Séance du 25 novembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 1 ).

INONDATIONS DANS LE GRAND SUD-OUEST (p. 2 )

MM. Gérard Delfau, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L'OMC À SEATTLE (p. 3 )

MM. Jack Ralite, François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SÉNATORIALE
SUR LA CORSE (p. 4 )

MM. Philippe Nogrix, le président, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

RETARD PRIS PAR LA FRANCE
DANS L'OUVERTURE DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ (p. 5 )

MM. Henri Revol, le président, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

INONDATIONS DANS LE GRAND SUD-OUEST (p. 6 )

MM. Roland Courteau, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

RAPPORTS DES COMMISSIONS
D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRES SUR LA CORSE (p. 7 )

MM. Jean-Patrick Courtois, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

DYSFONCTIONNEMENTS DES SERVICES DE L'ÉTAT
EN CORSE (p. 8 )

MM. Jean Faure, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

CAMPAGNE D'INFORMATION SUR LA CONTRACEPTION (p. 9 )

Mmes Yolande Boyer, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. le président.

PROBLÈMES DE L'AVICULTURE EN BRETAGNE (p. 10 )

MM. Josselin de Rohan, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MAIRES (p. 11 )

MM. Paul Blanc, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

ARTICLE 57 DU PROJET DE BUDGET POUR 2000 ;
RESTRICTIONS APPORTÉES AU RESPECT DU SECRET
PROFESSIONNEL DES PROFESSIONS LIBÉRALES (p. 12 )

MM. Jean-Léonce Dupont, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Mexique (p. 13 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 14 )

4. Conférence des présidents (p. 15 ).

5. Transmission du projet de loi de finances (p. 16 ).

6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 17 ).

7. Loi de finances pour 2000. - Discussion d'un projet de loi (p. 18 ).
Discussion générale : MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert, président de la commission des finances ; Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

M. le rapporteur général.
MM. Roland du Luart, Philippe Darniche, Josselin de Rohan, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Paul Girod.

8. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 19 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 20 )

9. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 21 ).
Discussion générale (suite) : MM. Bernard Angels, Xavier de Villepin, Jean-Philippe Lachenaud, Jacques Oudin, Paul Loridant, Gérard Miquel, Denis Badré, Joël Bourdin, Marc Massion.
Clôture de la discussion générale.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Renvoi de la suite de la discussion.

10. Transmission de projets de loi (p. 22 ).

11. Transmission d'une proposition de loi (p. 23 ).

12. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 24 ).

13. Dépôt d'un rapport (p. 25 ).

14. Dépôt d'avis (p. 26 ).

15. Ordre du jour (p. 27 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps imparti afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.

INONDATIONS DANS LE GRAND SUD-OUEST

M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre de l'intérieur, je souhaite vous interroger sur les conséquences des inondations dramatiques qui ont ravagé le sud de la France, et tout particulièrement l'Aude.
Le rôle des municipalités dans la prévention des risques est au coeur du débat. Or, dans ces régions, les maires actuels ont presque tous hérité d'une urbanisation imprudente menée dans les années soixante-dix, en accord avec l'Etat.
La prise de consciense du risque est récente : elle s'est concrétisée avec la loi Barnier, en 1995, mais la diffusion de ces idées et de ces procédures est forcément lente. Elle se heurte, surtout, aux situations acquises : on ne rase pas facilement un lotissement, même pour de bonnes raisons.
Par ailleurs, au-delà des communes concernées par un plan de prévention des risques, un PPR, il y a toutes les autres, celles qui sont victimes, lors de pluies diluviennes, de ruisselets soudain transformés en torrents en raison des changements climatiques. Le 18 octobre dernier, ce fut le cas de ma commune et de plusieurs autres dans la vallée de l'Hérault.
Or, il n'y a pas de ligne budgétaire spécifique pour construire un pluvial manquant - parfois depuis trente ans - ou pour recalibrer les buses de ruisseaux traversant en souterrain l'agglomération, parfois depuis les années cinquante, pour créer, si nécessaire, des bassins de rétention en amont, pour entretenir les ruisseaux enfin.
Vous avez donné, monsieur le ministre, ainsi que Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, des instructions aux préfets pour que la prévention des inondations soit inscrite en priorité dans les contrats de plan. Fort bien ! Mais cette politique s'étendra-t-elle aux zones que je viens de décrire ou concernet-elle uniquement les communes soumises à un PPR ?
Ma dernière question s'inspirera de la visite que je viens d'effectuer dans quelques communes du Minervois héraultais. Ce fut impressionnant !
Un rappel, d'abord : en septembre 1997, de fortes pluies nuisent à la qualité du produit. En 1998, le gel détruit jusqu'à 90 % de la récolte. Traumatisme terrible !
Aujourd'hui, quelques communes de ce canton d'Olonzac ont été ravagées par des torrents de boue. J'ai vu, par ailleurs, des centaines de ceps arrachés et, plus gravement, la couche de terre fertile emportée, d'où un risque de déstabilisation des entreprises agricoles et des caves coopératives !
Le Gouvernement semble cependant hésiter encore à inscrire l'ensemble de ce territoire en zone « objectif 2 » pour les fonds européens. Ne pensez-vous pas qu'une telle série de calamités impose que vous tranchiez positivement cette question et que joue la solidarité nationale pour tous, sans exception ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences des inondations dramatiques qui ont dévasté quatre départements du Sud de notre pays.
Mme Voynet tient, tout d'abord, à redire à quel point le Gouvernement dans son ensemble partage la tristesse des familles endeuillées et rend hommage au courage des élus, des sauveteurs, des administrations et de tous les citoyens qui se sont mobilisés pour venir en aide à ceux qui étaient plongés dans la détresse.
Le Premier ministre est venu, la semaine dernière, manifester la solidarité matérielle et morale du Gouvernement envers les populations concernées.
Je tiens à le redire, nous étions en présence d'un phénomène très exceptionnel dans la mesure où la pluviométrie, dans certaines communes, a dépassé 600 millimètres. Par ailleurs, une tempête très forte soufflait sur le golfe du Lion, empêchant l'écoulement naturel des eaux des fleuves côtiers.
Comme le Premier ministre l'a annoncé, le financement des opérations de prévention des risques mais aussi de protection contre les inondations sera prioritaire dans le prochain contrat de plan Etat-région. Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement propose ainsi aux collectivités concernées de consacrer 180 millions de francs aux actions dans le domaine de l'eau sur la durée du contrat de plan dans la région Languedoc-Roussillon.
Ces actions de prévention se déclinent autour de trois axes.
Il s'agit, tout d'abord, de mieux prévenir les phénomènes météorologiques exceptionnels. C'est ainsi que le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement subventionnera la construction de cinq radars hydro-météorologiques sur le pourtour méditerranéen. L'un deux est déjà en cours de construction à Opoul, dans les Pyrénées-Orientales.
La deuxième priorité consiste à maîtriser l'urbanisation dans les zones inondables grâce à la réalisation de plans de prévention des risques. L'objectif que le Gouvernement s'était fixé au niveau national, à savoir 2000 PPR approuvés avant 2000, a été tenu. Il s'agit maintenant de couvrir les 5 000 communes les plus exposées d'ici à 2005. Dans cette optique, les crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ont été plus que doublés en deux ans, pour atteindre 75,5 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2000.
Le troisième axe, enfin, consiste à conduire les travaux nécessaires à la protection des zones déjà urbanisées : 1,5 milliard de francs sont consacrés à ces travaux, et ces crédits ne sont pas réservés aux communes couvertes par un PPR.
Pour terminer, s'agissant des fonds structurels, le Languedoc-Roussillon a vu sa population éligible réduite de 21 %, mais la moyenne nationale traduit une diminution de 26,3 %. Le taux de couverture est de 39 % dans cette région, et de 31 % au niveau national.
S'agissant des cantons auxquels vous êtes attachés, deux ont été retenus en totalité - Olonzac et Saint-Pons - et un troisième, Saint-Chinian, l'a été pour trois communes sur quatre.
Telles sont, monsieur le sénateur, les mesures qui ont été prises. La Commission européenne nous permet d'ailleurs de mobiliser des cofinancements communautaires dans le cadre du futur règlement concernant le développement rural pour la régulation des cours d'eau, la protection des sols et le système d'alerte local.
M. le président. Monsieur le ministre, vous avez dépassé votre temps de parole de trente secondes ! (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L'OMC À SEATTLE

M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la conférence de l'Organisation mondiale du commerce, à Seattle, va s'ouvrir avec un négociateur nouveau : la société civile, qui sera représentée sur place, ce qui est une avancée considérable.

Le Gouvernement français veut que soit défini un code de la route du multilatéralisme commercial et Christian Sautter s'est déclaré pour l'arbitrage contre l'arbitraire.
Or, il n'y a toujours pas d'ordre du jour, et cela crée une situation telle que Pascal Lamy, négociateur européen, vient de déclarer : « Je ne ferai pas décoller le Jumbo des négociations si je n'ai pas assez de carburant pour l'atterrissage devant les parlements nationaux et européens. »
Ce blocage ne traduit-il pas de la part des Etats-Unis, qui renoncent à réunir dans la ville de Boeing et de Microsoft les chefs d'Etat et de gouvernement, une volonté d'écarter les normes sociales et environnementales, certains pays d'Europe - et même du Sud - n'étant pas innocents de ce point de vue ? Comme si le commerce pouvait se définir valablement sans considérer la vie des hommes et des femmes, qui ne sont pas des invités par raccroc sur la planète mais son centre !
Cela est d'autant plus important que, sur l'ordre du jour - que les USA et d'autres veulent limiter à l'agriculture et aux services - plane la menace, au nom du libéralisme, de réguler a minima ce qui existe et de refuser toute régulation pour ce qui vient. Je pense aux nouvelles technologies en culture et aux biotechnologies en agriculture. Là est posé le statut de l'esprit et le statut du vivant.
L'OMC qui, statutairement, ignore tous les droits rattachés à l'ONU, inquiète les hommes et les femmes de la terre, les hommes et les femmes de la culture, dont les professions concernent centralement la vie de tous. La nature, son traitement et la qualité des produits qu'elle fournit, la culture, sa considération et l'imaginaire qu'elle propose, sont, à l'orée du xxie siècle, des dimensions capitales de la liberté humaine.
J'ajoute que les pays en voie de développement, qui entendent si légitimement être très actifs à Seattle, sont confrontés à de très graves problèmes, lesquels exigent une démarche politique dans laquelle l'égale dignité de tous les citoyens soit respectée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne pensez-vous pas qu'un handicap s'apprécie pour un pays comme pour une personne et doit conduire à des actes amples de solidarité, dont le financement pourrait s'appuyer notamment sur la taxe Tobin ?
Je serai à Seattle, avec la délégation parlementaire qui a été souhaitée - ce qui est bien - par le Gouvernement. J'y défendrai ces idées et j'aimerais connaître votre avis sur l'inexistence de l'ordre du jour et sur les questions que j'ai évoquées. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet de préciser certains points devant la Haute Assemblée.
Je voudrais tout d'abord rappeler qu'à Seattle nous n'allons pas négocier autre chose, pour commencer, que l'agenda et que les négociations proprement dites dureront trois ou quatre ans. Je crois qu'il est nécessaire de distinguer la notion de cycle par rapport à celle de lancement de cycle !
Vous faites observer à juste titre, monsieur le sénateur, que, pour l'instant, la situation est assez inédite puisqu'il n'existe pas de document préalable de travail cohérent. En fait, il existe un ordre du jour assez complet pour la réunion, puisque son résumé représente quarante pages. Je dirai même qu'il est presque trop complet, puisque l'essentiel des paragraphes sont « entre crochets », ce qui signifie qu'ils n'ont pas, pour l'instant, fait l'objet d'un accord.
Cette situation est due à une divergence importante sur l'ampleur du cycle entre les Etats-Unis, l'Union européenne, d'une part, les pays en voie de développement, d'autre part, et en particulier sur une différence de points de vue quant à l'agriculture et à la mise en oeuvre des accords de Marrakech. Ce dernier point est d'ailleurs significatif de l'instance démocratique qu'est l'OMC, puisque les pays en voie de développement auront l'occasion de faire entendre leur voix et de peser en fonction de la règle : « un pays, une voix ».
Nous comprenons tout à fait que les pays en voie de développement ne soient pas satisfaits du résultat de Marrakech ; il faut que nous puissions discuter de ces sujets avec eux. Nous ne souhaitons pas rouvrir les accords de Marrakech qui nous paraissent équilibrés. Mais l'Union européenne a décidé de faire des gestes significatifs, en permettant, par exemple, aux pays les moins avancés de disposer, en fin de cycle, d'une franchise de droit pour l'accès de leurs produits à ses marchés.
S'agissant des normes sociales, je ne peux pas vous suivre tout à fait, monsieur le sénateur : je pense que les syndicats américains sont assez soucieux de voir aboutir ces sujets-là.
Enfin, Catherine Trautmann, Dominique Voynet et moi-même partageons votre point de vue sur le statut du vivant. Ce n'est pas à l'OMC de définir des normes, mais c'est à l'OMC de commencer à prendre en compte ces dernières pour mieux réguler le commerce mondial. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Ralite applaudit également.)

RAPPORT DE LA COMMISSION
D'ENQUÊTE SÉNATORIALE SUR LA CORSE

M. le président. La parole est à M. Nogrix M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, un préfet de la République assassiné, son successeur et son directeur de cabinet mis en examen et incarcérés plusieurs jours pour le rocambolesque incendie d'une paillote illégale ; le colonel commandant de légion de gendarmerie et quelques-uns de ses officiers lourdement compromis. Jamais, dans l'histoire récente de la République, on n'a porté de telles atteintes à l'autorité et à l'image de l'Etat. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber. Vous avez la mémoire courte !
M. Philippe Nogrix. Et que dire des deux attentats qui viennent de se produire ?
Le Sénat a exercé son rôle de contrôle en créant une commission d'enquête chargée de faire la lumière sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, les résultats sont accablants ; les dysfonctionnements mis au jour au sein des services chargés de la sécurité en Corse sont très graves et sans précédent.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas d'aujourd'hui !
M. Philippe Nogrix. Vos réactions critiques et votre agacement nous choquent. Je tiens à signaler que mes collègues sénateurs, conformément à la déontologie requise en ces graves circonstances, ont reçu sous serment les témoignages et les auditions, donnant ainsi toute leur force aux écrits publiés.
Monsieur le ministre, nous vous demandons quelles conclusions vous avez tirées et quelles mesures vous comptez prendre à la suite du constat établi par ce rapport, constat qui ne peut rester lettre morte, au risque de porter atteinte à l'honneur du Sénat et d'affaiblir gravement la République. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
M. le président. Monsieur le ministre, j'ai, comme vous, pris connaissance des lâches attentats qui ont été perpétrés aujourd'hui même en Corse. M'associant aux propos de notre collègue et à ceux que vous ne manquerez pas de tenir dans un instant, je veux assurer de toute ma compassion les victimes et leurs familles.
Tous les sénateurs seront d'accord avec moi pour former de tout coeur le voeu que cet attentat, qui a visé des locaux administratifs, ne marque pas le début d'un nouveau cycle infernal de la violence dans ce département qui nous est cher.
A un moment où nous tentons, les uns et les autres, de proposer des solutions...
M. Raymond Courrière. Ah oui ?
M. le président. ... pour rétablir l'ordre et, bien sûr, la paix dans cette île que nous aimons, je demande avec force à chacun de bien vouloir faire un effort de compréhension, d'aller à la rencontre de l'autre. Si cette volonté est partagée, nous trouverons le chemin du succès pour ramener la paix et la fraternité dans l'île. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, je m'associe pleinement aux propos de M. le président du Sénat.
La situation difficile dont nous avons hérité en Corse et qui ne date, hélas ! pas d'hier ne pourra être surmontée que si tous les républicains, quelle que soit leur famille d'opinion, de droite ou de gauche, unissent leurs efforts et condamnent fermement la violence et l'action clandestine auxquelles, vous le savez bien, un certain nombre de petits groupes, d'ailleurs concurrents, antagonistes, refusent de mettre un terme.
La politique du Gouvernement est claire, comme elle l'a toujours été.
Depuis que je me suis rendu en Corse, au mois de juillet 1997, le souci du Gouvernement est, comme je l'ai alors affirmé, l'application ferme et sereine de la loi, et rien d'autre.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l'assassinat du préfet Erignac ainsi que d'autres circonstances douloureuses. Mais vous n'avez pas mis en valeur - je le regrette - les succès remportés, en particulier l'élucidation des conditions de cet assassinat seize mois après. Par comparaison, il a fallu attendre six ans pour les crimes d'Action directe. J'ajoute que six des sept membres du commando ont été interpellés et arrêtés. La fuite d'un seul, qui n'avait pas besoin d'être prévenu par la police, croyez-moi, ne peut entacher le succès global de cette enquête. J'ajoute que plusieurs attentats ont été élucidés cette année.
Si nous regardons les choses de plus haut, nous constatons, à partir des chiffres que je vous ai communiqués, que la criminalité en Corse a baissé de trente points de 1993 à 1998 et que le taux d'élucidation des affaires y est supérieur de plus de dix points par rapport à ce qu'il est dans l'ensemble du pays. Tout cela est dû, bien évidemment, à une forte densité policière, mais il me semble qu'il faut porter des jugements équilibrés sur ce genre d'affaire.
La tâche des policiers, des gendarmes et des magistrats est rude. Naturellement, toute institution comporte ses tensions internes. Laquelle résisterait à un exercice de scanner généralisé ? Peut-être pas même le Sénat ! (Sourires.) C'est d'autant plus vrai pour la police, au sein de laquelle tout est confidentialité, secret, cloisonnement, pour des raisons tenant à la nature de l'activité exercée.
Il appartiendra au Sénat de déterminer les conditions dans lesquelles sont élaborés et publiés les rapports de ses commissions d'enquête. Bien évidemment, je considère que c'est en effet le rôle du Sénat. J'ai lu avec attention le rapport de celui-ci, dont certaines conclusions seront d'ailleurs mises en oeuvre. Ainsi, tout ce qui touche à la mobilité des personnels, des policiers et des gendarmes, à la sécurisation des bâtiments publics, aux moyens techniques à mettre en action et aux opérations conjointes de contrôle de véhicules mérite réflexion.
D'une manière générale, monsieur le sénateur, je voudrais lancer un appel à la raison et au sens de l'intérêt public. Nous ne gagnerons que si tous les moyens de l'Etat sont réunis, que si l'Etat n'est pas divisé contre lui-même. Il n'est donc pas utile de jeter de l'huile sur le feu. C'est naturellement une affaire difficile, mais des résultats importants ont été obtenus. Sachez que la résolution du Gouvernement ne faiblira pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

