Séance du 3 décembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Equipement, transports et logement

V. - TOURISME (p. 2 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Marcel Bony, Philippe Arnaud, Bernard Plasait, Mme Odette Terrade, M. Bernard Joly.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.
Vote des crédits réservé.

I. - SERVICES COMMUNS

II. - URBANISME ET LOGEMENT (p. 3 )

M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Yolande Boyer, en remplacement de M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'urbanisme ; MM. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le logement ; Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement social ; Philippe Arnaud, Marcel-Pierre Cléach, Patrick Lassourd, Mme Odette Terrade.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

3. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 5 ).

4. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6 ).

Equipement, transports et logement

I. - SERVICES COMMUNS

II. - URBANISME ET LOGEMENT (suite) (p. 7 )

MM. Bernard Joly, André Vezinhet, Gérard Cornu, MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Crédits du titre III (p. 8 )

M. Pierre Lefebvre, le ministre.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p. 9 )

5. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 10 ).

6. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 11 ).

Equipement, transports et logement (suite)

III. - TRANSPORTS

1. Transports terrestres

2. Routes

3. Sécurité routière (p. 12 )
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports terrestres ; Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les transports terrestres ; Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les routes et la sécurité routière ; Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les routes et les voies navigables.

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; François Gerbaud, Pierre Lefebvre, Jean-Pierre Demerliat, Philippe Arnaud, Gérard Cornu, Marcel Vidal, Pierre Hérisson, Jacques Oudin, Daniel Hoeffel.

Suspension et reprise de la séance (p. 14 )

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vote des crédits réservé.

7. Nomination à un organisme extraparlementaire (p. 15 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 16 )

8. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 17 ).

Equipement, transports et logement (suite)

III. - TRANSPORTS (suite)

4. Transport aérien et météorologie

Budget annexe de l'aviation civile
(p. 18 )

MM. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aviation civile ; François Gerbaud, Pierre Lefebvre, Henri Weber, Daniel Hoeffel.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Crédits du titre III (p. 19 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p. 20 )

Article 70 quater. - Adoption (p. 21 )

Budget annexe de l'aviation civile

M. Auguste Cazalet.
Adoption des crédits figurant à l'article 42.
Rejet des crédits figurant à l'article 43.

IV. - MER (p. 22 )

MM. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la marine marchande ; Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les ports maritimes ; Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; MM. Jacques Oudin, Gérard Le Cam, Henri Weber.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Crédits du titre III (p. 23 )

M. Auguste Cazalet.
Rejet des crédits par scrutin public.

Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p. 24 )

Article 70 ter. - Adoption (p. 25 )

9. Dépôt de propositions de loi (p. 26 ).

10. Renvois pour avis (p. 27 ).

11. Ordre du jour (p. 28 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88-1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 89 [1999-2000].)

Equipement, transports et logement
V. - TOURISME

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : V. - Tourisme.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec 423,4 millions de francs, les crédits du tourisme sont en hausse de 7,7 % par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances initiale pour 1999, à hauteur de 393,3 millions de francs. Dans les faits, la croissance des crédits de paiement dépassera 13,8 %.
Un tel budget mérite d'être voté unanimement, car aucun autre budget, mis à part celui de l'environnement, n'atteint une telle progression.
Il mérite également d'être voté parce qu'il est celui qui crée un bonheur possible de quelques semaines pour des millions de Français.
Soixante ans après l'apparition des congés payés, une trentaine d'années après l'essor du tourisme de masse, les vacances sont-elles devenues une habitude pour les Français? Malheureusement non : aujourd'hui encore, 16 % d'entre eux ne partent jamais en vacances et 24 % ne partent qu'une seule fois tous les deux ou trois ans !
Vous avez raison, madame la secrétaire d'Etat, de vous préoccuper de façon constante de ce problème de société. Trop de résidents de nos grandes cités sont privés de départ en vacances.
Il faut relever, par ailleurs, que, dans les 84 % de Français ayant pris des vacances, on englobe celles et ceux qui ont effectué un déplacement hors de leur domicile pour des visites à la famille ou à des amis.
A cela s'ajoute une tendance au raccourcissement significatif de la durée moyenne des séjours - 8,3 nuitées en 1999 - et notamment des vacances - séjours de 4 nuitées et plus - sur ces les mois de juillet et août.
Enfin, il faut également noter que 90 % des séjours touristiques personnels se déroulent sur le territoire national.
Vous avez raison, madame la secrétaire d'Etat, de considérer le droit aux vacances comme un objectif majeur de votre politique.
L'égalité des hommes s'exprime devant le droit au travail, mais aussi devant le droit aux vacances, comme devant celui à l'éducation, à la culture, au logement et à la santé.
Le budget du tourisme est un budget humaniste qui se doit de favoriser l'accès aux vacances de tous.
C'est aussi un budget générateur de richesses. La consommation touristique a représenté 7,3 % du produit intérieur brut, en 1998, soit douze fois la consommation de biens d'équipement ménager.
C'est encore un budget créateur d'emplois, directs et indirects. En matière d'hébergement et de restauration 600 000 salariés et plus de 185 000 non-salariés ont été employés en 1997. De 1998 à 1999, le secteur de l'hôtellerie et de la restauration aurait créé 20 000 emplois.
Mais le tourisme a encore bien d'autres potentialités !
Le tourisme, c'est un besoin d'équilibre humain, c'est une activité économique, c'est un secteur de travail et d'emploi, c'est un accès à la connaissance.
Pour juger de la qualité du budget du tourisme, examinons, tout d'abord, le niveau des activités du tourisme dans notre pays.
La France, avec ses 10 000 châteaux, dont celui de Versailles, monument le plus visité au monde, ses 220 variétés de fromage, son foie gras et ses truffes, ses paysages et ses sites si riches, divers et parfois enchanteurs, ses impressionnistes, son musée du Louvre, le plus grand du monde, et ses milliers de musées, grands et petits, est un appel, pour les hommes et les femmes du monde entier, à la connaissance, à l'émotion, au plaisir, à la détente, à la découverte de l'histoire, des arts et des lettres.
L'UNESCO ne vient-elle pas de classer au patrimoine mondial Saint-Emilion et son vignoble au titre des paysages culturels ? Ce patrimoine architectural englobe huit communes et classe pour la première fois un paysage viticole autour d'un village médiéval. D'autres valorisations sont possibles : c'est à nous, mes chers collègues, et aux élus en général, de prendre des initiatives.
Aucun autre pays au monde n'offre une palette aussi étendue. Pour paraphraser Théophile Gautier, qu'elle soit de bois ou de faïence, la palette France sait toujours y étaler la lumière.
Avec ses 70 millions d'arrivées touristiques internationales, la France a confirmé sa place de première destination touristique mondiale en 1998. Elle le confirmera, en 1999, avec une nouvelle progression qui permet d'envisager 72, 73 ou 74 millions d'arrivées. La part de la France dans le marché mondial atteint 11 %, contre 10,4 % en 1996 ; dans le marché européen, elle atteint 18,4 %, contre 17,7 % en 1996.
A ce propos, je souhaite faire deux remarques.
Premièrement, nous ne pouvons nous satisfaire du fait que 20 % du territoire absorbe 80 % de la demande touristique. Les produits touristiques ne doivent pas être réduits à un petit nombre de lieux. De ce point de vue, un effort doit certes être réalisé au niveau du ministère, mais beaucoup plus encore au niveau des collectivités territoriales, des contrats de plan, qui n'investissent pas suffisamment en matière d'entretien de notre patrimoine, d'image de marque, d'initiatives de promotion, de valorisation de lieux nouveaux.
Les crédits prévus à ce titre dans les contrats de plan s'élevant à 30 millions de francs, contre 17 millions l'année dernière, soit une augmentation de 69,5 % ; cette majoration doit permettre une meilleure préparation du douzième plan d'aménagement touristique du territoire.
Mais l'action en faveur du tourisme ne peut se réduire aux seules opérations financières menées par l'Etat au travers de ses différents budgets.
Je le dis d'autant plus sérieusement qu'aucune situation ne demeure acquise. J'attire en effet l'attention du Sénat sur le fait que, si, en juillet, la plupart des régions françaises ont enregistré des résultats en hausse, d'autres régions ont marqué le pas ou régressé, et pas des moindres, notamment la Bretagne.
Ces résultats doivent nous faire réfléchir, surtout lorsque l'on sait que, avec près de la moitié des nuitées, la mer demeure le lieu de séjour privilégié.
Il en va de même pour les régions intérieures du Sud-Ouest, de Rhône-Alpes, d'Alsace et du Nord - Pas-de-Calais. Pourquoi ? Des analyses et des correctifs s'imposent.
L'analyse est d'autant plus urgente qu'en août la fréquentation n'a pas augmenté dans l'Ouest, le massif alpin, où l'on note une régression, et en Ile-de-France, où l'on enregistre un simple maintien.
J'en appelle à vous, mes chers collègues, pour que vous preniez une part plus importante dans les analyses qui s'imposent et dans une réflexion nouvelle sur le tourisme rural, le tourisme fluvial, en pleine croissance, et le tourisme lié aux stations thermales - elles sont 104 en France - dont la fréquentation a diminué de 17,79 % en sept ans.
L'Agence française de l'ingénierie touristique, l'AFIT, groupement d'intérêt public créé en 1993 et dont le renouvellement a été décidé jusqu'en 2005, doit pouvoir jouer un rôle plus conquérant. Ce groupement a, en outre, pour mission de favoriser l'adaptation de l'offre touristique française aux évolutions de la société et de la consommation pour répondre à la demande, améliorer sa compétitivité, faire face à la concurrence internationale. Dans le rapport écrit, vous trouverez un certains nombre de rappels.
L'AFIT doit concentrer ses efforts sur l'aide au développement du tourisme sur l'ensemble du territoire français. Elle doit devenir encore plus un conseiller qu'un simple juge, même de la plus haute compétence.
Ma seconde remarque portera sur l'image que l'on peut présenter de notre pays à l'étranger.
Après une baisse d'activité en 1998, due à une réduction budgétaire, Maison de France a retrouvé une progression de plus de 23 % en 1999, avec une nouvelle augmentation de 13,4 % de la participation de l'Etat en 2000.
Nous voulons insister sur la nécessité pour Maison de France, groupement d'intérêt économique, de ne pas demeurer une simple vitrime de la France, d'être encore plus une force de proposition pour les touristes potentiels, notamment les jeunes désirant visiter la France.
Nous ne pouvons qu'encourager Maison de France dans sa décision de se tourner vers ce que l'on appelle des « marchés porteurs », notamment l'Europe de l'Est, avec l'ouverture d'un bureau en Pologne, et l'Asie, avec l'affirmation d'une présence en Chine.
En faisant mieux connaître la France, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous servons ses intérêts économiques et nous agissons pour développer l'emploi.
Certains chiffres doivent être retenus. Sur les sept premiers mois de 1999, les recettes de la balance des paiements ont augmenté de 17,9 %. L'excédent du poste « voyages » de la balance des paiements devrait dépasser 71 milliards de francs sur l'ensemble de l'année.
La France confirme sa position de première destination touristique, devant l'Espagne - 47,7 millions d'arrivées - et les Etats-Unis - 46,4 millions d'arrivées. Mais, malgré une progression de 8 % des recettes, elle n'est plus qu'au troisième rang mondial, avec 6,8 % du marché, derrière les Etats-Unis, 16,2 %, et l'Italie, 6,9 %.
Des progrès importants s'imposent. Le rapport écrit le note, les estimations pour 1998 du poste « voyages » de la balance des paiements laissent présager un taux de progression de l'ordre de 9 %. Ce résultat est encourageant. Mais nous ne pouvons nous satisfaire de ce simple constat.
Faisons une comparaison : en Italie, en un an, le taux d'arrivée de touristes a augmenté de 3,4 %, mais les recettes de plus de 5,4 %, en France, le taux d'arrivée a augmenté de 3,7 % ; mais les recettes de 4,9 %. La hausse des recettes touristiques est donc le problème majeur pour l'apport du secteur du tourisme à notre économie.
La capacité hôtelière de la France, avec 600 883 chambres, n'est que la troisième d'Europe derrière l'Allemagne et l'Italie. Une partie du patrimoine hôtelier mérite d'être modernisé.
Le secteur n'a créé que 20 000 emplois par an, alors qu'il pourrait en créer beaucoup plus - le double - à condition qu'une formation professionnelle de plus haut niveau permette aux jeunes d'investir ce vaste débouché. C'est là une condition essentielle au développement de l'emploi en matière touristique.
Madame la secrétaire d'Etat, en conclusion, je veux exprimer notre soutien à la priorité sociale que constitue le développement, dans notre pays, du droit aux vacances.
L'aide amorcée par la loi définissant l'accès au chèque-vacances, la tenue, en mai dernier, des états généraux du tourisme social, la mise en place d'une bourse « solidarité vacances », l'effort en faveur des hébergements associatifs sont autant de mesures que nous approuvons et qui constituent des décisions de progrès social, permettant aux plus démunis - pas tous encore ! - de bénéficier ou d'envisager de bénéficier du droit aux vacances. Cette action doit être articulée avec les efforts déployés en matière de politique de la ville.
L'autre série de mesures engagées afin de favoriser le gisement d'emplois que représente le tourisme constitue un autre volet d'une politique visant également au progrès social.
Les travailleurs saisonniers, nombreux dans le tourisme, doivent bénéficier de droits nouveaux.
Il s'agit, pour la plupart, de travailleurs vivant dans la précarité ; 60 % sont des travailleurs occasionnels. Ils représentent environ 420 000 personnes, au statut mal défini, très souvent en dehors de la réglementation du travail, aux salaires très insuffisants.
J'ai eu l'occasion d'interpeller le Gouvernement pour obtenir qu'ils puissent subir un contrôle médical à l'embauche.
Les salaires et les conditions de travail doivent également être revalorisés.
Leur formation professionnelle est trop faible, parfois même inexistante. Ils sont employés dans des PME qui, pour la plupart, ont des moyens insuffisants. Le secteur doit pouvoir bénéficier des fonds de la formation professionnelle. Le temps hors saison pourrait être utilisé pour organiser cette formation, devenue une condition d'un développement de qualité du tourisme dans l'ensemble du pays.
La convention collective pour le secteur de l'hôtellerie a été signée cette année.
Des accords sur la réduction du temps de travail sont en préparation. C'est d'autant plus nécessaire que, vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, dans cette branche d'activité, les temps de travail hebdomadaire sont souvent élevés.
Voilà donc, madame la secrétaire d'Etat, une politique noble, équilibrée, alliant droit aux vacances, politique d'emploi et de progrès économique, une politique associant à la valorisation des richesses de notre pays une politique de progrès social. L'ensemble est harmonieux, car il constitue tout à la fois un intérêt national et une réponse à une évolution vers un droit aux vacances partagé par un plus grand nombre.
Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais en conclusion regretter le vote unique sur les crédits du ministère de l'équipement, qui vous privera vraisemblablement, au sein de la Haute Assemblée, d'un vote positif, pourtant mérité et justifié dans la mesure où vous présentez des orientations valables pour une politique nouvelle et conquérante en matière de tourisme et de vacances. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec plus de 70 millions d'arrivées touristiques en 1998, la France confirme sa place de premier pays d'accueil, loin devant les Etats-Unis et l'Espagne. Le tourisme constitue toujours, avec un solde de 71,7 milliards de francs, le premier poste excédentaire des transactions courantes, en progression de 7,5 % sur un an.
Le tourisme, c'est également, et surtout, un tissu de 200 000 entreprises, le plus souvent petites ou moyennes, qui témoignent d'un grand dynamisme, s'agissant notamment de l'hôtellerie-restauration, avec 20 000 emplois créés entre mars 1998 et mars 1999.
Il s'agit d'une donnée fondamentale en termes d'aménagement du territoire. Le développement touristique contribue à renforcer un maillage de petites entreprises, créatrices d'emploi et réparties sur l'ensemble du territoire.
Il convient donc de se féliciter de la hausse de 7,7 % des crédits du tourisme qui s'élèvent à 423 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2000, confirmant ainsi la hausse déjà enregistrée l'an dernier.
Néanmoins, et au-delà du strict cadre budgétaire, je suis amené à faire trois séries de remarques.
Premièrement, madame le secrétaire d'Etat, je salue votre volonté d'accroître la fréquentation touristique française, en renforçant la mise en pratique du droit aux vacances pour tous au travers des moyens attribués au secteur associatif qui permettent de financer des mesures spécifiques pour les familles et les jeunes en grande difficulté. De plus, la reconduction des crédits inscrits au chapitre 66-03 vous permettra de poursuivre, voire sans doute d'achever le programme de réhabilitation du parc immobilier du secteur associatif.
S'agissant de la loi du 12 juillet 1999 relative au chèque-vacances, qui conforte la vocation sociale de ce dispositif en l'étendant aux salariés des PME de moins de cinquante salariés, je regrette qu'une démarche consensuelle n'ait pas prévalu lors des débats alors que l'ensemble des parlementaires était convaincu de l'intérêt du chèque-vacances.
Le Sénat, adoptant les propositions de la commission des affaires sociales, défendait une position plus pragmatique et ambitieuse, prenant mieux en compte les familles, afin d'encourager la mise en place effective du dispositif : je déplore que ces dispositions n'aient pas été retenues.
S'agissant de la promotion de la France à l'étranger, l'augmentation de la dotation au groupement d'intérêt économique Maison de la France se limite à compenser l'assujettissement de ce groupement à la TVA, alors qu'un effort plus important aurait été nécessaire pour promouvoir la destination France sur les marchés étrangers.
Ma deuxième observation porte sur le développement territorial du tourisme : je soulignerai à cet égard l'effort budgétaire finançant le volet « tourisme » des contrats de plan conclus pour la période 2000-2006. Mais permettez-moi de me demander si tout cela, malgré l'augmentation de plus de 50 % des moyens de paiement inscrits pour 2000, est suffisant. Je souhaite que la répartition de la deuxième enveloppe, lors de la réunion du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire prévue en décembre, tienne mieux compte du volet « tourisme » reconnu comme composante essentielle du développement économique de nos régions.
Ma troisième série de remarques concerne l'aide apportée à nos infrastructures touristiques et aux entreprises du secteur.
S'agissant de la réhabilitation de l'immobilier qui a été adoptée par voie d'amendement dans le projet de loi de finances pour 1999 et qui repose sur le concept de village résidentiel de tourisme ouvrant droit à la récupération de TVA, il est très regrettable que les décrets d'application ne soient toujours pas publiés : c'est inadmissible au regard tant de la volonté du Parlement que des besoins constatés localement. En outre, que va-t-il advenir de ce dispositif dont l'intérêt semble indirectement remis en question par la mesure d'abaissement du taux de TVA intervenue depuis le 15 septembre dernier et qui porte sur l'ensemble des travaux effectués dans un logement ?
Plus généralement, et sans sous-estimer a priori l'intérêt du fonds de garantie pour le tourisme dont vous envisagez la mise en place au plus tard en 2001, madame le secrétaire d'Etat, la commission des affaires économiques reste très préoccupée par les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises du secteur, en particulier dans l'hôtellerie-restauration. Elle s'inquiète notamment de très graves répercussions qu'aura l'application de la réduction du temps de travail sur l'industrie du tourisme, exposée à une concurrence très vive de la part de nos proches voisins européens.
Dans ces conditions, on ne peut que regretter très vivement que le Gouvernement n'ait rien pu obtenir sur le plan européen, s'agissant de l'application d'un taux réduit de TVA pour la restauration traditionnelle. Cette mesure, créatrice d'emplois, aurait pu atténuer l'impact négatif de la loi sur les 35 heures dans ce secteur.
Compte tenu de ces observations, et malgré certains aspects positifs de ce projet de budget, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au tourisme dans le projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 11 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec une augmentation équivalente à celle de l'an dernier, le projet de budget du tourisme se place au troisième rang pour la progression budgétaire en dépenses. Autant dire que, une nouvelle fois, madame la secrétaire d'Etat, vous vous êtes très bien sortie de cet exercice difficile, mettant fin, pour le plus grand profit du développement durable, aux années noires qu'a connues ce ministère.
Le tourisme, nous le savons bien, est l'un des principaux producteurs d'aménagement et de développement du territoire au sens actuel du terme, c'est à dire dans ses dimensions économique, sociale et territoriale proprement dites. C'est donc à juste titre que le Gouvernement souhaite favoriser ce secteur, dont l'importance n'échappe à personne.
L'activité touristique ne s'infléchit pas dans notre pays, qui demeure la première destination touristique mondiale. Il faut s'en réjouir, mais quelques problèmes subsistent cependant.
Vous le savez bien, on trouve toujours une statistique pour démentir l'autre. En effet, avec 11 % du tourisme mondial, la France n'obtient pas plus de 6,8 % des recettes dégagées, ce qui pose un problème de rendement. Dans l'âpre compétition internationale, notre pays est moins bien placé que l'Espagne ou l'Italie. Le budget est l'occasion de changer la donne, il n'est pas en tête de la hiérarchie en valeur absolue, mais chacun voit bien l'effet de levier qu'il procure, via d'autres participations publiques ou privées. D'ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, nous nous associons à la démarche que vous entreprenez de récapituler tous les efforts financiers de l'Etat pour le tourisme, en incluant les crédits des autres ministères et les concours versés aux communes. Il serait à mon avis légitime de connaître précisément le volume de l'intervention de l'Etat.
Pour transformer un espace de transit presque toujours rural en espace de destination, il est indispensable d'agir sur de nombreux ressorts. L'Etat pourrait mettre en valeur la complémentarité des prestations offertes sur l'ensemble du territoire, en évitant toutefois d'encourager des activités coûteuses créées à partir de rien et quelquefois sans avenir. En effet la légitimité touristique ne se décrète pas.
Dans cette orientation, l'immobilier touristique doit faire l'objet d'une remise à niveau. Je souscris donc aux préconisations de mon collègue rapporteur à l'Assemblée nationale d'en assurer le principe de financement par une mise sur le marché dynamique, gageant la rénovation sur des recettes à venir. Cela vaut spécialement en zone rurale et de montagne, où le patrimoine rural est prisé s'il correspond à certaines normes.
Les hôteliers-restaurateurs sont demandeurs de soutiens et de retours sur investissement. Le fonds de garantie en faveur de l'hôtellerie familiale que vous avez l'intention de constituer est une bonne chose pour le parc hôtelier traditionnel. Sera-t-il possible d'aller plus loin et de penser à un fonds d'intervention dédié à ce type d'hôtellerie ? Ce serait, je crois, une bonne chose. Les PME et les travaux publics de l'Etat doivent disposer des moyens nécessaires pour proposer un produit touristique renouvelé et renouvelable. Par ailleurs, les hôteliers-restaurateurs sont souvent liés par des chartes de qualité dans le cadre de labels multiples dont la juxtaposition finit quelquefois par poser problème. Il faudrait davantage de cohésion. Je n'insisterai pas sur la question de la TVA pour la restauration, que j'ai soulevée à plusieurs reprises.
Elus ruraux de moyenne montagne, Jean Besson et moi-même, ainsi que nombre de nos collègues, sommes attachés au tourisme vert, qui semble marquer le pas cette année. Votre action à ce titre doit rester primordiale, madame la secrétaire d'Etat, et j'observe avec un grand intérêt la création d'une conférence permanente du tourisme rural. Il faut en effet parvenir à changer la proportion actuelle, qui est de 80 % des touristes sur 20 % du territoire.
La moyenne montagne est aussi notre préoccupation, et nous savons qu'une mission vous a été confiée par M. le Premier ministre lors du Conseil national de la montagne. Qu'elle soit l'occasion d'explorer toutes les niches : diversification, élargissement des saisons, qualité, fonds de mutualisation en cas d'absence d'enneigement, etc. !
Le tourisme thermal doit également s'employer à harmoniser sa qualité par le haut. On peut penser que l'alerte générale autour des positions de la Caisse nationale de l'assurance-maladie, heureusement non validées par le Gouvernement, servira d'accélérateur à la mise en oeuvre d'une diversification touristique. La logique de projet doit primer et s'appuyer sur une structuration du territoire en réseau. La contractualisation avec les collectivités locales est essentielle. Nous attendons, particulièrement en Auvergne, que l'Etat intervienne résolument pour la mise en tourisme des stations.
L'aspect social, autre facette du développement durable, est bien présent dans votre budget.
Les états généraux du tourisme social en ont balisé les évolutions. La modernisation entreprise est à mettre à votre actif, madame la secrétaire d'Etat. Elle est d'autant plus importante qu'elle concorde avec la lutte contre les exclusions vis-à-vis des familles modestes ou des handicapés. Il reste que le secteur associatif n'est pas sorti de la crise et que son assujettissement aux impôts commerciaux ne va pas simplifier les choses.
La bourse solidarité-vacances ainsi que l'extension du chèque-vacances aux salariés des PME constituent également des avancées vers la banalisation de la consommation touristique qu'il convient de mentionner spécialement. Il y a là un gisement à exploiter, car les vacances sont loin d'être synonymes de tourisme, ni même de départ pour toutes les familles. Je vous remercie d'avoir fait du droit aux vacances pour tous votre priorité.
Le sort des travailleurs saisonniers est l'une de vos grandes préoccupations, et la mise en oeuvre du rapport de M. Le Pors en est la traduction. Cependant, le plus gros reste à faire, et je souhaite que ce document soit proposé comme outil de réforme lors de la présidence française de l'Union européenne. La formation professionnelle en est l'une des clés.
Le troisième point que je voulais aborder en matière de développement durable est l'organisation touristique sur le territoire.
Maison de la France est le fer de lance de notre politique touristique. Son enveloppe augmentera de plus de 13 %, mais elle va être assujettie à la TVA à compter de l'an prochain. Il faudra compter avec la participation des comités régionaux du tourisme, les CRT, qui s'était singulièrement amenuisée les années passées. Interrogeons-nous sur l'évolution du contexte mondial et sur les moyens que nous consacrons à la promotion par rapport à nos principaux concurrents européens.
Les délégations régionales au tourisme n'ont pas de très gros moyens au regard de leurs missions. Le budget pour 2000 leur donnera certes plus de souplesse de fonctionnement, mais il leur manque encore une dimension territoriale.
L'Agence française d'ingénierie touristique constitue un complément nécessaire, en prise avec la démarche prospective. Son efficacité, reconnue par de plus en plus de partenaires, n'est probablement pas suffisamment valorisée par l'Etat : la subvention de ce dernier a pratiquement été divisée par deux depuis la création de l'Agence, que vous avez pourtant su défendre dans l'attribution des crédits. Une décentralisation interrégionale - Massif central, par exemple - serait bienvenue.
L'outil d'assemblage le plus incontournable pour l'aménagement est le contrat de plan. La prochaine génération autorisera une forte progression des crédits au titre du tourisme. La seconde enveloppe a largement confirmé cette tendance, et je vous en félicite. Jean Besson souhaite qu'une attention toute particulière soit portée au volet infrarégional, puisque la loi permet maintenant aux pays de passer directement des contrats. J'exprime le même voeu. Ce serait une excellente occasion de tirer leur épingle du jeu pour les régions rurales, la région Auvergne en particulier. (Sourires.) Toutefois, le nouveau contrat de Plan ne distingue pas à l'intérieur des crédits du tourisme, le thermalisme. Il faudra donc veiller à ce que ce ne soit pas oublié.
Je ferai deux remarques pour conclure.
La cristallisation de la dotation touristique au sein de la DGF n'est pas satisfaisante. J'espère que le Gouvernement lèvera rapidement cette barrière du gel.
Le recouvrement de la taxe de séjour, archaïque, fait l'objet de nombreuses fraudes qui peuvent rejaillir sur le fonctionnement des offices de tourisme. Ne peut-on imaginer une modernisation, une dénomination différente et une intégration dans un processus d'accueil qui permettrait, outre de meilleures « rentrées » d'argent, une commercialisation plus intégrée et performante des communes classées ?
Madame la secrétaire d'Etat, votre budget démontre que la politique que vous avez initiée s'inscrit dans la durée. Le groupe socialiste le votera avec enthousiasme, en formant le voeu qu'il soit placé sous le signe des 35 heures. En effet, la réduction du temps de travail va produire une transformation sociale susceptible de faire évoluer le tourisme. Comme cela a été dit, « les temps libres des uns deviendront les temps de travail des autres ». Je ne doute pas que votre action contribue pleinement à adapter l'offre à ce changement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis nous ont encore fourni cette année, grâce à leurs rapports, une somme essentielle d'informations sur le secteur du tourisme ; je voudrais, au nom de mon groupe, les remercier. Cette recherche d'un véritable bilan me paraît extrêmement précieuse alors même que le tourisme, acteur essentiel de développement des vingt dernières années, s'apprête à franchir un siècle nouveau.
Il serait intéressant, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous disiez si le « tourisme de l'an 2000 » est, en France, mieux ou moins bien positionné que celui de nos voisins, et quelles ont été les mesures prises pour aider, essentiellement les petites et moyennes structures du tourisme, à franchir ce siècle.
Je souhaite examiner avec vous les différentes formes de tourisme et attirer votre attention, chaque fois que cela sera nécessaire, sur la nécessité de conforter ou de réformer.
Les moyens financiers et matériels mis à la disposition de l'administration centrale et des services déconcentrés - je pense, notamment, aux délégations régionales de tourisme - sont toujours insuffisants. Que dire d'un secrétariat d'Etat qui engloutit plus de 40 % de ses moyens de fonctionnement en loyers pour des locaux le plus souvent mal situés et quelquefois d'accès peu aisé ?
Que dire aussi des locaux affectés à Maison de la France, sans vitrine sur la rue, alors que, dans le même quartier, des stations touristiques, des départements, des Etats exposent, légitimement, avec ostentation leur image et développent leur présence ?
Et pourtant, le tourisme confirme, année après année, son importance économique et un potentiel toujours renouvelé en matière de création d'emplois.
Malgré la modestie des crédits publics, il s'affirme comme catalyseur de l'aménagement du territoire, comme émulateur pour la conservation et la valorisation du patrimoine et comme créateur d'activités dans le secteur rural.
Quelles sont donc les actions où le ministère joue un rôle important ? Il m'apparaît possible de résumer ainsi son rôle : en premier lieu, le ministère assure la cohérence et la coordination des initiatives publiques vers le privé et l'associatif ; en deuxième lieu, il tente, depuis plusieurs années, de définir et de procurer des statistiques exploitables pour permettre de mieux dynamiser ce secteur ; en troisième lieu, par le biais de la Maison de la France, de l'agence française de l'ingénierie touristique et du service d'aide et d'aménagement touristique de la montagne, il favorise la promotion du tourisme et valorise son offre. En l'espèce, madame le secrétaire d'Etat, ces actions sont positives.
Je n'oublie pas non plus le volet social, si important dans la promotion du droit aux vacances pour tous et afin de lutter contre l'exclusion. Ce secteur est peut-être celui qui bénéficie le plus des initiatives de votre secrétariat d'Etat.
Globalement, les crédits que nous examinons aujourd'hui se caractérisent, en fin de compte, par un sous-dimensionnement par rapport aux ambitions affirmées. Maison de la France, pierre angulaire de la promotion touristique de la France, doit redéployer ses moyens pour conduire sa démarche compte tenu des aléas de son budget. L'ouverture de nouveaux bureaux qui correspondait au plan triennal, « Chine et Europe de l'Est », a entraîné, faute de moyens supplémentaires, des fermetures au Portugal, en Norvège, à Berlin et à Toronto, ruinant ainsi les efforts engagés depuis plusieurs années sur ces marchés.
L'agence française de l'ingénierie touristique, qui tend à favoriser l'adaptation de l'offre touristique française aux évolutions de la société, a développé, malgré, là aussi, des moyens limités, trois stratégies complémentaires : elle s'est chargée d'établir un inventaire de l'offre, elle participe avec son savoir-faire au développement territorial, elle assiste les structures et les entreprises à l'export.
Le service d'aide et d'aménagement touristique de la montagne est, quant à lui, un partenaire essentiel des stations de montagne et un observatoire avancé de l'évolution de l'activité, notamment axée sur la neige. Ses crédits de fonctionnement lui permettent à peine de poursuivre les actions engagées : il ne peut ni faire face à une modernisation de son parc informatique, ni lancer la réhabilitation de ses locaux.
L'an 2000 verra aussi la mise en place du plan Etat-régions, dont la durée sera désormais de sept ans. L'enveloppe relative au tourisme demeure modeste, comme l'ensemble des engagements publics sur ce secteur. En ce domaine, rien n'a changé : le tourisme, qui est essentiel pour l'aménagement du territoire, demeure le parent pauvre des contrats de plan.
Je souhaite qu'une part des investissements dégagés dans le contrat de plan soit réservée à la modernisation de la petite hôtellerie indépendante.
En matière de tourisme social, il faut désormais s'astreindre à maintenir l'identité de ce secteur en accentuant les actions de lutte contre les exclusions et en poursuivant la rénovation des hébergements. Le tourisme social serait d'ailleurs peut-être mieux soutenu si les chèques-vacances étaient plus largement distribués, et ce par un assouplissement des rigidités qui entourent encore son attribution. Mais les évolutions constatées cette année vont dans le bon sens, madame le secrétaire d'Etat.
Les interventions communautaires sur le tourisme demeurent limitées par l'absence d'une véritable reconnaissance. La prochaine présidence française pourrait s'honorer en mettant enfin en place un nouveau plan pluriannuel.
Heureusement, les fonds structurels ont largement bénéficié au secteur du tourisme, notamment au développement des zones rurales.
Le tourisme rural, devenu la première destination des Français pour leurs déplacements personnels, représente près de 37 % des séjours et 34 % des nuitées. Il est caractérisé par des séjours courts, en moyenne de cinq jours. Il canalise à son profit une fréquentation massive et régulière de la part de la population urbaine de proximité. Destination touristique en toute saison, le tourisme rural confirme, année après année, l'attachement des Français à une offre peu coûteuse et riche en activités. A cette occasion, je voudrais souligner la qualité des publications du Centre national des ressources du tourisme en espace rural.
Le marché du voyage d'affaires progresse cette année de plus de 9 %. Ce phénomène se traduit par une forte augmentation du nombre de voyages en Europe.
Afin de rationaliser ou de comprimer leurs dépenses, les entreprises ont défini une nouvelle politique de voyage en associant les agents de voyage. Il serait intéressant de savoir comment les pouvoirs publics encouragent la modernisation des entreprises de tourisme, que je juge indispensable si celles-ci veulent conserver une part significative du marché.
Je voudrais également attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur trois points.
La situation des stations de sports d'hiver nécessite la revitalisation de leur fréquentation et la modernisation, dans la sécurité, de leurs activités. Des développements lourds sont nécessaires, en particulier pour les remontées mécaniques. Nos concurrents investissent trois fois plus que nous dans ce domaine.
De même, les professionnels attendent d'urgence les décrets d'application concernant le dispositif de réhabilitation de l'immobilier de loisirs. En ce domaine, c'est une modernisation complète qui doit être engagée pour adapter l'offre à la demande. Les aménagements doivent être entièrement repensés.
Il faut également évoquer la question primordiale de l'évolution du statut des saisonniers et celle du développement des aides au tourisme thermal par le maintien du remboursement des cures et le soutien à la thalassothérapie.
Je m'associe en outre aux demandes réitérées de mes collègues pour un réaménagement de la dotation touristique au sein de la dotation globale. La situation actuelle est source d'injustices et ne favorise en aucune manière les communes qui investissent.
Avant de conclure, je souhaite engager le Gouvernement, face à la croissance des flux touristiques dans les prochaines années, à développer des initiatives nouvelles. Vous avez évoqué la création d'un comité d'éthique du tourisme. Je crois qu'il faut effectivement donner à une institution les moyens d'alerter le consommateur sur les désordres éventuels qui accompagneront cette croissance.
Le tourisme doit se développer dans le respect des ressources naturelles, culturelles et sociales. Sa gestion doit s'affirmer dans le cadre de la responsabilité.
En concluant, je veux souligner que, malgré la poursuite du redressement des crédits du tourisme, les moyens mis en place ne permettent pas à notre pays de relever les défis du troisième millénaire. Voter favorablement serait pour notre groupe cacher aux Français la faiblesse chronique des engagements des pouvoirs publics pour développer le tourisme. Notre groupe votera, madame la secrétaire d'Etat, contre ce projet de budget. (M. Joly applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'année 1998 restera dans les mémoires comme une année riche en symboles. Après la Coupe du monde de football qu'elle a remportée, la France a battu le record du nombre de touristes étrangers accueillis sur son territoire. Le cap des soixante-dix millions d'arrivées a été franchi, confirmant la position de notre pays comme première destination touristique, loin devant l'Espagne et les Etats-Unis.
Bien évidemment, madame la secrétaire d'Etat, on ne peut que se réjouir d'une telle situation. Il n'en demeure pas moins que l'avenir du tourisme reste à construire. Rien ne serait pire que l'autosatisfaction. Les lauriers ne doivent pas nous endormir, mais nous stimuler.
En effet, si selon les projections de l'Office mondial du tourisme, la France devrait accueillir quatre-vingt-treize millions de touristes étrangers en 2020, la part de marché de l'Europe, dans son ensemble, devrait diminuer de 59 % à 46 % au profit de la zone Asie-Pacifique. C'est dire que, dans les vingt prochaines années, la concurrence mondiale va s'exacerber. Dans ce contexte, maintenir ou même améliorer la position de la France sera un combat de tous les jours.
Le rapporteur pour avis, notre éminent collègue Charles Ginésy a d'ailleurs fort judicieusement souligné les fragilités de l'économie du tourisme. Structurellement, la France a tendance à être un pays de transit, marqué par des séjours nettement plus courts que ceux qui sont enregistrés par ses concurrents directs. En conséquence, les recettes engendrées sont moindres.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d'Etat, tout doit être fait, et au plus vite, pour renforcer notre compétitivité. Alors, une seule question se pose : le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui permet-il de relever les défis du siècle prochain ? Votre politique est-elle à la hauteur des enjeux, des vrais enjeux ?
Certes, avec une enveloppe de 423 millions de francs en moyens de paiement, le budget 2000 du tourisme progresse de 7,7 % par rapport à l'an passé. Bien ! Si nul ne peut d'ailleurs contester cette augmentation en valeur relative, qui fait suite à celle de 7,2 % en 1999, je note toutefois, madame la secrétaire d'Etat, qu'il va falloir tenir bon pour éviter qu'à l'avenir votre budget ne redevienne une variable d'ajustement du budget de l'Etat. Et nous savons tous que les tentations ne manqueront pas, tant il faudra bien financer les projets coûteux et dangereux, à mon sens, de ce gouvernement.
Il vous faudra encore plus de persévérance pour atteindre votre objectif de 700 millions de francs en 2003.
Mais l'essentiel n'est pas là. En économie, il y a ce qui se voit et il y a ce qui ne se voit pas.
Ce qui se voit, ce sont les moyens qui permettent d'intervenir. Encore faut-il qu'ils soient affectés aux bons endroits, pour les bonnes interventions.
Ce qui ne se voit pas, en tout cas pas toujours, c'est ce qui contribue au développement d'une activité économique, c'est l'environnement ou les conditions favorables qu'il importe de créer.
S'agissant des moyens, je ne reprendrai pas le détail des dispositions contenues dans ce projet de budget, celles-ci ayant été excellemment exposées par les rapporteurs.
Je voudrais simplement insister sur les outils de promotion de la France à l'étranger. Dans le climat concurrentiel que nous connaissons, il est plus que jamais indispensable de renforcer les moyens de Maison de la France. A cet égard, je regrette vivement que l'augmentation de 13,4 % des crédits alloués à ce groupement d'intérêt économique soit absorbée en quasi-totalité par son assujettissement à la TVA à compter de l'an prochain.
Ce n'est pas par cette « opération blanche » que Maison de la France pourra intensifier ses actions sur les marchés extérieurs. Cela est d'autant plus regrettable, mes chers collègues, que si un effort particulier doit être fait dans ce budget, c'est bien sur ce poste qu'il doit se manifester, et de façon significative !
Or tout se passe comme si les fêtes de l'an 2000 ne représentaient pas une formidable occasion de promouvoir la France à l'extérieur et d'inciter des centaines de milliers d'étrangers à venir découvrir les charmes et les richesses de notre pays et goûter cette véritable exception française : l'art de vivre de nos douces provinces.
Pensons au passage à l'an 2000, bien évidemment - sur les Champs-Elysées, par exemple - mais aussi - et surtout tout au long de l'année 2000.
A Paris, de nombreuses manifestations seront organisées jusqu'en janvier 2001 et c'est avec un grand plaisir que je vous en offrirai le programme, madame la secrétaire d'Etat... si vous ne l'avez déjà !
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Merci !
M. Bernard Plasait. A Nice, les délices de la baie des Anges inciteront les touristes à revenir pour s'embarquer sur des paquebots de croisière, le jour où, bien entendu, l'Etat participera au financement d'un nouveau quai d'embarquement.
Ailleurs également, en tous points de notre territoire, des merveilles sont à découvrir.
Bref, madame la secrétaire d'Etat, ne manquons pas l'occasion ! Aussi, je vous demande quels moyens supplémentaires vous entendez dégager, étant entendu que les 4 millions de francs que la « Mission 2000 » a donnés, cette année, à Maison de France sont très largement insuffisants.
Enfin, je voudrais rappeler une fois encore la nécessité d'adapter et de moderniser l'appareil touristique hexagonal. Je constate en effet que le développement de notre industrie touristique est entravé de toutes parts. Les entreprises familiales sont confrontées à de redoutables problèmes de transmission. Véritable gisement d'emplois, le secteur est sur-réglementé, sur-administré et sur-fiscalisé.
Je partage pleinement les craintes déjà exprimées quant à l'application des 35 heures dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
En revanche, je me félicite de l'adoption lundi soir, par notre assemblée, d'un amendement instituant un taux de TVA à 5,5 % pour la restauration traditionnelle. Cette heureuse initiative satisfait la proposition de loi que le groupe des Républicains et Indépendants a déposée en juin dernier.
Cette disposition est une nécessité pour éviter les distorsions de concurrence entre les différentes formes de restauration.
Elle se justifie également par l'obligation d'harmoniser notre régime de TVA avec ceux de nos voisins européens. Nos principaux concurrents sur le marché touristique appliquent en effet un taux réduit unique de TVA à la restauration.
Enfin, et surtout, le secteur des cafés, hôtels et restaurants emploie 800 000 actifs dont 600 000 salariés, ce qui fait de lui le quatrième employeur de France. Et la présente mesure favorisera la création d'au moins 12 000 nouveaux emplois en un an, selon certaines organisations professionnelles.
Dans ces conditions, je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, de tout faire pour que cette disposition, que je crois essentielle pour le secteur touristique, soit maintenue par l'Assemblée nationale.
A la subvention, mieux vaut l'exonération. Aussi, pour ne pas être contraints d'aider massivement demain une industrie touristique en déclin, gardons-nous de l'accabler aujourd'hui. Au contraire, incitons-la à se développer en la libérant de ses entraves. Je ne doute pas que si elle est demain à égalité de concurrence elle ne remporte de durables et considérables succès dans la compétition mondiale.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. L'année dernière, au moment de l'examen des crédits destinés au tourisme pour 1999, j'avais eu l'occasion de vous féliciter, madame la secrétaire d'Etat, pour l'action que vous aviez entreprise à la tête du secrétariat d'Etat au tourisme. Sans tomber dans une complaisance que certains jugeraient partisane, je ne peux que saluer à nouveau votre volonté, qui continue de s'afficher, d'intervenir de façon plus efficace et dynamique encore, pour conforter, moderniser et développer un secteur essentiel à bien des égards à l'activité économique de la France, mais aussi à l'aménagement de notre territoire.
Les crédits au titre du tourisme pour 2000 s'élèvent à 423,4 millions de francs, soit, si l'on s'en tient à la loi de finances initiale pour 1999, une hausse de près de 7,7 %. On note donc que les moyens des services sont préservés et que les moyens d'intervention sont en nette reprise.
Dans ce dernier domaine, permettez-moi de noter la hausse de 69,5 % de la dotation aux contrats de plan Etat-régions.
En ce qui concerne ma région, l'Ile-de-France, l'Etat contribue pour la première fois, et à hauteur de 50 millions de francs, au développement du tourisme régional. C'est une première qu'il faut signaler et porter à votre actif, madame la secrétaire d'Etat, ainsi qu'à celui de la nouvelle majorité plurielle du Conseil régional.
Cette participation permettra notamment de développer les axes suivants : l'information et la mise en réseau territorial et régional, l'amélioration de la signalétique touristique en coordination avec l'Etat, les départements et les communes, la formation dans les métiers du tourisme, l'accueil des personnes handicapées, les dispositifs en direction des publics jeunes, la « mise en tourisme » de nouveaux territoires franciliens pour augmenter le nombre de pays d'accueil en Ile-de-France. Ce dernier point, qui est particulièrement important dans l'aménagement du territoire régional, devrait permettre d'appréhender le tourisme en Ile-de-France plus largement que les traditionnels sites de Paris intra muros, Versailles et Eurodisney !
Je referme cette parenthèse régionale pour revenir plus précisément au projet de budget pour 2000, et je note une nouvelle hausse, cette fois de 13,4 %, des crédits destinés à Maison de la France.
Enfin, les dépenses en capital connaissent, elles aussi, un traitement favorable, si l'on fait abstraction des augmentations de crédits non reconductibles qui sont intervenues au cours de la discussion du budget du tourisme pour 1999.
Cependant, la progression positive que vous réservez à ce budget, madame la secrétaire d'Etat, ne doit pas nous faire oublier l'écart gigantesque qui existe entre l'effort public directement consacré au tourisme et ce que cette activité apporte à l'économie française, tant en termes d'emplois que de recettes améliorant le solde de la balance des paiements.
Ce contraste va d'ailleurs être de plus en plus visible. En effet, les principaux résultats enregistrés depuis le début de l'année, vous nous l'avez confirmé, nous laissent à penser que l'année 1999 sera marquée par de nouveaux records de fréquentation et de consommation. Ces chiffres sont très positifs et c'est là une excellente chose.
Les conséquences sur la croissance et l'emploi sont d'ailleurs non négligeables. Je pense notamment aux hébergements, avec un taux d'occupation déjà en hausse, mais aussi à la progression du trafic d'Air France et de la SNCF. Je pense aussi à la création de 25 000 emplois dans le secteur des hôtels, des cafés et des restaurants.
Ces bons résultats doivent nous encourager à poursuivre une politique qui ait à coeur de promouvoir et de développer un tourisme durable et équilibré sur l'ensemble du territoire. Ils doivent également permettre l'accès aux vacances et aux loisirs pour tous, et donc avoir une incidence sur le tourisme social.
J'insisterai quelques instants sur ce dernier point, cher au groupe communiste républicain et citoyen.
Comment ne pas être sensible à ces chiffres, dont la réalité paraît si dure ? En effet, 40 % des Français ne partent pas en vacances et sont ainsi privés de ce droit fondamental, pourtant inscrit dans la loi relative à la lutte contre l'exclusion... Comme Mme Beaudeau le rappelait tout à l'heure, 50 % de ceux qui partent le font dans leur famille, faute de moyens. Ces indicateurs révèlent bien l'ampleur des dispositifs à mettre en place et qui ne relèvent pas, bien entendu, de votre seul secrétariat d'Etat.
Pour ce qui vous concerne, vous avez mis en place cet été bourses solidarité-vacances - 1 300 familles sont parties en vacances grâce à ces bourses - et vous envisagez de permettre le départ d'au moins 10 000 familles en l'an 2000.
Il est une autre mesure à laquelle nous tenons et qui contribue à rendre effectif le droit aux vacances pour tous : le chèque-vacances. Son élargissement permettra d'aller dans le sens d'une vraie démocratisation des vacances puisque 6 millions de personnes devraient pouvoir en bénéficier.
De plus, nous venons d'apprendre que les emplois-jeunes pourraient désormais bénéficer du chèque-vacances. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous le confirmer ?
Je dirais maintenant quelques mots sur l'emploi dans le tourisme.
Ce secteur d'emplois reste encore trop souvent synonyme de précarité et de bas salaires. Les salariés du tourisme sont fréquemment en dehors des dispositions protectrices du droit du travail du fait de la durée de leur contrat. Ils sont par ailleurs, plus que les autres, victimes de difficultés de transport et de logement.
Il est urgent d'élargir leurs droits, notamment en matière de formation, d'assurance maladie et d'indemnisation du chômage. Ces améliorations seraient bien entendu profitables aux salariés, elles permettraient également d'améliorer la qualité de l'accueil.
Voilà près d'un an, avec Mme Martine Aubry vous avez demandé à M. Anicet Le Pors un rapport sur les saisonniers du tourisme. Nous connaissons la grande diversité de situation des 420 000 saisonniers de ce secteur. Ce rapport formule de nombreuses propositions.
Au-delà de la parution du guide des saisonniers, pouvez-vous préciser les actions que votre secrétariat d'Etat, mais également les autres ministères concernés comptent entreprendre dans ce domaine ?
Enfin, s'agissant des trente-cinq heures, pouvez-vous nous donner quelques éléments sur la mise en place de la réduction du temps de travail dans le secteur du tourisme ?
En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi de regretter l'attitude de la majorité sénatoriale, qui a décidé de rejeter en bloc les crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement. Cette attitude d'opposition de principe ne me paraît guère constructive. Certains de mes collègues sur les travées de droite l'ont d'ailleurs également remarqué, puisqu'ils étaient plutôt partisans d'une position moins tranchée et proposaient de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
Quant au groupe communiste républicain et citoyen, c'est sans état d'âme et avec conviction qu'il votera votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'activité touristique revêt une double importance dans la vie de notre pays. Elle a d'abord pris le relais de secteurs défaillants sur lesquels était fondée notre économie et son essor n'est pas terminé. Ensuite, elle contribue fortement à l'aménagement durable du territoire.
Alors que ce n'est pas une priorité à proprement parler dans les choix budgétaires, il convient de noter une augmentation de pratiquement un point des crédits de ce département si l'on exclut la compensation accordée à la Maison de la France, qui est désormais assujettie à la TVA.
Les objectifs de développement local et de valorisation de l'offre s'appuient fort opportunément sur une amélioration de l'observation économique. Toutefois, les recettes retirées par la France de son activité touristique restent nettement inférieures à celles qui sont enregistrées par les Etats-Unis, l'Espagne et l'Italie, qui sont nos principaux concurrents.
Déjà 73 % de la fréquentation touristique de notre pays ne concerne que 20 % du territoire. Il y a là un gros déséquilibre et un manque à gagner à tous points de vue.
Comme cela a souvent été constaté, les résultats sont médiocres, en termes commerciaux et économiques, pour une partie quantitativement importante de l'offre française, celle qui est offerte par des structures artisanales isolées et dispersées. Cela résulte du caractère aléatoire et incertain des flux de clientèle qui assurent leurs ressources financières. Cela engendre une fragilité structurelle qui est préjudiciable à la qualité et au dynamisme de ces entreprises. L'équilibre n'est obtenu qu'au prix d'une gestion extrêmement économe en investissements, charges et salaires, quelles que soient les méthodes employées pour limiter les charges à un niveau supportable.
Le tissu des PME, bien que fragile, est un élément très important du tourisme français. Il secrète une offre très riche et très diversifiée, ses capacités d'adaptation au marché et de créativité sont importantes, il génère des emplois dans des zones prioritaires quant à l'aménagement du territoire.
Pour l'instant, les tentatives d'amélioration n'ont pas abouti, qu'elles émanent d'initiatives publiques au niveau local - les SLA, les OTSI - ou de mouvements professionnels. En aucun cas ces structures n'ont réellement vocation à organiser le marché ni les moyens de le faire.
La démarche doit être conduite à l'échelon national. En effet, par définition, la dispersion engendre des quantités trop faibles dans chaque territoire pour supporter le poids des investissements indispensables pour attaquer le marché, qui est lui-même diffus dans l'ensemble français et européen.
L'expérience de l'agence française de l'ingénierie touristique - très bel outil qui mériterait des moyens supplémentaires - montre que peuvent être envisagées la conception et la conduite d'une politique nationale de mise en marché de cette offre dispersée avec des chances certaines de résultats. Il convient d'assortir cette mission de dispositifs assurant l'ensemble des fonctions nécessaires dans le cadre de cahiers des charges précis les dotant de moyens contractuellement déterminés pour une période limitée dans le temps.
Autour d'approches thématiques, l'offre artisanale, plus proche des terroirs, mieux articulée avec toutes les ressources de la destination, peut rencontrer facilement une clientèle à condition d'être accessible après avoir été sélectionnée et formatée suivant des process professionnels.
Permettez-moi de vous poser plusieurs questions, madame la secrétaire d'Etat.
La structure nationale spécifique contractualiserait avec les ministères concernés, notamment pour le volet budgétaire, les régions pour leur participation et Maison de la France pour la promotion. Pour les missions qui déborderaient de ce cadre, pourrait-on envisager la création d'offices comme ceux qui organisent le marché par produits en agriculture ?
Je viens d'évoquer le rôle des régions en matière d'activité touristique. A travers les contrats de Plan peut-on vraiment attendre que les efforts portent plus particulièrement sur les investissements, où les besoins sont encore réels ? Comment se traduiront vos propos, madame la secrétaire d'Etat, en matière de revitalisation économique en milieu rural, via le tourisme, dont les contrats de Plan devraient être le ballon d'oxygène ?
Dans cette même perspective, beaucoup d'espoirs ont été mis dans les travaux de la conférence permanente du tourisme rural. Répondent-ils aux attentes ?
En qualité de président national des comités départementaux de tourisme, je m'interroge sur l'application qui sera faite à ces structures des nouvelles dispositions fiscales relatives aux associations. Ces comités commercialisent certains produits touristiques, reçoivent des défraiements, éditent des documents et tarifient des prestations. Que va-t-il en être, madame la secrétaire d'Etat ?
Autre question importante : le développement de RESINFRANCE. Puisque vous semblez croire, madame la secrétaire d'Etat, en cet instrument, quels moyens allez-vous mettre en oeuvre en l'an 2000 pour asseoir et développer cet outil, l'objectif étant qu'il devienne un moyen de réservation moderne et adapté aux nouvelles technologies ?
Comme notre excellent rapporteur, Charles Ginésy, et mon cher collègue Plasait, une fois de plus, je reviens sur le taux de TVA appliqué à la restauration traditionnelle et je m'interroge sur l'attitude du Gouvernement français lors de l'examen, le 27 juillet dernier à Bruxelles, des secteurs bénéficiaires du taux réduit de la TVA.
La restauration, à la demande de la France et de l'Allemagne, a été retirée de la liste. Or le 13 octobre 1998, à l'Assemblée nationale, l'un de vos collègues, madame la secrétaire d'Etat, avait déclaré souhaitable de voir cette activité y figurer.
Déjà, en 1991, il y avait eu recul des représentants nationaux à Bruxelles. En conséquence, ce secteur d'activité à forte utilisation de main-d'oeuvre, considéré par un observatoire international comme majeur pour l'économie dans les années futures, a été sacrifié.
Loin de moi l'idée de contester le bien-fondé de la mesure d'application du taux réduit aux travaux d'amélioration de l'habitat, mais il n'est pas admissible de revenir sur un engagement pris devant le Parlement et de justifier ce revirement par un diktat de Bruxelles. C'est un mauvais coup porté à votre département, madame la secrétaire d'Etat.
Autre mauvaise disposition pour les activités saisonnières ou connaissant des pics horaires : la réduction du temps de travail. Bien qu'il faille s'appliquer à créer des produits et des événements tendant à gommer ces pics afin d'équilibrer la fréquentation, il faut dire clairement que ces nouvelles contraintes sont particulièrement inadaptées. Le client va-t-il se soumettre aux trente-cinq heures quand il lui prendra l'envie de dîner à vingt-deux heures ?
J'espère, madame la secrétaire d'Etat, que votre budget, que mon collègue Georges Mouly et moi-même voterons, si les réponses aux questions que nous avons posées sont satisfaisantes, augmentera dans les années à venir en proportion de la réduction du temps de travail converti en temps libre, ce temps libre élevé fugitivement au rang de ministère voilà deux décennies ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais, en premier lieu, remercier Mme le rapporteur spécial de la commission des finances et M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la qualité de leur travail et pour le soutien qu'ils m'apportent en vue d'une meilleure prise en compte de l'économie touristique dans le budget de la nation.
Je remercierai également les orateurs des différents groupes pour l'intérêt qu'ils portent à la question du développement touristique.
Alors que nous nous apprêtons à franchir le cap de l'an 2000 en ayant enregistré, cette année encore, d'excellents résultats pour le tourisme français, le projet de budget du tourisme, dont nous discutons aujourd'hui et sur lequel vous m'interpellez, affiche une volonté d'intervenir de façon plus cohérente et plus dynamique encore pour conforter, moderniser et développer un secteur essentiel à l'activité économique de la France, mais aussi à l'aménagement du territoire.
L'an dernier, ici même, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire combien le tourisme est un secteur d'activité en croissance dans le monde et combien, surtout, il est créateur de richesses et d'emplois dans notre pays, combien - vous l'avez à nouveau fortement souligné - ce secteur est porteur d'espoir et pour notre économie nationale et pour l'ensemble de nos concitoyens.
Un an d'exercice supplémentaire et les très bons résultats du premier bilan de la saison touristique 1999 ne font que renforcer cette conviction.
Je puis vous confirmer en effet que nous battrons encore, en 1999, des records de fréquentation comme de consommation.
Je citerai à titre d'illustration quelques chiffres révélateurs.
Comme vous l'indiquiez il y a quelques instants, madame Beaudeau, le record atteint l'an dernier de 71 millions de visiteurs étrangers devrait être dépassé en 1999 puisque, pendant la saison estivale, le nombre de ces visiteurs était en hausse de 10 % ; cet accroissement s'est également confirmé durant les premiers mois d'automne.
Cette fréquentation accrue a fait sentir ses effets positifs sur le secteur tant au niveau des hébergements, où les taux d'occupation enregistrent globalement une croissance de plus de deux points, qu'au niveau des transports.
Les répercussions sur l'emploi sont tout aussi significatives, comme en témoignent les excellents résultats du secteur hôtels-cafés-restaurants. Celui-ci a en effet connu, entre juin 1998 et juin 1999, une augmentation de près de 4 % de ses effectifs salariés, augmentation qui s'est traduite par la création de plus de 25 000 emplois nouveaux.
Vous avez été plusieurs à rappeler que l'activité touristique nationale, qui représente désormais plus de 7,3 % du produit intérieur brut, a contribué pour plus de 71 milliards de francs au solde positif de la balance des paiements en 1998, ce qui la place aux tout premiers rangs de notre économie.
Permettez-moi de vous annoncer que ce solde sera, une fois encore, en progression en 1999 si j'en crois le bilan des huit premiers mois de l'année, qui affiche une croissance de cet indicateur de 17,9 %.
Ces bons résultats constituent un encouragement dans la politique que je conduis depuis plus de deux ans, une politique qui affirme son ambition de développer un tourisme durable, équilibré et harmonieux sur tout le territoire national, une politique qui encourage la croissance économique du secteur et la création d'emplois, une politique, enfin, qui favorise l'accès de tous aux vacances et aux loisirs.
Cette politique s'inscrit autour de trois convictions fortes.
Premièrement, le tourisme doit être reconnu à sa juste valeur, c'est-à-dire comme un important secteur économique de notre pays.
Deuxièmement, il correspond à une aspiration légitime de nos concitoyens à partir en vacances, à découvrir d'autres horizons, d'autres cultures. Favoriser ce droit légitime à l'épanouissement personnel et familial que constitue le temps de vacances devient alors, au-delà d'un acte de solidarité, un véritable acte de citoyenneté.
Enfin, le tourisme est une activité économique à laquelle se rattache une éthique fondée sur des valeurs : celles de l'amitié, de la solidarité, de l'échange des cultures. Il est facteur de progrès pour la tolérance et pour la paix.
Pour répondre à tant d'attentes et d'ambitions, il nous faut mener une action publique forte et cohérente, qui fédère les acteurs et les énergies, les soutienne et les accompagne dans leurs efforts pour offrir les meilleures prestations à nos visiteurs, de façon à promouvoir, dans notre propre pays comme à l'étranger, l'image d'une France séduisante et accueillante.
Une telle politique nécessite, vous l'avez tous souligné, des moyens à la hauteur des ambitions qui sont affichées. Aussi, le projet de budget dont nous discutons aujourd'hui est-il en hausse de près de 14 % par rapport à celui de 1999. Il constitue, pour la deuxième année consécutive, un signe fort envers la grande famille du tourisme.
En effet, les moyens consacrés au tourisme seront ainsi passés, en deux ans, de 335 millions de francs à 423,5 millions de francs.
Ces chiffres ne tiennent compte - c'est vrai, monsieur Bony - ni de la dotation touristique de un milliard de francs ni des crédits issus des autres ministères et qui viennent soutenir les démarches touristiques de territoires et de filières.
Comme vous l'évoquiez dans votre propos, j'envisage de les identifier plus précisément d'ici à 2001 afin d'offrir une meilleure lisibilité de l'intervention globale de l'Etat dans ce secteur.
Ce budget pour 2000 devrait donc contribuer à donner au tourisme les moyens de mieux exprimer ses potentialités en matière de croissance et d'emploi et vous avez été nombreux à exprimer cette préoccupation.
Cela passe tout d'abord par la valorisation des atouts de nos terroirs et par un soutien actif aux initiatives de développement local.
Cette indispensable « mise en désir et en tourisme » des territoires s'appuiera avant tout sur les contrats de Plan « tourisme », à la préparation et à la définition desquels j'ai attaché la plus grande importance, comme vous l'avez d'ailleurs souligné dans votre rapport, monsieur Ginésy.
Ceux-ci ne pouvaient être en effet, pour moi, un simple catalogue de bonnes intentions ni une procédure élitiste réservée à quelques initiés, mais ils devaient, au contraire, constituer un soutien au développement local de nos pays et agglomérations, qui repose sur les potentialités des territoires, mais aussi un soutien aux dynamiques qui se créent sur le terrain et qui sont, ne l'oublions pas, l'expression des attentes d'une population.
La première enveloppe de 520 millions de francs en faveur des contrats de plan « tourisme », annoncée voilà quelques mois, était déjà en augmentation de plus de 69 % pour le titre IV, soit 30 millions de francs en crédits, d'intervention et 20 millions de francs en crédits de paiement au titre des investissements.
Comme vous l'aurez noté, la seconde enveloppe attribuée à ces contrats confirme bien cette nouvelle priorité donnée au tourisme par l'Etat et les régions. Mon ministère consacrera donc 764 millions de francs à sa politique contractuelle, ce qui représente une augmentation de plus de 171 % par rapport au XIe plan, sommes auxquelles il faut ajouter 109 millions de francs pour le développement touristique des massifs et 10 millions de francs pour le plan Loire.
De même, je puis vous assurer, monsieur Arnaud, que j'agis pour que le tourisme figure en bonne place dans les DOCUP, les documents uniques de programmation, connaissant l'enjeu que représentent - vous l'avez souligné - les fonds structurels européens pour le financement du développement touristique.
Bien sûr, messieurs Bony et Joly, le tourisme rural devra trouver toute sa place dans ce développement et dans ces contrats, d'autant, comme vous l'avez rappelé justement, qu'il correspond de plus en plus aux nouvelles attentes telles que le besoin de nature, de culture, de retour aux racines et à la connaissance des traditions.
De plus, son développement s'inscrit dans la logique d'une meilleure répartition touristique des flux sur l'ensemble du territoire, dans la perspective d'une croissance qui s'affirme.
Enfin, nous le savons tous, son action de revitalisation économique est un ballon d'oxygène pour l'agriculture, le commerce et l'artisanat.
A ce propos, vous avez évoqué dans votre rapport, monsieur Ginésy, le délicat problème du loup. La présence de cet animal dans ses aspects touristiques n'a pas, pour l'instant, fait l'objet d'une démarche particulière. Un travail interministériel devra avoir lieu sur cette question dans le cadre de l'élaboration du « plan loup » que le Gouvernement prépare pour le début de l'année prochaine.
Pour en revenir au tourisme rural, je suis convaincue que le travail que j'ai engagé depuis maintenant un an avec les acteurs du monde rural, en lien avec mes collègues Jean Glavany et Dominique Voynet, devrait permettre de redonner l'élan et le dynamisme souhaitables à cette forme de tourisme, en s'appuyant sur les contrats de plan, bien entendu, mais aussi sur les nouvelles politiques issues des lois d'orientation agricole et d'aménagement et de développement du territoire.
Dans quelques semaines, verra ainsi le jour la conférence permanente du tourisme rural, qui fédérera l'ensemble des acteurs oeuvrant dans cette filière et qui deviendra l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics intervenant en faveur de son développement. Gageons, monsieur Joly, que ce nouvel outil conférera une nouvelle efficacité à nos interventions dans cette filière pleine de promesses.
A l'image de l'espace rural, la montagne, en particulier la moyenne montagne, fera l'objet d'une attention particulière de mon ministère, dans l'esprit de la mission qui m'a été confiée par M. le Premier ministre à l'occasion du dernier conseil national de la montagne.
Cette mission s'articule, je le rappelle, autour de logiques de diversification, d'amélioration de la qualité de l'offre et de plurisaisonnalité des activités. Là comme ailleurs - sur le littoral, dans nos villes d'art et d'histoire - nous nous attacherons à privilégier l'étalement de la fréquentation touristique sur l'ensemble des mois de l'année.
Je serai tout aussi attentive au développement du tourisme et des loisirs de proximité, qui constituent de nouveaux enjeux, tant le besoin d'activité en fin de semaine s'exprime de plus en plus chez nos concitoyens ; et ces enjeux sont d'autant plus importants que la réduction du temps de travail devrait encore amplifier ces attentes.
Puisque je parlais à l'instant du développement de nos filières et territoires, et en particulier de la montagne, je souhaiterais évoquer le thermalisme, cher à M. Bony.
Vous avez pu le noter, la position prise par le Gouvernement confirme le remboursement de l'intégralité des cures thermales, reconnaissant ainsi leur fonction sanitaire et leur contribution au bien-être de la population. Cela permet, certes, de préserver les intérêts du secteur, mais aussi et surtout de poursuivre le travail engagé pour moderniser les stations et les adapter à la double exigence médicale et touristique.
Le secrétariat d'Etat au tourisme poursuivra donc l'action qu'il a entreprise et dont l'objectif est de mettre en oeuvre, dans les stations qui le souhaitent, de façon individualisée, des schémas de mise en tourisme.
Favoriser la croissance et l'emploi signifie, bien sûr, répondre à la multitude et à la diversité des attentes en terme d'aménagement et d'équipement de nos territoires. Mais cela passe aussi par la mobilisation de l'ensemble des acteurs pour améliorer, diversifier, commercialiser et promouvoir l'offre touristique française, avec pour mot d'ordre la qualité : qualité de l'offre en termes d'équipements, mais aussi qualité de l'accueil.
Il nous faut donc accompagner les efforts qu'accomplissent les quelque 200 000 entreprises françaises qui oeuvrent dans le tourisme, pour moderniser leurs équipements et adapter leur offre aux nouveaux comportements et aux nouvelles exigences des vacanciers. C'est d'autant plus nécessaire que, à l'instar de la mobilisation autour de la coupe du monde de football, les célébrations de l'an 2000 en France nous offrent l'occasion de réaliser encore d'importants progrès. C'est tout le sens de la mobilisation de la grande famille du tourisme que j'ai engagée autour de la promotion d'événements festifs, en particulier le long de la « méridienne verte ».
Là encore, les contrats de plan Etat-région pourront utilement soutenir les initiatives publiques, privées ou associatives prises en la matière.
C'est pourquoi l'essentiel des augmentations du titre VI porte sur l'enveloppe « investissements » de ces contrats de plan, qui devra permettre d'encourager les démarches qualité, la modernisation de l'hébergement touristique, en particulier celui de la petite hôtellerie indépendante, que vous avez été nombreux à évoquer.
Mais vous m'avez aussi interpellée sur le financement de l'investissement touristique et sur les mesures à prendre en faveur des petites et moyennes entreprises, notamment pour faciliter leur désendettement ou leur accès au crédit.
Je souhaiterais, en réponse, vous indiquer rapidement quelles sont mes principales pistes de travail.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur pour avis, j'envisage, pour aider les PME du secteur qui souhaiteraient adapter leurs équipements et améliorer les services qu'elles offrent à leurs visiteurs, la mise en place d'un fond de garantie.
Ce secteur, qui souffre d'une mauvaise image auprès des milieux bancaires, est tout à fait spécifique, étant à la fois à forte intensité capitalistique et de main-d'oeuvre, et à faible taux de marge. C'est à partir de ce constat que je fais procéder actuellement, par mes services, à une analyse micro-économique d'une centaine de PME constituant un « panel » du secteur de l'hôtellerie-café-restauration, dans huit départements, dont les Alpes-Maritimes, monsieur Ginésy, afin d'identifier les besoins en investissements du secteur à l'échelon national.
Cette étude permettra d'affiner la détermination de l'enveloppe nécessaire à ce fonds de garantie, que j'espère voir mis en place au plus tard en 2001.
Monsieur Arnaud, ce fonds, une fois qu'il sera opérationnel, viendra utilement compléter le dispositif existant de restructuration de la dette des entreprises hôtelières au travers des crédits de la Société française pour l'assurance du capital-risque, la SOFARIS, et les prêts bonifiés accordés au secteur de la restauration pour financer ses travaux de mise aux normes.
Vous avez été nombreux à évoquer le poids de la TVA sur les entreprises de restauration. Je crois qu'il faut avoir à l'esprit toute la complexité de ce dossier qui, comme l'a indiqué récemment ici même mon collègue Christian Sautter, reste ouvert : le débat continue de progresser.
Au demeurant, monsieur le rapporteur pour avis, d'autres leviers peuvent jouer en matière de création d'emplois dans ce secteur.
Ainsi, les allégements de charges que nous étudions, notamment dans le cadre de la loi sur la réduction du temps de travail, complétée par un ambitieux « plan emploi-formation » à la préparation duquel je m'attache depuis plusieurs mois, constituent des pistes de réflexion majeures pour répondre aux graves problèmes d'attractivité du secteur vis-à-vis des jeunes, de création et de meilleure qualification des emplois. Ils peuvent également contribuer, à terme, à l'amélioration des marges des entreprises.
Concernant le financement des collectivités, vous avez rappelé, monsieur Bony, que la loi de 1993 avait gelé la dotation aux communes touristiques et thermales, ce qui entraîne, il faut le reconnaître, des inégalités de situation entre les stations.
J'ai, pour ma part, appelé l'attention du ministre de l'intérieur sur ces distorsions et les inégalités qu'elles engendrent. Aussi, je me réjouis qu'en réponse une réflexion s'engage, sur l'initiative de mon collègue Jean-Pierre Chevènement et sous l'égide de la direction générale des collectivités locales, sur l'ensemble du mécanisme de péréquation.
Le Gouvernement est prêt, je vous le confirme, à examiner dans les meilleurs délais, avec les communes touristiques mais aussi hospitalières, les problèmes spécifiques qu'elles rencontrent en matière de dotations forfaitaires.
D'autres mesures, que j'avais annoncées ici même l'an dernier, entrent désormais en vigueur et contribueront, elles aussi, à cet effort qualitatif consenti en faveur de notre offre touristique nationale.
Je pense à la concrétisation du dispositif « villages résidentiels de tourisme », qui a pour objectif, vous l'avez rappelé, de favoriser la rénovation et la mise en marché de l'immobilier de loisirs de nos stations littorales ou de montagne, en particulier celles qui ont vieilli et qui doivent s'adapter aux nouvelles attentes des touristes.
Je tiens à vous confirmer, monsieur le rapporteur pour avis, que les textes d'application liés à ce dispositif viennent d'être validés au niveau interministériel et transmis au Conseil d'Etat. Je mettrai tout en oeuvre pour que ces textes paraissent au Journal officiel avant la fin de cette année.
Je pense aussi au nouveau processus de classement des restaurants de tourisme que mon ministère vient de mettre en place en partenariat avec la profession.
Je pense, enfin, aux mesures d'incitation et de promotion du classement des meublés de tourisme, définies en lien avec les loueurs et leurs représentants, mesures qui devraient permettre un meilleur suivi qualitatif du parc de meublés et en faciliter la mise en marché, en particulier auprès de nos visiteurs étrangers.
Vous avez, madame Beaudeau, évoqué le nécessaire soutien à la promotion et à la mise en marché de cette offre ainsi renouvelée.
Je vous rappelle, à cet égard, que le chapitre « promotion à l'étranger » de ce projet de budget pour 2000 est à nouveau conforté, ce qui permet d'augmenter la dotation à Maison de la France, dans la logique de redressement budgétaire engagée en 1999. Cela permet aussi et surtout d'en assurer l'assujettissement à la TVA. Cela permet enfin de mobiliser de façon plus significative l'indispensable partenariat des collectivités territoriales et du secteur privé.
J'indique à M. Plasait que Maison de la France a assuré, tout au long de cette année, la promotion des événements festifs liés aux célébrations de l'an 2000, en partenariat étroit avec la mission pour l'an 2000. Elle y consacrera encore des moyens importants l'an prochain.
Chacun le sait ici, le tourisme est un secteur aux évolutions rapides. Le fractionnement des séjours, les mutations du monde du travail, les changements intervenus dans la structure familiale ou encore l'essor considérable des nouvelles technologies et l'irruption du commerce en ligne sont autant d'éléments qu'il nous faut prendre en compte.
C'est la raison pour laquelle nous avons soutenu, dans le domaines de l'information et de la réservation, les projets défendus par les professionnels et les grandes fédérations territoriales du tourisme que sont la FNCRT, la FNCDT et la FNOTSI.
Je songe ici, bien sûr, au serveur RESINFRANCE, monsieur Joly, qui est entré en fonctionnement cette année et qui constitue un outil essentiel de la commercialisation de nos produits tant en France qu'à l'étranger. Ce système, qui permet, d'une part, le regroupement en un même site d'une offre représentative de la production touristique française et de sa diversité et, d'autre part, d'en favoriser la lisibilité, continuera d'être soutenu par nous dans ses développements à venir.
Cependant, je formule le voeu que l'ensemble des organismes institutionnels ou professionnels du tourisme puissent contribuer, par leur implication, à en faire l'outil efficace permettant à la France de valoriser son image et ses produits en Europe et dans le monde.
Pour aider les porteurs de projet et les PME du secteur à bâtir des projets viables, j'ai souhaité, comme je m'y étais engagée devant vous l'an dernier, soutenir l'élaboration d'un dispositif national d'observation et d'analyse des phénomènes touristiques et développer l'action de conseil et d'accompagnement conduite par l'Agence française d'ingénierie touristique.
C'est la raison pour laquelle le chapitre « Etudes » du titre III est en augmentation de 137 %, pour atteindre 17,3 millions de francs.
Cette forte progression permettra de réaliser la nouvelle enquête aux frontières qu'il nous faut adapter aux nouvelles contraintes de l'euro et qui constitue un outil majeur d'aide à la décision, tant pour les pouvoirs publics que pour les professionnels.
J'ai parallèlement demandé, dans l'esprit de la réforme de l'Etat, que la direction du tourisme procède à une réorganisation qui lui permette de mieux prendre en compte l'ensemble des éléments de la politique que ce budget traduit.
Dans le même esprit, et pour répondre à votre attente, madame Beaudeau, l'Agence française d'ingénierie touristique, outil très apprécié, vous l'avez dit, des investisseurs publics et privés, verra ses crédits augmenter de 12,5 % afin que puissent se développer ses missions de service public en faveur de la valorisation et de l'adaptation de l'offre touristique française.
Par ailleurs, pour lui donner ce rôle plus « conquérant » et lui permettre d'élargir le champ de ses interventions, nous conforterons cet outil au niveau de son personnel.
Pour accompagner les entreprises mais également et surtout les collectivités locales dans leur développement au service de la croissance et de l'emploi, j'ai souhaité combler le vide législatif qui handicape notre économie touristique. Vous savez à quel point je suis sensible à ce que nos textes et règlements évoluent au même rythme que le secteur pour favoriser et non pénaliser son développement. Or le caractère diffus de ces textes ne favorise pas, c'est vrai, la lisibilité et la prise en compte du secteur touristique dans toute sa dimension.
L'année dernière, ici même, j'avais évoqué la possibilité de recenser et de réformer l'ensemble de ces textes dans le cadre d'une grande loi d'orientation. Un premier travail de recensement exhaustif des difficultés rencontrées a été fait, à ma demande, par l'inspection générale du tourisme. A cette occasion, il est apparu que l'examen et le toilettage des textes actuels pouvaient être délicats et, surtout, extrêmement longs. Aussi ai-je préféré effectuer ce toilettage au travers de l'élaboration d'un code du tourisme, que je proposerai très prochainement au Premier ministre. Sa mise en oeuvre, par voie législative et réglementaire, devrait être finalisée à l'horizon 2001.
Vous avez tous souligné votre intérêt pour l'action menée dans le cadre de ma politique sociale du tourisme. Permettez-moi d'y revenir pour en souligner les avancées en termes d'actions.
Outre le fait d'avoir, pour la deuxième année consécutive, maintenu le doublement des crédits d'aide à la réhabilitation du patrimoine social, ce qui a permis, cette année, le soutien à plus de cent projets de rénovation, c'est une action beaucoup plus globale que j'ambitionne de mener.
J'ai d'ailleurs souhaité, pour ne pas la mener seule, y associer non seulement les régions, les départements et les collectivités locales, qui, souvent, en apprécient les retombées en termes de développement local et touristique, mais aussi le secteur associatif et les comités d'entreprise qui en sont les partenaires et les animateurs attentifs.
C'est dans cet esprit que j'ai organisé en mai dernier les états généraux du tourisme. C'est dans le même esprit que j'ai voulu diversifier les modes d'action de cette politique sociale.
Il en est ainsi du chèque-vacances, qui a montré son efficacité et qui est aujourd'hui renforcé par son extension aux salariés des petites et moyennes entreprises. Ce nouveau dispositif se met en place.
Cette politique sociale du tourisme n'aurait pas de sens si elle ne mettait pas en lumière l'invisible, c'est-à-dire, celles et ceux qui, étant exclus du travail, exclus des fruits du progrès, sont d'autant plus exclus du droit aux vacances. Il fallait à leurs yeux, mais aussi pour la puissance publique, revaloriser ce droit. C'est la raison pour laquelle il a été affiché clairement dans la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions comme un droit fondamental. C'est dans ce cadre que la bourse solidarité-vacances a vu le jour cet été.
Le budget 2000 renforcera encore les moyens budgétaires de cette structure. Mon objectif, je vous le confirme, est maintenant de la faire fonctionner toute l'année et de permettre le départ, en l'an 2000, d'au moins dix mille familles.
Vous avez été plusieurs à le souligner, l'emploi dans le tourisme est au coeur des enjeux de son développement.
En effet, c'est de l'importance des progrès que nous réaliserons en ce domaine que dépendent la qualité et la compétitivité de ce secteur, dont nous souhaitons que la croissance lui apporte stabilité et pérennité.
C'est animée de cette ambition que j'ai demandé, avec Martine Aubry, un rapport sur les saisonniers du tourisme à Anicet Le Pors.
Moins d'un an après la remise de ses conclusions, madame Terrade, on peut déjà parler d'une prise de conscience, d'une sensibilisation, voire d'une première mobilisation de tous les acteurs concernés.
Avec ce rapport, au-delà des conditions de vie, de travail, de logement et de santé, nous savons désormais que ces 420 000 saisonniers vivent une grande diversité de situations et qu'il convient d'aborder leurs problèmes dans leur extrême complexité.
J'ai donc choisi une méthode de travail fondée sur une importante action interministérielle, sur une mobilisation des services de l'Etat sur le terrain pour aborder le mieux possible cette diversité des situations ; et sur une sensibilisation et une concertation des partenaires sociaux.
Qu'en est-il dix mois après la parution du rapport ?
Un guide des saisonniers est disponible depuis deux mois, et nous travaillons avec les collectivités locales concernées à la mise en place de deux maisons de saisonniers expérimentales, l'une située dans les Alpes, l'autre dans les Pyrénées.
Pour ce qui concerne le logement, les propositions que nous préparons avec mon collègue Louis Besson s'inscrivent dans deux axes : une aide à la pierre spécifique pour la création de logements saisonniers et une aide à la personne par l'adaptation à la problématique du salarié saisonnier des textes en vigueur.
Pour ce qui concerne la formation, je tiens à signaler que les travaux de M. Le Pors ont été intégrés dans le chantier de la réforme de la formation professionnelle.
Par ailleurs, nous travaillons à une reconnaissance des acquis, des compétences et de la polyvalence de l'exercice des métiers du tourisme.
Une opération expérimentale sera menée dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Enfin, toutes les questions du respect du droit du travail en vigueur, des contrats de travail, de la sécurisation des embauches, des conditions d'exercice du dialogue social sont autant des pistes de coopération avec le ministère de Martine Aubry.
Concernant la saison d'hiver, vous avez évoqué, monsieur Bony, le problème du manque d'enneigement et l'opportunité de mettre en place un fonds de mutualisation.
Je vous informe que j'ai proposé, avec mon collègue Jean-Claude Gayssot, aux représentants de la profession des remontées mécaniques la mise en place, dans un cadre négocié, du fonds que vous appelez de vos voeux.
Cette proposition a reçu un accueil favorable des employeurs. Je ne doute pas que, dans les semaines et les mois à venir, des progrès soient effectués sur ce point dans ce cadre. Je ne manquerai pas, bien entendu, de vous en tenir informés.
Monsieur Joly, vous avez abordé la question de la réduction du temps de travail dans le secteur du tourisme.
Alors que, comme pour vous, monsieur Joly, il était impossible à beaucoup d'imaginer cette perspective - la nature des métiers y ferait obligatoirement obstacle - force est de constater que la réalité vient visiblement démentir ces mauvais augures, nous offrant ainsi la possibilité de relever le défi.
A ce jour, ce sont près de 200 000 salariés du tourisme qui sont concernés par les accords aujourd'hui signés, dont la plupart sont des accords offensifs et s'accompagnent donc de créations d'emplois.
Je ne saurais terminer cette intervention sans souligner l'effort consenti en faveur de l'international.
Observant que la croissance des flux touristiques mondiaux annoncée pour les vingt ans à venir pourrait donner le vertige à ses promoteurs et conduire à des désordres, il m'est apparu très vite indispensable d'engager la réflexion et la concertation à l'échelle tant européenne que mondiale.
Cette maîtrise des flux et de leurs conséquences sur l'environnement fait l'objet, dans notre pays, d'un réel savoir-faire issu d'une longue expérience.
C'est précisément ce savoir-faire que j'ai souhaité mettre au service des pays avec lesquels nous engageons des démarches de coopération synonymes d'enrichissement mutuel.
Je ne développerai pas ici tous les projets que je conduis. Ils s'articulent tous autour des notions de développement durable et de respect du code d'éthique que j'entends défendre partout où je me rends et dont j'ai appelé de mes voeux la définition lors de la dernière assemblée générale de l'Organisation mondiale du tourisme, en septembre dernier, à Santiago du Chili.
Ce code, élaboré par cent trente-huit pays membres, jouera le rôle de garde-fou face au triplement des flux mondiaux annoncé pour les prochaines années. Il prône un tourisme respectueux des hommes, des cultures locales et de l'environnement.
C'est animée de cette même conviction que j'ai pris récemment une initiative forte à destination du tourisme en Palestine et en Israël, autour de la constitution d'un circuit de la Paix qui unira la Palestine, Israël, la Jordanie et l'Egypte, et qui valorisera cette région, berceau de nos civilisations.
Le tourisme, faut-il le rappeler ? est porteur de valeurs fortes, celles de la tolérance, de l'amitié entre les peuples, de l'échange des cultures et des savoirs. Ce sens, je souhaitais le redonner à la politique touristique de la France. C'est ce qui m'enthousiasme et me guide dans l'ensemble des combats que je livre au service de ce secteur si essentiel à la société que nous voulons construire ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le tourisme, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 201 471 218 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 566 390 791 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 8 623 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 4 153 330 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 15 059 753 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 626 678 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le tourisme.

