter au 15 mars 2000 la date limite de constitution d'un établissement public de coopération intercommunale afin de permettre aux communes qui le souhaitent de se regrouper et de bénéficier, dès 2000, de la dotation globale de fonctionnement majorée.
Actuellement, pour que les communautés d'agglomération puissent bénéficier dès l'an 2000 d'un abondement de la dotation globale de fonctionnement, la date limite de leur constitution est le 31 décembre 1999. Chacun convient qu'il s'agit là, compte tenu de l'importance des questions posées et de la date de l'adoption - 12 juillet 1999 - de la loi relative au développement et à la simplification de la coopération intercommunale, d'un délai extrêmement court.
Repousser au 15 mars 2000 la date limite, comme c'est le cas, à quelques jours près, pour l'adoption des budgets communaux me semble relever du bon sens. Je sais que de nombreuses communes votent leur budget à cette époque-là.
Les élus communistes qui ont toujours été des promoteurs de la coopération communale, monsieur Lambert, contrairement à vos affirmations, regrettent que la loi actuelle fixe de manière beaucoup trop rigide les compétences transférées, réduisant ainsi la souveraineté communale. Ils s'opposent également au rôle autoritaire que pourrait jouer l'Etat, comme nous l'avons souligné tout au long de la discussion du présent projet de loi, pour imposer un périmètre à une commune contre son gré, comme il semble que ce soit le cas pour la ville de Chennevières dans le Val-de-Marne. Il n'est nul besoin de se précipiter. Il y a du temps tout de même.
Toutefois, aujourd'hui, la loi existe et les élus communistes entendent agir de manière offensive et constructive pour aider à faire émerger de vrais projets de territoires intercommunaux à partir d'une réflexion sérieuse, mais sans précipitation, d'un espace pertinent, librement décidé par les collectivités. Ils poursuivront leur action pour corriger les aspects les plus contestables de la loi.
Ces nouvelles structures doivent permettre de mieux répondre aux besoins des habitants. Elles ne peuvent résulter que d'un choix volontaire des communes et des populations.
Nous rejetons par avance toute décision bureaucratique qui viserait à imposer à une commune une intégration forcée.
Cela dit, il n'en demeure pas moins qu'il importe de laisser le temps aux communes qui le désirent de se constituer en communautés d'agglomération dès 2000. C'est la raison qui me conduit à demander au Sénat d'adopter l'amendement n° 27, lequel prévoit une disposition transitoire et exceptionnelle.
M. le président. La parole est à M. Lagauche, pour présenter l'amendement n° 31.
M. Serge Lagauche. J'ajouterai aux propos de Mme Luc qu'à partir des mois de mars et avril 2000 il n'y aura plus de réelle possibilité de négocier car nous serons à un an des élections municipales. Par conséquent, toutes les communautés qui vont se constituer et qui sont en discussion à l'heure actuelle, soit se feront vraisemblablement avant 2000, soit seront reportées deux ans plus tard.
Monsieur le ministre, je sais que vous tenez à votre loi et à ce qu'elle connaisse un maximum de réussite, que vous tenez aussi à ce qu'il n'y ait pas un effet d'aubaine. Or la discussion, qui sera brève compte tenu des délais, entraînera pour les communes qui signeront immédiatement un effet d'aubaine. Si elles réfléchissent, si elles consultent leur population, si on établit les différents statuts, si l'on réalise un travail sérieux, deux ou trois mois de plus seront nécessaires pour mener cette tâche dans de bonnes conditions.
Vous devez peu apprécier, j'en suis convaincu, des communautés, comme j'en connais, qui se sont créées à une telle rapidité, même si elles ont été approuvées par le préfet - je parle là du Val-de-Marne -, qu'elles sont creuses, sans avoir fait l'objet d'une réflexion suffisante qui leur permettre de vivre.
Je sais que vous allez me rétorquer qu'il y a des difficultés techniques, etc. Je connais votre attachement au respect de la volonté des élus et à la réalisation concrète de cette loi, pour me douter qu'avec votre administration vous arriverez à lever ces obstacles techniques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 27 rectifié et 31 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission comprend parfaitement les motivations de nos collègues. Il nous semble néanmoins que la date du 15 mars 2000 risque de poser des problèmes techniques importants. Nous souhaiterions donc connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je voudrais répondre à Mme Luc et à M. Lagauche que le Gouvernement souhaite naturellement que la loi du 12 juillet 1999 puisse s'appliquer, notamment pour la création de communautés d'agglomération.
C'est souhaitable à partir du moment où les projets sont bien construits et tiennent comptes des réalités. De ce point de vue, je suis d'accord avec ce que vient de dire M. Lagauche.
D'après mes services, une trentaine de communautés peuvent se constituer, d'ici au 1er janvier 2000 et une trentaine encore se constituera sans doute d'ici au 1er janvier 2001.
Les aiguilles ne s'arrêtent pas parce qu'il y a des élections municipales en mars 2001 ! On peut donc considérer que, au moins jusqu'au mois de juillet 2000, on pourra constituer des communautés d'agglomération sur une base raisonnée.
Quant à prendre en compte dans le calcul des dotations la constitution de communautés avant le 15 mars 2000, c'est totalement impossible, car le calcul des dotations se fait impérativement sur les données au 31 décembre de l'année précédant la répartition.
Ce sont des règles établies de longue date. Il faut que les services fiscaux puissent communiquer un certain nombre de données à nos services pour le calcul non seulement de la dotation globale de fonctionnement, mais aussi des dotations de solidarité urbaine et rurale.
Je comprends certes ce mouvement, mais, si des communautés d'agglomération se constituent au début de l'année prochaine, leur dotation sera fixée à compter du 1er janvier 2001. On ne peut pas vouloir tout et son contraire : à la fois ne pas faire et, néanmoins, toucher la dotation.
De plus, cela soulèverait des difficultés techniques que je ne saurais pas résoudre.
Je ne peux donc pas me rallier à cette proposition et je vous demande, madame Luc, monsieur Lagauche, de retirer ces amendements.
Sachez cependant que je suis prêt à étudier, dans le meilleur esprit, les conditions dans lesquelles peuvent se former des communautés d'agglomération qui tiennent compte de la réalité, notamment dans le département du Val-de-Marne. Encore faut-il que ces communautés aient un sens par rapport aux habitants quant au contenu du projet. Tout cela implique un débat au sein des collectivités locales, des conseils municipaux.
J'ajoute, madame le sénateur, que je n'approuve pas l'idée qu'il existerait une souveraineté communale. Je sais que c'est un débat qui nous oppose. Mais nous ne sommes ni dans la Grèce antique, ni à l'époque de la Commune de Paris, qui, d'ailleurs, ne s'est pas généralisée.
Il n'y a pas de souveraineté communale ! Il y a la libre administration des collectivités locales dans le cadre de la loi. Il y a la souveraineté nationale. Il ne faut pas confondre la souveraineté nationale et la libre administration des communes, ce sont deux notions tout à fait différentes.
Les conseils municipaux doivent débattre. Il faut avoir un minimum de souci démocratique. Je demande d'ailleurs aux préfets d'en tenir compte, de prendre le temps de négocier afin de voir se dégager des majorités significatives et de ne pas aller à l'encontre de la volonté de villes de 20 000, 30 000 ou 40 000 habitants.
Les intéressés doivent être motivés et je fais confiance à l'esprit de responsabilité des élus pour former des communautés d'agglomération répondant aux critères voulus par la loi.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Les arguments que vient de développer M. le ministre sont convaincants : il faut pouvoir voter les budgets et avoir communication des dotations. Je demande donc à M. Lagauche et à Mme Luc de bien vouloir retirer leurs amendements, faute de quoi la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 31 est-il maintenu, monsieur Lagauche ?
M. Serge Lagauche. Que je le retire ou non, le résultat sera le même ! Mais, comme cet amendement est un acte politique et que la réponse de M. le ministre ne me paraît pas acceptable, je le maintiens.
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié est-il maintenu, madame Luc ?
Mme Hélène Luc. D'un côté, le préfet du Val-de-Marne incite à la constitution de communautés et, de l'autre, les communes qui voudrait le fairer, mais qui attendent le vote de leur budget, n'y sont pas autorisées.
J'éprouve des réticences mais, de toute façon, que je le retire ou le maintienne, le résultat sera le même, comme l'a dit M. Lagauche.
M. le président. Pas tout à fait !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 27 rectifié et 31, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole est à M. Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Le projet de loi avait pour objet de tirer les conséquences du recensement de la population sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, le groupe communiste républicain et citoyen était favorable au dispositif mis en place par le Gouvernement et aux modifications apportées par l'Assemblée nationale.
Nous avions cependant dénoncé le fait qu'il soit discuté en urgence. Dès lors, les élus concernés ne pouvaient pas dialoguer et les populations être informées.
Au Sénat, le débat a essentiellement porté sur l'intercommunalité et de nombreux amendements, que j'ai qualifiés de « cavaliers », ont été déposés.
Qu'il me soit permis de faire part de l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen aux positions défendues par M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Elle est constante : vous êtes toujours contre !
M. Thierry Foucaud. Regardez ce que nous avons fait et ce que nous faisons encore en matière d'intercommunalité. Nous avons parfois montré le chemin à vos amis !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous l'avez fermé souvent !
M. Thierry Foucaud. Nous avons montré ce que l'intercommunalité pouvait apporter en matière de transports en commun, de centres culturels, de bibliothèques !... Vous en avez tenu compte, et c'est une bonne chose.
A l'occasion du débat sur l'intercommunalité, nous avions souligné que l'important c'était de dégager des moyens nouveaux pour les collectivités locales. Les amendements déposés aujourd'hui par la majorité sénatoriale nous confortent dans nos positions. Nous n'étions pas favorables à la loi sur l'intercommunalité...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous étiez contre, comme toujours !
M. Thierry Foucaud. ... pour l'effet d'aubaine qu'elle pouvait faire naître, pour des raisons financières.
Monsieur le président de la commission des finances vous proposez une remise en cause de l'autonomie communale, une remise en cause d'une exception française, avec ses 36 000 communes.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Quel aveu !
M. Thierry Foucaud. Nous voulons donner de la force aux collectivités locales, à l'intercommunalité pour la réalisation de projets concrets et non pour faire payer des situations de crise aux collectivités locales.
Je tiens à faire part de notre mécontentement d'avoir eu à débattre d'un projet de loi portant non pas sur les effets du recensement sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales, mais sur l'intercommunalité.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous apprécions que la discussion devant le Parlement ait permis d'améliorer ce texte grâce à l'augmentation des fonds affectés à la dotation globale d'équilibre et de l'effort du Gouvernement, renforcé encore par le vote de l'Assemblée nationale, en faveur de la DSU et de la DSR.
Cela dit, comme la majorité sénatoriale a réduit de trois à deux ans la période de lissage, nous sommes obligés de nous abstenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

4

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Alain Lambert, Michel Mercier, Paul Girod, Roland du Luart, Jacques Oudin, Gérard Miquel et Thierry Foucaud.
Suppléants : MM. Philippe Adnot, Claude Belot, Joël Bourdin, Gérard Braun, Claude Haut, Michel Moreigne et Jacques Pelletier.

5

CONTESTATION DE L'ÉLECTION
À L'ASSEMBLÉE NATIONALE D'UN SÉNATEUR

M. le président. M. le président a été informé par lettre en date du 10 décembre 1999 du Conseil constitutionnel que l'élection à l'Assemblée nationale de M. Michel Charzat a fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel. Jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel, M. Michel Charzat ne pourra pas participer aux travaux du Sénat, conformément à l'article LO 137 du code électoral.
La vacance du siège de notre collègue ne sera proclamée, le cas échéant, qu'après la décision du Conseil constitutionnel confirmant son élection à l'Assemblée nationale. Dans le cas contraire, son mandat de sénateur recouvrerait la plénitude de ses effets.

6

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 décembre 1999, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

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LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]

