Séance du 9 décembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Agriculture et pêche (p. 2 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'agriculture ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la pêche ; Mme Janine Bardou, en remplacement de M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le développement rural ; MM. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les industries agricoles et alimentaires ; Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole : Gérard Le Cam, Jacques Pelletier, Jean-Marc Pastor, Michel Souplet, Serge Mathieu, Philippe Darniche, Yves Rispat.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

MM. Bernard Joly, André Lejeune, Rémi Herment, Jean-Paul Emorine, Roger Besse, Georges Othily, Mme Yolande Boyer.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

MM. Bernard Barraux, Gérard Cornu, Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Pierre Jarlier.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

3. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 5 ).

MESURES EN FAVEUR DES EXCLUS (p. 6 )

M. Michel Duffour, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

DIFFICULTÉS DES HÔPITAUX (p. 7 )

M. Serge Franchis, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Mexique (p. 8 ).

5. Questions d'actualité au Gouvernement (suite) (p. 9 ).

CRISE AGRICOLE EN BRETAGNE (p. 10 )

MM. Christian Bonnet, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

MESURES EN FAVEUR DES EXCLUS (p. 11 )

M. Guy Allouche, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

UTILISATION DES PLUS-VALUES FISCALES CONSTATÉES
AU COURS DE L'EXÉCUTION DU BUDGET 1999 (p. 12 )

MM. Daniel Goulet, François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

BILAN DE LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE
DE L'OMC À SEATLLE (p. 13 )

MM. Jacques Pelletier, François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

VOLET HUMANITAIRE DE LA GUERRE EN TCHÉTCHÉNIE (p. 14 )

MM. André Dulait, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

RÉFORMES DES ÉTUDES DE MÉDECINE
ET DE LA CARTE HOSPITALIÈRE (p. 15 )

Mmes Anne Heinis, Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

CRISE AGRICOLE EN BRETAGNE (p. 16 )

MM. Pierre-Yvon Trémel, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CRISE AGRICOLE EN BRETAGNE (p. 17 )

MM. Alain Gérard, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

BAISSE DES EFFECTIFS DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS
DANS LES UNIVERSITÉS ET LES GRANDES ÉCOLES FRANÇAISES
DEPUIS DIX ANS (p. 18 )

M. Hubert Durand-Chastel, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

6. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 20 ).

Agriculture et pêche (suite) (p. 21 )

MM. Hilaire Flandre, André Vallet, Pierre-Yvon Trémel, Paul Raoult, Alain Gérard, Yann Gaillard, Jacques-Richard Delong.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Crédits du titre III (p. 22 )

Mme Hélène Luc, M. le ministre.
Rejet des crédits.

Crédits du titre IV (p. 23 )

Amendement n° II-21 de M. Courtois. - MM. Dominique Leclerc, Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. - Retrait.
Amendement n° II-22 rectifié de M. César ; amendements identiques n°s II-29 rectifié de M. Jarlier et II-32 de M. de Montesquiou. - MM. Gérard César, Pierre Jarlier, Aymeri de Montesquiou, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait des trois amendements.
Amendements n°s II-23 à II-27 rectifié de M. César. - MM. Gérard César, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait des cinq amendements.
Rejet des crédits.

Crédits des titres V et VI. - Rejet (p. 24 )

Articles 64 A à 64 D. - Adoption (p. 25 )

Article 64 (p. 26 )

Amendement n° II-7 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 64 bis . - Adoption (p. 27 )

Article additionnel après l'article 64 bis (p. 28 )

Amendement n° II-20 de M. Delong. - MM. Jacques Delong, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.

7. Modification de l'ordre du jour (p. 29 ).

8. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 30 ).

Budget annexe
des prestations sociales agricoles (p. 31 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Dominique Leclerc, Bernard Piras, Pierre Jarlier, Georges Mouly, Mme Odette Terrade.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Adoption des crédits figurant aux articles 42 et 43.

Affaires étrangères (p. 32 )

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Suspension et reprise de la séance (p. 33 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les affaires étrangères ; Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la coopération ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères ; Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie ; Mmes Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l'aide au développement ; Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Claude Estier, Jean-Pierre Cantegrit, Serge Mathieu, Hubert Durand-Chastel, Lucien Neuwirth, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Pelletier, Guy Penne, Daniel Hoeffel, André Ferrand, Robert-Denis Del Picchia, Aymeri de Montesquiou, Pierre Biarnès, Daniel Goulet.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Crétits du titre III. - Adoption (p. 34 )

Crédits du titre IV (p. 35 )

Amendements n°s II-33 à II-35 de M. Goulet. - MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial ; le ministre délégué. - Rejet des trois amendements.
Adoption des crédits.

Crédits du titre V. - Adoption (p. 36 )

Crédits du titre VI (p. 37 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le ministre délégué.
Amendement n° II-28 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, Michel Charasse, rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Article additionnel avant l'article 64 A (p. 38 )

Amendement n° II-6 de la commission des finances. - MM. Michel Charasse, rapporteur spécial ; le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

9. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 39 ).

10. Transmission d'une proposition de loi (p. 40 ).

11. Dépôt d'un rapport (p. 41 ).

12. Ordre du jour (p. 42 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]

Agriculture et pêche

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, le budget de l'agriculture n'est pas un budget prioritaire pour le Gouvernement. Il s'établit, pour 2000, à 29 milliards de francs, en diminution de 13,5 %.
Toutefois, cette très forte baisse apparente s'explique principalement, il faut le reconnaître, par d'importantes modifications de périmètre. La subvention budgétaire d'équilibre du BAPSA - budget annexe des prestations sociales agricoles - est désormais comptabilisée au budget des charges communes. Un compte spécial du Trésor, intitulé « Fonds forestier national », est supprimé, et les dépenses correspondantes sont intégrées dans le budget de l'agriculture. Des emplois durablement mis à disposition sont transférés au budget des services du Premier ministre. Des dépenses de rémunération des agents des directions départementales de l'agriculture et de la forêt sont réintégrées au budget de l'agriculture. Ces opérations ont l'avantage d'avoir clarifié ce projet de budget.
Hors BAPSA et à périmètre constant, on peut donc estimer que le projet de budget qui nous est proposé diminue de 0,5 % par rapport à l'année dernière.
Les dépenses ordinaires du budget augmentent très fortement : de 9,1 %. Cette augmentation est due tout d'abord à l'impact de diverses mesures de politique générale de la fonction publique, déjà commentées par notre excellent collègue Gérard Braun dans sa présentation des crédits de la fonction publique. D'autres mesures sont propres au ministère de l'agriculture : il s'agit notamment de diverses créations d'emplois et de la mise en place d'un plan de résorption de l'emploi précaire. Il faut également noter qu'au cours de l'année 1999 le ministère a connu une réforme de ses structures dont l'élément principal est la création d'un nouvel établissement public : les « Haras nationaux ».
Les dépenses d'intervention diminuent encore plus, de 25 %, mais essentiellement sous l'effet de modifications de structure ; les principales actions en ce domaine sont préservées, voire renforcées.
Les dépenses en capital augmentent très fortement en raison de la budgétisation des dépenses du Fonds forestier national, le FFN, et d'un effort accru en faveur de l'enseignement et de la recherche agricoles.
En présentant votre projet de budget, monsieur le ministre, vous avez annoncé quatre grandes priorités pour 2000.
La première de ces priorités est le financement des CTE, les fameux « contrats territoriaux d'exploitation » institués par la loi d'orientation agricole et qui sont financés par un fonds spécifique créé au sein du budget. Cette année, il sera doté de 900 millions de francs, en partie grâce à des redéploiements de crédits, notamment au détriment du Fonds d'installation en agriculture et de la dotation aux jeunes agriculteurs. Ces crédits budgétaires seront complétés à hauteur de un milliard de francs par le produit de la modulation des aides communautaires, dont les modalités d'application pratique laissent à désirer. En outre, les crédits programmés sur votre budget - 300 millions de francs en 1999 et 950 millions en 2000 - ne sont-ils pas trop abondants ?
La deuxième priorité vise les actions en faveur de la forêt, et je rejoins votre préoccupation sur ce point, monsieur le ministre. La suppression du Fonds forestier national et sa budgétisation intégrale, ainsi que la revalorisation du versement compensateur à l'Office national des forêts, permettent de redonner toute sa place à la forêt dans ce budget. Néanmoins, il me semble indispensable de demeurer vigilant sur l'exécution de ces crédits.
La troisième priorité concerne une action qui me tient également à coeur : l'amélioration de la qualité sanitaire des aliments. Elle est d'actualité ! Ce qui est prévu à cet égard me paraît à la hauteur des enjeux, à cette nuance près : les crédits de l'identification permanente généralisée des bovins sont-ils suffisants pour assurer que les surcoûts ne seront pas répercutés sur les éleveurs ?
Quatrième et dernière priorité : développer la formation et l'emploi des jeunes.
S'agissant de l'enseignement, il est indéniable qu'un effort est consenti pour faire face aux accroissements d'effectifs dans l'enseignement agricole.
Mais que dire de l'emploi des jeunes, c'est-à-dire de leur installation en agriculture, quand on voit que le Fonds d'installation en agriculture, créé en 1998, est asséché en 2000 et que les crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs sont amputés de près d'un quart ? Or les actions menées à l'aide de ces crédits étaient utiles ; aujourd'hui, ceux-ci sont transférés au fonds de financement des CTE, à vocation « multifonctionnelle ». J'estime que le signal envoyé aux jeunes agriculteurs qui souhaitent s'installer est particulièrement mauvais. En outre, il semble que le Gouvernement ait perdu toute volonté politique en ce domaine. Quels sont les objectifs ? Quels sont les moyens ?
Je poursuivrai mon propos en formulant quelques remarques plus précises.
Tout d'abord, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un article de la loi de finances pour 1997 qui faisait obligation au Gouvernement de déposer un rapport sur l'incidence budgétaire du programme de maîtrise des pollutions agricoles, le fameux PMPOA, dont le Parlement n'a jamais été destinataire. Un rapport similaire vient d'être achevé par une mission d'évaluation, mais il semblerait qu'il soit tenu secret. Pourtant, le sujet mérite que le Parlement en soit tenu informé et il aurait été utile que nous disposions de ce rapport pour alimenter nos débats ; quand ce rapport nous sera-t-il communiqué ?
Le Gouvernement promet toujours une réforme d'ensemble de la fiscalité agricole qui ne vient pas : elle est aujourd'hui renvoyée à l'étude des conclusions d'un rapport qui sera remis, en principe, à la fin du mois de mars 2000. Toutefois, je remarque que le Gouvernement n'a pas attendu les conclusions du rapport de Mme Marre pour proposer l'instauration d'un nouveau compartiment de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, portant sur la taxation des produits phytosanitaires. Il me semble, en outre, plutôt étonnant que le produit de cette taxe aille abonder un fonds de compensation des allégements de charges sociales dans le cadre des 35 heures : quel est, monsieur le ministre, votre avis à ce sujet ?
Enfin, dernière critique de ce budget : la modulation des aides communautaires prévue pour financer les CTE a souligné les tergiversations du Gouvernement en la matière. Certes, le dispositif proposé, une fois la copie corrigée, est plus équitable que le premier. Néanmoins, la méthode du Gouvernement m'inquiète qui consiste, comme pour les 35 heures, à inventer des dispositifs complexes et onéreux qui l'obligent à trouver coûte que coûte les crédits nécessaires, sans que la réflexion et la concertation aient eu la place qui leur revenaient.
C'est en fonction de ces observations que je vous proposerai, mes chers collègues, de rejeter ce projet de budget pour 2000.
Je conclurai mon propos avec les articles rattachés à ce budget.
Les articles 64 A à D sont relatifs à la revalorisation des petites retraites agricoles, et nous ne pouvons qu'y être favorables.
L'article 64 bis est relatif à l'extension de l'exonération de droits d'enregistrement pour les SAFER ; je proposerai également au Sénat, qui avait été l'an dernier à l'origine de ce dispositif, aujourd'hui étendu, de l'approuver.
L'article 64 prévoit de proroger d'un an les majorations des taux des contributions additionnelles établies au profit du Fonds national de garantie des calamités agricoles. Je défendrai un amendement visant à réduire de 50 % les majorations prévues afin de rétablir une certaine équité entre les charges pesant respectivement sur les agriculteurs et sur l'Etat. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'année 1999 n'est pas « celle de tous les changements », elle n'en est pas moins exceptionnelle en raison des mutiples échéances qui l'ont rythmée : mise en place de l'euro, réformes de la politique agricole commune et de la politique des fonds structurels, promulgation de la loi d'orientation agricole, ouverture à Seattle des négociations dans le cadre de l'OMC.
Mais au-delà de ces dates importantes, qui sont autant de défis pour l'agriculture du troisième millénaire, ce sont les contradictions évidentes entre les différentes politiques qui frappent l'esprit.
En effet, alors que les récents travaux de l'OCDE en matière agricole, la réforme de la PAC et de nombreux Etats membres de l'OMC vont dans le sens de l'alignement du marché agricole européen sur le marché mondial au détriment des hommes, par une restructuration excessive des exploitations et des territoires, par une concentration de la production, la nécessaire préservation d'une agriculture à la fois performante, responsable, gérant l'espace et répondant aux attentes des consommateurs exige une régulation des marchés.
Le cadre d'action pour l'agriculture française que constitue la loi d'orientation agricole pour les dix années à venir et la position commune des quinze Etats membres sur la PAC devraient permettre à la France et à l'Europe, d'une part, d'affronter leurs partenaires internationaux lors des futures négociations du cycle du Millénaire au sein de l'OMC et, d'autre part, d'intégrer les pays d'Europe centrale et orientale, les PECO.
La multiplication des conflits avec les Etats-Unis, notamment sur la banane et la viande aux hormones, présagent des difficultés que l'Europe va rencontrer en matière agricole dans ce nouveau cycle de négociations. D'ailleurs, chacun de nous s'en est aperçu la semaine dernière.
Si l'on s'en tient au chiffre présenté par le ministère, le budget pour 2000 de l'agriculture augmente de 3 %. Nénamoins, à périmètre comparable, ce même budget baisse de 0,5 % puisqu'il s'élève à un peu plus de 28 milliards de francs, comme l'a souligné M. Bourdin, dans son excellent rapport.
Selon la présentation du budget par le ministère de l'agriculture et de la pêche, ce projet de budget privilégie quatre grandes orientations : le financement des contrats territoriaux d'exploitation, la qualité et la sécurité sanitaire des aliments, la promotion des actions en faveur de la forêt, enfin, la formation, l'enseignement et l'emploi des jeunes.
Je prends acte de ces priorités. Je souhaite néanmoins, mes chers collègues, porter à votre connaissance un certain nombre d'éléments de nature à relativiser l'enthousiasme de M. le ministre de l'agriculture, qui, lors de la présentation de son budget, a considéré qu'un tel budget « permettra de satisfaire toutes les priorités de la nouvelle loi d'orientation agricole ».
Je n'invoquerai pas le manque de crédits du ministère de l'agriculture, la rigueur dans la gestion de la dépense publique étant aujourd'hui un impératif, qui, soit dit en passant, n'est guère pris en compte au niveau global des dépenses de l'Etat pour l'année 2000.
Je préciserai, tout d'abord, que l'augmentation des crédits en faveur de la qualité et de la sécurité sanitaires, ainsi que la revalorisation insuffisante des retraites, qui est bien antérieure à 1997, relèvent de la solidarité nationale et qu'il manque toujours un maillon, vous le savez bien, monsieur le ministre : la retraite complémentaire obligatoire.
Par ailleurs, j'ai cherché en vain, dans le projet de loi de finances, les dispositions fiscales promises par le Gouvernement dans le domaine agricole lors de la discussion de la loi d'orientation agricole. Je considère que, depuis juin 1997, le Gouvernement aurait eu le temps de mettre en oeuvre les dispositions fiscales nécessaires à notre agriculture. M. le ministre va certainement nous répondre qu'il faut attendre les conclusions du rapport sur la fiscalité agricole. Admettons ! Mais souhaitons que cette attente sur la fiscalité agricole n'emprunte pas le chemin sinueux tracé par le Gouvernement pour l'avenir des retraites : réflexion, rapport, études, concertation et de nouveau un rapport.
Néanmoins, dans l'attente de ces dispositions fiscales, les agriculteurs devront se contenter de l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes aux produits phytosanitaires affectée au budget de la sécurité sociale dans le cadre de la réduction du temps de travail. Je considère que la TGAP sur les produits phytosanitaires est un impôt injuste et inefficace et je m'étonne d'un telle affectation, qui pénalise le producteur sans répercussion possible sur le prix de vente à la consommation.
De plus, je juge avec une certaine sévérité le système mis en place pour le financement des CTE, et ce pour deux raisons principales.
En premier lieu, c'est à nouveau un redéploiement des crédits qui alimentera en partie ce fonds. Ainsi, on ampute des dotations telles que le fonds pour l'installation de 145 millions de francs, alors que de nombreuses opérations avaient été engagées sur ces fondements budgétaires. Seront-elles maintenues ? L'année passée, il s'agissait des opérations groupées d'aménagement foncier. A l'heure où, malheureusement, le nombre d'installations est tombé à un seuil critique, - on constate une diminution de 15 % des installations aidées en 1999 par rapport à 1998 - un tel redéploiement n'est guère raisonnable.
En second lieu, 950 millions de francs devraient provenir de la modulation des aides issues de la PAC. Si je ne suis pas systématiquement contre ce principe de modulation, je constate qu'une fois de plus le Gouvernement de la majorité plurielle met en place - on l'a dit souvent - une usine à gaz.
D'ailleurs, à peine ce mécanisme a-t-il été annoncé que le Gouvernement faisait marche arrière en précisant, lors de la conférence agricole du 21 octobre dernier, qu'il corrigeait les effets pervers. Il est vrai qu'entre-temps plusieurs études avaient apporté la démonstration que l'application de la modulation voulue par le ministère risquait d'entraîner, à moyen terme, la disparition de plusieurs centaines d'exploitations agricoles situées en zones intermédiaires. Je regrette l'annonce hâtive de M. le ministre de l'agriculture, le 28 juillet dernier, sur la modulation des aides.
De plus, comme beaucoup de personnes, je m'interroge sur les futurs contrôles financiers exercés pour les CTE par les Français de l'Union européenne.
J'ajoute que la dotation de seulement 50 millions de francs affectée au fonds de calamités agricoles est, certes, une amélioration par rapport à 1999, puisqu'aucun crédit n'était inscrit à cet effet auparavant mais, en raison de sa modicité, cela augure mal de la volonté de mettre en place une assurance « récolte », assurance qui existe déjà aux Etats-Unis et au Canada.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires économiques vous propose, mes chers collègues, de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de l'agriculture pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, modestes par leur montant, les crédits consacrés dans le projet de loi de finances pour 2000 à la pêche maritime et cultures marines n'en ont pas moins une incidence importante sur ce secteur et son environnement.
L'évolution du secteur de la pêche maritime et des cultures marines apparaît contrasté. A l'échelon national, si les premiers résultats pour 1998 sont globalement positifs, on constate de fortes disparités selon les façades maritimes ou les métiers. La production française de produits de la mer est ainsi restée stable, en volume, mais elle a augmenté d'environ 5 % en valeur.
Cette progression s'accompagne d'une lente mais constante diminution du nombre de navires et de marins et d'un accroissement du montant du déficit commercial enregistré en 1998 pour les produits de la mer : il est estimé à plus de 14 milliards de francs.
Sur le plan communautaire, les négociations entamées en 1998 ont révélé de nombreuses divergences entre la Commission européenne et les Etats membres. L'année 1999 à néanmoins permis d'éviter la remise en cause du financement des actions structurelles dans le secteur de la pêche, grâce au maintien de l'instrument financier d'orientation de la pêche.
En outre, deux négociations importantes se sont poursuivies : l'une est relative à la proposition de règlement du Conseil définissant les modalités et les conditions des actions structurelles dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture ; l'autre concerne la proposition de règlement du Conseil sur l'organisation commune des produits de la pêche. Ces deux textes ont d'ailleurs fait l'objet d'une résolution du Sénat au printemps dernier.
Je m'interroge sur le contenu de la future réforme de la politique commune de la pêche prévue en 2002. En effet, avec la modification des volets « marché » et « structures », il ne restera plus guère que l'aspect « ressources » à réformer.
De plus, le débat sur les orientations futures de la politique commune de la pêche montre les divergences de vues entre la proposition de libéraliser totalement les eaux, l'approche « régionaliste » qui préconise la « renationalisation » des eaux et la volonté d'un relatif statu quo sur les fondements et les principes de cette politique.
Par ailleurs, les propositions de la Commission européenne sur le programme d'orientation pluriannuel 5, applicable après 2001, sont actuellement rejetées par la grande majorité des Etats membres.
Enfin, et ce malgré l'échec des négociations internationales à Seattle au sein de l'Organisation mondiale du commerce, la plus grande vigilance s'impose, les secteurs de la pêche et de l'agriculture étant souvent utilisés comme monnaie d'échange lors de ces négociations multilatérales.
C'est dans cet environnement incertain que s'inscrit l'action des pouvoirs publics français.
Outre la participation aux négociations communautaires sur la réforme des fonds structurels et des actions structurelles dans le domaine de la pêche et celle de l'organisation commune de la pêche, l'année 1999 a vu la parution d'une demi-douzaine de textes d'application de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Précisons, enfin, que l'installation, le 20 janvier dernier, de l'Office de produits de la mer, l'OFIMER, et, le 16 février, du nouveau Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halioalimentaire marque une étape supplémentaire dans la mise en oeuvre de la loi d'orientation adoptée en novembre 1997.
S'agissant du budget proprement dit, les dotations consacrées à la pêche maritime et aux cultures marines sont en légère augmentation puisqu'elles passent de 186,29 millions de francs à 190,58 millions de francs, soit un accroissement de 2,3 %.
Les dotations ordinaires pour 2000 s'élèvent à 150,48 millions de francs, dont 95,59 millions de francs sont affectés à l'OFIMER et 54,88 millions de francs à la restructuration des entreprises de pêche et des cultures marines, soit une augmentation de 1,60 % des dépensens ordinaires.
Les dépenses en capital s'élèvent à 84,9 millions de francs, soit un accroissement de 7,6 %.
Je ne peux que me féliciter de la poursuite de l'effort budgétaire engagé depuis plus de six ans dans le secteur de la pêche maritime et des cultures marines.
Je souhaite, en conclusion, que la commission des affaires économiques reste vigilante sur la définition des objectifs dans les contrats de plan 2000-2006 en matière de pêche maritime et de cultures marines et sur les modalités de renouvellement de notre flottille de pêche, afin que celle-ci soit à la hauteur des flottes de pêche de nos grands partenaires européens. Ceux-ci n'hésitent pas à débarquer le produit de leur pêche dans nos ports, comme l'ont fait récemment les « bolincheurs » espagnols en Bretagne, pouvant ainsi faire chuter à tout moment le prix du poisson.
Par ailleurs, je regrette le retard mis dans la publication des textes d'application à caractère social de la loi d'orientation pour la pêche maritime et m'inquiète des signes avant-coureurs d'une crise en raison de la baisse de la ressource, de la vétusté des bateaux et du coût du carburant.
Compte tenu de ces observations, la commission vous propose de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du ministère des finances pour 2000 consacrés à la pêche maritime et aux cultures marines. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou, rapporteur pour avis. Mme Janine Bardou en remplacement de M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le développement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, j'indiquerai que la commission des affaires économiques, sur l'initiative de son président et de son rapporteur pour avis, a souhaité substituer aux termes « d'aménagement rural » les termes de « développement rural », non seulement au vu du caractère par trop réducteur de la notion « d'aménagement rural » mais aussi en raison de l'évolution des politiques nationale et communautaire qui ont consacré, depuis quelques années déjà, le concept de « développement rural » : celui-ci prend en compte, en effet, outre les multiples activités qui se déroulent en milieu rural, l'exploitation agricole dans ses dimensions économique, sociale, territoriale et environnementale.
L'année 1999 a d'ailleurs consacré la vigueur de la politique de développement rural au travers de l'adoption de la loi d'orientation agricole, de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, ainsi que des réformes de la politique agricole commune et des fonds structurels.
Sur le plan national, le vote de deux textes importants a de fortes répercussions sur la politique de développement rural.
Il s'agit, en premier lieu, de la loi d'orientation agricole. La mise en place des contrats territoriaux d'exploitation et les dispositions relatives à l'espace agricole et forestier constituent une reconnaissance de la multi-fonctionnalité de l'agriculture, secteur essentiel du développement rural.
En second lieu, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, au travers, notamment, des notions de pays et de schéma collectif des espaces naturels et ruraux, a trait à la politique de développement rural.
Le Sénat, sur ces deux textes, n'a pas adopté de position dogmatique en proposant un contre-projet mais il a, au contraire, favorisé l'enrichissement de ces lois. La voix de la Haute Assemblée n'a, malheureusement, pas toujours été entendue.
Dans le domaine communautaire, la réforme de la politique agricole commune et de la politique des fonds structurels constitue un moment fort pour l'avenir du développement rural en Europe.
En effet, l'adoption, aux côtés des grandes organisations communes de marché et au sein même de la PAC, d'un règlement relatif à la politique de développement rural permet la prise en compte, dans un cadre unique, de la dimension environnementale et de l'élargissement du concept de « zones défavorisées » à des zones soumises à des contraintes environnementales.
Enfin, la modification du dispositif relatif aux fonds structurels européens et ses conséquences sur le plan national, en matière de zonage notamment, ont des effets évidents sur le développement rural.
L'avis que consacre la commission des affaires économiques aux crédits de développement rural est l'occasion, non seulement de rappeler la politique menée au cours de l'année écoulée, mais aussi et surtout, d'examiner l'évolution des crédits qui y sont consacrés, soit au sein du « bleu » budgétaire, soit en prenant en compte l'ensemble des concours publics consacrés au développement rural.
Les crédits de développement rural stricto sensu stagnent, avec un peu plus de 82,74 millions de francs.
En y ajoutant les opérations d'aménagement rural - opérations foncières et hydrauliques, grands aménagement, notamment -, on constate une forte diminution des crédits. En effet, l'ensemble de ces postes budgétaires diminue de 15 % en autorisations de programme et de 26 % en crédits de paiement.
La plupart des crédits consacrés à la forêt peuvent être aussi considérés comme profitant au développement rural : ils sont en forte augmentation pour l'année 2000.
Votre rapporteur pour avis constate que, pour la première fois, le fonds forestier national est intégré au budget de l'Etat.
La commission des affaires économiques inclut aussi, au titre du développement rural, les crédits de compensation de handicaps ou de contraintes spécifiques, dont le montant se chiffre à plus de 1,5 milliard de francs.
Les dotations budgétaires affectées aux CTE, d'un montant de 950 millions de francs, qui seront doublées grâce à la modulation des aides communautaires, viennent compléter les 4,2 milliards de francs consacrés au développement rural pris au sens large.
Les crédits consacrés au développement rural peuvent être examinés à travers la notion de « concours publics à l'agriculture ».
Deux ensembles traitent du développement rural. Il s'agit, en premier lieu, du sous-ensemble 1-4, destiné à la compensation de handicaps ou de contraintes spécifiques, qui s'élève à 4 581 millions de francs, et, en second lieu, du sous-ensemble 5-1, rassemblant les crédits d'aménagement et de protection de l'espace rural, dont les dotations se montent, pour 1998, à 2 108 millions de francs.
Ce sont donc, au total, près de 10 milliards de francs qui sont mobilisés pour le développement rural.
Cependant, compte tenu de la forte baisse des crédits sur les grandes opérations d'aménagement rural - surtout pour l'hydraulique - et des problèmes de mise en oeuvre des CTE, qui se concilient difficilement avec le dispositif communautaire relatif au développement rural, la commission des affaires économiques, mes chers collègues, a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de développement rural inscrits au projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport pour avis consacré par la commission des affaires économiques aux industries agroalimentaires revêt cette année une importance toute particulière. En effet, le groupe de travail consacré à ce secteur, créé au sein de la commission le 5 mai dernier, a remis il y a quelques jours ses conclusions. Certaines d'entre elles, d'ordre budgétaire, trouvent leur traduction concrète dans les propositions que je formule dans mon rapport.
Mais, avant tout, dressons un bilan de l'année écoulée, notamment des derniers mois, pour le premier secteur industriel français.
S'agissant des industries agroalimentaires, leur chiffre d'affaires s'est élevé, en 1998, à 803 milliards de francs, soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 1997.
C'est, en fait, la forte réduction des débouchés extérieurs qui caractérise l'année 1998. L'environnement international est à l'origine d'un recul de 11,6 % de l'excédent du commerce extérieur agroalimentaire de la France, qui s'est élevé à un peu moins de 60 milliards de francs.
Par ailleurs, ce secteur a créé 1,4 % d'emplois salariés en 1998, ce redressement étant sensible dans les industries des viandes et dans le travail du grain.
Soulignons que ces industries sont confrontées à des enjeux essentiels.
Sur le plan international, tout d'abord, l'échec des négociations du cycle du Millénaire, à Seattle, a montré que les Européens étaient résolus à défendre leurs positions et que le modèle européen, dans les domaines agricole et alimentaire, devait être sauvegardé. Il est nécessaire que les négociations reprennent sur des bases plus équilibrées. La libéralisation des échanges ne doit pas conduire à s'affranchir des considérations d'ordre environnemental, social et sanitaire qui perturbent fortement le commerce international.
Sur le plan communautaire, la mise en place de la réforme de la PAC, notamment la baisse des prix des céréales, a reçu un accueil favorable. Néanmoins, l'évolution des projets communautaires, par exemple en matière de restitutions à l'exportation, démontre, s'il en était besoin, la vigilance dont doit faire preuve le secteur de l'industrie agroalimentaire.
Enfin, en France, le défi auquel doivent faire face ces industries réside dans la qualité et la sécurité alimentaire.
Le deuxième trimestre de 1999 a été marqué, à cet égard, par plusieurs crises dont celle du poulet dit « à la dioxine ». Votre rapporteur pour avis insiste sur le fait que, en l'espèce, l'origine du problème ne s'est jamais située dans le secteur agroalimentaire. Malgré cela, cette crise a provoqué de nombreuses fermetures d'entreprises alimentaires qui ne sont pas parvenues à faire face à la chute d'activité.
Les leçons de cette crise doivent être tirées au plus vite, non seulement par les professionnels de la filière, mais aussi par les pouvoirs publics, en ce qui concerne tant la traçabilité que la mise en oeuvre du principe de précaution. Mais tel est bien le sens de votre action, monsieur le ministre.
Signalons, sur le plan budgétaire, que les concours publics en faveur de ce secteur représente 0,5 % du total des dépenses profitant à l'agriculture et à la forêt, et qu'ils proviennent pour moitié de l'Union européenne.
Les crédits d'investissement, c'est-à-dire les crédits de politique industrielle, sont stables. Les crédits de paiement s'élèvent à 154,80 millions de francs. Les autorisations de programme de l'article 10 du chapitre 61-61 et de l'article 20 du même chapitre sont reconduites, à l'instar des crédits de paiement, qui s'élèvent à 44,4 millions de francs, à l'article 10, et à 61,3 millions de francs, à l'article 20.
En revanche, les crédits affectés aux actions de promotion baissent de 5 millions de francs. Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter cette diminution des crédits consacrés à la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA.
Il convient d'ajouter aux crédits de politique industrielle d'autres dotations du ministère, qui concernent également le secteur agroalimentaire. Certaines de ces dotations sont en hausse, notamment celles qui financent les actions de développement de la qualité et de la sécurité des produits et les actions de promotion.
La commission des affaires économiques s'inquiète de la baisse de 9 % des crédits de recherche appliquée dans ce domaine, alors que la recherche y reste très inférieure à celle des autres branches industrielles.
Des crédits d'autres ministères vont également au secteur agroalimentaire, comme ceux du ministère de la recherche et, pour partie, ceux du ministère de l'aménagement du territoire.
Contrairement aux conclusions de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques et du Plan, en raison des baisses des crédits de la SOPEXA et de la recherche, a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2000 consacrés aux industries agroalimentaires. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2000, les crédits de l'enseignement agricole progresseront de 3,58 % pour s'établir à 7 139,58 millions de francs.
Cette évolution tranche avec celle de l'ensemble du budget du ministère de l'agriculture, qui diminue, lui, de 0,5 %, et avec celle des dépenses de l'Etat, qui progressent de 0,9 %.
Pour autant, faut-il considérer que le projet de budget est à la hauteur des besoins de l'enseignement agricole ? C'est une autre question !
Les mesures prévues pour 2000 doivent être appréciées non pas par rapport aux exercices budgétaires précédents mais par rapport aux difficultés auxquelles cet enseignement, traditionnellement réduit à la portion congrue, doit faire face depuis de trop nombreuses années.
A cet égard, le projet de budget comporte quelques mesures très positives.
Je me félicite de la progression des dépenses pédagogiques de l'enseignement public qui, cette année - c'est assez exceptionnel pour que je le souligne - profite également à l'enseignement technique et à l'enseignement supérieur.
Les mesures destinées à renforcer les moyens en personnel marquent une prise de conscience salutaire, même un peu tardive, des difficultés engendrées par l'insuffisance des créations d'emplois dans un contexte de forte croissance des effectifs.
Les soixante emplois d'ATOSS créés en 2000 sont bienvenus. J'avais souligné l'an dernier la nécessité de poursuivre à un rythme plus soutenu l'effort destiné à remédier à l'insuffisance du nombre de ces personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service qui conduit nombre d'établissements à fonctionner dans des conditions à la limite des normes de sécurité. Les créations d'emplois destinées à la « déprécarisation » doivent également être saluées.
En ce qui concerne l'enseignement privé, la mise à niveau de la subvention de fonctionnement des établissements à temps plein sera enfin achevée. Par ailleurs, les subventions versées aux écoles privées d'ingénieurs seront réévaluées.
Cependant, on constate encore des insuffisances. Ainsi, les dotations d'investissement destinées à l'enseignement supérieur sont reconduites en francs courants pour 2000, ce qui ne permettra guère d'accompagner la rénovation que, monsieur le ministre, vous appeliez à juste titre de vos voeux lors des débats sur la loi d'orientation agricole. De même, les mesures de « déprécarisation » sont encore loin de correspondre à l'ampleur du phénomène de précarité. Quant aux créations d'emplois de personnels non enseignants, elles ne sont pas de nature à remédier définitivement aux déficits constatés.
L'effort de rattrapage devra donc, pour porter ses fruits, être poursuivi dans les années à venir. A cet égard, il ne serait pas inutile de prendre la mesure exacte des besoins des établissements, notamment en ce qui concerne les personnels ATOSS. Je n'ignore pas les difficultés de l'exercice, mais je crois que cela pourrait éviter certains malentendus.
Vous avez manifesté, monsieur le ministre, la volonté d'élaborer un nouveau « projet pour l'enseignement agricole ». Il est effectivement temps de remédier à l'absence de prospective.
La politique de maîtrise des effectifs, à laquelle nous nous étions vigoureusement opposés, a montré ses limites. Le ralentissement de la progression des effectifs qui, parfaitement prévisible, avait déjà été observé l'an dernier, a été confirmé cette année, traduisant l'incapacité d'anticiper correctement l'évolution effective de la demande de formation.
Je me permettrai de contribuer à la réflexion qui s'engage en formulant une mise en garde contre une conception trop étroite de l'enseignement agricole.
L'agriculture de demain devra, certes, répondre à une exigence de qualité mais également être compétitive. Ce constat impose que soient formés des diplômés en aval, dans les secteurs de la recherche et de la sécurité sanitaire, mais également en amont, dans les secteurs de la transformation et de la commercialisation, encore insuffisamment pris en compte, notamment par l'enseignement supérieur.
En outre, le dynamisme de l'économie rurale dépend étroitement d'une diversification des formations agricoles qu'impose, par ailleurs, la multifonctionnalité de l'agriculture.
Monsieur le ministre, je forme le voeu que le projet que vous élaborerez tienne compte de ces constats. La pérennité du succès de l'enseignement agricole en dépend.
S'il ne constitue pas une réponse définitive aux difficultés chroniques de l'enseignement agricole et comporte des lacunes, ce projet de budget va incontestablement dans le bon sens. C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole. (Applaudissements.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 63 minutes ;
Groupe socialiste, 42 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 30 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 29 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 2 minutes.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget intervient au terme d'une année déterminante pour l'avenir du monde agricole : il y a tout d'abord eu l'adoption, par le Parlement, de la loi d'orientation agricole qui consacre, pour la première fois, la notion de multifonctionnalité de l'agriculture ; la réforme de la politique agricole commune, intervenue à Berlin ; la succession de révélations inquiétantes sur les modes alimentaires des animaux d'élevage, ainsi que sur la toxicité des produits de consommation ; la crise des fruits et légumes ; l'ampleur et la durée des crises porcine et avicole, ces derniers jours, qui, loin de s'estomper, ont jeté les producteurs dans le plus grand désarroi ; enfin, cette année 1999 aura vu l'émergence d'un mouvement paysan contestataire qui aura fortement contribué, après la forte dénonciation des règles imposées par l'OMC, à faire capoter, à Seattle, les projets de libéralisation des échanges mondiaux.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. N'exagérons rien !
M. Gérard Le Cam. D'emblée, je tiens à me réjouir de la position de fermeté prise par le Gouvernement français face aux concessions inacceptables sur lequelles était prêt à céder le négociateur européen, M. Pascal Lamy. Je m'interroge toutefois sur les propos tenus par celui-ci et selon lesquels le mandat qui lui a été confié par l'Union européenne ne pourrait être respecté à 100 %. Faut-il croire que M. Lamy pensait trouver, le moment venu, l'appui de certains Etats membres de l'Union pour remettre en cause ce qui a été signé à Berlin, et aller ainsi contre l'avis de la France ?
Je pense plutôt que le représentant de l'Europe a plié sous la pression américaine, qui s'est faite d'autant plus forte que les Européens avaient eux-mêmes accepté des concessions importantes, en rapprochant toujours plus la PAC des conditions du marché mondial. Ainsi Berlin, loin de constituer un bouclier derrière lequel les Quinze faisaient montre d'être solidaires, a-t-il contribué, à l'inverse, à attiser les velléités des Etats-Unis contre le modèle agricole européen.
Mais je pense, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur d'exprimer, devant le Sénat, votre interprétation de l'échec de Seattle.
J'en viens au projet de budget proprement dit, qui progresse, à périmètre constant, d'environ 3 %.
Le financement du contrat territorial d'exploitation, dispositif phare de la loi du 9 juillet 1999, sera doté de 950 millions de francs, programmés dans le présent projet de loi de finances, ainsi que de 750 millions de francs, issus des crédits européens.
L'enveloppe budgétaire sera, pour partie, alimentée par des crédits supplémentaires à hauteur de 650 millions de francs et, pour une autre partie, donnera lieu à un redéploiement aux dépens de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, dont les crédits seront réduits de 155 millions de francs, et du fonds pour l'installation en agriculture, le FIA, dont la ligne budgétaire disparaît et qui représentait 145 millions de francs en 1999.
Toute forme de redéploiement suscite de ma part une certaine réserve. En l'occurrence, s'il est concevable que le CTE puisse séduire certains jeunes qui désirent s'installer, pour autant il faut prendre garde à ne pas pénaliser ceux qui bénéficient, aujourd'hui, d'une aide à l'installation mais ne souhaitent pas signer un CTE ou préfèrent vérifier que le CTE sera à même de leur assurer un complément de revenu suffisant. Ainsi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur la pérennité des dispositifs existants en faveur de l'installation et préciser quels seront leurs modes de financement ? A ce propos, j'ai lu avec attention le courrier que vous avez adressé à M. Coste, président du Centre national des jeunes agriculteurs, et dans lequel vous apportez un certain nombre d'éléments rassurants.
Certains ne manquent pas, à cette tribune, de prétendre que l'on sacrifie l'installation des jeunes agriculteurs pour le financement du CTE, qu'ils combattent depuis le début. C'est oublier un peu vite que bon nombre de jeunes qui s'installent échappent d'ores et déjà à toute forme de soutien public. Précisément, pour cette catégorie de population, le CTE peut représenter le moyen de s'engager pour une durée de cinq ans, sur une exploitation, sans être soumis à la contrainte de la rentabilité maximale et immédiate. Encore faut-il - je ne cesserai de le répéter - que les aides versées, par la voie du CTE, soient à la mesure des engagements pris par l'agriculteur, faute de quoi elles seraient très rapidement réservées à une certaine forme d'agriculture, traditionnellement moins productive. Selon nous, le CTE doit couvrir l'ensemble de la profession pour adapter nos techniques de production, et non s'adresser à une catégorie d'agriculteurs donnée.
On escompte la signature de 50 000 CTE d'ici à un an. Près de deux milliards de francs seront débloqués, dont la moitié sera le produit de la modulation des aides directes européennes à l'agriculture. Toutefois, cette modulation paraît bien insuffisante pour faire face à la montée en puissance du CTE et, dans le même temps, rééquilibrer plus équitablement les subventions communautaires.
Seuls 2 % du montant des aides seraient en effet réorientés vers les plus petites exploitations et ne concerneraient que 5 % des exploitations. Peut-on envisager, monsieur le ministre, pour les prochaines années, un renforcement de la modulation ? Disposez-vous, à cet effet, de l'aval de la Commission de Bruxelles ?
Pour en revenir ponctuellement aux efforts consentis en faveur de l'installation des jeunes, je regrette que le Gouvernement n'ait pas profité de la réduction de 900 millions de francs des dépenses de bonification de prêts consécutive à la baisse des taux d'intérêt pour mettre en place des prêts à 0 %.
Le chiffre, trop faible, de 8 000 installations par an ne pourra pas permettre, chacun en a conscience, le renouvellement des générations et ne peut que favoriser l'extension des grandes exploitations qui phagocytent les surfaces vendues, à la suite des départs en retraite.
Une proposition me semble souhaitable et réalisable, dès la prochaine loi de finances : il s'agit du relèvement de la rémunération du stage de six mois, auquel est soumis tout jeune bénéficiant de la DJA. L'Etat pourrait prendre en charge une partie de cette indemnité, qui devrait être revalorisée à hauteur du SMIC net.
Le rôle des SAFER, en faveur du développement de l'emploi agricole, est également prépondérant. Deux dispositions fiscales concernant les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ont été adoptées par l'Assemblée nationale. La première tend à exonérer de TVA les opérations réalisées par les SAFER ; la seconde exonère de droits d'enregistrement les cessions de terrains à destination agricole.
Bien évidemment, ces mesures vont dans le bon sens, dès lors qu'elles contribuent à renforcer les missions des SAFER en faveur de la transmission des domaines fonciers, de la viabilité des exploitations les plus petites et de la préservation de l'emploi.
Je pense, toutefois, que cette marge de manoeuvre supplémentaire octroyée aux SAFER doit avoir pour contrepartie un contrôle plus strict de leurs opérations de transmissions.
A l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, je vous avais fait observer, monsieur le ministre, une certaine contradiction entre la volonté affichée par le texte de renforcer le contrôle des structures, d'une part, et le régime d'exception réservé aux SAFER, d'autre part, qui bénéficient, depuis la nouvelle loi, d'une absence de contraintes administratives.
Or, à ce jour, nombreux sont les contentieux qui mettent en cause certaines SAFER qui abusent de leur droit de préemption et vont à l'encontre de leurs missions de service public.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que vous apportiez les modifications nécessaires, par la voie législative ou réglementaire, pour soumettre les SAFER aux mêmes obligations dans leurs opérations d'acquisitions et de cessions de parcelles agricoles.
Après l'emploi agricole, une autre priorité qu'affiche ce projet de budget est la sécurité sanitaire et alimentaire. Il s'agit là d'une préoccupation majeure, exprimée par nos concitoyens à l'aube du XXIe siècle.
Notre groupe avait proposé, voilà quelques mois, la création d'une commission d'enquête sénatoriale sur cette question, à l'instar de celle que préside mon ami M. Félix Leyzour, à l'Assemblée nationale. La commission des affaires sociales n'a, hélas ! pas jugé bon de nous suivre. Je le regrette.
Dans les travaux de la récente mission d'information sur les industries de l'agroalimentaire, menée par nos collègues Dussault, Deneux et Bizet, ce problème apparaît en effet en filigrane, alors qu'est privilégiée l'intégration dans l'économie mondiale des industries agroalimentaires.
Le principe de précaution, auquel chacun d'entre nous se montre attaché, fait l'objet d'interprétations différentes, selon les pays concernés. La conception française doit faire école, tant au sein de l'Union européenne qu'à l'OMC, si nous souhaitons offrir toutes les garanties aux consommateurs.
Ce principe de précaution, pour être respecté et crédible, nécessite des moyens humains et financiers importants. J'approuve le fait que ce budget prenne la mesure de l'enjeu avec 921 millions de francs de crédits inscrits, soit une augmentation de 6 %. De même, il faut saluer les moyens nouveaux de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, dont le rôle s'est révélé déterminant pour conforter la position de refus de la France de lever l'embargo sur la viande bovine d'origine britannique.
A la suite des dernières observations de l'AFSSA, je me rejouis que le Gouvernement ait maintenu une position de clarté et de fermeté en faisant prévaloir le principe de précaution, quitte à provoquer des tensions avec nos partenaires britanniques et la Commission européenne.
Il est à souhaiter que cette crise débouche sur une meilleure prise en compte à l'échelon des instances européennes de la sécurité des consommateurs, qui ne saurait être sacrifiée sur l'autel du libre commerce.
Peut-on imaginer qu'un produit qui comporte un risque pour la santé soit librement mis en vente, même si, par ailleurs, le consommateur est informé de sa provenance ? En cas d'accident, la culpabilité ne serait-elle pas, dès lors, transférée sur le consommateur qui est censé connaître le danger encouru, et non sur le producteur et le distributeur ?
A cet égard, nous ne sommes pas hostiles - bien au contraire - à la mise en place d'une agence sanitaire européenne, dès lors qu'elle s'inspire du modèle français, qu'elle ne se limite pas à une simple évaluation des risques, mais qu'elle puisse procéder également à des contrôles rigoureux sur la qualité des produits échangés.
J'observe, enfin, une augmentation des crédits destinés à financer Génoplante, dont la création a provoqué, au sein même de la communauté scientifique, une certaine méfiance. D'aucuns y perçoivent le risque de placer la recherche publique sous la coupe d'intérêts mercantiles et industriels, avec la perspective d'un brevetage du vivant. Aussi souhaiterais-je vous entendre, monsieur le ministre, sur les finalités de cette structure et sur l'opportunité d'y associer des industriels de l'agrochimie.
A présent, je souhaiterais aborder, brièvement, l'évolution du budget de l'enseignement agricole public.
Dans un contexte marqué par une spectaculaire progression du nombre des élèves de l'enseignement agricole public, les crédits de l'enseignement agricole progressent, dans le projet de budget pour 2000, de 3,77 %.
Cette augmentation est certes supérieure à celles de 1997 et de 1998, mais elle reste très inférieure aux besoins des établissements.
Le 17 novembre dernier, l'ensemble des personnels se mobilisait pour demander un plan pluriannuel de rattrapage.
Aujourd'hui, l'écart est manifeste entre le nombre d'élèves accueillis et les moyens dont disposent les personnels. La précarité s'instaure en mode de gestion.
Cette précarité accentue l'instabilité de la communauté éducative au sein des établissements. D'ailleurs, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Selon le rapport Moulias, 25 % des personnels enseignants sont en situation précaire dans l'enseignement agricole.
Du côté des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service, les ATOSS, l'ampleur de la précarité est encore plus grande et les contrats emplois consolidés viennent en renfort des contrats emploi-solidarité.
La création de quelque 158 emplois d'enseignant, 60 pour les personnels ATOSS, ne sera pas de nature à résorber au plus tôt la précarité dénoncée à l'instant.
L'intérêt de nos jeunes pour l'enseignement agricole devrait, selon nous, faire l'objet d'une attention toute particulière.
Le renouveau de l'agriculture, les engagements de notre pays en matière de sécurité alimentaire exigent et exigeront une formation de plus en plus grande des générations d'agriculteurs à venir.
En outre, l'enseignement agricole peut se prévaloir de méthodes modernes, d'une pédagogie active, particulièrement adaptée, mais exigeante en moyens humains. Les établissements comptent en effet un grand nombre d'internats, et des installations importantes qui réclament un entretien particulier.
Dès lors, nous souhaiterions que la politique conduite en matière d'enseignement agricole s'attache à répondre aux aspirations des jeunes et de la communauté éducative, engagés dans cet enseignement.
A ce titre, une programmation pluriannuelle nous paraît être l'instrument adapté à l'amélioration du système éducatif agricole.
Enfin, pour clore le volet agricole, il m'est difficile de ne pas évoquer ici la situation dramatique vécue par les producteurs bretons. La tension ne cesse de grandir de jour en jour et donne lieu, parfois, à certains débordements qui, sans vouloir les excuser, doivent être compris tant la colère contenue depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, est insoutenable.
Je prends acte de votre décision de nommer un chargé de mission dont la tâche sera d'apprécier l'ampleur de la crise et, ainsi, d'apporter les solutions adéquates.
Cependant, si des mesures de nature structurelle sont indispensables, notamment celles qui favorisent un meilleur contrôle de la production et du renforcement de l'organisation des filières porcine et avicole, d'autres mesures d'urgence s'imposent pour éviter la faillite de milliers d'exploitations et la mort d'une profession qui contribue au développement de l'agriculture bretonne.
Dans un récent courrier, je vous ai fait part, monsieur le ministre, d'un certain nombre de suggestion qui, sans être exhaustives, auraient pour mérite d'amortir les effets de ce genre de crise et de prévoir un dispositif de soutien aux exploitants les plus en difficulté, notamment par le biais d'une caisse de solidarité approvisionnée par l'ensemble des acteurs de la filière, y compris le système bancaire.
Je vous renouvelle également notre proposition en faveur de la mise en place d'un coefficient multiplicateur qui serait applicable en cas de crise extrême et garantirait un revenu suffisant aux producteurs.
Il convient également de prévoir un rééchelonnement, voire une annulation, de l'endettement des exploitants qui sont dans une situation particulièrement critique.
Sans ces mesures d'urgence, à la fois justes et efficaces, il est à craindre la disparition des exploitations à dimension humaine et l'extension d'un modèle d'agriculture productiviste et industriel dont on connaît les dangers en termes d'emploi, de santé publique, d'environnement et d'aménagement du territoire.
Pour terminer mon propos, j'évoquerai un autre secteur auquel je suis très attaché, celui de la pêche maritime, auquel votre budget consacre près de 194 millions de francs, soit une progression de 2,3 % des crédits.
Le 22 novembre dernier, s'est tenu un Conseil européen sur la pêche chargé d'entériner la réforme de l'OMC-pêche.
A l'occasion de l'examen de la résolution adoptée par le Sénat le 27 mai dernier, j'ai, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, insisté, en particulier, sur la nécessaire limitation de la pêche minotière, sur un meilleur contrôle des produits de la mer importés à des prix abusivement bas et, enfin, sur l'objectif d'harmonisation des conditions de travail des marins-pêcheurs européens, autant de points sur lesquels, monsieur le ministre, je souhaite obtenir des éclaircissements.
S'agissant de l'application des 35 heures dans la profession de la pêche, je crois savoir qu'il existe certaines difficultés, alors que la volonté d'aboutir des pêcheurs est très forte. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?
En conclusion, ce budget marque des évolutions intéressantes justifiant l'approbation du groupe communiste républicain et citoyen, qui souhaite encourager cette révolution « agriculturelle » dont la France a besoin pour affronter les enjeux du siècle à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux insister sur le malaise, sur une certaine désespérance, qui touche les agriculteurs, spécialement les jeunes, même dans une région comme la mienne.
Depuis trente ans, les prix de tous les produits agricoles n'ont cessé de baisser et les charges, notamment les charges sociales, n'ont cessé d'augmenter.
Certes - et heureusement ! - la productivité à permis de rétablir un certain équilibre. Mais la productivité connaît des limites, surtout à une époque où l'on jette, à juste titre, l'anathème sur les pollueurs et où les produits bio ont le vent en poupe.
La taxe sur les activités polluantes va servir, tout au moins en partie, à financer les 35 heures. Passe encore si cette taxe alimentait un fonds destiné à réduire les pollutions ! Dans le fond, on nous refait en quelque sorte le coup de la vignette Ramadier, qui, c'est le moins que l'on puisse dire, n'a pas eu sa destination originelle !
Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur le financement de la mise aux normes des bâtiments d'élévage. Le programme a débuté en 1994, avec un moratoire de cinq ans ; nous arrivons à la fin du moratoire.
Dans l'Aisne, le total théorique des dossiers est de 715 : 85 sont financés, 130 sont encore en attente de financement, 500 sont à mettre en route. Le financement va-t-il suivre ? Les agriculteurs dont les dossiers sont en attente vont-ils devoir payer une taxe pour pollution ?
Je tiens également à vous dire, monsieur le ministre, que les problèmes administratifs liés aux mises aux normes sont d'une grande complexité. Remplir les documents considérés est impossible pour un agriculteur « normal », qui n'a pas fait l'ENA. (Sourires.) L'agriculteur, en période de grosse activité, travaille douze, treize, voire quatorze heures par jour ; il ne dispose pas de plusieurs jours pour remplir un questionnaire de dix-huit pages avec une notice explicative de douze pages !
Simplifions, monsieur le ministre, simplifions !
Il en va de même pour la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation : la circulaire du 17 novembre dernier, adressée aux préfets, contient... 157 pages ! Cela n'est pas raisonnable.
M. Gérard César, raporteur pour avis. Il faut décrypter !
M. Jacques Pelletier. Je ne peux m'empêcher de lire une toute petite partie de l'arrêté du 8 novembre 1999 sur le contrat territorial d'exploitation : « Le montant théorique total de l'aide annuelle est calculé en multipliant la totalité des superficies faisant l'objet d'un engagement par la rémunération correspondante, dans le respect des plafonds par hectare susvisés. Le montant moyen par hectare - MM - est calculé en divisant le montant théorique total par le nombre d'hectares réels - HAR - faisant l'objet d'un ou plusieurs engagements combinés. Le montant de l'aide est calculé par tranche, en multipliant pour chaque tranche MM par les coefficients suivants, calculés en fonction de la surface minimale d'installation prévue à l'article L. 312-5 du code rural. Chaque produit ainsi calculé est multiplié par les fractions d'hectares de la superficie sous engagements, comprises dans les limites précisées dans le tableau ci-dessous ». Et ainsi de suite !
Personnellement, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce texte.
Recevant, il y a quelques jours, un ami polytechnicien, je lui ai mis ce texte sous les yeux, je ne suis pas sûr que, lui non plus, ait bien compris !
M. Bernard Piras. C'est normal, pour un poly-technicien ! (Rires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour un paysan, c'est clair ! (Nouveaux rires.)
M. Hilaire Flandre. Il faut être socialiste pour comprendre !
M. Jacques Pelletier. Monsieur le ministre, clarifions, simplifions ! L'une des raisons du malaise paysan actuel réside dans cet environnement paperassier,...
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
M. Jacques Pelletier ... dans cet encadrement si préjudiciable à cette liberté si chère au monde agricole. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, le budget de l'agriculture pour 2000 est le premier budget qui suit la réforme de la PAC issue des accords de Berlin, lesquels ont montré votre opiniâtreté à défendre les intérêts de la France.
Ces accords, ni bons ni mauvais, chacun s'accorde à dire qu'ils constituent un bon compromis. En effet, si, au départ - chacun ici s'en souvient - les positions françaises étaient pour le moins éloignées de celles de l'ensemble des Etats membres, tel n'est plus le cas aujourd'hui : l'Europe fait front uni. Je n'en veux pour preuve que le dernier débat sur l'OMC.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre à cette tribune, je ne considère pas que Seattle ait été un échec. J'ai même tendance à dire que c'est une réussite dans la mesure où vous avons pu y montrer la détermination de la France et de l'Europe à défendre une certaine éthique du monde agricole.
Les accords de Berlin constituent dorénavant un modèle à défendre, celui d'une politique agricole européenne. Ils constitueront, bien entendu, notre force et ils joueront, à n'en pas douter, un rôle majeur dans les prochaines négociations commerciales internationales qui se dérouleront dans le cadre de l'OMC.
Qu'allons-nous défendre dans ce cycle de négociations ouvert à Seattle depuis le début du mois ?
Voilà quelques semaines, nous étions ensemble aux Etats-Unis, monsieur le ministre, où j'ai pu me rendre compte de l'échec cuisant de la politique libérale agricole, qui a conduit à la faillite près de 25 % des exploitations et qui a fait qu'aujourd'hui, par des moyens détournés, l'agriculteur américain est le plus subventionné au monde.
Heureusement, les accords de Berlin étaient signés ! L'Europe a ainsi pu se présenter unie et défendre les thèses françaises sur le maintien d'une agriculture subventionnée nécessaire à notre équilibre, en intégrant dans le débat tous les actes non marchands que nous jugeons indispensables : protection sanitaire, protection alimentaire, protection sociale, etc.
Par ailleurs, le budget pour 2000 est le premier budget d'application de la loi d'orientation agricole, texte d'importance qui nous a permis de reconnaître et d'affirmer la multifonctionnalité de l'agriculture et de réorienter nos concours publics en vue de parvenir à une agriculture productive, certes, mais centrée aussi sur la qualité des produits, les modes de production et participant pleinement au développement durable.
Fort de tous ces éléments et riche d'un tel contexte, vous avez donc élaboré, monsieur le ministre, votre budget pour 2000.
Je le dis d'entrée, c'est un bon budget. Il est cohérent, fidèle à vos engagements et tourné vers l'avenir. Nous l'avons étudié attentivement, avec beaucoup de rigueur. Il s'articule autour de quatre grandes priorités que nous approuvons et que nous voulons voir menées à bien.
Il s'agit, tout d'abord, de mettre en place la mesure phare de la loi d'orientation agricole, à savoir les CTE, nouvel instrument de soutien public.
Je n'ai pas oublié les propos pessimistes que tenaient, voilà un an, à cette même tribune, certains de nos collègues sur les cofinancements. Je n'ai pas oublié non plus votre réponse, monsieur le ministre. Vous avez tenu parole et dans la négociation de Berlin, et dans le principe de l'application d'un choix politique, social, équitable, en prélevant une petite partie de l'aide publique accordée à près de 60 000 exploitants, soit environ 5 % de leur dotation, dans une fourchette allant de 3 % à 15 % des 700 000 exploitations, pour la reventiler aux autres par le biais des CTE.
Cette modulation protège l'emploi puisque vous retirez toutes les charges salariales avant modulation. C'est une très bonne chose qui mérite d'être rappelée aujourd'hui.
Globalement, les CTE se verront doter, pour l'an 2000, d'une dotation, d'environ 2 milliards de francs. Aujourd'hui, on peut donc rassurer tout le monde sur la poursuite de cette orientation.
A côté des CTE, dont reparlera mon collègue André Lejeune tout à l'heure, les moyens traditionnels en faveur de l'installation en agriculture sont préservés.
Priorité des priorités, bien sûr, vous vous donnez les moyens, cette année, dans ce budget, de faciliter l'installation de candidats nouveaux, hors cadre familial. Avec près de 490 millions de francs, la dotation aux jeunes agriculteurs devrait permettre l'installation de près de 8 000 jeunes, ce qui marque votre ambition pour le monde agricole, monsieur le ministre.
Le fonds pour l'installation en agriculture a beaucoup fait parler de lui. Je n'y reviens pas, puisque vous avez apporté une réponse personnelle à chacun des agriculteurs dans votre courrier, en précisant, bien évidemment, que cette dotation était rattachée au fonds de financement des CTE et que, si quelque part, une partie de cette enveloppe permettait de financer des organismes oeuvrant dans le domaine de l'animation, vous étiez prêt à contribuer à ce financement, ce qui est de nature à rassurer tout le monde.
Le deuxième enjeu de ce budget, c'est de répondre aux attentes en matière de qualité des produits et de sécurité sanitaire des aliments.
La réorientation de notre agriculture passe par le renforcement de la qualité de nos productions. Les crédits prévus à ce titre sont incontestablement en nette hausse dans ce budget.
L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments est également bien dotée, afin de renforcer ses capacités de veille, d'expertise sanitaire et d'appui scientifique et technique.
Cela m'amène à évoquer le principe de précaution et à insister sur la nécessité de faire avancer la conception française de ce principe.
Le dossier du boeuf britannique est quasiment réglé, encore que, par les temps qui courent, il faille manier le terme « quasiment » avec prudence ! En tout cas, je veux saluer ici le courage dont vous-même et le Gouvernement avez fait preuve dans la protection du consommateur français.
La troisième priorité budgétaire, c'est, cette année encore, la politique éducative, qui répond à trois préoccupations majeures : accompagner la hausse des effectifs, mettre en oeuvre la réforme des lycées et, enfin, diminuer les emplois précaires.
Pour ce faire, vous proposez une hausse de 4 % des crédits. Mon collègue Bernard Piras reviendra sur ce volet important de votre budget.
Enfin, quatrième et dernière priorité de ce budget, la relance de la politique forestière, que vous nous avez déjà annoncée l'an dernier, à la suite de l'adoption de la loi d'orientation agricole.
Conscient des atouts de notre forêt pour notre agriculture et notre économie, vous avez décidé, à la suite de l'excellent rapport Bianco, de redynamiser la politique en faveur de la forêt française. Vous nous présenterez bientôt, dans un projet de loi consacré à la forêt, les grandes orientations que vous envisagez pour celle-ci. Ce projet, nous l'attendons, bien sûr, avec beaucoup d'impatience, monsieur le ministre. Vous savez en effet combien notre assemblée est attentive à ces orientations. Comment comptez-vous, d'ailleurs, associer le Parlement à l'étude de ce sujet important ?
Ce budget met donc en oeuvre une grande partie de la loi d'orientation agricole, nous venons de le voir.
Pour autant, il permet également la mise en oeuvre des engagements pris dans le cadre d'une politique plus générale par le Gouvernement dans le domaine de la solidarité : je veux parler ici du plan de revalorisation des retraites agricoles. Notre collègue Bernard Piras évoquera, à l'occasion de l'examen du BAPSA, l'ensemble des propositions de notre groupe à ce sujet.
Enfin, monsieur le ministre, nous tenons à saluer tout particulièrement vos efforts pour faire de votre budget un véritable outil d'intervention, dans le prolongement de l'acte politique que constituait la loi d'orientation agricole, renforçant ainsi notre capacité de soutien à la modernisation de l'agriculture française et à son insertion dans son environnement économique, social et territorial.
Revalorisation de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, poursuite des efforts d'adaptation des filières, revalorisation des indemnités compensatoires des handicaps naturels, reconduction des crédits de programmes agri-environnementaux antérieurs aux CTE, voilà autant de signaux qui montrent un effort budgétaire constant en faveur des actions économiques agricoles et de l'aménagement de l'espace rural, sujet qui sera développé tout à l'heure par notre collègue Paul Raoult. Quant à Pierre-Yvon Trémel, il vous posera un certain nombre de questions au nom de notre groupe et je laisserai à notre collègue Yolande Boyer le soin de vous parler plus particulièrement de la femme en agriculture, sans oublier, bien sûr, la mer et la pêche, tous sujets à l'ordre du jour, mes chers collègues.
En conclusion, monsieur le ministre, je dirai que votre budget correspond aux choix politiques que vous avez faits pour l'agriculture française. Il traduit un certain volontarisme et illustre parfaitement les mutations que connaît le monde agricole et rural, auxquelles il lui donne les moyens de répondre.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste abordera avec une très grande sérénité le prochain millénaire, car votre budget, établi avec finesse, permet le virage nécessaire pour redonner espoir à notre agriculture et à notre ruralité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est encore un peu trop tôt pour juger l'efficacité de l'application de la loi d'orientation agricole dans notre pays. Je limiterai donc volontairement mon intervention.
Cependant, à l'occasion de ce débat budgétaire sur l'agriculture et au lendemain des discussions de Seattle, je relèverai quelques contradictions flagrantes entre la volonté affirmée par le Gouvernement de changer de politique agricole et les moyens dont il se dote à court terme pour y parvenir.
Je constate, tout d'abord, que l'idée que j'ai avancée ici à plusieurs reprises, en mars et en avril, consistant à défendre, par le biais de la loi d'orientation agricole, un modèle de politique agricole qui pourrait être européen et qui, dans le cadre de la pluriactivité, définirait bien les facettes multiples des fonctions de l'agriculture, a fait son chemin. Je m'en félicite. C'est bien sûr cette définition essentielle de la fonction économique, sociale et environnementale de l'agriculture européenne que les discussions de l'OMC ont, en fait, échoué. Deuxième constat, l'agriculture européenne a tout à gagner à s'allier avec les consommateurs du monde entier en leur garantissant la sécurité alimentaire, en quantité et en qualité. La traçabilité, l'exigence de connaissance de l'origine, la valorisation de nos terroirs sont autant de facteurs de garantie qui rassurent les consommateurs, lesquels doivent, en revanche, en admettre les coûts spécifiques.
Mon troisième constat est plus négatif, voire tendancieux. Pourquoi avoir donné dans les médias une image aussi tronquée de l'agriculture française, voire européenne, lors de la réunion de Seattle ? M. José Bové, pour sympathique qu'il soit, met en exergue les produits de haut de gamme que nous avons toujours défendus. Ils sont le fleuron de nos exportations alimentaires, mais seuls les nantis peuvent se les procurer. Ils visent ainsi une clientèle aisée à qui nous fournissons ce qu'elle souhaite - tant mieux pour elle - mais la solution de l'aide alimentaire pour le tiers de la population mondiale qui souffre de malnutrition est ailleurs. Elle réside dans la prise de conscience par les Etats riches de leur responsabilité à fournir à ces peuples des produits de masse bon marché que seules des agricultures compétitives, comme la nôtre, peuvent produire.
Voilà le modèle européen agricole de demain, monsieur le ministre ! Ce n'est pas en tenant des propos qui dressent les gros contre les petits, les céréaliers contre les éleveurs, les gens du Nord contre ceux du Sud, que l'on va créer un climat favorable dans le monde agricole et à l'extérieur, d'autant que ces idées sont reliées par les médias qui ne se privent pas de les répandre. J'ai bien compris quelles étaient les priorités de votre budget, monsieur le ministre : le financement des CTE, le développement de l'emploi et de la formation, la qualité sanitaire, la revalorisation des retraites.
Mais comment comprendre, alors, la suppression des crédits du FIA, que votre prédécesseur avait mis en place, et l'amputation de près du quart des dotations aux jeunes agriculteurs, d'une part, face à votre effort en matière d'enseignement agricole, d'autre part ? Il me semble y avoir une certaine incohérence quand, d'un côté, on essaie de donner la meilleure formation aux jeunes - ce qui est tout à fait souhaitable - et que, de l'autre, on ne se donne pas les moyens suffisants pour leur permettre de s'installer.
Je regrette que, dans ce budget, on ne se soit pas doté des moyens que j'ai à plusieurs reprises évoqués. En particulier, aucune avancée fiscale n'a été proposée.
Certes, monsieur le ministre, vous allez me répondre tout à l'heure qu'aucune décision ne pouvait être prise aussi vite dans ce domaine. Je vous signale cependant que cela fait plus de quinze ans que je me bats sur ce dossier de la modernisation de la fiscalité agricole !
Vous allez me dire que Mme Marre et M. Cahuzac sont en train de préparer un rapport et qu'il faut attendre de connaître les résultats de leurs études. Mais, chaque année, on nous renvoie au projet de loi de finances suivant, on nous fait observer que nos requêtes, fiscales en particulier, ne sont pas prioritaires et que l'on doit s'attacher, dans un contexte de difficultés économiques et sociales, à une plus grande équité dans l'attribution des soutiens publics.
Cette fois-ci, il faut attendre les rapports puis, après les rapports, on remettra en place des groupes de réflexion et, quand ceux-ci auront effectivement réfléchi, nous aurons patienté une année de plus et rien n'aura été fait.
A mon avis, certaines mesures fiscales pouvaient ne pas attendre ces rapports : je pense notamment à des mesures relatives à la TVA ou à la taxation sur les plus-values. Si de telles mesures avaient été proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances, elles auraient pu rassurer les agriculteurs sur votre volonté de faire progresser ce dossier rapidement.
Ces mesures ne sauraient toutefois interférer avec des adaptations plus fondamentales des prélèvements obligatoires frappant l'activité agricole. Je vous rappelle ainsi que les propositions des organisations professionnelles agricoles en matière fiscale visaient la mise en place d'un système d'exonération dégressive des plus-values en cas de transmission à un jeune agriculteur la possibilité d'évaluer les exploitations sur la base de leur valeur de rendement, l'adaptation d'aménagements fiscaux qui permettraient de favoriser la cession du capital d'exploitation à de jeunes agriculteurs par les anciens exploitants sans les exposer à des situations dramatiques, avec des emprunts impossibles à rembourser.
Je ne voudrais pas quitter cette tribune sans vous dire tout le mal que je pense de la TGAP : comment justifier que les recettes de ce nouvel impôt à la charge des agriculteurs - en effet, cet impôt se répercutera sur les prix des produits sans que les agriculteurs puissent le faire supporter aux consommateurs étant donné la formation des prix agricoles - soient affectés au budget de la sécurité sociale ? On passe d'une logique environnementale à une logique budgétaire !
L'enjeu, pour la profession agricole, est double : il s'agit de valoriser l'image des exploitations, car nous devons démontrer aujourd'hui que notre agriculture produit avec le souci de veiller à la transparence des techniques de production, et de protéger l'environnement par des actions fondées sur le volontariat.
C'est pourquoi l'institution d'une taxe générale sur les activités polluantes est, de mon point de vue, une grave erreur politique. Elle va à l'encontre de la démarche de la profession agricole, qui à toujours su réagir sur les grands enjeux de notre société.
Du point de vue de la protection de l'environnement, la TGAP est inefficace car elle constitue plus un droit à polluer qu'une taxe sur les produits.
Voila quelques-unes des idées que m'a inspirées le budget de l'agriculture ; j'en aurais beaucoup d'autres à développer, mais j'ai dit que je serais bref.
Je suis personnellement d'accord pour que nous reprenions, dans quelque temps, les discussions dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, mais celles-ci ne doivent pas aboutir à des résultats médiocres. Je suis partisan d'un accord mondial du commerce, mais pas à n'importe quel prix, car la loi de la jungle ne doit pas l'emporter.
Les Etats-Unis ont été jusqu'au-boutistes dans cette première épreuve. Pourquoi pas ! N'y a-t-il pas une élection présidentielle chez eux dans quelques mois ? Il était donc normal qu'ils réagissent durement. Mais il est heureux que, face à eux, la Commission ait réagi elle aussi durement ! Nous avions craint un mauvais accord, et tel n'a pas été le cas. Tant mieux ! Mais il faudra reprendre les discussions et, à ce moment-là, les Européens, en particulier les Français, devront être très fermes.
Je regrette d'ailleurs que le ministre de l'agriculture ne fasse pas partie de la délégation française.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous expliquerai pourquoi !
M. Michel Souplet. J'attends donc vos explications, mais j'espère que, la prochaine fois, vous y serez. Soyez très ferme !
Nous disposons d'un délai nouveau, profitons-en pour bien fourbir nos armes, pour bien faire comprendre à l'opinion publique l'importance de l'enjeu, pour bien faire comprendre aux agriculteurs que ce n'est pas avec des coups de gueule que l'on fait avancer les choses. Il nous faut réellement - je crois que là est notre combat - définir la place de l'agriculture dans notre société.
L'agriculture française a besoin de demeurer une agriculture exportatrice de produits de masse et de produits de qualité. Il faut donc continuer de garder nos débouchés intérieurs et les accroître, aussi bien sur le plan alimentaire que sur le plan non alimentaire. Or, monsieur le ministre, vous savez qu'à chaque fois que nous voulons avancer sur le non-alimentaire on nous répond études nouvelles, on nous renvoie à des dossiers qui ne sont pas bouclés. Nous en avons marre de cette position !
M. Bernard Joly. Bravo !
M. Michel Souplet. Nous avons besoin de débouchés à l'intérieur de la Communauté, que ce soit sur l'alimentaire ou sur le non-alimentaire, mais il nous faut aussi conquérir de nouveaux débouchés sur le marché extérieur, dans le monde entier où tant de gens meurent de faim. Notre rôle, le voilà ! Moi, paysan, je ne serai jamais heureux tant que je saurai que je n'ai pas répondu à ma vocation parce que j'ai laissé des gens mourir de faim à côté de moi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à d'autres secteurs, l'agriculture n'est pas une priorité pour le Gouvernement. Hors BAPSA et à périmètre constant, le budget de l'agriculture connaît une baisse de 0,5 %.
Mais il y a plus grave : cette réduction des moyens se traduit par une diminution des crédits d'intervention et une forte hausse - 9,1 % ! - des dépenses des services.
Ainsi, ce budget n'apporte pas toutes les réponses aux questions que se posent nos agriculteurs, ce qui hypothèque l'avenir.
Je me contenterai, ici, de retenir quelques-unes de ces interrogations, pour consacrer ensuite mon propos à la viticulture.
L'actuel environnement économique et social n'est pas encourageant pour notre agriculture.
Tout d'abord, la politique d'installation des jeunes est menacée par la réduction des crédits de la DJA et par la suppression du fonds d'installation.
Ensuite, le financement des CTE demeure très problématique, en particulier à cause de la modulation des aides.
L'application des 35 heures est quasiment inimaginable pour le secteur agricole, notamment pour ceux qui travaillent la terre.
Enfin, les agriculteurs sont touchés de plein fouet par l'augmentation de la fiscalité, notamment par l'élargissement de l'assiette de la TGAP, bien que la majorité sénatoriale s'y soit fermement opposée.
En conséquence, ni le présent budget ni votre politique macro-économique ne permettront à l'agriculture de relever aisément les défis de l'avenir.
En outre, je me permets de souligner que, lors de nos récents débats sur la première partie du projet de loi de finances, à chaque question ou à chaque amendement fiscal ou social émanant de la majorité sénatoriale, le ministre a inlassablement répondu en renvoyant au futur rapport de nos collègues députés Mme Marre et M. Cahuzac sur la situation fiscale et sociale de l'agriculture. Sans contester la valeur des travaux de nos collègues, dont je n'ai pas pris connaissance, je m'interroge cependant sur la faiblesse des ambitions du Gouvernement, qui remet à plus tard, et sous bénéfice d'inventaire, des réformes non seulement attendues mais encore nécessaires.
En ce qui concerne la viticulture, je rappellerai en premier lieu les positions que nous avons défendues au moment de la mise en place de la nouvelle OCM et qu'il faut toujours garder à l'esprit.
Nous avons en effet jugé, lors de nos travaux du début de l'année, que l'accroissement autorisé de la surperficie du vignoble était insuffisant ; que l'interdiction de la vinification des moûts en provenance des pays tiers devait être maintenue ; que l'organisation de notre filière vitivinicole devait être préservée ; que des dispositions devaient être prises, au niveau communautaire, afin de soutenir la promotion commerciale des produits et la modernisation des entreprises viticoles.
Sur ces différents points, j'espère, monsieur le ministre, que vous saurez faire preuve de fermeté auprès de nos partenaires européens sur les conditions d'application de cette OCM.
Au-delà de ces questions d'ordre international, permettez-moi aussi de revenir sur les conclusions de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Nous savons tous aujourd'hui combien la loi Evin, en s'attaquant à la publicité, a raté sa cible en matière de santé publique.
Or il semble que les mêmes erreurs et les mêmes assimilations hâtives ont encore cours au sein de la majorité plurielle.
Le vin fait partie, surtout dans notre pays, d'une tradition qui appartient à notre identité culturelle et qu'on ne saurait renier au nom d'un « socialement correct » très hypothétique.
L'alcool n'est pas une drogue. Seule est condamnable la consommation excessive d'alcool, contre laquelle c'est une véritable politique de prévention qu'il faut mener.
La consommation modérée de vin, et de bon vin, relève d'un art de vivre que nous ne devons pas abandonner.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est une thérapeutique ! (Sourires.)
M. Serge Mathieu. Il faut continuer à encourager la production de produits de qualité, notamment au travers des AOC.
Ces productions se caractérisent, en effet, par leur valeur ajoutée et le savoir-faire qu'y apportent les producteurs et les négociants ; la qualité permet une meilleure valorisation du travail agricole et garantit un revenu plus élevé aux agriculteurs.
Ce sont également des productions qui connaissent la faveur des consommateurs, car ces derniers sont à la recherche d'une plus grande authenticité, d'une plus grande sécurité, d'une plus grande identité dans leurs produits alimentaires. Les produits de qualité, notamment les AOC, rassurent nos concitoyens.
Ces cultures font vivre nos terroirs : elles ont un rôle primordial dans l'aménagement du territoire, la préservation de nos paysages, l'équilibre entre la ville et les campagnes. Souvent, la production de qualité assure l'existence d'entreprises et d'exploitations dans des zones difficiles ou aux caractéristiques très particulières ; elle transforme les handicaps en facteurs de compétitivité.
Enfin, les AOC constituent un des premiers postes excédentaires de notre balance commerciale avec un solde, désormais structurel, de plusieurs dizaines de milliards de francs.
La valorisation de nos « terres d'excellence » est un gage d'avenir et de modernité. La qualité des produits doit donc être un axe majeur de développement.
Dans les différentes pespectives que je viens d'aborder, monsieur le ministre, il faut que notre politique de qualité, quelles que soient les appellations, trouve des appuis forts. Or le projet de budget ne répond pas aux conditions d'une telle politique.
D'abord, le soutien à l'installation est faible.
Ensuite, le budget des dépenses relatives aux industries agroalimentaires et à la qualité baisse, sur le moyen terme, de 470 millions de francs en 1996 à 395 millions de francs en 1999.
Enfin, les crédits de promotion des produits sont réduits, cette année, de 5 millions de francs, ce qui augure mal de l'appui qui sera donné à nos entreprises pour conquérir de nouveaux marchés.
Dans ces conditions, et pour toutes celles qui ont été dénoncées par notre rapporteur, je m'opposerai, monsieur le ministre, au projet de budget de l'agriculture pour 2000, tel qu'il nous est présenté. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le ministre, mon intervention sera brève : deux minutes pour deux questions ! (Sourires.)
En premier lieu, je voudrais vous faire part des inquiétudes de mon collègue, sénateur de l'Aube, Philippe Adnot, quant à l'avenir du fonds pour l'installation en agriculture, le FIA, dans le cadre du projet de budget 2000.
En effet, ce fonds, qui a pour objectif de promouvoir des installations supplémentaires en accueillant de nouveaux candidats, donne, depuis sa mise en place en 1995, des résultats très encourageants.
Or, monsieur le ministre, alors que, selon vos propres termes, « la politique d'installation en agriculture constitue une des actions prioritaires du Gouvernement », il est choquant de constater que vous proposez, dans le même temps, l'intégration du FIA dans le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation.
Vous commettez là une confusion nuisible au FIA dès lors que vous fusionnez politique de développement des exploitations et politique d'installation des jeunes agriculteurs, deux stades pourtant si différents en pratique.
Je vous rappelle que le FIA joue un rôle primordial d'animation, d'encouragement de l'installation, de financements et d'éducation en faveur des jeunes agriculteurs.
Avec mon collègue Philippe Adnot, j'estime que la remise en cause de ce fonds représente une grave menace pour la politique d'installation des jeunes agriculteurs dans son ensemble.
En second lieu, je souhaite, à titre personnel, vous interpeller sur le budget de la pêche et le problème de l'application de la loi sur les 35 heures pour les patrons pêcheurs français face à la concurrence espagnole.
Dans mon département, la Vendée, le secteur de la pêche a été durement touché, notamment en raison des disposition européennes concernant les filets maillants dérivants.
Les pêcheurs français de la façade atlantique qui pêchent dans le golfe de Gascogne se retrouvent en forte concurrence avec leurs homologues espagnols.
L'application de la loi sur les 35 heures impose la réduction des jours de pêche et crée une distorsion supplémentaire par rapport à l'Espagne, qui n'a pas cette contrainte sociale.
Cette trop grande rigidité du droit du travail pénalise de façon supplémentaire ces entreprises françaises et la pêche en général. Comment, monsieur le ministre, pensez-vous qu'il soit possible d'y remédier ?
M. le président. La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est aujourd'hui, bien sûr, le sénateur du Gers qui s'exprime, mais c'est aussi l'ancien président de la chambre d'agriculture du département le plus agricole et le plus rural de France.
Monsieur le ministre, je tiens, à la suite de mon prédécesseur à cette tribune, à vous faire part de l'incompréhension et de l'inquiétude des jeunes agriculteurs de notre département face à la suppression du FIA. Cette suppression va gravement mettre en cause l'ensemble des actions locales, en particulier celles qui sont liées à l'installation progressive des jeunes.
Nous ne pouvons installer des jeunes que si nous disposons d'exploitations à transmettre, d'exploitations que nous identifions au travers d'actions spécifiques, en liaison avec les SAFER, telles que le repérage d'exploitants sans successeurs, l'aide à la location des terres à un jeune, l'aide à la transmission du capital d'exploitation, l'incitation financière au propriétaire, le soutien pour différer l'installation par des conventions de mise à disposition proposées, notamment, par les SAFER.
La notion d'installation progressive consiste, vous le savez, à étaler dans le temps l'entrée d'un jeune dans l'activité agricole afin de lui ouvrir tous les accès possibles aux aides à l'installation. J'ai la conviction que l'aide directe à l'installation comme l'amélioration des compétences et des connaissances permettraient d'aider plus concrètement et plus efficacement les jeunes. Ce ne sont pas les CTE qui pourront pallier cette difficulté. Ils n'ont d'ailleurs pas vocation à cela. Il faut donc maintenir le FIA et le consolider, peut-être par la mise en place des CTE. Cette solution me paraîtrait idéale.
Le renouvellement et le maintien des exploitations dans des départements qui, comme les nôtres, ne dépassent pas les 20 habitants au kilomètre carré, sont prioritaires, car celles qui restent - quelques centaines au plus - sont loin d'être en nombre suffisant pour compenser les départs. Nous sommes donc dans l'obligation d'encourager et de soutenir le renouvellement et le maintien des exploitations sous toutes leurs formes.
Dans le même esprit, il faudrait peut-être envisager, dans les zones défavorisées, une réforme des prêts bonifiés. Il faudrait accélérer leur mise en place, les proposer à plus long terme, trente ans par exemple, en tout cas les offrir à taux zéro, car les jeunes agriculteurs ont tendance à leur préférer aujourd'hui d'autres prêts. Je pense, entre autres, aux prêts AGILOR du Crédit agricole, qui se caractérisent par leur souplesse, par la rapidité de leur mise en place - quarante-huit heures suffisent - et qui n'imposent aucune contrainte particulière d'accès.
C'est la PAC 1992 qui a conduit à la naissance du FIA et qui a dangereusement engagé notre agriculture sur la voie des aides directes. Dans notre département, le produit agricole brut est, six ans après, le même qu'en 1989.
Monsieur le ministre, si je vous félicite de votre fermeté pour le maintien de l'embargo sur les viandes britanniques, et si j'ai aussi apprécié certaines de vos déclarations, dimanche, sur TF 1, je ne peux en revanche accepter que vous repreniez toujours ce slogan facile qui oppose et divise à la fois les catégories sociales et les agriculteurs, et qui consiste à dire que 80 % des aides vont à 20 % des paysans !
Plusieurs sénateurs sur les travées socialistes. C'est pourtant la vérité !
M. Yves Rispat. C'est peut-être vrai dans deux ou trois départements, mais c'est faux dans le cas du Gers, où les pourcentages sont respectivement de 60 % et de 40 % ! Si nous sommes le troisième département pour le montant global des aides, pour le montant par exploitation nous ne sommes plus que le quarantième département ! Cela démontre bien que votre argumentation n'est pas justifiée, monsieur le ministre. Il est trop facile aujourd'hui de soutenir ceux qui utilisent tous les médias possibles pour affirmer ces contrevérités ! Ne nous opposons pas entre nous, monsieur le ministre !
Nous allons nous retrouver demain. J'espère que vous nous apporterez des informations et, surtout, une solution de compromis permettant de favoriser les CTE, auxquels vous tenez, tout en évitant la suppression du FIA, lequel est absolument indispensable pour nos jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Paul Girod remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le ministre, rejoignant les excellentes analyses et propositions de nos rapporteurs, je limiterai mon propos à deux questions pour respecter le très bref temps de parole qui m'est imparti. Ces deux préoccupations vont dans le sens du renforcement de la qualité des produits et de la sécurité alimentaire auxquels vous consacrez vos efforts.
La Suisse souhaite aujourd'hui réserver l'usage du terme « gruyère » aux seuls fromages produits selon un cahier des charges reposant sur les pratiques de fabrication spécifiques aux producteurs et fromageries d'une zone géographique définie et située en Suisse romande. Pour cela, elle espère obtenir une appellation d'origine protégée au niveau européen qui interdirait toute production sous ce terme en dehors de cette zone, donc en France. La Suisse romande en aurait l'exclusivité.
Outre les quatre départements franc-comtois, les fabricants français de « gruyère » sont dans les Hautes-Alpes, la Savoie et la Haute-Savoie. Leur production annuelle est de l'ordre de 2 000 tonnes. Leur inquiétude est vive, car ils ont déjà pâti d'une interdiction frappant le « comté ».
Actuellement, conformément à la convention de Stresa, signée en 1952 entre la France et la Suisse, les deux pays sont autorisés à produire sous le même terme.
Le syndicat interprofessionnel du gruyère français s'attache à conserver à la France l'usage du terme, en limitant l'usage de la dénomination par un cahier des charges strict et en réancrant la fabrication dans son bassin d'origine, l'arc alpin.
Il conviendrait donc de définir une zone de production afin de qualifier une indication géographique protégée et de mettre en place une attestation de spécificité. Ce cadre permettrait d'éviter l'évasion vers d'autres zones et d'assurer une qualité de fabrication à un haut niveau.
L'attaque menée par la Suisse n'est pas anodine : elle mettrait en péril l'équilibre déjà fragile d'exploitations agricoles de régions où la tradition intègre ce type de production. Or l'argumentation de Bruxelles, par la voix si souvent entendue de Mme Emma Bonino lorsqu'elle était commissaire européen, consistait à conseiller aux producteurs français de labelliser des produits de qualité afin de pouvoir les faire circuler sans problèmes.
Par ailleurs, mon département craint de se voir interdire une production de qualité labellisée, la saucisse de Morteau.
Heureusement, le Conseil d'Etat vient d'annuler un arrêté ministériel visant à attribuer une indication géographique protégée aux producteurs de saucisses de Morteau installés dans la partie montagneuse des départements du Doubs et du Jura, et uniquement ceux-là. Monsieur le ministre, cette décision aurait été grave et néfaste, et à deux niveaux : la production et la transformation.
Pour les producteurs de porcs, l'intégration dans la zone IGP permet la labellisation de produits déjà fabriqués mais non valorisés par un signe de qualité. La valeur ajoutée globale de la filière s'en trouve confortée, du moment que les producteurs ne portent pas atteinte à la logique de positionnement « haut de gamme » du produit.
Le même raisonnement s'applique aux transformateurs, dont l'enjeu majeur est l'obtention de l'IGP. C'est logique, car leur intervention confirme le caractère spécifique d'un terroir, l'intégralité des opérations étant réalisée dans ses limites.
Il me semble tout à fait opportun, monsieur le ministre, que vos services aient toutes ces données présentes à l'esprit lorsqu'il s'agira de définir à nouveau le zonage de ce produit agro-alimentaire de qualité labellisée.
La situation économique des élevages porcins est telle que les producteurs pourront faire face à la redevance pollution. Il est impératif de ne pas sciemment les pénaliser.
Des efforts importants sont entrepris pour répondre à une demande de plus en plus exigeante des consommateurs et s'inscrivent totalement dans la position française défendant la lisibilité et la traçabilité des produits mis sur le marché. J'espère donc, monsieur le ministre, être entendu. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a annoncé mon ami Jean-Marc Pastor, mon intervention portera essentiellement sur le financement de la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE.
En ce qui les concerne, le projet de budget pour 2000 est conforme aux engagements que vous aviez pris, monsieur le ministre, lors du vote de la loi d'orientation agricole l'an dernier. En effet, ce projet traduit la priorité donnée au financement de ces contrats.
S'ajoutant aux 300 millions de francs inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999, la dotation du chapitre budgétaire des CTE s'établit à 950 millions de francs en 2000. Les promesses faites par le Gouvernement sont donc tenues, et je vous en félicite, monsieur le ministre.
Les crédits alloués au fonds de financement des CTE dans le projet de budget pour 2000 seront complétés par les financements communautaires, ce qui permettra de disposer au total de près de 2 milliards de francs et de signer 40 000 contrats supplémentaires.
Les moyens mis en oeuvre permettront de répondre aux nouvelles attentes des agriculteurs et de la société qui souhaite pouvoir consommer des produits de qualité et vivre sur un territoire entretenu, où l'environnement est respecté.
Le marché ne permettant pas de rémunérer les nouveaux modèles de production qui devront être mis en place, un effort financier de la collectivité, en contrepartie des engagements qui seront pris, se révèle nécessaire.
Le CTE, qui repose sur une démarche contractuelle et reconnaît la multifonctionnalité de l'agriculture, est appelé à devenir un outil de développement pour les agriculteurs. Ceux-ci ont bien compris l'intérêt de cette démarche et se sont vite appropriés ce nouvel outil.
Tout a été mis en place pour que les premiers CTE puissent être signés à partir du mois de novembre 1999, c'est ainsi que, dans mon département, une centaine de contrats sont envisagés.
L'implication des acteurs sur le terrain est un gage de réussite et sera observée avec intérêt par nos partenaires européens, qui sont à la recherche de ce qui pourrait être un modèle dans la discussion au sein de l'OMC.
Le contrat territorial d'exploitation comporte deux parties : une partie économique et relative à l'emploi et une partie territoriale et environnementale.
La rémunération de la partie économique suppose un projet dynamique, modifiant ou perfectionnant le système d'exploitation, améliorant la qualité des produits, créant ou diversifiant les activités ayant un impact sur l'emploi, en particulier l'installation des jeunes.
Cependant, le plafond de financement fixé pour la durée du projet doit tenir compte de la diversité des régions afin d'accélérer le développement de celles dont les revenus agricoles sont les plus bas.
Pour la partie environnementale et territoriale, l'aide sera allouée annuellement en fonction de la perte de revenus encourue et des coûts additionnels résultant des engagements agri-environnementaux. C'est un encouragement nécessaire à la mise en place de bonnes pratiques.
Toutefois, lorsque les pratiques actuelles sont déjà très respectueuses de l'environnement, il conviendrait d'en tenir compte. En effet, il sera beaucoup plus difficile aux agriculteurs qui ont déjà un bon comportement de trouver des mesures nouvelles pour limiter la pollution qu'aux exploitants dont l'activité continue à générer des nuisances.
Les aides versées au titre du contrat territorial d'exploitation seront conformes au règlement « développement rural de la politique agricole commune ». Or le financement plafond pour les mesures qu'il comporte et qui sont éligibles au CTE est calculé à l'hectare. N'y a-t-il pas là un risque d'altération de l'idée du contrat en tant que projet global ?
Il me semble qu'il faudra être très vigilant si l'on veut éviter le risque de dérive qui consisterait, afin d'obtenir un financement de Bruxelles, à s'orienter vers certaines mesures avec, comme seul objectif, la recherche d'une aide maximale. On en reviendrait alors à une logique de guichet, à juste titre, ce qu'on a voulu éviter. Il est donc très important de privilégier la notion de projet global et de lui donner un contenu.
Le contrat territorial d'exploitation est appelé à évoluer pour devenir l'outil fédérateur d'un grand nombre de mesures d'aide à l'agriculture. Il permettra ainsi de les réorienter et d'en assurer une meilleure répartition. Il s'agit, ni plus ni moins, d'une « révolution culturelle », ainsi que vous l'avez dit, monsieur le ministre.
Il convient également de veiller à ce que les aides liées aux contraintes naturelles ne soient pas intégrées dans le financement des CTE. Les agriculteurs de mon département, comme ceux des autres régions défavorisées, seront très attentifs à cette évolution.
Afin de ne pas pénaliser les agriculteurs à l'avenir, il faudrait veiller à ce que les crédits prévus pour le financement de la prime à l'herbe soient maintenus hors du cadre de ce contrat, comme les indemnités compensatoires de handicaps naturels.
Le projet de loi de finances qui nous est soumis aujourd'hui montre que nous sommes sur la bonne voie. Les moyens supplémentaires accordés permettent une mise en place rapide de la loi d'orientation agricole et nous nous en réjouissons. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les agriculteurs sont toujours moins bien lotis que la moyenne nationale. En effet, ils n'ont pas comblé leur retard en matière de revenus, puisque celui-ci demeure encore inférieur de 9 % au revenu de l'ensemble des ménages.
A un moment où l'agriculture française subit plusieurs crises graves, on ne peut que s'interroger sur l'avenir qui lui est réservé, si tant est qu'elle en ait encore un dans ce pays.
Alors que ce secteur économique essentiel doit faire face à une politique agricole commune réformée, aux négociations de l'Organisation mondiale du commerce, aux attentes des Français en matière de sécurité alimentaire, ainsi qu'à celles des agriculteurs face aux crises sectorielles qu'ils subissent, nous nous attendions à un budget pour 2000 moins décevant, c'est-à-dire à un budget tendant à permettre à nos agriculteurs de relever les défis de la mondialisation, de la qualité et de l'aménagement du territoire. Or nous constatons que l'agriculture n'est pas dans les priorités du Gouvernement.
On ne peut malheureusement que regretter que vous ne vous donniez malheureusement pas les moyens d'une véritable politique agricole et que vous la fondiez presque exclusivement sur des redéploiements et des prélèvements.
Je voudrais maintenant parler de la modulation. La France est aujourd'hui la seule à appliquer la modulation, ce qui ne peut que pénaliser notre agriculture, alors que celle-ci doit pouvoir être présente sur les marchés extérieurs.
La modulation pose un problème de fond, à la fois économique et territorial. C'est l'avenir de certaines filières qui est en jeu, les cultures spécialisées par exemple.
Dans la mesure où la mise en place de la modulation reste uniquement d'application française, il y aura inévitablement distorsion de concurrence à l'égard des autres pays membres de l'Europe. A l'heure de la monnaie unique et d'un projet européen, c'est tout à fait inacceptable.
L'objectif d'être de la modulation devait être une redistribution équitable des aides. Or, dans l'état actuel du système, il n'est pas atteint. Au contraire, l'impact de cette modulation va avoir un effet dévastateur sur les revenus des familles d'exploitants de nombreux départements.
En premier lieu, la modulation ne tient pas compte des diversités géographiques. En second lieu, les exploitations en difficulté seront affectées comme les autres et leurs difficultés seront donc aggravées. En troisième lieu, la modulation va entraîner des distorsions selon le statut des exploitations. En quatrième lieu, elle va encore ralentir les installations, sans pour autant freiner la course à l'agrandissement.
Le seuil actuel de déclenchement de la modulation est fixé à un niveau de marge brute standard de 50 000 euros, soit, par exemple, pour la Lorraine, 75 hectares d'équivalent blé. Or, demain, avec l'application de la nouvelle réforme de la PAC, qui induit une baisse des prix partiellement compensée, la suppression du régime spécifique des oléagineux et le démantèlement des mécanismes de soutien, le revenu à l'hectare sera de l'ordre de 1 000 francs, pas plus. Moduler à partir de 50 000 euros, cela signifie moduler à partir d'un revenu annuel de 75 000 francs, soit l'équivalent du SMIC !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. On rêve !
M. Rémi Herment. Il faut donc que ce seuil soit relevé et soit porté à 100 000 euros.
Il nous paraît par ailleurs injuste que des agriculteurs, qui ont le même statut, et donc les mêmes obligations, en ce qui concerne tant le travail que les cotisations sociales, n'aient pas les mêmes droits.
De quel droit peut-on priver de transparence des associés exploitants qui participent aux travaux, qui n'ont pu choisir le statut de GAEC pour des raisons juridiques - par exemple un couple - et qui n'ont donc eu d'autre possibilité que de choisir l'EARL ?
Comment expliquer à une femme qui a choisi de cotiser en tant qu'agricultrice que, dans le cadre de l'association avec son mari en EARL, elle ne soit pas totalement reconnue en tant qu'exploitante, puisqu'elle n'est comptée que comme actif salarié, alors que, si un troisième associé arrive, la société peut être transformée en une GAEC, ce qui lui permettra d'être reconnue ?
A l'heure de l'égalité des droits entre les personnes, cela paraît d'autant plus paradoxal que, dans la première version de la modulation, les associés en EARL pouvaient bénéficier de la transparence. Faut-il en déduire que l'année 2000 sera l'année de la dégradation des acquis sociaux ?
L'actualité a longuement fait état des problèmes alimentaires des animaux. Il est indéniable que les besoins en protéines végétales vont être fortement en hausse, et la production française, voire européenne, risque d'être déficitaire.
Alors, pourquoi ne pas exclure de la modulation les productions, comme le colza, qu'il faudra encourager demain ?
La nouvelle loi d'orientation prévoit un renforcement du contrôle des structures. La profession agricole a souhaité ce renforcement, qui permet de mieux lutter contre certains montages juridiques et d'inciter certains exploitants à plus de transparence.
S'agissant du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, il n'est pas juste que les plus petits élevages soient pénalisés.
En effet, le moratoire de trois ans doit être accordé à tous les éleveurs et la redevance pollution ne doit pas s'appliquer à ceux qui n'ont pu terminer leurs travaux, faute de crédits de l'Etat, par manque de temps des entreprises ou pour des raisons d'ordre administratif.
Les agriculteurs en ont par ailleurs assez, plusieurs orateurs l'ont dit avant moi, de l'excès d'administration dans leur profession. A chaque réforme s'ajoute une déclaration et des contrôles. Il est plus que temps, monsieur le ministre, de simplifier toutes ces démarches par le regroupement des déclarations et des contrôles.
Enfin, s'agissant de la TGAP, que mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons très largement décriée et dont nous avons d'ailleurs voté la suppression lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, je note que le niveau des cinq taxes regroupées en son sein évoluera en fonction des besoins financiers du budget de l'Etat et non en fonction des actions pour l'environnement.
Demander à des agriculteurs, qui ne peuvent compter leur temps de travail, de financer la réduction du temps de travail des salariés ne nous semble pas acceptable. Le produit de la « TGAP-phyto » doit être affecté à des actions en faveur de l'environnement. Et pourquoi pas dans le volet environnemental du CTE ? Notre opposition au financement des 35 heures par la TGAP est ferme.
Monsieur le ministre, je suis sûr que vous êtes sensible à l'ensemble de ces arguments et que vous souhaitez privilégier une agriculture sans injustice, qui puisse produire en toute transparence et en cohérence avec les autres réglementations.
Je vous demande donc, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, de bien vouloir peser de tout votre poids pour que l'ensemble des dossiers que je viens d'évoquer voient leur traitement modifié avant qu'il ne soit trop tard. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte national et international particulièrement chargé en événements liés à l'agriculture et qui inquiètent nos concitoyens, qu'il s'agisse de l'épandage des boues, des OGM, de la crise de la viande bovine ou de la conférence de Seattle, entre autres, nous sommes aujourd'hui saisis du projet de budget relatif à l'agriculture et à la pêche.
Comme l'a justement indiqué le rapporteur spécial, le budget de l'agriculture et de la pêche n'est pas une priorité pour le Gouvernement, et ce pour trois raisons : la politique économique et sociale menée par l'actuel gouvernement est particulièrement préjudiciable aux agriculteurs ; les réformes nécessaires sont reportées à plus tard ; ce budget est en baisse.
Tout d'abord, hors BAPSA et à périmètre constant, le projet de budget de l'agriculture et de la pêche connaît une baisse de 0,5 %. Cette baisse pèse d'autant plus sur les moyens d'intervention que les moyens des services augmentent fortement : de 9,1 %.
Je ne concéderais qu'un bon point à ce budget : l'augmentation des crédits dans le domaine de la sécurité et de la qualité alimentaires. Mais comment pourrait-il en être autrement quand l'actualité est si chargée à cet égard ?
Ensuite, la politique macroéconomique du Gouvernement se transforme en une course d'obstacles pour les agriculteurs.
Si l'on ne sait pas très bien encore comment s'appliqueront les 35 heures aux salariés, les agriculteurs n'y ont même pas songé pour eux-mêmes ! De plus, le Gouvernement veut financer ces mêmes 35 heures par l'élargissement de l'assiette de la TGAP, notamment aux produits phytosanitaires, ce à quoi le Sénat s'et opposé lors du débat du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit là d'un accroissement de la fiscalité qui pèse sur les agriculteurs.
Enfin, les réformes nécessaires sont reportées à plus tard, notamment dans les domaines fiscaux et sociaux, puisque, comme cela nous a été répété lors de l'examen des articles de la première partie, le Gouvernement attend les conclusions du rapport confié à Mme Marre et à M. Cahuzac pour décider d'éventuelles modifications législatives substantielles, au nom de quoi plusieurs de nos amendements ont été ou seront refusés. Or ce rapport ne sera rendu public, au mieux, qu'en avril prochain. Pourquoi de tels délais ? Mme Béatrice Marre semble être le seul spécialiste de l'agriculture, et les autres parlementaires sont tenus à l'écart de toute réflexion !
De même, le projet de loi sur la forêt, annoncé depuis longtemps, n'a toujours pas été présenté au Parlement. Aucune disposition fiscale - hormis la suppression du Fonds forestier national - n'est d'ailleurs envisagée dans le présent projet de budget, ce qui ne laisse rien augurer de bon quant à la grande réforme attendue.
La budgétisation du FFN comporte des risques de régulation budgétaire sur lesquels le Parlement n'a aucune prise. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous comptons sur votre engagement de préserver les crédits en faveur de la forêt.
Après ces considérations d'ordre général, je souhaiterais revenir, de façon plus précise, sur quelques points qui me paraissent essentiels pour l'avenir de notre agriculture, son développement, sa compétitivité et son rôle dans l'aménagement du territoire.
Premièrement, la politique d'installation des jeunes est menacée par la réduction de près de 25 % de la dotation aux jeunes agriculteurs et par la suppression du fonds d'installation des jeunes. Vous arguez du fait que ces crédits demeurent puisqu'ils sont affectés aux CTE. Mais cela signifie en réalité que, pour s'installer et être aidé, tout jeune devra souscrire un CTE. De ce fait, certaines actions de parrainage ou de repérage des exploitations sans successeur ne seront alors plus soutenues.
En 1999, 7 000 jeunes agriculteurs seulement se sont installés. Quelle déception, sachant qu'un agriculteur est actif pendant quarante ans ! Cela laisse présager que, dans une dizaine d'années, il ne restera plus que 380 000 à 400 000 agriculteurs en France. La situation de notre agriculture, le revenu de nos agriculteurs n'encouragent déjà guère les jeunes à s'installer. A cela vient désormais s'ajouter le « concert » des 35 heures.
Monsieur le ministre, je vous avais proposé l'an passé de reconduire la préretraite aux agriculteurs de cinquante-cinq ans qui cédaient leur exploitation, à condition que ce soit dans la perspective de l'installation d'un jeune. Vous m'aviez alors répondu que le dispositif de préretraite avait favorisé l'agrandissement des exploitations.
Mais ce que je vous propose est différent puisqu'il s'agit de remplacer un cédant par un jeune exploitant : le rapport est bien de un à un, alors que, dans le cadre général, il y a souvent deux cédants pour une installation.
Cette proposition a, en outre, un aspect social dans la mesure où l'agriculteur de cinquante-cinq ans travaille généralement depuis quarante ans. Dans d'autres secteurs, votre Gouvernement est bien plus sensible à cet aspect des choses : sans doute l'enjeu électoral y est-il plus important.
Deuxièmement, la gestion et le financement des CTE aboutissent, comme je le soulignais déjà lors de nos débats sur la loi d'orientation agricole, à une étatisation des crédits et à une fonctionnarisation des agriculteurs. Ce sont au total 2 milliards de francs qui sont aujourd'hui prévus pour les CTE : 950 millions de francs sur le budget de l'Etat - dont 650 millions de francs reconduits ou redistribués - et 950 millions de francs en provenance de la modulation des aides en provenance de l'Union européenne.
Or la modulation des subventions agricoles est un système contestable parce qu'il aboutit à une renationalisation de la PAC, à des alourdissements administratifs et à des distorsions de concurrence avec les autres producteurs européens. Le nouveau dispositif touchera, de plus, de plein fouet certaines régions agricoles, notamment celles de plantations en oléo-protéagineux.
Monsieur le ministre, vous annoncez le financement de 50 000 CTE. Peut-être... C'est en tout cas un objectif très ambitieux ! En Saône-et-Loire, j'ai participé aux travaux de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ; très peu de projets ont été présentés, malgré l'insistance de M. le préfet.
Mais ce qu'il faut surtout savoir, c'est que le montant de l'aide dépendra des engagements pris par l'exploitant, au risque de disparités entre départements et entre agriculteurs.
Troisièmement, en ce qui concerne les retraites agricoles, nous notons avec satisfaction que l'actuel gouvernement inscrit son action dans la continuité de celle de ses prédécesseurs en poursuivant les mesures de revalorisation. Cependant, il est regrettable que l'effort n'ait pas été intensifié cette année, comme permettaient de l'envisager le retour de la croissance et la hausse des rentrées fiscales.
Quatrièmement, le Fonds de garantie des calamités agricoles, qui ne bénéficiait d'aucune subvention l'an passé, sera doté cette année de 50 millions de francs. Est-ce que ce sera suffisant ? Quelle est l'importance de la trésorerie de ce fonds ? Le Gouvernement tiendra-t-il les délais de présentation du rapport sur l'indemnisation des calamités agricoles, prévu pour le mois de janvier prochain ?
Dans le cadre de la loi d'orientation agricole, vous vous êtes également engagé, monsieur le ministre, à ce qu'un rapport soit présenté sur l'assurance récolte. Où en est-on à cet égard ?
Enfin, en tant que membre de la délégation parlementaire qui a accompagné le Gouvernement à Seattle, je n'ai pu que regretter votre absence, monsieur le ministre. Lors de cette conférence, la position des Etats-Unis a été claire : obtenir la diminution des aides de l'Union européenne. Je me permets de vous proposer une réflexion pour l'avenir : pourquoi ne pas envisager de supprimer l'aide aux produits - par exemple, à la vache allaitante, aux bovins mâles ou aux références en céréales - et mettre en place, sous forme d'aide à l'hectare, un système prenant en compte l'espace et l'environnement ? Cette proposition pourrait être l'objet d'une négociation et résoudrait aussi, à long terme, la question de la modulation des aides.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, monsieur le ministre, le budget de l'agriculture et de la pêche ne nous paraît pas satisfaisant. Le groupe des Républicains et Indépendants ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous en sommes à la première année d'application de la loi d'orientation agricole, force est de constater que le budget de l'agriculture baisse de 0,5 %.
Au lieu d'être animés d'un nouvel élan, les agriculteurs ressentent de lourdes inquiétudes, sur fond de grande désillusion.
J'évoquerai d'abord les CTE. Je considère qu'il s'agit d'un concept intelligent et intéressant à bien des égards. Cependant, comme nombre de mes collègues, et notamment M. Pelletier, je déplore le caractère abscons des textes qui y font référence. A travers plus de 157 pages émaillées de formules sibyllines, pour ne pas dire franchement incompréhensibles, celle-ci a, parmi d'autres, retenu mon attention : « Fauchage à rotation brute et attaque centrale ». Comprenne qui pourra ! Il s'agit apparemment d'une technique très élaborée, qui devrait permettre à ses utilisateurs inspirés de bénéficier d'une prime de 200 francs à l'hectare. (Sourires.) De grâce, monsieur le ministre, simplifiez les textes et les procédures !
Je souhaiterais également vous faire part de mon inquiétude concernant le financement de ces CTE et leur labyrinthique mise en place.
Ne craignez-vous pas que, compte tenu de l'insuffisance notoire des crédits affectés aux CTE, l'on n'approfondisse dans un même département la fracture sociale qui va s'installer entre les agriculteurs bénéficiaires du contrat et ceux, les plus nombreux, qui ne pourront y prétendre ?
Ainsi, dans mon département, le Cantal, l'enveloppe ne couvrira que 200 CTE, alors qu'environ 5 000 agriculteurs souhaitent y prétendre.
Vous me l'accorderez, il est difficile de comprendre qu'une politique qui se veut volontariste en matière d'installation prévoit une baisse de 24 % des crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs.
Par ailleurs, vous supprimez le fonds d'installation en agriculture, présenté par votre prédécesseur comme l'outil-sésame pour ouvrir les portes de l'espoir. Il est vrai que M. Le Pensec a dû être déçu car, dans cette caverne d'Ali Baba, les agriculteurs ne trouvent pas de trésor (Nouveaux sourires) et le nombre des installations ne cesse de chuter, notamment celui des installations aidées.
Comment ne pas regretter la politique dynamique et interactive du précédent gouvernement, qui, à travers une véritable charte avec la profession, signée en 1995, avait provoqué une augmentation de plus de 10 % du nombre des installations ?
Je souhaite également signaler que, lors de l'examen du volet agricole du projet de loi de finances pour 2000, à l'Assemblée nationale, le 17 novembre dernier, les députés se sont prononcés en faveur de la disparition du fonds pour l'installation en agriculture au profit du fonds de financement des CTE, et ce en dépit de la forte mobilisation des jeunes agriculteurs, ces derniers mois, en faveur du maintien du FIA.
Une grande partie des actions locales en faveur de l'installation, menées dans le cadre des programmes pour l'installation des jeunes agriculteurs et le développement des initiatives locales, les PIDIL, et financées par le FIA, semble ainsi aujourd'hui remise en cause. Sont concernés, en particulier, le repérage des exploitants sans successeurs, l'inscription des exploitations sans successeurs au répertoire et le parrainage d'un jeune pour favoriser l'installation hors du cadre familial.
La disparition de ces actions, alors qu'elles donnent des résultats concrets et encourageants, remet en cause les moyens mobilisés en faveur de l'installation et nie les efforts réalisés depuis la charte nationale pour l'installation.
Une telle décision affecterait de plein fouet les départements de montagne où l'installation des jeunes hors du cadre familial constitue l'une des seules voies possibles pour parvenir au renouvellement des générations au sein de la famille agricole.
Par ailleurs, il est important de rappeler, comme l'a fait notre collègue Yves Rispat, que les CTE ont vocation à régler non pas la problématique de l'installation, mais celle du développement des exploitations agricoles.
Il est donc essentiel que la ligne budgétaire du FIA soit maintenue.
Pour ces motifs, j'ai cosigné deux amendements visant à réduire les crédits sur le chapitre 44-84, article 10, relatif au fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation. Ces diminutions concernent, d'une part, 155 millions de francs, afin d'allouer cette somme au chapitre 44-41, article 21, relatif à la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs, et, d'autre part, 145 millions de francs, afin d'affecter cette somme au chapitre 44-41, article 27, relatif au fonds pour l'installation en agriculture.
Monsieur le ministre, je crois que vous ne souhaitez pas ce transfert, jugeant que le reliquat permettra de poursuivre les actions existantes. Cependant, vous le savez, les crédits inscrits ne suffiront pas.
De surcroît, en 2001 et pour les années suivantes, comment seront financées ces actions d'accompagnement de l'installation ?
S'agissant du volet « environnement » des CTE, je regrette que, dans les mesures envisagées, on se refuse à prendre en compte l'existant naturel qui, à l'évidence, mérite d'être préservé en l'état et impose des mesures nouvelles qui ne peuvent que consacrer une situation acquise au prix d'efforts et de difficultés.
Monsieur le ministre, vous devez tenir compte de l'hétérogénéité des territoires et des situations. En effet, comment comparer la situation d'un agriculteur breton ou briard et celle d'un agriculteur de zone de montagne ?
Pour conclure, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, vous adressant à des agriculteurs dont vous connaissez le bon sens et le goût du concret, de privilégier les réalités de terrain plutôt que les vérités de bureau. Tel est le sens de mon message. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette intrusion inhabituelle d'un élu d'outre-mer dans un débat traditionnellement métropolitain dans cette enceinte n'a pas pour ambition d'analyser ce budget de l'agriculture pour 2000. Je souhaite simplement vous exposer brièvement, monsieur le ministre, les préoccupations des agriculteurs guyanais, en vous demandant de bien vouloir répondre à leurs interrogations.
En premier lieu, le financement des contrats territoriaux d'exploitation appelle quelques observations pour la Guyane.
Bien qu'aucun CTE n'y ait encore été contractualisé, cet outil pourrait trouver là une application utile, par exemple dans les zones de productions maraîchères et arboricoles intensives de Cacao et Javouhey occupées aujourd'hui par les Hmongs ou encore dans le programme intégré d'aménagement des savanes de Sinnamary et d'Iracoubo pour notre projet sucrier.
Ces futurs CTE seront financés en partie par le prélèvement sur les aides directes perçues par les agriculteurs au titre de la PAC. Comment le Gouvernement envisage-t-il l'application du dispositif de modulation, récemment présenté aux exploitations familiales guyanaises ?
Comme vous le savez, l'agriculture outre-mer bénéficie, en plus des aides PAC, d'aides compensatoires dans le cadre du programme de rattrapage structurel POSEIDOM, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer. En Guyane, les principaux bénéficiaires en sont les éleveurs. Ces compléments seront-ils inclus dans l'assiette des aides directes entraînant la modulation ?
Une telle hypothèse équivaudrait à reprendre d'une main ce que l'Europe donne de l'autre, alors même que celle-ci vient de confirmer le bien-fondé des mesures particulières aux régions ultrapériphériques. Sortant à peine des soubresauts du « plan vert », de nombreuses exploitations encore fragiles sont susceptibles d'être touchées par une telle modulation aveugle et uniforme.
L'autre point sur lequel j'aimerais avoir votre sentiment, monsieur le ministre, concerne le projet sucrier auquel les agriculteurs et les élus guyanais apportent leur soutien.
Ce projet agro-industriel moderne vise un objectif de production de 60 000 tonnes de sucre sur un espace foncier aménagé de 10 000 hectares situé dans l'ouest de la Guyane. Toutes les études engagées ont prouvé la viabilité du projet. Pourquoi celui-ci est-il toujours bloqué alors que le Gouvernement devait procéder à un arbitrage avant la fin du mois de septembre ?
Monsieur le ministre, nous ne demandons pas un assistanat supplémentaire, bien au contraire ; nous revendiquons seulement un droit à produire. Dans ce contexte, il est demandé à l'Etat de mettre à disposition les quotas nécessaires à l'écoulement de la production sucrière sur le marché communautaire et de faire son affaire de l'aménagement foncier des espaces à mettre en culture.
Je me permets d'insister auprès de vous aujourd'hui pour que soit prise, sans délai, une décision définitive, afin que ce projet puisse être inscrit au contrat de plan 2000-2006, dont la signature doit intervenir avant la fin de l'année. Permettez-moi de développer deux autres arguments pour vous en convaincre.
La mise à disposition de 45 000 tonnes de sucre de quotas A sur les 200 000 tonnes, quotas encore actuellement flottants attribués à la région des DOM, est suffisante pour démarrer l'activité. Une telle décision est aujourd'hui sans risque, car elle ne deviendra effective qu'à la mise en marche de l'usine. Dans le cas où l'ingénierie du détail et l'étude d'impact du projet s'avéreraient négatives, ces quotas resteraient disponibles.
Par ailleurs, le nécessaire développement du secteur agricole de la Guyane appelle, dans tous les cas, la réalisation d'un aménagement foncier des savanes, quel que soit le type de culture envisagé. Si le projet sucrier devait se développer sur ces nouvelles surfaces, les agriculteurs guyanais en bénéficieraient, disposant alors de plus de 2 000 hectares.
Pour conclure, j'évoquerai simplement un chiffre pour m'étonner des disparités existantes dans le traitement social de l'activité agricole : en Guyane, une retraite de chef d'exploitation atteint 500 à 1 000 francs, alors que, sur le continent, elle est au minimum de 2 200 francs.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous apporterez à tous ces points. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Jean-Marc Pastor l'a annoncé, j'interviendrai essentiellement sur le projet de budget « pêche » que vous nous proposez, monsieur le ministre : en augmentation de 2,3 % par rapport à celui de l'an passé, il s'élève à plus de 190 millions de francs.
En matière d'investissement, l'augmentation de 10,4 % permettra d'assurer la modernisation et le renouvellement de notre flotte de pêche.
Je rappelle d'ailleurs, en ce début d'intervention, l'importance économique du secteur de la pêche en France : selon les modes de calcul, ce sont entre 17 000 et 25 000 pêcheurs, une production d'environ 800 000 tonnes et un chiffre d'affaires de 9 milliards de francs.
Je rappelle aussi que la France possède les plus grandes façades maritimes et le plus grand nombre de ports de pêche de l'Union européenne. J'indiquerai au passage que ma région, la Bretagne, compte 35 % des emplois nationaux dans ce domaine.
Je souhaite replacer ce projet de loi de finances dans le contexte actuel.
Nous connaissons la situation fragile de la pêche, due à des phénomènes conjoncturels : coûts, niveau des cours, état de la ressource, même si la santé économique des entreprises s'est rétablie après la crise terrible des années 1993-1994.
Nous sommes, par ailleurs, dans un contexte institutionnel particulier, avec la mise en place de la loi d'orientation, les modifications des règlements européens concernant les actions structurelles, l'organisation commune des marchés, enfin, les réflexions en cours, qui aboutiront à la révision de la politique commune de pêche prévue pour 2002.
La présentation de ce projet de budget intervient, en outre, dans un contexte de demande intérieure en constante augmentation, qui se traduit par une progression de 24 % des importations en 1998. Il est donc essentiel de relancer l'activité pêche dans notre pays. Pour ce faire, nous avons des outils, en particulier l'OFIMER.
La transformation du FIOM en un office de type agricole est un axe majeur de la loi d'orientation sur la pêche de 1997. Cet office doit permettre de développer un véritable outil de filière pour favoriser le dialogue entre amont et aval et pour contribuer à l'amélioration de la qualité des produits et à leur promotion.
Toutefois, le montant de la subvention est simplement maintenu à hauteur de 95,6 millions de francs. Vu le rôle qu'est appelé à jouer cet office, on peut regretter cette stagnation.
Je sais, par ailleurs, qu'il est impossible de parler de relance de la pêche sans se situer dans le contexte européen et sans souligner l'indispensable adaptation de la capacité des outils à la ressource. En effet, la préservation des écosystèmes marins est une condition sine qua non du maintien d'une activité durable de pêche maritime.
Les programmes d'orientation pluriannuels ont précisément pour objet d'instaurer un équilibre à long terme entre l'effort de pêche et les ressources disponibles.
Le plan de sortie de flotte d'envergure, mis en place en 1998 et conforté par la contribution des régions, a permis d'engager une reprise mesurée des investissements avec l'ouverture d'une enveloppe « kilowatts ».
Sur le plan européen, nous pouvons vous féliciter, monsieur le ministre, pour les résultats que vous avez obtenus au dernier Conseil des ministres européens de la pêche, le 23 novembre dernier. La France a marqué des points en obtenant la possibilité d'un renouvellement à l'identique sur les segments à jour des objectifs annuels jusqu'en 2006. Ainsi, la règle absolue des 130 % sur laquelle s'appuyait la Commission étant inacceptable pour la France, vous avez obtenu que chaque segment soit examiné à part et ne paie pas pour les autres.
Une autre mesure peut être portée à votre actif : les jeunes pêcheurs pourront obtenir des subventions publiques pour acheter leur premier bateau, de même que les organisations de producteurs qui mettent en place des mesures pour améliorer la qualité de leur production.
Le dossier de la casse de bateaux, en application des plans de sortie de flotte, m'amène à évoquer un aspect qui me tient à coeur.
Au lieu de détruire les bateaux, des pêcheurs, des associations se proposent de les destiner à des pays en développement. Mais la réglementation est extrêmement stricte. La réponse des pouvoirs publics est invariablement la même : « comment peut-on faire autrement ? »
Or cette proposition d'action de coopération envers des hommes et des femmes vivant dans des pays qui n'ont ni les mêmes chances ni les mêmes atouts que nous me semble être un devoir pour les pays riches. Je sais que, fiscalement, cela pose de gros problèmes et que les règlements de la politique des pêches privilégient la casse des outils au détriment de l'aide humanitaire. Pourtant, cela relève d'une philosophie de l'aide aux pays en développement : donner les outils pour permettre le développement et ne pas imposer son aide, sa culture, sa façon de faire.
La Commission peut-elle être sensible à de tels arguments ? Comment pouvez-vous les faire valoir, monsieur le ministre.
La pêche, ce sont des bateaux à préserver, à construire, bien sûr, mais ce sont aussi des hommes et des femmes qui travaillent dans des conditions souvent difficiles, parfois, malheureusement, au péril de leur vie.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'avec une ressource naturelle quantifiée le métier a de beaux jours devant lui s'il joue la carte de la traçabilité, de la qualité, de la valeur ajoutée. Certes, mais encore faut-il, pour donner envie à ces jeunes de se lancer dans ce dur métier, qu'ils puissent bénéficier de conditions de travail comparables à celles d'autres travailleurs. Je pense, bien sûr, à la réduction du temps de travail.
La loi du 13 juin 1998 avait exclu le secteur de la pêche, mais la circulaire du 4 mars 1999 a prévu des dispositions spécifiques pour les entreprises de pêche qui pratiquent la rémunération à la part. Quelques accords ont été conclus dans ce cadre. Ils ont permis une réduction du temps de travail pour des marins qui pouvaient travailler jusqu'à trois cents jours par an.
C'est une avancée sociale importante qui permet plus de présence dans la famille, évite une fatigue trop grande et, il faut l'espèrer, diminuera le nombre d'accidents en mer.
Je souhaiterais que vous précisiez la démarche que vous comptez adopter, monsieur le ministre, pour adapter ce mouvement au secteur de la pêche.
Je pense, aussi à la situation des conjointes d'artisan pêcheur ou pêcheur associé. Je plaide pour qu'elles puissent accéder aux formations réservées aux artisans pêcheurs et pêcheurs associés.
Je pense, plus généralement, à la formation, qui est un autre aspect essentiel pour le métier, notamment en ce qui concerne l'installation des jeunes. J'ai rencontré des professionnels qui se prononcent pour la création d'un véritable baccalauréat professionnel « secteur pêche » ; ils insistent également sur la nécessité impérieuse de sensibiliser les jeunes aux problèmes des ressources biologiques et de la qualité des produits.
Je terminerai en faisant un certain nombre de constats et en posant quelques questions.
Le prix du carburant, qui est une question d'actualité, a doublé en un an. Certes, il est détaxé, mais de 0,75 franc le litre à la coopérative de Concarneau au début de l'année, il atteint aujourd'hui près de 1,60 franc. Les bateaux en consomment des quantités importantes. Cette augmentation a donc des conséquences à la fois sur le salaire des matelots et sur l'équilibre financier des entreprises. C'est un constat. Je sais bien que vous n'avez guère de prise sur ce point, mais il s'agit de prendre en compte ce paramètre lorsque l'on considère les problèmes de la pêche.
En ce qui concerne les suites de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, permettez-moi d'exprimer quelques interrogations.
Un audit est prévu sur la bande côtière par l'article 13 de la loi. Quand sera-t-il disponible ?
Le décret relatif à la pêche à pied n'est toujours pas paru. Qu'en est-il ?
Les contrats territoriaux d'exploitation prévus pour les ostréiculteurs et les conchyliculteurs sont-ils en bonne voie ?
Une mission sur les perspectives des pêches maritimes françaises a été créée. Comptez-vous y associer la représentation nationale ?
Pour conclure sur cet aspect de la pêche, monsieur le ministre, j'insisterai sur l'importance de la présidence française de l'Union européenne, à compter du second semestre 2000, pour faire évoluer les questions relatives à la pêche.
C'est l'occasion de réaffirmer, comme vous avez su le faire récemment, nos positions en vue des échéances de 2002 sur le politique commune des pêches. C'est le moment de réaffirmer notre position forte sur le contrôle des quotas. C'est enfin aussi l'occasion de réaffirmer que, pour la France, la pêche fait partie des points durs des négociations de l'OMC.
C'est avec conviction que le groupe socialiste votera votre projet de budget. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour poursuivre la politique engagée, car nous connaissons votre détermination à faire en sorte que la France maintienne une activité de pêche dynamique.
Elue bretonne, je ne peux quitter cette tribune sans évoquer la crise, très grave, que traverse l'agriculture bretonne. Vous avez pris des engagements et mis en place des mesures d'urgence, ce qui témoigne de l'attention que vous portez à cette agriculture. Nous comptons sur votre vigilance et sur votre soutien.
De façon plus optimiste, j'évoquerai la forte revalorisation des crédits destinés au remplacement des agricultrices en congé de maternité. Cela souligne la volonté du Gouvernement de supprimer les inégalités qui existent encore entre les femmes, selon leurs activités professionnelles. J'y suis d'autant plus sensible qu'à l'occasion de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, j'avais présenté, au nom du groupe socialiste, un amendement allant en ce sens. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Au moment où l'ensemble du monde caresse de très grandes ambitions, puisqu'il s'agit rien moins que de chercher des solutions communes aux innombrables problèmes que pose le commerce sur notre planète, vous nous proposez, monsieur le ministre, un budget qui n'en affiche pas beaucoup.
Représentant un département d'élevage charolais - l'Allier - je le regrette tout particulièrement, car il s'agit du premier budget qui suit la loi d'orientation agricole, loi sur laquelle les éleveurs ont fondé beaucoup d'espoir.
Nous sommes d'autant plus déçus que vous nous aviez habitués à des démarches plus volontaristes.
Dans l'affaire du boeuf britannique, il est clair que, manifestement, vous n'avez pas manqué de courage. Vous avez su, avec une grande fermeté, vous en tenir aux conclusions des experts de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, qui, je le rappelle, a pour origine la proposition de loi sénatoriale Huriet-Descours...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Absolument !
M. Bernard Barraux. ... ayant donné lieu à la loi du 1er juillet 1998.
Sous la pression des représailles européennes, vous avez réussi à imposer des conditions draconiennes à la levée de l'embargo - on en connaît le résultat - et nous nous en réjouissons tous. Nous ne pouvons que vous en féliciter. Nous vous en sommes très reconnaissants. D'ailleurs, je me réjouis de l'annonce qui a été faite hier soir par M. le Premier ministre du maintien de cet embargo sur le boeuf britannique.
Je fais partie de ceux qui pensent que ce délai supplémentaire qui vient de nous être accordé doit inciter tous les professionnels de la chaîne de la viande bovine à multiplier leurs efforts de traçabilité et de certification. Cependant, les nouvelles contraintes imposées aux éleveurs sont lourdes, voire extrêmement lourdes. La facture de l'identification augmente de 26 millions de francs. Les éleveurs assurent eux-mêmes 88 % du coût de la traçabilité jusqu'à l'abattoir. Cette situation n'est pas acceptable et l'Etat devrait participer davantage en apportant une contribution plus importante à ce dispositif fondamental de traçabilité qu'est l'identification.
Face aux compromis et à un certain nombre de concessions, nos éleveurs doivent expliquer la différence qui existe entre leur production, qui est une viande saine et de haute qualité, et la production britannique. Ils doivent insister sur l'extrême rigueur des règles sanitaires appliquées en France, qui garantissent au maximum la santé des consommateurs, ce qui n'est manifestement pas toujours le cas chez nos voisins et amis de sa Gracieuse Majesté, qui mettent sur le marché des produits qui ne sont pas exempts de risques, vous le savez mieux que quiconque.
Ce travail d'information sera d'autant plus délicat que le risque existe d'amalgames pernicieux qui conduiraient le consommateur à rejeter en bloc la viande bovine - et Dieu sait si elle est en concurrence avec les viandes blanches - car les experts français multiplient encore les mises en garde. Il y a donc tout lieu de redoubler de vigilance.
Ce qui nous interpelle, c'est le fait que les experts européens et français ont pris des positions qui semblent opposées sur les risques, que l'Allemagne n'a pas ouvert ses frontières et reste à l'écart du débat, et, enfin, que la Commission retarde l'obligation d'étiquetage.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons de maintenir une position toujours aussi ferme pour conserver les garanties apportées à nos consommateurs.
Le problème de la qualité et de la sécurité alimentaire est au coeur des préoccupations de la société tout entière. Nous souhaitons tous que la France prenne des dispositions pour devenir le fer de lance de la qualité et de la sécurité alimentaire, afin de pouvoir imposer à l'Europe une autorité indiscutée.
Je ne m'étendrai pas sur les problèmes de la modulation des aides qui ont déjà été évoqués par plusieurs orateurs. Je préciserai simplement qu'elle accroîtra les importantes contraintes administratives imposées aux agriculteurs et augmentera lourdement non seulement le travail de votre administration, monsieur le ministre, mais également la tâche des centres de gestion sollicités par les agriculteurs pour tenter de limiter l'addition ou, plutôt, la soustraction.
Quant aux contrôles, ils seront plus lourds. En outre, il ne faudrait pas que ce surcroît de travail entraîne un retard de paiement des aides de la PAC.
Enfin, dans la mesure où, à ce jour, la France est le seul pays européen à avoir décidé de moduler les aides, des distorsions de concurrence vont inévitablement se créer avec les autres Etats membres.
Des inquiétudes légitimes subsistent pour de nombreuses productions, comme le tabac ou la pomme de terre fécule, qui perçoivent des montants d'aides élevés par hectare.
Par ailleurs, les aides destinées aux exploitations dégageant un revenu faible ou négatif, ou aux jeunes en phase d'installation, pourront être modulées. Non seulement le dispositif de prélèvement des aides de la PAC est extrêmement complexe mais il va, en outre, créer injustices et inquiétudes chez bon nombre d'agriculteurs, puisque 80 % des exploitations verront leurs aides amputées de 6 % et 1 500 agriculteurs subiront un prélèvement de 20 %, le taux maximal. Quant au secteur bovin, 6 % des élevages sont visés à un taux moyen de 5 %.
Monsieur le ministre, il est bien difficile de cautionner le dispositif de la modulation des aides. C'est pourquoi nous vous demandons instamment d'en revoir les modalités.
Je ne veux pas conclure mon propos sans évoquer le fameux problème des écotaxes. Il faut bien que j'y apporte ma petite touche ! Puisque nous parlons d'agriculture, je me permettrai de dire que le Gouvernement s'apprête à moissonner. A travers la taxe générale sur les activités polluantes, il financera la réduction du temps de travail.
Les engrais ou les produits phytosanitaires seront taxés. Ainsi, les agriculteurs, qui travaillent entre douze et quinze heures par jour, ce qui leur fait des semaines de soixante-dix à quatre-vingts heures, devront payer pour que leurs autres camarades qui travaillent ne fassent que 35 heures. Ce n'est pas très logique ; je dirai même que c'est assez extravagant, pour ne pas dire choquant. Ne pourrait-on affecter la TGAP au plan de maîtrise des pollutions agricoles ?
La TGAP sur les produits phytosanitaires constitue un impôt injuste et inefficace pour l'environnement. Un retour financier en faveur de l'environnement, via les agences de l'eau, eût été préférable. Cette taxe viendra renchérir le coût des productions dans des secteurs déjà affectés par des crises récurrentes ou dont le cadre économique est bouleversé par la réforme de la politique agricole commune. Ce nouvel impôt restera essentiellement à la charge des agriculteurs. Pourront-ils seulement un jour le répercuter sur le prix des produits ? Nous savons bien que non.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, c'est pour l'ensemble de ces raisons que nous ne pourrons apporter notre soutien au projet de budget de l'agriculture pour 2000 que vous nous présentez aujourd'hui, et nous le regrettons très sincèrement. (M. le ministre sourit.) Nous n'avons pas le sentiment que votre budget apportera les apaisements nécessaires aux inquiétudes des agriculteurs ni l'impulsion indispensable à la concrétisation de la loi d'orientation agricole. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, voilà un an, au cours du débat budgétaire, j'attirais votre attention sur le financement des contrats territoriaux d'exploitation, innovation qualifiée de majeure de la loi d'orientation agricole.
M. Jean-Marc Pastor. Oh oui !
M. Gérard Cornu. Nous étions un certain nombre, dans cet hémicycle, à regretter l'option qui était la vôtre d'agir par redéploiement de crédits nationaux, ce qui avait pour conséquences fâcheuses de vider les chapitres réservés, notamment, au fonds de gestion de l'espace rural et aux OGAF, les opérations groupées d'aménagement foncier, et de transférer une partie des crédits du FIA, le fonds pour l'installation en agriculture.
Notre cri n'a malheureusement pas trouvé d'écho puisque, cette année encore, vos méthodes ne varient pas. C'est ainsi que votre projet de budget pour 2000, qui met en oeuvre les priorités de la loi d'orientation, mais en année pleine cette fois, prévoit, pour abonder le fonds de financement des CTE, un prélèvement de 145 millions de francs sur le FIA - qui de ce fait disparaît - et de 155 millions de francs sur la dotation aux jeunes agriculteurs, et ce alors même que la recommandation du conseil supérieur d'orientation du 16 juin dernier, approuvée par les organisations professionnelles, précise que la dotation aux jeunes agriculteurs n'est pas subordonnée à la conclusion d'un CTE. Permettez-moi de douter que les jeunes voient dans ces procédés un quelconque encouragement à s'installer.
Dans mon département, l'Eure-et-Loir, à forte dominante rurale, comme vous le savez, on n'a recensé que trente-cinq à quarante installations cette année ; le constat dressé est inquiétant : les fils d'exploitant s'installent de moins en moins et les cédants ont plus que jamais besoin d'être encouragés pour transmettre à des jeunes hors du cadre familial.
M. Jean-Marc Pastor. Bien sûr !
M. Gérard Cornu. Je voudrais brosser rapidement avec vous le tableau de notre agriculture française.
Avant d'aborder le dossier de la dioxine, et outre la baisse des prix sur laquelle je ne reviendrai pas, chacun a en effet à l'esprit la baisse des prix du lait, de la viande bovine, du poulet, du porc et des céréales, permettez-moi de dire quelques mots sur les accords de Berlin et, surtout, sur leurs conséquences. La modulation des aides que la France peut se targuer d'être seule à mettre en oeuvre au sein de l'Union européenne - j'y vois là une première dont nos agriculteurs se seraient bien passé - va inévitablement entraîner des iniquités et des effets pervers.
De ce point de vue, vont être tout particulièrement touchées les régions dites intermédiaires, et donc les exploitations de petites et moyennes dimensions au revenu moyen, comme c'est le cas en Eure-et-Loir et dans d'autres départements du Centre. Comme vous le savez, dans ces territoires, la modulation concernera, en moyenne, un tiers des exploitations.
M. Jean-Marc Pastor. C'est faux !
M. Gérard Cornu. Je crains que ce choix gouvernemental ne contribue à diviser l'agriculture et le monde rural, mais aussi à créer des distorsions de concurrence sur le plan européen. Qu'envisagez-vous, monsieur le ministre, pour en atténuer les effets ? Que répondez-vous, notamment, aux exploitants spécialisés en céréales et oléagineux ?
Une délégation de jeunes agriculteurs de mon département est aujourd'hui présente dans nos tribunes. J'en profite pour les saluer. Ils ont tout spécialement délaissé leur exploitation l'espace d'une journée pour venir assister à ces débats. Leurs attentes sont fortes et leur présence significative de l'ampleur de leurs inquiétudes. Il vous appartient de ne pas les décevoir.
Je n'aurai malheureusement pas le temps de m'arrêter sur la réforme du plan de régionalisation qui prévoit la suppression de la référence au rendement départemental...
M. Jean-Marc Pastor. C'est heureux !
M. Gérard Cornu. ... et qui pourrait se traduire en Eure-et-Loir par des pertes oscillant entre 200 francs et 400 francs par hectare. Je ne pourrai pas non plus m'étendre sur la TGAP créée l'an passé par la loi de finances dans le but de pénaliser les mauvaises pratiques. Permettez-moi simplement de dire qu'il est pour le moins regrettable que les revenus tirés de cette taxe aillent abonder le fonds de compensation des allégements de charges prévus par le second projet de loi sur la réduction du temps de travail. Les agriculteurs auraient sans doute vu d'un moins mauvais oeil que les sommes ainsi dégagées soient en priorité destinées au secteur agricole et - pourquoi pas ? - affectées au financement du volet environnement des CTE, par exemple.
J'en viens au dossier de la dioxine. Je m'attarderai plus volontiers sur les victimes, qui sont nombreuses, et, en premier lieu, les entreprises de fabrication d'aliments qui ont commercialisé des produits soupçonnés de contamination, alors que ceux-ci se sont toujours avérés sains.
M. Jean-Marc Pastor. C'est n'importe quoi !
M. Gérard Cornu. Viennent ensuite les éleveurs avicoles, dont les élevages ont été mis sous séquestre, et dans mon département, la production de vingt-huit d'entre eux s'est trouvée ainsi mise sous séquestre pendant deux semaines, rendant impossible sa commercialisation. Je ne prendrai qu'un exemple, celui d'un agriculteur dont l'élevage avicole représente 30 % du chiffre d'affaires de l'exploitation. Ses pertes s'élèvent à quelque 216 000 francs. Toutes les demandes d'indemnisation faites auprès des pouvoirs publics ont essuyé une fin de non-recevoir. La chambre départementale d'agriculture a conduit les organisations professionnelles à engager une action en justice au côté des éleveurs concernés afin de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans ces pertes et d'obtenir réparation. Rien que pour mon département, les préjudices subis sont globalement estimés à 12 millions de francs. Le doigt est ainsi pointé sur la mise en oeuvre par l'Etat du principe de précaution et sur ses conséquences financières. Ne voyez là aucun esprit polémique de ma part ! Mais être contraint d'introduire une procédure contentieuse pour obtenir une juste réparation me laisse rêveur quant à l'intérêt que ce Gouvernement porte à une filière bien mise à mal.
A ce stade, je crois utile de vous faire une proposition, monsieur le ministre.
M. André Lejeune. Ah !
M. Gérard Cornu. L'an passé, je m'étais étonné que le Gouvernement n'abonde pas le fonds national de garantie des calamités agricoles. Vous m'aviez alors répondu que, la trésorerie de ce fonds étant largement excédentaire, il ne vous apparaissait pas nécessaire de prévoir une ligne budgétaire.
Je vais vous prouver que l'opposition peut être constructive ! (M. le ministre rit.)
Partant du constat que je viens de vous exposer, ma suggestion est simple : pourquoi ne pas rattacher les conséquences financières du principe de précaution au fonds de garantie contre les calamités agricoles, afin d'assurer ainsi aux victimes un juste dédommagement ? J'aimerais connaître votre avis sur ce point.
Il ne peut plus faire de doute, aujourd'hui, que la conjugaison des différentes mesures que nous avons évoquées conduit à un affaiblissement inquiétant de notre agriculture ; de plus, les discussions de l'OMC nous font craindre le pire.
Dès lors, ma question est simple : pourquoi tant d'acharnement à déstabiliser l'ensemble du monde rural ?