I. - SERVICES COMMUNS
II. - URBANISME ET LOGEMENT

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs et II. - Urbanisme et logement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais être conduit à vous présenter successivement deux rapports portant, l'un, sur les services communs, l'autre, sur le logement.
Je commencerai donc par les services communs.
Les crédits du fascicule « Services communs » du ministère de l'équipement, des transports et du logement s'élèvent à 24,5 milliards de francs pour 2000, soit une progression de 5,6 % par rapport à 1999.
Cette importante progression est trompeuse, car elle est en grande partie le résultat de la réintégration des recettes des missions d'ingénierie publique au sein du budget général de l'Etat, pour un montant total de 948 millions de francs.
Une présentation des crédits à structure constante montre que le budget des services communs progresse, en réalité, de 1,4 % en moyens de paiement pour 2000.
Les dépenses ordinaires, c'est-à-dire les crédits de personnel et de fonctionnement du ministère de l'équipement, représentent 99,3 % du budget des services communs. Les personnels sont à 96 % dans les services déconcentrés.
Je note que le ministère de l'équipement, des transports et du logement réalise encore un effort de réduction de ses effectifs pour 2000, mais moindre que les années précédentes.
En 1999, en effet, le ministère de l'équipement, des transports et du logement avait procédé à la suppression de 490 postes. Pour 2000, l'effort de compression des effectifs sera moins important, puisqu'il portera sur 385 emplois.
Le souci de ne pas porter atteinte à certaines actions, notamment l'entretien des routes, est louable mais, il faut le rappeler, le ministère doit également utiliser ses possibilités de redéploiements en faveur des actions qu'il juge prioritaires. Sans compter, mes chers collègues, que si la Commission européenne interdit aux directions de l'équipement de travailler pour les collectivités locales, ce qui représente à peu près 15 % de leur activité, il faudra reclasser des personnels.
Par ailleurs, les mesures statutaires concernant les personnels auront un impact budgétaire, puisque les rémunérations progresseront de 2,1 %.
Cette augmentation s'explique par l'application de l'accord salarial de la fonction publique pour les corps de catégorie C et par la nécessité d'un « rattrapage » pour l'application du protocole Durafour en ce qui concerne les personnels de catégorie B.
A l'inverse des dépenses de rémunérations, les crédits de fonctionnement du ministère seront réduits de l'ordre de 3 %.
Le coût des rémunérations progresse donc plus rapidement que les crédits du budget de l'Etat - 2,1 % contre 0,9 % - si bien que l'effort budgétaire porte non pas sur le personnel, mais sur les moyens d'action du ministère.
Ma deuxième observation découle de l'examen de la gestion des années précédentes et du projet de loi de finances pour 2000 : il est devenu impératif de clarifier la présentation budgétaire des crédits des services communs.
Le projet de loi de finances pour 2000 est marqué par une clarification importante puisque son article 25 vise à intégrer les recettes des missions d'ingénierie publique au budget des services communs.
La réintégration de ces sommes s'accompagnera d'un dispositif destiné à maintenir aux agents des droits constants. Les indemnités concernent 25 000 agents, soit un quart des agents du ministère de l'équipement, des transports et du logement. Les critères de répartition des recettes d'ingénierie publique étaient fonction du grade, mais aussi de la situation géographique des agents - avec une « prime » pour les départements les moins attractifs - et de leur service. Ces critères devraient être maintenus.
Je me félicite de cette clarification budgétaire, qui parachève le mouvement de rapatriement au sein du budget de l'Etat de dépenses permanentes.
Cependant, de nouvelles clarifications budgétaires seraient bienvenues.
En effet, les très nombreux transferts internes de crédits nuisent à l'analyse du budget des services communs : ce budget compte cette année pas moins de dix transferts internes et dix-huit transferts entre sections, sans qu'il soit possible de connaître précisément les articles budgétaires affectés par ces transferts. Dans ces conditions, une analyse détaillée des crédits est impossible, et l'information du Parlement peut être considérée comme insuffisante.
D'importants transferts d'emplois et de crédits ont lieu en cours de gestion.
Selon le rapport du contrôleur financier, l'effectif autorisé par la loi de finances de 1998 aura été dépassé de 2 080 emplois par transferts. Pour 1999, de nombreux transferts ont déjà eu lieu, portant au total sur 4 583 emplois.
Je souhaite, autant que possible, que les crédits de rémunération des personnels gérés par l'administration centrale du ministère de l'équipement figurent au budget des services communs lorsque ces personnels font partie du ministère.
En conclusion, la commission des finances, à la majorité, propose au Sénat de rejeter l'ensemble des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour 2000.
J'en viens au deuxième rapport que je dois vous présenter et qui concerne le logement.
L'examen du budget du logement pour 2000 se déroule dans un contexte un peu particulier, marqué par une certaine euphorie, avec une reprise du marché de l'immobilier et une croissance du secteur de la construction.
Tous les indicateurs montrent que 1999 sera une année exceptionnelle pour l'immobilier, et nous nous en réjouissons. Selon les prévisions du secrétariat d'Etat au logement, le secteur de la construction devrait croître de 4 % en 2000 et créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
L'examen du budget du logement ne saurait donc faire abstraction de ces considérations.
Pour 2000, le budget de l'urbanisme et du logement progresse de 6 %, pour s'établir à 48,2 milliards de francs.
Toutefois, la clôture de deux comptes d'affectation spéciale, le Fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France et le Fonds pour le financement de l'accession à la propriété, entraîne la réintégration d'importantes masses de crédits.
Ainsi, à structure constante, le budget de l'urbanisme et du logement diminue en réalité de 2,3 %, la baisse étant nettement plus accentuée pour les dépenses en capital, 7 %, que pour les dépenses ordinaires, 0,5 %.
Cette diminution s'explique à la fois par la croissance économique, qui conduit à diminuer les concours aux aides personnelles, et par la nécessaire contrepartie des aides fiscales très significatives accordées cette année au secteur du logement. L'effort en faveur du logement - aides budgétaires et fiscales - est donc globalement très important pour 2000.
Le projet de budget du logement pour 2000 prend en compte, pour la première fois, l'amélioration de la situation économique, et je m'en félicite.
Ainsi, les crédits destinés aux aides personnelles sont réduits de 284 millions de francs pour l'année 2000. Cette mesure d'« ajustement aux besoins » était indispensable, puisque le maintien d'une dotation élevée s'était accompagnée en 1998 comme en 1999 d'importantes annulations de crédits en cours d'année. La décision du Gouvernement conforte la position du Sénat, qui avait adopté une réduction de crédits ciblés de 500 millions de francs lors du vote de la loi de finances pour 1999. Il s'agit donc d'une opération de vérité budgétaire qu'il faut saluer.
Le budget de l'urbanisme et du logement bénéficiera également de la diminution du coût du crédit, et donc de la diminution du coût du prêt sans intérêt, qui passe de 6,3 milliards de francs en 1999 à 5,8 milliards de francs en 2000, pour financer un nombre de prêts équivalent - environ 110 000. Il est toutefois difficile de savoir si cette dotation sera suffisante. En effet, la croissance économique accentue le nombre d'accédants à la propriété, et les taux d'intérêt ont tendance à se relever. Il convient donc que le Gouvernement, qui a accepté de dénouer le lien entre le versement des organismes du 1 % logement et la dotation au prêt à taux zéro, fasse les efforts nécessaires pour maintenir une dotation adéquate et ne cherche pas, par voie réglementaire, à en réduire la portée.
S'agissant de crédits d'investissement, destinés à aider les ménages modestes à accéder à la propriété, je pense qu'il conviendrait plutôt de profiter de la réduction du coût moyen du prêt à taux zéro pour 2000 pour en élargir le champ. Je rappelle que l'expérience de 1996, année au cours de laquelle le prêt à taux zéro avait été ouvert aux logements nécessitant au moins 20 % de travaux, au lieu des 35 % habituellement requis, sur l'initiative du Sénat, avait permis de faire bénéficier 30 000 ménages supplémentaires de ce dispositif d'accession à la propriété. En tout état de cause, un soutien au prêt à taux zéro permettrait d'apporter un rééquilibrage supplémentaire pour les aides à la pierre par rapport aux aides à la personne.
Hormis la diminution de la TVA pour les travaux dans les logements privés, la grande réforme en matière de logement concerne, cette année, le logement social.
La principale mesure a été l'allégement de la dette du secteur HLM en vertu de la décision ministérielle du 23 avril 1999, qui porte sur 114 milliards de francs d'encours, et conduira, à terme, à un allégement de 20 milliards de francs pour le secteur HLM.
L'encours de la dette supporte désormais un taux de 3,8 %, contre 4,3 % initialement. La diminution de 0,75 % du taux du livret A, à compter du 1er août 1999, a permis d'abaisser le coût de l'ensemble des opérations des organismes sociaux. Cet abaissement du coût de la ressource, de nature à améliorer la construction de logements sociaux, était préconisé par la commission des finances du Sénat depuis de nombreux mois.
Toutefois, il faut noter que des efforts restent encore à faire, et il apparaît que des négociations pourraient être engagées afin de voir si le coût de rémunération de la collecte, qui représente 1,2 % de l'encours pour les caisses d'épargne et 1,5 % pour La Poste, ne pourrait pas être abaissé.
Ensuite, un décret du 14 septembre 1999 a substitué un prêt locatif unique, le PLUS, au PLA ordinaire et au PLA à loyer minoré.
Il bénéficie d'une subvention de 5 % dans le neuf et de 10 % dans l'ancien, et d'un prêt de la Caisse des dépôts et consignations à 3,45 %.
La mise en place du PLUS répond à la fois au souhait de développer la mixité sociale et à la nécessité de faire baisser les loyers des opérations neuves et des opérations d'acquisition-amélioration.
J'espère que ce nouveau produit, plus simple, pourra enfin redonner du souffle à la construction sociale. Cependant, il apparaît que les collectivités locales et leurs groupements en seraient exclus : je souhaite que vous puissiez nous donner des assurances sur leur inclusion prochaine dans ce dispositif.
S'agissant du logement privé, la réduction de la TVA sur les travaux dans les logements devrait représenter un coût fiscal d'environ 12 milliards de francs en régime de croisière et favoriser le développement du secteur de la réhabilitation, tout en luttant contre le travail au noir. Le logement social, qui bénéficiait déjà d'un dispositif de récupération de la TVA s'apparentant à une TVA à taux réduit - mécanisme de la livraison à soi-même - bénéficiera d'une extension de ce mécanisme aux travaux d'entretien. Enfin, la réduction des droits de mutation sur les logements d'habitation permettra un allégement de la fiscalité de 4,6 milliards de francs.
En définitive, ces mesures auront un effet significatif sur les aides au logement pour 2000. Les aides fiscales devraient représenter 32 % des aides au logement en 2000, contre 24 % auparavant.
Sur les autres points, le budget du logement pour 2000 est un budget de continuité. Il aurait toutefois pu être l'occasion d'une réflexion sur un certain nombre de sujets.
En ce qui concerne les aides budgétaires au logement privé, le budget pour 2000 ne comporte pas de modifications significatives. La réforme d'importance a été l'abaissement du taux de TVA sur les travaux dans les logements à usage d'habitation.
La mise en oeuvre d'une mesure fiscale aussi significative devrait s'accompagner d'une réflexion sur les aides budgétaires au logement privé, afin d'aboutir à une simplification. Or, pour l'instant, ce n'est pas le cas. Le secrétariat d'Etat au logement relève pourtant « les insuffisances des procédures comptables de gestion de l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, et de la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, notamment au regard des observations de la Cour des comptes ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous annoncez que le futur projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements constituera le cadre de la mise en oeuvre d'une réforme tendant à l'unification des interventions financières sur le parc privé. La réforme visera à « regrouper, auprès d'un seul organisme public, dont la vocation serait élargie à l'ensemble du parc privé, les outils et moyens financiers existants ». Je souhaiterais que vous nous apportiez, si vous le pouvez, des précisions sur cette réforme en cours de préparation.
Au sein des aides au logement figurent les aides à la réhabilitation des logements les plus dégradés.
A ce titre, il faut remarquer que 75 millions de francs de dotations nouvelles seront apportés pour la lutte contre le saturnisme.
Concernant la lutte contre l'habitat insalubre, un rapport de Mme Bouché, inspectrice générale de l'équipement, propose des réformes afin de mieux prendre en compte les situations d'insalubrité. Je suis sûr que le prochain projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements comportera des mesures adaptées à l'urgence des situations décrites dans ce rapport.
En matière de sécurisation de l'accession à la propriété, malgré le faible taux de sinistres des prêts à l'accession sociale, la dotation de l'Etat au fonds de garantie de l'accession sociale est revalorisée de 125 millions de francs. Il s'agit d'une augmentation mécanique prenant en compte l'augmentation attendue des prêts à l'accession sociale, ce qui ne reflète en rien les risques couverts.
Les discussions entamées entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le secrétariat d'Etat au logement et les établissements prêteurs, contributeurs avec l'Etat au fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS, sur une réduction de leurs cotisations, ont échoué. Un succès aurait pourtant permis de réduire les dotations de l'Etat.
En ce qui concerne les aides à la personne, un groupe de travail entre l'Etat et la Caisse nationale des allocations familiales a été mis en place voilà environ un an et demi.
Cependant, à ce jour, aucune réforme d'envergure n'est encore engagée.
Chacun reconnaît pourtant que le dispositif des aides au logement comporte de nombreuses insuffisances, notamment au regard de l'appréciation des ressources des bénéficiaires et de la neutralité des aides.
D'une manière générale, il apparaît essentiel que soit tiré profit de l'amélioration de la situation économique pour engager une réforme substantielle des aides au logement, afin, notamment, d'inciter à la reprise de l'activité professionnelle.
Il apparaît également à la suite des observations de la Cour des comptes, qu'il serait souhaitable de simplifier le mécanisme de financement des aides, qui comprend aujourd'hui trois fonds distincts qui s'alimentent mutuellement. Les frais de gestion versés aux caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole, 2 % ou 4 % suivant l'aide versée, semblent élevés. L'absence de négociation sur ces frais contraste avec les efforts demandés aux collecteurs du 1 % logement, qui ont dû réduire progressivement leurs frais de gestion.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez quelques précisions s'agissant de vos intentions sur la réforme des aides au logement, leur financement et les coûts de gestion, ainsi que, éventuellement, sur le calendrier de mise en oeuvre des réformes que vous souhaitez.
Le budget du logement pour 2000 est un bon budget. Il présente certains aspects positifs, au premier rang desquels des opérations vérité sur les crédits de chapitres budgétaires traditionnellement surdotés.
Je ferai toutefois trois observations.
D'abord, il apparaît regrettable que les économies sur le budget du logement soient plus visibles sur la partie investissement que sur le chapitre fonctionnement. En effet, les crédits d'aide à l'accession sociale diminueront de 500 millions de francs en 2000, contre une baisse de moins de 300 millions de francs pour les aides personnelles.
Ensuite, la principale mesure concernant la construction sociale, à savoir la mise en place d'un produit unique, le PLUS, traduit un changement d'orientation par rapport aux réformes introduites en 1997, qui consistaient précisément à différencier les produits offerts aux organismes d'HLM. L'échec de la relance de la construction sociale depuis deux ans semble expliquer ce retour à un produit simple et unique, censé connaître dans l'avenir plus de succès, mais qui doit encore faire ses preuves. Pour que ce produit soit un succès, il faut toutefois au moins qu'il soit ouvert aux collectivités locales ; c'est très important.
Enfin, chacun observe que, pour l'an 2000, le Gouvernement consentira des efforts fiscaux importants en faveur du logement. Cette politique a des vertus, notamment celle de soutenir l'activité de l'immobilier. Cependant, il convient également de préparer l'avenir, c'est-à-dire des jours moins favorables, et de profiter de la bonne conjoncture économique actuelle pour entamer des réformes importantes, par exemple en ce qui concerne les aides personnelles qui, rappelons-le, représentent 73 % des crédits du budget du logement.
En conclusion, je vous indique que j'ai donné personnellement un avis favorable à l'adoption des crédits de l'urbanisme et du logement pour 2000.
Je regrette beaucoup que le Gouvernement ait demandé un seul vote sur l'ensemble du budget de l'équipement, des transports et du logement. La commission des finances, à la majorité, a en effet décidé de rejeter cet ensemble, alors que le budget du logement, qui est un bon budget, ne méritait pas un tel sort et qu'un vote positif aurait été possible si nous avions pu voter sur chaque fascicule budgétaire.
M. le président. La parole est à Mme Boyer, rapporteur pour avis.
Mme Yolande Boyer, en remplacement de M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'urbanisme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre collègue Jacques Bellanger étant empêché, il me revient de présenter devant vous les crédits demandés au titre de la politique de l'urbanisme.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de noter que la présentation du fascicule budgétaire qui leur est consacré demeure assez difficile à « décrypter ». Les modifications qui apparaissent invariablement chaque année privent les agrégats de toute espèce de signification. Je constate, toutefois, que les crédits de fonctionnement traduisent parfois une stabilisation, voire au pire, une diminution.
Les principales priorités du budget de l'urbanisme n'ont pas varié depuis l'an passé. Le soutien aux agences d'urbanisme, les grandes opérations, telles qu'Euroméditerranée, ou l'élaboration des directions territoriales d'aménagement, les DTA, sont toujours d'actualité. S'y ajoutent des aides spécifiques aux syndicats d'agglomérations nouvelles et la reconduction des crédits du secrétariat général du groupe central des grandes opérations d'urbanisme.
Bien qu'ils ne relèvent plus, depuis trois ans, du budget du ministère de l'équipement, les modestes crédits consacrés au conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement ne sont pas suffisants, et je le regrette.
Comme chaque année, la commission des affaires économiques a dressé un état de l'application des textes que nous avons adoptés.
La commission souhaite que les décrets ayant trait à la loi du 30 mars 1999, relative à la responsabilité en matière de dommages miniers, adoptée grâce au Sénat, et ceux qui concernent la loi n° 96-1241, relative à l'aménagement de la zone des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer, soient publiés dès que possible.
Nous attendions aussi, depuis deux ans, le décret relatif à la commission régionale du patrimoine et des sites, chargée de statuer en appel des décisions des architectes des Bâtiments de France. Il est paru le 5 février dernier. La commission des affaires économiques regrette que la place réservée aux élus locaux dans cette nouvelle instance n'ait pas été accrue par rapport à celle qu'ils tenaient dans les anciennes commissions régionales du patrimoine historique et ethnologique.
Venons-en au contentieux de l'urbanisme, dont vous serez heureux d'apprendre, mes chers collègues, qu'il est stabilisé, tant en ce qui concerne les décisions prises par l'Etat qu'en matière de contrôle de légalité. Comme nous le réclamions depuis quatre ans, un suivi statistique informatisé des dossiers est maintenant en place, même s'il ne recense pas les actes pris au nom des collectivités locales, omission qu'il conviendra de corriger.
Les crédits budgétaires destinés aux collectivités locales au titre de la compensation des transferts de compétence en matière d'urbanisme croissent toujours au même rythme que la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et consistent en deux dotations, l'une destinée à l'élaboration des documents d'urbanisme, l'autre tendant à compenser les charges résultant de la nécessité de souscrire des contrats d'assurance pour les communes qui délivrent les autorisations d'utilisation du sol.
Venons-en au panorama « contrasté » que présentent les documents d'urbanisme.
Les directives territoriales d'aménagement sont toujours en cours d'élaboration depuis 1995. Nous savons la complexité de cet exercice. Un tel délai pose cependant problème pour la poursuite d'une politique d'aménagement du territoire cohérente.
Les schémas directeurs sont toujours trop peu nombreux : seuls 219 sont actuellement approuvés. Les plans d'occupation des sols demeurent, quant à eux, toujours aussi instables : plus d'un tiers sont en révision. Cette situation rend d'autant plus nécessaire d'envisager les conditions dans lesquelles on pourrait généraliser le système, plus souple, des cartes communales.
Au demeurant, le dépôt, en l'an 2000, du projet de loi portant diverses dispositions en matière d'urbanisme, de transport et de logement, fournira l'occasion de mettre cette question sur le métier. Un certain nombre de points seront accueillis avec intérêt par notre commission, par exemple, des précisions sur le contrôle par le préfet des règles de procédures, la suppression de certaines procédures inutilement complexes, un plus grand rôle reconnu aux cartes communales.
La commission des affaires économiques souhaite également que cette loi prenne en compte l'existence des espaces périurbains, aux problèmes spécifiques desquels elle doit proposer des solutions innovantes.
Permettez-moi d'ajouter, en conclusion, que, alors que son rapporteur pour avis lui proposait d'émettre un avis favorable, la commission des affaires économiques s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de l'urbanisme inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Plancade, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le logement. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2000, les moyens d'engagement en faveur du seul logement s'élèvent à 48 milliards de francs, soit une légère baisse de 1,26 %. Mais cette baisse n'affecte en aucune façon les actions du secrétariat d'Etat ; l'effort en matière de logement est maintenu, comme le démontrent les documents budgétaires qui nous ont été remis.
Il s'agit d'une baisse purement mécanique liée à l'amélioration de la conjoncture économique, deux phénomènes se conjuguant : la diminution du taux d'intérêt, qui profite directement au budget de l'Etat et se traduit forcément par la diminution des dotations affectées au prêt à taux zéro ; la croissance, qui fait qu'un certain nombre de foyers ne sont plus éligibles aux crédits d'aide à la personne parce que leurs revenus sont supérieurs aux critères définis. Peut-être, d'ailleurs, faudra-t-il s'interroger sur les conditions d'attribution de ces prêts ?
Sur ce budget, dont la commission des affaires économiques a approuvé les grandes orientations, je souhaite faire quelques observations.
S'agissant de la consolidation de l'effort budgétaire en faveur du logement privé, je me félicite de ce que le financement de l'accession sociale à la propriété soit confirmé, avec la budgétisation totale des ressources du prêt à taux zéro, comme vous vous y étiez engagé, monsieur le secrétaire d'Etat.
De plus, la baisse des taux sur les prêts immobiliers permet de faire baisser le coût de ce prêt, et l'enveloppe budgétaire passe de 6,16 milliards de francs à 5,8 milliards de francs pour financer un nombre de prêts équivalents, soit environ 110 000.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, les membres de la commission des affaires économiques ont estimé que le Gouvernement pourrait utiliser ces marges budgétaires pour élargir le champ du prêt à taux zéro, en réitérant l'expérience de 1996 - mon éminent collègue, M. Pelletier, y a fait illusion - année où la quotité de travaux exigible pour bénéficier du prêt dans l'ancien avait été abaissée à 20 %, au lieu de 35 %. Cela pourrait concerner 30 000 ménages supplémentaires, pour un coût estimé à 1,8 milliard de francs.
Je note, cependant, que l'application du taux réduit de TVA sur les travaux réalisés dans un logement contribue déjà à abaisser le coût d'une opération réalisée dans l'ancien et financée par un prêt à taux zéro.
Cette mesure fiscale générale portant sur la réduction de la TVA sur les travaux d'amélioration et d'entretien dans les logements représente un coût fiscal de près de 20 milliards de francs pour 2000. Elle devrait favoriser le secteur de la réhabilitation et encourager la création d'emplois. C'est d'ailleurs principalement sur ce point que la mesure, accordée pour trois ans par la Commission européenne, fera l'objet d'une évaluation, ce qui constitue un véritable défi pour les professionnels de ce secteur.
Il faudra donc veiller à ce que cette baisse fiscale ne se traduise pas par une augmentation des prix qui ne serait pas justifiée, même si l'on peut accepter l'idée que certaines entreprises ont besoin de refaire leur trésorerie, mise à mal ces dernières années. Sinon, les effets positifs attendus de cette mesure en matière de soutien à l'activité, à l'emploi et à la lutte contre le travail au noir seraient réduits à peu de chose et nous serions contraints, alors, dans trois ans, de revenir à l'ancien taux de TVA. Il s'agit donc bien d'un vrai challenge pour nos entreprises.
Sur le problème spécifique de l'application de ce taux réduit aux travaux réalisés dans les parties communes des immeubles collectifs, la réponse récente du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que vous avez bien voulu me communiquer, simplifie effectivement le mode de calcul de la TVA et la répartition des travaux lorsque la copropriété comprend également des lots à usage professionnel. Cette mesure était très attendue par les professionnels de l'immobilier.
En ce qui concerne la priorité confirmée pour le logement social, le Gouvernement cherche à relancer la construction de logements sociaux, en forte diminution depuis 1994. En 1999, l'objectif physique affiché portait sur 80 000 logements construits, mais à peine 51 000 ont été réalisés. La même tendance se confirme pour 2000.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'un problème difficile. J'avais déjà attiré votre attention, à cette même occasion, l'année dernière, en suggérant l'idée d'un groupe de travail avec l'Etat, les collectivités locales et les bailleurs sociaux.
Je sais également que les responsabilités sont partagées : un produit, le PLA, qui n'est plus attractif, des collectivités locales qui parfois « rechignent » à faire du logement social et des bailleurs sociaux certainement un peu timorés.
Je sais également que vous avez le souci de changer les choses. D'ailleurs, l'ensemble des mesures fiscales concernant l'allégement de l'encours de la dette des HLM, ainsi que la mise en place d'un nouveau produit, appelé prêt locatif à usage social, ou PLUS, qui va se substituer au PLA et au PLA à loyer minoré, en sont la preuve. Ce prêt associe un prêt à 3,45 % à une subvention de 5 % ou 10 % ainsi qu'au bénéfice d'un taux de TVA à 5,5 %.
Lors de votre audition devant la commission, monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais attiré votre attention sur l'impossibilité, pour les collectivités locales, d'accéder à ce nouveau prêt, ce qui aurait pour conséquence d'exclure, notamment en milieu rural, celles qui souhaitent s'engager dans des petites opérations de logements sociaux. Je souhaiterais que vous me confirmiez que cette restriction devrait être rapidement aménagée afin que les collectivités qui voudraient conduire des opérations d'acquisition-amélioration puissent en bénéficier.
L'intérêt de ce prêt est de favoriser la mixité à travers un produit unique puisque, sur une opération, 30 % des ménages devront avoir des ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources PLA et 10 % pourront avoir des ressources supérieures à 120 % du plafond.
Cette mesure, qui traduit la volonté de mixité sociale qui anime ce gouvernement, en particulier, et les acteurs du logement, en général, est à saluer, mais plusieurs membres de la commission des affaires économiques et moi-même nous interrogeons sur l'hypothétique réalisation de l'équilibre financier d'une opération effectuée avec un PLUS si l'on ne trouve pas 10 % de locataires ayant des ressources supérieures à 120 % du plafond, notamment dans les quartiers très dégradés en ville ou dans les zones les moins urbanisées.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il faut se féliciter de la forte croissance de l'effort public total en faveur du logement, qui passe de 165 milliards à 192 milliards de francs. L'essentiel du rééquilibrage se fait au profit des aides fiscales, qui devraient représenter 32 % des aides au logement en 2000.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits budgétaires consacrés au logement pour 2000. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyens. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet, rapporteur pour avis.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales et pour le logement social. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu du temps de parole alloué à la commission des affaires sociales, bien court pour un sujet d'une telle ampleur, je consacrerai mon propos aux quatre points qui me paraissent prioritaires : la situation, toujours très préoccupante, du logement social, les difficultés de la lutte contre l'exclusion du logement, les aides personnelles, la situation délicate du logement intermédiaire.
La crise de la construction de logements sociaux se confirme, même si la diminution continue des mises en chantier semble avoir atteint un plancher, d'après les premiers chiffres disponibles pour 1999. Alors qu'en 1971 140 000 logements sociaux avaient été mis en chantier, ils n'ont été que 44 000 en 1998.
Certes, le Gouvernement a annoncé, en juillet dernier, une réforme significative des conditions de financement du logement social. Les précédents orateurs en ont décrit les principales mesures. J'observe, à ce propos, que ces mesures correspondent très largement aux propositions de la commission des affaires sociales, qui s'était prononcée, l'an passé, en faveur d'une diminution du coût de la ressource et de la dette, et d'une simplification des aides. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Toutefois, il est à craindre que ces mesures restent insuffisantes pour permettre la relance de la construction de logements locatifs sociaux.
Pour être efficace, la réforme en cours doit être consolidée sur trois points.
En premier lieu, il est indispensable de revenir sur certaines insuffisances du prêt locatif à usage social.
D'une part, les collectivités locales, en l'état actuel de la réglementation, n'auront pas accès à ce prêt, ce qui ne sera pas sans poser de problèmes, notamment pour les montages de petites opérations de logement social en milieu rural.
D'autre part, il n'est pas sûr que la mise en place de ce prêt règle définitivement la question de l'équilibre financier des opérations de construction. Déjà, le contexte a évolué. On constate depuis quelques mois un nombre accru d'appels d'offres infructueux, soit que les entreprises n'y répondent pas, soit que les prix du bâtiment aient très significativement augmenté. En outre, le fait de retenir pour les loyers 90 % des loyers plafonds antérieurs rendra l'équilibre plus difficile à atteindre.
En second lieu, il serait nécessaire de renforcer la décentralisation en matière de logement social. Il importe d'introduire plus de souplesse, alors que les contraintes en matière de programmation imposées par l'administration, notamment en termes de mixité sociale, demeurent fortes.
En dernier lieu, il me semble souhaitable de revoir la fiscalité locale applicable aux logements sociaux. En l'absence de révision des valeurs locatives cadastrales, les locataires et les organismes d'HLM doivent s'acquitter d'impôts locaux supérieurs à ceux qui seraient normalement exigibles si l'on prenait en compte l'état actuel du parc. Cette situation est particulièrement dommageable, tant pour les locataires qui, par définition, possèdent des ressources modestes, que pour les organismes dont on connaît les difficultés financières.
J'en viens maintenant au logement des personnes les plus défavorisées.
La situation est toujours aussi difficile. L'exclusion par le logement persiste, alors même que se développe un véritable « marché des taudis », comme l'a montré un récent rapport.
Dans ce contexte, votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, marque le pas. Les crédits consacrés au logement des personnes les plus démunies n'augmentent que faiblement. Or, c'est sans doute en 2000 que le volet « logement » de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions commencera à s'appliquer pleinement. Sur le terrain, les résultats concrets sont encore loin d'être évidents. Comme l'observe la fondation Abbé Pierre, « un an après le vote de la loi, l'état d'avancée de son application est difficilement décryptable et les effets de sa mise en oeuvre sont imperceptibles. (...) Les associations impliquées dans l'insertion par le logement sont peu à peu gagnées par le scepticisme ».
Un tel constat ne peut qu'inquiéter la commission des affaires sociales. Nous aurions alors souhaité un budget un peu plus ambitieux en ce domaine.
S'agissant des aides personnelles, la légère diminution de la contribution de l'Etat s'explique à la fois par l'amélioration du contexte économique et par une rationalisation des inscriptions budgétaires, les crédits inscrits étant loin d'être consommés.
Cette moindre pression budgétaire aurait pu être l'occasion d'une réforme des aides à la personne. On sait en effet que ces aides, même si elles sont un moyen de solvabilisation souvent indispensable pour l'accès au logement des familles, souffrent de certains dysfonctionnements. C'est un système complexe dont les barèmes ne sont pas harmonisés. C'est un système qui n'est pas toujours équitable, car, pour des charges de logement, des ressources et des situations familiales identiques, les ménages peuvent toucher des aides d'un montant différent. C'est également un système qui n'a pas toujours fait la preuve de son efficacité sociale. Ainsi, les « taux d'effort » des ménages continuent à augmenter et les aides peuvent être versées dans le « marché des taudis ».
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales donne acte au Gouvernement de la poursuite du mouvement d'actualisation des barèmes, mais regrette qu'il n'ait pas choisi de se lancer dans une réforme plus profonde.
Je terminerai cette intervention en évoquant la situation du logement intermédiaire, secteur auquel la commission des affaires sociales prête une attention toute particulière.
Une frange importante des ménages à revenus moyens - souvent de jeunes ménages - est exclue du parc social, mais rencontre parallèlement des difficultés d'accès au logement locatif privé. Les loyers du marché libre sont souvent trop élevés pour eux.
Or, malgré ces difficultés, on ne peut que constater l'essoufflement continu du prêt locatif intermédiaire. Il serait alors nécessaire de revoir ce type de prêt, qui paraît désormais largement inadapté, avec un taux d'intérêt de 5,5%.
L'action en faveur du logement intermédiaire pourrait également se faire par un élargissement du prêt à taux zéro à l'immobilier ancien. A cet égard, la commission des affaires sociales considère que la quotité de travaux nécessaire pour bénéficier du prêt à taux zéro dans l'immobilier ancien pourrait être ramenée de 35 % à 20 % du coût total de l'opération.
Au total, la commission des affaires sociales ne peut porter qu'un jugement pour le moins très nuancé sur ce projet de budget. Certes, la diminution des crédits ne remettra pas en cause la réalisation des programmes ; certes, ce projet de budget comporte quelques mesures nouvelles positives, notamment en faveur du parc privé. Mais, comme je crois l'avoir montré, il n'apporte pas de réponse à un certain nombre de lacunes de la politique du logement.
Aussi, la commission des affaires sociales a décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée pour l'adoption des crédits consacrés au logement social. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, notre collègue Pierre Hérisson, qui devait intervenir ce matin, est retenu dans son département ; je le remplacerai donc pour donner le point de vue du groupe de l'Union centriste sur les crédits concernant l'urbanisme.
Chacun s'accorde à reconnaître que le droit de l'urbanisme est l'un des plus techniques, l'un des plus complexes. Il n'assure, hélas ! que bien imparfaitement la sécurité juridique des personnes. En outre, dix-sept ans après le vote des lois de décentralisation, la gestion des documents d'urbanisme et celle des autorisations de construire n'est pas encore totalement confiée aux collectivités locales. Parallèlement, l'Etat ne poursuit pas, me semble-t-il, une politique de l'urbanisme suffisamment active.
Au vu de ces éléments préoccupants et en prévision de la discussion du projet de loi relatif à la modernisation de l'urbanisme, aux déplacements et à l'habitat, la commission des affaires économiques a crée un groupe de travail, dont Pierre Hérisson est le président et Louis Althapé, le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre premier sujet de préoccupation concerne les documents d'urbanisme. Quel est l'état d'avancement des directives territoriales d'aménagement, dont le régime a été édicté par la loi n° 95-115 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ? En théorie, ces directives sont destinées à mette en oeuvre de façon fine les lois « littoral » et « montagne ». On nous annonce régulièrement le lancement de nouvelles directives sans que, pour le moment, l'on ait jamais vu aboutir le résultat des travaux menés sur les premières depuis quatre ans. Au train où vont les choses, je crains que ces documents ne soient périmés quand ils entreront en vigueur.
Ne conviendrait-il pas également d'encourager l'élaboration de plans d'occupation des sols ? Le budget annuel total des petites communes étant bien souvent inférieur au coût unitaire d'un POS, il est urgent de mettre au point un document de planification allégé. Les cartes communales ne constituent-elles pas, sous réserve de quelques améliorations techniques, le véhicule réglementaire de nature à résoudre ce problème ? J'observe cependant que leur nombre est encore bien trop limité.
D'un point de vue plus général, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais savoir si vous envisagez d'aider financièrement les collectivités locales à traiter par elles-mêmes les demandes de permis de construire. Tous les observateurs s'accordent à reconnaître qu'il n'est pas souhaitable que les services déconcentrés du ministère de l'équipement soient à la fois les conseillers des communes et les contrôleurs de la légalité de leurs actes. Or - je vous le rappelle - 60 % des décisions prises dans le cadre de la procédure décentralisée de délivrance du permis de construire restent formellement instruites par les services de l'Etat mis à disposition gratuitement. Encore faudrait-il également transférer les moyens financiers nécessaires aux communes !
J'en viens aux questions relatives à l'application de la loi « montagne ». Parmi nous, chacun se félicite des acquis obtenus grâce à ce texte. La protection de l'environnement montagnard et des espaces agricoles a puissamment bénéficié de son adoption. Nul ne songe aujourd'hui à revenir en arrière.
Cependant, nous savons tous que l'application restrictive de la règle de constructibilité limitée pose des problèmes spécifiques en zone de montagne. Sur ce point, nous sommes désireux, quelles que soient nos affinités politiques - je pense ici aux réflexions de notre collègue Michel Teston - que le Gouvernement trouve des solutions appropriées afin de permettre de revitaliser ou d'assurer le développement des zones montagnardes, notamment de certaines vallées enclavées. Ce qui vaut spécifiquement pour la montagne est également valable pour le milieu rural.
Permettez-moi également de dire un mot des problèmes posés par la difficile et longue mise en oeuvre de la loi n° 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés. J'observe qu'il a fallu deux ans de tractations - sans doute difficiles ! - pour parvenir à élaborer le décret paru le 5 février 1999 relatif à la commission régionale du patrimoine et des sites, qui permet enfin aux maires de faire appel de l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France.
Hélas ! monsieur le secrétaire d'Etat, que n'avez-vous respecté l'esprit dans lequel le législateur a élaboré la loi de 1997 ! A quoi sert-il d'avoir créé une nouvelle commission si la proportion des membres détenant un mandat électif local n'y est pas plus importante que celle qu'elle était naguère, au sein de la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique, la COREPHAE ? Quelle crainte le Gouvernement nourrissait-il à ce sujet, puisque, en dernière analyse, c'est le préfet qui peut seul passer outre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ?
Loin de moi l'idée de vouloir limiter les pouvoirs des architectes des Bâtiments de France, qui jouent, comme nous le savons tous, un rôle essentiel pour la protection du patrimoine et de l'esthétique urbaine et rurale. Cependant, pourquoi marquer une telle défiance face à l'avis des représentants élus au suffrage universel ?
On dit souvent que le droit de l'urbanisme est caractérisé par un contentieux que d'aucuns qualifient de « pathologique ». Si j'en crois les dernières statistiques disponibles, les délais de jugement s'allongent. Le Gouvernement entend-il prendre des mesures afin de permettre que justice soit rendue dans un délai raisonnable ? Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour limiter les recours abusifs et réitérés dont certains de nos concitoyens se sont fait une spécialité, profitant du très large intérêt pour agir que leur reconnaît notre droit ?
L'annonce du projet de loi relatif à la modernisation de l'urbanisme a suscité un grand espoir chez les élus locaux. Quand nous présenterez-vous ce texte, qui ne saurait décevoir les attentes qu'il a fait naître dans l'opinion publique en général et chez les maires en particulier ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous constatons une nette reprise de l'activité des professions du bâtiment, qui bénéficient d'un environnement économique favorable du fait de la croissance et de la diminution du coût de l'argent.
C'est dans un contexte porteur que se présente le projet de loi de finances pour l'année 2000. Il s'agit donc, pour moi, d'apprécier les dispositions budgétaires que vous nous proposez en fonction non seulement de cet environnement, mais également des besoins du secteur du logement aidé et non aidé, des constats qui peuvent être faits de sa situation actuelle, des enseignements qu'il est nécessaire d'en tirer et des prospectives qu'il convient d'évoquer pour l'avenir.
J'évoquerai tout d'abord les aides à la personne.
Elles diminuent un peu, mais cela semble lié - M. Plancade l'a souligné - à l'amélioration de la conjoncture économique. Quant à la trop grande complexité et aux autres insuffisances de ce système d'aides personnelles, elles ne datent pas d'aujourd'hui, et je sais que le Gouvernement travaille, au sein de la CNAF, à réduire ce problème. Je ne m'attarderai donc pas sur ce point, pour pouvoir vous parler plus longuement du logement social.
Les mesures prises en faveur du logement social vont dans le bon sens, mais elles méritent d'être améliorées.
Vous le savez mieux que personne, monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits réellement consommés sont bien moindres que ceux qui sont disponibles.
Le taux de consommation des PLA est alarmant, M. Bimbenet vient de le souligner. Il convient donc de s'interroger sur cette situation, qui tend à perdurer. Nous en avons, les uns et les autres, identifié quelques causes.
En milieu urbain, malgré une demande forte, le coût du foncier permet difficilement aux constructeurs sociaux d'équilibrer leurs opérations.
En secteur rural, malgré une demande potentiellement élevée et qu'il convient d'encourager, il est également difficile d'équilibrer de petites opérations locatives sans demander aux communes l'apport gratuit des terrains viabilisés. C'est devenu une pratique généralisée, c'est un partenariat que j'ai moi-même développé - comme vous, je crois, monsieur le secrétaire d'Etat - et que j'encourage. Mais cet apport demandé aux communes est quelquefois disproportionné par rapport à leurs capacités financières : cette participation peut en effet être estimée à 80 000 francs, voir à 100 000 francs par logement à construire.
A cette raison purement financière s'ajoute quelquefois hélas ! la réticence de certains maires ruraux à accueillir une nouvelle population dont on leur a souvent dit, sur la foi de tel ou tel incident, qu'elle poserait problème.
Par ailleurs, le vieillissement des grands ensembles construits dans l'urgence à la périphérie des grandes villes, leur inadéquation aux exigences normales de notre époque, l'insécurité et le mal-vivre qui caractérisent souvent ces quartiers provoquent des phénomènes de vacance qui réduisent les ressources des organismes bailleurs et ne les encouragent pas à de nouveaux investissements.
S'ajoute à cet état de fait une faiblesse quasi structurelle des fonds propres des offices et des OPAC, aggravée par une gestion pas toujours draconienne et, en tout cas, pas toujours dynamique - il faut avoir le courage de le dire.
Tous ces éléments contribuent à l'importante décrue de la consommation des prêts locatifs aidés, laquelle n'est pas sans grave conséquence pour nos compatriotes qui recherchent un logement et pour le secteur économique du bâtiment, aujourd'hui heureusement porté par la croissance, mais qui ne l'a pas toujours été.
Je dois également citer, après M. Bimbenet, les nombreux appels d'offres infructueux et souvent à répétition, les entreprises s'intéressant moins au secteur social lorsqu'elles ont d'autres marchés plus rémunérateurs.
Les dispositions du projet de loi de finances, mais aussi les mesures prises en avril et juillet dernier pour alléger la dette du secteur HLM, prennent manifestement en compte une partie des difficultés que je viens d'évoquer et le mouvement HLM les a appréciées.
Vous avez fait, monsieur le secrétaire d'Etat, une bonne partie du chemin nécessaire à la relance de la construction locative sociale, et je le reconnais bien volontiers.
Reste une question essentielle : la demande de logements aidés est-elle toujours aussi importante et est-il nécessaire d'en construire toujours plus sans s'interroger sur la réalité de la demande ?
Certaines villes connaissent des taux de vacance extrêmement importants, qui ne sont pas toujours dus à la vétusté et à l'inconfort des immeubles et des logements.
Le numéro d'enregistrement unique prévu par la loi relative à la lutte contre l'exclusion devrait permettre de mieux cerner la véritable demande et constituera incontestablement une statistique fiable des besoins réels.
Il est vraisemblable que, dans certains bassins d'habitat, l'exploitation de ces données conduira à une politique de redéploiement et de remplacement, notamment par voie de reconstruction - démolition et de recherche d'espaces pour un habitat plus aéré, moins concentré, offrant une qualité de vie favorable à la solution des problèmes d'incivisme que connaissent aujourd'hui les cités des années soixante.
Ce serait une grande et noble ambition pour les premières années du prochain siècle, monsieur le secrétaire d'Etat, que de définir et promouvoir, en s'en donnant les moyens, une grande politique de réaménagement de ces tristes cités, en développant les PLA démolition - reconstruction dans l'optique d'une politique de la ville réunissant tous les partenaires.
Il est indispensable de supprimer tous ces grands ensembles, ces barres et ces tours construites dans l'urgence pour répondre à la croissance démographique et qui aujourd'hui suscitent, ou à tout le moins entretiennent les maux que nous connaissons bien : insécurité, bruit, violence, mal de vivre et délinquance. Il faudrait développer encore les contrats ville - Etat pour accompagner cette politique des PLA démolition - reconstruction, afin que ces actions, permettant la mise en place d'un aménagement urbain offrant un visage plus humain, participent à la mise en oeuvre d'une grande politique d'urbanisme, beaucoup plus ambitieuse, à la hauteur des enjeux que nous avons à relever pour le siècle prochain.
En ce qui concerne les plus démunis de nos concitoyens - et cela vient également d'être souligné - il convient de mettre en place des petites unités de vie, car le système des logements « secs » ne permet pas d'assurer une réelle réinsertion des personnes en difficulté. Je pense que nous devrions mettre en place - vous avez d'ailleurs commencé à le faire - des logements dans lesquels les gens pourraient vivre en semi-collectivité, tout en bénéficiant d'un encadrement social et psychologique proche. Il reste, à mon sens, à définir et à instaurer ce contrat original, et à l'instituer partout où le besoin s'en fait jour.
En attendant le développement de cette grande politique, il convient cependant de ne pas négliger le patrimoine vieillissant et d'en permettre le gros entretien et la modernisation dans des conditions acceptables pour les organismes d'HLM. Je veux parler, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous en doutez, de la PALULOS. Il m'apparaît nécessaire de relever le plafond primable, le plafond actuel ne correspondant plus, et de loin, à la réalité économique.
Enfin, j'en viens au PLUS. Il permet une heureuse simplification et l'unification des règles existantes puisque seules subsisteront, parallèlement au PLUS, les PLA d'intégration et les PLA démolition-reconstruction.
Ce nouvel outil répond à une demande, ce dont on ne peut que se féliciter, mais il me semble que le PLUS est un produit dont l'équilibre peut et doit encore être amélioré.
L'un de ses objectifs affichés est la promotion de la mixité sociale. Il faut, à cet égard, avoir le courage et la franchise de dire qu'il s'agit là d'une vision assez optimiste dans la mesure où les personnes ayant des revenus corrects, au-dessus des plafonds exigés pour bénéficier d'un HLM, refusent de vivre dans un environnement jugé insécurisant, bruyant, anxiogène et dévalorisant. Il ne suffit pas de dire vouloir la mixité sociale pour arriver à l'instaurer !
Or l'équilibre financier des opérations PLUS dépendra, je le pense, en partie - et en partie importante - de la présence effective de 10 % de locataires ayant des ressources supérieures à 120 % des plafonds de ressources PLA, ce qui sera difficile, surtout en milieu rural, ainsi que l'a souligné mon éminent collègue M. Plancade.
Cela étant, les dispositions en faveur du logement social, qu'elles relèvent de la loi de finances ou des mesures prises en cours d'année, sur votre initiative, monsieur le secrétaire d'Etat, méritent une appréciation globalement positive, et le président d'OPAC que je suis vous en rend bien volontiers témoignage.
Mais votre compétence et votre responsabilité vont cependant bien au-delà du soutien au seul logement social, et les dispositions prises en faveur du parc privé m'apparaissent insuffisantes pour réduire les tensions pesant sur le marché locatif privé.
Le parc locatif privé représente environ 55 % du parc locatif. Il est diffus et bien réparti géographiquement. Il accueille majoritairement des ménages aux revenus modestes et ses loyers connaissent une évolution modérée, plutôt plus faible que celle du parc public. C'est dire, monsieur le secrétaire d'Etat, combien il remplit, lui aussi, une fonction sociale indispensable.
Les tensions locatives, notamment sur le marché intermédiaire, résultent des contraintes et de l'absence de garantie ou de l'insuffisance de rentabilité par rapport aux risques encourus par les propriétaires.
Pour y remédier, il faut mettre en place des incitations réelles et importantes pour favoriser la construction privée et l'investissement dans l'immobilier locatif.
L'investissement dit « Périssol » a beaucoup fait pour la reprise du marché du logement neuf et l'offre de biens immobiliers en location. Il a été remplacé par un dispositif fiscalement moins avantageux mais qui a le mérite d'exister et d'avoir, pour la première fois, défini un statut du bailleur privé. Mais ce dispositif qui porte votre nom, monsieur le secrétaire d'Etat, est encore insuffisant pour la région parisienne. Il convient donc de revoir à la hausse les plafonds des loyers ou les amortissements déductibles si l'on veut lui voir remplir pleinement son rôle.
Cette nécessité d'améliorer les incitations à l'investissement dans l'immobilier locatif me conduit à me réjouir que le Sénat, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, ait adopté un amendement permettant à un investisseur « Besson » - pour citer une nouvelle fois votre nom - de louer son bien à un ascendant ou descendant respectant bien évidemment les conditions de ressources inscrites dans la loi.
Il s'agit là d'une mesure de bon sens et d'équité, comme le faisait remarquer M. le rapporteur général, et qui, compte tenu de l'encadrement du dispositif, est peu susceptible de susciter des abus. J'espère que cet aménagement du dispositif sera conservé par nos collègues de l'Assemblée nationale.
En outre, et plus généralement, mais cela ne dépend que pour une moindre partie de vos responsabilités, je souhaiterais que le statut du bailleur privé comporte un encouragement fiscal pérenne pour les propriétaires du secteur libre.
L'imposition des revenus fonciers procède du « matraquage » fiscal auquel sont soumis les titulaires de hauts et même de moyens revenus : il a éloigné bon nombre de ces investisseurs traditionnels du secteur locatif.
La diminution de l'offre qui en résulte, notamment dans les grandes villes, provoque un enchérissement des loyers et une difficulté grandissante pour beaucoup de jeunes cadres à se loger à distance convenable de leur lieu de travail.
Je souhaiterais enfin que la politique de soutien à l'accession sociale à la propriété soit développée et amplifiée.
Devenir propriétaire est un rêve caressé par la très grande majorité de nos concitoyens. De surcroît, le statut de propriétaire est un puissant facteur d'intégration sociale. Or, en la matière, le prêt à taux zéro dont le succès ne s'est pas démenti depuis sa mise en place en octobre 1995, a montré son efficacité. Constatant que, sur les six premiers mois de 1999, le nombre des prêts mis en place a augmenté de 20 %, on peut craindre que les dotations budgétaires se révèlent à terme insuffisantes. Il existe pourtant une marge de manoeuvre disponible puisque le solde de la contribution des collecteurs du 1 % logement est, m'a-t-on dit, de l'ordre de 3,5 milliards de francs. Ce solde devrait être affecté à l'accession à la propriété.
Il conviendrait de profiter, en outre, de la réduction du coût moyen du prêt à taux zéro dû à la baisse du coût du crédit, pour étendre le champ d'application de ce dispositif, en baissant, par exemple, la quotité des travaux nécessaires pour bénéficier de la délivrance de ce prêt dans le logement ancien, comme ce fut fait en 1996 sur l'initiative du Sénat, ainsi que l'a rappelé notre rapporteurspécial.
L'adoption de cette disposition complémentaire permettrait, par ailleurs, de minorer la réduction importante des aides à la pierre dans votre projet de budget.
Malgré les quelques réserves exprimées tant en ce qui concerne le secteur du logement social - elles sont marginales - que le secteur privé, notamment le secteur libre - mais cette observation relève de la politique fiscale du Gouvernement - je considère que les dispositions du projet de loi de finances relatives au logement, complétées par les mesures que vous avez prises, monsieur le secrétaire d'Etat, en avril et juillet derniers, peuvent être appréciées comme une contribution très largement positive au développement du secteur du logement, dont nous connaissons tous l'importance économique et sociale.
Aussi, m'exprimant à titre personnel, indépendant parmi les indépendants (Sourires.) , je salue bien volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat, la qualité du budget que vous nous présentez. Je m'associe à la réflexion de M. Jacques Pelletier en vous disant que j'aurais très volontiers voté ce budget s'il avait fait l'objet d'un vote distinct. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, ainsi que sur les travées socialistes, du RDSE et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à structure constante, le budget de l'urbanisme et du logement est en baisse de 2,3 %. La hausse de 6 % présentée dans les documents budgétaires résulte de la réintégration de crédits suite à la clôture de deux comptes d'affectation spéciale : le FARIF et le fonds pour le financement de l'accession à la propriété.
Le problème lancinant posé par les crédits du logement réside, depuis plusieurs années, en leur utilisation. Ainsi, si l'on constate une augmentation régulière des crédits, et particulièrement de ceux qui sont alloués aux constructions de logements sociaux, celles-ci ne cessent de diminuer : en 1999, à peine 40 000 logements HLM seront construits, sur les 80 000 annoncés, et en 1998 44 000 constructions ont été réalisées, après 45 000 en 1997. La baisse est donc continue.
Il résulte de cette situation qu'il devient aisé pour un gouvernement d'afficher dans une loi de finances initiale une politique ambitieuse du logement, avec des crédits importants qui, n'étant pas intégralement utilisés, sont affectés en fin d'année à d'autres priorités au détriment du logement !
Monsieur le secrétaire d'Etat, le logement est du ressort et de la compétence de l'Etat, mais rien ne peut se faire sans un engagement dynamique des collectivités locales. Or, ne disposant pas de moyens pour gérer dans de bonnes conditions ce qu'il convient d'appeler « l'après construction », les collectivités locales se détournent de plus en plus souvent de l'habitat social.
De plus, ce sont les collectivités locales qui se retrouvent en première ligne pour appréhender les difficultés posées par les locataires fragilisés. Je tiens donc ici à dénoncer le système pratiqué par l'Etat, qui consiste à se défausser de ses compétences sur les collectivités et, au premier chef, sur les communes.
Un décret du 14 septembre dernier, relatif aux subventions et prêts pour la construction, l'acquisition et l'amélioration des logements locatifs aidés a substitué le prêt locatif à usage social, le PLUS, au PLA ordinaire et au PLA à loyer minoré.
Le PLUS bénéficie d'une subvention de 5 % dans le parc neuf et d'une subvention de 10 % dans le parc ancien. Il bénéficie, en outre, d'un prêt de la Caisse des dépôts et consignations à un taux de 3,45 %. La mise en place du PLUS a été présentée comme la traduction d'une volonté de voir se développer la mixité sociale et de baisser les loyers des opérations neuves et des opérations d'acquisition-amélioration.
Les opérations financées doivent respecter des critères de mixité sociale : 30 % des ménages concernés devraient disposer de ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources du PLA et 10 % des ménages doivent détenir des ressources jusqu'à 120 % de ces plafonds.
En milieu rural, une analyse approfondie du dispositif proposé par le Gouvernement montre que le système des PLUS ne sera en équilibre qu'à la seule condition que la fraction des 10 % des ménages pouvant avoir des ressources jusqu'à 120 % des plafonds de ressources des PLA soit entièrement réalisée. Or cette réalisation totale ne sera atteinte que dans de très rares cas, étant donné le niveau de ressources dont disposent les personnes bénéficiant de ces opérations.
De plus, dans certains cas, notamment en secteur rural, mais aussi en secteur urbain défavorisé, il n'est pas souhaitable de fixer les loyers au-delà du plafond PLA pour les 10 % de locataires dont les revenus sont compris entre 100 % et 120 % des plafonds de revenus PLA, au risque d'être au-delà du marché et donc de « pousser » le marché du locatif privé à la hausse par alignement sur le loyer PLA ; cela n'est pas souhaitable pour les ménages non éligibles à l'APL.
Les prêts locatifs aidés pour la démolition-reconstruction vont être intégrés au sein du nouveau dispositif PLUS. Le programme annoncé pour 2000 dans le budget est bien moindre que celui de cette année. En effet, on passe de 5 000 à 2 000 opérations. Sur le plan juridique, cette baisse doit être analysée comme la traduction d'une volonté de vérité des chiffres, puisque, les années antérieures, les chiffres n'étaient jamais atteints et les crédits ouverts jamais consommés.
L'absence de réelle volonté des acteurs locaux de réaliser ces opérations de démolition-reconstruction doit être prise en compte dans le constat chiffré.
Sur le dossier des aides à la personne, l'actualisation et la revalorisation des barèmes des aides se poursuit pour un peu plus de 1 milliard de francs à la fin du premier semestre de cette année. La contribution de l'Etat au financement de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation de logement social est réduite de 284 millions de francs en raison d'un ajustement aux besoins des bénéficiaires. La contribution de l'Etat au Fonds national de l'habitation, qui verse l'APL, diminue, alors que la contribution au Fonds national de l'aide au logement augmente pour sa part.
Pourtant, ces évolutions ne sont pas révélatrices, puisqu'il faut constater que les adaptations qui auront lieu en 2000 résultent d'un mauvais calibrage pour l'année 1999.
A ce stade, il faut reprendre l'analyse de la Cour des comptes dans son rapport relatif à l'exécution de la loi de finances pour 1998 sur la complexité du système existant : deux fonds différents gèrent deux aides parallèles, pendant que l'un d'eux verse une participation à l'autre !
On ne peut que regretter, comme la Cour des comptes, qu'un regroupement des deux fonds ne soit pas initié par le Gouvernement. Une telle mesure aurait sans nul doute l'avantage de la clarté en matière de répartition des dépenses de l'Etat entre l'ALS et l'APL. Il faut s'interroger sur cette extrême complexité administrative et sur sa part de responsabilité dans la mauvaise consommation des crédits affectés au logement.
S'agissant du prêt à taux zéro, si son bilan d'application traduit un succès qui ne s'est pas ralenti depuis sa création en 1999, il n'en demeure pas moins que les offres émises de prêts, et les prêts « mis en force », c'est-à-dire ayant reçu une subvention de l'Etat, baissent quantitativement.
Pour 2000, ce sont plus de 5,8 milliards de francs de crédits qui sont alloués aux subventions pour les prêts « mis en force » en 1999 et 2000. Les dotations budgétaires pour 2000 ne seront suffisantes pour atteindre l'objectif de 110 000 prêts à taux zéro qu'avec une poursuite de la baisse des taux d'intérêt. Or force est de le constater, la tension remarquée sur les taux d'intérêt depuis quelques mois laisse à penser qu'il existe un risque réel de reprise de la hausse. Si tel était le cas, l'objectif fixé pour 2000 serait hors d'atteinte.
A l'heure où chacun constate que la bonne tenue de l'activité économique permet de dégager des marges de manoeuvre suffisantes, on peut légitimement penser qu'un élargissement du champ des prêts à taux zéro pourrait être envisagé.
Cet élargissement devrait pouvoir s'inspirer de l'initiative prise par le Sénat en 1996 et tendant à abaisser la quotité de travaux exigibles pour bénéficier du prêt à taux zéro. Je n'y reviendrai pas, les orateurs précédents ont parfaitement précisé ce point.
L'année 1999 a été la première année d'application du nouveau statut de bailleur privé à vocation sociale. Ce système, qui met l'accent sur le nécessaire soutien à l'investissement locatif et à la construction dans le parc neuf, n'accorde d'avantages fiscaux qu'en contrepartie d'un effort social de la part du bailleur. Or, l'expérience a montré le caractère insuffisamment dynamique de ce dispositif.
D'intéressantes propositions ont été émises par nos rapporteurs pour rendre ces dispositions plus lisibles, d'une part, et plus efficaces, d'autre part. Le Sénat a d'ailleurs très largement contribué à l'amélioration de ce système d'amortissement dans la loi de finances pour 1999.
Je souhaite apporter à ce débat une réflexion : la dynamisation du nouveau statut de bailleur privé pourrait résulter de la mise en place d'une structure à deux niveaux, inspirée de ce qui existe pour les interventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.
En effet, une déduction d'un amortissement sur le plan fiscal inférieure à 8 % pourrait être envisagée dans le cas d'investissement locatif destiné à des locataires dont les plafonds de revenus seraient inférieurs à 120 % des plafonds PLA, avec loyers libres.
Par cette mesure, le secteur d'activité du bâtiment continuerait d'être soutenu, car il faut noter une chute importante des investissements réalisés avec votre dispositif par rapport à celui de votre prédécesseur.
Ce dispositif à double étage aurait donc deux mérites : d'une part, son efficacité serait améliorée, car il deviendrait plus incitatif, et, d'autre part, il permettrait de favoriser la mixité sociale dont on parle tant, mais dont les réalisations se font rares !
Il est maintenant acquis que le projet de loi relatif à l'urbanisme, l'habitat et les déplacements inclura les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre d'une réforme en vue d'unifier les interventions financières sur le parc de logements privés. Une réflexion approfondie sera donc initiée à cette occasion sur ce sujet essentiel pour ce secteur.
Enfin, je ferai une suggestion relative aux problèmes posés par les surloyers dans le parc de logements HLM.
Il conviendrait de modifier les seuils de revenus à partir desquels s'enclenche le système du surloyer, afin de permettre d'augmenter le nombre de locataires successifs d'un même logement. En effet, actuellement les règles applicables n'incitent pas les locataires à sortir des logements du parc HLM pour devenir propriétaires à leur tour. Une telle modification se justifie pour des raisons de justice sociale, d'équité, et aurait pour effet de renforcer encore la mixité sociale.
Mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat, s'inscrit dans la ligne du Sénat, qui a toujours pratiqué « l'opposition constructive ».
Je ne conteste pas le caractère positif des mesures que vous avez prises l'été dernier ; ce sont de très bonnes mesures. Leur objet n'est que d'assainir le contexte financier des organismes d'HLM, dont on connaît l'extrême fragilité et les grandes difficultés Mais elles ne règlent pas l'avenir. Je maintiens que le PLUS, par exemple, demeure un produit intrinsèquement déséquilibré qui provoquera, à terme, des effets pervers sur les budgets des organismes d'HLM.
De même, j'insiste sur l'extrême complexité des instructions de dossiers, notamment en matière de locatif social. J'y vois là l'une des causes majeures de la mauvaise consommation des crédits. L'instruction des dossiers, qui est beaucoup trop longue, crée un phénomène de file d'attente qu'on ne voit pas comment résorber autrement qu'en simplifiant considérablement les procédures.
Pour terminer, je voudrais dénoncer la pratique de l'Etat qui n'assume pas ses compétences en matière de logement et qui fait trop souvent appel aux modestes moyens des communes rurales et suburbaines les plus pauvres. Une répartition plus respectueuse des compétences dévolues par la loi aux collectivités locales s'impose d'urgence, pour que l'Etat prenne totalement ses responsabilités dans un domaine vital pour l'équilibre de notre société. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aborderai les questions de l'habitat, qui sont primordiales pour nos concitoyens et mon ami Pierre Lefebvre interviendra sur les crédits de l'équipement au titre III.
Le logement est l'un des piliers de la vie sociale. La politique de l'Etat en sa faveur a des répercussions évidentes sur la structure économique et sociale de nos villes, de nos quartiers.
Nous nous félicitons que, pour la troisième année consécutive, le budget du logement soit l'une des priorités du Gouvernement. Ce budget augmente, en effet, de 5,6 %.
Je voudrais, en préambule, dire quelques mots des mesures votées en première partie de la loi de finances où un certain nombre de dispositions sont favorables au secteur du logement.
Ainsi, la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements devrait permettre un renouveau des opérations de réhabilitation.
Nous approuvons également la nouvelle réduction des droits de mutation et la suppression du droit au bail, dont nous espérons qu'elle sera répercutée sur les loyers par les organismes d'HLM.
Pourriez-vous, monsieur le secrétariat d'Etat, préciser à ce sujet quels moyens le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour inciter les bailleurs à le faire ?
Un pas important a également été franchi en attendant la nouvelle réforme structurelle de la taxe d'habitation. En effet, sur proposition de la commission et des députés communistes, l'Assemblée nationale a abaissé de 1 500 francs à 1 200 francs le montant au-delà duquel les contribuables à revenus modestes sont dégrevés d'office de la taxe d'habitation.
De plus, un rapport devra, avant le 30 avril 2000, déterminer les modalités de réforme de la taxe d'habitation. Cette réforme est très attendue, car cette taxe reste l'un des impôts les plus injustes, malgré les exonérations et les dégrèvements successifs consentis aux familles les plus modestes.
Incontestablement, les mesures votées en première lecteur témoignent de l'engagement fort du Gouvernement en faveur du logement.
Cette année devrait être marquée, dans le secteur du logement et de l'habitat, par la discussion d'un projet de loi présenté par M. Gayssot relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements. Nous aurions aimé être associés à l'élaboration de ce projet, sur lequel nous n'avons encore aucune information, sinon celle diffusée par la presse.
Vous avez indiqué, lors des débats en commission à l'Assemblée nationale, que ce texte serait l'occasion d'évoquer les financements du 1 %, mais aussi les questions de mixité sociale, notamment la répartition équilibrée des différents types d'habitat dans toutes les communes et sur l'ensemble du territoire. Nous avions déjà eu l'occasion, lors des débats sur la loi relative à la lutte contre les exclusions, d'amorcer des solutions pour contraindre l'ensemble des collectivités locales à construire des logements sociaux et prendre ainsi leur part de responsabilité. Cette démarche devrait être partagée entre tous les partenaires.
Il est nécessaire de mettre en place une politique foncière équilibrée. Mais comment concilier le cas des villes qui ont déjà beaucoup fait et ne peuvent plus accueillir de public dit « défavorisé », en raison de l'accompagnement social important que cela suppose, et celui des villes qui n'ont jamais, ou très peu, contribué au logement social, si ce n'est en payant des pénalités de non-construction ?
Ce constat doit nous conduire à pousser plus avant notre réflexion sur le logement social. Doit-on réserver ce type de logements exclusivement aux plus démunis ? Quel type de mixité sociale souhaitons-nous mettre effectivement en place ? Comment travailler à restaurer l'image des quartiers d'HLM ? Il nous faut travailler à des programmes locatifs très intégrés dans l'ensemble du tissu urbain et rompre avec la logique de quartiers spécifiques à l'habitat social, sur lesquels pèse très vite une image négative.
Ces questions doivent être appréhendées globalement dans le cadre de la politique de la ville et des programmes de rénovation urbaine, dans le cadre d'une politique incluant les problématiques de transports, de commerces, de bassin d'emploi ou encore de proximité des services publics.
Nous sommes encore loin d'avoir atteint ces objectifs.
La mixité sociale est aujourd'hui battue en brèche. Nombre de quartier dits « sensibles » se paupérisent encore un peu plus. On assiste au départ de familles de classe moyenne, y compris depuis peu, de familles engagées dans la vie associative et sociale de la cité.
Les taux de vacance dans les organismes HLM atteignent souvent des niveaux inacceptables, au regard du nombre de personnes sans toit. Certains organismes publics vont même jusqu'à passer des petites annonces dans la presse pour remplir leurs parcs d'HLM !
Les parlementaires communistes souhaitent, depuis plusieurs années, la suppression du supplément de loyer de solidarité, qui, en majorant le loyer des personnes à revenu moyen, les poussent à quitter leur logement HLM. Nous n'ignorons pas que le Gouvernement a apporté des correctifs sensibles sur ce point puisque le produit global de la taxe sur les surloyers a été réduit de pratiquement 60 %. Il semble, par ailleurs, que le produit du supplément de loyer de solidarité soit désormais inférieur au coût de son recouvrement. Voilà pourquoi nous avons présenté, mercredi, un amendement tendant à sa suppression : même si ce n'est pas le même avis qui a été exprimé tout à l'heure à cette tribune, nous pensons, nous, qu'il va à l'encontre de cette mixité sociale que nous appelons tous de nos voeux. Nous regrettons donc que cet amendement ait été rejeté.
Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, que la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction travaillait encore à l'amélioration du dispositif d'application de la loi relative à la lutte contre les exclusions.
Nous nous en félicitons, tout comme nous apprécions les mesures reconduites dans votre projet de budget en faveur des personnes les plus modestes. Je pense notamment à l'engagement de l'Etat aux côtés des associations logeant, à titre temporaire, des personnes défavorisées ou à la reconduction des crédits consacrés par l'Etat au Fonds de solidarité pour le logement.
Je tiens d'ailleurs à souligner que la totalité des crédits du FSL a été consommée. L'augmentation de 44 % votée l'an dernier était donc bien nécessaire !
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions impose aux propriétaires la réalisation de travaux palliatifs dès lors qu'un cas de saturnisme infantile est signalé ou qu'un risque de contamination au plomb dans un immeuble est porté à la connaissance des préfets. Ces derniers doivent, en cas de carence des propriétaires, se substituer à eux. Jusqu'à présent, ils n'ont pu exercer ce devoir dans la mesure où ils ne disposaient d'aucun moyen. Le budget du secrétariat d'Etat au logement pallie cette année cette anomalie, en consacrant 75 millions de francs à la lutte contre le saturnisme. Ces crédits ont vocation à couvrir l'ensemble des dépenses, à savoir les dépenses de diagnostic, de contrôle, de réalisation de travaux et d'hébergement.
Parallèlement à l'effort poursuivi par le Gouvernement pour aider les plus démunis, le budget du logement amorce, cette année, et ce pour la première fois, un retour à l'aide à la pierre.
Ce changement de cap est, à nos yeux, majeur.
Vous le savez, depuis de nombreuses années, les parlementaires communistes appellent de leurs voeux cette reprise de l'aide à la pierre. Il nous semble, en effet, que seule cette logique s'avère efficace en matière de baisse du prix des loyers, à laquelle il est urgent d'arriver.
Si nous regrettons que les aides à la pierre n'atteignent pas tout à fait les 13 milliards de francs, il s'agit néanmoins d'une amorce non négligeable et encourageante pour les années à venir. Cette augmentation est due essentiellement aux mesures décidées en juillet 1999 : baisse du taux de rémunération du livret A ; maintien d'un taux de TVA réduit à 5,5 % ; subvention de 5 % dans le neuf et de 10 % sur les opérations d'acquisition-amélioration ; fusion des différents PLA en un produit unique, dénommé prêt locatif à usage social ou PLUS.
Les parlementaires communistes souhaitent, de longue date, l'uniformatisation des prêts locatifs. Le PLUS nous satisfait, car c'est un élément favorable à la mixité sociale. En revanche, nous ne pensons pas que la décision de majorer les loyers en fonction du dépassement ou non des plafonds de ressources soit une bonne chose. Cela conduirait, de fait, à nouveau, à l'instauration d'une sorte de surloyer.
Le projet de budget prévoit la construction de 70 000 logements aidés. Nous espérons que cet objectif sera atteint. La simplification du mode de financement devrait y contribuer.
Les mesures de juillet 1999 ont permis, et je voudrais saluer cette mesure, un gel des loyers sur deux ans. Si nous trouvons normal que l'amélioration des conditions de financement pour les organismes soit répercutée sur les loyers, nous nous interrogeons sur la traduction réelle, en faveur des locataires, s'agissant notamment des organismes en difficulté du fait de leur gestion sociale. Les organismes d'HLM de Marseille, de Bordeaux et de Metz ont, paraît-il, déjà fait savoir qu'ils ne pratiqueraient pas ce gel. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous informer plus précisément sur ce point ?
Si nous nous réjouissons de l'amorce d'une reprise des aides à la pierre, force est de constater que la majorité des moyens qui y sont consacrés vont au secteur privé.
De ce strict point de vue, monsieur le secrétaire d'Etat, on n'a pas suffisamment rompu avec la logique qui prévalait avant votre arrivée.
Ce déséquilibre en faveur du secteur privé a certes été atténué par le statut du bailleur privé, qui instaure, en contrepartie des subventions, un engagement sur le montant des loyers pour neuf ans.
Toutefois, n'aurait-il pas fallu assortir cet engagement d'une obligation, pour les propriétaires bailleurs, de laisser à la disposition du préfet quelques logements de leur parc, afin qu'ils concourent, au même titre que le secteur public, à la mixité sociale ?
Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que la politique en faveur du logement devrait affirmer plus fortement la priorité du public sur le privé ?
Le second volet important du projet de budget du logement comprend les crédits consacrés aux aides à la personne.
Elles accusent une légère baisse, de 249 millions de francs sur plus de 35 milliards de francs. Cette baisse est expliquée comme la conséquence conjuguée du gel des loyers et de l'amélioration de la conjoncture économique. Peut-être aurions-nous pu profiter de cet « effet de ciseaux » pour revaloriser le niveau de l'allocation logement et de l'APL, ou procéder au paiement des allocations logement en dessous de 100 francs ?
En effet, faute de rendre possible des loyers de sortie dans le secteur public significativement plus bas, l'Etat doit consacrer aux aides à la personne des sommes à la hauteur des difficultés que connaissent nos concitoyens les plus défavorisés.
Une nouvelle fois, nous constatons combien une priorité donnée aux aides à la pierre permettrait de diminuer celles qui sont réservées aux personnes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez informé mes collègues députés de la volonté du Gouvernement de procéder à un « rapprochement progressif des barèmes de l'allocation logement et de l'APL et des barèmes applicables dans le secteur locatif social et le secteur privé ». Quand pensez-vous pouvoir mettre en place ce rapprochement ?
Pour l'heure, considérant que votre budget va dans le bon sens, nous l'approuvons, en souhaitant que l'effort accompli cette année soit poursuivi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport au Parlement sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, en application de l'article 100 de la loi de finances pour 1999 ;
- le rapport annuel du comité national de la coordination gérontologique, en application de l'article 1er de la loi du 24 janvier 1997 instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