RETARD PRIS PAR LA FRANCE
DANS L'OUVERTURE DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ

M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je déplore, une fois encore, l'absence de M. le Premier ministre, à qui ma question s'adressait. (Exclamations sur les travées socialistes.) Je me tourne donc vers M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Nous apprenons que la Commission européenne a lancé hier une procédure d'infraction contre la France, accusée de ne pas avoir encore transposé en droit national la directive européenne sur la libéralisation du marché de l'électricité, transposition qui aurait dû être effective le 19 février 1999.
M. Emmanuel Hamel. Disons le mot de Cambronne à Bruxelles ! Il y en a marre ! (Sourires.)
M. Henri Revol. Il importe donc de revenir aujourd'hui sur les conditions de l'échec de la commission mixte paritaire du 18 novembre dernier, qui devait, après de longs atermoiements, permettre cette transposition,...
M. Jean Arthuis. Ah oui !
M. Henri Revol. ... tant les causes de cet échec me paraissent doctrinaires et irresponsables.
M. Jean Arthuis. C'est le congrès du PC !
M. Henri Revol. Avant tout, les droits du Parlement, et en particulier du Sénat, ont été bafoués.
M. Michel Mercier. Tout à fait !
M. Henri Revol. Nous avons appris par voie de presse, la veille de la réunion de la commission mixte paritaire, quel serait le résultat de cette dernière.
M. Emmanuel Hamel. Quittons Bruxelles !
M. Henri Revol. Cela prouve bien que la décision était politique, qu'elle avait l'aval du Premier ministre et qu'elle ne répondait qu'à un seul objectif : satisfaire une partie de la majorité plurielle, notamment le parti communiste (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.),...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Merci pour nous !
M. Henri Revol. ...qui doit prochainement tenir un congrès qu'il souhaite le plus serein possible.
M. Josselin de Rohan. Il faut sauver le soldat Hue ! (Sourires.)
M. Henri Revol. Que représentent, pour le Gouvernement, l'avenir économique de tout un secteur largement ouvert à l'international et le risque de voir la France condamnée à Bruxelles maintenant que la procédure d'infraction est lancée ?
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Henri Revol. Rien, lorsqu'il s'agit de donner par dogmatisme des gages à un allié de la majorité plurielle !
Qu'aurait-on entendu si le Sénat s'était avisé de suggérer un contre-projet ? Vous l'auriez alors accusé de tous les maux et de l'échec de ladite commission mixte paritaire.
Dans de telles conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, votre participation au Gouvernement ne vous paraît-elle pas remise en cause ? (Rires sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Henri Revol. Pouvez-vous accepter d'abandonner votre conception, que nous avions cru raisonnable et réaliste, de l'évolution de notre industrie de l'énergie uniquement parce qu'il faut « sauver le soldat Hue », comme le disait M. de Rohan ? (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mon cher collègue, M. le Premier ministre, qui vient régulièrement au Sénat et à qui votre question s'adressait, m'a fait savoir qu'il regrettait de ne pouvoir être parmi nous aujourd'hui. Il est en effet, comme M. le Président de la République, retenu à Londres, où se tient une conférence internationale. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, la volonté du Gouvernement est sans faille : il veut transposer le plus vite possible la directive européenne sur le marché intérieur de l'électricité.
M. Jean Chérioux. Eh bien alors !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il veut le faire en renforçant les valeurs du service public - droit à l'électricité pour tous, péréquation tarifaire - et l'ensemble des acquis de plus de cinquante ans après l'adoption de la loi de 1946.
La France souhaite aussi donner un cadre stable et définitif aux industriels et aux opérateurs électriques, qui en ont en effet besoin de façon urgente. (M. Arthuis applaudit.)
M. Michel Mercier. C'est vrai !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement apprécie le travail du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.) Le travail de la Haute Assemblée est important, à ses yeux, comme j'ai déjà eu l'occasion de le manifester lors du débat sur la transposition, ici même, voilà quelques semaines. Toutefois, il ne lui appartient pas de se prononcer sur les libres choix des députés et des sénateurs en commission mixte paritaire. (Exclamations sur les travées du RPR.)
En effet, c'est bien au Parlement de gérer les procédures parlementaires dont la Constitution lui confie la responsabilité. Qui plus est, il est normal que le Gouvernement, sur ce texte comme sur les autres, exprime son accord avec les options dégagées par la majorité plurielle, majorité de l'Assemblée nationale (Exclamations sur les travées du RPR), en particulier sur l'existence d'une EDF entreprise intégrée, sur les droits et devoirs respectifs de l'Etat et de la commission de régulation de l'électricité, sur l'encadrement de ce que l'on appelle le trading, sur le niveau de l'obligation d'achat, par exemple.
Ne dramatisons pas, monsieur le sénateur : des mesures transitoires sont déjà en place pour les clients de plus de 100 gigawatts-heure, et plusieurs industriels ont d'ailleurs choisi de nouveaux fournisseurs qui ne sont pas l'opérateur historique.
M. Josselin de Rohan. Alors, pourquoi nous fait-on des procès ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. En résumé, le Gouvernement va aller vite : ce texte sera donc examiné dès le 18 janvier 2000 par l'Assemblée nationale et dans la foulée par le Sénat, afin que M. le Président de la République, s'il le veut, puisse le promulguer avant le 15 février 2000.
Nous rattraperons ce retard, je vous en donne l'assurance ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

INONDATIONS DANS LE GRAND SUD-OUEST

M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, le département de l'Aude est en deuil, comme les départements des Pyrénées-Orientales, du Tarn et de l'Hérault, à la suite des inondations d'une gravité exceptionnelle.
Ce fut l'apocalypse, l'horreur, l'inimaginable !
C'est un lourd tribut humain, avec trente-quatre victimes, devant lesquelles nous nous inclinons.
C'est aussi un immense désastre économique, puisque le département de l'Aude, que je représente ici avec Raymond Courrière, est quasiment broyé en certains endroits.
Ce sont des populations en état de choc, marquées à vie, des pans de vie anéantis pour ceux qui ont tout perdu à la suite de conditions climatiques apocalyptiques.
Le hors norme est dépassé, mes chers collègues ; nous sommes dans le phénoménal, dans le monstrueux. Et puis l'insupportable, ces cris d'enfants, dans la tempête et dans la nuit, que la mort finira par emporter.
Et au bout de ce cauchemar, il y a ce sentiment terrible d'impuissance. Nous touchons là au démentiel, tant le bilan humain et économique est d'une dimension épouvantable : la dynamique d'un département est brisée, des familles sont ruinées, des acteurs économiques durement frappés ; des routes et des ponts sont anéantis, des vignerons, des agriculteurs sont dans le désarroi ; le concours de l'armée doit être accordé pour déblayer et remettre en culture des parcelles ravagées.
A jamais, mes chers collègues, nous porterons les stigmates de ce cataclysme, même si, dans l'horreur de la tragédie, le formidable élan de solidarité a bien réchauffé des coeurs qui pleurent encore.
Je salue la rapidité exceptionnelle du Gouvernement dans le déblocage d'aides importantes et la mise en oeuvre de la procédure « catastrophe naturelle ».
Je salue l'action des sapeurs-pompiers, des élus locaux, des associations caritatives, sans oublier ces milliers d'anonymes, hommes et femmes de coeur, qui sont l'honneur de l'espèce humaine.
Je remercie le Sénat, monsieur le président, pour l'aide d'extrême urgence, particulièrement importante, qu'il nous a récemment accordée. Comme nous l'avons fait hier, monsieur le président, nous devons nous retrouver prochainement, sur votre initiative, pour imaginer d'autres suites à donner. Encore merci !
Mesdames, messieurs, notre histoire est marquée de coups du sort impitoyables, mais nous avons toujours su résister face à l'adversité. Le pourrons-nous cette fois encore ? Saurons-nous retrouver, une fois de plus, au plus profond de nous-mêmes, cette volonté acharnée, forgée dans de trop nombreuses épreuves ?
Nous voulons encore le croire si nous sentons qu'on ne nous laissera pas seuls, ni dans six mois ni dans trois ans, pour tout refaire et tout reconstruire. Alors oui, pour peu que nous sentions là, à nos côtés, cette solidarité nationale dans la durée, monsieur le ministre, mais aussi européenne, avec l'élargissement du zonage, « objectif 2 », aux territoires sinistrés, alors oui, mes chers collègues, nous relèverons la tête, alors oui, nous relèverons ce nouveau défi ! (Applaudissements prolongés.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, des inondations et des coulées de boue d'une intensité exceptionnelle ont affecté, les 12 et 13 novembre derniers, les départements de l'Aude, du Tarn, des Pyrénées-Orientales et de l'Hérault, touchant cruellement les populations et endommageant fortement les infrastructures des communes concernées.
Le bilan humain, pour ces quarante-huit heures, est particulièrement lourd : malgré tous les efforts déployés par les sauveteurs, 34 personnes sont décédées et une reste portée disparue dans le département de l'Aude.
Devant l'ampleur des dépâts subis par ces départements, les préfets ont immédiatement déclenché le plan ORSEC. Je me suis rendu sur les lieux le dimanche 14 novembre ; M. le Premier ministre est allé sur le terrain le 17 novembre. Il a annoncé des mesures exceptionnelles d'un montant de plus d'un milliard de francs, témoignant ainsi aux populations et aux collectivités locales touchées par cette catastrophe la solidarité de la nation qu'avait évoquée M. le Président de la République.
En matière d'indemnisation des dommages subis par les particuliers, je vous rappelle qu'un arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle a été pris dans les trois jours pour 329 communes : 228 dans l'Aude, 39 dans l'Hérault, 29 dans les Pyrénées-Orientales et 33 dans le Tarn. Il a été publié au Journal officiel le 18 novembre.
Le 26 novembre, une nouvelle commission interministérielle se réunira, qui statuera sur les dossiers présentés par 99 communes - 5 dans l'Hérault, 75 dans les Pyrénées-Orientales, 19 dans le Tarn - dossiers qui avaient été ajournés ou présentés postérieurement.
En matière de reconstruction, la solidarité nationale s'inscrira dans la durée en direction des acteurs économiques, des collectivités locales, du monde agricole, que vous avez évoqués. La solidarité nationale ne manquera pas, je puis vous l'assurer, monsieur le sénateur : les aides nécessaires à la remise en état des voiries et des ouvrages hydrauliques seront dégagées sur le chapitre 67-54 de mon ministère.
En matière de solidarité européenne, l'objectif 2 de la nouvelle génération de programmes communautaires prévoit de réduire un certain nombre d'inégalités entre les régions. Dans le contexte d'une réduction moyenne de population éligible de 24 % par rapport à l'actuel programme, c'est-à-dire moins que la moyenne nationale, le préfet de région a formulé ses propositions de zonage. Celles-ci sont actuellement en cours de négociation à Bruxelles. Elles n'ont pas pris pour fondement les récents sinistres, mais rien n'empêchera, dans le cadre des futurs documents de programmation, les comités régionaux de programmation de tenir le plus grand compte des besoins locaux, notamment à la lumière des événements survenus. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RAPPORTS DES COMMISSIONS D'ENQUÊTE
PARLEMENTAIRES SUR LA CORSE

M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous exprimant dimanche sur une chaîne de télévision, vous avez commenté les rapports des deux commissions d'enquête parlementaires dans des termes qui m'ont particulièrement choqué, faisant état de « fuites », de « rapports publiés avant l'heure » et de « prises de position irresponsables », comme la divulgation du nom d'un informateur du préfet Bonnet.
Je tiens, de façon solennelle, à rendre une nouvelle fois hommage aux membres de notre commission d'enquête et aux fonctionnaires du Sénat : aucune déclaration publique n'a été faite ; aucune fuite n'est intervenue pendant six mois et aucun document n'a été publié, ce qui nous a d'ailleurs été reproché.
Un rapport a été rendu public mercredi dernier après avoir été communiqué à M. le président du Sénat et alors que notre assemblée en avait été informée. Toutes les règles de procédure applicables ont été scrupuleusement respectées.
Je suis donc surpris par l'amalgame auquel vous avez procédé entre ce qui a pu se passer à l'Assemblée nationale et la pratique irréprochable du Sénat.
J'ajoute que le rapport de la commission du Sénat ne comporte aucun nom qui n'ait été cité dans une procédure judiciaire et déjà mentionné dans la presse.
Notre commission n'a donc aucune responsabilité dans une divulgation qui mettrait en jeu la vie d'un informateur.
De même, afin de respecter le contrat moral avec les personnes que nous avons entendues, aucun procès-verbal de leurs déclarations n'a été publié, sauf, en partie, l'extrait de l'audition de M. Marion, pour des raisons évidentes.
Parallèlement, certains magistrats du siège - le parquet, entendu par nous, ne s'est d'ailleurs pas associé à cette procédure - souhaitent remettre en cause le rôle des commissions d'enquête, en leur reprochant d'avoir violé la séparation des pouvoirs en s'immiscant dans des enquêtes judiciaires en cours.
Un sénateur du RPR. Scandaleux !
M. Jean-Patrick Courtois. Tel n'a pas été le cas au Sénat. Chaque magistrat entendu a été parfaitement libre de ses propos et, chaque fois qu'il a évoqué le secret de l'instruction, acte lui en a été donné.
Mais chacun comprend bien l'objectif : voir petit à petit se restreindre le champs d'application des commissions d'enquête.
Cet amalgame entre vos propos et la demande des magistrats est une atteinte manifeste aux prérogatives du Parlement et est d'autant plus inacceptable en cette affaire que les révélations sont accablantes.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous donniez acte au Sénat de la méthode de travail de sa commission d'enquête.
Votre réponse est d'autant plus importante qu'il en va de l'avenir de la démocratie de permettre au Parlement de contrôler l'action du Gouvernement et de l'ensemble des administrations. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées socialistes et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, il n'appartient pas au ministre de l'intérieur d'émettre un jugement global - je dis bien « global » - sur la qualité du travail d'une commission d'enquête parlementaire et du rapport qu'elle publie.
Je suis, tout autant que vous, sans doute - j'ai exercé mon premier mandat de député en 1973 - partisan de ce que le Parlement puisse exercer ses prérogatives. Je pense aussi que les membres des assemblées parlementaires sont non seulement des citoyens, mais qu'ils ont également une responsabilité particulière dans l'Etat : ils appartiennent au législatif. Ils ne sont pas, pour autant, délivrés des exigences d'un civisme, que je qualifierai non pas d'élémentaire, mais particulièrement élevé, et d'un sens de l'Etat qui doit tenir compte de la difficulté de la tâche dans laquelle celui-ci est engagé.
Encore une fois, il est très facile de critiquer. L'action est moins aisée. Je mesure à la lumière de différentes fuites, intervenues depuis déjà longtemps, et aussi à l'aune des règles qui s'imposent à moi dans la dévolution des affaires ou des enquêtes, à quel point il est difficile de conduire l'action répressive de l'Etat qui s'impose.
L'expérience des commissions d'enquête parlementaire montre qu'il y a des équilibres à trouver - je vous le dis franchement - dans les relations entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Il n'appartient pas à une assemblée d'interférer dans le jeu des nominations, par exemple, comme j'ai cru le constater en lisant peut-être un peu vite. (Murmures sur les travées du RPR.)
Le respect du secret de l'instruction, l'absence d'évocation des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires toujours en cours sont des limites qui s'imposent aux assemblées dans leur légitime travail de contrôle du pouvoir exécutif.
M. Alain Gournac. Forni !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai d'ailleurs noté la différence de ton - M. Courtois aurait dû mieux écouter mon intervention sur TF 1 - qui existait entre les deux rapports. (Rires sur les mêmes travées.)
Il me semble que les policiers, les gendarmes, les magistrats sont en droit d'attendre que leur travail ne soit pas déstabilisé par l'évocation de querelles subalternes, car, soit dit en passant, les retards qui ont pu intervenir dans le cheminement des notes n'ont absolument pas ralenti l'enquête et l'arrestation des meurtriers de Claude Erignac. De la même manière, croyez-le bien, Yvan Colonna n'a pas eu besoin d'être prévenu par la police pour prendre la fuite. Je crois que ces éléments doivent être rappelés.
L'intérêt du Parlement est de garder aussi une certaine mesure, ne serait-ce que parce que les fonctionnaires qui viennent témoigner sous serment...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... doivent avoir confiance dans le Parlement.
Naturellement, il est de l'intérêt du Parlement que de porter des jugements équilibrés, à la fois sur les hommes et sur les résultats d'une action, dont je vous répète que, si difficile soit-elle, elle sera poursuivie implacablement. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Loridant applaudit également.)
M. Jean Chérioux. Sa réponse est embarrassée !

DYSFONCTIONNEMENTS DES SERVICES DE L'ÉTAT
EN CORSE

M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le président, j'avais l'intention de poser une question sur l'énergie, mais, étant donné que la réponse de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes de la Corse ne nous a pas satisfaits, je m'adresserai à nouveau à lui en lui demandant ce qu'il entend quand il dit : « Je porte le plus grand intérêt au rapport du Sénat ».
Nous n'attendons pas du Gouvernement uniquement de l'intérêt, nous attendons des décisions et surtout des actes ! Nous voulons savoir ce qu'il entend faire pour mettre un terme aux dysfonctionnements des services de l'Etat dans cette affaire, car nous ne l'avons toujours pas très bien compris, après avoir entendu tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur.
J'entends bien que cette affaire n'est pas simple et que les responsabilités vont probablement bien au-delà de toutes les alternances politiques. Je veux aujourd'hui, devant la gravité des accusasions, et devant la situation qui perdure - les attentats de ce matin en Corse, que vous avez dénoncés, monsieur le président, en sont une nouvelle preuve - demander à M. le ministre de l'intérieur quelles sont les décisions qu'il entend prendre, et le Gouvernement avec lui, pour remédier à cet état de fait. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière. Vous êtes bien mal placés pour donner des leçons !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Ma réponse sera brève.
Le Gouvernement étudie les rapports des commissions d'enquête parlementaires et il en tirera naturellement tout le bénéfice possible. Cela dit, s'agissant des « inconvénients », il n'appartient pas au Gouvernement de se prononcer, vous en êtes parfaitement conscients.
Comme je l'ai déjà dit, il y a sûrement des réflexions très utiles à engager sur la mobilité des personnels, des policiers et des gendarmes, sur la sécurisation des bâtiments publics, sur la réorganisation territoriale des brigades de gendarmerie, sur la mise en oeuvre de certains moyens techniques, comme, par exemple, des opérations conjointes de police, de gendarmerie et de douanes pour les contrôles de véhicules et l'interception de communications par téléphone portable.
Je vous fais observer, monsieur le sénateur, que les propositions du Sénat rejoignent rarement celles de l'Assemblée nationale, pour ne pas dire jamais.
M. Jean Chérioux. Et pour cause !
M. Alain Gournac. Heureusement !
M. Jean Chérioux. Est-ce un reproche ou un compliment ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Par exemple, s'agissant du poste de préfet adjoint pour la sécurité en Corse, dont vous préconisez le maintien, je tiens à vous dire que telle est aussi l'intention du Gouvernement. (Marques d'approbation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet. Auquel cas les suggestions du Sénat sont judicieuses !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. Ange Mancini a d'ailleurs été nommé comme préfet adjoint chargé de la sécurité il y a moins d'un mois.
Vous proposez la création d'un coordinateur pour la Corse. Telle n'est pas la position du Gouvernement. La Corse doit faire l'objet d'une action de tous les ministres. M. Gayssot s'y rend d'ailleurs aujourd'hui même, accompagné par un membre du cabinet de Mme Martine Aubry, pour témoigner aux personnels de la direction départementale de l'équipement et de l'URSSAF de la solidarité du Gouvernement. Il est important que chaque ministre fasse son travail, sous la coordination du Premier ministre.
Nous ne souhaitons pas, je le dis clairement, rétablir le GPS, dont vous avez parlé. Il vaut mieux que les structures soient claires et lisibles. Vous le savez, ce GPS dépendait non pas du préfet, mais du commandant de légion de gendarmerie.
D'autres propositions ont été faites, notamment par l'Assemblée nationale, dont le rattachement des préfets aux services du Premier ministre. Ce n'est évidemment pas à moi de répondre à toutes ces suggestions.
Quant aux propositions du Sénat qui méritent d'être retenues, ne craignez rien, elles seront naturellement prises en compte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Qui décidera si elles méritent de l'être ? Ce n'est pas très objectif comme réponse !
M. le président. Monsieur Chérioux, je vous en prie, vous n'êtes pas inscrit pour poser une question ! (Rires.)