Intérieur et décentralisation





SÉCURITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Vallet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la partie du budget du ministère de l'intérieur et de la décentralisation que je suis chargé de vous rapporter concerne les dépenses relatives à la sécurité publique et civile, d'une part, aux administrations centrales et territoriales, d'autre part.
Si la police mobilise à elle seule plus de la moitié de ce budget, celui-ci finance aussi les actions de sécurité civile et les dépenses de l'administration du ministère de l'intérieur tant au niveau central qu'à celui des préfectures.
Le montant des crédits prévus pour l'an 2000 est de 54,7 milliards de francs contre 53,2 en 1999, soit une augmentation de 1,5 milliard, c'est-à-dire environ 3 %.
Vous trouverez dans mon rapport écrit la description des grandes masses de ce budget qui, par ordre d'importance, seront les suivantes en l'an 2000 : 30 milliards pour la police ; 17 milliards pour l'administration générale - dont 13,9 milliards pour les pensions et allocations servies à l'ensemble des personnels du ministère ; 6,5 milliards pour l'administration territoriale et, enfin, 1,3 milliard au titre de la sécurité civile.
Les dépenses de personnel représentent 80 % de ce projet de budget, mais moins de 30 % pour la sécurité civile, qui fait ainsi figure d'exception, l'équipement et la maintenance des moyens aériens de lutte contre les incendies y occupant une place importante.
Le pourcentage d'augmentation de ce projet de budget est trois fois supérieur à celui du projet de budget général et il permet, grâce à une bonne maîtrise de ses dépenses de reconduction, de consacrer 600 millions de francs au financement de mesures nouvelles.
La progression des crédits s'accompagne, en effet, d'efforts de gestion et d'économies, et demeure relativement modérée en comparaison d'autres dotations privilégiées, telles que celles des ministères de l'environnement et de l'emploi qui augmentent, respectivement, de 8,6 % et 4,3 %.
En consacrant plus de la moitié de ses dépenses et de ses mesures nouvelles à la police, ce projet de budget vise à répondre aux attentes des Français, dont l'une des préoccupations majeures est, avec le chômage, la sécurité. Je vous en donne acte, monsieur le ministre.
Je souhaite que soit poursuivie, au-delà du projet de budget actuel, l'oeuvre de rénovation de la police qui consiste à adapter cette dernière aux changements auxquels elle est confrontée : évolution de la délinquance, de sa localisation, de ses formes et de ses auteurs, avec une concentration dans des zones particulières, l'apparition de nombreux délits informatiques, le développement des infractions commises par des mineurs.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de m'attarder quelques instants sur ce douloureux problème.
En 1999, la justice a été saisie de 126 700 procédures pénales, soit une augmentation de 33 % depuis 1995. Le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre, est que le Gouvernement ne suit pas toutes vos demandes... En effet, vous aviez réclamé 50 centres de placement immédiat, nous en sommes à 2 ! Vous aviez demandé l'ouverture de 100 centres éducatifs renforcés ; 19 seulement sont en activité ! La réhabilitation des quartiers de mineurs dans les prisons tarde à voir le jour, alors que le nombre des jeunes détenus a quasiment doublé en cinq ans ; 4 030 en 1998 contre 2 247 en 1993.
Monsieur le ministre, l'impunité des mineurs provoque, chez les policiers que j'ai longuement entendus, chez les victimes et la population un profond désarroi. Permettez-moi de souhaiter que le Gouvernement y attache une attention prioritaire. Je tenais à vous dire que nous sommes nombreux à avoir apprécié vos propos sévères à l'encontre des « sauvageons » qui empoisonnent la vie quotidienne de nos concitoyens. Je souhaite que vos collègues du Gouvernement en prennent conscience et transforment quelques sourires railleurs en volonté d'extirper ce phénomène, hélas ! grandissant. La question des effectifs est d'autant plus délicate à régler que les forces de l'ordre vont être confrontées à un véritable choc démographique, dans les cinq ans à venir, avec le départ à la retraite des générations Marcellin : 24 000 policiers, soit un quart des effectifs, sont concernés.
Pour parer à cette situation, vous avez prévu plusieurs types de mesures.
Des recrutements de gardiens de la paix, tout d'abord, ont été effectués ; ils ont concerné 6 131 personnes en 1999, dont un surnombre transitoire de 1 664 agents.
Il est procédé à des repyramidages qui consistent en une déflation des corps de niveau hiérarchique supérieur au profit d'un étoffement des effectifs à la base : 469 emplois de gardiens de la paix seront ainsi créés en l'an 2000.
Des incitations indemnitaires appropriées, dont vous trouverez le détail dans mon rapport écrit, tendent par ailleurs à freiner les départs anticipés à la retraite.
A ce propos, monsieur le ministre, on l'a évoqué tout à l'heure pour les pompiers, vous paraît-il sage de laisser partir en retraite des fonctionnaires, policiers, aujourd'hui et, si j'en crois la presse, pompiers demain, s'ils occupent après leur départ en retraite une fonction de sécurité dans le secteur privé ?
Des redéploiements d'effectifs sont permis par une meilleure coordination des forces de police et de gendarmerie, et par la suppression de tâches indues, administratives ou autres, imposées aux policiers. De ce point de vue, je regrette, monsieur le ministre - et je suis persuadé que vous le regrettez avec moi -, alors que la loi de janvier 1995 avait prévu la création de 5 000 emplois administratifs pour soulager de ces tâches les policiers, que 1 130 emplois seulement aient été créés. Vous n'avez pas atteint l'objectif qui était fixé par cette loi et nous sommes donc loin du compte ! Des unités mobiles sont « fidélisées », c'est-à-dire cantonnées dans des zones sensibles.
Enfin, des aménagements d'horaires, ou la rémunération des repos compensateurs, peuvent permettre d'améliorer la disponibilité des forces de l'ordre.
Par ailleurs, pour aider les agents titulaires dans l'accomplissement de certaines tâches, réduire le sentiment d'insécurité et remédier à la suppression progressive des auxiliaires appelés du contingent, par suite de la professionnalisation des armées, il sera procédé au recrutement de 4 150 adjoints de sécurité en 2000, ce qui devrait porter leur effectif total à 20 000.
Je suis loin d'approuver la politique générale du Gouvernement, mais comment ne pas être d'accord avec M. Jospin lorsqu'il dit : « la sécurité est un droit, l'insécurité est une inégalité sociale » ?
Ces mesures, qui ne prêtent guère à contestation, s'inscrivent dans la continuité des politiques menées les années précédentes, en conformité notamment avec les lignes tracées par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995.
Le concept de police de proximité tend, toutefois, non seulement à mieux faire correspondre les implantations des forces de l'ordre à la carte de la délinquance, mais aussi à rapprocher la police de la population. La proximité recherchée est donc à la fois géographique, sociologique et relationnelle.
Ce budget prévoit donc un renforcement des effectifs, d'une part, et une modernisation des méthodes et des moyens, d'autre part, avec un effort particulier de formation, le développement de la police scientifique - qui bénéficiera, nous venons d'en prendre conscience à la lecture de votre budget, de 100 nouveaux emplois en 2000 - et l'amélioration des transmissions et de l'équipement informatique.
A ce propos, je souhaiterais évoquer le programme d'automatisation des communications radioélectriques opérationnelles de la police nationale, ACROPOL. Tant le déploiement du réseau que l'informatisation des mains courantes des commissariats s'effectuent à un rythme qui nous semble bien lent. En effet, on annonce une couverture totale du territoire pour l'année 2008 seulement. Il est vrai que la consommation annuelle des crédits de paiement qui y sont affectés est limitée à 400 millions de francs, ce qui paraît insuffisant.
La sécurité des Français, c'est aussi la sécurité civile.
Ce budget permet tout d'abord de poursuivre dans d'assez bonnes conditions, mais le travail est immense, la modernisation du déminage. Dois-je rappeler que, lors de la construction du TGV Nord, on a extrait une tonne de munitions par kilomètre ? Si j'en crois les spécialistes de la sécurité civile, il faudrait, au rythme actuel, plus de deux siècles pour régler le problème des mines dans notre pays !
Vous vous êtes efforcé de faire face aux conséquences de la professionnalisation des unités d'intervention et d'instruction, et de la disparition progressive des appelés au sein des brigades de sapeurs-pompiers de Paris et de Marseille. Je dois noter comme une avancée forte le fait que vous vouliez vous occuper de la situation particulière des marins-pompiers de Marseille. Mais je ne reviens pas sur le débat que vous avez eu tout à l'heure avec le maire de cette ville.
Concernant, enfin, les moyens aériens, le régime indemnitaire des pilotes d'avion et d'hélicoptère a été revalorisé, à la suite des conflits sociaux exceptionnels de l'été dernier, et le contrat de location d'un avion Hercules C 130 pourra être prolongé.
Après l'amélioration de la sécurité, surtout policière, la modernisation des services centraux et territoriaux du ministère constitue la deuxième priorité de ce budget.
Il s'agit notamment de la gestion des crédits, tout d'abord, avec une expérience de globalisation de la gestion de la dotation budgétaire déconcentrée de quatre préfectures qui donne lieu à la création d'un nouveau chapitre.
Sur le plan informatique, par ailleurs, les crédits obtenus devraient permettre de finir de câbler toutes les préfectures et de les mettre en réseau avec l'administration centrale et les autres services déconcentrés de l'Etat. Le développement des téléprocédures permettant de faciliter l'accomplissement de certaines formalités - comme l'obtention de cartes grises - par les usagers des services publics sera poursuivi.
Les conditions d'accueil du public dans les préfectures devraient, enfin, être améliorées, grâce, notamment, à un certain nombre de travaux immobiliers.
J'en viens, maintenant, à mes principales observations.
La mise en oeuvre d'une police de proximité, qui correspond à un concept nouveau, constitue la principale orientation de la politique gouvernementale en matière de sécurité pour les prochaines années. Elle semble d'autant plus nécessaire que les statistiques publiées par votre ministère nous laissent de plus en plus sceptiques, statistiques qui sont parfois en contradiction avec d'autres études menées par d'autres ministères.
Les enquêtes internes du ministère de l'éducation nationale témoignent d'une très nette aggravation du sentiment d'insécurité chez les professeurs. Il en va de même en ce qui concerne les usagers des transports publics, tant à Paris qu'en province, selon des données du ministère des transports.
Les actes de violence urbaine, recensés par vos services, augmentent de façon très inquiétante, s'agissant notamment de bagarres entre bandes rivales.
Selon une récente enquête de l'INSEE, beaucoup de cambriolages, beaucoup de vols, une majorité d'actes de vandalisme et, surtout, d'atteintes aux personnes, notamment sous la forme d'insultes, ne sont même pas déclarés à la police ni enregistrés par elle.
La police de proximité est une police territorialisée, responsabilisée et partenariale, dont les maîtres mots, outre le terme « proximité », sont « anticipation » - des troubles à l'ordre public - et « dialogue » - avec la population et les élus. C'est aussi, je l'ai dit, une police qui est davantage à l'image de la population par son recrutement, pour être plus à son écoute.
Le passage du concept à la réalité de la police de proximité repose sur un certain nombre de mesures d'accompagnement et sur deux instruments qui sont les contrats locaux de sécurité et les adjoints de sécurité.
S'agissant des premiers, je souhaite qu'ils aboutissent, en se généralisant, à une meilleure concertation avec les élus et à une amélioration de l'accueil du public, et que les diagnostics de sécurité et les plans d'action prévus soient perfectionnés.
Concernant les adjoints de sécurité, je souhaite qu'une attention particulière soit accordée à la sélection, à la formation et à l'encadrement de ces nouvelles recrues, d'autant qu'elles sont parfois dotées d'armes de service, et que seulement celles qui le méritent soient intégrées dans la police nationale.
Avec l'instauration d'une police de proximité, votre principale préoccupation, monsieur le ministre, tient, bien sûr, au départ à la retraite des « générations Marcellin », au sujet duquel nous souhaiterions être rassurés. Les remplacements ont-ils été programmés et lissés ? La qualité des recrutements sera-t-elle maintenue et leur nombre suffisant ?
Je constate, par ailleurs, la nécessité d'une meilleure coordination entre la police et la justice, dont témoignent les problèmes de reconduite aux frontières d'immigrés en situation illégale et d'impunité de délinquants mineurs. On pourrait également évoquer les insuffisances de la coopération entre la police et la gendarmerie, notamment, bien entendu, en Corse.
Les réponses de vos services à mon questionnaire budgétaire font état, en outre, de diverses insuffisances concernant l'efficacité des SGAP - secrétariats généraux pour l'administration de la police -, l'informatique de contrôle de la police de l'air et des frontières, la coopération en matière de sécurité avec les pays du Maghreb ou le déficit structurel des capacités de logement des CRS.
S'agissant, ensuite, des services de l'administration centrale et territoriale, le poids des dépenses informatiques est particulièrement lourd : plus de 600 millions de francs. Il n'existe pas encore de plan d'ensemble de localisation des implantations du ministère et l'audit, qui paraît nécessaire, du patrimoine immobilier préfectoral tarde à être réalisé.
Concernant, enfin, la sécurité civile, les revendications des pompiers professionnels, le coût des services d'incendie et de secours, les difficultés de leur départementalisation - elle sera améliorée par l'amendement que nous avons voté tout à l'heure -, l'indisponibilité pour formation professionnelle des agents concernés sont des problèmes auxquels se heurtent tous les élus locaux.
Je pense que vous reviendrez dans ce débat, monsieur le ministre, sur votre suggestion de mise à l'étude de l'attribution d'une dotation d'équipement spécifique ; nous aimerions en connaître le détail et les conditions d'attribution aux départements.
Mais le problème des conséquences financières pour les collectivités territoriales de la satisfaction éventuelle des revendications des sapeurs-pompiers professionnels, en matière d'indemnité, de déroulement de carrière et de retraite, demeure, en tout état de cause, préoccupant si ces revendications sont prises exclusivement en charge par les collectivités locales.
La maintenance et le renouvellement des moyens aériens de lutte contre les incendies rencontrent aussi parfois quelques difficultés. Je pense notamment aux retards de livraison de nouveaux hélicoptères ou à la remotorisation, différée, du dernier Tracker.
Les inondations tragiques du mois de novembre dernier, dans le sud de la France, ont démontré, par ailleurs, à la fois l'efficacité des secours et l'insuffisance de la prévention.
Cette dernière, qui met en jeu la responsabilité et l'autorité de l'Etat, peut nécessiter des investissements lourds de sa part et suppose, vous en conviendrez, un dialogue avec les élus. Je me demande, de ce point de vue, s'il est judicieux d'avoir chargé le ministère de l'environnement de la prévention des inondations - celle des incendies relevant du ministère de l'agriculture - et si la répartition des tâches entre les différents services de l'Etat est la meilleure possible. En tout état de cause, les déclarations de Mme Voynet à l'encontre des élus locaux étaient, pour le moins, inopportunes et ont été mal ressenties dans cette assemblée.
Un autre grave problème, outre celui du nombre insuffisant de plans de prévention des risques naturels prévisibles, est lié à l'urbanisation anarchique qui a précédé, dans les zones exposées, l'élaboration de la politique actuelle de prévention.
Concernant enfin les risques technologiques et le nucléaire, je note, dans l'une des réponses à mon questionnaire budgétaire, qu'une réflexion est en cours sur les dispositifs d'alerte et d'information des populations, qui, c'est votre ministère qui l'écrit, « ne paraissent plus adaptés ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Même si ce budget correspond, pour partie, à la forte demande des Français d'amélioration des problèmes de sécurité, certaines questions - je pense à la délinquance des mineurs, aux moyens modernes à affecter à la police, aux insuffisances de la sécurité civile - paraissent ne pas être traitées comme nous le souhaiterions.
En conclusion, la commission des finances a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat quant au vote des crédits de votre ministère. Pour ma part, cette sagesse sera bienveillante.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.
La parole est M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité, et, en remplacement de M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de présenter l'avis de la commission des lois sur les crédits de la police et de la sécurité pour 2000, je tiens à souligner les conditions périlleuses dans lesquelles les policiers remplissent leur noble mission, au service de la sécurité de nos concitoyens, et les conditions d'exercice d'un métier de plus en plus éprouvantes.
Mes premiers propos seront pour rendre hommage aux sept policiers tués et aux 3 740 policiers blessés en mission de police au cours de l'année 1998, qui ont payé de leur sang leur exemplaire dévouement.
M. Emmanuel Hamel. Hommage justifié !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. L'évolution de la criminalité est inquiétante à plusieurs titres.
Elle est inquiétante si l'on regarde les statistiques officielles.
Les services de police et de gendarmerie ont recensé, en 1998, 3,5 millions de crimes ou délits, soit une augmentation de 2,06 % par rapport à l'année précédente.
Cette évolution est d'autant plus alarmante que les statistiques officielles résultant des « états 4001 » sont très certainement sous-évaluées, les enquêtes de « victimation » faisant ressortir l'existence d'un « chiffre noir de la criminalité » vraisemblablement nettement supérieur aux chiffres officiels.
Est également inquiétante la violence qui affecte de plus en plus les Français dans leur vie quotidienne.
En 1998, le service des Renseignements généraux a comptabilisé 26 000 faits de violence urbaine, soit 10 000 de plus qu'en 1997. La moitié de ces faits étaient des incendies de biens, touchant notamment 8 000 voitures. Si, effectivement, il n'y a « rien de commun entre un feu de poubelle et un meurtre », il n'en demeure pas moins que l'incendie volontaire ne peut être considéré comme une attitude sociale normale.
La faiblesse des taux d'élucidation de ce type de délinquance et le trop grand nombre d'affaires classées sans suite par les parquets, qui renforcent le sentiment d'impunité chez les délinquants, démotivent profondément les forces de police et dissuadent les citoyens eux-mêmes de porter plainte.
La recrudescence de la violence dans les transports en commun reste également particulièrement emblématique.
Au-delà d'une violence quotidienne, se sont produites en 1998 et 1999 de très inquiétantes explosions de violence urbaine, proches de l'émeute pour certaines d'entre elles.
Les actes de violence et de dégradation perpétrés dans le cadre de rencontres sportives conduisent la commission des lois à souhaiter qu'une plus grande fermeté soit de mise aux abords des stades.
Ces phénomènes de délinquance urbaine se concentrent dans les banlieues et les quartiers défavorisés, au milieu d'habitants qui ont le sentiment d'être à l'écart des services de l'Etat en devenant de fait des citoyens de deuxième rang, condamnés à vivre dans des zones de non-droit, au contact permanent de la violence urbaine.
Encore plus inquiétant est l'accroissement de la délinquance des mineurs.
En 1998, le nombre de mineurs impliqués dans des crimes ou des délits s'est accru de 11,23 %, leur part dans le total des personnes mises en cause s'établissant à 21,77 %.
Cette situation reflète la faillite des modes de régulation habituels. Mais des solutions existent.
Ainsi, il est impératif de ne pas laisser sans réponse les petites infractions au risque d'accréditer l'idée que leurs auteurs ne sont pas soumis à la loi commune. Une plus grande implication des parents et l'éloignement des meneurs de leur milieu d'origine sont des remèdes qui doivent être davantage déployés.
Il doit être rappelé, une fois de plus, l'importance attachée à la lutte contre le fléau que représente la drogue.
La lutte contre la drogue doit passer tant au plan interne qu'au niveau international par une mobilisation permanente de tous les moyens. La plus grande fermeté est de mise contre ce fléau, qui a des effets dévastateurs chez les jeunes.
L'activité antiterroriste, quant à elle, s'est principalement focalisée en 1998 sur la Corse, à la suite du lâche assassinat, le 6 février 1998, du préfet Claude Erignac.
Le rapport de la commission d'enquête sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse détaille les multiples dysfonctionnements révélés au sein de la police. Nous espérons, monsieur le ministre, que, malgré les appréciations mitigées que vous avez portées en certaines occasions sur les travaux de cette commission, vous tiendrez compte, au moins pour partie, de ses conclusions.
La lutte contre l'immigration irrégulière a été fortement perturbée en 1998 par les suites de l'opération de régularisation et par l'entrée en vigueur de la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile, dite « loi RESEDA ».
Malgré un accroissement de la pression migratoire, le nombre de personnes effectivement éloignées du territoire ne s'est en effet élevé qu'à 8 040, sur un total de plus de 44 000 mesures d'éloignement prononcées, soit un taux d'exécution, particulièrement bas, de 18 %.
S'agissant du bilan de l'opération de régularisation, il est incontestable que, comme l'avait prédit la commission d'enquête du Sénat, une bonne partie des 62 808 déboutés sont devenus des « clandestins officiels ».
Il a été rappelé par une circulaire aux préfets en date du 11 octobre 1999 qu'il convenait d'appeler à une plus grande vigilance en matière d'exécution des décisions d'éloignement, étant constaté que près de la moitié des étrangers non régularisés en 1997 et 1998 n'avaient fait l'objet d'aucun arrêté de reconduite à la frontière.
La commission des lois ne peut qu'approuver cet appel à la fermeté conduisant à éloigner effectivement les personnes n'ayant pas droit au séjour dans notre pays.
Dans la lignée des réflexions conduites au colloque de Villepinte, en octobre 1997, le Gouvernement a réaffirmé son attachement au développement d'une politique de sécurité de proximité.
Si l'on ne peut que souscrire à cette politique, on est en droit de s'interroger sur la validité de sa mise en oeuvre quand celle-ci repose, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes dont le recrutement semble problématique et l'avenir incertain, et sur la « fidélisation » de forces mobiles dont les modalités semblent encore imprécises.
Une telle politique nécessite des moyens importants en personnels placés au contact des populations. Mais des difficultés réelles semblent naître pour mettre en place, dans les zones sensibles, les personnels nécessaires à la réussite de cette politique.
Les 20 000 adjoints de sécurité qui devraient être en poste à la fin de l'année 2000 représenteront plus du cinquième des effectifs du corps de maîtrise et d'application. Il convient de souligner que 19 % de ceux qui sont déjà en place sont issus des quartiers sensibles. D'un niveau d'études nettement inférieur à celui des gardiens de la paix, ils se voient réserver, en application du décret du 19 octobre dernier, 40 % des postes de policier mis au concours.
La commission des lois rappelle que les adjoints de sécurité ne doivent pas être considérés comme des supplétifs à moindre coût de la police nationale.
Un soin tout particulier mérite d'être apporté à la sélection des candidats. Il est indispensable que soit assurée la qualité de la formation et de l'encadrement de ces jeunes inexpérimentés, à qui sont confiées des missions parfois dangereuses et qui sont le plus souvent dotés d'une arme, à l'issue d'une formation unique de dix semaines.
Vous avez fermement contesté, monsieur le ministre, les chiffres avancés par M. Bauer, selon qui il n'y aurait, à un moment de la journée, que 5 000 policiers présents sur la voie publique. En tout état de cause, il n'est pas rare de rencontrer sur le terrain des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou simplement confiés à un jeune stagiaire. Lors des auditions auxquelles j'ai procédé, plusieurs de mes interlocuteurs m'ont fait part de leur crainte de voir la police se transformer « en garderie pour adjoints de sécurité ».
Au 1er octobre 1999, 292 contrats ont été signés et 430 sont en cours d'élaboration. Mais déjà, parmi les premiers bénéficiaires, certains sont déçus. Il apparaît, en outre, que ces contrats locaux s'insèrent dans un dispositif institutionnel trop complexe.
Le redéploiement des personnels vers les zones sensibles rencontre, lui aussi, des difficultés.
Après l'abandon, le 20 janvier dernier, du programme très contesté de redéploiement global des effectifs de police et de gendarmerie sur le territoire, reste seule envisagée, à l'heure actuelle, la fermeture de six commissariats.
Quant à la « fidélisation » des forces mobiles, qui doit concerner 1 500 CRS et 1 500 gendarmes sur une période de trois ans, il semble qu'elle ne rencontre pas l'adhésion des personnels concernés.
A l'issue d'un long processus, la loi relative à la police municipale a enfin vu le jour. Les décrets, qui avaient été annoncés pour le mois de juillet 1999, devraient être soumis prochainement au Conseil d'Etat. Il convient, en effet, de mettre fin à l'incertitude dans laquelle se trouvent les maires, s'agissant notamment de l'armement des agents.
Le budget de l'intérieur pour 2000, qui s'élève à près de 30 milliards de francs et qui est conditionné à hauteur de 82,60 % par les dépenses de personnel, ne répond pas aux inquiétudes légitimes des Français en termes de sécurité.
Nous sommes foncièrement inquiets devant les chiffres annoncés par le Gouvernement, qui se révèlent insuffisants face aux 24 000 départs en retraite à venir dans les cinq prochaines années.
Pour éviter une désorganisation totale des services, il est impératif, ne serait-ce que pour encadrer les adjoints de sécurité, de prévoir des recrutements de personnels par anticipation, sous peine de manquer éventuellement d'effectifs.
Lors du dernier conseil de sécurité intérieure, a été annoncé le recrutement exceptionnel de 1 000 agents parmi les anciens policiers auxiliaires, formés de façon qu'ils puissent être en poste à la fin de l'année 2000. Vous nous donnerez certainement, monsieur le ministre, des détails sur la réalisation de cette opération.
Le projet de budget pour 2000 consacre par ailleurs 20 millions de francs au financement de dispositions améliorant la fin de carrière des agents dans le but de limiter les départs à la retraite anticipée, mais, à entendre les syndicats, il n'est pas certain que les mesures prévues soient assez incitatives au regard du caractère de plus en plus difficile de l'exercice des fonctions.
Sont également prévues l'extension et la revalorisation des primes de fidélisation et de commandement ainsi que l'extension de la prime de qualification dite « OPJ 16 ». A ce sujet, on peut considérer, comme je l'avais indiqué l'année dernière, qu'un montant supplémentaire mensuel de 80 francs de prime représente une incitation bien modeste au regard des importantes responsabilités découlant de l'attribution de la qualification d'officier de police judiciaire.
Les crédits consacrés au fonctionnement et à l'équipement mettent un accent nécessaire sur la formation, qui constitue un objectif prioritaire, et devraient permettre la poursuite des programmes informatiques et de transmission dans de bonnes conditions.
Toutefois, on peut regretter que le système de traitement des infractions constatées, le STIC, n'ait toujours pas, à l'heure actuelle, d'existence réglementaire et qu'il ne soit pas prévu d'achever avant 2008 le développement du système de communications cryptées numérique ACROPOL.
La commission des lois s'inquète des retards persistants dans l'équipement matériel et immobilier des forces de police.
La situation du parc automobile léger nous paraît très préoccupante. Sur 26 912 véhicules en service au début de l'année 1999, 13 % ont dépassé leur critère de réforme.
En outre, les voitures Ford Mondéo, sélectionnées au moment du renouvellement des marchés par l'union des groupements d'achats publics, ne permettent pas, en l'état, d'installer les terminaux de télétransmissions TESA de manière satisfaisante pour la sécurité des passagers, ces terminaux n'étant pas compatibles avec le maintien de l' airbag dans le véhicule.
Les 65 millions de francs de crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2000 pour l'équipement des services en véhicules lourds ne permettront pas, là encore, de rattraper le retard constaté également dans ce dommaine.
Cette situation ne saurait perdurer et elle appelle une réaction.
Pour combler le retard dans le domaine immobilier, est envisagée la participation des collectivités locales à l'aménagement des locaux de police. Certaines s'y sont déclarées prêtes moyennant redevance.
Enfin, concernant le logement des policiers, les dotations sont nettement en baisse, alors qu'une action efficace à cet égard est un élément important d'une politique de proximité.
La commission des lois constate donc que l'effort en matière de fonctionnement et d'équipement des services demeure insuffisant pour permettre à la police d'accomplir normalement ses missions.
La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 entrait en 1999 dans sa dernière année d'exécution. Force est de constater que ses objectifs quantitatifs n'ont pas toujours été atteints.
En conclusion, la commission des lois, au vu de ces observations inquiétantes concernant tant les personnels que les matériels, mais constatant cependant l'accroissement des crédits de 3 %, nettement supérieur à celui de l'ensemble du budget de l'Etat, s'en remet à l'appréciation de sagesse émise par la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. René-Georges Laurin, qui est actuellement alité et pour qui je forme des voeux de prompt rétablissement, m'a prié de vous transmettre ses excuses et de vous présenter son avis sur les crédits de la sécurité civile.
Les crédits de la sécurité civile progressent de 3,84 % par rapport à 1999. Cette évolution traduit, pour l'essentiel, les conséquences de la professionnalisation des armées. En revanche, elle ne reflète pas un effort particulier d'investissement pour les autres crédits.
La suspension du service national rend nécessaire le remplacement par des personnels militaires des appelés du contingent servant dans les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile.
Un programme de trois ans a été engagé en 1999 pour permettre la création de 1 088 emplois militaires, à pourvoir par des engagés et des volontaires du service national.
Les crédits prévus pour l'an 2000 permettront la création de 367 emplois militaires dans les unités d'instruction. Ils permettront aussi, à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la création de 442 emplois, pour lesquels la contribution de l'Etat est limitée à 25 %. Je vous rappelle, s'agissant du bataillon des marins-pompiers de Marseille, que la professionnalisation n'est financée que par les collectivités concernées.
Les crédits d'investissement appraissent limités au regard de la nécessité de poursuivre en 2000 l'effort de renouvellement de la flotte aérienne.
Certes, l'acquisition des douze Canadair CL 415 est maintenant achevée, les dernières livraisons ayant été effectuées l'an dernier.
Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères a fait l'objet d'un marché de un milliard de francs, conclu en 1998. Le programme de livraison des appareils, échelonné sur cinq ans, a été reporté : les livraisons devront s'échelonner entre 2001 et 2006. Les crédits prévus pour 1999 seront utilisés pour les échéances de ce marché en l'an 2000.
Aucun crédit n'a été prévu pour l'achèvement du programme de remotorisation des bombardiers d'eau Tracker engagé en 1986. Cela est regrettable, compte tenu de la vétusté du seul appareil restant à traiter.
En définitive, l'effort d'investissement pour 2000 apparaît limité.
Les services de sécurité civile continuent à faire preuve d'une très grande efficacité. Trois exemples peuvent être donnés pour illustrer les performances de ces services.
La moyenne annuelle des superficies détruites par les incendies de forêt a été réduite de moitié en dix ans, soit 19 000 hectares, au lieu de 38 000 précédemment.
L'unité de déminage, injustement méconnue, est intervenue, en 1998, sur 2 161 objets suspects, dont 74 contenaient réellement de l'explosif, et elle a participé à la sécurité de 253 voyages officiels.
Cette unité a procédé l'an dernier à la neutralisation de 454 tonnes de munitions.
La participation de la sécurité civile française à de nombreuses opérations à l'étranger repose sur le niveau élevé de la formation des acteurs et sur la qualité des équipements et matériels mis en oeuvre. Cette participation, motivée par des raisons humanitaires, contribue au rayonnement de la France.
Pour autant, les succès de la sécurité civile ne doivent pas occulter ses limites, notamment en matière de prévention.
Les graves inondations survenues il y a quelques jours dans le sud de la France en sont une tragique illustration.
La législation a prévu l'élaboration de plans de prévention des risques naturels, ou PPR, dans les zones à risques. Les PPR constituent des documents d'urbanisme annexés aux plans d'occupation des sols. Ils fixent des normes de construction et prescrivent, si nécessaire, la réalisation d'aménagements.
Plusieurs membres de la commission des lois ont émis des doutes sur l'efficacité de ces plans et observé qu'ils n'avaient pas toujours évité des constructions dans des zones exposées à des risques.
Quoi qu'il en soit, le nombre de communes exposées à un risque naturel est évalué à 10 000, alors que 2 071 d'entre elles seulement sont aujourd'hui dotées d'un PPR.
Les difficultés semblent provenir, pour l'essentiel, d'une insuffisante information des élus locaux, qui ne sont pas associés de manière satisfaisante à la politique de prévention.
La commission s'est d'ailleurs étonnée de la mise en cause d'élus locaux à la suite des récentes inondations, alors que celles-ci relèvent manifestement d'une catastrophe naturelle d'une ampleur exceptionnelle.
A ce sujet, je tiens à rendre un hommage particulier à tous les personnels de sécurité civile, qui savent toujours faire face aux situations difficiles avec dévouement, compétence et efficacité.
Il conviendrait donc que l'Etat, responsable de la politique de prévention des risques naturels, associe plus étroitement les élus et la population à cette politique. Le groupe d'études sur la sécurité civile, récemment constitué et présidé par notre collègue M. Paul Girod, fera de ce problème l'un de ses thèmes de réflexion.
Une question essentielle me paraît devoir vous être posée, et ce au nom de l'ensemble de notre commission, monsieur le ministre, celle de la progression sensible pour les collectivités territoriales des charges de sécurité civile, imputable en grande partie aux décisions prises par l'Etat.
Certes, la départementalisation des services d'incendie et de secours est sans doute nécessaire à la rationalisation de leur fonctionnement et elle permet que soient offertes à tous des garanties égales en termes de sécurité. Elle a cependant un coût élevé - 15 milliards de francs - supporté inégalement par les communes et les départements.
Les diverses mesures statutaires et indemnitaires en faveur des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires sont prises par l'Etat mais supportées financièrement par les collectivités territoriales. Là encore, la charge est trop lourde.
Par exemple, l'harmonisation des régimes indemnitaires des sapeurs-pompiers professionnels, qui résulte du décret du 5 juin 1998, a provoqué une hausse de 5 % de la masse salariale, supportée par les collectivités territoriales.
Il est anormal que le Gouvernement ait renoncé, devant les difficultés, à harmoniser les régimes de travail, comme la loi lui en faisait l'obligation.
Faute, pour le Gouvernement, d'avoir traité parallèlement les régimes indemnitaires et de travail, les collectivités rencontrent de nombreuses difficultés dans les négociations locales. Cela ne détend pas l'atmosphère !
Le malaise des sapeurs-pompiers professionnels s'exprime parfois à travers des méthodes qui suscitent de sérieuses réserves de la part de notre commission.
Les inquiétudes des sapeurs-pompiers ne sont, certes, pas toutes dénuées de fondement, mais certains moyens employés traduisent parfois une relative méconnaissance des efforts importants accomplis ces dernières années par les collectivités.
S'agissant de l'âge de la retraite, notre commission considère que les collectivités ne pourraient pas supporter financièrement les conséquences d'une réduction de cinq ans de la durée d'activité des sapeurs-pompiers, dont la carrière serait limitée à vingt-cinq ans environ avant qu'ils puissent percevoir une pension durant trente-cinq ans ou plus.
Des solutions moins radicales pourraient être étudiées, comme l'affectation des personnels les plus âgés dans des emplois de prévention, la cessation progressive d'activité ou, mais vous l'envisagez, monsieur le ministre, la révision du régime de l'inaptitude au service.
Il appartiendra donc au Gouvernement de prendre ses responsabilités, sans occulter les incidences financières de ses décisions.
Vous nous avez exposé, monsieur le ministre, l'état de vos réflexions concernant la nécessaire révision du financement des charges de sécurité civile supportées par les collectivités.
Vous vous interrogez sur une contribution des assurances. Mais le taux d'imposition des produits de l'assurance est déjà très élevé en France : il représente, en moyenne, 18 % des primes d'assurance et 30 % pour l'assurance incendie.
Vous envisagez encore des prêts à long terme et à faible taux d'intérêt pour les investissements immobiliers. Ces prêts seraient attribués par la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, vous avez étudié l'institution d'une dotation globale d'équipement spécifique, pour une période de cinq ou six ans, pouvant couvrir 20 % à 30 % des investissements des collectivités.
Pour intéressantes qu'elles soient, ces pistes répondent-elles à l'ampleur des difficultés des collectivités ? La Haute Assemblée attend de vous des précisions.
L'Association des départements de France, l'ADF, s'interroge sur d'autres orientations possibles comme une contribution de l'Etat, ou la fiscalisation directe des dépenses par les SDIS.
Quoi qu'il en soit, cette réflexion indispensable et urgente doit être accompagnée d'une étude d'impact financière approfondie.
Je souligne la nécessité que les décisions à prendre, après concertation, le soient avec l'assentiment du plus grand nombre des parties concernées.
Je dois vous dire, mes chers collègues, que la commission des lois s'est interrogée sur l'opportunité d'engager une réflexion complémentaire sur la mise en oeuvre des lois de 1996 sur la sécurité civile.
Enfin, j'ai le plaisir de rappeler que, donnant suite à des observations formulées depuis plusieurs années, la commission a adopté récemment, sur le rapport de M. Jean-Paul Amoudry, la proposition de loi du président Jean Faure concernant le financement des opérations de secours consécutives à la pratique d'activités à risque.
Ce texte devrait être examiné prochainement par le Sénat en séance publique.
La proposition de loi permettrait aux communes, sans jamais les y obliger, de demander une participation financière - totale ou partielle - aux bénéficiaires d'opérations de secours consécutives à toute activité sportive ou de loisir.
Il s'agirait d'une extension du régime déjà appliqué au ski et qui donne toute satisfaction aux différentes parties concernées.
En conclusion, la progression des crédits ne doit pas faire illusion. Elle résulte, pour l'essentiel, de la professionnalisation des armées mais ne correspond pas à un effort d'investissement. De plus, l'Etat prend unilatéralement des décisions que les collectivités doivent, ensuite, supporter seules.
En conséquence, la commission n'a pas souscrit au budget proposé pour la sécurité civile et s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par le conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la sécurité est un droit », affirme le Premier ministre. C'est même un droit fondamental que reconnaît l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Mais, on est loin, bien loin même, d'un droit acquis. Vous-même, monsieur le ministre, admettiez, lors du colloque de Villepinte, que « l'insécurité n'est pas un fantasme ». C'est même, avec le chômage, l'une des préoccupations majeures des Français.
Et ils ont bien raison, nos concitoyens, eux qui la ressentent quotidiennement ! Malgré toutes les astucieuses présentations, les statistiques officielles ne parviennent plus à cacher une aggravation continue.
Depuis 1950, les actes de violence constatés ont crû de 500 %. La petite délinquance a augmenté de 1 400 % en quarante ans. En 1998, ont été enregistrés 3 565 525 crimes et délits, soit une augmentation de 2,06 % par rapport à l'année précédente.
A Paris, la progression est encore plus alarmante. Pour les six premiers mois de cette année, la hausse atteint 3,9 %. Depuis janvier, les vols avec violences - téléphones portables et sacs arrachés - ont augmenté de 40 %. Et les mineurs sont, à plus de 50 %, les auteurs de ces violences.
Cela ne fait qu'illustrer l'augmentation très préoccupante de la délinquance des mineurs - 11,23 % en 1998, des mineurs étant de plus en plus jeunes, de plus en plus violents et, parmi eux, de plus en plus nombreuses sont les filles.
Cependant, ces chiffres - chocs traduisent-ils la réalité de l'insécurité dans notre pays ? On pouvait le croire jusqu'à ce qu'une enquête récente de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure démontre que les sept millions de faits enregistrés par la police au cours des années 1997 et 1998 représenteraient, en réalité, seize millions de crimes et délits qui auraient été commis en France. Ainsi, le nombre réel de crimes et délits serait deux fois et demie plus important que ne l'indiquent les statistiques.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est faux !
M. Bernard Plasait. Surtout, l'augmentation de la délinquance violente, la plus sensible, la plus dure au plus faible est réellement vertigineuse.
Monsieur le ministre, je sais votre attachement à la République contre les bien-pensants. Je voudrais vous dire le mien à la République contre les faux-semblants !
On ne peut que s'étonner devant la dissymétrie des chiffres. La criminalité a augmenté de 2,1 % l'an dernier, le nombre des personnes interpellées a diminué de 1 %. Et, naturellement, le taux d'élucidation est en chute libre ! En effet, le pourcentage des affaires résolues par les services de police par rapport aux crimes et délits enregistrés est passé de 32,5 % en 1995 à 28,7 % en 1998.
Dans ces conditions, je me pose deux questions, monsieur le ministre. D'abord, y a-t-il une réelle volonté politique de combattre efficacement l'insécurité de notre pays ? Je ne doute pas de la vôtre. Je m'interroge simplement sur celle du Gouvernement.
Ensuite, les moyens consacrés à cette politique sont-ils à la hauteur des enjeux actuels et à venir ? J'en suis témoin, l'exaspération de la population, en particulier dans le XIVe arrondissement de Paris, dont je suis élu, devient vraiment très préoccupante devant la prolifération des trafics de stupéfiants qui se font au vu et au su de tout le monde, mais en toute impunité.
A cet égard, je vous fais part de mon étonnement à la lecture des données concernant l'évolution du nombre des personnes, trafiquants et usagers, interpellées dans le cadre de la lutte contre la drogue à Paris : 5 162 sur la période de janvier à septembre 1998 ; 2 441, sur la même période, mais en 1999, soit une différence négative de 2 721. Dans le XIVe arrondissement, la chute est de 61,84 % d'une année sur l'autre et je précise que ces chiffres émanent de votre ministère.
Alors, monsieur le ministre, que faut-il en déduire ? S'agit-il d'un changement de politique en matière de stupéfiants ou bien est-ce la traduction d'une profonde démobilisation des fonctionnaires de police ?
En tout état de cause, ces chiffres appellent de sérieux éclaircissements. Et je ne peux que m'associer au souhait formulé par le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue Jean-Patrick Courtois, pour que soit menée une politique déterminée de lutte contre le trafic de stupéfiants. Je sais bien, monsieur le ministre, tout l'intérêt qu'il y a à remonter la filière, de la commercialisation à la production, et de ne pas s'en tenir uniquement au petit dealer qui fait commerce dans la rue.
Pour ce qui est des moyens, j'observe que votre budget augmente de 3,02 % par rapport à l'an dernier. Avec près de 30 milliards de francs, est-il pour autant à la hauteur des besoins ?
J'en doute quand je constate que les effectifs globaux de la police stagnent. Plus grave, les départs à la retraite prévisibles ne font pas l'objet de recrutements par anticipation. Autant dire que la sécurité des Français repose chaque jour davantage sur des emplois-jeunes - ils seront 20 000, à terme - c'est-à-dire sur des jeunes inexpérimentés, peu formés et recrutés à un niveau inquiétant. A cet égard, peut-on sérieusement envisager de maintenir l'absence actuelle de condition de diplôme ?
Ces données sont d'autant plus préoccupantes que vous décidez, et à juste titre, de mettre l'accent sur la police de proximité. Tel était d'ailleurs le sens de la réforme de la préfecture de police de Paris, initiée en début d'année. Mais, là encore, monsieur le ministre, comment ne pas voir une contradiction entre les discours et la réalité ? En 1998, en additionnant les effectifs des deux directions de la sécurité publique et de la police judiciaire, la préfecture de police comptait 9 252 fonctionnaires. En 1999, la nouvelle direction de la police urbaine de proximité n'en compte plus que 8 721, soit 531 en moins.
Ces chiffres diffèrent singulièrement de ceux que l'on a bien voulu communiquer à notre rapporteur, qui avance le nombre de 9 300 fonctionnaires actifs à la direction de la police urbaine de proximité. Mais je ne doute pas qu'il s'agit de l'objectif à atteindre - ou du point culminant des variations saisonnières !
Quoi qu'il en soit, je regrette, comme l'an dernier déjà, que l'objectif affiché dans la loi de programmation - le recrutement de 5 000 agents administratifs et techniques, à l'horizon 2000 - ait été totalement abandonné. Sur la période, 424 postes proprement administratifs auront été créés.
Alors, on peut toujours parler de proximité, mais les tâches indues perdurent, quand elles ne se multiplient pas. Ainsi, dans la capitale, les gardes statiques mobiliseraient plus de 1 000 fonctionnaires de police.