4

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000.

Équipement, transports et logement

I. - SERVICES COMMUNS
II. - URBANISME ET LOGEMENT (suite)

M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services communs, l'urbanisme et le logement, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'orientation générale de ce projet de budget maintient le cap fixé par le Gouvernement précédent en pérennisant le soutien à l'effort d'investissement privé. Il privilégie le logement social et introduit des mesures fiscales nouvelles. Aussi la commission des affaires économiques préconise-t-elle l'adoption des crédits consacrés au logement.
Soucieux de ne pas imposer à notre assemblée la réitération d'une analyse globale, je souhaite évoquer l'habitat en zone rurale, thème que j'avais déjà abordé en commission.
La mise à disposition de logements locatifs est indéniablement un instrument de lutte contre la désertification. Elle fixe le plus souvent une population jeune, en capacité de procréation, constituant en outre un creuset de main-d'oeuvre.
La présence des services publics reste acquise ; du moins, la menace de leur retrait ne pèse plus avec autant d'acuité. Cette spirale brisée laisse souvent la place à une dynamique d'implantation d'entreprises qui ne choisissent jamais des lieux de repli.
Cette réalité, je l'ai observée dans mon canton, où à été lancée par le conseil général, entre 1991 et 1993, une politique d'offre de logements locatifs. Une enveloppe de 5,5 millions de francs a été débloquée pour la création de 1 000 logements locatifs supplémentaires en Haute-Saône. Nous en aurons finalement créé 1 500. Cette initiative venait après un constat voisin de celui d'aujourd'hui dans la mesure où le parc HLM ne permettait plus de répondre aux demandes et où l'offre privée disparaissait progressivement.
Au-delà du soutien que les exécutifs locaux peuvent apporter, le traitement décentralisé des besoins paraît essentiel. Ne pourrait-on envisager que l'Etat soutienne plus efficacement, par des aides appropriées et simplifiées, et moyennant certains critères à définir, les propriétaires disposés à louer ?
En effet, justifier le maintien de certains crédits, tels ceux de l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, au niveau antérieur par le fait qu'ils n'ont pas été intégralement consommés revient à enregistrer un échec sans en chercher les causes.
Actuellement, les délais de réalisation des opérations sont trop longs et les procédures trop compliquées. Or un parc existe, une demande est exprimée ; mais des candidats renoncent face aux pesanteurs. Le parc locatif privé constitue pourtant 5 % du parc total, ce qui n'est pas négligeable, et il présente l'avantage d'être diffus. Il accueille en majorité des jeunes ménages aux revenus modestes séduits par des loyers à l'évolution plutôt plus faible que celle du secteur public. En conclusion, c'est un outil de programmation territoriale.
Par ailleurs, le problème du bâti inoccupé se présente un peu différemment en milieu rural et en zone urbaine. Il s'agit souvent de propriétaires qui n'ont aucun projet de réhabilitation ni de vente, parfois de biens en indivision. La solution extrême consiste, pour le maire, à prendre un arrêté de péril qui est une mise en demeure d'agir. Néanmoins, il conviendrait de trouver une solution susceptible de débloquer les centres anciens où se trouve la pupart du temps ce patrimoine gelé.
Pourrait-on améliorer le dispositif des OPAH - opérations programmées d'amélioration de l'habitat - en vue d'une meilleure gestion urbaine et architecturale du bâti et du parc de logements ? En effet, le suivi normalisé s'attache plus à la gestion qu'à la mise en oeuvre d'une stratégie sociale et urbaine. Les travaux sont répertoriés par type de crédits afin de réaliser un équilibre social. Les aspects urbains et patrimoniaux y échappent souvent. La présence des bilans rarement cartographiés l'atteste.
Par ailleurs, des OPAH à volet « patrimoine » ne sont pas systématiquement proposées au sein des ZPPAUP - zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager - alors que l'intérêt architectural y est recensé en concertation avec le service départemental de l'architecture et du patrimoine. En généralisant ces opérations à volet « patrimoine » situées dans les ZPPAUP, on préserverait la vocation sociale des investissements tout en s'adaptant aux contraintes architecturales du bâti, aux enjeux urbains de la reconquête des centres, qui sont des périmètres à protéger, et aux savoir-faire à mobiliser ; je pense là, notamment, aux artisans.
En ce qui concerne le logement social, on enregistre le même phénomène de sous-consommation des crédits qui sont in fine reversés au budget général. Là aussi, il convient de se demander pourquoi les communes déclinent l'offre de logement social. Répond-elle aux priorités des collectivités locales, qui sont pourtant porteuses de demandes de logements locatifs ? Elles expriment des craintes, et celles-ci les font finalement renoncer, compte tenu des charges foncières, financières et sociales qui leur incomberont à l'issue du processus.
En revanche, ces mêmes collectivités souhaiteraient avoir accès au prêt locatif à usage social, qui met en jeu un mécanisme différent. Les petites communes ont souvent sur leur territoire des bâtiments vacants qui pourraient être rachetés et transformés en logements. Plus léger, plus souple, calibré à la demande, ce dispositif autorise une maîtrise des investissements et du fonctionnement. Peut-on espérer voir intervenir l'élargissement souhaité ?
La prime à l'amélioration de l'habitat, dont le niveau n'évolue pas, tente pourtant les propriétaires occupants, particulièrement en zone rurale. L'actuel plafonnement des revenus qui autorise l'obtention de l'aide mériterait d'être actualisé. Il évince de toute évidence un bon nombre de candidats, souvent âgés. Le maintien à domicile passe aussi par ces aménagements indispensables que la capacité financière personnelle interdit.
Lors d'un débat récent, j'avais indiqué qu'en coût et en efficacité on gagnerait à rompre le cycle prélèvements-redistribution. Je fais le même constat en matière d'aides au logement. Ne pourrait-on envisager d'appréhender l'allocation à venir avant taxation quand elle a lieu ? L'Etat et les citoyens y gagneraient par la simplification et la clarification des procédures.
En matière d'urbanisme, je déplore que l'essentiel des mesures concerne les grandes villes. Ne pourrait-on, en ciblant les bénéficiaires, soutenir les collectivités locales de moindre importance dans leur démarche ? L'amélioration du patrimoine culturel, architectural et paysager mérite mieux que le sort qui lui est le plus souvent réservé.
En effet, ces cités doivent appréhender les abords des éléments du patrimoine qui exigent d'être replacés dans une vision d'ensemble. Eux-mêmes doivent prendre place dans un schéma directeur pluriannuel pour l'aménagement des espaces publics où peuvent s'insérer des actions d'accompagnement des OPAH.
La réhabilitation des monuments historiques et du patrimoine rural non protégé dépasse largement les capacités financières des communes qui les possèdent. Comme beaucoup de mes collègues, je suis chaque année sollicité par des maires afin que soient trouvés dans la réserve parlementaire des fonds qu'ils sont incapables de réunir malgré les financements croisés obtenus. La solution consiste-t-elle à fermer les lieux et à observer les dégradations ?
Par ailleurs, concernant l'aménagement qualitatif des espaces publics en milieu rural, plusieurs dysfonctionnements sont observés.
Tout d'abord, les espaces publics sont traités selon une approche plus fonctionnelle que qualitative, à l'échelle d'une place et non d'une commune rurale, qui équivaut, en gros, à un quartier d'une agglomération. Leurs aspects patrimonial et touristique sont à mesurer en termes démographiques et économiques.
Ensuite, l'affection des espaces selon les différents usages et usagers n'est pas systématique, ce qui peut engendrer des ruptures dans la pratique de la cité. Les aménagements s'effectuent souvent en dehors d'un plan de déplacement urbain. L'ordre des priorités tend à favoriser ceux qui sont relativement imposants ou d'ordre routier, parfois au détriment des usagers et d'une bonne gestion. Les espaces publics apparaissent trop souvent peu structurés et déséquilibrés.
Enfin, il y a une réelle carence des programmes liés aux coûts, et les procédures de financements sont limitées. Les interventions réalisées sont, pour l'essentiel, fondées sur le partenariat ; je songe à la dissimulation des réseaux téléphoniques et électriques ou à la réfection de l'éclairage public.
Aussi, je fais une proposition : en renforçant le rôle de l'Etat en amont des projets et en favorisant une plus grande participation avec les collectivités locales, pourraient être réalisées des études dégageant des schémas d'aménagement des espaces publics pour la cité et les entrées de ville. Comme dans les ZPPAUP, serait mis en place un suivi concerté de l'étude, avec consultation préalable d'architectes, étude dans laquelle seraient appréciées les dimensions urbaines et patrimoniales. L'étude comporterait en outre un cahier des charges, les profils des aménagements, les esquisses, les recommandations techniques et, enfin, la programmation. Par cette démarche complète serait obtenue une meilleure maîtrise des différents niveaux.
L'espace correctement rythmé est une vitrine qui contribue également à un enrichissement de l'environnement. Les acteurs doivent y trouver leur place et leur raison d'être pour le faire vivre. Puissions-nous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, inverser la tendance à la concentration urbaine pour un meilleur équilibre spatial et social. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen par notre assemblée des crédits affectés au logement constitue, certes, un passage obligé mais, à mes yeux, il représente bien plus : depuis que vous avez été chargés de ce secteur par Lionel Jospin, nous avons, en effet, le plaisir renouvelé de vous entendre nous présenter un bon budget.
Ce projet de budget pour l'an 2000 ne fait pas exception à la règle : d'un montant de 47,5 milliards de francs, les dépenses budgétaires pour l'an 2000 affichent une hausse de 5,3 %.
Toutefois, et cela a été déjà indiqué, si l'on tient compte de la rebudgétisation du prêt à taux zéro et de la suppression des comptes d'affectation spéciale, c'est à une légère baisse par rapport à 1999 que nous assistons. Dans ces conditions, n'y a-t-il pas un paradoxe à afficher notre satisfaction ? Je ne le pense pas, car ce projet de loi de finances pour 2000 doit être replacé dans l'ensemble des mesures, notamment fiscales, prises en faveur du logement au cours de l'année 1999 et qui représentent un allégement de l'impôt de 28 milliards de francs pour l'année 2000.
Ainsi, le cap est maintenu : soutien au parc privé, priorité confirmée pour le logement social et lutte contre les exclusions.
S'agissant du logement privé, le maintien à 2,2 milliards de francs des crédits de l'ANAH et à 800 millions de francs de ceux de la PAH - prime à l'amélioration de l'habitat - doit s'apprécier au regard de l'application du taux réduit de TVA aux travaux effectués par l'Agence.
En outre, l'extension du taux de TVA à l'ensemble des travaux d'entretien des logements ne peut être que positif pour le secteur.
Enfin, le produit de la taxe sur la vacance doit venir également abonder les crédits de l'ANAH.
A propos du logement privé, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous redire, une fois encore, mon désir de voir mises au point des procédures facilitant l'intervention publique dans les copropriétés dégradées, procédures qui pourraient être reprises dans le cadre du projet de loi « habitat, urbanisme et déplacements » qui est en cours d'élaboration. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous donniez ici l'assurance que ce problème majeur sera traité en profondeur et que de nouveaux outils permettront enfin de faciliter les mesures de redressement nécessaires et de protéger les futurs acquéreurs.
Je voudrais maintenant aborder le volet « logement social » au travers non seulement des dotations purement budgétaires, mais aussi des décisions très favorables qui ont été prises en cours d'année : la baisse du taux du livret A et les mesures financières qui lui sont associées, d'une part, les mesures fiscales du projet de loi de finances, d'autre part.
Le projet de budget pour 2000 prévoit de financer soixante-dix mille logements. Cet objectif, qui est en adéquation avec les besoins réels de nos concitoyens, sera-t-il concrétisé ? Le pari pourra-t-il être tenu, alors qu'un constat s'impose : si les organismes d'HLM ont parfaitement consommé les crédits PALULOS, en revanche, ils se sont insuffisamment mobilisés pour les prêts locatifs aidés, avec cinquante mille agréments consommés en 1998 pour quatre-vingt mille budgétés.
Le dispositif de relance globale présenté le 21 juillet dernier, qui s'appuie sur le prêt locatif à usage social, le PLUS, devrait permettre d'enrayer cette dérive continue depuis 1994, et même, si possible, d'inverser la tendance.
Ce produit financier nouveau, réservé aux bailleurs sociaux, et dont le taux est fixé à 3,45 %, répond à une attente du mouvement HLM et à une simplification des modalités de gestion des PLA. Il s'agit d'un retour de l'aide à la pierre, puisqu'il bénéficie d'une subvention de 5 % pour le neuf et de 10 % pour les opérations d'acquisition-amélioration. Il présente l'avantage d'être à la fois plus solvabilisateur et plus créateur de mixité sociale. Les logements devront en effet accueillir au moins 30 % de locataires ayant un niveau de revenu inférieur à 60 % des plafonds PLA, mais ils pourront aussi accueillir 10 % de locataires ayant un revenu supérieur au plafond PLA.
Je rejoins là notre collègue Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, quant à l'opportunité d'ouvrir le bénéfice du PLUS aux collectivités et aux associations pour des opérations d'acquisition-amélioration.
Il convient, par ailleurs, d'appréhender la stabilité de la dotation consacrée à la construction et à la réhabilitation pour le parc HLM - 2 930 millions de francs - en liaison avec les mesures de réaménagement, de la dette des organismes annoncé le 21 juillet dernier - l'allègement global s'élève à 45 milliards de francs - et de baisse de la TVA. Sur ce point, je reprendrai les observations formulées notamment par la Confédération nationale du logement, qui redoute que les avantages fiscaux consentis par l'Etat ne soient pas sensiblement répercutés sur les locataires. Il nous appartient, aux uns et aux autres, de veiller à ce que ce soit le cas.
Dans ce nouveau contexte, le pari que j'évoquais plus haut devrait pouvoir être tenu : le Gouvernement escompte un effort évalué à hauteur de 15 000 à 20 000 logements sociaux supplémentaires pour l'année 2000.
Il faudra être vigilant : bien construire est l'une des missions du mouvement HLM, au même titre que bien gérer et bien entretenir. Les moyens sont là, il reste à les utiliser.
Je m'adresserai maintenant plus particulièrement à M. Besson, qui s'est rendu à plusieurs reprises dans l'Hérault - mais je sais aussi combien vous êtes attaché à ce département, monsieur Gayssot ! Sans doute me pardonnerez-vous mon manque de modestie en citant le département de l'Hérault comme référence à propos de cette ambition, puisque, comme vous le savez, nous avons entièrement consommé nos dotations PLA au cours de ces dernières années.
Il faudra aussi être vigilant en ce qui concerne l'engagement pris par l'Union nationale des fédérations d'organismes d'HLM de geler les loyers pendant deux ans.
La prévention des exclusions, avec en particulier la mise en oeuvre progressive de la loi de juillet 1998, est également une priorité que reflètent les crédits affectés aux opérations très sociales, pour 290 millions de francs, à la lutte contre le saturnisme, pour 75 millions de francs, ainsi que ceux qui sont alloués à la médiation locative et à la location aux associations.
La baisse de 0,8 % des crédits affectés aux aides personnalisées au logement s'explique par une meilleure conjoncture économique. Rappelons qu'elle s'assortit de l'actualisation annuelle des barèmes, réinitiée en 1997.
Mais, la prévention des exclusions, ce sont aussi des crédits qui passent de 685 millions de francs dans le budget de 1999 à 720 millions de francs dans le projet de budget pour 2000, soit une hausse d'un peu plus de 5 %.
A ce propos, au cours des débats sur à la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, j'avais déjà eu l'occasion d'exprimer la nécessité de mieux encadrer les frais de gestion du fonds de solidarité pour le logement. En 1998, ils représentaient près de 10 % des dotations, le reste correspondant aux aides financières apportées aux ménages. Qu'en est-il aujourd'hui ?
La politique du logement plus globale, plus juste et plus stable que vous vous efforcez de mettre en place depuis votre arrivée, monsieur le secrétaire d'Etat, ne trouvera sa pleine efficacité que si elle permet de fédérer l'action de l'Etat, des organismes et des collectivités locales.
Le 16 avril dernier, j'ai eu le plaisir de vous accueillir une nouvelle fois à l'hôtel du département de l'Hérault pour la signature d'une convention intitulée « Pour une politique solidaire de l'habitat et du logement social ». L'Etat s'est engagé à hauteur de 88 millions de francs et le département de 22 millions de francs, l'objectif étant de développer et de diversifier l'offre de logement en milieu rural et urbain, de soutenir la réhabilitation et le renouvellement du parc et de favoriser la mixité sociale.
Malgré les efforts consentis depuis les années quatre-vingt-dix en passant de 26 680 à 38 000 logements, le déficit reste chronique. L'exception héraultaise d'une forte poussée démographique qui va se poursuivre ne fera qu'amplifier le phénomène : avec 400 000 nouveaux Héraultais attendus dans les vingt prochaines années, ce sont quelque 120 000 à 150 000 logements nouveaux qui seront nécessaires.
J'évoquais tout à l'heure la place accordée dans le budget à la prévention des exclusions. Je dirai d'un mot la satisfaction que j'ai eue à cosigner avec le représentant de l'Etat et les responsables d'HLM une convention contre la précarité, la première de ce type en France.
Elle vise à reloger cent familles, avec le souhait, pour chacun des partenaires, que le département, pilote en la matière, fasse école.
Cette convention, issue de la loi de juillet 1998, a pour objet de s'attaquer à la précarisation ; elle préconise la recherche de mixité, l'engagement étant pris par écrit, par l'ensemble des intervenants, de transparence, de coordination des interventions et de prise en compte, presque individuelle, des difficultés de chacun.
Cet exemple concret témoigne que, pour espérer porter ses fruits, une politique locale de l'habitat doit être mise en oeuvre au plus près des besoins. Elle doit aussi être intégrée à des politiques urbaines renouvelées, afin de garantir la prise en compte fine des équilibres sociaux et territoriaux.
Cela me conduit tout naturellement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous interroger sur le futur projet de loi « habitat, urbanisme et déplacements » et sur les moyens que vous proposez pour renforcer la mixité urbaine à l'échelle de l'agglomération. Le bilan de la loi d'orientation pour la ville, considérablement « édulcorée » entre 1993 et 1997, est à ce jour notoirement insuffisant.
L'état des lieux, si j'ose dire, est parfaitement connu.
« Certains élus ne souhaitent plus de logements sociaux parce qu'ils estiment en avoir beaucoup et veulent se consacrer à l'amélioration du parc et à ses enjeux sociaux. D'autres en ont peu ou pas et osent parfois faire de leur refus du logement social un argument électoral. Cela ne peut plus être admis. » Vous reconnaîtrez certainement ces propos, monsieur le ministre d'Etat : vous les avez tenus au dernier congrès des HLM, à Nantes. J'y adhère pleinement.
L'attente est très forte. Où en est l'état des réflexions et des propositions de votre ministère ?
Il paraît indispensable de prévoir des mécanismes d'action directe de l'Etat pour assurer la construction de logements en lieu et place des communes en cas de refus avéré de celles-ci. Ce texte aura également à traiter des copropriétés dégradées ; j'en ai parlé précédemment, je n'y reviens pas.
En conclusion, 1999 aura été l'année d'une croissance confirmée du secteur du bâtiment : une progression de 4,5 % en volume de l'activité pour les douze derniers mois et près de 25 000 emplois créés en 1999 après une perte de plus de 200 000 au cours des sept dernières années.
L'année 1999 aura également été celle d'un environnement fiscal beaucoup plus favorable. Des réformes d'importance restent à réaliser, en particulier celle de la taxe d'habitation. Le Premier ministre Lionel Jospin en a annoncé le principe. C'est un vaste chantier auquel il faut s'atteler dès la prochaine loi de finances.
Votre budget est un très bon budget et le groupe socialiste s'apprête à le voter avec une grande satisfaction. Il réunit toutes les conditions pour que l'année 2000 soit placée sous le signe de la consolidation et du développement de l'action en faveur du logement que le Gouvernement a engagée dès 1997 et que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, avait inscrite comme une priorité gouvernementale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Francis Giraud. Amen !
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'exercice d'autosatisfaction de mon prédécesseur, je vais tenter de rectifier un peu les choses. (Protestation sur les travées socialistes.)
Depuis un certain temps, en matière de logement, nous habituons nos concitoyens à disposer de mesures spécifiques afin d'encourager la construction.
Il est vrai - comme le dit l'adage, quand le bâtiment va, tout va » - que les dispositifs antérieurs ont donné d'excellents résultats, qu'il s'agisse du dispositif. Méhaignerie ou du dispositif Périssol.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La loi Besson est récente !
M. Gérard Cornu. Permettez-moi de citer ces dispositifs par le nom du ministre du logement de l'époque car, désormais, l'habitude de chaque ministre du logement est de donner son nom à une nouvelle mesure...
Mme Odette Terrade. On préfère celui d'aujourd'hui !
M. Gérard Cornu. ... à tel point que l'on pourrait se demander si ces changements successifs ne sont pas nuisibles à la lisibilité et à la continuité de l'action.
Vous n'échappez pas à cette habitude, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque aujourd'hui, après les dispositifs Méhaignerie et Périssol, c'est au dispositif Besson d'être à l'honneur.
M. André Vezinhet. Il est bien meilleur !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est mérité !
M. Gérard Cornu. Si le fameux amortissement Périssol a rempli pleinement sa fonction première au regard de la construction de logements neufs - de l'ordre de 45 000 par an - il est vraiment dommage qu'il n'existe plus depuis fin août 1999. D'autant qu'il avait rencontré un grand succès auprès des investisseurs privés, pour qui il présentait l'énorme avantage d'être simple et souple dans sa mise en oeuvre concernant le montant des loyers.
Aujourd'hui, nous voilà donc à la fin de la première année d'application du dispositif Besson, qui confère au statut de bailleur privé une dimension à la fois économique et sociale.
Pour assurer cette fonction économique et sociale, ce dispositif divise la France en quatre zones, aussi bien pour le montant du loyer au mètre carré que pour le revenu du locataire, et il provoque de fortes disparités en fonction du zonage préalable.
C'est précisément de ce sujet que je veux vous entretenir, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous poserai deux questions.
La première a trait aux conséquences de la loi sur l'intercommunalité, récemment votée par les deux assemblées, qui dégage la notion d'agglomération, à tel point que l'on peut créer des communautés d'agglomération à taxe professionnelle unique pour les agglomérations de plus de 50 000 habitants.
Or, dans les quatre types de zones référencées, la notion d'agglomération de plus de cent mille habitants existe puisqu'elle permet de bénéficier du classement en zone 2. Je crois savoir que, dans votre dispositif, cette notion d'agglomération est une référence INSEE et non pas une référence intercommunalité à fiscalité propre, voulue, elle, par les élus locaux.
En clair, les élus subissent les critères de l'agglomération INSEE, puisque cela ne dépend pas d'eux. En revanche, ils décident d'une communauté d'agglomération avec l'obligation de prendre la compétence de l'équilibre social de l'habitat sur le territoire communautaire.
Il serait donc à mon avis judicieux de compléter les critères de la zone 2. Actuellement, on prend en compte les agglomérations de plus de 100 000 habitants, mais il n'est pas spécifié qu'il s'agit d'une référence INSEE. Je vous propose donc d'introduire le critère « agglomération de plus de 100 000 habitants, référence INSEE » ou - et j'insiste sur ce « ou » - « communauté d'agglomération de plus de 100 000 habitants ».
En effet, on peut avoir une agglomération qui, au titre de la référence INSEE, compte 90 000 ou 95 000 habitants. Mais, de par la volonté des conseils municipaux élus, on peut tout aussi bien avoir une communauté d'agglomération qui regroupe plus de 100 000 habitants, soit beaucoup plus que l'agglomération au sens de la référence INSEE.
A partir du moment où il s'agit d'une compétence obligatoire de la communauté d'agglomération voulue par les élus, cette proposition peut être intéressante et s'inscrire tout à fait dans l'intercommunalité que nous avons votée.
J'aimerais connaître votre avis sur cette proposition, monsieur le secrétaire d'Etat. Voyez que l'opposition peut être constructive !
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Gérard Cornu. Ma deuxième question a trait à l'aménagement du territoire, qui intéresse tout autant M. le ministre que M. le secrétaire d'Etat, raison pour laquelle je veux les rendre attentifs l'un et l'autre à la proposition qui va suivre.
Les « franges franciliennes » sont des espaces qui ont les mêmes caractéristiques que la région d'Ile-de-France mais qui sont limitrophes. Il s'agit, en clair, de l'Oise, de l'Eure, de l'Eure-et-Loir et de l'Aisne.
Or, ces franges franciliennes sont très pénalisées par la loi Besson, puisqu'elles se trouvent en zone 3 alors que, à un kilomètre près, dès que l'on pénètre dans la région d'Ile-de-France, on se trouve en zone 2. Et pourtant, le prix du terrain au mètre carré est le même.
C'est ainsi que, dans mon département, l'Eure-et-Loir, plus particulièrement dans le pays chartrain, la tension en logement locatif est très forte.
Le dispositif actuel incite donc les investisseurs à construire dans la région d'Ile-de-France plutôt que dans les départements limitrophes. Les conséquences sont extrêmement négatives et contrarient toute véritable politique d'aménagement du territoire, dont l'un des buts doit être, ne l'oublions pas, de désengorger la région parisienne.
A mon avis, il convient d'encourager l'amortissement Besson dans les franges franciliennes et, pour ce faire, de classer les franges franciliennes dans la même zone que la région d'Ile-de-France, c'est-à-dire en zone 2.
Voilà deux propositions concrètes, sur lesquelles je souhaite connaître le sentiment du Gouvernement. Elles vont dans le sens de l'aménagement du territoire et de la promotion d'une loi que, monsieur le secrétaire d'Etat, vous devez avoir à coeur de promouvoir puisqu'elle porte votre nom ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous consacrez une journée entière de débat au budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement, ce qui nous donne l'occasion d'évoquer les grandes orientations des politiques que je conduis au nom du Gouvernement dans ces domaines.
A la suite de Mme Michelle Demessine, ce matin, pour le tourisme, M. Louis Besson interviendra sur les questions d'urbanisme et de logement que vous avez soulevées, dans un esprit constructif.
Pour ma part, je vais évoquer brièvement les grandes lignes de mon budget.
Ce projet de loi de finances, le troisième que nous vous présentons, confirme l'effort durable et soutenu que le Gouvernement a voulu consacrer aux secteurs du logement et des transports.
Quelle que soit la présentation des chiffres que l'on retienne - nous y reviendrons précisément en abordant les sections budgétaires spécialisées - chacun reconnaît que ce ministère, pris dans son ensemble, reçoit pour l'année 2000 des moyens importants et que son enveloppe budgétaire progresse.
Ces moyens permettent la mise en oeuvre des grandes priorités que le Gouvernement s'est fixées, M. Vezinhet l'a rappelé.
Il s'agit de la solidarité, notamment par la relance du logement social et l'effort en faveur des transports collectifs ; il s'agit de l'emploi, notamment par les encouragements fiscaux à l'activité du bâtiment ; il s'agit de l'investissement, avec une hausse significative des autorisations de programme ; il s'agit encore de la sécurité, qu'elle soit routière, aérienne ou maritime, car c'est la responsabilité éminente de l'Etat de la garantir ; il s'agit, enfin, du rééquilibrage des modes de transport, qui se décline dans ce budget comme dans les contrats de plan.
Les crédits budgétaires s'élèvent à 147 milliards de francs si l'on y inclut le budget annexe de l'aviation civile et les comptes d'affectation spéciale, à savoir le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, et le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN. L'augmentation est de 2,5 % par rapport à 1999, alors que le taux de progression moyen de l'ensemble des dépenses de l'Etat est de 0,9 %.
On peut aussi parler d'un total de 165 milliards de francs si l'on prend en compte les 12 milliards de francs de dotation en capital à Réseau ferré de France, les crédits issus du FARIF, ce fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France qu'il est prévu de rebudgétiser, et enfin les crédits ajoutés à l'Assemblée nationale par voie d'amendements pour les ajustements entre régimes de retraite et compensation de la TVA sur les subventions à Réseau ferré de France. Voilà pour les grandes masses.
En termes d'emplois budgétaires, nous avons pu, cette année encore, poursuivre dans la voie de 1999 et continuer à freiner la réduction des effectifs. Je sais bien que certains d'entre vous le regrettent, notamment M. le rapporteur spécial.
Sur les services communs de l'équipement, cette réduction sera limitée à 385 emplois. Je n'ai eu de cesse, depuis ma prise de fonctions, de réduire le rythme annuel des 1 000 suppressions d'emploi prévues antérieurement. Ces ponctions répétées se sont traduites, je le rappelle, par la suppression de 16 000 emplois en quinze ans dans le secteur de l'équipement.
En ce qui concerne les agents d'exploitation, qui ont supporté le plus grand nombre de suppressions d'emplois, le rythme de réduction aura été divisé par quatre en trois ans, ce qui permettra, en 2000, de ne pas diminuer les effectifs d'exploitation et d'entretien dans la vingtaine de départements où les problèmes de viabilité hivernale sont les plus aigus ainsi que dans les départements sinistrés par les inondations.
Sur l'ensemble des secteurs de ce ministère, la réduction des emplois n'est plus que de 0,18 %, compte tenu des créations nettes dans la navigation aérienne.
Le budget des services communs s'élève à 24,5 milliards de francs pour l'an prochain, ce qui représente une progression de 5,6 % par rapport à l'an dernier.
Comme l'a signalé M. le rapporteur spécial, les rémunérations accessoires des agents du ministère de l'équipement seront réintégrées dans le budget général, à la suite des observations de la Cour des comptes. Je me félicite également de cette évolution, qui favorisera la lisibilité des crédits et des moyens consacrés aux dépenses de personnel et pérennisera le régime indemnitaire des agents concernés.
A propos du taux de progression des dépenses de personnel, qui sera de 2,1 % pour 2000 et dont le Sénat... je veux dire la majorité sénatoriale...
M. Gérard Cornu. Bien entendu !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... regrette la rigidité, je voudrais faire deux remarques.
Premièrement, le ministère de l'équipement a la particularité de comporter une part importante d'agents à petit salaire, que ce soit dans le secteur de l'exploitation ou dans celui de l'administration, qui connaît une proportion d'agents de la catégorie C très supérieure à la moyenne.
Il est donc normal que les conséquences de l'accord salarial de la fonction publique, qui profite principalement aux petites catégories, se fasse sentir sur le budget 2000, comme cela a d'ailleurs été le cas en 1999.
Je suis convaincu, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous n'y êtes pas, au fond, hostiles. Il y a là, en effet, un effort de justice sociale totalement justifié envers des agents auxquels on demande beaucoup et dont le sens du service public est irréprochable.
Deuxièmement, les agents sont la force du ministère et la condition des services rendus au pays. Le personnel est donc non pas une rigidité, mais bien le fondement et la chance du service public.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne pense pas qu'il y ait un seul d'entre vous pour mettre en doute le rôle que jouent les services déconcentrés du ministère de l'équipement pour répondre aux défis économiques, sociaux, techniques de la mise en oeuvre des nouvelles politiques territoriales, ni leur capacité à prêter assistance aux collectivités locales dans un très grand nombre de domaines, et ce au plus près des besoins des citoyens.
Je veux insister ici sur la qualité du travail de ces agents, qui a été une nouvelle foi démontrée à l'occasion des tragiques inondations du Midi.
Je tiens enfin à réaffirmer la solidarité du Gouvernement tout entier devant les attaques dont ils font parfois l'objet, et m'élever une nouvelle fois contre l'attentat odieux qui a visé la direction départementale de l'équipement de la Corse-du-Sud et d'autres établissements publics.
La commission des finances évoque par ailleurs les choix à faire pour doter l'Institut géographique national, l'IGN, de moyens d'équipement performants et de ressources propres renforcées.
Je dois souligner, monsieur Pelletier, que l'équipement de l'IGN est de bon niveau, avec, de surcroît, un personnel d'une grande compétence. Il est exact cependant qu'il faut rechercher pour l'Institut une meilleure adéquation entre les moyens et les missions ainsi qu'une adaptation de ses produits, notamment dans les bases de données géographiques à grande échelle.
Il y a aussi le domaine très prometteur des systèmes d'information géographiques dans lequel l'IGN est appelé à se développer. Le rapport que M. Guy Lengagne a récemment remis au Gouvernement contribuera à éclairer la réflexion engagée dans ce sens avec l'IGN.
Ce matin, Mme Demessine vous a présenté nos orientations et le détail des crédits proposés pour le tourisme.
Comme en 1999, les crédits progresseront en 2000 de 7 %.
En trois exercices budgétaires, ils seront ainsi passés de 340 millions de francs à un peu plus de 420 millions de francs, et ce pour permettre à l'Etat de mieux jouer son rôle de régulation et d'impulsion dans cet important secteur d'activité. Comme Mme Demessine, je suis particulièrement attaché à ce que soient prises en compte tant la dimension aménagement du territoire que la dimension sociale de se secteur, qu'il s'agisse du droit aux vacances pour tous ou de l'amélioration du travail saisonnier.
Depuis deux ans, l'urbanisme et le logement sont une dimension essentielle de l'action gouvernementale, ce qui tranche avec la politique menée précédemment.
Plusieurs sénateurs du RPR. Oh non !
M. Gérard Cornu. Vous êtes sévère, et même injuste !
Mme Hélène Luc. Non, c'est vrai !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Franchement, je ne pense pas être sévère, je crois même être modéré.
Mme Hélène Luc. Objectif !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vais vous dire pourquoi.
L'intervention de l'Etat en matière de logement est capitale pour la vie quotidienne des Français, notamment pour les plus modestes d'entre eux. L'enveloppe budgétaire proposée pour 2000 est de 48 milliards de francs, en hausse de 5,3 %, compte tenu de la budgétisation du prêt à taux zéro. Elle permettra de confirmer notre politique dans deux directions.
Il s'agit, d'abord, de la relance significative de la construction de logements sociaux, en particulier grâce au prêt locatif à usage social, le PLUS.
Ce nouveau prêt a pour objet, à côté d'autres dispositifs, de nous aider à relever ensemble le défi de la mixité sociale. La stabilisation à 3 milliards de francs des dotations budgétaires au parc d'HLM s'accompagne d'un allègement important des charges financières et fiscales pour les organismes, ce qui permet notamment le gel des loyers sur deux ans, auquel, à notre demande, s'est engagé le mouvement HLM.
Une autre orientation affirmée tient au financement de la lutte contre les exclusions. La loi que vous avez adoptée voilà un an est désormais appliquée et financée. Je citerai l'exemple du Fonds de solidarité pour le logement, cofinancé avec les conseils généraux, pour lesquels l'effort de l'Etat augmente de 50 % en deux ans, ou encore celui des nouveaux moyens dégagés pour prévenir le saturnisme.
La principale ligne du budget du logement - M. Besson vous en parlera plus en détail dans quelques instants - celle qui concerne les aides personnelles au logement, dont bénéficie la population la moins aisée, sera dotée de 34,3 milliards de francs.
Je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le pouvoir d'achat des aides à la personne sera maintenu grâce à l'actualisation régulière des barèmes.
Face à ces dépenses, au budget du logement proprement dit s'ajoutent 28 milliards de francs d'allégements fiscaux : il s'agit de la baisse de la TVA sur les travaux d'amélioration et d'entretien des logements, de la réduction des droits de mutation et de la suppression en deux ans du droit de bail, qui doit se traduire - et cela est assez exceptionnel - par une baisse des loyers, dans le privé comme dans le public.
Cette dernière mesure, que le Premier ministre a acceptée sur ma proposition, aura - et il faut y veiller - une traduction directe sur la quittance des locataires qui, au total, bénéficieront d'un allégement de charge de 7 milliards de francs. Ces dispositions fiscales, d'une ampleur importante, voire sans précédent, et c'est en ce sens que je parlais de rupture, renforceront donc de façon considérable l'impact social du budget du logement, ainsi que ses effets sur l'emploi dans le secteur du bâtiment.
Dans ce domaine, se pose un important problème d'adéquation entre les offres d'emplois et l'embauche. Je travaille actuellement - et je crois l'avoir déjà dit devant le Sénat - avec les professionnels et le service public pour que, en cas de demandes d'emplois importantes, nous appliquions aux intéressés, jeunes et moins jeunes, la formule suivante : « Si tu sais, on te prend ; si tu ne sais pas, on t'apprend. » En tout cas, on crée les conditions pour que ceux qui veulent travailler aient une activité, qu'ils puissent répondre aux demandes de personnels des entreprises.
En ce qui concerne l'équipement et les transports, je ne traiterai, à ce point du débat, que de l'investissement et de l'emploi.
Le volume des engagements que le Gouvernement vient d'annoncer pour les prochains contrats de plan Etat-région est une chance pour l'équipement et l'économie du pays.
Si l'on me dit que ce qui est fait n'est pas suffisant et qu'il convient de faire davantage, je partagerai cette opinion. Mais, par comparaison avec les réalisations du XIe Plan, les enveloppes sont multipliées par 10 pour le transport ferroviaire - hors TGV - par 4 pour les ports et par 8 pour les voies navigables. En raison du rééquilibrage d'ensemble entre les différents modes de transport, l'enveloppe pour les routes ne croît pas dans les mêmes proportions ; elle augmente tout de même de plus de 30 %.
La croissance de l'activité des entreprises du bâtiment et des travaux publics sera, en 1999 et en l'an 2000, supérieure à celle de l'économie française. Après les 30 000 créations nettes d'emplois en 1999, le bâtiment continuera à embaucher. En effet, on s'attend à la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois l'an prochain. Les travaux publics retrouvent le chemin de la croissance après plusieurs années particulièrement difficiles.
Certes, il reste beaucoup à faire, et on connaît le drame que représentent les 2 600 000 chômeurs ; mais cette relance de l'activité, y compris dans les transports, génère des situations nouvelles. Ainsi, à la suite de la signature d'un accord signé par les partenaires sociaux, la SNCF connaîtra dans les trois ans, pour la première fois depuis plusieurs décennies, un solde positif de ses effectifs, avec l'embauche de 25 000 cheminots.
Mme Hélène Luc. C'est un événement !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. L'application des 35 heures se traduira par des milliers de créations d'emplois à Air France, alors que l'on avait dénombré 9 000 suppressions d'emplois entre 1993 et 1997. Cela permettra à la compagnie nationale d'accompagner sa démarche de conquête et de reconquête des marchés après les années difficiles qu'elle a connues.
Il en va de même dans les transports en commun. On assiste aujourd'hui à une relance de l'activité, y compris en région parisienne. Les moyens sont plus importants pour développer les transports collectifs. A la RATP, par exemple, nous avons, là encore, une croissance de l'activité et de l'emploi.
Mon ministère est celui de la vie quotidienne, c'est d'ailleurs ce qui fait tout son intérêt.
Ce rôle sera encore élargi - vous avez évoqué ce point, monsieur Vezinhet - dans le cadre de la préparation du projet de loi sur la rénovation et la solidarité urbaines, dont le titre n'est pas encore défini mais que certains appellent la LOVES, la loi d'orientation pour des villes plus équilibrées et plus solidaires. Ce texte, qui sera présenté prochainement au Parlement et que M. le Premier ministre m'a demandé de mener à bien pour le premier semestre de l'an prochain, est très important.
Dans quel esprit abordons-nous ces questions ?
Nous devons retrouver une vision globale de l'urbanisme, de l'habitat et des déplacements. Il faut mettre en place des outils et des procédures permettant de mener des politiques plus cohérentes, au lieu de politiques sectorielles qui s'ajoutent les unes aux autres, comme ce fut le cas dans les périodes passées. En effet, si ces politiques sectorielles ont obtenu des résultats, elles ont aussi généré de nombreuses complications et certains cloisonnement.
Dans le cadre de ce texte, s'agissant de la SNCF, nous proposerons un dispositif de transfert aux régions des services régionaux de transport de voyageurs, qui permettra de transformer la dynamique que nous constatons dans les régions en cours d'expérimentation et de faire le lien entre agglomération et ruralité, urbanisme et ruralité.
Toutes ces orientations devraient converger vers le mieux-être des hommes et des femmes. C'est le sens profond de notre engagement pour qu'un mieux-vivre se développe dans le logement, la ville, les territoires, les transports et l'environnement, car notre société l'exige à l'aube du troisième millénaire.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons devant nous de très grands chantiers à mener à bien. Le projet de budget de l'équipement, des transports et du logement que nous vous proposons pour l'an 2000 permettra d'avancer dans cette direction. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier MM. Pelletier et Bellanger, remplacé aujourd'hui par Mme Boyer, comme MM. Plancade et Bimbenet, qui, en qualité de rapporteurs, vous ont présenté les grandes orientations et les principaux chiffres du projet de budget du logement et de l'urbanisme pour 2000.
Comme chaque année, la qualité de leurs rapports et de leurs exposés me facilite la tâche et me permet de limiter mon propos à l'essentiel, tout en m'efforçant d'apporter des réponses à quelques questions qui m'ont été posées par les intervenants. J'ajoute que j'ai pris note de nombreuses de leurs suggestions, dont je remercie les auteurs, même si le temps qui m'est imparti ne me permettra pas de leur faire écho.
Comme vient de le dire M. Jean-Claude Gayssot, ce projet de budget montre que le logement et l'urbanisme restent bien une priorité centrale de l'action du Gouvernement, comme ils le sont depuis deux ans et demi, avec les nombreuses réformes de structure que nous avons menées à bien, et qui vont très au-delà des simples moyens budgétaires mis en place par les lois de finances successives, même si, bien sûr, celles-ci sont importantes.
Cette priorité s'est traduite notamment par l'ensemble des mesures mises en place en juillet dernier en faveur du logement social et des habitants, qu'il s'agisse des allégements très importants des charges financières des organismes d'HLM, du financement amélioré pour les nouvelles opérations avec le prêt locatif à usage social et du gel des loyers pour les années 2000 et 2001 en faveur des locataires du parc HLM, comme vient de le rappeler M. Gayssot. Priorité maintenue également à travers les instruments que nous avons mis en place en 1998, instruments pérennes destinés à prendre la suite de dispositifs qui avaient été voulus conjoncturels et, de ce fait, dont l'avenir n'était pas assuré. Je pense, notamment, au nouveau statut du bailleur privé, qui accorde à l'investisseur dans la pierre le bénéfice d'avantages fiscaux, mais en contrepartie d'engagements sociaux en direction du locataire, et c'est là que nous trouvons la légitimité du dispositif.
Sur ce sujet, monsieur Cornu, nous avons souhaité proposer des dispositifs simples, notamment dans les zonages, afin de garder une bonne lisibilité. Votre réflexion sur la définition des agglomérations ne manque pas de pertinence et mérite sûrement d'être approfondie, même s'il faut savoir que l'Institut national de la statistique et des études économiques est rattaché à un ministère qui est forcément très vigilant s'agissant des dépenses induites par des modifications d'appréciation de certaines situations urbaines.
S'agissant de la disparition de l'amortissement Périssol, vos regrets, monsieur le sénateur, s'adressent d'abord au gouvernement précédent. En effet, celui-ci avait proposé au Parlement de ne le mettre en place que pour deux ans. Le Gouvernement actuel, soucieux de soutenir la croissance, a pris la décision, que je crois sage, de le proroger huit mois, ce « tuilage » permettant au nouveau dispositif de se mettre en place complètement. Donc, le Gouvernement a plutôt la responsabilité de l'avoir prorogé que de l'avoir interrompu.
M. André Vezinhet. Qui se sent morveux se mouche !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Cela étant, vous savez très bien que le dispositif antérieur ouvrait les mêmes avantages fiscaux que le loyer soit de 120 francs le mètre carré, comme c'était le cas à Paris, ou de 40 francs le mètre carré, comme c'était le cas dans des petites villes.
Etait-il logique d'ouvrir droit à des avantages fiscaux alors que la rentabilité par le loyer était déjà largement assurée ? Bref, ce que nous souhaitions, c'était une autre logique. Elle a été mise en place. Nous pourrons y revenir.
Il me semble que les professionnels s'approprient ce dispositif. Cela nous donne à espérer qu'il fonctionnera bien.
J'indique à Mme Terrade que nous ne pourrons pas, avec ce système, avoir l'équivalent de réservations préfectorales. En effet, les investisseurs procèdent à des investissements quasi individuels. En revanche, avec le dispositif que M. Jean-Claude Gayssot et moi-même avons signé avec les collecteurs du 1 %, il y a maintenant possibilité d'intervention de ces derniers, en plein accord avec les partenaires sociaux, unanimes sur ce point.
En contrepartie, il y aura des réservations pour les salariés des entreprises cotisantes.
Ce dispositif s'installe de manière pérenne dans la politique globale du logement. Nous ne sommes absolument plus dans la logique et l'approche conjoncturelles que nous avons connues pendant de nombreuses années.
Vous avez évoqué les noms qui sont donnés aux différents dispositifs. Comme vous le savez, il n'y avait pas de « loi Périssol », il n'y a pas de « loi Besson ». Dans les deux cas, il y a un article de loi de finances. Si les professionnels recourent de manière habituelle à ce type d'appellations, c'est par commodité, pour faciliter leur communication. Je ne suis pour rien dans cette pratique, et je serais le premier à me réjouir si elle cessait. Vous savez que, là, nous sommes emportés dans une spirale et des développements difficilement maîtrisables.
Puisque j'évoquais les dispositifs pérennes, je veux, bien sûr, après le statut du bailleur privé, mentionner la rebudgétisation des coûts de l'accession sociale à la propriété, dont je me plais à souligner le caractère pérenne auprès des nombreux sénateurs qui s'inquiétaient de ce qui allait se passer après les deux années de prélèvement sur la collecte du 1 %. Je pense que vous vous en réjouirez tous.
Je veux mentionner la refondation de la politique d'emploi des fonds du « 1 % logement » réalisée par la convention du 3 août 1998, que Jean-Claude Gayssot et moi-même avons signée avec l'Union d'économie sociale du logement.
Elle permet tout à la fois de restituer aux financements « classiques » du 1 % les capacités qui lui étaient nécessaires pour poursuivre ses interventions classiques, pour retrouver toutes capacités d'action dans le domaine du logement locatif social et, enfin, pour s'adapter aux nouvelles conditions de vie et de logement des salariés compte tenu de la mobilité accrue que nous observons et de la nécessité de mettre en place des garanties plus étendues.
Il existe à cet égard de nouveaux produits. Une campagne de communication a été lancée voilà exactement un mois qui, selon nos informations, a rencontré un véritable écho, notamment auprès des jeunes, puisque, parmi ces nouveaux produits, figure le paiement de la caution que nombre d'entre eux n'arrivaient pas à réunir.
Comme vous l'avez souligné, le budget pour 2000 prolonge les efforts des deux budgets précédents. Je ne reprendrai pas les chiffres puisqu'ils ont été cités par les rapporteurs et repris à l'instant par M. Gayssot.
L'an dernier, nombreux avaient été ceux - notamment MM. Plancade, Cléach, Lassourd et Vezinhet - qui avaient exprimé une préoccupation forte relative au logement social. Ils avaient fait part d'inquiétudes que nous partagions quant à la capacité des différents acteurs à mobiliser les crédits de construction et de réhabilitation que l'Etat mettait à leur disposition.
Il est parfaitement vrai que, dans ce secteur du bâtiment et de l'immobilier, qui connaît actuellement une situation très favorable - et je remercie M. Pelletier de l'avoir rappelé d'emblée - le développement de l'offre HLM n'est pas à la hauteur de nos attentes ni des demandes de nos concitoyens.
On a enregistré environ 320 000 logements mis en chantier en 1999, 40 000 à 50 000 investissements dans le logement locatif privé, plus de 110 000 accessions à la propriété aidées par un prêt à taux zéro, mais seulement 51 500 nouveaux logements locatifs sociaux en 1998 et un nombre sans doute équivalent en 1999.
Certes - et c'est important -, l'acquisition-amélioration progresse de 20 % à la fin du mois d'octobre 1999 par rapport au même mois de 1998. Nous y voyons l'effet des mesures prises, notamment l'exonération de quinze ans de taxe foncière bâtie. Mais la construction neuve d'HLM reste insuffisante.
Dans ce budget 2000 et pour ce parc d'HLM, les dotations budgétaires pour financer les travaux de construction et de réhabilitation s'élèvent à 2 930 millions de francs.
Cette stabilité des moyens est cependant à replacer dans un contexte qui nous paraît créer les conditions de cette relance que nous attendons tous.
Il s'agit, d'abord, des baisses de charges de remboursements d'emprunts annoncées en deux étapes, le 23 avril, puis le 21 juillet dernier. Ces mesures vont représenter un allégement global de l'ordre de 45 milliards de francs, en cumulé sur la durée des prêts restant à rembourser, avec un effet dès le 1er janvier 2000 qui correspond à un allégement estimé à deux milliards de francs.
Il s'agit également de l'extension du bénéfice de la TVA à taux réduit à l'ensemble des travaux des organismes, y compris l'entretien courant. Cette seule baisse de TVA étendue à l'entretien courant représente 1,4 milliard de francs, dont une large part sera répercutée au bénéfice des locataires comme baisse des charges récupérables.
Il s'agit, enfin, pour les nouveaux prêts distribués, les prêts PLUS, les prêts locatifs à usage social, opérationnels depuis septembre, d'une amélioration sensible, du financement avec, à la fois, la baisse de leur taux, ramené à 3,45 %, et un allongement à cinquante ans de la durée de remboursement des prêts relatifs à l'achat du foncier ou de l'immeuble dans le cas d'acquisition-amélioration, ce qui vient, bien sûr, en réduire la charge.
J'ajoute que le retour de l'aide à la pierre, associé à des dispositions tendant à favoriser une meilleure mixité sociale, aidera à la diversification du peuplement, programme par programme, dès leur mise en service. Vous constatez que, sur ce point, nombre de vos suggestions, mesdames, messieurs les sénateurs, ont été prises en compte.
Plusieurs d'entre vous ont soulevé le problème de l'accessibilité de ce prêt PLUS aux communes. Sachez qu'un décret élargissant aux opérations des communes le champ du prêt locatif à usage social à l'occasion de l'acquisition-amélioration a été préparé par le secrétariat d'Etat au logement et va être incessamment soumis à la discussion interministérielle.
Cet élargissement devrait trouver sa pleine application, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs - tout particulièrement M. Joly qui y insistait voilà un instant - dans les zones rurales, et contribuer à la vitalité des centres-bourgs.
Ces mesures nous ont conduits, vous le savez, à demander un effort au profit des locataires, avec le gel des loyers sur les deux prochaines années, que l'Union des fédérations des organismes HLM s'est engagée à mettre en oeuvre.
Nous avons pensé, en effet, qu'il ne serait pas normal que les locataires ne puissent bénéficier, eux aussi, des conséquences positives de la baisse des taux d'intérêt. Nous avons adressé sur ce point, madame Terrade, une circulaire très précise aux préfets les invitant à suivre la bonne mise en oeuvre de cette mesure et à nous en rendre compte.
Ce contexte nous permet également de savoir que ces organismes vont bénéficier de capacités financières accrues, de même que les partenaires du 1 %, pour relancer la construction du logement social, dont je confirme qu'elle est bien notre priorité, comme elle est la vôtre.
Pour ce qui nous concerne, nous pensons avoir levé les obstacles, notamment financiers, qui nous avaient été opposés pour expliquer, à défaut de justifier, l'insuffisance de la construction d'HLM. Il reste dans bien des cas à mobiliser la volonté politique.
Du côté de l'Etat, vous en trouverez la trace dans le projet de loi qui vous sera présenté dans quelques mois et qui proposera de renforcer les dispositifs de la loi d'orientation sur la ville, dont le bilan, j'en suis d'accord avec M. Vezinhet, est insuffisant.
Bien évidemment, le logement des personnes les plus démunies est une préoccupation prioritaire, qui a trouvé sa traduction dans le volet « logement » de la loi relative à la lutte contre les exclusions.
La quasi-totalité des dispositions de cette loi est aujourd'hui opérationnelle, même si je vous concède, monsieur Bimbenet, que les choses bougent sans doute plus lentement sur le terrain. A ce jour, dix-sept décrets, cinq arrêtés et neuf circulaires sont parus. Vous avez pu l'observer, de nombreuses mesures de cette loi trouvent une traduction budgétaire, déjà présente dans le budget pour 1999, elle est renforcée dans ce projet de loi de finances.
C'est notamment le cas des Fonds de solidarité pour le logement, les FSL, qui ont quasiment doublé en trois ans, passant de 270 millions de francs à 507 millions de francs en 2000. Je vous remercie, madame Terrade, d'avoir bien voulu noter que la complète utilisation de ces moyens témoigne de leur caractère nécessaire.
C'est aussi le cas de la lutte contre le saturnisme, que vous avez évoquée. A ce propos, M. le rapporteur spécial m'a interrogé sur l'inscription de ces crédits sur le titre III. Je suis heureux de lui annoncer que cette disposition a fait l'objet d'un accord du contrôle financier. Elle ne posera pas de problèmes car les travaux considérés sont assimilables à de l'entretien léger.
C'est également le cas de la nouvelle aide à la médiation locative. Les conventions par lesquelles elle se met en place sont progressivement signées dans les départements.
Monsieur Cléach, concernant le logement des plus défavorisés, nous avons lancé dernièrement un plan de développement des résidences sociales, qui constituent une réponse intermédiaire entre l'hébergement d'urgence pour quelques jours et la réinsertion dans un logement de droit commun. Il s'agit là de relancer une circulaire de 1995 qui me semble bien répondre à vos observations.
Quant aux aides personnelles au logement, elles seront à nouveau actualisées au 1er juillet prochain, comme vient de le confirmer M. Gayssot. En dépit de l'évolution des sommes inscrites, dont la comparaison de loi de finances initiale à loi de finances initiale peut il est vrai, donner l'impression qu'elles sont en légère baisse, les crédits inscrits pour l'an 2000 seront supérieurs à ce qui sera effectivement consommé en 1999.
Par ailleurs, nous avons lancé, à la demande du Premier ministre, lors de la conférence de la famille du 7 juillet dernier, un vaste chantier de réforme de ces aides au logement que vous appelez tous de vos voeux, dans le sens d'une plus grande justice, d'une simplification des barèmes et d'un meilleur encouragement à la reprise d'une activité professionnelle, ainsi que le souhaitait M. Pelletier. C'est bien le sens que nous donnons aux travaux qui sont conduits.
Sur le calendrier, madame Terrade, le Premier ministre nous a demandé de lui soumettre des propositions pour la prochaine conférence de la famille. Cette dernière se tenant toujours avant l'été, nous les formulerons dans les prochains mois.
Le projet de loi sur l'accueil des gens du voyage, qui a été voté en première lecture par l'Assemblée nationale et que vous examinerez bientôt, a permis l'intégration de quelques éléments financiers dès cette loi de finances : notamment 50 millions de francs pour faire face au doublement de la subvention de l'Etat aux investissements, qui passe de 35 % à 70 %, et 25 millions de francs pour l'aide au fonctionnement des aires existantes.
Contrairement à ce qui a pu parfois être dit, le parc privé n'est nullement sacrifié.
Comme M. Vezinhet l'a fort bien fait observer, non seulement les moyens sont maintenus, mais la baisse de la TVA de 20,6 % à 5,5 % a été, non pas un prétexte à diminuer les subventions, mais un moyen d'aider intégralement de facto le parc privé.
Je voudrais confirmer à M. le rapporteur spécial, M. Pelletier, que, quelle que soit son appellation définitive, le projet de loi « urbanisme, habitat et déplacements » proposera de regrouper au sein d'une ANAH reconfigurée, élargie, la gestion des aides à l'habitat privé, dans un souci d'harmonisation particulièrement souhaitable dans le cas des copropriétés, notamment des copropriétés dégradées.
Je confirme sur ce point à M. Vezinhet que le même texte consacrera des dispositions allant dans le sens des suggestions qu'il a formulées.
S'agissant du prêt à taux zéro, vous avez toutes les données ; je n'y reviens donc pas. Sont confirmées les mêmes possibilités de financement que les deux dernières années.
M. le rapporteur spécial se demande cependant si les crédits pour 2000 seront suffisants. Bien évidemment, personne ne peut prévoir avec exactitude l'évolution des taux d'intérêt l'an prochain. Je peux cependant lui dire que nous avons pu observer des effets contraires de variation des taux : quand les taux baissent, le coût de chaque prêt diminue, mais le nombre d'accédants qui en bénéficient augmente ; s'ils venaient à remonter - ce que nous ne souhaitons pas - il est probable qu'un certain nombre d'acheteurs potentiels seraient amenés à renoncer à leur projet, car, je le rappelle, le prêt à taux zéro ne peut financer que 20 % maximum du prix de l'acquisition. Cet effet en limiterait, bien sûr, l'impact budgétaire.
Dans le même mouvement, les différents rapporteurs m'invitent tous à élargir le champ du prêt à taux zéro dans l'ancien. L'idée est évidemment intéressante.
L'expérience de 1996 a eu un coût, je l'indique, de 1,3 milliard de francs ; la reprendre aurait donc nécessité de dégager des moyens d'un même montant. Par ailleurs, vous le savez - M. Plancade l'a souligné - la baisse de la TVA aura l'effet d'une aide sensiblement équivalente.
J'ajoute, s'agissant de l'accession dans l'ancien, que la baisse des droits de mutation vient, bien évidemment, alléger le coût des opérations.
Je dirai quelques mots, enfin, sur les interventions en matière d'urbanisme. Nous souhaitons poursuivre, en 2000, le développement des grandes opérations d'aménagement et d'urbanisme, telles que Euroméditerranée à Marseille, et y ajouter les nouveaux projets de la Plaine de France, pour laquelle une mission de préfiguration a été mise en place, et de Nanterre, sur l'axe qui va de la Grande Arche à la Seine.
Par ailleurs, nous accompagnons la phase de retour progressif au droit commun des villes nouvelles. Nous maintenons également notre aide aux agences d'urbanisme, avec une dotation de 58 millions de francs, et aux professions de l'aménagement.
Dans ce domaine décentralisé, c'est sans doute moins par des crédits budgétaires que par la fixation du cadre juridique et réglementaire au sein duquel les collectivités agissent qu'intervient l'Etat.
Ce sera l'un des volets importants du projet de loi sur l'habitat, l'urbanisme et les déplacements, que j'ai déjà cité, projet auquel nous travaillons avec Jean-Claude Gayssot et qui vous sera présenté au début de l'année prochaine, illustrant la volonté du Gouvernement de dégager les moyens en faveur du renouvellement urbain, dont la nécessité a été soulignée par M. Cléach.
Madame Boyer, vous pourrez confirmer à M. Bellanger que les textes qu'il attend avancent. Deux décrets relatifs à la zone des cinquante pas géométriques dans les DOM sont en instance de parution. En ce qui concerne les DTA, leur élaboration n'a commencé en 1995 que pour la première ; d'autres ont été décidées ensuite, mais il est vrai que le cheminement est lent. Enfin, la loi que je viens d'évoquer devrait donner satisfaction à M. Bellanger sur la relance des schémas directeurs, à travers une mise en cohérence d'outils aujourd'hui séparés, sur le rôle des cartes communales, qu'a évoqué M. Arnaud, particulièrement dans les petites communes rurales, sujet de préoccupation de MM. Bimbenet et Joly, ainsi que sur le renforcement de la sécurité juridique des documents d'urbanisme.
Mais le projet de budget du logement pour 2000, ce ne sont pas seulement des dépenses, ce sont aussi des allégements considérables de la fiscalité du logement et de l'immobilier,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... sur lesquels je reviendrai brièvement, même si je vous en ai fait part au fil de mon propos, pour que vous mesuriez leur cohérence avec les dépenses budgétaires, et même si vous les avez déjà, pour la plupart, votés en première partie de cette loi de finances.
Depuis trop longtemps, dans notre pays, on constate une forte imposition du logement. Or, celui-ci est devenu le premier poste de dépenses dans le budget des ménages au cours des dernières années.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Evidemment, l'immobilier est facile à taxer, puisqu'il ne peut pas être dissimulé et qu'il n'est pas mobile, comme d'autres formes de placement. C'était donc peut-être trop tentant.
Il fallait, en tout cas, revoir cette situation, et c'est bien ce qui est fait, au travers de ce projet de budget, avec la profonde inflexion qui vous est proposée.
Je reviendrai d'un mot sur le droit de bail. Sa suppression, à laquelle Jean-Claude Gayssot a apporté toute sa détermination, est une véritable petite révolution. Vous savez en effet que les droits de ce type existent dans notre pays depuis une loi du 22 primaire an VII, c'est-à-dire depuis novembre 1798, ce qui explique sans doute que plus personne ne sache très bien à quoi cela correspondait ni par quoi cela se justifiait.
Cette suppression va se traduire, pour la première fois, par une baisse des quittances des locataires dans le parc d'HLM, puisqu'elle s'ajoutera au gel des loyers. J'appelle votre attention sur le fait qu'il s'agit de 2,5 % du loyer brut, ce qui veut dire que, pour les locataires les plus modestes, dont le loyer réel est minoré, grâce, par exemple, à l'APL, ce sera beaucoup plus : 10 %, 12 %, voire 15 % pour certains. L'effet sera donc très sensible dès la première quittance de l'an 2000.
Globalement, sur deux ans, ce sont 7 milliards de francs que l'Etat renonce à percevoir pour son budget.
La baisse du taux de TVA sur les travaux d'amélioration, d'aménagement et d'entretien des logements a été suffisamment commentée pour que je n'y revienne pas, si ce n'est pour confirmer que le Gouvernement vient d'annoncer des mesures de simplification pour l'application de la disposition : dans les cas où plus de 50 % de la copropriété est affectée au logement, il n'y a plus d'hésitation sur le calcul de la TVA applicable aux parties communes. L'affaire était en effet un peu complexe là où il y avait non seulement des logements mais aussi des locaux professionnels ou commerciaux.
Nous attendons, bien sûr, de cette mesure, outre les 20 milliards de francs d'allégement fiscal qu'elle entraîne une diminution du travail clandestin et une relance de l'emploi dans le secteur, dont la bonne santé actuelle ne doit pas faiblir dans la durée.
Cet effet sur l'emploi sera d'ailleurs démultiplié au-delà des entreprises du bâtiment, en particulier pour les entreprises industrielles de production qui fournissent ces dernières en matériaux divers. Sur ce sujet comme sur d'autres, les mesures prises ont une vocation pérenne ; elles ne participent plus de cette logique de mesures conjoncturelles longtemps suivie dans le passé.
Nous serons vigilants, monsieur Plancade, à la bonne répercussion de cette mesure au bénéfice des ménages. Je crois cependant que les professionnels du secteur, en l'occurrence les dirigeant de leurs organisations nationales, ont compris quil était de leur propre intérêt que cette expérimentation réussisse s'ils voulaient qu'elle devienne définitive dans trois ans, avec l'acquiescement de Bruxelles.
Les premières constatations du ministère de l'économie et des finances, rendues publiques à l'occasion de la parution de l'indice des prix du mois d'octobre dernier, vont dans le bon sens, puisqu'une large majorité des entreprises, exactement 92 % d'entre elles, appliquent bien la baisse des prix TTC.
Le projet de loi de finances pour 2000 étend aussi - c'est important pour le secteur locatif privé - le régime simplifié d'imposition des revenus fonciers appelé « microfoncier », institué par la loi de finances de 1999. Il s'agit d'une des nombreuses mesures fiscales de simplification que compte ce budget, et qui profitera aux petits propriétaires. L'abattement forfaitaire est porté de 30 % à 40 % et le plafond d'application de ce régime « microfoncier » est doublé, passant de 30 000 francs à 60 000 francs, ce qui fait qu'il couvre tous les loyers perçus inférieurs à 5 000 francs par mois. Inutile de dire que l'immense majorité des bailleurs privés sont concernés !
Le mouvement de baisse des droits de mutation, appelés improprement « frais de notaire », se poursuit, comme vous le savez. Nous sommes désormais, avec 4,8 % dans tous les départements, dans la moyenne européenne. Nous ne doutons pas que la fluidité du marché immobilier et la mobilité géographique des Français en seront facilitées.
Enfin, le projet de budget pour 2000 prévoit également, dans son article 61, que vous n'avez pas encore examiné, un report de six mois de la date limite d'achèvement des travaux pour les chantiers engagés sous l'ancien régime d'amortissement. Cela devrait permettre d'éviter des tensions pour les entreprises du bâtiment d'ici à la fin de l'an 2000, notamment sur le second oeuvre, tensions que l'on commençait à observer avec le grand nombre de mises en chantier actuel et qui se produisaient d'ailleurs souvent au détriment des prix de la construction de logements sociaux.
Au total, vous le voyez, ce projet de budget pour 2000 poursuit la rénovation globale de la politique du logement à laquelle nous travaillons depuis un peu plus de deux ans maintenant avec Jean-Claude Gayssot et que nous souhaitons, bien entendu, consolider et prolonger avec l'aide du Parlement.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos propos d'encouragement et, par avance, de l'approbation que vous voudrez bien apporter à ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme et MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs, l'urbanisme et le logement, inscrits à la ligne « Equipement, transport et logement », seront mis aux voix aujourd'hui, à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 201 471 218 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir brièvement sur les crédits de l'équipement et sur la supression programmée de 385 postes, donts 154 emplois titulaires.
J'ai bien entendu, monsieur le ministre, l'appréciation qu'il convient de porter sur cette réduction de personnel au regard de l'évolution des effectifs, en régression constante depuis plusieurs années au rythme annuel de 1 000 postes.
Si nous apprécions à leur juste mesure les efforts que vous consentez pour infléchir cette tendance, amorcée depuis 1983 et aggravée par les gouvernements de droite, en particulier par le dernier, il me semble cependant important d'attirer votre attention sur les inquiétudes qu'elle suscite, tant chez les usagers et les élus que chez les salariés.
Chacun d'entre nous a pu parcourir une récente étude, menée auprès de plus de 2 000 communes, qui fait apparaître clairement, d'une part, la satisfaction manifeste du service public de l'équipement, apprécié pour ses compétences techniques et administratives, sa connaissance du territoire, sa disponibilité et la régularité de ses délais d'intervention, et, d'autre part, les fortes attentes émanant des maires, notamment des élus ruraux, qui constatent les effets de la baisse des moyens et des effectifs, tout en souhaitant toutefois, ce qui est rassurant, rester fidèles aux services de l'équipement plutôt que de confier telle ou telle intervention à un opérateur privé.
Il s'est avéré, en effet, que, globalement, les demandes adressées aux services déconcentrés de l'équipement, étaient de plus en plus nombreuses et de plus en plus exigeantes et que, par ailleurs, la capacité d'y répondre stagnait, voire régressait, faute de personnel dans les DDE.
J'ai moi-même rencontré les principales organisations représentatives des personnels de l'équipement. Si elles reconnaissent les améliorations au niveau du traitement salarial, elles craignent de voir le bon exercice de leurs missions compromis par les suppressions de postes.
Loin de défendre je ne sais quel intérêt corporatiste, il s'agit, pour ces personnels, de disposer de façon durable de moyens à même d'assurer la sécurité des routes et des voies navigables, mais également d'améliorer la fluidité du trafic.
Dans le département du Nord, on a fait état de plusieurs accidents graves sur le domaine des voies navigables, qui, semble-t-il, auraient pu être évités avec la présence d'agents relevant des services de l'équipement.
Aussi est-il difficile d'accepter que la suppression de près de 400 emplois remette en cause la qualité et la continuité des missions exercées au plus près du terrain.
Enfin, notre groupe souhaite vivement, monsieur le ministre, que dans la prochaine loi de finances soit envisagée une stabilisation, voire une création nette, des emplois dans un secteur qui concerne la vie quotidienne de tous les citoyens et qui vient de faire, après d'autres occasions, la démonstration de sa compétence et de son dévouement à la cause publique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, j'ai exposé dans mon propos l'opinion du membre du Gouvernement que je suis sur cette situation. Comme vous, je considère que la qualité, tant de l'activité des agents de l'équipement que des services rendus pour l'entretien, l'exploitation et la sécurité est absolument indéniable et reconnue.
L'évolution depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement est, comme vous l'avez noté, assez significative : en effet, dans ce ministère, la réduction des effectifs est six fois moindre que ce qu'elle était depuis plusieurs années. Les choses vont donc plutôt dans le bon sens.
Par ailleurs, j'ai annoncé que, dans la vingtaine de départements particulièrement concernés par la viabilité hivernale ou sinistrés par les inondations, les effectifs affectés à l'entretien et à l'exploitation qui ont déjà été particulièrement touchés par des réductions ne seraient pas diminués.
J'ai bien noté votre intervention, monsieur le sénateur. Je me souviens d'ailleurs que, l'année dernière, vous étiez également intervenu avec force sur ce sujet. (Sourires.)
Vous pouvez déjà constater l'effort fait par le Gouvernement. Soyez assuré que je m'emploierai à traduire dans les prochains budgets cette évolution différente par rapport à ce qui prévalait au cours des décennies antérieures.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 566 390 791 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 8 623 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 4 153 330 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 15 059 753 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 626 678 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services communs, l'urbanisme et le logement.