CAMPAGNE D'INFORMATION SUR LA CONTRACEPTION

M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Ma question s'adresse à Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et porte sur un sujet que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ici : la campagne d'information sur la contraception programmée par le Gouvernement depuis quelques mois déjà.
Une somme importante a été dégagée dans le budget de 1999, mais les associations et les femmes s'inquiètent de ne rien voir venir, malgré les informations données au cours du mois de juillet dernier.
Depuis longtemps, il n'y a pas eu de véritable campagne d'information sur la contraception, et les jeunes confondent trop souvent celle-ci avec l'utilisation du préservatif, à la suite, d'ailleurs, de la campagne axée sur la prévention du sida.
La conséquence, malheureusement, nous la connaissons : 16 000 jeunes filles de moins de vingt ans avortent chaque année en France.
Bien sûr, nous considérons l'interruption volontaire de grossesse comme le recours ultime. C'est la prévention qui doit être la priorité, car nous savons que ce sont toujours les femmes en grande précarité qui sont les plus touchées.
Par ailleurs, le professeur Nisand a remis récemment à M. le Premier ministre un rapport sur l'interruption volontaire de grossesse en France vingt-cinq ans après le vote de la loi Veil. Il y présente vingt-cinq propositions.
Je vous poserai, madame la ministre, deux questions très simples : pouvez-vous nous rassurer quant à l'imminence de la campagne sur la contraception et pouvez-vous nous donner des échéances quant aux suites qui seront données au rapport du professeur Nisand ? (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vous remercie, madame Boyer : vous avez rigoureusement respecté le temps de parole qui vous était imparti. Que chacun suive votre exemple !
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la sénatrice, garantir le droit à la contraception comme l'accès à l'IVG fait effectivement partie de l'action des pouvoirs publics.
Dès mon arrivée au ministère, j'ai eu l'intention de lancer une campagne sur la contraception, car aucune grande campagne n'avait eu lieu depuis 1982. Mais j'ai constaté alors qu'il manquait un certain nombre d'outils majeurs.
Il manquait notamment la pilule du lendemain, qui existe aujourd'hui. Nous avons eu du mal à la faire produire, mais elle est maintenant en vente libre dans les pharmacies.
Il manquait également la contraception médicamenteuse, le RU 486, qui n'était plus produit en France. Il l'est de nouveau aujourd'hui.
Nous avons, par ailleurs, produit beaucoup d'efforts, malheureusement encore sans succès, pour rembourser la pilule de troisième génération. Nous avons discuté les prix avec les laboratoires. Un médicament générique sera disponible en l'an 2000, ce qui permettra de rembourser cette pilule.
Nous avons mis en place un comité de pilotage comprenant les associations, notamment le Mouvement français pour le planning familial, mais aussi des gynécologues, des chercheurs. Dans ce cadre, nous avons travaillé sur cette campagne sur la contraception, mais aussi sur les suites à donner au rapport que le professeur Nisand nous a remis récemment.
La campagne sur la contraception est maintenant prête. A la demande du comité de pilotage, que je réunis de nouveau demain, elle commencera au mois de janvier, car nous avons pensé qu'il était judicieux de choisir comme date de lancement le vingt-cinquième anniversaire de la loi Veil.
En outre Mme Ségolène Royal réunira demain l'ensemble des infirmières scolaires pour leur parler de la prévention et de la politique de contraception. Mme Marie-George Buffet, de son côté, abordera ces thèmes avec les associations de jeunes et les missions locales.
Ainsi, la campagne télévisée sera accompagnée d'un travail très important vis-à-vis des jeunes filles, mais aussi des femmes en grande difficulté.
Tout comme vous, je pense que l'interruption volontaire de grossesse ne doit pas être banalisée, et elle ne l'est pas. Tout comme vous, je pense aussi que 220 000 IVG dans notre pays, c'est encore trop, d'où l'importance de lancer cette campagne sur la contraception.
Cela dit, quand il ne reste plus que cette seule possibilité, il faut que chacun puisse y avoir recours. Le service public doit donc mieux répondre aux demandes.
Nous avons d'ores et déjà pris toutes les dispositions que préconisait le rapport Nisand. Une circulaire a été envoyée aux hôpitaux ; il n'y aura plus de rupture dans les IVG, ces actes seront réalisables tout au long de l'année dans tous les services de gynécologie obstétrique ; les chefs de service ne pourront pas s'y opposer, même si la clause de conscience, et c'est normal, joue aussi pour eux.
Nous devrons donner aux femmes le choix entre toutes les formes d'interruption de grossesse.
M. le président. Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous travaillons par ailleurs, et j'en reparlerai demain avec le comité de pilotage,...
M. le président. Madame le ministre, je vais être dans l'obligation de vous couper la parole. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Odette Terrade. C'est scandaleux ! Quand il s'agit des femmes, on coupe la parole à un ministre ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Nelly Olin. Et le MLF !
M. le président. Voyons, mes chers collègues !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en étais pratiquement à ma dernière phrase, monsieur le président, moi que vous remerciez toujours de tenir les délais. Pour une affaire aussi importante, je vous demande donc quelques secondes supplémentaires.
M. Henri de Raincourt. Pensez à ceux qui interviendront après vous !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour ce qui est du passage de dix à douze semaines, comme c'est le cas dans tous les pays européens, je réunis actuellement un certain nombre de spécialistes ; nous en profiterons pour accroître la sécurité des IVG.
S'agissant des jeunes filles et de l'autorisation parentale, nous sommes en train d'étudier une formule permettant, chaque fois que cela sera nécessaire, qu'un adulte puisse accompagner la jeune fille.
Nous sommes donc en train de mettre en place l'ensemble des dispositifs qui devraient, à mon sens, permettre aux femmes de moins recourir à l'IVG et d'avoir un accès beaucoup plus complet à la contraception. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Je regrette d'avoir à constater que certains orateurs inscrits ne bénéficieront pas de la retransmission télévisée, ce dont ils se plaindront. Voilà pourquoi je suis obligé de faire respecter rigoureusement l'horaire.

PROBLÈMES DE L'AVICULTURE EN BRETAGNE

M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. La filière avicole bretonne représente 40 % de l'aviculture française, 4 500 exploitations, 20 000 emplois et 65 % de la production exportée. Elle contribue à l'excédent de notre balance commerciale à hauteur de 3,5 milliards de francs.
Or, cette filière connaît l'une des crises les plus graves de son histoire, crise qui menace un très grand nombre d'exploitations et risque de provoquer, sur l'ensemble du territoire breton, beaucoup de chômage et de malheur.
Jusqu'au premier semestre de cette année, les exportations et la production demeuraient soutenues grâce aux restitutions qui étaient accordées. En outre, de nombreux consommateurs avaient choisi les produits avicoles de préférence à d'autres.
Mais, il se développe en Europe et sur les marchés tiers une concurrence nouvelle et très sévère des éleveurs des Etats-Unis et du Brésil, qui ne connaissent pas nos prix de revient.
En outre, la présence de dioxine a également détourné des consommateurs de ce type de produits.
Aujourd'hui, il faudrait trouver des débouchés pour 300 000 tonnes de poulets, faute de quoi nombre d'exploitants seront au bord de la faillite.
Il n'est pas possible de se tourner vers des productions haut de gamme dans un temps aussi limité.
Le Gouvernement a accordé 10 millions de francs de mesures d'urgence, ce qui représentera en tout et pour tout 5 000 francs par éleveur, alors que les pertes sont infiniment supérieures.
Le Gouvernement est-il disposé à obtenir des négociateurs à l'OMC la prise en compte de questions non commerciales telles que la protection de l'environnement, le maintien d'un système d'aide à l'exportation, le maintien des restitutions pendant la période transitoire.
Par ailleurs, quelles suites le Gouvernement entend-il donner au rapport Perrin ? Envisage-t-il de mettre en place un plan social permettant aux éleveurs les plus âgés de quitter la profession ?
Mme Odette Teuvade. La question !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Josselin de Rohan. Il faut agir rapidement, sinon c'est toute la Bretagne qui sera sinistrée. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. M. Jean Glavany étant en déplacement dans le Tarn et dans l'Aveyron, je vais répondre à sa place.
Dans un contexte particulièrement difficile pour la filière avicole, le ministre de l'agriculture et de la pêche a chargé, en mars 1999, M. Daniel Perrin, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts de rédiger un rapport sur la situation et les perspectives de cette filière.
Sur la base des propositions formulées par M. Perrin, le ministre a souhaité que les mesures d'orientation pour cette filière soient décidées en concertation avec la profession.
Un groupe de travail s'est réuni à plusieurs reprises à l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture.
Des propositions ont été discutées avec les représentants professionnels lors de la dernière réunion, qui s'est tenue le 9 de ce mois.
Sur cette base, le ministre de l'agriculture et de la pêche a annoncé, hier, à une délégation de professionnels qu'il recevait avec des élus du Finistère, dont MM. Le Pensec et Marc et Mme Boyer, un dispositif en cinq points, à savoir la défense par la France du maintien des restitutions à l'exportation au-delà de 2001, l'engagement d'une réflexion approfondie sur la situation de l'intégration, la mise en place de mesures d'aide structurelles au secteur sur la base des réflexions du groupe de travail qui s'est réuni à l'OFIVAL, le contrôle et le suivi de l'évolution des capacités de production et, enfin, l'amélioration des règles d'étiquetage.
Le ministre de l'agriculture et de la pêche a ainsi réaffirmé, à cette occasion, sa volonté d'accompagner des solutions durables d'adaptation de la production aux marchés ainsi que sa volonté de maintenir une production en Bretagne.
M. Jean Glavany m'a informé qu'il recevrait, le mardi 30 décembre, à dix heures trente, les parlementaires bretons, accompagnés de quelques socioprofessionnels, pour une réunion d'information réciproque sur la crise actuelle et sur les solutions à envisager. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MAIRES

M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adressait à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice. Comme elle n'est pas là, je pense que M. le ministre chargé des relations avec le Parlement me répondra.

Chacun, quel que soit son horizon politique, se plaît à souligner le rôle essentiel des élus locaux, en particulier des maires, dans la vie démocratique de notre pays.
Ces femmes et ces hommes exercent de lourdes fonctions. S'ils ont conscience des responsabilités qui sont les leurs, ils découvrent malheureusement quotidiennement les risques auxquels ils s'exposent.
Le Sénat, sous votre impulsion, monsieur le président, et sous celle de quelques éminents collègues, en particulier M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France, se bat pour rendre à la sanction pénale sa finalité, qui est de réprimer une faute morale.
Les débats qui ont eu lieu dans cette assemblée en témoignent, la majorité sénatoriale veut obtenir un certain nombre d'assurances du Gouvernement sur ce dossier avant de voter la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Jusqu'à hier, le Gouvernement a été sourd à cette légitime revendication.
Les déclarations du Premier ministre, voilà quelques semaines, à Léognan, en Gironde, semblaient même fermer définitivement la porte à toute discussion.
Aussi suis-je heureux de l'avoir entendu hier, lors du Congrès des maires, face à nos pressions et à la grogne des élus, faire machine arrière et déclarer être ouvert au texte de la proposition de loi de notre collègue Pierre Fauchon, qui sera débattu au Sénat le 27 janvier prochain.
Il ne faudrait pas - vous me permettrez de reprendre une expression d'un grand quotidien - que le Premier ministre, par ses déclarations, ne fasse que de la « diplomatie parlementaire ».
En conséquence, pouvez-vous, monsieur le ministre, en l'absence du garde des sceaux, nous donner quelques éclaircissements sur la position du Gouvernement en la matière et sur l'échéancier envisagé ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le Premier ministre a eu l'occasion de rappeler hier, devant le congrès de l'Association des maires de France, combien le Gouvernement etait attentif à la question de la responsabilité pénale des élus locaux, en particulier pour des fautes non intentionnelles. Nombre d'élus, et surtout des maires, éprouvent du découragement, je le sais, et ressentent parfois du désarroi devant ce qui leur apparaît comme une mise en cause disproportionnée.
Le Gouvernement est déterminé à répondre à cette inquiétude et à le faire rapidement.
Je ne reviens pas sur les raisons qui justifient l'absence de Mme Guigou, vous les connaissez.
Vous savez qu'elle a constitué une commission, conduite par M. Jean Massot, président de section au Conseil d'Etat, qui comprend des élus, dont le président de l'Association des maires de France, des magistrats et des fonctionnaires. Cette commission présentera ses conclusions avant la fin de l'année.
Sans préjuger ce que seront ces conclusions, je peux vous faire part des réflexions actuelles du Gouvernement.
Il n'est pas certain qu'il faille s'engager sur la piste qui consisterait à substituer la responsabilité pénale de la collectivité à celle de l'élu ou de tout autre décideur public. Cette substitution, si elle devenait systématique, aboutirait à une pénalisation supplémentaire de la vie publique.
Une autre piste paraît plus féconde. Elle implique une réflexion approfondie sur la notion même de faute involontaire pour opérer une distinction entre la faute qui cause directement un dommage et celle qui ne le cause qu'indirectement, en préconisant, dans ce dernier cas, que seule la faute lourde soit retenue pour engager la responsabilité pénale.
Cette piste, qui fait d'ailleurs l'objet de certaines propositions de loi, notamment au Sénat, déposées par MM. Poncelet et Fauchon en particulier, est étudiée par la commission présidée par M. Massot. Elle s'inscrit dans le respect nécessaire du principe d'égalité de tous devant la loi.
Le Gouvernement arrêtera ses décisions aussitôt que possible après que les conclusions de la commission Massot, qui seront rendues publiques, lui auront été remises. Les mesures nécessaires, y compris d'ordre législatif, seront rapidement mises en oeuvre, de façon à être effectives avant les prochaines élections municipales. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

ARTICLE 57 DU PROJET DE BUDGET POUR 2000 :
RESTRICTIONS APPORTÉES AU RESPECT DU SECRET
PROFESSIONNEL DES PROFESSIONS LIBÉRALES

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les évolutions technologiques facilitent la mise en fiches généralisée des individus. Les puces électroniques gardent traces de nos faits et gestes ; elles investissent progressivement tous nos objets usuels : l'ordinateur connecté à la Toile, le téléphone, la télévision. Il est tentant d'y recourir pour faciliter les contrôles.
L'année passée, le Gouvernement a autorisé l'interconnexion des fichiers fiscaux et sociaux. Cette année, l'article 57 du projet de loi de finances étend à toutes les professions libérales, médecins, notaires, avocats, agents d'assurance, la faculté pour l'administration fiscale de connaître « l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires. » Cette mesure menace les libertés publiques et remet en cause toute une catégorie de professions dont l'existence même repose sur la confiance et le secret professionnel.
S'agissant, par exemple, de la médecine, le Gouvernement s'est fondé sur deux arguments.
D'une part, l'article 57 ne ferait qu'harmoniser la situation de tous les médecins vis-à-vis du fisc dans un sens conforme à l'équité, puisque cette disposition s'applique déjà aux médecins adhérents d'une association de gestion agréée.
D'autre part, un amendement a été adopté interdisant à l'administration fiscale de s'enquérir de la nature des prestations fournies.
Ces deux réponses sont loin de lever toutes nos craintes.
Certaines affections peuvent nuire socialement au patient si elles sont connues. Or, le nom même de la spécialité du médecin consulté peut laisser suspecter une telle affection. La simple révélation de l'identité du patient de tel psychiatre ou de tel cardiologue constitue donc une violation du secret médical ; elle ne commence pas seulement à la connaissance de la nature des prestations.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Léonce Dupont. Cela explique pourquoi les médecins exerçant ces spécialités peuvent avoir refusé d'adhérer à une association de gestion agréée ; ils l'ont fait afin d'éviter la divulgation du nom de leurs patients. L'équité fiscale, que vous invoquez, porte ainsi atteinte à l'équité médicale et elle supprime la liberté de choix du médecin.
M. le président. Je vous prie de conclure.
M. Jean-Léonce Dupont. Votre sens de l'équité, monsieur le secrétaire d'Etat, vous conduira sans doute à appliquer cette mesure au secret professionnel de l'administration fiscale ! Est-ce au programme de la prochaine loi de finances ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mon cher collègue, je tiens à vous faire savoir que votre question et la réponse de M. le secrétaire d'Etat ne sont pas retransmises à la télévision.
Telle est la seule raison qui me conduit parfois à être rigoureux, voire sévère, quant au respect du temps imparti à chacun.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, je tiens à déclarer solennellement que, contrairement à ce que vous venez d'indiquer, le texte de loi qui a été adopté hier par l'Assemblée nationale ne porte nullement atteinte au secret médical.
En effet, l'accès à l'identité des patients est déjà possible pour tous les adhérents à une association de gestion agréée, soit 80 % des membres des professions médicales ! Cette faculté existe depuis dix-sept ans et n'a jamais soulevé la moindre difficulté.
L'article 57 du projet de loi de finances pour 2000 ne fait qu'étendre une telle possibilité aux professionnels qui n'ont pas adhéré à une association de gestion agréée. Il s'agit seulement de permettre un accès aux pièces comptables pour mieux contrôler la sincérité des recettes déclarées. En aucun cas, l'administration fiscale ne pourra avoir accès à la nature des prestations fournies aux patients.
Le texte de loi assure donc un équilibre entre la nécessité de respecter la vie privée, nécessité à laquelle le Gouvernement est viscéralement attaché, et le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt, autre nécessité absolue. C'est d'ailleurs ce qu'a jugé à plusieurs reprises, chacun le sait au Sénat, la Cour de cassation sur les dispositions en vigueur depuis dix-sept ans qui lui ont été soumises.
De plus, M. Edouard Salustro, président de l'Union nationale des associations de professions libérales, a déclaré, après le vote du texte par l'Assemblée nationale : « Les amendements peuvent apaiser les craintes en matière de secret professionnel. »
Enfin, je suis heureux de vous annoncer que les mesures de simplification comptable admises dans le passé ne sont pas remises en cause, en particulier pour les médecins conventionnés du secteur 1. Les relevés individuels établis par la sécurité sociale pourront, comme par le passé, tenir lieu de livre-journal pour la comptabilité de ces médecins. C'est ainsi que les indications médicales spécifiques à chaque patient disparaissent, dans ce cas, de ce qui est communiqué à l'administration fiscale.
Par conséquent, l'esprit et la lettre de votre demande sont, je crois, parfaitement respectés par le texte de loi qui a été adopté hier par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

3

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DU MEXIQUE

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de députés des Etats-Unis du Mexique, conduite par M. Marco Antonio Fernandez Rodriguez, président de la commission du travail et de la prévision sociale de la Chambre des députés.
Je leur souhaite, au nom du Sénat, la bienvenue dans notre assemblée et je forme des voeux pour que leur séjour parmi nous enrichisse leur connaissance de notre pays et fortifie les liens d'amitié entre le Mexique et la France. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Mes chers collègues, avant d'aborder la discussion du projet de loi de finances pour 2000, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Du jeudi 25 novembre 1999 au mardi 14 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000)Voir en annexe les règles et le calendrier de la discussion budgétaire.