(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, ce budget est décevant, à l'exception peut-être de la forte augmentation des crédits en faveur de la qualité et de la sécurité sanitaires des aliments. Sur ce point, j'attends d'ailleurs votre réponse à ma question écrite sur l'étiquetage obligatoire des produits contenant des OGM pour les consommateurs français.
Aujourd'hui, je souhaite intervenir plus particulièrement sur les retraites, l'installation des jeunes et la fiscalité.
Vous poursuivez, en matière de retraites, une politique de revalorisation progressive que le précédent gouvernement avait lancée. Assurer une retraite minimale supérieure au RMI à l'ensemble des agriculteurs, quel que soit leur statut, est, certes, louable, mais c'est très insuffisant. Pourquoi ne pas accélérer cette revalorisation ? Profitons des recettes budgétaires imprévues cette année pour attribuer, dès maintenant, une retraite, pour une carrière complète, au moins égale au minimum vieillesse. Le coût estimé de cette mesure est de 5 milliards de francs.
Vous estimez normal de financer les 35 heures à hauteur de 105 milliards de francs en année pleine. Estimez-vous anormal que ceux qui n'ont pas compté leurs heures et se sont sacrifiés pour bâtir une agriculture moderne puissent toucher une retraite décente ?
Concernant les jeunes agriculteurs, le nombre d'installations est en baisse de 15 %. Il est donc absurde de supprimer le fonds pour l'installation en agriculture,...
M. André Lejeune. Il n'est pas supprimé !
M. Aymeri de Montesquiou. ... dont l'efficacité est démontrée. Pourquoi le faites-vous ?
En réalité, vous mettez en danger l'installation des jeunes pour financer votre contrat territorial d'exploitation.
Lors de l'examen du dernier budget, j'avais attiré votre attention sur le flou concernant le financement du CTE. Aujourd'hui, le CTE, dispositif général s'il en est, est financé à près de 30 % par une amputation sur les crédits dévolus aux jeunes, soit un prélèvement de 145 millions de francs sur le fonds d'installation en agriculture et de 155 millions de francs sur la dotation aux jeunes agriculteurs, c'est-à-dire le quart de son montant ! Monsieur le ministre, pourquoi supprimer des crédits qui ont fait la preuve de leur efficacité ?
Enfin, en matière de fiscalité, tous les exploitants agricoles attendaient avec impatience les dispositions promises par le Gouvernement lors de la discussion de la loi d'orientation agricole.
Quand le Gouvernement prendra-t-il les mesures fiscales indispensables en matière de charges sociales, de transmission d'exploitation, de régime agricole de TVA, d'impôt sur le revenu ? En a-t-il la volonté ?
Aujourd'hui, dans le contexte concurrentiel international, ce n'est plus un choix, c'est une obligation, comme la conférence de Seattle l'a très fortement démontré. Il sera difficile de garder les subventions telles qu'elles ont été mises en place dans l'Agenda 2000. Il faudra trouver un système comparable à celui des Etats-Unis.
L'agriculture familiale française sera incapable de résister à une baisse des subventions. C'est donc au niveau des charges et de la fiscalité qu'il faudra agir. Votre projet de budget ne prépare en rien cette mutation, alors que vous disposiez d'une marge de manoeuvre exceptionnelle.
Membre du groupe du Rassemblement démocratique social et européen, je serai, bien sûr, attentif à vos réponses, mais, suivant l'avis de la commission, je ne voterai pas le budget de l'agriculture pour 2000. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les quatre priorités du budget de l'agriculture et de la pêche dans le projet de loi de finances pour 2000 figure l'enseignement agricole. C'est sur ce thème que je souhaite intervenir, en regrettant que, sur un sujet aussi important, le temps qui m'est imparti soit si restreint, d'autant que les débats à l'Assemblée nationale sur ce même sujet ont, eux aussi, été très brefs.
Il m'apparaît que l'étude du budget consacré à l'enseignement agricole en 2000 peut faire l'objet d'une double lecture, la première portant sur les efforts indéniables du Gouvernement, la seconde sur la situation délicate de l'enseignement agricole. Il est important de bien distinguer ces deux approches, l'une devant permettre de prendre conscience de l'effort fourni, l'autre de constater le chemin qu'il reste à parcourir. J'insiste sur ce point, car ces deux lectures sont indissociables pour une bonne et juste compréhension de la problématique de l'enseignement agricole.
Ce budget marque indéniablement une prise en compte de la situation préoccupante de l'enseignement agricole. Cela doit être souligné, au regard, notamment, de la nécessaire limitation des dépenses de l'Etat.
Sans reprendre l'ensemble des chiffres, qui ont déjà été présentés par les orateurs précédents, notamment par M. Vecten, je veux donc simplement rappeler les plus importants. Ainsi, 230 emplois sont créés, dont 70 d'ATOS et 160 d'enseignants. A cela, il faut ajouter 149 emplois créés sur la base de la loi Perben, visant à réduire la précarisation dans l'enseignement agricole. C'est ainsi qu'au total 379 emplois sont créés dans l'enseignement agricole public.
Les crédits de l'enseignement agricole s'élèvent à 7 139,58 millions de francs, soit une augmentation de 3,78 %, ce qui est remarquable, au regard de la progression de 0,9 % des dépenses de l'Etat. Les moyens de fonctionnement de l'enseignement agricole technique public augmentent de 3,7 %, au même titre que les crédits de l'enseignement technique privé.
Ces évolutions marquent indiscutablement la poursuite et même l'accentuation de l'effort entrepris en 1999, et nous ne pouvons que vous en féliciter, monsieur le ministre.
Néanmoins, si le budget de l'enseignement agricole, tel qu'il apparaît, est encourageant, il ne serait pas responsable de la part d'un élu national de passer sous silence la situation actuelle de l'enseignement agricole et de ne pas resituer le budget au regard de celle-ci.
Il ne faut pas se le cacher, la situation de l'enseignement agricole n'est pas satisfaisante. Même si le budget pour 2000 prend incontestablement en compte le manque de personnel enseignant et la précarité des emplois, il est indéniable que ces mesures peuvent apparaître comme relatives à certains. Vous êtes vous-même convenu, monsieur le ministre, que « des problèmes graves étaient posés à l'enseignement agricole ».
Je souhaite évoquer ici deux points.
Le premier concerne le déficit en effectifs dans l'enseignement public agricole. A ce sujet, le rapport Moulias recense les manques qui existent dans ce domaine, les critiques relatives aux créations de postes ayant été émises sur la base de ce rapport. Ce dernier a d'ailleurs été demandé par votre ministère, ce qui montre bien que vous souhaitez résoudre ce problème, et non le dissimuler.
Vous ne pouvez être tenu responsable de cet état de fait. En effet si, entre 1970 et 1998, les effectifs des élèves de l'enseignement agricole ont augmenté de 84 %, ceux des enseignants n'ont progressé que de 27 %.
A cet égard, il est logique que les créations d'emploi, qui pourtant s'accélèrent, puissent apparaître insuffisantes tant le mal est ancien.
Il est bien évident que les conclusions du rapport Moulias demeurent un idéal vers lequel nous devons tendre, mais sans pour autant oblitérer les contraintes budgétaires. Puisqu'un plan pluriannuel de rattrapage ne paraît pas pouvoir être mis en place, en raison de la règle de l'annualité budgétaire, j'aimerais que vous puissiez, monsieur le ministre, nous confirmer ici que ce rattrapage sera poursuivi et même accentué dans les budgets à venir, au même titre que cela a pu être réalisé pour les retraites agricoles.
Le second point est relatif au personnel de l'enseignement agricole privé, qui bénéficie, à obligations et compétences égales, des mêmes rémunérations que celui du public. La question qui se pose est de savoir si ce personnel peut bénéficier, en matière de retraite, du RETREP, le régime temporaire de retraite de l'enseignement privé, lequel s'applique déjà aux personnels privés relevant du ministère de l'éducation nationale. Ce régime permet notamment qu'un enseignant du privé puisse prétendre à une retraite à taux plein, alors qu'il ne pourrait le faire selon les règles du privé.
Vous avez récemment saisi le Conseil d'Etat afin de savoir si la loi Rocard, dans sa rédaction actuelle, permettait au Gouvernement de mettre en place le RETREP pour l'enseignement agricole. Pouvez-vous nous donner les conclusions du Conseil d'Etat et nous informer de vos intentions dans ce domaine ? Pour ma part, il me semble que cette réforme s'avère légitime.
Pour conclure, il ne faut pas perdre de vue que l'agriculture du xxie siècle est déjà et sera au centre de nombreux enjeux : l'environnement, l'aménagement du territoire, la qualité de la commercialisation de ses produits, etc. D'ailleurs, l'article 1er de la loi d'orientation agricole de juillet dernier énonce que la politique agricole doit désormais avoir des objectifs élargis.
Tout cela va inéluctablement conduire à une diversification des compétences demandées aux acteurs du monde rural, et donc des formations agricoles enseignées. C'est ce que certains ont appelé une « nécessaire vision prospective de l'enseignement agricole ».
Lors de nos débats présents, nous regrettons que les pouvoirs publics n'aient pas pu anticiper et accompagner le succès rencontré par l'enseignement agricole, ce qui conduit au délicat rattrapage actuel. Il est indispensable qu'un tel dysfonctionnement ne puisse se poursuivre au regard de l'incontournable diversification de l'enseignement agricole.
La réflexion que nous aurons à mener, si elle demeure quantitative, devra aussi être qualitative. C'est ce défi que nous aurons à relever, et je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur vous pour un tel challenge. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le financement des contrats territoriaux d'exploitation est l'une des priorités affichées de ce budget de l'agriculture, et le triplement des crédits qui leur sont consacrés confirme bien l'importance de ce nouveau dispositif dans la loi d'orientation agricole du 9 juillet dernier.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même qualifié ce dispositif de « clé de voûte » de cette loi. Il constitue, il est vrai, une innovation majeure en faveur d'une agriculture répondant aux nouvelles attentes qualitatives de notre société, d'une agriculture diversifiée valorisant notre environnement, nos paysages et nos terroirs.
Cette nouvelle démarche de responsabilité contractualisée suscite de réels espoirs dans les zones de montagne, que je représente ici, face aux grands défis de la mondialisation et de la nouvelle politique agricole commune.
En effet, réorienter les crédits de l'agriculture vers l'emploi, vers la qualité, vers la traçabilité et le territoire est une chance pour nos départements de montagne, qui souffrent d'un exode rural sans précédent, lié principalement à la déprise agricole.
C'est le cas du Cantal, qui a vu disparaître 40 % de ses exploitations agricoles et 15 % de sa population en vingt ans, alors qu'un actif sur cinq vit encore de l'agriculture aujourd'hui.
Le contrat territorial d'exploitation peut constituer le socle d'un soutien actif aux initiatives collectives ou individuelles en faveur d'un nouveau développement rural. Mais sa mise en oeuvre, à mon sens, doit veiller à la prise en compte de la spécificité des territoires sur lesquels il s'applique.
De même, son financement ne peut être abondé au détriment des dispositifs existants d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de préciser rapidement ces deux points.
S'agissant de la spécificité des territoires, on ne peut, dans les exploitations de montagne, dont les modes de production sont, dans la plupart des cas, déjà inscrits dans une tradition agro-environnementale, appliquer les mêmes contraintes d'amélioration environnementale que dans les exploitations en secteur intensif. Dans ces conditions, les pratiques acquises, respectueuses de l'environnement, pourraient être encouragées dans les futurs contrats territoriaux.
De même, si le souci d'une agriculture moins intensive est parfaitement légitime sur certains territoires, l'élevage extensif de montagne, qui contribue aussi à l'aménagement de l'espace, ne peut être accentué au regard de la faible rentabilité de ces exploitations et du risque d'abandon de certaines zones.
C'est pourquoi, une adaptation à l'échelle départementale des critère d'éligibilité aux CTE, en particulier sur le volet environnemental, faciliterait la prise en compte de la capacité des territoires et de la diversité de notre agriculture, sources de richesse pour notre pays.
Par ailleurs, le financement du CTE ne doit pas être abondé au détriment des aides à l'installation. Plusieurs orateurs l'ont rappelé, 145 millions de francs prélevés sur le fonds pour l'installation en agriculture sont désormais affectés aux contrats territoriaux d'exploitation.
Il est vrai que certaines actions du FIA pourront être mises en oeuvre dans le cadre des CTE, comme, par exemple, les mesures liées à la transmission des exploitations agricoles et, désormais, les aides à l'« installation progressive », qui touchent des jeunes jusque-là exclus du dispositif classique.
En revanche, d'autres actions du FIA tout aussi importantes ne pourront plus l'être, qu'il s'agisse du repérage des exploitations sans succession, de la sensibilisation des cédants, de la mise en relation entre cédants sans successeurs et jeunes candidats au métier d'agriculteur ou, enfin, des dispositifs d'aide à des propriétaires non exploitants.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que ces actions pourraient être financées en 2000 sur les reliquats de crédits du FIA, mais il faut bien admettre que cette solution provisoire ne pourra pas assurer la pérennité de ce dispositif, pourtant indispensable au soutien de la politique d'installation.
C'est pourquoi, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous proposerons un amendement visant à maintenir la ligne budgétaire du FIA à hauteur de 50 millions de francs, pour assurer le financement de ces actions en amont de la transmission d'exploitations.
Monsieur le ministre, au-delà de ces remarques, le contrat territorial d'exploitation ouvre bien la voie à une nouvelle ambition pour notre agriculture : « l'alliance entre les hommes et leurs territoires avec la mobilisation de tous les acteurs locaux ».
Cependant, pour assurer la réussite de ce dispositif bien accueilli dans nos campagnes, il faut absolument que la démarche soit facilement accessible à nos agriculteurs, par une information et une animation soutenues sur le terrain et, surtout, par un cadrage administratif simple. En effet, vous le savez, nos agriculteurs sont aujourd'hui submergés de formalités administratives qu'ils ne maîtrisent plus tant elles sont nombreuses et complexes.
Pour conclure, je dirai que cette nouvelle conception de l'activité agricole dans les zones de montagne est indissociable d'une reconnaissance des handicaps de l'agriculture de montagne, reconnaissance indispensable à la survie de nos exploitations dans le nouveau contexte européen et, surtout, au maintien de nos populations au pays.
Pour cela, monsieur le ministre, les agriculteurs de montagne, et particulièrement ceux du Massif central, attendent beaucoup de la renégociation du règlement européen de développement rural. Celle-ci pourrait en effet, grâce à une augmentation du taux de cofinancement communautaire, faciliter la mise en place, dans les grands massifs - et notamment dans le Massif central - d'une zone « haute montagne », dans laquelle les contrats territoriaux d'exploitation pourraient trouver toute leur signification. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)



PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

3

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur et le ministre disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps imparti de deux minutes trente afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.

MESURES EN FAVEUR DES EXCLUS

M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement a pris, en début de semaine, plusieurs mesures en faveur des plus démunis.
Les associations de chômeurs vous en ont donné acte mais, comme vous l'avez entendu, avec des critiques fortes qui seront certainement au coeur des manifestations de samedi prochain.
Notre groupe comprend ces amertumes. Les attentes populaires sont fortes et nous pensons que le Gouvernement aurait pu, en cette période de croissance et de recettes fiscales plus satisfaisantes, prendre des mesures plus significatives et aller au-delà de 2,7 milliards de francs.
Il est clair que la misère de millions de personnes - le RMI est à 2 500 francs - est insupportable alors que s'affichent en bourse des profits insolents. Cette situation appelle l'ouverture de nombreux chantiers, mais je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, vous interroger précisément sur l'indemnisation du chômage.
Les politiques menées depuis près de vingt ans, séparant les régimes d'assurance et de solidarité et cantonnant les partenaires sociaux à la seule gestion de l'indemnisation du chômage, se révèlent aujourd'hui désastreuses. Le paritarisme connaît des jours difficiles.
Le débat public sur les missions et les contenus de l'UNEDIC est désormais ouvert et nous considérons qu'il doit en priorité se nouer autour du financement, du niveau d'indemnisation et des droits des chômeurs.
Votre parole, madame la secrétaire d'Etat, va beaucoup compter dans un proche avenir. Je souhaiterais donc connaître les idées-force sur lesquelles vous comptez vous appuyer pour dépasser cette situation inacceptable où seulement 40 % des chômeurs sont couverts par l'UNEDIC avec, pour la moitié d'entre eux, une indemnisation extrêmement faible. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Nous savons, monsieur le sénateur, combien le chômage est d'abord une souffrance et, combien l'absence d'emploi peut être une perte de dignité avec toutes les conséquences que cela entraîne. Nous n'oublions pas le devoir de solidarité de la nation à leur égard. C'est d'ailleurs le sens de l'engagement du Gouvernement, le mien en particulier.
Les plus démunis de nos concitoyens, ceux qui, parce qu'ils sont les plus éloignés de l'emploi, n'ont pas encore pu bénéficier directement de la baisse du chômage, doivent néanmoins participer au mouvement général d'amélioration de la conjoncture économique et ne pas se sentir exclus de la croissance.
S'agissant du régime de solidarité chômage, le Gouvernement a pris ses responsabilités depuis deux ans et demi. Rappelez-vous, à l'hiver 1997-1998, les moyens ont été affectés en priorité à la revalorisation de 8 % de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS. De plus, afin de prévenir toute perte ultérieure de pouvoir d'achat, le principe d'une indexation sur les prix a été adopté.
A l'hiver 1998-1999, le RMI et l'ASS ont été augmentés de 3 %, évolution en ligne avec celle des salaires net en 1998, compte tenu du basculement des cotisations salariales maladie sur la CSG.
Lundi dernier, je m'en suis fait l'écho dans cet hémicycle, vous le savez, Martine Aubry a annoncé l'augmentation de 2 % du RMI et de l'ASS, l'attribution d'une prime allant de 1 000 à 2 900 francs pour les bénéficiaires de minima sociaux à la fin de cette année et l'abandon des dettes fiscales pour les personnes vivant avec les minima sociaux ou les personnes en situation de grande exclusion.
S'agissant maintenant du régime d'assurance chômage, les partenaires sociaux doivent prendre leurs responsabilités. Les organisations syndicales ont appelé depuis plusieurs semaines le MEDEF à une ouverture de négociations sur le renouvellement de la convention d'assurance chômage qui arrive à échéance avant la fin de l'année. Cet appel n'a pas été entendu jusqu'à présent. Si les délais sont vraisemblablement trop courts pour mener une négociation, il reste aux partenaires sociaux la possibilité de reconduire par avenant pour quelques mois les dispositions actuelles pour permettre la tenue de cette négociation.
M. le président. Veuillez conclure, madame le secrétaire d'Etat !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je vous demande une minute, monsieur le président, s'il vous plaît ; il y avait en fait deux questions ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. On parle du chômage, monsieur le président !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a, pour sa part, montré son attachement au paritarisme. C'est donc bien le MEDEF qui, dans ce contexte, prendrait la responsabilité de le rompre par son départ éventuel. Mais les caisses pourront toujours continuer de fonctionner. Les représentants syndicaux ont fait savoir qu'ils seraient prêts à assumer cette responsabilité. En tout état de cause, si une telle situation survenait, nous serions bien évidemment amenés à nous interroger sur les suites à donner. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

DIFFICULTÉS DES HÔPITAUX

M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Partie des urgences de deux hôpitaux, la grève des personnels soignants est en train de s'étendre à plusieurs hôpitaux français. C'est la troisième fois depuis le début de cette année que les services d'urgence en France sont touchés par un mouvement de grève, dont le dernier en date est celui de Marseille.
L'accord sur des créations de postes et des revalorisations salariales, signé à l'issue de ce conflit, ne semble toujours pas appliqué. Une grande manifestation est aujourd'hui organisée devant votre ministère, madame la secrétaire d'Etat. Les personnels des hôpitaux demandent que la sécurité soit assurée pour les malades. Ils se plaignent de sous-effectifs qui ne leur permettent pas de remplir leur mission.
En hiver, les urgences accueillent des populations précaires en détresse, dont l'afflux accroît encore les tensions récurrentes de ces services.
Madame la secrétaire d'Etat, ce sont des besoins criants qui se font sentir dans les services de pointe et dans les services d'urgence. La fermeture des urgences à l'hôpital Rothschild a véritablement déclenché le mouvement, parce qu'elle a provoqué une augmentation brutale de 50 % d'activité à l'hôpital Saint-Antoine, là où le mouvement entame sa quatrième semaine.
Madame la secrétaire d'Etat, mes questions sont les suivantes.
Où en sont les négociations que vous deviez mener avec la direction de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ?
Comment comptez-vous régler la situation dans l'immédiat, sachant que le problème n'est pas exclusivement financier ?
Comment voyez-vous l'évolution de l'hôpital universitaire ?
Comment comptez-vous restructurer le système parisien où coexistent l'agence régionale de l'hospitalisation et l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ?
M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue, je suis obligé de faire respecter les temps impartis. Je demande à nouveau à chacun, y compris aux ministres, de faire un effort de concision. (Applaudissements.)
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, l'AP-HP est en effet un ensemble hospitalier dont le rôle éminent recueille toute notre attention et est reconnu par tous.
L'AP-HP est aujourd'hui à un tournant important de son évolution, à la fois en raison de la mise en oeuvre du schéma régional d'organisation sanitaire de l'Ile-de-France, qui vient d'être arrêté et doit permettre de mieux organiser l'offre de soins dans toute cette région, mais aussi en raison de la préparation du plan stratégique pour les années 2001 à 2004, et l'AP-HP est aujourd'hui entrée dans une phase active de définition de cette évolution avec des objectifs.
M. Jean Chérioux. Et avec quels moyens ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Pour accompagner cette évolution, le Gouvernement a été attentif à donner à l'établissement les moyens qui lui sont nécessaires...
M. Jean Chérioux. C'est à prouver !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. ... tout en poursuivant l'effort de réduction des inégalités régionales auxquelles contribue largement l'Ile-de-France.
Je rappelle simplement que l'AP-HP a bénéficié en 1998 d'un taux de 0,3 % en budget primitif, transformé en un taux de 0,91 % en dotation finale et, en 1999, d'un taux de 1 % en budget primitif, transformé en un taux de 1,48 % en dotation finale. Pour 2000, le taux sera supérieur à celui de 1999.
Il est vrai cependant que la situation sociale de l'AP-HP est tendue aujourd'hui, un certain nombre de mouvements de grève émergent et nous interpellent.
Le Gouvernement est très attentif aux moyens dont dispose l'AP-HP pour répondre à cette tension et faire face à ses obligations. Mme Martine Aubry et moi-même suivons de très près la situation. La manifestation qui s'est déroulée ce matin devant le ministère de la santé a donné lieu à l'audition de plusieurs délégations qui ont été reçues par le directeur des hôpitaux, nous avançons donc dans la concertation.
Vous soulignez que les problèmes ne sont pas exclusivement financiers et j'en suis convaincue. Ils impliquent effectivement, dans la concertation, dans l'appropriation des objectifs de santé publique, que des réponses soient trouvées en termes d'organisation des services.
Nous sommes très attentifs et nous accompagnons bien sûr les situations financières difficiles que connaissent d'autres établissements. Un des vice-présidents de cette Haute Assemblée nous entretient très régulièrement de la situation de l'Assistance publique de Marseille : des crédits supplémentaires lui ont d'ailleurs été accordés le 9 novembre dernier.
Le Gouvernement soutient donc les personnels...
M. Jean Chérioux. C'est une drôle de façon de les soutenir !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. ... dans leurs revendications et dans leur nécessité de réorganiser leurs services ainsi que les établissements dans les efforts qu'ils ont engagés. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. Ce sont des mots, nous voulons des actes !
Mme Danièle Pourtaud. Ecoutez la réponse !

4

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DU MEXIQUE

M. le président. Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer en votre nom à tous et en mon nom la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de députés des Etats-Unis du Mexique membres du groupe d'amitié Mexique-France, conduite par M. Eliher Saul Flores Prieto, et qui séjournent dans notre pays à l'invitation du groupe homologue France-Mexique de l'Assemblée nationale.
Leur présence parmi nous répond à la réception qu'ils ont réservée en 1998 au groupe sénatorial d'amitié France-Mexique que préside notre collègue M. Charles Descours.
Au nom du sénat, je leur souhaite la bienvenue et forme des voeux chaleureux pour que leur séjour affermisse et fortifie l'amitié entre nos assemblées et, à travers elles, entre la France et le Mexique. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

5

QUESTIONS D'ACTUALITÉ AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président. Nous reprenons les questions d'actualité au Gouvernement.