5

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Philippe Lachenaud pour siéger, en qualité de membre suppléant, au sein du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

6

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.



Equipement, transports et logement
(suite)

M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement.

III. - TRANSPORTS
1. Transports terrestres
2. Routes
3. Sécurité routière

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière.
La parole est à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens de paiement demandés pour les transports terrestres atteignent 45,3 milliards de francs en 2000 et sont stables par rapport aux crédits votés en 1999. Ils représentent toutefois une part croissante des crédits des transports, en raison de la forte diminution des crédits pour les routes.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 97,5 % des crédits des transports terrestres, sont pratiquement stables.
Les dépenses en capital, très minoritaires dans le budget, augmentent du fait de la rebudgétisation du fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France.
Le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est donc un budget de continuité.
Certes, les crédits budgétaires ne retracent pas l'ensemble de l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres. Il faut leur ajouter 2,8 milliards de francs du fonds d'investissement du transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui est un compte spécial du Trésor, et surtout la dotation en capital de 12 milliards de francs à Réseau ferré de France, RFF, prélevée sur les recettes de privatisation.
Mais, au total, l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres s'élèvera à 60,1 milliards de francs pour 2000, soit une légère diminution par rapport à 1999.
Vous nous annoncez que les contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006, en cours de négociation, donneront la priorité au réseau ferroviaire. Nous voulons bien le croire mais, pour l'instant, le budget pour 2000 n'est pas à la hauteur de ces annonces.
Par ailleurs, des inquiétudes se sont manifestées sur la pérennité du FITTVN.
Dans son rapport sur l'exécution du budget de 1998, la Cour des comptes est très critique sur le fonctionnement de ce compte spécial du Trésor. Elle observe, par exemple, que le compte finance des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'action du fonds, tel que défini par le législateur, à savoir « la réalisation d'infrastructures fluviales, ferroviaires, de transport combiné et de routes ».
Je ne parlerai pas des virulentes critiques du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle menée par l'Assemblée nationale, qui va jusqu'à proposer de supprimer ce fonds.
Monsieur le ministre, vous savez que ce fonds, créé par l'article 37 de la loi d'aménagement du territoire de 1995, répond à un besoin essentiel, à savoir le développement de nouvelles infrastructures. Toutefois, ce fonds a été détourné de son objet et vise désormais à compenser les défaillances du budget des transports terrestres.
Je voudrais donc, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez précisément quelles sont vos intentions concernant la pérennité et l'emploi de ce fonds.
J'en viens à la SNCF, dont l'avenir, deux ans après l'importante réforme qui lui avait permis de se redresser, suscite des inquiétudes. Ces dernières sont de deux ordres : d'une part, il s'agit de la capacité de la SNCF à parvenir à retrouver un équilibre d'exploitation, et donc à maîtriser son endettement ; d'autre part, il s'agit des menaces sur la compétitivité de l'entreprise.
L'année 1998 a été apparemment marquée par une amélioration de la situation courante de l'entreprise. Le résultat net de l'exercice s'est en effet amélioré. Pour 1999, la SNCF prévoit un résultat net positif.
Le bon résultat d'exploitation de la SNCF, en 1998, s'explique par des efforts en faveur de la clientèle et les effets de la Coupe du monde de football. Cependant, cette amélioration s'explique entièrement par la progression du trafic TGV et des lignes internationales, alors que la fréquentation des trains rapides nationaux diminue, ce qui traduit un important déséquilibre dans les performances de la SNCF.
De plus, les charges pesant sur la SNCF se sont accrues en 1999. Les barèmes des redevances d'infrastructures versées par la SNCF à RFF ont été relevés. Le nouveau barème conduit à un montant prévisionnel de redevances de près de 10 milliards de francs, contre 6 milliards de francs auparavant.
Le ministère fait savoir que « l'Etat s'est engagé à garantir à la SNCF des concours supplémentaires pour l'aider à faire face à ces augmentations sans compromettre son équilibre ». Or le Gouvernement fait peser de nouvelles charges sur la SNCF, alors même que son redressement n'est pas assuré.
Pour l'avenir, le développement de la SNCF semble en effet bridé par plusieurs éléments.
Tout d'abord, les difficultés persistantes de l'entreprise dans sa gestion du dialogue social pourraient continuer à grever le résultat de la SNCF. En effet, la SNCF a enregistré 180 000 jours de travail perdus en 1998, ce qui représente 40 % des jours de grève au niveau national. On peut rappeler, à ce sujet, que, le 11 février dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et les entreprises publics.
Ensuite, un accord national a été signé le 7 juin 1999 sur l'application des 35 heures. Son coût pourrait être de l'ordre de 1,5 milliard de francs pour l'entreprise. La conséquence directe des 35 heures sera un retour à la hausse du nombre d'agents de la SNCF, après plusieurs années d'effort de compression des effectifs.
Vous vous êtes félicité, monsieur le ministre, de constater que la SNCF sera la seule entreprise ferroviaire européenne à voir ses effectifs progresser dans les années à venir. Il y aura ainsi 6 000 créations d'emplois. Il n'est pas certain que cette « performance » facilite le développement de la SNCF, dans un contexte d'ouverture européenne.
En effet, en matière de fret ferroviaire et de transport combiné, deux éléments clefs pour l'avenir de la SNCF en Europe, les résultats de l'entreprise et les moyens budgétaires ne sont pas à la hauteur des déclarations du Gouvernement.
Des mesures ont été prises en 1998 et en 1999 pour ouvrir le réseau ferroviaire français à l'Europe. Un décret permet désormais aux entreprises ferroviaires d'accéder au réseau ferré national. Un corridor de fret Est-Ouest a également été ouvert en 1999.
Dans ce contexte d'ouverture, la SNCF risque de ne pas être prête pour faire face au défi européen dans les années à venir.
Le transport de fret a en effet légèrement reculé en 1998, année de croissance soutenue, en raison d'une tension sur les moyens de production qui entraîne une dégradation de la qualité du service. L'activité fret recule encore de 4,7 % au premier semestre 1999. Alors que l'activité économique et les échanges sont à un point exceptionnellement haut, il n'est pas normal que la SNCF enregistre d'aussi mauvaises performances.
Aujourd'hui, l'objectif de doublement du trafic fret d'ici à 2010 est inaccessible. Seule la réalisation d'infrastructures importantes, comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat, permettrait de répondre à cet objectif.
Or les moyens d'investissement en faveur du transport combiné sont dérisoires : les dotations du FITTVN au transport combiné représentent seulement 120 millions de francs pour des chantiers de transport combiné.
J'en viens maintenant à l'expérience de régionalisation des transports de voyageurs.
Cette expérimentation confirme son succès. Le trafic régional progresse deux fois plus vite dans les sept régions volontaires que dans les autres régions.
Sur l'initiative du Sénat, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 a prolongé l'expérimentation jusqu'au 31 décembre 2001.
Devant notre commission, monsieur le ministre, vous avez annoncé que le transfert de compétence aux régions en matière de transport de voyageurs « devrait être intégré » dans le projet de loi « Urbanisme, habitat et déplacement ». Je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur ce point, par exemple sur les délais que vous estimez nécessaires pour la généralisation du transfert de compétence, les moyens transférés et la réversibilité du dispositif.
Enfin, j'aborderai deux derniers sujets : les transports en Ile-de-France et le transport fluvial.
Pour 2000, la contribution de l'Etat au fonctionnement des transports en Ile-de-France régressera de 3,9 %. L'Etat profite ainsi de l'augmentation des contributions des usagers et de la part employeurs ainsi que de la hausse du trafic, qui permet l'amélioration des recettes commerciales.
En matière d'investissement, les dotations de l'Etat serviront, au moins en partie, à la poursuite des opérations du XIe Plan avant d'être consacrées aux opérations du XIIe Plan, qui restent à préciser.
Pour la première fois, en 2000, la contribution de l'Etat sera versée directement au syndicat des transports parisiens, qui conclura des contrats avec les entreprises comprenant des engagements sur le niveau du service rendu. Je salue cette opération de contractualisation, mais il conviendra d'être vigilant sur sa mise en oeuvre.
Pour conclure, je rappellerai que la dotation destinée aux voies fluviales pour 2000, soit 500 millions de francs, bien qu'en progression, est à peine suffisante pour maintenir le réseau en l'état.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. En matière de grands projets, la priorité a été clairement donnée au projet Seine-Nord. Vous avez confié début 1999 au conseil général des ponts et chaussées une mission d'évaluation du projet et de proposition d'un scénario d'aménagement. Il importe que ces études aillent vite et qu'enfin un plan de financement puisse être établi. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Berchet, rapporteur pour avis.
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des transports terrestres pour 2000 s'inscrit dans un contexte résolument européen, et je n'évoquerai que les problèmes d'actualité.
En ce qui concerne la SNCF, vous trouverez tous les éléments chiffrés dans mon rapport écrit.
L'expérimentation des services régionaux de voyageurs dans sept régions volontaires devrait, sauf décision contraire, s'achever en 1999. Le Limousin n'en aura pas longtemps bénéficié...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est reporté !
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis. Il semblerait, monsieur le ministre, que vous envisagiez de généraliser et de pérenniser cette régionalisation. Mais ne pensez-vous pas qu'il conviendrait de dresser préalablement un bilan en tenant compte des densités démographiques, fort variables, et de la répartition géographique des agglomérations desservies ?
En effet, les régions volontaires présentent, à n'en pas douter, des caractéristiques favorables à ce type d'expérimentation, et les résultats devraient être largement pondérés.
Les trafics voyageurs et marchandises évoluent positivement. L'activité fret s'est stabilisée à plus 0,1 % en raison des mouvements sociaux survenus en fin d'année 1998. Le trafic combiné représente aujourd'hui plus de 25 % du trafic fret de la SNCF.
Monsieur le ministre, vous auriez retenu l'objectif de doubler en dix ans le trafic fret ferroviaire. C'est une très belle perspective, dont nous souhaitons la réussite.
La SNCF s'apprêterait à se lancer dans un véritable programme de reconquête du fret. Des décisions devraient être incessamment rendues publiques. Qu'en sera-t-il ?
Le Conseil européen du 6 octobre dernier a décidé la mise en place d'un « réseau européen de fret ferroviaire » qui devrait employer toutes les lignes de fret appropriées ainsi que l'accès aux principaux terminaux et ports. Déjà, plus de la moitié du trafic fret en France est international.
Le tragique accident du tunnel du Mont-Blanc du 24 mars 1999 et l'incendie, le 9 octobre dernier, d'un poids lourd transportant des matières radioactives - américium - sur l'autoroute A 31, près de Langres, en Haute-Marne, ont jeté le trouble dans l'opinion en démontrant une lacune manifeste dans la législation sur les transports à risque.
Or, 600 000 détecteurs de fumée contenant de l'américium sont vendus chaque année en France. Il est permis de se demander si les conditions de transport des matières radioactives et des produits chimiques sont toujours bien connues, définies, autorisées et coordonnées. On peut parfois en douter !
Le développement du fret ferroviaire et la mise en place de corridors concourent à une plus grande sécurité sur les routes et sous les tunnels.
Il convient de souligner la décision que vous avez prise, monsieur le ministre, en ce qui concerne la mise en sécurité du transport sous les tunnels routiers et ferroviaires. N'est-il pas à craindre que le crédit réservé à cet effet - 2 milliards de francs, je crois - soit insuffisant pour la mise en oeuvre rapide de cette mesure ? RFF pourra-t-il intégrer ce crédit dans son programme d'investissement, sans procéder à des restrictions dans d'autres domaines ?
La Commission des Communautés européennes a introduit dans son livre blanc, en juillet 1996, la notion de « corridor de fret ». Il s'agit d'un ensemble de sillons construits d'un commun accord et permettant une circulation transfrontalière continue et performante des trains de fret sur un axe international.
Il existe actuellement un seul corridor de fret passant par la France. Il a été dénommé « Belifret » et passe par un axe nord-sud reliant Anvers à Milan. Il dessert notamment Luxembourg et Lyon. Cet axe connaît une montée en puissance de son trafic.
Un second corridor est-ouest est en cours de négociation.
En ce qui concerne le réseau à grande vitesse, mon rapport écrit en détaille les perspectives de développement.
Votre rapporteur se permet de relever avec satisfaction que vous avez bien voulu, monsieur le ministre, affirmer la vocation internationale de la ligne Paris-Bâle en retenant le principe de son électrification rapide ou prochaine, ainsi que nous vous l'avions suggéré.
Les études de financement sont en cours, et une participation de l'Etat de 25 % du montant des travaux est attendue.
La liaison Dijon-Calais, par laquelle transite le fret transManche-Méditerranée, devrait également être électrifiée. Elle constitue la colonne vertébrable de la Haute-Marne et un vecteur économique qui irrigue les sites industriels de la vallée de la Marne ainsi que la plate-forme multimodale de Chalindrey, inscrite au contrat de plan.
Ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, d'évoquer, en matière d'électrification, la suppression du monopole d'EDF et l'inscription dans la loi de la SNCF et de RFF en tant que « clients éligibles » ? Cela ne conduira-t-il pas ces deux établissements à lancer un appel d'offres international pour la fourniture d'énergie à un coût le plus avantageux possible ?
Ne serait-il pas hautement souhaitable que RFF procède très rapidement - plus rapidement qu'à l'heure actuelle - à la réalisation des actifs immobiliers déclassés, afin de ne pas laisser sa dette s'accroître ?
Monsieur le ministre, soucieux d'harmoniser les actions de la SNCF et de RFF, vous avez eu la sagesse de les faire « chapeauter » par le conseil supérieur du service public ferroviaire, présidé par M. Jean-Jacques Filleul. L'unicité des transports ferroviaires est ainsi préservée. Ils peuvent maintenant s'ouvrir vers l'Europe et s'intégrer au réseau international sans problème d'interopérabilité.
J'en viens à la RATP.
L'évolution du trafic est globalement positive. De nouvelles lignes ont été mises en service, notamment Météor, et la modernisation des équipements - wagons, tractions et autos - se poursuit. Tous les détails figurent dans mon rapport écrit.
Quant aux conflits collectifs, signalons une fois encore que, grâce à la compréhension de M. le président de la RATP et des syndicats, dès l'apparition des tensions - et avant que la grève soit déclenchée - s'ouvre une période de discussions préalables permettant de résoudre les problèmes.
Cette procédure « d'alarme sociale » paraît avoir démontré son efficacité : le nombre de jours de travail perdus pour fait de grève est en diminution.
Enfin, en ce qui concerne les aides de l'Etat aux transports collectifs en zone rurale et en zone urbaine, il convient de se référer à mon rapport écrit.
La commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des transports terrestres dans le projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des routes pour 2000 se caractérise par une diminution de 9,5 % des crédits de paiement, ce qui les porte à 6,4 milliards de francs, mais aussi par une progression de 7,1 % des moyens d'engagement, qui atteignent 7,1 milliards de francs.
Ces crédits sont complétés par ceux du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, dont les dotations destinées aux routes diminueront de 3,9 % pour 2000, pour s'établir à 1,5 milliard de francs.
Au total, même après la prise en compte des dotations du FITTVN, les crédits destinés aux routes sont en repli pour 2000. Ce repli s'explique en partie par la transition entre l'achèvement du XIe Plan et le commencement du XIIe Plan. Les moyens d'engagement, qui traduisent le lancement de programmes nouveaux pour les années à venir, sont en effet en nette augmentation.
J'en viens maintenant à mes principales observations sur le budget des routes.
Première observation : l'an 2000 sera une année de transition avec la première mise en oeuvre des nouveaux contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006.
Le XIe Plan, élaboré pour la période 1994-1998 et prolongé jusqu'à la fin 1999, prévoyait une enveloppe globale de 65,4 milliards de francs pour les routes, dont 27,4 milliards de francs à la charge de l'Etat, hors investissements concernant l'exploitation routière.
Au 31 décembre 1999, ce programme aura été réalisé à 82,7 %, c'est-à-dire que la part « Etat » aura représenté environ 23 milliards de francs contre 27,4 milliards de francs prévus initialement.
Lors du comité interministériel d'aménagement du territoire du 23 juillet 1999 à Arles, le Premier ministre a annoncé une enveloppe de 95 milliards de francs pour les contrats de plan Etat-région 2000-2006, dont 20,6 milliards de francs consacrés par l'Etat au réseau routier, y compris les investissements concernant l'exploitation routière. Cette dotation est notablement plus faible que celle qui était prévue dans le XIe Plan. Une seconde enveloppe vient toutefois d'être décidée : la dotation de l'Etat s'élèvera en définitive à 120 milliards de francs, dont moins du quart pour la part routière, soit moins de 30 milliards de francs, ce qui est à comparer aux 27,4 milliards de francs prévus dans les contrats de plan précédents.
Pour la première année du XIIe Plan, c'est-à-dire 2000, les volets routiers des contrats de plan Etat-région seront dotés de 3,65 milliards de francs en autorisations de programme, ce qui représente une progression de 543 millions de francs, soit 17,56 %, par rapport à 1999.
Deuxième observation : le programme d'investissements routiers sera réduit en 2000.
Les opérations d'investissement seront réduites en 2000, aussi bien sur le réseau national non concédé que sur le réseau autoroutier concédé. En 1998, 390 kilomètres de voies nouvelles avaient été ouvertes sur le réseau national non concédé ; 383 kilomètres le seront en 1998, et 328 kilomètres en 2000. Sur le réseau autoroutier non concédé, 159 kilomètres avaient été ouverts en 1998 ; 101 kilomètres le seront en 1999, et 25 kilomètres en 2000. Enfin, sur le réseau autoroutier concédé, 293 kilomètres ont été mis en service en 1998 et 143 kilomètres en 1999 ; 153 kilomètres le seront en 2000.
Cette réduction brutale des nouvelles mises en service s'explique par une réduction des moyens, mais également par le fait, comme cela a été vu, que l'année 2000 est une année charnière entre la fin du XIe plan et le début du XIIe plan.
Il s'agit également d'une période de transition due au changement de mode de financement du système autoroutier concédé et à l'attente des résultats de la négociation menée par le Gouvernement français avec la Commission européenne de Bruxelles pour obtenir un allongement indispensable de la durée des concessions.
Troisième observation : les dotations pour l'entretien du réseau routier national doivent être revalorisées.
Le problème de l'entretien du réseau routier national est devenu crucial. La faiblesse des crédits budgétaires affectés à l'entretien des routes engendre des surcoûts supplémentaires, liés aux nécessaires opérations de rénovation. Le ministère de l'équipement, des transports et du logement note que « compte tenu du niveau des dotations d'entretien qui permettent de satisfaire un entretien préventif sur les deux tiers du réseau, des besoins de plus en plus importants apparaissent au titre des programmes de réhabilitation-renforcement. »
Des études ont été menées sur le réseau national et les ouvrages d'art, qui ont permis de conclure que 11 % des voies nécessitaient des interventions lourdes, les travaux les plus importants devant porter sur le réseau autoroutier non concédé. De plus, il apparaît que la structure de 18 % des ouvrages d'art est atteinte, dont 5 % gravement, ce qui implique que des travaux soient réalisés d'urgence. Au total, un programme complet de réhabilitation coûterait 15 milliards de francs.
Après une revalorisation l'an dernier, les moyens d'entretien pour 2000 sont stables et s'élèvent à 2,6 milliards de francs. Il en est de même pour les moyens consacrés à la réhabilitation et au renforcement, qui atteignent 433 millions de francs.
En revanche, les dotations affectées à la rénovation des ouvrages d'art progressent de manière sensible en autorisations de programme ; il faut s'en féliciter. Notons en particulier les travaux de rénovation du pont d'Aquitaine sur la Garonne, à Bordeaux.
Le renforcement des crédits d'entretien alloués au secteur routier est un objectif prioritaire, la faiblesse des dotations conduisant immanquablement à une dégradation du patrimoine, ce qui engendre à terme des dépenses bien plus élevées pour l'Etat.
A cet égard, il est légitime de s'interroger sur l'arrêt du développement du système autoroutier concédé. Toutes les études montrent en effet que seul le réseau autoroutier concédé bénéficie d'un entretien adéquat, alors que le réseau autoroutier non concédé souffre immanquablement de la faiblesse des moyens de l'Etat. La notion d'itinéraire doit être prise en compte, monsieur le ministre, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises.
Quatrième observation : la situation des sociétés d'économie mixte concessionnaire d'autoroutes reste préoccupante.
L'endettement des SEMCA atteint 154 milliards de francs au 31 décembre 1998. Il progressera jusqu'en 2004, en raison du lancement des sections prévues dans les conventions de concession actuelles, pour se résorber ensuite.
Selon le ministère de l'équipement, des transports et du logement, les études financières à long terme montrent que les sociétés d'autoroutes pourront rembourser leur dette avant la fin de la concession - ce qui représente 170 milliards de francs sur quinze ans - à l'exception de deux sociétés : la société française du tunnel routier de Fréjus, la SFTRF, et la société des autoroutes Paris-Normandie, la SAPN.
Des solutions devront donc être trouvées : reprise de la dette non apurée par la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France pour la SAPN, et recapitalisation et allongement de la concession avec ou sans adossement à une autre société pour la SFTRF.
Il faut une fois de plus souligner l'excellence du système de l'adossement et la forte contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes aux recettes budgétaires de l'Etat. Entre 1994 et 1998, les tranferts financiers fiscaux et non fiscaux - remboursement anticipé des avances de l'Etat, fonds de concours - du secteur autoroutier vers l'Etat ont représenté plus de 34 milliards de francs.
Il est à craindre que, dans l'avenir, l'abandon du système de l'adossement ne conduise l'Etat à débourser des sommes importantes pour subventionner les nouvelles opérations autoroutières, ce qui ne pourra que freiner le programme autoroutier français.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé le dépôt, avant la fin de l'année, d'un projet de loi réformant les sociétés concessionnaires d'autoroutes. L'examen de ce projet de loi nous fournira l'occasion d'aborder toutes ces questions.
Je traiterai maintenant du budget de la sécurité routière.
Tout d'abord, et ce sera ma première observation, il faut un budget prioritaire pour l'an 2000. Les crédits consacrés à la sécurité routière progresseront de 17 % pour 2000, pour atteindre 534 millions de francs.
L'augmentation des dotations a pour objet de traduire les priorités du comité interministériel pour la sécurité routière du 2 avril 1999, qui a décidé que la sécurité routière serait une grande cause nationale en 2000.
Le budget affiche donc deux priorités : la communication et l'action locale, d'une part, la formation des conducteurs, d'autre part.
Les moyens affectés à la communication - presse, relations publiques, campagnes publicitaires - sont renforcés afin de lancer des campagnes nationales importantes. Par ailleurs, les moyens consacrés à la politique locale de sécurité routière et aux actions déconcentrées auront pour objet de mobiliser les collectivités locales et un nombre plus important d'associations. Enfin, les moyens engagés en faveur de la formation des conducteurs seront accrus.
S'agissant de l'exploitation des routes, l'année 2000 sera marquée par la mise aux normes des carrefours à feux et la mise en oeuvre du schéma directeur d'exploitation des routes. Les crédits consacrés à ce poste s'élèveront à 318 millions de francs, soit une hausse de 4 %.
Je me félicite de l'accent mis, en 2000, sur la sécurité routière. C'est d'autant plus nécessaire que les résultats de la France en matière de sécurité routière sont déplorables. Il serait toutefois souhaitable que les moyens nouveaux, essentiellement des moyens de communication, fassent l'objet d'une étude d'impact précise.
Les seuls moyens d'information et de communication ne suffisant pas, l'année 2000 devrait être également l'occasion d'accentuer les sanctions en matière d'infraction à la sécurité routière.
Ma deuxième observation porte sur le renforcement de l'arsenal répressif.
Les résultats de la France en matière de sécurité routière ont été catastrophiques en 1998. La France se situe à la troisième place dans l'Union européenne pour le nombre d'accidents corporels, derrière l'Allemagne et la Grande-Bretagne, mais au premier rang pour le nombre de tués. La France a été, en 1998, le pays qui a connu la plus forte hausse du nombre de tués, 6 %, alors même que la plupart des autres pays européens enregistraient des diminutions, de 14 % pour l'Autriche, de 9 % pour l'Allemagne, de 8 % pour la Finlande, de 7 % pour le Danemark.
L'année 1999 a été celle de la prise de conscience des efforts à réaliser.
La loi du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions pour agressions sur les agents du réseau de transport public de voyageurs a introduit une nouvelle série de dispositions destinées à améliorer les comportements sur les routes.
Elle a notamment créé une sanction pour récidive de grand excès de vitesse : trois mois d'emprisonnement et 25 000 francs d'amende.
Le comité interministériel de la sécurité routière, qui s'est tenu sous la présidence de M. le Premier ministre, a également préconisé le renforcement des contrôles routiers et des sanctions.
Les effectifs des unités spécialisées de gendarmerie nationale affectés à la sécurité routière seront accrus de 250 militaires afin de répondre à l'objectif d'accroître de 10 % le temps réservé aux contrôles routiers. Les unités polyvalentes de la police nationale seront aussi mobilisées. Au total, 160 millions de francs seront consacrés à un plan d'équipement des forces de l'ordre en moyens modernes de contrôle. Enfin, des plans départementaux de contrôle seront élaborés sous l'autorité des préfets.
Il faut noter qu'au-delà du renforcement de l'appareil répressif le comité interministériel sur la sécurité routière a souhaité que des efforts soient réalisés sur la formation. Des protocoles avec les assureurs devraient permettre d'organiser des rendez-vous d'évaluation pour les conducteurs novices. De plus, des plans de prévention des risques routiers seront mis en oeuvre dans les entreprises et les services de l'Etat.
Ma troisième observation porte sur l'accent mis sur la sécurité des infrastructures après l'accident du tunnel du Mont-Blanc.
Après l'accident du 24 mars 1999, une circulaire interministérielle a demandé aux préfets de procéder à un diagnostic de sécurité des tunnels routiers du réseau routier national d'une longueur supérieure à un kilomètre.
Sur la base de ces diagnostics, un comité d'évaluation a remis un rapport le 20 juillet 1999. Les préfets de département ont dû établir, pour le 15 septembre 1999, un inventaire général des actions à engager pour chaque tunnel ainsi qu'une estimation et un échéancier des réalisations.
S'agissant de la remise en service du tunnel du Mont-Blanc, le coût des travaux préalables à la réouverture du tunnel s'élève à 1,3 milliard de francs. Le financement de ces travaux et la répartition de leur prise en charge fera l'objet d'un protocole entre les deux sociétés concessionnaires d'autoroutes française et italienne.
Il faut noter que 75 millions de francs sont prévus au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, pour la mise en sécurité des tunnels routiers de plus d'un kilomètre. J'avais souhaité, devant la commission des finances, que cet effort soit complété par une dotation pour les autres tunnels routiers.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez annoncé, mercredi dernier, en conseil des ministres, des mesures en faveur des tunnels routiers de plus de 300 mètres et des tunnels ferroviaires. Les évaluations de vos services montrent qu'il faudra 2 milliards de francs pour mettre la mise en sécurité de tous les tunnels. J'aimerais que vous nous indiquiez selon quel échéancier vous comptez débloquer les sommes nécessaires à la réalisation de ces travaux.
Par ailleurs, le comité interministériel pour la sécurité routière a annoncé la mise en oeuvre d'actions visant à l'amélioration des infrastructures, sans que l'on connaisse les projets de financement. Le critère de la sécurité routière sera prioritairement pris en compte dans la sélection des projets entrant dans le cadre des contrats de plan Etat région et des programmes d'action cofinancés.
A propos de la sécurité routière, j'insiste sur le fait que les efforts en faveur de l'entretien des structures routières sont essentiels pour garantir la sécurité des usagers. Il importe donc qu'au-delà des actions sur les comportements des actions déterminées soient menées quant à la sécurité des structures.
Mes chers collègues, la commission des finances vous demande de rejeter les crédits de l'équipement, des transports et du logement.
Je précise toutefois qu'à titre personnel - mais cela ne surprendra personne - je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commisison des affaires économiques et du Plan, pour les routes et les voies navigables. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget pour 2000, il me revient de donner un avis, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur trois sujets : la sécurité routière, les routes et les voies navigables.
Monsieur le ministre, dès votre entrée en fonctions, vous vous êtes fait le champion de la sécurité routière. Vous avez bien fait. La route tue et blesse plus en France qu'ailleurs, toutes les études le prouvent.
Sous votre impulsion, les choses semblent s'améliorer ; tous nos concitoyens prennent conscience de ces difficultés. Malheureusement, nombre d'entre eux retrouvent leur individualisme et leur incivisme lorsqu'ils sont au volant.
Toutes les enquêtes le montrent, dans 95 % des accidents, des facteurs humains sont en cause, les principaux étant la vitesse et l'alcool.
Les documents budgétaires témoignent de la priorité qui est accordée à la sécurité routière - elle enregistre une augmentation de 17 % - pour en faire une grande cause nationale de l'année 2000. Nous en prenons acte.
Mais, monsieur le ministre, les enquêtes sur les accidents de la route nous montrent aussi que, dans 47 % des cas, la qualité des infrastructures, dans leur conception ou dans leur état d'entretien, peut être incriminée.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Malheureusement, dans ce domaine, votre budget est en régression par rapport aux années précédentes, qui nous avaient déjà donné, pourtant, pas mal d'inquiétudes.
La route est mal aimée. Pour le démontrer, je ne citerai que quelques chiffres.
Dans le budget 2000, la route ne reçoit que 1 123 millions de francs en crédits d'entretien. Cette somme, qui est la même somme que l'année dernière, est très insuffisante, alors que la croissance de la circulation est constante.
Elle ne reçoit que 5,1 milliards de francs de crédits de paiement pour les dépenses en capital, soit une diminution de 13 % par rapport au budget précédent. Ce chiffre est significatif de la volonté de l'Etat, même s'il est un peu camouflé par l'augmentation importante des autorisations de programme.
Même si l'on ajoute aux crédits d'Etat la dotation route du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, en baisse de 4 % par rapport à 1999, les investissements routiers nous semblent les laissés-pour-compte de ce budget.
Certes, un rééquilibrage entre la route et les autres modes de transport est indispensable, mais il doit s'opérer non pas en retirant des crédits à la route, mais en dotant davantage les autres modes de transport.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est ce que je fais !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Parmi ceux-ci, la voie d'eau...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pour la voie d'eau aussi !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Parlons-en ! Elle est confiée maintenant à Voies navigables de France.
VNF a la charge d'entretenir les quelque 7 000 kilomètres de voies d'eau existantes - la plupart d'entre elles sont en très mauvais état - et d'assurer la préparation de l'avenir avec le grand gabarit. Là encore, les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des enjeux.
VNF vit de ses ressources propres - taxes hydrauliques, péages et autres ressources du domaine confiés par l'Etat - estimées à environ 660 millions de francs pour 2000, et des dotations de l'Etat qui proviennent du FITTVN ainsi que celles des collectivités territoriales.
Ces crédits, même s'ils progressent d'année en année,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ah !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. ... sont notoirement insuffisants pour que puissent être assurées les missions d'entretien, de modernisation et de mise en place du grand gabarit.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il faut voir ce que j'ai trouvé !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. De cette manière, nous ne sommes pas à la veille de pouvoir disposer, là où c'est possible, d'un réseau de transport fluvial moderne, qui, pourtant, déchargerait bien nos routes et autoroutes, comme c'est le cas dans d'autres pays voisins.
La commission des affaires économiques et du Plan du Sénat a toujours suivi avec beaucoup d'intérêt le problème des infrastructures de transport.
Ces dernières conditionnent très largement la vitalité et le développement économique, donc l'emploi, et elles sont en même temps l'un des meilleurs vecteurs d'aménagement du territoire. En effet, elles permettent de désenclaver certains territoires, et donc de les ouvrir au développement, ou d'en désengorger d'autres, leur permettant aussi une meilleure respiration.
Par ailleurs, nous devons maintenant raisonner notre aménagement du territoire en jouant notre meilleure intégration possible dans l'Europe.
Notre position géographique fait de nous un pays de transit entre l'Europe du Sud, la Grande-Bretagne, l'Europe centrale et germanique, mais elle nous laisse aussi à l'ouest d'un dispositif qui se déplace progressivement vers l'est avec l'arrivée de nouveaux pays. Prenons garde, monsieur le ministre, de ne pas nous laisser isoler.
Là encore, la réponse se situe en grande partie dans les infrastructures de transport. Il semble indispensable de disposer rapidement de schémas globaux qui répondent à ces aspirations en utilisant le plus possible l'intermodalité. Nous sommes tous d'accord sur ce point.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que, dans cet esprit, la politique de transport de notre pays soit plus clairement définie pour l'avenir immédiat et pour le moyen terme.
En conclusion, au regard des crédits présentés et des projets avancés, votre commission des affaires économiques et du Plan estime que ce budget fait apparaître de nombreuses incertitudes et qu'il comporte autant d'ambiguïtés que d'atermoiements inquiétants en matière de politique des transports. Il prépare mal l'avenir de notre pays et sa pleine intégration européenne. Il n'accompagne pas suffisamment le redressement économique qui est générateur d'emplois.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des routes et voies navigables dans le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour 2000. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je voudrais simplement retenir votre attention quelques instants.
La commission des finances a bien entendu l'annonce du projet de loi relatif au financement des infrastructures et à la réforme du secteur autoroutier.
Comme vous le savez, la commission suit de très près cette question et il lui a semblé particulièrement nécessaire de travailler sur les discordances qui pourraient exister entre les préconisations de la Commission de Bruxelles et ce que pourraient souhaiter nos administrations nationales, la direction du Trésor principalement.
La commission d'enquête sur les infrastructures terrestres, présidée par notre collègue Jean François-Poncet, avait relevé le fait que les taxes qui sont prélevées sur les sociétés d'autoroute ne respectaient pas les principes européens en matière de péage puisque ceux-ci doivent financer les autoroutes - les autoroutes seulement et non pas d'autres objets, - mais que, en revanche, le système d'adossement n'était pas en tant que tel condamné par Bruxelles, contrairement à ce qu'on peut parfois entendre en France.
Aussi, afin de préparer l'examen du projet de loi annoncé par le Gouvernement, la commission des finances souhaite connaître très précisément les exigences réelles des autorités européennes.
Monsieur le ministre, je suis donc amené à vous demander quelles sont exactement les préconisations de la Commission de Bruxelles et quelle forme juridique elles ont prise, afin que nous puissions déterminer ce qui relève des exigences de Bruxelles et ce qui relève des exigences de notre propre administration.
J'ai souhaité, monsieur le ministre, vous poser cette question précise de manière solennelle, parce que nous nous servirons, dans nos travaux ultérieurs avec la Commission européenne, de la réponse que vous allez nous donner et qui figurera au Journal officiel . M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Group de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le ministre, le ciel et la mer, les fleuves et les canaux, le rail et le bitume sont, dans votre portefeuille, les éléments dominants, connexes et complémentaires de votre responsabilité. C'est dire que vous êtes, en fait, le grand chef d'orchestre de la partition concrète de la politique d'aménagement du territoire.
M. Jacques Oudin. C'est poétique !
M. François Gerbaud. Au-delà des incantations qui y rythment plus de contraintes durables que d'incitations - et auxquelles vous ne recourez pas - vous avez, dans le très sensible et évolutif domaine des transports la charge multiface de répondre vite à ses nombreuses exigences.
Désormais, c'est à tous les niveaux - départements, régions, Etat, sans omettre l'omniprésent espace européen - que l'évolution des techniques, l'explosion des moyens de transport, les exigences croissantes et souvent impatientes de tous les usagers, les impératifs économiques inscrivent leurs attentes d'équipement, de modernisation et d'adaptation.
Cela génère des demandes pas toujours cohérentes, parfois même contradictoires, ce qui appelle, et appellera, de difficiles arbitrages.
Sur toile de fond de cette évidence, c'est désormais à l'échelle de l'Europe que s'esquissent la cohérence et la politique de l'économie des transports, espace nécessaire pour éviter toutes les formes de concurrences perverses, et ce à un moment où, dans les prochaines années, tous les trafics dans tous les modes de transport connaîtront une croissance de 20 % à 30 % alors qu'ils sont déjà en état de congestion et de saturation - la rubrique des faits divers nous le dit chaque jour et souvent dramatiquement...
Cet état des lieux est une de nos communes préoccupations, l'examen de vos budgets en témoigne.
Certaines de vos orientations, notamment en ce qui concerne la primauté du ferroviaire, sont de bonnes réponses et, naturellement, nous y souscrivons.
Mais reste la récurrente et inévitable question : dans l'intérêt général des services du public, impliqué que vous êtes dans les mécanismes de cofinancement des contrats de plan, compte tenu du rôle éminent que jouent les régions, avez-vous, aurez-vous, la liberté de vos choix, de vos moyens et, surtout, celle de vos priorités ? Avez-vous tous les outils nécessaires ?
Les moyens financiers, les différents rapporteurs les ont passés au crible. Ils viennent de s'en expliquer, je n'y reviens pas, sauf pour noter que le transport ferroriviaire voit ses crédits d'investissement bénéficier d'une forte croissance, ce qui traduit votre objectif de doubler le fret ferroriviaire dans les dix ans qui viennent.
Mais atteindre cet objectif, c'est d'abord et très rapidement « désaturer » certains points du réseau : assurer le contournement de Paris, de Lyon, de Dijon, de Nîmes, de Montpellier ; traiter la saturation de nombreuses plates-formes dédiées aux transports combinés, la traversée des axes transalpins et transpyrénéens et, cela vient d'être rappelé, garantir la sécurité dans les tunnels.
Ce sont là de très lourds investissements. Les retarder au prétexte que la loi exige d'optimiser l'utilisation des infrastructures existantes avant d'en construire de nouvelles n'est probablement pas une très bonne réponse.
En 1993, au moment où la croissance était à son plus bas niveau, le programme autoroutier a été néanmoins lancé. Il apparaît aujourd'hui insuffisant.
La croissance que nous connaissons actuellement devrait nous permettre de mener une politique plus volontariste d'investissements ferroviaires. La part qui y est consacrée dans le budget n'est pas à la mesure de nos ambitions, quelque effort que vous ayez consenti. Il ne faudrait pas que, demain, nous nous reprochions d'avoir raté ce rendez-vous, auquel la croissance nous invite.
Le rapide inventaire des difficultés actuelles dont je viens de parler s'intègre comme un nécessaire préalable aux schémas des services collectifs de marchandises : c'est l'un des huit schémas de services que crée la loi. C'est aujourd'hui l'outil qui vous manque et dont nous avons besoin pour définir des axes prioritaires. Quand ce schéma sera-t-il opérationnel ?
Dans l'inventaire général des ressources et des besoins, il doit définir les principales orientations, dont l'une est bien de rééquilibrer le trafic fret en faveur du fer.
Rééquilibrer est bien le mot juste, lorsque l'on sait que c'est plus au bénéfice de la route que du fer que ne cesse de s'accroître le flux des transports de marchandises, en augmentation de 4 % pour la route et en diminution de 5 % pour le rail.
Bien que saturé, lui aussi, sur de très nombreux axes, notamment les autoroutes du Nord et de la vallée du Rhône, le transport routier capte 80 % du marché. Pardonnez-moi ce jeu de mot : il est temps d'essayer de freiner ce rêve pharaonique de « tout en camion ». (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Bravo !
M. François Gerbaud. L'économie, l'environnement, ne résisteraient pas très longtemps à ce quasi-monopole qui peut infléchir très gravement la politique d'infrastructure.
Le Sénat prend acte avec satisfaction que, comme il l'avait préconisé, vous donnez désormais priorité aux transports combinés. C'est une première et bonne réponse.
Elle s'inscrit, cela va de soi, dans l'élaboration du schéma collectif de transport de marchandises, élaboration qui devra être abordée d'une manière intermodale.
C'est également à travers ce schéma de services que l'Etat aura à jouer un rôle éminent, celui de résister aux flux des demandes souvent contradictoires qui peuvent apparaître et, surtout, d'expliquer aux différentes collectivités locales qu'améliorer le transport de fret, c'est le gage d'une meilleure activité économique au service de l'emploi.
C'est en particulier aux régions que je pense. Sept d'entre elles, à titre expérimental, se sont vu confier la responsabilité du transport collectif des voyageurs.
Intervenant financièrement en matière d'infrastructures et d'achat de matériels roulants, elles ont les unes et les autres permis la mise en place exemplaire des TER, dont les matériels nouveaux - tels que le train pendulaire que nous avons pu expérimenter avant-hier sur la ligne Paris - Montereau - allient le confort, la modernité et la rapidité, sur des voies régénérées, à des coûts moins élevés que la construction des voies nouvelles nécessaires, elles, aux TGV.
Gestionnaire du réseau dont le propriétaire est RFF, la SNCF est, si j'ose dire, en première ligne. Avec 32 000 kilomètres de voies, dont 14 000 sont électrifiées, c'est le réseau ferroviaire le plus performant d'Europe, et il est entre le sud et le nord de l'Europe un passage obligé. Avec vos collègues des transports de la Communauté, vous avez décidé d'y faire passer des liaisons transeuropéennes dédiées au fret international. Leur financement pourrait être, du fait même de leur nature, assuré en partie par la Banque européenne d'investissements. C'est ce que Mme de Palacio, commissaire chargé de l'énergie et des transports, m'a dit en réponse à une question que je lui posais. Reste que la SNCF, comme toutes les entreprises de transport, est contrainte à la qualité, à l'efficacité et à la compétitivité. Ces contraintes obligent le service public à une très grande stabilité et imposent que, dans cette grande maison qui a résisté et résistera à l'épreuve du temps, la quasi historique politique d'affrontement glisse, ce qui est le cas, vers un apaisement social. C'est l'un des éléments primordiaux de la compétitivité et de la crédibilité de l'entreprise, qui, depuis une dizaine d'années, est traversée par des conflits nombreux, nationaux et régionaux, qui se traduisent pas des pertes de travail importantes. Ce sont autant de ruptures dans le domaine des transports, où l'intermodalité et la concurrence sont la règle.
L'expérience peut prouver que c'est cependant à l'échelon de la région, dans un partage mieux perçu des responsabilités, que se réconcilient le service public et l'entreprise, ce qui est un impératif du temps.
Et nous voici dans la problématique régionale : notre réflexion, mais votre décision.
Sept régions sont expérimentales. Elles ont maîtrisé leurs responsabilités s'agissant du transport des voyageurs. Peuvent-elles s'impliquer, sans contradiction, dans un accompagnement de la politique nationale du fret ? Certaines déjà en ont donné la preuve, bien que cela ne relève pas, LOTI oblige, de leurs responsabilités directes actuelles. Mais peut-on, monsieur le ministre, en rester là ?
Demeure la question suivante : faut-il tout de suite déléguer à toutes les régions les responsabilités qui ont été données aux régions expérimentales ? C'est le souhait de beaucoup d'entre elles, mais non pas de toutes.
Comment, monsieur le ministre, allez-vous arbitrer cet important débat ? Sans doute faut-il attendre, comme la loi que j'ai rapportée devant le Sénat l'indiquait clairement, que soit analysé le bilan des sept régions expérimentales, auxquelles vous avez accordé un an de sursis.
Ne peut-on pas imaginer que, dans un premier temps, l'expérimentation soit élargie aux régions qui le souhaitent et qui s'y sont préparées, ce qui permettrait ainsi de créer un mouvement qu'il ne semble pas bon d'interrompre, mais aussi d'éviter un élargissement trop rapide ? Etant entendu que, quoi qu'il en soit, il sera nécessaire de faire un bilan régulier tous les trois ou cinq ans, indispensable à la cohésion d'une politique nationale dans l'environnement européen.
L'Europe, nous y voilà, monsieur le ministre ! Dans quelques jours - le 10 décembre, je crois - vous allez rencontrer vos collègues européens des transports. Les choses ont un peu évolué depuis que, au mois de mai, des directives contraignantes concernant le transport ferroviaire ont été annoncées. L'une d'entre elles, qui ouvrait les réseaux ferroviaires à ce que l'on appelait les « détenteurs d'une capacité ferroviaire », a été abandonnée. Nous avons ainsi, à mon sens, évité le pire, et je vous remercie d'avoir contribué à cette issue.
Sachez en tout cas que, de notre point de vue, si les coopérations entre entreprises ferroviaires telles que SNCF sont envisageables et souhaitables, dans l'optique d'une coopération à dynamiser, il ne semble ni prudent ni réaliste d'aller plus loin pour l'instant.
Avant que soient envisagées d'autres étapes, il faut que tous les pays d'Europe appliquent, ce qui n'est pas encore le cas, la directive 91-440, que la France, elle, a mise en oeuvre en créant RFF et en séparant la propriété du réseau de sa gestion.
L'autre préalable à toute évolution est que soit mise en place l'interopérabilité entre tous les pays de l'Union européenne, que soit en même temps définie une politique commune de sécurité ferroviaire, sur la base de celle de la France, qui est exemplaire, et que soit enfin harmonisée la tarification.
Au maximalisme de certains Européens adeptes de la dérégulation et de la libéralisation à tout crin, sans doute peut-on objecter que, dans certains cas, trop d'Europe tue l'Europe. La France s'associe volontiers à une vision européenne et évolutive des transports. On ne peut donc pas dire que les voies françaises sont aussi impénétrables que celles du Seigneur. (Sourires.)
Monsieur le ministre, je ne voudrais pas vous quitter sans vous inviter à venir dans mon département, l'Indre où vous vous êtes d'ailleurs déjà rendu, pour vous poser un certain nombre de questions.
Les départements du Centre et du Massif central attendent beaucoup de la restructuration de la ligne Paris - Toulouse via Orléans, Châteauroux, Limoges, Brive, cette ligne qu'on appelle parfois le « POLT ». Vous avez dégagé beaucoup de crédits pour la régénération des voies existantes. Pouvez-vous nous confirmer la date à laquelle sera régénérée cette voie qui, voilà quelques décennies, avait le privilège d'avoir le train le plus rapide de France, le Capitole, et nous annoncer la venue du pendulaire pour lui succéder ?
Après le fer, la route. Et, là, je rejoins les conclusions de M. Miquel. Je dois vous faire part de l'inquiétude, de la déception et de l'interrogation des élus de l'Indre, de l'Indre-et-Loire et du Cher, s'agissant de deux voies routières dont la lente modernisation annoncée est en parfaite contradiction avec leur position stratégique.
Le premier axe est la route nationale 143, qui relie deux capitales régionales : Châteauroux et Tours. C'est une route infernale : les accidents s'y multiplient aux heures de pointe, la circulation y est très difficile et les temps de parcours sont décourageants.
Toutes les communes riveraines de ce grand axe se mobilisent pour vous demander que cette infrastructure soit traitée en priorité dans le futur contrat de Plan et, pendant la période 2000-2006, puisse disposer d'une enveloppe de 227 millions de francs, dont la moitié en provenance de l'Etat.
Sécurité et aménagement du territoire y trouveront, croyez-moi, très largement leur compte.
L'autre voie qui suscite des inquiétudes quant à sa nécessaire modernisation est - mais ne croyez pas que je cède au particularisme régional ! - la route nationale 151, Poitiers-Châteauroux-Bourges.
Reconnue dans les années cinquante comme l'axe Océan-Suisse, la RN 151 a gardé toute son importance stratégique et économique, mais elle n'a pas, semble-t-il, trouvé la traduction de cette réalité dans les projets routiers d'aujourd'hui. Elle reste un axe est-ouest d'une importance capitale pour les départements du centre-ouest et du centre.
Cette route a le privilège de relier transversalement entre elles les autoroutes A 10, A 20 et A 11, ainsi que plus à l'est, l'A 6. C'est dire tout son intérêt, dire aussi toutes les attentes que suscite sa modernisation, nécessaire aux relations routières transversales entre l'est et l'ouest du pays.
Monsieur le ministre, nous sommes au terme de notre commun voyage. Avant de descendre du convoi, je vous remercie de bien vouloir vérifier que vous n'avez rien oublié de mes propos ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère des transports et de l'équipement, en hausse de 2,5 % en moyens d'engagement, connaissent une progression nettement plus importante que l'évolution des dépenses globale de l'Etat, limitée cette année à 0,9 %.
Ils font apparaître, dans ce contexte, des priorités auxquelles nous ne pouvons que souscrire, monsieur le ministre : le développement du rail, à partir d'une meilleure appréhension de la complémentarité des modes de transport, la relance des investissements, le renforcement des efforts accomplis en faveur de la sécurité routière.
Certes, nous ne pouvons que souhaiter voir à l'avenir votre ministère tirer le meilleur profit des nouvelles ressources budgétaires attendues pour que la puissance publique préserve sa capacité d'intervention et d'impulsion dans des secteurs aussi déterminants pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
Tout d'abord, la priorité donnée à ce budget, que confirme l'importance accordée aux transports dans la nouvelle génération de contrats de Plan Etat-région, correspond à un choix politique majeur fait par ce gouvernement depuis deux ans. Notre groupe le soutient sans réserve et souhaite contribuer, avec vous, monsieur le ministre, à créer les conditions de son application pleine et entière.
Il s'agit, selon nous, de donner à la politique ferroviaire un nouvel essor, non pas en vue de concurrencer le trafic routier et autoroutier, mais à l'inverse, afin d'éviter à la route l'asphyxie qui serait préjudiciable à la sécurité des voyageurs, à l'environnement et à la santé de nos concitoyens.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Pierre Lefebvre. Mais ce regain d'intérêt pour le rail répond tout autant à un souci de rationalité économique, si l'on prend en compte les « externalités » négatives de la route.
Les prévisions, à l'horizon des dix prochaines années, offrent encore à la route de belles perspectives de croissance, mais nous devons les maîtriser. Pour cela, il est indispensable que le fer gagne de nouvelles parts de marché sur la route afin de rééquilibrer les flux de personnes et de marchandises, et cela dans l'intérêt bien compris des transporteurs routiers eux-mêmes.
Favoriser le transport ferroviaire - en particulier le fret ferroviaire - passe par des investissements nouveaux, à la fois humains et financiers, mais aussi par une meilleure connexion des différents types de réseau : le rail, la route et, lorsque cela se peut, les voies fluviales.
De ce point de vue, la France dispose d'ores et déjà d'atouts incontestables, qui reposent sur un service public reconnu et apprécié pour ses performances économiques, le savoir-faire de ses personnels et la qualité d'exécution de ses missions.
En outre, l'unicité de notre réseau constitue une garantie d'égalité d'accès de tous les usagers à ce transport et permet un maillage équilibré du territoire national.
A cet égard, nous saluons la création du Conseil supérieur du service public ferroviaire, ouvert à l'ensemble des acteurs du chemin de fer.
Mme Hélène Luc. Nous avions vainement demandé cette création à M. Pons !
M. Pierre Lefebvre. La mise en place de cette structure ne peut que réjouir ceux qui, comme nous, exprimaient la crainte de voir, dans la séparation entre RFF et la SNCF, les prémices du démantèlement du service public, avec, à terme, la perspective de sa privatisation.
Permettez-moi au passage, monsieur le ministre, de vous poser une question.
Hier, l'ensemble des syndicats du SERNAM appelait à une journée d'action - et elle fut un succès - pour s'opposer au projet de la SNCF de filialiser le service des messageries, en vue, à terme, d'en vendre 60 % au groupe privé Géodis. Selon les syndicats, 3 000 emplois seraient menacés. Monsieur le ministre, ne peut-on envisager une solution alternative associant le SERNAM et La Poste, solution qui serait susceptible de garantir le statut des salariés ?
Le système ferroviaire français est aussi réputé de par le monde pour la sécurité qu'il offre à ses usagers, quelle que soit d'ailleurs la nature du réseau utilisé.
Sur ce point, la tragédie de la gare de Paddington, au Royaume-Uni, doit nous amener à nous interroger sur les conséquences éventuelles de la « fuite en avant libérale » que certains, notamment au sein de la Commission européenne, présentent comme une condition sine qua non du développement efficace du trafic ferroviaire.
Mes chers collègues, peut-on accepter qu'au nom de la priorité donnée à la rentabilité financière on sacrifie ainsi la sécurité des usagers, l'entretien du matériel et des infrastructures, les conditions de travail des cheminots ?
Cela ne doit-il pas nous amener à revoir fondamentalement les orientations défendues par Bruxelles et qui poussent à la déréglementation et à la libéralisation du transport ferroviaire européen ?
Force est de constater que, malgré Paddington, la Commission de Bruxelles n'a pas renoncé, bien au contraire, à son projet d'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire.
Alors que la France, en juin 1999, était parvenue à repousser de quatre ans l'éventualité d'une libéralisation accrue de ce secteur - grâce à votre persévérance, monsieur le ministre - la Commission européenne a réactivité ses propositions au cours du dernier Conseil des ministres des transports européens, tenu en octobre dernier, et souhaité les voir aboutir le 10 décembre prochain.
Comment la Commission peut-elle prétendre vouloir favoriser l'intermodalité lorsqu'elle suggère, par ailleurs, d'assouplir les conditions de la concurrence dans le transport routier, en remettant en cause, notamment, l'interdiction de rouler le dimanche et en refusant toute harmonisation du temps de travail des conducteurs ?
M. François Gerbaud. Elle a tort !
M. Pierre Lefebvre. Il y a là une contradiction entre les objectifs affichés et les moyens d'y parvenir, ceux-ci tendant, au contraire, à déséquilibrer encore davantage le transport de marchandises entre la route et le rail, sans tenir compte, de surcroît, des coûts externes du transport routier.
Sans doute, monsieur le ministre, aurez-vous à coeur de nous dire de quelle façon vous préparez le prochain Conseil européen. Disposez-vous encore de la minorité de blocage nécessaire pour rejeter les plans de la Commission ?
Enfin, entendez-vous demander à la Commission européenne la réalisation d'un bilan de l'application de la directive 91/440 en préalable à toute mesure de libéralisation des chemins de fer en Europe ?
S'il existe en effet un retard en France, comme chez la plupart de nos partenaires européens, en matière de transport de marchandises par le rail, il faut, à notre sens, rechercher une meilleure complémentarité entre les opérateurs aux frontières plutôt que leur mise en concurrence sur le modèle des freeways , qui ont d'ailleurs fourni la preuve de leur inefficacité.
La priorité qui est donnée par ce gouvernement au développement du ferroviaire et au transport combiné apparaît pleinement dans le projet de budget qui nous est proposé, avec une dotation de 12 milliards de francs à Réseau ferré de France, pour lui permettre d'accroître ses capacités d'investissements.
Au total, plus de 49 milliards de francs sont mobilisés en faveur du rail, auxquels il convient d'ajouter les 2,3 milliards de francs issus du FITTVN, qui consacrera dorénavant la majorité de ses ressources aux transports ferroviaire et combiné.
Toutefois, il nous a semblé que les crédits spécifiquement affectés à la promotion du transport combiné n'apparaissaient pas suffisamment clairement et distinctement dans votre projet de budget. D'ailleurs, le rapport du Conseil économique et social présenté le 23 mars 1999 soulignait : « Le fait que les 350 millions de francs de subventions ne soient pas reconduits automatiquement crée une incertitude pour la planification des investissements. » Aussi, en ce qui me concerne, je souscris à la proposition du Conseil économique et social tendant à l'établissement d'un cadre contractuel pluriannuel qui fixe les objectifs de croissance du soutien de l'Etat en faveur du transport combiné.
Vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, la généralisation de l'expérimentation actuellement en cours dans sept régions françaises. Cette expérimentation donne des résultats positifs, tant pour les usagers, qui bénéficient d'un service plus performant et de meilleure qualité, que pour les collectivités locales, qui sont en mesure de faire valoir leurs priorités.
Or les collectivités territoriales n'accepteront de franchir le pas que si l'Etat s'engage, de son côté, à supporter les charges financières nouvelles engendrées par cette extension de la régionalisation.
Cependant, l'Etat ne peut prendre prétexte de la régionalisation pour se dédouaner de ses responsabilités, notamment financières.
Je suis l'élu d'une des régions qui se sont engagées dans cette expérimentation - le Nord-Pas-de-Calais - et qui en tirent d'amples satisfactions. Pour autant, nous ne serions en mesure de financer que 10 à 15 % des investissements nécessaires, qu'on peut évaluer à environ 4 milliards de francs.
Autrement dit, sans l'Etat, la régionalisation, au lieu d'assurer le renouveau des lignes jusque-là sur le déclin, laisserait place à un désengagement progressif de la SNCF, avec le risque d'un accroissement des inégalités entre les territoires.
Développer les transports collectifs urbains est une autre priorité affichée par ce budget. Cela répond à un enjeu de société. Il est, en effet, de plus en plus indispensable de modifier nos comportements par trop individualistes, qui tendent à privilégier l'usage du véhicule personnel plutôt que celui du bus ou du tramway. Cela répond également à un enjeu écologique, mais aussi de santé publique, au moment où de récentes études ont montré qu'un niveau de pollution élevé dans les villes entraînait un risque de maladies infectieuses plus important, en particulier chez les enfants.
Les efforts en ce domaine n'ont jamais été aussi importants. S'il faut s'en féliciter, pour autant, ils apparaissent insuffisants au regard des besoins à satisfaire, d'une part, et des moyens nécessaires pour faciliter l'accès des usagers à ce type de transports, d'autre part.
Le projet de loi « urbanisme, habitat et déplacements », dont nous aurons à débattre au cours de l'année 2000, sera l'occasion, nous le souhaitons, de réconcilier l'humain et l'urbain, de redonner à nos villes leur identité, leur authenticité, à partir d'un cadre de vie harmonieux.
Si votre budget consacre plus de 470 millions de francs d'investissements nouveaux aux transports collectifs en Ile-de-France - soit une progression de 36 % - et 748 millions de francs pour la province - c'est-à-dire une augmentation de 37 % - on peut regretter, monsieur le ministre, qu'un effort plus conséquent n'ait pas été consenti pour rendre les tarifs plus attractifs, notamment auprès des plus jeunes.
Une politique de transports collectifs qui se veut ambitieuse et cohérente doit, selon nous, certes développer l'offre et les capacités d'accueil, mais aussi susciter la demande et créer de nouvelles habitudes dans nos modes de déplacement en milieu urbain.
Par ailleurs, les crédits inscrits au budget des routes, loin d'être sacrifiés, progresseront de 27,2 % en autorisations de programme,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ah !
M. Pierre Lefebvre. ... ce qui profite aussi bien au développement du réseau routier national qu'à l'entretien et à la réhabilitation des routes.
D'aucuns prétendent que ce gouvernement délaisse les infrastructures routières pour le rail. Ce budget illustre, malgré les insuffisances de cette loi de finances, que cette idée n'est pas fondée.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez raison !
M. Pierre Lefebvre. La nouvelle génération de contrats de plan 2000-2006 fait apparaître un apport de l'Etat sans commune mesure avec le passé.
J'évoquerai, enfin, les crédits consacrés à la sécurité routière, qui connaissent une progression de 17 %, avec 536 millions de francs en moyens d'engagement. Ainsi, ce budget se donne les moyens de ses objectifs : réduire de moitié, en cinq ans, le nombre de tués sur les routes. A cette occasion, monsieur le ministre, peut-être serez-vous en mesure de nous présenter un premier bilan de l'application de la loi du 18 juin 1999, votée à l'unanimité.
Des efforts de communication ont été accomplis cette année : ils ont porté sur les moyens engagés et la qualité des campagnes de prévention. Des efforts de formation sont également programmés, avec le recrutement de trente inspecteurs du permis de conduire, qui viennent appuyer la nouvelle réglementation tendant à assainir la gestion des auto-écoles.
J'observe, pour conclure, que les crédits destinés aux voies navigables restent constants, sans que cela semble porter préjudice à la situation de Voies navigables de France. Il faut regretter, cependant, l'absence de perspectives formellement affimées de développement du réseau des voies navigables, qui peut pourtant compléter utilement les efforts consentis en faveur d'une politique intermodale.
Permettez-moi d'insister particulièrement, à ce sujet, sur la liaison Seine-Nord.
M. le président. Veuillez conclure, M. Lefebvre !
M. Pierre Lefebvre. Je me dis souvent, monsieur le ministre, quand j'emprunte l'autoroute A 1 entre Lille et Paris et que je constate la circulation impressionnante et certainement trop importante des poids lourds, qu'il y a là de quoi faire de nombreux trains et de nombreuses péniches.
En ce qui concerne ce dernier point, je regrette qu'un sort meilleur n'ait pas été réservé à la batellerie artisanale, qui souffre terriblement en cette période : les dépôts de bilan et les arrêts d'exploitation sont nombreux. Or le soutien de l'Etat pour cette activité diminue, dans ce projet de loi de finances, de 7 millions de francs.
Au final, la structure de ce projet de budget se situe dans le droit-fil des priorités que vous vous êtes fixées ; il prend en compte les préoccupations qui émanent de la société, en termes de sécurité, de bien-vivre et d'environnement. Ainsi, le groupe communiste républicain et citoyen le votera avec détermination. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Vous avez bien mérité de la région Nord - Pas-de-Calais, monsieur Lefebvre. Elle vous en saura gré !
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Nous sommes une nouvelle fois satisfaits de constater, monsieur le ministre, que les grandes orientations du Gouvernement et de votre ministère en matière de transports terrestres sont suivies d'effets en termes d'engagements budgétaires.
Il faut s'en féliciter car les tragiques événements de ces derniers mois - nous nous souvenons de la tragédie du tunnel du Mont-Blanc - ont montré à quel point une politique de transports terrestres cohérente, garante de la sécurité de tous et soucieuse de l'environnement et des stratégies d'aménagement du territoire était nécessaire.
Bien sûr, nous savons tous que les décisions que nous prenons aujourd'hui ne se traduiront concrètement que dans plusieurs années. Mais, d'ores et déjà, chacun peut honnêtement constater que le changement de politique des transports terrestres opéré sur les deux derniers budgets commence à porter ses fruits. Et c'est tant mieux, car nous savons tous combien les attentes de nos concitoyens sont fortes et combien ils sont exigeants dans le recherche de transports plus sûrs et moins polluants.
Il ne s'agit pas d'un phénomène franco-français, puisque ces demandes se retrouvent chez bon nombre de nos voisins. La plus grande partie d'ailleurs des enjeux de transports se jouent à l'échelon européen et l'implication de l'ensemble des Etats est absolument nécessaire.
Mais vous savez comme moi, monsieur le ministre, qu'au-delà de l'harmonisation nécessaire s'organisent des stratégies économiques et de développement capitales pour l'avenir de notre pays. Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, en êtes convaincus ; cela se voit, notamment, dans les choix d'orientation, mais surtout dans l'octroi des moyens accordés pour parvenir à atteindre ces objectifs.
Ainsi, chacun ne peut que se réjouir de voir le budget de l'équipement et des transports s'élever à 99 milliards de francs, soit une augmentation de 2,6 % par rapport à l'année en cours, dont quelque 59 milliards de francs pour les crédits des transports, se répartissant ainsi : 7,34 milliards de francs en autorisations de programme et 52,17 milliards de francs en crédits de paiement, soit une hausse globale de 1,4 %.
L'évolution de ces crédits permet de poursuivre cinq grands objectifs et de les atteindre de manière satisfaisante : premièrement, la poursuite du rééquilibrage rail-route ; deuxièmement, la relance du renouveau des transports ferroviaires - on peut, à ce titre, se féliciter de l'affectation de 500 millions de francs supplémentaires, dans le cadre du collectif budgéraire, destinés à améliorer le fonctionnement des services régionaux de transport ferroviaire ; troisièmement, l'accompagnement de la modernisation de la SNCF ; quatrièmement, la promotion des transports collectifs urbains ; enfin, cinquièmement, l'amélioration du réseau routier et autoroutier, ainsi que celle de la sécurité routière.
S'agissant du rééquilibrage rail-route, auquel nous attachons un grande importance, je note avec plaisir la volonté de doubler le transport fret en dix ans. Toutefois, cet effort restera insuffisant, car il ne permettra pas de répondre aux attentes et aux besoins, compte tenu de la croissance du transport routier.
M. Filleul, rapporteur à l'Assemblée nationale, a signalé que, pratiquement, seuls 17 % du trafic marchandises s'effectuent par le rail, soit deux foix moins qu'il y a vingt ans. Dans cette perspective, les crédits alloués au rééquilibrage sont insuffisants vu le retard accumulé en ce domaine. Cela devient inquiétant, car les axes autoroutiers alpins et du nord, au bord de la saturation, seront, si rien ne change, totalement paralysés.
Je sais, monsieur le ministre, que le développement du fret nécessite des investissements colossaux, notamment en raison du contournement des agglomérations telles que Lyon, Nîmes et Montpellier. Il nous faudra envisager la création de nouvelles lignes propres à ce type de transport ou en partager certaines avec le transport de voyageurs.
Il s'agit là d'un véritable enjeu de société, auquel nous sommes confrontés dès maintenant.
Votre budget essaie d'y répondre, même s'il reste parfois timide. Mais il faut y ajouter les efforts consacrés à l'assainissement de la situation comptable des entreprises ferroviaires, principales actrices de ces challenges.
Le Gouvernement maintient son soutien à Réseau ferré de France par une nouvelle dotation de 12 milliards de francs, afin de contribuer au désendettement de cette société. Cette dernière a revu ses redevances d'infrastructures à la hausse. Aussi suis-je satisfait que l'Etat se soit engagé à garantir à la SNCF des concours indispensables pour faire face à ces obligations.
Assurer le rééquilibrage de ces deux sociétés est indispensable si nous souhaitons que celles-ci puissent envisager sereinement la relance de la politique ferroviaire, tant au niveau des infrastructures de Réseau ferré de France que pour l'amélioration des services de voyageurs et de messagerie.
Comme je le disais tout à l'heure, l'enjeu de toute la politique des transports se joue aujourd'hui sur notre capacité à freiner, à inverser la tendance, en favorisant le ferroutage et la multimodalité.
On peut affirmer que le mérite du Gouvernement est d'avoir repensé la politique des transports dans sa globalité en réorientant certains des crédits et en lui donnant une impulsion forte.
La part du ferroviaire dans le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables sera passée de 39,5 % à 53 %, ce qui inverse la tendance historique à l'hégémonie du tout routier.
Votre budget, monsieur le ministre, se caractérise aussi par la volonté de développer toujours et encore les transports collectifs urbains.
En augmentant de plus de 36 % par rapport à 1999 les crédits affectés à ce type de transport, vous allez permettre non seulement de moderniser le réseau existant, mais également, et surtout, d'engager de nouvelles réalisations de métros et de tramways dans les grandes villes, ce qui répondra aux attentes des usagers.
La réussite des transports collectifs dépend non seulement d'un matériel moderne, mais peut-être aussi du confort, de la sécurité et de l'agrément des usagers.
Le redéploiement et l'arrivée de personnels plus nombreux contribueront à rendre plus sûrs ces transports. Le nombre des voyageurs ne pourra ainsi qu'augmenter.
Enfin, monsieur le ministre, je ne peux terminer cette intervention sans vous parler de la route et du transport routier.
En effet, même si on observe une réorientation vers le ferroviaire, la route se réserve une enveloppe budgétaire importante pour la poursuite des programmes définis dans le cadre des grands projets d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, il faut noter que le volet routier des contrats Etat-régions sera doté de 3 650 millions de francs d'autorisations de programme, soit une hausse de 17,5 % par rapport au précédent.
Ce qui importe aussi, ce sont les moyens dégagés pour l'accompagnement des évolutions réglementaires du transport routier. Nous sommes un certain nombre à avoir réfléchi à l'amélioration des conditions d'exercice de la profession de transporteur routier ; il nous faut accompagner cette réforme.
Vous y répondez, monsieur le ministre, en remettant les crédits nécessaires, tant sur le plan de la formation qu'au niveau du renforcement des contrôles, ainsi que pour les congés de fin d'activités des conducteurs routiers de marchandises.
Monsieur le ministre, les changements d'orientation stratégiques opérés depuis 1997 et la politique volontariste que vous menez vont dans le sens souhaité par le groupe socialiste.
Bien entendu, des efforts importants restent encore à accomplir non seulement en faveur du ferroviaire, mais aussi en matière d'harmonisation européenne.
Mais je reste confiant car je sais bien que vous-même, monsieur le ministre, et l'ensemble du Gouvernement saurez préserver les intérêts de la nation, tout en accompagnant la nécessaire construction européenne.
S'il est une politique qui influe immédiatement sur la vie quotidienne de nos concitoyens, c'est bien celle des transports. Votre rôle est donc primordial.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste votera votre budget.
Maintenant, monsieur le ministre, vous me permettrez bien de dire quelques mots de la situation des transports terrestres dans ma région, plus particulièrement dans mon département.
Je voudrais tout d'abord remercier le Gouvernement de l'effort important qui a été consenti cette année pour la région Limousin en ce qui concerne les voies de communication.
Pendant longtemps, le Limousin, région peu peuplée et à la géographie tourmentée, n'a pas été très bien traité, notamment en ce qui concerne le désenclavement. Aujourd'hui, les moyens dégagés pour le contrat de plan et pour les investissements hors contrat de plan nous paraissent raisonnables, même s'ils ne sont pas tout à fait à la hauteur des demandes.
En ce qui concerne le rail, la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse semble être sur la bonne voie, si vous me permettez cette expression. (Sourires.)
Au moment où la liaison autoroutière Paris-Limoges est enfin terminée - le dernier tronçon a été ouvert à la circulation il y a quelques mois - il ne serait pas de bonne politique de laisser la liaison par rail être moins performante que la liaison par route.
M. François Gerbaud. Nous sommes solidaires !
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie, mon cher collègue !
Actuellement, le train est presque la plus mauvaise solution pour se rendre de Limoges à Paris : le dernier avatar du Capitole, qui était il y a vingt ans le train le plus rapide de France, décourage les voyageurs : le trajet est trop long, le confort aléatoire, sans parler de la restauration qui ne fait plus du tout honneur à la gastronomie française.
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, et Marcel Vidal. Très bien !
M. Jean-Pierre Demerliat. Il est donc important, monsieur le ministre, que le TGV pendulaire promis soit opérationnel le plus rapidement possible.
Je sais que le Gouvernement ne peut qu'aller dans ce sens, car le rééquilibrage des investissements en faveur du rail est l'une de ses priorités ; je m'en suis déjà félicité tout à l'heure.
Le financement hors contrat de plan de la route centre-Europe Atlantique est également une excellente chose.
Néanmoins, le tracé de cette voie structurante, indispensable au désenclavement du centre de la France, ne fait pas l'unanimité chez les usagers. En effet, les transporteurs qui doivent, depuis La Croisière, emprunter l'A 20 jusqu'à Limoges, puis la RN 141, dont la mise à deux foix deux voies avance, mais relativement lentement, n'aiment pas ce trajet, car il allonge les distances et comporte de fortes déclivités.
Il est donc indispensable, dans un avenir proche, de prévoir un barreau La Croisière-Bellac qui rejoindra l'axe Nantes-Méditerranée, lequel, comme cela a été très justement décidé, passera par Poitiers-Bellac et Limoges.
Il convient de souligner l'importance de la réalisation d'un tel axe, qui permettra enfin de relier avec une infrastructure routière appropriée deux capitales régionales - Limoges et Poitiers - qui travaillent ensemble déjà depuis longtemps dans le cadre de la mise en réseau des villes moyennes.
Je viens d'évoquer Bellac, monsieur le ministre : il est extrêmement urgent que son contournement ainsi et peut-être surtout que celui d'Aixe-sur-Vienne, sur la RN 21, soient prévus, financés et, bien évidemment, réalisés dans les délais les plus brefs.
Je connais et approuve les efforts que vous déployez pour renforcer la sécurité routière, je vous en ai déjà félicité. C'est bien de sécurité routière qu'il s'agit lorsqu'on évoque le contournement des villes de Bellac et d'Aixe-sur-Vienne. Il est, certes, important d'affecter les moyens nécessaires à la prévention et à la formation des automobilistes, mais il est tout aussi indispensable de réaliser les aménagements routiers qui permettent d'éviter les points noirs « accidentogènes » tels que ceux que je viens de citer.
Monsieur le ministre, j'entends bien dire, ici et là, que demander des investissements routiers importants serait passé de mode ; mais ce langage est surtout tenu par d'éminents donneurs de leçons issus de régions dont les infrastructures répondent depuis longtemps à tous leurs besoins !
En Limousin, nous ne savons pas encore faire circuler nos marchandises, nos productions - excellentes, comme chacun le sait - sur le réseau Internet. (Sourires.) Alors, en attendant, monsieur le ministre, je vous demande, nous vous demandons instamment de bien vouloir faire accélérer la réalisation de ces projets indispensables à cette belle région, ce dont je vous remercie par avance. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Gerbaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. A l'évidence, je ne partage pas l'optimisme des deux orateurs précédents.
Le budget de la route et des transports terrestres qui nous est présenté ne peut pas nous satisfaire et, en quelques mots, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous dire pourquoi nous ne pouvons pas l'adopter.
Ce budget est en trompe-l'oeil.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Philippe Arnaud. Il joue sur l'effet d'annonce : augmentation de l'investissement routier... priorité à la sécurité routière, grande cause nationale... engagement d'une politique forte en faveur du transport ferroviaire... Tout cela est séduisant et, je vous le dis franchement, monsieur le ministre, si votre budget était à la hauteur de ces ambitions, je le voterais.
M. Georges Gruillot. Nous aussi !
M. Philippe Arnaud. Il faut, en effet, sécuriser et développer notre réseau routier, et d'abord nos grandes routes nationales. Il faut tout mettre en oeuvre pour réduire les accidents de la route. Et si vous voulez transférer le transport de marchandises de la route vers le rail, je vous approuve !
Qu'en est-il, en réalité, et qu'en sera-t-il à la fin de l'exécution de ce budget et des suivants ? A cet instant, je remercie MM. les rapporteurs spéciaux et MM. les rapporteurs pour avis, qui nous ont éclairés sur la réalité des engagements financiers.
Qu'en sera-t-il donc de l'exécution ?
Vous connaissez comme moi la différence fondamentale qui existe entre autorisations de programme et crédits de paiement,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. Philippe Arnaud. ... entre crédits de paiement et exécutions effectives d'un programme, et vous savez comment on peut en jouer !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous expliquerai !
M. Philippe Arnaud. Pour les routes, grâce aux concours des régions et des départements dans le cadre du XIIe plan, vous annoncez des crédits en sensible augmentation. Cependant, même à ce niveau, ils sont et restent insuffisants, et vous savez bien que, malheureusement, toutes les opérations annoncées ne seront pas exécutées.
Je connais une région dans laquelle seulement 60 % des crédits routiers inscrits en engagement au titre du dernier plan ont été effectivement consommés, alors même que les études étaient faites, les dossiers prêts. Or c'est de la seule responsabilité de l'Etat, puisque c'est sous sa maîtrise d'ouvrage.
Vous avez vous-même déclaré, monsieur le ministre, qu'il existait dans le pays « une forte exigence d'amélioration, de sécurisation et de développement du réseau routier ». Le Charentais que je suis sait de quelle exigence il s'agit et, fort de l'expérience d'Angoulême et Bordeaux, vous dit : comme vous avez raison !
Certes, monsieur le ministre, on ne peut pas tout faire en un jour. Pourtant, il faut aller vite, très vite même, car le trafic routier progresse à un rythme tel que vos propositions, non seulement ne permettront pas de rattraper le retard, mais encore aggraveront la situation.
Vous me direz sans doute que c'est pour cela que vous voulez « libérer » la route au profit du rail. Mais, monsieur le ministre, doubler les crédits ferroviaires en trois ans, doubler le volume des marchandises transporté par le rail en dix ans, belle annonce ! Sauf que, même si vous atteigniez cet objectif, vous n'auriez rien changé au problème !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. On ne va pas s'arrêter !
M. Philippe Arnaud. Je cite quelques chiffres relevés sur le cite Internet de votre ministère. Pardonnez-moi si je parle en milliard de tonnes/kilomètre, mais c'est l'unité de référence.
Pour ce qui est du rail, on a enregistré, en 1997, 52,6 milliards de tonnes/kilomètre, soit un chiffre légèrement inférieur à ce qu'il était en 1982, avec une courbe de progression quasiment linéaire. Il y a des raisons à cela, et pas seulement financières ; certaines relèvent aussi, sans doute, de la culture de l'entreprise SNCF.
Pour ce qui est de la route, toujours en 1997, on a enregistré 237,2 milliards de tonnes/kilomètre contre 125 milliards de tonnes/kilomètre en 1982, soit une progression exponentielle que le développement accéléré des échanges internationaux confirmera sur les dix prochaines années.
La route plus le rail représentent donc 290 milliards de tonnes/kilomètre.
Puisque gouverner, c'est prévoir, je vous invite, monsieur le ministre, à vous projeter dans dix ans. Les optimistes estiment que le trafic augmentera de 35 % sur cette période, les réalistes le voient doubler. C'est donc une surcharge comprise entre 100 milliards et 300 milliards de tonnes/kilomètre - chiffre à rapprocher des 52,6 milliards de tonnes/kilomètre que je viens de citer - qu'il faut absorber dans les dix ans. Et quelles sont vos ambitions ? Vous nous proposez d'absorber 50 milliards de tonnes/kilomètre pour le rail, justifiant par cette politique ferroviaire votre retrait routier. Mais, monsieur le ministre, il restera encore de 50 milliards à 250 milliards de tonnes/kilomètre à absorber, ce qui équivaut à doubler le trafic routier actuel,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Et les bateaux ?
M. Philippe Arnaud. ... alors même que la route est d'ores et déjà saturée, qu'elle est dangereuse et qu'elle pollue.
Et, pour faire face à cet accroissement dramatique du risque routier, vous vous contentez d'informer, d'éduquer et de sanctionner l'usager.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non !
M. Philippe Arnaud. Monsieur le ministre, il n'est pas suffisant d'éduquer ou de sanctionner l'usager de la route quand on ne met pas à sa disposition des routes sûres !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est la loi qui a été votée !
M. Philippe Arnaud. Attention, monsieur le ministre : dans ce domaine, votre responsabilité, celle de l'Etat, est d'autant plus lourde que vous érigez la sécurité routière en grande cause nationale.
Parce que vous ne vous donnez pas les moyens de servir une politique que pourtant vous affichez, parce que vos propositions sont inopérantes face aux enjeux de la prochaine décennie, parce que l'insécurité routière ne fera que s'aggraver, je ne peux, nous ne pouvons, monsieur le ministre, que rejeter ce budget.
Vous me direz sans doute que nous, membres de la majorité sénatoriale, qui sommes très attachés à la rigueur dans l'utilisation des fonds publics, fruits de l'impôt, n'avons qu'à vous accorder les crédits nécessaires. Ce serait oublier l'ordonnance de 1959 - mais personne ne peut l'ignorer - qui interdit au Parlement d'inscrire des dépenses nouvelles.
Mais, à ma connaissance, le Sénat n'a jamais refusé de voter des crédits d'investissement. Je vous fais donc une proposition, monsieur le ministre : triplez vos crédits d'investissement, et le Sénat vous les votera !
Cela étant, je pense que la politique que vous nous présentez n'est ni volontariste ni ambitieuse, et cela motivera, encore une fois, notre rejet de ce budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, je vais peut-être vous étonner mais, contrairement à mon habitude, je ne parlerai pas des transports aériens ! (Sourires.) J'aurais pu encore vous interroger sur le troisième aéroport, mais vous m'avez répondu très clairement sur ce sujet, la semaine dernière, en commission, me disant qu'il s'agissait d'une décision de l'Etat et que la réponse serait donnée dans le cadre des schémas nationaux de services pour le premier semestre 2000. J'en prends donc acte. Il n'y a donc plus qu'à attendre ! (Sourires.)
Aujourd'hui, j'évoquerai les transports terrestres, notamment ferroviaires. Mais ce n'est pas sans cohérence avec les transports aériens. J'y vois même une triple cohérence.
Si j'étais cynique, je parlerais d'abord d'une cohérence dans les retards.
Auparavant, en effet, il n'était question que des retards des trains, et chacun se félicitait que les avions décollent à l'heure. Aujourd'hui, c'est malheureusement un peu l'inverse : tandis que le transport ferroviaire s'est beaucoup amélioré en matière de ponctualité, le transport aérien enregistre, lui, des retards de plus en plus importants.
Cohérence, ensuite, dans la rapidité. Il est vrai que, depuis un certain temps déjà, le fer a connu des progrès importants, et je dois ici saluer le TGV et tout ce qu'il a apporté, même si, s'agissant de la ligne Paris - Limoges, beaucoup reste à faire.
Cohérence, enfin, dans l'aménagement du territoire.
Permettez-moi, à cet égard, d'évoquer un produit très ciblé, je veux dire la carte SNCF domicile-travail.
La cohérence en matière de transport voudrait, par exemple, que l'on revoie la loi du 4 août 1982 relative à la participation des employeurs au financement des transports publics urbains, ainsi que le décret du 30 septembre de la même année. Comment prétendre, en effet, que, en dix-sept ans, la situation n'a pas évolué, que le cadre de vie et les habitudes des Français n'ont pas changé ?
Prenons le cas de l'Eure-et-Loir. Chaque jour, 6 000 personnes utilisent les transports ferroviaires pour se rendre sur leur lieu de travail, principalement d'ailleurs en Ile-de-France. Ces 6 000 personnes ont donc choisi de vivre en Eure-et-Loir, mais travaillent ailleurs. Prenant moi-même le train pour me rendre à Paris, il m'arrive de parler avec ces étranges migrants, qui ont bien du mal à comprendre pourquoi leur cas n'attire pas davantage l'attention des pouvoirs publics.
C'est qu'ils supportent l'intégralité du coût de leur transport. Je m'explique : ils doivent parcourir quatre-vingt-dix kilomètres, alors que la carte SNCF domicile-travail, aux termes de la loi de 1982, n'est valable que pour soixante-quinze kilomètres. Or, depuis 1982, les modes de vie ont changé, et les Français aussi. Les migrations vers l'Ile-de-France sont plus fréquentes.
Le cas de l'Eure-et-Loir n'est sans doute pas isolé. Tous les départements limitrophes de l'Ile-de-France sont atteints par cette « macrocéphalie parisienne » et, aujourd'hui, il n'est pas rare de parcourir jusqu'à cent kilomètres pour se rendre sur son lieu de travail, ce qui était pratiquement impensable en 1982.
Je vous propose donc de revoir cette limite fatidique des soixante-quinze kilomètres et de la porter à cent kilomètres. Si une telle limite avait sa raison d'être en 1982, elle est aujourd'hui vidée de son sens et a perdu de sa cohérence, d'autant que l'on demande aux salariés d'être de plus en plus mobiles.
Je souhaiterais connaître votre avis sur cette suggestion, qui me paraît intéressante et qui rendrait service à de nombreux utilisateurs du rail. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez devant le Sénat constitue une étape importante à la veille de la signature des contrats du XIIe Plan.
En effet, il était essentiel de reconstituer les capacités d'investissement de l'Etat, autour de projets d'intérêt national et européen, permettant à votre ministère de renouveler ses actions de partenariat avec les collectivités territoriales.
Annoncée par le Premier ministre à l'issue du comité interministériel du 23 novembre dernier, la seconde enveloppe, d'un montant de 25 milliards de francs, est un encouragement supplémentaire pour la période 2000-2006, et nous nous félicitons que le Gouvernement accentue son effort pour le développement régional.
L'une de vos priorités est de poursuivre le rééquilibrage des différents modes de transport au profit du rail et des voies navigables, considérés comme sûrs et respectueux de l'environnement.
Le réseau routier n'est pas pour autant oublié, puisque les crédits destinés à son amélioration progressent de 6 %.
A cet égard, vous disposez, monsieur le ministre, des leviers nécessaires pour réduire les écarts territoriaux et valoriser la situation géographique centrale de la France en Europe.
Pour illustrer mon propos, j'appellerai votre attention sur la nécessité de mieux structurer les voies de communication de l'arc sud méditerranéen.
Une politique volontariste des transports, qui englobe la Catalogne, le Languedoc-Roussillon et la Provence-Côte d'Azur, le Piémont et la Lombardie, mais qui a aussi vocation à s'étendre au-delà, jusqu'à Madrid, Valence et Toulouse, d'une part, Rome et Bologne, d'autre part, présente de nombreux avantages.
Elle constitue une alternative à l'axe rhénan. Elle évite les risques de continentalisation de la croissance économique en Europe. Enfin, elle vise à promouvoir les relations commerciales et les échanges culturels avec les pays du bassin méditerranéen.
Ces problématiques transfrontalières devraient pouvoir faire l'objet d'une résolution urgente, qu'il s'agisse de la modernisation compétitive des infrastructures portuaires, de la réalisation effective d'une ligne de TGV reliant les villes de Madrid et Barcelone à la France ou, notamment, des décisions à prendre pour décongestionner le trafic dans la zone sensible du tunnel du Mont-Blanc et améliorer, plus au sud, au niveau du col de Tende, la liaison entre Nice et Turin.
En septembre dernier, une mission parlementaire, conduite par notre collègue M. Philippe François, nous a permis d'établir des contacts et des échanges dignes d'intérêt, notamment à Turin et à Cuneo. Tant à l'échelon régional qu'à l'échelon provincial, les élus italiens, par leurs propos, n'ont fait que confirmer nos positions quant à l'urgence du règlement positif de ces dossiers.
En tant qu'élu du département de l'Hérault, je suis également attentif à l'avancement des travaux d'aménagement des autoroutes A 75 et A 750.
La lenteur avec laquelle évolue le dossier de construction du viaduc de Millau laisse planer quelques inquiétudes, lorsque l'on sait que la circulation se trouve paralysée dans la sous-préfecture du sud-Aveyron, notamment durant la saison touristique. Il est urgent que ce « verrou » saute. C'est l'intérêt général.
Par ailleurs, les études préliminaires ne sont toujours pas achevées pour déterminer comment sera assurée exactement la jonction de l'A 75 et de l'A 9 au niveau de la ville de Béziers. C'est un dossier sur lequel vous avez déjà dû être interpellé par les élus concernés.
Et la même longueur des procédures juridiques et administratives caractérise l'élaboration du tracé de l'A 750 entre les communes de Saint-André-de-Sangonis et de Gignac, situées de part et d'autre du fleuve Hérault.
Quant au devenir du triangle de Ceyras, je formulerai le voeu, monsieur le ministre, que l'Etat prenne l'initiative de créer une vaste réserve foncière à l'intersection de l'A 75 et de l'A 750, avec l'accord et le soutien du conseil général et des communes concernées.
De même, il serait opportun que cette dernière soit placée sous le contrôle d'une société d'économie mixte, afin d'attirer des activités économiques dans le centre Hérault, en délocalisant quelques laboratoires de recherche implantés sur le site d'Agropolis, à Montpellier. Je pense notamment à l'oenologie et à l'oléiculture, deux symboles de notre culture méditerranéenne qui méritent toute notre attention.
En outre, ne pourrions-nous pas envisager, en collaboration avec le ministère de l'éducation, de la recherche et de la technologie, l'implantation d'un lycée technique qui valoriserait l'apprentissage de ces savoir-faire traditionnels, aujourd'hui en plein renouveau ?
Les ingénieurs et les techniciens de la direction départementale de l'équipement de l'Hérault sont très attentifs à la préservation de ce secteur, et nous ont permis, voilà trois ou quatre ans, d'engager une réflexion à l'échelon des communautés de communes et des districts, et ce dans le cadre de la politique du « 1 % paysage et environnement ».
Mais, au-delà, on peut imaginer que de jeunes agriculteurs audacieux sauront s'inspirer de ce qui a été réalisé au niveau de l'autoroute A 51 entre Aix-en-Provence et Sisteron, notamment aux abords de Manosque dans la vallée de la Durance, où l'on constate un bel essor de l'activité oléicole.
Mes collègues MM. Picheral et Domeizel ont facilité, en juin dernier, une visite technique à la fois utile et agréable. Je crois beaucoup à la « pédagogie de l'exemple ».
Il est sans doute trop tôt pour évaluer les effets de la politique du « 1 % paysage et environnement ».
On peut toutefois remarquer que la tendance au localisme génère trop souvent un saupoudrage des opérations. Soyons donc vigilants et ayons une conception, une vision globale dans ce domaine.
La responsabilité nous incombe, à l'heure actuelle, de parvenir à dégager quatre ou cinq pôles forts qui entreront dans la charte d'itinéraire le long de la Méridienne, entre le plateau du Larzac et la périphérie de Béziers et de Montpellier.
Pour conclure, j'indiquerai que l'insertion de l'ouvrage dans l'environnement et la promotion d'un bassin de vie économique et touristique respectueux du patrimoine paysager vont dans le sens d'une politique plus générale d'aménagement du territoire. En effet, c'est dans un souci d'équilibrer le territoire à l'échelon national et européen que s'inscrit la décision de réaliser les infrastructures autoroutières.
Monsieur le ministre, les grandes orientations de votre projet de budget confortent cette influence positive que la politique de l'équipement et des transports doit générer sur le cadre de vie de nos concitoyens. Nous le voterons donc sans réserve. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Si je devais caractériser en peu de mots le budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, je dirais qu'il s'agit d'un simple budget d'intendance vaguement consolidé.
Mme Odette Terrade. Oh !
M. Pierre Hérisson. En réalité, ce budget ne permet pas d'espérer une réorientation de votre politique sur le moyen et le long terme.
Il laisse apparaître un certain nombre d'insuffisances. La première concerne les investissements routiers et autoroutiers.
Au sein du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, les crédits destinés aux routes diminuent de près de 4 %.
Certes, des événements tragiques vous ont conduit à définir des priorités, comme la mise en sécurité des tunnels routiers non concédés. Je me réjouis d'ailleurs de votre décision récente de débloquer 2 milliards de francs supplémentaires.
Le FITTVN, créé initialement pour financer des équipements d'aménagement du territoire, vous sert également à financer la poursuite de deux grandes opérations de désenclavement dans le Massif central et dans les Landes.
Certains excuseront la timidité de votre budget au simple motif que l'an 2000 représente une année de transition entre les anciens et les nouveaux contrats de plan Etat-région. Je précise que l'enveloppe prévue dans le XIIe Plan est plus faible que celle du XIe Plan. Je rappellerai que les contrats de plan Etat-région méritent pour l'avenir, pour le moyen et le long terme, d'être reconsidérés. L'Etat s'engage pour sept ans à hauteur de 1 % du budget de la nation chaque année dans des contrats dont les moyens ne sont plus adaptés aux besoins de modernisation de l'« appareil circulatoire » de notre territoire, qu'il soit routier ou ferroviaire.
La deuxième insuffisance de votre budget concerne les dotations à l'entretien du réseau routier national.
Que constatons-nous depuis 1982 et les lois de décentralisation ? Les départements et les communes ont fait des efforts d'investissement considérables pour moderniser les voies communales et l'ensemble des routes départementales.
Certes, le réseau autoroutier a insuffisamment progressé, et j'évoquerai tout à l'heure le cas particulier de la Haute-Savoie. Mais, aujourd'hui, le parent pauvre, en termes d'aménagement routier, c'est à l'évidence la route nationale. C'est bien là que se pose le problème. Moins on entretient les routes, plus les opérations de réhabilitation coûtent cher : 11 % des voies du réseau national nécessitent des interventions lourdes et 18 % des ouvrages d'art sont atteints dans leur structure et nécessitent d'importants travaux. Ainsi, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, il faudrait consacrer près de 15 milliards de francs pour effectuer un programme complet de réhabilitation en première urgence. Ce n'est pas avec ce budget que vous y parviendrez. Vous réduisez même les moyens d'entretien tandis que vous gelez les moyens de réhabilitation.
Ne parlons même pas de la construction nouvelle... à moins que vous ne vous engagiez à autoriser des opérations de péage urbain.
Un certain nombre de collectivités sont prêtes à assurer des constructions nouvelles, des déviations, des reprises de routes nationales, dans le cadre d'un système à péage. Il vous appartient de faire des annonces fortes dans ce domaine. En tout cas, c'est ce que nous attendons de vous, pour vous avoir entendu un certain nombre de fois sur ce sujet.
Vous le savez bien, j'ai soutenu dans cette assemblée votre action lorsque nous avons examiné les textes sur la sécurité routière. Votre objectif de réduire de 50 % le nombre de tués sur la route est non seulement louable, mais aussi nécessaire et urgent. Toutefois, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un simple problème d'information et de sensibilisation. Il faut adapter et moderniser l'appareil circulatoire et l'ensemble du réseau routier aux besoins du trafic d'aujourd'hui, parce qu'il est une réalité.
Des routes en mauvais état, des routes mal éclairées sont le théâtre d'accidents dramatiques. Leur réhabilitation et leur entretien concourent tout autant à l'objectif de sécurité que vous vous êtes fixé. La discussion budgétaire offre aux parlementaires l'occasion de s'exprimer et d'insister sur ce sujet.
J'évoquerai également le transport ferroviaire.
A l'heure où la SNCF approche de l'équilibre, il serait dommage de brider son développement. On a trop vu, dans le passé, les dommages que pouvaient provoquer les conflits sociaux sur le résultat de l'entreprise.
Par ailleurs, je regrette que votre budget ne prenne pas suffisamment en compte l'importance stratégique du développement du fret ferroviaire et du transport combiné. Les moyens budgétaires accordés à ces deux éléments clés ne sont pas à la hauteur de vos déclarations.
Je fais partie de ceux qui considèrent que le transport public de voyageurs doit être accessible à tous et doit rester un grand service public. Je considère que le transport de marchandises doit aujourd'hui s'adapter à la modernité et au régime concurrentiel, par la mise en place de moyens. Vous allez sans doute me répondre que les Anglais n'ont pas résolu le problème de la bonne façon. En France, nous avons créé Réseau ferré de France. Il s'agit non pas de changer de système, mais simplement d'ouvrir à la concurrence, publique ou privée, le fret qui, aujourd'hui, consiste d'abord à essayer de remettre de la marchandise sur les trains avant de chercher à mettre des camions sur les trains. Il s'agit là d'une proposition de bon sens, que vous pourriez soutenir par des moyens budgétaires permettant de réaliser des études plus précises dans ce domaine.
Désengager la SNCF du poids de la dette concernant ses voies, par égalité de traitement avec la concurrence routière, et lui faire acquitter un droit de péage pour faire circuler les trains était l'un des deux objectifs de Réseau ferré de France et du transfert. Il faut donc donner aujourd'hui la possibilité à des transporteurs concurrents - j'insiste sur ce point - de circuler sur ses voies dans des conditions identiques. En effet en matière de sécurité routière, si le trafic routier, notamment celui du fret, continue à progresser, vous n'atteindrez pas les objectifs que vous vous êtes assignés en ce qui concerne la diminution des accidents de la route.
Je suis convaincu que le transport de marchandises, à plus forte raison à la suite de la grande révolution des privatisations que nous vivons au quotidien, doit évoluer rapidement.
En ce qui concerne les marchandises, il convient de moderniser le transport ferroviaire, de compenser les inerties et les ruptures de charge en mettant en service des trains de marchandises à grande vitesse, car c'est ainsi qu'il pourra y avoir une véritable concurrence avec la route. C'est pourquoi il nous faut réussir la libéralisation et l'ouverture à la concurrence. Il faut donc s'en donner les moyens. Dès lors, monsieur le ministre, faites un effort de bon sens, et la SNCF vous en sera reconnaissante.
L'objectif du doublement du trafic ferroviaire d'ici à 2010 ne sera possible que grâce à la réalisation de nouvelles infrastructures et à la mise en service de moyens de transport plus rapides. Compte tenu de l'état actuel des équipements ferroviaires, cet objectif est totalement irréaliste.
Enfin, j'évoquerai rapidement le problème des autoroutes, plus particulièrement celui de l'autoroute A 41 en Haute-Savoie.
Il est urgent, monsieur le ministre, de faire redémarrer les travaux de cette autoroute, qui est devenue une autoroute politique. La déclaration d'utilité publique va arriver à son terme. Son prolongement rouvrirait la possibilité de contester cet axe autoroutier indispensable à la desserte d'un département qui a déjà suffisamment de difficultés avec le tunnel du Mont-Blanc.
Ce barreau autoroutier permettrait de relier la Haute-Savoie à l'ensemble du réseau autoroutier du Nord.
De cette tribune, monsieur le ministre, je vous demande instamment de prendre des mesures d'urgence afin que les travaux puissent reprendre sur ce barreau autoroutier, qui est aujourd'hui arrêté dans notre département.
Puisque les choses ne changeront pas réellement et pour marquer notre désapprobation à cette politique, monsieur le ministre, nous ne voterons pas le budget que vous nous présentez.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le domaine des transports, il est des évidences qu'il convient de rappeler. J'en soulignerai quatre.
Première évidence : notre civilisation est celle des échanges. Du GATT à l'OMC et aux négociations actuelles de Seattle, de la Communauté économique européenne de 1957 à l'Union européenne d'aujourd'hui, ces quarante dernières années ont été marquées par une double volonté évidente : celle d'abaisser les barrières douanières, celle de créer de vastes ensembles économiques.
Deuxième évidence : les transports sont au coeur du développement économique, de l'aménagement et de la structuration des territoires.
Le rythme d'évolution des échanges est toujours supérieur à celui de la croissance économique. Ce développement des échanges concerne tous les secteurs de notre vie économique et tous les modes de transport : la route, le fer, l'air, la mer, voire, à certains endroits, les fleuves.
Troisième évidence : la demande de transport se développe d'autant plus que notre société est de plus en plus motorisée et mobile.
Il est possible d'apprécier et d'accepter ou non cette évolution, il est impossible de la nier. La France est loin d'avoir atteint le plafond de son parc automobile et le kilométrage annuel moyen parcouru par nos concitoyens continue d'augmenter.
La quatrième évidence tient à la géographie : la France est au coeur - ou presque - de l'Europe. Elle est, en tout cas, un des principaux pays de transit pour le transport des voyageurs et des marchandises.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, votre ministère a un rôle essentiel à jouer pour soutenir notre développement économique, pour dynamiser notre aménagement du territoire et pour participer à la structuration de l'espace national et européen.
Face à ces enjeux, notre politique des transports doit avoir des objectifs clairs. Quels sont-ils ? A mon sens, ils sont de quatre ordres.
Premier objectif : satisfaire les besoins tant des voyageurs que des entreprises.
Il est donc nécessaire de bien analyser cette demande, son évolution et, éventuellement, ses mutations.
Je rends hommage à la direction des routes pour les travaux prospectifs qu'elle a réalisés et publiés l'an dernier sur les prévisions de trafics à l'horizon 2020, et dont les résultats concordent avec ceux d'autres organismes spécialisés.
Les évolutions sont claires, quelles que soient les hypothèses de croissance économique retenues pour les deux prochaines décennies.
D'autres orateurs l'ont dit avant moi, les rapporteurs le soulignent également dans leur rapport : le trafic routier est celui qui augmentera le plus vite. Au sein de celui-ci, le trafic autoroutier aura un rythme de croissance largement supérieur à celui de tous les autres modes de transport.
Le transport ferroviaire est celui dont le trafic augmentera le moins vite. Cela s'explique évidemment par sa rigidité, dans un monde caractérisé par la mobilité : rigidité dans la gestion, rigidité des acquis sociaux, rigidité des infrastructures, rigidité tenant à la demande des collectivités territoriales.
Pour faire face à la croissance et à la mobilité des besoins, il faut une adaptabilité accrue de l'offre. Il faut donc introduire davantage de concurrence et de transparence. Je vous concède que vous l'avez fait.
Le deuxième objectif est de concilier l'augmentation des infrastructures de transports avec les aspirations compréhensibles de nos concitoyens en ce qui concerne l'environnement et la préservation du cadre de vie.
Nous sommes tous conscients des enjeux. Ils sont essentiels. Ils ont un coût. Il est impératif que nous les assumions.
Nous avons voté des lois sur les paysages, sur l'eau, sur l'air, sur le bruit... Autant d'objectifs louables et de contraintes nécessaires qu'aucun d'entre nous ne renie.
Désormais, les projets sont mieux étudiés, les populations sont mieux consultées, les équipements sont mieux insérés dans leur environnement urbain, périurbain, rural, montagnard ou littoral.
De ce fait, le coût d'un kilomètre d'autoroute a presque doublé en dix ans et atteint maintenant presque 50 millions de francs, soit 50 milliards de francs pour 1000 kilomètres. Vous me voyez venir... Cinquante milliards, c'est un peu moins que le montant des aides publiques à la SNCF !
Pour ma part, je ne le regrette pas, mais il faut savoir en payer le prix. Qui va le faire ? L'usager, ou le contribuable ? En fait, les deux, l'un au titre du service rendu, l'autre au titre de la solidarité nationale.
Tout le problème d'une politique des transports est d'établir une juste ligne de partage entre les contributions des uns et celles des autres.
Le troisième objectif est donc de gérer notre système de transport au moindre coût ou, plutôt, au plus juste coût pour les finances publiques et la collectivité nationale. Dans ce domaine, la clarté et la transparence des comptes sont essentielles. Or, monsieur le ministre c'est loin d'être le cas.
L'analyse des taux de rentabilité est indispensable. La juste facturation du service rendu est souhaitable. Dans ce domaine, votre politique n'est pas satisfaisante. Les comptes du système ferroviaire, par exemple, ne sont pas clairs.
Pour le système autoroutier concédé, beaucoup de contrevérités ont été avancées.
J'aimerais savoir, par exemple, quelle est la rentabilité d'un franc investi dans le fer par rapport à un franc investi dans une autoroute - concédée ou non - ou dans une voie fluviale.
Dans le cadre de l'analyse de l'amélioration d'une liaison de transport entre deux villes de l'Ouest de la France, une étude faite dans ce sens par vos services montre que le taux de rentabilité de l'autoroute concédée ressortait à 26 % et celui de la voie ferrée à 5 %.
Notre quatrième objectif est d'améliorer les grandes liaisons qui constituent le réseau transeuropéen. C'est à la fois la grande ambition et le grand échec de l'Europe.
D'Edimbourg à Essen, l'Europe a affiché de grandes ambitions. Dans ce domaine, les désillusions sont à la hauteur du battage médiatique fait autour de ces grands projets.
Le transManche est, certes, une réussite. Mais les traversées des Alpes et des Pyrénées ne sont pas résolues et de grands axes comme celui du sillon rhodanien sont au bord de l'asphyxie. Quant au ciel européen, il est à la limite de l'engorgement.
Face à ces évidences, face à ces objectifs, quels sont les résultats de votre politique ?
A mon avis, ils sont nuancés, voire insuffisants.
Je ne mésestime pas les difficultés de votre tâche, monsieur le ministre. Je ne doute pas de votre ardeur au travail, ni de celle de tous vos collaborateurs et de tous les fonctionnaires qui sont sous votre autorité. Je pense néanmoins que, faute d'avoir pris la juste mesure des choses, vous n'avez pas fait les meilleurs choix pour l'avenir de nos transports.
A cet égard, j'aurai quatre observations à formuler.
La première concerne le changement de la politique des transports que vous avez engagé.
Un de vos collègues du Gouvernement m'a dit, un jour, avec beaucoup de franchise : « En 1997, les Français ont changé de majorité politique, c'était pour changer de politique, et c'est ce que nous avons fait. » Telle est, bien entendu, la règle du jeu en démocratie.
Un problème vient pourtant à se poser lorsque la politique, notamment celle des transports, ne correspond ni aux besoins ni aux moyens financiers dont on dispose. Il faut, pour changer de politique des transports, que les besoins évoluent dans le même sens.
Tout cela a été fort bien analysé, expliqué, démontré, par l'excellent rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les grandes infrastructures ferroviaires, routières et fluviales, publié en juillet 1998, et dont d'ailleurs plus personne ne parle. Je regrette vraiment que vous en ayez tenu aussi peu compte car toutes ses analyses sont justes, même si elles auraient mérité d'être davantage explicitées sur le plan financier et budgétaire.
Ma deuxième observation concerne les méthodes que vous avez employées.
Sans débat public et sans débat parlementaire préalable, le Gouvernement a commencé, dès juillet 1997, à restreindre et à freiner, au-delà du raisonnable, voire de l'acceptable, le développement du réseau autoroutier concédé.
Vous avez ensuite, par la loi du 25 juin 1999 d'aménagement du territoire, supprimé le schéma national d'aménagement du territoire, puis les schémas sectoriels, pour les remplacer par des schémas dits « de services voyageurs et marchandises », dont on ne connaît encore vraiment ni le contenu ni la fiabilité.
Vous avez affiché une priorité exclusive du développement ferroviaire et réduit l'effort d'investissement routier et autoroutier, alors que l'évolution des besoins et des demandes allait exactement dans le sens inverse. Les négociations pour les contrats de plan Etat-région ont parfaitement mis en évidence ces contradictions.
Vous proclamez partout que la solution à tous les problèmes de transport réside dans le développement du transport combiné et de l'intermodalité. Or, les crédits affectés à ces actions sont d'un montant limité et les résultats problématiques.
Vous savez bien, monsieur le ministre, qu'aucun grand pays développé au monde n'a su transférer durablement des trafics d'un mode, les routes, à un autre, le ferroviaire.
Vous savez aussi que l'évolution des besoins au cours des vingt prochaines années va maintenir, voire renforcer l'écrasante supériorité des transports routiers, hors zones urbaines, sur les transports ferroviaires. C'est un constat !
Vous connaissez l'ampleur des investissements nécessaires pour développer le transport combiné et les résultats aléatoires que l'on peut en attendre, pour la bonne raison que la fiabilité des deux modes de transport, route et fer, n'est pas la même.
Notre excellent collègue M. Miquel, rapporteur spécial, écrit dans son rapport que, en 1998, 40 % des jours de grève en France se sont produits à la SNCF ! Et avec ça, on veut faire du transport combiné !
Notre réseau de fret est incapable, à l'heure actuelle, de satisfaire la demande des chargeurs. La raison est simple : si nous avons, certes, au cours des vingt dernières années, gagné la bataille de la technologie ferroviaire avec le TGV, il se trouve que celui-ci ne transporte, malheureusement, pas de marchandises ! Monsieur le ministre, nous sommes en train de perdre la bataille du fret !
Vous savez enfin que nos capacités financières ne nous permettront de réaliser, au cours des dix prochaines années, qu'une seule grande liaison ferroviaire nouvelle, le TGV Est, et encore pas complétement, et avec le soutien financier de très nombreux partenaires.
Cela m'amène à ma troisième observation, qui concerne le secteur ferroviaire, c'est-à-dire à la fois RFF et la SNCF.
La réforme engagée est une bonne réforme, à laquelle vous vous êtes rallié. Il faut, je crois, aller encore plus loin dans le sens de l'ouverture, de la transparence, de la concurrence et de l'efficacité.
Tout cela passe par quatre conditions : il faut s'adapter aux règles européennes que nos gouvernements ont acceptées au nom de la France ; développer le dialogue social au sein de l'entreprise, car il n'y aura pas de réussite sans consensus ni dynamique d'entreprise ; écouter et satisfaire les besoins de la clientèle ; enfin, avoir des comptes clairs et, si possible, pas trop déficitaires.
A cet égard, il y a d'immenses progrès à faire.
La comptabilité de la SNCF est la plus obscure que je connaisse. C'est fâcheux pour l'information des citoyens et du Parlement, notamment quand on connaît plus ou moins bien la situation financière réelle du secteur ferroviaire.
J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur trois aspects de cette situation financière et, d'abord, sur l'endettement.
A la lecture des rapports, je crois comprendre qu'il est, au total, de 233 milliards de francs. Je vous remercie de me le confirmer.
Pour ce qui est des contributions publiques au réseau ferroviaire, la plus grande incertitude régne ! C'est ainsi que, pour 2000, on relève, à la page 16 du rapport d'Auguste Cazalet : « concours de l'Etat au transport ferroviaire : 37,7 milliards de francs », tandis qu'il est mentionné, à la page 37 du rapport de Jean Idiart à l'Assemblée nationale : « concours de l'Etat à la SNCF : 44,2 milliards de francs ».
M'étant penché sur cette question, je trouve pour ma part le chiffre de 62 milliards de francs pour 1998 au titre de l'ensemble des contributions financières de l'Etat et des collectivités publiques au transport ferroviaire français.
Vous allez sans doute me demander le détail de cette somme. Le détail, le voici !
Pour la SNCF, en 1998 : compensations des réductions tarifaires, 7,636 milliards de francs ; versements contractuels de l'Etat et des collectivités locales, 7,454 milliards de francs ; subventions d'investissement, 3,361 milliards de francs ; concours au service annexe de la dette, 4,442 milliards de francs ; contribution aux charges de retraites, 14,043 milliards de francs. Soit un total pour la SNCF de 36,936 milliards de francs.
Pour RFF, toujours en 1998 : contribution aux charges d'infrastructures, 11,820 milliards de francs ; dotation en capital, 10 milliards de francs ; subventions d'investissement, 3,3 milliards de francs. Soit un total pour RFF de 25,120 milliards de francs et un total général de 62,056 milliards de francs, à rapporter au total général pour 1997 de 57,091 milliards de francs, soit une augmentation de 8,77 %.
Je ne connais pas les chiffres pour 1999 mais je suis sûr, monsieur le ministre, que vous nous les donnerez, ainsi que les chiffres pour l'an 2000. Ma quatrième observation concernera, bien entendu, le système routier et autoroutier.
Je ne reviens pas sur la décroissance des crédits routiers, qui a été dénoncée par de nombreux orateurs.
Le freinage du programme autoroutier est inacceptable compte tenu de la croissance des besoins et des trafics. L'avenir risque, à cet égard, de nous amener à des réveils douloureux.
En termes de sécurité routière, la France, on l'a dit, est un des pays développés les plus meurtriers.
Certes, le manque de civisme est un facteur important de cause des accidents : vitesse, boisson, non-respect de la réglementation...
La qualité des infrastructures est également un élément majeur de la sécurité. Cela est plus particulièrement vrai avec la séparation des flux. Des investissements routiers et autoroutiers en moins, je l'ai déjà dit, ce sont des morts en plus.
J'en viens, pour conclure, à la situation financière et à la réforme nécessaire des sociétés d'autoroutes.
Il est impératif de réformer le statut des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA, et de les aligner sur le droit commun pour leur gestion, leur régime fiscal et leurs relations financières avec l'Etat.
Il est également nécessaire de dire la vérité au Parlement et à la nation sur l'équilibre financier du système des autoroutes concédées.
Vous nous avez dit que le système autoroutier était au bord de la faillite financière. Vous savez bien, monsieur le ministre, que ce n'est pas le cas.
Il est vrai que l'endettement est de 160 milliards de francs, mais il est également vrai que les recettes des péages s'élèvent à 30 milliards de francs par an, avec un taux de croissance d'environ 8 % par an.
Avec un trafic moyen d'environ 25 000 véhicules-jour, notre système autoroutier concédé non seulement ne reçoit aucune subvention de l'Etat - aucune, j'y insiste - mais apporte à l'Etat plus de 7 milliards de francs de recettes et taxes divers.
Au travers de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2000, vous envisagez d'ailleurs de le ponctionner encore de 300 millions de francs supplémentaires. Le Sénat, il y a quelques jours, a supprimé cet article que vous ferez, bien entendu, rétablir par votre majorité à l'Assemblée nationale.
Une partie de ces recettes va alimenter le FITTVN. C'est une disposition de la loi de 1995 que vous utilisez de plus en plus pour faire financer le système ferroviaire par le système autoroutier. Vous admettez donc, ainsi, qu'un mode de transport puisse subventionner un autre mode de transport ! Dans ces conditions, comment expliquez-vous les critiques formulées sur la technique de l'adossement, qui consiste à faire une péréquation au sein d'un même mode de transport !
M. le président. Monsieur Oudin, veuillez prendre le TGV pour conclure, s'il vous plaît ! (Sourires.)
M. Jacques Oudin. J'en termine, monsieur le président.