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En outre :
I. - Mercredi 1er décembre 1999 :
A quinze heures :
1° Scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de M. Claude Saunier, devenu juge titulaire ;

Le scrutin à la majorité absolue des suffrages exprimés aura lieu dans la salle des conférences ; à la suite de la proclamation de l'élection, le juge élu sera appelé à prêter le serment prévu par la loi organique ;
2° Nomination d'un membre titulaire de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de M. Franck Sérusclat, qui a démissionné de son mandat de sénateur.
II. - Jeudi 2 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n° 1943).
La conférence des présidents a fixé :
Au mercredi 1er décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
A une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 1er décembre 1999.
III. - Jeudi 9 décembre 1999 :
A quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.
IV. - Vendredi 10 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé :
Au jeudi 9 décembre 1999, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
A une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le jeudi 9 décembre 1999.
Mercredi 15 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (AN, n° 1889) ;
La conférence des présidents a fixé :
Au mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
A une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 14 décembre 1999.
Jeudi 16 décembre 1999 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive et de loisir (n° 31, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Jean-François Picheral et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à l'attribution de la nationalité française à tout étranger engagé dans les armées françaises, qui a été blessé en mission, au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait la demande (n° 74, 1999-2000) ;
- la proposition de loi de M. Michel Pelchat relative à l'attribution de la nationalité française à l'étranger qui a combattu dans une unité de l'armée française (n° 28, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat (n° 79, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.
5° Suite de l'ordre du jour du matin.
6° Eventuellement, conclusions de la commission des affaires sociales sur :
- la proposition de loi de M. Jean Chérioux et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié (n° 52, 1999-2000) ;
- la proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste relative au développement du partenariat social (n° 87, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Lundi 20 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures, à quinze heures et le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2000 ;
La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 1999 (AN, n° 1952) ;
La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mardi 21 décembre 1999 :
A seize heures et, éventuellement, le soir :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 609 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (application de la loi sur les animaux dangereux et errants) ;
N° 623 de M. Bernard Fournier à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (avenir des tribunaux de commerce) ;
N° 629 de M. Jean Chérioux à M. le ministre des affaires étrangères (situation au Timor-Oriental) ;
N° 630 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (contrat de plan en Haute-Loire) ;
N° 635 de M. François Marc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (renouvellement de la flotte de pêche) ;
N° 636 de M. René Marquès transmise à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (danger de la chasse au sanglier dans les Pyrénées-Orientales) ;
N° 637 de M. Joseph Ostermann à M. le ministre de l'intérieur (élargissement des missions du fonds de garantie contre les accidents de la circulation) ;
N° 639 de M. Jack Ralite à Mme le ministre de la culture et de la communication (développement de Radio France) ;
N° 641 de M. Serge Franchis à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (entretien des ouvrages d'art de franchissement de canaux) ;
N° 642 de M. Raymond Soucaret à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (suppression des postes de correspondants locaux des douanes et droits indirects) ;
N° 646 de M. Jacques Pelletier à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (indemnisation pour les victimes de l'hépatite C) ;
N° 648 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de la défense (nuisances sonores causées par l'entraînement des élèves de l'école de l'air de Salon-de-Provence) ;
N° 649 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (coût des interventions des collectivités locales sur le domaine de l'Etat) ;
N° 651 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (prime compensatrice ovine) ;
N° 652 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (situation du lycée Henri-Potez à Méaulte [Somme]) ;
N° 653 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication (concentrations dans la presse régionale) ;
N° 654 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre de l'intérieur (financement des services départementaux d'incendie et de secours) ;
N° 656 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (contribution représentative du droit de bail sur les locations de chasse en Alsace-Moselle).

Ordre du jour prioritaire

2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi portant diverses mesures relatives aux activités physiques et sportives ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 décembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 22 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1999 ;
La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Y a-t-il des observations à l'égard des propositions de la conférence des présidents relatives à l'ordre du jour réservé ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.

5

TRANSMISSION
DU PROJET DE LOI DE FINANCES

M. le président. J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 88, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.

6

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre un rapport établi en application de l'article 53 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation, relatif à l'évaluation des politiques régionales de formation professionnelle.
M. Emmanuel Hamel. Grand sujet !