CRISE AGRICOLE EN BRETAGNE

M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, la Bretagne profonde connaît aujourd'hui une crise avicole et porcine qui revêt la dimension d'un véritable drame humain.
Ce drame pose un problème social, mais aussi un problème d'aménagement du territoire, voire d'ordre public.
Le Gouvernement a pris, cette semaine, des mesures d'urgence en faveur des plus démunis qui se traduisent par un relèvement des minima sociaux et un effacement des dettes fiscales.
Des milliers d'éleveurs sont en situation d'extrême difficulté.
M. Roland du Luart. C'est vrai.
M. Christian Bonnet. De par leur activité, ils ne bénéficient pas des minima sociaux et sont couverts de dettes.
Je formulerai trois questions simples.
Estimez-vous, monsieur le ministre, que les mesures que vous avez annoncées, il y a moins d'une heure, aux organisations professionnelles sont suffisantes ? J'imagine que votre réponse sera affirmative. (Sourires.)
S'agissant d'un dispositif d'urgence, êtes-vous à même d'en faire assurer, par vos services, l'application dans des délais de nature à éviter les conséquences redoutables découlant de situations de désespérance ?
Au-delà de ces aides ponctuelles, le Gouvernement entend-il accompagner la nécessaire adaptation de l'aviculture bretonne pour répondre à la détresse des agriculteurs et à l'angoisse des salariés de la filière ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, je donnerai plus de détails tout à l'heure.
Il est vrai que l'agriculture bretonne connaît actuellement une crise sans précédent due à la conjonction de facteurs conjoncturels, tels que la crise du porc, celle de l'aviculture et celle de la production légumière, qu'il ne faut pas oublier, mais aussi à des facteurs plus structurels. Ces productions très exportatrices sont très fragiles face à une concurrence internationale de plus en plus vive. Par ailleurs, la Bretagne est tout particulièrement frappée par une crise environnementale, comme vous le savez.
Cette crise, qui ne concerne pas que cette région mais qui s'y concentre particulièrement, crée, vous avez raison de le dire, des situations de désespoir et engendre des drames liés notamment à des situations de surendettement parfaitement insupportables.
Pour bien prendre la mesure de cette crise, j'ai voulu rencontrer les organisations professionnelles, à Rennes, lundi dernier, et le Gouvernement a décidé de mettre en place un dispositif un peu particulier et exceptionnel, sous l'égide d'un chargé de mission, M. Gérondeau, placé auprès du préfet de région.
Sa première mission consiste à finaliser les mesures d'urgence que je viens d'annoncer aux organisations professionnelles.
La deuxième mission de M. Gérondeau sera de tester, avec les organisations professionnelles, des mesures de caractère fiscal et social, notamment sur les abandons de créances et l'extension aux individus de mesures en vigueur pour les sociétés. Ce sont des mesures que nous étudions, et qui seront soumises au Parlement le plus rapidement possible, en tout cas pour les revenus de l'an 2000.
Notre responsabilité à tous, Gouvernement, Etat et élus, c'est de dire à ces agriculteurs qu'au-delà des crises conjoncturelles, il faut agir dans le moyen et dans le long terme pour que l'agriculture bretonne s'adapte.
J'ai confiance dans les résultats de cette mission, à la fois parce que je connais les capacités de M. Gérondeau, mais aussi parce que les collectivités locales, les quatre conseils généraux et la région - M. de Rohan peut en témoigner - ont d'ores et déjà manifesté leur volonté de travailler en commun accord avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)

MESURES EN FAVEUR DES EXCLUS

M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Madame la secrétaire d'Etat, les mesures d'urgence annoncées il y a quelques jours en direction des plus démunis témoignent de l'attention réelle que le Gouvernement porte aux situations d'urgence sociale.
La confiance rétablie, l'amélioration de la situation économique, une croissance désormais soutenue avec des ressources fiscales plus importantes permettent au Gouvernement d'anticiper la demande exprimée par celles et ceux qui luttent contre la précarité et d'associer, par une redistribution légitime, les plus démunis aux succès de l'économie française.
Paradoxalement, le retour de la confiance et de la croissance accentue les sentiments de frustration et de précarité.
Plus importante que les fois précédentes, l'aide globale de près de 3 milliards de francs apparaît - comment ne pas le comprendre ? - insuffisante au regard des attentes et des besoins. Trop longtemps arrêté, le train de la prospérité que le Gouvernement a fait redémarrer (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) n'emporte pas encore autant de monde qu'on le voudrait ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Au demeurant, ces mesures, qui n'ont rien de négligeable, s'inscrivent dans le cadre de réformes structurelles engagées par le Gouvernement et doivent s'intégrer à la politique de fond entreprise depuis plus de deux ans en faveur de l'emploi, de l'action sociale, des 35 heures, des emplois-jeunes, de la lutte contre les exclusions, de la couverture maladie universelle qui entrera en application le 1er janvier prochain...
M. Jean Chérioux. On verra demain !
M. Guy Allouche. ... et de l'abandon des créances fiscales pour les personnes en grande difficulté.
M. Jean Chérioux. On verra !
M. Guy Allouche. Lundi dernier, la droite sénatoriale a rejeté les projets de budget de l'emploi et de la solidarité (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) non pas parce qu'il n'y en avait pas assez, mais au contraire parce qu'il y en avait trop. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. On n'a rien compris !
M. Josselin de Rohan. On n'en veut pas !
M. Gérard Cornu. On ne peut pas dépenser plus et moins à la fois !
M. Jean Chérioux. Démagogue !
M. le président. Seul M. Allouche a la parole !
M. Guy Allouche. A quarante-huit heures d'une manifestation au cours de laquelle des milliers de personnes demanderont au Gouvernement de faire un effort supplémentaire, quelles réponses complémentaires et satisfaisantes le Gouvernement entend-il apporter ? (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l'importance des mesures et des réformes engagées par ce gouvernement pour lutter contre le chômage et les exclusions.
Je ne reviendrai pas sur les mesures annoncées par Mme Martine Aubry lundi dernier, sur l'augmentation des minima sociaux, l'attribution d'une prime de fin d'année et l'abandon des créances fiscales. Je rappellerai simplement que la véritable réponse à l'exclusion passe, selon nous, par une action déterminée sur les causes de l'exclusion, au premier rang desquelles figure le chômage.
La politique suivie en matière d'emploi, liée à une croissance durable, participe à la lutte contre l'exclusion.
La création d'emplois, grâce à la réduction du temps de travail et aux emplois-jeunes, a permis d'obtenir des résultats sans précédent.
Je vous rappelle que 830 000 emplois ont été créés depuis 1997.
M. Jean Chérioux. Pas grâce à ces mesures !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je vous rappelle également qu'il y a 444 000 chômeurs de moins, que l'on enregistre une baisse de près de 30 % des licenciements économiques et une hausse de près de 25 % des offres d'emploi. Il est nécessaire de faire en sorte que cette amélioration profite également aux plus démunis et aux plus fragiles.
La loi relative à la lutte contre les exclusions permet de mener un programme déterminé en leur faveur, en réaffirmant leur droit d'accéder à l'emploi et en dégageant des moyens.
La loi relative à la couverture maladie universelle permettra à l'ensemble de nos concitoyens de bénéficier d'une couverture sociale et de faire en sorte que personne dans notre pays ne puisse renoncer à des soins pour des raisons économiques.
Ces premiers résultats nous donnent de bons espoirs. Mais il faut absolument continuer nos efforts vers ceux qui sont les plus touchés par l'exclusion. Plus personne, dans notre pays, ne devra se sentir à la marge de la société, exclu de l'attention de notre Gouvernement.
Affirmer la priorité à l'emploi, reconnaître les droits à chacun, ce sont les axes d'une politique qui permet de répondre aux attentes de tous nos concitoyens.
Ces réformes nécessitent des moyens budgétaires qui sont inscrits dans le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. La droite de cette assemblée, qui a refusé la semaine dernière de les voter, prend ses responsabilités devant le pays. Nous, nous prenons les nôtres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

UTILISATION DES PLUS-VALUES FISCALES CONSTATÉES
AU COURS DE L'EXÉCUTION DU BUDGET DE 1999

M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, porte sur la confiscation des fruits de la croissance économique par le Gouvernement. (Très bien ! sur les travées du RPR. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. C'est l'inverse !
M. Paul Loridant. Tout dans la nuance !
M. Daniel Goulet. Depuis deux ans, la France profite de la bonne tenue de l'économie mondiale. Qui s'en plaindrait ?
Notre commission des finances a démontré de façon irréfutable que ce sont près de 30 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires dont bénéficie le Gouvernement cette année. (Murmures sur les travées socialistes.)
Or, ces résultats sont le fruit, d'une part, de la bonne gestion de vos prédécesseurs... (Applaudissements sur les travées du RPR. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Daniel Goulet. ... d'autre part, du travail des acteurs économiques de notre pays.
M. Dominique Braye. Il faut le dire !
M. Daniel Goulet. Qui d'autre est mieux placé pour bénéficier des effets de cette amélioration ?
Cependant, force est de constater que le Gouvernement n'est pas de cet avis. Il minimise l'importance de cette cagnotte.
Alors que les prélèvements obligatoires ont dépassé le supportable dans notre pays depuis que vous êtes aux affaires, alors que nos compatriotes croulent sous les impôts, le Gouvernement refuse d'utiliser ces milliards dégagés pour alléger les lourdes charges qui pèsent sur les Français, sur les entreprises.
La réponse du Gouvernement est toujours la même : attendez encore un an et les impôts baisseront.
Nous savons bien que le Gouvernement utilise cette cagnotte pour constituer une réserve en vue des prochaines échéances électorales. (Protestations amusées sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Il lui sera loisible de distribuer à certains et avec parcimonie ce qui devrait bénéficier dès aujourd'hui à tous les Français. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Daniel Goulet. A l'heure où nos entreprises, notamment dans le secteur agro-alimentaire,...
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Goulet.
M. Daniel Goulet. ... souffrent face à la concurrence internationale, le Gouvernement refuse d'alléger les charges qui pèsent sur elles. (« La question ! » sur les travées socialistes.)
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'Etat. Quand le Gouvernement cessera-t-il de dissimuler la réalité aux Français (Protestations sur les travées socialistes), et quelles raisons valables peut-il nous donner pour justifier son refus d'engager une baisse immédiate des prélèvements qui aille bien au-delà des aménagements de la TVA qu'il a envisagés et dans le sens d'une meilleure utilisation des fruits de la croissance pour tous ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. M. Sautter étant en route pour Helsinki, je vais vous apporter, à sa place, des éléments de réponse.
Les recouvrements en 1999 sont meilleurs que prévu. Nous avons estimé ce surcroît de recettes à 13 milliards de francs dans le projet de loi de finances rectificative.
Cette réévaluation est due aux impôts directs, dont les recouvrements en 1999 sont assis sur les bons résultats enregistrés en 1998, à savoir une progression de 18 milliards de francs pour l'impôt sur les sociétés et de 4,7 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu. En revanche, les autres impôts, notamment la TVA, progressent à un rythme moins rapide que prévu en loi de finances initiale.
Les chiffres à la fin du mois d'octobre dans la situation mensuelle budgétaire ne peuvent être utilisés pour faire des extrapolations, linéaires la plupart du temps.
Les deux derniers mois de novembre et de décembre sont des échéances particulièrement importantes : 250 milliards de francs sont attendus, notamment sur les impôts locaux et l'impôt sur les sociétés. En outre, ils seront affectés par des phénomènes exceptionnels, que les techniciens appellent « calendaires ». Ces phénomènes toucheront les trois principaux impôts.
La TVA sera affectée par le passage au taux réduit sur les travaux dans les logements, mis en oeuvre par anticipation au 15 septembre dernier, et qui ne portera, par définition, que sur les derniers mois de l'année.
La contribution temporaire de l'impôt sur les sociétés est ramenée de 15 % à 10 % cette année, l'impact de cette baisse portant essentiellement sur le dernier acompte de décembre.
Concernant l'impôt sur le revenu, une partie de l'avance constatée à la fin du mois d'octobre est due à l'accélération des émissions de rôles par rapport à l'an dernier.
Au total, les chiffrages avancés par certains, fondés sur des extrapolations qui n'ont pas de sens, me paraissent fantaisistes. Certains parlent de 30 milliards de francs de plus-values, d'autres de 45 milliards de francs.
Le Gouvernement a réalisé pour sa part des estimations raisonnables. La prévision est certes un art difficile, mais nous préférons être critiqués pour notre prudence que pour notre imprudence.
Nous verrons bien ce que seront les résultats à la fin de 1999. En tout état de cause, je souhaiterais que ce débat sur la cagnotte n'occulte pas le fait principal : en baissant les impôts et en soutenant la croissance, nous avons relancé l'économie, ce qui contribue à la bonne tenue des rentrées fiscales et à la baisse des déficits.
Si nous faisons mieux en exécution qu'en loi de finances intiale, comme les années précédentes, nous ne pourrons que nous en féliciter, et nous travaillerons alors avec la majorité, comme elle nous l'a demandé, à des allégements d'impôts supplémentaires dès le début de l'an prochain. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

BILAN DE LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE
DE L'OMC À SEATTLE

M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les négociations sur l'Organisation mondiale du commerce ont donc échoué avant même d'avoir commencé.
Nous sommes partagés entre deux attitudes : le regret, parce qu'il est tout à fait nécessaire d'avoir, sur le plan mondial, une régulation des marchés, et le soulagement car, si un accord avait été trouvé, il aurait sûrement été conclu au détriment de l'agriculture européenne et par là même française.
Mieux vaut donc pas d'accord qu'un mauvais accord. Cela dit, les négociations vont reprendre.
Nous aimerions donc savoir comment l'Union européenne compte aborder ces nouvelles négociations, notamment pour ce qui concerne deux grands sujets qui doivent être traités.
Il s'agit, en premier lieu, de la compétition Union européenne - Etats-Unis, spécialement sur la culture et l'agriculture.
Il paraît singulier, voire incroyable que les Etats-Unis veuillent faire supprimer les subventions aux exportations agricoles de l'Union européenne alors qu'ils subventionnent les leurs, certes différemment, mais d'un montant au moins égal. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Raoult et Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai !
M. Jacques Pelletier. Il s'agit, en second lieu, de la nécessité d'associer les pays émergents et les pays les moins avancés.
Nous avons constaté, à Seattle, une révolte de ces pays qui souhaitent, très justement, devenir partie prenante de ces négociations. Il est vrai qu'une mondialisation des échanges sans régulation accentue les différences entre les pays riches et les pays pauvres, de même qu'entre les riches et les pauvres d'un même pays.
Nous avons, avec bon nombre de ces nations, des liens historiques et affectifs qui devraient nous permettre, si nous parvenons à nous entendre préalablement, de jouer un rôle déterminant dans les futures négociations.
Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, en liaison avec nos partenaires de l'Union européenne, des contacts avec ces pays pour éviter que les prochaines négociations n'aboutissent à une impasse préjudiciable à tout le monde ?
Je vous serais reconnaissant des précisions que vous pourrez apporter sur les deux points que je viens d'évoquer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.
Sur un plan général, vous le savez, nous n'étions pas disposés à un mauvais accord. Mais je voudrais nuancer l'idée que, s'il y avait eu accord, il aurait été au détriment de l'agriculture française.
D'abord, s'il y avait eu accord, il aurait dû, selon nous, être conforme au mandat du Conseil européen.
Ensuite, je ne veux pas laisser entendre que l'agriculture était le seul point d'achoppement des négociations.
Or, même si un équilibre avait été trouvé sur ce point, il y aurait eu, en l'état des travaux, d'autres difficultés, en particulier sur l'environnement ou la mise en oeuvre des accords de Marrakech.
Pour l'avenir, s'agissant de la culture, il est clair qu'elle ne sera pas un objet de négociations à l'OMC, à Seattle comme à Genève.
Sur l'agriculture, les discussions vont reprendre conformément à l'article 20 de l'accord agricole de Marrakech, mais sans calendrier ni programme de négociations précis, j'y insiste.
Sur les pays émergents et les moins avancés, je l'ai dit ce matin devant la délégation de l'Union européenne à l'Assemblée nationale avec Pascal Lamy, il faut, après Seattle, lancer des travaux sur le fonctionnement de l'OMC, qui est perfectible.
Je signale que, dans les fameuses green-rooms de Seattle, les pays en voie de développement, les PVD, étaient représentés : le Maroc, l'Inde, l'Afrique du Sud, par exemple, mais pas tous. C'est donc un problème que les PVD doivent aussi examiner entre eux.
Il ne faudra pas oublier pour autant de prendre les décisions budgétaires qui auraient dû l'être à Seattle sur l'assistance technique aux pays les moins avancés.
Enfin, vous savez que les demandes des PVD sur la mise en oeuvre n'ont pu être satisfaites à Seattle ; il faut dorénavant leur donner une place à Genève. C'est un préalable. Si nous n'y parvenons pas, je crois que nous irons dans les mêmes ornières.
C'est une des conditions de l'acceptation par la majorité des membres de l'OMC du lancement d'un nouveau cycle de négociations.
L'Union européenne, la France en particulier, entend bien, dès maintenant, prendre les contacts avec ces pays pour qu'ils se sentent à la fois légitimes, considérés, et qu'ils aient la perspective de partager la croissance mondiale comme ils le méritent. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

VOLET HUMANITAIRE DE LA GUERRE
EN TCHÉTCHÉNIE

M. le président. La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, ma question a trait à la guerre en Tchétchénie et, plus largement, à la situation préoccupante dans l'ensemble de la zone caucasienne.
Cette question ne manquera pas d'être évoquée à nouveau par M. de Villepin au cours du débat qui va se dérouler ultérieurement dans cet hémicycle. Mais, monsieur le ministre, sachant que votre emploi du temps ne vous permettra pas, puisque vous devez regagner Helsinki dans la soirée, d'être présent tout au long du débat, je souhaitais, au nom de mes collègues, vous poser cette question.
Les images de la guerre avec ses bombardements incessants, le désarroi des populations civiles, ces images toujours répétées provoquent indignation et colère.
Les Français attendent des initiatives diplomatiques fortes de notre pays au sein des instances internationales.
Très simplement et très concrètement, monsieur le ministre, quelles actions la France, avec ses partenaires européens, peut-elle engager pour un arrêt immédiat des bombardements, la protection des populations et l'intervention rapide des organismes humanitaires ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, il est tout à fait clair que nous condamnons cette action militaire brutale qui frappe aveuglément et de façon massive les populations, jetant sur les routes dans des conditions tragiques, notamment dans l'Ingouchie voisine, tant de Tchétchènes.
Nous ne croyons absolument pas que l'on puisse régler par de tels procédés un problème qui s'apparente à une sorte de problème colonial. C'est pour cela que nous parlons depuis des semaines d'une solution politique que les Russes devraient trouver et que nous avons demandée avec une extrême force au sommet d'Istanbul.
Nous avons refusé de nous engager sur cette charte de sécurité tant que les Russes n'avaient pas pris d'engagement sur ce point. Ils en ont pris finalement un, qui n'est pas suffisant, naturellement. Mais ils ont enfin fait une promesse : celle d'accepter la venue de M. Knut. Volleboek, le ministre norvégien qui préside l'OSCE, qui doit aller dans la région lundi et mardi.
Mais cela ne suffit pas. Ils se sont livrés à une escalade que nous condamnons. Nous leur demandons de retirer l'ultimatum qu'ils ont posé et de revenir sur le terrain politique.
Dans ces conditions et dans ce contexte, nous venons de demander à nos partenaires européens de se saisir en priorité, demain matin à Helsinki, de la question de la Tchétchénie. Nous sommes en train d'examiner l'ensemble de nos relations avec la Russie pour voir ce que l'on peut faire d'utile, parce qu'il ne s'agit pas de gesticuler.
Par ailleurs, beaucoup d'aspects de notre coopération avec la Russie visent à renforcer notre sécurité et nos intérêts. Il faut donc savoir comment nous allons procéder. Nous en parlerons demain matin mais une chose est sûre : les Russes doivent changer de politique en Tchétchénie. Ils doivent mettre fin à cette tragédie tchétchène, qui finira, sinon, par être une tragédie russe. (Très bien ! et applaudissements.)

RÉFORME DES ÉTUDES DE MÉDECINE
ET DE LA CARTE HOSPITALIÈRE

M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Madame le secrétaire d'Etat, la révolte du personnel des urgences de plusieurs grands hôpitaux parisiens est une alerte grave sur les dysfonctionnements de notre système hospitalier, en particulier en ce qui concerne la proximité des services.
Cette révolte n'est que l'épiphénomène d'un problème beaucoup plus profond qui touche l'ensemble du pays, non seulement Paris, mais aussi la province, comme par exemple Valognes dans mon département.
Les besoins exprimés par la population sont simples : un accueil humain et compétent, des premiers secours rapides et bien organisés, des soins de base relativement proches et accessibles, toutes choses qui requièrent une certaine proximité. Or nous fermons les services de proximité.
Il existe une hiérarchie des besoins qui doit conduire à une gradation des réponses reposant sur la notion de « tri » fait par des médecins compétents, en nombre suffisant, et de réseaux bien coordonnés à partir de données concrètes.
On ne peut pas avoir partout les services les plus spécialisés. Le principal, c'est que les malades qui en ont besoin puissent y accéder, d'où l'importance des services de proximité.
On ne peut pas davantage continuer à vouloir regrouper tous les patients dans de grands centres hospitaliers alors que la sophistication sans cesse croissante des moyens techniques et d'investigation coûtent très chers, et alors que nous manquons cruellement de médecins dans certaines spécialités à risques : obstétrique, anesthésie, chirurgie.
Madame le secrétaire d'Etat, ma question porte sur deux points.
Etes-vous décidée, vous-même et le Gouvernement, à engager enfin une réforme de fond du cursus universitaire des médecins qui s'adapte aux besoins réels ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne l'avez pas fait !
Mme Anne Heinis. Etes-vous également décidée, dans la mise en oeuvre de la réforme hospitalière lancée en 1996, au-delà d'une logique purement planificatrice, à intégrer la notion de service rendu à la population et d'égalité d'accès aux soins de qualité au plus près du terrain ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que surtaines travées du RDSE.)
Un sénateur socialiste. Le plan Juppé l'avait oublié !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Madame la sénatrice, vos deux questions précisent exactement l'essence même d'une véritable réforme hospitalière qui doit nous conduire à répondre aux besoins en soins de la population.
La réforme des études médicales annoncée par le Premier ministre portera sur l'enseignement du second cycle et les modalités de passage du deuxième au troisième cycle.
Le programme du deuxième cycle des études médicales va être entièrement refondu, vous le savez, et son contenu intéressera davantage la personne malade dans sa globalité, avec une acquisition de culture générale, de culture d'interrogation, d'investigation et de mutualisation des expériences avec le développement d'un esprit critique.
Cette refonte de l'enseignement du deuxième cycle fait actuellement l'objet d'un travail préparatoire en commission pédagogique nationale des études médicales, qui se réunit depuis deux mois et qui rendra ses conclusions d'ici à la fin de l'année. A l'issue de ce travail, les mesures d'application seront arrêtées par les deux ministres de tutelle.
Le passage de deuxième cycle en troisième cycle se fera sur concours à l'issue duquel tous les étudiants seront classés, les futurs généralistes comme les futurs spécialistes. Aujourd'hui, vous le savez, seuls les futurs spécialistes sont classés après le concours. Désormais, la filière de médecine générale sera donc une filière comme les autres filières de spécialité et permettra d'offrir une technicité plus importante et mieux contrôlée à l'ensemble des usagers de la santé.
Ces mesures aboutiront à une revalorisation légitime de la médecine générale.
Parallèlement, un autre chantier est ouvert, celui des modalités d'entrée dans les études médicales et le contenu du premier cycle.
La notion de services rendus à la population est l'objet de l'adaptation de l'offre de soins, qui suscite quelquefois des critiques véhémentes, mais qui doit permettre de répondre véritablement aux besoins de la population. C'est l'axe central de la politique hospitalière conduite par le Gouvernement. C'est la raison d'être des nouveaux schémas régionaux d'organisation sanitaire qui ont été réalisés suivant une large concertation, dans la transparence et qui permettront d'améliorer la qualité et la sécurité des soins, de réduire les inégalités dans l'accès aux soins et de développer des activités nouvelles ou insuffisamment développées, notamment les urgences de proximité et les services de gynécologie que vous avez évoqués.
Ces objectifs, fixés pour cinq ans, permettront aux établissements de santé, en relation avec les agences régionales de l'hospitalisation, de définir, au travers de leur projet d'établissement, des contrats d'objectifs et de moyens de nature à satisfaire les besoins de la population.
Le Gouvernement a accompagné les évolutions du système en donnant aux établissements les moyens de leur développement. Je vous rappelle que, depuis 1998, les moyens donnés à l'hôpital pour assumer ses missions ont augmenté. La progression des budgets des hôpitaux a été constante depuis trois exercices, de plus de 7 % au total, sans augmentation du forfait hospitalier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

CRISE AGRICOLE EN BRETAGNE

M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Monsieur le ministre, vous avez déjà évoqué, à l'instant, en réponse à une question de notre collègue M. Bonnet, la situation de notre agriculture.
Au cours de ces derniers jours, des manifestations d'agriculteurs, en Bretagne et à Paris, ont en effet révélé un très profond malaise.
MM. Josselin de Rohan et Alain Gérard. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Pierre-Yvon Trémel. Lors d'une manifestation à Saint-Brieuc, on a même pu assister à des agressions inadmissibles sur des biens publics et sur la personne même de notre collègue Claude Saunier, sénateur-maire, à qui nous voulons présenter, ici, l'expression de notre soutien et de notre amitié. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Plusieurs secteurs de production, en Bretagne comme sur l'ensemble du territoire, subissent simultanément des crises d'une ampleur jamais connue : ce qui est le cas pour le porc, les volailles, les oeufs, les fruits et légumes.
Plus d'un tiers des agriculteurs dans les Côtes-d'Armor, par exemple, sont aujourd'hui dans une situation financière dramatique, et nombreux sont les états de faillite.
Monsieur le ministre, vous avez déjà pris, depuis un an, des décisions visant à atténuer les problèmes rencontrés.
Face à la gravité de la crise, une solidarité doit s'organiser rapidement...
M. Dominique Leclerc. La cagnotte !
M. Pierre-Yvon Trémel. ... sous la forme d'aides importantes et bien ciblées afin de soutenir les exploitants les plus en difficulté.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les orientations et les mesures que vous entendez prendre pour faire face à cette crise sans précédent...
Plusieurs sénateurs du RPR. La cagnotte !
M. Pierre-Yvon Trémel. ... et accompagner les mutations nécessaires, afin de voir se développer dans notre pays...
Plusieurs sénateurs du RPR. La cagnotte !
M. Pierre-Yvon Trémel. ... une agriculture et une industrie agroalimentaire plus productrices de valeur ajoutée, une agriculture respectueuse de l'environnement et une agriculture réconciliée avec la société et son territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, j'ai parlé tout à l'heure, en réponse à M. Bonnet, du dispositif global à court, moyen et long termes que nous mettons en oeuvre pour la Bretagne.
Je vais maintenant revenir en détail sur les mesures d'urgence qui viennent d'être arrêtées, voilà quelques instants, et dont vous êtes donc, mesdames, messieurs les sénateurs, les premiers destinataires.
Je précise tout de suite que ce sont des mesures de caractère national qui visent à venir en aide à deux secteurs en difficulté : le secteur de la production porcine et le secteur de l'aviculture. Bien entendu, comme la Bretagne est la région de France où sont concentrées le plus grand nombre de ces productions, c'est elle qui sera la plus directement bénéficiaire de ces aides, mais toutes les régions seront concernées. Je tiens à apporter cette précision pour que les choses soient claires.
Ce sont des mesures d'un montant de 165 millions de francs que j'annonce aujourd'hui. Elles viennent s'ajouter aux 50 millions de francs que j'ai débloqués voilà quelques semaines pour la restructuration du secteur avicole. Au total, c'est donc une aide de 215 millions de francs que l'Etat consentira pour ces agriculteurs les plus en difficulté.
Ces mesures sont d'ordre financier et social, comme vous l'avez souhaité. Elles seront ciblées sur les agriculteurs les plus surendettés ; leur attribution sera donc soumise à un plafond.
De l'octroi de ces aides, nous attendons un double effet de levier : d'abord, du côté des créanciers, dont nous escomptons des abandons de créances ; ensuite, du côté des collectivités locales qui prendront le relais. Si M. de Rohan s'est engagé sur des aides à long terme pour venir en aide à la restructuration, je crois pouvoir dire que les conseils généraux des quatre départements bretons se sont engagés sur des aides à caractère social pour amplifier les aides de l'Etat.
Enfin, monsieur Trémel, moi aussi, je condamne de la manière la plus véhémente les actions de violence.
Je tiens à dire de façon solennelle devant la Haute Assemblée que les aides d'aujourd'hui ne sont pas le résultat des violences d'hier. Les aides dont je vous parle étaient à l'étude depuis plusieurs semaines. En revanche, la violence a bien failli provoquer l'annulation de ces aides. En effet, il n'est pas question d'agir sous la pression de la violence. Non seulement celle-ci est inadmissible en démocratie mais, en outre, elle porte atteinte à l'image des agriculteurs et risque de les couper de l'opinion alors qu'ils ont tellement besoin de la solidarité de cette dernière.
Je tiens, moi aussi, à assurer de ma totale solidarité les élus, et notamment le sénateur-maire de Saint-Brieuc, qui ont été victimes de ces violences. (Très bien et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)

CRISE AGRICOLE EN BRETAGNE

M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Comme l'ont déjà dit MM. Bonnet et Tremel, l'agriculture bretonne traverse aujourd'hui l'une des crises les plus graves de son histoire.
Pour les seules filières porcines et avicoles, les plus touchées, ce sont près de 44 000 emplois directs qui sont aujourd'hui menacés.
Face à cette situation, qui représente un véritable désastre économique et social pour toute une région, il n'est pas possible de se contenter de quelques mesures d'urgences ponctuelles et conjoncturelles. C'est un véritable plan d'ensemble de reconstruction de l'économie de leur région qu'attendent les Bretons.
Le Gouvernement dispose apparemment de marges de manoeuvre budgétaires...
M. Dominique Braye. La cagnotte !
M. Alain Gérard... puisque le ministre de l'économie et des finances a pu annoncer des rentrées fiscales très importantes.
M. Dominique Braye. La cagnotte ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Alain Gérard. Le Gouvernement n'hésite pas à consacrer 120 milliards de francs au financement des 35 heures. Dans ces conditions, les agriculteurs bretons peuvent-ils espérer obtenir mieux que des oboles ?
Nous attendons des mesures structurelles. Le Gouvernement est-il prêt à alléger les charges sociales et fiscales qui pèsent sur les producteurs afin de les rendre plus compétitifs ?
Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à réclamer et à défendre à Bruxelles un système d'aides à la reconversion de l'agriculture bretonne, du type de celui qui a pu être mis en place au bénéfice des industries de l'armement ?
Les agriculteurs bretons vous écoutent cet après-midi, monsieur le ministre. Ils attendent de vous des réponses précises à la hauteur de la détresse qu'ils expriment. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, les mesures d'urgence que je viens d'annoncer à l'instant, au nom du Gouvernement, montrent que la solidarité nationale s'exprime à la hauteur des besoins. Elles ont été négociées, je le rappelle, avec les organisations professionnelles.
Au-delà, des mesures à moyen terme seront prises.
Nous nous sommes engagés à étudier, pour les revenus de l'an 2000, des mesures de caractère social et fiscal. Deux parlementaires en mission travaillent sur ces sujets. Des mesures spécifiques sont soumises à leur réflexion. Je compte bien, dans les mois qui viennent, en tirer des leçons.
Cette manière de procéder correspond au dispositif que nous avons arrêté ensemble lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, aux termes de laquelle un rapport, suivi d'un travail de reflexion dans les domaines fiscal et social, devrait intervenir dans le courant de l'an 2000. Nous remplirons cette obligation.
Comme je l'ai dit tout à l'heure à MM. Bonnet et Trémel, quand nous sommes face à une crise conjoncturelle, notre devoir est évidemment de répondre à l'urgence par des mesures d'urgence, en l'occurrence de traiter le surendettement et la désespérance sociale d'un certain nombre de producteurs, et nous le faisons. Mais notre devoir est également de ne pas laisser croire que l'on traitera ces problèmes uniquement par des mesures conjoncturelles année après année. Notre devoir est de faire en sorte que, grâce à un plan d'adaptation de l'agriculture bretonne à long terme, ces crises ne se reproduisent pas. C'est ce que nous entreprenons.
A ce propos, je remercie les collectivités locales de l'aide qu'elles pourront apporter pour appuyer cette initiative de l'Etat. Elle me paraît incontournable. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

BAISSE DES EFFECTIFS DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS DANS LES UNIVERSITÉS ET LES GRANDES ÉCOLES FRANÇAISES DEPUIS DIX ANS

M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Ma question s'adresse à Mme le ministre chargé de l'enseignement scolaire.
Elle concerne l'accueil des étudiants étrangers en France, qui était autrefois pays leader en la matière ; mais notre situation s'est dégradée avec la prédominance de plus en plus marquée de la langue anglaise dans le monde.
Ainsi, on compte aujourd'hui 125 000 étudiants étrangers en France contre 560 000 aux USA, 210 000 en Angleterre, et 165 000 en Allemagne.
Or, de plus en plus, la véritable richesse est la ressource humaine, qui s'acquiert et se développe par l'éducation et l'enseignement. Le système éducatif français est particulièrement riche, pour être général, universel, en faveur de la liberté et de la culture de la paix ; il cherche à expliquer plutôt qu'à transmettre des connaissances et à donner des repères et des références pour résoudre les problèmes concrets. De plus, les coûts de l'enseignement en France sont les mêmes pour les étudiants français et étrangers, à la différence de nombreuses universités étrangères.
Comment peut-on remédier, madame le ministre, à cette désaffection ? Les étudiants étrangers ne sont-ils pas effrayés par la complexité et la diversité de tous nos diplômes ? Ne conviendrait-il pas de simplifier et de standardiser notre système, d'organiser des promotions et des campagnes comme le font nos hommes d'affaires français pour vendre leurs produits et leurs services, dont la haute qualité est toujours appréciée ? La promotion d'un véritable réseau français de toutes nos universités et de toutes nos grandes écoles, pour éviter des concurrences franco-françaises, ne serait-elle pas souhaitable ? Ne pourrait-on pas remédier à certaines tracasseries administratives, comme les pré-inscriptions dans les universités, qui obligent les candidats étrangers à retourner ensuite dans leur pays pour obtenir les visas de long séjour qui leur sont nécessaires ?
Comment, madame le ministre, comptez-vous relever le défi actuel de la formation des élites étrangères, dont dépend beaucoup le rayonnement international de la France ? EduFrance et le système de bourses Eiffel sont-ils satisfaisants ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. La question que vous avez posée, monsieur le sénateur, est trés pertinente. D'ailleurs, M. Allègre est actuellement aux Etats-Unis ; peut-être pourra-t-il convaincre un certain nombre d'étudiants américains de venir en France !
Vous avez évoqué le problème de la langue anglaise pour expliquer le recul du nombre d'étudiants étrangers en France. Mais un autre élément a dû jouer dans le même sens : l'effet psychologique désastreux des lois Pasqua-Debré votées voilà quelques années (Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE) ,...
M. Dominique Braye. Lamentable !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... auquel s'est ajoutée l'image d'une France repliée frileusement sur elle-même. (Brouhaha persistant sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Ridicule !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Ce n'est pas ridicule puisque de nombreux étudiants étrangers ont choisi d'autres pays que la France à la suite de la mise en oeuvre de ce dispositif répressif. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Notre système de formation universitaire est de grande qualité.
On le reconnaît dans les instances internationales. Mais, en effet, les jeunes ne le savent pas assez et ne savent pas suffisamment que la France ouvre ses bras à ces étudiants étrangers.
Nous avons pris ce problème très au sérieux. M. Claude Allègre a créé l'agence EduFrance réunissant toutes les universités et les grandes écoles françaises pour assurer non seulement la promotion du système universitaire français à l'étranger, mais aussi pour coordonner la réponse aux appels d'offres internationaux.
Les deux derniers pays où EduFrance s'est implantée sont le Mexique et l'Inde, pays dont la quasi-totalité des étudiants allaient aux Etats-Unis.
Je me suis moi-même rendue en Inde pour assurer la promotion des grandes écoles et des universités françaises.
Nous commençons donc à rattraper notre retard dans ce domaine.
Des mesures concrètes dans le sens de celles que vous évoquez si judicieusement ont accompagné la création d'EduFrance.
Nous avons mis en place une prestation globale pour les étrangers : visa, autorisation de travail, logement.
Nous avons créé un réseau des établissements d'enseignement supérieur. EduFrance est notamment présente dans plus de soixante salons et expositions à l'étranger, là où les étudiants viennent comparer les offres de services des différents pays.
Quatre mesures concrètes ont par ailleurs été adoptées.
Premièrement, il s'agit de la modification et de l'assouplissement des critères d'attribution des visas scientifiques et étudiants.
Deuxièmement, il s'agit de la réduction des justificatifs à produire, notamment du justificatif d'hébergement, le montant de la bourse suffisant à justifier des ressources nécessaires pour vivre.
Troisièmement, l'octroi de visas de long séjour aux conjoints est facilité et nous avons créé un visa de court séjour pour permettre aux étudiants candidats de passer l'examen ou le concours parfois nécessaire à l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur, levant par là un obstacle très important.
Enfin, quatrièmement, il s'agit de l'harmonisation des diplômes dispensés en France et en Europe, pour développer les échanges d'étudiants entre pays européens et accroître la lisibilité de notre système d'enseignement à l'extérieur de l'Europe.
Monsieur le sénateur, je partage votre analyse : le savoir et la matière grise sont devenus un enjeu majeur du développement économique et culturel et la France entend reprendre, en ce domaine, la première place qu'elle n'aurait jamais dû perdre. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, M. Michel Vaillant, ministre chargé des relations avec le Parlement, qui est toujours présent lors des questions d'actualité au Gouvernement, n'est pas là aujourd'hui. J'ai appris qu'il avait dû être hospitalisé.
En notre nom à tous, je lui adresse des voeux de prompt rétablissement, dans l'espoir de le revoir bientôt parmi nous. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

6

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]

Agriculture et pêche (suite)

M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'agriculture et la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les changements intervenus dans la présentation du budget de l'agriculture et de la pêche rendent difficiles les comparaisons avec les années antérieures : transfert du BAPSA au budget des charges communes, pour un montant d'environ 4 milliards de francs ; suppression du compte spécial du Trésor du Fonds forestier national, pour 417 millions de francs ; réintégration des fonds de concours, pour 21 millions de francs, et des dépenses au titre des activités d'ingénierie des agents des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, pour 481 millions de francs. Tout cela entraîne quelques bouleversements qui rendent effectivement les comparaisons délicates.
Cependant, hors BAPSA et à périmètre constant, on peut considérer que le budget de l'agriculture et de la pêche pour 2000 est à peu près l'équivalent de celui de 1999. Dans les circonstances présentes, ce n'est déjà pas si mal !
De plus, cette nouvelle présentation améliore la sincérité des comptes et en facilite effectivement la compréhension, je vous en donne acte, monsieur le ministre.
Par ailleurs, on peut saluer la poursuite de l'effort d'ajustement des effectifs, l'administration centrale se consacrant plus spécifiquement à ses missions d'animation, d'orientation et de coordination, d'une part, et les besoins du terrain, qu'il s'agisse de l'enseignement agricole, du nouvel établissement public « Haras nationaux » ou tout simplement de la mise en place des CTE, étant pris en compte, d'autre part.
C'est le résultat d'une politique qui est suivie depuis une dizaine d'années et qui est confirmée.
Cela étant, votre budget, monsieur le ministre, avec 29 milliards de francs, ne représente qu'à peu près le sixième des dépenses totales qui sont consacrées à l'agriculture et à la forêt, BAPSA compris.
Ce constat pourrait nous conduire à penser que c'est ailleurs qu'il nous faut faire porter nos efforts. Pourtant, nous estimons que c'est bien au sein de votre ministère que doivent être engagées des actions limitées en nombre mais ciblées pour orienter et préparer l'agriculture du xxie siècle ou, tout au moins, de la décennie qui vient. Or, là, je crois que le compte n'y est pas.
Je ne sais pas, monsieur le ministre, quel mauvais sort vous poursuit, mais force m'est de constater que des intentions louables à l'origine se transforment, après être passées par le creuset de votre administration, en constructions monstrueuses (M. le ministre sourit), aussi complexes que des raffineries et fécondes en effets pervers. Je vous en donnerai quelques exemples.
Les contrats territoriaux d'exploitation, tout d'abord, ont été et restent la grande idée de la loi d'orientation agricole. Cette idée partait de la volonté des jeunes agriculteurs de voir reconnues et rémunérées les activités qu'ils accomplissent, de façon naturelle, dans leur contribution au maintien, à la sauvegarde des paysages, du patrimoine et, tout simplement, de la vie dans le milieu rural.
Etant agriculteur, j'ai eu moi-même l'occasion, en dehors de tout cadre juridique, spontanément et bénévolement, de participer au déneigement de petites voies communales, de faucher les bas-côtés de ces mêmes voies, d'élaguer les haies le long des chemins, d'entretenir les berges de la rivière qui irrigue notre territoire, comme l'ont fait sans doute des centaines de milliers d'agriculteurs de petites communes, contribuant ainsi à y rendre la vie agréable et à permettre à leurs habitants de circuler.
Parler de petites communes peut paraître pour certains anachronique, voire incongru. Pourtant, il s'agit de la réalité vécue par des millions de nos concitoyens. Les petites communes ont su trouver, en effet, dans la solidarité et le bénévolat, les ressources nécessaires pour faire face aux problèmes que les grandes villes sont bien incapables de résoudre par ailleurs.
Face à la désertification et aux difficultés nouvelles que rencontrait l'agriculture, il pouvait se révéler nécessaire de légiférer et de réglementer en matière de multi-fonctionnalité de l'agriculture. Tel fut le souhait du CNJA, repris, monsieur le ministre, par vos prédécesseurs dans leurs projets, MM. Vasseur et Le Pensec, et repris bien naturellement par vous-même dans la loi d'orientation agricole.
Quelques mesures simples, réglementaires ou fiscales, auraient dû suffire pour faire face à ce nouveau problème. Je suis un farouche partisan de la simplicité. Mais, au lieu de cela, on a construit un système complexe, propre à décourager les meilleures volontés ; la circulaire explicative des CTE est un modèle du genre. Finalement, son seul mérite est d'être un soporifique efficace pour les nuits d'insomnie. (Sourires.)
Plus grave encore est sans doute le moyen de financement retenu. En 1999, le financement avait été assuré par des redéploiements - vous nous aviez fait part de la nécessité d'aller vite - qui avaient conduit à la disparition du fonds de gestion de l'espace rural, lequel pourtant avait fourni les preuves de son utilité, à l'amputation des crédits OGAF ou des crédits des offices, et déjà, à l'amputation du fonds pour l'installation en agriculture.
Pour l'an 2000, c'est la même logique et la même technique qui sont maintenues : disparition du fonds pour l'installation en agriculture et amputation des crédits affectés à la dotation aux jeunes agriculteurs.
Monsieur le ministre, on ne peut pas se fixer comme priorité l'installation des jeunes agriculteurs et, dans le même temps, supprimer les crédits spécifiques d'incitation à l'installation. Le CNJA, qui a milité pour les CTE, mesure aujourd'hui sa déconvenue.
L'erreur est humaine, dit-on, mais la persévérance dans l'erreur est diabolique ! (Rires et exclamations sur les travées socialistes.)
Je citerai un deuxième exemple du dévoiement des bonnes idées : la taxe sur les produits phytosanitaires. Certes, cela ne figure pas dans votre budget et je sais que ce n'est pas à votre ministère qu'il faudrait s'adresser, mais les agriculteurs sont concernés et il y a une solidarité gouvernementale.
L'idée de taxer, donc de freiner, l'utilisation de produits dangereux pour la santé, n'est pas stupide en soi, mais à deux conditions.
Tout d'abord, ne doivent être taxés que les abus, car, pour reprendre un adage bien connu : tout est poison ; ce n'est qu'une question de dose. (M. le ministre sourit.)
Ensuite, le produit de cette taxe doit servir à financer des actions de prévention : collecte et destruction des emballages vides ou simplement des produits non utilisés ; réglage et entretien des pulvérisateurs ; création de magasins de stockage adaptés et sécurisants. Ainsi, en encourageant la disparition de la pollution, on aboutit, à terme, à la disparition de la taxe.
Or qu'en est-il ? En taxant dès le premier gramme utilisé, vous renchérissez les coûts de production, pollueurs ou non, et vous instituez, par là même, une sorte de droit à polluer. Et affectant le produit de cette taxe au fonds de compensation des allégements des charges prévus par la deuxième loi sur les 35 heures, on aboutit tout simplement à faire financer par une catégorie de travailleurs qui ne comptent ni leur peine ni leur temps de travail la diminution du temps de travail que l'on a promise à d'autres.
Le troisième exemple concerne la modulation des aides. Là encore, la présentation schématique, un peu démagogique, qui en a été faite relève sans doute d'un louable sentiment : prélever sur les « gros » pour donner un peu plus aux « petits ». Mais cela mérite réflexion. Vous viendrait-il à l'idée par exemple de diminuer les subventions d'équilibre de la SNCF ou de la RATP pour soutenir les artisans taxis ? Pourtant c'est bien cette idée qui sera retenue pour l'agriculture.
Je rappellerai, d'abord, qu'il existe dans notre pays des systèmes de redistribution qui s'imposent à tous, y compris aux agriculteurs : il s'agit de l'impôt sur le revenu, de l'impôt de solidarité sur la fortune et des droits de transmission de biens à titre gratuit.
Ensuite, les compensations européennes ont été instituées lors de la réforme de la PAC en 1992 pour « compenser » de façon partielle les baisses de prix décidées par Bruxelles. Il s'agissait tout simplement de faire payer par le contribuable ce que le consommateur ne voulait plus supporter. Ces compensations ont été reprises dans le cadre de l'Agenda 2000 ; c'est ce que l'on appelle le « paquet Santer ».
L'effet de ces mesures sur les comptes des agriculteurs a été considérable - je tiens à votre disposition les calculs effectués en la matière si vous le souhaitez - et les revenus n'ont pu se maintenir ou retrouver un niveau normal qu'au prix d'un effort de productivité extrêmement important. Dans le même temps, cela s'est traduit par la disparition de plus d'un tiers des exploitations dans notre pays, lesquelles ont été victimes d'une certaine course à l'agrandissement.
Je souhaite formuler deux remarques à propos de la modulation : d'une part, une telle mesure décidée dans un seul pays de la Communauté crée des distortions de concurrence avec nos partenaires de l'Europe ; d'autre part, les agriculteurs les plus concernés sont, bien évidemment, ceux qui se sont spécialisés dans les productions de céréales, d'oléagineux ou de protéagineux, faute souvent de pouvoir assurer d'autres productions telles que les betteraves, les pommes de terre ou les fruits et légumes de plein champ.
Ces exploitants se situent bien souvent dans des zones intermédiaires ou dans des zones périphériques sur des sols plus ingrats : en Lorraine, en Bourgogne, dans une partie du Centre, en Poitou-Charente ; il ne s'agit pas, à proprement parler, de zones qui ont la réputation d'être les plus prospères en termes d'agriculture.
Certes les agriculteurs ne souhaitent pas figer les choses. Leurs organisations avaient même plaidé pour une certaine dégressivité des aides au fur et à mesure que des gains de productivité se produisaient. Mais, là encore, la précipitation de vos décisions, commandée par la nécessité de trouver des financements pour les CTE, fait craindre que vous ne fassiez erreur, monsieur le ministre.
Le ministère de l'agriculture et de la pêche, comme l'enfer, est pavé de bonnes intentions. Malheureusement, il lui manque le bon sens paysan : on se plaisait à souligner que ces gens-là ne pouvaient raisonner de travers parce qu'ils étaient trop peu instruits.
Vouloir installer davantage de jeunes pour assurer le renouvellement des générations part d'une bone idée, mais ne relève ni de l'incantation ni de la réglementation. Donnez à l'agriculture des perspectives d'évolution de carrière et de revenu et aussi des retraites décentes au terme d'une vie de labeur, et vous verrez alors se découvrir des vocations.
Enfin, je me permettrai un dernier conseil en utilisant cette expression un peu triviale : « Lâchez-leur les baskets ! » L'excès d'administration est une calamité permanente pour l'agriculture. Il faut y porter remède. Je crains malheureusement que tel ne soit pas le chemin choisi. C'est bien dommage à la fois pour l'agriculture et pour notre pays. C'est pourquoi je voterai contre le budget de l'agriculture et de la pêche. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite aborder la crise du secteur des fruits et légumes en Provence et plus particulièrement dans les Bouches-du-Rhône, département que je représente au Sénat.
Monsieur le ministre, vous déclariez récemment qu'aucun producteur ne devait être abandonné sur le bord de la route. Je ne voudrais pas que cet objectif, aussi sincère soit-il, ne demeure qu'un voeu pieux. En effet, 1999 restera une année noire pour les producteurs agricoles et le secteur des fruits et légumes sort véritablement sinistré de cet été, vous le savez. Les pertes sont énormes, notamment pour le melon, la tomate, les pêches ou les courgettes.
Les effets de cette crise seront particulièrement pénalisants dans les Bouches-du-Rhône, tant y est important le poids économique de ce secteur. En effet, il faut savoir que les fruits et légumes représentent 74 % de la valeur des livraisons agricoles du département et qu'ils concernent 40 % des exploitations agricoles.
Dès lors, aucun rattrapage n'est plus possible. Le chiffre d'affaires des exploitations va fortement chuter cette année, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer, pour les exploitants bien sûr, mais également pour l'environnement économique qui va en subir les retombées tout au long des prochains mois.

En 1999, plus encore qu'au cours des années précédentes, la loi de l'offre et de la demande a joué à fond, entraînant une forte baisse des prix sur la plupart des produits. Pour de nombreux fruits et légumes, les cours se situent en dessous du prix de revient.
Alors que tous les opérateurs auraient dû se mobiliser pour tenir le marché, on a assisté à une offensive de la grande distribution, soucieuse de profiter d'un rapport de force qui lui était favorable. Il n'est pas besoin de revenir sur les actions que les producteurs de fruits et légumes ont menées, afin que le Gouvernement prenne bien conscience de la gravité de la crise. On connaît les suites de ce bras de fer : les producteurs obtiendront un double étiquetage et l'ouverture de négociations sur des pratiques commerciales qui font des ravages en agriculture. Nous aimerions, avec votre appui, monsieur le ministre, voir disparaître ces pratiques.
La profession tout entière s'est mobilisée pour que l'engagement de l'Etat soit à la hauteur du sinistre. Elle a notamment accéléré la mise en place de la structure « Nutrition méditerranéenne », dont l'objet est de permettre à la production départementale de sortir de la spirale concurentielle pour se placer sur le seul terrain de la qualité des produits.
Par ailleurs, la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône, très engagée aux côtés des producteurs, vient de faire des propositions. Elle est prête à en débattre avec les pouvoirs publics, forte du soutien des élus politiques du département qui, sur ce dossier, quelles que soient les sensibilités, se retrouvent sur une position consensuelle : la consolidation du secteur des fruits et légumes dans notre département.
Ce département, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, est fortement industrialisé et urbanisé, mais il doit maintenir une présence agricole. Il y va de son équilibre : c'est l'enjeu des prochaines années, voire des prochains mois. Permettez-moi de vous demander de nous aider à relever le défi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai les quelques minutes de mon temps de parole à aborder briè-vement trois questions qui font l'objet de préoccupations sur le terrain : les retraites agricoles, l'enseignement agricole, les relations agriculture, agroalimentaire et grande distribution.
S'agissant des retraités, depuis 1997, un effort sans précédent est accompli en faveur des retraites des non-salariés agricoles : pour une durée de carrière de 37 ans et demi, un chef d'exploitation percevra 3 200 francs par mois en 2000, une veuve 3 000 francs un conjoint de chef d'exploitation 2 400 francs. La volonté de rattraper un grand retard est bien là. Cependant, avec l'évolution des besoins et des charges, beaucoup de retraités agricoles, après une dure vie de labeur, vivront encore très chichement.
De plus, lorsque l'on connaît le coût actuel des hébergements en maisons de retraite et en foyers-logements, on mesure le décalage entre les sommes à payer et le revenu mensuel des retraites agricoles.
Monsieur le ministre, vous êtes très attentif à cette question des retraites. Vous avez confié un rapport sur le sujet à notre collègue député Germinal Peiro.
Par ailleurs, vous avez évoqué l'idée de création d'une retraite complémentaire pour les agriculteurs. Le secteur de l'agriculture est aujourd'hui le seul à ne pas avoir de régime complémentaire d'assurance-vieillesse. Des décisions devront être prises au cours de l'année 2000.
Je suis, comme de nombreux parlementaires, favorable à une accélération de la réalisation en quatre ans du plan quinquennal et à la mise en place d'un régime complémentaire dès 2002.
Monsieur le ministre, je souhaite qu'à l'occasion de ce débat budgétaire vous puissiez nous indiquer les orientations et le calendrier que vous entendez suivre sur ce dossier.
En ce qui concerne l'enseignement agricole, là aussi, vous avez montré un réel intérêt personnel. L'effort budgétaire en faveur de la formation a été souligné par plusieurs de mes collègues. Nous souhaitons que vous puissiez faire reculer les situations de précarité dans les enseignements public et privé.
En Bretagne, nous sommes souvent interrogés par les personnels de l'enseignement agricole privé qui attendent, avec une impatience de moins en moins contenue, des réponses à leurs démarches relatives au déroulement de leur carrière et principalement à l'alignement des conditions de départ à la retraite sur celle de l'enseignement général.
Vous avez scrupuleusement respecté l'équilibre mis en place par la loi Rocard en 1984 entre l'enseignement agricole et privé.
Sur ce problème du régime temporaire de retraite de l'enseignement privé, ou RETREP, déjà évoqué ce matin par mon ami Bernard Piras, qui connaît fort bien cette question, vous avez saisi le Conseil d'Etat afin de savoir si la loi Rocard peut autoriser le Gouvernement à mettre en place le RETREP ou si une modification législative s'impose.
Pourriez-vous nous présenter un calendrier prévisionnel indiquant ainsi votre volonté de trouver une solution à ce problème d'équité ?
Enfin, en ce qui concerne les relations avec la grande distribution, les difficultés relationnelles entre les producteurs, les transformateurs et la grande distribution sont apparues nettement à l'occasion des crises sectorielles que nous avons connues ces derniers mois.
Lors de la table ronde sur les enjeux de l'agriculture française que Lionel Jospin et vous-même avez réunie le 21 octobre dernier, a été affirmée la volonté de moderniser l'organisation économique des producteurs et de mettre en oeuvre une régulation des relations commerciales avec la grande distribution.
Il s'agit là d'un enjeu essentiel.
Des groupes de travail sur la qualité des produits, sur les pratiques commerciales, sur le double étiquetage se réunissent et préparent des assises de la distribution.
Pourriez-vous, ici encore, nous préciser le calendrier de travail de cette réflexion ? A quel moment se tiendront les assises de la distribution ? Quelles suites entendez-vous leur donner ?
Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m'apporter et, bien entendu, comme mes amis du groupe socialiste, je vous exprime, à mon tour, toute ma confiance. (Applaudissements sur les travées des socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, le projet de budget 2000 pour l'agriculture et la pêche s'inscrit dans un contexte particulier sur les plans national, européen et international.
Les négociations de l'OMC engagées à Seattle ont montré, certes, l'échec de cette rencontre, mais également la détermination de la France, comme celle de nos partenaires, à défendre un modèle agricole européen fondé sur une agriculture multifonctionnelle. Votre projet de budget réaffirme ces principes et les acquis des accords de Berlin.
Hier soir, le Gouvernement a réexaminé le dossier de la viande britannique. Je me félicite que le principe de précaution ait prévalu et que le Premier ministre ait pris la décision de surseoir à la levée de l'embargo, malgré les menaces de la Commission. Garantir la sécurité et la qualité de nos aliments est un impératif absolu.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, c'est d'abord le budget de la rénovation de l'activité agricole. Il s'élève, pour 2000, à un peu plus de 29 milliards de francs, en progression de 3 % par rapport à 1999.
La politique agricole doit prendre en compte les fonctions économiques et sociales de l'agriculture et participer à l'aménagement du territoire en vue d'un développement durable.
Il est légitime de rétribuer l'agriculture pour les services non marchands qu'elle rend à notre société, qu'ils soient de nature environnementale, paysagère, sociale ou culturelle. Le contrat territorial d'exploitation, créé par la loi d'orientation agricole, va permettre de privilégier cette approche globale et innovante de l'exploitation. A cet égard, 950 millions de francs sont inscrits pour la signature des premiers CTE ; ils seront également accompagnés d'un financement européen.
C'est aussi un budget de priorités clairement affichées, avec des efforts soutenus en faveur de l'enseignement, de l'installation des jeunes et de la transmission des exploitations, de la sécurité alimentaire et de la traçabilité, de la forêt et de la retraite des agriculteurs. Il permettra ainsi de répondre aux attentes légitimes de la profession et des consommateurs. L'enjeu est important.
Les crédits sont en hausse sur chacun de ces domaines. Ainsi, la qualité et la sécurité alimentaires bénéficient d'une hausse de 6 %, avec 921 millions de francs. Transparence et précaution sont des principes à appliquer par l'ensemble des acteurs, pouvoirs publics et professionnels des filières agroalimentaires. Traçabilité, assurance, qualité, labellisation sont des éléments clés de la prévention des risques.
De même, une augmentation de 4 % et la création de 379 emplois sont constatés pour l'enseignement et la recherche agricole. Cette progression constitue un effort exceptionnel, avec une dotation de 7 milliards de francs.
Pour la politique d'installation et de transmission, il est imaginé de nouvelles modalités pour favoriser l'entrée dans le métier d'agriculteur de jeunes hors du cadre familial. Un dispositif nouveau, mis en oeuvre sur un CTE spécifique, offre ainsi de nouvelles perspectives aux candidats.
Enfin, c'est surtout le budget de l'anticipation et de la vision prospective de notre agriculture.
Monsieur le ministre, vous réaffirmez une grande ambition pour notre agriculture en soutenant son rôle économique et sa contribution majeure au développement rural et à l'aménagement du territoire.
Dans ce chapitre, j'insisterai, monsieur le ministre, sur deux points qui me touchent particulièrement, à savoir la lutte contre les pollutions et les mesures agrienvironnementales.
La mise aux normes du bâtiment d'élevage participe à une nécessaire et indispensable reconquête de la qualité de l'eau. Les besoins dans ce domaine sont importants et un effort considérable a déjà été entrepris depuis 1993. Pour 2000, il sera soutenu. Cependant, il est nécessaire d'en faire une évaluation en recherchant la plus grande efficacité et en définissant les priorités. Compte tenu de l'importance des moyens à mobiliser, un indispensable examen d'étape est nécessaire afin de recadrer la hauteur des investissements et d'orienter nos interventions sur les zones sensibles et prioritaires. J'ai personnellement suivi la mise en place des mesures agrienvironnementales, MAE, dont le CTE va aujourd'hui prendre le relais. Je peux témoigner de leurs succès en tant que président du parc naturel régional de l'Avesnois, région de bocage. Nous avons cependant réagi, au sein de la fédération des parcs naturels régionaux, à la circulaire d'application, en particulier à son annexe 4, qui ne nous semble pas être en continuité avec les MAE.
En effet, l'étude de terrain montre que l'agriculteur se verra proposer des mesures plus contraignantes qu'avec les MAE, et pour des rémunérations inférieures.
Monsieur le ministre, je souhaite une circulaire moins stricte et plus fidèle aux textes des versions préparatoires, qui autorise plus d'adaptation réelle au niveau départementale. Le succès des CTE se fera sur leurs réelles capacités à prendre en compte les différences fondamentales de problématiques agricoles qui existent à travers les territoires qui composent la France, et non en proposant des mesures nationales, difficilement adaptables localement.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, répond aux principales préoccupations des professionnels et des consommateurs, tout en reconnaissant la multifonctionnalité de ce secteur et la légitimité des agriculteurs comme garants et acteurs indispensables du territoire.
Il conforte le modèle agricole français et européen, celui d'une agriculture performante et dynamique, bien répartie sur tout le territoire, une agriculture qui répond aux aspirations nouvelles en matière économique, de qualité de produits, d'environnement et d'emploi.
C'est aussi une agriculture au service d'une industrie agroalimentaires sûre et aux productions de qualité, qui participe à l'expansion de nos marchés mondiaux.
C'est encore une agriculture diversifiée valorisant au mieux ses potentialités pour un développement durable et équilibré.
C'est enfin une agriculture au service d'un territoire et des hommes qui y vivent, conduite par des hommes bien formés.
Votre projet de budget est réaliste, monsieur le ministre, et illustre l'ouverture des chantiers annoncés dans la loi d'orientation agricole et pour lesquels l'engagement de notre groupe ne fera pas défaut. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gérard. M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je vous l'ai déjà dit tout à l'heure, et d'autres orateurs avant moi, l'agriculture bretonne traverse aujourd'hui l'une des crises les plus graves de son histoire. Plusieurs secteurs de production subissent simultanément des difficultés d'une ampleur jamais connue. C'est le cas des secteurs du porc, de la volaille, des oeufs et des légumes.
Dans le département du Finistère, plus de 15 % des agriculteurs sont surendettés, dont 10 % à plus de 100 %, et le nombre d'installations de jeunes agriculteurs ne cesse de diminuer, pour se situer à son plus bas niveau historique : deux cents installations cette année, contre cinq cents en 1990.
Or, que constate-t-on ?
Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, supprime 300 millions de francs de la dotation au fonds pour l'installation en agriculture et de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs pour abonder le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation. Ce n'est pas une surprise. Nous l'avions en effet annoncé lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole. Votre dogmatisme l'a donc emporté sur la nécessité de soutenir l'installation en agriculture. (M. le ministre sourit.) C'est regrettable et, surtout, grave pour l'avenir.
Des défis, monsieur le ministre, l'agriculture bretonne va devoir en relever, à commencer par son secteur porcin.
Ce n'est pas la première crise porcine que nous vivons, mais celle-ci n'a laissé aucun répit à nos agriculteurs, et les cours ne sont jamais tombés aussi bas.
Il y a un an déjà, cette crise frappait les producteurs bretons de plein fouet. Au cours des deux années de crise, l'élevage breton perdait en moyenne 600 000 francs.
Devant ce désastre économique et social de toute une région, des mesures d'aides d'urgence aux éleveurs s'imposent.
Alors que la filière porcine française compte 23 000 exploitations, qui représentent un chiffre d'affaires de 24 milliards de francs, soit 7,5 % des livraisons agricoles françaises, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
Qu'en est-il d'un allègement des cotisations sociales afin d'éviter d'amplifier les difficultés en sortie de crise ?
Qu'en est-il d'un allègement des charges financières afin de soulager la trésorerie des éleveurs ? Qu'en est-il d'un paiement des cotisations en fonction des prélèvements réels des agriculteurs, et non en fonction du revenu agricole, qui reste en partie dans l'exploitation agricole ?
Je vous demande, par ailleurs, si vous envisagez une intervention auprès des instances européennes. En effet, alors que les différents pays de l'Union européenne ne sont pas soumis aux mêmes exigences dans les domaines de l'environnement, du bien-être animal et de la fiscalité, notamment, les décisions de la Commission européenne de supprimer la restitution spéciale vers la Russie et d'arrêter le stockage privé n'ont fait qu'aggraver la chute des cours et la situation économique et sociale de nombre de nos éleveurs.
De plus, d'après les prévisions de la Commission européenne, la production porcine européenne a augmenté de 6 % en 1998 par rapport à 1997, soit 11,2 millions de porcs produits en plus. Cette augmentation a connu une traduction différente selon les pays : la France, avec une augmentation de 2,9 %, se situe loin derrière les Pays-Bas, - plus 26,6 % - le Danemark - plus 7,6 % - l'Espagne, - plus 6 % - et l'Allemagne - plus 4,5 %.
La production porcine française a donc nettement moins augmenté en 1998 que chez ses voisins européens. Cette augmentation s'explique, en outre, davantage par des gains de productivité que par des extensions d'élevage, ce qui n'est pas le cas des autres pays tels que le Danemark et l'Espagne, qui ont de réels objectifs de croissance de la production à moyen terme, sans que leurs éleveurs soient confrontés aux mêmes contraintes environnementales, sociales ou fiscales.
Par conséquent, monsieur le ministre, quelles sont les mesures que vous envisagez en faveur d'une filière qui totalise, en Bretagne, 23 900 emplois directs ?
Des défis, l'aviculture bretonne va devoir également en relever.
Cette filière représente 40 % de l'aviculture française, soit 4 500 exploitations, 20 000 emplois directs et 65 % de la production exportatrice. De plus, elle contribue à l'excédent de notre balance commerciale pour 3,5 milliards de francs.
Or cette filière connaît, elle aussi, une grave crise, avec, en un an, une chute des revenus de plus de 30 % qui menace un très grand nombre d'exploitations et risque de provoquer, sur l'ensemble du territoire breton, la suppression de centaines d'emplois.
Jusqu'au premier semestre de cette année, les exportations et la production demeuraient soutenues grâce aux restitutions qui étaient accordées. En outre, de nombreux consommateurs avaient choisi des produits avicoles de préférence à d'autres.
Mais il se développe en Europe et sur les marchés tiers une concurrence nouvelle et très sévère des éleveurs des Etats-Unis et du Brésil, dont les prix de revient sont moindres pour les raisons évoquées précédemment.
La présence de dioxine a également détourné des consommateurs de ce type de produit. Aujourd'hui, il faudrait trouver des débouchés pour 300 000 tonnes de poulets, faute de quoi beaucoup d'éleveurs seront au bord de la faillite.
De plus, je constate que le Gouvernement n'a pas souhaité ou n'a pas été en mesure d'obtenir des négociateurs de l'OMC la prise en compte des questions non commerciales telles que la protection de l'environnement, le maintien d'un système d'aides à l'exportation et le maintien des restitutions pour la période transitoire. Les négociations ont donc échoué, et Seattle n'est plus.
Plus concrètement, revenons-en à cette crise qui frappe durement la Bretagne !
Qu'en est-il de la mise en place d'un plan social permettant aux éleveurs les plus âgés de quitter la profession ?
Qu'en est-il des soutiens de trésorerie sous forme d'aides directes aux agriculteurs, de prises en charge des cotisations sociales ou des mesures spécifiques pour les récents investisseurs ?
Qu'en est-il d'une protection tarifaire efficace concernant les importations des viandes de volaille rentrant dans la composition des viandes transformées ? Qu'en est-il du maintien des aides à l'exportation ?
Face à la persistance des difficultés structurelles et conjoncturelles de ce secteur, mais aussi pour tous ceux qui refusent le déclin d'une activité économique indispensable à l'équilibre de notre région, il est urgent que vous répondiez à toutes ces questions, monsieur le ministre.
La filière agricole et agroalimentaire bretonne attend autre chose que de simples décisions ponctuelles aux effets limités. le Gouvernement doit enfin prendre la mesure de l'ampleur de cette crise et donner à cette filière les moyens nécessaires pour traverser cette passe difficile et pour préparer l'avenir. C'est cela aussi la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Jacques-Richard Delong, président de la fédération des communes forestières de France, va, dans quelques instants, se faire l'écho, de manière éloquente, de nos préoccupations en matière budgétaire.
Pour ma part, je voudrais vous interroger sur les textes que vos collègues du Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, préparez en matière forestière et qui ne nous concernent pas moins que le devenir du Fonds forestier national et du versement compensateur, je veux parler, bien entendu, de la loi forestière et de la loi de transposition de la directive Habitats, plus connue sous le nom Natura 2000.
Il convient, par rapport à ces deux textes, de mettre en facteur une notion essentielle : la gestion durable de nos forêts. Il est inutile d'insister sur le rôle essentiel que joue la propriété forestière communale, ces 2,6 millions d'hectares de forêts qui appartiennent à 11 000 communes françaises, gérés de longue date en liaison avec l'administration des eaux et forêts, devenue ONF, Office national des forêts, dans une optique en tous points compatible avec ces préoccupations modernes, j'allais dire éternelles, que résume ce terme de « gestion durable » : protection de la ressource, des sols, des eaux, des milieux forestiers fragiles, et multifonctionnalité de cette forêt, qui doit néanmoins continuer à sécréter les ressources financières qu'en attendent légitimement les collectivités publiques propriétaires.
Dans les deux cas, qu'il s'agisse de la loi forestière ou de la loi de transposition, vous savez, monsieur le ministre, que les communes tiennent par-dessus tout à l'unicité de ce document de gestion qu'est l'aménagement forestier. Nous insistons sur le maintien de cette expression, à l'exclusion de toute autre formulation, dans le cadre de la loi. C'est pour nous la pierre angulaire de l'édifice juridique en construction, ou, plutôt, en rénovation.
Nous ne nous plaignons pas de la concertation qui s'est engagée depuis des mois avec vos services pour la préparation de la loi forestière. Nous avions nous-mêmes demandé que soit actualisé le code forestier, qui date de Charles X, et que soient notamment améliorés et diversifiés les modes de vente de l'ONF pour le compte des communes. Nous sommes satisfaits de voir reprises, à la suite du rapport Bianco, deux idées auxquelles nous tenons, à savoir le développement du bois-énergie et la place de la forêt dans les territoires ruraux. Nous concourons, à cet égard, aux expérimentations lancées par votre ministère dans le cadre du groupe de travail sur la forêt paysanne pour des opérations pilotes d'aménagement et de gestion concertés de l'espace rural.
Nous demandons votre appui dans les négociations en cours sur l'article 221-6, pour améliorer, en liaison avec les chambres d'agriculture, le financement de la formation et de l'information des élus forestiers. Leur participation sera indispensable si nous voulons mobiliser, comme le préconise le rapport Bianco, 2 millions de mètres cubes supplémentaires d'ici à dix ans.
Nos inquiétudes portent sur la disparition de la taxe de défrichement, onéreuse peut-être dans son recouvrement, mais efficacement dissuasive à l'égard de ceux qui veulent substituer à la forêt des activités plus immédiatement rémunératrices, et qui menacent à terme l'équilibre de la nature.
Enfin, nous vous demandons de procéder avec nous à une analyse sérieuse des activités non marchandes liées à la forêt. Pourrons-nous continuer à faire supporter par le seul produit ligneux le financement de toutes ces activités de détente, de loisir et, tout simplement, de respiration, indispensables aux êtres humains que nous sommes ?
Certes, le projet de loi de transposition, dit Natura 2000, relève du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, donc de Mme Voynet, mais ne soyez pas absent, monsieur le ministre, des travaux en cours sur ce projet de loi, qu'il s'agisse des contrats d'objectifs ou de la directive Oiseaux, vous qui êtes notre protecteur naturel. (Sourires.)
Vous savez que la fédération des communes forestières de France s'est associée au groupe des Neuf, qui a proposé une rédaction pour l'article L. 214-4 du projet de loi. Nous voulons que cette rédaction soit dans la loi, non dans les décrets d'application. La position de votre collègue nous inquiète à ce sujet, comme d'ailleurs sur un certain nombre d'autres sujets.
S'agissant, par exemple, du document interprétatif de l'article 6 de la directive Habitats, tel qu'il nous a été transmis au comité national du 26 octobre dernier, nous craignons, notamment, une extension de facto de la surface des sites Natura 2000, en raison d'une formulation pour le moins ambiguë aux termes de laquelle « des mesures pourront être prises en dehors des zones spéciales de conservation, les ZSC, par exemple si des événements extérieurs peuvent avoir un impact sur les espèces et les habitats à l'intérieur de la ZSC ». Que se cache-t-il derrière ce brouillard verbal ?
Nous voulons être associés à toute expérimentation et nous avons demandé à passer une convention avec le ministère de l'environnement. Le nombre important de sites forestiers classés en Natura 2000 justifie notre démarche.
Enfin, monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre position sur l'écocertification, dont on peut penser ce que l'on veut, et notamment qu'elle peut donner lieu de la part de certaines ONG, organisations non gouvernementales, à une sorte de racket rampant. Par rapport au système FSC, Forest Stewardship Council , émanant, entre autres ONG, du World Wide Fund , nous avons soutenu les propriétaires de forêts privées dans leur tentative de créer un système PEFC, Pan European Forest Certification , qui a l'avantage d'être endogène sinon indigène. (Sourires.) Il nous faut maintenant le « vendre », si je puis dire, aux importateurs, aux fabricants de meubles, au grandes surfaces. Nous aiderez-vous dans cette tâche, monsieur le ministre ? Et, plus largement, continuerez-vous à nous accompagner dans cette définition d'une vraie stratégie forestière, qui comporte, certes, la modernisation du régime forestier, mais aussi des moyens financiers suffisants pour l'amont comme pour l'aval de la filière ? Si oui, vous aurez droit à notre gratitude, par-delà nos différences politiques. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos vont compléter ceux qui viennent d'être tenus par mon ami M. Yann Gaillard. En fait, j'assume la suite de son exposé.
Comme la plupart des acteurs de la filière forêt-bois-papier, la fédération nationale des communes forestières, que j'ai l'honneur de présider, a accueilli avec satisfaction et espoir la publication du rapport de M. Jean-Louis Bianco sur la forêt française. Elle a relevé, avec la même satisfaction, que la plupart des propositions ont été reprises dans la stratégie forestière à l'horizon 2015 que vous avez arrêtée le 8 juillet 1999, après une large concertation à laquelle notre fédération a participé.
Votre volonté affirmée de définir et d'engager une politique forestière ambitieuse pour notre pays se confirme sans ambiguïté dans les propositions budgétaires que vous avez arrêtées pour l'année 2000. Aussi, je souhaite que le Parlement vous donne les moyens que vous demandez pour mettre en oeuvre votre politique.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Très bien !
M. Jacques-Richard Delong. Mon intervention vise à exprimer les craintes des communes forestières à partir de 2001 sur l'évolution du versement compensateur et sur la disparition du fonds forestier national, qui sont les deux principaux instruments de la politique forestière dans les forêts communales.
Monsieur le ministre, vous connaissez notre attachement au régime forestier qui, depuis cent soixante-douze ans, a permis de conduire une politique forestière cohérente dans toutes les forêts communales, petites ou grandes, riches ou pauvres, par un gestionnaire unique, l'administration des eaux et forêts, puis, depuis 1966, l'Office national des forêts.
Comme toutes les institutions d'un âge certain, ce système mérite peut-être de subir une cure de rajeunissement mais, en dépit des contraintes subies par les communes dans le passé, celles-ci en perçoivent aujourd'hui les fruits.
Les résultats sont en effet éloquents. Par exemple, la production de bois d'oeuvre en forêt communale a presque doublé au cours des cinquante dernières années, passant de 2,5 millions à 4,5 millions de mètres cubes.
Le rapport Bianco prévoit une mobilisation supplémentaire de 2 millions de mètres cubes dans un délai de cinq ans. Globalement, cette proposition nous paraît réalisable mais une mobilisation préalable des élus sera nécessaire par la formation, l'information et une pédagogie appropriée, ce que nous avons commencé à faire depuis trois ans. Le rôle majeur joué actuellement par les communes forestières dans l'approvisionnement de la filière forêt-bois-papier serait donc sensiblement accru.
L'entrée en vigueur de la certification forestière dès l'année 2000 entraînera inéluctablement des dépenses nouvelles pour les communes propriétaires. Dans ce domaine, les forêts publiques françaises, en particulier les forêts communales, auront valeur d'exemple et l'autosatisfaction ne sera pas de mise. C'est non seulement une nécessité mais aussi une source de contraintes et de procédures. A la demande des adhérents de notre fédération, l'ONF se fera certifier ISO 9000 ; je ne vous donnerai pas la traduction en anglais.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Tant mieux ! (Sourires.)
M. Jacques-Richard Delong. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le ministre !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Nous sommes convaincus que cet outil de contrôle de qualité sera très utile, non seulement pour l'ONF et son organisation interne, mais aussi pour les communes forestières en tant que partenaire privilégié.
Les communes forestières sont prêtes à relever ces défis mais n'admettraient pas que les effets d'intensification de la sylviculture, de mobilisation des bois et d'amélioration de la gestion durable se traduisent par la diminution du versement compensateur dès l'année 2001, et ce après une remise à niveau partielle en 2000 à hauteur de 957 millions de francs TTC.
Les communes forestières n'ont jamais demandé l'aumône à l'Etat. Elles affirment que ce dernier retrouve largement sa mise par le biais de la TVA et se réjouissent à l'avance - voyez comme nous sommes bons - de voir augmenter les recettes fiscales au bénéfice du ministère des finances si la mobilisation des bois en forêt communale s'accroît. En effet, un million de mètres cubes de bois d'oeuvre génère six milliards de chiffre d'affaires et 1,2 milliard de francs de TVA. La mise en marché de deux millions de mètres cubes supplémentaires de bois couvrirait très largement le montant du versement compensateur, puisqu'elle représenterait près de trois fois ledit montant.
L'équilibre financier de l'Office national des forêts a été fragilisé depuis 1996 et du fait de l'épuisement quasi total de sa provision pour variation de conjoncture, l'établissement serait en situation délicate si les cours des bois fléchissaient brutalement de 10 à 12 %. Après une cure d'amaigrissement aussi rigoureuse, quel remède pourrait-on administrer en une telle circonstance ? Et il ne s'agit pas là d'un malade imaginaire !
Outre les produits ligneux qu'elles fournissent à l'économie nationale, les communes forestières rendent des services non marchands à la collectivité qui ne sont rémunérés par personne, tels que l'accueil du public, la protection de la flore et de la faune - c'est une très lourde responsabilité - la lutte contre l'effet de serre, la protection des ressources en eau, etc.
Il est de l'intérêt national de conforter le régime forestier, qui est plus que jamais garant d'une gestion forestière communale durable, beaucoup moins onéreuse et plus efficace que celle des pays voisins. Le désintérêt de l'Etat pour les forêts communales, se traduisant par la diminution du versement compensateur, entraînerait l'éclatement de l'organisation actuelle et, à coup sûr, une régression de la qualité de la gestion et de la mobilisation des bois.
En ce qui concerne le Fonds forestier national, le FFN, le Gouvernement a décidé, pour des motifs de compétitivité de l'ensemble de la filière et de simplification fiscale, qu'il ne figurerait plus au nombre des comptes d'affectation spéciale du Trésor.
Si les communes forestières admettent que la taxe alimentant le FFN grevait la compétitivité de la filière, elles se garderont cependant d'applaudir à une diminution des crédits de ce fonds. Elles ont, en effet, le devoir de rappeler que le FFN a été, pendant cinquante ans, un outil performant pour l'amont de la filière bois. C'est bien son efficacité qui explique pour partie la très forte augmentation des récoltes de bois en forêt communale et le passage de la superficie de la forêt française de 11 millions à 15 millions d'hectares. L'aval de la filière bénéficie aujourd'hui des efforts passés en matière de reboisement et de réalisation d'équipements de desserte des massifs.
Les communes ont déploré le désastre engendré par sa réforme précitée, en 1991, due à une décision de Bruxelles ou de la Cour de justice de Luxembourg - je ne me le rappelle plus très bien - qui s'est traduite d'abord dans les chiffres, puis sur le terrain.
En effet, les crédits de reboisement affectés aux communes forestières sont passés de 93 millions de francs en 1990 à 43 millions de francs en 1992, puis à 10 million de francs seulement en 1997, ce qui constitue à peine une aumône. Par ailleurs, le taux moyen d'aide aux travaux d'investissement est passé de 35 % pour la période 1980-1989 à 25 % pendant la période 1990-1998.
Cela étant, l'effort financier global de l'Etat en faveur de la forêt dans l'optique du projet de budget pour 2000 est indubitablement important. Mais les communes s'interrogent sérieusement sur la constance de l'Etat et sur sa volonté, voire sa capacité de maintenir son apport financier à un niveau équivalent au-delà de l'échéance de 2002. Si nous sommes obligés de raisonner sur le long terme, c'est qu'il nous faut cent quarante ans pour faire un hêtre et cent quatre-vingts ans pour faire un chêne. Nous travaillons à si longue échéance que des garanties portant sur quelques années représentent un infime détail. Le compte d'affectation spéciale du Trésor du FFN avait l'énorme avantage d'assurer la pérennité des financements dont la forêt a besoin ; n'a-t-on pas lâché un peu trop rapidement la proie pour l'ombre ?
Il est désormais démontré que les parlementaires devront se mobiliser chaque année lors des discussions sur le projet de loi de finances. Cela est peut-être bénéfique pour la sensibilisation des élus de la nation à la cause forestière, mais sans garantie de résultats...
Je vous propose, monsieur le ministre, pour éviter que la forêt ne tombe rapidement dans le silence qu'elle engendre et l'oubli dont elle souffrirait, de confier à la commission des finances du Sénat l'examen annuel des crédits affectés à la forêt. Ce serait tout à la fois lui rendre justice et donner un gage de pérennité des peuplements forestiers et de l'économie de la filière forêt-bois-papier.
La forêt n'est pas seulement, comme on le pense généralement, un espace boisé abritant une flore et une faune particulièrement riches - parfois même trop riches - et source d'une activité économique qui en fait le plus gros employeur de France, après l'éducation nationale toutefois, avec 550 000 emplois pour l'ensemble de la filière bois.
La forêt joue aussi un rôle primordial, essentiel, capital dans la purification de l'air que nous respirons. En effet, la forêt, lieu de stockage du carbone par absorption du dioxyde de carbone, est le plus important de tous les écosystèmes terrestres. Le stock de carbone présent dans la biomasse forestière équivaut à six années d'émissions françaises de gaz carbonique. Chaque année, ce stock s'accroît de 15 millions de tonnes, ce qui représente la neutralisation de 15 % de nos émissions de gaz carbonique. La forêt est la seule réserve de carbone que l'homme puisse accroître tout en créant une richesse nationale et des emplois. Par conséquent, elle constitue le seul facteur de prévention d'un accroissement de l'effet de serre.
Face à ce constat, la forêt française s'étend grâce à la politique forestière intelligente engagée au siècle dernier - en 1827 exactement - et constamment perfectionnée depuis. Ainsi, de 20 000 à 25 000 hectares sont reboisés chaque année. Nous vous proposons, monsieur le ministre, au nom des communes forestières de France, de mener une politique plus hardie de reboisement permettant, en quinze ans, un accroissement de la superficie forestière de l'ordre d'un million d'hectares. Cela signifierait que, au bout de cinquante ans, la masse de carbone stocké sur pied s'élèverait à 34 millions de tonnes, correspondant au dégagement de 91 millions de tonnes d'oxygène. Quant à l'émission de carbone fossile évitée par la substitution du bois à une énergie fossile, elle représenterait 8,5 millions de tonnes, et le carbone stocké dans le sol 38 millions de tonnes.
Ces chiffres, qui sont extrêmement importants, proviennent des études publiées par l'INRA en 1998 dans l'ouvrage intitulé : Prospectives : la forêt, sa filière et leur lien au territoire. En fait, la France rejetant actuellement 100 millions de tonnes de carbone sous forme de gaz carbonique, cet accroissement d'un million d'hectares de la superficie forestière permettrait la fixation d'une quantité supplémentaire de gaz carbonique représentant 2 % du total actuel, qui s'ajoutera au stockage assuré grâce aux quinze millions d'hectares de forêts existants.
Je n'hésite pas à affirmer, monsieur le ministre, et je le fais avec l'approbation unanime du bureau national des communes forestières, que le ministère du budget ne dispose probablement pas des compétences biologiques et biochimiques qui lui permettraient de juger de la santé des Français et, au-delà, de celle de la France et des nations qui l'entourent. Qu'on laisse la forêt tropicale à sa vocation médiatique mais pourrissante, et qu'on s'occupe du sol qui se trouve sous nos pieds ! (M. Bernard Piras sourit.)
Nous ne vous demandons pas d'argent, monsieur le ministre, aucune subvention, mais donnez aux communes qui, pour des raisons fiscales, peuvent le faire, la possibilité légale d'étendre la forêt aux espaces abandonnés. Accordez-nous le concours de l'ONF, outil indispensable techniquement et sans cesse en but, cependant, aux critiques d'économistes aux yeux desquels l'oxygène est gratuit. Donnez-nous la possibilité, pour racheter les sols tombés en déshérence, de contracter des prêts à trente ans...
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. Jacques-Richard Delong. ...sans subvention, mais avec un taux d'intérêt égal à celui de la dépréciation monétaire officielle, soit 1 %, et ensuite convainquez vos collègues que, pour vivre, il faut respirer, ce qui n'est pas encore forcément enseigné à l'Ecole nationale d'administration. (Rires.)
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire. Notre proposition est pratique, elle est morale, elle est sociale, et j'ajouterai qu'elle est honnête. Notre politique forestière est la plus efficace en Europe, peut-être au monde, c'est la politique de l'air pur sans les hormones, au naturel. (M. Bernard Piras s'esclaffe.)
Monsieur le ministre, lors du forum sur les industries du bois qui s'est déroulé à Paris le 28 octobre dernier, vous avez tenu les propos suivants, que vous reconnaîtrez sans doute : « Les relations entre les communes forestières et l'Office national des forêts ne sont pas que financières. Mais philosophiquement, je suis moi-même maire - c'est vous qui le dites ! -...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je l'étais !
M. Jacques-Richard Delong. ... c'est compliqué, mais il va falloir qu'on bouge. »
C'est une très belle maxime - nous allons d'ailleurs l'afficher dans la salle des délibérations du bureau national des communes forestières (Rires) - quand on sait que les arbres sont immuablement stables ! Quand vous dites qu'il faut que l'on bouge, nous vous comprenons, mais j'irai plus loin encore, en disant qu'il faut non seulement que l'on bouge, mais que l'on s'emballe ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation de ce projet de budget me donne l'occasion de faire le point sur la politique agricole de la France et de traiter certains sujets d'actualité à propos desquels vous m'avez posé de nombreuses questions.
Je parlerai d'abord brièvement du montant des crédits de mon ministère, qui a donné lieu à de nombreuses analyses divergentes.
Il est vrai que, à périmètre constant, compte tenu du transfert de la subvention d'équilibre du BAPSA à un autre budget, ces crédits subissent une baisse de 0,3 % par rapport à 1999. Cependant, je souligne que les moyens propres du ministère de l'agriculture et de la pêche progressent, eux, de 3 %. En fait, comme vous le savez, cette baisse globale des crédits de mon ministère tient, pour l'essentiel, à l'allégement à hauteur de 900 millions de francs des charges liées à la bonification de prêts. J'imagine que tous les membres de cette assemblée se réjouissent de cette évolution, puisqu'elle est le signe que la situation économique s'est nettement améliorée et que les taux d'intérêts ont baissé.
En tout état de cause, la progression de 3 % des moyens propres de mon ministère relativise la portée d'affirmations selon lesquelles l'agriculture et la pêche ne seraient pas une priorité pour le Gouvernement. A tout le moins, les choses ne sont pas aussi claires que certains veulent bien le dire.
Par ailleurs, je voudrais évoquer les problèmes fiscaux et sociaux.
A cet égard, le Gouvernement s'en tient aux engagements pris et à la méthode définie lors de la discussion de la loi d'orientation agricole. Nous étions alors convenus de confier à des parlementaires une mission d'évaluation sur l'ensemble des problèmes fiscaux et sociaux, devant déboucher sur des propositions qui seraient prises en compte lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2001, c'est-à-dire au cours de l'année 2000.
Nous nous en tenons à ce programme. Ainsi, deux parlementaires, Mme Marre et M. Cahuzac, ont été chargés de ce dossier. Ils ont déjà beaucoup travaillé, et je pense qu'ils pourront, comme prévu, remettre leurs conclusions à la fin du premier trimestre de 2000. Nous pourrons donc nous en servir pour préparer le prochain projet de budget, car je tiens absolument à ce que les résultats de ce travail apparaissent dans le projet de budget pour 2001.
Je répondrai maintenant à l'intervention, ô combien remarquable, de M. Pelletier sur l'administration bureaucratique et paperassière, qui envahirait tout.
Evidemment, à l'époque où le système voulait que les aides soient proportionnelles au volume de la production ou au nombre d'hectares exploités, il était assez simple d'aller chercher son chèque à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt. Mais dès lors que l'on veut instaurer un système plus équitable de redistribution et mettre en place des contrats fondés sur la qualité des pratiques, sur le développement de l'emploi et sur le respect de procédures visant à améliorer les produits, les choses sont plus compliquées. Tel est le sens de la sophistication des démocraties.
D'une façon générale, notre droit est beaucoup plus complexe aujourd'hui qu'il y a un siècle, et notre droit rural n'échappe pas à cette règle, pas plus que notre fiscalité. Cela est lié, je le répète, à l'évolution de nos sociétés.
Néanmoins, je compte bien agir avec beaucoup de détermination pour que notre administration devienne moins pesante et que son emprise soit moins forte, et à cet égard votre aide me sera précieuse. Toutefois, nous ne devons pas non plus tomber dans la démagogie et prétendre que nous serions accablés par une masse énorme de paperasses incompréhensibles.
En outre, plusieurs d'entre vous ayant une origine agricole ou rurale, ils sont bien placés pour savoir que les agriculteurs, outre leur bon sens bien connu, ont une formation supérieure à la moyenne des Français. Pour s'installer en bénéficiant de la DJA, il faut une formation bac + 2, et c'est même souvent plus. La plupart des jeunes qui s'installent ont un micro-ordinateur et sont donc parfaitement à même de faire face aux demandes.
Certes, lire des extraits de circulaire est très parlant. Il faut cependant relativiser la tendance.
J'en viens à des sujets d'actualité, ce qui me permettra notamment de resituer ce débat budgétaire dans le temps, juste après la conférence de Seattle.
Plusieurs d'entre vous m'ont pratiquement sommé de m'expliquer sur mon absence à cette conférence. Le député François Guillaume, dont la finesse d'analyse et le sens de la nuance ont toujours fait merveille (Rires sur les travées socialistes) , parlait même de désertion, avec une pertinence que je veux saluer.
Sachez que cette absence était mûrement réfléchie, d'un point de vue politique, tant au sein du Gouvernement français qu'au sein de l'Union européenne. En effet, vous avez sans doute remarqué que, à l'approche de cette négociation, les Européens, les Français en particulier, avaient tenu à bien marquer que l'agriculture n'était qu'un des sujets à traiter et que le débat ne devait pas se focaliser sur elle. Notre volonté était d'élargir le plus possible.
Dès lors, nous ne voulions pas, par une présence massive des ministres de l'agriculture, donner l'impression inverse.
Le seul ministre de l'agriculture européen à s'être rendu à Seattle a été le ministre italien, pour des raisons liées à sa candidature à un poste très important, et cela ne lui a malheureusement pas réussi ! (Sourires.)
Quant au ministre finlandais, si de facto il a décidé de s'y rendre, d'un commun accord avec l'ensemble des ministres européens de l'agriculture, c'est parce qu'il préside le Conseil de l'agriculture.
De toute façon, quelle aurait été, là-bas, la place du ministre de l'agriculture ? Les couloirs ! En effet, siégeaient à la table de négociation du Conseil des affaires générales, le ministre du commerce extérieur, dont c'est le rôle, ou le ministre de l'économie et des finances et, parce que l'agriculture est un domaine intégré au niveau européen, le commissaire européen, M. Lamy.
J'aurais donc pu, moi aussi, aller devant les caméras. J'avoue que cela ne m'a même pas tenté.
M. Christian Bonnet. Pour cela, M. Bové était là !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cela étant dit, je vous rassure, mes collaborateurs y étaient, et nous étions informés en permanence, par fax, par téléphone, par modem. Par ailleurs, François Huwart, qui a très bien joué son rôle, et Pascal Lamy, qui en a fait tout autant au nom de l'Europe, nous ont très scrupuleusement tenus informés.
Enfin, paradoxe des paradoxes, puisque tout s'est bien terminé, je ne vois pas pourquoi on regretterait mon absence ! (Sourires.)
M. Bernard Piras. Cela aurait été encore mieux !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'en viens maintenant au fond.
Comme Jean-Marc Pastor, je suis de ceux qui considèrent qu'il n'y a pas eu échec, car si échec il y a eu, il a été purement formel, dans la mesure où l'on n'a pas abouti à un accord.
Pour dédramatiser et relativiser, je rappelle que, pour l' Uruguay Round , il avait fallu trois conférences ministérielles pour se mettre d'accord sur un ordre du jour et un calendrier.
Je note, par ailleurs, que le commerce international se porte à merveille : il augmente de 9 % cette année, ce qui veut dire qu'il n'y a pas une crise des échanges internationaux qui exigerait des réponses d'urgence.
Donc, nous pouvons tranquillement continuer notre travail, d'autant que, à l'inverse du GATT, l'OMC continue : elle n'est pas morte à Seattle ; c'est une organisation pérenne, qui méritera d'être renforcée.
Nous devrons tôt ou tard reprendre les négociations. Les accords de Marrakech prévoyaient qu'on reprendrait les négociations agricoles le 1er janvier 2000. Convenons que c'est une date un peu théorique. Il est assez peu probable que cela recommence à cette date.
Ce sera la responsabilité du directeur général de l'OMC, M. Moore, de reprendre les travaux sur des bases nouvelles. Le gouvernement français est en effet très clair : il ne saurait être question de reprendre les travaux là où ils en étaient, c'est-à-dire sur des textes inacceptables. Ce qui était inacceptable le reste et ne peut, par conséquent, servir de base aux futures négociations.
Il faut donc dédramatiser et se préparer, avec la même fermeté, à des négociations qui devront tenir compte des leçons de Seattle, et, d'abord, de l'irruption des pays en voie de développement, qui ont dit de manière plus forte que jamais qu'ils ne pouvaient pas être traités, comme auparavant, par le mépris. L'OMC n'est plus le club des pays riches que le GATT était sans doute dans le temps. Les pays en voie de développement ont bien le droit - c'est le moins que l'on puisse faire pour eux ! -, d'être intégrés à cette négociation à part entière. C'est la première leçon.
La deuxième leçon, c'est que cette négociation doit avoir lieu dans la transparence. Il y a eu irruption de la société civile, du contrôle citoyen. J'allais presque dire, en plaisantant, à M. de Montesquiou que, si je n'y suis pas allé, c'est pour que les parlementaires, eux, puissent s'y rendre, le Gouvernement étant soucieux d'économiser les deniers du contribuable ! (Sourires.)
Plus sérieusement, il était utile que dix-sept parlementaires de toutes tendances participent à cette négociation, pour être informés.
Enfin, la présence de 700 organisations non gouvernementales a transformé l'opinion en acteur citoyen de cette négociation d'une manière qui me paraît très positive.
Par ailleurs, et c'est la troisième leçon, de nouveaux sujets ont fait irruption à Seattle qui resteront durablement inscrits dans la négociation. Il en va ainsi de la nécessité de prendre en compte les pays en voie de développement, les problèmes liés à l'environnement, les normes sociales - sujet difficile qui, si on le traite avec trop d'arrogance, comme l'ont fait les Etats-Unis, peut braquer les pays en voie de développement - certains sujets agricoles, comme la multifonctionnalité ou le principe de précaution, autant de sujets qui ont commencé à être mis sur la table des négociations et qui, d'une manière ou d'une autre, y resteront. Le gouvernement français est, en tout cas, déterminé à aller dans ce sens.
Je voudrais maintenant évoquer un sujet d'actualité, c'est, bien sûr, l'embargo sur le boeuf britannique.
Le Gouvernement a pris la décision que vous savez hier soir. C'est une décision de maintien de l'embargo à ce stade, dans l'état actuel des choses. Pourquoi ? Parce que, depuis le début, le Gouvernement s'est inscrit dans une logique de sécurité sanitaire pour le consommateur et de principe de précaution comme mode de gestion du risque.
Lorsque l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, mise en place l'an dernier sur une initiative parlementaire, et notamment sénatoriale, a donné son premier avis négatif, à la fin du mois d'août, le gouvernement français a annoncé qu'il refusait de lever l'embargo et qu'il demandait des garanties supplémentaires sur cinq points : la traçabilité, les tests, les contrôles, les produits dérivés et l'étiquetage.
Après une réaction très vive de la Commission et des Britanniques qui ne vous a sans doute pas échappée, nous avons pu engager des conversations, des négociations, des discussions au niveau des scientifiques et des experts avec les Britanniques et la Commission, et nous avons, sur ces cinq points, fait bouger les choses, c'est-à-dire obtenu des garanties supplémentaires.
D'ailleurs, l'AFSSA a pris acte de ces données nouvelles. Mais son nouvel avis, même s'il n'était pas aussi directif que le premier, qui nous avait conduits à donner un avis défavorable à la levée de l'embargo, a cependant été mitigé, comme nombre d'entre vous se sont empressés de le souligner. Dans ces conditions, le Gouvernement a pris acte que nous avions progressé sur les cinq points, que, sur trois d'entre eux, nous avions obtenu des garanties satisfaisantes, du point de vue des scientifiques français, mais que sur deux autres, il nous fallait obtenir des précisions et la mise en oeuvre concrète d'engagements qui avaient été pris.
Le premier point est la mise en oeuvre des tests en Grande-Bretagne. Nos scientifiques veulent avoir des précisions sur l'amplitude des tests. Les Britanniques en proposent 6 000. Est-ce le bon chiffre ? Certains scientifiques disent qu'il faudrait, compte tenu des effets statistiques, élargir la palette.
Mais se pose aussi le problème du ciblage de ces tests, car ce n'est pas la même chose de faire des tests sur l'ensemble de la population bovine, en y incluant, par exemple, l'Angus d'Ecosse, c'est-à-dire des troupeaux extensifs qui ne sont pas touchés, ou peu, par la maladie, ou sur des zones à risque.
Nous voulons obtenir ces précisions pour que ces tests soient pertinents d'un point de vue scientifique. Cette condition fixée par les scientifiques et rappelée par le gouvernement français, hier, ne me semble pas insurmontable. Nos amis britanniques, en travaillant avec nos scientifiques, peuvent, en quelques semaines, répondre à notre demande.
Le deuxième point, qui ne met pas en cause le Royaume-Uni, concerne la Commission, qui doit tenir les engagements qu'elle a pris. En effet, la Commission, dans le protocole auquel nous avions abouti avec elle et avec le gouvernement britannique, s'était engagée à prendre une mesure de caractère réglementaire mettant en place l'étiquetage sur l'ensemble du territoire européen et autorisant les Etats à exiger cet étiquetage à leur frontière et à refuser éventuellement des marchandises en cas de garantie insuffisante.
Il faut donc que l'Europe tienne son engagement. Il n'est pas question pour nous de lever l'embargo tant que cette mesure visant l'étiquetage n'est pas inscrite effectivement dans le droit européen. C'est aussi simple que cela et, là encore, ce n'est pas insurmontable.
Pour que les choses soient claires, parce qu'on fait souvent la confusion, je précise que l'étiquetage n'est pas seulement une mesure d'information pour les consommateurs, une mesure d'ordre commercial permettant de dire au consommateur que, dangereux ou non, l'important est qu'il puisse choisir du boeuf anglais ou non.
L'étiquetage est aussi une mesure de santé publique. Il permet la traçabilité et, en cas d'incident, le rappel des lots. Il permet de prendre des mesures de sécurité sanitaire.
Ces deux conditions, que nous avons posées hier, s'inscrivent dans la cohérence de la démarche qui est la nôtre depuis le début.
Ce que nous avons voulu dire aussi bien au gouvernement britannique qu'à la Commission, hier, ou lors des conversations téléphoniques que nous avons pu avoir, entre deux séances, avec le ministre britannique, tout à l'heure, c'est que le gouvernement français campait sur sa position, mais que celle-ci n'était nullement agressive à l'égard des Britanniques, dont nous saluons les efforts faits pour sortir le secteur bovin et leur économie de l'élevage d'ornières extrêmement profondes, dont nous saluons les efforts faits à notre égard dans ces discussions extrêmement constructives depuis trois mois et dont nous mesurons la déception, voire la rancune, depuis hier soir.
Les Britanniques doivent comprendre que nous ne sommes pas dans une logique inamicale. Simplement, nous avons la volonté d'obtenir des garanties supplémentaires ou des éclaircissements pour les consommateurs non seulement français mais européens.
D'ailleurs, sur l'étiquetage, les Allemands, qui ont sûrement été plus subtils que nous dans cette affaire, en s'abritant derrière les Länder et des problèmes d'ordre constitutionnel, demandent, en fait, nous le savons bien, la même mesure que nous, et la Commission devra peu ou prou en tenir compte.
Je tenais à faire le point sur cette question. Nous devons maintenant continuer à travailler et, en même temps, tirer les leçons.
Un jour viendra sans doute où nous lèverons l'embargo sur le boeuf britannique. Les garanties n'étant pas suffisantes, ce jour n'est pas encore venu. Mais il ne faut pas faire preuve de démagogie et dire - ce n'est pas ce que le Gouvernement a dit, hier - que nous ne le ferons jamais.
Le jour où les garanties seront obtenues, nous pourrons prendre une décision plus conforme au droit communautaire, car - c'est sur ce point que je conclurai cette partie de mon intervention - nous avons bien mesuré, évidemment, le poids de notre décision et ses conséquences sur nos relations avec les Britanniques, avec lesquels, nous sommes en train de construire l'embryon de l'Europe de la défense, avec lesquels nous voulons garder de bonnes relations de coopération, mais aussi vis-à-vis de l'Europe, qui a déjà engagé une procédure dont nous savons qu'elle peut nous valoir des sanctions. Nous mesurons ce prix et nous voulons continuer à avancer avant que d'éventuels recours devant la Cour de justice européenne n'entraînent des sanctions.
J'en viens à des affaires plus franco-françaises de nature économique et sociale.
On m'a beaucoup interrogé sur la modulation des aides. Cette modulation est autorisée par les accords de Berlin. Le gouvernement français, qui considère que la redistribution des aides et leur réorientation sont une condition du maintien de la légitimité des soutiens publics à l'agriculture, a décidé d'user de cette possibilité.
Monsieur Rispat, quand je dis que 20 % des exploitations touchent 80 % des aides, je ne parle pas du Gers, bien entendu, je parle du niveau national. Ce n'est pas dans le Sud que les inégalités sont les plus flagrantes, ou alors dans le sens inverse : c'est là qu'on trouve 80 % des exploitations qui touchent 20 % des aides ! Vous avez parlé d'un rapport 60 % - 40 %, parce que, dans le Gers, c'est un peu spécial.
Il n'est pas question de dire, de manière idéologique ou sectaire, qu'il y a, d'un côté, les gros, à qui il faut tailler une croupière, et, de l'autre, les pauvres, à qui il faut redistribuer. Non, il faut faire les choses raisonnablement, il faut réorienter, redistribuer les aides !
Le système de modulation aujourd'hui proposé, qui va être mis en oeuvre par décret dans les jours qui viennent, va toucher une exploitation sur onze, c'est-à-dire 57 000 exploitations sur 680 000 au total. Ni plus ni moins ! Une grande partie des exploitations seront touchées à hauteur de 3 %, ce qui n'est pas une ponction insupportable sur des aides publiques.
Après la concertation que nous avons mise en oeuvre, nous avons tenu compte des remarques qui nous ont été faites par les organisations professionnelles et par les élus qui sont venus nous voir souvent pour se plaindre des effets pervers de la modulation pour la fécule de pomme de terre ou pour le tabac dans leur zone intermédiaire, par exemple. J'ai donc pris acte de tout cela et j'ai modifié le système, notamment en élargissant l'assiette du nombre d'exploitations touchées : 57 000 dans le nouveau système au lieu de 30 000 dans le précédent.
Cela signifie que le poids moyen de la modulation baisse, que le critère lié à l'emploi a été considérablement renforcé, que l'incorporation de la marge brute standard rend le processus beaucoup moins inéquitable, faisant disparaître beaucoup de ses effets pervers.
Evidemment, on peut être contre la modulation, je le conçois : c'est une position politique qui correspond à vos convictions, que je respecte totalement. Je crois toutefois très sincèrement que le nouveau système va dans un sens plus juste et plus équitable.
Restent deux arguments sur lesquels je veux vous répondre : l'argument de l'impôt et l'argument de la distorsion de concurrence.
Permettez-moi de vous dire que l'argument de l'impôt est erroné. La modulation n'est pas un impôt, pour la bonne et simple raison que l'argent modulé ne va pas dans la poche de l'Etat mais reste chez les agriculteurs, puisqu'il va leur être entièrement redistribué. Evidemment, ce ne seront pas les mêmes qui en bénéficient, mais cet argent restera dans la « ferme France » par le biais des contrats territoriaux d'exploitation. Les intéressés recevront même plus puisque, pour un franc modulé, ce sont deux francs qui iront à l'agriculture, par le biais des contreparties du budget national aux crédits européens : quand nous mettrons un franc d'argent modulé dans les CTE, nous devrons mettre un franc en provenance du budget national. Vous le voyez, ce n'est donc pas un impôt, c'est une redistribution des aides, cela reste dans la « ferme France ».
Quant à l'argument de la distorsion de concurrence, qui consiste à dire que, si nous le faisons en France, nous aurions dû le faire dans l'Europe entière, il n'est pas plus acceptable. Je pense d'ailleurs que, même si nous l'avions fait dans l'Europe entière, j'aurais essuyé les mêmes critiques. Je reste donc serein.
Au demeurant, j'ai toujours dit que je pensais profondément que la France donnerait l'exemple en la matière, et serait suivie tôt ou tard. Eh bien ! je peux vous annoncer le scoop du jour, dont vous avez peut-être déjà pris connaissance : un deuxième pays - dont je parlais il y a un instant pour une autre raison - vient de rejoindre la France. Ainsi, le ministre anglais de l'agriculture a annoncé hier que la modulation serait mise en oeuvre en Grande-Bretagne à partir de l'an 2000.
La France a donc donné l'exemple, un deuxième pays la suit déjà, et je vous assure que d'autres pays sont en train d'étudier cette solution, que ce cercle s'élargira et que ces différences de traitement n'existeront plus à très court terme.
Je reviens d'un mot sur la TGAP - et d'abord sur la question de son affectation aux 35 heures. Vous êtes des parlementaires expérimentés, et vous savez, dès lors, qu'il existe une règle incontournable, à savoir la non-affectation des recettes aux dépenses. La TGAP ne finance donc pas plus les 35 heures que les crédits de l'environnement !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cela a pourtant été dit !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Certes, mais, quand on propose des mesures nouvelles, que ce soit dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans un projet de loi de finances rectificative, on le fait toujours en équilibre, c'est-à-dire que l'on met des recettes en face des dépenses. Mais on ne finance pas plus ceci que cela, on se situe dans un équilibre global.
Au-delà de cet argument, je me suis battu - et j'ai obtenu gain de cause - pour que cette mesure soit une mesure d'incitation aux bonnes pratiques. Je le répète, le système classe les produits phytosanitaires en sept catégories, des moins toxiques aux plus toxiques. Or la catégorie la moins toxique, taxée à 0 %, représente à peu près 50 % des consommations en 1998. La moitié d'entre elles ne seront donc pas frappées ! Ce n'est qu'ensuite que les six autres catégories, en fonction de leur toxicité, supportent la TGAP.
On me dit que cela coûtera 300 millions de francs. Oui, dans l'état actuel des consommations ! Mais il suffit que ces consommations aillent vers des produits moins toxiques pour que la TGAP n'ait pas ce rendement budgétaire. Au demeurant, le budget de l'Etat s'en remettra, compte tenu des circonstances économiques très favorables, et nous y aurons gagné une évolution très favorable vers des pratiques agricoles moins toxiques. C'est très exactement ce que nous souhaitions, et je veux, au contraire, défendre notre système.
Un mot maintenant sur le FIA,...
M. Gérard Cornu. Ah !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... sur lequel nombre d'entre vous m'ont interrogé.
D'abord, ne confondons pas les effets et la cause ! Ce n'est pas parce que les crédits à l'installation baissent que le nombre des installations baisse, la preuve en est que les crédits d'installation ont toujours été sous-consommés ces dernières années. C'est donc l'inverse : c'est parce que le nombre d'installations baisse que les crédits baissent.
J'ai dit ici - et je le redis - que je serais ravi de revenir devant vous pour défendre une loi de finances rectificative prenant acte d'une relance de la politique d'installation qui nous obligerait à abonder cette ligne. C'est la meilleure des choses qui pourrait nous arriver en 2000 !
Une ancienne présidente du CNJA, Mme Lambert, disait il y a quelques jours à un journaliste que connaît bien M. César, puisqu'il écrit dans le quotidien de sa région : « J'ai entendu un parlementaire, ancien dirigeant agricole, dire que c'est à cause du Gouvernement et de la baisse des crédits que le nombre d'installations baisse. Mais cela n'a pas de sens ! Les raisons sont multiples : elles tiennent à la fois à l'indécision liée à la PAC, à Berlin et sans doute à Seattle, ainsi qu'à des pratiques non maîtrisées dans certaines CDOA sur le contrôle des structures... » - c'est honnête, parce que cela fonctionne beaucoup mieux dans certains départements que dans d'autres - « ... et peut-être aussi à un discours dominant chez un certain nombre de responsables professionnels. »
Elle a raison ! Quand on dit du matin au soir qu'il n'y a pas d'avenir pour l'agriculture, que l'on est écrasé par les charges, que les revenus sont en baisse, que le métier est de plus en plus insupportable, on n'incite guère les jeunes à s'installer avec un discours aussi défaitiste !
La réalité, c'est qu'il faut aussi dire à ces jeunes que cela reste un très beau métier, un métier plein d'avenir.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Voilà comment nous allons pouvoir les convaincre de s'installer !
Or le FIA avait précisément cette finalité. Les mesures que nous avons prises à cet égard ont provoqué une tempête, mais c'est une tempête dans un verre d'eau ! Permettez-moi d'être simple et clair : le FIA, qui représentait 150 millions de francs ces dernières années,...
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Non, 145 millions de francs !