Pour répondre aux exigences de Bruxelles, que je trouve, pour ma part, raisonnables, j'ai proposé un système de péréquation au sein du secteur autoroutier. C'est l'un des objectifs de ma proposition de loi déposée le 18 mai 1999.
Pour conclure, je vous poserai trois brèves questions.
Quand déposerez-vous votre projet de loi sur la réforme des SEMCA ?
Les autorités de Bruxelles ont-elles accepté votre demande de prolongation des concessions autoroutières de vingt ans ?
Enfin, à votre avis, combien de kilomètres d'autoroutes devraient être mis en service, chaque année au cours de la période 2000-2007 ?
Monsieur le ministre, une partie de notre développement économique passe par la qualité de nos échanges, et donc par la qualité de nos infrastructures de transport.
Or, une politique d'infrastructures est une politique à très long terme, très sensible aux inflexions du moment.
Compte tenu des décisions que vous avez prises, ou que vous avez omis de prendre, je ne suis pas sûr que, au bout du compte, vous soyez au rendez-vous de l'histoire ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le transport routier continue à nécessiter des investissements importants, si le transport ferroviaire est un élément clé parmi les modes de transport, si le transport combiné doit être stimulé, nous ne devons pas, pour autant, oublier le transport fluvial.
La France a été, pendant longtemps, un pays dans lequel les canaux étaient considérés comme une voie de communication importante. Depuis plusieurs décennies, les canaux sont tombés en désuétude, et la voie d'eau est devenue la mal-aimée de nos modes de transport.
Je ne vous en fais pas le reproche, monsieur le ministre ; j'ai, voilà dix-huit ans, affronté le même sentiment d'incrédulité, venant de la part des mêmes, à l'égard de la voie d'eau.
Or, tout milite en faveur de la réhabilitation de la voie d'eau, à laquelle je crois fermement. Le fait que nos voisins européens de l'Est et du Nord lui accordent une place de choix et aient mis ou mettent au grand gabarit les liaisons entre Rhin et Danube, entre Elbe et Oder, l'élargissement de l'espace européen vers l'Est, la saturation, de plus en plus mal supportée, du trafic de camions dans les sillons rhénan et rhodanien, mais aussi ailleurs, sont autant d'arguments qui démentent les prévisions systématiquement pessimistes des détracteurs de la voie d'eau.
C'est parce qu'il en est ainsi que le Parlement avait prévu d'inscrire dans la loi d'aménagement du territoire de février 1995 la réalisation de la liaison à grand gabarit Rhin-Rhône et qu'il avait dégagé les moyens de son financement.
Il s'était fait, en l'occurrence, l'écho d'une volonté clairement exprimée par tous les présidents, sans exception, de la Ve République.
Je m'associe à la conclusion de l'avis de notre collègue Georges Gruillot lorsqu'il se demande « s'il existe une véritable "volonté politique" en matière de voies navigables » - et ce au-delà des alternances - lorsqu'il rappelle que « le canal à grand gabarit Rhin-Rhône était - et j'ajouterai « est » - « un grand projet » et lorsqu'il insiste sur le fait qu'« il convient d'être vigilant sur l'évolution de ces dossiers ».
Il ne s'agit pas de se résigner, comme l'a encore récemment fait un rapport parlementaire sur l'axe Rhin-Rhône en étant totalement muet sur le volet fluvial.
Plus que jamais, pour des raisons économiques, pour des raisons liées à l'aménagement du territoire et, ajouterai-je, pour des motifs d'ordre écologique, la voie d'eau reste un mode de transport nécessaire et, je le crois, un mode de transport d'avenir. Puissiez-vous, monsieur le ministre, partager cette conviction ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt.)



M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à saluer la qualité des travaux des rapporteurs et l'intérêt que présentent leurs analyses, même si je n'en partage pas toutes les conclusions.
La liberté de circuler est l'une des libertés fondamentales des citoyens, et la collectivité nationale doit être en mesure de répondre à l'ensemble des besoins exprimés, quel que soit le mode de transport, en termes tant de sécurité que de rapidité des déplacements, dans le respect de l'environnement, conformément à une demande de plus en plus forte de nos concitoyens.
La priorité donnée à la sécurité routière se traduit par un accroissement de ses moyens de 17 %, soit au total 530 millions de francs de crédits. Je sais que M. Miquel, rapporteur spécial pour les routes et la sécurité routière, est particulièrement attentif à cette grande question de société, comme, il l'a montré dans son intervention. J'y reviendrai tout à l'heure.
Mais la sécurité routière n'est pas la seule action engagée en matière de sécurité des transports. Ainsi, la tragédie du tunnel du Mont-Blanc a démontré la nécessité du renforcement de la sécurité des tunnels. M. Chevènement et moi-même avons demandé des expertises sur 39 tunnels routiers et sur les 31 tunnels ferroviaires les plus longs et les plus susceptibles, en raison de leur trafic ou de leur ancienneté, de nécessiter des travaux de sécurité.
Le rapport m'a été remis, et je l'ai présenté à la presse, comme j'avais d'ailleurs fait pour le rapport d'étape. L'objectif est de résorber sur trois ans, d'ici à 2003, les défauts en matière de sécurité, d'accès et d'évacuation des tunnels routiers. Pendant cette période, deux à trois milliards de francs seront consacrés à cette opération concernant les tunnels routiers, lesquels appartiennent, à peu près pour moitié, au réseau concédé et, pour l'autre moitié, au réseau national non concédé. Des engagements financiers sont déjà prévus pour l'an 2000.
Par ailleurs, la contribution au financement de la suppression des passages à niveau, qu'il faut poursuivre, est maintenue. Enfin, les aménagements de sécurité sur la voirie nationale seront dotés de 200 millions de francs d'autorisations de programme, en progression de 5 % par rapport à 1999, tant il est vrai que la qualité des infrastructures - M. Arnaud en a parlé - joue aussi un rôle dans la sécurité des déplacements. Cette évolution a d'ailleurs été qualifiée de positive par M. Gruillot, rapporteur pour avis pour les routes et les voies navigables.
En effet, comment se satisfaire de nos 8 milliards de francs annuels de crédits routiers si nous continuons à enregistrer plus de 8 000 tués par an dans les accidents de la route ?
L'objectif d'une réduction de moitié du nombre de tués a été fixé pour rejoindre les meilleurs niveaux de sécurité de l'Union européenne.
Pour y parvenir, il faut faire fonctionner plusieurs leviers : l'amélioration des infrastructures, dont je viens de parler, une bonne formation à la conduite, pour laquelle l'Etat s'assurera mieux de la qualification des auto-écoles - une loi a été votée à cet égard - et, enfin, les mesures de dissuasion et de sanction auxquelles contribue la loi du 18 juin 1999.
M. Lefebvre m'a demandé si un bilan pouvait d'ores et déjà être établi.
Dans la mesure où nous n'en sommes qu'au début de l'application de cette loi, je serai très prudent et mesuré. J'ajoute que, s'agissant du délit de récidive d'excès de grande vitesse, la récidive doit être constatée dans l'année suivant la première infraction. Nous n'en sommes donc pas encore là, du moins je l'espère !
Toujours est-il que, en plus de la loi de juin 1999, une campagne en faveur de la sécurité routière a été menée dès le début des vacances, campagne dont vous avez certainement vu à la télévision l'évolution de la tonalité.
Monsieur Lefebvre, alors même que la France est le pays accueillant le plus grand nombre de touristes - ces derniers ont d'ailleurs été encore plus nombreux cette année, notamment en raison de l'éclipse - ce sont cent vingt vies qui, en juillet et en août, ont été sauvées par rapport au nombre de tués en 1998.
Si les résultats du mois de septembre 1999 ressemblent malheureusement à ceux de septembre 1998, il paraît en revanche que, pour les mois d'octobre et de novembre 1999, les conditions sont un peu meilleures que l'an passé.
Au total - je suis très prudent, mais une question m'a été posée à cet égard, et il me paraît important, quand on a la volonté de contribuer véritablement à réduire le nombre de tués et de lutter contre l'insécurité routière, de voir quels sont les résultats. - une légère amélioration semble se dessiner depuis le début de l'année, par rapport à 1998. Mais ce qui reste à faire est beaucoup plus important que ce qui a été fait !
Je rappelle que deux dispositions majeures de cette loi - le délit de récidive pour excès de grande vitesse et la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule - sont déjà entrées en application. Les instructions nécessaires ont par ailleurs été données aux forces de l'ordre et aux procureurs.
En outre, les décrets concernant les autres dispositions de la loi sont dans un état de préparation extrêmement avancé et seront publiés très prochainement.
Les chiffres de l'insécurité routière se sont donc légèrement améliorés. Mais il ne faut pas perdre de vue que, outre les infrastructures, les questions touchant au comportement, à l'éducation et à la responsabilisation sont majeures. L'imprudence, la vitesse et l'alcool au volant sont parmi les causes principales des accidents de la route. C'est aussi pourquoi nous avons décidé non seulement de faire de la sécurité routière une grande cause nationale en l'an 2000, mais aussi d'augmenter de 17 % les crédits de la sécurité routière qui lui sont alloués.
La sécurité dans les transports concerne non pas seulement la route, mais aussi les transports collectifs. Investir et encourager les transports en commun, comme il est fait depuis deux ans, implique aussi de ne pas les laisser à la merci de l'insécurité.
C'est pourquoi une attention particulière a été portée à la réhumanisation des réseaux de transport, soit par redéploiement interne d'effectifs, soit par de nouveaux recrutements, notamment des emplois-jeunes. Pour les réseaux d'Ile-de-France, 4 500 agents supplémentaires seront ainsi mis au contact du public entre 1998 et 2000. En province comme en région parisienne, des équipements de veille et de protection sont installés.
Enfin, je rappelle que les peines encourues en cas d'atteinte aux agents des entreprises de transport public ont été aggravées.
L'investissement public est l'autre grande priorité de ce projet de budget des transports terrestres pour 2000.
Lorsque l'on parle du ministère de l'équipement, des transports et du logement, il ne faut jamais oublier qu'il réalise à lui seul la moitié de l'investissement direct civil de l'Etat et que son implication dans la vie quotidienne des Français est fondamentale, d'abord pour les routes, mais aussi en matière de transports ferroviaires : 8,6 milliards de francs d'autorisations de programme sur le budget général, plus 4,2 milliards de francs sur le FITTVN, soit une hausse de plus de 5 % par rapport à 1999, témoignent de la progression du niveau de l'investissement public.
S'agissant du FITTVN, vous vous êtes fait l'écho, monsieur Cazalet, de critiques qui ne reposent sur aucun fondement, notamment en ce qui concerne la débudgétisation. Le FITTVN est un bon outil pour, justement, encourager une politique des transports plus adaptée aux besoins de notre pays.
Pour ce qui est du ferroviaire, par exemple, je vous rappelle qu'avant la création du FITTVN aucun crédit d'Etat n'était affecté aux investissements ferroviaires, puisque ceux-ci n'étaient financés que par l'endettement de la SNCF ! Il n'en va plus ainsi.
Vous êtes encore un certain nombre à m'interroger sur les intentions du Gouvernement concernant la pérennité du FITTVN. Je pense, tout comme le ministre de l'économie et des finances, que nous trouverons le meilleur moyen d'assurer cette pérennité.
Il est faux - et je m'adresse à MM. Oudin etHérisson - de prétendre que la route ne serait plus une priorité du Gouvernement - j'y reviendrai tout à l'heure - mais il est juste de dire que les transports ferroviaires en sont devenus une autre alors qu'ils ne l'étaient pas, à l'exception des trains de voyageurs à grande vitesse.
J'ai cru comprendre que cette démarche correspondait au souhait notamment exprimé par MM. Berchet,Gerbaud et Lefebvre. A ce propos, monsieur Oudin, vous avez parlé de rendez-vous de l'histoire. C'est un grand mot, mais vous avez raison. Regardons ce qui se passe et ne reprenons pas les schémas qui valaient voilà quelques décennies. Aujourd'hui, tous nos concitoyens et les élus de tout bord s'accordent à reconnaître la nécessité de privilégier le transport des marchandises par le rail ou par la voie d'eau - M. Hoeffel l'a dit. Il n'y a que vous, monsieur Oudin, qui ratez ce rendez-vous de l'histoire en réclamant imperturbablement - je me demande d'ailleurs pourquoi - le « tout routier et autoroutier », et en critiquant, de plus, comme vous l'avez fait, le rail mais aussi les cheminots - et cela ne me surprend pas ! vous ne vous inscrivez pas dans le mouvement qui est en train de se dessiner non seulement en France mais aussi en Europe.
Je reviens sur le FITTVN.
Les crédits consacrés aux transports ferroviaire et combiné - les deux vont de pair - augmentent fortement, avec 2,3 milliards de francs, soit le double de la dotation de 1997.
La dotation du FITTVN pour 2000 permettra de subventionner les investissements de lignes à grande vitesse, mais permettra aussi la modernisation du réseau classique ainsi que le développement du fret ferroviaire et du transport combiné.
Le président de l'Union nationale des organisations syndicales de transporteurs routiers automobiles - l'UNOSTRA - qui rassemble les entreprises de taille moyenne, affirme que l'avenir de la route, c'est le rail, car il a bien compris, ainsi que l'a dit M. Lefebvre, que ce n'est pas au détriment de la route qu'il faut procéder à un rééquilibrage, mais pour que la route aussi puisse vivre et ne pas être asphyxiée.
Mme Hélène Luc. C'est cela !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cette idée est aujourd'hui partagée par un nombre de plus en plus grand de responsables de ce secteur d'activité.
Il faut donc développer le fret ferroviaire, mais sans dégrader, comme par le passé, les comptes des entreprises ferroviaires.
Puisque j'en suis à évoquer le transport ferroviaire, c'est l'occasion pour moi de faire le point devant vous sur ce qui constitue, selon moi, les enjeux majeurs actuels de ce secteur.
Trois thèmes méritent d'être évoqués ; ils ont d'ailleurs été repris par la plupart des intervenants. Il s'agit de la régionalisation des transports express régionaux - le rapporteur notamment y a fait allusion -, du développement du fret et de l'Europe ferroviaire.
Concernant la régionalisation des services ferroviaires de voyageurs, j'ai annoncé ici même, pour la première fois, mon intention de tirer toutes les conséquences de l'expérimentation en cours, par le transfert de compétences aux régions.
Je l'ai dit, et cela me semble très largement partagé, l'intérêt de ce transfert de compétences est indéniable. L'expérimentation produit d'incontestables effets positifs. Je ne veux pas citer de chiffres, mais cela se vérifie auprès des élus, des usagers et des cheminots eux-mêmes aujourd'hui.
En rapprochant au plus près des réalités locales l'échelon de décision sur l'évolution des services, cette décentralisation offre la possibilité d'une bien meilleure adéquation des services aux besoins régionaux de transport.
Dans le même temps, elle amène la SNCF à mieux s'ouvrir sur l'extérieur, à être plus à l'écoute des collectivités, de leurs représentants, à être plus réactive.
Cela étant, il me paraît qu'il n'y a aucune raison de principe qui s'oppose à généraliser le transfert de compétences aux régions. Certes, des garanties devront être apportées sur certains points comme l'unicité, la cohérence des services ferroviaires ou les aspects financiers.
Je compte intégrer, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le projet de loi qui sera présenté au premier semestre 2000 sur l'urbanisation, le logement et les déplacements un volet permettant de fixer les principes législatifs nécessaires en vue d'un transfert des compétences aux régions. La concertation se poursuit, notamment pour déterminer le calendrier, qui pourrait se situer au 1er janvier 2001 pour les actuelles régions expérimentales et les autres régions volontaires - M. Gerbaud a souligné qu'il en existait, et c'est vrai - et au 1er janvier 2002, date butoir pour toutes les régions. Telle est l'opinion du ministre à ce sujet.
La plupart des interventions concernant le fret - je pense notamment à celles de MM. Dermerliat, Arnaud, Berchet, Gerbaud ou Lefebvre - témoignent d'un large consensus sur la nécessité d'un rééquilibrage des trafics en faveur du rail.
M. Gerbaud a mis l'accent sur la nécessité de ne pas négliger les grands investissements, notamment ceux qui sont destinés à la « désaturation » - je crois qu'il a employé ce terme - de certains axes ou de certains noeuds ferroviaires au prétexte de la bonne utilisation du réseau existant. Je partage ce point de vue.
Ces grandes opérations demanderont du temps, et c'est effectivement maintenant qu'il faut lancer les études et les procédures qui permettront de les mener à bien. Je m'y emploie, et je compte inscrire ces opérations dans la durée. Je pense aux cas que vous avez évoqués les uns et les autres, notamment M. Vidal : les contournements de Nîmes, de Montpellier ou de Lyon, et les aménagements à réaliser pour préparer le Lyon-Turin.
J'ai affiché un objectif crédible de doublement a minima du trafic fret ferroviaire à l'horizon des dix prochaines années. Je veux que les choses soient bien claires : quand je parle de doublement, vous imaginez, en fermant les yeux, deux fois plus de trains qui passent sur les lignes. Mais il faut le faire ! Quand j'ai annoncé cet objectif, certains m'ont dit que j'étais excessif. Je leur ai répondu que si nous ne l'atteignions pas, alors la situation ne cesserait de se dégrader ou de se déséquilibrer au détriment du ferroviaire.
En conséquence, cet objectif de doublement du trafic ne doit pas être conçu comme un objectif mais simplement comme une étape que nous devons atteindre avant d'aller plus loin.
Plus encore : je pense que le trafic dans les zones sensibles, en particulier dans les Alpes ou dans les Pyrénées, devra non pas être doublé d'ici à dix ans, mais quadruplé, voire quintuplé. Voilà l'objectif et la dimension de l'effort à accomplir !
C'est ma démarche, et je crois qu'elle est perçue comme une orientation nouvelle de la politique menée dans le domaine des transports.
Pour ce faire, il faut accorder une attention particulière au transport combiné, qui concerne à la fois le ferroviaire, la route, les ports, les voies navigables. C'est tout cela le transport combiné.
M. le rapporteur spécial a pris acte, pour s'en féliciter, de l'effort budgétaire réalisé en faveur du transport combiné. Cet effort permettra tant l'aide aux investissements de chantiers de transport combiné que l'aide à l'exploitation.
Monsieur Cazalet, vous avez dit que nous allions affecter 120 millions de francs au transport combiné. Cela n'est pas tout à fait exact. En effet, si nous consacrons bien 120 millions de francs au financement de plates-formes de transport combiné, nous accorderons aussi 550 millions de francs de subvention à ce mode de transport. Le transport combiné, ce sont donc 120 millions de francs pour les infrastructures et 550 millions de francs de subventions !
Je dis au passage que c'est parce que nous consentons cet effort et parce que la SNCF a aussi décidé d'axer sa politique sur le transport des marchandises que, l'an dernier, les prix du transport combiné n'ont pas augmenté en France. D'ailleurs, c'est parce qu'ils ont été augmenté de plus de 20 % en Allemagne que la croissance du trafic du transport combiné a connu des difficultés. Parmi les batailles que j'entends livrer, avec d'autres, à l'échelon européen, figure l'harmonisation des tarifs du transport combiné au plan européen. Afin que le tarif du transport combiné soit le plus attractif possible, nous proposons, avec d'autres, de le fonder sur le coût marginal.
De façon générale, les enveloppes ferroviaires du contrat de plan annoncées le 22 novembre dernier par le Premier ministre témoignent de la volonté de développer le transport ferroviaire et en particulier le fret. Pour donner un ordre de grandeur, le XIIe Plan prévoit d'affecter dix fois plus de crédits au transport ferroviaire. Certains diront que ce n'est pas suffisant - j'ai entendu ces critiques. C'est quand même dix fois plus ! Certes, on peut m'opposer que c'est sur sept ans, au lieu de six ans auparavant. Mais même si c'est un peu moins de dix fois plus en tenant compte de la durée, ce n'est quand même pas rien !
Pour les voies navigables, c'est huit fois plus - toujours sur sept ans au lieu de six ans. Je triche un peu ! Mais quand vous me dites que ce n'est pas assez, je vous renvoie à la situation et au bilan que j'ai trouvés voilà deux ans !
Vous me dites que je réduis le budget des routes. C'est vrai que, en proportion, elles recevront moins, étant donné les augmentations de crédits dont bénéficient les ports, le rail, les voies navigables. En valeur absolue, dans le précédent contrat de plan, ce sont 25 milliards de francs qui ont été consacrés aux routes ; dans le prochain, ce seront 33 milliards de francs ! Vous me direz que cela ne fait pas dix fois plus. Je vois M. Oudin qui semble penser que, si je pouvais lui annoncer dix fois plus de crédits, comme pour le rail, ce serait bien. Non, les routes n'auront pas dix fois plus, leur budget n'augmentera que de 30 %.
D'ailleurs, quand il a pris connaissance des chiffres de la première enveloppe, M. Raffarin, président de l'association des régions de France, a estimé qu'un montant de 95 milliards de francs n'était pas suffisant. Il avait raison. D'ailleurs, nous-mêmes avions prévu une seconde enveloppe. Il pensait qu'il faudrait au moins 20 milliards de francs supplémentaires dans la seconde enveloppe, pour pouvoir parler d'un bon contrat de plan. Or nous n'avons pas mis 20 milliards de francs, c'est vrai, mais 25 milliards de francs !
Voilà ce que nous proposons ! Je vous assure que nous pourrons faire des choses et ne pas nous contenter d'une politique qui ajoute les infrastructures en parallèle et sans cohérence. Nous pourrons mener une politique qui permettra une démarche de transport plus cohérente et plus équilibrée.
Plusieurs intervenants, MM. Berchet, Gerbaud, Lefebvre, ont parlé de l'Europe. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion d'évoquer ce sujet devant la représentation parlementaire.
Comme je l'avais annoncé, nous voulons montrer notre détermination y compris pour l'Europe ferroviaire. Les derniers conseils des ministres européens des transports ont permis d'en faire la démonstration : nous ne nous laisserons pas imposer la libéralisation pour la libéralisation.
Mais cela ne suffit pas. Il faut bien que le trafic ferroviaire se développe davantage en Europe.
Nous avons donc proposé la création d'un réseau de transport européen de fret ferroviaire et la garantie d'un droit d'accès, quel que soit le mode choisi par le pays. Si tel pays veut libéraliser, qu'il le fasse ! Mais si nous préférons la coopération et la réciprocité, nous agirons en ce sens.
Nous avons également demandé une initiative forte sur la question de l'inter-opérabilité des réseaux et la garantie d'un haut niveau de sécurité ferroviaire.
Voilà la base sur laquelle nous travaillons, et c'est, je le crois, ce qui permettra de faire avancer les choses !
Certes, il ne faut pas se leurrer, et je ne voudrais pas laisser croire que les velléités de libéralisation à tout crin auraient subitement disparues. Elles persistent, et c'est pourquoi nous devons rester très vigilants. Ce qui ne doit pas nous empêcher d'être constructifs pour favoriser le développement du trafic marchandises à l'échelle de l'Europe tout entière.
Les résultats disponibles sur l'exercice 1999 confirment que la situation du transport ferroviaire continue à s'améliorer. Globalement, les divers modes de trafic sont actuellement sur une pente plutôt ascendante, tant pour le fret que pour les voyageurs.
J'ai noté cependant que MM. Berchet et Cazalet, de même que M. Oudin, manifestaient une certaine préoccupation quant à l'évolution de la SNCF pour les années à venir. Je ne peux qu'être sensible à l'attention qu'ils portent aux conditions de développement de l'entreprise. Je partage ce souci et, si je me félicite qu'on en ait fini avec ces 200 milliards de francs de dette qui « plombaient » encore la SNCF en 1996-1997, je sais qu'on ne peut s'en contenter. Il faut trouver les moyens d'améliorer encore tant l'efficacité de l'entreprise que ses équilibres financiers, et je crois que nous avançons dans cette voie.
Toujours à propos de la SNCF et des voyageurs, M. Cornu a posé le problème de l'extension au-delà de 75 kilomètres de l'abonnement hebdomadaire pour les déplacements domicile-travail. C'est encore un élément auquel il faut réfléchir. Mais nous ne pouvons pas - sauf à vouloir complètement administrer l'entreprise ferroviaire à partir du sommet de l'Etat, ce qui n'est nullement notre intention - dicter à l'entreprise ce qu'elle doit faire, y compris en matière de tarification !
D'abord, il y a un problème de limite. Pourquoi 75 kilomètres, et non 76 kilomètres, ou 100 kilomètres ?
Certes, je comprends le souci qui a été exprimé, d'autant plus que j'avais moi-même, lorsque j'étais député, posé une question semblable. Mais nous devons veiller à la situation économique de l'entreprise, tout en faisant en sorte, sur un plan plus général, que la tarification de nos transports collectifs - ferroviaires ou urbains - reste attractive.
Rien ne s'oppose à des initiatives régionales. C'est le cas de la mise en place, en région parisienne - l'Etat jouant un rôle au sein du Syndicat des transports parisiens - de la carte Imagine « R », qui permet une réduction de presque 50 % et qui est un succès ! En effet, ce sont près de 400 000 cartes Imagine « R » qui ont été prises par des jeunes : collégiens, lycéens ou étudiants. De telles initiatives ne peuvent que conforter l'attractivité du transport collectif.
En ce qui concerne les relations entre la SNCF et EDF, auxquelles ont fait référence plusieurs d'entre vous, il est bien évident que la SNCF doit disposer d'une autonomie de gestion, conformément à la loi. La responsabilisation de l'entreprise et de ses dirigeants est à ce prix.
Permettez-moi maintenant d'aborder un secteur qui n'a pas suscité beaucoup de développements dans les interventions, hormis celle de M. Demerliat : je veux parler du transport routier et, plus particulièrement, des transports routiers de marchandises.
Je conserve en mémoire l'adoption à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale de la loi du 4 février 1998 visant à assainir les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Je pense que la situation dans ce secteur est plutôt meilleure. Je ne dis pas que tout est réglé. Il s'agit en effet d'un secteur très complexe. Les conditions de vie et de travail des salariés y sont, on le sait, difficiles ; il existe toujours des phénomènes qui, si je puis dire, tirent l'économie de la profession vers le bas, notamment sous l'effet d'un certain dumping économique et social qui, quelquefois, se pratique hors de nos frontières et qui a des répercussions chez nous.
Mais ce qui est essentiel, c'est que la notion de paritarisme a gagné du terrain. Ainsi, une dizaine d'accords portant sur diverses questions ont été signées entre le patronat et les syndicats. Le nombre de disparitions d'entreprises tend à baisser. C'est d'autant plus important qu'il était auparavant aussi considérable que le nombre de créations d'entreprise ! Il y avait donc un volant important d'entreprises en très grande difficulté qui, bien entendu, allaient souvent chercher au prix le plus bas le chargement dont elles avaient besoin.
Lors du débat sur la loi de février 1998, j'avais annoncé qu'un bilan de son application serait fait devant le Parlement. Je pense qu'un tel bilan pourra être envisagé dans les prochains mois. Il permettra de mieux appréhender à la fois non seulement les progrès, mais aussi les difficultés qui subsistent.
Au-delà du rééquilibrage modal en faveur du transport ferroviaire, le premier poste d'investissement de ce ministère reste celui des infrastructures routières.
Au cours des huit premiers mois de cette année, on enregistre une progression du trafic de 4,2 % sur les routes nationales et de 6 % sur les autoroutes.
Ces chiffres me confortent dans ma démarche de développement des autres modes de transport pour répondre aux problèmes de congestion, de sécurité et d'environnement posés par cette croissance. Mais ils me confortent également dans ma conviction qu'il reste des besoins importants à satisfaire en matière de routes et d'autoroutes.
L'équipement routier du pays n'est pas et ne sera pas négligé, monsieur le rapporteur, ni dans les crédits de l'année 2000, ni dans ceux des années qui suivront. Je vous ai indiqué la totalité des dépenses de l'Etat prévues dans les contrats de plan.
J'ai entendu vos observations sur les crédits de paiement, notamment celles des rapporteurs et de M. Arnaud. Je vous épargnerai tout développement, mais ce sujet mériterait vraiment une explication plus approfondie !
Depuis mon arrivée, j'ai dû m'efforcer de combler le fossé qui existait entre les autorisations de programme ouvertes et les crédits de paiement réellement inscrits. Permettez-moi de préciser que le décalage était de 3 milliards de francs, ce qui ne vous a pas empêchés de voter le budget en 1997 ! Mais c'est la loi du genre !
Nous avons commencé à rattraper ce décalage, sans toutefois y parvenir complètement. Nous continuerons dans la loi de finances rectificative pour 1999. C'est souvent à l'occasion de telles lois que s'opèrent pour partie les rattrapages.
En 1999, j'ai obtenu de mon collègue des finances que les crédits de paiement pour les routes soient abondés, en 2000, de 300 millions de francs, qui s'ajoutent donc aux 5,1 milliards de francs du budget.
A partir de 2000, il y a bien une relance de l'investissement routier de l'Etat puisque, vous l'avez noté vous-même, les autorisations de programme du budget, celles qui permettent de lancer les travaux, progressent de 22 %, avec 5,8 milliards de francs.
Cela étant dit, ce retard se justifie aussi par un décalage objectif. Dans les précédents contrats de Plan - ces chiffres cités de mémoire sont approximatifs - 80 % d'autorisations de programme et 67 % de crédits de paiement ont été réalisés. Mais il faut savoir que la traduction de chaque autorisation de programme en crédit de paiement se fait sur les un, deux ou trois ans qui suivent. Ce décalage est obligatoire, car les crédits de paiement suivent les autorisations de programme avec un certain décalage.
Pardonnez-moi ces quelques considérations techniques, mais, cet aspect des choses ayant été évoqué, je tenais à vous apporter ces éléments de réponse.
Dès 2000, le volet routier des nouveaux contrats de Plan Etat-région sera doté de 3,6 milliards de francs d'autorisations de programme, soit une progression de 500 millions de francs par rapport à 1999.
M. Pierre Hérisson. C'est 20 milliards qu'il faut !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les engagements routiers de l'Etat pour les sept années du XIIe Plan sont très substantiels - j'ai donné les chiffres tout à l'heure. Cela signifie que l'effort programmé pour les routes ne sera pas relâché par rapport au XIe Plan. Cela signifie aussi que l'effort budgétaire pour 2000, qui est la première année d'exécution du contrat de Plan, devra être conforté dans les années qui suivront, pour atteindre les objectifs fixés pour la durée du plan.
M. Pierre Hérisson. On s'en souviendra !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur Hérisson, pardonnez-moi d'insister sur ce point, mais il n'y a pas recul. Vous voterez comme bon vous semblera, mais vous ne pourrez pas justifier votre opposition au projet de budget par un recul des crédits car, franchement, ce n'est pas vrai ! Mieux vaut avancer un autre argument et respecter la vérité.
Les routes restent le premier poste d'investissement civil de l'Etat et les moyens correspondants sont mieux que préservés dans la durée.
Au-delà des montants financiers, j'ai la conviction que la négociation de chaque contrat de plan permettra de cibler au mieux la dépense et de l'adapter - au plus près du terrain - aux besoins du pays.
En 2000, cette modernisation des infrastructures sera conduite dans plusieurs directions.
Il s'agira d'abord des opérations cofinancées avec les régions. Celles-ci viseront en particulier le contournement des agglomérations, l'aménagement et le « maillage » du territoire ainsi que l'amélioration des voies existantes, notamment sur les plans de la sécurité et des nuisances sonores. De grandes opérations d'aménagement du territoire, comme la route centre Europe-Atlantique, s'inscrivent aussi dans ces cofinancements.
Il s'agira ensuite des opérations entièrement financées par l'Etat qui comprennent le désenclavement du Massif central, avec l'autoroute Clermont-Ferrand - Béziers.
Vous avez, à juste titre, posé la question de savoir quand s'appliquera la décision qui a été prise. La concession a été acceptée par le Conseil d'Etat. La procédure peut être lancée pour que le viaduc de Millau et le raccordement à Béziers soient réalisés de manière concomitante d'ici à la fin de 2003. C'est maintenant du concret. Le retard qui a été pris était dû au fait que nous ne disposions pas des moyens en rapport avec le projet initial.
Au départ, je souhaitais la mise en concession du viaduc de Millau, précisément pour obtenir les moyens de réaliser l'ensemble de la liaison de la A 75.
C'est vrai aussi pour l'aménagement de la RN 7 entre Nevers et Roanne, ainsi que pour la mise aux normes autoroutières de la RN 10 dans les Landes.
Enfin, ce budget poursuit l'effort amorcé en 1998 pour l'entretien et la réhabilitation du réseau.
Sur le réseau autoroutier concédé, le programme d'investissement des sociétés sera en 2000 à un niveau égal ou légèrement supérieur à celui de 1999, qui est de 11,6 milliards de francs.
Je voudrais maintenant informer le Sénat, à la demande de M. le président de la commission des finances, de la préparation de la réforme du financement des autoroutes concédées, qui devrait donner lieu très prochainement au dépôt d'un projet de loi et à un débat de fond devant le Parlement.
Monsieur Lambert, jusqu'au 31 novembre 1997, les projets d'autoroutes étaient financés selon la méthode de l'adossement, c'est-à-dire qu'une nouvelle section d'autoroute était financée par ses propres péages, mais aussi par les recettes de la société concessionnaire. Ces recettes supplémentaires étaient produites par l'allongement d'un ou deux ans de la concession préexistante par voie d'avenant.
Bien entendu, ce mécanisme supposait que le candidat à une concession dispose déjà d'un réseau. L'attribution à l'amiable à l'un des neuf concessionnaires était de règle.
Cette pratique, aux yeux de Bruxelles, n'est pas acceptable. En effet, à cause de l'allongement, la date d'ouverture à la concurrence du réseau était reportée à chaque fois, faisant obstacle à la mise en oeuvre des règles de concurrence européenne.
Cette situation a été sanctionnée par le Conseil d'Etat à l'occasion du contentieux sur la A 86, où la concession passée avec Cofiroute a été cassée.
Depuis cette date, il est clair que la suppression de l'adossement s'impose car les candidats à une concession doivent concourir à égalité et les nouveaux entrants doivent avoir leur chance. C'est le principe de base de la directive « Travaux ».
En droit national, l'allongement de la concession ancienne est strictement encadré par l'article 40 de la loi Sapin et ne permet pas de poursuivre les pratiques antérieures.
Ainsi, c'est un ensemble de raisons juridiques en partie européennes et en partie nationales qui imposent une réforme.
Dorénavant, chaque concession nouvelle doit avoir son équilibre propre et faire l'objet d'une mise en concurrence, ce qui n'exclut pas, bien entendu, l'apport de subventions publiques en cas de rentabilité structurellement insuffisante des ouvrages à réaliser.
Pour assurer des conditions d'égale concurrence entre les sociétés postulantes, il convient de modifier le statut comptable et fiscal des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, les SEMCA.
Nous sommes sur le point de conclure nos discussions avec la Commission européenne sur la durée des concessions, qui doit être allongée pour permettre l'équilibre financier de la réforme.
Cette réforme permettra de mieux identifier les coûts réels des nouveaux investissements pour la collectivité et donc d'opérer des choix plus rationnels.
Ainsi entre une autoroute concédée et l'aménagement d'une route nationale à deux fois deux voies, il appartiendra aux élus de faire le choix, en fonction des subventions ou des dépenses publiques qui seront nécessaires dans l'un et l'autre cas.
Je compte donc sur ce nouveau cadre, plus transparent, plus rationnel, pour développer un réseau routier plus efficace.
Tel est le sens du projet de loi qui vous sera soumis dans les semaines qui viennent.
Les moyens que le Gouvernement consacre aux investissements fluviaux progressent de plus de 40 % depuis 1997. Monsieur Hoeffel, une dotation pour 1999 de 500 millions de francs provenant du FITTVN est prévue, après les 450 millions de francs de 1999.
Dans cet esprit, les crédits destinés aux investissements fluviaux prévus dans le cadre des prochains contrats de Plan ont été multipliés par huit environ par rapport aux investissements réalisés sur le XIe Plan.
Je ne crois pas que l'on puisse dire que le Gouvernement manque de volonté politique en matière de voies navigables, même si, là encore, des efforts restent à faire. Vous conviendrez qu'il est difficile, en deux ou trois ans seulement, de sortir d'une situation qui s'était véritablement dégradée. Vous avez parlé de plusieurs décennies de manque d'entretien du réseau !
Versés pour l'essentiel à l'établissement public Voies navigables de France, ces crédits d'investissement permettront, en partenariat avec les collectivités locales, de poursuivre la restauration et la mise en valeur du réseau existant. Il faut, à la fois, intervenir sur les voies essentielles au transport de marchandises et sur celles où l'on peut accueillir le tourisme fluvial, qui peut apporter beaucoup en termes économiques, d'emploi et d'aménagement du territoire. Il en est ainsi du canal du Midi.
Nous souhaitons aussi mettre le réseau existant à la hauteur des enjeux économiques. C'est le sens du projet Seine-Nord, qui doit s'entendre comme une liaison globale entre le port du Havre, Paris, Dunkerque et le bassin de l'Escault.
J'ai déjà évoqué ce problème, mais je dirai de nouveau que, pour réussir ce projet - et nous voulons le réussir - il faut notamment, aux extrémités, réaliser l'indispensable. En ce qui concerne la liaison Dunkerque-Escault, nous avons un problème énorme de tirant d'air, c'est-à-dire qu'il faut rehausser les ponts pour que les péniches puissent passer.
Grâce à la collaboration de la région Nord - Pas-de-Calais, ces travaux vont pouvoir être enclenchés. Il en est de même pour la partie aval de l'Oise, où les ouvrages devront être modernisés.
Les financements sont en place pour accélérer les études, et les prochains contrats de plan Etat-région seront l'occasion d'engager de façon significative ces travaux.
En ce qui concerne plus particulièrement l'Oise, je serai attentif à ce que les travaux réalisés permettent une amélioration de la lutte contre les inondations.
En ce qui concerne le tronçon central, qui consiste en une liaison nouvelle entre Compiègne et le canalDunkerque-Escault, je rappelle qu'une concertation a été menée par le préfet de région, à la suite de laquelle j'ai demandé des éléments d'expertise complémentaires au conseil général des ponts et chaussées et je poursuis actuellement les consultations auprès des élus concernés, notamment à propos du tracé.
Mon objectif est d'inscrire la liaison Seine Nord dans les schémas de services de transport marchandises en cours d'élaboration ; s'agissant de la partie centrale, sa fonctionnalité - qui dépend des flux de trafic attendus - et le tracé qui en découle seront décidés dans ce cadre, c'est-à-dire d'ici au mois de juin 2000.
Je n'ai pas oublié, monsieur Lefebvre, que cet effort porté sur l'infrastructure de base devait se doubler d'un appui à la réorganisation de l'offre de transport fluvial, à la suite de la suppression du « tour de rôle », qui interviendra le 1er janvier 2000.
A cet égard, un contrat de modernisation du transport fluvial a été mis au point, en plein accord avec les professionnels, et a été signé le 5 mai dernier. Ce contrat crée les conditions d'une dynamique nouvelle pour l'emploi et les investissements nécessaires en matériel fluvial. Il s'accompagne d'une aide à structuration de l'offre de transport de la batellerie, prévue au budget 2000 à concurrence de 13 millions de francs.
C'est dans les grandes agglomérations que le choix d'un développement accru des transports collectifs est particulièrement décisif.
En ce qui concerne l'Ile-de-France, les autorisations de programme progressent de 36 % et s'élèvent à 470 millions de francs. Ces crédits permettront de bien commencer la première année du contrat de plan, avec des opérations de qualité de service, notamment dans les gares. et des opérations de développement, comme la prolongation de METEOR jusqu'à Saint-Lazare.
Pour les agglomérations de province, les moyens d'engagement s'élèvent à près de 750 millions de francs, ce qui représente, sur les trois derniers budgets, une progression de 37 %.
Les opérations portent essentiellement sur onze projets en cours de réalisation. Il s'agit de neuf projets de tramway à Montpellier, Nantes, Orléans, Grenoble, Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Valenciennes et Mulhouse et de trois projets de métro à Lille, Toulouse et Rennes.
Au total, 186 kilomètres de voies de transport collectif en site propre ont été pris en considération depuis juin 1997.
J'en termine avec l'organisation des déplacements par la réforme en cours du syndicat des transports parisiens, le STP, qui sera nécessairement progressive.
Cette réforme a pour objet de responsabiliser les acteurs. Elle prévoit l'entrée de la région au conseil d'administration du STP avec cinq administrateurs, soit autant que la ville de Paris. Le mécanisme envisagé préserve, bien entendu, le rôle de l'Etat. En outre, les rapports entre l'Etat, le STP, les collectivités territoriales et les entreprises de transport, RATP et SNCF, seront contractualisés.
Il s'agit d'un enjeu très important, puisque l'Etat apporte, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000, une indemnité compensatrice de 5,4 milliards de francs au fonctionnement des transports collectifs franciliens.
C'est un objectif d'efficacité économique et social qui est au coeur de notre démarche. Bien entendu, le statut des entreprises publiques de transport et de leurs agents sera maintenu.
La politique des transports que mène le Gouvernement tend, à la fois, à répondre à l'accroissement des besoins de déplacement des personnes et de circulation de marchandises, à contribuer à l'aménagement du territoire, à améliorer la sécurité et à minimiser les effets environnementaux des infrastructures et des services de transport.
Cette politique veut tirer parti des avantages de chacun des modes de transport - voies d'eau, fer, routes, cabotage maritime, transport aérien - en assurant leur complémentarité et en opérant les rééquilibrages nécessaires au profit du transport ferroviaire et de la voie d'eau.
En termes de planification des infrastructures, elle trouvera sa traduction dans les schémas de service de transport voyageurs et marchandises.
Voilà qui devrait rassurer M. Gerbaud puisque la phase de consultations sur le terrain qui est en cours dans chaque région depuis le premier semestre 1999 sera achevée l'année prochaine. Cela montre que nous avons bien une vision d'ensemble puisque l'objectif même des schémas de service est de pouvoir travailler non plus de manière sectorielle, étroite, mais d'appréhender l'ensemble des problèmes.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire.
Je répondrai maintenant à des questions précises et, il faut le dire, souvent locales, qui m'ont été posées.
M. Hérisson m'a interrogé sur l'autoroute A 41. La société ATMB avait été retenue en 1995 pour réaliser cette autoroute. Mais le contrat prévoyait un adossement de cette section nouvelle au réseau déjà concédé à la société ATMB.
Par précaution, j'ai demandé que les travaux ne soient pas engagés tant que l'avenant à la concession de cette société n'était pas finalisé. Il se confirme aujourd'hui que le mode de financement retenu, compte tenu des nouvelles règles d'attribution des concessions, ne peut plus être utilisé.
L'avenant, s'il avait été adopté en l'état, aurait sans doute été cassé par le Conseil d'Etat. Dans ces conditions, j'ai demandé à mes services de réexaminer les conditions de réalisation de cette opération que je souhaite voir aboutir.
Je vous précise, enfin, monsieur Hérisson, que la déclaration d'utilisé publique n'arrive à son terme qu'en mai 2000.
M. Pierre Hérisson. Tout est donc réglé.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non, tout n'est pas résolu. Mais nous allons travailler pour faire avancer les choses dans le bon sens.
Monsieur Gerbaud, la réalisation et la modernisation des axes de grand transit Est-Ouest font l'objet d'importants efforts, avec notamment les autoroutes A 29, A 85, A 89 et l'aménagement de la RCEA.
Le maillage transversal pour le trafic de transit sera ainsi fortement amélioré dans les années à venir, et il convient de concentrer les efforts sur ces liaisons. Il n'est en effet pas possible de tout faire en même temps.
Toutefois, sur les autres liaisons, des aménagements de nature plus qualitative méritent, j'en conviens, d'être réalisés, notamment pour améliorer la sécurité.
Comme vous le savez, les enveloppes régionales des prochains contrats de plan viennent d'être arrêtées par le Gouvernement. Les préfets de région doivent maintenant poursuivre les négociations afin de déterminer les opérations qui seront retenues sur la période 2000-2006. Dans ces conditions, je ne peux aujourd'hui préjuger ce qui sera fait, notamment dans le département de l'Indre.
Pour ce qui concerne les routes nationales 143 et 151, outre l'achèvement des opérations engagées ou prévues au plan actuel, l'essentiel des efforts doit porter sur des aménagements qualitatifs afin de fluidifier et surtout de rendre plus sûrs ces itinéraires qui n'ont pas vocation à écouler un trafic de grand tansit.
Monsieur Vidal, j'ai déjà répondu pour ce qui concerne le viaduc de Millau. J'insisterai sur le fait que, si j'ai décidé la mise en concession du viaduc de Millau en mai 1998, c'est pour en accélérer la réalisation et permettre ainsi, dans les meilleurs délais, l'achèvement de la liaison autoroutière A 75 entre Clermont-Ferrand et Béziers.
Je puis vous assurer que tout est mis en oeuvre pour que la construction de cet ouvrage puisse débuter dans les meilleurs délais.
Le décret d'utilité publique de la mise en concession du viaduc de Millau a été signé le 23 novembre 1999. La procédure de désignation du concessionnaire a été récemment engagée par l'envoi de l'avis de publicité de mise en concession.
Ainsi, la liste des entreprises autorisées à déposer une offre pourra être connue en tout début d'année 2000, permettant d'envisager un aboutissement de cette procédure à l'été 2000. Le viaduc de Millau sera donc réalisé dans les délais annoncés, c'est-à-dire à la fin de l'année 2003, comme la liaison autoroutière A 75.
La jonction entre les autoroutes A 75 et A 9, que vous avez également évoquée, a fait l'objet d'une enquête publique en 1998, qui a donné lieu à un avis favorable de la commission d'enquête. Aujourd'hui, les études préliminaires sont terminées et le dossier sera soumis prochainement à l'avis du Conseil d'Etat.
S'agissant de l'autoroute A 750, les études préliminaires sont elles aussi achevées et l'enquête d'utilité publique portant sur la totalité de l'itinéraire entre Juvignac ouest et le triangle de Ceyras se termine aujourd'hui même. Après avis de la commission d'enquête et à l'issue de la procédure d'instruction mixte, ce projet sera transmis au Conseil d'Etat en 2000.
Les délais peuvent paraître longs, mais il faut respecter les règles de procédure et les nécessaires conditions de transparence et de démocratie.
S'agissant du triangle de Ceyras, monsieur Vidal, il s'organise autour des communes de Clermont-l'Hérault, de Gignac et de Saint-André-de-Sangonis, et il se situe à la jonction des autoroutes A 75 et A 750.
Les études conduites dans le cadre du « 1 % paysage et développement » ont montré que ce secteur avait un rôle important à jouer dans le cadre du développement du département de l'Hérault et on identifie celui-ci comme un territoire à forts enjeux environnementaux.
Mes services ont donc fait des propositions en termes d'aménagement du territoire et de mode de développement aux communes concernées. Bien évidemment, nous sommes prêts à y réfléchir avec elles.
Monsieur Demerliat, vous m'avez demandé de prévoir dans un avenir proche le barreau La Croisière-Bellac dans le prolongement de la RCEA, à l'ouest de La Croisière.
J'entends toutes les demandes, mais je vous rappelle que la déviation de Bellac sera financée dans le cadre du prochain plan et que des investissements seront prévus pour l'axe Poitiers-Limoges.
Par ailleurs, si nous élargissons le nombre de routes nationales pouvant bénéficier des crédits RCEA, nous réaliserons d'autant moins de travaux sur la RCEA proprement dite. En région Limousin, nous pourrions être en difficulté pour effectuer rapidement les travaux sur la section Guéret-Montluçon, d'une part, et sur la RN 141 à l'ouest de Limoges, d'autre part.
Par conséquent, nous devrons vraiment étudier de très près, avec l'ensemble des personnes concernées, les priorités à mettre en oeuvre.
Je suis également convaincu, messieurs Gerbaud et Demerliat, de l'intérêt d'améliorer la liaison ferroviaire Paris-Orléans - Limoges-Toulouse, par l'introduction de matériels pendulaires.
Les aménagements d'infrastructures qui ont été retenus dans le cadre de ce projet s'élèvent à 630 millions de francs, avec une partie importante consacrée à la suppression des passages à niveau. La partie matériel roulant du projet doit encore faire l'objet d'une réflexion complémentaire avant que soit retenue une solution définitive.
Le Gouvernement a confirmé sa volonté de participer à la mise en oeuvre de ce projet. Ses modalités de réalisation et de financement doivent maintenant faire l'objet d'une discussion approfondie entre les différents partenaires. L'Etat a d'ores et déjà indiqué, pour sa part, qu'il serait prêt à y participer à hauteur de 400 millions de francs.
En l'absence de M. Berchet, je me propose de lui répondre par écrit.
Enfin, en ce qui concerne le SERNAM, monsieur Lefebvre, des interrogations demeurent. La volonté, à la fois de la direction de la SNCF et des pouvoirs publics, est de créer une situation favorable à l'activité messagerie, qui rencontre actuellement de sérieuses difficultés. On ne peut continuer de laisser les choses en l'état, car les déficits enregistrés chaque année sont considérables.
La messagerie a de l'avenir et la SNCF, ainsi qu'elle l'a dit elle-même récemment - si j'ai bien compris les déclarations qui ont été faites - entend lui conserver une place majeure.
Ce service de messagerie doit s'inscrire dans un projet industriel dynamique, élaboré dans le cadre du groupe SNCF. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 201 471 218 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 566 390 791 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 8 623 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 4 153 330 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 15 059 753 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 626 678 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière.

7

NOMINATION À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Philippe Lachenaud membre suppléant du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)



M. le président.
La séance est reprise.

8

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.

Equipement, transports et logement (suite)