Dans ces conditions, chacun peut comprendre la réaction de la Ville de Paris, qui exige, avant la signature de son contrat local de sécurité, l'affectation de 1 500 policiers supplémentaires. Ce contrat sera un leurre tant que le maire de Paris ne disposera pas des pouvoirs de police municipale, au même titre que tous les autres maires de France.
La question, je le précise encore une fois, est, bien entendu, distincte de celle de la création éventuelle d'un corps de policiers municipaux à Paris. Il est cependant tout aussi évident que la surdité de l'Etat conduira sans tarder les Parisiens à l'appeler de leurs voeux...
Enfin, je ne peux que partager les inquiétudes déjà exprimées sur l'évolution des moyens de fonctionnement de la police, et plus encore, d'équipement de la police, en ce qui concerne tant la vétusté du parc automobile que les insuffisances des investissements immobiliers.
Bref, je regrette, monsieur le ministre, de ne pas pouvoir voter ce projet de budget.
Je souhaiterais que les hommes et les femmes qui exercent le beau métier de policier au service des Français, notamment des plus vulnérables, disposent de tous les moyens appropriés. Je profite de cette occasion pour, à mon tour, rendre hommage aux sept policiers tués et aux 3 740 blessés en mission l'an dernier.
Je terminerai en disant ma préoccupation, ma grande inquiétude devant cette réponse insuffisante que le Gouvernement apporte à une insécurité galopante. J'ai peur que le pire soit devant nous et que, dans de nombreuses parties de notre territoire, le point de non-retour soit bientôt atteint. La sécurité, monsieur le ministre - et je sais que vous en êtes convaincu - est l'enjeu public numéro un. Il me semble du devoir de l'Etat d'organiser, sans tarder, un véritable « plan ORSEC » de la sécurité. (M. Emmanuel Hamel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront le budget présenté par le ministre de l'intérieur.
Ce budget, qui est en forte hausse, permet de croire en la mise en oeuvre des objectifs définis lors du colloque de Villepinte et encore réaffirmés cette semaine par le Premier ministre, lors du conseil de sécurité intérieure, en faveur d'une police de proximité, une police qui prévient, une police qui réprime, lorsqu'il le faut. Cette politique est, selon nous, seule de nature à offrir la sécurité et la confiance au quotidien que notre population est en droit d'attendre. L'augmentation des faits de voie publique conforte cette analyse. Aujourd'hui, ce sont plus de trois cents contrats locaux de sécurité qui ont été signés et ils bénéficient d'un accueil très favorable auprès de la population.
Les résultats sont indéniables. Les maires des communes dans lesquelles vous avez créé des sites pilotes sont unanimes. Il y a un mieux sensible. Néanmoins, chacun sait bien que les problèmes se déplacent et que l'évolution vers une police du xxie siècle nécessite que soient réglées un certain nombre de questions.
Les départs massifs à la retraite qui devraient intervenir dans les prochaines années constituent, de ce point de vue, un enjeu décisif. En effet, la question n'est pas tant d'augmenter le nombre de fonctionnaires de police que de résoudre des problèmes organisationnels.
Je ferai quatre remarques.
La première concerne l'affectation des personnels. On sait, aujourd'hui, que de nombreux agents sont affectés à des tâches administratives pour lesquelles ils n'ont pas été recrutés. Que ce soit compréhensible pour des fonctionnaires qui ont des séquelles ou qui sont dans l'incapacité de faire face à ce dur métier est une chose, mais ne paie-t-on pas là un certain laxisme passé ? On peut en tout cas déplorer que le recrutement de personnels administratifs préconisé dans la loi d'orientation du 21 janvier 1995 soit quelque peu oublié.
Ma deuxième remarque concerne l'association de tous les personnels de police à la mise en oeuvre de la police de proximité. Nous savons, monsieur le ministre, que c'est votre discours, mais la vie est parfois un peu plus compliquée et, les faits sont là, de nombreux services restent sourds aux appels des commissaires qui sont les mieux à même de pouvoir mener cette politique de proximité et font de la rétention de personnels. Il convient de délivrer partout un message fort. Là où le discours du ministre est relayé, tout le monde s'en loue, d'autant que, dans certains cas, cela donne du sens à la fonction de policier.
J'en viens à ma troisième remarque.
Un effort particulier doit également être mené en direction des jeunes qui intègrent le corps de la police nationale. Le recrutement d'adjoints de sécurité a constitué une pièce maîtresse de la mise en oeuvre de la police de proximité. Néanmoins, l'ouverture du corps et la perspective de faire carrière en son sein est la seule façon de fidéliser ces personnels. L'ouverture de 40 % des postes au concours de gardien de la paix est une bonne piste, mais qui rend cruciale la question de la formation de ces personnels. Nous considérons que cette formation demeure quelque peu insuffisante.
Enfin, quatrième remarque, je voudrais insister sur la nécessaire coordination des services pour que la police de proximité soit efficace. La délinquance, dans certaines cités, relève parfois presque du grand banditisme. L'organisation de certaines bandes est devenue plus sophistiquée. Les effets en sont d'ailleurs très visibles vis-à-vis de la population, et les commissaires de police n'en peuvent mais. Est-il illusoire que, dans certains cas, les services de la police judiciaire s'en mêlent pour ramener à la raison certaines bandes ?
Est-il aujourd'hui raisonnable, et je ne propose pas de relancer le débat sur le véritable contenu du rapport du regretté Roland Carraz et de M. Jean-Jacques Hyest, de maintenir parfois en doublon certains services de police et de gendarmerie ? Y a-t-il, enfin, une coordination interministérielle suffisante en matière de sécurité ? Je pense en particulier au ministère des finances, aux services fiscaux, car la collaboration est, au dire de tous les interlocuteurs, absolument indispensable pour ramener à la raison certains délinquants.
La majorité des syndicats que nous avons rencontrés - nous ne les avons certes pas rencontré tous - nous ont fait part d'une analyse assez semblable des besoins de la police nationale. Ce fait est assez rare pour être souligné. En écoutant certains interlocuteurs, je me suis dit que vous pourriez devenir rapidement le ministre le plus heureux car, plus que des effectifs, pour la plupart d'entre eux, ils souhaitent une rationalisation des emplois. Ont-ils raison ? En partie, certainement. En tout cas, il faut les écouter et envisager les solutions qui s'imposent. (Mme Hélène Luc applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre de l'intérieur, le Gouvernement auquel vous appartenez est fidèle aux priorités qu'il a établies depuis ses débuts. Dans sa déclaration de politique générale en juin 1997, puis à l'issue du colloque de Villepinte l'an passé, enfin cette semaine même au cours du conseil de sécurité intérieure en déclarant que « la sécurité est un droit, l'insécurité une inégalité sociale », le Premier ministre a montré avec constance combien est grande sa préoccupation, qui je le sais, est aussi la vôtre, d'assurer le maximum possible de sécurité au plus grand nombre de nos concitoyens. Pour ce faire, le Gouvernement a une stratégie dominante, qui est la mise en place d'une police de proximité ; il a un outil annuel, qui est le budget.
Le budget que vous nous présentez est ainsi marqué par une progression sensible sur laquelle on peut certainement ergoter pendant des heures, mais qui, avec plus de 3 %, marque un réel dynamisme, surtout si on y ajoute les crédits prévus dans le collectif de 1999, si on le compare aux autres budgets, en particulier au budget général, et, enfin, si on veut bien, comme on le doit, tenir compte de l'inflation inférieure à 1 %.
On vous dira, on vous a dit, que ce budget est insuffisant. Bien sûr, et je suis certain que vous-même, vous avez souhaité obtenir plus. Si on en reste aux objectifs de la loi d'orientation et de programmation, ce budget ne comble assurément pas le retard. Mais j'ai pu constater, par les contacts nombreux que j'ai eus, notamment avec les syndicats, que personne ne vous en fait grief et que les responsabilités sont antérieures, chez ceux qui ont voté la loi et aussitôt après n'ont pas voté les crédits pour la mettre en place. Je rappelle, par exemple, qu'en 1997, à votre arrivée au ministère, vous avez trouvé un budget en diminution de près d'un demi-point !
Le groupe socialiste votera donc ce budget, en vous félicitant même d'avoir obtenu une telle progression. Mais notre approbation n'ira pas sans quelques questions.
S'agissant, d'abord, du volet relatif à la police, nous nous félicitons de la progression des effectifs, en particulier des 2 166 recrutements supplémentaires auxquels s'ajouteront les 1 000 policiers auxiliaires annoncés pour la fin de l'an 2000. Tout cela est bien, d'autant que nous atteindrons les 20 000 adjoints de sécurité grâce aux 4 150 créations de poste qui interviendront cette année. Mais l'effort devra être poursuivi, et sans doute même accentué, pour rattraper le retard initial : les 5 000 emplois administratifs, techniques et scientifiques n'ont été que très partiellement recrutés et les départs les plus massifs à la retraite sont à venir puisque 20 % à 25 % des effectifs des différents corps partiront à la retraite au cours des cinq prochaines années. Mais au total, monsieur le ministre, sous réserve des efforts à venir, vous êtes sur la bonne voie.
Le moyen mis en oeuvre pour rendre cette police efficace est l'accroissement de sa présence sur le terrain, par le concept de police de proximité. L'unanimité se fait sur cette idée de policiers plus disponibles, qui seraient débarrassés, au moins partiellement, des tâches indues qui leur sont imposées. Les 1 000 policiers auxiliaires, bien formés et parfaitement opérationnels à la fin de l'an prochain, faciliteront cette mise en place. Il demeure que bien des questions se posent, qui seront sans doute éclaircies au cours des très attendues assises de la police de proximité en mars prochain, mais vous pouvez peut-être d'ores et déjà nous donner un certain nombre de précisions à cet égard.
Une première question concerne la géographie de la délinquance. Redéployer les effectifs vers les zones sensibles est, bien sûr, nécessaire et efficace pour les quartiers concernés. J'aimerais savoir si nous disposons d'assez de recul pour avoir des éléments d'appréciation sur un éventuel glissement de la délinquance vers d'autres quartiers voisins.
Une autre question concerne la fidélisation, ou la sédentarisation, des CRS, pour ne pas parler des gardes mobiles. J'ai cru comprendre que cette sédentarisation posait des problèmes auprès des CRS eux-mêmes. S'agit-il uniquement de confort personnel ? Je ne le sais pas. Mais, surtout, cela ne pose-t-il pas la question de l'efficacité d'une mesure qui ne s'applique que pendant six mois ? Il me semble que l'une des conditions de réussite de la police de proximité, c'est précisément la durée et la bonne connaissance des habitants par les policiers et réciproquement.
On peut aussi s'interroger sur le passage, pour les CRS, d'une culture de maintien de l'ordre à une culture de la prévention. A partir de là, certains sautent le pas et s'interrogent non pas sur la pertinence de la mesure, mais sur le nombre de personnels qui seront affectés à ces tâches et, plus encore, sur la localisation des casernements. Mais je sais, monsieur le ministre, combien le redéploiement de tous les personnels, surtout lorsqu'ils sont nombreux dans de petites villes, pose des problèmes, et combien les élus sont sensibles et revendicatifs lorsqu'on s'y attaque, ne serait-ce que pour des raisons économiques, ce qui est légitime.
Plus important, sans doute, la réussite de la prévention passe par une réelle synergie entre les différents acteurs, voire par l'intervention d'autres intervenants policiers. Ainsi constate-t-on l'absence totale du terrain de la police judiciaire, qui est pourtant seule compétente pour assurer des investigations longues. De même, sont trop absents des quartiers les spécialistes de la délinquance économique. Pourtant, cette délinquance a des manifestations dans les quartiers. Quant à la synergie, elle est encore insuffisante. Il faut qu'elle s'organise réellement autrement que dans des réunions problématiques, qu'elle s'organise entre la police, les services sociaux, la justice et l'éducation nationale. Les contrats locaux de sécurité ne répondent actuellement que partiellement à cette préoccupation, quand ils ne l'ignorent pas avec superbe.
En conclusion, s'agissant de la police, vous n'avez pas un mauvais budget, monsieur le ministre. Les syndicats vous rendent hommage pour avoir renoué avec une gestion prévisionnelle des hommes et des matériels - encore que beaucoup reste à faire dans ce domaine - et ils ont raison. Le Gouvernement a confirmé son intention de faire de la sécurité une priorité et, outre ce que j'ai évoqué, j'ai bien noté le lancement en l'an 2000 de plusieurs chantiers d'équipement immobilier et la mise en place du programme ACROPOL. Voilà qui prouve que vous allez dans le bon sens s'agissant de la gestion des forces de police et de sécurité. Reste que cet effort devra être constant dans les années à venir.
En ce qui concerne le deuxième volet du budget de la sécurité, à savoir les services d'incendie et de secours, les problèmes demeurent et prennent même une acuité plus grande avec les revendications sociales des sapeurs-pompiers. Il est clair que cette grogne s'accentuera encore avec la mise en place de la réduction du temps de travail, quel que soit le jugement que l'on peut porter sur le temps de travail actuel des pompiers professionnels.
Les élus sont plus sensibles que d'autres au coût du service et à sa dérive. J'ai déjà eu l'occasion de dire, et ce depuis quinze ans, que je considérais comme un échec la décentralisation des services d'incendie et de secours. Pour employer un langage non juridique, je dirai qu'une telle décentralisation ne peut pas bien fonctionner lorsque celui qui commande n'est pas celui qui paie. Avant que l'Etat commande et paie - cette perspective est très lointaine - il est possible de pousser l'analyse.
Lorsque M. Debré avait fait voter sa loi, j'avais exprimé ma crainte de voir surgir des conflits entre les différents niveaux de collectivités et, hélas ! ceux-ci risquent de se concrétiser, sauf si les conseils généraux mettent massivement la main au portefeuille afin d'éviter que l'égalisation, même partielle, des taxes de capitation ne provoquent une levée de boucliers des petites communes à l'encontre des grandes.
Dans cette perspective, la recherche de financements complémentaires est indispensable et le Gouvernement devrait nous y aider. Je pense à la sécurité sociale, qui rembourse sans sourciller le transport des blessés par les ambulances privées, mais qui rechigne trop souvent à le faire lorsqu'il s'agit des VSAB, les véhicules de secours aux asphyxiés et blessés, des pompiers. Je pense aux compagnies d'assurance, qui sont tout de même directement concernées par l'efficacité des secours aux personnes et aux biens, et qui devraient donc, dans ces cas-là, apporter elles aussi leur participation. Vous avez créé le fonds DGE, qui va nous aider beaucoup.
De même, ce que je sais indirectement des mesures en faveur des départs du service actif, puisqu'il ne s'agit pas de retraite, des pompiers à cinquante ans passerait mieux - j'emploie un euphémisme - si l'Etat prenait sa part d'un éventuel surcoût de la masse salariale. Je crois avoir, sur ce point encore, une expression modérée.
D'une façon ou d'une autre, il va bien falloir que nous informions nos concitoyens du coût de ces services. Il ne s'agit pas, bien sûr, dans mon esprit, d'avoir, comme certains, de mauvaises pensées telles que celles-ci : si nos concitoyens savaient combien coûtent les sapeurs-pompiers, ils ne soutiendraient pas les yeux fermés toutes leurs revendications ! Non, il s'agit d'une nécessaire information citoyenne opposée à l'opacité actuelle. Il convient donc de responsabiliser nos concitoyens, qui ne doivent pas appeler les pompiers à tort et à travers pour des tâches qui ne relèvent pas toutes du service public. Agir ainsi revaloriserait la fonction de sapeur-pompier, même si j'ai eu la surprise de constater que certains syndicalistes, par une vision très extensive et, selon moi, très abusive du service public considèrent que les sapeurs-pompiers doivent répondre gratuitement à tous les appels, y compris pour ouvrir une porte dont on a perdu la clé, pour déboucher les toilettes ou pour aller chercher un chat perché sur un arbre !
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques remarques que je voulais faire à l'occasion de l'examen d'un budget que mon groupe votera sans état d'âme.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
La parole est à M. Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la question : « qu'est-ce qu'un bon budget ? », chacun sera d'accord pour admettre qu'il n'est de meilleure réponse que : « celui qui dégage des moyens suffisants pour permettre la réussite d'une politique antérieurement définie ».
Dans le cas contraire, ce ne peut être que l'échec. Ce fut le cas, souvenez-vous-en, avec les budgets qui suivirent l'adoption, en 1995, de l'ambitieuse loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité par la majorité de l'époque. Je pense notamment ici à celui que nous avons trouvé en 1997 et qui accusait une diminution de 0,35 % des crédits alloués à la police.
La situation est exactement inverse aujourd'hui.
En effet, le projet de budget de l'intérieur pour 2000 confirme, avec encore plus de netteté, l'engagement prioritaire pris par le Gouvernement en faveur de la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Dans la droite ligne des orientations données par le Premier ministre lors du colloque de Villepinte en 1997 et confirmées par les conclusions du conseil de sécurité intérieure de janvier dernier, le ministère de l'intérieur franchit, avec ce projet de budget pour 2000, une nouvelle étape dans sa réforme de la police nationale, entreprise voilà deux ans.
Cette réforme se concrétise, pour une large part, par le projet de généralisation d'une police de proximité. En effet, comme l'a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité, les plus faibles et les plus démunis plus encore que les autres.
C'est pourquoi cette réforme engendre une modification profonde de l'organisation des forces de police et des méthodes de travail. A travers elle se profilent désormais de nouvelles responsabilités et de nouveaux devoirs.
Face à la montée du sentiment d'insécurité, nos concitoyens se tournent vers l'Etat. Cette année encore, monsieur le ministre, vous avez entendu leur demande.
Ainsi, accrus dès 1997, les crédits alloués au projet de budget de l'intérieur pour l'an 2000, que nous examinons aujourd'hui, s'inscrivent dans la même tendance.
Avec une augmentation de 3 %, alors que les dépenses de l'Etat ne progressent que de 0,9 %, le budget de l'intérieur apparaît bien comme une priorité pour le Gouvernement ! De plus, pour la première fois, l'augmentation des moyens de fonctionnement est supérieure à celle des crédits de personnels. Oui, monsieur le ministre, votre budget pour 2000 est un bon budget !
Ces moyens permettront de poursuivre et de mener à bien la politique que vous avez définie, et qui s'articule principalement autour de la mise en oeuvre d'une action transversale, notamment avec les contrats locaux de sécurité, sur la mise en place d'une police de proximité et sur le redéploiement et l'accroissement des effectifs, ainsi que sur le renforcement des moyens de fonctionnement.
Les contrats locaux de sécurité sont la traduction logique, sur le plan local, de l'approche transversale du problème de l'insécurité, que reflète, sur le plan national, l'institution du conseil de sécurité auprès du Premier ministre.
Ils tendent, par la mise en oeuvre d'une action partenariale regroupant les services de l'Etat - police, gendarmerie, justice, éducation nationale - et les collectivités territoriales, à un traitement plus cohérent et plus efficace du problème de la délinquance. Je n'ai pu que me réjouir, monsieur le ministre, avec, je pense, tous les élus de mon département, de ce que vous soyez venu signer dans les Bouches-du-Rhône trois contrats de ce type.
Le concept de police de proximité complète la notion de proximité géographique par celle de proximité sociologique et relationnelle. C'est pourquoi nous devons nous féliciter que davantage de jeunes de nos quartiers aient été reçus aux concours de gardien de la paix.
L'engagement de proximité, la priorité donnée au terrain se traduisent également par le recrutement des adjoints de sécurité, dont la présence est appréciée de tous, population et forces de l'ordre. Ils seront 20 000 à la fin de l'année prochaine. Pièce essentielle de la mise en oeuvre de la police de proximité, ils permettent de structurer et de renforcer les patrouilles d'îlotiers et d'améliorer les conditions d'accès aux services de police.
A la visibilité de l'action sur la voie publique de la police de proximité, l'on doit encore ajouter la fidélisation progressive, dans les zones fortement urbanisées des départements sensibles, de compagnies de CRS, la coordination avec les polices municipales et l'îlotage.
Monsieur le ministre, j'ai cité l'îlotage comme étant l'un des éléments clés de la police de proximité. Il répond en effet à un besoin exprimé par la population d'identifier les responsables de la sécurité.
Permettez-moi, en tant que maire d'arrondissement, de revenir à mon département des Bouches-du-Rhône, et plus précisément à Marseille, où nous avons pu installer, dans le plus vieux quartier de la ville, et pour la première fois, une vigie d'îlotage en liaison téléphonique permanente avec les habitants.
Cette installation, à laquelle il sera très prochainement procédé dans un autre arrondissement du centre-ville, va dans le sens du rapprochement entre les agents de la force publique et les habitants de nos quartiers. Il s'agit là d'une traduction concrète de votre politique, monsieur le ministre ! Et les résultats sont là ! Dans le IIIe arrondissement de Marseille, réputé difficile, les chiffres de la délinquance, pour les dix premiers mois de l'année, ont reculé de 30 % !
C'est ce type de démarche visant à la mise au point de projets locaux qui, monsieur le ministre, sera à mon sens mis en exergue en mars prochain, lors des assises nationales de la police de proximité.
Ce qu'il convient enfin et surtout de retenir, c'est la perspective d'une confiance renforcée entre les citoyens et leur police, une police qui a droit à la reconnaissance des Français pour l'accomplissement de la tâche difficile qui est la sienne.
En ce qui concerne l'accroissement des effectifs et le renforcement des moyens de fonctionnement, là encore le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, et que nous approuvons évidemment sans réserve, permettra d'anticiper les prochaines étapes.
Outre la progression de 5 % des crédits de fonctionnement, qui amènera une plus grande efficacité dans l'utilisation des moyens, l'évolution du budget permettra de résoudre les problèmes d'encadrement des actuels et futurs adjoints de sécurité.
Ainsi, pour pallier la baisse des effectifs, conséquence du nombre élevé de départs en retraite, vous allez procéder au recrutement anticipé, en 1999, de plus de 1 600 élèves gardiens de la paix en surnombre, et de près de 1 000 en 2000. Nous ne pouvons que louer votre effort et celui du Gouvernement.
Enfin, je n'aurai garde d'oublier le plan de création sur trois ans de 1 500 postes d'agent local de médiation, symbolisant tout à la fois l'accroissement des moyens humains, le souci de la proximité et celui de la complémentarité partenariale. Créés par la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, ils doivent être pourvus dans le cadre des contrats locaux de sécurité par les collectivités locales, les associations, les sociétés de transport et les bailleurs sociaux.
Pour autant, ne nous leurrons pas !
En dépit d'une politique volontariste et pérennisée, la délinquance ne disparaîtra pas du jour au lendemain par un coup de baguette magique.
Son traitement est un processus complexe qui, au-delà de votre champ d'action, doit prendre en compte la lutte contre le chômage et l'exclusion, objectif prioritaire du Gouvernement, l'amélioration du cadre de vie, la rénovation de l'habitat dégradé et bien d'autres facteurs encore. Il ne faudra pas moins qu'une mobilisation collective de l'ensemble des acteurs nationaux et locaux pour y parvenir.
Pour ce qui vous concerne, monsieur le ministre, vous êtes sur la bonne voie. Vous avez toute notre confiance, et ce que nous vous demandons, c'est de persévérer avec la détermination que nous vous connaissons. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget du ministère de l'intérieur, qu'il me revient de vous présenter, atteint 54,2 milliards de francs, hors dotations aux collectivités locales et hors crédits relatifs aux élections, ce qui représente une augmentation de 3 %, qui doit se comparer - comme l'ont relevé plusieurs intervenants, en particulier M. Guérini - à la hausse générale des dépenses de l'Etat, laquelle ne dépassera pas 0,9 % l'an prochain.
Cette progression des crédits de mon ministère, trois fois plus forte que celle du budget général, doit être comparée à une hausse qui, en 1999, atteignait 2,96 %, alors que la croissance des dépenses générales de l'Etat était de 2,2 %.
J'ajoute que le projet de loi de finances rectificative ouvre 385 millions de francs de crédits supplémentaires au bénéfice des services du ministère de l'intérieur, dont notamment 97 millions de francs de crédits de fonctionnement pour la police nationale. Au total, ce sont donc 2 milliards de francs supplémentaires qui seront affectés à la sécurité et à l'administration du territoire.
En tout cas, la détermination du Gouvernement à répondre aux attentes de nos concitoyens, je tiens à le dire ici, est entière. Ceux-ci placent la sécurité au premier rang de leurs préoccupations.
A cet égard, tous les intervenants, notamment MM. les rapporteurs, se sont fait l'écho d'un certain nombre de soucis, voire d'inquiétudes. Je voudrais qu'ils sachent que le Gouvernement est très conscient de la réalité des problèmes de l'insécurité. Il n'est pas dans mon intention d'en faire un fantasme, ni à l'inverse de sombrer dans un catastrophisme systématique qui n'aurait pas non plus lieu d'être car, comme l'a relevé M. Guérini à l'instant, nous observons des signes d'amélioration, notamment à Marseille et à Lyon, ainsi qu'à Paris pour les deux derniers mois de l'année. Ainsi, s'agissant des expériences de police de proximité, les réactions qui nous parviennent sont très positives. Pour autant, je ne veux aucunement dissimuler les problèmes.
J'évoquerai tout à l'heure les conséquences, pour la sécurité civile, de la mise en oeuvre de la départementalisation et de la professionnalisation, mais j'aborderai tout d'abord les problèmes de sécurité.
J'ai entendu certains intervenants, M. Courtois en particulier, évoquer la croissance de la petite délinquance, la délinquance de masse, celle qui « pourrit » la vie dans les quartiers. C'est malheureusement une réalité, et il est vrai que le nombre des délits est certainement supérieur aux statistiques que nous enregistrons sur la base des dépôts de plaintes ou des infractions constatées.
Il existe un chiffre noir. A ce propos, je pense qu'il ne faut pas prendre à la lettre les résultats de l'enquête de l'INSEE sur les chiffres réels, car nombre des faits allégués ne sont ni des crimes ni des délits, mais relèvent du domaine contraventionnel. J'ai étudié de près cette étude de « victimation ». On constate par exemple que les menaces sont soixante-six fois plus fréquentes qu'il n'apparaît dans nos statistiques, et que les injures le sont cent quinze fois. On voit donc bien que le vécu de la population ne se reflète pas forcément dans les chiffres de la criminalité et de la délinquance. Il s'agit d'autre chose, de ce que l'on appelle quelquefois les « incivilités ». Ce problème est bien réel, et le développement de la police de proximité doit permettre de lui apporter une réponse.
M. Courtois a évoqué les violences urbaines. Si la statistique des Renseignements généraux fait apparaître une augmentation de leur nombre, une étude approfondie de cette statistique démontre que ce sont en réalité les violences de faible intensité qui augmentent fortement - les dégradations, par exemple - et que les violences de forte intensité, telles les émeutes urbaines, notamment, ont tendance non pas seulement à marquer le pas mais même à régresser. D'ailleurs, depuis le début de l'été, le nombre de violences urbaines enregistrées est plutôt sur une pente descendante. Mais je ne veux pas m'aventurer à généraliser des évolutions qui sont dans le court terme.
Sur le long terme, mesdames, messieurs les sénateurs, en prenant la base 100 en 1990, la délinquance et la criminalité se situent maintenant à l'indice 103. Sur la décennie, l'évolution n'a donc absolument rien de catastrophique. Mais elle n'en est pas moins préoccupante, car, je vous le rappelle, il y a 3 500 000 crimes et délits, ce qui est considérable.
Plusieurs intervenants ont évoqué le problème de la délinquance des mineurs. S'il m'est arrivé d'évoquer les « sauvageons », c'était plutôt pour fustiger ceux qui n'avaient pas greffé l'arbre : un sauvageon est en effet un arbre non greffé. (Sourires.) La responsabilité me paraît donc se situer au niveau surtout des parents, voire peut-être des enseignants. Cela ne signifie pas que j'ai pour autant une quelconque complaisance à l'égard d'actes qui, quelquefois, sont effrayants par la violence qu'ils révèlent. J'avais d'ailleurs employé le mot « sauvageon » à l'occasion du meurtre d'une épicière de Pavilly, en Seine-Maritime, commis par un enfant de quatorze ans.
L'évolution de la délinquance des mineurs continue malheureusement de croître. Pour les dix premiers mois de cette année, l'augmentation est de 5,94 %. Si, pour certains délits, tels les incidents liés à la voiture, par exemple, la moitié des délits est effectivement imputable à des mineurs, il n'en va pas de même pour la délinquance générale : à cet égard, les mineurs sont en cause pour un quart à peu près des délits, même si, pour la délinquance de voie publique, leur proportion atteint 39 %, ce qui est considérable.
La difficulté du traitement de cette délinquance vient - vous le savez bien - du fait qu'un mineur âgé de moins de seize ans ne peut pas être incarcéré. Il a donc fallu prendre un certain nombre de mesures : ainsi, des centres de placement immédiat strictement contrôlés ont été créés à ma demande par le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier et mis en place par la protection judiciaire de la jeunesse, sous l'égide du ministère de la justice. Il en existe quinze aujourd'hui, mais il en est programmé cinquante.
De même, vingt-neuf centres éducatifs renforcés ont été créés ou sont en voie de création - cent sont prévus - le but étant de provoquer une rupture dans la vie du jeune multirécidiviste.
Je voudrais faire justice d'une confusion inadmissible souvent entretenue entre « les jeunes », en général, et ces délinquants multirécidivistes, qui ne sont qu'une poignée : après avoir commis vingt, trente ou quarante infractions, ces jeunes délinquants finissent par devenir les rois du pavé, en tout cas des gens que l'on n'aime pas revoir sur le lieu d'un incendie ou d'une agression quelques heures après !
Cela pose le problème - cela relève de la compétence du juge des enfants - de savoir comment ces délinquants peuvent être éloignés et ramenés, par des mesures éducatives renforcées, à des comportements plus normaux. Nous sommes là en présence d'un immense problème de société et d'éducation. Il est bien évident qu'une société qui ne transmet plus ses valeurs est souvent une société qui n'y croit plus.
Je ne développerai pas davantage ce chapitre auquel, vous le savez, je suis très sensible. En effet, je me préoccupe du traitement de cette délinquance au quotidien. Il s'agit là d'un véritable problème qui a été posé au niveau du conseil de sécurité intérieure. Des mesures ont été prises. Ainsi, 680 emplois supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse ont été créés dans le budget du ministère de la justice pour 2000.
MM. Courtois et Vallet ont évoqué le problème des trafics de stupéfiants. J'ai donné des directives pour que l'action soit davantage orientée vers le démantèlement des réseaux de trafics locaux, en liaison avec la justice mais aussi avec l'administration des douanes, en utilisant la législation dite de « proxénétisme-stupéfiants » qui, dès lors que certains éléments de train de vie sont réunis, obligent les intéressés à faire la preuve de l'origine des fonds dont ils disposent. Ce problème est étroitement lié à celui des violences urbaines.
La question des reconduites aux frontières des étrangers en situation irrégulière a été évoquée. La loi qui a été adoptée comporte des aspects très libéraux du point de vue de la régularisation au titre des liens de famille ou dès lors que des conditions d'intégration sont véritablement réunies.
Mais à partir du moment où ces aspects libéraux s'appliquent, il doit aussi en être de même des autres aspects. Ayant constaté que, dans certains départements, moins de la moitié des arrêtés de reconduite à la frontière avaient été pris, j'ai donné des directives pour que la loi s'applique. C'est la condition de sa crédibilité.
Nous sommes en présence d'un phénomène considérable qui durera cinquante ans et même davantage. Il doit être clair que la France a le droit de dire qui peut s'installer sur son sol et qui ne le peut pas !
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Nous avons délivré 155 000 titres de séjour nouveaux en 1998. La France a le droit de proportionner l'accueil d'étrangers à sa capacité d'intégration. Je vois les problèmes que peut poser l'afflux d'immigrants irréguliers dans certains départements, et notamment sur le plan scolaire. Par rapport aux prévisions de l'inspection d'académie, les chiffres de primo-arrivants sont doubles ou triples. Cela explique la baisse du niveau et les difficultés qui se répercutent sur le reste de la population. J'appelle donc chacune et chacun à prendre conscience du fait que nous avons des devoirs non seulement d'accueil mais aussi de solidarité et de cohésion sociale. Il incombe à la République de trouver l'endroit juste où placer le curseur.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est ce que nous faisons !
S'agissant de la Corse, je voudrais quand même dire à cette tribune que les taux d'élucidation en matière de criminalité et de délinquance en général y sont très supérieurs à ceux du continent, et ce pour une raison très simple : la densité policière.
De manière générale, le procès fait aux forces de police et de gendarmerie, ainsi qu'à la justice, ne me paraît pas juste.
Il n'est pas juste, par exemple, de dire que l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac a été retardée ; le fait que certaines notes ont peut-être cheminé avec une certaine lenteur n'a pas du tout freiné la résolution de cette enquête, qui dépendait de l'analyse, du dépouillement d'un certain nombre de documents techniques dont la police judiciaire n'a pu disposer que tout à fait en fin de période, c'est-à-dire en avril ou mai 1999. Il y a donc là un procès qui n'est pas juste.
De même, il n'est pas juste de dire que Yvan Collona s'est enfui parce qu'un policier l'aurait prévenu d'une interpellation. Peut-être y a-t-il eu auparavant - mais longtemps auparavant - des rumeurs, comme toujours ; mais il faut quand même faire justice de ces bruits qui ne reflètent pas la réalité !
M. André Vallet, rapporteur spécial. Ce n'est pas le Sénat !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. L'action des forces de police, de gendarmerie et de la justice doit pouvoir se mener en Corse comme ailleurs...
M. Jean Chérioux. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Chérioux. Monsieur le ministre, vous avez évoqué « des bruits ». Qu'entendez-vous par là ? S'agit-il éventuellement des conclusions des commissions d'enquête parlementaires, ou ne s'agit-il simplement que de bruits ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je ne me prononce pas sur les conclusions d'enquête parlementaires.
M. Jean Chérioux. Ah bon ! Merci ! C'est ce que je voulais vous entendre dire !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je dis simplement qu'il ne faut pas confondre les temps et déduire l'existence d'une manoeuvre visant à prévenir in extremis un individu de son arrestation, alors qu'il n'a été mis en cause que la veille, à partir du relevé d'un certain nombre d'informations qui cheminent par des voies que je ne veux pas évoquer ici.
Je pense que ce sont des choses différentes. Mais permettez à celui qui a suivi cette enquête d'une manière continue depuis février 1998 de rappeler quand même que sa résolution en seize mois est un très beau résultat : les attentats commis par Action directe, par exemple, ont mis cinq ou six ans à être élucidés ! Il faut donc garder la mesure des choses. Le ministre de l'intérieur que je suis doit aussi assumer sa responsabilité et défendre ceux qui sont placés sous ses ordres et qui ont agi conformément aux orientations qu'ils ont reçues. Par conséquent, il faut toujours raison garder et éviter de tomber dans un masochisme qui n'a pas lieu d'être.
J'ai évoqué pour commencer les problèmes de la petite et moyenne délinquance au quotidien. Une réforme de la police de proximité est nécessaire. Certes, la police ne doit pas négliger ses missions traditionnelles de maintien de l'ordre public, pour lesquelles elle a un certain savoir-faire, comme l'ont prouvé, par exemple, la Coupe du monde de football et un certain nombre d'événements majeurs. Et l'on voit ce qui se passe quand, comme à Seattle, ces missions ne sont pas convenablement assurées. Sans négliger ses missions traditionnelles, la police doit trouver des réponses plus adaptées au traitement de la petite et moyenne délinquance. Cela implique une évolution profonde et progressive du métier de policier, lequel tendra de plus en plus à devenir un généraliste de la sécurité.
L'amélioration des services rendus aux usagers doit passer par une assistance personnalisée aux victimes, un développement du traitement judiciaire en temps réel, ce qui est à mon avis absolument essentiel dans la mesure où il faut, pour cette petite délinquance, une répression à la fois diversifiée et rapide. La mise en oeuvre de la police de proximité suppose de faire évoluer en profondeur les modes de travail de la police, en territorialisant son action, en responsabilisant les policiers, en introduisant la gestion par objectifs. Il faut aussi que cette action soit menée en partenariat avec les autres acteurs de la sécurité et fasse l'objet d'une évaluation et d'un suivi rigoureux.
Comme vous le savez, la préfecture de Paris a anticipé sur cette réforme de la police de proximité depuis le 18 avril dernier. Elle a mis en oeuvre un accueil du public sur une plage horaire élargie : 36 commissariats de police, au lieu de 20 auparavant, sont ainsi ouverts 24 heures sur 24. Voilà qui explique un nombre de dépôts de plaintes supérieur à ce qu'il était l'année précédente. Les services ont été réorganisés, notamment par la constitution d'une direction de la police urbaine de proximité. Les tâches relevant de cette police de proximité et de l'ordre public, les moyens alloués sont désormais mieux distingués de ceux qui sont consacrés à l'ordre public et à la circulation.
Dans les autres départements, la police de proximité, testée à partir du printemps dans cinq sites pilotes, a été élargie depuis le 1er octobre à soixante-deux sites dans trente-trois départements parmi les plus touchés par la délinquance.
Comme vous le savez, les premiers résultats feront l'objet d'un large échange à l'occasion des assises nationales de la police de proximité qui se tiendront le 30 mars 2000. Et la généralisation suivra au deuxième trimestre de l'an 2000 pour s'achever au premier semestre 2002.
Je ne vais pas développer l'aspect des contrats locaux de sécurité, qui va de pair, c'est évident, avec la police de proximité. D'ores et déjà, plus de trois cents sont signés ; un peu plus de quatre cents sont encore en cours d'élaboration. Il y a là un outil extrêmement puissant pour mobiliser les autres acteurs de la sécurité, au niveau non seulement des administrations, mais aussi des collectivités locales, des bailleurs sociaux, des compagnies de transports en commun, des associations.
Sur les trois cents contrats locaux de sécurité signés, il en est quatre-vingt-neuf qui sont intercommunaux et huit qui sont spécifiques aux transports publics. C'est dans ce cadre que sont recrutés les agents locaux de médiation sociale auxquels vous avez fait allusion tout à l'heure, monsieur Guérini. Il est effectivement prévu d'en recruter à terme 15 000 ; pour le moment, 8 000 seulement sont programmés, et 6 000 ont été recrutés.
Le budget qui accompagne cette réforme de la police de proximité met en place les moyens de sa réussite. J'aimerais vous en convaincre, car ce budget nous donne, à mon avis, les moyens d'agir avec efficacité.
La police est mobilisée : deux millions de personnes sont d'ores et déjà concernées, en France, par les expérimentations. Un intense dialogue s'établit et va se développer. Des programmes de formation ont été mis au point, une doctrine d'emploi a été précisément arrêtée.
C'est un grand défi qui est devant nous et que nous allons relever parce que nous savons que, ce faisant, nous devançons les attentes de la population.
Comme vous le savez, dans le même temps, le récent conseil de sécurité intérieure l'a d'ailleurs rappelé, 7 000 policiers et gendarmes supplémentaires doivent être redéployés dans les départements les plus sensibles d'ici à 2002.
Pour la police nationale, l'objectif est d'ores et déjà atteint en 1999 puisque nous avons redéployé 1 200 gardiens de la paix supplémentaires, et 700 gendarmes par ailleurs. Dans le même temps, 3 000 CRS et gendarmes doivent être fidélisés. En 1999, cette fidélisation aura concerné 900 CRS et 750 gendarmes mobiles.
Au total, en trois ans, ce sont 10 000 agents supplémentaires qui seront redéployés au bénéfice des vingt-six départements les plus sensibles qui concentrent plus des trois quarts de la délinquance.
Pour atteindre ce résultat, le problème de la répartition territoriale des forces de police et de gendarmerie a été posé ; vous le savez, puisque vous m'avez interrogé sur ce sujet. Le Gouvernement procède de façon concertée et progressive, au cas par cas. Les préfets ont engagé des discussions sur le plan local, concernant six circonscriptions, pour examiner si elles peuvent passer en zone de gendarmerie. Si cette concertation aboutit, la gendarmerie prendra en charge la sécurité dans ces circonscriptions, et près de 200 gardiens de la paix viendront renforcer ailleurs les effectifs de police. Quelques communes, dans le même temps, passeront en zone de police.
La réorganisation est également fondée sur une diminution des effectifs en administration centrale, une externalisation des tâches d'entretien et de réparation des véhicules, et une réduction des gardes statiques. Il faut là une volonté constante. Des procédures de passation de marchés ont d'ores et déjà été engagées. L'externalisation des tâches est coûteuse, il faut le savoir, puisque la remise sur le terrain d'un gardien de la paix revient à environ 100 000 ou 150 000 francs.
Le développement de la présence visible de la police passe également par une plus grande disponibilité opérationnelle.
Une expérimentation va être engagée pour diminuer le poids des récupérations horaires et pour augmenter la présence sur le terrain des effectifs de police, au moyen d'une indemnisation de repos compensateurs et d'heures supplémentaires pour les agents volontaires. Si cette expérimentation, comme je l'espère, est un succès, elle sera généralisée.
Il nous faut - j'ai déjà eu l'occasion de le signaler - faire face simultanément aux exigences de la modernisation de la police nationale, à son adaptation aux formes évolutives de la délinquance, et, par ailleurs, à une augmentation très forte du nombre des départs en retraite. Un quart des effectifs doit être remplacé entre 1999 et 2004, vous le savez.
Ce renouvellement rapide a pour conséquence une augmentation du nombre des agents en formation et une diminution des agents opérationnels, à effectif budgétaire stable. Le nombre des gardiens de la paix actuellement en école atteint ainsi le niveau tout à fait exceptionnel de 6 131 - du fait de la création en surnombre de plus de 250 postes en 1998 et de 1 664 postes en 1999.
Lors du dernier conseil de sécurité intérieure, le Premier ministre a décidé l'organisation d'un concours exceptionnel au début de l'an 2000, réservé à 1 000 anciens policiers auxiliaires, sur un « vivier » de 11 000 au total, pour lesquels, en raison de l'expérience acquise, la formation en école sera ramenée à six mois.
Cette décision permet de garantir que, dès la fin de l'an 2000, année de la généralisation de la police de proximité, les effectifs opérationnels retrouveront leur niveau de 1995, niveau auquel ils se stabiliseront ensuite.
Il faut bien comprendre que, si nous connaissons cette érosion des effectifs, c'est parce qu'il n'y a pas eu de prévision en ce qui concerne les recrutements et les mises en formation à la hauteur de ce qu'allaient être les départs à la retraite. Ce défaut de prévision va être corrigé.
Par ailleurs, des mesures catégorielles sont prises pour améliorer les fins de carrière - échelon exceptionnel, création des grades de brigadier et de brigadier major - de façon à inciter un certain nombre de gardiens de la paix à remettre en cause leur décision d'anticiper leur départ en retraite et de faire en sorte qu'ils restent dans les cadres jusqu'à cinquante-cinq ans.
Comme je vous l'ai dit, un effort de formation très important est le moyen de concilier le rajeunissement de la police et l'évolution de ses missions.
Vous le savez, j'ai créé une direction de la formation de la police nationale. Les assises de la formation et de la recherche dans la police nationale se sont tenues en février dernier, à la Villette. La définition d'un schéma directeur pour les années 1999-2002 est intervenue en mai-juin. La formation initiale est renforcée. Les programmes et les stages seront refondus pour mieux prendre en compte la police de proximité et l'ouverture à l'ensemble des acteurs de la sécurité. L'enseignement à la maîtrise des technologies nouvelles sera intensifié, la formation continue développée.
Il faut insister sur cet effort gigantesque de formation, qui s'est traduit par l'ouverture de plusieurs nouvelles écoles, notamment à Aix - Les Milles, à Montbéliard et à Soissons, et par l'augmentation des effectifs.
Pour les personnels administratifs, tous les diagnostics concordent, et encore récemment celui de la Cour des comptes, sur le fait que la police nationale est sous-administrée.
Je n'évoquerai pas les objectifs de la loi d'orientation et de programmation. Je dirai simplement que le budget 2000 renoue avec la création d'emplois administratifs puisque 100 nouveaux emplois de personnels scientifiques seront créés ; 20 ingénieurs et 80 techniciens de laboratoires supplémentaires renforceront les capacités d'enquête et d'expertise de la police judiciaire - ils permettront de développer les moyens des laboratoires spécialisés - mais aussi de la police technique de proximité : relevés d'empreintes et tout ce qui permet d'élucider rapidement un certain nombre de délits.