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... a été consommé à moins de 50 %. Ce n'était donc pas le succès annoncé partout ! Nous transférons ses crédits dans un fonds de financement des CTE, qui va couvrir 2 milliards de francs. Nous pourrons ainsi faire tout ce que nous voulons, beaucoup plus d'ailleurs qu'avec le FIA !
C'est le cas pour les dix-sept premiers CTE que j'ai signés pour amorcer le mouvement : j'en signerai un demain dans le Gers, d'autres dans quelques jours dans l'Hérault, nous amorçons le mouvement, et je puis vous dire que la plus grande partie touche des jeunes qui s'installent ; or, au lieu d'être accompagnés une seule fois avec la DJA et avec des prêts bonifiés, ils vont l'être pendant cinq ans sur un programme d'évolution. Le CTE pour accompagner l'installation d'un jeune, c'est un outil idéal !
Quant à ceux qui regrettent les mesures qui incitaient les cédants à la transmission, je leur réponds que nous pourrons faire des CTE transmission !
Quoi qu'il en soit, puisque la rigueur bugétaire veut qu'un fonds soit supprimé quand ses crédits ne sont pas consommés, nous avons supprimé le FIA, mais je me suis battu pour que les reliquats de crédits de ce fonds soient maintenus dans le budget du CNASEA. Je n'ose citer les chiffres compte tenu du taux de consommation de ces dernières années, mais je puis vous indiquer que ces reliquats nous permettront, surtout compte tenu du relais qui va être pris par le fonds de financement du CTE, de tenir vingt ou trente ans !
Ne posez donc pas la question de l'installation autour du seul FIA ! En termes de moyens, nous aurons, dans le fonds de financement des CTE, de quoi couvrir beaucoup plus pour l'installation que ne le faisait le FIA et si, par malheur ou par miracle, il existait des actions qui ne pourraient être financées par le FFCTE, nous les financerions, j'en prends l'engagement, par les reliquats du FIA.
J'ai aussi pris l'engagement que les reliquats de crédits du FIA seraient individualisés dans le budget du CNASEA pour que les jeunes agriculteurs se rendent bien compte que ces crédits sont toujours utilisables. Tous les dossiers d'installation proposés par les jeunes agriculteurs pourront donc être examinés sous cet angle.
J'ai pris également l'engagement devant le CNJA d'organiser une journée de travail, au mois de janvier ou de février, pour réexaminer la charte de l'installation, afin d'en poursuivre le financement en disant concrètement comment nous ferons. Je pourrai ainsi prouver que, sur chaque mesure, nous ferons plus et mieux, et je prends le pari que, s'il faut encore trouver d'autres moyens, nous les trouverons.
Permettez-moi un mot maintenant sur les CTE, puisque vous m'avez beaucoup interrogé sur le sujet.
Le CTE est la pierre angulaire de la loi d'orientation agricole. A cet égard, permettez-moi - mais vous ne me le reprocherez certainement pas ! - de rendre un hommage particulier aux fonctionnaires du ministère qui ont beaucoup travaillé ces six derniers mois : la loi a été promulguée au mois de juillet dernier et elle a successivement franchi les obstacles du décret en Conseil d'Etat, de l'arrêté, de la circulaire et des arbitrages budgétaires pour financer les CTE. Par ailleurs, il a fallu signifier à la Commission européenne notre règlement national de développement rural. Le tout a constitué un travail de Titan, qui a été réalisé en quelques mois et qui nous a permis de signer le premier CTE à la mi-novembre, quatre mois et demi après la promulgation de la loi. C'est un tour de force !
Aujourd'hui, dix-sept CTE ont été signés et vingt ou trente le seront d'ici à la fin de l'année. Certes, nous avons pris en peu de retard, mais nous tiendrons notre objectif de 50 000 signatures avant la fin de l'année 2000. Nous en avons les moyens budgétaires et les dynamiques s'opèrent dans les CDOA et les DDA, et les organisations professionnelles s'en saisissent actuellement. Il faut maintenant que ce régime monte en puissance, mais je suis très confiant.
Certains nous ont reproché d'agir par redéploiements. Oui, il y a du redéploiement dans le fonds de financement du CTE, mais il y a aussi des crédits nouveaux ! Je me suis battu pour cela, parce que je voulais montrer qu'au-delà de l'affichage politique le CTE était bien une priorité du Gouvernement et de sa majorité. A cet effet, 350 millions de francs de mesures nouvelles ont été dégagés.
Il faut maintenant faire vivre le CTE dans la diversité et dans l'adaptation au terrain. Ce pari, sur lequel je fonde beaucoup d'espoir et qui exigera de nous beaucoup de détermination pour tenir nos engagements, est maintenant lancé.
Je dirai maintenant quelques mots sur la forêt, pour remercier plusieurs d'entre vous, notamment M. Gaillard mais aussi, bien entendu, M. Delong, dont le long exposé plein de foi pour les communes forestières et l'avenir de la forêt française nous a tous intéressés. Depuis quelque temps ; la filière forêt, bois, ameublement, pâte à papier ; connaît une dynamique dans laquelle, il faut le reconnaître, le rapport de M. Jean-Louis Bianco a joué un rôle important, réunissant un consensus autour de ses propositions. A la lumière de ce rapport, les réflexions sur la stratégie forestière ont permis de développer un dynamisme que la nouvelle équipe dirigeante de l'ONF, à qui ont été fixés des objectifs importants, entretient de son côté.
Le chantier est ouvert et je vous confirme que la loi forestière sera examinée en première lecture avant la fin du premier trimestre. Nous avons voulu que le budget de l'an 2000 accompagne cette dynamique, car il nous a semblé impossible d'élaborer une loi alors que notre budget n'aurait pas marqué cette priorité.
Monsieur Delong, vous vous réjouissez de la suppression des taxes, mais vous vous inquiétez en même temps de la suppression des crédits. Or ils ne sont pas supprimés ! Nous les retrouverons, et bien plus élevés encore, dans le budget de l'Etat. Qui plus est, l'Etat s'est engagé à compenser, et même à surcompenser : ces crédits seront « inviolables » de toute régulation budgétaire jusqu'à la fin de la législature. Nous sommes, de ce point de vue, déterminés.
Bon an mal an, les mesures en faveur de la forêt dans le seul budget de l'Etat représentent plus de 400 millions de francs. Lorsque M. Jean-Louis Bianco disait qu'avec 1 milliard de francs on peut redonner un souffle à la filière forêt, ameublement, bois, dans notre pays, on criait au délire. Or nous avons déjà fait la moitié rien qu'avec les crédits de l'Etat et, vous le savez, la filière embrayera derrière l'Etat. En tout cas, je suis, pour ce qui me concerne, très optimiste.
J'en viens à l'enseignement agricole.
Depuis que j'ai pris en charge ce ministère, je me suis rendu compte que l'enseignement agricole était victime de son succès. Le taux d'insertion professionnelle de ses élèves - bien supérieur à celui de l'éducation nationale - est tel qu'il attire vers lui beaucoup de jeunes. Ses effectifs augmentent donc, alors même qu'ils baissent dans l'éducation nationale. Comme les gouvernements, je dirai de gauche et de droite pour être oecuménique ...
M. Bernard Piras. De droite surtout !
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je le pensais, mais je ne voulais pas le dire pour maintenir ce consensus dans l'hémicycle. (Sourires.)
Les gouvernements successifs n'ont donc pas pris conscience de cette réalité et créé les postes nécessaires pour accompagner cet accroissement des effectifs.
C'est pourquoi l'enseignement agricole se trouve confronté à une situation qui est quasiment dramatique et qu'un rapport de l'inspection générale a mis en évidence un déficit en poste des personnels d'enseignants et de personnel IATOS.
Je ne conteste pas ce déficit, bien que l'on puisse discuter de son ampleur ; 2 500 postes est sans doute un chiffre quelque peu exagéré. C'est ce déficit qui a engendré une très grande précarité dans l'enseignement agricole. En effet, il a dû faire appel à des vacataires pour pallier le manque d'enseignant. Ce déficit et un taux de précarité, pour le coup bien supérieur à celui de l'éducation nationale, sont insupportables.
Fort de ce constat, je me suis battu pour avoir un budget de l'enseignement agricole qui soit le meilleur possible. Honnêtement, je n'en tire aucun mérite, Louis Le Pensec avait engagé ce mouvement l'année dernière et je ne fais que le poursuivre.
La situation est paradoxale : les organisations syndicales d'enseignants reconnaissent que ce budget est le meilleur qu'elles aient connu depuis vingt ans en matière de créations de poste mais, en même temps, elles lancent un mot d'ordre de grève pour le jour de la rentrée, et ce parce qu'elles disent, d'une certaine manière, que ce n'est pas le problème. Je respecte leur appréciation.
L'effort que nous faisons cette année, il faudra le poursuivre les années à venir. Nous devons nous engager tous ensemble à combler ce déficit de postes et à doter l'enseignement agricole des moyens qui lui sont indispensables pour faire face à ses obligations. Une priorité est donnée à l'éducation - tout le monde en convient - elle doit concerner également l'enseignement agricole. C'est en tout cas l'engagement que je prends devant vous.
Je répondrai maintenant à quelques questions précises posées par Bernard Piras et Pierre-Yvon Trémel à propos du système de retraites des enseignants de l'enseignement agricole privé.
J'ai saisi, bien sûr, le Conseil d'Etat pour savoir si, en l'occurrence, un texte législatif s'impose. Le Conseil d'Etat ne s'étant pas encore prononcé, je ne peux pas vous en dire plus. Je ne suis pas maître de son calendrier. Plus vite il se prononcera, mieux ce sera. Si vous avez les moyens, les uns et les autres, de lui faire passer un message, je suis preneur... Bien entendu, l'avis du Conseil d'Etat sera transmis à la représentation nationale.
J'en viens maintenant à la pêche, puisque je suis ministre de l'agriculture « et de la pêche », même si, à mon goût, trop de médias l'oublient.
Certes, notre pays compte quelque 680 000 exploitants agricoles, et seulement une vingtaine de milliers de pêcheurs. Mais ces deux secteurs ne sont pas comparables, les chiffres du budget, par leur importance, en témoignent. Pour autant, la pêche est une activité fondamentale non seulement pour notre littoral, mais aussi pour le secteur agroalimentaire. Je tiens à manifester publiquement ici tout l'intérêt que je porte à la pêche.
En même temps - à l'instar de certains d'entre vous, notamment Mme Yolande Boyer - je veux absolument donner ce message d'espoir : je suis convaincu qu'il y a un avenir pour la pêche dans notre pays, aux conditions que vous avez vous-mêmes rappelées, mais que nous devons accompagner par une politique publique délibérée.
De ce point de vue, je dois dire, sans trop crier gloire, que nous sommes plutôt satisfaits, comme vous, du résultat du Conseil « pêche » du mois dernier, à la fois pour ce qui concerne l'organisation commune des marchés, que pour ce qui concerne les réformes de structures. En effet, la France a pu faire entendre sa voix et a pu tirer son épingle du jeu. Certes, je sais que, chaque année, un Conseil « pêche » succède à l'autre et que le Conseil « pêche », de la semaine prochaine risque d'être plus dur encore - il nous faudra définir les sempiternels TAC, totaux autorisés de captures, et quotas de pêche pour l'année qui vient - car des menaces pèsent sur l'anchois et des études scientifiques très contestables de la Commission européenne pourraient mettre en péril certains secteurs de notre pêche nationale, qu'il nous faudra donc défendre avec beaucoup d'ardeur.
Je ferai deux autres observations.
Tout d'abord, on voit poindre quelques difficultés dans les ports, notamment en Méditerranée, autour de deux problèmes, dont le premier est le prix du gazole. Il faut rappeler que le gazole utilisé par les bateaux de pêche est détaxé. Ce ne sont donc pas les taxes de l'Etat qui pèsent de manière insupportable sur les pêcheurs. Mais il est vrai que ce carburant a fortement augmenté cette année. N'oublions pas que voilà encore un an et demi ou deux ans il était au niveau d'avant le choc pétrolier de 1973. Cette hausse très importante intervenue à la fin de 1999 a permis de revenir au niveau moyen des années 1996-1997. Cela n'excuse rien, mais cette hausse pèse lourd dans les charges des pêcheurs.
Par ailleurs, les pêcheurs méditerranéens sont tout d'un coup fortement rétifs à l'idée d'une inscription obligatoire au registre du commerce, qui a été pourtant adoptée à l'unanimité à l'article 14 de la loi pêche, car elle correspondait à une revendication unanime des organisations de pêcheurs. En effet, ils voulaient être électeurs aux chambres de commerce qui gèrent les ports dont ils sont les utilisateurs, ce qui était logique. Du côté de la Méditerranée, cet engagement pose maintenant problème ; il faut donc trouver une solution.
Je suis en train d'étudier avec Mme le garde des sceaux la possibilité de repousser l'échéance de l'inscription obligatoire mais, si cette inscription devait être facultative, il faudrait prendre une mesure législative. Disons les choses clairement.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je tenais à vous apporter. J'aurai l'occasion de revenir sur certains problèmes que je n'ai pas abordés, lors de l'examen du BAPSA, notamment les retraites. En tout cas, je vous remercie de cette discussion. Je crois que ce budget nous donne les moyens de mener la politique agricole que nous souhaitons et qui a été définie par la loi d'orientation agricole. Il nous permettra d'avancer vers une agriculture rénovée, avec des aides publiques redéployées dans un souci de plus grande efficacité.
La société et l'Europe donnent beaucoup d'argent à l'agriculture, de l'ordre de 74 milliards de francs d'aides publiques en France. Cela est légitime parce que l'agriculture a besoin d'être subventionnée, sinon, au lieu d'avoir 680 000 exploitants, nous en aurions 150 000 à peine. Mais nous devons veiller en même temps à ce que cette légitimité soit maintenue dans l'esprit de nos concitoyens et des contribuables et, pour cela, il faut que l'utilisation de ces aides soit juste, équitable et judicieuse. C'est ce que nous essayons de faire avec votre appui. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicains et citoyens, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 831 861 434 francs. »

La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, les études vétérinaires attirent de plus en plus notre attention pour les raisons que nous connaissons tous. L'importance de l'école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort n'est plus à démontrer, monsieur le ministre, et vous êtes d'ailleurs venu inaugurer le foyer-logement pour les étudiants cette semaine.
Fort heureusement, cette école de renommée internationale n'a pas été délocalisée, et, dans les trois budgets de la gauche plurielle, des crédits ont été régulièrement inscrits pour entreprendre des travaux de rénovation et de reconstruction, comme ce fut le cas pour l'hôpital animalier.
Le site de Maisons-Alfort accueille en outre l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; on en parle beaucoup en ce moment. Je veux d'ailleurs vous féliciter, monsieur le ministre, ainsi que M. le Premier ministre et tout le Gouvernement, d'avoir pris la décision courageuse de ne pas lever l'embargo sur le boeuf britannique tant que les garanties ne seront pas obtenues. J'ai pu vérifier ce matin la satisfaction des consommateurs.
Je confirme vos propos sur l'enseignement agricole ; nous-mêmes, en commission des affaires culturelles, comme vous tout à l'heure, avons reconnu qu'il était victime de son succès. Je vous demande plus que de poursuivre l'effort que vous avez entrepris, de l'accroître.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : pouvez-vous me donner une idée du planning des travaux que vous allez entreprendre à l'école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort en vue de la rénover et de la restaurer comme il se doit ? M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame Luc, je connais votre attachement légendaire pour le site de Maisons-Alfort, que j'ai eu l'occasion de visiter avec vous récemment. Je sais même que vous vous êtes beaucoup mobilisée, vous-même et d'autres, quand ce site a été menacé de délocalisation. Je me souviens même que certains qui, aujourd'hui, paraissent sur le devant de la scène pour dire que, sans eux, rien ne serait arrivé étaient à l'époque les premiers à faire des plans immobiliers sur ce site.
L'Etat a décidé de maintenir l'école vétérinaire sur ce site.
M. Hilaire Flandre C'est un recul !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. En tout cas c'est une réalité.
Madame Luc, votre question appelle de ma part plusieurs éléments de réponse.
Tout d'abord, la réforme des études vétérinaires s'applique non seulement à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort, mais aussi à toutes les écoles vétérinaires, avec des spécificités pour celle de Maisons-Alfort. Notamment, vous avez voté, lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, des dispositions sur les troisièmes cycles et la capacité de l'école d'habiliter les troisièmes cycles qui sont sur le point d'être autorisés. Ensuite, s'agissant du programme immobilier, il est vrai que cet ensemble de bâtiments était dans un si mauvais état qu'il avait été envisagé de délocaliser l'école.
Le travail de remise à niveau a été entrepris : construction d'une résidence nouvelle et réhabilitation de la résidence ancienne, que nous avons d'ailleurs inaugurée ensemble au début de cette semaine.
S'agissant du restaurant universitaire tant attendu par les étudiants de l'école vétérinaire, je vous confirme que 9 millions de francs sont prévus dans le projet de budget pour l'an 2000. Enfin, le programme de rénovation des bâtiments suivra son cours. Je vous confirme, madame Luc, que l'Etat s'est engagé. Je peux même vous préciser qu'il s'est engagé dans le cadre du contrat de plan Etat-région avec l'Ile-de-France. Le président du conseil régional, M. Huchon, venant me voir pour me parler de ce contrat de plan, a confirmé l'engagement de la région pour accompagner ce mouvement de réhabilitation.
Je vous confirme que l'Etat s'est engagé dans un plan, qu'il ira jusqu'au bout et que vous pouvez compter sur ma détermination dans ce sens.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 4 766 766 286 francs. »

Par amendement n° II-21, MM. Courtois, César, Bernard, de Broissia, Cazalet, Darcos, Dejoie, Doublet, Eckenspieller, Fournier, François, Gouteyron, Haenel, Hamel, Hugot, Jourdain, Leclerc, Lemaire, Lepeltier, Neuwirth, Ostermann, de Richemont, Trégouët, Valade, Vial et Vinçon proposent d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 5 000 000 de francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 4 771 766 286 francs.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Le présent amendement, comportant une réduction indicative des crédits s'imputant en particulier sur les interventions en faveur de l'orientation et de la valorisation de la production agricole a pour but d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'impérieuse nécessité de développer le programme de soutien aux vins de liqueur et alcools d'appellation d'origine contrôlée.
Il serait souhaitable, en effet, d'abonder a contrario les crédits du chapitre 44-53 de cinq millions de francs, ce qui permettrait un soutien supplémentaire à la promotion du secteur viticole français dans le monde.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d'attirer l'attention sur un sujet important. Je souhaiterais au préalable entendre les explications de M. le ministre.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne pense pas qu'il convienne de reprendre ici le débat de fond !
Ainsi va la procédure budgétaire : pour proposer des rallonges de crédits dans un chapitre, on doit proposer des suppressions dans un autre. Or je ne peux évidemment pas accepter un amendement qui vise à supprimer 4,7 millions de francs sur le titre IV !
Le Gouvernement a équilibré ce budget pour pouvoir faire face à l'ensemble des missions fixées dans la loi d'orientation agricole. Il souhaite donc maintenir les crédits en l'état.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les auteurs de l'amendement sont restés sur leur faim ! Ils ont obtenu une réponse technique alors qu'ils auraient souhaité avoir des précisions sur la politique en matière de soutien aux vins de liqueur et aux alcools d'appellation d'origine contrôlée.
Quoi qu'il en soit, comme j'ai préconisé, au nom de la commission des finances, le rejet du budget de l'agriculture, je demande à mes collègues de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-21 est retiré.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-22 rectifié, MM. César, Bizet, Cornu, Doublet, Flandre, François, Joyandet, Leclerc, Murat, Taugourdeau, Vasselle, Bernard et Besse proposent d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 145 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 4 911 766 286 francs.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-29 rectifié est présenté par MM. Jarlier, Amoudry, Barraux, Huchon, Herment, Souplet, Deneux, Moinard, Huriet, Louis Mercier, Arnaud et Franchis.
L'amendement n° II-32 est déposé par MM. de Montesquiou, Joly et Rispat.
Tous deux ont pour objet d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 50 000 000 francs.
La parole est à M. César, pour défendre l'amendement n° II-22 rectifié.
M. Gérard César. Cette réduction des crédits porte sur le chapitre 44-84, article 10, relatif au fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation, pour un montant de 145 millions de francs.
On revient en quelque sorte ici à ce que disait tout à l'heure M. le ministre à propos du FIA. Ainsi 50 millions de francs ont été supprimés. Or les représentants du CNJA et des CDJA nous écrivent régulièrement pour réclamer le rétablissement des crédits du FIA.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jarlier, pour défendre l'amendement n° II-29 rectifié.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement vise aussi à alimenter la ligne budgétaire du fonds pour l'installation en agriculture, qui a subi une réduction de crédits de 50 millions de francs, transférés au fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation.
Le FIA a, en effet, un rôle primordial. Il soutient les actions locales en faveur de l'installation, finance les aides au parrainage ainsi que les actions de repérage des exploitations sans successeur.
Le fonds de financement des CTE quant à lui n'a pas vocation à reprendre toutes les missions du FIA, en particulier les actions d'animation et d'accompagnement de l'installation conduites sur le terrain.
Afin de pouvoir jouer son rôle en faveur de l'installation et financer des actions actuellement impossibles dans le cadre des CTE, le FIA doit absolument être abondé à hauteur de 50 millions de francs.
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou, pour défendre l'amendement n° II-32.
M. Aymeri de Montesquiou. Mes arguments sont exactement les mêmes que ceux de M. Jarlier. Nous sommes tous inquiets de la baisse de 15 % des installations des jeunes agriculteurs et je souhaiterais que les crédits du FIA ne soient pas réduits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° II-22 rectifié, II-29 rectifié et II-32 ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Comme pour l'amendement n° II-21, je souhaite que M. le ministre nous apporte quelques explications complémentaires avant que je donne l'avis de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je me suis exprimé très longuement tout à l'heure sur le FIA. Je veux bien recommencer, mais je pense que tout le monde est éclairé : si le nombre de jeunes agriculteurs qui s'installent baisse, ce n'est pas parce que les crédits diminuent, c'est exactement l'inverse. (Protestations sur les travées du RPR.) La preuve en est que les crédits du FIA n'ont pas été consommés l'année dernière !
Nous devons nous interroger sur les raisons qui brident l'installation des jeunes. Il ne s'agit pas d'un problème budgétaire.
M. Aymeri de Montesquiou. Il n'y avait pas assez de crédits !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce n'est pas vrai, monsieur le sénateur. Vos informations sont mauvaises !
On peut toujours redéployer les crédits d'un département à l'autre. Ce n'est pas un problème. L'administration sait très bien le faire.
Par ailleurs, comme je l'ai démontré tout à l'heure, nous disposerons, pour 2000, de plus de moyens budgétaires qu'en 1999, j'en prends l'engagement solennel.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Même avis que sur l'amendement n° II-21 !
M. le président. Monsieur César, l'amendement n° II-22 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard César. Les observations de M. le ministre, nous les connaissons par coeur.
J'insiste sur le fait que les agriculteurs qui ont été à l'origine des contrats territoriaux d'exploitation considèrent aujourd'hui qu'il s'agit d'une usine à gaz. Les représentants des CDJA nous demandent donc de rétablir les crédits du fonds d'intervention agricole.
Comme l'a dit M. le rapporteur, nous allons voter contre ce budget. En conséquence, contraint et forcé, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-22 rectifié est retiré.
Monsieur Jarlier, l'amendement n° II-29 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. M. le ministre vient de nous affirmer qu'il y aurait suffisamment de crédits pour financer les actions qui ne sont pas intégrées aujourd'hui dans les CTE. J'en prends acte et je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-29 rectifié est retiré.
Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° II-32 est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° II-32 est retiré.
Par amendement n° II-23, MM. César, Bizet, Cornu, Doublet, Flandre, François, Joyandet, Leclerc, Murat, Taugourdeau et Vasselle proposent d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 175 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 4 941 766 286 francs.
La parole est à M. César.
M. Gérard César. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, j'ai constaté que 50 millions de francs étaient inscrits au fonds des calamités agricoles. J'estime que cela est insuffisant.
Après les catastrophes naturelles qui viennent malheureusement de se produire dans le midi de la France, on s'aperçoit que ce fonds est tout à fait utile et que les crédits qui lui sont alloués devraient être augmentés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous avons déjà eu cette discussion l'an dernier, je me propose cependant de faire le point.
Les terribles catastrophes qui se sont produites dans le sud de la France, essentiellement dans l'Aude, mais aussi dans le Tarn, les Pyrénées-Orientales et l'Hérault, ont généré des traumatismes. Toutefois, après le versement des premiers acomptes destinés aux victimes de cescatastrophes, il reste 1,1 milliard de francs. Nous avons donc largement de quoi faire face. Je pense donc que cet amendement n'est pas nécessaire.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La préoccupation de nos collègues est totalement justifiée et la commission des finances l'a d'ailleurs largement évoquée. Toutefois, elle présentera, à l'article 64 un amendement fiscal qui va dans le même sens puisqu'il vise à rétablir une parité entre l'effort des agriculteurs et celui de l'Etat dans le domaine des calamités agricoles.
Je demande donc à M. César de bien vouloir retirer cet amendement et de voter celui de la commission des finances, portant sur l'article 64.
M. le président. Monsieur César, l'amendement n° II-23 est-il maintenu ?
M. Gérard César. J'ai bien entendu ce que vient de dire M. le rapporteur spécial, mais cette diminution du fonds des calamités agricoles nous inquiète. Je l'ai d'ailleurs indiqué dans mon intervention lors de la discussion générale ce matin. Qu'en est-il de l'assurance agricole que l'on souhaite mettre en place en France comme cela existe aux Etats-Unis et au Canada ?
M. le ministre s'était engagé, lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, à ce qu'un rapport sur les calamités soit déposé avant le 10 janvier 2000. Quand ce rapport sur l'assurance récolte qu'attendent tous les agriculteurs de France et de Navarre sera-t-il déposé ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. M. César me rappelle un engagement que j'avais pris. Je lui indique que nous avons confié cette tâche à un haut fonctionnaire, M. Babusiaux. La mission est maintenant publique et officielle et le rapport sera disponible dans les six mois. Nous pourrons donc en discuter en 2000.
M. Gérard César. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. J'ai bien noté ce qu'a dit M. le ministre et je connais bien M. Babusiaux, qui est un haut fonctionnaire de qualité. J'aimerais cependant que la représentation nationale soit associée à ce travail. Il me paraît important que la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat puisse donner son avis.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cela va de soi !
M. Gérard César. Par ailleurs, pour les raisons exposées par M. le rapporteur spécial, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-23 est retiré.
Par amendement n° II-24 rectifié, MM. César, Bizet, Cornu, Doublet, Flandre, François, Joyandet, Leclerc, Murat, Taugourdeau, Vasselle et Besse proposent d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 50 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 4 771 766 286 francs.
Par amendement n° II-26 rectifié, MM. César, Bizet, Cornu, Doublet, Flandre, François, Joyandet, Leclerc, Murat, Taugourdeau, Vasselle et Besse proposent d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 50 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 4 816 766 286 francs.
La parole est à M. César.
M. Gérard César. Il s'agit de prélever 50 millions de francs sur les crédits du fonds de financement des CTE afin d'accroître les aides à la qualité du lait et les aides à la qualité du porc, ainsi d'ailleurs que les aides en faveur de la montagne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Monsieur le président, la commission des finances souhaiterait auparavant entendre M. le ministre.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Comme je l'ai déjà indiqué, le fonds de financement des CTE a besoin des 950 millions de francs qui sont prévus. Je ne peux donc pas accepter des amendements qui prévoient une diminution de ces crédits.
S'agissant des offices d'intervention, je dois dire qu'au cours des dernières années l'ONILAIT et l'OFIVAL ont consacré respectivement 49 millions de francs et 40 millions de francs au financement d'actions visant à défendre la qualité des produits dans le cadre d'une stratégie de valorisation des produits de qualité et que cet effort sera poursuivi en 2000.
Voilà l'assurance que je peux donner à M. César.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Pour des motifs que j'ai déjà fait valoir, je demande à nos collègues de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. le président. Monsieur César, les amendements n°s II-24 rectifié et II-26 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Gérard César. Notre objectif était simplement de redéployer des crédits vers d'autres postes ; il ne s'agissait pas d'accroître les dépenses du budget de l'agriculture. Quoi qu'il en soit, je retire ces amendements.
M. le président. Les amendements n°s II-24 rectifié et II-26 rectifié sont retirés.
Par amendement n° II-25 rectifié, MM. César, Bizet, Cornu, Doublet, Flandre, François, Joyandet, Leclerc, Murat, Taugourdeau, Vasselle et Besse proposent d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 8 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 4 774 766 286 francs.
Par amendement n° II-27 rectifié, MM, César, Bizet, Cornu, Doublet, Flandre, François, Joyandet, Leclerc, Murat, Taugourdeau, Vasselle, Bernard et Besse proposent d'augmenter la réduction des crédits du titre IV de 155 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 4 921 766 286 francs.
La parole est à M. César.
M. Gérard César. Il s'agit d'affecter à la dotation d'installation des jeunes agriculteurs 155 millions de francs attribués au fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Pour vous surprendre, monsieur le président, j'aimerais entendre M. le ministre ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur César, je sais bien qu'il s'agit d'un redéploiement. Mais si les CTE sont un succès, ce que nous souhaitons tous et ce qui n'est pas invraisemblable, vous m'imaginez dire à la fin de l'année aux agriculteurs que je ne peux pas financer des CTE parce que M. César a réduit les crédits du fonds ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ce serait insupportable à vivre, et pour vous, puisque je crois en votre bonne foi, et pour moi. Je ne peux donc pas accepter les amendements.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande à nos collègues, particulièrement à M. César, de bien vouloir faire un effort, d'autant qu'il ne manquera pas de voter contre le budget tout à l'heure.
M. le président. Monsieur César, les amendements n°s II-25 rectifié et II-27 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Gérard César. Monsieur le président, j'estime que je fais beaucoup d'efforts. C'est rare ; c'est même la première fois que je retire autant d'amendements ! J'espère que cela ne se renouvellera pas...
Monsieur le ministre, les membres du RPR et moi-même ne sommes pas assez fous pour vider complètement le fonds de financement des CTE ! Je suis engagé dans l'action professionnelle, vous le savez, et je peux vous dire que, dans mon département, nous essayons d'en tirer le maximum de profits pour les agriculteurs !
Quoi qu'il en soit, je retire ces amendements.
M. le président. Les amendements n°s II-25 rectifié et II-27 rectifié sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Bernard Piras. C'est malheureux !

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 81 900 000 francs ;

« Crédits de paiement : 24 570 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 180 790 000 francs ;
« Crédits de paiement : 430 630 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 64 A, 64 B, 64 C, 64 D, 64 et 64 bis , qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de l'agriculture et de la pêche ainsi que, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-20, tendant à insérer un article additionnel après l'article 64 bis.

B. - Autres mesures
Agriculture et pêche

Articles 64 A, 64 B, 64 C et 64 D



M. le président.
« Art. 64 A. - I. - Le I de l'article 1121-6 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 2000, le minimum de retraite proportionnelle mentionné à l'alinéa précédent est relevé par décret. La majoration totale qui en résulte n'est pas cumulable avec celle prévue au II qui s'applique en priorité. »
« II. - Le II du même article est ainsi modifié :
« 1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Au titre de l'année 1999, cette majoration n'est pas cumulable avec la majoration prévue au I qui s'applique en priorité. » ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 2000, le montant minimum mentionné au deuxième alinéa est relevé par décret. »
« III. - Le III du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 2000, pour les personnes remplissant les conditions fixées au premier alinéa, le montant, tel que prévu au deuxième alinéa, de cette majoration, est relevé par décret. »
« IV. - L'article 1121-5 du code rural est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l'application des dispositions du troisième alinéa, les personnes qui avaient au 31 décembre 1998 la qualité de conjoint définie à l'article 1122-1 ne sont considérées comme conjoint collaborateur que si elles ont opté avant le 1er juillet 2000 pour le statut mentionné à l'article L. 321-5 et ont conservé ce statut de manière durable. Un décret fixe les modalités selons lesquelles est apprécié le caractère durable susmentionné.
« A compter du 1er janvier 2000, le niveau différencié prévu au troisième alinéa est relevé par décret. »

(Adopté.)
« Art. 64 B. - Le quatrième alinéa du I de l'article 1122-1-1 du code rural est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, les mots : "dans un délai de deux ans suivant la publication de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole et" sont supprimés ;
« 2° Il est inséré, après la première phase, une phase ainsi rédigée :
« Les conjoints dont la situation était régie au 31 décembre 1998 par les dispositions de l'article 1122-1 et qui n'ont pas opté avant le 1er juillet 2000 pour le statut de conjoint collaborateur mentionné à l'article L. 321-5 en conservant ce statut de manière durable dans les conditions fixées par le décret prévu au quatrième alinéa de l'article 1121-5, ne peuvent effectuer de rachat au titre du présent alinéa. » - (Adopté.)
« Art. 64 C. - I. - L'article 1121-5 du code rural est ainsi modifié :
« 1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet après le 31 décembre 1997 bénéficient, à compter de sa date d'effet, d'une attribution gratuite de points de retraite proportionnelle. »
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le nombre de points attribué au titre du présent article afin d'assurer à ces personnes un niveau minimum de pension de retraite proportionnelle est déterminé en fonction de l'année de prise d'effet de la retraite selon des modalités fixées par décret en tenant compte des durées d'assurance justifiées par l'intéressé et des points de retraite proportionnelle qu'il a acquis ou, lorsqu'il s'agit d'un conjoint d'exploitant agricole retraité après le 31 décembre 1999, qu'il aurait pu acquérir par rachat à compter du 1er janvier 2000 s'il avait opté pour la qualité de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise mentionnée à l'article 1122-1-1. » ;
« 3° A la première phrase du troisième alinéa, les mots : "en 1998" sont remplacés par les mots : "en 1998 ou en 1999" et la date : "31 décembre 1998" est remplacée par la date : "31 décembre 1999" ; dans la même phrase, les mots : "différencié selon la qualité de conjoint, d'aide familial ou de chef d'exploitation ou d'entreprise" sont remplacés par les mots : "différencié selon que les années sur lesquelles porte la revalorisation ont été exercées en qualité de conjoint ou d'aide familial" ;
« 4° A la deuxième phrase du troisième alinéa, après les mots : "s'agissant des conjoints collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise », sont insérés les mots : "ou des chefs d'exploitation ou d'entreprise" et, après les mots : "quatrième alinéa du I de l'article 1122-1-1", sont insérés les mots : "ou du II du même article" ;
« 5° La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée ;
« 6° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'obtention d'une pension de réversion mentionnée au premier alinéa postérieurement à l'attribution de points de retraite proportionnelle gratuits, le nombre de points gratuits est plafonné, à compter du 1er janvier de l'année qui suit cette obtention, au niveau atteint durant l'année au cours de laquelle a pris effet la pension de réversion. »
« II. - Après le troisième alinéa de l'article L. 321-5 du code rural, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L'option prend effet à compter du 1er janvier de l'année en cours si l'intéressé remplissait à cette date les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent article et si elle est formulée avant le 1er juillet. Dans le cas contraire, elle prend effet au 1er janvier suivant.
« Par dérogation, l'option formulée avant le 1er juillet 2000 prend effet au 1er janvier 1999 si le conjoint remplissait, à cette dernière date, les conditions fixées à l'article 1122-1. Pour les personnes bénéficiant du statut de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole à compter du 1er janvier 1999, la cotisation prévue au b de l'article 1123 due pour l'année 2000 est majorée au titre de l'année 1999 dans des conditions fixées par décret. »
« III. - Les dispositions du I et du II prennent effet rétroactivement à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole. » - (Adopté.)
« Art. 64 D. - Après l'article 1121-5 du code rural, il est inséré un article 1121-5-1 ainsi rédigé :
« Art. 1121-5-1. - Les personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet au cours de l'année 1997 et qui justifient avoir acquis, en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise, un nombre de points de retraite proportionnelle supérieur à un minimum fixé par décret, peuvent prétendre, à compter de l'année 1998, à l'attribution gratuite de points de retraite proportionnelle prévue à l'article 1121-5 si elles remplissent les autres conditions mentionnées au premier alinéa dudit article. » - (Adopté.)

Article 64



M. le président.
« Art. 64. - I. - Au 1° de l'article L. 361-5 du code rural, les mots : "Pour 1999" sont remplacés par les mots : "Pour 2000".
« II. - A l'antépénultième alinéa du même article, les mots "jusqu'au 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2000". »
Par amendement n° II-7, M. Bourdin, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
« III. - Dans le dernier alinéa du 1° de l'article L. 361-5 du code rural, le taux : "15 %" est remplacé par le taux : "12,5 %", et le taux : "7 %" est remplacé par le taux : "6 %".
« IV. - Dans le deuxième alinéa du 3° de l'article L. 361-5 du code rural, le taux : "7 %" est remplacé par le taux : "3,5 %".
« V. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des III et IV est compensée à due concurrence par un relèvement des taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission des finances propose, comme l'an dernier, de réduire les majorations prévues de 50 %.
En effet, au vu de la situation financière du fonds et de l'équilibre minimal qu'il convient de respecter entre les contributions de l'Etat et celles des agriculteurs, il semble légitime de réduire la charge financière qui pèse sur ces derniers au titre du fonds de garantie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, car l'application du principe de parité s'apprécie, comme je l'avais déjà indiqué l'année dernière, sur la durée.
Il est vrai que la contribution de la profession doit être relativement régulière pour ne pas imposer aux exploitants des variations de charges trop importantes. La contribution de l'Etat, quant à elle, varie dans le temps, comme je l'ai dit tout à l'heure à M. César, compte tenu des aléas, ce qui a permis de faire face à des sinistres d'ampleur exceptionnelle.
En revanche, le Gouvernement partage l'avis de la commission sur la nécessité de mener une réflexion d'ensemble pour mettre en place un système global d'assurance contre les aléas en agriculture. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'article 18 de la loi d'orientation agricole avait prévu que le Gouvernement présenterait un rapport au Parlement sur les conditions de la mise en oeuvre d'un mécanisme d'assurance récolte et sur l'articulation de ce mécanisme avec le fonds national de garantie des calamités agricoles. Cet engagement sera tenu. D'ici là, il est prématuré d'envisager une baisse du taux des contributions au fonds national de garantie des calamités agricoles.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 64, ainsi modifié.

(L'article 64 est adopté.)

Article 64 bis



M. le président.
« Art. 64 bis. - Le I de l'article 1028 ter du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. - Toutes les cessions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural au titre de l'article L. 141-1 du code rural dont la destination répond aux dispositions dudit article et qui sont assorties d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayants cause de conserver cette destination pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.
« Le présent article ne s'applique qu'aux cessions de biens acquis postérieurement à la date de publication de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 64 bis



M. le président.
Par amendement n° II-20, MM. Delong, François et Gaillard proposent d'insérer, après l'article 64 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présente chaque année, en annexe du projet de loi de finances, un état retraçant les crédits qui concourent aux actions en faveur de la forêt. »
La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Comme vous pouvez le constater, cet amendement est d'une rédaction particulièrement courte et précise. Il tend à ce que le Gouvernement présente chaque année, en annexe du projet de loi de finances, un état retraçant les crédits qui concourent aux actions en faveur de la forêt.
Les communes, en général, ont en effet un budget forestier distinct de leur budget global. Pourquoi l'ensemble du budget ne nous permettrait-il pas de suivre de très près l'effort considérable, il faut bien le reconnaître, qui est effectué en faveur de la forêt ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission est favorable à cet amendement, qui vise à demander au Gouvernement ce que l'on appelle un « jaune budgétaire » sur les crédits affectés aux actions en faveur de la forêt.
Cette initiative est tout à fait bienvenue. Elle permettra d'exercer une surveillance accrue sur les crédits destinés à la forêt, à la suite notamment de la suppression du Fonds forestier national et de la budgétisation intégrale des anciennes dépenses.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Votre proposition, monsieur Delong, est pertinente et intelligente. Toutefois, puisque nous allons, l'année prochaine, débattre du projet de loi relatif à la forêt et réfléchir ensemble à la façon d'associer le Parlement à la définition et au suivi de la politique forestière, je vous demande de retirer cet amendement, dont nous reparlerons à cette occasion.
M. le président. Monsieur Delong, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Jacques-Richard Delong. Monsieur le ministre, étant donné que je suis une exception de ce côté-ci de l'hémicycle - exception qui confirme la règle - puisque je voterai le budget de l'agriculture - je regrette de ne pouvoir y ajouter : « et de la forêt ! » - j'accepte de retirer cet amendement, sous réserve de l'engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, que nous en reparlerons à l'occasion de l'examen de la future loi forestière.
J'aimerais que nous reparlions également, à cette occasion, de ma proposition de boiser un million d'hectares supplémentaires. Vous n'y avez pas fait allusion tout à l'heure, mais je suis certain qu'il s'agit d'un oubli et non d'une disparition.
M. le président. L'amendement n° II-20 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'agriculture et la pêche.

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président a reçu de M. le président de la commission des lois une lettre en date de ce jour par laquelle la commission des lois demande, en application de l'article 29, alinéa 5, de notre règlement, que l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée du jeudi 16 décembre soit modifié comme suit :
A neuf heures trente :
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Faure relative au remboursement des frais de secours ;
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des sectes ;
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française.
La commission des lois fera un rapport commun sur cette proposition et celles qui ont été déposées par MM. Picheral et Pelchat sur le même sujet.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Questions d'actualité au Gouvernement ;
Suite de l'ordre du jour du matin ;
Conclusions de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi de MM. Jean Chérioux et Jean Arthuis relatives à l'actionnariat salarié.

Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
L'ordre du jour de la séance réservée du jeudi 16 décembre est modifié en conséquence.

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LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.