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LOI DE FINANCES POUR 2000

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 19999-2000).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis de nouveau pour parler de politique budgétaire.
Pour la commission des finances, la politique budgétaire est une affaire de choix et de volonté. Elle ne doit pas se borner à constater, fussent-ils satisfaisants, les résultats ou les dividendes d'une bonne conjoncture.
Nous avons, et je vais m'efforcer de le montrer, des raisons de craindre que ce budget ne soit un budget des occasions manquées et que la belle conjoncture - nous nous félicitons tous de voir notre pays en bénéficier - ne soit pas mise à profit comme il le faudrait.
Nous voyons les entreprises évoluer quotidiennement et nous sommes obligés de constater que la sphère privée de l'économie diverge de plus en plus de la sphère publique.
Celle-ci requiert, nous le savons tous, des réformes de fond, des réformes de structure. L'Etat ne peut plus demeurer, à l'approche de l'an 2000, ce qu'il est depuis 1945.
Nous avons devant nous des échéances évidentes comme celle de la nécessaire réforme des retraites, mais, sur ces sujets de fond, nous ne voyons venir que des réflexions supplémentaires, des concertations, des discussions et des rapports.
Ce que des chiffres tout à fait précis et indiscutables nous permettent d'observer, c'est que nous avons atteint le niveau historiquement le plus élevé en matière de prélèvements obligatoires, ceux-ci apparaissant maintenant dans deux lois financières : la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, laquelle met en jeu des masses dépassant en importance celles de la loi de finances.
Nous constatons aussi que ces prélèvements obligatoires servent à financer des dépenses publiques qui ne baissent pas, avec un déficit budgétaire dont la diminution est très soigneusement - trop soigneusement, à mon sens - « lissée » dans le temps.
M. Claude Estier. Il vaut mieux le diminuer que l'augmenter, tout de même !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout dépend de la conjoncture dans laquelle on se situe, monsieur Estier. Il faut comparer des choses comparables !
La commission des finances, fidèle à ses principes de volontarisme, vous proposera, mes chers collègues, un autre chemin que celui que le Gouvernement nous soumet.
En termes d'objectifs, nos préconisations visent à réduire le poids des charges qui pèsent sur l'économie, à améliorer la compétitivité des entreprises. Pour cela, on le sait bien, il faut circonscrire le champ de la sphère publique. Il faut non seulement dépenser moins, mais aussi et surtout dépenser mieux.
En termes de méthode, monsieur le ministre, nous pensons qu'il convient de renouveler l'approche de ces discussions financières. Il s'agit de les situer dans la durée, et non pas seulement dans l'annualité budgétaire. Il faut surtout aborder l'ensemble de la sphère publique, c'est-à-dire, en particulier, l'Etat et les organismes sociaux.
Il n'est pas acceptable que les assemblées parlementaires n'aient pas une discussion globale sur un état consolidé des recettes issues des prélèvements obligatoires et sur leur affectation.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous savons bien que les deux lois, loi de financement et loi de finances, sont de nature différente, l'une fixant des objectifs, l'autre autorisant des dépenses, mais nous savons tout autant que les prélèvements obligatoires naissent de part et d'autre, qu'ils pèsent globalement sur l'économie et qu'ils sont à la charge des mêmes contribuables ou redevables.
C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, d'examiner notre proposition de méthode et d'envisager, pour de futures échéances, cette présentation consolidée des prélèvements obligatoires, de telle sorte que l'on ne voie pas renaître à un endroit ce que l'on a supprimé à un autre, de telle sorte que cesse ce que nous avons appelé le « jeu de bonneteau fiscal » dont vous nous régalez depuis des semaines. (Sourires.)
Monsieur le ministre, il faut aussi que cette approche soit comparative. Vous qui êtes désormais amené, de par vos fonctions, à passer sans cesse d'un continent à un autre savez bien que les frontières en matière d'appréciation des finances publiques et de marche de l'économie ont à présent une valeur toute relative. Dès lors, l'important est de savoir comment on se situe par rapport aux autres et ce que l'on fait des chances objectives dont notre pays peut aujourd'hui profiter.
Tel est le cadre général, mes chers collègues, dans lequel la commission des finances a entamé l'examen du projet de budget pour 2000, et je vais maintenant présenter rapidement les principales étapes de notre raisonnement.
Nous avons tout d'abord cherché à appréhender le contexte macroéconomique dans lequel nous nous situons.
Celui-ci est caractérisé par une croissance en volume du produit intérieur brut estimée à 2,8 % pour 2000. Pour l'année 1999, nous venons de l'apprendre, la croissance du PIB s'établira à 2,7 %. Nous pouvons donc compter sur une croissance très significative et sur les ressources qui en sont directement issues.
Bien entendu, cette conjoncture nationale ne saurait être séparée de son environnement. De ce point de vue, il est bon, monsieur le ministre, de rappeler en quelques mots les hypothèses sur lesquelles vous vous êtres fondé pour bâtir les équilibres de ce projet de loi de finances.
Tout d'abord, vous considérez, comme la plupart des observateurs, que l'évolution mondiale de l'économie ne devrait pas être affectée par des discontinuités nouvelles. Vous vous situez dans l'hypothèse, au pire, d'une décélération douce de l'économie aux Etats-Unis. Vous vous situez aussi dans l'hypothèse d'une absence de nouvelle crise financière dans le monde, notamment en provenance de la zone asiatique. Mais cela ne change rien aux dangers objectifs qui restent présents dans le monde d'aujourd'hui.
Je prends l'exemple d'un pays que vous avez analysé en profondeur, le Japon : chacun sait que son taux de déficit public et le poids de son endettement sont autant de facteurs de fragilité susceptibles de jouer si des circonstances imprévues survenaient. Ce sont là des éléments qu'il convient de garder à l'esprit : la possibilité d'une conjoncture moins favorable ou de discontinuités dans l'évolution de l'économie mondiale.
S'agissant de la France, les analystes de l'économie, y compris ceux qui nous observent de l'étranger, mettent le plus souvent en avant les handicaps structurels qui pourraient conduire notre pays à des évolutions moins heureuses que celles que nous appelons de nos voeux.
Parmi ces handicaps structurels, j'évoquerai, d'abord, un marché du travail qui reste trop cloisonné, du fait, notamment, des insuffisances de notre appareil de formation et de l'inadéquation de certains systèmes de prestations d'assistance qui engagent à rester dans l'inactivité et non à reprendre le travail.
J'évoquerai, ensuite, une situation des finances publiques qui n'est pas complètement redressée et qui peut effectivement constituer un handicap structurel pour notre pays. A cet égard, je me permettrai de rappeler une évidence : l'économie connaît des cycles, et l'on ne reste pas toujours sur des tendances favorables ; les retournements de cycles arrivent bien un jour, que ce soit sur le plan national, européen ou mondial.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Aurons-nous fait jouer comme nous le pouvons et comme il le faudrait les facteurs contracycliques que la politique budgétaire doit mettre en oeuvre ? N'aurons-nous pas des regrets, n'aurez-vous pas des regrets, monsieur le ministre, lorsque le retournement de cycle apparaîtra, et il apparaîtra bien un jour ?
C'est une question qu'il faut poser : utilisons-nous comme il le faut les ressources de la croissance pour préparer un avenir qui sera peut-être plus rigoureux ?
Je voudrais maintenant, là encore très cursivement, aborder les conditions de l'équilibre du projet de loi de finances tel que votre document les fait apparaître.
Selon votre projet, la croissance engendre environ 80 milliards de francs de recettes supplémentaires. Vous en consacrez un cinquième à la hausse des dépenses, une moitié à la baisse des prélèvements - mais cela inclut 14 milliards de francs de la baisse d'impôts qui avait déjà été décidée dans le passé - un quart seulement à la réduction du déficit, et il reste 5 % pour des effets comptables.
Nous pensons, monsieur le ministre, au sein de la commission des finances, que la réduction du déficit budgétaire de 1999 à 2000 ne reflète pas un effort suffisant.
Il est symbolique à cet égard que, de 1999 à 2000, la réduction du déficit soit inférieure à ce qu'elle était de 1998 à 1999. Vous freinez l'effort au lieu de l'amplifier, comme la conjoncture le permettrait.
Les hypothèses que vous prenez sont des hypothèses quelque peu décalées par rapport au pacte de stabilité sur lequel votre gouvernement s'est engagé voilà un an. Je rappelle qu'il évoquait 2,5 points de déficit public pour 2,5 points de croissance du produit intérieur brut, et ce dans l'hypothèse prudente. Or, en réalité, nous aurions 2,8 points de croissance et 2,4 points de déficit public, ce qui signifie que l'utilisation de la croissance pour réduire le déficit est freinée par rapport aux hypothèses du pacte de stabilité européen.
Cette année, chacun sait que l'exécution de la loi de finances de 1999 a été favorable, voire très favorable. Nous avons échangé nos chiffres respectifs par communications interposées.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je préfère les miens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne souhaite absolument pas que cela puisse faire l'objet de polémiques, car il ne s'agit que d'arithmétique et il n'y a pas lieu, mes chers collègues, de polémiquer sur l'arithmétique.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En lisant votre récent communiqué, monsieur le ministre, ce qui est un honneur rare pour un rapport de la commission des finances, j'ai eu le sentiment,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mérité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... que nous avions touché juste et à un endroit qui fait mal. (Rires sur les travées du Rassemblement pour la République.)
Or le calcul que nous avons effectué est à la portée de tout un chacun ; il est extrêmement simple : il se fonde sur les profils d'exécution des années précédentes, 1995 à 1998. Il n'est pas affecté, contrairement aux termes de votre communiqué, par ce que vous appelez « les phénomènes calendaires », car il repose sur les chiffres du 31 juillet. Ce calcul arithmétique aboutit à une vraisemblance de plus-values nettes de recettes fiscales comprise dans une fourchette de 30 milliards de francs à 40 milliards de francs.
M. Josselin de Rohan. C'est la cagnotte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne prend pas en compte les phénomènes de report d'une année à l'autre, qui sont naturellement à la discrétion du Gouvernement.
La Cour des comptes elle-même ne s'est pas fait faute de relever, pour ce qui concerne l'année 1998, un comportement un peu manipulateur des chiffres - permettez-moi de le dire - qui consiste à utiliser les dégrèvements à bon escient en fin d'exercice et les reports sur l'exercice suivant, également à bon escient, pour que l'on ne soit pas en mesure de rattacher à l'année en cours toutes les recettes de la gestion de l'année en cours.
Voilà quelques considérations sur la conjoncture.
A présent, par rapport aux autres, comment nous situons-nous ? Notre niveau de déficit public est toujours plus élevé que dans le reste de l'Union européenne. L'écart qui existera en l'an 2000 entre la France et l'Allemagne, qui est à la moyenne de la zone euro, restera supérieur à 0,4 point de PIB, soit près de 40 milliards de francs de différence.
Quant à la dette publique, sa stabilisation dans le produit intérieur brut nous paraît fragile et, là aussi, votre volontarisme nous semble insuffisant. Certes, l'Etat devrait revenir, en 2000, à un excédent primaire, ce qui signifie tout simplement, pour les non-spécialistes, qu'il n'empruntera plus pour financer sa dette. C'est assurément une bonne chose. Mais il continuera tout de même à emprunter 50 milliards de francs pour solder son fonctionnement, ce qui serait naturellement interdit à la plus petite comme à la plus grande de nos communes.
Il faut tout de même rappeler que le volume des emprunts qui seront levés sur les marchés de capitaux en 2000 s'élève à 622,5 milliards de francs, ce qui doit notamment permettre de rembourser des emprunts venus à échéance ; à concurrence de 407 milliards de francs. Telle est la réalité de l'endettement public !
Pardonnez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que le fait de voir l'endettement public dépasser le chiffre retenu par les critères de Maastricht en 1999 est, pour nous, très alarmant. La situation de nos finances publiques présente encore de nombreux signes inquiétants. Un déficit public structurel subsiste ; il est analysé dans mon rapport écrit. Il démontre bien la nécessité d'engager des réformes plus profondes de l'appareil d'Etat. Là encore, les comparaisons internationales ne sont pas à notre honneur.
Il faut également déterminer, dans ce projet de budget, quelles sont les vraies priorités de votre gouvernement. Il s'agit de priorités en faveur non pas des dépenses d'investissement mais des dépenses de fonctionnement.
Dans une masse globale de dépenses de l'Etat qui augmente de près de 1 % en valeur, lorsque l'on considère les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement, on constate que la rubrique la plus pénalisée concerne les investissements militaires, qui diminuent de 5,5 %.
M. Emmanuel Hamel. C'est très grave !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est très grave, en effet, pour l'avenir, pour l'indépendance de notre pays et pour sa place en Europe.
On observe aussi que l'ensemble des dépenses d'investissement marquent le pas.
La vraie priorité du Gouvernement, c'est la fonction publique : les dépenses s'élèvent à 675 milliards de francs, soit 40 % du budget de l'Etat ; elles augmentent de 3,5 %, à peu de choses près. Autrement dit, la seule augmentation des dépenses de rémunération du personnel de l'Etat représente, en chiffres bruts, 22,5 milliards de francs.
Monsieur le ministre, tout cela nous conduit évidemment à porter une appréciation qui ne peut pas ne pas être marquée par quelques inquiétudes, surtout lorsque nous voyons ce qui se passe en matière de recettes, c'est-à-dire de prélèvements obligatoires.
Vous nous avez promis, ou plutôt votre prédécesseur, avec l'habileté dialectique que nous lui connaissions et qui lui était coutumière, des baisses d'impôt tout à fait exceptionnelles. A la vérité, ce projet de budget comporte, certes, une mesure de baisse fiscale, mais une seule, et pour près de 20 milliards de francs : le taux réduit de TVA pour le secteur du logement. En dehors de cette mesure, que constatons-nous ?
Vous corrigez, de manière coûteuse, votre erreur de l'an dernier sur le droit au bail, que vous avez modifié de manière exagérément complexe alors que personne ne vous le demandait. Cela coûte des milliards de francs à l'Etat et mécontente nombre de propriétaires et de locataires.
Nous observons aussi ce jeu étonnant entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances initiale. Une surtaxe exceptionnelle et provisoire avait été créée sur les bénéfices des entreprises. Elle est supprimée par la loi de finances ! Elle est immédiatement rétablie, par ce jeu de « bonneteau fiscal », dans la loi de Martine Aubry.
Ainsi, les bonnes nouvelles qu'annonçait votre prédécesseur se trouvaient, pour certaines d'entre elles du moins, aussitôt contredites par les positions plus ingrates de sa collègue ministre de l'emploi et de la solidarité !
C'est donc la contribution sur les bénéfices des sociétés qui, par pur hasard, vient prendre la place de la surtaxe exceptionnelle et provisoire.
C'est le même raisonnement ou la même pratique extrêmement condamnable que nous observons à propos d'un nouvel impôt, créé l'année dernière par la loi de finances, qui disparaît du budget de l'Etat pour être réinstauré dans la loi de financement de la sécurité sociale, à savoir la taxe générale sur les activités polluantes, dont l'assiette va s'enfler d'année en année (M. le ministre rit) de manière à devenir une contribution de rendement tournant complètement le dos à l'idée d'une écotaxe,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est Nostradamus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... une taxe sans le moindre effet sur les comportements des pollueurs.
Monsieur le ministre, tout cela aboutit à un taux de prélèvements obligatoires de 45,3 % du PIB en 1999. Nous sommes en effet dans le peloton de tête pour le taux de prélèvements obligatoires, avec 2,5 points de plus que l'Allemagne et 8 points de plus que la moyenne de tous les pays de l'OCDE.
Ces comparaisons, monsieur le ministre, devraient inciter le Gouvernement à la modestie et le conduire à entrer dans une démarche fondamentale de réforme, plutôt que de s'octroyer le mérite de réductions d'impôts qui ne sont qu'illusoires ou qui ne sont que des effets d'annonce.
Par rapport à ce constat, bien entendu, les positions de la commission des finances doivent marquer des options totalement différentes.
Nous estimons qu'aujourd'hui la priorité doit être donnée à la diminution des prélèvements obligatoires. Mes chers collègues, il faut en finir avec ce que je m'étais amusé à appeler le « théorème de DSK » : les impôts baissent, mais les prélèvements obligatoires augmentent. Il faut en finir avec ces méthodes ! Il faut aussi dépenser mieux tout en dépensant moins et, naturellement, il faut respecter nos engagements internationaux et gagner en compétitivité.
Cette démarche devrait nous conduire à remettre en cause un certain nombre de méthodes traditionnelles dans l'examen des lois de finances.
Nous pouvons nous demander si nous sommes toujours, en termes de finances publiques, sous la Ve République. En effet, en matière de finances publiques, la Ve République comporte un texte fondateur : l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Cette ordonnance repose sur un principe de base l'universalité budgétaire : toutes les recettes sont affectées à toutes les dépenses.
Or, avec deux lois de finances, une loi de financement de la sécurité sociale et le budget de l'Etat, les contours variant de manière arbitraire de l'une à l'autre, sommes-nous encore dans le cadre tracé par l'ordonnance du 2 janvier 1959 ? Cette ordonnance, nous n'en percevons plus que les contraintes les plus formelles, les plus réductrices de l'initiative parlementaire. A la vérité, si nous voulions faire notre travail de parlementaire en profondeur, si nous voulions aller jusqu'au bout de l'exercice que nous ambitionnons, il nous faudrait pouvoir changer la structure de la dépense publique et celle des recettes de l'Etat, toutes choses que nous ne pouvons pas faire.
Nous avons, au cours des deux années précédentes, monsieur le ministre - nous ne renions rien de cet exercice, qui était indispensable - procédé à un réexamen des dépenses ; nous avons essayé de montrer la façon dont devrait se « retailler », selon nous, le volet des dépenses. Cet exercice de pédagogie était, je le répète, indispensable.
Aujourd'hui, s'agissant de la loi de finances pour 2000, nous souhaitons braquer les projecteurs dans une direction un peu différente, celle des prélèvements obligatoires.
Nous avons beaucoup de modifications à apporter au volet des recettes de la loi de finances. Nous avons donc présenté un grand nombre d'amendements, qui reflètent notre démarche progressive vers une vraie réforme fiscale.
Mais nous estimons aussi qu'il faut apprécier, de manière assez globale, l'efficacité de la politique conduite par l'Etat et examiner, département ministériel par département ministériel, les politiques conduites, pour porter un jugement sur leur conformité ou non à nos principes de gestion et aux valeurs que nous défendons dans l'action politique.
Pour aller dans le sens d'une véritable diminution des prélèvements obligatoires, nous considérons, par exemple, qu'en matière d'impôt sur le revenu il faut se livrer à un certain nombre de remises en cause.
Nous nous demandons pourquoi vous considérez comme une évidence le fait que tout le bénéfice de la croissance doive rester à l'Etat. En effet, le barème de l'impôt progressif n'évolue qu'au rythme de la hausse des prix, alors que la croissance est réelle et tout à fait substantielle. Pourquoi ne pas en rendre une fraction aux contribuables ? Pourquoi, tout simplement, ne pas appliquer aux contribuables une indexation différente du barème, comme vous acceptez de la faire - insuffisamment, à notre gré - vis-à-vis des collectivités territoriales pour l'évolution de la dotation globale de fonctionnement ?
Si l'on regarde l'impôt sur le revenu, on constate qu'il y a beaucoup à faire, notamment pour aller dans le sens de la politique familiale que nous appelons de nos voeux. Si l'on considère l'imposition du patrimoine, là encore, on constate qu'il y aurait beaucoup à faire pour éviter que les patrimoines ne se délocalisent, pour éviter de faire de votre impôt chéri, monsieur le ministre, je veux dire l'impôt de solidarité sur la fortune, un impôt à rendement décroissant. A cet égard, je ne peux que me référer ici à certaines lignes d'un rapport récent écrites par un député apparenté communiste, M. Jean-Pierre Brard.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est toujours mieux que Jacques Attali ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, M. Brard est l'auteur ou le promoteur d'amendements que je condamne, mais, au moins, il a eu la franchise d'écrire que l'ISF était un impôt à rendement décroissant et que la matière imposable était en train de fuir compte tenu des excès constatés en ce domaine.
Non, monsieur le ministre, il n'est pas correct, il n'est même pas conforme à nos principes constitutionnels, que l'on puisse réclamer à certains contribuables plus que leur revenu !
Sur ces sujets, notre discussion ne manquera pas d'être nourrie de beaucoup d'arguments.
En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, nous voudrions rappeler au Sénat que, depuis 1997, ce ne sont pas moins de douze mesures d'aggravation des charges des entreprises qui ont été décidées par la majorité qui vous soutient, monsieur le ministre.
Nous ne comprenons pas que l'on équilibre la loi de finances avec de nouvelles pénalisations fiscales. Je prends l'exemple des remontées de dividendes au sein des groupes. Dans le monde d'aujourd'hui, la plupart des entreprises sont organisées en groupe. Mais ce sont 4 milliards de francs qui sont ainsi pris au passage pour compenser des mesures qu'il a fallu concéder à tel ou tel élément de votre majorité plurielle.
Monsieur le ministre, nous ouvrirons naturellement, dans la discussion de ce projet de loi de finances, un volet « collectivités territoriales » qui nous permettra de poser les vrais problèmes de gestion de nos collectivités territoriales.
C'est à l'occasion de la loi de finances, mais aussi de la discussion du projet de loi tenant compte des résultats du recensement, que nous vous dirons quelles sont nos attentes et quels sont nos souhaits pour améliorer le dispositif proposé.
Enfin, en ce qui concerne les crédits ministériels, je voudrais rappeler les principes sur lesquels nous nous sommes fondés.
Nous avons tout d'abord examiné les conditions de gestion de chaque ministère. Nous nous sommes demandé si la rationalisation progressait ou non, en particulier par rapport à nos précédents travaux.
S'agissant de l'éducation nationale, je n'aurais garde d'oublier le récent rapport de la commission d'enquête présidée par M. Adrien Gouteyron qui dénonçait l'existence d'une trente et unième académie virtuelle. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
S'agissant, par ailleurs, des dépenses de gestion courante, nous considérons qu'il est du devoir des ministres de freiner leur évolution et de promouvoir des redéploiements. Nous estimons qu'un bon budget doit préparer l'avenir et qu'il y a, dans la dépense publique, des éléments positifs qui peuvent témoigner de cette volonté de préparer l'avenir.
De ce point de vue, nous regrettons que, dans nombre de domaines, et tout particulièrement dans celui de la défense, l'investissement soit pénalisé.
En définitive, monsieur le ministre, au terme d'un examen dont je viens simplement de rappeler les grands traits, voici ce que j'aurais tendance à vous dire, ou à vous redire : vous avez bien de la chance d'avoir une telle conjoncture, de bénéficier de telles recettes,...
M. Roland du Luart. Assurément !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas de la chance !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... d'avoir pour principal problème de trouver les moyens de cacher votre cagnotte, alors que d'autres ont connu un sort inverse.
Encore une fois, monsieur le ministre, vous avez une très grande chance. (Exclamations sur les travées socialistes.) Mais tirez-en profit dans l'intérêt de la France. Ne faites pas un budget de facilité reposant uniquement sur la conjoncture ; ayez le courage de préparer l'avenir, et pas seulement les prochaines élections ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je siège au Sénat depuis sept ans et j'ai l'honneur de saluer, au banc du Gouvernement, le sixième ministre de l'économie des finances.
M. Henri de Raincourt. Ça use ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Six ministres en sept ans, c'est un rythme soutenu pour qui veut analyser dans la durée, comme c'est indispensable, l'évolution de nos finances publiques.
Mais il est sans doute plus difficile encore, pour chacun de ces ministres, d'inscrire son analyse et son action dans le long terme.
Au fond, votre projet de budget traduit bien, monsieur le ministre, cette limite ou cette difficulté.