La mise en place des adjoints de sécurité permet de renforcer l'action des services de police, notamment pour les missions d'îlotage et d'accueil dans les commissariats. Placés sous la direction d'un tuteur, fonctionnaire du corps de maîtrise et d'application qui les accompagne dans leur parcours professionnel, ces jeunes adjoints de sécurité, dont je ne me lasserai pas de vanter les qualités, exercent leurs missions sous les ordres et la responsabilité de fonctionnaires actifs confirmés.
Leur programme de recrutement arrivera à son terme en 2000. L'effectif est, d'ores et déjà, de 13 000. L'inscription de crédits correspondant à 4 150 adjoints de sécurité permettra de passer à 20 000 d'ici à la fin de l'année prochaine. Comme vous le voyez, la montée en puissance du dispositif se fait à un rythme rapide, les écoles sont « pleines à ras bord », si je puis dire. Les recrutements d'adjoints de sécurité permettront de compenser la disparition progressive des policiers auxiliaires du fait de la suppression du service national ; 2 075 postes de policiers auxiliaires seront tout de même maintenus au budget en 2000.
La réforme de la police de proximité ne pourra réussir que si elle suscite l'adhésion des personnels. La mission de ceux-ci - soyez-en conscients - est difficile : elle exige tact, pondération, résolution, fermeté et détermination. Les conditions dans lesquelles elle est exercée font souvent l'objet de critiques injustes. Gustave Flaubert, dans le Dictionnaire des idées reçues, indiquait déjà au mot « policier » : « a toujours tort ». Je pense que cette tradition s'est malheureusement maintenue trop longtemps.
Il faut rappeler, certains l'ont fait avant moi, qu'en 1998 vingt fonctionnaires de police sont décédés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et plus de 8 000 ont été blessés, dont près de 4 000 en service et 136 par arme. En énonçant ces chiffres, je voudrais rendre hommage au dévouement et au courage des fonctionnaires de police, qui accomplissent une tâche souvent très difficile dont il faut avoir pleinement conscience. (Applaudissements.)
Les modalités de la réforme de la police de proximité font bien évidemment l'objet d'une concertation approfondie avec les organisations syndicales. Des mesures en faveur des personnels les accompagnent et sont inscrites dans le projet de loi de finances.
Les principales mesures consistent en une revalorisation et une anticipation du versement de la prime de fidélisation dans les zones difficiles. Les officiers de police et les agents administratifs bénéficieront également de mesures indemnitaires revalorisées. Au total, les mesures indemnitaires atteignent près de 100 millions de francs, montant très élevé, c'est-à-dire quatre fois plus que ce qui a pu être accordé au cours des dernières années.
L'action sociale participe également de la politique en faveur des personnels. Sur la base du rapport Alexandre, les locaux de police sont mis aux normes d'hygiène et de sécurité. La montée en charge de la médecine de prévention et de la restauration chaude dans les commissariats se poursuit.
Une action importante est consacrée à la location aux fonctionnaires de police de logements à des conditions préférentielles. Le parc locatif du ministère de l'intérieur s'élève désormais à plus de 14 000 logements. L'effort sera orienté vers l'amélioration qualitative de l'offre en Ile-de-France et vers son développement dans certaines villes de province comme Lyon ou Nice.
J'en viens à la mise à niveau des moyens de fonctionnement et d'équipement.
La réussite de la police de proximité est évidemment conditionnée par le niveau des moyens matériels de fonctionnement et d'équipement. Le budget 2000 est une première étape dans la mise en place des mesures d'accompagnement. M. Peyronnet a souhaité, à juste titre, une certaine constance des moyens dans la durée ; cela est légitime. Si nous pouvons être satisfaits des dotations que nous avons obtenues en matière immobilière ou pour le programme de transmission numérique cryptée ACROPOL, il faut naturellement que ces efforts s'inscrivent dans la durée.
Les services doivent être dotés en plus grande quantité de véhicules légers, automobiles, scooters, et VTT, de locaux adaptés à un meilleur accueil du public ainsi que de moyens informatiques et de transmissions modernes. Les crédits de fonctionnement de la police nationale augmenteront en 2000 de 183 millions de francs, soit 5 % de plus qu'en 1999, auxquels il faut ajouter 97 millions de francs supplémentaires ouverts par la loi de finances rectificative. Au total, la progression des moyens de fonctionnement par rapport au budget 1999 atteint près de 8 %.
Ai-je besoin d'insister sur le fait que cette progression est très significative ? Elle permettra, outre la généralisation de la réforme de la police de proximité, la mise en oeuvre du programme d'externalisation des fonctions techniques et de résorption des gardes statiques pour lequel il faudra agir avec méthode et résolution dans la durée.
Le renouvellement du parc automobile devra être amélioré alors même qu'il a considérablement vieilli ces dernières années.
En matière d'équipement de la police, le projet de loi de finances permet de réaliser la tranche 2000 du très important réseau de télécommunication numérique cryptée ACROPOL. Jusqu'à présent, le Rhône, l'Isère, la Loire, trois départements de la région Picardie, la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine ont été équipés. Toute l'Ile-de-France et la Corse seront couvertes l'année prochaine. L'effort financier atteindra 400 millions de francs en autorisations de programme et 400 millions de francs en crédits de paiement en 2000. Les crédits de paiement seront en augmentation de plus de 80 millions de francs par rapport au budget de 1999, et complétés par la loi de finances rectificative à hauteur de 23 millions de francs. En outre, les ministères des finances et de l'intérieur ont conclu un cadrage pluriannuel de la dépense - je pense que cela répond tout à fait au voeu que plusieurs intervenants ont exprimé - au niveau de 400 millions de francs par an en autorisations de programme et en crédits de paiement, qui garantit en 2002 la couverture des zones qui concentrent 80 % de la délinquance de police et en 2007 celle de tout le territoire ; je rappelle que, à mon arrivée au ministère de l'intérieur, l'horizon se situait à 2014.
S'agissant des crédits immobiliers pour la police, les autorisations de programme ouvertes restent stables, mais les crédits de paiement sont en forte progression, de plus d'un tiers, passant de 417 à 571 millions de francs, soit 154 millions de francs de plus. L'exécution des travaux immobiliers ne sera donc pas ralentie par les contraintes budgétaires.
J'ajoute que le montant des crédits ouverts permettra notamment d'engager le programme de réorganisation immobilière lié aux aménagements rendus nécessaires par la police de proximité. Les casernements des compagnies républicaines de sécurité que vous avez évoqués, monsieur le rapporteur spécial, seront rénovés lorsque cela est nécessaire.
En outre, le collectif budgétaire ouvrira une enveloppe spécialement consacrée aux grands hôtels de police. Cette enveloppe pluriannuelle atteindra au total un montant de l'ordre du milliard de francs. Dès le collectif 1999, 500 millions de francs seront ouverts à ce titre en autorisations de programme et 150 millions de francs en crédits de paiement. Cela permettra de financer, en 2000, les travaux de construction des nouveaux hôtels de police de Bobigny, de Bordeaux et de Montpellier ainsi que de lancer la procédure pour ceux de Nantes, de Lyon et de Lille, et ultérieurement de Marseille. En effet, un grand projet doit trouver sa réalisation sur l'avenue la plus célèbre de Marseille.
Comme vous le voyez, mesdames, messieur les sénateurs, avec l'ouverture sur les autres acteurs de terrain, la réforme de ses modes d'intervention, le redéploiement au profit des départements très sensibles, la police nationale s'engage dans une mutation considérable. Je considère, et je pèse mes mots, que ce budget lui en donne les moyens.
Au-delà de l'exercice de la loi de finances annuelle, il me paraîtrait souhaitable de donner une plus grande visibilité à la modernisation de la police et à l'adaptation de l'action des services de police aux progrès de la technologie. Je m'attache ainsi à définir un cadre de modernisation pluriannuel à l'horizon 2004.
Je vais à présent aborder les problèmes relatifs à la sécurité civile et à la modernisation des structures de gestion des risques.
Dans le domaine de la sécurité civile, l'action de l'Etat vient, vous le savez, en renfort de celle des services locaux pour les incendies, les inondations et autres catastrophes. Par leur compétence et leur présence en tous points du territoire, les 240 000 sapeurs-pompiers, dont 80 % sont des volontaires - 28 000 des professionnels, 10 000 des militaires - constituent l'élément majeur du système de secours.
Les Français savent qu'ils peuvent compter sur les sapeurs-pompiers. Ils ont pleine confiance dans leurs compétences et leur dévouement. Ces femmes et ces hommes paient chaque année un lourd tribut : huit ont trouvé la mort en service depuis le début de l'année, dont six sapeurs-pompiers et deux démineurs. Je rends ici hommage à leur conscience et à leur exprit de sacrifice.
Le Gouvernement a trouvé, à son entrée en fonction, les deux lois du 10 mai 1996 concernant les services départementaux d'incendie et de secours. Je m'attache à mettre en oeuvre les réformes issues de ces lois, car je crois que, même si l'étude de leur impact financier n'a pas été menée à bien en son temps, elles donnent à notre pays les moyens de constituer à terme un grand service public moderne d'incendie et de secours.
De grands pas ont d'ores et déjà été franchis dans cette direction. Dans de nombreux départements, les négociations sont déjà très engagées pour transférer aux SDIS la gestion des effectifs professionnels et volontaires - 60 % des professionnels sont déjà transférés et 40 % des volontaires - ainsi que celle des moyens matériels et des biens immobiliers. Tous les conseils d'administration ont été installés et les instances du personnel constituées. Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques ont été arrêtés par les préfets, après avis conforme du CASDIS, dans près de la moitié des départements. Ils le seront prochainement dans les autres.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, il est inévitable que l'application d'une grande réforme n'aille pas sans quelques tensions, étant donné les écarts que fait apparaître la nécessité d'harmoniser, dans chaque département, les situations et les régimes.
Le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels a déjà été harmonisé, refondu et simplifié. Ainsi, deux récents décrets du 15 septembre 1999 améliorent la situation des caporaux exerçant des fonctions de chefs d'agrès et des lieutenants exerçant des fonctions de chef de centre. L'accès au grade de sergent est également élargi. Un travail considérable a été accompli par la direction de la défense et de la sécurité civile.
De même, les modalités de calcul des vacations horaires des sapeurs-pompiers volontaires ont été précisées, leur protection sociale a été renforcée, notamment en ce qui concerne les conditions d'octroi de l'allocation de vétérance. Un décret destiné à moderniser leur statut doit être publié dans les tout prochains jours.
De nombreux élus sont préoccupés par le coût de cette réforme pour les finances locales. Il est regrettable que les conséquences financières des lois de 1996 n'aient pas été suffisamment évaluées à l'origine.
Nous avons adopté tout à l'heure des mesures correctrices, concernant la dotation globale d'équipement, qui permettront très rapidement de faciliter les programmes d'investissements, à concurrence de 350 millions de francs par an pour des programmes de l'ordre de 1 à 1,5 milliard de francs. A cela s'ajouteront des prêts à taux bas et à long terme de la Caisse des dépôts et consignations que je suis en train de négocier avec le concours du ministère de l'économie et des finances.
Le financement des SDIS est un vrai sujet, mais je suis persuadé que, après la période de remise à niveau, les conseils élus, en concertation avec les organisations syndicales, permettront d'organiser le mouvement dans de bonnes conditions.
Comme je l'ai déjà annoncé, j'installerai, le 16 décembre prochain, avec l'accord du Premier ministre, une commission de suivi et d'évaluation, qui sera présidée par M. Fleury, député de la Somme. Elle aura pour mission d'analyser les conditions de mise en oeuvre de la réforme de 1996 et de me présenter des propositions. J'attends celles-ci dès le début de l'année prochaine.
La mission de l'Etat consiste à prendre en charge les renforts nationaux, à faire face à des risques particuliers - chimiques, nucléaires, bactériologique ou explosifs - et à projeter les moyens outre-mer ou à l'étranger pour venir en aide à des populations en détresse. C'est ce qui s'est passé dans les Balkans avec les réfugiés kosovars, en Albanie, en Macédoine, en Turquie, après le séisme qui l'a durement frappée, en Grèce, à Taïwan, et tout récemment en Guadeloupe à la suite du passage du cyclone Lenny . Ces missions outre-mer témoignent de la qualité des capacités, reconnues à notre pays, de projection des unités de sécurité civile. De même, ces unités ont participé aux secours aux populations des quatre départements de l'Aude, du Tarn, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales, sinistrés par les inondations.
Le projet de budget entend adapter les moyens à la mesure des enjeux de la sécurité civile et de la prévention des risques.
La professionnalisation des unités, nécessaire du fait de la suppression du service national, n'est pas une petite affaire, mais elle sera achevée en 2001. Pour l'exercice 2000, 367 engagés et volontaires seront recrutés en contrepartie de la suppression du service d'appelés. Cette professionnalisation améliorera encore le caractère opérationnel des services et les renforcera face à de nouveaux risques, en particulier technologiques.
La professionnalisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, au budget de laquelle l'Etat contribue à hauteur de 25 %, conduit à la création de 442 emplois d'engagés et de volontaires, qui ne sont pas inscrits au budget du ministère de l'intérieur.
M. Jean Chérioux. Lourde charge pour la ville !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. L'Etat y prend sa part, je vous le rappelle.
Etant donné l'augmentation rapide du nombre des interventions, qui a progressé de plus d'un quart en dix ans, un remplacement nombre pour nombre des appelés a été décidé.
Un important effort d'équipement est parallèlement mis en oeuvre. Aux crédits prévus en loi de finances initiale s'ajoutent 37 millions de francs en loi de finances rectificative. Un Hercules C 130 de grande capacité sera loué l'an prochain pendant la saison des feux. L'utilisation, cette année, d'un tel avion a permis de démontrer sa complémentarité avec les Canadair et les Tracker. Un nouvel avion de liaison sera acquis sur les crédits du collectif, en remplacement d'un des deux Beechcraft. Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de secours, engagé au plan financier, sera effectif en 2001. Ce programme ambitieux permettra d'acquérir 32 hélicoptères biturbines BK 117, plus performants pour l'ensemble des missions de sécurité civile.
Par ailleurs, le plan de revalorisation indemnitaire, mis en oeuvre en 1999 pour les pilotes d'avion, sera étendu en 2000 aux pilotes d'hélicoptère. Dans ce dernier cas, il sera la contrepartie de contraintes de formation et de travail liées au pilotage du nouvel hélicoptère.
Enfin, je voudrais évoquer l'importante mission de déminage dont M. Courtois, au nom de M. Laurin, nous a entretenu. Cinq cents tonnes de munitions sont mises au jour chaque année. Le dépôt de Laon-Couvron, mis en service en 1998, après l'arrêt des destructions en baie de Somme et la fermeture du dépôt du Crotoy, sera agrandi. Un site de destruction des munitions classiques a été aménagé à Sissonne. De nouveaux centres sont prévus à Colmar et à Amiens, de même qu'un nouveau site de stockage et de démantèlement militaire des munitions chimiques. Le programme de modernisation des équipements d'intervention et de protection civile sera poursuivi.
Je voudrais terminer, mesdames, messieurs les sénateurs, en évoquant quelques-uns des aspects du récent conflit. Des mesures ont été mises sur la table pour permettre, soit le reclassement de certains sapeurs-pompiers ayant dépassé l'âge de cinquante ans, soit leur mise en congé pour inaptitude opérationnelle.
Cela mérite d'être discuté et je demande à tous de faire preuve d'un peu de raison et de sens de la responsabilité. Chacun sait, en effet, que l'on ne peut pas traiter ce problème en dehors du contexte plus général défini par le rapport Charpin.
M. Peyronnet a évoqué les problèmes du financement, et je lui ai déjà répondu. Il faut mettre en oeuvre un bon dialogue avec les élus, le présidents de CASDIS et les sapeurs-pompiers professionnels, les directeurs de SDIS et, naturellement, les syndicats.
Ce dialogue va se poursuivre dans le cadre de la commission d'évaluation et de suivi. Je m'efforce de le faciliter autant que je peux en faisant en sorte que le face-à-face institué par la loi de 1996 se traduise par un coude à coude permettant de tirer vers l'avenir cette grande réforme qui, j'en suis sûr, permettra de réaliser un grand progrès. Comme je vous l'ai dit, nous sommes aux deux tiers, au moins, du parcours.
Il faut mener cette réforme à bien. L'horizon est celui de mai 2001 et je ne doute pas que nous y parviendrons. (Applaudissements.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité, inscrits à la ligne « Intérieur et décentralisation », seront mis aux voix aujourd'hui, à la suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 603 694 841 francs. »

Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, depuis un an, il est beaucoup question des pompiers. Ils exercent un travail difficile et ils jouent un rôle important.
Il y a les pompiers professionnels, qui dépendent maintenant des départements, et les pompiers de Paris et de la petite couronne, qui sont des militaires. Il n'en reste pas moins qu'il existe des analogies dans leur travail.
Les situations varient cependant suivant les départements et, en région parisienne comme dans les régions lyonnaise ou strasbourgeoise d'ailleurs, bien des problèmes sont liés à la concentration urbaine.
Les pompiers professionnels se mobilisent dans toute la France pour obtenir satisfaction sur quatre revendications essentielles.
Ils exigent, en premier lieu, la reconnaissance du caractère dangereux et insalubre de leur travail, ce qui leur permettrait de partir à la retraite dès l'âge de cinquante ans.
Ils demandent, en deuxième lieu, la conclusion des travaux sur la filière sapeurs-pompiers professionnels, avec la refonte de la grille indiciaire. Leurs revendications portent sur les salaires : un pompier débutant perçoit, en effet, 7 000 francs par mois.
En troisième lieu, les pompiers réclament l'ouverture de négociations tripartites sur le temps de travail et l'emploi. Leur durée hebdomadaire de travail est de 56 heures hors astreinte et ils demandent au moins une harmonisation sur les 35 heures.
Leur quatrième revendication porte sur le financement des services d'incendie et de secours et le maintien de la gratuité des secours.
Avec la décentralisation, le financement des centres dépend des départements et des communes. Mon ami Pierre Lefebvre, sénateur du Nord, qui est intervenu très souvent sur ces questions, m'a donné l'exemple de son département, où la participation financière du conseil général et des communes est multipliée par deux.
Les sapeurs-pompiers estiment qu'il serait possible de faire appel, entre autres, à des contributions des compagnies d'assurance ou des sociétés d'autoroutes. C'est ce que suggère notre proposition de loi.
Lundi, les sapeurs-pompiers organisent une grande manifestation nationale. Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que le Gouvernement entende leurs légitimes revendications.
Les pompiers occupent une place bien particulière dans notre pays. Ils sont intervenus sur les feux de forêt en Provence ou en Corse. Ils ont récemment combattu les dévastations des eaux. Ils sont également intervenus lors du tremblement de terre en Turquie. Ils veulent continuer à jouer pleinement ce rôle. Il faut qu'ils puissent le faire, qu'ils soient pompiers professionnels ou pompiers militaires.
Pour les pompiers de Paris, si le nombre des incendies reste stable - 19 000 environ par an - les secours aux victimes sur la chaussée augmentent de 8 % à 10 % par an.
La brigade générale reçoit 4 000 appels par jour. Si tous n'exigent pas une intervention, les sapeurs-pompiers en réalisent néanmoins 1 200 à 3 000 par jour. Cela exige, bien évidemment, de faire des choix.
Le nombre des interventions augmente de 6 % à 7 % par an, les charges journalières sont très lourdes, de plus en plus lourdes. Pourtant, les effectifs restent constants.
L'augmentation du nombre des interventions tient à plusieurs raisons.
Elle tient d'abord aux conditions de vie de nos concitoyens, qui se dégradent. Le chômage augmente leur détresse. Mais la détresse n'atteint pas seulement ceux qui ont des difficultés financières, elle s'étend à d'autres catégories de Français. Et cette détresse accroît la difficulté des interventions.
L'augmentation du nombre des interventions tient également à la situation de l'hôpital en général, des services des urgences en particulier. Les pompiers arrivent parfois plus vite que les urgences.
Enfin, les sapeurs-pompiers savent faire face à toutes les situations. Ils jouent le rôle d'assistants sociaux et ils sont acceptés partout et par tous.
Du fait de leur charge de travail et du manque d'effectifs, les pompiers ont du mal à suivre des formations. De plus, leur temps de repos est insuffisant, ce qui peut avoir des conséquences sur leur résistance physique et psychologique. La question de l'augmentation de leurs effectifs se pose donc.
Monsieur le ministre, je tenais à attirer votre attention sur cette situation. Mais je sais que vous vous en préoccupez personnellement. Vous avez d'ailleurs vous-même parlé de leur dévouement et de leur conscience professionnelle.
J'espère vivement que les propositions qui leur seront faites leur donneront satisfaction. Cela ferait ainsi un domaine de plus où la gauche plurielle aurait amélioré les choses.
M. Emmanuel Hamel. Vivent les pompiers !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
M. le président. « Titre IV : moins 3 582 304 104 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 698 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 422 100 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 11 302 681 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 504 489 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.