Budget annexe des prestations sociales agricoles

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, proposé pour 2000, que nous examinons aujourd'hui, s'établit à un peu moins de 88 milliards de francs, en stabilité globale par rapport à 1999.
S'agissant de ses recettes, je ferai quelques remarques.
Tout d'abord, le montant des contributions professionnelles est en légère diminution ; je rappelle que ces contributions ne représentent que 19 % du financement du BAPSA : plus de 80 % de celui-ci proviennent donc de ressources externes à la profession agricole.
Les taxes affectées au BAPSA sont traditionnellement très dynamiques en période de croissance. Elles augmentent donc en 2000 de 3,4 %. De même, les transferts de compensation démographique augmentent dans des proportions comparables.
En conséquence, la participation de l'Etat, qui se traduit essentiellement par le versement d'une subvention budgétaire d'équilibre, diminue de plus de 27 %. Cette subvention s'établit pour 2000 à 3,5 milliards de francs, et elle est désormais inscrite au budget des charges communes et non plus au budget de l'agriculture et de la pêche, dont elle améliore la lisibilité, comme nous l'avons dit tout à l'heure.
Je souhaite également évoquer plus particulièrement l'affectation au BAPSA d'une partie du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S. Il était prévu qu'à partir de 1999 le BAPSA ne dispose plus de cette ressource et il en a reçu 1 milliard de francs l'an dernier pour « solde de tout compte » afin de financer une mesure de revalorisation des retraites agricoles. Cette année, à nouveau, 1 milliard de francs a été prévu à l'article 28 bis du présent projet de loi pour financer une nouvelle mesure de revalorisation des retraites agricoles issue d'un arbitrage gouvernemental tardif.
S'agissant des dépenses du BAPSA, il faut remarquer tout d'abord le dérapage des dépenses d'intérêt sur 1999 et 2000, qui est principalement dû à la diminution de la subvention budgétaire qui entraîne des besoins d'emprunt accrus. Il est également proposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de revaloriser le plafond d'emprunt accordé au régime à hauteur de 12,5 milliards de francs en 2000.
Les dépenses de prestations vieillesse diminuent légèrement en dépit des mesures de revalorisation prises régulièrement, notamment en loi de finances pour 1999 et en loi d'orientation agricole. En 2000, une nouvelle mesure est prévue pour un coût en année pleine de 1,6 milliard de francs : c'est l'objet des articles rattachés au budget de l'agriculture et de la pêche que nous avons examinés tout à l'heure.
Les dépenses de prestations maladie sont stables et les dépenses de prestations familiales continuent leur décroissance en raison de la diminution de la population agricole, de son vieillissement et de l'accroissement du célibat dans ce secteur.
Après cette présentation rapide, je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, de quelques remarques que m'a inspirées l'étude de ce budget annexe.
Tout d'abord, j'ai pu constater que la Mutualité sociale agricole, la MSA, était un régime dynamique - il a par exemple été le premier à mettre en place des projets de réseaux et de filières de soins - mais qu'il risquait de pâtir de deux projets du Gouvernement : la réforme relative à la couverture maladie universelle, qui risque de le dévitaliser en partie, ainsi que celle qui est relative aux 35 heures, qui a un coût de 15 millions de francs et qui s'est traduite dès 1999 par l'inversion de la tendance à la décroissance des effectifs de la MSA. Or, qui paye la croissance de ces dépenses de fonctionnement des caisses ? Ce sont les agriculteurs, qui s'acquittent de cotisations dites « complémentaires » en plus de leurs cotisations techniques !
Je souhaite également attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de proposer à la représentation nationale une présentation consolidée des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale : il est en effet flagrant, dans le cas du BAPSA, que les dispositions de l'un et de l'autre documents ne sont pas coordonnées et que l'information fournie au Parlement manque de sincérité ou, pour le moins, de lisibilité.
Je souhaite aussi connaître votre avis quant à la nécessité d'examiner le budget annexe des prestations sociales agricoles dans le cadre du projet de loi de finances alors que nous disposons aujourd'hui d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale et que le manque d'exhaustivité du projet de BAPSA est chaque année plus criant.
J'ai prêté, cette année encore, une attention particulière à la question de la faiblesse des retraites agricoles.
Depuis 1994, tous gouvernements confondus, l'effort en faveur des petites retraites agricoles ne s'est pas démenti, avec en moyenne environ 1 milliard de francs supplémentaires par an.
Le Gouvernement a engagé un plan pluriannuel de juin 1997 à juin 2002 avec pour objectif d'atteindre, pour les carrières complètes en agriculture, le minimum vieillesse, soit près de 3 500 francs par mois. Ce plan est en bonne voie.
J'émettrai toutefois, comme tout à l'heure, de très vives réserves quant au financement de cette mesure par la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui constitue une ressource non pérenne, extérieure au budget de l'Etat. C'est le fonds de réserve pour les retraites qui paye la facture.
C'est pourquoi, à l'article 28 bis du présent projet de loi, le Sénat a adopté un financement alternatif de cette mesure par un relèvement du taux de la cotisation de TVA attribuée au BAPSA.
Je ferai, monsieur le ministre, une dernière remarque en ce qui concerne la retraite complémentaire obligatoire : quand déposerez-vous sur le bureau des assemblées le rapport que nous attendons depuis déjà deux mois et qui aurait été bien utile à nos débats ? Que comptez-vous faire ? Avec quels financements ? Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, d'adopter ce BAPSA pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disposant d'un temps réduit et intervenant après l'excellent exposé de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, je n'évoquerai que trois questions.
La première question concerne les retraites agricoles.
Comme l'année dernière, la mesure de revalorisation prend la forme d'un amendement au projet de loi de finances, adopté à l'Assemblée nationale en deux étapes, le 22 octobre, puis le 17 novembre 1999.
Monsieur le ministre, vous faites référence de manière constante à un « plan pluriannuel de revalorisation », dont la durée s'étend sur la législature. Dans ce cas, pourquoi ne pas prévoir la mesure de revalorisation dans le texte initial du projet de loi ? Je crois que ce serait plus simple et plus respectueux des droits du Parlement.
Le financement de la mesure est étonnant ; l'article 28 bis du projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale prévoit un prélèvement de 1 milliard de francs sur la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S. Pourtant, l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu que le BAPSA ne bénéficierait plus de cette C3S.
Ainsi, le Gouvernement demande au Parlement de déroger en loi de finances à une règle posée en loi de financement, concernant une imposition affectée à la protection sociale : le parallélisme des formes, les textes mêmes, plaidaient pour que cet amendement soit présenté en loi de financement.
De plus, cette mesure « dérogatoire » pourra difficilement être répétée chaque année. En effet, la dépense est, par définition, pérenne. En raison du décalage trimestriel, elle coûtera davantage en année pleine - 1,6 milliard de francs - qu'en 2000 - 1,2 milliard de francs.
Enfin, le Gouvernement dispose avec libéralité des excédents de la C3S, affectés au fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 réduit malheureusement les recettes du FSV de 5,6 milliards de francs, pour financer les trente-cinq heures. Le Gouvernement prévoit, en fait, d'amputer à terme les recettes du FSV de 12 milliards de francs. Autant dire que le FSV aura besoin des excédents de la C3S.
Il aurait été préférable que le Gouvernement « assume » les conséquences de la mesure de revalorisation en augmentant à due concurrence la subvention d'équilibre. Faute de pouvoir augmenter les dépenses de l'Etat, en raison de l'article 40 de la Constitution, la commission des finances a proposé, en première partie de loi de finances, de relever le taux de TVA affecté au BAPSA. La commission des affaires sociales approuve cet autre schéma.
Sur le fond, la commission des affaires sociales se félicite de cette mesure de revalorisation.
Certes, la mesure apparaîtra toujours insuffisante : 200 francs mensuels supplémentaire, cela peut paraître dérisoire. Certes, en période de bonne conjoncture économique, un effort supplémentaire aurait pu être consenti. Certes, le BAPSA connaît désormais une baisse structurelle de ses dépenses, même celles d'assurance vieillesse.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, deux étapes supplémentaires de revalorisation en 2001 et en 2002, afin de parvenir au niveau du minimum vieillesse pour les chefs d'exploitation et les veuves. Nous en prenons acte ; dans ce cas peut-être faudrait-il accélérer le processus en appliquant les deux mesures de revalorisation prévues dès l'année prochaine.
Lors de la première lecture au Sénat de la loi d'orientation agricole, en janvier 1999, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, avait proposé l'amendement suivant : « La nation se fixe comme objectif de porter, d'ici à quatre ans, les pensions de retraite versées par le régime agricole à un montant au moins égal au minimum vieillesse, sous réserve d'une carrière complète en agriculture. » Vous lui aviez opposé l'article 40 de la Constitution. Nous le regrettons. Dans un texte législatif d'orientation, cet article aurait eu toute sa place.
En compensation, l'article 3 de la loi d'orientation prévoit un rapport sur les retraites. Ce rapport, confié à M. Germinal Peiro, député de la Dordogne, n'a pas encore été rendu public. Je crois savoir que M. Germinal Peiro se prononce en faveur d'un régime de retraite complémentaire obligatoire. C'est une bonne nouvelle car seule la création de ce régime permettra aux « jeunes » agriculteurs de se procurer une retraite décente. J'espère, monsieur le ministre, vous qui l'avez lu, que vous nous en direz un mot.
La deuxième question concerne la mise en place de la couverture maladie universelle.
Les caisses de MSA joueront un rôle important, compte tenu de leur action de lutte contre la précarité en milieu rural. La loi est parue au Journal officiel du 27 juillet 1999. Cinq des douze décrets prévus sont sortis les 1er et 2 décembre au Journal officiel . S'agissant d'une réforme votée en urgence, et qui s'applique au 1er janvier prochain, la commission des affaires sociales regrette ce retard.
L'application de la couverture maladie universelle comporte des effets pervers, que nous avions dénoncés lors du débat législatif : des agriculteurs anciennement « déchus de droit » vont être réintégrés, puisque le lien entre le versement des prestations et le paiement des cotisations est désormais rompu. Nous nous interrogeons, dans ce contexte, sur le devenir des cotisations minimales maladie.
Par ailleurs, la CMU risque d'être porteuse de coûts supplémentaires importants pour les caisses de mutualité sociale agricole. La commission des affaires sociales sera vigilante sur ces dérives éventuelles.
Monsieur le ministre, je me bornerai à vous demander votre sentiment sur l'application de cette réforme par les organismes de mutualité sociale agricole.
J'en viens à la troisième question, le financement du BAPSA.
J'observe que les nouvelles estimations du BAPSA voté l'année dernière ne sont pas très bonnes. Les recettes sont nettement inférieures aux prévisions.
Pourtant, le projet de loi de finances rectificative pour 1999 prévoit de réduire la subvention d'équilibre de 400 millions de francs. J'avoue ne pas saisir la logique de cette réduction. Vous me répondrez très certainement que les réserves du BAPSA couvriront ce déficit. Mais la diminution très importante de ces réserves a pour conséquence une dégradation de la trésorerie du BAPSA : le plafond d'avances, voté en loi de financement, est passé de 8,5 milliards de francs en 1998 à 12,5 milliards de francs l'année prochaine.
En ce qui concerne le financement à plus long terme, la commission des affaires sociales rappelle qu'une ressource importante du BAPSA, la compensation démographique, connaîtra une réduction mécanique à partir de 2005-2006. Dès à présent, il importe de réfléchir au financement du BAPSA. J'aimerais que le Gouvernement nous fasse part de ses réflexions sur ce sujet.
Sous réserve de ces observations, mais tenant compte de la nouvelle mesure de revalorisation des retraites qu'il comporte, la commission des affaires sociales a émis un avis positif sur le projet de BAPSA pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 5 minutes ;
Groupe socialiste, 6 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles que vous nous proposez d'adopter pour 2000 se caractérise, tant dans son montant global que dans la structure de ses recettes et de ses dépenses, par une grande stabilité.
Devrons-nous pour autant nous satisfaire de ce constat ?
Je ne le crois pas ! Et cela parce que, derrière son apparente stabilité, ce projet de budget non seulement ne rend pas compte de la réalité de la protection sociale des agriculteurs, mais aussi ne tire pas les conséquences de certaines dispositions, telles que la modulation des aides communautaires ou la couverture maladie universelle, la CMU, dont l'impact réel n'a peut-être pas été objectivement évalué.
Pour étayer ce propos, je n'évoquerai que deux points bien précis et, en premier lieu, celui des retraites. Vous proposez de poursuivre, cette année encore, l'effort régulier engagé depuis 1994 par les gouvernements précédents, qui consiste à ajouter annuellement environ un milliard de francs pour la revalorisation des petites retraites. C'est bien peu au regard des 14 milliards de francs que l'Etat verse chaque année à la SNCF pour financer les retraites de son personnel !
Et que dire des conditions d'attribution des retraites dans la fonction publique, que les agriculteurs ne sont pas sans connaître, grâce aux médias ?
De telles comparaisons suscitent chez ces derniers, au-delà de l'envie, des amertumes bien compréhensibles. Ils refusent à ce titre qu'on leur reproche encore aujourd'hui les options qui ont été prises dans les années cinquante.
Quoi qu'il en soit, cette mesure représente un relèvement de 200 francs par mois des minima de pensions pour carrière complète qui avaient été définis pour les différentes catégories. Elle porte la retraite minimum de l'exploitant à 38 400 francs par an et celle du conjoint à 28 000 francs. Naturellement, cette mesure va dans le bon sens.
Mais pensez-vous réellement qu'elle sera suffisante pour satisfaire l'attente sociale des agriculteurs qui reste très forte ? J'en doute, d'autant plus qu'elle ne concernera que 700 000 non-salariés agricoles sur les 2 100 000 qui existent dans notre pays.
Que demandent aujourd'hui les agriculteurs français ?
Ils souhaitent tout simplement que vous preniez des engagements fermes à leur égard et qu'un objectif clair pour leur retraite soit fixé à court terme.
Cet objectif, vous le connaissez : ils demandent que leur pension minimum après une carrière complète atteigne le minimum vieillesse, soit 42 800 francs par an, à défaut de pouvoir atteindre dans l'immédiat les 75 % du SMIC. C'est ce que j'avais proposé lors de l'examen de la loi d'orientation agricole.
J'avais, en effet, par voie d'amendement, suggéré « de porter d'ici à quatre ans les pensions de retraite versées par le régime agricole vieillesse à un montant au moins égal au minimum vieillesse, sous réserve d'une carrière complète en agriculture ».
Cet amendement me semblait réaliste. Certains membres de la Haute Assemblée ont pu, même, m'en reprocher le caractère timide.
Il m'apparaissait, en tout cas, important que la représentation nationale adopte clairement cet objectif pluriannuel plutôt que de l'approuver de manière implicite, mais fragmentaire, à l'occasion de chaque loi de finances.
Vous l'avez refusé.
Certes, vous avez promis d'atteindre cet objectif en 2002. Il n'en demeure pas moins que vous avez refusé d'en pérenniser le financement, de telle sorte que, cette année encore, la revalorisation des retraites agricoles est passée par voie d'amendement, tout comme ces deux dernières années. A mes yeux, c'est inadmissible.
Vous le savez, les agriculteurs souhaittent que cet objectif soit atteint le plus rapidement possible. N'auriez-vous pu leur donner satisfaction ?
En effet, compte tenu de la baisse des dépenses du BAPSA, due notamment à la diminution du nombre des retraités bénéficiaires de la mesure et de l'excédent budgétaire largement suffisant, il vous était facile d'accélérer le calendrier et de donner un coup de pouce à la mesure annoncée pour 2000, ce qui aurait permis d'atteindre le niveau du minimum vieillesse dès 2001 et d'envisager une nouvelle phase de revalorisation orientée vers les 75 % du SMIC. Mais, là non plus, vous ne l'avez pas fait !
D'autres attentes encore restent à ce jour sans réponse.
N'auriez-vous pu, par exemple, prévoir des mesures simples, telles que la mensualisation des retraites, à l'instar de ce qui existe pour les commerçants et les artisans ?
De même, n'était-il pas possible de remplacer la majoration pour enfant par un système forfaitaire, sachant que la majoration actuelle, égale à 10 % du montant de la pension, désavantage les retraités qui ont les plus faibles pensions ?
Enfin, monsieur le ministre, l'amélioration des retraites, tout le monde s'accorde sur ce point, passera par la mise en place d'un régime complémentaire d'assurance vieillesse agricole.
J'aimerais à présent aborder un autre sujet : celui de la modulation des aides européennes.
M. le président. Pourriez-vous, surtout, vous approcher de votre conclusion, mon cher collègue ?
M. Dominique Leclerc. Je vais m'efforcer à la brièveté, monsieur le président.
Monsieur le ministre, selon vous, la modulation consistant à prélever un milliard de francs sur les aides versées à certaines exploitations importantes et à les reverser sous forme de CTE est neutre pour le revenu agricole global.
Si l'on s'en tient à ce raisonnement, il est alors aisé de comprendre pourquoi les prévisions de cotisations du BAPSA ne retiennent aucune incidence de cette modulation sur l'assiette sociale agricole.
Mais ce raisonnement est, à mon sens, inexact. Comme je vous le disais au début de mon intervention, je pense que ce mécanisme aura un impact non négligeable sur le BAPSA. En effet, en réduisant le revenu professionnel « cotisable », la modulation entraînera une perte d'assiette sociale et donc de cotisations. De telles pertes ne pourront être sans conséquence sur l'équilibre de ce budget.
Pour conclure, permettez-moi de vous livrer mon sentiment sur ce mécanisme. En introduisant la modulation, vous avez voulu assurer un meilleur équilibre entre les productions et entre les régions. Ce ne sera malheureusement pas le cas.
En réalité, ce dispositif va pénaliser plus fortement les régions intermédiaires, notamment la région Centre. En effet, cette dernière, avec plus de 260 millions de francs de ponction, soit plus de 25 % du total prélevé sur la France, sera la principale contributrice des régions françaises alors qu'elle arrive seulement au neuvième rang pour le revenu par agriculteur et au septième rang pour le revenu par exploitation en grandes cultures.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Ainsi, pour les régions intermédiaires, déjà fortement touchées par la réforme de la PAC, les conséquences de cette modulation sur l'équilibre des marchés seront importantes. Et je ne parle pas des distorsions de concurrence avec d'autres Etats européens qui pourraient apparaître !
Quand vous parlez de redistribution, les agriculteurs, eux, voient plutôt un impôt !
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je ne partage pas votre enthousiasme à l'égard de ce dispositif, ni à l'égard du BAPSA, qui reste trop timoré en matière de retraites agricoles et qui laisse en suspens un certain nombre de problèmes que je n'ai malheureusement pas eu le temps d'aborder.
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Aux quatre priorités qui s'inscrivent dans le budget de l'agriculture et de la pêche, s'en ajoute une cinquième : la revalorisation des retraites agricoles, même si elle n'est pas présentée comme telle, car elle fait l'objet d'un plan quinquennal qui a débuté en 1997.
Si le BAPSA pour 2000 s'élève à 87,901 milliards de francs - hors restitution sur TVA - les sommes consacrées aux prestations d'assurance vieillesse se montent à elles seules à 49,091 milliards de francs, ce qui représente 55,9 % des dépenses. Néanmoins, le montant des retraites des non-salariés agricoles est le plus faible de tous les régimes de retraite de notre pays. Les pouvoirs publics, plus particulièrement le gouvernement actuel, en ont pris conscience.
Ainsi, dans ce budget, un nouvel effort de rattrapage des retraites est réalisé. Les minima pour une carrière pleine sont relevés de 200 francs par mois et portés, de ce fait, aux montants suivants : 3 200 francs par mois pour un chef d'exploitation, 3 000 francs par mois pour une veuve, 2 700 francs par mois pour les aides familiaux et 2 400 francs par mois pour les conjoints.
En année pleine, l'effort fourni est de l'ordre de 1,6 milliard de francs.
En outre, il ne faut pas oublier que ce budget prévoit que les durées des carrières minimales nécessaires pour bénéficier de la revalorisation sont abaissées à 27 années et demie pour les « unipensionnés » ; cela est très important, notamment pour les conjointes.
Ce gouvernement sera ainsi allé deux fois plus vite que les précédents pour revaloriser les retraites. Je ne donnerai qu'un exemple : alors qu'en 1997, avant le début du plan quinquennal, les pensions minimales étaient de 1 587 francs par mois pour un conjoint et un aide familial, elles se monteront, respectivement, du fait des dispositions de ce budget, à 2 400 francs et 2 700 francs, soit une augmentation mensuelle de 813 francs et de 1 113 francs. Cela se passe de commentaires !
L'objectif de ce plan quinquennal est d'amener, pour une carrière pleine, la pension minimale d'un chef d'exploitation et d'une veuve à hauteur du minimum vieillesse, c'est-à-dire à 3 500 francs par mois, et à hauteur du minimum vieillesse du second conjoint du couple pour les aides familiaux et les conjoints, c'est-à-dire à 2 800 francs par mois.
Si cette évolution est indispensable, il ne peut s'agir que d'une première étape et il conviendra de poursuivre l'amélioration de la situation de nos retraités agricoles.
La voie suivie est donc la bonne, mais certaines questions restent en suspens en matière de retraite agricole.
Parmi celles-ci, je voudrais en évoquer brièvement deux qu'il me semble urgent de régler.
La première porte sur la majoration pour enfant attribuée aux retraités ayant élevé trois enfants ou plus, laquelle est égale à ce jour à 10 % du montant de la pension. Désavantageant les faibles retraites, elle devrait être désormais calculée de manière forfaitaire pour établir une plus grande justice.
La deuxième porte sur la mensualisation du paiement des retraites agricoles, laquelle me semble s'imposer.
Sur ces deux points, nous savons, monsieur le ministre, pouvoir compter sur votre compréhension, dans la mesure où ces réformes se révèlent légitimes.
Je voudrais également évoquer la mise en place d'un régime obligatoire complémentaire.
Comme nous l'indique dans son excellent rapport - même s'il n'est pas encore divulgué ! - notre collègue député Germinal Peiro, pour des raisons d'équité avec les autres catégories socioprofessionnelles, la solidarité ne peut agir au-delà du régime de base, tel qu'il sera établi à l'issue du plan quinquennal. Ainsi, selon lui, pour aller au-delà du minimum vieillesse, l'instauration d'un régime de retraite complémentaire obligatoire est la seule solution. Il faut d'ailleurs remarquer que la profession agricole demeure la seule des professions indépendantes à ne pas en posséder un.
Ainsi, en l'état actuel, la profession agricole présente l'originalité de disposer, à côté du régime de base, d'un régime facultatif par capitalisation, mais pas d'un régime complémentaire obligatoire.
L'idée est désormais acquise de la nécessité de créer un tel régime, la seule interrogation - mais elle est de taille - portant sur les modalités de sa mise en oeuvre. C'est sur cette question que nous allons être amenés à réfléchir dans les mois qui viennent : le choix du régime, son financement, les catégories de personnes couvertes, la gestion de ce régime.
En conclusion, Germinal Peiro indique qu'au préalable un choix reste à faire entre deux options.
La première consiste à atteindre le minimum vieillesse à la fin de la législature, en 2002, et à mettre en place durant cette même période le régime complémentaire obligatoire qui prendrait donc effet en 2003.
La seconde consiste à atteindre le minimum vieillesse dès 2001 et à mettre en place le régime complémentaire obligatoire dès 2002.
Pour ma part, conscient de la nécessité d'améliorer le plus rapidement possible la situation des retraités agricoles, j'opte sans hésiter pour la seconde hypothèse, laquelle marquerait de manière indiscutable que ce gouvernement est celui qui a le plus oeuvré pour nos retraités agricoles.
Là aussi, nous comptons, monsieur le ministre, sur votre sagesse, et nous vous félicitons à nouveau pour votre budget 2000.
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Le temps imparti au groupe de l'Union centriste étant extrêmement limité, c'est au nom de mes collègues que je m'adresserai à vous aujourd'hui, monsieur le ministre.
Quelle n'a pas été notre stupeur, monsieur le ministre, à la lecture du projet de BAPSA pour 2000, lorsque nous nous sommes aperçus qu'il ne prenait pas en compte la nouvelle mesure de revalorisation des retraites prévues par la loi d'orientation agricole et intervenant dans le cadre d'une augmentation pluriannuelle.
Au cours de l'examen des articles de la première partie, un amendement du Gouvernement a heureusement rattrapé partiellement - et à la dernière minute - une situation très critique.
Le Gouvernement s'est donc finalement décidé à appliquer cette année encore la mesure décidée en 1994 et qui consiste à ajouter annuellement environ un milliard de francs pour la revalorisation des petites retraites.
En 2000, 1,2 milliard de francs seront nécessaires. Or, seulement un milliard est prévu en recettes, et sous la forme d'un prélèvement exceptionnel sur le produit de la C 3 S, c'est-à-dire la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Le Gouvernement recourt donc au même tour de passe-passe que l'an dernier : une dépense pérenne est financée par une ressource non reconductible et provenant de la sécurité sociale, ce qui évite d'avoir à augmenter la subvention de l'Etat.
Comme cela avait été observé l'an dernier, on remarquera avec intérêt que le Gouvernement finance une mesure pérenne avec une recette d'appoint, débloquée ponctuellement pour 2000.
Monsieur le ministre, nous ne comprenons pas les raisons de ces arbitrages tardifs et de ce financement très ponctuel.
Il avait été décidé que, à partir de 1999, le BAPSA ne bénéficierait plus de la répartition de la C 3 S. Pourtant, en 1999, pour financer une mesure de revalorisation des retraites, le BAPSA a reçu un milliard de francs de la C 3 S pour « solde de tout compte ».
Et, cette année, c'est à nouveau un milliard de francs de la C 3 S qui vient financer la poursuite du plan de revalorisation des petites retraites agricoles. Permettez-nous, monsieur le ministre, de nous étonner de ces tergiversations !
C'est la raison pour laquelle, le 1er décembre dernier, la majorité sénatoriale a proposé d'accroître la part de la TVA reversée au BAPSA. Nous avons, en effet, refusé le transfert de un milliard de francs de la C 3 S et avons affecté 1,28 milliard de francs de recettes de TVA au BAPSA pour revaloriser les retraites agricoles et pour exonérer les jeunes agriculteurs des cotisations sociales.
On ne saurait se satisfaire de ces revalorisations, qui restent bien loin de la revendication d'une retraite minimale égale à 75 % du SMIC brut. Ces revalorisations sont très sélectives, car, pour bénéficier du niveau maximum des augmentations, il faut avoir cotisé 37 années et demie au régime des non-salariés agricoles. Entre 32 années et demie et 37 années et demie, cette revalorisation est proratisée, puis minorée. Quant à ceux qui ont moins de 32 années et demie d'activité, ils sont complètement exclus de l'augmentation. Leur situation est donc plus que préoccupante.
Ne pourrait-on garantir au moins 50 % du SMIC brut à tout retraité ayant validé 37 années et demie d'activité non salariée agricole, qu'il soit conjoint, aide familial, chef d'exploitation, associé d'exploitation ou collaborateur d'exploitation ?
Nous en sommes conscients, le relèvement des retraites agricoles, à court terme, au niveau de 75 % du SMIC demande un effort financier important. Mais comment ne pas noter que le Gouvernement, lorsqu'il a la volonté de faire passer une mesure qui lui tient à coeur, sait trouver les financements nécessaires ? Pour les 35 heures, par exemple, il n'a pas hésité à ponctionner le fonds de solidarité vieillesse !
Lorsqu'il s'agit du relèvement des retraites agricoles au niveau des minima sociaux, il ne semble pas y avoir la même volonté politique puisque, malgré une conjoncture favorable, cela ne fait pas partie des priorités du Gouvernement.
Actuellement, les retraités agricoles sont maintenus dans une situation d'exclusion qui échappe aux règles de solidarité et d'égalité.
La pension minimale, après une carrière entière de chef d'exploitation, devrait donc atteindre 42 500 francs par an. Le Gouvernement promet d'atteindre cet objectif en 2002. Cependant, compte tenu de la baisse des dépenses du BAPSA, due notamment à la diminution du nombre de retraités bénéficiaires de la mesure, il faut absolument que ce calendrier soit accéléré.
La conjoncture favorable, qui augmente les recettes de l'Etat, devrait autoriser sans difficulté une réalisation définitive de l'objectif dès 2001, et donc un coup de pouce supplémentaire à la mesure annoncée pour 2000.
Le BAPSA n'intègre pas non plus la bonification pour enfant attribuée aux retraités ayant élevé trois enfants ou plus. Celle-ci devrait être forfaitaire. Actuellement égale à 10 % du montant de la pension, elle désavantage les retraités dont les pensions sont les plus faibles.
Enfin, la mensualisation du paiement des retraites agricoles devient aujourd'hui une impérieuse nécessité. Les artisans ont obtenu cette réforme le 1er juillet de cette année et les commerçants l'obtiendront le 1er juillet 2000.
Au-delà de ces mesures, l'amélioration des retraites agricoles passe, bien sûr, par la mise en oeuvre d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous apporter des apaisements sur ces différents points, si importants pour nos agriculteurs retraités.
Je conclurai en faisant observer que le budget annexe est de moins en moins représentatif des comptes réels du régime social des agriculteurs.
La création des lois de financement de la sécurité sociale a évidemment changé la donne, et le BAPSA s'en trouve d'autant plus affaibli.
Monsieur le ministre, lorsque certaines mesures de financement de la protection sociale du monde agricole figurent dans les articles de la première partie du projet de loi de finances annuelle - et celle qui concerne la revalorisation des retraites agricoles est insérée par voie d'amendement - il est légitime de se poser la question suivante : le budget annexe des prestations sociales agricoles, dont dépend notamment la retraite de nos agriculteurs, est-il encore vraiment sous votre tutelle ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas regretter - c'est une considération que l'on fait habituellement lorsqu'on aborde un budget - sinon la diminution, fût-elle légère, ce qui me semble être le cas, du moins la simple stabilité d'un budget, celui du BAPSA. Cela s'explique évidemment - c'est mathématique - par l'évolution démographique plus forte dans la composante agricole de notre pays, diminution dont schématiquement on pouvait penser qu'elle aurait pu déboucher sur de plus fortes augmentations des retraites ; j'y reviendrai.
Institué il y a près de quarante ans, le budget annexe des prestations agricoles est heureusement maintenu. Il dote d'un cadre la négociation avec les agriculteurs, en même temps qu'il constitue, entre autres, la garantie de la spécificité du régime agricole, ce à quoi tiennent, chacun le sait ici, les agriculteurs.
Prestations familiales, dépenses maladie et, en particulier, l'assurance vieillesse, tout le monde est sensible à ces sujets ; j'y reviendrai également.
Auparavant, je tiens à mentionner combien il est opportun que le financement du BAPSA ait été quelque peu simplifié par la suppression, entre autres, des taxes.
Je tiens également à rappeler - cette considération ne me paraît pas déplacée - que la loi d'orientation agricole contient plusieurs dispositions relatives à la Mutualité sociale agricole, la MSA, dont le cadre d'action est renové et dont le dynamisme se traduit, me semble-t-il, notamment par une meilleure maîtrise des dépenses de santé, même si cela obéit aux règles générales de régulation des dépenses de santé. Je formulerai cependant à cet égard une double interrogation.
Tout d'abord, quelles seront les répercussions de la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle, dont nul ne songe, bien évidemment, à contester le bien-fondé, sur le fonctionnement de la MSA ? Qu'en sera-t-il des décrets d'application ?
Je formulerai une deuxième « crainte » et j'emploie le mot à dessein. Sur le terrain, les responsables des caisses de Mutualité sociale agricole s'interrogent sur le devenir même - l'expression peut paraître un peu forte - de ces caisses. Monsieur le ministre, il devrait être possible de rassurer ceux qui expriment des inquiétudes à cet égard.
J'ai mentionné les difficultés qui pourraient découler de la mise en oeuvre de la CMU en ce qui concerne le bon fonctionnement des caisses de MSA. Est-il besoin d'ajouter que l'on est particulièrement sensible à de possibles discriminations entre agriculteurs et non-agriculteurs, comme cela a déjà été développé ? Puissent les décrets d'application - j'y reviens, monsieur le ministre - lever le doute et supprimer le flou dans lequel, provisoirement je l'espère, nous nous trouvons.
Il est indispensable, pour l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, que la revalorisation des retraites agricoles les plus faibles, laquelle figure parmi les priorités du Gouvernement, soit réellement inscrite au BAPSA. Pourtant, par une motion du 10 septembre dernier - ce n'est pas si vieux ! - des anciens exploitants de France, sous la forme de ce que j'appelle « une mise en demeure », s'adressaient aux parlementaires dans ces termes : « Les parlementaires vont, au cours de ce dernier trimestre, être mis devant le dilemme suivant, dont risque de dépendre la réélection de beaucoup. » C'est en ce sens que je parle de mise en demeure. « Ou bien suivre le Gouvernement qui se prépare à faire voter l'arrêt de la progression du minimum des retraites vieillesse qui, à partir de 2002, resterait aux alentours de 3 500 francs par mois pour les chefs d'exploitations et de 2 700 francs pour leurs épouses et les aides familiaux ; ou bien donner satisfaction aux retraités en obtenant à partir de 2002 et pour tous les hommes et femmes la retraite minimum, soit 75 % du SMIC... » J'ai cité ces propos car je n'apprends rien à personne ! C'est dire à quel point tout le monde est sensible à ce problème des retraites.
En fait, les retraites s'améliorent - trop lentement, certes - puisque, aujourd'hui, la retraite agricole moyenne représenterait - j'emploie le conditionnel, mais c'est tout de même frappant - 57 % du montant des retraites moyennes des artisans et commerçants et 38 % des retraites moyennes toutes catégories confondues.
N'y aurait-il pas lieu, monsieur le ministre, de prévoir une simplification du mode de calcul des retraites agricoles pour éviter la multiplication des mesures de revalorisation ?
Par courrier du 6 octobre dernier, M. Murat et moi-même vous demandions s'il pouvait être envisagé que la bonification pour enfant soit forfaitaire. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point.
Bref, s'agissant des retraites agricoles, point n'est besoin de revenir sur les chiffres, chacun les connaît. Celles et ceux de nos compatriotes agriculteurs qui ont travaillé parfois pendant quarante ans sans connaître ni samedi ni dimanche méritent bien que l'on pense à eux.
Pour l'heure, le remboursement du fonds de solidarité vieillesse et du fonds spécial d'invalidité diminue - c'est un indice - en raison de l'amélioration du niveau des petites retraites agricoles. Cette amélioration est effective, mais elle demeure insuffisante. De même, un régime de retraite complémentaire obligatoire doit être envisagé.
Je veux croire que l'évolution poursuivie cette année se confirmera et même s'amplifiera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles s'inscrit dans la continuité des efforts consentis depuis deux ans en faveur de la revalorisation des retraites agricoles. En 2000, il est donc prévu 1,2 milliard de francs de revalorisation, soit 1,6 milliard de francs en année pleine.
Autant dire que cet effort reste équivalent à celui qui a été accompli l'année dernière, malgré une croissance économique plus favorable. Aussi, monsieur le ministre, ne pouvons-nous que regretter que le Gouvernement n'ait pas mieux mis à profit le retour à un taux de croissance - il sera proche de 3 % - pour accélérer le rythme imposé en 1997.
Alors que le nombre de retraités bénéficiaires décroît cette année, entraînant une réduction mécanique des dépenses du BAPSA, pourquoi ne pas avoir envisagé une stabilisation de la subvention du budget général au budget annexe ? Cette contribution diminuera donc de 1,4 milliard de francs. Ainsi, depuis 1998, la subvention d'équilibre aura été réduite de moitié.
De toute évidence, le Gouvernement aurait été mieux inspiré en utilisant davantage les marges de manoeuvre budgétaire supplémentaires dont il dispose pour accentuer les efforts nécessaires en direction des plus petites pensions, conformément à ce que préconise la loi d'orientation agricole du 9 juillet dernier qui, en son article 3, prévoit une accélération des revalorisations au début de la présente législature.
Ce projet de budget fait donc apparaître certaines insuffisances en ne se situant pas à la mesure des besoins grandissants d'une population dont une bonne part rencontre les pires difficultés, notamment les veuves des exploitants agricoles.
Il faut rappeler en outre que, pour les titulaires du fonds de solidarité vieillesse, les revalorisations des retraites ont eu un effet limité, provoquant un phénomène de substitution caractérisé, cette année, par une baisse de 723 millions de francs des versements du fonds de solidarité vieillesse au BAPSA.
Ce budget prévoit une augmentation de 200 francs par mois du minimum mensuel pour toutes les catégories de retraités agricoles ayant cotisé trente sept ans et demi.
Il est prévu également, ce dont il convient de se féliciter, un abaissement de durée de carrière minimale ouvrant droit à une pension forfaitaire : elle est ramenée de trente-deux ans et demi à vingt-sept ans et demi.
Toutefois, cet élargissement de la population visée concernera exclusivement les conjoints et les veuves qui ne perçoivent qu'une seule pension agricole. Il est dommage, monsieur le ministre, que le constat d'une injustice dont étaient victimes ces personnes n'ait pas conduit à supprimer le coefficient de minoration qui s'applique et continuera de s'appliquer en deçà de trente-sept ans et demi de cotisations !
Cette dégressivité est d'autant plus injustifiée, selon nous, qu'elle contribue à écarter de la revalorisation nombre de retraités agricoles qui, tout en ayant travaillé autant que les autres, ou bien n'ont pu cotiser au régime obligatoire avant 1952, ou bien sont restés en marge du système en raison d'un salaire perçu irrégulièrement.
Seuls 30 % des retraités agricoles ont effectué une carrière pleine, ce qui atténue, me semble-t-il, la portée des mesures annoncées.
En outre, monsieur le ministre, vous venez de recevoir les conclusions d'un rapport parlementaire qui doit servir de base à l'examen des conditions de financement des retraites agricoles, avec l'objectif affiché d'atteindre le minimum vieillesse, soit 3 500 francs par mois à l'échéance de 2002.
Vous réfléchissez également à la mise en place d'une retraite complémentaire qui, si elle peut constituer un élément positif pour relever le niveau des retraites, pose, malgré tout, quelques questions.
Compte tenu des revenus, le plus souvent limités, de la majorité des exploitants actuellement en activité, il est difficilement envisageable d'accroître les taux de cotisations, qui seraient d'autant plus forts que le nombre d'actifs est lui-même bien inférieur à la population retraitée.
Il est à craindre, de surcroît, après la réforme de la PAC, une nouvelle chute des revenus agricoles pour les petits exploitants à la suite de la baisse des prix décidée par l'Union européenne, qui ne sera compensée que partiellement.
Par conséquent, une participation significative de l'Etat au dispositif qui sera mis en place le moment venu me paraît essentielle pour ne pas grever outre mesure le pouvoir d'achat des exploitants, pour assurer un complément suffisant aux retraités et, enfin, pour préserver l'équilibre du régime de l'assurance vieillesse. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les intentions du Gouvernement à cet égard ?
Pourquoi ne pas envisager, par exemple, un prélèvement substantiel sur les chiffres d'affaires réalisés par les industries de l'agroalimentaire et de la grande distribution qui, aujourd'hui, alimentent la spéculation financière ?
Ce serait, de la part d'un gouvernement de gauche, une initiative appréciée qui contribuerait à redistribuer plus équitablement et plus efficacement les plus-values réalisées à partir de la production agricole et qui profitent davantage aux industries d'aval.
Une telle taxe, à l'instar de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, représenterait une part infime sur les milliards de francs de marges bénéficiaires réalisées chaque année par ces groupes industriels et permettrait d'atteindre progressivement l'objectif que se fixent les associations de retraités agricoles : une revalorisation des pensions à la hauteur de 75 % du SMIC. Cette revalorisation a d'ailleurs été prévue, en 1995, par le Président de la République et, en 1997, par le Premier ministre, comme le souligne le rapport sur les retraites agricoles de M. Germinal Peiro.
Telles étaient, monsieur le ministre, les remarques que le groupe communiste républicain et citoyen souhaitait formuler à l'occasion de l'examen des crédits du BAPSA pour 2000.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ai été moi-même rapporteur du BAPSA pendant plusieurs années à l'Assemblée nationale. Je partage donc l'ensemble de vos remarques méthodologiques, notamment depuis l'instauration d'une loi de financement de la sécurité sociale. Toutefois, il faut bien comprendre que nous nous trouvons face à une contradiction : d'un côté, nous avons un souci de cohérence et, maintenant que nous avons la loi de financement de la sécurité sociale, nous souhaiterions que cette cohérence soit totale ; de l'autre, nous sommes confrontés aux organisations professionnelles agricoles, qui veulent disposer d'un budget individualisé. Il nous faut gérer cette contradiction ensemble. Le débat reste ouvert !
En ce qui concerne les retraites, plusieurs d'entre vous m'ont demandé la raison pour laquelle le plan pluriannuel auquel il est fait allusion n'était pas voté. Je crois avoir déjà eu l'occasion de le préciser devant cette assemblée : notre Constitution, celle qu'un certain nombre d'entre vous ont votée en 1958, ne protège pas les lois de programmation pluriannuelles, qu'elles portent sur la défense ou sur d'autres sujets. Dès lors, on aboutit à des résultats presque paradoxaux : la loi de programmation pluriannuelle, loin d'assurer le minimum que nous voudrions obtenir, fixe un maximum qui n'est jamais atteint.
Je vous le dis très franchement - mais je l'ai déjà indiqué dans d'autres domaines, notamment celui de l'enseignement agricole où l'on me demandait une loi de programmation pluriannuelle - il revient au Parlement de juger les gouvernements sur ce qu'ils font et non pas sur les « chiffons de papier » que sont les lois de programmation pluriannuelle.
Un engagement a été pris, il faut le tenir.
Pour la troisième année consécutive, nous franchissons une nouvelle étape, ce qui prouve que nous avançons à pas réguliers vers l'objectif fixé.
Cet engagement du Premier ministre, et du Gouvernement tout entier, quel est-il ? Il s'agit d'atteindre, d'ici à la fin de la législature, le niveau du minimum vieillesse, et, au rythme que nous nous sommes fixé, nous y parviendrons. C'est pourquoi, cette année, nous disposons de 1,2 milliard de francs, ce qui correspond à 1,5 milliard de francs en année pleine.
Permettez-moi deux remarques, l'une sur l'objectif et l'autre sur la méthode.
L'objectif, nous dit-on, serait insuffisant et il faudrait plutôt viser 75 % du SMIC. Je ne crois pas, madame Terrade, que cette promesse ait été faite par le Président de la République et je sais qu'elle ne l'a pas été par le Premier ministre.
D'ailleurs, en tout été de cause, cette promesse n'aurait pas de sens dans la mesure où de nombreux salariés français qui ont cotisé pendant toute leur vie n'ont pas 75 % du SMIC de retraite. Si l'on pose la question pour les agriculteurs, il faut la poser aussi pour l'ensemble des salariés, ne serait-ce que pour une raison d'équité. Sinon, cela n'a pas de sens !
Mme Odette Terrade. Disons que c'est insuffisant pour tout le monde !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous rejoins sur ce point. Mais alors, n'en parlons pas pour les retraites agricoles, et ouvrons le débat plus général des 75 % du SMIC pour toutes les retraites.
A propos de la méthode, maintenant, je vous sens inquiets de mesures prises à la dernière minute. Quoi qu'il en soit, ces mesures sont votées. Elles ne seraient pas pérennes, dites-vous, mais cela ne veut rien dire. A partir du moment où ce sont des dépenses obligatoires, peu importe, la première année, que les mesures ne soient pas pérennes : de toute manière, elles engagent l'Etat. La pérennité sera manifeste par la suite, sans difficulté.
J'en viens au rapport de M. Germinal Peiro. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce document est public. Le Gouvernement doit déposer un autre rapport, conformément aux engagements qu'il a pris lors de l'adoption de la loi d'orientation agricole, qui sera également rendu public, dans trois mois.
M. Germinal Peiro, député de la Dordogne, prône, après la mesure de revalorisation des retraites jusqu'au minimum vieillesse, le passage direct à un système de retraites complémentaires obligatoires. Notre collègue formule des propositions. Selon lui, de deux choses l'une : soit on va au bout de la législature et l'on atteint le minimum vieillesse, et on embrayera, alors, dans la prochaine législature, sur un régime de retraites complémentaires, soit, si l'on n'a pas confiance dans la prochaine législature en raison d'une éventuelle alternance, on accélère le rythme et on fait, l'année prochaine, deux pas d'un coup, de façon qu'en 2002 l'on puisse embrayer sur le régime de retraites obligatoires.
Le débat est maintenant porté devant vous. Le Gouvernement est saisi de ce rapport, il va s'exprimer.
Pour conclure, je voudrais simplement évoquer une mesure qui figure au BAPSA, la hausse des exonérations de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs. Voilà une mesure concrète, positive, prise par le Gouvernement qui traduit sa volonté manifeste d'encourager l'installation des jeunes agriculteurs.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques remarques que je souhaitais faire sur le budget annexe des prestations sociales agricoles, en vous remerciant encore de la richesse de nos débats. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 42 et 43 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 94 879 700 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 42, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « II. - Crédits : moins 187 700 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 43, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Affaires étrangères