J'ajoute, comme l'a expliqué avec talent M. le rapporteur général, qu'il est désormais nécessaire d'examiner ce projet de loi au regard de l'ensemble de la politique des finances publiques, sauf à n'avoir qu'une vision tronquée de la situation. Mon propos fera donc aussi référence aux dispositions contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mes chers collègues, l'examen auquel nous sommes conviés concerne, certes, le projet de budget pour la seule année 2000, mais cet exercice n'a de sens que s'il tient compte des enseignements du passé pour s'inscrire dans une perspective d'avenir.
S'agissant brièvement des enseignements du passé, comment oublier, monsieur le ministre, qu'arrivant au Sénat en 1992 je fus saisi d'effroi par les tragiques conséquences budgétaires liées au choc conjoncturel si violent qui frappa notre économie, choc que, sept ans après, et malgré la somme d'efforts accomplis, nous n'avons toujours pas surmonté ?
Tout au long de ces sept années, je n'aurai connu, comme vous, que la lente, douloureuse et ingrate remontée de l'enfer budgétaire vers un équilibre que nous ne parvenons pas à retrouver.
Et pourtant, monsieur le ministre, nous aurions peut-être pu disposer, à l'époque, de réserves pour amortir ce choc, puisque nous sortions de ces années bénies de croissance durant lesquelles l'indolente ambition du gouvernement de M. Rocard visait à vouloir absolument dépenser plus, selon le concept célèbre de la réhabilitation de la dépense publique.
Fort de cet enseignement, je me demande aujourd'hui si le budget que vous nous présentez ne s'inspire pas de la même idée : dépensons toujours plus,... on verra bien demain,...
Si votre projet de budget a une apparence flatteuse, il n'est, hélas ! qu'illusion, comme l'indiquait à l'instant M. le rapporteur général.
A court terme, tout va bien, semble-t-il, dans le périmètre du seul Etat. Le déficit budgétaire se réduit de 20 milliards de francs. Les dépenses sont apparemment stables en volume. Nourries par une conjoncture favorable, les recettes devraient progresser de 2,7 %. La dette diminuerait, en proportion de la richesse nationale. Comme l'a dit M. le rapporteur général, on peut même supposer que la situation serait meilleure encore que le Gouvernement ne veut bien le dire puisque, en 1999, les recettes seront probalement largement supérieures à la prévision de la loi de finances initiale.
Nous en reparlerons à l'occasion de la discussion du collectif et du projet de loi de règlement. Le déficit pourrait se réduire de plusieurs milliards de francs supplémentaires. Je ne vous en fais pas reproche, et je m'en réjouis avec vous. (Sourires.)
Cela étant, au-delà de cette apparence flatteuse, qu'en est-il, mes chers collègues, de la réalité ?
La réalité, ce sont des prélèvements qui ne cessent de croître. L'arbre de quelques baisses ciblées de TVA ne saurait cacher la forêt de taxes et de cotisations supplémentaires en tout genre qui apparaît dans l'implacable augmentation du taux de prélèvements obligatoires enregistrée depuis 1997.
Monsieur le ministre, votre réduction du déficit ne s'appuie sur aucun effort ; elle repose exclusivement sur la facilité, et quelle facilité ! Ce sont naturellement des prélèvements supplémentaires. Vous devrez admettre prochainement que ceux-ci augmentent toujours, pour atteindre le record historique de 45,6 % ou 45,7 % du produit intérieur brut de 1999.
Vous aviez promis de réduire les impôts, vous aurez fait le contraire ! En paroles, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu, il n'est question que d'allégements, mais, en actes, nous ne voyons que des augmentations.
Quant à la taxe générale sur les activités polluantes, quant à la contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés, ce sont bien des impôts nouveaux qui, dès 2001, coûteront aux contribuables 18 milliards de francs supplémentaires.
Pourtant, et je veux y insister, dès l'automne 1997, le Gouvernement nous annonçait la réduction des prélèvements obligatoires pour l'année suivante, et chaque année, depuis, ces prélèvements ont augmenté. Par rapport au programme de stabilité, notifié à Bruxelles simplement au mois de décembre dernier - ce n'est pas ancien, monsieur le ministre - vous allez prélever 70 milliards de francs de plus que prévu en 1999, et vous ne réduirez le déficit que de 20 milliards de francs. C'est tout de même une importante « perte en ligne », comme on dit chez moi.
M. Roland du Luart. Et comment !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Toujours prompt à vous chercher des circonstances atténuantes, je me suis donc demandé pourquoi vous ne réduisiez pas les prélèvements, puisque vous l'aviez promis.
Votre intention aurait pu être vertueuse ; vous auriez pu vouloir davantage et plus vite réduire le déficit, et donc la dette ; vous auriez pu vouloir lancer des grands investissements.
Mais pas du tout ! Vous ne réduisez pas les prélèvements tout simplement parce que vous ne réduisez pas les dépenses. Comme l'impôt est égal aux dépenses, il augmente avec elles : vouloir plus de dépenses, c'est vouloir plus d'impôts. Vous engagez toujours des dépenses nouvelles et vous engagez chaque fois des dépenses inappropriées.
Prenons l'exemple, devenu caricatural, des 35 heures. Le coût en sera de 4 milliards de francs en l'an 2000 pour l'Etat et, au total, de 65 milliards de francs pour les contribuables. Je vous épargne l'augmentation des dépenses de la fonction publique, sinon pour relever qu'elle représente tout de même 22,5 milliards de francs. Et que dire, en cette période de prospérité dont vous vous glorifiez par ailleurs, de l'augmentation de 10 milliards de francs des moyens de la lutte contre les exclusions ?
Monsieur le ministre, vous ne parviendrez jamais à réduire les impôts si vous engagez en permanence des dépenses nouvelles. Aucun discours sincère sur la baisse des prélèvements ne sera possible et sérieux tant que vous ne réduirez pas les dépenses.
Mais, au fond, souhaitez-vous les réduire, ces dépenses ? A l'évidence, non ! (M. le ministre s'esclaffe.)
Finalement, vous confondez les buts de l'Etat avec ses moyens. Vous confondez l'intérêt général de la nation avec l'intérêt de ceux qui ont en charge de la servir. Vous accablez d'impôts le secteur privé et l'emploi privé pour préserver des privilèges du secteur public et de l'emploi public.
L'exemple de la SNCF illustre bien cette situation. Chacun connaît sa dette et son déficit. Alors, mes chers collègues, qu'est ce qui est le plus urgent, la satisfaction des voyageurs ou le passage aux 35 heures des cheminots ?
M. Josselin de Rohan. Il ne les font même pas !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous imaginez la réponse : les cheminots d'abord ; pour le service au public, on verra plus tard !
Mme Hélène Luc. C'est incroyable d'entendre des choses pareilles !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. D'une manière générale, le Gouvernement serait bien inspiré de ne pas confondre l'intérêt de l'Etat avec celui de la fonction publique, en veillant notamment à ce que l'évolution de la masse salariale de cette dernière ne soit pas inversement proportionnelle à la durée du travail.
S'agissant des dépenses, le plus préoccupant est de constater que les crédits de fonctionnement augmentent toujours davantage, au détriment de l'investissement. L'Etat s'endette pour financer les dépenses courantes. En cette année de croissance promise, le déficit de fonctionnement s'établira à environ 50 milliards de francs. Au total, la dette publique devrait croître de plus de 158 milliards de francs en 2000. En huit ans, mes chers collègues, le niveau des investissements publics sera passé de 2,8 % à 1,8 % du produit intérieur brut.
Si le niveau des investissements du budget général était, en 2000, celui de 1992, vous disposeriez, monsieur le ministre, de 90 milliards de francs. Vous pourriez ainsi construire des autoroutes, et aussi l'autoroute ferroviaire Lyon-Turin, au lieu de ne faire qu'en parler. Vous pourriez aussi financer le canal Seine-Nord ou moderniser les équipements dont notre armée a besoin, et là je me tourne vers M. le président de Villepin.
L'investissement, c'est l'avenir et, en réalité, avec votre projet de budget, vous ne préparez pas l'avenir.
Pensez à certaines périodes passées où des gouvernements cigales laissèrent la France fort dépourvue quand la bise fut venue !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oh ! Et le loup et l'agneau ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. « Pour rester, en période de basse conjoncture, en deçà du seuil de 3 % de déficit public dans le produit intérieur brut, il est nécessaire qu'en période de croissance le déficit soit substantiellement et rapidement résorbé. » Je fais mienne cette maxime,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De qui est-elle ? (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... tant elle est pleine de prévoyance. Or, cette maxime est la vôtre, monsieur le ministre ; elle figure à la page trente-sept de votre rapport pour le débat d'orientation budgétaire pour 1999, que vous nous avez présenté en mai 1998.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudrait le faire !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, il faudrait effectivement le faire. Nous essayons d'aider M. le ministre à le faire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes à votre disposition, monsieur le ministre.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. N'oubliez pas, monsieur le ministre, que, lorsque le vent de croissance est contraire, quand il freine l'action du Gouvernement, la chute peut être brutale ; en une seule année, les recettes de l'Etat s'effondrent, les dépenses s'envolent et le solde explose en un déficit abyssal.
Souvenons-nous de 1992 : les recettes avaient chuté de 70 milliards de francs par rapport aux prévisions, les dépenses du budget général avaient bondi de 23 milliards de francs et le déficit s'était creusé de 115 milliards de francs. Puis la spirale de l'enfer s'était aussitôt emballée et avait emporté, sur la même trajectoire, l'année 1993, qui s'était traduite par un effondrement des recettes de 107 milliards de francs et une poussée des dépenses de 30 milliards de francs supplémentaires. Le déficit, quant à lui, s'était, en une seule année, dégradé de 181 milliards de francs par rapport aux prévisions.
Or, vous ne nous proposez, aujourd'hui, de réduire le déficit que de 20 milliards de francs par an. A ce rythme, il faudrait sept ans au moins pour compenser le déficit creusé en une seule année.
Ce que vous montriez comme un exemple à ne pas suivre lors du débat d'orientation budgétaire pour 1999 est soudain devenu le modèle de votre politique budgétaire.
Ainsi, à l'issue d'une septième année consécutive de réduction du déficit, le Gouvernement n'ambitionne que de revenir au niveau de celui de 1992, qui, à l'époque, était pourtant considéré comme désastreux.
Ce rappel illustre, monsieur le ministre, la légitimité de la critique qui vous est faite de vous hâter bien trop lentement dans la réduction du déficit.
Si, je vous l'accorde, en 1992, on pouvait en effet ne pas prévoir la terrible récession de 1993 ; en revanche, en 1999, vous ne pouvez pas ignorer les chocs auxquels la France doit faire face dans un avenir immédiat. Ces chocs, que chacun connaît, ce sont la sortie du dispositif des emplois-jeunes, les retraites privées et, surtout, les retraites publiques, ainsi que l'avenir de l'assurance maladie dans un pays vieillissant.
Votre gouvernement pouvait, pour son imprévoyance, avoir une excuse en 1992 ; il n'en aura aucune demain. En effet, nous ne sommes plus face à un risque de quelques dizaines de milliards de francs. Si des réformes ne sont pas entreprises, c'est une impasse de plusieurs milliers de milliards de francs qui se profile à l'horizon pour les générations du prochain siècle.
Nous ne sommes pas face à un risque de retournement conjoncturel ; on peut espérer que l'euro nous en préservera. Nous sommes face à la certitude d'un choc structurel d'une violence absolue.
Pourtant, l'augmentation du coût des retraites publiques sonne comme un avertissement dès le présent projet de budget : plus de 12 milliards de francs, soit une augmentation de 6,8 %, c'est-à-dire sept fois plus que pour l'ensemble des dépenses publiques. Elles augmenteront, en francs constants, de quelque 80 milliards de francs au cours des dix prochaines années.
Alors même que nos déficits restent les plus élevés de l'Union européenne, que leur niveau n'est pas encore revenu à celui d'avant la crise du début des années quatre-vingt-dix, que nous continuons à financer toujours notre protection sociale à crédit, que notre dette publique atteint 5 500 milliards de francs, le Gouvernement, monsieur le ministre, semble ne s'inquiéter que des 35 heures.
La France est menacée de chocs financiers d'une extrême violence, certes pas l'an prochain mais dès 2005. Que fait le Gouvernement pour y faire face ? Rien !
Non, votre projet de budget ne révèle aucune prise de conscience de la réalité, de l'importance et de l'urgence des enjeux !
Pour le Sénat, monsieur le ministre, la noblesse de la politique est d'éclairer nos compatriotes sur les vrais enjeux, sur leur avenir et celui de leurs enfants et petits-enfants, qu'elles qu'en soient les difficultés et, parfois, l'ingratitude.
Que de réformes n'aurez-vous reportées ! En le disant ainsi, je n'ai naturellement pas voulu vous froisser, ni votre personne ni même le Gouvernement. J'ai simplement voulu vous dire qu'à l'analyse des sept années qui viennent de s'écouler, comme des projections que nous sommes déjà en mesure de faire pour les années à venir, vous utilisez mal le vent de la croissance qui vous porte, vous croquez les fruits de la croissance avant même qu'ils soient mûrs, (M. le ministre rit) vous consommez le blé en herbe, vous utilisez ce rendez-vous budgétaire comme une sorte d'exercice de communication, alors que vous devriez engager les réformes de structure indispensables pour que la France réussisse.
Monsieur le ministre, méfiez-vous des chances insolentes ! Pour quelles durent, il faut les mériter. A défaut, elles se vengent.
Pour ce qui concerne la majorité de notre commission des finances, l'illusion budgétaire sympathique et souriante que vous lui proposez ne la séduit pas. Notre commission des finances est décidée à consacrer toute son énergie, sa foi, son courage, sa détermination à faire de la politique vraie et responsable, c'est-à-dire éclairer l'avenir, offrir les voies et moyens du progrès, en croyant à l'intelligence, à la fierté, à la dignité des Français et en sollicitant celles-ci parce que c'est la grandeur de la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons un débat, un vrai débat, sur le projet de loi de finances pour 2000. D'emblée, je voudrais dire, reprenant les propos de M. le rapporteur général, que ce projet de budget est une affaire de choix et de volonté.
Nous avons fait le choix de la croissance, d'une croissance partagée et nous avons la volonté de moderniser l'Etat.
Ce n'est pas le budget des occasions manquées, pour reprendre l'expression de M. le rapporteur général ; c'est le budget des réussites nouvelles. La réussite en témoigne. En effet, jamais depuis longtemps, dans notre pays, les entreprises et les particuliers n'ont eu une telle confiance dans l'avenir.
La réussite, c'est la création, par nos entreprises, de 650 000 emplois depuis juin 1997, à partir du moment où M. Dominique Strauss-Kahn, auquel je rends hommage devant vous, a eu la responsabilité, sous l'autorité du Premier ministre, M. Lionel Jospin, de la politique économique et industrielle de notre pays.
La réussite et la nouveauté, c'est que, à partir de l'an prochain, la dette publique va enfin reculer, pour la première fois depuis vingt ans.
Aussi, monsieur le président de la commission des finances, vous n'avez pas le monopole de l'avenir. Beaucoup d'hommes politiques ont parlé de la réduction de la dette. Eh bien, nous, nous allons parvenir à la réduire.
La France n'entrera pas à reculons dans le millénaire prochain, contrairement à ce que laissait penser l'état d'esprit qui régnait à l'été 1997, quand la perspective de l'euro et la stagnation économique étouffaient tout optimisme, toute confiance dans le destin de notre pays.
Nous avons retrouvé le goût de la réussite - quand je dis « nous », c'est l'ensemble du pays, ce sont les entrepreneurs, les consommateurs, ceux qui travaillent - et l'appétit de croissance, nous avons fait du plein-emploi une idée neuve, après le marasme que notre pays a connu depuis de début de la décennie.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez évoqué les enseignements du passé. Ils sont clairs : entre 1993 et 1997 - mais je pourrais remonter à 1992, puisque c'est le moment où vos amis et vous-même avez pris des responsabilités importantes - nous avons vécu une période de croissance rompue, certes par une crise internationale, mais aussi par une politique économique inadaptée. En effet, chacun se souvient de la hausse de deux points de la TVA, qui a brisé net le ressort de la croissance qui repartait de nouveau.
M. Claude Estier. Eh oui !
Mme Hélène Luc. Ils l'oublient !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais vous avez gardé l'argent !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Entre 1997 et 2000, année qui fait l'objet du présent projet de budget, nous sommes passés de la croissance rompue à la croissance retrouvée.
Nous croyons à la nécessité de faire des réformes structurelles, mais nous les faisons dans la croissance, alors que la période antérieure était celle des réformes velléitaires, ou même de l'absence de réformes structurelles, sans la croissance. Les Français ont choisi en 1997 et les entreprises, les consommateurs et les épargnants ont choisi en 1999. Il ont choisi entre le passé et l'avenir, entre la nostalgie et le volontarisme.
Je vais développer brièvement, en répondant aux interrogations que M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ont formulées, le contenu du présent projet de budget, en commençant par ce qui l'inspire véritablement, c'est-à-dire une volonté de croissance durable.
Cette croissance durable est aujourd'hui une perspective tout à fait crédible. Je ne reviendrai pas sur nos débats de l'an dernier, où un scepticisme certes courtois mais aigu régnait quand étaient évoquées les perspectives de croissance étayant le projet de budget pour 1999. Je constate qu'à l'excès de pessimisme d'alors - je me tourne vers vous, monsieur le rapporteur général -...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons pas remis en cause vos hypothèses !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oh si !
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'accepte les interruptions lorsqu'elles sont constructives. Mais, en l'occurrence, il suffit de lire le compte rendu des débats publié au Journal officiel voilà un an pour constater que vous regardiez la croissance avec un air narquois.
Je ne veux pas revenir sur 1999, si ce n'est pour dire un mot des recettes fiscales. Les années 1998 à 2000 auront été, et je crois que personne n'en doute, les trois meilleures années de cette fin de siècle.
M. Yves Fréville. Ça, c'est vrai !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La croissance française entre 1997 et 2000 a été plus rapide que sur l'ensemble des sept années antérieures. Pour 2000, nous avons retenu une perspective de croissance, vous l'avez noté, monsieur le rapporteur général, de 2,8 %, qui se situe au centre d'une fourchette de 2,6 % à 3 %, afin de tenir compte des incertitudes qui demeurent et sur lesquelles vous avez porté un jugement lucide. Si nous pensons que l'an prochain nous aurons une bonne croissance, c'est parce que nous partons d'une idée simple : notre croissance ne dépend plus exclusivement de ce qui se passe autour de nous, elle dépend de plus en plus de ce qui se passe chez nous.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certes, l'an prochain, nous aurons, comme c'est le cas actuellement, selon toute probabilité, une bonne progression de nos exportations. Le fait que, malgré une croissance assez forte, nous ayons encore des excédents commerciaux substantiels constitue bien la preuve que notre économie est compétitive et que nos entreprises, malgré le fardeau que vous dénoncez des prélèvements obligatoires, sont dynamiques sur les marchés étrangers comme sur le marché français.
Notre croissance repose sur un socle de demande intérieure solide, qui est fondé sur la consommation des ménages mais pas seulement sur celle-ci.
Puisque vous aimez les citations, et je le comprends fort bien, je citerai ce que dit le Fonds monétaire international dans son dernier rapport sur la France : « Le cercle vertueux confiance-emploi-consommation-croissance semble être au coeur de la meilleure performance relative de la France, comparée à celle de ses principaux partenaires européens. » Le Fonds monétaire international, que je ne prends pas comme un arbitre de nos débats, mais qui d'ordinaire est relativement sévère par rapport aux performances de notre économie, porte sur ce point un diagnostic qui est fondamentalement juste.
D'ailleurs, si l'on se fie aux experts internationaux, la France sera, l'an prochain, en tête de la croissance des grands pays européens et mondiaux. L'an prochain, si l'on en croit le Fonds monétaire international, c'est notre pays qui, parmi les pays du G7, aura la médaille d'or de la croissance...
M. Philippe Marini. rapporteur général. Et la médaille d'or des prélèvements !
M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui, monsieur le président, vous avez raison, ce ne sont que des taquineries !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous complétons l'information de l'assemblée !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je comprends tout à fait que le fait qu'une telle croissance succède à une telle morosité vous fasse un tantinet de peine !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais non !
Mme Hélène Luc. On dirait pourtant que si !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais nous nous réjouissons tous que notre pays ait, l'an prochain, la médaille d'or de la croissance du G7.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Absolument !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'OCDE nous prédit cet avenir enviable pour 2001. Pour la Commission européenne, qui vient de publier ses propres prévisions, nous sommes tout à fait dans le peloton de tête.
Ce matin - pour ne pas commenter l'actualité ! - les comptes trimestriels ont montré une croissance de 1 % pour le seul troisième trimestre, ce qui laisse augurer d'un bon second semestre.
Et il n'est pas exclu, il est même possible, que soit finalement approchée la perspective de 2,7 % de croissance sur laquelle reposait la loi de finances pour 1999. Or, souvenez-vous que cette perspective, nous l'avions arrêtée avant les chocs asiatique, japonais et russe, qui nous ont frappés de plein fouet. Je crois donc que les perspectives de croissance sont bonnes.
Par vos images météorologiques, vous voudriez nous convaincre, monsieur le président de la commission, que ces perspectives de croissance ne sont alimentées que par des vents favorables venant du large, par des alizés qui gonfleraient nos voiles, je constate qu'elles sont aussi alimentées par une politique économique qui les stimule et par le dynamisme de nos entrepreneurs, et je tiens à rendre hommage à ces derniers pour le rôle qu'ils jouent dans l'accroissement des richesses et pour leur responsabilité dans les nombreuses créations d'emplois que j'ai évoquées.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cette politique, pourquoi ne l'avez-vous pas mise en oeuvre en 1992 ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela dit, cette perspective de croissance est confrontée à un certain nombre de risques sur lesquels M. le rapporteur général a eu raison d'insister. Je pense notamment à l'économie américaine, dont chacun admire les performances puisque, par rapport à l'économie française, elle a accumulé depuis vingt ans vingt points de croissance, pour parler comme les spécialistes.
Prenons garde à ne pas oublier l'aléa que constitue l'aggravation du déficit extérieur américain, qui finit par poser question. Nous avons choisi la prudence en retenant une hypothèse de 2,8 % et nous avons ouvert cette fourchette pour tenir compte d'un éventuel ralentissement sensible de l'économie américaine l'an prochain.
Mais, quel que soit le jugement porté sur les Etats-Unis, je voudrais dire que, si la dernière décennie de ce siècle a été une décennie américaine, j'ai la volonté - unanimement partagée ici, me semble-t-il - que la prochaine décennie voie le réveil du Vieux Continent, le réveil de l'Europe.
Je ne m'attarderai pas sur la situation du Japon, qui est effectivement source d'incertitudes, car la sortie de la déflation de cette grande économie n'est pas complètement assurée. Quoi qu'il en soit, en dépit des aléas extérieurs, nous pouvons être confiants pour l'an prochain.
L'économie est cyclique, me direz-vous. Nous devons, me semble-t-il, profiter de cette période de croissance, croissance qui ne doit pas seulement aux éléments extérieurs, mais aussi à la volonté des entrepreneurs, des consommateurs, des épargnants français et probablement aussi un peu au Gouvernement, pour conforter nos chances de la prolonger.
Certes, il est difficile d'extrapoler à partir d'une courte période. Toutefois, grâce à l'existence de l'euro et, au-delà, de l'euro 11, c'est-à-dire de la réunion des ministres des finances des onze pays de la zone euro, grâce à la Banque centrale européenne, nous allons renforcer notre capacité à coordonner les politiques économiques européennes dans le domaine budgétaire comme dans le domaine monétaire, ce qui devrait soutenir la croissance.
Il est très important de continuer à jouer à la fois sur des taux d'intérêt au plus bas niveau possible et sur une gestion très rigoureuse des finances publiques en persévérant dans la voie de la réduction de l'endettement des administrations publiques.
Il ne suffit pas d'avoir une bonne politique macroéconomique en France ni même en Europe. Nous devons aussi relever les capacités de croissance de notre pays, ce que les économistes appellent le potentiel de croissance. Sur ce point, je voudrais souligner deux réformes structurelles que le Gouvernement et la majorité entendent conduire en priorité.