III. - TRANSPORTS
4. Transport aérien et météorologie
Budget annexe de l'aviation civile

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : III. - Transports : 4. - Transport aérien et météorologie, et budget annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme c'est l'habitude, je commencerai par vous exposer le projet de budget annexe de l'aviation civile pour 2000.
Avec une masse de 8,7 milliards de francs, ce projet de budget constitue l'instrument principal d'intervention des pouvoirs publics dans le secteur du transport aérien.
Mes chers collègues, 8,7 milliards de francs, c'est beaucoup puisque, à titre d'illustration, cela représente près de 15 % du chiffre d'affaires d'Air France ; 8,7 milliards de francs, c'est beaucoup, puisque c'est à additionner à l'ensemble des crédits publics mobilisés pour financer les infrastructures aériennes ; 8,7 milliards de francs, c'est beaucoup, puisque la contrepartie en est, pour la quasi-totalité, une série de prélèvements supportés par les usagers des transports aériens ; 8,7 milliards de francs, c'est enfin beaucoup, puisque c'est à comparer aux 7,2 milliards de crédits du budget pour 1995.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est en progrès !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Il faut donc toujours veiller, monsieur le ministre, à ce que le budget annexe, qui est un élément important des charges supportées par les compagnies aériennes - et leurs clients, ne l'oublions pas - connaisse une évolution modérée.
Est-ce le cas en 2000 ? Misant sur les apparences, vous nous invitez, monsieur le ministre, à répondre par l'affirmative, puisque, en affichage, les crédits du budget annexe seraient stabilisés en 2000. Vous mettez encore en évidence la baisse des taux des redevances de navigation aérienne. Vous insistez, enfin, sur le maintien dans leur état des taux sur la taxe de l'aviation civile.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est vrai !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je crains de devoir nuancer quelque peu ce tableau, au risque d'en altérer l'harmonie.
Vous savez bien, monsieur le ministre, que la progression des crédits du budget annexe pour 2000 est minorée par une série de transferts à destination d'autres budgets.
Vous savez aussi, monsieur le ministre, que la décrue des tarifs des prélèvements que vous exigez des usagers et clients du transport aérien dissimule mal une augmentation réellement consistante de ces prélèvements. Ceux-ci s'accroissent en fait de 5,1 %, la manne des trop-perçus constituée hier vous permettant d'affecter aujourd'hui une certaine modération, une modération assez « optique », si je puis dire.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est honnête, quand même.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, les apparences sont pour vous, je le reconnais bien volontiers, d'autant plus que nous ne savons rien des variations de la part cachée de la fiscalité qui pèse sur le transport aérien, celle qui correspond notamment à la taxe d'aéroport.
Comme nous l'avions prévu, la représentation nationale est entièrement privée d'informations sur l'impact réel de cette taxe. Sur ce sujet, une réponse d'attente a été apportée à mon questionnaire budgétaire. Les « voies et moyens » ne recensent pas le produit de la taxe d'aéroport - il devrait être important - alors que cette annexe au projet de loi de finances nous informe, et c'est heureux, de l'évolution de la redevance due par les employeurs de main-d'oeuvre étrangère - 21 millions de francs - ou encore de celle de la taxe de protection des obtentions végétales - 3 millions de francs.
C'est la conséquence de la bénédiction donnée à la taxe d'aéroport par le juge constitutionnel, que l'on a connu mieux inspiré dans sa défense des droits du Parlement et plus attentif à faire respecter certains principes que je qualifierai de supérieurs.
Et pourtant, monsieur le ministre, vous devez connaître les produits de cette taxe. Vous êtes, en effet, en mesure d'inscrire pour l'an prochain une dotation de 84 millions de francs au titre des mécanismes de péréquation qu'elle comporte. Je souhaiterais des explications, et j'ajoute que les compagnies aériennes et les collectivités locales en attendent aussi.
Du côté des dépenses, le budget annexe est d'abord marqué par le dynamisme prévisible des dépenses de personnel, qui représentent près de la moitié des crédits. Le protocole triennal de novembre 1997 induit une augmentation autonome des charges de personnel de 13 % en trois ans par rapport au niveau initial - en trois ans, monsieur le ministre - à quoi s'ajoutent les mesures générales concernant la fonction publique.
Encore faut-il observer que nous n'avons pas encore pris la mesure du coût de ce protocole, puisque le temps de formation reporte l'effet budgétaire des recrutements nombreux qu'il comporte.
Les charges de remboursement des emprunts, qui ont augmenté de plus de 62 % en deux ans, s'élèvent à 542 millions de francs, et elles vont encore croître dans l'avenir.
Enfin, les investissements physiques qui, l'an dernier, avaient chuté, reprennent leur essor, ce qui est logique compte tenu des programmes en cours.
Face à cette augmentation inéluctable des charges, la destinée du budget annexe était des plus incertaine.
La situation s'est grandement améliorée de ce point de vue. Nous nous en félicitons et je crois, monsieur le ministre, que le Sénat vous a aidé à convaincre certains de la nécessité, jugée contre nature par la direction du budget, de « nettoyer » le budget annexe de l'aviation civile en créant un compte spécial du Trésor dont nous réclamions l'instauration depuis déjà longtemps.
Vous le savez, monsieur le ministre, votre budget souffre cependant d'une infirmité redoutable, puisque ses principales ressources, les redevances aéronautiques, le laissent hors d'état d'assurer un financement fiable de ses dépenses.
C'était d'abord la conséquence de l'inscription, dans ce budget annexe, de crédits qui n'avaient rien à y faire, et le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, que je viens d'évoquer, a permis d'arranger les choses, reconnaissons-le. C'était aussi la rançon d'un droit des redevances extrêmement sophistiqué, qui reste un obstacle à la solidité juridique du financement du budget annexe de l'aviation civile. Il faudra certainement améliorer cette situation ; nous vous transmettrons nos propositions.
Mais, dès ce soir, j'ai une autre suggestion à vous faire, monsieur le ministre, dont le principe appellera de ma part des approfondissements que j'entends entreprendre au cours de l'an prochain.
Monsieur le ministre, le budget annexe de l'aviation civile finance, avant tout, à côté d'autres missions de nature régalienne, le contrôle aérien, qui consiste, par nature, en une activité de prestations de services. Les moyens de cette mission sont issus de prélèvements payés par les usagers, qu'il s'agisse des redevances de navigation aérienne proprement dites ou des taxes.
Or j'entends souvent, comme nombre d'entre vous aussi, des commentaires pas toujours amènes sur les performances opérationnelles du contrôle aérien ou sur son efficience. En tout cas, la direction générale de l'aviation civile appartient par excellence à cette catégorie d'administrations qui, au service d'un public qui les finance, doivent se montrer attentives à la qualité du service qu'elles rendent, mais aussi à son efficience.
M. Jacques Oudin. C'est vrai !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Vous en êtes conscient, puisque, aussi bien, l'an dernier, devant ces mêmes travées vous aviez évoqué des gains de productivité que vous aviez vous-même, monsieur le ministre, chiffrés à 5 %.
Pour ma part, je préfère l'expression « gains d'efficacité »,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi aussi ! (Sourires.)
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. ... mais nous sommes là déjà dans la lexicologie.
Les caractéristiques de l'activité de la direction générale de l'aviation civile que je viens de rappeler, de même que le fonctionnement, actuellement peu satisfaisant, des instances de concertation invitent à souhaiter, pour cette direction, la mise en chantier d'une charte d'objectifs et de moyens.
Une telle démarche a été entreprise par la direction générale des impôts et il serait pour le moins paradoxal qu'une administration dont l'essence est de rendre des services n'emprunte pas cette voie.
Il convient donc de réfléchir à la substance même d'une telle charte. Selon moi, elle devrait comporter deux séries de dispositions. Les unes porteraient sur des objectifs clairs et quantifiés en termes de qualité de service, assortis d'indicateurs. Les autres, de nature financière, devraient programmer, sur le moyen terme, les gains d'efficacité de la direction générale de l'aviation civile et leur destination.
En tant que rapporteur spécial, je souhaite inscrire mes prochains travaux de contrôle et d'évaluation dans le cadre de cette approche. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour lui faire bon accueil.
Je voudrais à présent consacrer quelques observations aux crédits du transport aérien.
La commission des finances s'est attachée, au cours de l'année 1999, à clarifier les tenants et les aboutissants d'une union européenne de l'aéronautique. L'année en cours a été une année faste de ce point de vue.
Nous avons pourtant, les uns et les autres, senti le vent du boulet, lorsque le rapprochement entre British Aerospace et DASA a failli se nouer sans nous.
Chacun ici se souvient de cet épisode.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Tout à fait !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Mais nous avons su réagir. Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir contribué à la privatisation d'Aérospatiale, sans laquelle rien n'aurait été possible ! (Sourires.)
M. Henri Weber. Il y a de quoi !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je serai un peu moins malicieux, monsieur le ministre,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vois !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. ... et un peu plus grave pour évoquer quelques aspects des rapprochements entre Dassault Aviation, Lagardère SCA et Aérospatiale qui ont abouti à la constitution de notre champion national.
Nous nous sommes attachés, dans nos travaux, à élucider la question essentielle de savoir si les intérêts patrimoniaux de l'Etat avaient été respectées à ces différentes occasions.
Notre conclusion est que, dans l'ensemble, ce fut bien le cas, surtout si l'on songe à ce qu'aurait été l'avenir d'une Aérospatiale isolée.
Mais des interrogations persistent. Comment, d'abord, justifier que, du jour au lendemain, les comptes d'une entreprise publique puissent subir des révisions aussi importantes que celles qui ont concerné Aérospatiale ? Comment les comptes de cette entreprise ont-ils pu être certifiés aussi longtemps sans observations ?
Quel prix l'Etat a-t-il obtenu en contrepartie de l'abandon des droits de vote double qu'il détenait dans Dassault ? Quelles sont les clauses de préemption concédées à cette entreprise ? Voilà quelques questions que nous sommes en droit de nous poser.
La consolidation de l'industrie aéronautique européenne a donc franchi une nouvelle étape majeure avec l'annonce de la création d'EADS, issue de la fusion entre Aérospatiale-Matra et DASA, puis, depuis hier, je crois, CASA.
Nous devrons nous poser les mêmes questions que celles dont nous avons cherché les réponses lors des alliances nationales. Mais nous nous réjouissons déjà d'une fusion qui devrait à l'évidence renforcer la compétitivité de l'aéronautique européenne et que nous avions appelée de nos voeux, vous vous en souvenez certainement, monsieur le ministre.
Cette fusion donnera sans doute un nouvel élan à Airbus qui, malgré ses succès commerciaux, qui ne peuvent que nous réjouir, a besoin de se muscler face à Boeing, dont les déconvenues récentes ne doivent pas entretenir l'illusion de faiblesses autres que passagères.
Nous pouvons espérer également que l'entreprise européenne se lance enfin dans le projet de gros porteur A 3XX qui m'est cher et dont, parfois de manière un peu isolée, j'ai toujours défendu l'idée.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi aussi !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Vous aussi, monsieur le ministre, je vous en donne acte !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile. Moi aussi !
M. Henri Weber. Ne m'oubliez pas ! (Sourires.)
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. M. Le Grand a été aussi l'un de ses défenseurs. Je l'en félicite !
Ce projet est d'ailleurs de simple bon sens. Nous ne saurions abandonner le monopole sur le quart du marché de l'aviation commerciale à un concurrent qui peut ainsi, à partir des marges qu'il dégage avec le 747, se livrer à une concurrence des prix agressive sur les autres segments de l'offre.
Votre budget, monsieur le ministre, comporte une provision pour ce projet. Je m'en réjouis. Lorsque je vous en avais reproché l'absence l'an dernier, vous l'aviez alors justifiée par le défaut d'un lancement officiel de ce programme. Bien que la situation subsiste cette année, elle a cessé d'être une justification à l'abstinence. Tant mieux ! C'est un signal politique fort que vous adressez et nous verrons bien si le renoncement à l'abstinence se traduira effectivement par une consommation des crédits.
Nous l'espérons, mais nous comptons sur vous pour convaincre les gouvernements partenaires de manifester le soutien public dont nous avons besoin.
A ce sujet, je voudrais répéter que le système de soutien public à l'aéronautique qui prévaut en Europe doit être musclé.
Il le faut, d'abord, pour répondre à la concurrence qu'exercent les soutiens américains.
Il le faut aussi pour adapter notre système à l'intégration de l'industrie aéronautique en Europe.
Il le faut, enfin, pour rénover un mode d'intervention qui concernera désormais de plus en plus des entreprises privées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'en étais remis à la sagesse de la commission des finances s'agissant des crédits du budget annexe de l'aviation civile et je l'avais invitée à voter les crédits du transport aérien et de la météorologie.
La commission a décidé de rejeter les crédits du budget annexe de l'aviation civile. Je crois que si nous avions pu voter sur les crédits du transport aérien en tant que tels, notre recommandation aurait été favorable. Mais nous ne le pouvons pas, la recommandation de la commission des finances devant porter sur l'ensemble des crédits de votre ministère.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le rapport parfaitement exhaustif de M. Collin, sauf peut-être pour mettre l'accent sur quelques-unes de ses remarques.
Monsieur le ministre, voilà quelques mois j'étais rapporteur du texte qui a créé l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. J'avais déploré, au passage, la faiblesse des sommes qui y étaient consacrées - cinq millions de francs - par rapport à celles qui sont allouées aux autres autorités de contrôle. Nous nous étions néanmoins prononcés en faveur de la création de cet organisme.
J'attire votre attention sur le fait qu'il ne reste plus que quarante jours très exactement, dont un bon nombre sont fériés, avant la date limite pour sa mise en place et sur le fait qu'aucun texte d'application n'est encore publié. Telle était ma première observation.
La particularité du transport aérien, qui consiste à faire payer aux usagers, par redevances ou taxes affectées, des dépenses aussi régaliennes que la lutte anti-terroriste ou la protection contre les incendies sur les aéroports, vient à nouveau d'être remise en cause par une lettre du Conseil d'Etat, en dépit de la loi de validation que nous avions adoptée l'an dernier.
Notons, au passage, la créativité du juge administratif, qui se fonde sur le droit à un procès équitable, posé par la Convention européenne des droits de l'homme, pour réfuter la validation ! Comme on dit en Normandie, il y aurait à dire. (Sourires.) Quoi qu'il en soit, je regrette que les sommes qu'il faudra débourser n'apparaissent pas au budget de l'Etat.
Ces deux observations, ajoutées à celles de M. Collin, m'amènent à vous demander s'il ne serait pas préférable de revenir à l'ancien périmètre du budget annexe de la navigation aérienne.
J'en viens aux retards qui ont été évoqués tout à l'heure. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres simplement destinés à illustrer mon propos, en prenant l'exemple de la Lufthansa, qui n'est pas une compagnie française.
Cette dernière dispose de 270 appareils qui ont passé l'an dernier 11 200 heures de vol en attente dans l'espace aérien allemand, brûlant 26 200 tonnes de kérosène et dégageant 82 600 tonnes de dioxydes de carbone à cette occasion !
Ajoutez à Lufthansa toutes les compagnies aériennes et vous obtiendrez non seulement le nombre d'heures de retard, mais également la surconsommation de kérosène et la production de CO² qui nuit à l'environnement. Les 26 200 tonnes consommées par Lufthansa engloutissent le double des économies réalisées grâce aux efforts de gestion effectués par la compagnie.
Que comptez-vous faire pour essayer d'améliorer l'espace aérien ?
Les observations formulées aujourd'hui même par la Commission de Bruxelles vont dans le même sens. Il est urgent d'intervenir.
Je n'ignore pas la complexité du sujet, qui englobe l'espace aérien militaire et un certain nombre d'autres paramètres, tels que la transformation des contrôleurs aériens en ingénieurs. Il n'en est pas moins urgent d'amener l'espace aérien européen au minimum au même niveau de desserte et d'organisation que l'espace aérien américain, qui, bien que plus grand, fonctionne mieux.
En ce qui concerne les aéroports, la place aéroportuaire de Paris a accueilli 63,5 millions de passagers en 1998. On attend une croissance de 8,3 % de ce chiffre en 1999 et de 5 % environ pour 2000. La question du troisième aéroport dans le grand bassin parisien devra donc un jour être posée !
J'ai participé avec l'ancien ministre Jacques Douffiagues à une mission sur ce sujet. Vous savez qu'entre la décision politique de construire un aéroport et son inauguration, il s'écoule une trentaine d'années. L'évolution rapide de ce mode de transport ne devrait-elle pas nous inciter à accélérer le processus ou, à tout le moins, à poser la question ?
Permettez-moi de vous dire au passage que la limitation à 250 000 mouvements sur la plate-forme d'Orly me paraît très pénalisante et pas nécessairement fondée.
Grâce à l'ACNSA et à un certain nombre de mécanismes d'observation dont nous disposons maintenant, pourquoi ne pas retenir le bruit comme phénomène limitatif sur l'occupation des aéroports ? Pourquoi ne pas étendre à Orly ce qui a été fait à Roissy, c'est-à-dire définir des limites en termes de niveau de bruit global ? (Mme Beaudeau fait un signe d'approbation.)
Nous avions attiré votre attention l'année dernière, monsieur le ministre, sur l'évolution d'Air France à l'égard des diverses alliances qui étaient en train de se conclure avec Delta Airlines, Korean Airlines et Aeromexico, et qui laissaient encore un peu de place pour d'autres alliances. Nous avions souligné l'intérêt de constituer le triptyque Amérique - Asie - Europe tout en nous demandant s'il était encore temps. Qu'en est-il ?
Il est aujourd'hui urgent qu'Air France se positionne pour atteindre la taille critique des grandes alliances internationales et assurer ainsi son avenir.
Air France et Delta Airlines se sont associés.
Pour Aérospatiale Matra, la concrétisation de la fusion annoncée avec DASA risque de se heurter, quoi qu'on en dise, à l'obstacle que représente aux yeux de nos partenaires la participation de l'Etat français dans le nouvel ensemble.
Or, tout retard sera préjudiciable à la transformation d'Airbus en société de plein exercice et au lancement du gros porteur A 3XX. M. le rapporteur spécial est intervenu sur le sujet tout à l'heure.
Réjouissons-nous au passage que l'Espagnol CASA ait récemment rejoint l'ensemble EADS.
Cela étant, il y a urgence à évoluer. On l'a dit tout à l'heure, Boeing a quelques difficultés. Mais il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt. Airbus a encore devant lui un grand avenir à condition de se doter des moyens nécessaires.
En conclusion, la commission des affaires économiques et du Plan s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 12 minutes ;
Groupe socialiste : 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, payant ce soir de ma personne mon attachement à l'intermodalité, je suis très heureux d'être l'un des passagers de ce vol de nuit que nos excellents rapporteurs, Yvon Collin et Jean-François Le Grand, viennent de faire à l'instant décoller.
Je voudrais les remercier de la qualité de leur rapport, de l'aspect à la fois analytique et aérien - si j'ose dire ! - de leurs propos, des réflexions qu'ils instruisent et y ajouter la mienne.
Je traiterai, d'abord, des transports aériens.
L'ouverture du capital du groupe Air France est, comme vient de le dire Jean-François Le Grand, un pas dans une bonne direction. Un pas, sûrement. Mais un pas n'est pas une enjambée. Et je vous pose la question : est-ce suffisant ?
Nous sommes ainsi confrontés à cette récurrente interrogation : n'allons-nous pas causer de graves problèmes à la compagnie en la maintenant dans une position exceptionnelle d'entreprise publique ?
Force est de constater que, même si cette compagnie est aujourd'hui dirigée par un excellent président, M. Spinetta, même si la prise en capital a aujourd'hui cessé d'être déterminante, les verrous des Etats n'apportent pas au groupe Air France l'assistance dont il aurait besoin dans la recherche de ses alliances. La preuve en est - et cela vient d'être dit - qu'il n'a toujours pas complété ses alliances avec l'Asie, même si les accords ont été scellés, et qu'il n'a pas encore de partenaire européen à part entière.
Avant-hier déjà, souvenons-nous, la compagnie Iberia refusait de développer un partenariat avec Air France, préférant finalement une solution anglo-américaine avec British Airways et American Airlines.
Hier encore, souvenons-nous le récent accord enfin conclu avec Delta Airlines ne provoquait pas d'autres nouvelles alliances pourtant vitales pour faire face aux groupes One World, Star Alliance, Atlantic Excellence ou encore Wings.
Toutefois, j'ai parfaitement confiance, au-delà de mes propos : les choses iront vers le meilleur.
Cette stratégie d'alliances internationales est indispensable dans la mesure où le transport aérien du futur, avec la libéralisation totale, n'aura plus rien à voir avec ce qu'il était au cours des vingt ou trente dernières années.
Sans doute peut-on penser qu'une ouverture plus large du capital, même si la conclusion d'alliances n'en dépend pas complètement, donnerait à Air France les armes dont disposent déjà la grande majorité de ses concurrents dans le paysage extrêmement mouvant du transport aérien mondial.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ils licencient, eux !
M. François Gerbaud. Tout à l'heure, nous avons évoqué, à propos du ferroviaire, la nécessité de mettre au point les schémas de services collectifs dans le cadre de l'article 41 de la loi d'orientation. Je n'y reviens pas, si ce n'est pour dire, après vous, monsieur le ministre, qu'il faut prévoir la même chose pour le monde aérien, c'est-à-dire instaurer une politique de complémentarité et de coopération des réseaux des transports, de coordination de leur exploitation et d'optimisation des réseaux et équipements existants.
Alors que le trafic aérien mondial régulier, exprimé en passagers-kilomètres transportés, a crû de plus de 3 % à l'international par rapport à 1997 et de près de 2 % pour les vols intérieurs, alors que l'année 1998 a vu une augmentation du trafic de fret international, avec une hausse de 1,3 % du tonnage transporté, mais une stagnation en termes de tonnes-kilomètres transportées, qu'envisagez-vous, que faites-vous, monsieur le ministre, pour anticiper sur la capacité nécessaire des infrastructures ?
Quand on sait - et qui le saurait mieux que vous ? - que les deux plates-formes, Roissy et Orly, seront à saturation dès 2003 et non, comme on l'avait prévu, en 2007, quelles mesures d'anticipation à court, à moyen et à long terme peut-on envisager ?
Les 55 millions de passagers à Roissy vont donc être vite atteints, comme vous l'avez vous-même confirmé. Si nous voulons donner - nous le souhaitons tous - à cet aéroport toutes les chances d'être le très grand hub passager de demain, pourquoi ne pas commencer, dès maintenant, à transférer de Roissy tous les vols cargo qui peuvent trouver des plates-formes d'accueil ailleurs ?
Quelles mesures pensez-vous mettre en oeuvre pour développer les plates-formes que peut constituer le réseau aéroportuaire de province et, ainsi, lentement, désencombrer Roissy et Orly, les maintenant dans leur vocation principale ?
Je vous prie de m'excuser de parler des affaires de mon pays et de mon département, mais il se trouve qu'elles s'insèrent là dans une réflexion nationale.
C'est dans la perspective que je viens d'évoquer que l'aéroport Marcel-Dassault de Châteauroux-Déols a signé un partenariat avec Aéroports de Paris et l'aéroport de Washington. Ce partenariat inédit devrait contribuer de façon significative à accroître encore le développement de l'activité fret de l'aéroport de Châteauroux-Déols, en constante progression depuis plusieurs années.
A ce titre, je souhaite rappeler qu'en 1998 le taux de croissance de l'activité globale de cette plate-forme était de 25 %, tandis que le fret, lui, augmentait de 45 %.
Pour les cinq premiers mois de 1999, les chiffres confirment cette tendance, avec, fin mai, une croissance des tonnages de marchandises générales et du chiffre d'affaires de 50 %.
Aux traditionnels vols charters s'ajoutent aujourd'hui des vols réguliers répétés, tels que ceux qui sont opérés par la compagnie turque MNG ou par Air Gabon.
Les autres activités industrielles de l'aéroport de Chateauroux-Déols - la maintenance et la peinture aéronautiques, le stockage d'avions et l'entraînement des pilotes - devraient également se trouver très dynamisées par ce partenariat, qui constitue ainsi la validation de la stratégie développée par cet aéroport pour se positionner, depuis plusieurs années, aux yeux de tous, comme l'aéroport « tout cargo » de Paris.
Pour faire face à la croissance de son activité, les points forts de cet aéroport - vous les connaissez, monsieur le ministre, puisque vous nous avez fait l'honneur de venir, un jour, dans notre département - sont les suivants : une longueur de piste de 3 500 mètres, une flexibilité en termes d'horaires et de slots, la rapidité de la liaison autoroutière avec la capitale, l'économie de ses tarifs, autant de réponses efficaces aux attentes de certaines compagnies aériennes de fret. Il n'est d'ailleurs pas, lui, la « danseuse » d'un conseil général !
C'est ici qu'apparaît l'utilité essentielle d'un schéma des plates-formes logistiques et des terminaux du transport combiné. Mettre en cohérence les demandes des régions et clarifier les rôles des différents intervenants nécessite, à l'évidence, une sélection et une hiérarchisation des différentes plates-formes respectant les stratégies affichées par les régions et s'intégrant dans une cohérence européenne.
L'analyse des organisations retenues par nos voisins européens, en particulier par l'Allemagne et l'Italie, fait apparaître deux logiques que l'on doit rendre complémentaires, en France, pour éviter de les voir s'affronter en concurrentes.
D'abord, une logique de polarisation tendant à concentrer les flux autour des grands terminaux européens du transport combiné, capables de capter le fret des grandes zones de production et de consommation du pays, afin de l'expédier à plus de 400 kilomètres vers d'autres grandes zones logistiques de France et d'Europe.
Ensuite, une logique d'essaimage articulée sur la notion de réseaux, permettant de redistribuer le fret collecté autour des grandes zones de production afin d'irriguer l'ensemble du territoire à partir de chantiers de dimension plus modeste au centre d'une zone de chalandise de quarante à cinquante kilomètres de rayon.
Dans le transport aérien, comme d'ailleurs dans tous les modes de transport, l'Etat, monsieur le ministre, doit proposer au pays une vision cohérente et pérenne du système de transport s'articulant au carrefour de quatre politiques : le développement économique, l'aménagement et le développement du territoire, le transport et, bien évidemment, l'environnement.
Il serait dramatique que la France devienne, par l'inertie des acteurs institutionnels, un simple pays de transit et qu'on laisse échapper cette opportunité unique d'accroître la compétitivité nationale et de contribuer au développement local des régions les mieux situées face aux grands flux européens et mondiaux.
Je terminerai mon propos, monsieur le ministre, en abordant la problématique du renouvellement des concessions aéroportuaires.
A la suite du rapport de l'inspection générale des finances du mois de mai dernier sur les chambres de commerce et d'industrie, et face au vide juridique dans lequel se trouvent de nombreux aéroports - arrêtés d'acceptation temporaire, AOT, concessions échues, etc. - Matignon a pris la décision de renouveler les concessions de trente-huit aéroports sur la base du cahier des charges type 1997 pour des durées de trois à cinq ans, exceptionnellement davantage - vous l'avez confirmé pour Satolas - pour des cas dûment justifiés.
Compte tenu du fait que les vides juridiques posent un certain nombre de problèmes d'exploitation, notamment pour le recours aux emprunts, et compte tenu du délai nécessaire à la négociation de ces concessions par les préfets, qui vont recevoir mandat du Gouvernement, Matignon a pris de nouvelles décisions le 13 octobre 1999, à la suite d'une réunion interministérielle. Ces décisions sont les suivantes.
Les aéroports sous concession ou AOT actuellement en vide juridique se verront signifier par le préfet un prolongement de leur concession ou AOT actuel jusqu'au 31 décembre 1999.
Pour ces mêmes aéroports et ceux dont la concession ou l'AOT arrive normalement à échéance à cette même date du 31 décembre 1999, il est demandé au préfet de se rapprocher des gestionnaires d'aéroport pour leur suggérer de prendre une délibération afin de prolonger la concession ou l'AOT dans les mêmes termes jusqu'au 30 septembre 2000.
Au-delà de ces échéances, la question du renouvellement de ces concessions a été examinée par les chambres de commerce et d'industrie gestionnaires, qui ont adopté les décisions suivantes.
Le renouvellement des concessions pour une durée courte sur la base du cahier des charges type 1997 ne peut être envisagé qu'avec le retrait des clauses « risques et périls ».
Dans le cas contraire, la concession sur la base de ce cahier des charges type 1997 ne peut être envisagée que pour une durée d'au moins quinze ans, qui correspond à l'économie même de ce texte.
Pour les gestionnaires d'aéroport qui détiennent une créance sur l'Etat au titre des avances remboursables, la discussion sur le renouvellement des concessions ne peut être envisagée que si ces avances ont été au préalable réglées par l'Etat.
Quelle est, monsieur le ministre, votre position devant cette problématique ?
Cette réforme correspond-elle réellement aux besoins de l'activité, quand on sait qu'une concession à court terme conduira à une inadaptation structurelle des aéaroports, et donc à trois ou cinq ans de retard sur les besoins ?
La situation de la France ne pourrait-elle pas conduire à faire l'économie d'une telle décision ?
Pour terminer, j'aimerais qu'un instant nous rêvions ensemble.
Tout à l'heure, Yvon Collin a évoqué l'existence future, et bientôt scellée dans le marbre de la décision, de l'A 3XX. Je suis heureux à l'idée qu'un jour, monsieur le ministre, bientôt, dans le courant de l'année, nous pourrons apprécier, à Toulouse, dans une maquette grandeur nature, ce que sera ce grand avion, celui-là même qui est porteur de tous nos espoirs. C'est là le signe d'avenir que je livre à notre commune réflexion. (Applaudissements).
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Le budget annexe de l'aviation civile se distingue, cette année, par une relative stabilité des crédits, évalués à environ 8,7 milliards de francs.
Il est à noter que la capacité d'autofinancement s'est sensiblement redressée, puisqu'elle est en hausse de plus de 72 millions de francs. On peut regretter, par conséquent, que les crédits budgétaires alloués aux transports aériens et à la construction aéronautique n'aient pas connu, quant à eux, une évolution plus favorable.
Toutefois, une avance remboursable de 240 millions de francs est inscrite en faveur de la construction du futur gros porteur A 3XX. Cela ne peut que conforter la progression d'Airbus Industrie dans une période où la concurrence avec Boeing fait rage.
A cet égard, monsieur le ministre, peut-on savoir dans quelle proportion nos partenaires européens intéressés par ce projet participeront à son financement dans la mesure où vos collègues allemand et britannique disaient conditionner leur engagement à la privatisation totale de la composante française d'Airbus ?
Cette pression exercée sur la France - ne faudrait-il pas plutôt parler de chantage ? - avait, en réalité, pour objectif de nous jeter dans une fausse alternative : ou bien l'isolement de notre pays, avec la perspective d'une alliance British Aerospace et DASA, ou bien la « fuite en avant » libérale, avec une intégration-fusion des opérateurs nationaux poursuivant une stratéagie de guerre économique avec le géant américain Boeing Mac Donnel Douglas.
A l'issue de longues tractations desquelles les salariés, ainsi d'ailleurs que la représentation nationale, ont été exclus, le Gouvernement a fait le choix de la fusion entre Aérospatiale et Matra puis avec Dasa, pour parvenir à la constitution d'EADS, au sein duquel la place de la France est réduite, et particulièrement celle de l'Etat, qui, dorénavant, ne dispose plus que de 15 % du capital du nouveau groupe.
Cela pose, pour l'avenir, la question de l'emploi dans ce secteur, de la transformation probable du statut d'Airbus et, plus largement, celle du rôle que la puissance publique veut se donner dans une industrie pourtant en pleine croissance et stratégique sur le plan international.
Peut-être pourriez-vous nous apporter, monsieur le ministre, des éclaircissements utiles sur le sens de l'intervention publique après cette restructuration à l'échelle européenne ?
Je l'ai évoqué il y a un instant, les prévisions sur l'évolution du trafic aérien pour la décennie à venir sont prometteuses, ce qui a pour effet d'aiguiser les conditions de la concurrence entre les compagnies européennes et américaines.
La situation de la compagnie nationale Air France s'améliore, malgré les mauvais présages que nous promettaient certains de nos collègues de la majorité sénatoriale (M. le rapporteur pour avis s'exclame), regrettant le maintien de l'entreprise dans la sphère publique.
Cela montre que, lorsque l'Etat ne recule pas devant ses responsabilités d'actionnaire, en recapitalisant, au besoin, en développant les infrastructures aéroportuaires, en favorisant le dialogue social au sein de l'entreprise nationale, et sans pour autant renier ses missions en termes d'aménagement du territoire et d'environnement, le secteur public est à même de progresser, de surmonter la vague libérale, particulièrement virulente dans ce secteur, et d'envisager des partenariats nouveaux.
Ce budget en témoigne, avec les moyens supplémentaires dégagés en faveur de la création d'emplois nouveaux, que ce soit à la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, ou au contrôle de la navigation aérienne.
De même, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à relancer notre politique aéroportuaire, ce qui est indispensable si l'on veut faire face à l'afflux de nouveaux passagers.
Cela impose non seulement de réfléchir à une meilleure cohérence entre les plates-formes de Paris et de province, mais aussi de veiller à la prise en compte, dans les choix qui seront faits, des préoccupations environnementales.
En tout état de cause, il ne peut être question, comme d'aucuns n'hésitent pas à l'envisager, de mettre en cause le caractère public d'Aéroports de Paris, qui constitue le meilleur gage de la sécurité des passagers au moment justement où l'établissement public Aéroports de Paris, particulièrement l'aéroport Paris - Charles-de-Gaulle, concentre sur lui la plus grande part du trafic international.
Sur ce point auquel mes collègues Hélène Luc et Odette Terrade sont particulièrement sensibles, les propositions que vous avez annoncées à l'issue de la table ronde sur le devenir d'Orly montrent qu'il est possible de conjuguer développement et réduction des nuisances sonores, monsieur le ministre.
Encore faut-il ne pas oublier la juste répartition de ces retombées économiques, tant il est vrai que les inégalités sont particulièrement fortes entre les communes riveraines, dont certaines ne tirent que les avantages fiscaux de la présence de l'aéroport d'Orly, alors que d'autres n'en subissent que les inconvénients. Sans attendre la publication du rapport introduit dans la loi de finances, pouvez-vous nous préciser vos intentions en ce domaine ?
Pourriez-vous nous indiquer également quelles dispositions pourraient être prises pour remédier aux retards permanents des vols qui concentrent sur eux la réprobation des usagers ?
Enfin, on observe depuis plusieurs années une succession d'accords bilatéraux entre les Etats membres de l'Union européenne et les Etats-Unis qui tendent à accélérer la déréglementation dans des proportions plus ou moins fortes selon les pays.
Or la perspective annoncée d'un espace commun des transports aériens ne peut que nous inquiéter s'il s'agit de généraliser au niveau européen les accords à « ciel ouvert » conclus jusqu'à présent.
Il est par conséquent plus que jamais indispensable de promouvoir, au sein de l'Union européenne, une véritable politique commune de transport aérien à même de favoriser le rapprochement et la coopération entre compagnies européennes et non leurs affrontements, qui feraient alors le jeu des compagnies nord-américaines.
De quelle manière, monsieur le ministre, comptez-vous mettre à profit la période durant laquelle la France assurera la présidence de l'Union européenne pour inverser cette course effrénée à la libéralisation et pour proposer des mesures tendant à l'harmonisation par le haut des politiques sociales, des conditions de travail et des normes environnementales dans le cadre communautaire ?
Pour l'heure, et compte tenu des aspects prometteurs de ce projet de budget, nous voterons les crédits consacrés à l'aviation civile. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 1999 a été importante pour le transport aérien et l'aviation civile.
Sur le plan national, l'activité législative a été dense, signe de l'attention que porte le Gouvernement aux questions aériennes et aéronautiques. Plusieurs lois ont été votées.
La loi du 29 mars 1999, relative aux enquêtes techniques sur les accidents dans l'aviation civile, d'apparence très technique, présente néanmoins un intérêt certain pour chacun d'entre nous : en améliorant le fonctionnement de ces investigations, elle améliore la sécurité aérienne ; en prévoyant la publicité des rapports d'enquête, elle conforte la démocratie.
La loi du 12 juillet 1999, qui a créé l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, était très attendue des riverains des grands aéroports. Sa promulgation avait été promise lors de l'annonce de la construction de deux pistes supplémentaires à l'aéroport de Roissy. C'est désormais chose faite. La mise en place de cette autorité constitue une avancée importante dans la lutte contre les nuisances sonores aux abords des aéroports, d'autant que ses pouvoirs sont réels : pouvoirs de contrôle, de recommandations, d'information, de prescription de règles, mais aussi et surtout de sanctions. En commission, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué qu'elle serait en place pour le 12 janvier 2000. Nous sommes sûrs qu'elle se mettra rapidement au travail. Je note avec satisfaction que le budget pour 2000 prévoit la mobilisation de 5 millions de francs pour son fonctionnement.
Plus généralement, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est l'application de cette loi et de ses textes réglementaires, notamment ceux qui sont relatifs au code de l'urbanisme ? Je pense, par exemple, à l'obligation faite au bailleur d'indiquer dans le contrat de location que le bien loué est situé dans une zone couverte par un plan d'exposition au bruit. Les règles d'urbanisme se révèlent en effet bien souvent des outils très efficaces pour éviter ou du moins minimiser les nuisances sonores liées au trafic aérien. Il ne faut donc pas retarder leur mise en oeuvre.
Toujours à propos de cette loi, j'aimerais savoir si les commissions consultatives de l'environnement, véritables organes de concertation sur le plan local, sont en place dans chacun des neuf plus grands aéroports, comme l'impose désormais la loi.
Enfin, la loi de finances pour 1999 a profondément modifié le système de taxes et de redevances aériennes. Je n'entrerai pas dans le détail de ce dernier dans la mesure ou MM. les rapporteurs en ont longuement parlé. Je note simplement que les moyens mis par ce budget à la disposition de l'aviation civile devraient permettre à cette dernière d'accompagner la croissance du trafic, de répondre aux impératifs de sécurité, sans pour autant peser sur les compagnies aériennes et les passagers.
Le Gouvernement a fait le choix juste et sage de la modération fiscale, puisqu'il a annoncé pour 2000 une réduction des tarifs des redevances dues par les compagnies aéariennes et qu'il n'a pas modifié les taux de la taxe d'aviation civile.
L'année 1999 a aussi été une année faste pour la filière aéronautique. En Europe, le fait marquant - d'autres l'ont dit avant moi à cette tribune - a été la fusion d'Aérospatiale-Matra et de DASA, que vient de rejoindre le groupe aéronautique espagnol CASA. Avec la naissance de ce groupe franco-allemand devenu aujourd'hui franco-allemand-espagnol, c'est la construction d'un véritable pôle européen de l'aéronautique civile et militaire qui se profile. Je salue là l'action du Gouvernement qui, dès 1997, a voulu et su porter un projet européen pour préserver notre potentiel industriel national dans le secteur de l'aéronautique et de la défense.
La partie n'était pourtant pas gagnée d'avance : voilà quelques mois, une fusion anglo-allemande entre DASA et British Aerospace et un isolement de notre industrie aéronautique étaient tout à fait possibles. Fort heureusement, c'est un tout autre scénario qui s'est joué grâce à votre action, monsieur le ministre, et à celle de l'ensemble du Gouvernement.
Ce fut tout d'abord le rapprochement d'Aérospatiale et de Matra au printemps dernier, puis, le 14 octobre, l'annonce par Lionel Jospin et Gerhard Schroder de la fusion entre Aérospatiale-Matra et DASA pour créer la société EADS, la société européenne d'aéronautique de défense et spatial. Hier, enfin, c'était au tour de José Maria Aznar d'apporter le groupe espagnol CASA à la société ainsi constituée.
La création de cette entité était indispensable si l'on voulait qu'un jour l'industrie européenne soit en mesure de faire jeu égal avec les grands groupes américains. EADS sera désormais le troisième groupe mondial du secteur aéronautique et spatial, et le premier groupe au niveau européen.
La création de cette entité devrait donner un nouveau souffle au consortium Airbus Industrie, dorénavant détenu à 80 % par EADS. Airbus devrait donc bénéficier tout à la fois d'une conjoncture plutôt favorable - au cours des vingt prochaines années, les compagnies aériennes devraient prendre livraison d'environ 17 000 appareils - et des perspectives offertes par la création d'EADS. La réalisation du gros porteur d'Airbus, l'A 3XX paraît désormais tout à fait envisageable. A ce propos, je salue la décision du Gouvernement de mobiliser dans ce projet de loi de finances des avances remboursables pour le développement de cet avion.
M. François Gerbaud. Très bien !
M. Henri Weber. La mise en oeuvre de cet accord va cependant inévitablement entraîner des restructurations, voire des délocalisations ou de nouvelles localisations de sites industriels. Sur ces questions, soyez-en sûr, monsieur le ministre, nous resterons vigilants.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Bravo !
M. Henri Weber. Sur le plan mondial, 1999 a aussi été, pour le transport aérien, une année remarquable, la croissance du trafic aérien ayant dépassé les prévisions les plus optimistes. Les retards importants et un service de moindre qualité ont néanmoins constitué le revers de la médaille, comme l'a rappelé M. le rapporteur pour avis.
Le transport aérien est victime en quelque sorte de son succès. Le phénomène n'est pas franco-français. On le constate partout.
Il est donc urgent, pour y remédier, de prendre des mesures sur le plan international, sous l'égide d'Eurocontrol. Que pensez-vous, monsieur le ministre, des propositions faites par Mme Loyola de Palacio, au nom de la Commission européenne, en vue de doter à terme l'Union européenne d'un ciel non plus fractionné en quinze espaces autonomes, mais unique, et dont la gestion serait harmonisée et intégrée.
Au niveau national, le ministère des transports a engagé avec les autorités militaires des négociations pour libérer des couloirs au profit du transport civil, négociations que je souhaite voir aboutir rapidement. Par ailleurs, la création nette de 180 emplois dans la navigation aérienne pour faire face au développement de l'activité et aux besoins de formation est une excellente chose. J'avoue à ce propos ne pas bien comprendre l'obstination avec laquelle la commission des finances de la Haute Assemblée, suivie en cela par la majorité sénatoriale, refuse, année après année, d'adopter les crédits finançant les charges de personnels, alors que, dans le même temps, elle déplore les dysfonctionnements et les retards.
Au cours de l'année 1999, les alliances dites « stratégiques » se sont poursuivies dans le transport aérien. Ces alliances sont incontournables pour éviter aux compagnies aériennes de disparaître. Elles seules leur permettent d'augmenter leur chiffre d'affaires, d'accroître substantiellement leurs moyens sans avoir trop à investir, notamment en bénéficiant de la flotte d'autres compagnies, et d'avoir accès à des destinations qu'elles ne pourraient autrement desservir. Elles peuvent ainsi offrir à leurs clients une gamme de destinations très larges et des produits extrêmement complets.
Air France a su tirer partie de cette situation. Je constate, comme mon prédécesseur à cette tribune, que le statut public de notre compagnie de transport aérien et l'ouverture maîtrisée de son capital ne l'ont pas empêchée de nouer une grande alliance avec la compagnie américaine Delta Airlines. Cette alliance doit être maintenant consolidée par la recherche de nouveaux partenaires, européens et asiatiques. Ainsi, Air France sera en mesure de proposer des produits vers l'ensemble des destinations les plus courues.
Enfin, avant de conclure, je souhaiterais aborder la question du transport aérien en termes d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement.
Si j'ai évoqué précédemment la pollution sonore provoquée par le transport aérien, je n'ai pas parlé de pollution atmosphérique. Avec l'engorgement de l'espace aérien et les retards qui s'ensuivent, cette question devient préoccupante. M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan note que les attentes supplémentaires dans le ciel ont coûté à Lufthansa, l'année dernière, une consommation supplémentaire de carburant de plus de 26 000 tonnes, soit près de 83 000 tonnes de gaz carbonique supplémentaire rejeté dans l'atmosphère.
Par ailleurs, des études montrent que, sur des distances courtes, l'avion consomme quatre fois plus d'énergie que le train.
Dès lors, je me demande s'il ne serait pas souhaitable que le schéma des services collectifs de transport de voyageurs, prévu par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et actuellement en cours d'élaboration, veille davantage à une meilleure complémentarité entre ces deux modes de transports pour les distances inférieures à 800 kilomètres afin d'éviter ainsi l'exacerbation de la concurrence entre eux. L'atmosphère s'en porterait mieux, et nous aussi. Cela doit être possible : des partenariats se nouent actuellement entre la SNCF et les compagnies aériennes. L'établissement public Aéroports de Paris souhaite aussi mettre en oeuvre des synergies avec le train : depuis le 28 novembre, Thalys relie Roissy à Bruxelles en une heure quinze contre une heure cinquante auparavant.
Mouvements de concentration, restructurations, alliances, hausse du trafic et des bénéfices : tous ces phénomènes qui témoignent de la vitalité du transport aérien et de la filière aéronautique ne doivent pas nous conduire à oublier les effets négatifs qu'ils peuvent induire : engorgement du ciel, retards, désorganisaiton du trafic, risque de multiplication des incidents ou, plus grave, des accidents, course effrénée à la productivité au détriment des salariés et des conditions de travail, détérioration de l'environnement.
Sur toutes ces questions, le Gouvernement a la volonté d'agir. Sur tous les grands dossiers aéronautiques et aériens, il a su faire prévaloir l'intérêt général, il a su définir et développer une stratégie industrielle au service de l'emploi, au service d'un développement durable. Il a aussi su démontrer, aussi bien pour Air France que pour AEDS, que l'actionnariat public était gage d'efficacité dès lors qu'il était porté par une volonté et une stratégie politiques fortes.
Monsieur le ministre, c'est donc sans hésitation que le groupe socialiste votera les crédits du transport aérien. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon intervention, je me bornerai à évoquer, d'une part, certains aspects du transport aérien en France et, d'autre part, la situation particulière de Strasbourg, ville européenne.
Dans leurs rapports de grande qualité, les rapporteurs ont évoqué les problèmes liés à l'encombrement de l'espace aérien. Ainsi, notre collègue Jean-François Le Grand relève que l'aéroport d'Orly, par exemple, est saturé, le plafond des créneaux disponibles ayant été atteint dès 1995.
Je ne méconnais pas les efforts qui sont engagés pour maintenir un haut niveau de sécurité aérienne, ce qui est évidemment impératif et prime bien d'autres considérations. Il n'en est pas moins vrai que la situation ainsi créée entraîne des retards de plus en plus fréquents, des suppressions de vols parfois impromptues et, à certains moments, une irritation croissante de la part des usagers.
Les causes qui expliquent les retards vont de la saturation de l'espace aérien aux conditions atmosphériques plus ou moins difficiles, des problèmes liés à la régulation aérienne aux mouvements des personnels au sol ou de ceux des services de contrôle de sécurité, de contraintes liées au partage de l'espace aérien entre les vols civils et les vols militaires au manque de synchronisation constaté relativement fréquemment entre l'arrivée de certains vols et la présence des services d'accueil d'Aéroports de Paris.
Je ne sous-estime pas les diverses raisons qui peuvent expliquer ces situations dues aussi à l'accroissement considérable du trafic aérien, mais il est indispensable qu'en contrepartie les usagers soient systématiquement et mieux informés et qu'ils soient considérés en toutes circonstances comme des clients que, en une période caractérisée par une concurrence accrue, rien ne lie durablement à une même compagnie.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis d'accord !
M. Daniel Hoeffel. Je me félicite avec les rapporteurs de l'achèvement du processus de redressement d'Air France et je suis, comme eux, heureux des efforts qui ont été réalisés dans un contexte difficile.
Mais je suis témoin dans ma région d'un « ripage » d'usagers, pour des raisons qualitatives, des aéroports de Paris vers ceux de Francfort et de Zurich.
J'ai pu constater, dans certains pays d'Europe centrale, un transfert de clientèle des compagnies françaises vers des compagnies étrangères et une insuffisante prise en considération par certaines de nos agences à l'étranger des impératifs de la concurrence.
Je tiens à rendre hommage au travail, à la conscience et à la compétence de l'immense majorité des personnels d'Air France et d'Aéroports de Paris ; il serait dommage que des exceptions à la règle - et il y en a - viennent ternir cette impression globale positive à laquelle nous sommes profondément attachés.
Le deuxième volet de mon intervention, monsieur le ministre, concerne la situation spécifique de Strasbourg, siège - faut-il le rappeler ? - du Conseil de l'Europe, du Parlement européen et de la Cour européenne des droits de l'homme.
Aucune implantation d'institution ne pouvant jamais être considérée comme définitive, tout doit être mis en oeuvre pour faciliter l'accès des parlementaires et des délégués venant de toute l'Europe à Strasbourg.
J'ai trop souvent des échos, et de manière directe, des récriminations et critiques - nous devons les prendre au sérieux - dont la France est l'objet au sein des institutions européennes alors que notre pays a voulu que ces institutions s'implantent à Strasbourg et que les présidents et gouvernements successifs se sont battus et se battent pour qu'il en soit ainsi.
Les décisions prises en faveur du TGV Est constituent une bonne réponse, mais l'amélioration des liaisons aériennes ne représente pas moins une autre priorité.
Or, c'est dans ce contexte qu'est intervenue, cet été, la suppression brutale par Air France de la liaison aérienne Berlin-Strasbourg, au moment même où Berlin était consacrée capitale de l'Allemagne et où le Parlement européen s'installait dans son nouveau siège à Strasbourg.
Si l'on ajoute à cela la suppression, cet été également, de la liaison aérienne assurée par Air Liberté entre Paris et Strasbourg, nous réunissons tous les éléments donnant le sentiment à nos partenaires européens que nous ne portons pas à leurs attentes justifiées l'attention qu'elles méritent.
La solution à ces problèmes n'est, certes, pas aisée, malgré les efforts conjoints de l'Etat et des collectivités territoriales. Mais, à l'heure de l'ouverture de l'espace aérien, de l'internationalisation et de la concurrence, elle doit être trouvée et elle peut être trouvée, je le crois, dans un cadre européen et dans une saine émulation. Le problème revêt une urgence évidente. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à saluer le caractère sérieux et la qualité de vos interventions sur ce sujet à la fois important et complexe.
Avec l'accélération des échanges mondiaux, le secteur aérien est un des atouts majeurs d'une puissance industrielle économique et touristique comme la France.
La dimension internationale et concurrentielle est caractéristique du transport aérien. Mais je n'aurais garde d'oublier ses autres dimensions, qui relèvent du développement durable : l'aménagement du territoire, le développement économique, l'emploi et, bien entendu, l'environnement - M. Weber a insisté sur ce point.
Comme vous le savez, ce secteur est en pleine croissance, et cela n'est pas sans poser des problèmes d'adaptation et des problèmes de moyens matériels et humains pour maintenir le très haut niveau de sécurité qui caractérise l'aviation civile française et européenne.
Cela implique une recherche permanente de qualité dans la gestion du trafic, les prestations commerciales et la construction aéronautique, autant de problèmes qui ont été évoqués par MM. les rapporteurs et d'autres orateurs.
Chacun connaît la place particulière, en France et en Europe, de la construction aéronautique civile et son importance pour l'emploi, pour le développement technologique et l'équilibre du territoire. Tout le monde sait les succès d'Airbus - la presse s'en fait régulièrement l'écho.
Les chefs de gouvernement français et allemands ont annoncé, le 14 octobre dernier à Strasbourg, la prochaine fusion entre Aérospatiale-Matra et Dasa, entreprise allemande. La nouvelle structure, appelée EADS, constitue une étape réelle dans le regroupement des capacités aérospatiales civiles et militaires, permettant d'aller vers un grand groupe européen capable de rivaliser avec ses concurrents américains.
Cette opération, qui n'était pas gagnée d'avance, renforce dans une certaine mesure l'axe franco-allemand et souligne que la place d'un actionnaire public a finalement été considérée par nos partenaires allemands non pas comme un obstacle, un handicap, mais comme un atout et un facteur de stabilité pour l'avenir, comme l'a indiqué M. Weber dans son intervention.
J'ajoute que la participation de l'Etat dans EADS s'est accompagnée de garanties, notamment pour les décisions stratégiques et les cessions éventuelles.
M. Lefebvre a relevé que cette opération s'est faite sans que les salariés concernés ni les représentants de la nation en aient été informés. C'est vrai. Mais dès lors qu'il s'agit d'une fusion entre groupes présents sur les marchés financiers, à laquelle se greffent des problèmes d'actionnariat, certains éléments de caractère très confidentiel doivent être préservés jusqu'au terme de l'opération, sauf à être passibles d'une intervention de la justice.
Quand vous me demandez, monsieur Lefebvre, avec beaucoup de pertinence, comment il se fait que vous n'ayez pas été informés plus tôt de cette fusion et pourquoi vous n'avez pas pu en débattre au préalable, je vous réponds, pour l'honnêteté du débat, que le Président de la République, M. Chirac, le Premier ministre, M. Jospin, côté français, M. Blair côté britannique et M. Helmut Kohl - chancellier à l'époque - côté allemand, avaient annoncé en décembre 1997 - tout le monde a pu le lire dans toute la presse - que l'objectif était d'aller vers le regroupement civilo-militaire de la construction aéronautique européenne.
Nous ne pouvons donc pas dire, honnêtement, les uns ou les autres, que ce projet de fusion était un véritable coup de tonnerre, une révélation soudaine ! Autant je comprends le souci que vous avez exprimé, autant je prétends que ce projet s'inscrivait dans une démarche qui avait été annoncée plus d'une année à l'avance, mais qui effectivement n'était pas gagnée, comme vous l'avez dit.
L'intégration de l'industrie aéronautique civile et militaire européenne s'est poursuivie par le regroupement avec CASA, qui rejoint la nouvelle structure EADS.
On peut s'interroger sur la manière dont les choses vont se passer. Vous connaissez le système : sur les 100 % du capital total, 40 % étaient sur les marchés financiers et 60 % étaient partagés par moitié entre la partie allemande et la partie française. Comme la partie française est, pour une part, privatisée avec Aérospatiale, qui est passée en dessous des 50 %, ainsi que vous l'avez dit, il s'avère que, dans le nouvel ensemble, 15 % restent à l'actionnaire public français. Mais ce n'est pas parce qu'il y a eu une réduction du capital public, c'est parce que l'ensemble a été multiplié par deux : nous sommes passés, en quelque sorte, de 30 % chez nous à 15 % sur un ensemble qui vaut deux fois plus.
Que devient CASA dans cette affaire, me direz-vous ? Sa participation est de l'ordre de 6 % ou 7 %, mais ce n'est pas sur la partie allemande ou française ; CASA intervient en récupération sur les marchés financiers, c'est-à-dire que nous aurons non plus 40 % sur les marchés financiers, mais 34 %. Cela ne remettra pas en cause les garanties qui ont été obtenues pour la partie française en ce qui concerne la maîtrise et la gestion de la nouvelle société.
Les crédits dont je disposerai en 2000 en matière d'appui à l'industrie aéronautique permettront d'aider nos entreprises à réaliser leurs actions de recherche et de développement.
Monsieur Collin, je vous ai bien entendu. L'an dernier, vous m'aviez demandé pourquoi nous ne consacrions pas de l'argent à la recherche-développement concernant l'A 3XX. Vous avez cité la réponse que je vous avais faite, à savoir que rien n'était décidé. Mais votre citation était incomplète : j'avais ajouté que nous aurions pris toutes les dispositions nécessaires si cela avait été décidé ! Il est vrai qu'on n'est pas obligé d'expliciter longuement les réponses du ministre l'année précédente !
Cela dit, reconnaissez avec moi que j'avais raison...
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je l'ai dit !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et que l'analyse faite par le Gouvernement était fondée. Quand je propose que les avances soient inscrites dans le budget pour 2000, ce n'est pas parce que les choses sont acquises, c'est parce que je pense que cela peut contribuer à les faire avancer. Ce qui est fait au bon moment a plus de chances de réussir que ce qui est entrepris trop tôt ou trop tard. La vie va peut-être nous donner raison dans quelques jours !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Nous le souhaitons !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ainsi sont poursuivis les deux grands programmes de l'hélicoptère EC 165 et les nouvelles versions - 500 et 600 - de l'Airbus A 340, mais aussi le projet A 3XX, pour lequel nous avons prévu, dès 2000, une dotation de 240 millions de francs ; vous l'avez souligné, messieurs les rapporteurs.
Le lancement de l'A 318, avion bimotorisé de 107 places, a été décidé ; nous avons obtenu que la SNECMA et General Electric participent à sa motorisation, ce qui donnera du travail à nos entreprises. Pareil avec l'A 3XX - s'il est lancé. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut le lancer...
M. François Gerbaud. Bien sûr !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et qu'il faut que la décision soit prise de la manière certes la plus sérieuse et la plus rigoureuse, mais aussi la plus rapide.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Avec l'A 318, l'A 3XX, l'avion de 600 places et l'avion cargo de très grande dimension, la gamme Airbus nous permet d'affronter la compétition à armes égales avec notre concurrent américain.
Petite nuance avec ce que disait M. Weber : non seulement cela ne se traduira pas par des réductions d'activité, d'effectifs ou de localisations, mais cela nous apportera un « plus » dans tous les cas... en particulier à Toulouse.
M. Henri Weber. Nous en acceptons l'augure !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce projet de gros porteur me paraît indispensable à la poursuite du développement d'Airbus.
Autre acteur économique d'importance dont vous avez parlé : la compagnie nationale Air France, envers laquelle l'Etat a une responsabilité particulière en tant qu'actionnaire. Je vous remercie, monsieur Le Grand, à ce propos, d'avoir parlé d'Air France comme d'une compagnie nationale. Vous avez utilisé ce terme fort opportunément !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. C'était un lapsus ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur Lefebvre, comme vous l'avez souligné, Air France connaît en 1998-1999 un résultat d'exploitation positif et, sans se réjouir des malheurs des autres, il est tout de même agréable de constater qu'il est de plus en plus en augmentation au contraire de ses concurrents. En effet, je le lisais ce matin, British Airways prévoit encore plusieurs centaines de licenciements.
Nous ne connaissons donc pas la situation que certains prévoyaient - je ne les citerai pas pour ne faire de tort à personne - au moment où nous avons maintenu Air France dans le secteur public tout en réalisant l'ouverture de son capital.
J'en profite pour dire à MM. Le Grand et Gerbaud que le redressement est donc bien là et que le maintien de la compagnie dans le secteur public n'a pas été un handicap, bien au contraire. Cela a été un atout, pour la raison que je donnais tout à l'heure, et c'est un élément qui participe à la stabilité.
Certes, les actions d'Air France n'ont pas, au moment de l'ouverture du capital, augmenté de 80 % ou 100 %, comme ce fut le cas pour British Airways.
M. François Gerbaud. Je n'ai pas dit le contraire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je le reconnais, monsieur Gerbaud.
Les actions de British Airways ont connu une telle augmentation, mais, ensuite, elles n'ont fait que décroître. Celles d'Air France n'ont progressé que de 20 %. Vous me direz que c'est toujours plus que l'augmentation du livret A... C'est quand même moins que ce que d'autres pouvaient espérer d'une libéralisation complète !
Toujours est-il que la compagnie est solide. De plus, cela prouve qu'elle peut avoir un projet industriel, économique et social, créer des emplois et, du fait de l'actionnariat public, donner une certaine confiance à l'actionnariat privé dans ce domaine.
Il est vrai que cela ne s'est pas fait en un jour. Il faut reconnaître que le gouvernement précédent avait injecté 20 milliards de francs dans le capital d'Air France et que, dans le même temps, on avait assisté au licenciement de 9 000 salariés. Il y a eu aussi la fusion avec Air France Europe et Air Charter à la fin de 1998.
Pour faire face à la montée en puissance des alliances déjà constituées, Air France a décidé de bâtir à son tour une « alliance globale ». Vous avez évoqué la question.
Il est absolument nécessaire aujourd'hui, non seulement en Europe mais dans le monde, de conforter des alliances. Toutes les compagnies le font, et c'est tout à fait justifié.
C'est une alliance qui va au-delà de simples accords de partage de codes, comme cela a pu se faire ou se fait encore dans certains cas. Elle permet d'offrir aux passagers, sous une marque unique, un réseau mondial constitué par l'ensemble des réseaux de chaque partenaire.
Dans cette perspective, Air France, une compagnie que l'on disait incapable de passer une alliance globale de cette dimension si elle restait dans le secteur public, a signé récemment, le 22 juin 1999, un accord avec la ou l'une des plus grandes compagnies du monde, Delta Air Lines. Il s'agit d'un accord exclusif afin de créer avec d'autres partenaires une alliance globale dans le transport aérien.
Vous me direz que ce n'est pas suffisant. Mais il s'agit tout de même d'un sérieux point d'appui pour ne pas en rester là.
Comme vous l'avez indiqué, messieurs les rapporteurs, messieurs les sénateurs, il faut aller au-delà. Dans un premier temps, les deux membres fondateurs ont été rejoints, le 13 septembre 1999, par la compagnie mexicaine Aeromexico. Il convient de poursuivre dans cette voie.
On pourrait citer d'autres cas, avec les Chinois, ou en Angola...
La forte croissance du trafic aérien de 4 % à 5 % en moyenne par an dans les vingt prochaines années est bénéfique, bien entendu, pour les compagnies aériennes, notamment pour la compagnie nationale Air France, mais elle est aussi génératrice de dysfonctionnements et de problèmes de nuisances qu'il nous appartient de surmonter.
Les retards aériens dont vous avez tous parlé, notamment MM. Lefebvre, Hoeffel et Weber, ont des origines multiples. Je tiens à donner quelques explications.
D'abord, il faut saluer la compétence et la qualité des contrôleurs du ciel de notre pays, qui font un travail extraordinaire. C'est M. Gerbaud, je crois, qui a parlé de l'accord passé avec les organisations syndicales des contrôleurs aériens en novembre 1997. Regardez la qualité du travail de ces personnels, leur sens du service public.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut plus discuter pour faire évoluer certains aspects, pour trouver des moyens plus efficaces de fonctionnement.
J'ai entendu, dans quelques interventions, une petite musique qui consiste à se demander si les problèmes rencontrés ne seraient pas dus à tels ou tels salariés du secteur public. Ne nous retournons pas contre ceux qui sont le meilleur atout pour faire avancer les choses et résoudre les problèmes qui se posent aujourd'hui.
Je n'en disconviens pas, il existe des problèmes.
La croissance du trafic aérien, qui a été de 8 % en France, dépassant largement ce qui était prévu, ainsi que les opérations militaires et humanitaires qui ont eu lieu dans les Balkans ont perturbé le trafic dans notre espace aérien. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez toujours la possibilité, quand des problèmes se posent, de voir avec les services directement concernés comment on a pu en arriver là.
Nous sommes confrontés à un problème réel : l'espace aérien civil s'est rétréci pendant toute cette période en raison de l'activité militaire et humanitaire. Avec la fin de ces interventions, nous en sommes grosso modo revenus à la situation antérieure, qui n'est pas pour autant satisfaisante dans la mesure où les retards restent très importants.
Il convient de poursuivre l'action engagée tout en gardant un haut niveau de sécurité. En effet, c'est un point important. On pourrait, de temps en temps, se demander s'il ne convient pas d'accélérer le rythme de décollages et d'atterrissages des avions. Je réponds non. Il faut conserver des règles strictes de sécurité, même si cela pose d'autres problèmes, comme ceux que vous avez soulignés.
Nous procédons à des recrutements complémentaires de contrôleurs aériens et réalisons des investissements importants.
Les discussions concernant l'utilisation de l'espace aérien entre les autorités militaires et civiles se poursuivent. Nous avons déjà avancé, mais je crois que nous allons encore progresser dans ce domaine pour obtenir une ouverture un peu plus grande de l'espace aérien civil.
Sur le plan européen, la France coopère activement avec ses voisins au sein d'Eurocontrol. Cette coopération est fondamentale pour obtenir les améliorations indispensables à l'échelle européenne.
La nouvelle convention Eurocontrol confère à cette organisation des pouvoirs d'initiative renforcés. Elle vise à régler un problème de coordination et des problèmes techniques. C'est à ce niveau européen qu'il faut travailler.
La dégradation observée en 1999 a engendré, à l'évidence, une insatisfaction des passagers.
A ce sujet, M. Hoeffel a évoqué le problème de l'information. Le retard est déjà un problème. Au moins devons-nous respecter les passagers et les usagers en leur donnant toute l'information. Cela me paraît tout à fait évident.
Un groupe de travail a été constitué, monsieur Hoeffel, au sein du comité des usagers du transport aérien, précisément pour étudier les mesures susceptibles d'améliorer la situation. La critique est facile, mais on a souvent du mal à aller au-delà.
Récemment, des travaux ont été engagés pour analyser les causes des retards de certaines liaisons. Je pense à la liaison Orly-Nice. Des actions de communication seront très prochainement lancées à l'intention des passagers de cette ligne.
Par ailleurs, des informations seront diffusées sur la question des retards par le biais de la lettre aux passagers aériens, diffusée actuellement à 400 000 exemplaires dans les aéroports français.
J'ai proposé, dès l'été dernier, à la signature de tous les acteurs concernés - compagnies aériennes, aéroports... - une charte sur le traitement des passagers en situation de crise.
Cette convention, qui a pour l'instant été signée par une vingtaine de compagnies aériennes, a pour objectif de permettre aux passagers et au public qui se trouvent dans les aéroports de disposer de toutes les informations utiles qu'ils peuvent souhaiter en cas de situation difficile, en particulier en cas de retard.
A ce propos, je ne vois pas, messieurs Le Grand et Collin, ce que pourrait apporter une séparation juridique des services de contrôle aérien, sinon de nouveaux problèmes, de nouvelles rigidités, qui viendraient s'ajouter aux difficultés présentes. Ce n'est pas parce que l'Angleterre l'envisage, à l'instar de ce qu'elle a fait pour les chemins de fer, qu'il faut suivre son exemple.
L'organisation actuelle permet de financer les investissements par emprunt, et donc de les programmer avec la souplesse nécessaire. Dans le domaine de la sécurité, les performances des services français sont au même niveau que celles de leurs voisins.
Je voudrais que vous compreniez que les retards dus aux encombrements de l'espace aérien ont les mêmes causes et appellent les mêmes solutions dans tous les pays européens, quel que soit le statut interne des services de contrôle aérien.
Cela étant, aucune preuve n'a été apportée à ce jour qu'une séparation entre le régulateur et le fournisseur de services de contrôle permette de mieux agir sur les retards et garantisse mieux la sécurité. Dans ce domaine relevant de l'organisation interne des Etats, le principe de subsidiarité doit être maintenu.
M. Hoeffel a posé des problèmes de fond mais aussi des problèmes concrets concernant le droit communautaire.
Je veux lui dire que le droit communautaire a posé le principe général du libre accès des transporteurs aériens aux liaisons intracommunautaires.
L'accès ou le retrait d'un transporteur de la liaison Paris-Strasbourg relèvent, depuis le mois de janvier 1993, de la seule décision que celui-ci prend en regard de son seul intérêt économique et financier. Je puis néanmoins, monsieur le sénateur, vous assurer de l'intérêt particulier que le Gouvernement, qui tient à ce que le Parlement européen demeure à Strasbourg, porte à la desserte aérienne de cette ville.
Je vous indique à ce propos qu'Air France utilise sur cette ligne des appareils d'une plus grande capacité. Au total, l'augmentation du nombre de sièges offerts par Air France sur la liaison entraîne un trafic supérieur à celui qu'Air Liberté assurait antérieurement.
L'extension de l'aéroport de Paris - Charles-de-Gaulle, avec deux nouvelles pistes, s'est accompagnée, vous l'avez dit, de la mise en place de mesures contre les nuisances sonores et de la création, par la loi, de l'ACNUSA, l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, dont M. Le Grand a parlé.
Je confirme que cette autorité sera opérationnelle, monsieur Le Grand, au début du mois de janvier 2000. Le projet de décret est en cours de transmission au Conseil d'Etat. Cette autorité fonctionnera dans les termes et aux dates prévus par la loi.
Monsieur Weber, je tiens à vous assurer que les commissions consultatives de l'environnement des neuf principaux aéroports que vous avez cités sont en place et qu'elles fonctionneront, comme je l'ai souhaité lors de la discussion de la loi portant création de l'ACNUSA.
J'avais entamé un large débat sur l'avenir de l'aéroport d'Orly et de sa zone d'activité afin de redonner à celui-ci une dynamique de croissance. A l'encontre de son déclin, j'ai proposé vingt mesures qui sont en cours de mise en oeuvre.
Ainsi, pour améliorer la synergie entre les deux aéroports, j'ai souhaité la création d'une gare de TGV à Rungis - La Fraternelle, permettant une liaison rapide et directe entre Orly et Roissy. Croyez-moi, cela changera la donne quand il ne faudra plus qu'une demi-heure pour aller d'Orly à Roissy, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, comme vous le savez !
J'ai pris des engagements auprès des riverains et des communes limitrophes de Roissy, car je sais les problèmes qui se posent et les inquiétudes suscitées par le développement du trafic aérien.
J'ai également proposé des mesures concernant les communes de la zone d'Orly, visant à répartir les ressources engendrées par l'aéroport, mesures complexes dont je puis vous dire qu'elles seront bientôt mises en oeuvre. Nous veillerons à ce que le dispositif soit opérationnel en 2000, comme je m'y étais engagé.
Vous avez évoqué, monsieur Weber, la question de la complémentarité entre transports aérien et ferroviaire pour une distance inférieure à 800 kilomètres. Au-delà des chiffres, l'idée me paraît tout à fait pertinente.
J'ai le plaisir de vous annoncer que les autorités américaines et françaises ont paraphé, le 21 octobre dernier, un amendement à l'accord aérien franco-américain. Ce n'est pas un accord de ciel ouvert, mais un accord bilatéral avec avantages réciproques.
Cet additif du 21 octobre dernier permet de proposer aux passagers des services intermodaux train/avion sous un numéro de vol unique entre les Etats-Unis et la France, ce qui va tout à fait dans le sens de ce que souhaitez.
Cette clause, la première du genre, permet de valoriser aux Etats-Unis notre réseau ferré à grande vitesse.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA. Il a fait couler beaucoup d'encre l'an dernier.
Le FIATA a été mis en place pour répondre aux décisions du Conseil d'Etat. Avec la nouvelle taxe d'aéroport, les gestionnaires d'aéroports disposent désormais de ressources juridiquement sûres pour financer les tâches de sûreté qui leur incombent.
Par ailleurs, à compter de 2000, nous parachevons le dispositif, comme je l'avais dit l'an passé, pour lui donner plus de transparence. Le FIATA reprendra les dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté précédemment inscrites dans le budget annexe de l'aviation civile et recevra une part plus grande de la taxe de l'aviation civile : 22 % contre 10 % en 1999, le reste de cette taxe allant au budget annexe.
Le projet de budget du FIATA s'établit ainsi à 361 millions de francs. Il dispose, je vous le rappelle, de financements sur certaines lignes de l'aménagement du territoire.
Je reviens quelques instants sur la question de M. Collin concernant les redevances de la navigation aérienne et l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai 1998.
Cet arrêt a annulé les arrêtés fixant, pour les années 1991 à 1996, les taux de la redevance pour services terminaux de la navigation aérienne au motif qu'avait été pris en compte, pour déterminer l'assiette de la redevance, le coût des services qui relevaient des missions d'intérêt général et ne pouvait être de ce fait financé au moyen de redevances ; il fallait donc que ce soit par le biais de la fiscalité. Ces missions sont la sécurité, l'incendie et le sauvetage.
Nous avons tiré les conséquences de cette décision pour l'avenir en créant, en 1999, une taxe d'aviation civile et une taxe d'aéroport et, pour le passé, une validation a été proposée et acceptée par le Parlement.
Comme vous l'avez rappelé, par une lettre du 28 mai 1999, le président de la section des études et du rapport du Conseil d'Etat a attiré mon attention sur les conséquences à tirer de la décision du Conseil d'Etat, estimant que la loi de validation ne s'applique pas aux contentieux ouverts entre 1996 et 1997 car elle serait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, notamment au principe du procès équitable.
Les demandes des redevables pourront être satisfaites dès lors qu'elles respectent les prescriptions relatives au droit de recours.
En outre, je répondrai à M. Le Grand que le nouveau système de financement mis en place au 1er juiller 1999 prévoit désormais un financement par des ressources fiscales issues du transport aérien. Les redevances aéroportuaires validées jusqu'à cette date par la loi du 2 décembre 1998 ont été réduites pour chaque aéroport de la fraction qui servait précédemment au financement des missions considérées. Un équilibre est en train de se réaliser. Le changement de système de financement a été mis en oeuvre de la façon la plus neutre possible, et c'est cela qui est important pour le transport aérien.
Globalement, le niveau des ressources du budget annexe de l'aviation civile est stabilisé, voire réduit pour certaines d'entre elles, afin de ne pas peser excessivement sur le coût du transport aérien et de ne pas pénaliser l'usager. Le niveau de la taxe de l'aviation civile, dont le produit sera, en 2000, de 1,4 milliard de francs est inchangé.
Le taux de la redevance de route sera diminué de près de 9 % et le taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne de 1,70 %.
Je voudrais préciser à M. Collin que l'accroissement de près de 30 % des crédits budgétaires de la navigation aérienne entre 1994 et 2000 est à rapprocher de la production des services.
Pendant cette période, les unités de service payantes ont progressé de plus de 42 % avec une augmentation prévisible en 1999 de 7,5 % pour les services de route et de 5,5 % pour les services terminaux.
Par ailleurs, de 1994 à 2000, le taux unitaire de la redevance de route a été ramené, en francs courants, de 439,35 francs à 358,18 francs, ce qui représente une baisse de plus de 18 %.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous constatez que l'aviation civile maîtrise ses coûts, qui progressent de 3,1 % globalement en 2000, tout en faisant face à une très vive croissance du trafic - de 7 % en France.
Pour autant, les moyens mis à la disposition de la navigation et du contrôle aérien sont revalorisés pour permettre d'assurer un haut niveau de sécurité.
Ainsi, les dépenses de personnel, qui s'élèvent à 4,36 milliards de francs, progressent de 3,9 %, ce qui permettra de créer 180 emplois pour faire face au développement de l'activité, aux besoins de formation et aux départs en retraite. En outre, je viens d'obtenir 30 recrutements supplémentaires au titre de l'année 1999.
Enfin, nous bouclons ce budget annexe de l'aviation civile par le maintien de la subvention du budget général - 215 millions de francs, en incluant le budget de l'ACNUSA - et un emprunt de 830 millions de francs, égal à celui de 1999. Nous nous plaçons ainsi dans une perspective de plafonnement de l'endettement du budget annexe à 5,7 milliards de francs à compter de 2003. Nous sommes, de ce point de vue, dans une situation maîtrisée.
Je pense que l'organisation actuelle est la bonne. Cette administration a su faire face avec efficacité, compétence et rapidité, et dans la sécurité, à une croissance très forte du trafic aérien. Il ne me semble pas possible, comme vous le proposez, monsieur Le Grand, de séparer, dans ce domaine, les fonctions d'opérateur de celles de régulateur, tant les deux activités sont liées.
Il faut, dans ce secteur où les exigences de sécurité sont très fortes, qu'il y ait un responsable unique de l'activité et une centralisation des compétences.
Pour finir, je dirai que l'augmentation très forte du trafic aérien, depuis plusieurs années, nécessite des efforts considérables de la part des Etats pour maintenir le niveau de sécurité.
La France a pris la mesure du problème. Les dispositions envisagées seront-elles suffisantes ? C'est l'un des points très importants pour l'avenir du transport aérien, sur lequel il convient de faire porter davantage la réflexion et notre capacité d'anticipation.
Monsieur Le Grand, vous m'avez interrogé - vous n'êtes pas le seul à avoir posé cette question - sur les projets du Gouvernement concernant le troisième aéroport parisien.
La croissance attendue du trafic à l'horizon 2020, notamment au niveau intra-européen, à partir des aéroports de province, conduit à examiner à titre de précaution les conditions dans lesquelles, le moment venu, il conviendra de développer les capacités d'accueil des aéroports. Mais cela ne concerne pas que Paris. Vous avez posé la même question, monsieur Gerbaud, à propos de Châteauroux.
Les schémas de services de transports doivent être l'occasion d'afficher les projets prioritaires pour lesquels des actions sont à entreprendre pour assurer les niveaux de services attendus. Je pense, notamment, à l'éventualité d'un troisième aéroport pour le grand bassin parisien, à la perspective de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour le Grand-Ouest, à la recherche d'un site pour un nouvel aéroport toulousain, à la démarche de précaution pour l'aéroport de Lyon-Satolas qui s'est traduite par l'approbation de l'avant-projet de plan de masse, etc.
M. Lefebvre souhaite, à juste titre, qu'une meilleure cohérence soit assurée entre les aéroports parisiens et ceux de province. Les schémas de services seront l'occasion de travailler à cette cohérence. Par ailleurs, je lui confirme que, comme pour Air France, le caractère public d'Aéroports de Paris ne sera pas remis en cause. Le nouveau président a reçu mission du Gouvernement de mener une réflexion stratégique dans le cadre des priorités que nous devons fixer. Ces priorités portent, notamment, sur l'amélioration de la qualité de service, le respect de l'environnement, le développement du dialogue et le renforcement maîtrisé des activités à l'international.
J'aborderai enfin, bien que personne ne l'ait évoqué, le budget pour 2000 de Météo-France.
Hors dotation aux investissements, ce budget s'élève à 1,647 milliard de francs, ce qui représente une hausse de 0,80 % par rapport à 1999.
C'est donc un budget en légère progression, qui va notamment permettre un maintien des effectifs. S'y ajoutent les mesures prises pour préparer l'avenir : je pense au financement de la contribution française au programme EUMETSAT, l'organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques, pour les satellites météorologiques européens - 220 millions de francs - et à un effort d'équipement, en particulier l'achat d'un avion de recherche atmosphérique.
Globalement, le budget de la météorologie progressera de 6,02 %, et je m'en félicite, compte tenu du rôle croissant de Météo-France.
J'en arrive à ma conclusion.
Monsieur Lefebvre, vous doutiez d'une péréquation équitable des retombées du développement des plates-formes aéroportuaires. Des engagements ont été pris, je l'ai dit, et ils seront respectés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un problème, qui pourtant a fait parler cet été, n'a pas été évoqué par vous, faute de temps : je veux parler de l'accueil des handicapés.
Je m'étais engagé à ce qu'un code de bonne conduite soit élaboré. J'ai missionné à cet effet un ingénieur général de l'aviation civile, qui vient de me rendre son rapport. Une négociation ultime est en cours avec les associations de handicapés et les compagnies aériennes. Je serai en mesure, dès le début de l'année prochaine, de rendre publiques les modalités concrètes de ce code de bonne conduite.
Encore une fois, je me félicite, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité de vos itnerventions sur ce budget très important pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le transport aérien et la météorologie, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 201 471 218 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous ne comprendriez pas, monsieur le ministre, que je vous laisse venir au Sénat sans attirer à nouveau votre attention sur la région Est de mon département, située à proximité de l'aéroport Charles-de-Gaulle.
Je souhaite tout d'abord intervenir sur les conséquences de dispositions présentées et adoptées dans la première partie du projet de finances pour 2000, notamment au niveau de l'aménagement du territoire francilien et du transport aérien, les deux étant évidemment liés. En effet, la suppression du FARIF peut être lourde de conséquences.
Depuis 1995, il a été organisé un transfert à la région d'Ile-de-France des ressources du FARIF, par convention, entre l'Etat et la région, qui déterminait le montant et la destination des crédits.
Depuis 1999, les fonds transférés sont gérés en faveur du financement de projets décidés par le conseil régional. De 600 millions de francs pour une croissance de 120 millions de francs jusqu'en 2004, il atteindra un plafond de 1,2 milliard de francs.
L'élargissement de l'assiette de la taxe sur les bureaux et les locaux commerciaux a permis, par un surcroît des recettes, de maintenir les moyens d'intervention de l'Etat.
Dès lors, pourquoi supprimer le FARIF ? N'est-ce pas une volonté d'un retour au budget général comme principal support d'intervention de l'Etat en Ile-de-France ? Je ne crois pas qu'il serait bon de revenir à un aménagement décidé d'en haut, du type de celui du préfet Delouvrier. D'ailleurs, cette décision ne serait-elle pas incompatible avec la stratégie de l'Etat pour 2006 proposée notamment par M. le préfet de région ?
Actuellement, en Plaine-Saint-Denis et en Plaine-de-France, est-il exact qu'il existe un projet d'établissement public d'aménagement regroupant une dizaine de communes de Seine-Saint-Denis et les principales communes du sud du Val-d'Oise ? Les trente communes du Val-d'Oise concernées n'en seraient pas informées.
Cet établissement public d'aménagement ignorant toute la région autour de l'aéroport et englobant une partie de la Seine-Saint-Denis et une très légère partie du Val-d'Oise - des communes très importantes comme Goussainville, Fosses, Marly-la-Ville, Louvres et Luzarches, en seraient exclues - ne repose sur aucune réalité ni économique, ni historique, ni sociale, ni culturelle. Il s'agirait là, si ce projet d'EPA était imposé, d'une initiative d'Etat sacrifiant une fois de plus le Val-d'Oise, qui, pour l'instant, n'a recueilli aucune retombée de l'activité de l'aéroport Charles-de-Gaulle, mises à part les nuisances aériennes et la mise en cause de son propre développement élaboré pourtant par trente-deux communes sous la forme d'un schéma directeur local au sein du syndicat intercommunal de l'Est du Val-d'Oise, le SIEVO.
Je sais votre attachement au respect des décisions locales, monsieur le ministre. Aussi, je pense que vous pourriez nous confirmer qu'en aucun cas l'Etat n'envisage de décider de façon autoritaire d'un aménagement sacrifiant une fois de plus le Val-d'Oise et ne reposant que sur des intérêts qui, pour l'instant, paraissent étrangers à une région fortement défavorisée, dévalorisée et que, pourtant, M. le préfet de région envisage de requalifier.
Ma deuxième question porte sur l'application du nouveau régime de la taxe d'aviation civile.
Cette taxe est assise sur le nombre de passagers, la masse de fret et de courrier embarqués. En sont exclus les passagers, fret et courrier en transit. Cette taxe représente six francs par tonne de fret.
Est-il pensable que la société Fedex, qui voit son trafic fret international transiter à 50 % à l'aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy, ne paie que 50 % du montant de la taxe ? Non seulement cette société créée des nuisances de plus en plus fortes pour 250 000 riverains, mais, en outre, elle ne paierait plus, en fait, que la moitié de la taxe. Or cette taxe est utilisée en partie pour assurer la sécurité de l'aéroport. Nous demandons que ces géants du fret ne bénéficient pas de privilèges et qu'ils paient la taxe à taux plein.
Pourquoi faire transiter par Roissy le fret destiné à l'Afrique ou à l'Asie et bénéficier ainsi du privilège d'exonération de la taxe d'aviation civile ?
Vous nous aviez indiqué, au mois de juillet dernier, monsieur le ministre, que la décision sur le troisième aéroport dans le bassin parisien serait prise pour la fin de l'année. Depuis quelques semaines - et vous l'avez redit ce soir - vous dites que cette décision serait arrêtée en même temps que l'élaboration des schémas collectifs des services de transports.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, C'est ce que j'ai dit !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !
Je pense que nous allons profiter de ce nouveau délai pour engager une large consultation, car nous ne voyons pas ce que nous saurions de plus dans six mois que ce que nous savons aujourd'hui.
La décision est très attendue dans le Val-d'Oise, peut-être même en Seine-Saint-Denis et en Seine-et-Marne, car, en général, les vols augmentent.
Par arrêté du 18 octobre dernier et pour la saison aéronautique de l'hiver 1999, vous avez même fixé le nombre de vols quotidiens à 1 624, dont 228 de nuit, soit 14 %. C'est le vol nocturne qui croît le plus en valeur absolue et en valeur relative. Le pourcentage était encore de 10 % il y a quelques années. Il s'élève actuellement, en moyenne, à 25 vols par heure de nuit. En fait, il a doublé en quelques années.
L'annonce d'un projet de troisième aéroport est attendu avec de plus en plus d'impatience par les Valdoisiens. Le mécontentement grandit - je sais que vous y êtes très sensible, monsieur le ministre, - et les manifestations risquent de reprendre.
Ma troisième question concerne l'autoroute.
Puis-je vous rappeler que, dans le cadre de la décision d'extension de l'aéroport Charles-de-Gaulle, vous vous étiez prononcé en faveur de l'arrêt de l'autoroute A 16 sur la Francilienne ? Nous approuvons pleinement cette décision, monsieur le ministre, et nous vous en remercions vivement. Cependant, le moment n'est-il pas venu de supprimer les emprises foncières qui existent depuis vingt ans et deviennent des obstacles à l'urbanisation et à la réalisation de nombreux projets aussi bien en Seine-Saint-Denis que dans le Val-d'Oise ? Monsieur le ministre, il faut clarifier définitivement et logiquement la situation. Les terrains d'emprise doivent être maintenant libérés dans le Val-d'Oise et en Seine-Saint-Denis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 566 390 791 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 8 623 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 4 153 330 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 15 059 753 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 626 678 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 70 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés au transport aérien.

Article 70 quater



M. le président.
« Art. 70 quater . - Le Gouvernement déposera, avant le 30 juin 2000, un rapport au Parlement concernant l'institution d'un fonds de péréquation des recettes fiscales engendrées par la plate-forme aéroportuaire d'Orly, visant notamment à accorder des compensations financières aux communes voisines de l'aéroport pour compenser les nuisances sonores et les contraintes d'urbanisme subies par celles-ci. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 70 quater .

(L'article 70 quater est adopté.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 42 et 43.

Services votés

M. le président. « Crédits : 7 781 174 150 francs. »
M. Auguste Cazalet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Comme l'a indiqué M. le rapporteur spécial, la commission des finances a décidé de rejeter les crédits du budget annexe de l'aviation civile pour 2000, ce qui nous conduit à voter les crédits des services votés ouverts à l'article 42, mais à rejeter les crédits des mesures nouvelles ouverts à l'article 43.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 42 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « I. - Autorisations de programme : 1 479 420 000 francs ;
« II. - Crédits : 936 558 205 francs. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits ouverts à l'article 43, au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le transport aérien, la météorologie et le budget annexe de l'aviation civile.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents a prévu au plus juste les temps consacrés à chaque budget. Compte tenu du retard que nous sommes en train de prendre et de l'importance du budget qu'il nous reste examiner ce soir, nous ne pourrons pas reprendre nos travaux, tout à l'heure, à dix-heures, comme prévu.
Je souhaite néanmoins que la prochaine séance s'ouvre au plus tard à onze heures, car deux projets de budget importants doivent être examinés et il n'y aura pas, demain, de vol de nuit ! (Sourires.)
Si les passagers du présent vol ne seront pas là demain, l'équipage, lui, sera présent !
Je lance donc un appel à concision.