DÉCENTRALISATION

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà largement abordé, cet après-midi, l'examen des crédits que l'Etat réserve aux collectivités territoriales, ce qui me permettra de limiter mon propos à quelques observations avant de formuler un avis sur ces crédits.
Dans une république décentralisée, les collectivités locales doivent, par essence, pouvoir s'appuyer à la fois sur le dynamisme économique pour pouvoir répondre à la demande sociale et sur les arbitrages que leurs élus dispensent au nom de leur responsabilité politique.
Or l'étude, même superficielle, des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales amène à s'interroger sur des phénomènes certes anciens et récurrents mais qui semblent prendre de plus en plus d'amplitude.
Il apparaît en effet que les ressources des collectivités locales ont de plus en plus tendance à perdre leurs liens avec l'économie. Cette observation nous amènera à nous demander quel est l'avenir de la fiscalité locale et de son corollaire, l'autonomie des collectivités locales, avant de considérer la discussion de cette loi de finances pour proposer à notre assemblée un avis sur les crédits que M. le ministre de l'intérieur soumet à notre délibération.
Les ressources des collectivités locales ont de plus en plus tendance à perdre tout lien avec la réalité de la vie économique. Cela se remarque, tout d'abord, dans les concours ; j'emploie ce terme consacré, même si M. Paul Girod nous a doctement expliqué qu'il fallait en trouver un autre, mais, pour que l'on se comprenne, il vaut mieux, quelquefois, utiliser les mots habituels. Ces concours, donc, sont, me semble-t-il, de plus en plus « administrés », au sens que l'on donne au mot « administré » lorsque l'on parle des « taux administrés » pour les caisses d'épargne, signifiant par là qu'ils n'ont pas de lien avec la réalité économique. Ainsi, au gré des dégrèvements et des compensations législatives diverses, les liens de ces concours avec l'impôt auxquels ils se rapportent se sont de plus en plus distendus.
Je formulerai quelques observations à ce propos.
S'agissant des concours administrés, le Gouvernement dispose de deux méthodes pour les dispenser aux collectivités locales.
La première méthode, c'est l'enveloppe normée, à l'intérieur de laquelle les diverses dotations vivent leur vie administrative normale, si je puis dire, dans le cadre d'une limite calculée de façon administrative, comme nous le verrons.
A l'intérieur de cette enveloppe, la dotation globale de fonctionnement joue un rôle essentiel. C'est le plus important des concours que l'Etat accorde aux collectivités locales : son montant global s'élève à plus de 111 milliards de francs, représentant la contrepartie d'impôts supprimés, tout en étant loin de les compenser.
Il est convenu, aujourd'hui, de distinguer trois taux de croissance de la DGF.
Le premier de ces taux est celui de l'indexation qui ressort des dispositions législatives ; ce taux serait de 2,05 %.
Le deuxième taux est obtenu après recalage et régularisation ; je n'entrerai pas dans le détail de ces deux opérations, je dirai simplement qu'elles aboutissent à un taux d'environ 0,8 %. C'est ce taux que l'Etat va retenir à la fois pour la progression de la DGF, mais aussi comme taux d'indexation de toutes les compensations qui évoluent en même temps que la DGF.
Enfin, le troisième taux prend en compte les abondements hors enveloppe que l'Etat est conduit à accorder chaque année parce que le système de l'enveloppe dite « normée » et du calcul de la DGF a ses limites. Or ces limites sont atteintes et, comme il faut tout de même que les choses fonctionnent, l'Etat abonde.
Trois abondements étaient prévus dans la loi de finances initiale : 500 millions de francs pour la DSU, la dotation de solidarité urbaine, à la suite des engagements pris dans la loi de finances de 1999 ; 500 millions de francs au titre de la loi du 12 juillet 1999 sur le développement de l'intercommunalité et 200 millions de francs au titre de la prise en compte du recensement, ce qui fait au total 1,2 milliard de francs. Nous voyons donc par là les limites mêmes de la DGF.
L'enveloppe normée est-elle encore un bon système ?
Il est permis de se poser la question, même si notre collègue M. Peyronnet nous a expliqué tout à l'heure que c'était bien mieux qu'avant. Ne sera-ce pas moins bien demain ? C'est bien cette question que se posent les élus et les responsables des collectivités locales. En effet, l'histoire n'a pas grand sens en matière fiscale.
Cette année, l'enveloppe normée prend en compte 25 % de la réalité économique, puisque son indexation comprend 25 % de la croissance du PIB. On peut dire que c'est bien, que c'est mieux qu'avant, mais on peut aussi relever que les trois quarts de la croissance du PIB ne sont pas pris en compte pour le calcul de cette enveloppe normée.
Dans la démonstration que j'essaie de faire sur l'éloignement des dotations de l'Etat de la réalité économique, c'est le dernier point que je voudrais rappeler ; même si le taux de progression de 1,475 % de cette enveloppe normée est meilleur que le taux de progression de 0,8 % de la DGF, il n'est pas satisfaisant. Le Gouvernement en a pleinement conscience puisqu'il a de lui-même décidé de nombreux abondements.
On en arrive petit à petit à l'apparition de deux régimes : on a d'abord un régime très administré, qui se traduit par la DGF et l'enveloppe normée, puis, comme ce régime a des limites, s'ensuit tout un système d'abondements. L'Etat abonde en lois de finances initiales ; il abonde au cours de la discussion parlementaire et c'est ainsi qu'apparaît un second régime de financement des collectivités locales. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques explications sur ce second régime.
Envisagez-vous une pérennisation des abondements ? Auront-ils lieu l'année prochaine ? Si vous instaurez la pérennisation, dites-le-nous ce soir ! Ce sera une avancée très importante qui nous réjouira tous !
Pour ce qui est des compensations et des dégrèvements, leurs liens se distendent de plus en plus avec l'impôt auquel ils se rapportent.
Il faut d'abord noter une réalité : la dépense fiscale de l'Etat en faveur des collectivités locales, compte tenu de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, qui en fait partie, représente plus de 100 milliards de francs. C'est donc une masse énorme. La seule taxe professionnelle totalise plus de 61 milliards de francs.
Aujourd'hui, l'Etat paie l'équivalent de 40 % de la taxe professionnelle et de 30 % des quatre taxes locales.
Voilà une observation qui nous amènera dans quelques instants à nous interroger.
Pour l'instant, restons-en aux compensations et aux dégrévements : sont-ils aussi dynamiques que l'impôt auquel ils sont attachés ?
Pour la taxe professionnelle, les bases salaires ont augmenté de 1998 à 1999 de 3 %. La compensation prévue en loi de finances initiale était, comme celle de la DGF, de 0,8 %. Après la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale elle atteignait 2,05 %. Bien sûr, 2 %, c'est mieux que 0,8 %, mais si l'on avait vraiment voulu compenser la perte supportée par les collectivités locales, c'est 3 % qu'il aurait fallu prévoir !
Si le Gouvernement a admis une progression de l'indexation pour la part salaire de la taxe professionnelle, pourquoi, monsieur le ministre, ne pas reprendre la même règle pour la compensation du plafonnement des taux des droits de mutation ? Il n'est pas normal que l'indexation de la compensation de la part salaires de la taxe professionnelle soit fixée à 2,05 % et que celle de la compensation des droits de mutation à titre onéreux sur la base 1998 soit fixée à 0,8 % sans que soit pris en compte l'essor économique constaté en 1999.
Vous admettrez que je suis le plus honnête possible puisque je constate que, sous votre Gouvernement, les droits de mutation ont produit en 1999 bien plus qu'en 1998 et que l'indexation de 0,8 % que le Gouvernement prévoit est ridicule à côté de la réalité de l'essor que connaît actuellement l'immobilier.
Si ces compensations ont des liens de plus en plus ténus avec la réalité, il n'en est pas de même pour les dépenses, qui, elles, sont en prise totale avec le réel.
Mme Luc a abordé le délicat problème des sapeurs-pompiers, problème auquel nous sommes tous confrontés. Pour satisfaire les revendications des sapeurs-pompiers professionnel, ce qui engendrera des dépenses, allez-vous mettre sur le dos des collectivités locales une charge nouvelle ou adopterez-vous une autre solution ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité vient de décider, sans aucune concertation avec les collectivités locales, d'augmenter les minima sociaux. Sur le fond, il n'y a rien à dire : il n'y a pas de raison que ces minima sociaux n'augmentent pas. Il faut simplement constater que l'augmentation de 2 % du RMI se traduit par une augmentation de 2 % des participations des collectivités locales à cet effort. Il s'agit là d'un réel problème pour les collectivités locales. Mais je n'entrerai pas plus avant dans le détail.
Je voudrais maintenant aborder la question de l'avenir réel de notre fiscalité locale et de son corollaire, l'autonomie des collectivités locales.
Traditionnellement, dans notre pays - et c'est une de ses particularités - le fait de pouvoir voter l'impôt est le signe de l'autonomie des collectivités locales. Mais, après tout, cette autonomie locale ne peut-elle pas trouver à se réaliser ailleurs que dans le vote de l'impôt ?
Nous sommes, en tout cas, confrontés à une réalité : la mise en cause de la fiscalité locale traditionnelle. L'an dernier, ce fut la taxe professionnelle. L'an dernier et cette année encore, ce furent les droits de mutation à titre onéreux. L'année prochaine - M. le ministre des finances l'a annoncé cette semaine à l'Assemblée nationale - ce sera au tour de la taxe d'habitation de faire l'objet d'une réforme.
Il est bien vrai que ces impôts ne sont pas, à proprement parler, des impôts modernes, et qu'ils méritent donc d'être remis en cause ; cela, nous ne le contestons pas.
Cela dit, l'idée selon laquelle il n'est pas possible de remplacer un impôt local est de moins en moins vraie quand c'est l'Etat qui paie en fait 30 % de ce que devrait normalement produire cette fiscalité locale. Car on a bien remplacé une partie de la taxe professionnelle, une partie de la taxe d'habitation et une partie des droits de mutation par de la TVA, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.
Dans ces conditions, il faut probablement renouveler le concept de l'autonomie des collectivités locales en matière fiscale. Dès lors que l'on arrive fort bien, chaque année, à remplacer une part de plus en plus grande de la fiscalité locale traditionnelle par une partie du produit d'impôts d'Etat, faut-il véritablement passer par une dotation budgétaire qui n'a pas de lien réel avec le produit constaté de ces impôts ? N'est-il pas temps, monsieur le ministre, de réfléchir à un partage réel de ces impôts d'Etat, modernes ceux-là, acceptés - la TVA, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés - entre l'Etat et les collectivités locales ?
C'est une question que nous devons nous poser, car la mise en oeuvre de la responsabilité locale suppose que soit maintenu le lien avec l'économie. Autrement dit, lorsque l'économie produit des ressources, les collectivités locales doivent pouvoir en bénéficier, mais, à l'inverse, lorsque l'économie traverse des difficultés, les collectivités locales doivent aussi en subir les conséquences, sans être trop à l'abri de dotations strictement administrées.
Les collectivités locales sont-elles aujourd'hui, comme on le dit parfois, les oubliées de la croissance ? Et d'abord, pourquoi une telle idée est-elle émise ? Probablement parce que le Gouvernement semble vouloir, depuis quelque temps, masquer la réalité des plus-values fiscales encaissées par l'Etat, et aussi parce qu'on a organisé une sorte de concours d'idées pour savoir ce que l'on pourrait bien faire de ces plus-values.
On note, par ailleurs, que les taux de croissance des concours que l'Etat prévoit pour les collectivités locales sont très inférieurs à la réalité de la croissance économique. C'est notamment le cas de la DGF. Honnêtement, cette année le problème de la régularisation négative de la DGF est posé.
Une amélioration très significative a pu cependant être enregistrée à cet égard au cours de la discussion du projet de loi de finances. Force nous est de reconnaître que le Gouvernement, depuis le dépôt de ce projet de loi, a fait des efforts. Vous me permettrez, toutefois, monsieur le ministre, de regretter au passage que les efforts en question aient été répartis de manière quelque peu inégale entre les deux chambres du Parlement.
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Hamel. Un si remarquable exposé sur des sujets si graves exige un peu de temps, monsieur le président !
M. Jean Chérioux. La solidarité rhodanienne s'exprime ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Vous m'accorderez certainement quelques secondes de plus, monsieur le président, pour défendre le Sénat.
Devant l'Assemblée nationale, donc, le Gouvernement a accordé 500 millions de francs d'abondements pour la dotation de solidarité urbaine, 250 millions de francs pour la dotation de solidarité rurale, à quoi s'ajoutent - car je tiens à être à la fois honnête et exhaustif - les 400 millions de francs que le Gouvernement prévoit au titre de l'exonération de la taxe d'habitation pour certains contribuables.
Heureusement, monsieur le ministre, vous avez bien voulu rétablir un certain équilibre en accordant tout à l'heure au Sénat 350 millions de francs pour les services départementaux d'incendie et de secours.
Ces abondements sont tout à fait significatifs, mais se pose la question de leur pérennisation.
L'autre problème qui doit être soulevé est celui de l'apparition de deux régimes concernant les transferts financiers de l'Etat vers les collectivités locales. Nous serons heureux de vous entendre sur ce point.
En conclusion, j'indiquerai que cette amélioration très sensible des crédits que votre ministère consacrera aux collectivités locales nous amène à proposer au Sénat de les voter. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a examiné le volet « décentralisation » du projet de loi de finances sous le triple aspect de l'administration territoriale de l'Etat, des finances locales et des enjeux majeurs pour la décentralisation et la démocratie locale.
L'avis approuvé par notre commission évoque en détail les dispositions qui s'y rapportent. Je n'y reviendrai donc pas et me bornerai à évoquer plus particulièrement trois problèmes : le contrat de croissance et de solidarité, les conditions d'exercice des mandats locaux, l'intercommunalité.
L'an 2000 sera la deuxième année d'application du contrat de croissance et de solidarité, qui représente incontestablement un progrès par rapport au pacte de stabilité parce qu'il prend en compte, contrairement à ce dernier, une fraction du taux du PIB : 20 % en 1999, 25 % en 2000.
En fonction d'une enveloppe ainsi normée, notre collègue Michel Mercier vient de le rappeler, une progression de 1,475 % est enregistrée pour l'ensemble des concours de l'Etat. Au sein de cette enveloppe, la DGF connaît cependant une progression de 2,04 % parce que plusieurs abondements extérieurs exceptionnels, hors enveloppe normée, s'y ajoutent, au titre de la DSU, des bourgs-centre, de l'intercommunalité et du recencement.
Ces abondements extérieurs mettent en évidence l'insuffisance de l'indexation actuelle, alors que les collectivités locales, sur lesquelles reposent 75 % des investissements publics, sont en droit d'attendre un juste retour et donc un partage plus équitable des fruits de la croissance. Cela apparaît d'autant plus indispensable qu'elles doivent subir des charges en augmentation dont elles n'ont pas la maîtrise et que la part croissante que prennent les concours de l'Etat par rapport à la fiscalité locale met en péril le principe de la libre administration des collectivités locales et l'avenir - cela vient d'être rappelé - du financement local.
Ma deuxième observation concerne les conditions d'exercice des mandats locaux.
L'action publique locale est de plus en plus entravée et rendue difficile par une complexité excessive, par une inflation normative, par l'imprécision et la prolifération de certains textes, par une technicité accrue, par un environnement juridique incertain.
Ce constat conduit les élus à souhaiter avec insistance une clarification de la responsabilité pénale des élus locaux - vous le savez, monsieur le ministre - et des conditions d'exercice des mandats locaux, de nature à enrayer le découragement de trop d'élus et à susciter des vocations dans tous les milieux professionnels.
M. Emmanuel Hamel. Et dans toutes les classes d'âge !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis. Toutes les consultations entreprises, toutes les réunions d'élus, le récent congrès de l'Association des maires de France ont démontré qu'il s'agit, en l'occurrence, d'un problème prioritaire et qu'il est urgent d'y trouver une réponse concrète.
Le Sénat sera amené à débattre de la responsabilité pénale dès le mois de janvier, sur la base d'une proposition de loi de M. Fauchon.
Je me bornerai à conclure sur ce point en rappelant que la clarification recherchée ne saurait ressembler ni à la quête d'un privilège ni à celle d'une immunité, les élus responsables de leurs collectivités cherchant simplement à être considérés de la même façon que tous ceux qui, dans d'autres secteurs de la société, excercent des responsabilités.
Ma dernière observation a trait à l'intercommunalité.
La loi du 12 juillet 1999 a été votée au terme d'un long débat. Elle est le fruit d'une large concertation et d'un accord entre les deux assemblées et vous-même, monsieur le ministre. Elle réussit, pour l'essentiel, à concilier les deux principes fondamentaux du libre choix des communes, d'une part, et de la solidarité, notamment financière, d'autre part.
Beaucoup d'initiatives tendant à créer, dans le cadre de la nouvelle loi, de nouvelles communautés d'agglomération et de communes ont déjà été prises. Cependant, quelques questions d'ordre pratique restent posées.
Un certain nombre de décrets d'application n'ont pas encore été publiés. Le seront-ils rapidement ? En effet, des interprétations divergentes sont faites actuellement, selon les préfectures ; il est urgent qu'elles soient harmonisées, et cela en tenant compte au moins autant des réalités du terrain que de considérations théoriques.
Par ailleurs, l'annonce dans la loi de montants de la DGF majorés de 175 francs pour les communautés de communes et de 250 francs pour les communautés d'agglomération ne doit pas induire en erreur. Sont-elles toujours considérées comme des moyens tributaires, en particulier, du coefficient d'intégration fiscale ou comme des minima ? La réponse à cette question est d'autant plus urgente que les services du ministère de finances ne sont pas en mesure de réaliser des simulations précises, que divers organismes, notamment privés, présentent des simulations inexactes et que les nouvelles communautés entrent dans la phase de préparation budgétaire.
Telles sont quelques-unes des observations et questions qui se dégagent de l'avis de la commission des lois. Celle-ci a décidé de s'en remettre, en ce qui concerne la partie « décentralisation » du budget du ministère de l'intérieur, à la sagesse du Sénat, une sagesse, monsieur le ministre, à laquelle je donne, pour ma part, une tonalité résolument positive. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Sagesse que votre lumière éclaire !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ordre du jour des travaux du Sénat, en ce vendredi 10 décembre, contient des textes très importants pour les collectivités locales : le budget de la décentralisation et le projet de loi relatif aux conséquences du dernier recensement sur les dotations financières des collectivités locales, que nous avons adopté cet après-midi.
Pour ce qui est du budget de la décentralisation, il met en lumière la confusion qui règne dans les décisions du Gouvernement en révélant au grand jour les contradictions entre son discours et ses actes, même si ces derniers sont, pour l'instant, peu probants.
Le discours, c'est celui du Premier ministre, lors des journées parlementaires socialistes à Strasbourg, ou, devant les élus eux-mêmes, au congrès de l'Association des départements de France ou encore au congrès de l'Association des maires de France. Nous sommes sensibles à ce que, dans le droit-fil des lois Defferre, le Premier ministre semble ainsi découvrir la question de la décentralisation tant il ne paraît pas avoir jugé ce dossier prioritaire jusqu'à présent.
Mais que fait, concrètement, le Gouvernement ? Il crée une commission. Une commission de plus, oserais-je dire, au pluralisme de façade. C'est d'ailleurs ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « méthode Jospin ». Comme toute commission, celle-ci doit d'abord réfléchir et, ensuite, éventuellement, formuler des propositions.
Pour notre part, nous pensons qu'il est toujours préférable d'être actif, plutôt que de penser trop intensément. D'ailleurs, à combien de bilans ou d'états des lieux de la décentralisation en sommes-nous ? Le Sénat, dans sa vocation à être le représentant des collectivités territoriales, a, quant à lui, anticipé l'action du Gouvernement.
Il a engagé, le premier, la réflexion dans le cadre d'une mission d'information pluraliste sur la décentralisation et le président Poncelet anime les états généraux des élus locaux, dans le souci de proximité des élus et du contact sur le terrain qui a toujours été notre préoccupation première.
M. Jean-Claude Peyronnet. Oh là là !
M. Jean-Claude Carle. Malheureusement, il n'est pas tenu compte de ces démarches. Le Gouvernement n'a pas confiance dans les inititatives des élus de la nation. Serait-ce pour des raisons politiciennes ? (Murmures sur les travées socialistes.) Nous n'oserions le croire, monsieur le ministre. En tout état de cause, la mise en place de cette nouvelle commission fait fi non seulement des travaux du Sénat, dans son ensemble, mais aussi de ceux des associations d'élus telles que l'Association des maires de France, l'Association des départements de France et l'Association des régions de France, qui se sont toujours fortement mobilisées sur ce dossier.
Monsieur le ministre, nous doutons de votre volonté d'engager véritablement la deuxième étape de la décentralisation par des actes concrets.
La commission présidée par Pierre Mauroy devrait rendre ses conclusions au printemps prochain. Le calendrier électoral vous permettra-t-il, alors, de présenter des textes substantiels au Parlement ? Permettez-moi de m'interroger d'autant que, jusqu'à maintenant, le Gouvernement n'a pas manqué de « grignoter », chaque fois qu'il en avait l'occasion, un peu plus du pouvoir concédé aux collectivités locales.
J'en veux pour preuve autant les textes de loi adoptés par votre majorité que l'absence de certaines réformes.
Plusieurs lois, présentées par le Gouvernement depuis deux ans, traduisent, dans les faits, le retour de l'Etat jacobin et vident nos collectivités de leur substance. Je prendrai deux séries d'exemples.
Premièrement, les collectivités territoriales sont de plus en plus privées de leur capacité à percevoir et à définir l'impôt pour être mises en situation de plus grande dépendance de l'Etat, pour les dotations comme pour les compensations. J'en veux pour preuve, d'une part, la réforme de la taxe professionnelle, qui s'est traduite par un mécanisme de compensation de l'Etat aux collectivités territoriales, dans une logique centralisatrice ; d'autre part, la suppression des parts régionales et départementales des droits de mutation, qui limite l'autonomie des départements et des régions.
Deuxièmement, le Gouvernement se livre à une recentralisation de la politique de proximité.
Par exemple, la loi sur la CMU, la couverture maladie universelle, a supprimé les contingents communaux d'aide sociale et la compétence de gestion de l'aide médicale des départements. Concrètement, ce qui a été supprimé, c'est l'action de proximité assurée par les élus et adaptée aux besoins.
Par ailleurs, il est clair que l'absence de réformes dans certains domaines ne répond pas aux attentes des collectivités territoriales.
Quand sera présenté au Parlement le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales ? Ce texte permettrait d'aborder le problème du développement économique, et donc de l'emploi, d'une autre façon que les mesures uniformes, autoritaires, complexes de Mme Aubry. Le partenariat et la proximité décupleraient, en effet, l'efficacité de ces mesures.
Au sujet de la responsabilité pénale, il a fallu toute la mobilisation des élus et la multiplication des procédures judiciaires pour que le Gouvernement prenne conscience des réalités. Ce ne sont pas seulement les statistiques qui importent, mais leur perception : le malaise est profond chez les élus du fait des conséquences psychologiques et politiques d'une mise en cause, qu'elle soit ou non suivie d'une condamnation. C'est d'ailleurs à l'initiative du Sénat que sera débattu un texte sur cette question, en janvier prochain.
A cette occasion, monsieur le ministre, accepterez-vous la possibilité de mettre en cause la personne morale de la collectivité locale, et non l'élu, lorsqu'il n'y a pas faute intentionnelle, comme le souhaitent la plupart des maires ? Car, sans vouloir une justice d'exception, il faut réconforter nos élus et nos concitoyens pour qu'ils s'engagent davantage dans la vie politique, M. Hoeffel l'a très bien rappelé il y a quelques instants.
De même, allez-vous établir un véritable statut de l'élu qui ne se limite pas à quelques dispositions ponctuelles au détour d'un texte, mais qui traite des problèmes matériels, de formation, de retour à l'emploi ; car, monsieur le ministre, c'est la représentation même de notre démocratie qui est en cause ? Nous devons permettre l'égal accès de tous les citoyens à la vie publique. Or ce n'est pas le cas actuellement, car nos assemblées sont majoritairement composées de femmes et d'hommes de qualité, certes, mais issus de la fonction publique, car ils sont mieux protégés que d'autres si leur mandat prend fin prématurément.
Par ailleurs, comment s'étonner que, du fait de la composition même du Parlement, des distorsions existent entre les textes et la réalité ? Comment s'étonner des dysfonctionnements qui en découlent et des difficultés à régler certains problèmes, d'ordre économique en particulier ?
Au risque de choquer, monsieur le ministre, sommes-nous encore aujourd'hui dans une démocratie représentative ? Je pose la question. Il convient, au-delà de nos différences politiques, d'y apporter remède sinon, demain, seuls les fonctionnaires, les retraités et les rentiers auront accès à la vie publique. C'est tout aussi urgent et important que la parité.
Nous assistons donc, touche par touche, texte par texte, à une recentralisation et à un renforcement des prérogatives de l'Etat, au détriment de la libre administration des collectivités locales : la décentralisation est progressivement transformée en un vain mot.
A l'opposé, la logique de la décentralisation doit être une logique de subsidiarité, de la base vers le haut, reflétant la participation active de tous à la « chose publique » et à la prise de décision - l'Etat n'intervenant que pour garantir un équilibre, global et juste. La décentralisation n'est pas un état figé où les collectivités locales dépendent du bon vouloir de l'Etat. Cette logique comporte deux conséquences majeures.
D'une part, il n'y a pas de décentralisation sans réforme de l'Etat. Monsieur le ministre, je suis un ferme partisan de la décentralisation, non pas pour des raisons idéologiques, mais par réalisme. L'effet de levier est évident, et je vous en donne un exemple : sur 17 milliards de francs consacrés aux lycées rhône-alpins, la région a engagé 11 milliards de francs sur ses fonds propres. Sans ces politiques particulières contractualisées, jamais l'Etat n'aurait, seul, fourni un tel effort.
D'autre part, la décentralisation doit instaurer la coopération entre les élus et les représentants de l'Etat, tout en préservant l'indépendance de chacun.
Ainsi, si la décentralisation signifie le partenariat et la proximité, elle implique aussi un Etat fort ; ce n'est pas contradictoire, parce qu'il doit s'agir d'un Etat qui assume ses responsabilités et qui, au lieu de se mêler de tout, sache aussi déléguer à d'autres, mieux placés que lui, des tâches que, du fait de l'évolution de notre société, il ne peut plus assurer.
Notre société a, en effet, évolué très rapidement. L'instantanéité de l'information oblige à la réactivité et à la souplesse. Les entreprises l'ont bien compris. Celles qui ne l'ont pas intégré ne sont plus là. Seul, le tandem administration-politique se refuse à voir les choses en face. Il nous faut passer d'une démocratie descendante à une démocratie ascendante : ce serait la grande force de la France.
Mais nous nous rendons compte, aujourd'hui, que la logique du Gouvernement est tout autre. Elle se résume en deux formules : pas de réforme de l'Etat et diviser pour régner, c'est-à-dire favoriser une compétition inutile entre les collectivités territoriales au détriment de l'affirmation de leur responsabilité et de la coopération. Il est, à ce titre, remarquable de revenir sur les conditions de négociation des futurs contrats de plan.
Plus encore que les moyens, c'est le contenu même des contrats de plan dont il convient de débattre. Sont-ils encore des éléments structurants des territoires ou sont-ils un catalogue à la Prévert ? Ainsi, en multipliant les intervenants dans le cadre de ces contrats, vous avez multiplié les rivalités en une course aux subventions qui ne fait que renforcer les pouvoirs du préfet de région.
Ces incohérences entre les paroles et les actes, que je viens de dénoncer, et le démarrage, plus que poussif, de la deuxième étape de la décentralisation se révèlent pleinement dans le budget qui nous est soumis.
Je ne retiendrai que deux points pour illustrer ces propos.
Tout d'abord, l'amélioration des dotations initialement prévues par le Gouvernement, grâce aux amendements votés par le Sénat en première partie de la loi de finances, n'est qu'un sursaut du Gouvernement face à la détermination des élus pour assurer un meilleur partage des fruits de la croissance. Mais il ne s'agit là que de hausses ponctuelles pour l'an 2000, sans aucune garantie de reconduction pour l'avenir.
Ensuite, la question de l'autonomie fiscale se pose aujourd'hui avec acuité. Les rapporteurs de l'Assemblée nationale issus de votre majorité, MM. Dosière et Saumade, en ont d'ailleurs fait ouvertement état dans leurs rapports. Je suis, à ce sujet, convaincu qu'il faut arrêter l'intégration des finances locales et garantir aux collectivités territoriales leur capacité à lever l'impôt : c'est le gage de leur indépendance et du respect du principe de libre administration.
Dans ces conditions, et je rejoins là ce que j'ai dit précédemment, nous devons passer d'une démocratie centralisée à une démocratie plus proche des hommes, qui se fonde sur les valeurs de partenariat et de proximité, d'une démocratie descendante à une démocratie ascendante ; l'évolution de notre société l'exige.
La politique menée par le Gouvernement ne répond pas à ces objectifs, pas plus que votre projet de budget, monsieur le ministre. C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants ne le votera pas.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, entre le rapport de l'observatoire des finances locales et les nombreuses prises de position des élus locaux s'alarmant de la situation de leurs collectivités, il y a un fossé important.
Certes, le constat dressé dans le rapport est juste. Le contexte a été amélioré, en partie grâce aux lois de finances de 1998 et de 1999, et également parce que les collectivités ont pu bénéficier, compte tenu de la conjoncture, d'un réaménagement de leurs dettes et de conditions favorables pour les emprunts récents.
La loi de finances pour 1999 a permis aux collectivités locales, avec l'instauration du pacte de croissance et de solidarité, de bénéficier plus fortement des fruits de la croissance.
L'Association des maires de France note que, si nous en étions restés à l'ancien pacte de stabilité, les budgets des collectivités auraient encore été amputés de 3,7 milliards de francs.
Il y a donc un mieux, mais il ne résout pas pour autant les problèmes financiers des collectivités.
Le chômage, la précarité, la violence sont autant de difficultés supplémentaires à gérer pour les collectivités locales, qui voient également monter en puissance un certain nombre de contraintes auxquelles elles devront se plier au prix souvent de lourds investissements, comme pour les travaux d'eau et d'assainissement, l'élimination des déchets ou la protection de l'environnement.
Il nous faut aussi tenir compte des conditions dans lesquelles se réaliseront la souhaitable pérennisation des emplois-jeunes et l'application des 35 heures dans la fonction publique qui ne peuvent, ni l'une ni l'autre, reposer sur les seules épaules communales.
Ces deux derniers défis relèvent d'une priorité : l'emploi. Cette priorité a d'ailleurs motivé l'une des réformes principales de la loi de finances pour 1999, à savoir la suppression progressive de la part salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle.
Nous avons, à la mi-octobre, pris connaissance, dans le rapport remis au Parlement par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, des répercussions de la réforme sur l'emploi. Mais le rapport est muet sur le parallèle que nous aurions souhaité voir mis en avant entre le coût de la réforme et l'utilisation qu'en font les entreprises.
En effet, la simple suppression progressive de la part salaires peut produire des effets contraires à ceux qui sont recherchés, le surplus de profits induit par cette suppression pouvant être affecté à des placements financiers au détriment des actifs physiques et matériels.
C'est la raison pour laquelle, tout en soutenant la réforme, les parlementaires communistes auraient souhaité élargir l'assiette de la taxe professionnelle aux actifs financiers.
La question de la pérennité de la taxe professionnelle et de l'autonomie fiscale des collectivités locales reste, par conséquent, en suspens, et nous le regrettons.
Si les lois de décentralisation en ont posé fortement le principe, force est de constater que l'autonomie des collectivités territoriales n'est pas effective, eu égard aux moyens financiers dont elles disposent et à leur provenance.
Plus de 50 % des recettes des collectivités proviennent de l'Etat, et il ne se profile pas, dans les différentes réformes, de changement en la matière.
Globalement, la part des impôts locaux est en baisse, alors que les dotations d'Etat ne recouvrent qu'une partie de ce qu'elles devraient compenser.
J'en veux pour exemple la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, qui devrait compenser aux collectivités locales l'abattement généralisé de 16 %, la compensation du plafonnement des taux de la taxe professionnelle et, depuis l'an dernier, de celle qui est liée à la suppression progressive de la part salaires.
Aujourd'hui, on est loin du compte. Cette année encore, la DCTP aurait dû être réduite de 700 millions de francs, si l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale n'avait pas permis d'améliorer le dispositif de compensation de la suppression de la base salaires de la taxe professionnelle, en modifiant le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
Le projet de loi de finances pour 2000 intègre les majorations exceptionnelles prévues pour trois ans en loi de finances initiale de 1999, tant pour la dotation de solidarité urbaine que pour la dotation de solidarité rurale.
Un effort supplémentaire est réalisé pour favoriser la mise en place de coopérations intercommunales.
En outre, l'examen du texte par les deux chambres du Parlement a permis l'adoption d'autres mesures favorables aux finances locales.
Au total, les majorations votées en 1999 ajoutées à celles qui sont contenues dans le présent projet de loi de finances s'élèvent à deux milliards de francs. Ces majorations doivent cependant être relativisées, eu égard au montant global des dotations qui avoisinent les 160 milliards de francs, hors fiscalité transférée, et à la baisse de plus de 7 milliards de francs du montant global de l'enveloppe normée.
Cette baisse résulte essentiellement de l'application des mesures votées dans le cadre de la couverture maladie universelle - 8 milliards de francs sur la dotation générale de décentralisation - due aux transferts des contingents d'aide sociale des communes vers les départements.
Ce transfert nécessitera d'être étudié de plus près du point de vue financier, car certaines communes vont, une fois de plus, être, hélas ! les grandes perdantes de cette avancée sociale pour nos compatriotes, ce qui reste primordial.
Nous attendons également une réforme d'ampleur de la taxe d'habitation, qui reste une charge importante pour nos compatriotes, alors qu'elle est l'un des impôts les plus injustes qui soit.
Cela dit, nous nous félicitons de la mise en place de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales. Nous espérons vivement qu'elle aboutira à des réformes ambitieuses, en ce qui concerne tant le niveau financier que les compétences et attributions des collectivités.
La décentralisation doit être rénovée et modernisée. Le Gouvernement a mis cet objectif au coeur de ses préoccupations, comme en témoignent de nombreux projets de loi.