La première réforme concerne les nouvelles technologies. Souvenez-vous, en 1997, alors que le Minitel régnait encore en maître, M. le Premier ministre - et je pense que M. Dominique Strauss-Kahn a participé à ce nouvel élan - a annoncé son intention de faire entrer avec détermination la France dans l'âge des nouvelles technologies, ce que l'on appelle « la révolution numérique ».
Si nous avions pris beaucoup de retard, notamment par rapport aux Etats-Unis, l'action entreprise par le Gouvernement, le dynamisme des entreprises, l'appétence des consommateurs pour ces nouvelles technologies nous permettent, me semble-t-il, de surmonter progressivement ce handicap.
Je présenterai au premier semestre de l'an prochain un projet de loi sur la société de l'information pour donner à cette nouvelle dynamique des règles et en conforter la croissance.
La seconde réforme concerne l'emploi. Vous-mêmes, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, avez convenu qu'une croissance forte et durable ne suffira pas pour revenir au plein emploi.
Deux actions complémentaires sont tout à fait essentielles.
Il faut d'abord accompagner le retour à l'emploi de ceux qui ont été exclus du marché du travail. Croyez bien que ce sera une dimension importante de la réforme des prélèvements directs, taxe d'habitation et impôts sur le revenu, que le Gouvernement va mettre en chantier l'an prochain pour que sa trace soit imprimée dans les budgets pour 2001 et 2002.
Outre ce premier effort de caractère tout à fait essentiel, il faut aussi doter nos entreprises, notre économie de toute la main-d'oeuvre qualifiée dont elle a besoin. Pour ce faire, nous devons renforcer l'effort de formation initiale et de formation continue.
Voilà des champs d'actions structurelles tout à fait essentiels sur les nouvelles technologies et sur l'emploi.
Puisque l'objet de ce débat est bien le budget et pas uniquement l'économie générale, je tiens à vous dire qu'une sérieuse politique des finances publiques contribue à une croissance durable.
De ce point de vue, permettez-moi de vous présenter rapidement ce que je pourrais appeler le « triangle d'or » de la politique des finances publiques, en rappelant que vous avez lancé l'un et l'autre un appel pour que l'on débatte non seulement du budget de l'Etat, mais aussi du budget de la sécurité sociale.
Pour ce faire, nous avons deux occasions que nous pourrions utiliser mieux à l'avenir que par le passé.
D'abord, le programme à moyen terme des finances publiques que le Gouvernement doit adresser à nos partenaires européens au début de l'année et dont nous avons débattu l'an dernier en commission des finances.
Ensuite, le débat d'orientation budgétaire, qui nous réunit au printemps et qui pourrait d'autant plus être élargi au-delà du seul budget de l'Etat que les documents et éléments que le Gouvernement vous fournit à cette occasion couvrent l'ensemble du champ.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Rendez-vous est pris !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quels sont les trois côtés du « triangle d'or » des finances publiques ?
La base du triangle, c'est l'évolution maîtrisée des dépenses publiques, car, contrairement à ce que vous avez dit l'un et l'autre, nous suivons bel et bien une politique de maîtrise de la dépense de l'Etat.
Comparons l'évolution de la dépense de l'Etat en francs constants de 1997 à 2000, 0,3 % par an, à ce qu'elle était entre 1993 et 1997 - références que je prends un peu au hasard (Sourires) à savoir 1,6 ou 1,7 % par an.
Puisque vous voulez donner au Gouvernement des leçons de vertu, ce qui est votre droit le plus strict, ...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non, pas de leçons de vertu !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... je voudrais vous inciter à dépasser les comparaisons dans l'espace, auxquelles le rapporteur général vous invite, pour faire aussi des comparaisons dans le temps.
Nous voulons que l'évolution des dépenses de l'Etat soit maîtrisée et prévisible. Nous avons conscience que la fixation d'une norme en matière de dépenses de l'Etat, indépendamment de la conjoncture, permet de mieux organiser la dépense publique à court et à moyen terme, tout en stabilisant la conjoncture si d'éventuelles difficultés surviennent.
Le deuxième côté du triangle, c'est la baisse des impôts. Quelles que soient les contorsions auxquelles vous vous livrez dans la présentation, il est indéniable que le budget qui vous est soumis comporte 40 milliards de francs de baisse d'impôts. L'Assemblée nationale nous a aidés à en faire un peu plus, mais c'est, bien évidemment, la majorité de l'Assemblée nationale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les Français n'en voient guère la traduction !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et ils savent ce qu'ils paient !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je serai plus explicite dans un instant.
Je crois que cette baisse d'impôts de 40 milliards de francs est bonne pour l'économie et pour l'emploi. Puisque vous vous souciez de l'avis de nos compatriotes, ils se rendent bien compte que la TVA sur les travaux d'entretien du logement, par exemple, diminue.
Troisième et dernier côté de ce triangle d'or des finances publiques, la réduction du poids de l'endettement public.
Je l'ai dit en introduction : pour la première fois depuis vingt ans, le ratio de la dette publique rapportée à la production nationale va baisser l'an prochain. J'ai eu l'occasion de feuilleter dans la presse le compte rendu d'une étude que le Sénat a commandée à l'Office français des conjonctures économiques. Dans ce document, un très beau graphique montre qu'en pourcentage du produit intérieur brut la dette publique plafonne, en 1999, pour diminuer ensuite. Les meilleurs experts que vous convoquez pour servir votre cause, qui est une noble cause,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. La cause de la France !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... reconnaissent ainsi très clairement que la dette publique va indéniablement diminuer.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous empruntez néanmoins pour le fonctionnement !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi la dette publique diminue-t-elle ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle ne diminue pas assez !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout simplement parce que les déficits publics diminuent.
M. Marini nous incite fort justement à nous livrer à des comparaisons internationales. Or, si nous comparons la baisse des déficits publics de l'ensemble des administrations entre 1997 et 2000, le chiffre est, pour la France, de 1,7 point de produit intérieur brut.
C'est la baisse la plus rapide de tous les pays de l'Union européenne. Certes, le déficit initial était assez élevé, mais n'attendez pas que je plaide coupable pour les chiffres de juin 1997 !
Je crois donc que nous allons très nettement dans la bonne direction. Notre politique forme un tout : il est clair que la maîtrise de la dépense publique et la stratégie de désendettement alimentent notre capacité à faire baisser les impôts des Français.
A ce stade, je ferai justice d'une querelle, évidemment courtoise, qui nous oppose sur les plus-values des recettes pour 1999.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. le rapporteur général, qui est un prince de l'extrapolation (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants),...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est que de l'arithmétique simple !
Mme Hélène Luc. Reconnaissez que l'image est belle !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'arithmétique vous envoie parfois dans le décor !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le juge de paix tranchera !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. le rapporteur général, qui a donc poursuivi les courbes de recettes jusqu'à la fin du mois de juillet, a estimé que, si les choses continuent de la sorte, il y aura des plus-values de recettes de 30 à 40 milliards de francs.
J'aimerais que vous ayez raison, monsieur le rapporteur général, mais, malheureusement, mon caractère prudent et réaliste, par rapport à votre tempérament impétueux et romantique...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne vous engagez pas trop !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... en matière de recettes fiscales, me conduit à être beaucoup plus circonspect.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous verrons bien !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans le collectif que je vous soumettrai bientôt et que M. le président de la commission a évoqué, nous tablons sur un surplus de recettes de 13 milliards de francs en 1999,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sera bien au-delà !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... essentiellement au titre de l'impôt sur le bénéfice des sociétés et, pour une moindre part, au titre de l'impôt sur le revenu, la TVA subissant toutefois le fait que la hausse des prix prévue à hauteur de 1,3 % dans la loi de finances pour 1999 ne sera plus que de 0,5 % ou de 0,6 %. Or, chacun comprendra que, si le chiffre d'affaires du pays croît en valeur un peu moins vite que prévu, les recettes de TVA, elles aussi, progressent un peu moins vite que prévu.
Nous aurons l'occasion d'en débattre ; je n'entrerai pas dans une querelle technique à propos des phénomènes calendaires, car cela lasserait la Haute Assemblée. Quoi qu'il en soit, il est vrai que l'administration fiscale a été plus performante et qu'un certain nombre de contribuables ont acquitté leur impôt sur le revenu au mois de septembre alors qu'ils le faisaient habituellement au mois d'octobre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas plus cette année que les autres années !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De plus, vous savez bien qu'au mois de décembre les entreprises paient un acompte, qu'elles ont la possibilité de moduler.
Voilà pourquoi, par rapport à l'optimisme exacerbé de votre rapporteur général, je conserve une attitude de prudence et de sagesse.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi ne baissez-vous pas les impôts ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ces baisses d'impôt, parlons-en !
Certaines d'entre elles, chacun de vous le sait, ont été décidées l'an dernier - peut-être pas toujours par vous - dans le cadre de la loi de finances.
Il en est ainsi, par exemple, de la suppression progressive de la taxe professionnelle, qui, l'an prochain, va toucher un million d'établissements, c'est-à-dire près de 90 % des contribuables, et qui va se poursuivre. On peut en attendre, à terme, une création d'emplois estimée par les professionnels entre 18 000 et 25 000.
De même, nous avions demandé, pour entrer dans l'euro, une contribution temporaire aux grandes entreprises. Celles qui réalisent moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, qui créent le plus d'emplois et qui ont souvent une situation financière plus difficile, n'étaient pas visées et nous avions promis que, pour les autres, cette contribution serait temporaire, comme d'ailleurs celle de 1995. Nous tenons notre engagement : nous la supprimons.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ils vont passer à la caisse autrement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous recréez cette contribution à côté !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur général, je sens que vous êtes impatient de dialoguer, et je vous réponds très volontiers : ce qui est créé à côté, c'est une contribution sociale sur les bénéfices...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Voilà !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... qui, avec la taxe générale sur les activités polluantes - dont vous avez parlé, monsieur Lambert - sert à financer des baisses de cotisations sociales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais la contribution sera payée par les mêmes !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certaines entreprises, vous le verrez en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, acquitteront moins de cotisations sociales : il s'agit de celles qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre et qui signent des accords de réduction du temps de travail ; d'autres, en revanche, paieront un tout petit peu plus : il s'agit de celles qui font des bénéfices particulièrement importants et de celles qui ont des activités quelque peu polluantes. Mais c'est un jeu à somme nulle et il est trop facile de citer les impôts que l'on augmente sans citer les cotisations que l'on baisse en contrepartie.
M. Roland du Luart. La somme est nulle en masse !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, la somme est nulle en masse, monsieur du Luart.
Nous avons également pris trois mesures fiscales en faveur du logement.
La baisse de 20,6 % à 5,5 % de la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements représente près de 20 milliards de francs. Cette demande émanait, à l'origine, du groupe socialiste, mais le président de votre commission des finances, alors qu'il était rapporteur général, avait plaidé en ce sens, et je me souviens aussi, monsieur Marini, que vous aviez vous aussi souhaité que cette baisse intervienne. Le voeu était donc unanime, non seulement à l'Assemblée nationale mais aussi au Sénat.
Ce voeu, pour être concrétisé, supposait une négociation européenne difficile. Dominique Strauss-Kahn a réussi cette négociation et, aujourd'hui, le voeu est devenu réalité. Chaque année, dix millions de familles pourront bénéficier de cette mesure, tandis que 263 000 entreprises et 1 130 000 salariés vont trouver une activité supplémentaire grâce à elle.
A ce sujet, certains ont craint que les artisans ne mettent une partie de la baisse dans leur poche, pour parler familièrement. Mon ministère a procédé à une enquête sur ce point et le résultat est clair : 92 % des artisans enquêtés - et l'enquête a été faite très sérieusement - ont répercuté la baisse de la TVA. Par conséquent, je crois que les professionnels ont joué le jeu. Le Gouvernement leur a fait confiance, et je crois que les consommateurs, eux aussi, peuvent leur faire confiance.
Une deuxième mesure a été prise sur proposition du ministre de l'équipement, des transports et du logement, M. Gayssot, avec la suppression en deux ans du droit de bail pour les locataires. Cet impôt vieillot, peut-être sympathique, remontait au xviiie siècle et frappait d'une taxe de 2,5 % tous les loyers. Or, dès le 1er janvier prochain, les locataires qui paient un loyer de moins de 3 000 francs par mois - soit 90 % des locataires et 95 % des occupants de logements sociaux - paieront 2,5 % de moins. Je crois que c'est une bonne nouvelle pour la solidarité, pour le pouvoir d'achat et, indirectement, pour l'emploi.
Dernière mesure, nous avons baissé les droits de mutation, ce que l'on appelle familièrement les frais de notaire. Nous avons ainsi aligné les frais payés par les particuliers sur ceux qui sont payés par les entreprises. Il y a là un levier qui peut permettre à de jeunes ménages d'accéder à la propriété.
Par ailleurs, d'autres baisses d'impôt vont intervenir, même si vous nous reprochez d'avoir peu d'imagination en la matière.
Pour les entreprises nouvelles, nous avons supprimé l'impôt payé au moment de la création de l'entreprise, impôt injuste puisque l'entreprise n'avait pas encore fonctionné. Par ailleurs, nous avons abaissé les droits de mutation sur les fonds de commerce de 12 % à 4,8 %. Vous le voyez, le Gouvernement est capable de se porter au-devant des non-salariés !
Nous avons aussi supprimé l'imposition forfaitaire de 5 000 francs pour 180 000 petites entreprises réalisant moins de 500 000 francs de chiffre d'affaires.
Et je passerai rapidement, pour ne pas lasser votre attention, sur la fiscalité écologique et sur le fait que nous poursuivons l'effort de relèvement, 7 centimes par 7 centimes, du prix du gazole pour réduire peu à peu, en sept ans, l'écart entre ce carburant et le super sans plomb, afin de le ramener à l'écart européen. Je souligne d'ailleurs au passage que, pour la deuxième année, la fiscalité sur le super sans plomb ne change pas : puisque vous aimez les comparaisons, monsieur le rapporteur général, sachez que nous sommes l'un des rares pays de l'Union européenne à ne pas recourir à la facilité de la fiscalité pétrolière.
J'en terminerai avec les impôts en répondant à M. Marini, qui nous a parlé de mesures fiscales importantes.
J'ai eu l'occasion, monsieur le rapporteur général, de feuilleter rapidement votre excellent rapport. J'y ai vu des mesures comme la baisse de la TVA sur les pompes funèbres, l'assouplissement du régime des tontines, l'abaissement des taux des plus-values de cession de 16 % à 15 %. L'inspiration est tout à fait claire, mais je ne sais pas si vous arriverez à 40 milliards de francs avec ce genre de mesures !
Le débat que nous aurons ensemble éclairera les mesures importantes que le Gouvernement a prises dans le budget pour 2000. Nous aurons aussi l'occasion d'évoquer, dans la perspective du budget pour 2001, nos réflexions en matière d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation - impôts qui pèsent sur nos compatriotes, y compris les plus modestes - en vue d'accroître la justice fiscale et de développer l'emploi.
Vous vous êtes inquiété, monsieur le rapporteur général, à propos de l'impôt de solidarité sur la fortune. Je veux vous rassurer : les recettes de 1999 vont progresser de 10 %. Cet impôt n'est donc pas encore aussi décadent que vous le souhaitiez.
Je voudrais maintenant dire un mot très rapide des dépenses pour souligner que, derrière la stabilité des dépenses en volume qui vous est proposée pour 2000, il y a une profonde réforme de structure : nous réorientons la dépense publique, monsieur le président de la commission des finances, car nous avons la volonté de dépenser mieux. Nous n'avons pas la volonté farouche d'amoindrir le service public en dépensant moins, mais nous voulons dépenser mieux, c'est vrai, c'est-à-dire consacrer plus d'argent à l'emploi et à la solidarité, car c'est, je le crois, un bon investissement économique et social pour l'avenir.
C'est ainsi que le budget de l'emploi et de la solidarité était, en 1997, inférieur à la charge de la dette, mais aussi au budget de la défense. Dans le projet de budget qui vous est soumis - je crois que c'est significatif - il devient le deuxième budget de l'Etat, derrière le budget de l'éducation nationale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas rassurant !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela ne vous rassure pas ? Moi, je trouve que c'est un pari sur l'éducation, sur la formation, sur l'emploi et sur la solidarité, et je crois que l'Etat a une responsabilité en la matière. Peut-être la niez-vous, mais nous ne sommes pas, de ce point de vue, du même côté.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous consacrons davantage, pour notre part, à l'emploi et à la solidarité.
Allez-vous remettre en cause, dans vos propositions budgétaires, la couverture maladie universelle ?
M. Roland du Luart. Elle n'est pas financée !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est une question intéressante à poser ! Nous, nous considérons que c'est une réforme majeure.
Allez-vous remettre en cause les crédits supplémentaires que nous consacrons à la politique de la ville, alors que vous dénoncez fréquemment, et à juste titre, les incidents qui ont lieu ici ou là ?
Allez-vous dénoncer les crédits supplémentaires que nous accordons à la justice, à la protection judiciaire de la jeunesse, par exemple ?
Refusez-vous de majorer les crédits de la sécurité ? Le Gouvernement, lui, a fait de la sécurité une de ses priorités, ce qui se traduit par un accroissement des capacités d'investissement de la police de 38 % l'an prochain, en vue notamment d'améliorer, de rénover et de construire des commissariats de police dans les zones difficiles.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela représente combien en valeur ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le taux de la délinquance augmente aussi !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quant au budget de la défense, je vous garantis d'ores et déjà qu'il est parfaitement compatible avec les deux objectifs fondamentaux que sont la professionnalisation et les grands programmes d'équipement.
M. Xavier de Villepin. Il est en baisse !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par ailleurs, augmenter les crédits de la culture et de l'audiovisuel public ou les crédits consacrés à l'environnement et à l'aménagement du territoire, c'est faire autant d'investissements d'avenir.
En matière de dépenses, je terminerai par l'importante question qu'a posée le président de la commission des finances à propos des dépenses d'équipement.
Je ne peux m'empêcher de rappeler qu'entre 1993 et 1997 les dépenses d'équipement ont baissé de 20 %, alors que, toutes sources de financement public confondues, les crédits d'équipement sont repartis à partir de 1997,...
M. Jacques Oudin. Grâce aux collectivités locales, pas grâce à vous !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et je suis prêt à vous en donner la preuve, monsieur Oudin ! Ainsi, en matière de contrats de plan Etat-régions, le Gouvernement a pris une décision généreuse en ajoutant à la première enveloppe de 95 milliards de francs sur la période 2000-2006 une deuxième enveloppe de 25 milliards de francs. Ce sont donc 120 milliards de francs que l'Etat va consacrer à l'équipement du pays entre 2000 et 2006, soit une somme sans commune mesure avec ce qui avait été affecté antérieurement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La période est plus longue !
M. Jean Delaneau. Cinq ans !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par ailleurs, au lieu d'être concentrés dans une très forte proportion sur un équipement routier qui confinait parfois à la route vicinale,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ces contrats de plan vont porter sur des dépenses prioritaires dans les domaines de l'éducation ou de la formation, ou encore sur la politique de la ville.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On voit que vous ne circulez pas, monsieur le ministre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut sortir de Paris !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il y a des régions où vous n'êtes pas venu depuis longtemps !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je connais une région qui vous est sympathique et où les embarras de circulation ne sont pas aussi élevés que vous semblez le dire !
M. Jean Delaneau. Venez à Tours !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Venez dans l'Oise, monsieur le ministre !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au-delà du débat local, je veux simplement vous dire qu'en matière d'investissements l'ampleur des crédits inscrits dans les prochains contrats de plan Etat-régions montre bien que nous avons le souci d'équiper le pays dans le domaine routier, dans le domaine ferroviaire, dans le domaine urbain, dans le domaine de l'éducation et de la recherche.
Enfin, je devrais vous montrer que, en matière de gestion des finances publiques, nous faisons des efforts tout à fait importants. Comme ni M. le président de la commission des finances ni M. le rapporteur général n'y ont consacré trop de temps, trouvant peut-être que le Gouvernement ne réalisait pas suffisamment d'efforts, je souhaitais en dire quelques mots.
M. Alain Lambert président de la commission des finances. Vous pouvez faire mieux, c'est cela ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous faisons sans doute mieux qu'avant, mais nous pouvons certainement faire mieux encore, je vous l'accorde.
Ces dépenses supplémentaires dont j'ai parlé pour les budgets prioritaires sont financées intégralement par des redéploiements. Il y a là une démarche pratique, qui correspond d'ailleurs à la théorie que M. le président de la commission et M. le rapporteur général ont développée : dans chaque projet de budget, les dépenses ont été échenillées en fonction d'objectifs à atteindre, et nous avons adopté une démarche nouvelle pour un tiers des projets de budget, ne nous contentant pas d'aligner des moyens, mais annonçant des résultats à atteindre. Il s'agit là, à mon avis, d'une optique tout à fait intéressante. C'est le passage d'une culture de moyens à une culture de résultats : nous partons du service public, de la qualité et de l'ampleur que nous souhaitons lui donner, pour calculer ensuite au plus juste les moyens correspondants. Cela me semble important.
Cette démarche a aussi une dimension pluriannuelle, et le ministère dont j'ai maintenant la responsabilité, après Dominique Strauss-Kahn, a innové dans ce domaine. Ainsi, des contrats sur trois ans sont élaborés pour la direction générale des impôts et pour la direction des relations économiques extérieures : des objectifs en matière de gains d'efficacité à obtenir sont quantifiés et, en échange, une bien plus grande liberté de gestion est accordée aux responsables de ces deux belles administrations. Mais vous verrez aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, en examinant le projet de budget du ministère de l'intérieur, que nous avons proposé pour quatre préfectures une globalisation des crédits. Les préfets concernés, que j'ai rencontrés, en sont tout à fait satisfaits.
Voilà quelques-unes des réformes que nous avons engagées. Peut-être ne sont-elles pas spectaculaires, mais je pense que nous révisons en profondeur la structure et la gestion des dépenses de l'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'intime conviction - l'élan de la croissance et la qualité des réformes de structures qui sont menées le confirment - que le projet de budget pour 2000 vise à rendre notre pays plus fort, plus juste, et qu'il s'inscrit pleinement dans la perspective que le Premier ministre a fixée, c'est-à-dire le retour au plein emploi à la fin de la prochaine décennie. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) .