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères (et la coopération).
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais avant tout remercier le Sénat de l'extrême obligeance dont il fait preuve à mon égard en m'autorisant à prendre la parole dès maintenant.
Vous le savez, des obligations impérieuses m'appellent à Helsinki. Le Conseil européen commence tôt demain matin, mais dès cette nuit doivent avoir lieu des consultations et des concertations à propos de la question de la Tchétchénie, que nous avons décidé d'aborder en préambule au Conseil pour montrer l'importance que l'Union européenne attache à cette crise dont je dirai quelques mots tout à l'heure.
Je vous remercie donc d'avoir pu prendre des dispositions permettant de concilier nos différentes obligations. J'ai mesuré à travers cette attitude, comme je mesure constamment à travers les contacts que j'ai avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'intérêt soutenu que la représentation nationale attache à la politique étrangère de la France.
Comme vous le constaterez, le Gouvernement a, cette année, marqué sa volonté d'inverser une tendance à la diminution de nos moyens et de nos effectifs qui n'avait que trop duré.
Le Gouvernement et le Premier ministre personnellement ont voulu que le projet de budget pour 2000 amorce une véritable inflexion, ce qui nous permettra, à MM. Charles Josselin, Pierre Moscovici et à moi-même, de soutenir notre action, de relayer notre influence dans le monde et de chercher à atteindre l'objectif prioritaire de modernisation et d'ouverture du ministère des affaires étrangères pour disposer d'un outil diplomatique qui soit efficace et en cohérence avec nos ambitions.
Avant de vous présenter les grandes lignes du budget 2000, je voudrais évoquer les enjeux à venir pour notre pays, en commençant tout naturellement par les intérêts et les ambitions de la France.
Dans le monde actuel, affecté par les mutations profondes que vous connaissez, traversé de mouvements plus ou moins ordonnés, nous avons toujours des intérêts, des objectifs qui sont relayés par des ambitions et nous assumons des responsabilités appuyées sur nos valeurs.
Vous les connaissez bien tous, je me bornerai donc à les résumer.
Nos intérêts fondamentaux, pour commencer, restent évidemment d'assurer la liberté, la sécurité et la prospérité de notre pays. Notre diplomatie doit y contribuer tant lors des grandes négociations internationales - je pense, par exemple, à celles de Seattle - que dans la concertation avec nos grands partenaires, par exemple sur le chantier de la défense européenne.
Ils sont aussi de veiller à prévenir des évolutions stratégiques, économiques ou culturelles qui nous seraient contraires et défavorables et, à l'inverse, de les infléchir dans des directions plus favorables.
Ils sont d'assurer à notre pays, dans une Europe elle-même en pleine mutation, une influence toujours très forte.
Ils sont également, dans un monde que certains vouent à l'uniformisation complète, ce que nous refusons catégoriquement, de faire entendre une voix alternative, celle de la diversité, seuls quand c'est nécessaire et, aussi souvent que possible, avec nos partenaires européens, car c'est plus efficace.
Comment ces intérêts se déclinent-ils ?
D'abord s'agissant de l'Europe, nous allons, vous le savez tous, avoir à exercer la présidence de l'Union européenne l'an prochain, pendant le second semestre.
L'Union s'est dotée, en 1999, de nouveaux instruments. Il s'agit de l'euro, bien entendu, mais aussi de ceux qu'a prévus le traité d'Amsterdam. Elle a renouvelé les membres de la Commission et du Parlement européen. M. Javier Solana a été désigné comme secrétaire général du Conseil, et aussi comme Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, fonction qui est exercée pour la première fois.
Quels seront nos objectifs dans ce contexte ? Il s'agit fondamentalement de préparer l'avenir de l'Union. Le Conseil européen qui se réunira demain et après-demain à Helsinki sera important dans la perspective de notre présidence, aussi bien pour la réforme institutionnelle de l'Union que pour l'organisation de son élargissement, questions qui sont étroitement liées.
Le chantier de cette réforme est devant nous. Les pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne le comprennent maintenant, je le crois, car ils veulent adhérer à une Union en état de marche. La réforme institutionnelle est donc aussi dans leur intérêt. Nous avons dépassé cette contradiction apparente.
Une conférence intergouvernementale sera lancée au début de l'année prochaine. Il n'est pas exclu que nous puissions conclure à la fin de cette même année, sous la présidence française, si les conditions sont réunies et si nos partenaires font tout ce qu'il faut pour cela. Nous le souhaitons, mais cela ne dépend pas que de nous. S'il le fallait, la présidence suédoise prendrait le relais sur ce point.
Le mandat de cette conférence sera approuvé à Helsinki. Elle portera sur des éléments essentiels au fonctionnement et à la légitimité des institutions de l'Union qui avaient été laissés ouverts lors de la précédente conférence intergouvernementale conclue à Amsterdam sans toutefois avoir abouti à un accord sur ces questions-là.
Quels sont ces éléments essentiels ? Il s'agit de la composition et du fonctionnement de la Commission, de la repondération des voix des Etats membres et du vote à la majorité qualifiée.
Ces trois éléments sont étroitement liés. S'il n'y a pas de repondération, il ne peut pas y avoir d'extension du vote à la majorité et, s'il n'y a pas d'accord sur ces points, on ne progressera pas sur la question de la Commission.
Sur tous ces points, nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires allemands de manière à élaborer une position commune avant la conférence intergouvernementale.
L'élargissement et l'organisation du continent européen sont le deuxième enjeu majeur, étroitement lié au premier.
Les négociations d'adhésion seront lancées avec probablement douze candidats, en fonction des résultats du Conseil de demain, mais vous savez comment nous l'avons préparé, et nous avons déjà eu l'occasion de dire qu'un consensus s'était dessiné sur ce point.
Ces négociations, nous allons chercher à les faire avancer sérieusement, en appréciant au cas par cas les progrès réalisés par chacun, donc en abandonnant les notions - qui étaient de mauvais concepts - de « vague » ou de « groupe ».
Nous espérons que l'amélioration des relations avec la Turquie - et entre la Grèce et la Turquie - donnera à l'Union les moyens d'accompagner ce pays dans son entreprise de démocratisation et de modernisation.
Nous aurons à prendre une décision à Helsinki sur la reconnaissance du statut de candidat à la Turquie. C'est une problème délicat, important, mais il faut savoir que cela fait maintenant trente-six ans que l'on reconnaît, à travers différents accords, différents textes passés entre l'Union européenne et la Turquie, sa vocation européenne, ce qui fait que les forces de modernisation et de progrès dans ce pays travaillent en s'appuyant sur cette promesse et que, à la longue, finalement, les Quinze sont d'accord pour reconnaître que cela a créé pour l'Union européenne un engagement.
Mais nous ne sous-estimons pas le problème qu'il nous faudra résoudre entre le moment où nous aurons reconnu ce statut de candidat à la Turquie et le moment où la négociation pourra s'ouvrir. Ce sont deux moments distincts car, entre-temps, il aura fallu que la Turquie mette en oeuvre ce que nous appelons les critères de Copenhague.
Dans le même temps, il nous faut poursuivre le travail sur l'organisation du continent européen dans son ensemble.
L'Union doit, au moyen de stratégies communes, nouvel outil dont elle s'est dotée, viser à édifier un partenariat stratégique durable avec des pays aussi importants que la Russie ou l'Ukraine.
Nous aurons toujours à traiter de ces problèmes d'organisation interne et de relations avec nos grands voisins à l'Est, au Sud-Est et au Sud.
Je rappelle que la France exercera en même temps la présidence de l'Union européenne et celle de l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale. Notre objectif, qui a déjà été formulé par M. le Président de la République, est de doter l'Europe de capacités autonomes dans le triple domaine de l'aide à la décision, de la conduite d'opérations et des capacités militaires, afin qu'elle soit en mesure d'agir de façon crédible dans la gestion des crises, et puisse ainsi jouer pleinement son rôle en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense. Nous avons beaucoup progressé dans cette voie depuis un an et demi, d'abord à Saint-Malo, puis à Cologne, et nous progresserons encore à Helsinki, sur le plan à la fois des capacités et des mécanismes de décision. La chimère qu'a été pendant longtemps la défense européenne est donc en train, pas à pas, de devenir réalité.
Nous mettrons également l'accent, au cours de notre présidence, sur le renforcement de la coordination des politiques économiques et sur l'harmonisation fiscale - on sait à quel point ce sujet d'actualité immédiate est délicat ! - qui permettront de lutter contre les concurrences déloyales. Nous poursuivrons la mise en place d'une stratégie coordonnée pour l'emploi, à la suite du Conseil européen de Lisbonne en mars prochain, qui sera spécialement consacré à ce thème.
En se renforçant, l'Union européenne pourra faire valoir ses vues avec plus de poids, s'agissant de l'indispensable régulation internationale.
Comme l'avait déclaré le Premier ministre à l'ouverture de la cinquante-quatrième assemblée générale des Nations unies, le monde global a besoin de règles, de davantage de règles, car la globalisation, le décloisonnement ne sont pas en eux-mêmes porteurs d'ordre : il faut reconnaître que c'est même parfois l'inverse, si les choses ne sont pas un tant soit peu organisées. L'Union européenne doit promouvoir le modèle de développement spécifique sur lequel elle est fondée. Elle a une légitimité forte pour faire des propositions de ce type concernant le monde dans son ensemble.
A cet égard, le sommet de Seattle constitue une occasion manquée dans le domaine du commerce international. L'inadaptation des méthodes de travail de l'OMC au très grand nombre d'Etats membres, parmi lesquels des pays en développement de plus en plus actifs qui ne veulent pas, et cela est heureux, être des laissés-pour-compte, mais aussi à l'ampleur des questions traitées, qui vont au-delà de la simple ouverture des marchés, sont les premières explications de l'absence d'accord sur un agenda pour un cycle global de négociations, qui était et qui demeure souhaitable pour faire progresser ces règles.
A cela se sont ajoutés le manque de flexibilité des Etats-Unis - pourtant pays hôte de la conférence - sur les sujets fondamentaux, et la cohérence d'une Europe unie sur la base d'un bon mandat élaboré par les Quinze et d'une action forte du commissaire européen Pascal Lamy pour déjouer une tentative de négociation agricole séparée, dont nous ne voulions pas.
A ce stade, cette situation était préférable à un mauvais accord, et nous allons poursuivre notre travail en vue de la définition de cette régulation.
Quoi qu'il en soit, l'insuccès de cette tentative n'enlève rien, bien au contraire, à la pertinence du projet de cycle global et régulateur que l'Union européenne continue de mettre en avant, spécialement sous l'impulsion française. La mondialisation se poursuit, apportant avec elle ses avantages pour notre économie, mais aussi ses effets non désirés.
En outre, le déroulement de la conférence et l'attitude de certains pays, parmi les plus puissants, confirment la nécessité de disposer d'une organisation commerciale internationale dotée d'outils de régulation, et précisément d'un organe de règlement des différends. Nous allons donc maintenant nous atteler à cette tâche de modernisation du fonctionnement de l'OMC, pour que celle-ci devienne capable de remplir sa mission, qui n'est pas remplaçable. Nous avons l'intention de prendre une part active à cette réflexion, en relation avec toutes les organisations et tous les représentants de la société civile qui se sont intéressés à cette démarche. Au bout du compte, naturellement, il reviendra cependant au Gouvernement de prendre ses responsabilités.
Après cette conférence avortée de Seattle, les négociations agricoles et sur les services vont commencer. C'est ce que prévoyaient les accords de Marrakech. Puisqu'il n'y a pas eu d'accord sur un cycle global, des sujets plus particuliers seront abordés. Nous devrons être très vigilants, et nous le serons : nos partenaires ne doivent pas attendre de notre part beaucoup d'empressement, s'agissant en particulier d'agriculture, mais il faut voir que ces négociations sectorielles de libéralisation ne correspondent plus à l'esprit du temps. Nous devons sans tarder, en tirant les leçons de l'épisode que j'ai rappelé, reprendre le travail afin d'imposer une approche plus globale et de sortir de ces négociations trop spécialisées, qui permettent des chantages spécifiques que nous refusons.
L'année 1999 aura aussi été marquée par des décisions préoccupantes dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération. Je pense ici au vote négatif du Sénat des Etats-Unis sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et à l'annonce, par l'administration américaine, de son projet de défense anti-missiles du territoire américain. Je parle bien d'un projet, puisque le président Clinton a déclaré qu'il ne prendrait sa décision définitive qu'au début de l'été prochain, mais on voit bien que, à l'intérieur du débat politique américain, tout converge vers sa mise en oeuvre. Or le traité contre les missiles anti-missiles, qui était un traité américano-soviétique, est quand même, de fait, un élément fondamental de la stabilité stratégique mondiale. Nous l'avons dit avec beaucoup de netteté, sa remise en cause conduirait à une relance de la course aux armements. Un nombre croissant de pays est en train de s'en rendre compte.
En ce qui nous concerne, nous poursuivrons nos efforts dans la voie du désarmement et de la non-prolifération. A ce titre, nous invitons les pays qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires pour permettre son entrée en vigueur et à le respecter comme s'il était déjà en vigueur. C'est la bonne façon de ne pas se laisser détourner de nos objectifs par ce vote, lié à de pures considérations de politique intérieure, du Sénat américain.
Nous considérons ainsi que le démarrage de la négociation sur le traité d'interdiction de la production des matières fissiles pour l'armement nucléaire est un point de passage obligé de la poursuite du processus de désarmement nucléaire, auquel la France a déjà largement contribué.
J'en viens maintenant à la question du Conseil de sécurité des Nations unies. Vous savez que notre pays attache une importance primordiale au rôle joué par celui-ci sur la base des principes de la Charte. Le monde a plus que jamais besoin d'un tel conseil de sécurité, mais les problèmes rencontrés sont nombreux, et les contraintes de l'action internationale ont été très bien résumées en septembre dernier, lors de l'ouverture de l'assemblée générale des Nations unies, par M. Kofi Annan. Il a décrit la relation compliquée et non encore satisfaisante qui existe entre la souveraineté des Etats, qui demeure un élément fondamental des relations internationales, et le principe de l'intervention, ce que l'on appelle, dans le débat en France, le « droit d'ingérence », et qui est nommé autrement dans la plupart des autres pays.
L'équilibre à cet égard n'est pas tout à fait satisfaisant, mais il faudra veiller à ne pas porter exagérément atteinte au principe de la souveraineté. En effet, force est de constater, dans le monde réel et non pas dans le monde rêvé, que, depuis quelques années, quand la souveraineté des Etats recule, ce n'est pas une sorte de démocratie tombée du ciel qui s'instaure, mais au contraire des pouvoirs illégaux. De nombreuses crises du monde actuel découlent du fait que les Etats sont en réalité trop faibles et incapables d'exercer leurs prérogatives, plutôt que trop forts.
En même temps, on peut de moins en moins admettre que des interventions humanitaires indispensables en période de crise aiguë soient bloquées ou empêchées par un usage abusif, une interprétation erronée du principe de la souveraineté nationale. Il y a donc là quelque chose à améliorer, et nous y travaillons.
C'est avec ce souci constant que la France a pris ses responsabilités en intervenant dans de graves crises.
Nous nous sommes engagés, après des mois d'efforts diplomatiques que vous avez observés très attentivement, mesdames, messieurs les sénateurs, suivis d'une phase d'action de force, dans la gestion de la crise ouverte au Kosovo par les actes du régime de Belgrade. Nous veillons aujourd'hui à la mise en oeuvre de la résolution 1244. Vous en connaissez les difficultés, mais garder ce cap est la seule solution possible. La présence internationale doit être considérée comme durable, et je pense ici à l'action de la KFOR et de la MINUK.
Quant à la Serbie, nous devons adapter notre régime de sanctions si nous voulons réellement provoquer une évolution à Belgrade. Nous constatons - ce n'est d'ailleurs pas la première fois - que le régime de sanctions, s'il pouvait avoir un sens au moment de l'action militaire proprement dite, ne nous permet pas ensuite d'atteindre, tel qu'il est organisé aujourd'hui, notre objectif politique, à savoir l'instauration de la démocratie dans ce pays.
Nous avons donc proposé à nos partenaires européens de maintenir ou de renforcer les sanctions qui touchent les dirigeants, mais de lever par étapes s'il le faut, celles qui pénalisent la population, dans le cadre d'un dialogue démocratique avec l'opposition qui, à cette occasion, s'engagerait quant au type de régime qu'elle édifierait par la suite. Les pays européens partagent ce raisonnement en nombre croissant, mais il n'y a pas encore unanimité sur cette idée.
D'une façon générale, à propos des Balkans, notre objectif reste l'européanisation : c'est la raison d'être du pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, lancé en juin 1999, c'est la raison d'être de toutes les actions menées par l'Union européenne, quelles que soient leur dénomination et les procédures juridiques ou financières engagées.
Mais tout cela nous ramène au point central que je viens d'évoquer, qui est l'avenir du régime de Belgrade. Ce n'est qu'avec une Serbie démocratique, qui aura su rompre avec le nationalisme meurtrier et criminel, tout en restant naturellement patriote, ce qui est permis à tout pays, que nous pourrons commencer à définir une politique d'ensemble pour les Balkans, dont tous les principes sont déjà posés.
Au-delà des Balkans, notre attention est évidemment retenue par la tragédie qui se joue en ce moment même en Tchétchénie.
Nous l'avons dit depuis le début, nous ne contestons pas la souveraineté russe sur cette république - d'ailleurs, personne ne la conteste -, et nous ne contestons pas non plus le fait qu'il y ait un véritable problème de terrorisme dans cette région du Caucase du Nord. Mais, depuis le début, nous ne cessons de dire aux Russes qu'il est complètement illusoire de vouloir régler par des moyens militaires, surtout quand ils sont aussi aveugles, massifs et indiscriminés, qu'ils frappent aussi durement les populations et qu'ils ensemencent à nouveau la haine, un conflit dont je disais ici cet après-midi même qu'il a de plus en plus les allures d'un conflit de type colonial.
Les Russes se fourvoient. Ils doivent le comprendre. Ils doivent, avant que cette affaire ne devienne une tragédie non seulement pour la Tchétchénie, mais aussi pour eux, revenir sur un terrain politique. Ils doivent absolument dépasser cette phase militaire, renoncer à cet ultimatum qui a choqué le monde entier et finir par entendre des partenaires, notamment occidentaux, sans lesquels ils ne peuvent pas continuer à imaginer l'avenir de leur pays à long terme. Leur politique doit changer. Dès ce soir, à Helsinki, nous allons examiner de façon méthodique les actions que nous pouvons mener en ce sens. Nous ne cherchons pas à prendre des positions qui seraient impressionnantes mais qui n'auraient pas de portée pratique : nous voulons examiner méthodiquement les relations que nous avons avec ce grand pays que nous respectons. Nous sommes engagés dans une stratégie de coopération avec lui sur le long terme, pour qu'il devienne un grand pays moderne, démocratique, un grand voisin. Nous n'allons pas renoncer à cette stratégie, mais il y a contradiction complète entre cet engagement mutuel entre les Russes et nous et la façon dont ils traitent cette question de la Tchétchénie. Nous ne devons pas renoncer à les persuader, à les convaincre. Peut-être faut-il que le message soit plus net et plus fort encore. Le conseil européen d'Helsinki sera l'occasion de le leur adresser, car tout cela est une erreur tragique.
Par contraste, des évolutions plus encourageantes se dessinent dans d'autres régions.
Ainsi, au Proche-Orient, les choses viennent de bouger, notamment entre Israël et la Syrie. L'analyse de la situation dans cette région montrait qu'une reprise de la négociation entre les Israéliens et les Syriens serait difficile. Mais, une fois ce point acquis, les problèmes ne seront pas insolubles. En revanche, entre les Israéliens et les Palestiniens, les discussions pourraient aisément reprendre, mais il sera très difficile de les mener à leur terme.
Le blocage du dialogue entre Israël et la Syrie, qui a duré pendant plusieurs mois, est levé, et je saisis l'occasion de souligner ici que les pays occidentaux ont accompli un bon travail pour convaincre les uns et les autres de ne pas « durcir » les préalables à la reprise de la discussion, dont le principe est maintenant acquis. La France a accompli un travail de persuasion important, tout comme les Etats-Unis. Sur le fond, je crois que les problèmes de souveraineté et de sécurité sont solubles, ainsi que ceux qui sont liés à l'eau et aux garanties. Il ne faut pas pour autant que cela amène à négliger le volet israélo-palestinien, qui est évidemment beaucoup plus complexe. La France fera bien sûr preuve de vigilance et de disponibilité vis-à-vis de cette autre grande négociation.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Sur tous ces sujets, la France est toujours inspirée par la même ligne de conduite, que vous connaissez : il faut être disponible et utile chaque fois que les protagonistes y trouvent avantage. C'est pourquoi nous tenons un discours de vérité, un discours constructif, sans chercher à jouer un rôle pour jouer un rôle. Nous voulons avoir une démarche consistante et dense, et apporter des idées. S'agissant du dossier israélo-palestinien, par exemple, nous aurons un certain nombre d'idées à proposer sur ce que pourrait être le statut final, qui soulève toute une série de questions dont vous connaissez l'extrême difficulté.
Au bout du compte, l'accord sera réalisé autour de la formation d'un Etat palestinien. Les dirigeants israéliens eux-mêmes ont fait ce cheminement intellectuel et politique courageux, et en sont arrivés à cette conclusion. Mais, pour que l'accord intervienne, il faut qu'ils aillent jusqu'au bout, c'est-à-dire qu'ils acceptent l'idée d'un Etat palestinien viable, qui sera l'un des éléments de la sécurité. Ils ont de même compris - et le Premier ministre israélien, M. Barak, a fait ce raisonnement - qu'un Etat palestinien était un élément de la solution, et non un problème.
De même, des changements significatifs sont à l'oeuvre au Maghreb.
Au Maroc, nous entendons accompagner la relève dynastique qui s'est engagée sous les meilleurs auspices et répondre aux aspirations euro-méditerranéennes qui s'expriment.
En Algérie, après l'arrivée au pouvoir de M. Bouteflika, je suis allé exprimer à Alger, au nom du Président de la République et du Gouvernement, la disponibilité de la France et notre désir de participer à une reconstruction et à une relance de nos relations avec ouverture et espérance dans tous les domaines dans lesquels il est possible d'avancer. Tel est notre état d'esprit.
En ce qui concerne le continent africain, nous continuons à travailler en ayant à l'esprit le sens de nos obligations vis-à-vis de nos partenaires anciens, et faisant preuve en même temps d'une véritable ouverture à l'égard de tous les autres pays, qui avaient peut-être moins l'habitude de travailler avec nous. C'est ce que nous avons exprimé, Charles Josselin et moi-même, en prenant nos fonctions, lorsque nous avons utilisé l'expression : « fidélité, ouverture, adaptation ».
Nous continuons à travailler au renforcement de la bonne « gouvernance » ainsi qu'au renouvellement de la convention de Lomé, ce qui est difficile, vous le savez.
Nous cherchons à être présents auprès de tous les pays d'Afrique, qu'ils soient nos partenaires traditionnels ou non, à influencer les évolutions dans les bonnes directions, à avoir une vision globale.
Ce qui préoccupe tous nos partenaires africains aujourd'hui - nous l'avons encore mesuré au début de la semaine car nous avons présidé, Charles Josselin et moi-même, la réunion des ministres de la conférence France-Afrique : entre deux sommets, les réunions se déroulent au niveau des ministres - c'est évidemment la question de l'Afrique centrale. Aujourd'hui, ce conflit pèse sur les esprits et sur les comportements politiques parce qu'il touche six ou sept pays et qu'il a des répercussions au-delà. Le retour à la paix et à la stabilité dans cette région ainsi que dans la corne de l'Afrique, que je n'oublie pas, est impératif.
Sur tous ces points, nous avons développé, en outre, une coopération accrue avec nos partenaires européens intéressés. C'est une novation que je signale ici. Nous travaillons plus, chaque fois que cela est possible, avec nos partenaires britanniques, belges ou portugais - cela dépend des sujets et des zones concernées en Afrique - mais aussi avec les Américains, l'idée étant de dépasser les rivalités stériles afin d'essayer d'apporter le plus possible au continent africain, qui en a bien besoin et dont il ne faut pas du tout désespérer. Nous combattons ainsi une sorte d'afro-pessimisme, à la fois dans les contacts que nous avons avec eux sur le terrain et au sein de l'Europe, du Conseil de sécurité et au G 7. Nous poursuivrons cet engagement.
Le continent asiatique est également, vous le savez, une zone majeure de mise en oeuvre de la multipolarité que nous souhaitons. Qu'il s'agisse de l'émergence de la Chine ou de l'Inde, de la mutation du Japon, de la restructuration inéluctable du Sud-Est asiatique après la crise financière, la diplomatie française travaille à renforcer les liens étroits avec ces pays, sans exclure les débats sur les valeurs respectives ou les éventuels désaccords stratégiques.
Nous travaillons à l'établissement d'un monde multipolaire, et nous prenons donc en considération les immenses mutations asiatiques. Le fil conducteur de notre action dans ce domaine est de faire en sorte que ces modifications d'équilibre s'opèrent sans conflit, car c'est une zone du monde où l'on ne peut pas ne pas avoir certaines inquiétudes. Aussi devons-nous constamment essayer de prévenir les évolutions pour faire en sorte que l'émergence des pôles, que nous souhaitons dans un monde « post-unipolaire », se fasse dans un système coopératif et non pas dans un système de confrontations entre pôles émergents.
Sur les questions cruciales de la non-prolifération et du nucléaire, le centre de gravité de nos préoccupations n'a pas totalement quitté l'Europe, mais une partie des noeuds de préoccupation se trouve maintenant en Asie : conflit indo-pakistanais, dossier nord-coréen, initiative américaine de défense des missiles de théâtre étendue à ses alliés proches. Nous devons donc de plus en plus inclure cette zone asiatique dans nos réflexions stratégiques.
Ailleurs aussi, nous visons à encourager l'émergence d'entités régionales : l'ASEAN, que nous soutenons et qui traverse une phase de difficultés, ainsi que le MERCOSUR, qui a traversé lui aussi un moment tout à fait délicat compte tenu des contrecoups de la crise financière et des mesures que les Brésiliens et les Argentins ont dû prendre, mettant à mal un certain nombre de mécanismes de coopération qu'ils avaient commencé à élaborer, sont tout à fait indispensables à l'équilibre du monde de demain.
La politique française en Amérique latine soutient tout à fait cette évolution, dans un contexte nouveau avec les changements politiques accomplis ou imminents en Argentine, en Uruguay, au Chili. Dans cette optique, nous aiderons le MERCOSUR à reprendre l'initiative par rapport à une démarche toujours très prometteuse.
Je voudrais conclure ce rappel de nos objectifs et de nos ambitions en soulignant que l'action du ministère des affaires étrangères doit se moderniser et s'adapter constamment. A côté de la diplomatie classique, bilatérale, européenne et multilatérale, nous appuyons les entreprises tournées vers le grand large et nous soutenons les acteurs de la société civile impliqués dans une présence extérieure à la France, non seulement les organisations non gouvernementales mais aussi les collectivités locales.
Il m'apparaît ainsi que la diplomatie culturelle s'impose chaque jour davantage comme une dimension fondamentale de notre action et de notre influence. Elle doit être active, offensive, compétitive et privilégier les secteurs les plus déterminants en termes de coopération et d'influence : formation des élites, audiovisuel extérieur, rôle de nos instituts et de nos centres, mis en réseau et en passe de devenir des pôles culturels. Vous connaissez les initiatives que nous avons prises !
Mais il y a plus. Face au risque d'uniformisation des idées, notamment via l'uniformisation des images, et au risque de simplification des enjeux, il importe que se fasse entendre une voix alternative française, européenne et, au-delà même, latino-américaine et africaine.
L'objectif, c'est la diversité ; l'exception culturelle, c'est un moyen, une tactique de négociation. Nous ne devons pas aller vers un monde uniformisé, toutes les grandes cultures, les grandes civilisations, les grandes langues doivent être, dans un ensemble polyphonique, des éléments forts du monde de demain.
Je vais maintenant conclure cette intervention en vous disant quelques mots du sujet dont vous allez débattre une fois que j'aurai malheureusement dû vous quitter. Mais je vous rassure : Charles Josselin est là pour répondre à toutes vos questions sur les moyens du ministère des affaires étrangères.
J'ai dit tout à l'heure que la caractéristique principale de ce projet de budget était de marquer l'interruption de la baisse des moyens. Cette baisse était constante depuis 1995 et, même en remontant au-delà, on ne retrouverait pas de période de grande expansion : il y a simplement eu deux ou trois années de moindre déclin et deux années de stabilité.
Cette année, une augmentation des crédits de 170 millions de francs a été décidée par le Premier ministre, ce qui représente une progression de 0,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. C'est une progression limitée, je le reconnais, mais qui marque un renversement de tendance fondamental pour la suite. Un coup d'arrêt a pu ainsi être donné à la chute des effectifs.
L'achèvement de la fusion avec les services de la coopération nous a même donné la possibilité de dégager 92 emplois, qui seront consacrés pour une part importante au renforcement de l'administration consulaire. De nombreux membres de la Haute Assemblée ont joué un rôle important dans cette évolution, et je tiens à les en remercier aujourd'hui très solennellement.
Quels sont nos objectifs pour l'an prochain ?
Il s'agit de persévérer dans la modernisation du ministère : ce changement de cap dans l'évolution du budget traduit la reconnaissace des efforts de modernisation déjà entrepris depuis deux ans, mais c'est un encouragement à poursuivre.
Il s'agit aussi de rendre le ministère encore mieux à même de faire face à ses tâches, à l'accélération de la mondialisation - qui suppose une présence universelle accrue -, de faire face à la présidence française de l'Union européenne, dont j'ai parlé à l'instant, de faire face aux crises en développant notre capacité de réponse - cette année au Kosovo et au Timor mais, malheureusement, il y en aura d'autres -, de faire face à l'évolution de la situation de nos communautés à l'étranger, ce qui implique un effort d'adaptation de notre politique consulaire. Personne n'est plus attentif, d'ailleurs, que la Haute Assemblée aux efforts entrepris en matière de sécurité.
L'effort de modernisation portera l'année prochaine sur trois grands domaines.
Il s'agit d'abord de l'achèvement de la fusion entre les services diplomatiques et la coopération sur le plan budgétaire, avec la suppression dans les postes de la distinction entre leurs moyens de fonctionnement.
Il s'agit ensuite de la poursuite de la déconcentration des moyens vers les postes pour ce qui est des crédits de fonctionnement, mais aussi sur le plan comptable. Cette déconcentration donne aux chefs de poste davantage de latitude, donc de responsabilités. C'est le message que j'ai fait passer aux ambassadeurs lors de notre dernière conférence, au mois d'août. Il commence à porter ses fruits.
J'entends aussi aller de l'avant dans la rénovation de la politique immobilière, déjà bien engagée sur le plan budgétaire avec l'inscription en loi de finances initiale de toutes les opérations, mais aussi sur le fond avec l'amélioration de la prévision, de la programmation et du suivi des opérations. Je peux vous dire qu'à cet égard il y a une vraie révolution.
Deuxième objectif, il faut renforcer notre présence et développer toujours et encore l'influence française dans le monde.
J'ai rappelé les grands objectifs de notre politique extérieure. Le projet de budget qui vous est présenté maintient le cap de notre engagement pour la diversité culturelle et la défense de la francophonie, l'effort d'aide au développement est poursuivi, les crédits consacrés à l'aide humanitaire sont augmentés. M. Josselin reviendra dans son intervention sur ces trois volets de notre action extérieure.
Je souhaite ajouter que le redressement des contributions volontaires aux organisations internationales, que j'ai entrepris l'an dernier, se poursuit. Avec 30 millions de francs de mesures nouvelles, la situation n'est pas totalement rétablie par rapport à 1993, année au cours de laquelle nous disposions de 450 millions de francs. Cependant, nous sommes en bonne voie puisque 307 millions de francs sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000, contre 225 millions de francs en 1998. C'est appréciable, et vous savez que par les décisions de ce type passe la plus ou moins grande influence de notre pays dans le système multilatéral.
Troisième objectif pour l'an prochain, j'entends continuer à renforcer notre action consulaire.
Le projet de budget pour 2000 prévoit des crédits qui nous permettent de poursuivre une politique dynamique en direction de nos communautés françaises à l'étranger et l'effort pour l'accès de nos ressortissants à l'enseignement français à l'étranger sera poursuivi. Pour cela, il est prévu d'augmenter une nouvelle fois les crédits consacrés aux bourses scolaires avec une mesure nouvelle de 15 millions de francs. A cet égard, l'effort en faveur de la scolarisation de nos enfants aura crû de 25 % en trois exercices, avec une progression de 185 millions de francs en 1997 à 232 millions de francs aujourd'hui. Là aussi, ce sont des sujets auxquels je vous sais tout particulièrement attentifs.
Les crédits consacrés à l'aide aux personnes les plus en difficulté sont en progression de près de 4 millions de francs, pour atteindre près de 113 millions de francs. J'ai demandé au directeur des Français à l'étranger d'étudier, pour une mise en oeuvre rapide, les mesures qui peuvent être dégagées du rapport de votre collègue Mme Cerisier ben Guiga.
D'une manière plus générale, nous poursuivrons l'effort de modernisation de l'administration centrale. Le service d'état civil achève sa mue et vous savez que j'ai mis un terme dès mon arrivée au développement du recours aux recrutés locaux. J'entends à présent revenir à une situation plus normale, notamment en affectant dans les postes une partie importante des quatre-vingt-douze emplois dégagés lors de la négociation budgétaire, ce qui permettra de renforcer l'encadrement des consulats, et notamment des sections de visas, qui en ont bien besoin.
Le Gouvernement a été attentif aux observations formulées par votre assemblée, en particulier par MM. Penne et Biarnès, avec les dispositions prises à la suite de l'arrêt « Berkani ». Les efforts nécessaires à l'amélioration du statut de ces personnels seront donc entrepris et nous ferons le point de ces avancées dans le rapport qui devrait être remis l'an prochain au Parlement, si toutefois la commission mixte paritaire confirme les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale le 23 novembre dernier.
Ces emplois permettront également d'assurer la réouverture de notre consulat à Annaba, dès que les discussions avec les autorités algériennes seront achevées.
L'effort va aussi être poursuivi en direction des étrangers. La nouvelle politique des visas commence à porter ses fruits et elle s'accompagne d'une amélioration sensible des conditions d'accueil des demandeurs de visas dans les consulats grâce, notamment, aux travaux réalisés sur la base du fonds de concours.
A cet égard, je soutiens tout à fait la proposition qui a été faite de porter à 100 % les droits de chancellerie. J'ai moi-même eu l'occasion de visiter des consulats rénovés. Le changement est impressionnant par rapport à la situation antérieure, tant en termes de locaux que d'accueil des visiteurs et de traitement des demandes. J'ai bien l'intention de poursuivre et d'étendre ce programme.
Cependant, nous allons nous heurter d'ici à deux ans, vous le savez, à la disparition des coopérants du service national. Je forme des voeux pour que la loi instituant le volontariat civil, que vous avez votée en première lecture et qui sera examinée le 20 janvier prochain par l'Assemblée nationale, soit adoptée le plus rapidement possible et donne ensuite les résultats que nous en espérons tous.
Je dirai un mot, enfin, de la carte diplomatique et consulaire.
Une réflexion a été engagée à ma demande sur le réseau diplomatique et consulaire, en particulier dans l'Union européenne. Cette réflexion devra déboucher sur des propositions de meilleure utilisation de nos moyens.
La contrainte budgétaire représente évidemment un élément de l'évolution de notre carte diplomatique et consulaire, mais je pense que ce n'est pas satisfaisant et que nous devons faire évoluer ce réseau, l'adapter à la réalité du monde, à la réalité des rapports de force, à la réalité de la vie diplomatique, à la réalité des marchés, à la présence de nos concitoyens. Il faut le faire en suivant un schéma et non pas uniquement en fonction de contraintes qui obligent et qui ont obligé le ministère, dans le passé, à prendre parfois des décisions précipitées. Il s'agit donc d'avoir un schéma d'évolution que nous puissions suivre, année après année.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l'accélération de la mondialisation s'accroissent les tâches de la diplomatie dans un monde de plus en plus interdépendant, dans lequel nous sommes en train de négocier à peu près tout le temps, avec un grand nombre de partenaires, sur des sujets divers. Il nous faut être présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur tous ces fronts et tous ces terrains. Il nous faut être influents, efficaces et essayer de maîtriser les différentes tactiques qu'il nous faut mettre en oeuvre dans des négociations apparemment non connectées mais qui finissent par se relier.
Pour la première fois depuis longtemps, le budget du ministère des affaires étrangères répond à cette exigence, comme je l'ai indiqué au début de mon intervention. C'est un renversement de tendance. Pour moi, c'est un début à partir duquel il faudra reconstruire. En tout cas, pour cette année, il répond bien à nos besoins et je vous remercierai naturellement si vous l'adoptiez, ce que je souhaite. (Applaudissements.)
M. le président. Bonne route pour Helsinki, monsieur le ministre !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un diplomate m'a posé, voilà quelques jours, une question à laquelle, à ma grande honte, je n'ai pas pu répondre : « Comment le budget des affaires étrangères, qui est le plus consensuel des budgets et celui par excellence de la cohabitation, a-t-il, au fil des ans, pu être laminé sciemment et patiemment ? »
Parodiant Shakespeare, j'ajouterai que, comme le monde, votre budget, monsieur le ministre, s'usait à mesure qu'il vieillissait.
Mais, pour 2000, grâce sans doute à la peur du bogue et à un retour sur terre, à l'occasion du prochain millénaire, de la déesse raison, votre budget a arrêté sa descente aux enfers sans doute parce que ceux-ci sont pavés de bonne intentions. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Dans vos efforts pour obtenir un budget convenable, vous n'étiez pas seul, monsieur le ministre.
Les rapporteurs, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont soutenu l'action constante de nos collègues sénateurs des Français de l'étranger,...
M. Guy Penne. Merci.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. ... qui ont une connaissance aiguë de la vie quotidienne de nos compatriotes et des difficultés de nos postes.
Grâce à cet effort collectif, sans avoir retrouvé pleinement la santé, votre budget est un budget de « convalescence ».
Le budget des affaires étrangères est marqué par la poursuite de l'intégration des moyens du secrétariat d'Etat à la coopération, dont on peut considérer qu'elle se déroule de manière convenable.
Avec un montant de 20,95 milliards de francs en crédits de paiement, le budget des affaires étrangères apparaît en augmentation de 0,64 % par rapport aux crédits de 1999, comme l'a dit M. Védrine. Quant aux autorisations de programme, elles s'élèvent à 2,79 milliards de francs, ce qui constitue une augmentation de 7,4 % par rapport à l'année passée.
Ma première observation porte sur le fait que la hausse des crédits qui est enregistrée pour 2000 est en fait inférieure aux prévisions d'inflation et qu'elle est essentiellement liée à des inscriptions de crédits qui ne correspondent pas à des dépenses nouvelles.
Ainsi, la totalité des crédits afférents aux opérations immobilières du ministère sont désormais inscrits en loi de finances. Cela a l'avantage de la transparence et de la lisibilité des documents budgétaires, mais l'importance de ces sommes - environ 120 millions de francs pour la construction de notre ambassade à Berlin - rend cette augmentation du budget artificielle. Elle ne correspond pas à une réelle progression de ses moyens et les priorités du ministère sont uniquement financées par le biais de redéploiements très importants de crédits au détriment de notre action en faveur de la coopération et de l'aide au développement, à un moment où l'aide aux pays du champ est étendue aux pays de la zone de solidarité prioritaire qui est tout à fait contradictoire.
Par ailleurs, le taux de change franc-dollar est prévu à 5,83 francs par le ministère des affaires étrangères, alors que la direction de la prévision de Bercy fixe ce cours à 6,18 francs : des ajustements seront donc nécessaires. On peut évidemment accepter l'idée que le chiffre de la direction de la prévision est, par définition, faux. Le cours du marché est d'ailleurs de 6,4 francs actuellement !... Il est donc clair qu'il faudra procéder à des ajustements.
Ma seconde observation concerne les personnels qui sont recrutés avec un contrat local.
Nous avions signalé ces graves problèmes l'an dernier et je constate que les restrictions budgétaires qui ont été imposées à votre ministère ont conduit, au fil des années, à remplacer le personnel expatrié par des recrutés locaux.
Les conséquences de cette politique ne sont pas négligeables. Actuellement, 75 % du personnel d'exécution de nos postes diplomatiques et consulaires sont des recrutés locaux. Or les conditions actuelles de rémunération de ces personnels sont tout à fait inacceptables. En effet, dans de nombreux pays, elles sont très inférieures au prix du marché de l'emploi, mais aussi, souvent, à celles qui sont versées par les entreprises françaises et les ambassades étrangères.
Cette situation n'est pas admissible, d'autant plus que les salaires versés par la direction des relations économiques extérieures, la DREE, et le ministère sont divergents. Un recruté local de la DREE revient, en moyenne, à 130 000 francs par an et ceux du ministère à 76 000 francs.
Bien entendu, on dira que la DREE a besoin de personnels beaucoup plus compétents et plus qualifiés. (Protestations sur le banc des commissions.) Mais c'est faux lorsqu'il s'agit d'un chauffeur.
Ainsi, quand, à Manille, voilà peu de temps, le chauffeur de l'ambassade devient chauffeur de la DREE pour gagner le double, on imagine l'ambiance !
Et lorsqu'on crée, comme à Bombay, des postes mixtes, certaines personnes dans un même bureau et qui font le même travail ont des écarts de salaires de 40 %, ce qui est inacceptable.
Je souhaite que vous poursuiviez les efforts de rattrapage que vous avez engagés.
Ce recours massif aux recrutés locaux pose par ailleurs des problèmes importants de sécurité et M. Patrick Amiot, ministre plénipotentiaire, à qui vous avez confié un rapport à ce sujet, souligne que ce personnel accède à des zones protégées et à des documents classés « confidentiel défense », alors qu'il ne devrait pas pouvoir le faire.
Comme l'a indiqué M. Védrine, vous avez dégagé quatre-vingt-douze emplois supplémentaires et vous allez en affecter vingt dans les services des visas dont nous avions souligné, l'an dernier, la situation déplorable. Ces services ont été qualifiés par notre collègue, M. Yves Tavernier, qui a fait un rapport sur ce sujet à l'Assemblée nationale, de « parent pauvre du ministère des affaires étrangères ». Vingt services n'ont pas d'agents titulaires et vingt autres ne disposent que d'agents titulaires de catégorie C, alors qu'il délivrent un nombre très élevé de visas. Il s'agit là d'errements qui nuisent tant à l'image qu'à la sécurité de notre pays.
Bien entendu, je ne veux pas du tout que l'on pense que je ne suis pas favorable aux recrutés locaux. Ils font preuve de compétence, de dévouement et sont indispensables. Mais il est clair qu'au service des visas il leur est beaucoup plus difficile que les expatriés de résister à des pressions, surtout si l'on prend la sage précaution de les soumettre à des mutations fréquentes. Des exemples illustres, notamment au Maroc, prouvent que les dérives peuvent être graves.
Ma troisième observation concerne, vous n'en serez pas surpris, les contributions volontaires internationales.
Les contraintes budgétaires de votre ministère ont été extrêmement défavorables à nos contributions volontaires, puisque, au fil des années, elles ont servi de variable d'ajustement du budget. Cela a eu pour conséquence fâcheuse une baisse des deux tiers de ces contributions entre 1990 et 1998.
En 1999, une reprise s'est amorcée, mais l'effort doit être poursuivi parce que nous sommes, aux Nations unies, l'objet de critiques permanentes des autres pays, en particulier de ceux qui ne sont pas membres du Conseil de sécurité et qui entendent le devenir. Ils se plaignent que, compte tenu de la modestie de nos contributions volontaires, un trop grand nombre de nos compatriotes exercent encore des fonctions de direction dans ces organismes.
M. Claude Estier. Il n'y en a plus beaucoup !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Passer du dix-huitième rang au onzième rang des contributeurs du programme des Nations unies pour le développement n'est toujours pas digne de la qualité de membre permanent du Conseil de sécurité.
Nous chipotons sur nos contributions aux différents organismes qui relèvent des Nations unies mais, l'an dernier, nous avons sans barguigner augmenté notre contribution au Fonds monétaire international de 3,3 milliards de francs. On ne peut pas refuser notre aide aux organismes dont la mission est d'apporter un soutien aux principales victimes des actions monétaristes du FMI que je ne qualifierai pas !
Ma quatrième observation a trait au coût de l'enseignement scolaire à l'étranger qui demeure à la charge des familles. Cette part est passée en dix ans de 40 % à 50 %.
Cette hausse des droits d'écolage est due, si l'on excepte les établissements qui sont en gestion directe de l'Etat, à un mode de financement des investissements qui est structurellement inadapté.
Cette année, l'augmentation des bourses se poursuit avec une mesure nouvelle de 15 millions de francs. Mais c'est tout à fait insuffisant et de nombreuses familles d'expatriés ne peuvent plus faire bénéficier leurs enfants d'une scolarisation dans un établissement français.
Par conséquent, il me semble indispensable que, dans le domaine des investissements, un effort plus important soit accompli par l'Etat. En effet, lorsque les frais de scolarité atteignent 45 000 francs à Singapour ou 18 000 dollars en maternelle à New York et que vous n'êtes pas pris en charge par votre entreprise ou que vous gagnez un peu trop d'argent pour bénéficier de bourses, vous êtes privé de l'accès à l'école française !
M. André Maman. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Dans votre projet de budget, monsieur le ministre, vos priorités vont aussi au développement de l'accueil des étudiants étrangers en France.
Les crédits consacrés aux bourses d'excellence du programme Eiffel sont en hausse de 35 millions de francs. Vous avez, l'autre jour, accueilli dans votre ministère un grand nombre de ces boursiers. C'est un effort tout à fait méritoire et digne d'être approuvé.
La subvention au groupement d'intérêt public Edufrance est en augmentation de cinq millions de francs. C'est un objectif justifié par la diminution du nombre d'étudiants étrangers en France depuis le début des années 1990. Nous avons en effet accueilli, en 1997-1998, 13 % d'étrangers en moins dans nos universités qu'en 1994. Par conséquent, nous prenons, dans ce domaine, un grave retard par rapport aux pays anglo-saxons.
Toutefois, avant de porter un jugement, il conviendra d'évaluer dès l'année prochaine l'action d'Edufrance, afin de voir si ce que fait actuellement cette agence est bien conformes aux objectifs qui lui ont été assignés.
L'autre axe fort de votre budget est la réforme et le développement de notre politique audiovisuelle extérieure. L'action que conduit Jean Stock à TV 5 et à Canal France international semble porter ses fruits. Malheureusement, il existe des difficultés importantes, en particulier avec nos partenaires canadiens, qui assuraient la gestion et la diffusion de ces programmes sur l'ensemble de l'Amérique. Peut-être des changements de personnes pourraient-ils améliorer la situation ? Notre collègue M. Del Picchia vous présentera tout à l'heure un ensemble de suggestions concernant l'action de TV 5 en Amérique.
Les priorités accordées à l'audiovisuel extérieur et à la coopération scientifique et culturelle impliquent d'importants redéploiements de crédits qui s'effectuent au détriment de la coopération technique et du développement. Certes, il existe des raisons à ces baisses, en particulier la baisse des crédits consacrés à l'ajustement structurel.
Je voudrais souligner que la création de la zone de solidarité prioritaire, qui étend l'ancien champ de notrecoopération à de nouveaux pays en voie de développement, risque d'être lourde de déceptions si cet élargissement n'est pas accompagné d'une augmentation des crédits. Mais je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Je tiens à indiquer, dès à présent, mon identité de vues totale avec mon éminent collègue, Michel Charasse, qui va me succéder à cette tribune pour présenter les crédits de la coopération.
Je souhaite enfin que notre aide au développement prenne davantage en compte les critères de respect des droits de l'homme, de bonne gouvernance, de respect de l'environnement, de la santé et de l'accès des filles à l'éducation.
Ayant atteint mon temps de parole, je vous renvoie à mon rapport écrit pour ce qui concerne notre politique immobilière. Je me suis rendu à Berlin, où j'ai pu constater, je tiens à vous le dire, monsieur le ministre, l'effort tout à fait remarquable de votre ministère, en particulier le service de l'équipement, pour limiter les coûts de notre future ambassade. Si vous arrivez à contenir aussi la décoration mobilière, vous aurez accompli un excellent travail.
Cela étant, je ne suis pas persuadé qu'il faille investir des sommes aussi importantes dans les ambassades européennes. Je suis beaucoup plus favorable à des interventions dans nos ambassades en Asie ou en Amérique latine. Mais je ne peux pas vous reprocher, ce choix ayant été effectué, de l'encadrer de la manière la plus stricte possible.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est beaucoup plus convenable que celui des années précédentes. Nous aurions souhaité qu'il fût plus adapté aux grands enjeux de notre politique de l'an 2000, ceux que tout à l'heure M. Védrine a énoncés, qu'il s'agisse de la présidence de l'Union européenne, de l'Union de l'Europe occidentale, de notre rôle dans les Balkans et au Moyen-Orient ou de la prise en compte de la zone de solidarité prioritaire.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pour tenir compte de l'effort qui a été effectué par le Gouvernement, et sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances, prenant acte de l'accord sur ce projet de budget des responsables de l'exécutif, a, en conséquence, donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour la coopération. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la coopération - ou ce qu'il en reste - est celui de l'aide aux plus pauvres, de la vocation universelle de la France, de son influence dans les instances internationales et dans le monde, le budget qui symbolise le mieux notre attachement à nos partenaires et notre volonté nationale de combattre partout où cela est possible la pauvreté, la faim, le sous-développement.
Voilà pourquoi votre commission des finances porte depuis des années une attention toute particulière aux crédits affectés à la coopération et maintient sa vigilance face aux menaces et aux évolutions en cours.
2000 est la première véritable année pleine de la réforme de la coopération, dont notre collègue M. Chaumont vient de parler. Tous les moyens sont désormais théoriquement en place : architecture institutionnelle, définition de la zone géographique, extension des interventions. Les retards dans la mise en oeuvre ne peuvent donc plus se trouver que derrière nous.
Depuis l'année dernière, la coopération n'est plus un budget clairement identifiable, aux priorités lisibles dans un vrai bleu budgétaire, aux évolutions mesurables avec rigueur et fiabilité.
Pourtant, il existe toujours une sorte de budget de la coopération, qui va au-delà des dotations d'une direction générale ou de services centraux et qui recouvre l'ensemble des crédits consacrés par la France à l'aide au développement. Et ils restent considérables !
Rappelons quelques évidences.
Qui dans l'Union européenne pèse pour le quart du budget européen d'aide au développement ? La France.
Qui dans le G.7 contribue le plus, proportionnellement à son produit intérieur brut, pour les pays en développement ? La France.
Qui vient d'octroyer dans le collectif budgétaire de 1999 près de 750 millions de francs à l'agence internationale de développement ? La France.
Qui dans le monde apportera le plus dans les annulations de dette des pays les plus pauvres ? La France encore et toujours.
Notre pays consent un effort considérable, bien qu'en régression, comme partout dans le monde développé, en faveur des plus pauvres. Nos partenaires, comme chacun de nos concitoyens, doivent avoir ces évidences présentes à l'esprit.
Est-ce à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes de l'aide au développement ? La commission des finances ne le pense pas.
Je ne vous détaillerai pas les masses budgétaires : les différents rapports sont là pour cela.
Simplement, le budget des affaires étrangères consacrera un peu plus de 9 milliards de francs à nos interventions dans le monde, dont une bonne partie va aux pays en développement. Ces moyens diminuent, inexorablement, dans des proportions qui varient selon les agrégats retenus. Les comparaisons ne sont pas très faciles cette année. Ce n'est pas la faute du ministère, naturellement, c'est la nomenclature budgétaire qui est ainsi faite.
Les subventions d'investissement se maintiennent à un niveau élevé avant régulation budgétaire. Elles augmentent même de 100 millions de francs en crédits de paiement. Au total, le solde reste cependant négatif pour les pays les plus pauvres : en 2000, les crédits de la coopération diminuent globalement.
Certes, la réforme de la coopération est à l'origine d'économies d'échelle, de synergies entre le ministère des affaires étrangères et l'ancien ministère de la coopération. C'est heureux et la commission des finances s'en félicite et vous en félicite.
Mais ces économies ne profitent pas aux nouveaux pays entrés dans la zone de solidarité prioritaire, dont je rappelle qu'ils sont au nombre de vingt-quatre.
Pour ne prendre que l'exemple du personnel, les réorganisations de services dégagent cent emplois permettant des redéploiements qui devraient en toute logique bénéficier aux priorités du ministère. C'est le cas pour les visas ou l'administration centrale - M. Chaumont en a parlé - mais pas pour les pays nouvellement entrés dans la ZSP, qui bénéficient seulement de quatre nouveaux emplois. Le retour de la réforme est maigre pour les pays les plus pauvres.
A côté de ces économies vertueuses, mais qui ne profitent pas intelligemment à ceux qui les subissent, le budget opère des coupes franches dans plusieurs chapitres du titre IV pour financer les priorités du ministère, audiovisuel extérieur et bourses, bourses qui sont réclamées par le Sénat depuis tant d'années ! Les moyens de l'aide technique, des concours financiers, de la coopération décentralisée, de la coopération militaire et de défense diminuent. Si ceux de l'audiovisuel extérieur et de la coopération culturelle progressent, le solde reste négatif avec une baisse de près de 170 millions de francs. Vous avez vous-même, monsieur le ministre, souligné cette priorité devant l'Assemblée nationale : « C'est le résultat d'un arbitrage qui a été rendu en faveur de la coopération culturelle et au détriment de la coopération technique. » Vous auriez peut-être pu préciser : « arbitrage plus au détriment de l'aide technique qu'en faveur de la coopération culturelle », même quand on extrait les changements de périmètre.
Le constat est donc clair : les économies vertueuses et les réductions des aides aux pays en développement permettent au ministère des affaires étrangères de financer ses priorités - visas, administration centrale, audiovisuel, culture - et de maintenir ses moyens classiques de fonctionnement.
On dira, certes, que les crédits du titre VI, les subventions d'investissement augmentent. Mais cette progression reste inférieure aux amputations opérées sur le titre IV, et cette hausse globale cache quelques petits arrangements. Car les modifications de nomenclature altèrent grandement la clarté et la transparence des interventions, portent une atteinte au contrôle parlementaire et transfèrent une partie de nos moyens à un établissement dont les liens avec une autre grande maison ne sont plus à établir.
Je tâcherai d'être clair et d'exposer simplement ce qui, loin de relever de la pure technique budgétaire, concerne en réalité les droits du Parlement et la dispersion des moyens de l'action extérieure de la France.
La situation d'aujourd'hui est très simple. Le projet de budget des affaires étrangères comporte deux lignes de subventions d'investissement. L'une - d'environ 1 milliard de francs - est mise en oeuvre directement via le comité directeur du Fonds d'aide et de coopération. Cet organisme, qui comporte trois députés et un sénateur, examine chacun des projets qui lui est soumis avec un souci de grande rigueur. Je rends hommage au ministre qui préside ce comité pour la patience dont il fait preuve. Il associe pleinement les parlementaires pour écarter les soupçons d'autrefois qui entouraient nos interventions dans le tiers monde. Cette procédure est un gage formidable de transparence et d'efficacité pour éviter les critiques anciennes sur les dépenses inconsidérées dans des « éléphants blancs », qui faisaient dire « la Corrèze avant le Zambèze ».
L'autre ligne budgétaire, environ un milliard de francs aussi, est inscrite à votre projet de budget, mais pour le compte de l'Agence française de développement, ce qui, après accord préalable du comité directeur du FAC, est aussi un gage de transparence.
Le Gouvernement se propose de revoir entièrement ce dispositif qui a pourtant donné pleine satisfaction et qui a permis d'éviter des actions douteuses ou scandaleuses et d'assurer une assez bonne coordination des interventions de l'Agence française du développement avec l'ensemble de notre politique extérieure.
Il s'agit d'abord de changer le nom du Fonds d'aide et de coopération en fonds de solidarité prioritaire et de revoir tous les textes le régissant.
D'après les renseignements que j'ai obtenus, le Gouvernement prévoit de supprimer l'actuel comité directeur, où siègent les parlementaires et qui décide de l'attribution des aides, et de le remplacer par deux organismes : un comité d'orientation, où les parlementaires pourront discuter à loisir, mais sans vote autre que des grandes masses, un peu comme autrefois le tribunat de l'Empire, et un comité d'examen qui décidera de chaque projet dans le silence de l'administration, un peu comme autrefois le Corps législatif de Napoléon Ier.
Cette première réforme a en fait un objectif, me semble-t-il : exclure les parlementaires du processus de décision. Monsieur le ministre, ce n'est pas là une vanité que j'exprime à cette tribune. Cette réforme a une conséquence : jeter le doute et la suspicion sur l'ensemble des projet qui seront financés. Ce n'est pas acceptable au nom des droits du Parlement et de la clarté de l'action publique pour les citoyens contribuables.
Mais, monsieur le ministre, je sais que vous en êtes conscient et j'ai déjà lu, avec l'intérêt que vous imaginez, les ouvertures que vous avez faites à ce sujet devant l'Assemblée nationale, qui avait également soulevé le même problème.
La seconde réforme, d'apparence technique mais de portée ô combien politique, concerne l'Agence française de développement.
Les sommes supplémentaires qui lui seront déléguées ne passeront désormais plus par le fonds de solidarité prioritaire. Le budget les affecte directement à l'AFD. On peut d'ailleurs se demander pourquoi les inscrire au budget des affaires étrangères alors qu'elles seraient sans doute mieux aux charges communes.
Cette nouvelle procédure a deux conséquences.
D'abord, elle supprime le contrôle parlementaire a priori , je l'ai dit tout à l'heure, puisque le conseil de surveillance de l'Agence, où siègent les parlementaires, n'examine que les projets de plus de 60 millions de francs au moins, ce qui est loin d'être le cas de la majorité d'entre eux.
Ensuite, les sommes ne transitant plus par les services des affaires étrangères, l'autonomie de l'Agence se trouve renforcée vis-à-vis du quai d'Orsay, ce qui nuit à la cohérence de l'action extérieure de la France en matière de développement. Vous n'auriez plus, monsieur le ministre, si cette réforme devait aller jusqu'au bout, la maîtrise de ces crédits, et vous seriez ainsi contraint de mendier quelquefois auprès de l'agence des décisions financées avec votre propre argent.
Certes, l'AFD a une compétence que nul ne saurait ici lui contester. Elle sait notamment intervenir vite et bien - parfois c'est un peu cher - là où il le faut et, ainsi, pallier les retards administratifs classiques. J'ai pu, monsieur le ministre - vous le savez puisque je vous en ai rendu compte - le constater avec plaisir et fierté cet été au Liban et en Palestine, qui attendent toujours les crédits du Quai mais qui bénéficient déjà de projets financés par l'AFD.
En revanche, on peut difficilement accepter que les actions de l'AFD échappent au contrôle parlementaire a priori - et je pense que M. Chaumont, qui siège comme titulaire au conseil de l'agence s'associera à mes propos (M. Chaumont fait un signe d'assentiment) - actions qui s'inscrivent moins qu'autrefois dans la perspective d'ensemble de l'action du ministère des affaires étrangères, seul compétent constitutionnellement pour conduire la politique extérieure.
C'est pourquoi la commission des finances vous proposera, au terme de ce débat, un amendement maintenant intact le contrôle parlementaire sur l'ensemble des interventions de la coopération, donc maintenant le système actuel. Nous aurons l'occasion, monsieur le ministre, d'en parler tout à l'heure.
Pour résumer, je terminerai cette présentation des crédits de la coopération par quatre brèves observations.
La réforme de la coopération ne se traduit ni par des moyens supplémentaires destinés aux pays admis dans la zone de solidarité prioritaire - et c'est le problème pour les nouveaux entrants qui croient beaucoup en la France et aux promesses qui ont pu leur être faites - ni par la mise en place, dans ces pays, de services et de moyens nouveaux par le ministère des affaires étrangères. La réforme de la coopération signifie donc pour l'instant une diminution des moyens accordés aux anciens pays du champ qui ne profite guère aux nouveaux Etats de la zone. Je sais bien que le temps de mise en place peut expliquer un certain tassement. En tout cas, j'espère que cette tendance n'est pas définitive.
Les crédits consacrés à la coopération sont en baisse de 1,5 % par rapport à 1999, ce qui reste modéré, mais ce qui est préoccupant à cause des vingt-quatre pays nouveaux qui entrent dans le système. Si l'on en était resté à l'ancien champ, 1,5 % de moins, ce serait infime, mais il y a vingt-quatre entrants nouveaux, c'est là tout le problème !
Ces réductions de crédis sont d'autant plus difficiles à déceler que, restant au sein du ministère des affaires étrangères, elles lui permettent d'afficher une hausse globale modeste de ses dotations.
Pour 2000, le budget du ministère des affaires étrangères apparaît à beaucoup comme un bon budget, M. Chaumont a dit « convalescent », alors que celui de la coopération, maintenu, nous serait apparu comme un budget un peu médiocre. Habile paradoxe qui tient au fait que, peut-être, le Quai d'Orsay a financé ses priorités cette années sur la coopération.
Les économies et les synergies réalisées par la réforme, les réductions de moyens d'intervention, que nous saluons, permettent au budget des affaires étrangères de financer ses priorités sans que cela se traduise par des gains pour les nouveaux pays admis dans la zone de solidarité prioritaire.
Enfin, la réforme de nomenclature inscrite au budget aurait pour conséquence, si elle devait être maintenue, un recul difficilement acceptable du contrôle parlementaire, mais il nous reste l'espoir d'un dialogue fructueux avec vous, tout à l'heure, sur les propositions de la commission des finances.
Le budget de la coopération, mes chers collègues, ne serait pas exempt de critiques s'il était encore un « vrai » budget. Mais les crédits de la coopération sont désormais intégrés à ceux des affaires étrangères et le montant de l'ensemble résulte d'un choix commun dans ce domaine sensible entre les deux têtes de l'exécutif, qui assument ensemble la responsabilité de la politique étrangère.
C'est pourquoi je m'en voudrais beaucoup de remettre en cause - je ne le ferai pas, d'autant que la commission des finances ne m'en a pas donné mandat - la proposition d'adoption de l'ensemble des crédits faite par notre excellent collègue Jacques Chaumont, au nom de la commission des finances. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Toujours aussi remarquable !
M. le président. La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le ministre, intervenant après mes deux éminents collègues de la commission des finances, je vais d'emblée mettre un terme à l'insoutenable suspense que vous vivez ce soir en vous disant que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a décidé de donner un avis favorable au budget qui nous est présenté. (Ouf ! sur diverses travées. - Sourires.)
M. Claude Estier. Elle a raison !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Quelle surprise !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. C'était, vous en conviendrez, un moment fort de la soirée.
La commission a cependant émis un certain nombre de remarques, qui ont d'ailleurs déjà été faites par mes deux collègues. Je vais me permettre de leur donner rapidement un éclairage supplémentaire.
Tout d'abord, l'augmentation de 0,64 % de ce budget est une illusion d'optique puisque, comme l'a souligné M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, intègre cette année l'ensemble des crédits immobiliers, pour 120 millions de francs, ainsi que l'ensemble des crédits de rémunération des gendarmes appelés en renfort temporaire, pour 24 millions de francs. Si l'on tient compte de ces deux opérations, une évidence s'impose : ce budget n'augmente pas. Toutefois, nous espérons, tout comme vous, que nous sommes à l'étiage et que ce budget convalescent va très rapidement se consolider.
En outre, nous nous félicitons des efforts entrepris pour mieux gérer les crédits de fonctionnement du ministère en permettant qu'ils soient globalisés et décentralisés et surtout pour mieux contrôler la dépense immobilière. Il me faut cependant, sur ces deux sujets, formuler d'importantes réserves.
D'une part, du fait notamment de la globalisation des crédits, il est très difficile de dresser un bilan de la fusion des ministères de la coopération et des affaires étrangères. Les économies dégagées n'apparaissent pas clairement. Elles seraient évaluées à 35 millions de francs sur les crédits de fonctionnement, mais cette évolution paraît incertaine. En outre, 92 postes budgétaires seraient dégagés. D'une façon générale, on mesure mal les effets de cette fusion.
La mise en place des nouvelles structures semble être la source plus de lourdeur et de retard que d'une productivité accrue. L'engagement des dépenses en matière de coopération et d'aide au développement paraît anormalement lent par rapport aux années antérieures, et la fusion rapide, d'ici à 2001, de tous les personnels des deux ministères ne va pas sans poser des difficultés.
D'autre part, en matière de crédits immobiliers, si je vous donne acte des efforts accomplis, permettez-moi, monsieur le ministre, de m'étonner une nouvelle fois que le ministère des affaires étrangères ne dispose pas encore d'un inventaire actualisé des conditions d'installation de nos postes à l'étranger. Comment est-il possible d'avoir une gestion cohérente de notre réseau sans cet outil comptable indispensable ?
Quant à ses dimensions mêmes, notre réseau est le deuxième au monde. Nous l'avons indiqué à de nombreuses reprises. Des ajustements sont constamment nécessaires pour l'adapter aux besoins, mais aucune ligne claire ne paraît définir une telle politique. Concilier la flexibilité du réseau avec la durée nécessaire à toute action diplomatique dans le cadre d'un budget limité relève évidemment de la gageure, mais n'est-il pas enfin temps d'engager une réflexion en profondeur sur nos implantations à l'étranger ? La dichotomie entre le réseau diplomatique et consulaire, d'une part, et le réseau économique, d'autre part, n'est-elle pas une spécificité française ? Ne faut-il pas redimensionner notre présence en prenant mieux en compte la construction européenne ? M. Védrine a soulevé tous ces points dans son propros introductif.
Je relèverai encore, monsieur le ministre, l'effort fait en matière de contributions volontaires aux organisations du système des Nations unies. Elles augmenteront de 30 millions de francs et atteindront 302 millions de francs en 2000.
Cette évolution est évidemment bienvenue mais elle reste insuffisante. L'augmentation est moins importante que l'an passé ; elle s'élevait alors à 50 millions de francs. Surtout, les contributions volontaires de la France resteront en 2000 moitié moins importantes qu'en 1994. Un effort supplémentaire devra impérativement être fait si l'on ne veut pas que l'influence de la France continue de s'éroder.
En effet, la France ne tient pas en la matière son rang au sein du système des Nations unies. Alors que nous sommes le quatrième contributeur obligatoire, nous sommes dépassés très largement en matière de contributions volontaires par de nombreux pays, nous classant rarement avant le douzième rang et, toutes contributions confondues, nous sommes derrière le Royaume-Uni, l'Italie et certains pays nordiques.
Tandis que nous payons avec une grande exactitude nos contributions obligatoires et que nos contributions volontaires sont faibles, d'autres pays conditionnent leur financement et en tirent les plus grands bénéfices. Il faut bien comprendre que les contributions volontaires conditionnent la participation de la France à la réforme des Nations unies et aux nouveaux projets des institutions spécialisées. Elles donnent la priorité aux pays qui leur permettent de développer leur action.
En dernier lieu, la commission est préoccupée du sort des personnels recrutés localement par le ministère des affaires étrangères. Il y a là un vrai problème de gestion administrative, dont nous sommes bien conscients, et un problème social lié, dans bien des cas, à la faiblesse des rémunérations et de la protection sociale, comme l'a souligné le rapport Amiot. Ce rapport, qui a été fait à ce propos, peut servir de base pour les discussions futures.
Quelles mesures prévoyez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour trouver une solution à ce problème ? La commission, vous le comprendrez, souhaite être tenue informée, comme nous vous l'avons fait savoir avec mon collègue Guy Penne ; nous serons très attentifs à l'information que vous voudrez bien nous communiquer.
Comme je vous l'ai déjà indiqué, monsieur le ministre, la commission a décidé de donner un avis favorable au budget du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Guy Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si la nouvelle structure d'intervention du ministère des affaires étrangères dans le domaine de la coopération et du développement, la direction générale de la coopération internationale, la DGCID, ne mentionne plus explicitement l'aspect culturel de notre action diplomatique, celui-ci reste un levier important de l'influence internationale de la France.
Dans le cadre d'un budget global qui, pour la DGCID, s'élève à 9,2 milliards de francs, trois priorités sont mises en avant en ce qui concerne notre action culturelle extérieure. Elles concernent essentiellement l'action audiovisuelle, avec TV 5, la promotion de notre enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers, enfin le soutien à notre réseau scolaire à l'étranger. C'est par ce dernier sujet que je commencerai ce bref exposé.
Première priorité : l'effort financier que consacre l'Etat français à ce réseau est important. La subvention à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE au titre du budget 2000 atteint près de 2 milliards de francs, en hausse de 1,2 % par rapport à 1999. Cette donnée ne doit cependant pas occulter la part toujours plus importante qui revient aux établissements eux-mêmes et, à travers eux, aux parents d'élèves.
La mesure de 15 millions de francs pour les bourses scolaires dans le budget 2000 est une bonne nouvelle et on relèvera que ces bourses ont augmenté, en quatre ans, de 25 %.
Malheureusement, ces dotations positives sont très rapidement rattrapées par l'augmentation des bénéficiaires et par la hausse des coûts de scolarité. Ce dernier facteur est particulièrement négatif pour la catégorie de nos compatriotes bénéficiant de revenus moyens : inéligibles pour les bourses, leurs enfants sont en fait dans l'impossibilité d'être scolarisés dans nos établissements, ce qui est le contraire de l'objectif recherché par la loi de 1990.
M. André Maman. C'est inacceptable !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Il s'avère également que le dispositif mis en place en 1990 n'est pas, parfois, sans effet pervers sur les coûts de scolarité. Ainsi, le mode de rémunération des résidents a un effet inflationniste sensible dans les pays dont la monnaie locale tend à se déprécier. Une révision du décret de 1990 me paraît souhaitable, de même qu'un aménagement du cadre budgétaire, qui ne fonctionne à ce jour - pour les expatriés, mais aussi pour les résidents - que sur la base d'emplois « développés », ce qui cristallise le tableau des postes et empêche toute adaptation rapide aux besoins.
M. André Maman. Très bien !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. L'idée - mais ce n'est qu'une idée ! - d'une enveloppe financière globale affectée à la rémunération des résidents permettrait peut-être d'apporter un élément de réponse, à condition que sa dotation soit à la mesure des besoins.
Une réflexion de fond vous est proposée, qui serait menée non seulement par vous-même monsieur le ministre, mais également par d'autres membres du Gouvernement, ce qui paraît indispensable après dix ans d'application du décret de 1990. Les sénateurs représentant les Français établis hors de France, notamment, vous ont fait part de ce souhait unanime.
M. André Maman. Très bien !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. La deuxième priorité concerne la promotion de l'enseignement supérieur français auprès des étudiants étrangers.
Deux démarches à long terme ont été engagées dans ce domaine, qui symbolisent la nouvelle orientation de notre politique à l'égard de ces étudiants.
Il s'agit, d'abord, de l'agence Edufrance, qui regroupe le ministère des affaires étrangères et celui de l'éducation nationale, d'une part, les universités et grandes écoles françaises, d'autre part. Edufrance propose des prestations d'accueil et de séjour en France aux étudiants étrangers invités à recevoir une formation dans nos établissements supérieurs.
Il s'agit, ensuite, du programme de bourses « Eiffel », qui est destiné à former les décideurs étrangers de l'entreprise et de l'administration dans les meilleurs établissements français.
Cette démarche de promotion de notre enseignement supérieur est essentielle non seulement parce qu'elle se propose de placer la France au niveau de ses principaux concurrents anglo-saxons, mais également parce qu'elle valorise le potentiel considérable de notre réseau d'établissements scolaires à l'étranger, qui ne dépasse pas le niveau du baccalauréat.
Plutôt que de voir ainsi se disperser les élites étrangères que nous y avons formées vers les universités britanniques ou nord-américaines, l'objectif de les insérer dans notre enseignement supérieur pour qu'ils y reçoivent une formation de qualité est essentiel.
Là encore, cette priorité budgétaire doit être préservée, voire accrue, sur de nombreuses années. J'ajoute qu'une attention particulière doit être accordée à ces étudiants pour la délivrance de visas. Malheureusement, le Gouvernement ne s'y est pas employé. Il importe qu'il mette fin à cette situation !
La troisième priorité a trait à l'audiovisuel extérieur.
L'an passé, la nouvelle présidence commune TV 5-CFI, assurée par M. Jean Stock, s'était donné comme objetif prioritaire d'améliorer la qualité de l'antenne.
La nouvelle programmation, enrichie et mieux adaptée aux demandes du public, bénéficie désormais d'un cinquième signal, spécifiquement dédié à l'Europe francophone, qui permettra d'améliorer encore la programmation à destination des pays européens.
Les résultats de cette stratégie sont déjà au rendez-vous : un an après les premières décisions et les premiers changements, le nombre de téléspectateurs a crû de 21 % et d'excellents retours d'audience ont pu être mesurés en Europe.
Dans ce tableau positif, il reste cependant à améliorer la place de TV 5 sur le continent américain. Les récentes modifications intervenues chez nos partenaires canadiens devraient, nous l'espérons, contribuer à développer la chaîne francophone sur ce continent, afin d'éviter d'aboutir à une « TV 5 à deux vitesses ». Dans le cas contraire, le gouvernement français devrait faire preuve d'autorité.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Pas sûr !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. J'ajoute que l'aide apportée par le ministère des affaires étrangères, via TV France International, à la promotion de la création audiovisuelle française donne des résultats extrêmement positifs.
D'une manière générale, cette priorité pour l'audiovisuel extérieur, dégagée depuis plusieurs années, mais confortée depuis un an et enrichie par des méthodes d'intervention diversifiées, constitue l'un des choix judicieux de ce projet de budget.
Un dernier mot concernera l'amélioration de la situation des recrutés locaux de nos réseaux culturels. Le ministère des affaires étrangères s'est engagé à présenter des propositions destinées à valoriser le statut de ces personnels, trop longtemps négligés. Nous sommes nombreux dans cette enceinte à suivre de près ce dossier important pour votre département, monsieur le ministre, et nous ne doutons pas de votre détermination à y apporter une solution équitable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les priorités de notre diplomatie culturelle telles qu'elles sont définies dans ce projet de budget pour 2000 sont limitées en nombre, mais non en importance. Elles sont, en quelque sorte, les outils de notre ambition pour une « diversité culturelle » souvent difficile à promouvoir ou à préserver.
Je ne peux donc qu'inviter le Sénat, à la suite de sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à adopter les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont souligné certains des rapporteurs, la modeste progression du budget des affaires étrangères prévue pour 2000 a, hélas ! été obtenue au prix d'une nouvelle compression des crédits destinés à l'aide au développement.
En effet, au sein du budget regroupant désormais les crédits de la coopération et ceux des affaires étrangères, les dotations réservées à l'aide au développement représentent seulement 4,8 milliards de francs, soit une réduction de 4,3 % par rapport à l'an passé.
Nos partenaires africains, principaux bénéficiaires de l'aide au développement, sont les premiers touchés par cette baisse des crédits. La relation jusqu'alors privilégiée que nous entretenions avec l'Afrique risque donc de se trouver affaiblie. Nous sommes dès lors conduits à nous demander si, comme nous en avions exprimé la crainte l'an passé, l'intégration du ministère de la coopération à celui des affaires étrangères n'a pas, en fait, été un moyen de modifier les priorités de l'action extérieure de la France.
Certes, il faut le répéter, la France reste au premier rang des pays du G 7 pour l'aide rapportée au PIB et au deuxième rang, derrière le Japon, pour le volume total de l'aide.
Toutefois, la réforme de la coopération, à la lumière d'une première année d'expérience et, surtout, de la baisse des crédits prévus pour 2000 soulève trois questions majeures : l'efficacité des procédures mises en place ; la cohérence entre les objectifs poursuivis et les moyens prévus ; l'adaptation des méthodes aux besoins des pays en développement. J'évoquerai successivement ces trois points.
Tout d'abord, s'agissant de l'efficacité des procédures, on ne peut s'empêcher d'éprouver quelque inquiétude devant la lourdeur du dispositif qui se met lentement en place. Le circuit de décision au sein de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement superposera l'intervention d'au moins deux services : un service sectoriel et un service coordonnateur. Cette organisation ne permettra pas de raccourcir les délais déjà trop longs d'instruction des dossiers.
En outre, les instances consacrées à la coopération tendent à s'accroître en proportion inverse des moyens consacrés à l'aide au développement. Après la création d'un Haut conseil de la coopération internationale, la coopération va-t-elle suivre les voies de la francophonie, avec la multiplication d'institutions dont le rôle n'apparaît pas clairement, dont les compétences se recoupent et dont l'efficacité diminue ?
Enfin, le comité interministériel d'aide au développement chargé d'imprimer une direction politique à notre coopération ne se réunit qu'une fois par an. La coordination indispensable des actions du Quai d'Orsay et de Bercy, dont le rôle en matière d'aide au développement apparaît toujours plus déterminant, ne justifierait-elle pas un suivi interministériel plus poussé ?
J'en viens à la question de la cohérence des objectifs et des moyens. La substitution de la zone de solidarité prioritaire à l'ancien champ de la coopération s'est accompagnée d'un élargissement considérable des pays susceptibles de bénéficier de l'aide française. Ainsi, comme le soulignait mon collègue Michel Charasse, aux trente-sept pays du champ traditionnel ont été ajoutés vingt-quatre nouveaux Etats. La commission s'est inquiétée des conséquences de cette extension. N'entraînera-t-elle pas, en effet, un éparpillement des moyens, une politique de « saupoudrage » conduisant à un affaiblissement de l'influence française ?
A vouloir être présent dans un trop grand nombre de pays, on risque, je le crains, de ne compter vraiment nulle part, de mécontenter tout le monde, et de perdre ainsi les résultats des investissements réalisés dans le passé. Le risque de dilution apparaît d'autant plus fort que les moyens financiers tendent à baisser et qu'ils n'obéissent pas toujours à une affectation rigoureuse.
En ce qui concerne la baisse des moyens, les concours financiers destinés à l'ajustement structurel et à l'aide budgétaire d'urgence se réduiront de 40 % en 2000. Certes, l'aide-projet gérée par le Fonds d'aide et de coopération, rebaptisé Fonds de solidarité prioritaire, et par l'Agence française de développement affiche une progression de 5,3 %, mais cette hausse risque d'être, pour une bonne part, illusoire. En effet, depuis plusieurs années, l'aide-projet constitue la cible privilégiée des annulations de crédits. Ainsi, 7,3 % des crédits de paiement ouverts par le budget de 1999 ont été annulés cette année.
Or ces mesures de régulation ont été justifiées par la nécessité de dégager des moyens de financement pour l'aide au Kosovo ! Il y a là un indicateur inquiétant de l'évolution des priorités diplomatiques de notre pays. Est-ce vraiment l'intérêt de la France ? Je crois que la question mérite d'être posée.
Ma troisième question porte sur l'adaptation des méthodes aux besoins de nos partenaires. La France semble, en effet, vouloir renoncer à l'une des dimensions essentielles de son action en Afrique, avec une nouvelle réduction des effectifs d'assistance technique pour 2000. En dix ans, les effectifs de l'assistance technique auront été réduits des deux tiers. En 2000, de nouveau, quarante postes seront supprimés.
Or le Gouvernement avait reconnu l'an passé - ce sont vos propres paroles, monsieur le ministre - que nous avions atteint la cote d'alerte en dessous de laquelle on ne pouvait descendre sans compromettre l'efficacité de notre action. Cela n'annonce-t-il pas la fin programmée de notre assistance technique ?
Pourtant, par leur engagement sur le terrain, les coopérants répondaient aux attentes des populations africaines. Leur action sur place a ouvert la voie à l'implantation d'entrepreneurs français.
Par ailleurs, ils ont été parmi les vecteurs les plus actifs de la francophonie. Enfin, leur présence a permis à la France d'acquérir une capacité d'expertise unanimement reconnue.
Dès lors, veut-on aligner la coopération française sur les modes d'intervention des autres bailleurs de fonds et perdre toute la spécificité qui a fait notre succès ? Nous nous engageons dans cette voie de manière implicite sans que les conséquences de cette orientation aient été clairement présentées par le Gouvernement et sans que le Parlement ait été consulté.
Cette situation, vous en conviendrez, monsieur le ministre, ne peut pas être considérée par nous comme satisfaisante.
En conclusion, la baisse des moyens consacrés à l'aide au développement ouvre la voie à la banalisation de la place de l'Afrique dans notre politique étrangère. Est-ce le bon choix ? Je ne le crois pas.
Quatre raisons plaident pour le maintien d'une priorité africaine.
Premièrement, les progrès économiques accomplis par les pays de la zone franc constituent un indicateur encourageant pour la politique française de coopération. Il serait dès lors regrettable de relâcher l'effort au moment où il commence à porter ses fruits.
Deuxièmement, nos liens avec l'Afrique reposent aussi sur la présence d'une forte communauté française. Il faut faire fructifier ce capital humain. Nos compatriotes n'ont pas toujours bénéficié de l'attention nécessaire de la part des pouvoirs publics, comme le démontre le problème récurrent des retraités français ayant exercé en Afrique ou les difficultés d'indemnisation de nos ressortissants, parfois ruinés et acculés au désespoir à la suite d'événements dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage enfin de prendre des initiatives pour remédier à ces insuffisances ?
Des solutions existent, nous pouvons vous en proposer, mais il faut avant tout une volonté politique pour les appliquer. Nous voudrions savoir, monsieur le ministre, si cette volonté politique existe réellement.
Troisièmement, l'influence de la France en Afrique constitue un élément essentiel de notre rayonnement international : ne l'oublions pas, nous pouvons régulièrement compter aux Nations unies sur le soutien et la fidélité de nos partenaires africains et parfois d'eux seuls.
Enfin, quatrièmement, notre politique en Afrique doit aussi s'apprécier dans un horizon de moyen et long terme : le continent africain comptera 1,25 milliard d'habitants en 2025, soit 18 % de la population de la terre. Ces perspectives démographiques représentent à la fois une promesse et un défi : une promesse, car le continent africain constitue un marché au potentiel considérable ; un défi, car il faudra contribuer au développement harmonieux du continent.
Or la priorité accordée jusqu'à maintenant à l'Afrique apparaît aujourd'hui menacée et le budget pour 2000, loin d'infléchir cette tendance préoccupante, la renforce malheureusement.
Si nous devions aujourd'hui nous prononcer sur un budget séparé de la coopération, ce qui n'est plus le cas depuis 1998, j'aurais appelé le Sénat à rejeter cette dotation nettement insuffisante. Mais, notre vote portant sur l'ensemble du budget des affaires étrangères, la commission a quand même décidé d'adopter ces crédits. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la coopération culturelle et scientifique recevra, en 2000, un bien meilleur traitement que ne le laisse supposer la faible augmentation des crédits globaux de la direction générale de la coopération internationale et du développement, qui gère ces crédits avec ceux de la politique de coopération.
Je rappelle que cette augmentation est de 0,1 % par rapport aux crédits correspondants de 1999.
Je ne vais pas passer en revue l'évolution des dotations des différents chapitres qui regroupent les crédits affectés à la coopération culturelle et scientifique, on trouvera ces chiffres dans mon rapport écrit. Je vais plutôt dire quelques mots de deux des principales politiques que ces crédits permettent de mettre en oeuvre : la politique de l'audiovisuel extérieur et la promotion de l'enseignement français à l'étranger.
Dans ces domaines, je crois pouvoir dire que l'évolution des crédits relaie la volonté politique et débouche sur des résultats non négligeables.
La volonté politique de développer l'audiovisuel extérieur de façon prioritaire a été exprimée dans la communication présentée au conseil des ministres du 30 avril 1998.
Il s'agissait de mobiliser les outils existants, publics et privés, afin d'assurer aux programmes français une présence à l'étranger sur les écrans du monde entier plus importante et plus adaptée à la spécificité des régions ou continents concernés.
Il s'agissait aussi de rationaliser nos interventions, d'éviter en particulier une inutile concurrence entre TV 5 et CFI.
Il fallait, enfin, diversifier notre offre face à l'explosion des chaînes satellitaires, en apportant une aide aux acteurs privés qui relèvent le défi de l'exportation, que ce soit les chaînes ou les producteurs.
Ces orientations ont trouvé leur point d'orgue dans le plan stratégique de TV 5, lancé le 8 janvier 1999, avec la mise en place de quatre signaux régionalisés sur l'Europe, l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient. TV 5 s'est alors mise en quatre ! (Sourires.) Le plan stratégique est actuellement en voie d'achèvement, avec le récent lancement du signal France-Belgique-Suisse. TV 5 sera alors en cinq ! (Nouveaux sourires.)
Le premier bilan de ce travail est très favorable, en termes de couverture, en particulier, puisque celle-ci a augmenté de 35,7 % en un an, comme en termes d'écoute, d'après les enquêtes qui ont été réalisées. On peut retenir, à titre d'illustration, que TV 5 a dépassé CNN en Espagne et dépasse partout BBC World.
Le budget de 2000 permettra de poursuivre l'effort avec les 25, 3 millions de francs supplémentaires attribués à TV 5.
Il demeure néanmoins quelques problèmes, en particulier dans la branche américaine de TV 5, autonome par rapport à la branche européenne et dirigée par les Canadiens. Elle a subi un échec retentissant avec le lancement de TV 5 aux Etats-Unis, puisque 4 800 abonnements seulement ont été souscrits, sur les 60 000 attendus en fin d'année.
Parmi les pistes explorées pour sortir de l'impasse non seulement stratégique et économique mais aussi politique à laquelle a conduit cet échec, il y a l'idée de découpler le signal destiné aux Etats-Unis et celui qui est destiné à l'Amérique latine qui pourrait être réalisé par TV 5 Paris, et dont le financement avoisinerait 10 millions de francs.
Je considère, pour ma part, que le budget 2000 de TV 5 Europe ne doit pas financer cette innovation avec la mesure nouvelle de 25,3 millions de francs que je mentionnais tout à l'heure, qui doit principalement rester dédiée à une amélioration des programmes.
Une autre ombre plane sur le budget de TV 5 : il s'agit des revendications des sociétés d'auteurs qui souhaitent remettre en cause l'accord actuel pour tenir compte de l'audience croissante de la chaîne. La facture supplémentaire pourrait tourner autour de 10 millions de francs.
Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions sur ces dossiers.
Le deuxième axe de la relance de l'audiovisuel extérieur était la rationalisation des interventions de CFI et de TV 5.
La présidence commune des deux sociétés a engagé cette rationalisation en élaborant un plan stratégique pour CFI. Il est organisé autour de trois axes : une chaîne de télévision CFI-TV qui diffuse sur l'Afrique et dont la grille de programmes a été harmonisée avec celle de TV 5 et une banque de programmes, CFI-PRO ; et enfin le développement, à partir de cette année, des activités d'ingénierie audiovisuelle de CFI.
Je voudrais aussi signaler que nos exportations de programmes, dont la promotion est assurée par TVFI, ont augmenté de 35 % en 1998, pour atteindre 1,8 milliard de francs. Les exportations financent aujourd'hui 20 % de la production française de stock. Nous sommes encore loin des Etats-Unis où les ventes internationales représentent 50 % du financement de la production, mais cela commence à représenter un apport important pour nos industries de programmes.
Faute de temps, je ne ferai qu'évoquer RFI pour souhaiter que la recherche de synergies avec TV 5, qui n'a pas débouché en 1999, soit poursuivie en 2000 de manière que l'ensemble de l'audiovisuel extérieur puisse bénéficier de la richesse que représentent les journalistes et les correspondants de RFI.
Je terminerai mon exposé en évoquant l'enseignement du français à l'étranger. Le premier aspect est le financement de cet enseignement.
L'agence pour l'enseignement français à l'étranger bénéficiera, en 2000, de 21,4 millions de francs de crédits supplémentaires, dont 15 millions pour les bourses destinées aux enfants français à l'étranger, ce qui représente une augmentation de 6,9 % par rapport à 1999. Cela ne peut que nous satisfaire. Je crois cependant qu'il faut être attentif pour maîtriser l'augmentation des droits d'écolage. Des mesures ont été prises en ce sens ; il faudra sans doute en évaluer l'impact.
L'un des grands chantiers de l'enseignement du français à l'étranger est la réforme du statut des enseignants. Une délégation de la commission des affaires culturelles, qui s'est déplacée en septembre au Moyen-Orient, a pris la mesure des disparités qui existent entre les expatriés, les résidents et les recrutés locaux.
Cette situation suscite une pression à la hausse des coûts salariaux par le biais d'indemnités versées par les établissements, et pas forcément pérennes, comme nous l'avons vu en Jordanie, d'où un climat un peu dégradé au sein du corps enseignant.
Je sais, monsieur le ministre, que votre administration va tenter de lancer une réforme du système des rémunérations afin de diminuer, à coût global constant, les écarts constatés. Je pense qu'il sera intéressant de voir, l'année prochaine, les progrès de cette opération difficile.
Le second aspect que je souhaite évoquer est la politique d'accueil des étudiants étrangers. C'est une dimension tout à fait essentielle de notre rayonnement culturel, et ses prolongement économiques sont potentiellement cruciaux, dans la mesure où les cadres étrangers formés en France seront plus ouverts que d'autres aux échanges et aux partenariats avec l'économie française.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis. Le premier volet de cette politique est mis en oeuvre avec des instruments tels que le programme Eiffel de bourses d'excellence. Il recevra une mesure nouvelle de 35 millions de francs, qui s'ajouteront aux 50 millions de francs dégagés en 1999, ce qui devrait permettre de financer entre cinq cents et huit cents bourses annuelles, l'objectif étant d'arriver à mille cinq cents bourses dans quatre ou cinq ans, pour un coût d'environ 150 millions de francs.
L'autre volet de cette politique est représenté en particulier par EduFrance. Il s'agit d'un groupement d'intérêt public créé par le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'éducation nationale et des établissements d'enseignement supérieur, afin d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français auprès des étudiants étrangers solvables.
Edufrance est doté, en 2000, d'un budget de 17,5 millions de francs, contre 10 millions de francs en 1999. Il est présent à l'étranger sur les sites où peut être effectuée l'information des étudiants. Il participe ainsi à des salons d'étudiants, édite des catalogues répertoriant les formations françaises, noue en France des partenariats pour améliorer l'accueil et faciliter la vie des étudiants et il propose aussi des services d'ingénierie pédagogique.
Ces missions sont ambitieuses, et nous aurons à en évaluer la mise en oeuvre. On peut néanmoins dire dès à présent qu'Edufrance a démarré, en 1999, de façon extrêmement dynamique.
En conclusion de cet aperçu trop bref, je rappelle que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la coopération culturelle et scientifique pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est jamais simple de rendre compte clairement de l'évolution des crédits de la francophonie.
Il y a lieu, en effet, de distinguer, d'une part, les crédits que la France affecte au fonctionnement des instances de la francophonie et aux actions décidées en commun par les sommets des chefs d'Etat et de gouvernement - c'est la francophonie multilatérale - et, d'autre part, l'effort français dans le domaine de la francophonie, auquel concourent de nombreux ministères et que retrace chaque année, à la suite d'une demande jadis formulée par notre regretté collègue Maurice Schumann, un « jaune » budgétaire.
Le service des affaires francophones, directement rattaché au secrétariat général du ministère des affaires étrangères, est chargé du dossier de la francophonie multilatérale. Il suit le fonctionnement des instances de la francophonie et l'utilisation des fonds affectés par la France aux opérations de francophonie.
Il disposera, en 2000, de crédits identiques à ceux de 1999, soit 61,60 millions de francs, dont 53,7 millions de francs affectés au fonds multilatéral unique de la francophonie, en exécution des décisions des sommets, un peu moins de 8 millions de francs étant destinés à soutenir l'action des associations oeuvrant en faveur de la francophonie.
En 1998 et en 1999, ces crédits n'ont pas été victimes d'une régulation assassine qui devenait l'une des mauvaises habitudes de Bercy. Il y a lieu de le saluer, car la commission des affaires culturelles s'est toujours élevée et, avec vigueur, contre d'aussi détestables pratiques.
Fort heureusement, les crédits que la France consacre à la francophonie ne se limitent pas aux crédits du service des affaires francophones.
L'état, rédigé tardivement par le ministère des finances, qui rend compte de l'ensemble du financement interministériel de la francophonie, s'élève, pour l'actuelle loi de finances, à un total de 5 587 millions de francs, contre 5 139,43 millions de francs en 1999.
Le ministère des affaires étrangères représente environ 90 % des crédits du budget général, qui reçoit aussi des fonds provenant des ministères de l'environnement, de la culture, de l'éducation et de la jeunesse et des sports.
Notons enfin que la contribution française représente 75 % du budget total du fonds multilatéral unique, contre 12 % au Canada, 4,5 % au Québec, 4 % à la communauté française de Belgique et 1,6 % à la Suisse, tandis que nous consacrons 345 millions de francs à TV 5, y compris TV 5 Afrique. La France est donc bien, et de loin, le principal financeur de la francophonie.
Nous avions, l'an dernier, monsieur le ministre, approuvé les crédits de la francophonie. Sur ma proposition, la commission des affaires culturelles vous propose, mes chers collègues, d'approuver, cette année encore, des crédits qui sont maintenus à la même hauteur.
Et pourtant, monsieur le ministre, j'ai été tenté de proposer, cette année, l'annulation pure et simple des crédits que nous consacrons à la francophonie.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Pourquoi ?
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je veux m'en expliquer. Car, à quoi sert-il que la France officielle accomplisse un effort important chaque année en faveur de la langue française et de la francophonie si d'autres représentants de cette même France témoignent avec une désolante permanence de leur manque total d'attachement à notre langue et à son avenir ? Je sais très bien, monsieur le ministre, que telle n'est pas du tout votre attitude. Et ne croyez pas que je cède à une crise subite de découragement. Je vais vous donner des exemples précis.
Nous sommes au mois de septembre 1999. Le groupe Renault, dont l'Etat détient encore 44,2 % du capital, annonce qu'il veut « s'acculturer » en adoptant l'usage exclusif de l'anglais pour ses comptes rendus de comités de direction, c'est-à-dire les rapports rédigés chaque semaine par la direction générale et diffusés dans les différentes directions du groupe.
Toujours au mois de septembre de cette même année, à Strasbourg, la société française Aérospatiale-Matra et la société allemande DASA-Chrysler fusionnent. Grande victoire ! Elles donnent à la nouvelle société un nom anglais puisque le sigle EADS dissimule l' European Aeronautic Defence and Space Company. Et la cérémonie inaugurale, en présence du chancelier allemand et du Premier ministre français, débute par un exposé... en anglais !
Toujours en septembre dernier, le lundi 27, M. Christian Noyer, vice-président français de la banque centrale européenne est auditionné par la commission des affaires monétaires du Parlement européen, à Bruxelles. Il choisit de s'exprimer évidemment en anglais, alors que la traduction simultanée dans les onze langues de l'Union est disponible et qu'un seul pays de la zone euro, l'Irlande, a l'anglais pour langue officielle !
M. Emmanuel Hamel. Inadmissible !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. J'ajouterai que, voilà quelques jours, le commissaire européen français M. Lamy, s'exprimant à Seattle, a oublié également que le français est l'une des langues de l'OMC, et s'est exprimé, au nom de l'Union européenne, également en anglais.
M. Emmanuel Hamel. Scandaleux !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Et l'on parle tant, de nouveau, d'exception culturelle qu'il faudrait maintenir au nom de la diversité culturelle et linguistique ! Vous vous souvenez sans doute de la déclaration de Claude Lelouch et de Claude Miller proclamant : « Le cinéma et la civilisation ne sont pas seulement un enjeu économique, ils sont aussi un enjeu de civilisation et d'identité.
« Quel serait l'intérêt d'un monde sans conteurs d'histoires, dépossédé de son imaginaire, de ses langues ? Face à la machine décérébrante d'un certain cinéma hollywoodien, les cinémas nationaux sont autant de cinémas identitaires. C'est là que le cinéma opère cette fusion magique jamais démentie entre argent et création, entre marché et imaginaire. »
Fort bien ! Mais, en octobre de cette année, le film de Luc Besson, Jeanne d'Arc, projeté en avant-première au Sénat, a été présenté en version originale... anglaise ! Et Luc Besson n'y voit pas problème !
Quant à notre ministère de la culture, il semble désormais admettre, dans ses écrits, qu'il y ait des films français qui parlent français et d'autres non. Où est la cohérence, au moment où nous nous battons pour la diversité linguistique ?
M. André Maman. Très bien !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je pourrais multiplier les exemples : celui des troupes rassemblées par différents pays européens dont aucun n'est anglophone qui prennent l'anglais comme langue opérationnelle ; celui de la chaîne d'informations que lance sur la Toile Mme Anne Sinclair, au nom de TF 1, et qui s'appellera Les News. C'est un petit détail, ce n'est pas bien grave !
M. André Maman. Si, c'est grave !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. On pourra chaque fois trouver de bonnes raisons à cette capitulation. Il n'empêche que si nous finissons par trouver normal que le français cesse peu à peu d'être la langue du cinéma, de la publicité, de nos armées, de la grande entreprise, du monde scientifique, il deviendra inutile de réunir des sommets avec tambours et trompettes, car, dans le reste du monde, on ne verra plus guère d'intérêt à apprendre une langue qui se laisse amputer et dominer.
Et pourtant, ils sont nombreux, ceux qui aiment notre langue, notre culture, et présents sur tous les continents. Ainsi, en Algérie, elle s'affirme encore, et parfois au péril de la vie ; au Nigeria, le Gouvernement veut en faire une deuxième langue officielle ; en Europe centrale ou en Asie, elle a des amoureux nombreux, des admirateurs fervents. Ils seront des milliers rassemblés pour tenir congrès à Paris en juillet, ces professeurs de français qui sont aussi des militants de la langue française, dans tous les pays du monde. Allons-nous leur avouer que nos représentants officiels dans les institutions internationales préfèrent parler une autre langue que la langue française ?
Le journal Libération, le 29 septembre dernier, commentant le choix linguistique de M. Noyer, écrivait : « Il est représentatif de l'élite française : la quasi-totalité des fonctionnaires hexagonaux présents dans les institutions européennes a depuis longtemps rendu les armes face à la langue anglaise, au-delà des discours incantatoires sur "la défense du français". »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d'exiger de ceux qui se revendiquent Français pour obtenir des responsabilités internationales qu'ils servent la politique de la France ou qu'ils cèdent la place à ceux qui, comme les Québécois, ont décidé que leur langue et leur culture auront un avenir parce que telle est leur volonté. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Il faut de la volonté !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis, malgré de fortes réserves, un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour l'an 2000, elle n'a toutefois pas pris cette décision sans exprimer de sérieuses inquiétudes.
D'abord, parce que la très légère augmentation des crédits est largement - comme l'ont souligné nos excellents rapporteurs - un faux-semblant, qui dissimule en réalité une simple reconduction et une stabilité des moyens du ministère.
Ensuite, parce que les emplois dégagés proviennent de mouvements internes qui ne se reproduiront pas ; il conviendra donc de veiller à ce que la régression des effectifs, enfin stoppée, ne reprenne pas dès l'an prochain.
Nous continuons ainsi à déplorer fortement que le budget des affaires étrangères ne figure toujours pas, loin de là, parmi les priorités du Gouvernement, alors qu'il s'agit des moyens indispensables à la représentation de la France dans le monde. Je redis donc aujourd'hui fermement que nous devons donner durablement à notre pays les moyens nécessaires à une action internationale efficace.
Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, marque l'achèvement, sur le plan budgétaire, du processus d'intégration des services de la coopération dans l'ensemble du ministère des affaires étrangères. Sans doute est-il encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives de cette importante réforme, mais certains enseignements et certaines interrogations doivent, dès aujourd'hui, être évoqués.
Ainsi, la mise en oeuvre administrative de la réforme suppose encore une grande vigilance, car l'installation des quatre directions qui composent la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, ne semble pas plus aisée que le « calage » des compétences respectives du Quai d'Orsay et de Bercy. Quant à la fusion des personnels, elle soulève des difficultés liées à des cultures de travail profondément différentes. Je ne vous cacherai pas non plus, monsieur le ministre, que les discours globalement apaisants que nous entendons à Paris sur le déroulement de la réforme ne reflètent pas toujours, loin de là, les échos beaucoup plus acerbes qui nous parviennent ou que nous recueillons dans nos postes diplomatiques, à l'occasion de nos déplacements à l'étranger.
Mais le plus important et, à nos yeux, le plus préoccupant est ailleurs : il réside dans la sensible diminution des crédits consacrés aux formes d'aide directe au développement qui relevaient de l'ancienne coopération. Ainsi, le processus, déjà observé depuis deux ans, qui a vu l'aide publique française au développement décroître pour ne plus représenter que 0,41 % du produit national brut, de plus en plus loin de l'objectif affiché de 0,7 %, se trouve poursuivi...
Je crains que l'inquiétude que j'exprimais l'an dernier ici même ne soit en train de devenir réalité : la réforme de notre dispositif de coopération ne dissimule-t-elle pas une diminution des moyens consacrés par la France au développement, particulièrement en Afrique ? Il faut, si c'est le cas, le reconnaître et en donner les raisons. C'est pourquoi, afin d'y voir clair, je réitère une nouvelle fois le souhait que le Gouvernement établisse, à l'intention du Parlement, un document de synthèse évaluant, pays par pays, le poids et l'évolution de notre aide au développement.
Par-delà ces conséquences préoccupantes de la réforme de la coopération, le projet de budget que vous nous proposez comporte aussi un certain nombre d'orientations positives, conformes aux voeux exprimés par la commission des affaires étrangères. C'est le cas notamment du maintien de la priorité accordée à notre action audiovisuelle extérieure, en particulier pour l'amélioration, qui était bien nécessaire, des programmes de TV 5, même si je reste profondément inquiet eu égard à l'activité de cette chaîne sur le continent américain dans son ensemble.
Par ailleurs, il reste toute une série de questions importantes qui n'ont pas encore reçu, malgré quelques inflexions, de solutions satisfaisantes. J'en évoquerai brièvement trois.
La première concerne la cohérence de notre réseau à l'étranger. Son adaptation est une constante nécessité, mais cette exigence est particulièrement difficile à satisfaire, la flexibilité de notre réseau devant être conciliée avec les contraintes financières, mais aussi avec la nécessaire permanence de notre présence. Cette adaptation peut passer, à mon avis, par certaines fermetures de postes, et je pense notamment ici à certains consulats en Europe. Encore faut-il que ces évolutions correspondent à des critères clairs et s'inscrivent dans une politique d'ensemble. C'est pourquoi je crois nécessaire que s'approfondisse une réflexion d'ensemble sur les implantations françaises à l'étranger, qui devrait bien sûr inclure les administrations financières, lesquelles ne doivent pas, dans notre pays, être exemptes de réformes.
Une deuxième observation porte sur les contributions internationales, qui ont été évoquées par MM. les rapporteurs de la commission des finances, ainsi que par M. Dulait.
Le redressement amorcé l'an dernier et poursuivi plus modestement cette année était indispensable pour rattraper le retard accumulé. Certes, notre pays ne saurait adopter la pratique américaine qui privilégie systématiquement les contributions volontaires au détriment des contributions obligatoires, au risque de remettre en cause le fonctionnement même des institutions multilatérales concernées.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Toutefois, il est impératif de combler un retard qui nuit gravement à notre image et à notre influence.
Ma troisième observation portera enfin sur la question très sensible, déjà abordée par plusieurs de mes collègues, de la rémunération des recrutés locaux. Ce problème a fait l'objet, monsieur le ministre, d'un rapport interne, le rapport Amiot, qui dresse une série de constats préoccupants. Je serais heureux que vous puissiez dire au Sénat les suites que vous comptez lui donner. Deux points me paraissent appeler des mesures adaptées : il faut d'abord veiller à ce que des recrutés locaux ne se trouvent pas livrés à eux-mêmes et privés de l'encadrement indispensable lorsqu'ils ont à prendre des décisions - notamment dans les services des visas - qui engagent notre pays ; il faut ensuite remettre à niveau la rémunération de recrutés locaux qui se trouvent beaucoup moins bien traités par les services diplomatiques que vous dirigez qu'ils ne le sont par les représentations étrangères ou, bien entendu, par les postes tout-puissants d'expansion économique français ! Qui peut comprendre et qui pourrait admettre de telles distorsions ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Bravo !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Le temps qui m'est imparti ne me permettra pas, monsieur le ministre, de m'éloigner beaucoup de ces considérations strictement budgétaires pour aborder la politique étrangère de notre pays, mais il va de soi que le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui n'a de sens qu'au service d'une diplomatie ambitieuse. Je souhaite d'ailleurs, monsieur le président, que, au-delà des figures imposées par la discussion du projet de loi de finances, nous puissions organiser au Sénat, dans le courant de l'année parlementaire, un débat spécifiquement consacré aux orientations de la politique étrangère de la France.
Je me contenterai pour l'heure, en guise de conclusion, d'évoquer brièvement l'évolution de la construction européenne. A la veille du conseil européen d'Helsinki, dont il faut espérer qu'il ne soit pas excessivement perturbé par la question de la viande bovine britannique, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser quelques questions.
Verrons-nous, à cette occasion, se concrétiser les outils institutionnels nécessaires - mais pas suffisants - aux progrès de la défense européenne, notamment le comité de politique et de sécurité et le comité militaire ? Quant à l'idée séduisante, brillamment exposée par de nombreux ministres à cette tribune, sur les « critères de convergence » en matière de défense, vous paraît-elle avoir encore quelque avenir ?
Par ailleurs, comment se présente aujourd'hui l'ordre du jour souhaitable, mais aussi le calendrier prévisible, de la prochaine conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions, préalable nécessaire - et, je le rappelle, consacré dans notre loi nationale - à un nouvel élargissement de l'Union européenne ?
Sur ce sujet de l'élargissement - qui est sans doute celui qui fera courir le plus grand risque à la cohésion de l'Union -, notre approche, partagée désormais, je crois, par la Commission, s'abstient de fixer prématurément une date pour l'adhésion des futurs membres. Mais cette position est-elle vraiment partagée par nos partenaires ?
Enfin, les chefs d'Etat et de gouvernement devront nécessairement prendre position sur la crise tchétchène, en particulier sur les traitements inacceptables infligés aux populations civiles. Au moment où l'Armée rouge poursuit son offensive, avec - je le relève - le plein soutien de Pékin, je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez aujourd'hui faire devant le Sénat le point de la position française sur cette situation dramatique.
M. Emmanuel Hamel. Dramatique !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Je conclurai, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en redisant que je demeure convaincu qu'à l'heure de la mondialisation c'est l'Union européenne qui offrira le meilleur cadre à l'épanouissement de notre nation et à la promotion de nos valeurs.
Ces valeurs sont celles d'une France rayonnante et ouverte sur le monde, qui trouvera dans l'Europe un puissant multiplicateur de son influence internationale dès lors qu'elle voudra et saura convaincre ses partenaires.
C'est pour qu'ils soient mis, malgré les insuffisances que j'ai relevées, au service de cette diplomatie ambitieuse que nous voterons, monsieur le ministre, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances au titre du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 13 minutes.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos là où s'est achevé celui de M. le ministre des affaires étrangères, c'est-à-dire, comme il se doit, par quelques réflexions sur le budget qui nous est présenté ce soir.
Le budget du ministère des affaires étrangères, avec près de 21 milliards de francs de crédits, soit 1,25 % des charges totales de l'Etat, ne constitue pas un budget particulier. Toutefois, le « cru » 2000 marque l'arrêt de la chute des moyens, qui était constante ces dernières années. Ce budget permet d'enrayer le déclin et fait même apparaître une légère progression, de l'ordre de 170 millions de francs, ce qui doit permettre notamment d'arrêter la chute des effectifs.
Une des nouveautés de ce budget réside dans la création de 92 emplois dégagés par des redéploiements internes après la fusion avec les services de la coopération.
Grâce à cette fusion et à la rationalisation de la gestion, les dépenses de fonctionnement sont réduites à 2 % tandis que d'importants investissements seront engagés pour poursuivre une politique de modernisation et achever, notamment, la construction d'ambassades à Berlin et à Pékin, la réhabilitation du palais Farnèse à Rome et la réouverture éventuelle de notre consulat à Annaba lorsque les problèmes de sécurité actuellement en discussion auront été résolus avec les autorités algériennes.
Le budget pour 2000 du ministère des affaires étrangères s'inscrit donc dans la réalisation des actes prioritaires définis par le Gouvernement, à savoir affirmer le rôle de la France dans les instances multilatérales - ce qui correspond à l'augmentation de 3 % des contributions volontaires destinées à des organismes internationaux -, soutenir l'aide au développement et à l'action humanitaire, promouvoir notre rayonnement culturel et la francophonie - priorité est donnée à la formation et à l'audiovisuel extérieur - et, enfin, développer l'aide aux Français de l'étranger, avec une hausse de 7 % des bourses scolaires allouées aux enfants français par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et une hausse des crédits destinés à l'assistance aux Français en difficulté.
L'ensemble peut naturellement être jugé insuffisant, mais je considère qu'il est malgré tout positif. Il faut seulement souhaiter que ce budget soit l'amorce d'un redressement nécessaire et non pas seulement une accalmie dans une régression qui devenait préoccupante compte tenu des légitimes ambitions que nous pouvions avoir quant au rôle international de la France dans le monde.
Je voudrais maintenant, comme il est de tradition lors de la discussion du budget du ministère des affaires étrangères, évoquer brièvement quelques problèmes qui occupent l'actualité internationale.
Je commencerai par celui qui est aujourd'hui le plus angoissant, à savoir la guerre à outrance que mène la Russie en Tchétchénie et qui, sous prétexte de combattre un terrorisme qui existe certainement - nous ne le nions pas - écrase sous les bombes des populations civiles innocentes.
Cette guerre que mènent le président Eltsine et le Premier ministre Poutine n'est évidemment pas sans lien, nous le savons déjà depuis quelques semaines, avec les élections législatives prévues pour le 19 décembre en Russie.
Les opérations militaires en Tchéchénie ont sans doute permis au pouvoir actuel de reprendre des forces, dans la mesure où il semble que l'opinion russe y soit favorable. Il est significatif, en tout cas, qu'aucun responsable important politique russe n'ait pris position contre cette guerre.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Claude Estier. Nous avons rencontré récemment M. Primakov à Paris et, bien qu'il soit en opposition avec le Kremlin, il n'a fait qu'approuver l'action menée contre les Tchéchènes, même s'il a souhaité que les populations civiles n'en soient pas trop les victimes, ce qui est un voeu pieux.
Les pressions exercées par les Occidentaux, notamment par la France, sur la Russie pour qu'elle s'oriente vers une solution politique sont restées, jusqu'à présent, sans effet. Moscou refuse toujours une véritable médiation, y compris de l'OSCE, et les Etats-Unis, il faut bien le dire, ne semblent pas vouloir s'engager très loin.
J'ai eu l'occasion d'assister, il y a trois semaines, au sommet de l'OSCE à Istanbul et j'ai été frappé, comme la plupart des observateurs, par l'intervention très modérée - c'est le moins qu'on puisse dire - du président Clinton, qui suivait celle, extrêmement dure, du président russe.
Une charte de la sécurité a finalement été signée lors de ce sommet d'Istanbul, mais cela n'a pas modifié d'un iota le comportement de Moscou, à cette réserve près de l'acceptation d'une visite sur le terrain du président en exercice de l'OSCE.
Il faut bien voir que, si les engagements pris en cette circonstance devaient rester sans suite, il s'agirait aussi d'un mauvais coup porté à l'OSCE et d'un fâcheux précédent pour l'avenir du règlement des conflits en Europe.
Devrons-nous, à l'avenir, accepter que, pour des pays membres de l'OSCE, d'autres conflits interétatiques ou au sein d'un même Etat se règlent aussi brutalement et militairement, au mépris des engagements signés ? De tout cela, il va être question ce week-end au sommet d'Helsinki, où l'on peut espérer l'expression d'une plus grande fermeté de la part de l'Union européenne.
Nous voulons - je le répète - vivre en paix avec la Russie. Nous ne mettons pas en cause son intégrité territoriale, mais nous devons le dire : la Russie d'aujourd'hui nous inquiète et son avenir nous préoccupe.
M. Daniel Hoeffel. Très bien !
M. Emmanuel Hamel. Cela n'a pas changé !
M. Claude Estier. Permettez-moi quelques mots sur l'Organisation des Nations unies, dont la situation financière empire d'année en année du fait du non-paiement par certains grands pays de leur dette à son égard. Les Etats-Unis mènent - on l'a dit souvent, mais c'est toujours vrai - une politique désastreuse et lourde de conséquences d'autant que, tout en critiquant ce qu'ils appellent l'inefficacité de l'Organisation, ils continuent à vouloir faire la loi au Conseil de sécurité,...
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très juste !
M. Daniel Hoeffel. Tout à fait !
M. Claude Estier. ... comme on le voit actuellement à propos de l'embargo contre l'Irak.
M. Daniel Hoeffel. C'est exact !
M. Claude Estier. Je me félicite, à ce sujet, de la position prise par la France, qui a refusé de voter une résolution tout à fait inacceptable.
L'Organisation des Nations unies doit faire face à un nombre croissant d'opérations de maintien de la paix avec des moyens toujours insuffisants, alors qu'elle est par définition l'organisation la plus qualifiée pour intervenir dans la prévention et dans la gestion des conflits.
Je constate avec satisfaction que les crédits prévus dans ce budget vont permettre à la France de s'acquitter scrupuleusement de sa cotisation à l'ONU, où notre pays - je tiens à le dire - jouit d'ailleurs d'une grande autorité. J'ai ainsi pu assister, il y a quelques semaines, à New York, aux élections au conseil économique et social, l'un des organismes importants de l'ONU. La France est arrivée largement en tête du scrutin, l'emportant haut la main dès le premier tour, ce qui n'a pas été le cas pour plusieurs autres grands pays.
Je ne reviendrai pas sur la préparation de la présidence française de l'Union européenne, ni sur les négociations entre les Quinze en prélude à l'élargissement. J'ai entendu ce qu'en a dit tout à l'heure devant nous le ministre des affaires étrangères avant de partir pour le sommet d'Helsinki. Sur ces problèmes, au demeurant fort complexes, nous aurons certainement l'occasion de débattre abondamment dans les prochains mois.
Au Proche-Orient, après des années de blocage, le processus de paix a redémarré. Le 17 mai 1999, les électeurs israéliens ont porté à la tête du gouvernement de leur pays un homme, M. Ehud Barak, qui se veut l'héritier d'Itzhak Rabin. L'espoir d'une solution négociée du conflit israélo-palestinien et d'une reprise des négociations entre Israël et la Syrie et entre Israël et le Liban existe de nouveau. Mais le chemin à parcourir est encore long et la route semée de beaucoup d'embûches, tant les positions des uns et des autres sont éloignées, que ce soit sur la question du statut final des territoires palestiniens ou sur le démantèlement des colonies israéliennes, sans même parler du statut de Jérusalem.
Entre Israël et la Syrie, les conditions pour une reprise des négociations semblent maintenant être réunies et les choses commencent à bouger si l'on en croit les derniers propos tenus par Mme Albright, M. Védrine nous l'a confirmé tout à l'heure.
Entre Israël et le Liban, le retrait des forces israéliennes du Liban-Sud avant juillet 2000, confirmé par M. Barak, risque de créer une situation explosive, et donc dangereuse pour l'ensemble du processus de paix, si ce retrait ne s'inscrit pas dans le cadre d'un accord global entre Israël et le Liban.
La question de la présence palestienne au Liban doit aussi être abordée. Nous savons que la France est très attachée à ce que le processus de paix se poursuive favorablement. M. le ministre des affaires étrangères s'est rendu récemment plusieurs fois dans la région, et notre pays y jouit d'une sympathie et d'une crédibilité qui pourront être fort utiles dans l'avenir.
Mes chers collègues, je voudrai terminer par un autre sujet de préoccupation qui nous concerne encore plus directement, je veux parler de la situation en Algérie.
J'ai eu l'occasion, ces dernières semaines, d'effectuer deux courts séjours à Alger. Le premier, avec le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, M. Huwart, à l'occasion de la Foire d'Alger, m'a permis de constater que les entreprises françaises étaient nombreuses à vouloir revenir travailler en Algérie.
Le second séjour - c'était la semaine dernière, aux côtés du président Christian Poncelet et du président Xavier de Villepin - nous a permis de mesurer l'importance que les dirigeants algériens, et d'abord le tout premier d'entre eux, le président de la République Abdelaziz Bouteflika, accordent à ce qu'ils appellent la « refondation » des relations algéro-françaises. C'est un point, à mes yeux, extrêmement positif, mais qui ne nous dispense pas de nous poser des questions sur la situation en Algérie.
Après une campagne courageuse, au cours de laquelle il a brisé beaucoup de tabous, le président Bouteflika a fait adopter massivement par référendum, le 16 septembre dernier, la loi dite de la « concorde civile », qui offre aux membres des groupes armés des conditions de reddition honorables jusqu'au 13 janvier. Mais, à ce jour, le nombre de « repentis » atteint à peine un millier, et les attentats ont repris, comme chaque année à l'approche de la période du ramadan, ce qui n'est évidemment pas favorable à l'implantation d'entreprises étrangères.
Par ailleurs, le président Bouteflika, trois mois après le référendum, n'a toujours pas été en mesure de constituer un nouveau gouvernement, alors que c'était un de ses principaux objectifs. Il ne nous a pas caché, dans le long entretien que nous avons pu avoir avec lui, qu'il se heurtait à des blocages qui viendraient moins de l'armée que du personnel politique en place. Il reste que la population algérienne commence à éprouver un sentiment d'immobilisme d'autant plus dangereux qu'il succède à une période d'espoir d'une paix retrouvée.
Il ne s'agit évidemment pas pour nous d'intervenir en quoi que ce soit dans les affaires intérieures de l'Algérie, mais nous pouvons donner quelques signes au sujet de problèmes dont la solution est attendue par les Algériens, qu'il s'agisse de l'augmentation actuelle du nombre des visas délivrés ou de la reprise des vols d'Air France vers Alger, alors que d'autres compagnies européennes y sont déjà revenues.
Je ne veux pas, à cette heure tardive, être trop long mais, en terminant, je voudrais dire, monsieur le ministre, que le groupe que je préside soutient activement l'action menée par le ministère des affaires étrangères, action dont j'ai pu constater, au cours de mes déplacements récents, à quel point elle est unanimement appréciée.
Monsieur le ministre, vous nous présentez ce soir une politique et un budget ; nous soutenons votre politique, nous approuvons votre budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de votre budget devant le Sénat me donne l'opportunité de vous entretenir de certains de mes compatriotes français à l'étranger qui sont en situation de précarité.
La paupérisation croissante des communautés françaises expatriées est d'ailleurs bien connue par le Gouvernement puisqu'un rapport a été confié à ma collègue Mme Cerisier-ben Guiga, sur l'exclusion sociale dans les communautés françaises de l'étranger.
Dans ce contexte, j'entends poursuivre l'action à laquelle je me suis attaché depuis que je les représente au Sénat : leur assurer une protection sociale décente et similaire à celle que leur accorderait notre pays s'ils résidaient sur le territoire métropolitain. C'est une entreprise de longue haleine, car l'éloignement géographique des Français de l'étranger fait que, trop souvent, ils sont oubliés.
En ce qui concerne votre ministère, vos voyages et vos rencontres, monsieur le ministre, avec nos compatriotes vous ont permis de mieux cerner cette réalité et de prendre un certain nombre de mesures à leur égard.
C'est ainsi que, sous votre impulsion et celle de la direction des Français à l'étranger, le fonds d'assistance créé en 1977 sous le gouvernement de M. Raymond Barre a connu l'an dernier une hausse de 10 millions de francs. Pour mes collègues de métropole et des DOM-TOM, moins au fait que vous de la situation des Français de l'étranger, permettez-moi de rappeler que ce fonds d'assistance permet d'accorder aux Français expatriés âgés ou handicapés nécessiteux des aides similaires au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes handicapés.
Pour l'an 2000, le projet de loi de finances qui nous est proposé prévoit une hausse globale de 4,7 millions de francs pour l'assistance aux Français de l'étranger.
Si je me félicite de cette nouvelle augmentation qui permettra de nouveau à la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, au sein de laquelle je représente le Sénat, d'actualiser le taux des allocations de solidarité ou pour handicapés, je regrette néanmoins que l'effort entrepris l'an dernier ne se poursuive pas au même rythme.
Si, comme je le préconise depuis plusieurs années, nous avions pu bénéficier d'une nouvelle hausse chaque année de 10 millions de francs - et ce pendant encore trois à quatre ans - cela nous aurait permis d'apporter des réponses concrètes à nos compatriotes expatriés les plus défavorisés. Je pense en particulier aux allocataires du fonds d'assitance dont les ressources très faibles ne leur permettent pas d'adhérer à une couverture maladie comme celle qui est proposée par la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger que je préside.
La solution pour ces personnes passe, comme en France, par l'expression de la solidarité de l'Etat qui, dans ce cas particulier, est représenté par votre ministère.
N'oublions pas qu'en France les minima sociaux tels que le minimum vieillesse ou l'allocation aux adultes handicapés sont assortis de prestations complémentaires diverses et que, surtout, leurs titulaires vont bénéficier de la couverture maladie universelle, alors que les allocations consulaires ne bénéficient, quant à elles, d'aucun complément, si ce n'est à titre exceptionnel comme les aides des sociétés de bienfaisance.
Il est anormal et injustifié que les Français de l'étranger n'aient pas les mêmes droits que nos compatriotes de métropole. Les droits ne peuvent être assurés par la seule caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, qui est une caisse d'assurances volontaires. D'ailleurs, ce ne sont pas les caisses de sécurité sociale qui en métropole assurent cette solidartié. Elle doit être assurée par l'Etat : ce dernier apportant aux plus défavorisés les moyens de régler leurs cotisations à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger qui leur apportera des prestations identiques à celles des autres assurés. Cela passe, je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises à cette tribune, par une augmentation régulière et importante du fonds d'assistance de votre ministère, et c'est une des raisons pour lesquelles j'aurais souhaité que la hausse prévue pour 2000 soit plus importante.
La seconde raison qui me conduit à regretter l'accroissement limité de cette ligne budgétaire concerne les enfants handicapés.
C'est un sujet douloureux pour de nombreuses familles expatriées. Là encore, l'expatriation peut être source de discrimination car, si en métropole, ces enfants bénéficient d'une allocation fixe mensuelle comme l'allocation d'éducation spéciale, à laquelle peut s'ajouter l'aide pour tierce personne, ainsi que de la couverture médicale et l'accès à de nombreux établissements spécialisés, il n'en va malheureusement pas de même hors de nos frontières car, dans de nombreux pays étrangers, ils n'ont pas accès à ce type de couverture ou de structure.
Prenant acte de cette situation, la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, dans sa réunion du 24 février 1999, a décidé, sur ma suggestion, d'aller au-delà des instructions ministérielles pour les enfants présentant des handicaps lourds.
C'est ainsi que mes collègues du Conseil supérieur des Français de l'étranger, les représentants des associations de Français de l'étranger, les représentants de votre ministère et moi-même avons jugé que 107 enfants handicapés devaient bénéficier d'une aide allant de 688 francs à 1 400 francs par mois. Ce que nous avons fait là doit ouvrir la voie à une réforme plus profonde et plus vaste des aides apportées aux enfants handicapés résidant à l'étranger.
Votre réponse à ma question écrite du 5 novembre 1998 sur ce sujet ne me satisfait pas totalement, car elle ne fait que citer ce que nous avons fait dans le cadre de la commission permanente, sans susciter de perspectives d'ajustement des textes.
Le troisième point que je souhaite aborder est l'assistance en Europe.
Nos compatriotes qui vivent dans les pays de l'Union européenne s'étaient vivement émus l'an dernier de l'annonce de la suppression des aides qui leur étaient accordées au titre du fonds d'assistance. En effet, s'agissant d'aides non contributives, les institutions européennes et le Conseil d'Etat avaient demandé à la France de se mettre en conformité avec la législation européenne, laquelle prévoit que c'est au pays de résidence d'attribuer des aides équivalentes au minimum vieillesse ou aux allocations aux adultes handicapés.
Depuis, les choses ont été clarifiées et grâce à l'action de la direction des Français à l'étranger et de nos représentants dans les pays membres, nos compatriotes ont été rassurés : ils ont été incités, à juste titre, à demander les aides locales de leur pays de résidence et, lorsque celles-ci sont inférieures au taux des allocations fixées par la commission permanente, nos postes leur verseront une allocation d'un montant égal à la différence constatée.
Récemment, me rendant en Espagne, où ce problème avait engendré des remous très vifs, j'ai pu constater que la situation se normalisait et était en voie d'apaisement.
Enfin, avant de conclure, permettez-moi d'évoquer la question des sociétés françaises de bienfaisance.
A l'origine, lors de la création du fonds d'assistance en 1977, une question s'était posée quant au subventionnement des sociétés de bienfaisance qui aidaient ceux de nos compatriotes qui ne pouvaient prétendre aux aides de votre ministère.
Toutefois, devant le nombre de plus en plus important de Français en difficulté et devant l'incapacité de nos postes à aider ces derniers en raison du gel, voire de la diminution en francs constants des crédits d'assistance de votre ministère, les sociétés de bienfaisance ont été amenées à se substituer de plus en plus souvent aux consulats et à intervenir plus fréquemment.
Devenues un complément indispensable des aides consulaires et ne disposant pas toujours des fonds nécessaires, elles peuvent obtenir des subventions du ministère, et c'est ainsi qu'en 1998 près de cent sociétés de bienfaisance ont bénéficié de plus de 4,4 millions de francs.
En contrepartie, nous assistons à un interventionnisme croissant des consulats et des comités consulaires pour la protection sociale dans leur gestion, lesquels contrôlent désormais de façon stricte non seulement l'utilisation des fonds publics dont elles bénéficient, ce qui est normal, mais vont souvent au-delà en demandant à ce que bilans et comptes leur soient communiqués.
Les sociétés de bienfaisance prennent cela pour une mise sous tutelle et le ressentent d'autant plus mal lorsque l'aide publique est minoritaire, voire minime, dans leur budget.
Au moment où tous s'accordent pour reconnaître unanimement que les sociétés de bienfaisance servent efficacement de relais à nos postes consulaires dans le domaine social, et ce en raison principalement de la souplesse de leur gestion, il est paradoxal de constater que beaucoup de ces même postes prennent prétexte du contrôle légitime de l'utilisation des fonds publics pour encadrer ces associations et s'immiscer dans leur gestion et leur action.
Je comprends qu'il faille vérifier qu'il n'y ait pas de détournement de l'aide de l'Etat, mais la quasi-totalité d'entre elles font une oeuvre remarquable à l'égard de nos compatriotes expatriés ; il ne faudrait donc pas les décourager ni entraver leur action par un interventionnisme trop important.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'action envers les Français de l'étranger les plus démunis constitue une priorité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, certes, va dans le bon sens, mais il ne va pas assez loin pour permettre la mise en oeuvre de la solidarité telle que nous le concevons à leur égard et dont je vous ai exposé les principaux axes. L'effort important de redressement entrepris en 1999 est plus limité cette année ; nous aurions aimé mieux. Souhaitons que l'an prochain vous repreniez ce mouvement et que vous l'amplifiiez. Nos compatriotes expatriés l'attendent. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profiterai de la discussion du budget des affaires étrangères pour évoquer la situation dramatique à laquelle le peuple irakien est aujourd'hui confronté.
Neuf ans après la guerre du Golfe, l'Irak fait toujours l'objet d'un embargo quasi total de la part de la communauté internationale.
Imposée par les Nations unies à une époque où l'Etat irakien avait violé ses obligations internationales, la situation politique a depuis lors profondément changé. Plus rien ne justifie aujourd'hui l'embargo sur l'Irak. Bien au contraire, tout plaide en faveur de sa suppression.
A l'heure de la mondialisation, alors que tout le monde s'accorde à reconnaître les vertus de l'échange généralisé entre les différentes parties de la planète, quelle est la légitimité d'une mesure dont le ressort fondamental est l'exlusion ?
Au moment où s'engagent de nouvelles négociations commerciales internationales, alors que la préoccupation commune des Etats est de développer, partout dans le monde, la richesse des populations, d'assurer leur bien-être et leur progrès social, qu'est-ce qui justifie le maintien d'une mesure qui appauvrit un peuple entier, le livrant à la misère et à la famine ?
Le compromis « pétrole contre nourriture », imposé par la résolution 986 des Nations unies et entré en vigueur depuis décembre 1996, devait permettre à l'Irak de vendre du pétrole en quantité suffisante afin de subvenir aux besoins les plus vitaux de sa population. Il est aujourd'hui unanimement reconnu, tant sur le plan sanitaire qu'alimentaire, que tel n'est pas le cas.
Le peuple irakien est confronté, chaque jour davantage, à un extrême dénuement : une population sous-alimentée, affaiblie par l'absence de soins médicaux suffisants ; une mortalité infantile croissante, gonflée par le manque de médicaments indispensables.
En frappant les classes les plus défavorisées et les plus faibles, l'embargo bafoue les règles les plus élémentaires de l'humanité, notamment la première d'entre elles : le respect du droit à la vie.
Que penser, aussi, de l'utilisation par les occidentaux d'armements à uranium appauvri, lors des bombardements qui ont fait suite à l'invasion du Koweït ?
On en mesure à peine aujourd'hui toutes les conséquences dramatiques. Les cas de cancer et de leucémie ne cessent de se multiplier. La guerre du Golfe ne fut pas si propre. Les commissions d'enquête ne cessent de confirmer la contamination des personnes, des eaux, de la végétation, des animaux et de l'air en Irak, au Koweït et dans les pays limitrophes. Le nombre de victimes, déjà considérable - certaines estimations font état d'un million et demi de victimes depuis dix ans - n'a pas fini de croître.
A tout cela, peut-on rester indifférent ? A l'aube du troisième millénaire, l'humanité ne s'enorgueillerait-t-elle pas de redonner à un pays entier toute sa dignité et toute son indépendance ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette situation est d'autant plus inacceptable qu'elle procède quasi exclusivement de la volonté politique des Etats-Unis, quand ce n'est pas de celle des lobbies pétroliers qui cherchent à évincer l'Irak de la compétition internationale.
Les Etats-Unis, jouant de l'influence prépondérante qu'ils exercent au sein des Nations unies, diabolisent l'Irak afin de justifier leur ingérence dans les affaires intérieures de cet Etat. Véritable bouc émissaire des Américains, l'Irak nourrit tous les fantasmes, exacerbe toutes les angoisses, sert d'exutoire à toutes les peurs.
Une vision aussi barbare, au sens fort du terme, n'avait pas prévalu depuis longtemps sur la scène internationale ! Les vieilles peurs millénaristes resurgissent en cette fin de siècle avec une vigueur rarement égalée : la peur de l'étranger, le rejet de l'autre en tant qu'il est différent. Il faut le déplorer.
L'Irak ne dispose plus d'un armement atomique, chimique et bactériologique susceptible de peser sur le Moyen-Orient. Si la démocratie doit encore progresser, l'Irak n'est plus un terrain politique miné, facteur d'instabilité et de désordre.
Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies s'apprête à adopter une résolution globale sur l'Irak, il faut exiger la levée de l'embargo, la suppression des contrôles exercés par l'UNSCOM et la fin des raids quasi quotidiens des avions américains et britanniques dans le nord et le sud du pays.
Il est temps de réintégrer l'Irak au sein de la communauté internationale, de respecter les droits fondamentaux de cet Etat souverain.
La France doit veiller à ne pas se décrédibiliser, en cédant aux pressions américaines et britanniques. Elle doit s'opposer à toute reconduction du programme « pétrole contre nourriture ». Elle doit dénoncer tout projet de résolution prévoyant le retour en Irak d'experts en désarmement, en échange d'une suspension de l'embargo économique. La suspension des sanctions imposées à l'Irak doit être dissociée de la reprise du contrôle sur son désarmement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je terminerai mon intervention en appelant votre attention sur un pays d'Europe qui est en quête de stabilité. Je veux parler, bien sûr, de l'Albanie, dont les retards économiques et la grande pauvreté ne cessent de s'accroître.
L'an passé, dans cet hémicycle, je rappelais combien il était important pour notre pays, ainsi que pour les autres membres de l'Union européenne, d'apporter un soutien technique et économique à l'Albanie. Nous ne pouvions pas laisser dégénérer une situation politique et économique sur le continent européen. Nos intérêts stratégiques et notre crédibilité internationale pouvaient s'en trouver affectés.
De ce point de vue, je me réjouis d'avoir été en partie entendu. La Commission européenne vient en effet d'adopter un rapport visant à étudier la faisabilité de la négociation d'un accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie. Fondamentalement, il s'agit d'instaurer avec ce pays des liens provisoires avec l'Union européenne, en attendant une adhésion future.
Les efforts doivent être poursuivis, car la tâche n'est pas aisée. Confrontée à un manque de sécurité et d'ordre public manifeste, gangrénée par une corruption chaque jour plus généralisée, handicapée par la faiblesse générale de son économie, l'Albanie doit faire face à de graves problèmes. La guerre du Kosovo n'a pas simplifié la situation.
Pourtant, malgré toutes ces difficultés, le Gouvernement et le peuple albanais n'ont pas ménagé leurs efforts pour s'engager sur la voie des réformes. J'aimerais aujourd'hui leur rendre hommage. J'aimerais que la représentation nationale se joigne à moi pour les assurer du soutien de la France et les encourager à poursuivre leur action. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an 2000 marquera l'arrêt du recul du budget du ministère des affaires étrangères pour la première fois depuis cinq ans. Faut-il pour autant se satisfaire de l'augmentation de 0,64 % proposée, alors que l'inflation est de 0,90 % et que le taux de change du dollar se situe à 6,40 francs quand la base de calcul du présent budget retient 5,83, soit 11 % de différence en notre défaveur, pour toutes les dépenses en devises étrangères ?
Dans ces conditions, il est bien difficile de faire du triomphalisme, d'autant que la part des affaires étrangères dans le budget de l'Etat est réduite à 1,25 % contre 1,68 % en 1993 et qu'il en est de même des crédits totaux de l'action extérieure de la France qui s'établiront à 54 milliards de francs l'an prochain, soit 2 % de moins qu'en 1999.
Le budget des affaires étrangères ne constitue donc plus un budget prioritaire pour notre pays, situation que j'estime très préjudiciable alors que de nombreuses missions nouvelles lui incombent, en plus de la simple mission diplomatique, du fait de la mondialisation et de la naissance de nouvelles nations.
Je citerai tout d'abord l'aide au développement, pour laquelle la France consacre un des pourcentages les plus élevés de son produit national brut parmi les grandes nations, mais qui nécessite encore plus de moyens pour permettre aux pays les plus pauvres de décoller.
J'évoquerai ensuite la coopération culturelle, scientifique et technique, est considérée aujourd'hui comme l'action la plus efficace en faveur des pays émergents. A ce sujet, est-il possible, monsieur le ministre, d'accélérer le vote de la loi sur le volontariat civil en coopération internationale, qui a été adoptée à l'unanimité au Sénat après une mise au point laborieuse, et qui sera désormais la formule de coopération des jeunes à l'étranger ?
Je mentionnerai également quelques missions importantes des affaires étrangères.
Il s'agit d'abord de l'effort en faveur de la francophonie, avec la création du programme Eiffel, qui constitue un instrument nouveau pour attirer les meilleurs étudiants étrangers dans nos universités et nos grandes écoles.
Il s'agit aussi de l'action audiovisuelle extérieure, qui est le moyen de masse le plus efficace pour diffuser nos valeurs et maintenir notre position dans le monde, action sur laquelle nos partenaires, en particulier l'Angleterre et l'Allemagne, sont très performants. Je salue à ce sujet l'excellent travail de la présidence de TV 5-CFI assurée par Jean Stock.
Il s'agit encore de la participation aux contributions internationales que nous sous-estimons. Quatrième contributeur obligatoire des Nations unies, la France plafonne entre le dixième et le seizième rang des contributions volontaires. Comme membre permanent du Conseil de sécurité, notre pays se doit d'y maintenir une présence forte. De plus, de nombreux organismes internationaux se créent pour répondre aux besoins de la globalisation. La libéralisation progressive des échanges va nécessiter des règles et des contrôles importants, il faut éviter que la place de la France ne soit minimisée. N'est-il pas souhaitable, monsieur le ministre, d'avoir une représentation française plus importante aux Nations unies, surtout dans les hautes sphères ?
Il s'agit enfin des crédits pour les Français de l'étranger qui restent modestes. Notre pays encourage ses ressortissants, en nombre insuffisant à l'étranger, à s'expatrier pour le développement du commerce extérieur, pour l'exportation surtout joue un rôle de plus en plus important sur le marché de l'emploi en France. Les meilleurs marchés à l'extérieur sont les pays où nos ressortissants sont les plus nombreux.
Nos structures à l'étranger se doivent donc de répondre à leurs besoins nouveaux. Si le réseau d'établissements scolaires français à l'étranger est très étendu et de grande qualité, l'accès de nos écoles devient de plus en plus cher malgré l'effort consenti par le Gouvernement pour l'attribution de bourses aux familles françaises à revenus modestes. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas développer davantage les établissements scolaires en coopération avec nos partenaires européens, afin de partager les coûts de construction et de fonctionnement des écoles à l'étranger, comme cela se fait déjà à Taïwan et aux Philippines ?
Les consulats, qui délivrent les visas des hommes d'affaires et des touristes venant en France, ont de plus en plus de travail et de moins en moins de personnel.
Heureusement, je tiens à le souligner, le ministère des affaires étrangères dispose d'un excellent personnel à l'étranger, qui a une large expérience mondiale.
Aussi, le redéploiement de postes annoncé pour l'année prochaine est bienvenu, mais il devra s'accompagner d'une modernisation des moyens de communication pour faciliter les missions nouvelles. Il pourrait s'inspirer de ce que fait le Foreign Office britannique, qui développe considérablement son infrastructure mondiale de télécommunications, avec une communication vocale directe et protégée, des services de visioconférence, des courriers électroniques avec secret, des équipements de bureaux automatisés. Mme Albright demande aussi d'importants crédits nouveaux pour le ministère américain des affaires étrangères en insistant sur les raisons de sécurité.
De fait, la globalisation de notre planète creuse toujours davantage le fossé existant entre les pays riches et les pays pauvres, qui n'arrivent pas à décoller, comme les récents événements de Seattle en ont apporté la bruyante démonstration.
Toutes les missions que je viens d'évoquer sont donc indispensables pour contribuer, dans la mesure du possible, à la stabilisation du monde pour des raisons de solidarité et d'interdépendance.
Je voudrais enfin aborder deux points particuliers.
Le premier est relatif au patrimoine immobilier du ministère des affaires étrangères, qui contribue au prestige de notre pays.
En raison du coût élevé de son entretien, de sa rénovation et de la très grande extension de notre réseau diplomatique et consulaire - le deuxième au monde après celui des Etats-Unis - certains postes restent néanmoins installés dans des conditions inadéquates : je me réfère à des bureaux ou à des résidences en location qui ne peuvent être aménagés du fait de leur précarité. Or, la présence diplomatique française est par principe définitive et ne doit pas être sujette à de tels aléas.
Un problème de moyens se pose, certaines priorités, comme la construction de notre ambassade à Berlin, s'imposent, et les crédits restants sont toujours insuffisants pour financer plusieurs achats amortissables sur un seul exercice budgétaire.
La formule du crédit-bail, plus connu sous le nom de leasing, permettrait de contourner cette difficulté, en réalisant une location-achat des immeubles nécessaires, ou même en les faisant construire. A l'expiration du délai fixé, l'immeuble deviendrait la propriété de l'Etat, qui aurait éventuellement pu effectuer les aménagements, suivant ses besoins, dès sa signature.
Aucun obstacle juridique ne s'oppose à ce que cette formule, développée surtout aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon, ne s'applique à l'Etat français, qui pourrait contracter le crédit-bail à travers l'agence à l'étranger d'une grande banque française.
La même formule pourrait également être utilisée pour les nouveaux établissements d'enseignement français à l'étranger que le Gouvernement installe, par exemple, à Ankara, à Moscou ou à Milan. Ainsi, les soldes des crédits immobiliers du ministère permettraient la mise à disposition immédiate des locaux nécessaires à son bon fonctionnement. Que pensez-vous, monsieur le ministre, de cette formule, qui entrerait dans le cadre d'une modernisation de l'investissement public ?
Le second point particulier que je souhaite aborder concerne les indemnisations des biens des Français spoliés à l'étranger.
Dans ce domaine, notre administration n'a pas toujours donné la priorité qu'elle mérite aux demandes présentées par nos ressortissants victimes de nationalisations, de mainmises, de réquisitions de biens ou de titres leur appartenant, notamment. Je pense aussi aux spoliations de nos compatriotes en Tunisie, en Ethiopie et dans d'autres pays, qui n'ont pas été réglées de façon satisfaisante.
Par ailleurs, dans certains pays, nos ressortissants qui ont cotisé de longues années ne perçoivent pas aujourd'hui les arrérages correspondants.
D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou Israël, sont particulièrement actifs à ce sujet et, grâce à leur pugnacité, passent les premiers aux yeux des pays débiteurs. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'une meilleure attention pourrait être apportée à ces problèmes afin de clore rapidement et de façon satisfaisante ces contentieux ?
C'est l'image de la France qui est en jeu. Je citerai le cas des emprunts russes et du remboursement aux banques du Club de Londres de leur dette sous forme de titres amortissables sur vingt-cinq ans. Les porteurs français d'emprunts russes recevront 400 millions de dollars seulement de la Russie, qui représenteront moins de 1 % de leurs valeurs actualisées. Certes, il s'agit d'une indemnisation, mais celle-ci devrait couvrir l'ensemble du préjudice subi, qui concerne bon nombre de nos compatriotes.
Pour l'avenir, je ne saurais que féliciter nos pouvoirs publics pour les nombreux accords qu'ils signent avec les gouvernements étrangers relatifs à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements. Environ quatre-vingts accords bilatéraux sont en application et les textes récents représentent indéniablement une garantie contre ces formes de spoliations.
En conclusion, malgré les faiblesses que j'ai évoquées, je voterai votre budget pour l'an 2000, monsieur le ministre, en espérant que l'entrée dans le troisième millénaire provoquera un déclic salutaire et que l'on reconnaîtra l'importance de l'action extérieure de la France pour le prestige de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 octobre dernier, personne ne l'ignore aujourd'hui, la population mondiale a franchi la barre symbolique des 6 milliards d'habitants, soit le double de ce qu'elle était en 1960 et le quadruple de ce qu'elle était au début du siècle.
Certes, la croissance de la population mondiale se ralentit : son taux est passé de 2,4 % à 1,3 % en l'espace de trente ans. Pourtant, si la menace d'une « explosion démographique », que l'on redoutait il y a trente ans, s'éloigne, la population de notre planète continue encore à augmenter de 78 millions de personnes par an.
Dans son rapport annuel, le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population, le FNUAP, renouvelle ses mises en garde contre une croissance démographique anarchique qui entraverait le développement économique, déséquilibrerait un peu plus les conditions climatiques, dégraderait l'environnement et se traduirait, en définitive, par une aggravation des conditions de vie des populations concernées.
Plus que sur l'évolution globale de la population, les inquiétudes du FNUAP portent sur sa dimension qualitative. « La croissance démographique se situe principalement dans les pays les plus pauvres et les moins préparés au monde. Il dépendra des décisions et des mesures prises pendant la prochaine décennie, en matière d'éducation, d'égalité des sexes et de santé notamment, que la croissance démographique continue ou non à se ralentir et s'accompagne d'un surcroît de bien-être ou, au contraire, d'épreuves de plus en plus dures », note ainsi le FNUAP.
Ecoutez-bien : 80 % de la population mondiale vit en effet dans des pays en développement, qui représentent à eux seuls 95 % de la croissance démographique mondiale !
On mesure l'ampleur du défi lorsque l'on sait que les trois cinquièmes des 4,8 milliards d'habitants du tiers monde sont toujours privés d'hygiène élémentaire, que le tiers d'entre eux n'a pas accès à une eau salubre, que le quart seulement dispose d'un logement décent et le cinquième d'un accès à la santé.
Le facteur déterminant pour l'avenir sera donc la liberté de choix en matière de fécondité.
Il n'est heureusement aujourd'hui plus question de mesures autoritaires visant à réduire la natalité. Depuis la Conférence internationale sur la population et le développement, qui s'est tenue au Caire en septembre 1994, les programmes de population se fondent sur les droits en matière de procréation, c'est-à-dire le droit de décider librement du nombre de ses enfants et de l'espacement de leur naissance.
La mise en oeuvre de ce droit passe par des programmes « qui permettent aux femmes de mener à bien grossesse et accouchement et donnent aux couples toutes les chances d'avoir un enfant en bonne santé, quand ils le souhaitent », indique le plan d'action de la conférence du Caire.
L'objectif est donc d'accroître le bien-être de la population, notamment celui des femmes, en facilitant l'accès à l'éducation, aux soins et à la planification familiale.
Cinq ans après la conférence du Caire, un premier bilan de l'action des différents pays dans le domaine de la population a été dressé en juin 1999, lors d'une session spéciale de l'assemblée générale des Nations unies. Cette session a adopté un plan d'action qui constitue un pas en avant par rapport au programme du Caire, notamment en matière d'information sexuelle des adolescents.
Le plan d'action défini à New York reprend globalement celui du Caire sur la nécessité de promouvoir les droits des femmes, d'oeuvrer en faveur de leur éducation et de l'implication des hommes dans les choix reproductifs. Il précise en outre que les gouvernements sont invités à oeuvrer en faveur d'un accès universel à la contraception et aux méthodes de prévention des maladies sexuellement transmissibles, selon un calendrier précis.
L'année 1999 semble avoir marqué enfin un tournant dans l'attitude de la France en faveur des politiques de population, tournant dont nous devons nous féliciter.
Le Gouvernement a ainsi réaffirmé à maintes reprises son soutien aux politiques de population et sa volonté de participer à la réalisation des objectifs définis au Caire en 1994 : je pense notamment aux propos que vous avez tenus vous-même au Sénat, monsieur le ministre, devant notre groupe d'études « Démographie et population mondiale » en avril dernier, ainsi qu'à la déclaration de M. Bernard Kouchner devant l'Assemblée générale des Nations unies consacrée au bilan de la conférence du Caire.
L'année 2000 sera consacrée à l'évaluation quinquennale de la conférence de Copenhague, sur le développement social, et de celle de Pékin, sur les femmes. Dans la mesure où le lien entre développement social, statut des femmes et évolution démographique n'est plus à démontrer, je souhaite savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend profiter de ces évaluations quinquennales pour inscrire durablement les politiques de population au coeur de sa politique de coopération.
De même, la France va-t-elle continuer à inciter la francophonie à affirmer son projet politique, notamment en matière de développement social, et donc en faveur des politiques de coopération ?
La France a signé le 4 septembre dernier, en marge du sommet de la francophonie, un accord général de coopération avec le FNUAP ainsi que deux protocoles de cofinancement France-FNUAP de 5 millions de francs chacun au bénéfice de la Côte d'Ivoire et de Madagascar.
A cette occasion, vous avez déclaré que la signature de ces protocoles donnaient « un signal à nos amis des pays en développement : oui, la coopération française continue d'être à leurs côtés pour mettre en oeuvre leurs politiques en matière de population. Oui, elle fait alliance avec les grandes organisations internationales dont elle estime que leur coopération et leur savoir-faire donnent les meilleurs garanties de résultats ».
Je me réjouis de vos déclarations. L'effort qui a été ainsi accompli mérite d'être confirmé. Les deux programmes signés avec le FNUAP, d'une durée de quatre ans chacun, sont intégralement financés par le fonds de solidarité prioritaire - l'ancien fonds d'aide et de coopération - en 1999. Mais je souhaite savoir si le Gouvernement entend reconduire cette initiative en 2000 pour d'autres pays.
Je terminerai par une suggestion : ne pourrait-on pas utiliser l'annulation de la dette au profit du développement social ?
Lors du G.8 de Cologne, la France s'est montrée particulièrement favorable à l'annulation de la dette des pays en développement, initiative qu'il convient de saluer. Toutefois, les modalités de cette annulation, dont le principe est désormais acquis, restent à définir. S'agira-t-il d'un simple jeu d'écritures comptables entre ministères des finances ou, au contraire, d'un réel outil d'aide au développement ?
Pour être vraiment efficace, cette annulation de la dette devrait être conditionnée à la création de fonds de conversion destinés à relancer les politiques sociales qui ont trop souvent été les premières victimes des coupes budgétaires consécutives à la mise en place des fameux programmes d'ajustement structurel. Elle deviendrait ainsi un véritable outil incitatif d'aide au développement dans des domaines où les besoins des populations locales sont importants : éducation de base, développement durable, développement social, politiques de population... Choisir cette voie permettrait en outre de mieux assurer la réalisation effective des plans d'action adoptés lors des grandes conférences internationales du Caire, mais aussi de Pékin et de Copenhague.
J'aimerais connaître votre sentiment, monsieur le ministre, sur cette proposition.
Au terme de cette intervention, je souhaite, au nom du groupe d'études « Démographie et population mondiale », faire part de ma satisfaction de constater que nos appels répétés ont été enfin entendus par le Gouvernement et que des efforts significatifs ont été accomplis depuis l'année dernière.
Je vous invite, par conséquent, monsieur le ministre, à persévérer dans cette voie, afin que l'action de la France en matière de politiques de population fasse honneur à la tradition humaniste et généreuse de notre pays. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats sur le budget des affaires étrangères et de la coopération sont l'occasion, outre un examen attentif de l'évolution des crédits, d'une réflexion sur la politique internationale de la France et sur la situation du monde aujourd'hui.
Le budget des affaires étrangères pour 2000 traduit, pour la deuxième année, les conséquences de la fusion des affaires étrangères et de la coopération, mais le recul est encore insuffisant pour en dresser un bilan complet.
Nous pouvons cependant noter que la progression des crédits, même faible, et la stabilisation des effectifs rompent avec une régulière diminution des moyens du ministère. Etant intervenue l'an dernier longuement sur ce point, je note ce fait avec intérêt.
Sans idéaliser la situation, nous constatons régulièrement combien l'image de la France est positive dans le monde. C'est une richesse que nous devons préserver.
Nous souhaitons donc que notre pays consacre des moyens suffisants à sa politique étrangère : celle-ci doit pouvoir être à la hauteur des enjeux politiques internationaux. Elle doit aussi promouvoir nos intérêts économiques et commerciaux.
J'ajoute que la demande de renforcement des relations culturelles avec notre pays est quasi unanime et que nous ne pouvons l'ignorer.
Nous sommes à la veille d'un nouveau millénaire au cours duquel nous aurons, dans un monde toujours plus interdépendant et particulièrement instable, à construire un avenir plus pacifique, plus démocratique, où coopération et codéveloppement permettront à tous les peuples d'accéder à une meilleure répartition des richesses humaines.
Mais où en sommes-nous aujourd'hui ?
Le XXe siècle a été témoin de progrès scientifiques et technologiques impressionnants. Ces progrès sont réels, même si les violences et les guerres n'ont, dans le même temps, pas cessé.
Parallèlement à cette dynamique de progrès que l'on penserait favorable à tous, l'écart entre riches et pauvres continue de se creuser.
A ce sujet, le dernier rapport du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, publié cet été, a marqué les esprits. Un seul chiffre souligne l'ampleur du phénomène : les trois plus grosses fortunes mondiales, dont celle de Bille Gates, représentent près de l'équivalent du PIB des quarante-huit pays les plus pauvres.
Aujourd'hui, 120 millions d'individus vivent encore avec moins de un dollar par jour et plus de 1 milliard ne peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires. Notre collègue M. Lucien Neuwirth vient d'évoquer le problème.
Toujours selon le PNUD, il suffirait de moins de 4 % de la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes mondiales pour permettre à toute la population du globe de satisfaire ses besoins de base et d'avoir accès aux services sociaux élémentaires, comme l'éducation et la santé.
Rappelons ici que le sida a tué plus de 2 millions de personnes depuis le début de l'année pour la seule Afrique subsaharienne, faute de moyens investis dans la prévention et le traitement de la maladie.
Je tiens d'ailleurs à exprimer ici ma satisfaction quant au débat approfondi qui s'est déroulé au Sénat au sujet de l'instauration d'une taxation des mouvements internationaux de capitaux, dit taxe Tobin, les sommes dégagées devant être mises au service du développement social pour tous.
Je regrette, bien entendu, que cet amendement n'ait pas été adopté, mais je note que la conscience de la nécessité d'une réaction forte au diktat des marchés financiers grandit dans l'opinion, y compris au niveau des parlementaires.
Les opinions publiques commencent aujourd'hui à prendre conscience et à se mobiliser contre ces inégalités. L'intervention de la société civile au sommet de Seattle de l'OMC en est un témoignage. Grâce à cette mobilisation très importante, les négociations ont été bloquées et devront reprendre sur d'autres bases. La France y a joué un rôle actif, que nous apprécions.
« Le monde n'est pas une marchandise », ont scandé les manifestants s'opposant à l'OMC à Paris, Londres ou Seattle.
Je crois en effet que cette formule résume bien le tout premier défi du XXIe siècle : il est nécessaire d'inverser la tendance et de placer l'être humain et son épanouissement, partout sur la planète, au coeur de toute politique, et ce à la place de la seule logique financière qui prévaut aujourd'hui.
La mondialisation est nécessaire. Elle marque une étape de l'humanité. Mais, pour nous, cette mondialisation doit être synonyme de solidarité et de partage et non pas de mise en concurrence et de domination.
La présidence française de l'Union européenne, qui doit intervenir prochainement, pourrait être une occasion d'intensifier les efforts de coopération à l'égard des pays du Sud, mais aussi de l'Est, dans le cadre de l'élargissement.
A la veille du sommet d'Helsinki, où des décisions vont être prises par les gouvernements de l'Union européenne, il nous semble nécessaire que la France témoigne de la volonté de mettre en place une politique de codéveloppement avec les pays candidats à l'intégration, au lieu de promouvoir des mesures d'austérité dramatique pour les peuples concernés. Pour réorienter cette Europe, il faut obtenir une véritable démocratisation de son fonctionnement.
Les peuples européens souhaitent développer la coopération. Pour ce faire, il faut leur donner la parole et les entendre. Or, ce n'est pas totalement le cas aujourd'hui et la très faible participation aux dernières élections européennes le confirme.
Une véritable transparence du fonctionnement européen est nécessaire. Dans cette optique et à notre niveau, une meilleure information des parlementaires des différents pays devrait être favorisée. Avant tout conseil important, comme celui d'Helsinki, nous souhaiterions qu'un débat sur le contenu des discussions puisse être organisé au Parlement.
La guerre au Kosovo a indéniablement marqué l'année internationale. Ce conflit, d'une rare violence sur le continent européen, a mis notamment en évidence la relative impuissance de l'ONU face à la toute puissance américaine et à l'OTAN.
Le Kosovo et la Serbie sont aujourd'hui à reconstruire.
La France a, de toute évidence, un rôle efficace à jouer pour permettre aux Balkans de retrouver sécurité et stabilité.
Nous voulons, comme vous, favoriser l'émergence d'un Kosovo pluriethnique, respectueux des droits de chacun. Il est bien évident que l'aide à la reconstruction sera déterminante, y contribuera et favorisera l'instauration de la démocratie.
Je sais que la France n'est pas inactive et que, par ailleurs, la tâche du contingent français n'est pas facile, qu'elle est même parfois dangereuse.
Mais, monsieur le ministre, comment expliquer le non-respect des engagements tenus ? Nous assistons désormais à un véritable nettoyage ethnique inversé, dont les Serbes présents au Kosovo sont aujourd'hui des victimes ! Des milliers de policiers ont été annoncés, mais ils sont très peu sur le terrain et manquent cruellement. Des millions de dollars ont été promis, mais l'argent fait encore défaut pour la reconstruction, condition essentielle de la paix. Cette situation est, à nos yeux, totalement inacceptable.
En ce qui concerne la Tchétchénie, les nouvelles qui nous parviennent sont particulièrement graves : après trois mois d'interventions militaires, les responsables russes viennent d'adresser un ultimatum à la population tchétchène de Grozny. Celle-ci a jusqu'au samedi 11 décembre pour évacuer la capitale. Les habitants, soldats et civils, ayant décidé de rester ou n'ayant pas pu partir seront « considérés comme terroristes et anéantis par l'artillerie et l'aviation ».
Pour nous être clairement opposés aux bombardements au Kosovo et en Serbie, nous demandons que les pays européens obtiennent du Président Eltsine le retrait de cet ultimatum.
Sans négliger l'importance de la complexité des problèmes du Nord-Caucase, les pays occidentaux, qui ont apporté un soutien sans faille depuis des années au président russe, se doivent d'obtenir de celui-ci l'arrêt des bombardements et l'autorisation de l'organisation d'une aide humanitaire pour la population.
M. le ministre des affaires étrangères nous a tout à l'heure indiqué que le Conseil d'Helsinki allait intervenir dans ce sens. Nous espérons que ce sera avec succès.
Il nous paraît important d'oeuvrer ensuite pour un règlement politique de cette question. L'OSCE - Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - pourrait jouer, dans cette optique, un rôle majeur. Nous estimons que, face à la toute puissance de l'OTAN, cette organisation doit être renforcée. Pour nous, l'OSCE doit proposer, selon ses principes, une nouvelle conception de la sécurité qui ne serait pas réduite à sa seule dimension militaire, mais intégrerait le développement, la démocratie, le social, l'environnement. Associée à une diplomatie préventive et à une stratégie de règlement politique des conflits, ce serait un nouvel outil pour une conception nouvelle des relations internationales, plus « civilisées ».
La France a également un rôle déterminant à jouer en matière de coopération avec les pays méditerranéens. Nous aurons à construire en 2000 avec nos partenaires européens et méditerranéens un nouveau projet de coopération euro-méditerranée. La France devra, selon nous, faire pression afin que cette coopération soit réellement au service des peuples.
Notre pays entretient des liens historiques avec l'Algérie. Nous ne pouvons nous désintéresser de son avenir et des relations bilatérales entre nos deux pays.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, que la compagnie Air France reprendra, rapidement, comme l'ont déjà fait d'autres compagnies, ses vols directs avec Alger ?
Pour faciliter la reprise du développement de l'économie algérienne, l'annulation de la dette serait un signe fort. Pouvons-nous envisager cette éventualité à court terme ?
Je voudrais également aborder une question qui me touche particulièrement : la question du Proche-Orient.
Après l'élection en mai de M. Barak, partisan d'une relance du processus de paix, et son engagement d'appliquer les conclusions de Charm El-Cheikh, l'espoir était permis. Des décisions ont d'ailleurs été mises en application.
Mais des inquiétudes grandissent de nouveau. Les retards pris par son gouvernement sur l'application de l'accord intérimaire concernant le retrait israélien des territoires cisjordaniens et la poursuite de la politique de colonisation apparaissent comme des menaces graves contre le processus de paix. On ne peut qu'être préoccupé devant l'attitude du gouvernement israélien refusant d'interdire cette colonisation, vécue comme une provocation.
La France et l'Europe devront s'engager plus fortement pour faire respecter les accords signés. Les partisans de la paix au Proche-Orient en sont convaincus.
Revenant avec une délégation sénatoriale d'un court séjour en Israël, je peux témoigner de l'inquiétude d'observateurs indépendants face à l'arrêt des discussions entre Israéliens et Palestiniens. Si nous saluons la reprise des négociations entre Israël et la Syrie, une paix juste et durable au Proche-Orient ne sera possible que si les droits des Palestiniens sont pris en compte et respectés à chaque étape des négociations. Notre pays, concerné par le projet euro-méditerranéen, qui va être relancé prochainement à Marseille, doit avoir conscience de l'importance de cet enjeu. Il y va de la stabilité du Proche-Orient, mais aussi du développement et de la paix en Méditerranée.
En ce qui concerne l'Afrique, je suis également inquiète de l'évolution de la convention de Lomé organisant la coopération entre l'Europe et les pays du Sud. Nous savons que la poussée libérale tend à remettre en cause ces accords préférentiels. Qu'en est-il réellement et quelle sera l'attitude de notre pays ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne voulant pas être exhaustive, je n'aborderai pas des questions cruciales comme la lutte pour le désarmement ou l'environnement, mais je souhaite aborder encore la question de la francophonie.
Elle revêt en effet un relief tout particulier : la langue française, pratiquée par un peu plus de 250 millions d'habitants, participe de toute évidence à la lutte contre un monde unipolaire.
Notre langue est porteuse de valeur, du moins est-elle perçue ainsi par nombre de peuples.
La politique de notre pays en faveur de la francophonie constitue donc indubitablement l'un des éléments du combat pour la diversité culturelle dans le monde, pour l'exception culturelle en ce qui concerne l'Europe ; M. le ministre des affaires étrangères l'a dit tout à l'heure.
Avec celui de la radio et la télévision, le développement d'Internet constitue, de toute évidence, un défi considérable. Comment envisagez-vous, monsieur le ministre, la promotion de la présence du français sur Internet ?
Enfin, je tiens à souligner l'intérêt des mesures gouvernementales concernant l'accueil des étudiants étrangers en France.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen votera le budget des affaires étrangères et de la coopération. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permettrai ce soir de soulever deux problèmes qui devraient trouver un écho favorable à l'issue de nos discussions, ces problèmes dépassant largement nos appartenances partisanes.
Tout d'abord, il s'agit des services extérieurs de la France et, plus particulièrement, des services des visas, que notre excellent rapporteur a qualifiés de « parents pauvres des affaires étrangères ».
Comme le souligne son précieux rapport, le personnel affecté aux services des visas des sections consulaires à l'étranger n'est pas en nombre suffisant pour remédier à l'afflux des dossiers qu'ils ont à traiter. La faiblesse de son encadrement serait aussi un problème.
Ce manque d'effectif nuit considérablement à l'instruction des demandes de visas et spécialement lorsque l'on songe aux évolutions législatives de 1998, qui ont renforcé les droits et les recours des demandeurs.
L'explosion des recours et le surcroît de travail pour les services consulaires qui en découlent ne peuvent être résolus par les effectifs actuels.
Je ne reviendrai pas sur ces évolutions législatives qui vont dans le bon sens et qui sont à l'image de la France. En revanche, je considère qu'il faut dégager les moyens correspondants si l'on souhaite véritablement pérenniser la place de notre pays à l'étranger.
Si, pour donner un exemple significatif, on considère les échanges universitaires, on constate que, depuis un certain nombre d'années, notre pays perd des étudiants venant de l'étranger : ils étaient 130 000 en 1985 - 13,6 % de la population étudiante totale - et ils n'étaient plus que 121 600 en 1998, soit 8,6 % de la population étudiante totale.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est grave !
M. Jacques Pelletier. En effet, un plus grand nombre d'étudiants vont désormais parfaire leur formation en Amérique du Nord, en Grande-Bretagne, en Allemagne, notamment, les étudiants étrangers étant gênés par les aléas de la délivrance des visas, alors que cela ne devrait poser aucun problème.
L'enjeu est décisif : les étudiants d'aujourd'hui seront nos partenaires de demain.
Cela pose aussi la question de la diffusion de notre langue et de notre culture, et ce d'autant plus au moment des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, alors que la défense de notre culture est l'un des volets auxquels nous sommes très attachés.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, a indiqué cet après-midi, à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement, que les étudiants étrangers étaient accueillis à bras ouverts dans nos universités.
Encore faudrait-il qu'ils obtiennent un visa pour y venir, ce qui ne paraît pas être le cas !
Même en Afrique francophone, que je connais bien, je constate une désaffection progressive des étudiants qui, faute de visas, se dirigent vers le Québec, la Belgique, la Suisse, les Etats-Unis, etc.
Cette situation est grave, car elle implique une perte d'influence de la France dans cette région du monde, avec laquelle nous sommes pourtant liés historiquement, affectivement et culturellement.
Il faut absolument revoir cette politique des visas dans un sens moins malthusien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jacques Pelletier. Le projet de loi de finances pour 2000 a pris en considération ces manquements. Cependant, il reste évasif quant au renforcement quantitatif et qualitatif des effectifs : il y est noté « qu'une partie des effectifs issus de la fusion entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la coopération ira aux services des visas des consulats ».
Combien de fonctionnaires viendront effectivement renforcer les services ? Avez-vous tenu compte, monsieur le ministre, des besoins urgents soulevés par le rapport ? Enfin, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit-il les formations que tout changement de poste ou renforcement d'effectif requiert ?
Les solutions énoncées dans le rapport concernant les moyens qui pourraient être attribués aux chancelleries pour leurs services des visas sont intéressantes et judicieuses.
L'institution de frais de dossiers supplémentaires aux droits de chancellerie, sous la forme d'un timbre, me paraît une proposition pertinente, à condition, bien sûr, que les sommes perçues soient directement affectées aux chancelleries.
La France se donnerait ainsi les moyens de mieux répondre - et ce dans des délais raisonnables - à l'intégralité des demandes de visas.
Un autre problème, plus ponctuel, a également retenu mon attention. Il n'y est pas fait référence dans le projet de loi de finances pour 2000 et, pourtant, il s'agit encore une fois de la place de notre pays à l'étranger, et ce dans son aspect le plus visible : la situation des locaux de la délégation diplomatique et culturelle à Tallin, en Estonie. J'ai eu l'occasion de m'y rendre cet été avec mon groupe. Nous avons constaté les manquements inhérents à notre présence. L'Estonie est pourtant l'un des pays qui doit rejoindre bientôt l'Union européenne.
Tout d'abord, la résidence de l'ambassadeur de France est installée dans des conditions qui présentent des inconvénients importants. Il faut souligner l'exiguïté des lieux, qui ne permettent d'accueillir qu'un très petit nombre d'invités. L'immeuble est exposé aux trépidations causées par le passage de tramways dans une rue très passante.
A cela, il faut ajouter le caractère très modeste de cet appartement actuellement en location, situé dans un immeuble commercial, surtout lorsqu'on compare cette résidence avec celles des autres pays de l'Union européenne.
Ensuite, le centre culturel de coopération de Tallin occupe des locaux dont le bail expire en mai 2002. Ces locaux présentent eux aussi des inconvénients : des frais de location qui obèrent la gestion de ce centre et une superficie insuffisante qui freine le développement des cours dispensés. Le centre refuse actuellement de nombreuses inscriptions.
Le coût de location des deux entités s'élève à plus de 613 000 francs par an. Des propositions commerciales leur ont été faites, notamment la possibilité d'acquérir une maison individuelle pouvant accueillir l'ambassade et le centre culturel. Ce bâtiment figure au patrimoine mondial de l'UNESCO. Son plan intérieur permettrait de diviser les lieux en deux parties, chacune disposant d'un accès sur une rue différente. Cette solution coûterait 8 millions de francs, travaux inclus.
Ce projet paraît très raisonnable : il permettrait de donner, dans ce pays dynamique et francophile, une meilleure image de la France.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il faut donner à la France les moyens de sa politique d'ouverture au monde sans invoquer, pour les limiter, les indispensables restrictions budgétaires. Notre pays a une vocation universaliste qu'il ne convient pas de remettre en question. Il s'agit de pérenniser notre place présente et future sur l'échiquier mondial et de favoriser l'expansion du modèle humaniste et démocratique dont nous sommes les héritiers.
Je souhaite, monsieur le ministre, que les propositions que je viens de formuler puissent trouver un écho favorable auprès de vous. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur l'analyse du budget et les considérants qui ont été présentés par MM. les rapporteurs. Toutefois, je veux rappeler l'attention que nous portons à la question concernant l'enseignement français à l'étranger, sa réorganisation, ses évolutions possibles et le financement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Lorsqu'on prend en considération l'évolution de TV 5, qui envisage un développement de programme pédagogique, il pourrait y avoir, avec ou sans Internet, des connections pour l'enseignement à distance. Il y a peut-être là une piste à suivre pour nos communautés d'élèves français, celles notamment qui sont peu nombreuses et éloignées.
Je souhaite, par ailleurs, vous redire toute notre préoccupation - cela vient à l'appui de la remarque formulée par M. le ministre dans sa déclaration liminaire - en ce qui concerne la situation des recrutés locaux à l'étranger, maintes fois évoquée au cours de la soirée.
Depuis que ce problème a été soulevé lors du débat avec M. Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, j'ai eu l'occasion de me déplacer à l'étranger et j'ai constaté que les difficultés sont nombreuses et s'amplifient dans beaucoup de postes diplomatiques et consulaires. L'insuffisance de personnel titulaire et les difficultés d'offrir un traitement équitable au personnel recruté localement font que l'on pourrait dire, comme pour Les Animaux malades de la peste : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »
Je souhaite aussi, monsieur le ministre, vous faire part de mon inquiétude au regard de l'application de la réforme concernant la fusion entre le ministère des affaires étrangères et celui de la coopération.
Depuis de nombreuses années, des voix s'élevaient ici et là pour faire sortir notre action de coopération du champ et avancer vers une mondialisation. Les demandes s'accroissent, le champ s'agrandit, le personnel diminue, corollaire d'une insuffisance de crédits.
Le Gouvernement a eu le mérite d'opérer un choix difficile, mais la formation de la DGCID me semble poser de nombreux problèmes. Au moment où nous demandons davantage d'ouverture à nos diverses administrations, il me semble que la DGCID est une vaste « usine à gaz ». Peut-être ne fallait-il pas, dans cette fusion, conserver toutes les anciennes structures, en ajouter d'autres et rigidifier l'ensemble, ce qui se traduit par un organigramme qui, lorsqu'on le consulte, donne le vertige. Et je plains le directeur de la DGCID, quel que soit son talent, d'avoir à maîtriser un tel ensemble. Il semble que la DGCID, par ailleurs, soit frileuse et défavorable à l'évolution d'éventuelles modalités de contrôle parlementaire.
Dois-je vous dire que je suis également attentif aux interférences entre le FAC devenu FSP et l'AFD ? D'ailleurs, pourquoi parmi les parlementaires, prévus dans le seul comité d'orientation, n'accorde-t-on pas une parité entre députés et sénateurs ? (Très bien ! et applaudissements.) D'autant que, en ce domaine, le Sénat comprend douze sénateurs représentant les Français établis hors de France - nous sommes donc souvent sur le terrain - et qu'aucun député ne représente nos compatriotes expatriés.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Guy Penne. Le nouveau système, pour être bref, FAC-FSP et AFD, bras séculier de fait du Trésor, sans contrôle du Parlement sur pratiquement toutes les actions du conseil de surveillance, m'inquiète. Prenez garde, monsieur le ministre, que la fusion entre le ministère de la coopération et le ministère des affaires étrangères ne soit pas une construction virtuelle.
Hormis le personnel qui entre dans cette fusion, en raison des nouvelles dispositions, la politique de coopération sera déterminée non pas par le nouvel ensemble composé du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération, mais par le ministère des finances. (M. Michel Charasse, rapporteur spécial, s'exclame.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Le revoilà !
M. Guy Penne. Je souhaite également vous interroger, monsieur le ministre, pour savoir si vous étudiez d'éventuelles modifications qui intéressent le Conseil supérieur des Français de l'étranger et l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Nous savons que le Gouvernement fera des propositions sur le plan hexagonal au Parlement pour modifier, vraisemblablement, le mode d'élection des sénateurs. Le problème de la carte électorale concernant l'élection au Conseil supérieur des Français de l'étranger a été un sujet de discussion entre les sénateurs représentant les Français établis hors de France, mais, en réalité, il intéresse l'ensemble du Parlement. Envisagez-vous de prendre des initiatives sur cette question de carte électorale qui tienne compte de la géopolitique actuelle ?
Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par le Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui représente un collège étroit de cent cinquante membres. Est-il exact que ce collège électoral pourrait être modifié et que, sans toucher aux prérogatives du Conseil supérieur des Français de l'étranger, soit augmenté le nombre des électeurs lors des scrutins sénatoriaux, qui ont lieu tous les trois ans ? Quelles sont vos hypothèses de travail sur l'éventuelle taille du collège électoral ? Selon quels principes en seraient désignés les membres ?
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. C'est très important !
M. Guy Penne. Parfaitement. Je suis une nouvelle fois en accord avec vous, monsieur le président !
Enfin, les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France circulent dans la plus vaste circonscription qui soit, puisqu'il s'agit du monde entier. Sur le plan de l'efficacité, ne serait-il pas utile d'envisager la fragmentation de cette unique circonscription ? D'après mes informations, ces questions seraient posées et je souhaiterais que vous vouliez bien associer à une réflexion plus complète les sénateurs et le Conseil supérieur des Français de l'étranger. C'est ce qu'évoquait d'ailleurs notre cher président voilà quelques instants.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Merci pour lui !
M. Guy Penne. Je formulerai maintenant des remarques sur trois points qui me semblent d'une grande importance, à savoir les évolutions de la sécurité européenne, la situation au Moyen-Orient, notamment le processus de paix, et, enfin, la renégociation de la convention de Lomé. L'Europe cherche à se donner les moyens d'acquérir une dimension politique sur la scène internationale en rapport avec son poids économique, afin d'être en mesure d'agir en faveur de la paix, de la démocratie, et du droit à l'extérieur de ses frontières. Nous pouvons maintenant aller plus loin et franchir les étapes décisives qui permettront à l'Europe d'agir d'une manière autonome.
La première nouveauté, c'est que Javier Solana cumule, pour la première fois, deux fonctions, celle de secrétaire général de l'UEO et celle de responsable de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune ; autrement dit il est « Monsieur PESC ».
Il est ainsi confirmé que la politique étrangère de l'Union européenne n'ira pas sans une dimension militaire et que l'UEO, la seule institution européenne compétente en matière de défense, est destinée à devenir, à moyen terme, un rouage de l'Union européenne.
La seconde nouveauté, c'est l'excellent climat qui préside aux relations entre la France et ses principaux interlocateurs, à savoir la Grande-Bretagne et l'Allemagne, mais aussi l'Italie ou l'Espagne, quand il s'agit de défense et de sécurité en Europe.
Dès aujourd'hui, à Helsinki, sous la présidence finlandaise, nous espérons obtenir des résultats tangibles pour qu'une dynamique irréversible s'enclenche pour établir le calendrier de l'inclusion des acquis de l'UEO dans l'Union européenne et pour apporter des réponses aux points suivants : la création de capacités militaires pour les opérations de gestion de crise ; la création d'une structure de décision à Bruxelles du type d'un comité politique, militaire et de sécurité ; enfin, les modalités de coopération avec l'OTAN et les bases pour la participation des pays membres de l'OTAN qui ne sont pas membres de l'Union européenne et pour les pays associés de l'UEO.
L'Union européenne développe déjà toute une gamme d'actions sur le plan civil dans le domaine de la prévention des crises : aides humanitaires, dialogues politiques, liens contractuels, assistance financière, négociations commerciales, perspectives d'adhésion... On doit pouvoir recenser tous les éléments de cette palette d'actions pour la mettre au service de la PESC.
Nous pensons qu'il faut explorer la voie tendant à construire, dans le cadre d'une sécurité européenne oeuvrant au niveau de la prévention des conflits, une « force de réaction » civile, capable d'intervenir avant le déclenchement de la crise violente et pouvant également assurer les tâches civiles de l'après-conflit ou faire face aux situations de crise humanitaire.
D'autres sujets devraient aussi pouvoir trouver leur place dans les évolutions à venir : les relations transatlantiques renouvelées, les relations avec les pays neutres, la place de la dissuasion nucléaire dans le système de sécurité européenne.
J'en viens au processus de paix au Moyen-Orient.
Lors d'une mission sénatoriale, qui s'est déroulée il y a quelques jours en Israël, nous avons eu la possibilité de rencontrer les principaux acteurs de la vie politique israélienne, qu'ils soient dans la majorité d'Ehud Barak ou dans l'opposition. Alors même que nos contacts se développaient, était présent dans la région M. Ross, en précurseur de Mme Albright.
Nos interlocuteurs ont évoqué les différentes étapes de négociations publiques - pour les plus récentes, Oslo et Wye Plantation - et ont fait allusion à d'autres, plus discrètes. Il me paraît que, parmi les points les plus compliqués, Jérusalem reste une difficulté majeure. Le problème des colonies doit, malgré les réticences israéliennes plus ou moins fortes, pouvoir être négociable. Il semble qu'Israël soit décidé à évacuer le Sud-Liban, même d'une façon unilatérale. Il n'est pas possible d'ignorer, dans de telles situations, les contestations éventuelles à l'intérieur de la Syrie, donc les problèmes de succession du régime Hassad. Le président Arafat cherche plus encore que les Israéliens, semble-t-il, le réconfort américain, mais quelles appréciations peut-on porter sur l'influence politique d'un groupe protestataire qui vient de se manifester publiquement contre le président palestinien ?
Les Américains sont à la fois recherchés et un peu redoutés. Un grand appel est adressé à l'Europe. L'Europe doit et peut apporter son aide. Certains de nos interlocuteurs ont évoqué l'instauration de programmes multipartites avec l'Europe. Le domaine de l'eau, ainsi, fut souvent cité.
M. Védrine nous a fait une déclaration intéressante sur la situation au Moyen-Orient, mais, monsieur le ministre, quelle attention souhaitez-vous porter sur ces problèmes de coopération régionale ? Pouvez-vous nous dire comment les pays amis européens souhaitent s'impliquer dans le processus de paix ? Cette question a été abordée devant notre délégation par Shimon Peres, aujourd'hui ministre de la coopération régionale.
S'agissant de la renégociation de Lomé, je voudrais rappeler que, les 7 et 8 décembre, a eu lieu à Bruxelles la réunion du Conseil ACP-Union européenne.
Ministre de la coopération, vous avez beaucoup insisté ces derniers temps sur la nécessité « de convaincre les pays africains de faire le nécessaire pour qu'un accord intervienne afin d'éviter un vide juridique que les adversaires de cette relation privilégiée entre l'Europe et les pays ACP pourraient utiliser ». En effet, le temps presse, et si bien des différents groupes de travail ont parfois avancé, il y a des dossiers qui ne bougent pas.
Nous savons tous que, sans accord avant mars 2000, la mise en conformité avec les nouvelles lois du commerce international pourrait avoir de graves conséquences pour les économies et pour les sociétés des pays ACP.
Les derniers avatars de l'OMC ne sont pas faits pour rassurer ceux qui s'intéressent à l'avenir de ces pays. Un calendrier issu des négociations en cours prévoit la perspective d'une intégration complète des pays ACP.
Dans un contexte international en mutation, avec une chute des programmes mondiaux d'aide au développement - chute à laquelle la France n'échappe pas - il est essentiel d'affirmer que le développement et le renforcement de l'état de droit ainsi que la consolidation des principes démocratiques doivent être concomitants avec le développement économique. Monsieur le ministre, vous allez, je l'espère, répondre à ces interrogations, mais je souhaiterais vous faire deux suggestions.
Tout d'abord, je souhaiterais que vous organisiez un débat annuel au Sénat sur la coopération afin que nous puissions mesurer l'efficacité de notre aide publique au développement. (Très bien ! sur les bancs de la commission.)
Ensuite, je crois qu'il faudrait associer plus encore les collectivités territoriales à l'effort de la France pour l'aide publique au développement.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera les crédits que vous nous proposez, parce que vous avez su sortir votre budget de la spirale déflationniste dans laquelle il était tombé depuis cinq ans ou huit ans, c'est à discuter, et il n'était pas facile de résister à Bercy, nous nous en rendons compte, malgré notre aide permanente.
Mais l'ampleur des missions qui incombent à votre ministère est fantastique et, pour bien les remplir, il faut que l'Etat prenne conscience qu'une bonne diplomatie a un coût et qu'il doit vous donner, à vous-même et à vos successeurs, des moyens accrus. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de la discussion du budget du ministère des affaires étrangères, que je voterai,...
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et la francophonie. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. ... je souhaite faire porter mon intervention plus particulièrement sur les relations franco-allemandes. Celles-ci sont caractérisées par des aspects incontestablement positifs, d'autres donnant lieu à des interrogations.
Depuis l'après-guerre, et particulièrement depuis le traité de l'Elysée, l'entente entre nos deux pays a été le fondement de la construction européenne. Chaque fois que la France et l'Allemagne étaient d'accord, l'Union européenne a progressé. Il est normal qu'il y ait, au départ, discussion, voire divergence, sur des thèmes aussi essentiels que la réforme des institutions européennes, l'élargissement de l'Union, ou la politique européenne de défense. Mais les lignes de clivage qui sont évoquées à ce propos sont-elles aussi profondes qu'on nous l'affirme parfois, ou les différences de point de vue sont-elles susceptibles d'être surmontées à court terme ? Nos intérêts, sur ces plans, me paraissent suffisamment communs pour qu'une convergence se dégage du débat franco-allemand.
Sur le plan économique, les accords intervenus récemment entre DASA et Aérospatiale et entre Framatome et Siemens, venant après Airbus - belle réalisation commune -, c'est-à-dire dans des secteurs porteurs, sont de nature à renforcer l'esprit de coopération.
Nous devons nous en féliciter, car ces accords viennent étayer la volonté de coopération politique. Ils surviennent à un moment particulièrement opportun pour dissiper les doutes de ceux qui craignaient que l'Allemagne de Berlin ne soit d'une nature différente de l'Allemagne de Bonn. C'est la démonstration, je crois, que les relations franco-allemandes résistent finalement bien aux alternances politiques, d'un côté comme de l'autre, et qu'elles sont considérées comme un principe intangible de la politique menée par les gouvernements qui se succèdent chez nous comme chez nos voisins.
Dans ce contexte global, nous devons cependant être attentifs à certains aspects concrets qui, si nous n'y prenons garde, risquent de ternir cette impression générale. Quelques exemples viennent à l'appui de ce constat.
La fermeture de certains centres culturels en Allemagne et la menace qui pèse sur d'autres institutions culturelles, la fermeture imminente des consulats généraux de Leipzig et de Mayence, le premier, seul consulat de France dans l'ancienne Allemagne de l'Est,...
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial et M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Exactement !
M. Daniel Hoeffel. ... le second dans la ville même où siège le ministre-président de Rhénanie-Palatinat, chargé actuellement par l'Allemagne de la mission de coordination des relations culturelles franco-allemandes, en sont une illustration.
La suppression d'un certain nombre de consulats peut, monsieur le ministre, être justifiée par des considérations d'ordre budgétaire, car je n'ignore pas qu'elle permet de créer des ambassades dans de nouveaux pays. Mais faut-il pour autant que ces fermetures interviennent chez nos partenaires les plus proches, là où une présence consulaire a une signification toute particulière ?
A ce propos, quelle suite a été donnée à la déclaration du sommet franco-allemand de Potsdam de novembre 1998 ? Selon cette déclaration, d'une part, « nous étudierons avec nos partenaires de l'Union européenne la possibilité de mise en place de bureaux communs pour la délivrance de visas » et, d'autre part, « nous examinerons la possibilité de désigner des ambassadeurs communs à nos deux pays ».
La concrétisation de telles orientations serait de nature à limiter les inconvénients résultant de la fermeture de consulats et à atténuer les effets des redéploiements.
Un autre exemple symbolique de la réduction de notre présence en Allemagne est celui du refus d'accepter l'offre de la ville de Baden-Baden, qui fut le siège de l'état-major des forces françaises en Allemagne, de transformer l'ancien mess des officiers en maison des associations franco-allemandes, ce qui aurait pu éviter le sentiment de rupture consécutif au retrait des forces françaises en Allemagne.
Quant à la suppression par Air France de la ligne aérienne entre Berlin, nouveau siège du Gouvernement et capitale de l'Allemagne, et Strasbourg, capitale parlementaire européenne, elle ne tient aucun compte de la réalité, et cela d'autant moins qu'elle est intervenue malencontreusement, ou maladroitement, au cours du mois où Berlin remplaçait Bonn et où le Parlement européen s'installait dans son nouveau palais, à Strasbourg.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle maladresse !
M. Daniel Hoeffel. Nous constatons que, sur le plan culturel et sur le plan linguistique, il n'y a pas, bien au contraire, progression dans l'apprentissage de la langue du voisin, et le sentiment prévaut que, même dans les régions frontalières - j'en parle en connaissance de cause - de part et d'autre, il y a recul à cet égard.
On peut se poser la question de savoir si les méthodes pédagogiques, trop orientées vers un enseignement de la langue littéraire et pas assez vers un apprentissage de la langue à usage courant, ne sont pas de nature à être dissuasives...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. ... et à faire en sorte que l'anglais devienne la langue de communication entre Français et Allemands, accentuant ainsi son hégémonie, en particulier au détriment du français.
Or les relations entre nos deux pays dépendent, certes, comme il est nécessaire, d'une coopération confiante entre chefs d'Etat et gouvernements, de rencontres au sommet, de relations industrielles et commerciales privilégiées, de jumelages entre associations et collectivités locales dont le rôle est essentiel, mais leur solidité et leur pérennité est aussi tributaire de la capacité de s'entendre des populations, particulièrement des jeunes sur qui ne plane plus l'ombre des événements qui ont marqué la première moitié de notre siècle.
L'histoire de nos relations passées ne doit pas être un obstacle à la réconciliation, à la coopération, à l'amitié entre deux pays sur lesquels repose l'avenir de la construction européenne. Et l'on ne peut que regretter, à cet égard, les publications aux titres provocateurs qui cherchent à nier la réalité du couple franco-allemand et qui, en essayant de l'ébranler, veulent en réalité enrayer le processus de construction européenne au nom d'une nostalgie du passé.
Dans la phase décisive que nous traversons, il n'y a de place ni pour le doute, ni pour l'essoufflement, ni pour la crise de fatigue, expression qui, selon certains, caractériserait les relations franco-allemandes. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour contribuer à les maintenir sous le signe de la confiance réciproque en l'avenir, en veillant à ce qu'à tous les niveaux cette confiance imprègne notre action. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en préambule, me féliciter à mon tour du coup d'arrêt donné cette année à la diminution relative des crédits du ministère des affaires étrangères.
Comme cela a déjà été souligné, c'est la première fois, depuis cinq ans, que la courbe s'infléchit. Ce résultat récompense en grande partie, j'en suis sûr, les efforts entrepris pour moderniser et pour ouvrir ce ministère.
Mais je voudrais surtout profiter de ce moment privilégié pour évoquer les points sur lesquels, je l'ai remarqué en particulier à l'occasion de mes déplacements à l'étranger, il est nécessaire d'attirer spécialement votre attention, monsieur le ministre, et pour aborder une nouvelle fois, tant l'enjeu est important, la question de l'enseignement français à l'étranger.
Dans la première partie de mon intervention, je parlerai d'abord du Conseil supérieur des Français de l'étranger et du volontariat civil à l'étranger, puis je vous demanderai de bien vouloir nous dire ce qui a été entrepris depuis l'an dernier pour aider nos compatriotes retraités de la zone CFA, avant de conclure par un rapide examen, sous quelques aspects, de la situation de nos postes à l'étranger.
Nous avions proposé l'an dernier, monsieur le ministre, un certain nombre de mesures propres à renforcer le rôle et à améliorer l'efficacité du CSFE, en particulier par l'affectation d'administrateurs auprès des commissions, afin d'assurer la continuité de l'action de celles-ci entre des réunions trop espacées.
Depuis, et je vous en donne volontiers acte, un progrès a été accompli avec la mise à disposition des quatre commissions permanentes de deux agents du secrétariat général du CSFE. Il appartient maintenant aux responsables de ces commissions d'apprendre à travailler avec eux, afin de tirer le meilleur profit de cette mesure.
Par ailleurs, nos efforts doivent continuer à porter sur les autres points que j'avais évoqués, mais il est également toujours nécessaire que le président du CSFE, qui est le ministre des affaires étrangères, veuille bien continuer à jouer son rôle de promotion - si j'ose dire ! - de cet organisme auprès de nos ambassades comme auprès de ses propres membres, qui se sentiront confortés dans leur double mission de défense de nos compatriotes de l'étranger, mais également des intérêts de la France.
Quant au volontariat à l'international, je ne puis ici que joindre avec force ma voix à celles qui demandent que le projet de loi relatif à cette question nous revienne rapidement et en l'état de l'Assemblée nationale. Je sais que l'on pourra ensuite faire confiance à vos services, ainsi qu'à ceux de la direction des relations économiques extérieures du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la DREE, du Comité français des manifestations économiques à l'étranger, le CFME, et de l'Agence pour la coopération technique, industrielle et commerciale, l'ACTIM, pour prendre, dès la promulgation de la loi, des textes d'application aussi favorables que possible.
S'agissant de la situation difficile de nos compatriotes à qui sont dus des arriérés importants par les caisses de retraite de certains Etats africains de la zone CFA, vous aviez bien voulu, l'an dernier, retenir ma suggestion de faire évaluer les montants concernés, en particulier au Congo et au Cameroun, afin de régler définitivement un problème qui, vous en conviendrez, a beaucoup trop duré.
Nous savons, monsieur le ministre, que les montants en jeu ne sont pas tels qu'il ne soit pas possible de prendre une décision généreuse et de donner des instructions pour que ce pénible abcès soit rapidement et complètement vidé. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que vous saurez obtenir pour cela la nécessaire coopération de votre collègue, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ?
J'ouvre maintenant le dossier de nos postes à l'étranger. Je ne les connais évidemment pas tous, mais je souhaite vous faire part de mes réflexions à la suite d'un certain nombre de visites dans des pays fort divers.
A tout seigneur, tout honneur, je ne vous surprendrai pas en soulignant combien sont essentiels le rôle et la personnalité de l'ambassadeur, ainsi que, souvent, vous le savez, monsieur le ministre, de son conjoint.
Dans un contexte où le politique, l'économique, le scientifique et le culturel s'interpénètrent profondément, au point de rendre parfois indiscernables les frontières qui, autrefois, paraissaient les séparer, quand les questions d'image et de communication sont devenues fondamentales, l'ambassadeur doit être l'intégrateur, le créateur de synergie, le chef d'orchestre qui apporte l'harmonie, et donc l'efficacité, au sein d'un ensemble où tous les acteurs, du secteur public comme du secteur privé, doivent, à leur pupitre, jouer leur partition.
Sa mission sera d'autant plus facile à remplir que toutes ses troupes seront abritées sous le même toit. A cet égard, voilà deux jours, je disais ici même à M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, combien il me paraissait important que, sauf cas exceptionnels, nos postes d'expansion économique soient logés dans les mêmes locaux que nos ambassades. En effet, la concertation s'en trouve extraordinairement facilitée, en particulier entre les conseillers commerciaux et les conseillers de coopération et d'action culturelle, dont les métiers se rejoignent de plus en plus souvent.
Je voudrais maintenant parler de nos consulats. Il s'agit d'un sujet particulièrement important pour nos compatriotes de l'étranger, mais aussi pour les nationaux des pays hôtes souhaitant obtenir des visas.
Je soulignerai d'abord les remarquables réalisations accomplies en matière de communication. On a véritablement « surfé » sur la vague Internet, et notre réseau, j'ai pu moi-même le constater, est aujourd'hui particulièrement rapide et performant, y compris quand il s'agit de la délivrance des visas dits « Schengen ». Il faut en faire compliment à la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, qui, comme pour le site du CSFE, a su faire bien et vite. Je vous conseille en particulier, mes chers collègues, avant tout départ à l'étranger, de consulter le site « Conseils aux voyageurs » de votre pays de destination.
Les efforts doivent maintenant porter sur les locaux et sur les effectifs, en particulier en ce qui concerne les agents titulaires.
Les personnels des services des visas font un métier difficile : la fraude sévit et, cependant, il n'est pas question de décourager les ressortissants étrangers, qui sont les bienvenus en France, qu'ils soient étudiants, stagiaires, investisseurs ou touristes. Ces personnels doivent donc savoir allier vigilance et courtoisie, et il faut leur faciliter la tâche en aménageant ou en agrandissant les locaux et en renforçant, lorsque cela est nécessaire, leurs effectifs.
S'agissant toujours des personnels, on sait que la fusion des deux ministères a permis de dégager quatre-vingt-douze postes. Un nombre suffisant d'agents sera-t-il affecté dans les postes à l'étranger ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur vos intentions définitives à ce sujet ?
J'en viens maintenant à la seconde partie de mon intervention.
Elle concernera, comme je l'ai annoncé, notre politique en matière d'enseignement à l'étranger.
Je dirai brièvement que nous souhaitons tous que, dans l'Europe qui se construit et le monde qui se globalise, notre pays et notre langue tiennent toute leur place et résistent à l'uniformisation. Pour cela, il faut que les Français expatriés soient plus nombreux, et donc que des écoles puissent accueillir leurs enfants.
A cet égard, nous avons la chance extraordinaire de posséder une culture et un système d'enseignement qui attirent, en tout cas dans certains pays, beaucoup d'étrangers, appartenant la plupart du temps à la catégorie des « décideurs » ou, en tout cas, à celle des nationaux influents.
Or, si notre réseau d'écoles à l'étranger est, certes, excellent et relativement dense, et si, pour avoir eu cinq enfants qui y ont été élèves et pour avoir présidé une association gestionnaire de parents d'élèves, je sais que nous pouvons en être fiers, je constate cependant que nous ne savons pas tirer tout le profit de cette situation, et je le déplore.
Il nous faut une grande politique, une politique ambitieuse pour l'enseignement français à l'étranger.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. André Ferrand. Pour cela, il faut une volonté et des moyens.
Certes, des efforts sont consentis et le budget des bourses augmente maintenant régulièrement, par exemple de 15 millions de francs cette année, mais cela n'est pas le sujet. Compte tenu de l'enjeu, il faut placer la barre à un tout autre niveau.
Tout d'abord, il est nécessaire de consacrer davantage d'argent public à ce secteur. Faut-il massivement et spécialement doter le budget des affaires étrangères, ou bien solliciter la participation de celui de l'éducation nationale, ce qui impliquerait probablement que celui-ci exerce également des responsabilités au sein de l'AEFE ? Je ne suis pas certain de la réponse, même si je crois la seconde solution plus réaliste en termes budgétaires.
Monsieur le ministre, j'ai posé cette question au Premier ministre voilà peu, après la rentrée scolaire, lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Vous n'aviez pu être présent ce jour-là, et ce fut votre collègue le ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, qui m'a répondu à la place du Premier ministre et en sa présence.
Après avoir levé toute équivoque quant à la volonté du Gouvernement de conduire cette politique ambitieuse, M. Allègre a fait la déclaration suivante : « Je suis prêt, comme mon collègue Hubert Védrine, à ce que nous recherchions ensemble des solutions et des moyens qui satisfassent cette nécessaire grande ambition de la France. »
Je me réjouis de cette réponse, monsieur le ministre, car elle montre que nous sommes d'accord sur le constat. Il reste à passer à la conception et à la réalisation.
Mais l'enseignement français à l'étranger ou à destination des étrangers, ce n'est pas seulement notre réseau d'écoles, de collèges et de lycées, c'est aussi l'Alliance française, les instituts français, toutes nos actions de formation technique et professionnelle, et encore la grande question des études supérieures des étudiants étrangers en France. Edufrance a pour mission de nous permettre de rivaliser avec nos concurrents étrangers, qui ont pris une belle avance.
Quant au financement, j'ai parlé tout à l'heure d'argent public, mais chacun d'entre nous connaît le rôle qu'ont joué et que jouent toujours nos entreprises à tous les niveaux de notre action dans ce domaine. Ne pourrait-on imaginer une coordination de ces efforts du secteur privé et un encouragement à les accentuer et à les généraliser ?
Monsieur le ministre, il suffirait sans doute d'en avoir la volonté et de vous assurer la bienveillance de votre collègue de Bercy, où l'on a le secret des mesures incitatives. Elles seraient, pour notre économie, autant d'excellents investissements, largement payés de retour, tant nous savons qu'un dirigeant, un cadre qui est passé par nos écoles devient un allié précieux pour nos entreprises.
Mais ce n'est pas que sur le plan économique qu'il est utile et agréable d'avoir affaire à de tels interlocuteurs.
Sur le plan politique, et j'en terminerai par là, je suis convaincu que, comme nos commissaires européens, MM. Barnier et Lamy, ou votre collègue M. Moscovici, vous appréciez, monsieur le ministre, la facilité et la qualité de vos contacts avec la vice-présidente de la Commission européenne, Mme Loyola de Palacio, ancienne élève du lycée français de Madrid. Contrairement à M. Noyer, elle nous a reçus à Strasbourg en s'exprimant dans un français impeccable ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert-Denis Del Picchia. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous indiquer pourquoi je voterai les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000. Je formulerai ensuite quelques remarques, peut-être quelques critiques, ainsi que quelques propositions.
Je voterai ce projet de budget, parce que j'approuve très largement votre action, ainsi que les efforts de M. Védrine pour conduire la politique étrangère de la France, en harmonie avec le Président de la République, afin que notre diplomatie contribue à assurer la défense de nos intérêts fondamentaux et à conserver à notre pays une place toujours très forte dans une Europe en pleine mutation.
Je voterai aussi ces crédits en raison du rôle qui est le nôtre à l'ONU. Comme M. Estier, j'ai pu constater sur place, à New York, que nos diplomates excellent dans leur tâche parfois ingrate, toujours très difficile, face à une hyperpuissance débitrice, mais toujours pleine de l'ambition de jouer les gendarmes du monde. Qu'il me soit donc permis d'adresser mes félicitations à l'équipe qui fait entendre la voix de la France dans cette enceinte, souvent dénigrée mais qui reste de premier plan.
J'applaudis également, bien sûr, au redressement du montant des contributions volontaires aux organisations internationales. Cela était, certes, absolument nécessaire.
Je me réjouis également de la modernisation et de l'adaptation du ministère, ainsi que de l'arrivée en force d'Internet, par le biais du site « Conseils aux voyageurs » et de celui du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Bien entendu, je voterai aussi, en tant qu'élu des Français de l'étranger, pour les crédits affectés aux communautés françaises expatriées. Cela va de soi !
En revanche, je ne peux me satisfaire d'une « fausse augmentation » des crédits, qui ne peut être considérée, en réalité, que comme l'inversion d'une tendance à la baisse. Cela est satisfaisant, mais ce n'est pas suffisant. Mes collègues ont d'ailleurs expliqué les relations existant entre pourcentage d'augmentation et inflation, ainsi qu'entre dollar et franc. Je n'y reviendrai pas.
Certes, que l'on me comprenne bien : je ne suis pas favorable à une augmentation des dépenses de l'Etat. Je rappelle d'ailleurs que cela n'a pas été le cas ces dernières années.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'année prochaine, 21 milliards de francs seront alloués au budget des affaires étrangères et de la coopération. Or, en 1993, ces mêmes crédits atteignaient 23 milliards de francs. Toutefois, les crédits pour l'action extérieure de la France ne s'élèveront pas à 21 milliards de francs l'année prochaine, monsieur le ministre, mais à 54 milliards de francs.
Alors, de grâce, il faudra bien un jour que le gouvernement en place, quel qu'il soit d'ailleurs, comprenne qu'il est nécessaire de faire un inventaire de l'action extérieure de la France, et que cette action a besoin d'un financement coordonné.
Mes chers collègues, n'oublions pas que c'est la première fois que le budget des affaires étrangères est à peine supérieur aux crédits de l'action extérieure du ministère de l'économie et des finances, et ce, bien sûr, grâce à la fusion entre affaires étrangères et coopération, faute de quoi l'on ne parviendrait pas au même niveau.
A mon sens, c'est incompréhensible, ou alors il faut que l'on me démontre que le Quai d'Orsay a changé d'adresse et que c'est Bercy qui gère le réseau, mais aussi les crises du Kosovo, de Grozny, qui assure la présence française, développe notre influence culturelle, défend la francophonie ou aide au développement.
On est tenté de dire que, sans augmenter les dépenses de l'Etat, il nous paraîtrait logique de diminuer les crédits extérieurs du ministère des finances pour reporter cette somme sur le budget des affaires étrangères. (Sourires.) Je vois à vos sourires qu'il s'agit d'un vaste débat, que nous n'aborderons pas ce soir. Mais nous pouvons y réfléchir un peu !
Je me limiterai, monsieur le ministre, à quelques points qui me tiennent à coeur.
Tout d'abord, s'agissant des Français de l'étranger, comme mes collègues, je me félicite de la progression de 25 % des crédits de bourse. Comme l'a souligné M. Penne, c'est très important. En effet, vous le savez, monsieur le ministre, c'est la fuite en avant, pour ne pas dire le tonneau des Danaïdes, pour l'enseignement du français à l'étranger : on augmente régulièrement le montant des bourses, mais les sommes ne suffisent même pas à combler les augmentations incontrôlées des frais d'écolage.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Robert-Denis Del Picchia. Je vais vous l'expliquer par quelques chiffres.
De 1998 à 1999, selon les statistiques les plus récentes de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, les bourses scolaires ont augmenté de 20 millions de francs. Très bien ! Bravo, même ! Mais, dans le même temps, la participation des établissements à la rémunération des professeurs résidents - entraînant donc des frais de scolarité - est passée de 338 600 000 francs à 371 300 000 francs, soit 33 millions de francs de plus à la charge des parents.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. C'est encore vrai !
M. Robert-Denis Del Picchia. Merci, monsieur Penne !
Sur un autre plan, l'Agence a, semble-t-il, fait le choix de diminuer le nombre des coopérants du service national, les CSN. Jusqu'à présent, ils représentaient 10 % des effectifs. Or l'Agence n'envisage pas de faire appel aux futurs volontaires civils, elle veut recruter localement. Ce choix nous paraît discutable si l'on pense d'abord au niveau des recrutés locaux dans certains pays - à condition, d'ailleurs, qu'on en trouve - et, surtout, le remplacement de plusieurs centaines de CSN par des recrutés locaux va contribuer à une nouvelle augmentation des frais d'écolage.
Les conséquences directes de l'explosion du prix de la scolarisation des enfants français à l'étranger, nous pouvons les constater dans le tableau suivant, qui est fort simple. Selon vos propres statistiques, celles de la direction des Français de l'étranger, monsieur le ministre, il y a actuellement à l'étranger 32 405 enfants français âgés de quatre à six ans, 185 523 enfants âgés de six à dix-sept ans, soit un total de 218 000 jeunes français - j'arrondis - en âge d'être scolarisés. Or, savez-vous combien il y a d'enfants scolarisés dans les écoles françaises ? Je vais vous le dire : 66 759 ! L'écart est très impressionnant !
Alors, vous allez me répondre que les enfants non scolarisés ont peut-être d'autres raisons. Or, sur les 151 000 enfants non scolarisés, 80 % - 121 000 - résident pourtant dans les centres importants où existent des écoles françaises. La conclusion est donc simple : à l'étranger, malgré l'Agence, malgré de fantastiques réseaux, malgré les quelque 2 milliards de francs de subventions de votre ministère - malgré les bourses, monsieur Penne -, deux enfants sur trois ne sont pas scolarisés dans les écoles françaises, tout simplement, pour la plupart d'entre eux, parce que l'école est trop chère.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Triste vérité !
M. Robert-Denis Del Picchia. On peut se poser la question, monsieur le ministre, et je vous la pose : l'Agence remplit-elle encore sa mission de service public ?
M. Pierre Biarnès. Elle ne l'a jamais remplie !
M. Robert-Denis Del Picchia. Merci, mon cher collègue !
Au demeurant, quelle est exactement cette mission aujourd'hui ? En dix ans, les choses ont beaucoup évolué et nous allons nous trouver bientôt dans une impasse, monsieur le ministre.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Nous y sommes déjà !
M. Robert-Denis Del Picchia. Il est grand temps d'une réflexion sur l'avenir de l'Agence.
Cette réflexion, qui doit être consensuelle et dépasser les clivages politiques, doit absolument déboucher sur une vraie définition de notre politique pour l'enseignement français à l'étranger, mais aussi sur des décisions et des mises en pratique immédiates.
A propos de réflexion, monsieur le ministre, disons au passage qu'elle devrait peut-être avoir lieu aussi sur le fonctionnement du réseau des instituts culturels, sur lequel il y aurait beaucoup à dire ! Nous n'avons malheureusement pas trop de temps ce soir.
Pour ce qui est des volontaires civils, vous le savez, j'ai rapporté le projet de loi les concernant. Nous espérons tous qu'il sera adopté en janvier par l'Assemblée nationale et les délégués du CSFE attendent d'être consultés sur son décret d'application. Je le répète ici, il y a urgence pour les entreprises françaises et pour vos services à l'étranger.
Si j'ai émis des doutes sur l'application du système en France, en revanche, je crois en son fonctionnement à l'étranger, dans les entreprises et dans le réseau diplomatique et culturel, avec des réserves toutefois, monsieur le ministre, sur deux catégories de volontaires qui manqueront dans les postes : les spécialistes en informatique et les médecins.
Certes, le budget pour 2000 n'est pas encore directement concerné, mais il faudrait toutefois préparer l'avenir dans ce domaine, en particulier pour l'informatique, en prévoyant des formations internes et peut-être des recrutements spécifiques.
On a beaucoup parlé des effectifs : 92 emplois sont inscrits au budget, c'est bien, d'autant que, l'an dernier, c'était 120 de moins et que le ministère a perdu, je le rappelle, 900 emplois en neuf ans.
Ces 92 emplois renforceront les postes, nous dit-on. Mais combien seront effectivement affectés à l'étranger ? Mon collègue André Ferrand a posé la question. On parle d'une vingtaine, mais j'aimerais avoir quelques précisions sur ce point.
Sur le même plan, monsieur le ministre, nous attendons avec beaucoup d'intérêt les résultats des réflexions sur l'évolution de la carte diplomatique et consulaire, en particulier dans l'Union européenne. M. Hoeffel a cité quelques exemples intéressants, et les délégués du CSFE voudraient être associés sinon aux décisions, du moins, d'une façon ou d'une autre, à la réflexion.
Nous souhaiterions aussi beaucoup disposer un jour de la liste des propriétés de l'Etat à l'étranger. Je ne suis pas sénateur depuis longtemps, mais je suis néanmoins très étonné : j'ai essayé de me renseigner, mais je n'ai pas obtenu le renseignement. Il n'y a pas de liste des propriétés de l'Etat à l'étranger !
M. Pierre Biarnès. Et la réserve du Sénat ! Quelqu'un en sait-il quelque chose ? ( Sourires.)
M. Robert-Denis Del Picchia. Le parc immobilier reste très flou. Affaires étrangères, culture, finances, n'est-il pas possible à chaque chef de poste d'établir une fiche pour son ou ses pays ? Cela pourrait déboucher sur une réflexion sur les investissements ! Pourquoi ne pas recourir au leasing, comme l'a évoqué M. Durand-Chastel ? En tout cas, il faudrait une meilleure gestion. Ce voeu nous concerne directement, monsieur le ministre - et nous espérons qu'il ne restera pas pieux - car nous souhaitons connaître le véritable état des lieux de la coopération.
La réunification des moyens est une bonne chose, mais nous aimerions un peu plus de transparence pour mieux comprendre, comme l'a souhaité M. de Villepin, cette nouvelle politique de coopération, en espérant avec M. Penne qu'elle ne sera pas virtuelle.
Si l'on ne peut que se réjouir de l'augmentation de 25 millions de francs des subventions à l'action audiovisuelle extérieure, il faut toutefois souligner que cette aide est minime : elle représente 0,02 % ! Cela aidera toutefois TV 5, qui a nettement amélioré ses programmes, sa diffusion, son audience. Pour le bien de l'image de la France et de la francophonie, bravo ! Nous félicitons très publiquement son directeur, Jean Stock, et, à travers lui, toute son équipe. Toutefois, monsieur le ministre, je dois attirer votre attention sur la gravité de la situation de TV 5 Amérique. Les commentaires sont très clairs : très mauvaise programmation, très mauvaise politique commerciale, très mauvaise communication. Echec total !
Je sais que cela est dû à une direction québécoise très défaillante. Je sais aussi que l'on a changé de direction, mais le doute subsiste et, cette fois, nous n'avons pas droit à l'erreur. Or cette erreur semble - c'est le cas de le dire - programmée. Aussi, monsieur le ministre, je dois très solennellement vous demander de réagir.
Quelles sont les possibilités ?
La poursuite d'une double direction ne permettra certainement pas de relever TV 5 Amérique. Il faudrait renégocier à haut niveau avec les Canadiens pour leur faire accepter une seule direction commune à Paris, mais cela paraît invraisemblable.
Dans le cas contraire, il faudrait laisser végéter ce qui existe, mais créer une filiale américaine de TV 5 Paris qui porterait une autre raison sociale. Cela paraît également difficile à réaliser.
Enfin - et ce serait la meilleure solution, que je préconise, si je peux me le permettre -, la création d'une société indépendante pourrait être envisagée, à condition qu'elle ne s'appelle pas TV 5, qu'elle ne fasse pas allusion au chiffre cinq, car l'image est invendable aux Etats-Unis et dans toutes les Amériques en raison des mauvais résultats actuels de la chaîne. Pourquoi ne pas l'appeler tout simplement France 4 ? Il y a bien France 2 et France 3 ! Grâce aux différents modules numériques de TV 5, celle-ci pourrait livrer la plus grande partie des programmes et négocier en parallèle les droits pour cette chaîne. Cela ne reviendrait pas très cher, car les éléments seraient fournis par TV 5.
Quant aux Canadiens, ils ne seraient pas satisfaits, certes, mais on pourrait laisser TV 5 Québec végéter comme c'est le cas et mourir de sa belle mort. Je sais que cela va poser des problèmes diplomatiques et peut-être faire « grincer des dents », comme on dit, mais il en va, monsieur le ministre, de notre présence audiovisuelle sur le tiers de la planète, de la présence de la francophonie et de la France. Nous le proposons tout simplement, pour reprendre un slogan publicitaire à la mode, « parce que cela le vaut bien ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, la maigre progression budgétaire de votre ministère, de 0,6 % inférieure à l'accroissement général du budget - elle est de 0,9 % - montre, hélas !, que les affaires étrangères ne sont pas une priorité majeure de votre gouvernement. Je le déplore.
Parmi les quatre axes majeurs de votre budget, je retiendrai l'affirmation du rôle de la France dans les instances multilatérales et le développement de l'appui aux Français de l'étranger. Je vous suggérerai une meilleure concertation avec le ministère de l'économie et des finances et une politique étrangère ambitieuse à l'occasion de la présidence française de l'Union.
La conférence interministérielle de Seattle vient de confirmer qu'aujourd'hui des décisions essentielles pour la vie de nos concitoyens pouvaient se prendre en dehors de nos frontières et que notre diplomatie devait peser de tout son poids pour parvenir à des résultats satisfaisants.
Cette réunion a eu le mérite de rappeler le rôle des relations multilatérales dans un monde dominé par une « hyperpuissance », pour reprendre l'expression de M. Védrine. Les critiques à l'égard de l'OMC, comme il l'a rappelé, me paraissent injustifiées car mieux vaut une institution de dialogue et de décision, aussi imparfaite soit-elle, que l'application du droit du plus fort de manière unilatérale.
J'ai constaté avec plaisir que certains pays, autrefois non alignés, étaient sensibles à la philosophie politique française et à la démarche européenne. Il y aura sans doute là un moyen pour la France et l'Union de peser davantage, sachant que la compréhension est parfois meilleure, eu égard aux relations antérieures qui ont existé et qui existent encore avec l'ancienne Union française ou le Commonwealth.
La préservation de cette bonne intelligence n'est d'ailleurs pas incompatible avec la fusion administrative de la coopération et des affaires étrangères stricto sensu , que vous menez à bien.
Ces pays, que nous espérons en devenir, savent aussi que les Etats-Unis résistent rarement à la tentation d'influer sur la politique intérieure d'un autre pays.
Il est donc primordial de consolider la politique multilatérale de la France, meilleur rempart contre l'hégémonisme. Les 3,4 milliards de francs qui sont alloués aux contributions obligatoires et volontaires dans les institutions internationales permettront à notre pays d'orienter certains programmes et de faire recruter des administrateurs français à tous les niveaux. Ils aideront à défendre notre statut de puissance nucléaire et notre siège permanent au Conseil de sécurité. C'est une bonne chose.
Notre politique étrangère a besoin de l'aide des Français de l'étranger, qui jouent un rôle essentiel dans la diffusion de notre culture, de notre langue, et qui sont des relais économiques essentiels dans le monde entier.
MM. Jean-Pierre Cantegrit, Hubert Durand-Chastel et André Maman. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. J'approuve ainsi l'augmentation des crédits qui leurs sont consacrés, que ce soit pour le rapatriement, pour les actions de sécurité et d'assistance ou simplement pour les aider à vivre mieux leur situation d'expatriés.
La progression du nombre de nos compatriotes vivant à l'étranger est d'ailleurs un signe de dynamisme et d'esprit d'entreprise. Je souhaite néanmoins attirer votre attention sur la nécessité de rendre les établissements scolaires financièrement accessibles à tous les enfants d'expatriés. Mais je sais que vous êtes sensible à ce problème.
En ce qui concerne les relations entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie et des finances, il me semble utile de revenir sur des règles de base. Dans votre ministère, 610 emplois ont été supprimés entre 1993 et 1998. Je ne suis pas certain que cette réduction ait été le fruit d'une stratégie concertée entre les deux ministères, mais plutôt la concrétisation d'une réduction des dépenses publiques que j'aurai vue plus utilement appliquée à d'autres administrations.
Il en va sans doute de même, hélas !, pour l'évolution de la carte diplomatique et consulaire.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ce n'est jamais au bon endroit !
M. Aymeri de Montesquiou. Permettez-moi, monsieur Charasse, de ne pas être d'accord avec vous !
En revanche, la fermeture de certains de nos consulats dans les pays de l'Union européenne me semble normale ; elle va dans le sens d'une citoyenneté européenne : la fermeture récente du consulat de Florence, des consulats généraux de Venise et de Mayence témoignent d'abord de la réalité de l'entité communautaire.
La défense des intérêts de la France étant l'objectif des deux ministères, cet objectif serait mieux défendu par une stratégie commune. Cette dernière pourrait s'appliquer, entre autres, à la délivrance des visas. Votre ministère pourrait utilement prendre l'avis du secrétariat d'Etat au commerce extérieur et mettre en place une stratégie de délivrance de visas, en particulier pour les étudiants que nous accueillons et les bourses que nous octroyons. Seraient alors distingués les Etats aux fortes potentialités économiques. Monsieur le ministre, j'aimerais recueillir votre avis sur cette question.
Enfin, je souhaite insister sur la présidence de l'Union européenne qui incombera à notre pays au second semestre de l'an 2000. Vous le savez, cette présidence est un moment suffisamment rare, et ce le sera de plus en plus avec l'élargissement de l'Union, pour en faire un moment fort de la vie politique nationale et, mais cela va de soi, européenne et internationale.
La réussite de la conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions est - vous l'avez confirmé - une de vos priorités, et je la partage. Cette réforme est évidemment indispensable avant de songer à admettre tout nouveau membre.
J'ai toujours été pro-européen, vous serez donc peut-être surpris de mes propos, mais je ne vois pas d'urgence à élargir l'Europe des Quinze, si ce n'est en vertu du « communautairement correct ».
Allons-nous risquer de mettre en danger le sens et la profondeur de l'aventure communautaire ?
Allons-nous risquer la dilution libre-échangiste pour ne plus ressentir de culpabilité envers des Etats que nous avions laissés de l'autre côté du mur ?
Prenons le temps. Travaillons avec ces Etats, sans promettre de dates, par le biais d'accords d'association. Prenons le temps de la réflexion sur les limites géographiques de l'Europe que nous voulons construire.
Je suis particulièrement inquiet lorsque le président Clinton conseille vivement à l'Union européenne, et l'on se demande au nom de quoi, d'ouvrir sa porte à la Turquie !
Monsieur le ministre, l'Europe paraît encore trop lointaine à nos concitoyens, alors qu'elle a de plus en plus de répercussions sur leur vie quotidienne. Je ne suis pas souverainiste, mais un référendum sur l'élargissement serait-il envisageable ?
Durant la présidence française, il existera aussi une véritable nécessité de mettre en oeuvre une politique étrangère de sécurité mieux concertée, à la mesure du poids économique de l'Union européenne.
Vous disposez déjà, bien sûr, d'outils de qualité et de personnel compétent à la représentation permanente, à la direction de la coopération européenne, au SGCI et avec vos interlocuteurs des différents ministères. Mais, pour que la présidence française soit particulièrement efficace, les chaînes de décision, la réactivité devraient mobiliser plus de moyens.
Pour mener à bien cette présidence, est-il trop tard pour déployer des moyens financiers et humains supplémentaires ?
D'autres aspects pourraient être développés à l'occasion de ce budget. Par exemple, je suis avec beaucoup d'intérêt les nouvelles formes de relations internationales qui se mettent en place, notamment les actions menées par les collectivités locales. Elles ne concurrencent pas celles de votre ministère mais sont d'un appoint précieux. Le travail de recensement et d'analyse conduit actuellement par la commission nationale de coopération décentralisée est très utile et permettra aux citoyens de mieux comprendre le sens des actions menées par leur commune, leur département ou leur région.
Dans les pays où les collectivités développent de nombreux projets, il me semble indispensable qu'un professionnel de la coopération décentralisée soit identifié dans les ambassades. Certains postes ont la chance d'avoir un correspondant. Monsieur le ministre, comptez-vous développer cette méthode ?
Monsieur le ministre, vos moyens sont notoirement insuffisants. Je crois que Michel Debré fut le dernier ministre des affaires étrangères à avoir arraché une augmentation importante pour son budget.
Je ferai une réflexion et une proposition pour augmenter vos ressources.
Si les Américains veulent gendarmer la totalité du monde, l'Europe, elle, n'est directement concernée que par le tiers de la planète. Une défense européenne doit donc s'exercer sur un périmètre défini : l'Europe, la Méditerranée et une grande partie de l'Afrique. Le budget de la défense des quinze pays de l'Union représente aujourd'hui 60 % de celui des Etats-Unis. Une défense européenne vraiment intégrée, utilisant des matériels communs, réalisera des économies d'échelle considérables en étant beaucoup plus efficace avec un budget moindre. Je serais heureux que les futures économies réalisées dans le budget de la défense permettent d'augmenter les crédits de votre ministère.
Je voudrais paraphraser et inverser l'axiome de Clausewitz : la diplomatie est la forme originelle de la défense. Avec 5 % des crédits de la défense qui vous seraient affectés, votre budget augmenterait de près de 50 %. Je suis convaincu que vous en feriez le meilleur usage. Je suis convaincu qu'une diplomatie aux moyens largement étendus permettrait à notre pays de mieux exprimer son génie.
Cette proposition pourra sembler à certains chimérique et trop lointaine dans le futur. Alors, considérons le présent. Les 35 heures en année pleine coûterait 105 milliards de francs, près de cinq fois votre budget. Je ne voudrais pas vous faire succomber à la tentation, mais ne pensez-vous pas qu'une modeste fraction de cette somme considérable - je le répète - pourrait être mieux utilisée par votre ministère pour défendre les intérêts de notre pays, entre autres son économie et, donc, créer vraiment des emplois ?
Le ministre des affaires étrangères conduit avec compétence et courage un vaisseau magnifique qui devrait avoir les moyens budgétaires de mener une diplomatie encore plus efficace. Membre du Rassemblement démocratique social et européen, je soutiens son action et voterai son trop modeste budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le ministre, le budget du ministère des affaires étrangères que vous présentez à l'examen et à l'approbation du Sénat n'est pas très différent de ceux qui ont été élaborés depuis de longues années par vous-même et, avant vous, par vos prédécesseurs. Je veux dire par là qu'il n'est vraiment pas satisfaisant pour le sénateur des Français de l'étranger que je suis, c'est-à-dire pour un parlementaire qui est, plus que d'autres, tout particulièrement soucieux non seulement des intérêts légitimes et des préoccupations souvent angoissantes de nos compatriotes expatriés, mais aussi, au-delà de la spécificité catégorielle de son mandat, de la réalisation des ambitions de notre pays dans le monde.
Plusieurs de mes collègues vous ont déjà dit ou vous diront combien ils jugent une fois de plus insuffisants, au regard de ces préoccupations et de ces ambitions, les crédits prévus pour le bon fonctionnement de nos ambassades et de nos consulats, comme de nos services culturels et éducatifs extérieurs. Je partage leurs inquiétudes et leur insatisfaction.
Dans le trop faible temps de parole qui m'est imparti, je souhaite attirer tout particulièrement votre attention sur deux très graves questions : celle des recrutés locaux - j'y reviens à nouveau - et celle de notre réseau scolaire.
En ce qui concerne le problème des recrutés locaux, je tiens seulement à vous redire, à la faveur de ce débat budgétaire, combien je suis choqué par la décision qui vient d'être prise par l'Assemblée nationale, au terme d'une procédure constitutionnellement des plus contestables et sur l'initiative de votre ministère, de supprimer le statut d'agent public des services extérieurs de l'Etat, que reconnaissait jusqu'à présent à ces personnels une jurisprudence administrative constante.
Je comprends très bien les raisons financières qui ont poussé vos services en cette affaire ; je vais en reparler dans un instant. Mais, je n'en persiste pas moins à considérer que cette initiative, qui consacre un recours d'année en année grandissant à des « soutiers » sans défense - comment trouver un mot plus adéquat ? - de la diffusion de notre langue et de notre culture au dehors, est socialement et moralement inadmissible, surtout de la part d'un gouvernement qui, comme moi, se réclame des valeurs de justice et de progrès.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, c'est un cri d'alarme que je pense de mon devoir de pousser, une fois de plus, comme quelques autres ce soir, et aussi, comme pour le problème des recrutés locaux, un cri d'indignation.
Notre réseau de quelque 400 établissements scolaires français à l'étranger est de très bonne qualité. Mais, faute de crédits publics suffisants, il est de plus en plus à la charge des parents et, de ce fait, il est progressivement et inexorablement devenu un réseau d'écoles pour les riches, français ou étrangers, en dépit du correctif des bourses, qui est très insuffisant pour pouvoir renverser cette tendance. A 1 500 francs par élève et par mois ouvrable, en moyenne internationale, des milliers de familles françaises à revenus modestes, non éligibles néanmoins aux bourses scolaires - car celles-ci sont, de fait, réservées à des milieux très démunis - ne peuvent pas ou ne peuvent plus inscrire leurs enfants dans les écoles de ce réseau. C'est tout particulièrement le cas dans les pays de l'hémisphère sud, où les familles françaises, très souvent binationales, sont d'ordinaire plus mal loties que celles qui sont établies dans les pays industriels d'Europe et d'Amérique du Nord. Une telle situation est très injuste pour ces familles et leurs enfants. Elle est contraire aussi à nos intérêts nationaux les plus fondamentaux car, à terme, ces enfants, qui sont éduqués dans une langue étrangère, faute de pouvoir l'être en français, représentent des parts grandissantes du marché international langagier, culturel et, ensuite, commercial et politique qui sont perdues pour notre pays.
Je sais très bien, monsieur le ministre, qu'il est très difficile, voire impossible pour vos services de faire plus que ce qu'ils font actuellement, à travers l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, placée sous la tutelle de votre direction des relations culturelles. Mais pourquoi donc le ministère de l'éducation nationale s'obstine-t-il depuis des années à refuser d'accepter la cotutelle de cette agence et à contribuer, pour partie, à son financement ? Jusqu'à quand ce refus autiste va-t-il durer ? Qu'attend le chef du Gouvernement pour intimer l'ordre de changer d'attitude aux responsables de ce ministère, cependant considérablement mieux doté que le vôtre ? Les Français de l'étranger ne seraient-ils pas considérés, rue de Grenelle et rue de Varenne, comme des Français à part entière ?
Monsieur le ministre, si le temps de parole qui m'est imparti était un peu plus long, je pourrais aborder bien d'autres domaines où il est clair que votre département, faute de crédits suffisants, est contraint de recourir à des solutions de moins en moins satisfaisantes, quand ce n'est pas à de simples expédients, pour l'accomplissement de ses diverses missions.
Je pourrais vous parler aussi, entre autres choses, des agents consulaires de moins en moins qualifiés, parce que moins payés que d'autres plus compétents mais plus coûteux, qui tendent, de ce fait, à réserver un accueil souvent déplorable aux usagers ; ou bien de nos centres et de nos instituts culturels qui ne fonctionnent presque plusqu'avec des vacataires payés à l'heure, sans aucune protection sociale ; ou bien encore de toutes ces fermetures intempestives de consulats qui sont intervenues ces années-ci.
Généralisant mon propos, je rappellerai simplement que, pour entretenir un réseau diplomatique et consulaire encore comparable à celui des Etats-Unis d'Amérique, en dépit des fermetures que je viens d'évoquer, et des réseaux scolaires et culturels sans équivalent dans le monde, votre ministère, en dehors des dotations au titre des anciens services de la coopération qui lui sont à présent rattachés, ne dispose de guère plus, depuis des années, que de 0,90 % des crédits du budget total de la République, les relèvements de ces crédits, quand ils interviennent parfois, comme cette année, n'étant que d'ampleur homéopathique.
De toute évidence, faute d'assez de vent, il va bien falloir nous résigner pour de bon, un jour ou l'autre, à ramasser les voiles. Il faudra alors avoir le courage politique de le dire, au lieu de continuer à faire rituellement, année après année, des déclarations incantatoires, qui ne trompent plus personne, sur le rôle de notre pays dans le monde. Mais ce jour-là sera un jour de grande tristesse !
A vrai dire, de la présence de la France au-dehors, aujourd'hui comme depuis bien longtemps, à Paris et dans nos provinces, tout le monde se moque, ou peu s'en faut, comme le montre, aujourd'hui encore, la tardiveté de ce débat programmé au creux de la nuit. C'est même une très vieille histoire.
« Labourage et pâturage, voilà, sire, les deux mamelles de la France, nos vraies mines d'or du Pérou », disait déjà, il y a près de quatre siècles, Sully à Henry IV, qui voulait engager la France dans l'aventure ultra-marine, en créant des compagnies à charte, à l'instar des Hollandais et des Anglais de ce temps-là.
« La Corrèze plutôt que le Zambèze », écrira Raymond Cartier dans Paris-Match, en 1953, quelque 350 ans plus tard.
Remarquable continuité de pensée, qui se prolonge jusqu'à nos jours, au tréfonds de la conscience d'un peuple qui, ainsi que disent les Allemands, se sent « heureux » chez lui « comme Dieu en France », même s'il râle tout le temps.
A quoi bon « aller chercher fortune aux lointains pays », comme celui des deux pigeons qui « s'aimaient d'amour tendre » mais qui était néanmoins parti voir ailleurs, et dont se moque La Fontaine, ce monument de notre sagesse nationale, n'est-ce pas ?
Et c'est ainsi que, dans l'élaboration - par les héritiers successifs de Sully - de nos budgets très étroitement hexagonaux, il est si difficile de faire passer le vent du grand large, car ceux, très rares, qui en ont le goût ne sont jamais en mesure de bloquer le métro ou le périphérique, alors que nos gouvernements, celui d'aujourd'hui comme ceux d'hier, ne sont guère sensibles qu'à l'exercice de la force physique, dès lors que celle-ci, bien sûr, peut être dérangeante pour les autres citoyens-électeurs.
Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, que les critiques que je viens de formuler ne sont pas, en fait, adressées à vous-même, même si c'est devant vous que je les exprime, faute d'autres interlocuteurs plus identifiables.
Comme tout cela est désolant ! En tout état de cause, à considérer les chiffres de votre budget, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser ni s'autocongratuler. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention pourrait être comparée au huitième mariage du roi Henri VIII et sera une victoire de l'optimisme sur l'expérience. (Sourires.)
En effet, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, j'ai eu l'occasion de vous solliciter au sujet du budget du Conseil de l'Europe.
La discussion budgétaire, qui se tient à une heure tardive, mais dans un cadre presque intime, m'offre cependant une nouvelle tribune et l'occasion de redire, une fois encore, combien il est important de soutenir de façon concrète, et donc financièrement, l'action du Conseil de l'Europe.
L'Assemblée du Conseil de l'Europe, c'est une incomparable cellule de réflexion et une force de proposition qui regroupe les représentants des parlements des quarante et un pays composant la grande Europe.
Il est nécessaire de le rappeler de temps en temps : l'Europe ne se limite pas à l'Union européenne.
La France doit accorder à cette institution qu'elle a conduite sur les fonts baptismaux il y a quarante ans les moyens d'accomplir la mission qui est la sienne.
Tout d'abord, la présentation du budget doit être revue.
La représentation nationale ne peut se satisfaire de la présentation globale du budget. Cette institution ne dispose d'aucune ligne budgétaire spécifique, ce qui interdit tout contrôle de la représentation nationale sur les dépenses et rend impossible tout débat sur le sujet.
La question a déjà été soulevée dans d'autres enceintes, à plusieurs reprises et de façons diverses sans avoir donné lieu à des réponses. La question abordée aujourd'hui n'est donc pas nouvelle mais la présidence française de l'Union européenne devrait constituer l'occasion d'y apporter enfin une réponse.
Il est notamment indispensable, tant pour des raisons de forme que de fond, de corriger la présentation du titre IV.
En effet, et ce n'est qu'un rappel, la contribution française au budget du Conseil de l'Europe comporte, outre des contributions obligatoires et des souscriptions à des programmes spécifiques - souscriptions correspondant à des contributions volontaires - des fonds affectés au fonctionnement de la Cour de justice.
Le coût - estimé à 5 millions de francs - du poste de commissaire aux droits de l'homme obère considérablement, à hauteur d'environ 20 %, le budget de fonctionnement du Conseil de l'Europe. La France devrait donner l'exemple à ses collègues des autres pays membres, en dissociant le budget de la Cour de justice de la contribution globale de façon à constituer au plus vite pour ce poste un budget annexe.
Il est indispensable que le Gouvernement accorde aux parlementaires la transparence qu'ils réclament en adoptant une rédaction et une présentation détaillée selon les postes.
Il faut aussi détailler les programmes et les montants des participations financières.
Seule une telle présentation permettra à la représentation nationale de suivre les actions menées et d'en apprécier le bien-fondé, d'autant que la France est le seul pays à adhérer systématiquement à tous les accords partiels, voyant ainsi sa contribution s'accroître de plus de 47 millions de francs et passer de 128 millions de francs à 175 millions de francs.
Je formulerai d'autres suggestions, monsieur le ministre, si vous le voulez bien.
Il conviendrait tout d'abord de créer une ligne correspondant à des indemnités versées ou à verser aux parlementaires du Conseil de l'Europe, sur le modèle de celle qui concerne les élus du Parlement européen.
Il faudrait également connaître le détail des dépenses de fonctionnement et des autres dépenses liées au Conseil de l'Europe, ainsi que les frais de fonctionnement et de représentation de l'ambassade de France auprès du Conseil.
D'autres questions se posent encore.
A l'article 40, agrégat 03, le poste : « interventions du ministre des affaires européennes » a augmenté de 9 millions de francs, passant à 24 150 446 francs. Sans doute est-ce en liaison avec la présidence française de l'Union européenne. Mais concerne-t-il en tout ou en partie seulement le Conseil de l'Europe ?
Au titre IV, interventions publiques, les mesures de non-reconduction d'ajustement ou de transferts internes concernent-elles le Conseil de l'Europe ?
Monsieur le ministre, la présidence française de l'Union européenne et le tropisme de l'élargissement érigé en dogme ne doivent pas faire perdre de vue les difficultés qui attendent une Europe élargie et déjà si disparate.
La sagesse devrait sans doute nous conduire à engager une vraie réflexion, qui ne confonde pas vitesse et précipitation. L'Europe des Quinze est déjà un monstre administratif bouffi d'autosatisfaction, gonflé par les frais de réception et de traduction.
M. Attali, en prônant dans un rapport remis au Gouvernement une Europe élargie à quarante pays, plaide, très astucieusement et sans le savoir, en faveur du renforcement des pouvoirs du Conseil de l'Europe. L'Europe de M. Attali existe donc déjà. Et si nous lui accordions un peu plus d'attention !
Le second sujet que je voudrais évoquer à cette tribune, très brièvement d'ailleurs, concerne le Kosovo.
Mon interrogation porte plus expressément sur le rôle que doit jouer la France, au regard non pas des orientations, mais des mesures qui doivent être prises et appliquées sans tarder par ces organisations internationales dont notre pays est l'un des principaux acteurs. C'est ainsi que les crédits annoncés par l'Union européenne et donc par la France n'étaient toujours pas débloqués le 25 octobre dernier.
Plus que sur des mots ou des constatations, la restructuration de l'économie du pays repose essentiellement sur la restauration agricole et le maintien de la vie rurale. J'en ai d'ailleurs fait le rapport au Conseil de l'Europe.
Or, cette reconstruction, qui repose sur l'un des quatre piliers de l'équipe Kouchner, est confiée à un Français. Officier de réserve, ce dernier a laissé sa famille, son exploitation agricole en Champagne-Ardennes dont il est originaire, pour se rendre au Kosovo afin d'y apporter son aide et ses compétences. Là-bas, il utilise son ordinateur et son portable personnels et vit sous une tente dans des conditions extrêmement modestes, alors que les autorités européennes sont installées dans le musée de Pristina. C'est l'illustration même des problèmes spécifiques que vivent nos compatriotes là-bas, et qu'on n'imagine certainement pas à Paris.
Or, nous pouvons agir sans tarder, sur la destruction des mines antipersonnel, nous avons en France une société spécialisée qui attend des instructions pour entreprendre le déminage. Sur la dépollution des terres, une centaine de pluvérisateurs sont nécessaires et nous connaissons la société fournisseur. Sur l'enlèvement des cadavres d'animaux qui restent encore sur le sol, une société d'équarrissage normande est prête à intervenir.
J'ajoute que l'ONF et l'INRA ont été contactés afin de participer au réensemencement des espaces agricoles et au reboisement des forêts.
Il faudrait par ailleurs quelques tonnes de ciment pour que les paysans kosovars restaurent leurs habitations car il ne leur reste que des briques de démolition.
Grâce à de telles actions, les paysans kosovars pourraient très rapidement regagner leur lopin de terre, sortir de leur situation d'assistés et retrouver très vite l'autosuffisance.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Absolument !
M. Daniel Goulet. Par ailleurs, le pont de Pec, qui a été détruit, est actuellement remplacé par un pont métallique provisoire posé par l'administration américaine qui entend bien le reprendre lorsqu'elle quittera le pays. Or, il est impossible de débloquer le dossier de la reconstruction de ce pont. Les Français ont proposé un projet, mais ils se sont vu opposer un refus qui nous paraît incompréhensible.
Constats, projets, initiatives ne manquent pas ; mais ils sont bloqués, faute d'argent.
Vous conviendrez que ces situations ne sont plus acceptables.
On ne compte plus les responsables politiques qui sont allés au Kosovo, quand ils ne sont pas sur le point d'y partir. Certains crient, comme moi, leur étonnement et déplorent leur impuissance à faire oeuvre utile. D'autres, plus nombreux, font montre d'auto-satisfaction.
Bien que l'enceinte de notre assemblée ne s'y prête guère, j'ai envie de crier : « Assez ! », assez de mots, de colloques, de conférences de donateurs, d'ONG qui, pour certaines, deviennent de véritables professionnels de la misère. Pourquoi 330 ONG sont-elles présentes au Kosovo ? Fort heureusement, j'ai pu constater que celles qui sont d'origine française remplissent bien leur mission !
Monsieur le ministre, ce sont des actes précis et efficaces qu'il faut envisager même si nous pouvons considérer qu'ils peuvent être au départ assez modestes, leurs effets seraient à coup sûr significatifs.
Nous avons sur place des compatriotes dont la compétence et la générosité sont unanimement appréciées. Faisons en sorte de les sortir de leur isolement en les comprenant et en les aidant, dans le sens qu'ils nous indiquent. C'est au sein des organismes internationaux que la France doit donc se montrer efficace, faire preuve d'une très ferme détermination et surtout d'une grande exigence dans l'application et le suivi des mesures retenues.
C'est ainsi que la France aura bien rempli sa mission et qu'elle sera digne des vertus d'humanisme qu'on lui accorde ordinairement.
J'aimerais tant, monsieur le ministre, que, pour une fois, vous soyez en mesure de contredire mes affirmations ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Monsieur le ministre, jusqu'à présent nous avons à peu près tenu les délais établis par la conférence des présidents. Si vous pouviez répondre à l'ensemble des orateurs en une trentaine de minutes, vous contribueriez au bon déroulement de la discussion budgétaire.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du genre s'agissant du budget des affaires étrangères, c'est de parler du budget et de tout autre chose. Chacun peut donc comprendre mon embarras de devoir répondre le plus complètement possible à des questions nombreuses et diverses.
Certaines questions s'adressaient à M. Hubert Védrine, qui aurait aimé y répondre. Mais il a dû se rendre à Helsinki, où ses collègues et lui-même recherchent en ce moment la manière la plus efficace de peser sur la Russie afin de trouver d'autres solutions que celle qui est aujourd'hui mise en oeuvre en Tchétchénie.
Je voudrais d'abord remercier les rapporteurs ainsi que le président de la commission des affaires étrangères, M. de Villepin. Vous avez rappelé le caractère souvent consensuel du débat relatif au budget des affaires étrangères, qui ne se traduit pas toujours par un vote consensuel ! J'ai des raisons particulières de me féliciter, car tous les orateurs ont dit, malgré les réserves qu'ils ont exprimées, qu'il voteraient le budget qui leur était présenté non pas tant pour les crédits qu'il comporte, mais pour l'action que nous conduisons. J'ai donc bien compris que, pour beaucoup d'entre vous, c'est peut-être plus ce dernier argument qui emportait la décision que les seules considérations budgétaires.
Si j'ai cité M. de Villepin, c'est parce que M. Hubert Védrine a regretté de ne pas avoir eu le temps de le faire lui-même à l'occasion de son intervention. Je tenais à le rappeler, car vous êtes pour beaucoup, monsieur de Villepin, dans ce climat consensuel qui, souvent, prévaut autour de nos discussions.
Je voudrais brièvement cibler un peu mieux avec vous les crédits de coopération internationale.
C'est la deuxxième fois que je vous présente le projet de budget des affaires étangères dans sa composante « Coopération et francophonie ». J'entends par là l'ensemble des crédits d'intervention que nous consacrons à notre politique extérieure et que nous mettons en oeuvre avec les services nés de la réforme de la coopération. Après les crédits de l'année de rodage, ce sont donc ceux du régime de croisière qui sont soumis à votre vote.
Certains continuent de regretter - je sais que c'est le cas de M. de Villepin - un certain manque de lisibilité de ces crédits à l'intérieur du budget. Je vais donc essayer de répondre à ses interrogations, comme d'ailleurs à celles de Mme Brisepierre sur l'efficacité de notre réforme.
Je reviendrai un instant sur l'impact de la réforme de notre dispositif de coopération, puis je vous exposerai les grandes lignes du projet du budget.
Le nouveau dispositif de coopération a été mis en place au cours de l'année 1999. L'appareil administratif était prêt au 1er janvier. La DGCID était constituée de la fusion des services de la coopération et de la DGCRST. Elle comptait un peu moins de 600 agents. C'est évidemment une direction importante dans l'ensemble affaires étrangères-coopération. Elle s'installait pour partie rue Monsieur et boulevard Saint-Germain. Nous n'avions pas pu, et nous le regrettons, trouver un site unique pour l'installer, mais les deux adresses ne sont pas si éloignées ; le fonctionnement de l'ensemble ne peut donc pas en être trop affecté.
J'ai compris que, selon vous, la DGCID avait encore besoin de roder son fonctionnement. L'un de vous a qualifié la DGCID d'« usine à gaz frileuse », ce qui signifie qu'il y a de toute évidence une mauvaise utilisation du gaz, (Sourires.) ...
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Ça va exploser !
M. Charles Josselin, ministre délégué. ... ou que celui-ci serait de mauvaise qualité !
Lorsque nous avons mis en place cette réforme, nous avions évidemment la certitude qu'il faudrait évaluer la manière dont elle serait conduite et, éventuellement, si nécessaire, la corriger. Il faut donc apporter ici ou là quelques corrections, sinon dans l'organigramme, du moins dans le fonctionnement de cette grande direction. Nous en parlons avec ses responsables et nous trouverons les solutions qu'appelle ce métissage encore insuffisant, cette ouverture encore insuffisante - cela a été rappelé par certains - dont, croyez-moi, nous sommes conscients !
Les questions touchant aux statuts des personnels et à leurs régimes de rémunérations avaient été réglées au préalable dans leur principe. La mise en oeuvre de solutions retenues n'est pas achevée, mais elle se poursuit sans à-coups particuliers. M. Hubert Védrine a d'ailleurs utilisé la dynamique créée par notre réforme pour lancer la fusion des corps de chancellerie et d'administration centrale dans des corps unique plus souples et mieux adaptés aux besoins de l'administration comme aux aspirations des agents. Après la fusion des corps de la catégorie A, désormais acquise, nous allons réaliser celle des autres catégories de personnel.
Deuxième temps fort, le CICID s'est réuni et a fixé les contours de la zone de solidarité prioritaire. Ce faisant, il arrêtait les conditions d'intervention de nos instruments de coopération. Nous avons donc lancé les procédures de révision des textes correspondants, cela vaut pour le statut de l'AFD et le décret sur le FAC, qui deviendra le fonds de solidarité prioritaire, en cohérence avec la zone de solidarité prioritaire, au 1er janvier prochain. Il faudra s'adapter à ce nouveau sigle. La discussion n'est pas achevée. En plein accord, sur le fond, avec M. Charasse, je souhaite que les parlementaires continuent de jouer le rôle qui a été le leur depuis 1959 dans le nouveau dispositif. Il reste à nous entendre sur les modalités de ce système original de contrôle parlementaire. Je n'anticiperai pas sur la suite des débats.
La ZSP comporte cinquante-huit pays, parmi lesquels figurent la quasi-intégralité des pays africains - je le précise à l'intention de ceux qui craignaient que la réforme n'affaiblisse notre sollicitude et notre volonté de coopérer avec les pays africains - comme le Maghreb, la Palestine, le Liban, plusieurs pays d'Asie du Sud-Est et ceux qui environnent nos départements et territoires d'outre-mer ; tous sont potentiellement bénéficiaires de notre aide, sous réserve de la qualité des projets que nous définissons ensemble.
Chaque année, le CICID redéfinira la liste des pays de la ZSP, en fonction d'un certain nombre de critères parmi lesquels le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, la bonne gestion des affaires publiques et la lutte contre la corruption. J'insiste sur cette dernière parce qu'elle fait l'objet d'un ciblage particulier, notamment dans le cadre de la renégociation des accords de Lomé.
Plusieurs d'entre vous me demandent comment nous assurons la compatibilité entre une zone d'intervention plus large que l'ancien champ et le maintien en masse de nos crédits d'aide projet. Ma réponse est triple : d'abord une plus grande sélectivité des projets au regard de leur efficacité et de l'implication effective de nos partenaires, ensuite le basculement d'une partie des projets sur les crédits mis en oeuvre par l'AFD pour les opérations d'infrastructures de santé et d'éducation et la mise en oeuvre d'un supplément de crédits qui correspond à vos voeux. Vous aurez apprécié comme moi l'augmentation des autorisations de programmes du titre VI de 350 millions de francs, dont 210 millions de francs au titre du FAC et 140 millions de francs au titre de l'AFD.
Depuis le début de l'année, nous avons redéployé des personnels au profit des nouveaux pays de la ZSP et, dès cet automne, les premiers projets hors de l'ex-champ ont pu être négociés avec ces pays et seront décidés en comité directeur du FAC la semaine prochaine, pour le Vietnam, le Liban, Cuba, le Ghana, par exemple.
J'ajoute que ces mouvements de personnels - ce sont 1000 personnes qui ont été déplacées dans le cadre de la réforme, ce qui est considérable ! - avaient aussi pour objectif de mêler les cultures des anciens de la « coopération » et des anciens de la « DG ». Ainsi, la coopération internationale que nous proposons à nos partenaires, développés ou moins développés, s'en trouve modernisée, plus adaptée à des réalités qui, elles aussi, ont changé, au Nord comme au Sud.
Je vous concède, madame Brisepierre, que ce métissage n'est pas homogène sur l'ensemble de notre dispositif, que notre objectif ne sera pas atteint avant quelques années, qu'il y a encore ici ou là des problèmes de comportement des uns vis-à-vis des autres, ce qui explique parfois le malaise ou le mal-être observé dans certains postes ; nous y veillons.
La nouvelle mécanique de la coopération est en tout cas lancée et je pense qu'après quelques mois d'adaptation elle va fonctionner ; elle fonctionne déjà, je crois, efficacement.
Ainsi que l'a indiqué M. Hubert Védrine, le budget des affaires étrangères pour l'an 2000 rompt avec la décroissance régulière des budgets précédents. Il est vrai qu'il ne s'agit pas d'un budget prioritaire, mais il faudrait remonter très loin pour en trouver un. Bien qu'ayant été parlementaire pendant vingt-sept ans, je ne crois pas me souvenir d'avoir jamais vu, au cours de cette période, un budget des affaires étrangères reconnu comme étant un budget prioritaire. On a dit tout à l'heure qu'il fallait remonter à Michel Debré !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. A Talleyrand !
M. Charles Josselin, ministre délégué. En tout cas, les choses commencent à changer. Mais il est évident que ce n'est pas seulement le budget 2000 qui pourra faire la preuve de cette inflexion ; ce sont également les budgets suivants, en particulier le budget 2001 et je vous donne déjà rendez-vous, parce que nous ne serons pas de trop pour parvenir à un budget satisfaisant !
Les crédits de la DGCID progressent de 0,1 %, passant de 9,232 milliards de francs à 9,240 milliards de francs. C'est peu, mais c'est complètement nouveau.
Bien entendu, cette évolution n'est pas générale et ne porte pas sur toutes les catégories de crédits de coopération. Dans cette arithmétique de hausses et de baisses, nous avons profité d'économies acceptables pour financer nos besoins et nos priorités.
Je pense aux crédits d'ajustement structurel, dont la consommation a encore chuté en 1999 et qui deviendront, j'en accepte l'augure, inutiles dès lors que les annulations de dettes des pays pauvres très endettés décidées par le G7 auront produit leurs effets. J'ajoute, à cet égard, que cette mesure libérera des marges de manoeuvre sur les budgets des pays correspondants, qui pourront être utilisées sur des projets de coopération. La lutte contre la pauvreté et le renforcement de l'Etat de droit en seront les principaux bénéficiaires. Or c'est dans ces domaines que nous avons un savoir-faire reconnu.
Au sujet de cette baisse constatée et regrettée, il faut tout de même rappeler qu'elle s'explique parfois parce que la situation financière de certains pays africains s'est améliorée ; que d'autres bailleurs, le FMI par exemple, ont pu les aider, ce qui diminue notre part dans l'appui reconnu à ces pays ; que malheureusement aussi des conflits dans certains de ces pays n'ont pas permis le développement normal de programmes d'appui entraînant la sous-consommation d'un certain nombre de crédits.
Mais c'est surtout la quasi-disparition des protocoles financiers, passant de 15 milliards de francs à 1,6 milliard de francs en quelques années, qui explique très largement la baisse observée par plusieurs d'entre vous. Cela signifie, c'est vrai, qu'on aide moins nos entreprises à exporter, qu'elles sont plus compétitives et que les marchés financiers internationaux sont aussi preneurs de leurs opérations.
L'assistance technique figure au nombre de vos préoccupations et des nôtres aussi. Elle libère encore des crédits cette année. Parallèlement, les dotations correspondantes gagnent en flexibilité, ce qui devrait permettre de recourir à une expertise différente, intervenant dans des conditions de délai différentes, sur des programmes et avec des objectifs parfois plus serrés.
Le travail confié à Jean Némo à ce sujet entre dans la phase d'élaboration des recommandations. M. Hubert Védrine et moi-même en tirerons les conséquences au début de l'année prochaine, et nous aurons certainement l'occasion, si vous le souhaitez, d'en parler. C'est une question capitale, mais la question se pose de savoir jusqu'où aller trop loin dans la déflation. C'est presque, en dessous d'un seuil, un problème de visibilité.
La question de l'abandon systématique de la substitution est aussi posée. Nous pouvons nous interroger notamment sur le point de savoir si, en matière d'enseignement supérieur, la présence d'enseignants français ne serait pas parfois, ici ou là, utile. La question, là aussi, mérite d'être évoquée.
Ce budget, en tout cas, permet d'assurer les priorités qui ont été fixées aussi bien en matière de coopération-développement qu'en matière de coopération culturelle. Hubert Védrine a cité les principales mesures nouvelles. Je n'en citerai pas d'autres car le temps me manque. Je rappellerai simplement notre volonté de développer notre capacité d'influence extérieure, d'identifier et de fidéliser les élites chez nos partenaires, et de confirmer notre position en matière de coopération au développement.
Nous cherchons à développer notre influence par une meilleure présence sur les plans médiatique, diplomatique et géographique.
Une meilleure présence médiatique passe par l'audiovisuel extérieur, dont Mme Pourtaud nous a entretenus. Les crédits qui y sont consacrés seront augmentés de 25 millions de francs, conformément à notre engagement de réaliser le plan TV5, conduit par le président Stock. J'apprécie d'ailleurs les compliments que vous avez exprimés à son intention et à celle de son équipe.
Il est vrai que Jean Stock n'est pas responsable de l'ensemble de la constellation TV5. Il y a également TV5 Canada-Québec : c'est un attelage à double commande, Canada et Québec, qui vient de renouveler sa direction, puisqu'un nouveau président vient d'être désigné.
Le contact est établi avec Jean Stock ; espérons que le dialogue sera fécond pour donner au signal émis sur le continent américain une meilleure attractivité !
De toute évidence, le succès n'est au rendez-vous ni aux Etats-Unis ni - et c'est plus préoccupant pour nous - en Amérique latine, où pourtant une demande de télévision en français existe. Il faut donc que le signal que nous émettons là-bas soit de qualité, c'est une de nos préoccupations.
La réflexion est engagée, nous en reparlerons certainement dans le courant de l'année prochaine. S'il apparaissait que les efforts entrepris n'atteignaient pas l'objectif poursuivi, il faudrait se reposer la question de savoir si c'est une chaîne française extérieure qu'il y aurait lieu de promouvoir à nouveau.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Notre influence passe aussi par une meilleure présence dans les institutions multilatérales.
Nous augmentons le volume de nos contributions volontaires aux organisations internationales, certains d'entre vous l'on rappelé. Nous tirons là profit du travail qu'avait fait votre collègue député Yves Tavernier, mais aussi des appels que vous nous avez lancés depuis plusieurs années.
Nous aidons nos partenaires en développement à accroître aussi leur présence dans ces enceintes. Nous avons abondé les fonds créés à cet effet à l'OMC.
A ce sujet, je dirai que, si l'échec de Seattle n'est pas seulement imputable au défaut d'implication des pays en développement à la préparation du sommet, cette circonstance y a certainement contribué pour beaucoup, et je crois que nous devrons les aider dans l'avenir à mieux s'impliquer dans les organismes où le sort commun est décidé.
Au-delà, je vois évidemment une raison supplémentaire d'aider nos partenaires, c'est de constituer avec eux des groupes de pression influents.
La francophonie, d'ailleurs, est utilisée chaque fois que faire se peut pour essayer de forger à l'avance des positions communes dans ces rendez-vous. La conférence économiques de Monaco sur ce sujet en avait établi le principe.
La préparation du sommet de Moncton a été assez exemplaire. Elle s'est faite sur des bases raisonnables et avec une volonté partagée de rendre plus efficaces les instruments dont nous l'avions dotée. Je fais là référence aux audits et aux évaluations que la France a réclamés avec insistance et qui ont conduit à un certain nombre de décisions qui devraient être positives. Je pense en particulier à l'agence universitaire de la francophonie. Nous sommes en tout cas parvenus à construire un nouveau programme ambitieux, à moyens constants, pour le prochain biennum . L'exercice mérite aussi d'être souligné et je pense que cette réussite est porteuse d'avenir pour notre langue et notre culture.
La deuxième idée force, vous en avez beaucoup parlé les uns et les autres pour dénoncer sa mise en oeuvre insuffisante et le manque de moyens qui y sont affectés, c'est d'identifier et de fidéliser les élites futures chez nos partenaires. C'est toute la question de l'accueil en France des étudiants étrangers. M. Hubert Védrine y a fait allusion. Il a rappelé le montant des mesures prises au profit d'EduFrance et des bourses d'excellence du programme Eiffel. Les orientations déterminées l'an dernier sont confirmées, les moyens consacrés augmentés, et c'est bien toute notre politique d'accueil des étudiants qui est renforcée et rendue plus attrayante pour les candidats potentiels.
Je n'en dis pas davantage, mais je suis bien d'accord avec vous pour considérer que la question des visas appelle des traitements plus positifs, même si des progrès ont été réalisés et même s'il arrive que nous soyons un peu hésitants à accorder des visas pour des premiers cycles, ce qui revient à condamner l'enseignement supérieur dans les pays d'où proviennent ces étudiants. C'est une question à laquelle je vous rends attentifs, elle est tout de même préoccupante.
Je sais que la concurrence américaine, nord-américaine en particulier, est forte et qu'il y a un tropisme qui n'affecte pas seulement les étudiants africains. Les étudiants européens n'y échappent pas complètement.
Mais, sur ce sujet, je voudrais que l'on sache aussi raison garder et que l'on conserve présentes à l'esprit un certain nombre de réalités comme le fait que la France demeure, et de très loin, le pays d'accueil des étudiants africains.
Il faut donc, en effet, que nous nous donnions les moyens, non seulement de recevoir ces étudiants, mais de les accueillir vraiment dans un environnement qui fasse la place aussi bien au logement qu'à l'insertion sociale.
J'en viens à notre volonté de confirmer la place de la France dans l'aide publique au développement.
Nos crédits APD sont globalement préservés dans le budget pour 2000. Les dotations en autorisations de programmes du fonds de solidarité prioritaire et des dons-projets mis en oeuvre par l'agence française de développement sont reconduites à 2,3 milliards de francs dans le projet de loi de finances qui vous a été proposé, avec des crédits de paiement qui progressent de 5 %. Si vous acceptez de voter les amendements du Gouvernement, l'augmentation sera encore plus significative.
Nous avons, en réalité, repensé profondément l'utilisation de tous nos instruments, notamment pour assurer l'élargissement du champ de la ZSP. Dès à présent, des pays qui n'étaient pas dans le champ sont éligibles au FAC ; je pense aussi bien aux pays du Maghreb que du Mashreck ou d'Asie du Sud-Est, qui ne bénéficiaient auparavant que des crédits du titre IV.
Pour 2000, nous allons modifier nos procédures de programmation en instituant des « réserves régionales » de crédits aux côtés des classiques enveloppes indicatives par pays. Nous nous donnerons ainsi, à la fois, une plus grande souplesse et des moyens plus visibles pour conduire des projets régionaux, en particulier sur des régions où une nouvelle coopération est à construire. Cela vaut d'ailleurs aussi bien dans la ZSP, pour le fonds de solidarité prioritaire, que dans les pays d'Europe de l'Est, pour les projets financés par le COCOP.
Ce projet de budget devrait nous permettre d'inverser une tendance lourde. Les chiffres représentatifs de notre effort d'aide publique au développement, au sens du comité d'aide au développement de l'OCDE, viennent de sortir pour 1998. Certes, la France conserve son rang de premier bailleur bilatéral du comité d'aide au développement en proportion de son produit intérieur brut, mais cela à 0,40 % et nous ne sommes plus qu'à la troisième place en volume net. La baisse n'est pas encore stoppée. Elle devrait l'être en 2000, par la conjonction de la stabilité de nos crédits et de la mise en oeuvre des mesures d'annulation de dettes décidées à Cologne par le G7.
Nombre d'entre vous se sont interrogés sur le processus d'annulation de la dette. Je les renvoie à l'actualité. Des contributions bilatérales permettront le bouclage du financement de cette initiative d'aide. Les ventes d'or, selon la procédure très spécifique décidée par le Fonds monétaire international, commencent ou sont en cours. Tout le monde est bien convenu que les marges de manoeuvre dégagées par ces annulations de dettes doivent être utilisées en priorité à la lutte contre la pauvreté.
Nous sommes aussi convaincus que, si l'aide publique au développement n'est pas maintenue, les pays concernés, même si on les aide à résorber leur dette, ne pourront, à eux seuls, conduire les projets de développement nécessaire. Dans le même temps que la dette s'annule, l'aide publique doit continuer à être au rendez-vous de la solidarité.
J'ai parlé de manière implicite de la coopération que l'on qualifie de « hors l'Etat ». Elle est au coeur de nouvelles dynamiques.
Plusieurs d'entre vous y ont fait allusion pour soutenir la volonté que nous avons mise en oeuvre de développer cette coopération qui implique, au-delà des collectivités locales, les populations. C'est en cela que cette coopération est également riche, car elle nous aide à modifier le regard que les Françaises et les Français, en particulier les plus jeunes, portent sur ces pays lointains. Cela me paraît tout à fait essentiel.
En tout cas, les collectivités françaises, pour leur part, manifestent leur intérêt. Elles ont participé très activement à un certain nombre de rencontres organisées par pays : le Vietnam à Poitiers, le Mali à Angers, le Niger à Juvisy et à Saint-Brieuc, les Caraïbes en Haïti, la Côte d'Ivoire à Abidjan, les pays de l'océan Indien à Tananarive et le Burkina-Faso à Rouen.
Un peu comme point d'orgue de toute cette réflexion engagée, ont eu lieu les rencontres nationales de la coopération décentralisée, qui ont été un grand succès.
Je ne saurais terminé ce point sans mentionner, même s'il ne se traduit pas par une dotation budgétaire spécifique en l'an 2000, l'espoir que je place dans le dispositif du volontariat civil, que vous avez examiné en octobre dernier. C'est, si vous m'autorisez l'expression, une de mes grandes entreprises. C'est notre réponse à la fin de la conscription en coopération. L'enjeu est de taille. Plusieurs d'entre vous l'ont souligné. Cela a été le cas de M. Durand-Chastel et évidemment de M. Del Picchia puisqu'il a été le rapporteur de ce projet de loi.
L'enjeu est de taille pour le réseau des établissements scolaires à l'étranger, pour nos établissements culturels, pour nos entreprises, pour nos organisations non gouvernementales, et, évidemment, pour nos pays partenaires, qui demeurent « en attente de France ». C'est aussi une réponse à l'aspiration citoyenne et solidaire de nombreux jeunes gens et jeunes filles qui souhaitent mettre leurs compétences et leur enthousiasme au service de l'intérêt général.
S'agissant du calendrier, c'est normalement le 20 janvier que l'Assemblée nationale examinera le texte en première lecture, qui pourrait revenir devant le Sénat le 9 février. Par conséquent, le souhait que plusieurs d'entre vous avaient exprimé de faire vite car le temps presse devrait être satisfait.
Le budget des affaires étrangères peut être considéré, globalement, comme un bon budget, compte tenu des contraintes budgétaires que nous avons par ailleurs. En tout cas, il traduit une claire détermination à inverser une tendance que vous aviez, à juste titre, dénoncée. Les choix politiques que M. Hubert Védrine et moi-même vous avons exposés seront mis en oeuvre avec détermination et avec des moyens que nous considérons comme adaptés. C'est pour ces raisons, bien sûr, que nous vous demandons de voter ce budget. Au demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez déjà indiqué votre intention, et je vous en remercie.
Monsieur le président, je ne pourrai pas répondre à toutes les questions qui ont été posées. Mais M. Hubert Védrine et moi-même adresserons par écrit aux inéressés les réponses aux questions qui n'ont pas été abordées et notre sentiment sur les propositions donnerons souvent très constructives que plusieurs d'entre vous ont présentées.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Charles Josselin, ministre délégué. J'ajouterai simplement que, s'agissant de l'actualité, on a peu parlé de l'humanitaire.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Les crédits augmentent !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Pourtant, l'année 1999 aura, hélas !, été féconde en événements nous ayant amenés à intervenir au Kosovo, en Turquie, en Grèce et au Timor, sans parler des suites du cyclone Mitch, puisque l'humanitaire s'applique aussi aux catastrophes naturelles.
Le fonds d'urgence humanitaire a été abondé en conséquence en cours d'année. Dans le projet de loi de finances pour 2000, il est en augmentation de 10,5 %. Si la situation humanitaire l'exigeait, le fonds serait abondé en loi de finances rectificative.
Il y a eu le Kosovo, certes, mais il y a eu aussi Brazzaville, le Soudan, la Sierra Leone et quelques autres pays où nous avons continué à exercer notre solidarité. Je dis cela pour réfuter le jugement parfois un peu brutal selon lequel le Kosovo aurait fait oublier le reste, en clair aurait fait oublier l'Afrique. C'est faux : nous nous en préoccupons car nous savons que la situation des réfugiés y reste encore très préoccupante.
S'agissant de l'enseignement, vous avez évoqué la question du dialogue avec le ministère de l'éducation nationale. Le dialogue continue !
M. Pierre Biarnès. Mais un seul parle !
M. Charles Josselin, ministre délégué. J'observe d'ailleurs que vous aurez été probablement le censeur le plus sévère ce soir.
M. Pierre Biarnès. Qui aime bien châtie bien ! (Rires.)
M. Charles Josselin, ministre délégué. C'est ainsi que je l'ai compris ! Je veux croire que c'est la seule raison.
Mais, s'agissant de la réflexion que nous conduisons dans les services de la coopération et de la francophonie, nous pensons, comme beaucoup d'entre vous, que la seule manière d'obtenir des moyens à la hauteur de nos ambitions c'est bien que le grand partenaire qu'est le ministère de l'éducation nationale s'implique davantage : c'est de cela que nous parlons avec Claude Allègre !
J'espère que nos efforts convergents produiront, là aussi, des résultats. En tout cas, le ministère des affaires étrangères y est très attentif, car nous savons bien que de nombreuses familles françaises vivant à l'étranger ne sont plus en situation de scolariser leur enfant, surtout lorsqu'il y a deux ou trois enfants.
La maîtrise des frais d'écolage fait l'objet d'un suivi par l'AEFE. La question des droits d'écolage se pose également lorsqu'il s'agit d'ouvrir ces établissements aux élèves non français. En effet, même si les frais d'écolage sont très élevés, souvent, ceux des établissements français le sont beaucoup moins que ceux d'établissements étrangers comparables.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est exact !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Il faut prendre en compte ces réalités.
Une question a été posée sur l'inventaire de notre patrimoine. Un tableau général des propriétés existe à l'étranger, le TGPE. Ce tableau dresse un inventaire réglementaire établi sous la responsabilité de la Direction générale des impôts, conformément aux dispositions fixées par le code des domaines de l'Etat.
Je rappellerai l'état des lieux : notre parc immobilier compte, en propriété, 524 435 mètres carrés et, en location, 174 275 mètres carrés.
Le leasing - je crois que c'est M. Charasse, alors ministre du budget, qui se trouve à l'origine de cette autre manière de disposer des biens (M. Charasse, rapporteur spécial, fait un signe d'assentiment) - peut, en effet, dans certains cas, être la meilleure solution. Nous n'y sommes pas opposés.
Le service des visas a également été l'objet de nombreuses questions. Je rappellerai simplement que le fonds de concours assis sur les droits de chancellerie rapporte une centaine de millions de francs par an au ministère des affaires étrangères. Ce fonds de concours avait été porté, de 1997 à juin 2000, à 30 % des droits de chancellerie. Le ministère demande sa reconduction et l'augmentation à 100 % du montant des droits, afin de disposer de crédits supplémentaires pour poursuivre les travaux de modernisation qui ont été entrepris, mais qui restent encore très insuffisants.
Pour ce qui est des personnels, nous avons mis un terme au développement du recours aux recrutements locaux, ce qui a été demandé par plusieurs d'entre vous. Nous sommes en effet convaincus que c'est la bonne manière de traiter les demandes de visa avec tout le sérieux et l'humanité nécessaires. Nous avonc donc choisi d'assurer l'encadrement des équipes consulaires par des agents titulaires. Nous voulons y affecter une part importante des emplois qui ont été obtenus en LFI 2000 ; les chiffres vous ont déjà été fournis.
Le nombre des visas délivrés aux étudiants en 1999 a été augmenté de 30 % par rapport à 1998. Cette progression atteint 36 % pour l'Afrique francophone au sud du Sahara et 43 % pour le Maghreb. Le chiffre global de 30 % est donc plus important pour les régions précitées, ce qui répond à vos préoccupations.
Je répondrai par écrit à plusieurs questions particulières. Je dispose des éléments nécessaires pour le faire, y compris à propos des implantations de la délégation française à Tallin dont nous a parlé M. Pelletier.
En ce qui concerne le Kosovo, je vous ferai simplement observer, madame Bidard-Reydet, qu'après les mobilisations des crédits humanitaires en 1999, ce sont la reconstruction et le développement qui retiennent notre attention. N'oublions pas non plus le Monténégro, qui se trouve dans une situation extrêmement préoccupante, tout comme l'Albanie et la Macédoine qui comptent sur nous. Nous voudrions surtout éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. En Bosnie, l'Europe avait payé un lourd tribut, sans avoir été impliquée dans le développement et la reconstruction.
M. Goulet a évoqué un certain nombre d'entreprises qui ne sont pas satisfaites de ne pas avoir pu voir aboutir leurs projets au Kosovo. Je les invite à se mettre en rapport avec M. Fauroux ; il est là pour cela !
S'agissant du pont de Pec que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est un Français qui y joue le rôle de préfet, M. Le Roy ; il s'agit d'une personne de grande qualité. Peut-être pourriez-vous étudier cette question avec lui aussi. En tout cas, je vous rappelle que 1 milliard d'euros est prévu pour la reconstruction du Kosovo. Sur ce milliard d'euros, la part de la France représente 17 %. (M. Pierre Biarnès s'exclame.)
S'agissant des recrutés locaux, vous avez fait allusion à l'audit réalisé par l'ambassadeur Patrick Amiot qui vaut plan d'action pour la revalorisation et la modernisation de la gestion des recrutés locaux. Ce plan d'action a été adressé à l'ensemble des postes en vue d'une concertation sur le terrain. Mais il fait également l'objet d'une concertation avec les autres administrations françaises, afin d'éviter les disparités que vous dénonciez tout à l'heure.
Je vous rappelle que nous avons choisi de confier les emplois les plus sensibles à des agents titulaires, le recrutement local étant progressivement réorienté, dans les années à venir, vers les pays de la zone OCDE, où le problème des visas est moins sensible.
Nous oeuvrons aussi pour l'harmonisation des rémunérations des personnels qui servent au sein des postes d'expansion économique et des postes diplomatiques français.
M. Cantegrit a évoqué la situation des sociétés françaises de bienfaisance. Je comprends que les contrôles dont elles sont l'objet provoquent quelques irritations ici et là. Nous subventionnons cent cinq sociétés françaises de bienfaisance et il n'est pas anormal que le ministère des affaires étrangères sollicite des documents relatifs à la comptabilité de ces associations, ne serait-ce que pour apprécier le bien-fondé des demandes d'argent public qu'elles nous présentent. On ne comprendrait pas que nous refusions de leur appliquer les règles auxquelles sont soumises les associations en France. Peut-être faut-il conduire ces contrôles avec plus de diplomatie. Je veux bien faire passer ce message.
S'agissant de la couverture des dépenses médicales, notre dispositif d'aide sociale à l'étranger prévoit que des secours occasionnels peuvent être attribués : 3,2 millions de francs ont été accordés à ce titre en 1998, dont 80 % sont consacrés à la couverture des dépenses de santé de Français le plus souvent allocataires des comités consulaires pour la protection et l'action sociale. Par conséquent, il existe des possibilités d'aide complémentaire.
Les moyens budgétaires sont-ils suffisants pour répondre aux demandes ?
M. Pierre Biarnès. Non !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je suis prêt à en convenir, mais c'est un combat que nous continuons de mener et je crois que des progrès ont été réalisés à cet égard.
S'agissant des handicapés, je rappellerai que l'aide dispensée à l'étranger tient compte de la gravité de l'état de l'enfant, puisqu'elle peut atteindre 800 francs par mois. D'ailleurs, le taux de l'allocation pour enfant handicapé a été relevé dans quarante-deux circonscriptions consulaires depuis le 24 février 1999, à la suite de l'avis rendu par la commission permanente, ce qui signifie que les instructions d'application ont été assouplies.
Si on veut mettre en place un dispositif allant au-delà des instructions actuellement applicables, cela exigerait une nouvelle consultation de la commission permanente pour la protection sociale des Français à l'étranger.
M. Ferrand a posé la question des retraites. Je lui dirai simplement que nous avons noué des relations sur ce sujet avec le Gabon. Une nouvelle rencontre est prévue en février 2000, donc très prochainement, afin de faire le point sur les dossiers litigieux, que la caisse nationale doit étudier.
S'agissant du Congo et du Cameroun, la mission d'enquête doit démarrer très prochainement. La lettre de mission est prête ; le cabinet des affaires sociales a donné son accord. Nous attendons la réponse de Bercy. Mais les inspecteurs ont été désignés par les deux autres ministères. Nous sommes donc prêts à travailler dès que le feu vert du ministère des finances nous parviendra. Bien évidemment, nous vous tiendrons informés des résultats de cette mission.
M. Neuwirth a parlé du dossier qui lui tient à coeur, la population. Je crois pouvoir le rassurer : parmi les critères qui sont pris en considération en matière de lutte contre la pauvreté figure, bien entendu, celui de la population.
M. Xavier de Villepin m'autorisera peut-être à ne pas développer ici les éléments de réponse à la question qu'il a posée sur l'Europe de la défense. (M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, fait un signe d'assentiment.) Je pourrais évoquer le comité politique et de sécurité, le comité militaire et l'état-major, qui sont les nouveaux organes politiques et militaires, mais, compte tenu du temps de parole dont je dispose, je ne peux que les citer.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ne les réveillons pas ! (Sourires.)
M. Charles Josselin, ministre délégué. Là aussi, une réponse écrite complète pourra vous être adressée. Pour ce qui est des contributions volontaires, je souhaite vous rendre attentifs au fait que nous sommes le quatrième contributeur obligatoire aux Nations unies. Cependant, la plupart de nos partenaires amalgament leur effort volontaire et leur contribution obligatoire. Comme nos contributions volontaires sont beaucoup moins élevées, si l'on prend tout en compte, nous reculons de manière très sensible. Nous ne pourrons donc que nous féliciter d'avoir pu, cette année, augmenter nos contributions volontaires.
Je dois rappeler les actions que nous menons, avec un certain nombre d'agences des Nations unies, dans le cadre d'une coopération bimultilatérale qui nous permet, avec les mêmes moyens, de mieux cibler les actions que nous conduisons. C'est vrai du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, mais c'est vrai aussi du fonds des Nations unies pour la population, le FNUAP. Notre contribution au PNUD augmente de 25 % pour l'an 2000, ce qui est tout à fait important !
Monsieur Hoeffel, je partage votre conviction, la relation franco-allemande est solide et pérenne, et la fermeture des consulats, que vous regrettez, ce que je peux comprendre, ne devrait pas remettre en cause cet axe qui garde, à mon avis, toute sa pertinence.
Il faut, c'est vrai, que nous soyons capables d'échanges linguistiques et, si les Allemands se soucient de la baisse en France du nombre d'élèves apprenant l'allemand, il nous faut aussi nous inquiéter du phénomène symétrique.
Je veux simplement dire que les diplomates qui veulent apprendre des langues plus « étrangères » ou plus étranges ne sont désormais autorisés à le faire que s'ils connaissent déjà non seulement l'anglais mais aussi l'allemand. Nous considérons donc que l'allemand est une langue de base pour nos diplomates.
Je remercie M. de Montesquiou d'avoir rappelé que la carte de nos consulats doit s'apprécier aussi en tenant compte de la réalité européenne.
En matière de coopération diplomatique dans ce domaine, je répondrai que c'est nous qui mettons, par exemple, à la disposition du chargé d'affaires allemand des bureaux au Cap-Vert. Nous avons des installations communes au Kazakhstan et, par ailleurs, à Banja Luka. Les restrictions budgétaires en Allemagne compromettent malheureusement les deux projets immobiliers communs que nous avons à Praia, au Cap-Vert, et à Chisinãu, en Moldavie.
Ce sont ces mêmes restrictions budgétaires qui vont d'ailleurs entraîner la fermeture d'une vingtaine de représentations consulaires et diplomatiques allemandes, mais cela créera peut-être aussi de nouvelles opportunités de coopération. Comme nous le disons parfois, d'un mal il peut parfois sortir un bien, notamment en termes de coopération.
Cette politique est donc engagée et nous avons l'intention de la poursuivre.
J'en arrive à la question de la présidence européenne. Nous avons un budget prévisionnel de 100 millions de francs destiné à financer quatre priorités, notamment préparer l'avenir de l'Union dans une Europe élargie.
Nous n'avons guère le temps de débattre, à cette heure, de l'élargissement, mais je signale qu'entre les diplomates qui mettent en avant les préoccupations de sécurité et ceux qui, soucieux d'économie et de social, mettent en avant les préoccupations de cohérence et de cohésion, il peut y avoir une différence d'approche. Si on considère l'Europe comme une communauté globale, intégrant l'économique comme le social, l'élargissement soulève nombre de questions qu'il faut avoir présentes à l'esprit.
Vous savez aussi l'importance que revêt pour nous le sommet Euro-méditerranée, qui sera certainement l'un des temps forts de la présidence française. J'ai rencontré mon homologue espagnol, hier à Bruxelles, et nous avons évoqué les dossiers de la présidence portugaise, car certains se prolongeront sous la présidence française.
J'en viens aux accords de Lomé. C'est tard dans la nuit, et même ce matin, que les discussions ont été interrompues à Bruxelles ; elles avaient commencé avant-hier, dans le cadre d'une conférence ministérielle Europe-ACP. Nous pouvons très raisonnablement penser que l'essentiel est fait et que l'accord sera signé en janvier, ou février au plus tard. Les aspects politiques et institutionnels ont pratiquement tous fait l'objet d'un accord. C'est vrai pour la question du dialogue politique, la fameuse question de la gouvernance, et pour la lutte contre la corruption. Or c'était un élément tout à fait essentiel pour nous.
Il reste, du point de vue politique et institutionnel, une question en suspens sur la durée de la future convention, sur la durée de la période de transition ; les pays européens souhaiteraient quinze ans, les pays ACP trente ans. Je ne doute pas que nous trouverons une solution, peut-être autour de vingt ans, ce qui nous paraîtrait raisonnable.
En ce qui concerne les stratégies de développement et le secteur privé, l'accord a été totalement obtenu. J'avais l'honneur de présider le groupe de travail qui traitait de cette question, mais ce n'était pas la plus délicate.
S'agissant du volet commercial, là aussi, c'est la presque totalité des points qui a fait l'objet d'un accord, ad referendum , bien sûr, notamment le cadre de la coopération commerciale. Nous avons obtenu, et je m'y suis employé hier matin, que soit introduite une consultation avec la partie européenne avant que les ACP qui ne sont pas au nombre des pays les moins avancés décident de ne pas s'insérer dans un accord de partenariat économique régionalisé APER. La thèse française a prévalu, qui consiste à faire de l'intégration économique régionale le point de passage pour l'intégration dans l'économie mondiale. Nous redoutions, en effet, qu'un certain nombre de pays n'essaient de se soustraire à cette intégration économique régionale. Il fallait donc poser le principe d'une consultation de l'Europe et des pays ACP sur ce point.
S'agissant du STABEX et du SYSMIN, que certains voulaient voir disparaître, un accord que nous n'espérions plus a été obtenu hier.
Quant au neuvième fonds européen de développement, nous nous sommes mis d'accord sur le volume de 13,8 milliards d'euros et nous avons accepté le maintien des clés de contribution du huitième FED. La France, je vous y rends attentifs, a accepté de continuer à contribuer à hauteur de 24,3 %, ce qui fait d'elle le premier donateur du FED. Aussi, quand, sur le terrain, vous entendez regretter la part insuffisante de la France et dans le même temps féliciter l'Europe, n'hésitez pas à rappeler que, lorsque l'Europe intervient en Afrique, la France participe pour presque 25 %.
Monsieur Penne, les résultats de la troisième conférence ministérielle nous permettent d'être optimistes et d'envisager une issue proche de la négociation, ce qui nous évitera le vide juridique que vous redoutiez.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Bonne nouvelle !
M. Charles Josselin, ministre délégué J'en viens aux relations avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Le champ multilatéral est de plus en plus essentiel en matière de coopération. Quand je dis multilatéral, ce n'est pas seulement l'Europe, ce ne sont pas seulement les Nations unies, c'est aussi le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Nous nous donnons les moyens de dialoguer avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie afin que nos préoccupations, notamment en matière de coopération et de développement, puissent être intégrées dans la position de l'administrateur de la France au sein de ces institutions.
Je représente très souvent la France, par délégation du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans les réunions du comité de développement de la Banque mondiale. Je crois pouvoir dire que le ministre des affaires étrangères et de la coopération, nouvel ensemble, est aussi acteur de la politique française au sein de ces instances financières et économiques, dont vous savez évidemment comme moi l'importance. C'est là un point auquel je tenais à vous rendre attentifs.
Les institutions que nous avons mises en place dans le cadre de la réforme, en créant les lieux de l'interministérialité ou de l'arbitrage gouvernemental, permettent au Premier ministre d'indiquer les orientations et les directions que tous les ministères doivent évidemment suivre. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 86 450 797 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 153 934 707 francs. »