Nous apprécions, monsieur le ministre, l'effort consacré cette année par l'Etat aux collectivités, et donc la prise en compte d'une partie non négligeable des demandes des élus locaux. Nous nous en félicitons et nous approuvons donc ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans revenir sur l'architecture générale du plan budgétaire relatif à la décentralisation, je souhaiterais aborder trois points : d'abord, l'oubli, certes relatif, des collectivités par le Gouvernement ; ensuite, les insuffisances du système de financement local ; enfin, les diverses tentatives de remise en cause du processus de décentralisation, remise en cause qu'il nous est, bien sûr, difficile d'accepter.
Après bientôt vingt ans d'application, les responsables locaux tiennent toujours - et peut-être de plus en plus, car tous ne les avaient pas acceptés en 1982 - aux principes adoptés à ce moment-là et regrettent tous le manque de moyens dont souffrent les collectivités.
Le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, constitue effectivement un effort de la part du Gouvernement à l'égard des collectivités. En effet, les dotations aux collectivités locales prévues dans le projet initial élaboré par votre ministère s'élèvent, hors fiscalité transférée, à 291,14 milliards de francs, soit une progression de 2,67 %. La DGF augmentera de 0,82 %. Je voudrais faire remarquer - et peut-être cela n'est-il pas assez dit - que les collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public civil de notre pays, contre 30 % pour l'Etat. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que les concours de l'Etat qu'elles reçoivent en retour ne sont pas proportionnels. D'ailleurs, notre collègue Hoeffel, dans son rapport sur la décentralisation, a écrit que « les collectivités locales sont les oubliées du partage des fruits de la croissance ». Cette phrase est toujours d'actualité en 1999.
Le processus de décentralisation se traduit par le transfert de compétences de l'Etat à des institutions juridiquement distinctes de lui, bénéficiant de l'autonomie de gestion. En fait, la décentralisation ne peut être effective - je me reporte au manuel de référence de droit administratif - que si trois conditions existent : d'abord, la personnalité juridique de l'institution décentralisée, exigence satisfaite depuis 1982 ; ensuite, l'indépendance des autorités décentralisées entraînant l'élection des équipes locales, cette condition est également satisfaite ; enfin - et j'attire votre attention sur ce point - « la disposition de moyens suffisants », c'est-à-dire le fait que les autorités disposent des moyens techniques et financiers leur permettant d'exercer, selon leurs vues, les pouvoirs dont elles sont investies. On peut en ce sens regretter que le budget pour 2000 ne marque pas un effort assez important en faveur des collectivités, alors que la situation de la France - tout au moins, c'est ce que l'on nous dit constamment ; on parle même d'une cagnotte cachée - est sous le signe de la croissance.
On peut également déplorer, même si votre budget n'est pas le seul en cause, que les moyens transférés à l'échelon local ne soient pas toujours à la hauteur des compétences transférées. Si, pour les transferts de compétence classiques, des règles claires sont établies pour les transferts financiers, pour d'autres secteurs, le moins que l'on puisse dire c'est qu'une clarification importante s'impose, qu'il s'agisse, entre autres domaines, des établissements scolaires et des routes. Il est donc indispensable de clarifier les relations entre l'Etat et les collectivités.
Parallèlement et d'une manière plus générale - l'actuel Gouvernement n'est pas le seul responsable - la part croissante des dotations dans l'ensemble des ressources des collectivités doit être critiquée.
D'abord, le système est complexe. Certes, il trouve sa justification dans la volonté d'opérer une péréquation, à savoir un rééquilibrage entre les collectivités, la décentralisation, monsieur le ministre, étant surtout synonyme de liberté, et nous devons nous en souvenir. Toutefois, une rénovation du système existant s'impose.
Comme vous l'avez dit vous-même à plusieurs reprises, le système fiscal actuel, pour sa part, est totalement inadapté. J'ajouterai qu'il est obsolète, rigide, et ne rend pas compte de la réalité des collectivités. Pourtant, la fiscalité locale est le fondement du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales : elle doit être préservée. M. le rapporteur a longuement évoqué ce point tout à l'heure ; je souscris à son propos.
Le bilan du système des ressources locales est donc négatif, alors que les responsables locaux, pour leur part, ont des responsabilités de plus en plus grandes, qu'ils ne peuvent refuser d'assumer. Nous avons, sur le plan municipal, des responsabilités de plus en plus importantes dans les domaines de la santé, de l'enseignement supérieur, des routes, de la sécurité.
On est donc tenté de souhaiter une remise à plat du système de financement local. Le Gouvernement a d'ailleurs conscience du problème ; mais, alors que l'Etat a tendance à prendre de plus en plus en charge le financement des collectivités, notamment la fiscalité locale, par des procédés divers, comme le dégrèvement ou les compensations, on doit en tout état de cause éviter de remplacer la fiscalité locale par une généralisation des dotations, car cela représente, sans le dire, une étatisation au mépris des principes décentralisateurs de 1982. En vérité, l'accomplissement de la décentralisation est subordonné à la détention de moyens propres de financements suffisants, c'est-à-dire, je le répète, à une réforme adéquate de la fiscalité locale.
Certains élus sont tentés de solliciter, dans le cadre de leur activité, l'aval du représentant de l'Etat pour les actes administratifs qu'ils soumettent au vote de leurs collègues.
Un certain nombre d'initiatives prises ici ou là tendent à remettre en cause le système de contrôle actuel des actes des collectivités locales. Si nombre de responsables locaux se trouvent dans une situation inconfortable en voyant certains de leurs actes attaqués devant le juge, il paraît peu opportun, à mes yeux, de modifier le contrôle existant, en faisant intervenir notamment, comme cela est parfois proposé, le préfet, symbole du processus de déconcentration.
Depuis 1982, les collectivités territoriales peuvent s'administrer librement dans le cadre des lois. C'est un changement notable par rapport à l'époque antérieure, qui était celle du contrôle a priori et du contrôle d'opportunité. Certes, la décentralisation a entraîné des dérives, les juridictions sanctionnant d'ailleurs un certain nombre d'actes illégaux.
Pourtant, c'est la simple conséquence de l'exercice de la liberté de gestion. On peut naturellement comprendre aisément que les responsables locaux confrontés à une législation de plus en plus complexe, à une multiplication des recours juridictionnels, demandent au législateur une meilleure protection légale. Néanmoins, les représentants de la nation doivent se souvenir des efforts qui ont été faits en 1982 pour donner aux collectivités cette liberté, inhérente à l'efficacité.
Aussi, alors que le Parlement doit permettre aux élus locaux d'être placés dans une position moins dangereuse, en évitant la mise en cause de leur responsabilité pénale d'une manière trop générale, il ne doit en aucun cas leur lier de nouveau les mains, liens que la loi a rompu en 1982.
Il est au demeurant possible de proposer en ce sens un système d'assistance juridique aux responsables locaux.
J'en viens à un sujet dont on parle souvent et que je tiens à évoquer : le fonctionnement des chambres régionales des comptes. Celles-ci devraient pouvoir donner des avis aux collectivités. Or, vous le savez, ce n'est pas le cas de toutes les chambres régionales des comptes.
Je me permettrai de vous citer ce qui m'est arrivé lorsque j'ai été élu maire. Il était de tradition dans ma commune d'offrir aux retraités une prime par l'intermédiaire du comité d'action sociale du personnel. J'ai demandé au président de la chambre régionale des comptes si cela était légal. Il m'a répondu : ce n'est pas à moi de vous le dire ; vous agissez comme vous l'entendez, je suis là pour vous contrôler. Quelques années après, le président a changé et lui m'a indiqué que c'était illégal et qu'il était préférable de l'inclure dans les salaires. Il s'agit de deux attitudes différentes. Il n'est pas normal que les chambres régionales des comptes ne puissent, à la demande des maires qui sollicitent leur point de vue sur une délibération, exprimer un conseil...
M. Lucien Lanier. Très juste !
M. André Vallet. ... car un maire, un élu, ne peut pas tout connaître. Je ne comprends pas que l'on puisse répondre : agissez et après nous sanctionnerons.
Ainsi, et pour conclure, le principe de la décentralisation entraîne de facto une responsabilité réelle des élus locaux : le contrôle de leurs actes ne peut être qu'un contrôle de légalité, a posteriori, juridictionnel.
Si, après vingt ans, le processus de la décentralisation s'essouffle, on ne doit en aucun cas le stopper. Il faut plutôt poursuivre dans cette voie, en évitant les dérives.
Pour ces différentes raisons, je tiens, en rendant hommage aux parlementaires qui ont rédigé des rapports tendant à faire un bilan du processus de la décentralisation, à mettre l'accent sur l'utilité de ces travaux, qui permettent au Sénat d'être réellement la voix des collectivités locales et de compléter l'action du Gouvernement.
Le chantier reste ouvert, et nous serons très attentifs aux travaux de la commission de décentralisation que vous avez mise en place, monsieur le ministre. J'ose espérer qu'un large débat sera organisé dans cette assemblée lorsqu'elle aura remis ses conclusions. (Applaudissements sur les travées du RPR. - MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la décentralisation sera, comme celui de la sécurité civile, voté sans difficulté par le groupe socialiste. Ce disant, j'ai évidemment conscience que le suspense n'était pas insoutenable !
Je crois qu'une bonne progression des concours de l'Etat est, comme MM. les rapporteurs l'ont souligné, la preuve de l'efficacité du contrat de croissance et de solidarité, en tout cas de sa supériorité par rapport au pacte de stabilité du gouvernement précédent, qui ne tenait pas compte des fruits de la croissance.
Cela étant, on peut toujours se plaindre... On peut aussi affirmer, comme l'ont fait certains orateurs, que les collectivités sont les grandes oubliées de la croissance. Cela est pourtant moins vrai aujourd'hui que cela ne l'était avant 1997. Il est vrai également que l'enveloppe dite « normée » ne progresse que d'un peu plus de 1,5 %, mais ce pourcentage est tout de même deux fois supérieur au taux de l'inflation. En outre, des concours complémentaires ont été prévus, notamment à la suite de l'examen par l'Assemblée nationale de ce projet de budget.
On peut donc critiquer cette politique des « petites boîtes », il reste que, au total, la DGF progresse de plus de 2 %, et c'est tout de même ce qui compte. Je sais bien que, comme l'indiquent les rapporteurs, en tout cas dans leurs écrits, nous subissons sans maîtrise la progression de masses salariales déjà souvent élevées, et que le pire est à venir avec le passage aux 35 heures et la pérennisation des emplois-jeunes. Je sais aussi que l'Etat nous impose, de fait, un certain nombre de charges que, c'est le moins que l'on puisse dire, nous n'avons pas souhaitées. Il n'en demeure pas moins que l'effort du Gouvernement en faveur des collectivités locales est appréciable.
Je n'entrerai pas dans le détail d'un projet de budget qui a été parfaitement analysé par nos excellents rapporteurs, dont je ne partage pas toutes les conclusions, même si j'approuve nombre d'entre elles, notamment celles qui ont trait aux droits de mutation et à l'absence de prise en compte, dans la compensation, de la croissance très forte enregistrée en 1999. Je me bornerai donc à aborder des questions qui me semblent d'importance.
Mon propos, qui se limitera à quelques brèves remarques, portera ainsi essentiellement sur la fiscalité locale et sur sa nécessaire évolution.
Je voudrais d'abord dire que c'est par un véritable abus de langage que l'on parle encore de poursuite de la réforme de la fiscalité locale. De quelle réforme s'agit-il ? Même les bases de calcul de ces impôts n'ont pas été revues.
La dernière ébauche de réforme fut, à la fin de 1992, la tentative, avortée, de lier la part départementale de la taxe d'habitation au revenu. Pour le reste, nous avons assisté à de simples suppressions ou allégements, que l'on ne peut pas contester : il est en effet normal que l'Etat essaie de jouer sur des leviers économiques puissants, comme le sont certains impôts, par exemple la taxe professionnelle - cela est sans doute moins vrai pour les droits de mutation. Mais il demeure que ces allégements sont compensés par des dotations de l'Etat. Ce n'est donc pas une réforme, c'est un retour de la tutelle.
C'est en tout cas ce que je pensais dire avant que M. Carle n'intervienne d'une façon tellement excessive que j'ai envie de retirer cette formule. Disons donc que c'est un risque de retour de la tutelle.
On m'objectera que, dans d'autres pays européens, les collectivités locales ne lèvent pas d'impôt local. Cependant, il arrive qu'elles perçoivent l'impôt national. En tout état de cause, on ne peut comparer la France à ses voisins européens. L'histoire de notre pays fait que toute réduction de la capacité de fixation de l'impôt par les collectivités locales ne peut être perçue que comme une recentralisation.
Pourtant, nous arrivons à un stade où le poids des dotations de l'Etat dans le financement des collectivités amène à poser réellement le problème de l'avenir des finances locales, moins d'ailleurs en termes de volume qu'en termes de bases. Sur quelles bases les futures ressources fiscales locales seront-elles assises ? C'est une question de fond, la première à se poser si l'on veut réaliser une vraie réforme. A cet égard, je pense que la commission présidée par Pierre Mauroy pourra peut-être, quoi qu'en pense M. Carle, faire progresser la réflexion sur ce problème.
La solution du partage, qui a été évoquée par M. Mercier, est sans doute acceptable, pour autant qu'elle soit négociée et que l'évolution soit parallèle à celle de la ressource d'Etat, avec d'ailleurs tous les risques que cela comporte. Il demeure malgré tout que le métier de président d'exécutif local serait très différent de ce qu'il est actuellement s'il consistait à gérer une enveloppe sur laquelle cet exécutif n'aurait plus la moindre prise. Si telle doit être la solution retenue, je me félicite d'arriver au terme de ma carrière ! (Sourires.)
En complément à cette remarque, je formulerai maintenant quelques observations sur des points auxquels il me semble que nous ne sommes pas assez attentifs.
Tout d'abord, pourquoi le Parlement continue-t-il impertubablement à réactualiser les bases ? Puisque nous sommes dans le fictif, dans le virtuel, assumons cette situation. Certes, je comprends que l'on infléchisse l'évolution de ces bases selon celle de la richesse nationale, mais, en appliquant de façon uniforme une réactualisation dite « légale », on aboutit à des effets pervers. En effet, on reproduit à l'infini un système qui restera toujours complètement déconnecté de la réalité tant qu'il n'y aura pas eu de réactualisation effective - et j'ai cru comprendre que ce n'était pas pour demain !
Par ailleurs, ce faisant, on réactualise seulement les bases de la fiscalité des ménages. Par conséquent, toute évolution uniforme des taux dans telle ou telle collectivité - et la liaison des taux incite à une évolution uniforme - se traduit mécaniquement par une pression fiscale plus forte sur les ménages qu'elle ne l'est sur les entreprises.
Enfin, a-t-on mesuré le fait que, en compensant automatiquement les allégements décidés par l'Etat sans tenir compte des différences de taux, on pénalise de fait les collectivités les plus vertueuses pratiquant les taux les plus bas ?
Par exemple, supposons que, dans mon département, le taux sur le foncier non bâti soit de 19 %, tandis que, dans un département voisin, il est de 40 %, la suppression de la part départementale de la taxe sur le foncier non bâti s'est faite sur ces bases. Instruit par l'expérience, et si j'en avais l'audace, ma collectivité pratiquant un taux de taxe d'habitation peu élevé, je devrais, en bonne logique, ayant entendu parler d'une suppression partielle de la taxe d'habitation l'année prochaine, en augmenter cette année le taux de 50 %, quitte à compenser l'augmentation de recettes correspondante par une baisse du prix de la vignette automobile ou du taux d'un autre impôt, la taxe sur le foncier bâti par exemple. Ainsi, l'Etat m'attribuerait 50 % de plus que ce que je perçois actuellement, et je rétablirais l'équilibre actuel dans un an ou deux. C'est un bon raisonnement, n'est-ce pas ? Toute réforme à venir devra s'attacher à résoudre ce problème.
Revenant à mon point de départ et abandonnant les perspectives de réformes que j'évoquais, je vous confirme, monsieur le ministre, que mon groupe votera à l'unanimité les crédits de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut. Après mon collègue et ami Jean-Claude Peyronnet, je souhaite, monsieur le ministre, vous faire part de quelques réflexions personnelles, mais aussi de celles du groupe socialiste du Sénat, à propos, tout à la fois, de votre projet de budget et de notre conception de la décentralisation.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est plutôt satisfaisant pour les collectivités locales, n'en déplaise à certains.
Tout d'abord, l'application mécanique du contrat de croissance et de solidarité mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin conduit à une augmentation globale de 2,67 % des ressources attribuées par l'Etat aux collectivités locales, ce qui est largement supérieur au taux d'inflation prévu et nous change donc agréablement du pacte de stabilité qui entraînait une stagnation du montant des aides de l'Etat à nos collectivités. Cela a déjà été dit à plusieurs reprises mais mérite, malgré tout, d'être répété. Par ailleurs, nous avons, ici même, suffisamment milité pour que soit prise en compte dans le calcul du montant de ces aides tout ou partie de la croissance économique pour ne pas nous féliciter de ce changement, qui se confirmera dans les années à venir.
A ce stade, il faut rappeler que, avec 800 milliards de francs d'investissements par an, les collectivités locales participent elles aussi très largement à la dynamisation de notre croissance économique et donc aux bons résultats dont le Gouvernement peut légitimement se targuer en matière de lutte contre le chômage.
Pour en revenir aux dotations, si la DGF progresse de façon limitée, nous avons noté avec satisfaction que, par rapport au projet de loi de finances initial, la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale a permis une majoration des crédits dévolus à la dotation de solidarité urbaine et à la dotation de solidarité rurale.
Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1999 prévoit la création d'un fonds de 500 millions de francs destiné à financer les nouvelles communautés d'agglomération.
Enfin, je traiterai d'un sujet majeur et récurrent de préoccupation pour les élus locaux : je veux parler de l'avenir de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL. Nous notons avec intérêt que le Gouvernement a décidé de prévoir un effort équitable et partagé entre l'Etat et les collectivités locales, avec l'objectif louable de rétablir l'équilibre de la CNRACL en deux ans.
Certes, le taux de cotisation des employeurs augmentera de 0,5 % en 2000 et en 2001, mais l'Etat apportera, pour sa part, 3 milliards de francs en deux ans, abaissant de huit points sur la même durée le taux d'appel de la surcompensation imposée à la CNRACL, le taux de cotisation des salariés demeurant pour sa part constant.
Dans ce domaine, j'ai le sentiment que la période des expédients aux effets temporaires est, enfin, terminée. Sur ce point, nous attendons de l'Etat qu'il trouve un moyen de financer les régimes de retraites déficitaires sans avoir recours en permanence à la capacité de financement de la CNRACL et sans en faire peser la charge sur le budget des collectivités locales et des hôpitaux. C'est du moins dans cette voie qu'il faudra essayer de s'engager.
Mais, au-delà des statistiques et des précisions chiffrées, je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de cette discussion budgétaire, de notre conception de la décentralisation et de la façon dont nous nous devons d'en aborder la deuxième phase, tant attendue depuis les grandes lois de 1982 et de 1983.
L'occasion nous en est donnée par la mise en place par le Premier ministre d'une commission de réflexion sur l'avenir de la décentralisation que présidera notre collègue Pierre Mauroy. Elle regroupe l'ensemble des associations d'élus et sera chargée de formuler des propositions novatrices en matière d'amélioration et de simplification de notre système d'administration territoriale.
Qu'il me soit donc permis de résumer rapidement ce que nous sommes légitimement en droit d'attendre de cette deuxième phase de décentralisation pour notre pays : il faudra, clarifier, simplifier, démocratiser.
Clarifier, cela signifie mettre un peu d'ordre dans cet imbroglio et ce dédale que constituent pour un maire - et je ne parlerai même pas ici du citoyen - nos blocs de compétences dans les différents niveaux de collectivités. Il s'agit de mettre fin à certaines aberrations et aussi, probablement, de dégager un chef de file pour chaque grand projet, afin de mettre un terme à ce que je qualifierai de « syndrome du labyrinthe ».
Il faut simplifier : là encore, il est inutile d'aborder le faux débat du trop grand nombre de niveaux de notre administration territoriale, car c'est le meilleur moyen de figer les choses en l'état. En revanche, la coopération intercommunale, que nous souhaitons volontaire et sans contraintes inutiles, en un mot telle qu'elle est conçue dans votre loi du 12 juillet 1999, monsieur le ministre, me paraît être le moyen le plus adéquat pour aller vers plus de rationalité et donc d'efficacité en matière de gestion locale. N'en doutons pas, j'ai le sentiment que cette loi peut provoquer une véritable révolution dans notre paysage institutionnel.
Il faut démocratiser. Je rappelle à cet égard que la loi du 2 mars 1982 faisait explicitement référence aux droits et libertés des collectivités locales. Il faut donc rapprocher partout les lieux de décision du citoyen. Démocratiser, cela signifie aussi permettre à tous d'exercer un mandat local. A cet égard, force est de constater que nous sommes encore loin du compte et qu'il s'agit donc de mettre fin à une situation ni juste ni acceptable, en mettant en oeuvre sans tarder la nécessaire modernisation des conditions d'exercice du mandat local ; l'attente des élus, tout particulièrement des maires, est forte à cet égard, monsieur le ministre, comme l'ont montré tour à tour les assises de l'association des petites villes de France et, plus récemment, le congrès de l'association des maires de France.
Enfin, monsieur le ministre, comment n'aborderai-je pas, même si cela a déjà été excellemment développé par mon ami Jean-Claude Peyronnet, le système de fiscalité locale et la difficulté extrême de le réformer ? On note tout d'abord l'importance du prélèvement que l'Etat opère en matière de fiscalité locale : le quart de la fiscalité locale - 120 milliards de francs - est actuellement pris en charge par l'Etat, et il semble que l'on s'oriente, à brève échéance, vers le tiers. Cela pose légitimement problème. Pour autant, j'admets qu'il sera très difficile de contrarier cette tendance sans mettre un coup d'arrêt aux dispositifs de solidarité et de péréquation, car il ne faut pas que la décentralisation réintroduise un système de féodalité. La décentralisation que nous voulons repose tout à la fois sur l'efficacité et la solidarité. Nous y veillerons.
Voilà, monsieur le ministre, quelques réflexions que je voulais esquisser rapidement devant vous en matière d'avenir de la décentralisation. Vous nous trouverez toujours avec vous pour contribuer à la nécessaire modernisation de notre pays et de notre système d'administration locale.
Si nous ne souhaitons pas nous enliser dans la confusion des missions et des compétences, ni dans des dépenses publiques injustifiées, la nouvelle décentralisation peut constituer une chance formidable qui, avec la croissance retrouvée, permettra l'exercice de responsabilités nouvelles au niveau local. C'est là un enjeu majeur de la décennie à venir. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure tardive, ou plutôt matinale, qu'il est déjà, je m'efforcerai d'aller à l'essentiel.
Avant de parler de ce grand sujet qu'est la décentralisation, j'aimerais vous dire quelques mots de la réforme de l'Etat qui est au coeur de l'action du ministère de l'intérieur.
Comme vous le savez, le Gouvernement a décidé de donner un nouvel élan à la coordination des services déconcentrés de l'Etat. J'ai entendu M. Carle déplorer que les contrats de plan Etat-région se soient présentés comme une sorte de catalogue. Je lui rappellerai quand même que ces contrats de plan Etat-région, pour une enveloppe de 120 milliards de francs, vont permettre de programmer le développement du pays, certes très largement sur la lancée d'un certain nombre d'orientations antérieures, mais aussi avec des inflexions notables en faveur, par exemple, des transports, notamment ferroviaires, de l'enseignement supérieur, de la ville, de l'environnement. On peut bien sûr regretter qu'ils aient été négociés avant même l'adoption des schémas de service. Mais nous en tiendrons compte. Et j'ajoute que, au-delà, de l'enveloppe des contrats de plan Etat-région, il y a les projets hors contrats de plan qui sont eux-même structurants.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est un comité interministériel du 13 juillet 1999 qui a donné sa marque définitive à la réforme de l'Etat. Deux décrets en date du 20 octobre dernier en ont acté les conséquences ; un projet territorial de l'Etat, qui sera à la fois un outil de gestion et un document de référence, traduira les politiques nationales et l'interministérialité sur le terrain. Il sera un cadre de référence commun pour l'ensemble des services et conférera ainsi une meilleure lisibilité, une plus grande cohérence dans le temps à la conduite de l'action administrative.
Après diverses expériences menées dans le Doubs, l'Indre-et-Loire, le Cantal, un guide méthodologique de nos préfets est le repère nécessaire pour engager cette démarche qui sera généralisée dans le courant de l'année 2000.
Parallèlement - mais cela va de pair avec le projet territorial - le ministère de l'intérieur s'est engagé dans la voie d'une contractualisation avec le ministère du budget. Moyennant une réduction très modérée des moyens de fonctionnement, le ministère du budget a accepté de ne procéder à aucun gel de crédits ni d'emplois, ni à aucune annulation.
En même temps, la globalisation des crédits pour trois ans a été testée dans quatre préfectures : celles du Doubs, du Finistère, de l'Isère et de la Seine-Maritime. Les préfectures recevront une délégation globale de l'ensemble de leurs moyens de personnels et de fonctionnement sur un nouveau chapitre 37-20. Il s'agit là d'une étape capitale dans le processus de déconcentration de l'Etat, qui conduira les préfectures à réaliser des réformes de structure et de procédure indispensables. Je considère que les préfectures sont véritablement la colonne vertébrale de l'Etat. Leur modernisation doit être menée, avec, notamment, l'introduction de nouvelles technologies et le développement de téléprocédures, par exemple pour les cartes grises des véhicules neufs. Cela ne va naturellement pas sans l'association des personnels, pour lesquels des mesures indemnitaires ont été prévues à hauteur de 15 millions de francs.
L'informatique autorise le développement des échanges et le partage des données entre les services de l'Etat au sein de systèmes d'information territoriaux qui existent déjà dans vingt départements et qui seront également généralisés avant la fin de l'année 2000.
Le programme de câblage de toutes les préfectures s'achèvera avant la fin de l'an prochain ; la priorité se portera ensuite sur les sous-préfectures.
Les moyens réservés à l'investissement immobilier croissent de 20 %. Les projets retenus correspondent aux priorités du ministère : amélioration de l'accueil du public, renforcement de la sécurité, adaptation du réseau des sous-préfectures d'Ile-de-France aux évolutions démographiques, désimbrication des services préfectoraux et des services des départements lorsque cela reste à accomplir. Il s'agit donc de forger un outil resserré mais cohérent, déconcentré, avec des services agissant à l'unisson dans le cadre de collèges de services présidés par les préfets.
Nous célébrerons l'an prochain le bicentenaire du corps préfectoral. Je tiens à dire que cette institution montre tous les jours sa capacité d'adaptation, son esprit à la fois résolu et pragmatique, et je tiens à rendre hommage à l'ensemble des personnels des préfectures qui sont sollicités, comme vous le savez, pour des tâches extrêmement diverses : je n'évoquerai pas la régularisation des étrangers et la gratuité de la carte nationale d'identité ; bien d'autres tâches encore leur incombent, tâches qui les placent au coeur de la vie de nos départements.
Mais j'en reviens au grand sujet que vous avez abordé, mesdames, messieurs les sénateurs : je parle évidemment de la décentralisation et des dotations aux collectivités.
Le Gouvernement a manifesté depuis plus de deux ans sa volonté d'offrir aux collectivités locales des moyens financiers à la hauteur des défis qu'elles doivent relever.
La loi sur l'intercommunalité du 10 juillet 1999 leur offre des outils qui font à mon avis la preuve de leur caractère performant, puisque plus de trente communautés d'agglomération se seront constituées à l'horizon du 1er janvier prochain sur la base de projets solides et structurés. Evidemment, il reste beaucoup à faire pour que les projets d'agglomération prennent une forme définitive. Mais le préalable était à mon sens la constitution d'un pouvoir d'agglomération. Il faut naturellement le faire dans les conditions que j'évoquais tout à l'heure en répondant à Mme Luc, c'est-à-dire avec le souci de la négociation, d'une mise en oeuvre concertée, empreinte de tact et du sens de l'intérêt général.
M. Hoeffel a posé le problème des décrets d'application de la loi sur l'intercommunalité. Il y en a treize, dont deux vont être publiés dans les tout prochains jours : le premier sur les délégations de signature des directeurs d'établissement public de coopération intercommunale, le second sur les commissions départementales de coopération intercommunale permettant notamment des formations restreintes.
Actuellement en cours d'examen au Conseil d'Etat, les autres décrets devraient être publiés entre la fin de l'année et le début de l'année prochaine, à l'exception du décret qui concerne la suppression des ordonnateurs secondaires du Centre national de la fonction publique territoriale et qui fait l'objet d'une discussion avec cet établissement.
Les collectivités territoriales bénéficient désormais d'une part de la croissance qui va en augmentant. Je ne reviendrai pas sur ce que vous avez dit abondamment : le contrat de croissance et de solidarité augmentera au total, en l'an 2000, non seulement de 2,4 milliards de francs, c'est-à-dire conformément à l'inflation prévue, mais aussi sur la base d'une part de 25 % de la croissance.
Mais, comme vous le savez, le Gouvernement entend aller au-delà de la stricte application de ces accords pour tirer les conséquences du résultat du recensement quant à la dotation globale de fonctionnement. Le Parlement a donc été saisi d'un projet de loi que le Sénat a voté cet après-midi, non sans adopter, parallèlement, des amendements, dont certains - d'ailleurs en nombre assez important - ont recueilli l'accord du Gouvernement.
Comme vous le savez aussi, d'autres mesures sont intervenues : la dotation d'aménagement a été abondée de 200 millions de francs et la DSU, outre la consolidation de 500 millions de francs, a été encore augmentée de 500 millions de francs.
J'ajoute que la dotation de solidarité rurale pour les bourgs-centres a elle aussi été renforcée. La compensation de la part salariale de la taxe professionnelle a été indexée sur le taux de DGF avant régularisation négative, soit 2,05 % au lieu de 0,82 %, ce qui représente un effort global d'un peu plus de 4 milliards de francs allant au-delà des promesses et des engagements de l'Etat.
On peut dire, comme M. Hoeffel, que ces mesures ne sont ni très lisibles ni prévisibles. Mais ne vaut-il pas mieux qu'il en soit ainsi et qu'il s'agisse de mesures favorables aux collectivités locales ? Le débat aurait d'ailleurs été moins consensuel dans le cas inverse ! (Sourires.)
Le Gouvernement a également décidé de remédier à la dégradation des comptes de la CNRACL, conformément au voeu émis en juillet par le comité des finances locales.
La cotisation de surcompensation sera réduite de quatre points au 1er janvier, ce qui aboutit à mettre à la charge de l'Etat un milliard de francs supplémentaires ; l'opération sera renouvelée en 2001.
Parallèlement, les cotisations employeurs des collectivités locales et des établissements hospitaliers seront majorées au 1er janvier de 0,5 point, ce qui représente pour les collectivités locales un effort de 550 millions de francs.
Je tiens à souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, que c'est la première fois qu'un Gouvernement, en diminuant le taux de la surcompensation de 38 % à 30 %, renverse aussi fondamentalement la tendance de ces dernières années.
Plusieurs d'entre vous - vos excellents rapporteurs MM. Michel Mercier et Daniel Hoeffel notamment, ainsi que d'autres intervenants - ont soulevé un certain nombre de problèmes qui sont réels.
Il est vrai que notre système a sûrement un peu vieilli. Peut-être faut-il imaginer de grandes réformes ? M. Michel Mercier a esquissé un certain nombre d'orientations, et je pense que la commission de décentralisation, dans laquelle de nombreux sénateurs siègent - MM. Daniel Hoeffel, Michel Mercier, Jean-Claude Peyronnet et d'autres encore - pourra réaliser un travail important pour que la décentralisation soit plus légitime, plus efficace et plus solidaire, comme l'a souhaité M. le Premier ministre.
La décentralisation doit être plus légitime, car il nous faut des élus qui soient représentatifs de la population. Elle doit être plus efficace, car notre système financier local est devenu très complexe dans la mesure où il poursuit trop d'objectifs à la fois. Elle doit enfin être plus solidaire, la péréquation et la correction des inégalités devant occuper plus de place.
Or sur un montant total de transferts de 291 milliards de francs, 15 milliards de francs seulement sont consacrés à la péréquation. Il y a là sûrement du pain sur la planche ! Je ne doute pas que, à travers ses représentants au sein de la commission de décentralisation, le Sénat nous permettra d'avancer et de dégager les grandes lignes de ce qu'il faudra faire dans les prochaines années.
Je tiens à remercier tous les orateurs qui ont apporté leur soutien au projet de budget du ministère de l'intérieur - MM. Peyronnet, Duffour et Haut - ainsi que les membres des commissions qui ont émis un avis de sagesse, une sagesse à connotation positive. J'ai bien retenu les propos de M. Hoeffel. Je tiens à souligner la qualité des rapports du Sénat qui sont tous très instructifs, y compris pour le ministre que je suis. (Sourires.) Le souhait de voir le Sénat se prononcer en fonction de cette sagesse prouve que la Haute Assemblée est sensible aux avancées que le projet comporte.
Nous pourrons mettre en oeuvre la politique de réforme et de modernisation dans laquelle nous sommes engagés pour l'administration territoriale et pour les relations avec les collectivités locales. Bien entendu, je n'oublie pas l'autre domaine que nous avons évoqué tout à l'heure et qui a trait à la sécurité de proximité notamment, et à la sécurité civile.
Pour conclure, je voudrais dire à Mme Luc que j'avais proposé au début de cette année, à travers un rapport confié à M. Gosselin, conseiller d'Etat, que le régime de travail des sapeurs-pompiers puisse être harmonisé.
La charge de travail est d'ailleurs très variable, même au sein d'un même département : dans les Yvelines, par exemple, le nombre de jours de travail est de 100 à Versailles et de 140 à Rambouillet. Il faut donc aborder ces problèmes avec un esprit de responsabilité.
Le rapport Gosselin ayant été rejeté par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, je m'en suis remis au principe de libre administration des collectivités territoriales. Si un accord se dessine entre les présidents de CASDIS et les syndicats, le Gouvernement ne manquera pas de l'entériner. Mais il faut que cette discussion ait lieu et se poursuive sur ce problème, comme sur d'autres que vous avez évoqués.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois pouvoir dire que ces budgets tiennent très largement compte des soucis que vous avez exprimés à maintes reprises. Je vous demande, si vous le voulez bien, de le manifester en l'approuvant. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés cet après-midi.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 603 694 841 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 3 582 304 140 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Les crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 698 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 422 100 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 11 302 681 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 504 489 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'intérieur et la décentralisation.