IV. - MER

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : IV. - Mer.
La parole est à M. Lise, rapporteur spécial. M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour la marine marchande. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la marine marchande correspond au fascicule « Mer » du budget de l'équipement, des transports et du logement, abstraction faite des crédits consacrés aux ports maritimes.
Ainsi définis, les crédits inscrits à ce budget pour 2000 s'élèvent à 5,6 milliards de francs, en légère diminution - 0,41 % - par rapport au budget voté de 1999.
Comme chaque année, le budget est représenté, à près de 80 %, par la subvention de l'Etat au régime social des marins, géré par l'établissement national des invalides de la marine, l'ENIM, pour un total de 4,4 milliards de francs. Cette subvention permet d'équilibrer un régime structurellement déséquilibré par la diminution du nombre des cotisants, mais aussi par les allégements de cotisations.
Deux éléments sont à noter en particulier.
D'une part, et pour la première fois, la part relative de la subvention de l'Etat à l'ENIM diminue, passant de 82 % à 79 % du budget de la marine marchande.
D'autre part, la transformation de l'ENIM en établissement public administratif a été abandonnée, ce que je regrette, le statut actuel étant à l'évidence peu satisfaisant.
Ce budget est caractérisé par deux priorités.
En premier lieu, le budget revalorise substantiellement les moyens affectés à la sécurité en mer.
La dotation de l'agrégat « Signalisation et surveillance maritime » est en effet augmentée de près de 14 % et les moyens en crédits de personnels sont renforcés.
Cet effort supplémentaire permet tout d'abord d'accroître les moyens de fonctionnement des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS.
Il profite également à la signalisation maritime, dont le matériel doit être restauré ou remplacé dans le cadre d'un plan de modernisation prévu sur huit ans et que le budget permet de lancer. Par ailleurs, les moyens des unités littorales des affaires maritimes, les ULAM, sont reconduits. Cette politique de sécurité doit être poursuivie. En effet, les efforts budgétaires réalisés ces dernières années dans ce domaine portent leurs fruits, puisque l'on a constaté en 1998 à la fois une diminution du nombre de personnes décédées ou disparues en mer et une augmentation du nombre d'opérations et du nombre de personnes assistées.
En revanche, il y a lieu de s'étonner de la diminution substantielle des moyens accordés par l'Etat à la société nationale de sauvetage en mer, la SNSM. La subvention de l'Etat, qui couvre 40 % des dépenses d'équipement de la SNSM, a été en effet ramenée de 9,7 millions de francs à 8,7 millions de francs.
Vous nous avez rassuré, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des finances, en nous indiquant que le million de francs manquant serait rétabli.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est fait !
M. Claude Lise, rapporteur spécial. Nous sommes heureux de cette confirmation.
Rappelons que la SNSM est une association loi 1901, qui réalise depuis plusieurs années un effort important pour renouveler sa flotte. Le ministère de l'équipement a d'ailleurs approuvé le plan de construction qui prévoit le renouvellement de cette flotte.
La seconde priorité de ce budget concerne l'enseignement maritime.
Voilà deux ans, notre ancien collègue René Régnault, alors rapporteur de ce budget, avait mené un travail très approfondi sur les écoles d'enseignement maritime.
Ce rapport mettait notamment en évidence la nécessité du passage sous statut public du personnel de l'association pour la gérance des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA. Le dernier comité interministériel de la mer du 1er avril 1998 s'était également prononcé en ce sens.
Le budget pour 2000 prévoit - enfin ! - ce changement de statut. A cet effet, 315 postes budgétaires d'enseignants sont créés. Grâce à cette mesure, les agents de l'AGEMA actuellement sous contrat à durée indéterminée se verront proposer un statut de droit public. Je note cependant qu'ils seront intégrés dans des corps de l'éducation nationale, de l'agriculture et de l'équipement. Je me demande si cette dispersion ne va pas compliquer la gestion de ces personnels.
Par ailleurs, je note que les formations dans les écoles maritimes et aquacoles sont rénovées, les effectifs augmentés et les équipements pédagogiques modernisés. C'est donc un véritable service public de l'enseignement maritime qui se met en place, et je m'en félicite.
J'en viens maintenant à un sujet majeur, qui touche à l'essence même de la politique maritime de notre pays, je veux parler de notre dispositif de soutien à la marine marchande.
D'abord, un constat s'impose. La flotte de commerce française est au vingt-huitième rang mondial, avec 217 navires sous pavillon français au 1er juillet 1999. Rappelons qu'il y a une dizaine d'années elle était au dix-neuvième rang. Pour la deuxième puissance maritime du monde par la surface des mers sous sa juridiction, il y a là quelque chose de réellement préoccupant.
Cela s'explique essentiellement par une insuffisante compétitivité du pavillon français, auquel les différents plans d'aide au secteur ont tenté de remédier.
Jusqu'en 1997, le plan « marine marchande » comportait trois volets : l'aide à l'investissement, l'aide à la consolidation et à la modernisation et le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle.
En juillet 1997, la Commission européenne a demandé que soit abandonnée la notion de subvention d'investissement assise sur la valeur du navire. Il a donc été décidé que le soutien à la flotte de commerce prendrait la forme de diminutions ou d'annulations de charges fiscales et sociales applicables aux marins des compagnies maritimes.
Le projet de budget pour 2000 reconduit le nouveau dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail versées par les entreprises qui emploient des personnels navigants sur des navires de commerce battant pavillon français. Sont éligibles au remboursement, vous le savez, les entreprises directement confrontées à la concurrence internationale.
Par ailleurs, le soutien à la marine marchande comprend désormais le système des GIE fiscaux, introduits par la loi du 2 juillet 1998, qui procure un avantage fiscal que l'on considère comme équivalent environ au deux tiers de l'avantage fiscal qu'apportait le dispositif des quirats.
Enfin, le dispositif antérieur de remboursement de la taxe professionnelle est reconduit.
Au sujet du nouveau régime de soutien, je voudrais faire quelques remarques.
La première concerne le dispositif des GIE fiscaux, qui, manifestement, doit encore faire ses preuves. Depuis sa mise en oeuvre en effet, quinze dossiers - pour vingt-deux navires de transport - ont fait l'objet d'une demande d'agrément auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et six dossiers sont acceptés, représentant six navires.
Cela à comparer à l'impact du dispositif des quirats, qui, il faut le noter, a permis d'agréer vingt-trois navires de transport sur une période à peu près équivalente.
En outre, je me dois d'attirer votre attention sur ce fait, monsieur le ministre, le dispositif de remboursement des charges sociales ENIM ne semble pas fonctionner correctement. Au 1er octobre 1999, en effet, seuls 10 % de la dotation budgétaire consacrée au remboursement des charges ENIM au titre de 1998 ont pu être effectivement alloués aux armateurs, qui s'en plaignent évidemment.
Par ailleurs, le remboursement des charges sociales ENIM des entreprises employant plus de 250 navigants, qui représente 70 % de la dotation, doit faire l'objet de l'instruction préalable d'une commission interministérielle, laquelle ne s'est toujours pas prononcée, plus d'un an et demi après l'adoption du dispositif le 1er avril 1998 !
C'est la raison pour laquelle je serais, pour ma part, favorable à la conversion du dispositif de remboursement en une mesure de dégrèvement, ce qui, normalement, ne devrait pas générer de coût budgétaire supplémentaire pour l'Etat.
Je remarque, à ce titre, que l'ensemble des pays ayant une vocation maritime ont un régime de soutien élaboré, et souvent plus complet que le nôtre.
De proche en proche, les régimes fiscaux de nos voisins européens évoluent vers le triptyque suivant : exonération de charges sociales, défiscalisation des salaires des personnels navigants et taxation forfaitaire au tonnage, les modalités les plus accomplies se trouvant aux Pays-Bas, au Danemark et en Italie.
Notre flotte de commerce est en déclin depuis une vingtaine d'années et la comparaison de la situation française avec celle de nos partenaires européens montre qu'un surcoût important du pavillon français subsiste. Dans ces conditions, peut-on raisonnablement rester à l'écart de la politique engagée par la plupart de nos voisins européens ?
Enfin, je voudrais évoquer la récente suppression des ventes hors taxes, intervenue le 1er janvier 1999.
Deux entreprises d'armement maritime, Seafrance et Brittany Ferries, vont être particulièrement touchées, le commerce hors taxes représentant respectivement 40 % et 20 % de leur chiffre d'affaires.
En outre, la région de Calais risque d'être particulièrement atteinte, puisqu'on évalue la perte d'emplois consécutive à environ 3 700. J'espère donc que les mesures d'accompagnement qui sont prévues seront à la hauteur des problèmes humains qui, à l'évidence, ne vont pas manquer de se poser.
Telles sont donc les principales observations que m'inspire ce projet de budget.
Certaines d'entre elles peuvent conduire, on l'a vu, à se demander, si, compte tenu des enjeux existants, une place plus grande ne devrait pas être faite au volet « marine marchande » de la politique des transports, s'il n'est pas en particulier nécessaire d'améliorer le dispositif de soutien à la flotte de commerce.
D'autres observations soulignent au contraire les aspects positifs de ce projet de budget.
Celui-ci répond bien à l'objectif majeur qui lui est assigné, à savoir équilibrer le régime social des marins.
Il permet par ailleurs de poursuivre l'indispensable effort en faveur de la sécurité en mer et de mettre en oeuvre la nécessaire réforme de l'enseignement maritime.
A titre personnel, je me prononce donc en faveur de son adoption. Telle est la position que j'ai défendue en commission. Cependant, comme vous le savez, la commission des finances a proposé de rejeter le budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement dans sa totalité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les ports maritimes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des ports maritimes correspond à l'essentiel de l'agrégat 05 « Ports maritimes et littoral » du fascicule IV. - Mer » du budget de l'équipement, des transports et du logement.
Ainsi définis, les crédits inscrits au budget des ports maritimes pour 2000 s'élèvent à 670,23 millions de francs, en hausse de 11 % par rapport au budget voté de 1999.
Les crédits destinés à l'entretien et à l'exploitation sont reconduits. Les crédits d'investissement sont globalement maintenus, la hausse étant essentiellement due à la subvention accordée au projet Port 2000 d'extension du port du Havre.
Les travaux d'extension des infrastructures du port du Havre pour l'accueil et le développement des trafics de conteneurs dans le cadre de l'opération « Port 2000 » vont en effet mobiliser 220 millions de francs en autorisations de programme et 66 millions de francs en crédits de paiement.
Le contexte dans lequel s'inscrit ce budget est plutôt favorable.
L'activité des ports maritimes métropolitains a été bonne en 1998 ; le trafic a progressé de 3,9 % par rapport à 1997. Le trafic des ports autonomes a progressé de 6,4 %, mais celui des ports d'intérêt national a baissé de 3,9 %. A titre de comparaison, la croissance des grands ports européens n'a été que de 3,4 %.
Cependant, la progression du trafic des ports français doit être relativisée. Elle résulte davantage de l'augmentation générale du commerce extérieur et ne permet pas d'enrayer le déclin tendanciel de l'utilisation de la voie maritime au profit du transport terrestre même si, ces trois dernières années, une certaine stabilisation peut être constatée.
En outre, les ports français ne gagnent pas de parts de marché en Europe. Chaque année, une vingtaine de millions de tonnes de marchandises en provenance ou à destination de la France sont même « captées » par d'autres ports européens.
Enfin, le décalage s'accroît entre les ports qui peuvent répondre aux exigences du commerce mondial et ceux qui ne peuvent accueillir un nombre suffisant de conteneurs, comme Le Havre et Marseille.
Il reste donc beaucoup à faire pour améliorer la compétitivité de nos ports maritimes.
Ces derniers en ont bien conscience, comme en témoignent leurs efforts pour améliorer leur situation financière, efforts qui se sont poursuivis en 1998. En effet, la marge brute d'autofinancement continue de progresser et, globalement, l'endettement diminue de manière sensible grâce aux efforts d'une politique volontariste de désendettement, notamment à Dunkerque, Le Havre, Rouen et Marseille.
Par ailleurs, il convient de souligner la poursuite de l'effort pour améliorer la desserte terrestre des ports maritimes.
En effet, l'un des facteurs essentiels de la compétitivité de la chaîne de transports réside dans une bonne articulation des transports terrestres, fluviaux et maritimes.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 a pris acte de l'importance de cet enjeu et a défini une nouvelle approche multimodale des transports, reposant sur la mise en place de schémas de services de transports.
Ces derniers permettront de mieux prendre en compte les aménagements nécessaires à l'amélioration de la desserte terrestre et ferroviaire des ports maritimes. Je souhaite pour ma part qu'ils soient élaborés le plus rapidement possible.
Je note que les besoins d'amélioration de la desserte du port du Havre sont pris en compte dans le projet « Port 2000 ». Il est indispensable que tous nos ports bénéficient d'une bonne desserte et, à cet égard, les besoins demeurent importants, comme l'a montré le rapport du groupe de travail constitué par le Conseil national des transports et présidé par M. Chabrerie.
A ce stade, il convient d'exposer un peu plus en détail l'opération « Port 2000 », qui constitue la mesure phare du projet de budget pour 2000 relatif aux ports maritimes.
Le projet « Port 2000 » a pour ambition de développer l'escale du Havre sur les lignes transocéaniques empruntées par les porte-conteneurs géants de la nouvelle génération, afin de maintenir et de renforcer la position de ce port dans le club très restreint des grands ports européens pour les marchandises conteneurisées.
Le port du Havre représente en effet plus de 50 % du trafic de porte-conteneurs français, et la croissance de ce trafic est de l'ordre de 15 % par an. Depuis 1992, letrafic du port du Havre a augmenté de 47 %, et cette progression s'explique surtout par l'accroissement du trafic de conteneurs.
L'actuel port d'accueil des porte-conteneurs est saturé. Une extension du port, avec de nouveaux quais dédiés au trafic conteneurs, est donc indispensable. Elle permettra les économies d'échelle nécessaires pour accroître la compétitivité du port du Havre face à ses concurrents nord-européens et améliorera la productivité des terminaux et, globalement, la qualité de service.
La réalisation des travaux d'infrastructure lourde s'étalera, avec un calendrier très serré, sur la période 2000-début 2003.
Je me réjouis de la mise en oeuvre d'un projet dont chacun mesure l'importance, non seulement pour la compétitivité de notre pays, mais également pour les créations d'emplois qu'il induira, dans une région particulièrement confrontée aux difficultés économiques. Pour atteindre complètement son objet, cet important effort financier de l'Etat et des collectivités locales devra être conforté par la détermination de tous les acteurs de la communauté portuaire à affronter une concurrence internationale de plus en plus rude.
Je souhaiterais maintenant faire quelques observations au sujet de l'important rapport de la Cour des comptes sur la politique portuaire française.
L'an dernier, j'observais que les moyens budgétaires ne sauraient constituer à eux seuls une politique portuaire. Je constate que ce point de vue est partagé par la Cour des comptes, qui déplore l'absence de politique portuaire nationale et qui suggère de définir une politique cohérente et globale de l'Etat à l'égard des ports maritimes tenant mieux compte de la nouvelle donne européenne.
Cette année, le lancement de l'opération « Port 2000 » constitue un bon exemple de ce qu'il faudrait faire. En effet, c'est la première fois qu'une opération d'envergure concernant un port intègre la globalité de son environnement économique.
Par ailleurs, la Cour des comptes estime que l'actuelle classification des ports maritimes en ports d'intérêt national et ports autonomes ne correspond plus aux réalités économiques.
Elle démontre, notamment, l'absence d'adéquation entre l'importance des ports et le classement découlant de leur statut, ce qui la conduit à mettre en cause l'existence de deux statuts différents pour les ports qui relèvent de la compétence de l'Etat.
Dans votre réponse à la Cour des comptes, vous n'exprimez pas, monsieur le ministre, le souhait d'engager dans l'immédiat une réforme du statut des ports maritimes.
Pourtant, il me semble qu'il y a lieu d'étudier sérieusement le problème soulevé par la Cour des comptes. En effet, comment justifier, par exemple, le classement de Calais, qui réalise un trafic de 35 millions de tonnes, en port d'intérêt national, alors que le port de la Guadeloupe, avec seulement 3 millions de tonnes de trafic, est classé en port autonome ?
La Cour soulève également le problème des conséquences qu'entraînent les différences de statut juridique entre les ports européens. La plupart des ports nord-européens sont gérés par une régie municipale - tel est notamment le cas de Rotterdam - qui constitue une forme de gestion particulièrement opaque. Dès lors, il est difficile d'identifier les aides publiques en matière portuaire.
En revanche, l'organisation des ports français se caractérise par sa transparence, les ports autonomes et d'intérêt national étant tenus de publier leurs comptes. Il en résulte d'importants risques de concurrence déloyale, qui justifieraient, selon la Cour, un examen approfondi de la part des institutions de l'Union européenne, au même titre que les distorsions économiques les plus manifestes.
A ce propos, il est utile de rappeler que la Commission européenne a publié à la fin de 1997 un Livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes.
Ce Livre vert a fait l'objet d'un débat approfondi parmi les Etats membres. La France a fait connaître sa position par un mémorandum. A la suite de cette vaste consultation européenne, une conférence s'est tenue à Barcelone en mai 1998 sur les perspectives pour les ports européens, en présence du commissaire Neil Kinnock. Celui-ci a souligné la nécessité d'une concurrence saine et loyale et d'une transparence des comptes et des financements publics.
Il est notamment question de réaliser un cadre communautaire en matière de tarification et de financement et, à cette fin, la Commission doit dresser un inventaire des aides et des financements.
Le gouvernement français a déjà insisté sur la nécessité de prendre en compte, dans cet inventaire, les dispositifs sociaux et fiscaux en vigueur, au-delà du strict cadre de l'établissement portuaire.
En ce qui concerne le cadre lui-même, la France s'est montrée réservée, estimant que l'intervention de la Communauté devait être limitée par le principe de subsidiarité.
L'inventaire a été lancé en décembre 1998. Le champ de cette enquête comporte les mesures fiscales et sociales de niveau national, régional ou local. Il est vraisemblable que l'exploitation de ce travail sera réalisée au cours de l'an 2000.
Par ailleurs, la demande d'exonération de taxe professionnelle des équipements spécifiques des entreprises de manutention portuaire a fait l'objet d'une prodécure de publication au Journal officiel des Communautés européennes. Je fais confiance au Gouvernement pour continuer l'action qu'il a engagée afin de faire aboutir cet important dossier.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à saluer votre volonté d'engager les ports français dans le système européen de réseaux de transport qui devrait permettre d'accroître l'efficacité des ports et leur intégration dans les réseaux européens.
Telles sont les principales obsevations que je voulais formuler en présentant ce rapport.
Pour être perfectible, ce budget n'en comporte pas moins des avancées significatives. Ainsi, je n'aurai garde d'oublier le milliard de francs consacré aux investissements portuaires dans les futurs contrats de plan Etat-région, soit plus du double que dans le XIe Plan.
Les remarques de la Cour des comptes montrent qu'il reste beaucoup à faire, mais je ne doute pas, monsieur le ministre, de la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts engagés dans l'amélioration de la compétitivité de nos ports maritimes.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur l'analyse financière qui vient d'être faite. Je me contenterai de rappeler que, avec 1,8 milliard de francs - soit un centième du budget de la culture - dont seulement 7 % en capital, consacrés à l'investissement, la mer n'a vraiment qu'un budget minuscule.
Or, la France est tout de même la quatrième puissance exportatrice du monde. La moitié du commerce extérieur de la France en volume passe par nos ports maritimes. Et, depuis dix ans, le transport maritime dans le monde croît de 5 % en volume par an. Or, en 1970, la France comptait environ 100 000 marins contre 40 000 aujourd'hui, avec plus de 100 000 pensionnés.
La marine marchande et la flotte de commerce représentent un chiffre d'affaires de 25,6 milliards de francs pour à peine 8 700 navigants. Nous avons pourtant 5 500 kilomètres de côtes en métropole et plus de 1 500 kilomètres outre-mer. Ne pourrions-nous pas mieux faire en matière d'emplois ? C'est en tout cas ce que nous souhaitons tous.
En trente ans, nous sommes passés du cinquième rang mondial au vingt-huitième, bien que nous ayons quelques entreprises très performantes, telles que CMA - CGM, Delmas, Louis Dreyfus, ce qui prouve notre savoir-faire. Encore faudrait-il le développer.
La réalité, c'est que nous vivons dans une situation de concurrence internationale totalement ouverte, qui rend bien difficile l'application des 35 heures dans ce secteur, sauf à dégrader encore la compétitivité du pavillon national.
Je rejoins tout à fait l'analyse de notre collègue Claude Lise, qui estime que plusieurs mesures sont envisagebles pour améliorer la situation économique.
S'agissant de la réforme du pavillon, il faudrait étudier l'établissement d'un registre unique. Je crois, monsieur le ministre, que vous vous êtes déclaré ouvert au dialogue sur ce sujet, et je m'en félicite.
On pourrait également envisager le dégrèvement des charges sociales de l'ENIM en direct, qui se substituerait au système actuel, la taxation forfaitaire au tonnage et l'étude de la défiscalisation des salaires des navigants, qui, pour n'être qu'une piste, n'en est pas moins intéressante.
Nous avons besoin d'une réforme fiscale et sociale pour harmoniser notre réglementation avec celle des autres pays européens, qui ont pris leur essor en adoptant d'ores et déjà ce type de mesures. Pourquoi pas nous ? C'est la question que je pose.
En ce qui concerne les ports maritimes, on cite toujours Le Havre, auquel j'apporte mon soutien. J'aimerais toutefois qu'il n'éclipse pas un projet intéressant qui, je l'espère, aboutira : le projet fastship à Cherbourg. Il nécessitera des investissements importants en infrastructures.
En matière de ports, l'objectif commun devrait être de « trouver la meilleure réponse aux attentes des clients ». Cela signifie diagnostiquer les besoins, les hiérarchiser et organiser l'aide de l'Etat en conséquence, ce que nous ne faisons pas. Le rapport de la Cour des comptes est extrêmement sévère sur ce point.
Les priorités majeures me semblent concerner le développement de la connexion des ports vers toute l'Europe, la promotion - ou tout au moins l'étude - de l'intermodalité et du cabotage, en plein développement au niveau européen et qui commence en France.
Notre façade atlantique est très marginalisée faute d'axes est-ouest. A cet égard, la baisse des crédits alloués aux routes est très inquiétante et on connaît les délais de réalisation pour le développement du fer.
A propos de la sécurité en mer, je rappelle que, malgré un effort certain, il manque au moins vingt inspecteurs supplémentaires pour assurer les contrôles obligatoires, dont nous avons pourtant encouragé le développement avec l'Organisation maritime internationale.
Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note que le million de francs manquant à la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, allait lui être rendu.
Je rappelle que les très utiles centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, sont frappés par la professionalisation des armées et manqueront donc de personnels.
Mais il existe aussi des sujets de satisfaction. Pour ma part, j'en vois deux.
D'abord, le littoral, territoire fragile, où vit 10 % de la population. Les crédits ont doublé, mais ils partaient d'un niveau très bas. Par ailleurs, la pression des besoins est extrêmement forte, car il faut simultanément assurer la valorisation économique du territoire et la protection de son environnement.
Ensuite - sujet qui me tient particulièrement à coeur -, l'enseignement maritime. Un remarquable effort est en cours grâce à l'action très dynamique et prospective de la direction des affaires maritimes et des gens de mer. Elle consiste à spécialiser nos quatre écoles nationales, coordonner l'enseignement de nos écoles de formation, rendre nos diplômes conformes aux conventions internationales, ce qui faciliterait le recrutement de nos marins sur des bateaux étrangers et pourrait donc constituer une source d'emplois nouveaux non négligeable.
Je vous ai également entretenu, monsieur le ministre, du comité interministériel à la mer, qu'il faudrait rendre permanent, comme le comité pour l'aménagement du territoire, pour en faire à la fois une instance de coordination et de concertation entre les douze ministres concernés par la mer - excusez du peu ! - et une instance de prospective sur une politique de la mer inexistante aujourd'hui, il faut bien le dire.
En conclusion, je constate que, depuis des années, nous avons négligé la politique de la mer. Or, je crois réellement que la mer est une mine à exploiter. Nos voisins européens, souvent moins bien lotis par la nature que nous, l'ont bien compris. Nous avons laissé s'amenuiser le budget jusqu'à le laisser devenir exsangue, ce qui permet à Bercy d'inviter à supprimer cette ligne, devenue si petite qu'elle perdu tout intérêt. Un tel raisonnement est fâcheux. La boucle cercle est bouclée !
Aussi, monsieur le ministre, bien que je rende hommage à certains efforts que traduit ce budget minuscule, je ne pourrai malheureusement, je le répète, du fait de sa faiblesse même, donner un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette dicussion sont les suivants :
Groupe du rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellents rapports de nos rapporteurs, que puis-je ajouter ? J'essaierai donc d'être aussi bref que possible.
Monsieur le ministre, et pour revenir sur le débat que nous avons eu tout à l'heure, vous avez dit que j'étais contre la SNCF et contre les cheminots. Pas du tout ! J'aime la SNCF et j'aime les cheminots !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Tant mieux !
M. Jacques Oudin. Simplement, je crois qu'ils coûtent cher au regard du service rendu ! 233 milliards de francs d'endettement, 62 milliards de francs de contribution publique annuelle, des parts de marché en diminution pour le fret,... le bilan ne me paraît pas excellent.
Je me réjouis de votre votre volonté de doubler le fret en dix ans, d'investir massivement dans le transport combiné. Je me demande seulement si vous aurez les moyens financiers d'atteindre ces objectifs parfaitement louables.
Pourquoi une politique de fret ? Bien entendu, d'abord, pour freiner la croissance du trafic sur les réseaux routiers et autoroutiers, ensuite, pour faciliter les liaisons transeuropéennes, enfin, pour desservir notre littoral et nos ports parce que, comme vient de le dire Anne Heinis, notre façade atlantique est excentrée par rapport au coeur de l'Europe.
J'ai l'honneur de présider deux grandes associations qui essaient de promouvoir des axes autoroutiers : la rocade des estuaires, qui doit desservir tout notre littoral, et une autoroute entre Nantes et Mulhouse, qui irait « de l'Atlantique au coeur de l'Europe en passant par le coeur de la France », pour reprendre notre slogan.
Mais la desserte des ports suppose une politique d'ensemble englobant les routes, le chemin de fer, les fleuves. Pour l'instant, tout cela, nos rapporteurs l'ont dit, est largement insuffisant. Or, tant que nous n'aurons pas la capacité, qu'ont nos voisins, de desservir nos ports, monsieur le ministre, ces derniers resteront dans un état qui est loin d'être excellent.
Vous le savez, la vitesse moyenne d'un train de marchandises qui dessert un port est de dix-sept kilomètres à l'heure, contre soixante-dix kilomètres à l'heure pour un camion. Vous pensez bien que, dans ces conditions, nous avons encore du travail sur la planche !
« Notre politique portuaire est inadaptée ». Ce n'est pas nous qui le disons par parti pris, c'est la Cour des comptes, dont on peut penser qu'elle a eu un jugement assez objectif, dans un rapport qu'elle vient de remettre le 16 septembre dernier et que Marc Massion a parfaitement analysé.
Ce rapport, monsieur le ministre, est accablant pour l'ensemble des gestionnaires de la politique maritime. Il est accablant parce qu'il fait apparaître que nos ports ont un retard tout à fait considérable sur les ports européens.
De 1991 à 1997, la croissance du trafic global des ports autonomes métropolitains n'a été que de 0,24 %, contre 6,3 % pour Rotterdam, 10,4 % pour Anvers et 28 % pour Tarragone, pour citer quelques exemples.
Sur la même période, le trafic de marchandises diverses de l'ensemble des ports autonomes métropolitains a augmenté en moyenne de 3,7 %, contre 31 % pour Rotterdam. Quant à la croissance du trafic conteneurisé, elle a été de 28 % chez nous, contre 45 % à Rotterdam, 79 % à Anvers et - excusez du peu ! - 227 % à Gênes.
Il existe un décalage croissant entre les ports français, on l'a dit. La nomenclature est obsolète. En fait, nous n'avons plus de politique portuaire en France depuis longtemps.
La loi du 4 février 1995 avait prévu un schéma de développement des ports maritimes ; on l'a annulé le 25 juin dernier, en le remplaçant par des schémas de services dont nous ne connaissons toujours pas le contenu. La consultation est en cours, nous le savons. Mais nous perdons des mois et des mois à réfléchir et à reculer la décision en la matière. Je le sais, Marc Massion l'a dit : Le Havre « Port 2000 », est déjà une bonne orientation ; mais on n'en est encore qu'au niveau de l'orientation !
Ayant des ports insuffisamment compétitifs, avons-nous au moins une flotte qui soit compétitive ? Les chiffres, là encore, sont tristes à aligner. Ils sont également quelque peu accablants.
Nous étions la cinquième puissance navale ; nous sommes la vingt-huitième. Nous n'avons plus que 218 navires sous pavillon national et 150 navires contrôlés sous pavillon tiers.
Faisons des comparaisons avec nos voisins. Les Pays-Bas sont passés de 387 navires à 525 en quelques années, la Norvège de 1393 à 1622 ; l'Allemagne a une flotte de 1 400 navires parfaitement modernes et compétitifs.
La comparaison de la situation des flottes marchandes en Europe conduit à constater une prise de retard croissante du pavillon français en ce qui concerne ses règles d'armement et les dispositifs fiscaux et de charges sociales qui s'y attachent.
A la suite des lignes directrices adoptées par la Commission européenne en 1997, la plupart des pays européens, nos concurrents - les Pays-Bas, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Norvège - ont adopté des politiques comparables visant à assouplir sensiblement les règles d'armement de leurs navires et à alléger l'ensemble des charges sociales et fiscales. Nous, nous sommes quelque peu en retard puisque, je l'ai dit, nous sommes encore en train de réfléchir !
Ces mesures ont permis à la flotte néerlandaise de croître de 37 % en trois ans, à la flotte norvégienne de croître de 16 %, en créant 14 % d'emplois supplémentaires. Des politiques similaires sont en cours de définition dans les autres pays.
Dans ce monde en mouvement rapide, le dossier du pavillon national, dont viennent de parler Anne Heinis et les autres rapporteurs, ne peut donc être considéré comme clos après les décisions du comité interministériel de la mer d'avril 1998. Il faut le garder ouvert et poursuivre l'adaptation de notre flotte pour l'amélioration de sa compétitivité, qui risque d'être mise à mal par l'application de la loi sur les 35 heures, très inadaptée aux contraintes d'organisation des bords.
Monsieur le ministre, vous avez demandé à MM. Gressier et Serradji, deux directeurs de votre administration centrale en charge de la mer, dont nous connaissons les compétences et la hauteur de vue, de vous remettre un rapport sur le pavillon en juillet dernier. Leurs conclusions ont été déposées, mais nous, parlementaires, en ignorons encore le contenu.
Vous avez, depuis lors, demandé à deux inspecteurs généraux de vous remettre un rapport complémentaire pour la fin de l'année. Enchaîner les rapports administratifs ne fait pas une politique !
Mes questions sont donc les suivantes : avez-vous vraiment l'intention d'engager une réforme de notre pavillon national s'inspirant étroitement de l'évolution constatée en Europe, qui est incontournable, et avez-vous l'intention de demander au Premier ministre la réunion d'un comité interministériel de la mer au tout début 2000, lui seul pouvant afficher la politique maritime de la France ?
Vous le savez, j'ai eu une expérience un peu amère. J'ai été l'un de ceux qui ont réfléchi et poussé à l'adoption par le Parlement, le 5 juillet 1996, après de longs mois de concertation, de la loi instituant le régime d'encouragement fiscal à l'investissement maritime, la fameuse loi sur les quirats.
Cette loi, dont les premiers résultats avaient été prometteurs, avait permis d'engager le renouvellement et la modernisation de notre flotte de commerce sous pavillon national, conformément à cette grande ambition maritime qu'avait affirmée, en 1994 et 1995, le Président de la République.
Le yoyo fiscal a ensuite joué à plein. Après quinze mois à peine d'application, le Gouvernement a décidé de supprimer, sans aucune concertation, ce dispositif, en lui substituant, par la loi du 2 juillet 1998, contre laquelle j'ai voté, un mécanisme de groupement d'intérêt économique fiscal beaucoup moins incitatif.
Un an d'expérience fait apparaître que ce dispositif est particulièrement lourd pour les armateurs et les services concernés, qui sont contraints de procéder à des échanges d'information très lents et bureaucratiques sur la stratégie de l'entreprise, l'évolution de sa flotte et ses actions dans le domaine de la formation et de l'emploi.
On me permettra de citer, à cet égard, le rapport écrit de mon excellent collègue Claude Lise, rapporteur spécial : « Plus généralement, on ne peut pas considérer que le dispositif triennal de soutien à la marine marchande résout durablement la question de la compétitivité du pavillon français. » C'est bien dit, et c'est tout de même très sévère !
Monsieur le ministre, en définitive, au vu de l'évolution de nos ports, de notre flotte, de la place de la France dans un monde maritime qui se développe fortement, comme l'a dit Mme Heinis, permettez-nous d'être un peu tristes en pensant que la France, grande puissance commerciale, ancienne puissance navale, n'est plus grand-chose dans l'Europe d'aujourd'hui et dans le monde maritime actuel.
Président du groupe sénatorial d'études de la mer, j'ai réuni mon groupe d'études le 19 octobre dernier. Nous avons adopté une résolution demandant instamment au Premier ministre, et à vous-même, monsieur le ministre, la réunion du comité interministériel de la mer.
Nous avons fait une énumération de tous les points qui nous paraissaient importants. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez, avec l'aide de vos services, regarder l'ensemble de ces points et, éventuellement, nous dire si vous pensez qu'ils pourront trouver une solution dans une concertation prochaine.
Je crois savoir que la décision de principe de convoquer le comité interministériel de la mer a été prise. Mais la date de convocation est repoussée pour l'instant, semble-t-il, de mois en mois.
Finalement, faute d'objectifs déterminés, faute de ressources suffisantes, faute de volonté politique claire, nous n'avons plus une ambition maritime à la hauteur de nos besoins, de nos possibilités, j'allais même dire, monsieur le ministre - veuillez m'en excuser une fois encore - de notre histoire. (Mme le rapporteur pour avis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s'accorde à reconnaître que la France est une puissance maritime qui s'ignore. Notre pays dispose d'innombrables atouts qu'il a trop longtemps négligés, considérant, à tort, que le transport maritime des personnes et des marchandises était voué au déclin.
Pourtant, l'étendue de notre façade maritime, qui ouvre nos territoires sur les pays de la côte méditerranéenne, les pays nordiques et l'Amérique, procure une dimension internationale quasi naturelle aux ports français.
Du reste, le récent rapport de la Cour des comptes sur la politique portuaire française le confirme, les ports français n'ont cessé de perdre des parts de marché sur leurs principaux concurrents européens au cours des années quatre-vingt-dix.
La politique d'abandon pratiquée par les gouvernements précédents, dont nous continuons de subir l'héritage, faisait partie, en réalité, d'une stratégie globale de déréglementation du commerce maritime au niveau européen qui a eu pour conséquence la mise en concurrence d'infrastructures portuaires de dimension inégale, d'où l'émergence de grands ports très compétitifs sur le plan international, tels Rotterdam ou Anvers, et la marginalisation de ports d'envergure locale ou régionale.
Ainsi, ce qui représentait jadis un atout pour la France, à savoir ses trente ports maritimes, apparaît aujourd'hui à certains comme une faiblesse, car la diversité des infrastructures, le statut différent qui est le leur - port autonome ou d'intérêt national - contribuerait à la « dispersion des moyens de l'Etat » que dénonce la Cour des comptes.
Il est vrai qu'entre le port de Concarneau, qui traite un trafic de 50 000 tonnes, et celui de Marseille, avec 94 millions de tonnes, il est difficile de mettre en oeuvre une politique portuaire à la fois équilibrée et cohérente.
Pour autant, il convient de ne pas négliger les établissements de dimension limitée, car ils contribuent pour une grande part au maintien d'un tissu économique local qui s'est construit, au fil des décennies, à partir de l'activité maritime.
A l'inverse, une politique maritime digne de ce nom se doit, d'une part, de favoriser la coordination entre les ports nationaux et, d'autre part, de faciliter la complémentarité entre les différents modes de transport - routier, autoroutier, ferroviaire, fluvial et maritime.
Si la desserte maritime n'est peut-être pas celle qui sera amenée à se développer le plus en termes de productivité dans les prochaines années, il n'empêche qu'elle constitue un maillon déterminant de la chaîne du transport. C'est pourquoi il est indispensable, par une politique volontariste de développement des infrastructures terrestres, de renforcer l'intégration des ports maritimes dans leur hinterland.
Cela nécessite à la fois que l'on facilite les connexions entre les infrastructures portuaires et terrestres, et plus particulièrement avec le réseau ferroviaire, mieux à même d'assurer l'acheminement des conteneurs sur de très longues distances, et que l'on développe des plates-formes multimodales qui permettent d'accroître les capacités de stockage des ports et d'accélérer le transfert des conteneurs vers l'intérieur des territoires.
A cette fin, une approche globale à même d'appréhender la place de la politique portuaire dans une démarche intermodale est essentielle. A cet égard, les ports devront prendre toute leur place dans l'élaboration des schémas de services collectifs de transports, définis dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Le projet « Port 2000 » constitue à bien des égards une chance en faveur de la relance de notre politique portuaire. En ce qui concerne le port du Havre, qui bénéficie de la majeure partie des crédits engagés dans ce projet, 220 millions de francs en autorisations de programme sont prévus dans ce projet de loi de finances. Demeure toutefois une inconnue : le niveau de participation de l'Union européenne à ce financement, d'autant plus justifié que les investissements qui seront mis en oeuvre ont pour objectif de faire du Havre un port de dimension communautaire.
Des précisions de votre part seront les bienvenues, monsieur le ministre, pour connaître le calendrier des investissements proposés et la répartition des efforts entre l'Etat, les collectivités locales et l'Europe.
Je veux également saluer le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel qui, bien que mis en Normandie par « le Couesnon, dans sa folie » (Sourires), ne manquera pas de continuer à apporter à l'économie touristique bretonne tout son rayonnement si conséquent.
Ce projet de budget, comme les deux précédents, marque une rupture avec le désengagement progressif de l'Etat qui a prévalu par le passé.
Tout en affichant deux autres priorités, que sont la sécurité et l'enseignement maritime, ce projet de budget consacre des efforts, qu'il convient de saluer, en direction des titres V et VI regroupant les dépenses de l'Etat en capital.
Ces dépenses participent non seulement au développement de la desserte terrestre des ports maritimes et au projet de « Port 2000 », auquel je viens de faire allusion, mais également au soutien à la flotte de commerce et à l'emploi.
Aussi, ce projet de budget est tourné délibérément vers l'avenir, dans la mesure où il fait le pari du développement des ports maritimes français dans les années à venir, sans négliger pour autant ni la sécurité en mer - les moyens de paiement en ce domaine augmentent de 14 % - ni la protection du littoral pour laquelle les crédits seront doublés.
A cet égard, je me félicite, monsieur le ministre, que les moyens accordés à la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, soient rétablis à hauteur de 9,7 millions de francs, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.
Enfin, malgré les perspectives de croissance plutôt favorables, la récente décision de l'Union européenne de supprimer les ventes hors taxes a, comme nous le redoutions, d'ores et déjà produit ses effets négatifs pour certaines sociétés maritimes et risque de compromettre très rapidement les chances de développement, encore fragiles, du pavillon français et de l'activité portuaire.
Aussi, nous ne pouvons que souhaiter que les mesures de compensation annoncées soient à la hauteur des pertes prévisibles.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera ce projet de budget, qui s'inscrit dans une logique de rupture avec la période de déclin des précédents gouvernements. Ce vote est aussi un encouragement à renforcer encore cette démarche engagée en 1997.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. C'est pour moi un plaisir que de pouvoir aujourd'hui m'exprimer sur un budget de la mer en nette hausse, quand nous sommes, hélas ! plutôt habitués à voir ce titre quelque peu négligé, comparativement aux autres postes du département ministériel dont vous assurez la responsabilité.
Dans l'ensemble, la situation de la marine française est plutôt bonne, comme en témoigne l'augmentation des activités des ports français. Cette bonne tenue ne saurait cependant masquer de nombreuses disparités, pas plus qu'elle ne saurait nous dispenser d'un certain nombre d'investissements pour l'avenir, si nous voulons reconquérir des positions portuaires fortes et redevenir des acteurs de premier plan dans la compétition mondiale.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, répond en partie à ces exigences. Si l'on en excepte la subvention à l'ENIM, l'Etablissement national des invalides de la marine, qui reste bien évidemment le poste principal de ce budget, il présente une hausse de plus de 15 %. Il témoigne, en outre, d'un effort important pour l'emploi, avec une hausse sensible des dépenses en personnel.
Au total, ces augmentations font apparaître trois priorités : la sécurité, la formation et le développement des ports et du littoral.
J'évoquerai tout d'abord la sécurité. L'agrégat « signalisation et surveillance maritime » présente à lui seul une hausse de près de 14 %. Ces crédits nouveaux vont permettre de répondre à une double demande, en matériels et en personnels. Un plan de modernisation sur huit ans de la signalisation maritime va ainsi pouvoir être lancé. De même, dans le cadre du plan pluriannuel lancé en 1998, de nouveaux postes d'inspecteurs de la sécurité des navires seront créés. Enfin, notamment pour pallier la suppression du service militaire, les CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, verront leurs moyens en personnels renforcés.
Au milieu de cette attention portée à la sécurité, je ne peux que regretter, monsieur le ministre, la diminution des subventions d'équipements accordées à la Société nationale de sauvetage en mer, alors même que cette dernière a engagé un effort important de renouvellement de sa flotte.
Pour ce qui est de la formation, votre projet de budget témoigne également d'un effort important, ce dont je me réjouis tout particulièrement. Cela prouve que le Gouvernement se préoccupe de la pénurie de main-d'oeuvre qui, paradoxalement, guette la marine française...
Les subventions de fonctionnement allouées aux écoles nationales de la marine marchande, les ENMM, sont en hausse de 10 %. Les formations qu'elles dispensent seront rénovées, et leurs équipements pédagogiques modernisés.
S'agissant de l'association de gérance des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA, la création de 315 postes budgétaires destinés à intégrer ses personnels dans ce qui s'annonce comme un véritable service public de l'enseignement maritime me semble également relever d'une salutaire vision de long terme.
Ce service public de l'enseignement maritime, qu'a souhaité M. le Premier ministre lors du comité interministériel du 1er avril 1998, se fera par la coopération de votre ministère avec les ministères de l'agriculture et de l'éducation nationale. Je ne doute pas que, au-delà des divergences actuelles, ce grand chantier aboutira très prochainement. Je souhaite qu'il permette également de pallier le manque d'officiers qui menace aujourd'hui la marine française.
J'en viens maintenant au sujet qui, comme vous vous en doutez, tient particulièrement à coeur l'élu dieppois que je suis : les ports. Nous le savons tous, monsieur le ministre, les ports ont une importance capitale, qui se manifeste à plusieurs niveaux.
Les ports ont tout d'abord une importance pour l'emploi, puisqu'on peut estimer à 300 000 les emplois directs ou indirects qui, en France, dépendent de l'activité portuaire. Pour la seule région dont je suis l'élu, le port du Havre assure près de 30 % de l'activité de son bassin d'emploi, et celui de Rouen 10 %.
Capitale, l'importance des ports l'est également pour notre commerce extérieur, puisque 50 % de celui-ci, en tonnage, transite par les ports, ce qui équivaut à 20 % en valeur.
Enfin - et ce n'est pas la moindre des missions de la politique portuaire - les ports assument également un volet essentiel de l'aménagement du territoire, dans les régions littorales comme dans leur hinterland.
Cet aménagement du territoire, s'il impose de diversifier les liaisons entre les terres et le littoral, comme l'ont souligné mes prédécesseurs à cette tribune, commande également de privilégier la diversité et la complémentarité de nos ports. Le projet « Port 2000 » du Havre, qu'a longuement évoqué M. Marc Massion, est indéniablement une grande réussite que le développement accru du trafic conteneurs devrait encore amplifier dans les prochaines années. Il ne doit pourtant pas nous dispenser de veiller au développement des ports voisins, notamment de celui de Dieppe, dont la vocation, certes différente, est très complémentaire de celle du Havre. Par ses traditions fruitières, mais aussi par la diversité de ses activités, le port de Dieppe remplit, en effet, des missions multiples : port de commerce, certes, mais aussi port de pêche, de plaisance ou de trafic de voyageurs. C'est la diversité et la complémentarité de ces fonctions qu'il nous faut aujourd'hui développer.
Dans le même esprit, les ports départementaux de Fécamp et du Tréport méritent également, à mon sens, d'être appuyés. Le premier a connu une hausse de 15 % de son trafic en 1998, et le second, avec près de 400 000 tonnes, joue de plus en plus un rôle de débouché pour la Picardie.
Il ne faudrait pas que ces ports d'intérêt national soient traités comme les laissés-pour-compte de la politique portuaire.
J'en viens ainsi à un problème dont me semble dépendre une grande part des inquiétudes que je viens de soulever : celui du statut de nos ports, avec ce qu'il induit de difficultés de gestion. Ainsi, la distinction entre ports autonomes et ports d'intérêt national correspond-elle toujours à l'activité des ports qu'elle désigne ? Pour parvenir à mieux répartir les attributions de ports voisins et souvent concurrents, dans un souci d'aménagement équilibré du territoire, ne conviendrait-il pas de mieux définir la zone d'importance de chacun ? Je pense, pour ma part, qu'un souci de développement des territoires devrait nous mener à une redéfinition en profondeur de ces catégories qui, en plus d'être opérantes, induisent de graves inégalités.
Plus globalement, il me semble que la gestion des ports français, à l'exception sans doute des sept ports autonomes, n'apporte pas aujourd'hui toutes les garanties nécessaires de transparence et d'efficacité. Je ne vais pas revenir sur un certain rapport de la Cour des comptes, parfaitement analysé par M. Marc Massion, pour me faire comprendre : il s'agit là d'un vaste chantier, qui dépasse de loin les compétences de ce budget, mais qu'il nous faudra bien entreprendre si nous voulons développer durablement la compétitivité de nos ports.
Dans l'attente d'une telle réforme, nous voterons votre bon projet de budget, monsieur le ministre, heureux d'y trouver, en matière de formation, d'emploi et de sécurité notamment, les gages d'une évolution salutaire. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la polique de la mer a été trop longtemps négligée, ont dit à juste titre Mme Heinis et M. Oudin. Pourtant, la mer constitue un atout qu'il s'agit au contraire de développer.
Les crédits alloués au budget de la mer s'élèvent à 6 321 millions de francs.
En dehors de la subvention à l'Etablissement national des invalides de la marine, les dotations prévues pour 2000 s'élèvent à 1 832 millions de francs, en progression de près de 16 % par rapport aux crédits votés l'an dernier. C'est un effort tout à fait significatif en faveur de la politique de la mer qu'a choisi de faire le Gouvernement.
J'ai évoqué précédemment avec vous la priorité que j'ai fixée en faveur de la sécurité dans les transports, notamment terrestres.
Dans les transports maritimes, priorité est également donnée à la sécurité.
Les tristes événements récents nous rappellent que la mer est source de danger. M. Lise a souligné, dans son rapport écrit, la croissance du nombre de personnes secourues en mer. Il convient de souligner également que le nombre des décès et des disparus en mer est en baisse significative, fort heureusement, même si des drames se produisent toujours.
Afin de poursuivre ces efforts et cette politique et de répondre à ce besoin croissant de sécurité, le projet de budget pour 2000 prévoit une augmentation de 14 % des crédits de paiement, qui passent ainsi à 137 millions de francs.
Cette augmentation profitera notamment aux centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, dont les crédits de fonctionnement augmentent de 5,5 %. Les CROSS pourront ainsi assurer leurs nouvelles obligations de service en matière de veille de la fréquence radio au large, de diffusion des avis urgents aux navigateurs et d'aide médicale en mer.
Cette croissance des crédits permettra également de poursuivre la professionnalisation de ces centres, de pourvoir au remplacement des appelés par des engagés, dans le sens d'une plus grande sécurité pour les plaisanciers et les professionnels de la mer.
Parallèlement, ce projet de budget prévoit une croissance des crédits accordés en matière de signalisation maritime aussi bien en fonctionnement - plus 7 % - qu'en investissement : plus 15,5 % en autorisations de programme et plus 67 % en crédits de paiement. Ces crédits permettront de poursuivre vigoureusement le plan de modernisation des phares et des balises engagé en 1998 et prévu sur une durée de huit années.
Ce plan conduira, en 2000, à fournir des bouées nouvelle génération nécessaires pour assurer une utilisation rationnelle des nouveaux baliseurs du Havre, de Dunkerque et de Brest. Il permettra de financer la construction de deux bateaux de travaux - Dunkerque et Ouistreham - terminant l'équipement naval de la zone Manche-Mer du Nord, et de lancer le volet de modernisation des établissements de signalisation maritime.
En outre, la généralisation des unités littorales des affaires maritimes se poursuivra en 2000. Cette profonde modernisation des modes de fonctionnement des services chargés, notamment, des contrôles de sécurité sera accompagnée par la livraison de quatre vedettes côtières. C'est pourquoi les crédits d'investissement augmentent de 48 % en autorisations de programmes et de 33 % en crédits de paiement.
Vous avez souligné dans votre rapport écrit, madame Heinis, que les moyens humains pour le contrôle de la sécurité étaient insuffisants.
Le projet de budget pour 2000 prévoit, dans un contexte de stagnation des effectifs du ministère, une augmentation des effectifs des affaires maritimes pour le contrôle et la surveillance de onze emplois et la création de quatre officiers de ports et officiers adjoints supplémentaires.
Enfin, connaissant l'importance de la Société nationale de sauvetage en mer dans le dispositif de sécurité en mer, et pour répondre à vos interrogations, j'ai souhaité par amendement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 à l'Assemblée nationale que la subvention d'équipement affectée à la SNSM soit maintenue - et non dans le projet de loi de finances rectificative, monsieur Le Cam - à 9,7 millions de francs, c'est-à-dire au même niveau que les trois années précédentes.
Ce budget contribue donc de façon importante à un renforcement des moyens de l'Etat pour lui permettre d'assumer sa mission de sécurité en mer.
Au-delà, ce budget de la mer permet d'envisager une politique d'investissement portuaire un peu plus ambitieuse que par le passé. La Cour des comptes a constaté, et vos rapporteurs avec elle, que les gouvernements précédents avaient négligé les formidables atouts de la France en matière maritime et portuaire. J'ai souhaité, au contraire, dans mes budgets successifs, et notamment dans celui-ci, commencer - il faudra faire plus - à redonner à la France les moyens de ses ambitions maritimes.
Seule l'amélioration de la compétitivité de nos ports nous permettra d'attirer durablement les flux de marchandises, donc l'emploi, vers la France. Il s'agit d'y contribuer fortement, d'une part, en réalisant les extensions portuaires justifiées par les évolutions du trafic et, d'autre part, en améliorant la desserte terrestre des ports.
Cette démarche a déjà été entamée au cours des deux dernières années, et je souhaite souligner que si le constat que vous dressez, monsieur Massion, d'une dégradation des parts de marché des ports français était vrai jusqu'en 1997, depuis lors, de nombreux ports connaissent un réel regain d'activité, reprenant même, dans certains cas, comme au Havre, des parts de marché à la concurrence.
C'est toujours dans cette perspective que, dans le futur contrat de plan, les investissements en faveur des ports seront triplés.
Dans le budget 2000, les crédits d'investissement pour les ports ont été doublés, pour atteindre près de 360 millions de francs. Sur ce total, 220 millions de francs seront consacrés l'année prochaine au seul projet « Port 2000 » au Havre. Sur ce projet, pour répondre à votre question, monsieur Le Cam, le financement public atteindra 1 150 millions de francs pour la première tranche des travaux, qui commencera dès 2000. L'Etat participera directement à hauteur de 600 millions de francs, les collectivités locales y participeront également et la Commission européenne a été sollicitée.
Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur Weber, d'autres investissements de capacité ou de modernisation sont nécessaires, au-delà de « Port 2000 », investissements de dimension, certes plus modeste, mais tout autant utiles pour accompagner les évolutions des trafics. Ils seront engagés dans les ports dès l'an 2000, notamment par le biais des contrats de plan Etat-régions. Ce sont, par exemple, la modernisation du terminal agroalimentaire de Montoir à Nantes - Saint-Nazaire, des requalifications et aménagements de quais à Marseille-Fos et à Dunkerque.
En outre, l'année 2000 verra l'achèvement des travaux d'infrastructure du terminal à conteneurs de la Pointe-des-Grives, à la Martinique. Je pourrais citer encore les projets pour le port de Dieppe.
Vous avez souligné à juste titre, madame Heinis et monsieur Massion, l'importance que revêt pour les ports l'amélioration de la desserte terrestre. Cette nécessité a été pleinement intégrée dans les projets que j'ai initiés. Ainsi, au port du Havre, la question des accès routiers, ferroviaires et fluviaux a fait l'objet d'une analyse détaillée, et des investissements importants sont programmés pour relier « Port 2000 » aux réseaux existants.
Je voudrais prendre également pour exemple le port de Rouen, exportateur de céréales, qui verra sa liaison avec les plaines céréalières du Centre renforcée par la poursuite de l'aménagement de la RN 154 dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-région.
De même - et Mme Heinis m'interpelle souvent sur ce sujet - dans le cadre du projet de liaison maritime rapide pour le fret entre Philadelphie et Cherbourg, qui a fait l'objet d'un accord entre la chambre de commerce et d'industrie et la société Fastship le 30 septembre dernier, l'Etat et les collectivités locales se sont engagés à moderniser la desserte ferroviaire et routière si le projet aboutit.
S'agissant, enfin, de l'exploitation du travail que la Commission a menée en réponse aux remarques du Gouvernement français sur le Livre vert de 1997, dont vous soulignez à juste titre l'importance, monsieur Massion, nous y serons très attentif, notamment lors de la présidence française, pour défendre l'intérêt des ports français en Europe.
Par ailleurs, le budget 2000 poursuit la politique de soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime.
Cette flotte a connu, vous l'avez souligné, une forte décroissance à partir des années soixante-dix, pour se stabiliser dans les années récentes à un peu plus de 210 navires. Dans le cadre des mesures arrêtées au comité interministériel de la mer d'avril 1998, le Gouvernement a entamé un effort pour redresser la situation de notre flotte de commerce, dans le respect de la réglementation européenne.
Les projets d'acquisition de navires peuvent faire l'objet des mesures prévues pour les groupements d'intérêt économique. Cette mesure a remplacé le mécanisme des quirats.
Je sais, monsieur Oudin, que vous le regrettez, mais le Gouvernement s'est expliqué sur la suppression de cette mesure. Non seulement elle était coûteuse, mais elle pouvait apparaître dans certains cas comme n'étant pas tout à fait conforme à ce qu'il était nécessaire de faire.
Je m'étais engagé devant vous, quand ces problèmes se sont posés, à proposer un autre dispositif. Le Gouvernement a tenu son engagement en mettant en place le mécanisme du groupement d'intérêt économique fiscal, qui prévoit qu'au moins les deux tiers de l'avantage fiscal sont rétrocédés à l'armateur.
Il a d'ores et déjà permis de soutenir, depuis 1998, l'investissement, monsieur Lise, non pas dans six navires mais dans onze navires de transport, pour un montant de l'ordre de 3 milliards de francs. Une vingtaine de dossiers sont à l'étude, qui concernant non pas quinze bateaux mais une trentaine de bateaux.
Le projet de budget pour 2000 reconduit également le mécanisme d'aide à la flotte de commerce sous pavillon français et à l'emploi des marins qui a été mis en place en 1999.
Ce dispositif concerne les entreprises qui sont directement confrontées à la concurrence internationale et qui s'engagent en termes de maintien de leur flotte sous pavillon français et de maintien de l'emploi. Celles-ci se voient rembourser les contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail des marins. La dépense pour 2000 est estimée à 133 millions de francs.
Vous estimez, monsieur Lise, que ce système est lourd à gérer. Il permet toutefois de vérifier l'efficacité des aides de l'Etat, en s'assurant que les engagements des entreprises, en termes d'emploi notamment, ont été respectés. C'est important.
Monsieur Lise, je vous annonce que tous les armements de moins de deux cent cinquante marins ont été remboursés à ce titre, contrairement à ce qui a pu se dire et dont peut-être vous vous êtes fait l'écho dans votre intervention. La commission s'est réunie pour examiner le cas d'armateurs plus importants et a pris plusieurs décisions à ce titre.
Mme Heinis et M. Lise ont évoqué la réforme du pavillon. Ma volonté est d'engager au plus tôt cette réforme, en concertation avec toutes les entreprises et les partenaires sociaux concernés. C'est pourquoi j'ai dépêché une mission conduite par MM. Dubois et Hamon en vue de me proposer au plus tôt, et après concertation avec les partenaires, des évolutions de notre pavillon, dans le but d'accroître l'emploi des navires français et la compétitivité de la flotte française.
Vous m'avez suggéré des pistes de réflexion. Je suis ouvert à toutes les propositions, sauf à celle qui consisterait à aligner les normes sociales des marins français vers le bas.
Enfin, je voudrais confirmer que nous suivons avec attention les conséquences de la fin du commerce hors taxes, les duty free , sur les armements français. Nous en avions déjà discuté avec M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 3 juin dernier et nous avions confirmé notre engagement ; d'ailleurs, à cette occasion, un plan avait été élaboré pour assurer et consolider l'avenir de Sea-France. La mise en place se déroule comme prévu ; mais il faut avoir une vision de l'ensemble des problèmes qui se posent.
La protection du littoral concerne 5 500 kilomètres de côte, c'est dire son importance. Pour 2000, nous avons pratiquement quasiment doublé les crédits destinés à la protection et à la mise en valeur du littoral ; cela traduit la volonté - même si beaucoup reste à faire en ce domaine - des pouvoirs publics de développer une véritable politique du littoral.
Je n'évoquerai qu'un seul dossier, qui fait suite aux décisions du CIADT du 23 juillet dernier : le budget 2000 intègre les crédits nécessaires à l'engagement des travaux de désensablement du Mont-Saint-Michel. Je dois vous dire d'ailleurs que je suis très satisfait que mon budget soit le premier contributeur à la réalisation des travaux de désensablement du Mont-Saint-Michel.
Enfin, l'année 2000 marque une étape majeure dans la consolidation de la réforme du système de la formation maritime.
Comme je l'avais souhaité pour l'enseignement secondaire maritime, le personnel de l'association de gérance des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA passera sous statut public en 2000. A ce titre, 315 postes budgétaires sont créés dans le projet de loi de finances.
Ces dispositions, ainsi que la création de quatre postes d'enseignant au profit de l'enseignement supérieur maritime dans les écoles nationales de la marine marchande, permettront de consolider la réforme du système de formation maritime.
Elles permettront notamment la poursuite de la rénovation des cursus de formation, en conformité avec les nouvelles normes internationales.
Par ailleurs, la rénovation des bâtiments des écoles nationales de la marine marchande sera entreprise, en collaboration avec les collectivités locales, dans le cadre des contrats de plan. Les crédits sont augmentés, à cette fin, de 7,4 % en autorisations de programme et de 10 % en crédits de paiement.
Cet effort important pour mon ministère traduit la volonté du Gouvernement de disposer d'un enseignement professionnel bien adapté aux évolutions des métiers de la mer.
En conclusion, puisque la question a été évoquée, notamment par Mme Heinis et M. Oudin, qui ont regretté l'insuffisance de réunions du comité interministériel de la mer, je voudrais dire qu'il s'est réuni en avril 1998. Je considère qu'il faut le temps de préparer ce type de réunions, qui doivent pouvoir prendre des décisions. A mon avis, deux ans entre deux réunions est un bon intervalle ; en d'autres termes, puisque, le comité a été réuni en avril 1998, vous pouvez en déduire que la date de sa future réunion n'est pas très éloignée ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits affectés au tourisme, à l'urbanisme, au logement, aux transports terrestres et au transport aérien, et à la météorologie.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 201 471 218 francs. »

M. Auguste Cazalet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. La nomenclature retenue par le Gouvernement pour les crédits de l'équipement, des transports et du logement impose au Sénat de se pronconcer sur l'ensemble de ces crédits et non fascicule par fascicule.
La commission des finances a donc été contrainte de donner un seul avis sur l'ensemble des crédits de l'équipement, des transports et du logement. Elle l'a fait en reprenant les critères de jugement qu'elle s'est imposée pour l'examen de tous les budgets.
Premier critère : le ministère fait-il des efforts de gestion ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. Auguste Cazalet. Deuxième critère : les dépenses de fonctionnement courant sont-elles maîtrisées ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. Auguste Cazalet. Troisième critère : le budget prépare-t-il l'avenir ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. Auguste Cazalet. La commission a estimé que le budget de l'équipement, des transports et du logement ne répondait pas à ces critères.
Premier critère : les efforts de gestion. Il y a en a peu. On a vu l'absence de réforme des aides personnelles au logement, qui représentent pourtant 35 milliards de francs.
Deuxième critère : la maîtrise des dépenses. La hausse des rémunérations publiques au budget des services communs, qui est de 2,1 %, traduit l'augmentation toujours mécanique de ce budget. L'application des 35 heures à la SNCF et l'augmentation de ses effectifs pèseront sur la compétitivité de nos transports ferroviaires.
Troisième critère : l'avenir. Les dépenses d'investissement chutent fortement. Les crédits de l'accession à la propriété diminuent au budget du logement ; les crédits d'investissement des routes chutent lourdement en 2000, de 9,5 % ; les crédits pour les transports terrestres sont stables. Le désengagement de l'Etat vis-à-vis du secteur routier est patent. Si l'on regarde l'enveloppe prévue pour les futurs contrats de plan Etat-région, moins d'un tiers sera consacré aux routes.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non !
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Il n'a rien compris !
M. Auguste Cazalet. Pour autant, aucun effort notable n'est fait sur le ferroviaire,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas vrai !
M. Auguste Cazalet. ... comme le montrent les « performances » désastreuses de la SNCF en matière de transport de marchandises. Enfin, la Cour des comptes dénonce l'absence de politique portuaire.
Pour toutes ces raisons, et parce que la croissance de notre économie impose de doter la France d'infrastructures adaptées, la commission des finances vous demande de rejeter les crédits de l'équipement, des transports et du logement. (M. Jacques Oudin applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22:

Nombre de votants 306
Nombre de suffrages exprimés 288
Majorité absolue des suffrages 145
Pour l'adoption 93
Contre 195

Le Sénat n'a pas adopté.
« Titre IV : 2 566 390 791 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.


(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 8 623 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 4 153 330 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 15 059 753 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 626 678 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 70 ter , qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la mer.

Equipement, transport et logement

Article 70 ter



M. le président.
« Art. 70 ter. - Les personnels de l'association pour la gérance des écoles de formation maritime et aquacole sur contrat à durée indéterminée en fonction, à la date de publication de la présente loi, au siège de l'association, dans une école de formation maritime et aquacole, ou affectés au centre européen de formation maritime continue de Concarneau et à l'école maritime et aquacole du Havre, et qui justifient au 1er septembre 1999 d'une durée effective de services équivalente à au moins un an sont intégrés, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet, dans l'enseignement public, dans les corps correspondants de la fonction publique.
« Toutefois, ceux de ces personnels qui n'en feront pas la demande pourront, dans la même limite, à titre individuel, bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée, en conservant leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Les personnels visés aux deux alinéas ci-dessus continuent à recevoir une rémunération nette au moins égale à leur rémunération globale antérieure nette.
« Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'intégration, de diplômes, de vérification de l'aptitude professionnelle et de classement des personnels intéressés. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 70 ter .

(L'article 70 ter est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la mer et, par là même, l'examen des dispositions concernant le ministère de l'équipement, des transports et du logement.

9

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Christian Poncelet et Jacques Valade une proposition de loi portant création de la chaîne parlementaire.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 112, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Georges Othily une proposition de loi modifiant le code forestier et portant diverses mesures spécifiques à la forêt de Guyane.
La proposition de loi sera imprimé sous le n° 113, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

RENVOIS POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que la proposition de loi (n° 84, 1999-2000) de M. Jacques Oudin, tendant à réformer les conditions d'exercice des compétences locales et les procédures applicables devant les chambres régionales des comptes dont la commission des loi constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
J'informe le Sénat que la proposition de loi (n° 87, 1999-2000) de M. Jean Arthuis, relative au développement du partenariat social, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à aujourd'hui, samedi 4 décembre 1999, à onze heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales.
Aménagement du territoire et environnement :
I. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 4).
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 91, tome XI).
II. - Environnement :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 5).
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 91, tome XVII).
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 90, tome III).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2000, est fixé au vendredi 10 décembre 1999, à seize heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 9 décembre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 9 décembre 1999, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 4 décembre 1999, à deux heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Assujettissement à la taxe professionnelle
des associations organisant des spectacles vivants

672. - 3 décembre 1999. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'assujettissement des associations organisant des spectacles vivants à la taxe professionnelle. Le secteur associatif, en raison de la densité en nombre, de la variété de ses activités et de sa présence sur l'ensemble du territoire départemental, est un facteur essentiel du développement local. Par son action au plus près de nos concitoyens, comme par l'esprit désintéressé qui l'anime, il concourt à l'intérêt général. Dans ce contexte, il est donc justifié que les associations bénéficient de dispositions particulières au regard de l'impôt, notamment en n'étant pas soumises à la taxe professionnelle. Ce principe pérenne a malheureusement été remis en cause par le Gouvernement par le biais de deux instructions des 15 septembre 1998 et 16 février 1999 de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie décidant le réaménagement du régime fiscal applicable aux activités économiques des associations. Ces deux directives ont créé un lien entre les trois impôts commerciaux, si bien qu'une association assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée devient désormais redevable des autres impositions. Ces nouvelles mesures pénalisent en particulier les associations culturelles organisant des spectacles vivants qui étaient alors assujetties à la TVA à taux réduit, à savoir les théâtres nationaux et les autres théâtres fixes, les concerts symphoniques, les orchestres et les chorales, ainsi que les théâtres de marionnettes, les cabarets artistiques, les cafés-concerts, les music-halls et les cirques, à l'exclusion des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances. Pour la grande majorité d'entre elles, ces dispositions risquent d'être structurellement déficitaires. Conscient de ce problème, le Gouvernement, sans renoncer pour sa part à la fiscalisation, a demandé aux collectivités locales de voter avant le 15 octobre 1999 une exonération totale de la taxe professionnelle. Devant cette situation, il lui demande de bien vouloir prendre en compte le rôle spécifique joué par les associations en maintenant les dispositions particulières dont elles bénéficiaient en matière fiscale.

Réforme des études des professions de santé

673. - 3 décembre 1999. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le projet de réforme des études des professions de santé actuellement en cours d'élaboration au sein de son ministère. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir s'il entend tenir compte des propositions formulées par les conférences de doyens de médecine, pharmacie et chirurgie dentaire au nom des différents professionnels concernés par cette réforme et si ce projet sera prochainement soumis au Parlement.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du vendredi 3 décembre 1999


SCRUTIN (n° 22)



sur les crédits du titre III inscrits à l'article 38 (état B) du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (équipement, transports et logement).


Nombre de votants : 296
Nombre de suffrages exprimés : 278
Pour : 83
Contre :
195

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :

Pour : 1. - M. Gérard Le Cam.
N'ont pas pris part au vote : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 5. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.
Abstentions : 18.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :

Contre : 97.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Contre : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Contre : 46.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (8) :

N'ont pas pris part au vote : 8.
Le Sénat n'a pas adopté.


Ont voté pour


François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Marcel Bony
André Boyer
Yolande Boyer
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
André Lejeune
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Paul Raoult
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent

René-Pierre Signé
Simon Sutour
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy

Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Abstentions


MM. Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Guy-Pierre Cabanel, Fernand Demilly, Jean-Pierre Fourcade, Jean François-Poncet, Paul Girod, Pierre Jeambrun, Bernard Joly, Pierre Laffitte, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly, Georges Othily, Lylian Payet, Jacques Pelletier, Jean-Marie Rausch, Raymond Soucaret, André Vallet.

N'ont pas pris part au vote


M. Philippe Adnot, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Paul Dubrule, Michel Duffour, Hubert Durand-Chastel, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Alfred Foy, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Seillier, Mme Odette Terrade, MM. Alex Turk, Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la séance.




Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 306
Nombre de suffrages exprimés : 288
Majorité absolue des suffrages exprimés : 145
Pour l'adoption : 93
Contre : 195

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.