Je suis saisi de trois amendements déposés par M. Goulet.
L'amendement n° II-33 tend à réduire les crédits du titre IV de 1 278 200 francs et, en conséquence, à porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 155 212 907 francs.
L'amendement n° II-34 vise à réduire les crédits du titre IV de moins 18 280 000 francs et à majorer ces crédits de moins 18 280 000 francs.
L'amendement n° II-35 a pour objet de réduire ces crédits de 29 280 000 francs et à majorer ces crédits de 29 280 000 francs.
Ces trois amendements ont déjà été présentés par leur auteur.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. La commission n'ayant pas été saisie de ces amendements ne peut, par conséquent, émettre d'avis. Je rappelle cependant que la commission des finances a recommandé l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères.
Pour ce qui est de l'amendement n° II-33, la commission ne serait pas favorable à la réduction des crédits concernant les langues vivantes. Peut-être que, s'agissant des conditions de travail des élus au Conseil de l'Europe, ce problème pourrait être examiné...
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Ailleurs !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. ...ailleurs ou à l'occasion de la discussion du prochain budget.
En ce qui concerne les amendements n°s II-34 et II-35, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement, puisque ce sont des problèmes de nomenclature.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-33, II-34 et II-35 ?
M. Charles Josselin, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur les amendements n°s II-34 et II-35 ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. La commission se range à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-33, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-34, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-35, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. «Titre V. - Autorisations de programme : 478 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 149 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 453 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 461 000 000 francs. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. M. Charasse, rapporteur spécial de la commission de finances, note dans son rapport écrit que l'apparente stabilisation des subventions publiques accordées sur le titre VI cache mal une baisse très importante du volume des crédits de paiement dont bénéficiera l'ancien FAC, devenu le Fonds de solidarité prioritaire. Les baisses de crédits de paiement nous inquiètent au regard d'une action importante de la France, le déminage, et plus précisément le déminage humanitaire.
Depuis plus de vingt ans, la France apporte sa contribution au déminage et à l'assistance aux victimes des mines antipersonnel. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, le montant des crédits alloués par la France pour cette action pour la période 1995-1998 et nous préciser le niveau des crédits de paiement pour le déminage humanitaire dans votre budget pour l'an 2000 ?
Le déminage, c'est sans doute également votre opinion, ne peut pas être le seul fait des militaires. Il implique de nombreuses conditions, notamment le nettoyage rigoureux d'un secteur déterminé, ce qui en fait une méthode de proximité. Il implique également le non-réensemencement, ce qui exige un suivi, une surveillance rigoureuse, une présence dissuasive, et le traitement des victimes, leur réadaption fonctionnelle, l'utilisation d'appareillages et une nouvelle formation professionnelle. Des structures locales ayant une mission d'ensemble doivent se constituer et agir dans tous les domaines.
Actuellement, 600 000 personnes sont concernées. Le nombre de cas à traiter est important et progresse s'agissant des victimes et des rescapés. Le déminage humanitaire est donc une action qui s'inscrit dans le temps et peut devenir un facteur de développement. Il ne peut pas être confié exclusivement aux militaires, et c'est pourquoi nous approuvons les choix faits par le Gouvernement, qui, pour la première fois, va saisir le FAC, lequel devra délibérer en vue d'ouvrir une autorisation de programme s'élevant à 20 millions de francs pour l'an 2000. Si cet engagement est faible en valeur absolue, il permet néanmoins d'affirmer une volonté nouvelle qui est aussi la nôtre.
Le déminage humanitaire doit restituer des terrains dépollués à 100 % des mines ou des engins non explosés. Ce travail ne souffre donc ni erreur, ni insuffisance, ni exception.
Monsieur le ministre, la volonté politique de la France de jouer un rôle important dans la mobilisation internationale contre les mines a été sans cesse réaffirmée par le Gouvernement depuis 1997. Très présent sur le terrain diplomatique au travers de l'adhésion de la France au traité d'Ottawa, le Gouvernement a souhaité adopter une approche globale, plus cohérente, permettant d'articuler entre elles les différentes capacités opérationnelles, de coordonner ses actions avec celles des autres acteurs internationaux et de créer les conditions de la mobilisation des financements nécessaires.
Aussi nous réjouissons-nous de la nomination d'un ambassadeur, à qui vous avez assigné la mission de mettre en place un mode d'organisation et de collaboration interministérielles. Sa tâche ne sera pas aisée, et peut-être pourriez-vous nous préciser ce soir de quels moyens il disposera pour l'accomplir.
Monsieur le ministre, les Français sont disponibles et favorables à l'engagement de notre pays. Le 25 septembre dernier, dans dix-huit de nos villes, 35 000 personnes sont venues, souvent en famille, avec les enfants, construire la cinquième pyramide de chaussures. A ce jour, plus d'un demi-million de nos compatriotes demandent au Gouvernement d'aller jusqu'au bout de sa démarche et de lancer de nouvelles initiatives en vue de l'universalisation du traité d'interdiction des mines antipersonnel.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Madame la sénatrice, j'ai eu l'honneur, en tant que représentant du Gouvernement français, de signer la convention d'Ottawa. Ce fut pour moi un grand moment, car je m'étais personnellement impliqué dans ce dossier.
La France est en avance dans la mise en oeuvre des engagements qu'elle avait pris en ce qui concerne la destruction des stocks, puisque, à la fin de cette année, ceux-ci auront disparu, à l'exception de 5 000 mines qui seront conservées pour que l'on puisse assurer la formation des démineurs.
S'agissant des moyens, près de 200 millions de francs ont été mobilisés entre 1995 et 1998, et nous consacrons actuellement environ 40 millions de francs par an à cette action. Le prochain FAC prévoit en outre une nouvelle opération, dont le coût atteindra 20 millions de francs.
M. de Beauvais suit cette question. Le déminage est conduit tantôt par des militaires, tantôt par des civils, en l'occurrence l'association Handicap international, que nous aidons bien entendu à remplir cette mission. Cette association a le souci de passer le relais à des intervenants locaux qu'elle forme, par exemple en Bosnie. Les choses avancent bien dans ce domaine.
Je peux vous donner l'assurance, madame la sénatrice, que la France entend respecter non seulement l'engagement qu'elle a pris à Ottawa, mais également celui, plus global, d'aider au déminage. Cela nécessite bien sûr des moyens considérables, et il faut souhaiter que tous les pays qui en ont les moyens se mobilisent pour atteindre cet objectif et que les Etats qui n'ont pas encore signé la convention d'Ottawa - ils comptent parmi les plus grands - le fassent rapidement.
M. le président. Par amendement n° II-28, le Gouvernement propose de majorer les autorisations de programme du titre VI de 210 000 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Cet amendement a pour objet d'augmenter le volume des autorisations de programme du Fonds de solidarité prioritaire.
Cette majoration de nos moyens d'intervention correspond à un voeu que vos collègues de l'Assemblée nationale et plusieurs d'entre vous avaient émis. Elle permettra de mieux financer de nouvelles interventions, en particulier dans les pays de la zone de solidarité prioritaire qui ne faisaient pas partie de notre champ d'action traditionnel.
J'ajoute que le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement similaire sur le chapitre 68-93 pour les dons mis en oeuvre par l'Agence française de développement.
Je demande donc au Sénat de bien vouloir voter l'inscription de 210 millions de francs en autorisations de programme nouvelles à l'article 10 du chapitre 68-91 « Fonds de solidarité prioritaire », qui vise les dons destinés à financer les projets de développement institutionnel, social, culturel et de recherche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement, puisqu'elle avait délibéré sur le projet de budget avant que le Gouvernement ne le dépose.
Cependant, compte tenu de son objet, qui vient d'être exposé par M. le ministre, et compte tenu du fait qu'il prolonge l'amendement déjà déposé et adopté à l'Assemblée nationale à propos de l'Agence française de développement, lequel avait été très favorablement accueilli par la commission des finances - il majorait de 140 millions de francs les crédits en question - je crois pouvoir dire que cet amendement complémentaire - à hauteur de 210 millions de francs - aurait certainement été accueilli très favorablement par la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-28, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° II-6 de la commission des finances, qui tend à insérer un article additionnel avant l'article 64 A.