8

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances rectificative pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 127, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Projet de décision de la Commission modifiant la décision 97/534/CE relative à l'interdiction de l'utilisation de matériels présentant des risques au regard des encéphalopathies spongiformes transmissibles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1369 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant un cadre communautaire de coopération favorisant le développement durable en milieu urbain.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1370 et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, samedi 11 décembre 1999, à neuf heures quarante-cinq, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000). - (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Anciens combattants (et articles 65, 66, 66 bis et 66 ter ).
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 6) ;
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 93, tome VI).
Culture :
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 8) ;
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 90, tome I) ;
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (cinéma, théâtre dramatique, avis n° 90, tome II).
Communication :
Crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ; articles 55 et 55 bis et lignes 39 et 40 de l'état E annexé à l'article 51.
M. Claude Belot, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexes n°s 9 et 10) ;
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (communication audiovisuelle, avis n° 90, tome X) ;
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (presse écrite, avis n° 90, tome XI).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires pour le projet
de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 115, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir (n° 31, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat (n° 79, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (n° 104, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 118, 1999-2000) sur :
La proposition de loi de M. Jean Chérioux et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié (n° 52, 1999-2000) ;
La proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste relative au développement du partenariat social (n° 87, 1999-2000) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 11 décembre 1999, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 1er décembre 1999
LOI DE FINANCES POUR 2000

Page 6664, 2e colonne, dans le texte des amendements n°s I-56 et I-57 :
1° Rédiger ainsi le texte du second alinéa du B :
« La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de l'abondement de la dotation globale de fonctionnement destiné à stabiliser en 2000 le montant de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale est compensée par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
2° Compléter par un C ainsi rédigé :
« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

CONTESTATION DE L'ÉLECTION
D'UN SÉNATEUR ÉLU DÉPUTÉ

M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 10 décembre 1999 du Conseil constitutionnel, que l'élection à l'Assemblée nationale de M. Michel Charzat, sénateur de Paris, a fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel.
Jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel, M. Michel Charzat ne pourra pas participer aux travaux du Sénat, conformément à l'article LO 137 du code électoral.