Article additionnel avant l'article 64 A



M. le président.
Par amendement n° II-6, M. Charasse, au nom de la commission des finances, propose :
I. - Avant l'article 64 A, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Afin d'assurer l'exercice du contrôle parlementaire, tous les projets, quel que soit leur montant, financés dans la zone de solidarité prioritaire sur les crédits figurant au budget du ministère des affaires étrangères ne peuvent être mis en oeuvre par celui-ci directement ou par l'intermédiaire de l'Agence française de développement qu'après l'accord préalable du comité directeur du Fonds d'aide et de coopération ou de l'organe de décision qui lui sera substitué, au sein duquel siègent des représentants de chaque assemblée. »
II. - En conséquence, de faire précéder cet article par une division ainsi rédigée : « Affaires étrangères ».
La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Je serai très bref, puisque j'ai évoqué cette question tout à l'heure dans mon intervention à la tribune. Il s'agit tout simplement - et M. le ministre a dit tout à l'heure qu'il approuvait cette intention - de maintenir le contrôle parlementaire tel qu'il existe actuellement sur les opérations du FAC et sur les crédits qui sont délégués à l'Agence française de développement.
Cet amendement n'a pas d'autre objet, mais il est important.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Josselin, ministre délégué. Monsieur le rapporteur spécial, vous reprenez un débat que j'ai eu avec vos collègues de l'Assemblée nationale voilà quelques jours. M. Adevah-Poeuf a posé lui aussi, sous un autre angle, la question du contrôle parlementaire des crédits destinés à l'aide aux projets.
Les réponses que j'ai données à l'Assemblée nationale ne vous auront pas satisfait. Je peux le comprendre, puisqu'elles entérinaient une évolution du dispositif qui ne vous convient pas, prévoyant en effet une moindre participation des parlementaires aux instances de décision, même s'ils seront associés au futur comité d'orientation stratégique.
J'avais été plus loin en posant comme principe que les membres du futur comité d'orientation stratégique soient destinataires des projets avant leur mise en oeuvre.
S'agissant des crédits délégués à l'Agence française de développement, je ne vois pas d'objection à la proposition que vous pourriez faire d'une révision des seuils d'examen des projets par le conseil de surveillance.
Je peux comprendre, je le répète, que ce dispositif ne vous satisfasse pas, puisqu'il vous éloigne de la décision à laquelle vous participez aujourd'hui, mais je crois que votre proposition sera, dans la forme, quelque peu difficile à mettre en oeuvre. Un travail ultérieur d'adaptation sera sans doute nécessaire, afin de la rendre techniquement plus compatible, peut-être, avec les impératifs de la préparation des projets, notamment ceux de l'AFD.
Cependant, après avoir exprimé ces réserves, qui portent davantage sur le dispositif technique que sur le fond, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée pour cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-6, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 64 A.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.

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COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 9 décembre 1999, l'informant de l'adoption définitive des dix textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :

N° E 1339. - Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à la Banque européenne d'investissement en cas de pertes résultant de prêts en faveur de projets pour la reconstruction des régions de la Turquie frappées par le séisme (a été adoptée au conseil ECOFIN du 29 novembre 1999).
N° E 1328. - Projet de décision 99/.../CECA de la Commission du ... 1999 concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Kazakhstan relatif au commerce de certains produits sidérurgiques. Projet de décision .../.../CECA de la Commission du ... 1999 relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance du Kazakhstan. Projet de décision .../.../CE du Conseil du .../1999 relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République du Kazakhstan instituant un système de double contrôle sans limite quantitative à l'exportation de certains produits sidérurgiques couverts par les traités CECA et CE du Kazakhstan dans la Communauté européenne. Projet de règlement (CE) .../... du Conseil du ... 1999 concernant l'administration du système de double contrôle sans limite quantitative à l'exportation de certains produits sidérurgiques CECA et CE du Kazakhstan dans la Communauté européenne (a été adoptée au conseil ECOFIN du 29 novembre 1999).
N° E 1325. - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Italie à appliquer ou à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques) (a été adoptée au conseil ECOFIN du 29 novembre 1999).
N° E 1324. - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à appliquer ou à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (a été adoptée au conseil ECOFIN du 29 novembre 1999).
N° E 1323. - Proposition de décision du Conseil autorisant la France à appliquer ou à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (a été adoptée au conseil ECOFIN du 29 novembre 1999).
N° E 1307. - Proposition de décision du Conseil acceptant la prorogation de l'accord international sur le café de 1994 au nom de la Communauté européenne (a été adoptée au conseil Culture et Audiovisuel du 23 novembre 1999).
N° E 1294. - Proposition de décision du Conseil autorisant la Finlande à introduire ou à maintenir des réductions ou des exonérations des droits d'accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, selon la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (a été adoptée au conseil Budget des 25 et 26 novembre 1999).
N° E 1290. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République d'Angola sur la pêche au large de l'Angola pour la période du 3 mai 1999 au 2 mai 2000. Proposition de règlement du Conseil concernant la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République d'Angola sur la pêche au large de l'Angola, pour la période du 3 mai 1999 au 2 mai 2000 (la proposition de décision a été adoptée au conseil Pêche du 22 novembre 1999 ; la proposition de règlement a été adoptée au conseil Travail/Affaires sociales du 29 novembre 1999).
N° E 1121. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil pour un cadre européen pour les signatures électroniques [et les services de certification] (a été adoptée au conseil Télécommunications du 30 novembre 1999).
N° E 1207. - Proposition de règlement (EURATOM) du Conseil définissant les projets d'investissement à communiquer à la Commission conformément à l'article 41 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (a été adoptée au conseil Energie du 2 décembre 1999).

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TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION
DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 125, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Larché, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Le rapport sera imprimé sous le n° 126 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 10 décembre 1999, à quinze heures et le soir :

1. Discussion du projet de loi (n° 56, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Rapport (n° 110, 1999-2000) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis (n° 109, 1999-2000) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000). - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Intérieur et décentralisation :
Sécurité :
M. André Vallet, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 30) ;
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (police et sécurité, avis n° 94, tome II) ;
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (sécurité civile, avis n° 94, tome III).
Décentralisation :
M. Michel Mercier, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 31) ;
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 94, tome I).
Education nationale, recherche et technologie :
I. - Enseignement scolaire :
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 15) ;
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 90, tome IV) ;
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (enseignement technique, avis n° 90, tome VI).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2000, est fixé à aujourd'hui, vendredi 10 décembre 1999, à seize heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 115, 1999-2000) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir (n° 31, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat (n° 79, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (n° 104, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 118, 1999-2000) sur :
- la proposition de loi de M. Jean Chérioux et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié (n° 52, 1999-2000) ;
- la proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste relative au développement du partenariat social (n° 87, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 10 décembre 1999, à trois heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(Rattachés administrativement)
(6 membres au lieu de 5)

Ajouter le nom de M. Paul Dubrule.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(7 au lieu de 8)

Supprimer le nom de M. Paul Dubrule.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Réglementation applicable aux baptêmes de l'air

681. - 9 décembre 1999. - M. Alain Joyandet appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la compatibilité de l'arrêté du 4 avril 1996 du ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, publié au Journal officiel , numéro 101, du 28 avril 1996, relatif aux manifestations aériennes, avec l'arrêté du 9 décembre 1998 du ministère de la jeunesse et des sports, publié au Journal officiel , numéro 31, du 6 février 1999, relatif aux garanties de technique et de sécurité dans les établissements d'activités physiques et sportives qui organisent la pratique ou l'enseignement du parachutisme. Des problèmes d'interprétation se posent entre les deux textes notamment lors des sauts en tandem définis par l'arrêté de 1996 comme des « baptêmes de l'air » (art. 2) et, plus particulièrement, en ce qui concerne la limite d'âge des passagers des baptêmes de l'air. En effet, alors que l'arrêté du 4 avril 1996 ne prévoit pas de conditions d'âge pour les sauts en tandem qualifiés de baptêmes de l'air et que, de surcroît, il exclut que ceux-ci puissent être l'occasion de pratiquer un quelconque enseignement du parachutisme, l'arrêté du ministère de la jeunesse et des sports de 1998 impose une limite d'âge en dessous de laquelle l'enseignement du parachutisme est interdit. Ces deux textes, qui devraient être complémentaires - l'arrêté de 1996 réglementant les baptêmes de l'air et celui de 1998 réglementant l'enseignement du parachutisme - s'opposent dans la pratique. En effet, cette interprétation n'est pas retenue puisque les dispositions de l'arrêté de 1998, notamment celles qui concernent la limite d'âge, sont opposées par les autorités compétentes aux passagers de baptêmes de l'air. Cette situation est fort préoccupante car elle menace les activités de démonstration des parachutistes professionnels. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer de quel arrêté relève la pratique des baptêmes de l'air, dits sauts en tandem, et les recommandations qu'il compte faire pour permettre qu'une telle ambiguïté entre les textes réglementaires cesse, et plus particulièrement si les règles édictées par le ministère chargé des sports sont opposables aux parachutistes professionnels détenant leurs prérogatives de son ministère chargé de l'aviation civile.