(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet

au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 117 minutes ;
Groupe socialiste, 96 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 67 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 60 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 35 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 27 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 13 minutes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous apporter une précision.
Craignant que ma mémoire ne me trompe, j'ai repris le procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998, page 4620 du Journal officiel. Je citerai deux phrases de l'intervention que je faisais l'année dernière dans les mêmes circonstances : « Or, nous observons que le cadrage macro-économique que nous soumet le Gouvernement est un cadrage volontariste - cela ne nous déplaît pas nécessairement - mais qu'il a été fixé à la fin du premier semestre de 1998, avant qu'interviennent ou se précisent certains aléas extérieurs. »
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. CQFD !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Plus loin, je poursuivais : « Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la majorité sénatoriale ne remet pas en cause le cadrage macro-économique que vous proposez. Ce cadrage est volontariste, et nous le prenons comme tel. »
Monsieur le ministre, nous n'avons pas remis en cause, l'année dernière, vos hypothèses économiques. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous ferai, moi aussi, de belles citations.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours périlleux d'intervenir dans la discussion budgétaire immédiatement après le rapporteur général, le président de la commission des finances.
M. Emmanuel Hamel. Et le ministre !
M. Roland du Luart. Bien sûr !
La précision, la pertinence et la pugnacité de leurs propos conjugués ne laissent souvent à leurs successeurs que le choix entre la répétition et la paraphrase.
Mais la pédagogie ne va pas sans insistance, non plus que la persuasion sans explication.
C'est pourquoi je souhaite présenter, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, les principales observations que lui inspire le projet de loi de finances soumis à l'examen du Sénat.
L'euphorie d'une croissance retrouvée et, semble-t-il, solide pour les semestres à venir a pour effet, habituel mais malencontreux, d'occulter les problèmes de fond de l'économie française, que ce soit en matière budgétaire ou fiscale. Ainsi, le Gouvernement n'a pas voulu tirer les conséquences de l'expérience budgétaire de M. Michel Rocard et il est en train d'en répéter exactement les erreurs les plus coûteuses.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Roland du Luart. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et permettent de répondre aux trois questions essentielles : les problèmes budgétaires de fond sont-ils en voie d'être réglés ? La politique budgétaire suivie nous permet-elle d'affronter un retournement de conjoncture ? Les effets à terme des mesures prises depuis trois ans ont-ils été correctement appréciés ? Je m'efforcerai de répondre brièvement à cela.
Tout d'abord, il n'y a pratiquement pas de réduction sensible du déficit structurel : les trois années de gestion de la majorité plurielle - 1998, 1999 et 2000 - se traduisent par une baisse de 0,5 point de PIB seulement de ce déficit structurel, alors que cette baisse avait atteint 2 points - quatre fois plus d'efforts ! - pour les trois années 1994, 1995 et 1996. Cela a d'ailleurs été reconnu ici-même par M. le ministre lors du débat d'orientation budgétaire.
Par ailleurs, et en supposant que la croissance se poursuive sans accrocs jusqu'en 2004, le déficit public, exprimé en termes de besoin de financement des administrations, sera à cette date du même ordre de grandeur que celui que connaissait la France avant le ralentissement conjoncturel qui a culminé en 1993. C'est l'enseignement que nous livre la projection macroéconomique commandée par la délégation pour la planification, sur laquelle reviendra sans doute mon collègue Joël Bourdin.
Enfin, et avant même de tenir compte des déformations structurelles liées au financement des retraites, des flux considérables de dépenses nouvelles ont été lancées depuis trois ans, qu'il s'agisse des 35 heures, des emplois-jeunes ou des effectifs et des rémunérations de la fonction publique, dépenses nouvelles qui produiront à plein leurs effets dans quelques années.
Ainsi, à moyen terme, nous pourrions être de nouveau à 3 % de déficit : 1,5 % de déficit budgétaire et 1,5 % de besoin de financement public lié au problème des retraites.
Au total, non seulement la France demeure l'un des plus mauvais élèves de l'Europe des Quinze sur le plan budgétaire - le journal Les Echos plaçait ce matin notre pays à l'avant-dernière place - mais les conditions d'une crise budgétaire dans les années à venir sont, à mon avis, réunies : pas d'action résolue sur le déficit structurel, diminution insuffisante du déficit global pour nous mettre à l'abri d'un retournement conjoncturel et facilité financière au niveau des mesures nouvelles.
Dans ces conditions, nul satisfecit n'est à délivrer aux gestionnaires en place. On demeure par ailleurs confondu devant les commentaires apportés au projet de budget pour l'an 2000 : alors que les problèmes sont, à mon sens, devant nous, les discussions sur l'utilisation des plus-values fiscales occupent le devant de la scène, à tel point qu'un sondage montrerait sûrement qu'une majorité de nos compatriotes estiment que nous sommes en situation d'excédent budgétaire permettant toutes les largesses.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est vrai !
M. Roland du Luart. En disant cela, mes chers collègues, je ne souhaite ni provoquer, ni pontifier, ni persifler, cela s'entend. Mais je tiens le pari. A titre d'exemple de notre inculture économique collective, déjà dénoncée par François Furet, parmi d'autres, je lis dans un sondage publié avant-hier que seul un Français sur quatre sait que, dans le système actuel, toutes les cotisations versées par les actifs sont utilisées pour payer les retraites actuelles. Bref, trois Français sur quatre semblent imaginer que leurs cotisations sont « mises de côté » pour payer leurs retraites à venir.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !
M. Roland du Luart. Il y a là, mes chers collègues, un défi redoutable à relever par les parlementaires et par tous les gouvernements, actuel et à venir : élever le niveau des connaissances économiques de base de tous nos compatriotes en leur offrant des débats clairs et courageux.
Les discours catastrophes sur l'Europe, sur la mondialisation, sur les multinationales, trouvent ainsi en France un terreau idéal, celui de l'inculture économique. Le ministre des finances l'a très bien démontré pour l'OMC. Je n'en veux personnellement pour preuve que les commentaires déplacés qui ont été commis après l'annonce du plan social triennal de Michelin. Il y a là aussi une exception française dont nous n'avons nul lieu d'être fiers, car elle nous conduit à affronter l'avenir à reculons.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Roland du Luart. Trois exemples sur les entreprises illustreront mon propos.
Tout d'abord, s'agissant de Michelin, dont la commission des finances a auditionné le président, la semaine dernière, aucun commentateur n'a relevé que cette entreprise n'a procédé, sur les vingt dernières années, qu'à 186 licenciements par désignation sur 25 000 suppressions de postes, ni que sa productivité sur le continent européen est inférieure de 15 % à 20 % à celle de ses grands concurrents, ni même qu'elle a longtemps soutenu l'usine Wolber implantée à Soissons en rachetant sa production au-dessus de son prix de revient pour la revendre à perte.
Je cesse mon énumération pour souligner le comportement singulier du Gouvernement et de sa majorité qui « surfent » sur un mécontentement populaire entretenu à dessein et annoncent qu'il faudra supprimer les aides publiques en cas de compression des effectifs d'entreprises bénéficiaires, alors même que ce raisonnement est globalement fallacieux et que des financements importants sont débloqués pour aider Peugeot et Renault à repyramider leurs effectifs. Comprenne qui pourra !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah oui !
M. Roland du Luart. J'en viens à mon deuxième exemple concernant les entreprises : si l'on prend en compte l'ensemble des placements d'actions sur le marché primaire en France en 1999, on s'aperçoit que 20 % seulement des titres placés à Paris, cette année, ont été achetés par des investisseurs résidents, contre 30 % par des Américains, 20 % par des Anglais et 30 % par des investisseurs du reste du monde. Même si le placement en actions est devenu une activité largement mondialisée, on ne peut qu'être perplexe devant la faible place des investisseurs nationaux.
Mais ce phénomène s'explique : nous payons le prix fort d'une surtaxation de l'épargne à risques, d'une absence de fonds de pension et d'une attitude rétrograde à l'égard des entreprises privées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
M. Roland du Luart. Nous préparons ainsi les conditions d'un appauvrissement à terme de notre pays, et il me semble pour le moins paradoxal que les efforts considérables de productivité consentis par nos ouvriers et par nos cadres aillent à 80 % rémunérer cette année des actionnaires étrangers. Cela aussi, il faudrait l'expliquer clairement à nos compatriotes.
Le troisième et dernier exemple concernant les entreprises s'inscrit dans le prolongement immédiat du précédent.
Prenons quatre grandes entreprises, privatisées depuis peu, à savoir le Crédit local de France, Pechiney, la Seita et Aérospatiale. Regardons quelle sera demain leur nationalité juridique : belge, canadienne, espagnole et néerlandaise.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Intéressant !
M. Roland du Luart. Là encore, je me garderai de tout chauvinisme primaire. Mais nous devrions, mes chers collègues, nous interroger plus en profondeur sur l'avenir de nos grandes entreprises au regard de notre fiscalité et de notre droit social.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Roland du Luart. Cette liste pourrait être plus large encore si les présidents français de grandes entreprises mondiales, ceux que nous auditionnons en commission des finances, ne consacraient tous leurs efforts à maintenir leur siège social sur le sol national. Songeons, par exemple, à la fusion Rhône-Poulenc-Hoechst : je me réjouis que le siège social d'Aventis soit à Strasbourg ; mais la majorité du capital finalement détenue par nos partenaires allemands rend-elle cette situation durable ? Je forme en tout cas des voeux pour qu'il en aille ainsi longtemps.
L'avenir de notre pays est pourtant lié à celui de nos entreprises. C'est l'inventivité, le courage et le dynamisme de nos ouvriers, techniciens, cadres et patrons qui constituent notre richesse, notre matière première renouvelable. Et c'est pourquoi nous devons nous attacher à promouvoir, selon des modalités propres à notre génie national, ce que l'ambassadeur américain Félix Rohatyn appelle le « capitalisme populaire », comme aux Etats-Unis, dont les systèmes de retraite des fonctionnaires possèdent 7 000 milliards de dollars d'actions, et où 80 millions d'Américains détiennent des titres financiers.
Un seul exemple de ce « capitalisme populaire » est la société de transports rapides UPS, qui vient d'être introduite en bourse aux Etats-Unis. Cette société, qui emploie 300 000 personnes et compte 60 000 employés participant au capital, a vu, depuis sa création, 30 000 de ses employés devenir millionnaires en dollars, alors qu'ils avaient commencé, pour la plupart, comme chauffeurs de camion.
Bien sûr, la situation des Etats-Unis n'est pas idyllique, mais il convient d'examiner lucidement les causes de leur succès, et d'en tirer des leçons pour la France.
Première leçon : la fiscalité doit s'attacher à favoriser la création et le financement des entreprises. Depuis trois ans, des atermoiements continuels ne nous permettent pas de disposer convenablement des deux outils qui ont fait leurs preuves : les stock-options et les fonds de pension.
La fiscalité de l'épargne à risques a été alourdie, la fiscalité des entreprises rendue instable, toujours plus complexe et pénalisante pour les groupes en situation de concurrence internationale.
L'harmonisation européenne, c'est inquiétant, fait du sur-place, ce qui pourrait compromettre la stabilité, voire, hélas ! la pérennité de l'euro. Nous devrions donc nous attacher résolument à créer une convergence fiscale européenne, comme nous l'avons fait en matière budgétaire et monétaire.
Deuxième leçon : même en préservant une nécessaire spécificité nationale, le succès économique appelle, et le droit communautaire exige, une libéralisation adaptée de toutes les activités en réseau, qu'il s'agisse des transports, de l'énergie ou des télécommunications. La lenteur et la pusillanimité dont la France fait étalage m'inquiètent vivement quand j'observe les exemples européens. Malgré les travaux de nos collègues Revol et Larcher, pour ne prendre que deux exemples, nous nous plaçons délibérément dans une position difficile, génératrice d'ajustements douloureux pour EDF, La Poste ou la SNCF.
Troisième leçon : la résorption quasi miraculeuse du chômage, qu'on nous annonce pour dans 10 ans environ, n'ira pas de soi. La projection à l'horizon 2004, réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques pour le compte de la délégation pour la planification, indique clairement que, en 2004, après cinq années de forte croissance, le chômage sera encore à son niveau structurel, soit de l'ordre de 9 %.
Nous avons donc à consentir des efforts importants pour rendre la croissance plus créatrice d'emplois, à moins que ce ne soit un mal français lié à nos rigidités, car, avec des mesures proprement françaises, nous enregistrons un taux de chômage qui est du double de celui des pays anglo-saxons. Et je m'interroge sur les raisons.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Roland du Luart. La mise en oeuvre des 35 heures, et plus particulièrement son financement, ira à l'encontre du but recherché. Et ce n'est un secret pour personne que les grands cabinets d'audit internationaux considèrent cette mesure comme un facteur négatif à prendre en considération pour toute décision d'investissement en France ». Je cite Merril Lynch, dans son bulletin du 1er juillet 1999.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez de bonne lectures !
M. Roland du Luart. Au total, et pour conclure mon propos, le projet soumis à notre examen est loin d'emporter la conviction. C'est un budget sans ambition, qui ne s'attaque pas aux trois difficultés majeures : la maîtrise des dépenses, la résorption du déficit et la décrue des prélèvements obligatoires. M. Marini, rapporteur général et M. Lambert, président de la commission des finances, l'ont excellemment démontré.
La croissance que nous enregistrons est une croissance nourrie du dynamisme de nos partenaires, du rattrapage des années quatre-vingt dix consacrées à la préparation de la France à l'euro et de la situation monétaire rendue possible par l'avènement de la monnaie unique. Prétendre qu'elle trouve ses racines dans une politique nationale avisée, c'est commettre une erreur d'analyse que je juge grave.
Cette croissance retrouvée aurait dû se traduire par une politique budgétaire et fiscale ambitieuse. Ce n'est pas le cas. Je ne puis que le regretter pour mon pays et pour mes compatriote. Bien entendu, vous l'aurez compris, le groue des Républicains et Indépendants ne pourra voter ce projet de budget en l'état. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE. - M. le président de la commission et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget pour l'an 2000 permettra-t-il de dépenser mieux pour prélever moins ? J'en doute sincèrement et vous-même, monsieur le ministre, n'en êtes pas si sûr. En effet, la véritable question que Bercy se pose, en cette fin d'année 1999, est plutôt de savoir comment continuer à dépenser tout en réduisant un petit peu le déficit et surout en donnant beaucoup l'illusion de moins prélever.
Le Gouvernement dit qu'il va réduire les prélèvements obligatoires, alors qu'ils atteignent un record historique. Il annonce que les impôts vont baisser, alors que l'impôt sur le revenu augmente, l'impôt sur les sociétés augmente, tous les impôts augmentent, d'au moins 33 milliards de francs au total.
Bref, ce budget de la France est celui en Europe, où les impôts diminuent le moins et où la maîtrise des dépenses est la moins assurée. N'étant pas stabilisées, ces dernières, en fait, n'augmentent pas de 0,9 %, ainsi que vous l'affirmez, mais de près de 3,5 %, ce qui trahit un manque certain de courage en pleine reprise de la croissance économique mondiale.
Nous le savons tous, nos finances publiques souffrent de deux défauts principaux - l'excès des prélèvements, d'une part, et des déficits publics, d'autre part - sans pour autant parvenir à diminuer les inégalités sociales de la nation.
Nos prélèvements obligatoires continuent de croître. En effet, contrairement aux affirmations et aux annonces, les prélèvements obligatoires ont augmenté, depuis 1997, d'au moins 0,7 % du PIB.
Vous avez dit aux ménages, en 1997, que leurs prélèvements allaient diminuer d'environ 24 milliards de francs. En 1999, le prélèvement supplémentaire par ménage s'est ainsi élevé à 3 000 francs en moyenne, tandis que les prévisions de recettes, dans le même temps, engendreront des rentrées supplémentaires de 160 milliards de francs - près de 100 milliards de francs pour la TVA, 40 milliards de francs pour les impôts sur le revenu et 20 milliards de francs pour la TIPP.
Où sont donc ces allégements promis par le Gouvernement ? Qui peut croire que vous parviendrez à tenir vos promesses en 2001 en matière d'allégements d'impôts sur le revenu, de baisse de la taxe d'habitation et de la TVA ? A juste titre, les citoyens ne les reçoivent que comme autant de promesses électorales.
Pourquoi n'y a-t-il pas de baisses d'impôt à l'horizon 2000 ? La raison est simple : la dépense publique n'est pas maîtrisée par votre gouvernement.
Monsieur le ministre, la première lacune de ce projet de budget est l'absence de maîtrise des dépenses publiques, clé de la réduction du déficit et de l'endettement. Force est en effet de constater une aggravation sensible de la pression fiscale subie par les Français - je l'ai dit, hélas ! champions d'Europe en la matière - et le vécu fiscal de plus en plus douloureux de nos compatriotes.
Ainsi, à la fin de 1997, 23 milliards de francs d'impôts supplémentaires - votés sous forme de mesures urgentes à caractère fiscal et financier - ont fait passer aux prélèvements obligatoires la barre des 46 %, permettant à l'Etat de détenir une « cagnotte » de 15 à 20 milliards de francs pour 2000 et 2001 du fait de la CSG de l'abondance des rentrées fiscales et sociales de l'année 1999, qui croîtront, une fois de plus, plus vite que le PIB.
Peut-être nous expliquerez-vous que la surestimation de l'inflation minore l'évolution réelle du PIB, ce qui justifierait l'absence de baisse des prélèvements. Mais il devrait en être tout autant pour les impôts. Si au moins cette augmentation des prélèvements obligatoires en 1999 était compensée par une baisse importante du déficit public !
En tout cas, il est évident que les prévisions de recettes fiscales pour 2000 sont très prudentes, voire minorées alors même que c'est maintenant que les réformes en profondeur doivent être menées.
Monsieur le ministre, ce manque de rigueur budgétaire a pour conséquence une croissance de notre endettement public.
A juste titre, je m'inquiète de la réduction trop lente de nos déficits publics lorsque l'on constate que la dette totale de l'Etat a atteint 4 250 milliards de francs en 1998, soit une hausse de 8,1 % par rapport à 1997.
De plus, vous annoncez pour l'an prochain une diminution du déficit budgétaire de 20 milliards de francs, ce qui porterait l'ensemble des déficits publics de 2,9 % à 1,8 % du PIB. Or, nous avons dépassé, fin 1997, le seuil de 60 % de dette publique par rapport au PIB, ce qui est le maximum fixé par le « funeste » traité de Maastricht,...
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Philippe Darniche. ... et ce seuil a été constamment franchi depuis. Par cet effort insuffisant, nous restons les mauvais élèves de l'Union européenne et ne pourrons demeurer longtemps à la remorque de nos partenaires économiques.
Même si ce projet de budget pour 2000 comporte plusieurs effets d'annonce de baisses d'impôt, aucune d'entre elles n'est forte, massive et structurelle. Les deux « réformettes » fiscales du budget pour 2000, qui sont, d'une part, la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien dans le logement et, d'autre part, la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle, ne rendent pas votre copie plus digeste.
La baisse de la TVA sur les travaux d'entretien, mesure en soi intéressante, est la seule bonne nouvelle de ce budget.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est déjà ça !
M. Philippe Darniche. Je la voterai, car elle a le triple avantage d'améliorer les logements, de lutter contre le travail au noir, de favoriser l'économie nationale. Cependant, sa mise en oeuvre est confuse, car les textes d'application sont encore imprécis et méritent de meilleurs éclaircissements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On va améliorer cela !
M. Philippe Darniche. Par ailleurs, je n'accorde que peu de confiance au chiffrage par Bercy de la baisse d'impôts correspondante. En effet, les 19 milliards de francs annoncés sont manifestement surestimés, car ce montant ne prend pas en compte les recettes à attendre d'un surcroît probable de travaux confiés à des professionnels.
En ce qui concerne les entreprises, l'avantage net de la réforme de la taxe professionnelle est de seulement 2 milliards de francs ; en effet vous reprenez 2 milliards de francs avec l'augmentation de la cotisation minimale à la valeur ajoutée, 1,2 milliard de francs avec l'accroissement de la cotisation nationale de péréquation, 2 milliards de francs avec la suppression de la réduction pour embauche et investissement, 2 milliards de francs avec les économies sur l'écrêtement à la valeur ajoutée et 2,7 milliards de francs de surcroît d'impôt sur le bénéfice du fait que la taxe professionnelle est déductible, soit au total 10 milliards de francs.
Monsieur le ministre, ce que vous donnez d'une main, vous le reprenez largement de l'autre. Et je passe sur les 4,3 milliards de francs de la cotisation Aubry sur les bénéfices, sur les 4,2 milliards de francs d'augmentation de la quote-part pour frais et charges à intégrer au produit des participations des sociétés-mères et sur les 1,5 milliard de francs au titre de la réduction de l'avoir fiscal, soit un supplément de prélèvements de 10 milliards de francs, sans compter l'extension de l'écotaxe de 3,2 milliards de francs ni la future taxe sur les heures supplémentaires de 8 milliards à 10 milliards de francs.
En résumé, la baisse de la pression fiscale sur les entreprises n'est pas au rendez-vous.
En ce qui concerne les familles, l'année 2000 ne sera pas non plus pour elles - et je le regrette profondément - une année favorable. Vos mesures fiscales sont pénalisantes et résolument « anti-familles ». Vous nous l'avez déjà prouvé dans un passé récent en les pénalisant par l'abaissement du plafond du quotient familial et par la diminution de la réduction d'impôt pour emplois familiaux.
J'en appelle aujourd'hui, au nom des familles de France et aux côtés des associations familiales, à une prise de conscience politique en faveur d'une véritable politique familiale, généreuse et ambitieuse.
J'en reviens à la dépense publique. En consacrant 54 % de son PIB à la dépense publique, la France bat tous les records des pays développés. Ainsi, le budget du Gouvernement privilégie les dépenses de fonctionnement - dont la progression de 1,62 % est supérieure à celle du budget lui-même - et sacrifie l'avenir au présent, comme le démontre un budget d'investissement insuffisant, avec moins de 80 milliards de francs pour l'investissement civil et 160 millards de francs en comptant l'investissement militaire.
Dans le même temps, rien n'est fait pour juguler certaines dépenses : par exemple, les effectifs de la fonction publique ne baissent pas, et aucune réflexion prospective n'est conduite en ce domaine.
Pourtant, monsieur le ministre, le retour de la croissance devrait encourager l'Etat à se réformer et à engager des réformes de structure en matière de baisse des prélèvements obligatoires.
En revanche, vous n'avez pas hésité à freiner exagérément l'augmentation des dotations de l'Etat aux collectivités locales, qui pourtant sont à ses côtés dans le combat pour l'emploi. On a rarement vu un budget si mauvais pour les communes, les départements et les régions (M. le ministre lève les bras au ciel), ainsi que l'a déclaré notre éminent confrère, Daniel Hoeffel, vice-président de l'Association des maires de France, en s'adressant, hier soir, au Premier ministre, lors du congrès des maires.
Le recensement général fait apparaître deux millions de Français de plus, qui induisent pour l'Etat des recettes supplémentaires, mais aussi, pour lui et pour les collectivités, des charges nouvelles. La DGF devrait donc être abondée des sommes nécessaires à l'occasion de chaque recensement général, comme le prévoit expressément la loi de 1993, soit, en l'espèce, d'environ 1,5 milliard de francs. Or, vous avez décidé de ne pas appliquer la loi et d'étaler la majoration sur trois ans, de sorte que 200 millions de francs seulement sont inscrits pour 2000. Je le déplore avec amertume.
La réforme de la taxe professionnelle, telle que l'applique le Gouvernement, représente un marché de dupes pour les collectivités locales et se referme sur celles-ci comme un piège financier et fiscal. En effet, en ne relevant que de 0,8 % la première dotation de compensation de la taxe professionnelle apparue en 1999, vous les pénalisez, alors que cette dotation devrait être indexée sur l'inflation et la moitié de la croissance, soit un peu plus de 2 %. Enfin, l'autonomie fiscale des collectivités locales, qui figure pourtant à l'article 72 de la Constitution, est progressivement remplacée par des dotations d'Etat, dont l'évolution relève, pour l'essentiel, de contraintes budgétaires.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, d'émettre maintenant quelques remarques visant particulièrement les crédits de la formation au sein du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, ainsi que les crédits du budget de la santé.
Tout d'abord, je traiterai de la formation professionnelle.
A ce sujet, je voudrais insister sur la trop forte illisibilité du système de formation professionnelle pour ceux qui devraient en être les bénéficiaires. Comment un jeune faiblement qualifié ou un chômeur de longue durée peut-il s'y retrouver dans un tel maquis d'organismes ?
Par ailleurs, je m'interroge sur la possibilité d'instaurer une véritable « formation professionnelle tout au long de la vie » avec une « employabilité » qui dépend de sa propre formation, comme le prévoit un dispositif qui date de 1971. Les besoins ont changé, nous le savons, et le temps presse pour adapter et moderniser les règles applicables en matière de validation des compétences et organiser le droit individuel à la formation. Tout cela nécessite des fonds, et vos propositions budgétaires sont insuffisantes pour 2000.
Monsieur le ministre, le congé individuel de formation ne mérite-t-il pas une grande réforme ? J'estime, pour ma part, qu'il est essentiel d'assurer dans notre pays l'adéquation entre l'offre de formation et les attentes des intéressés comme des entreprises. A quoi sert de bien former s'il n'y a pas de débouchés ? La formation doit pouvoir déboucher sur un emploi, être pour le salarié une occasion d'épanouissement et de meilleure insertion.
J'affirme par ailleurs qu'il est nécessaire de baisser les charges sur les bas salaires pour relever les salaires directs les plus modestes. Comment peut-on prétendre, dans une période de plein retour à la croissance, que l'on réduit les inégalités, alors que le nombre de titulaires du RMI continue de s'accroître au rythme de près de 8 % l'an, que les emplois créés sont, pour 40 %, des emplois d'intérim précaires et que les écarts de revenus et de patrimoines ont recommencé à se creuser ?
Aujourd'hui, la baisse des charges sur les bas salaires - personne n'en conteste le bien-fondé - est financée aux deux tiers par la hausse de l'impôt sur les tabacs et, pour une part plus faible, par la taxation des activités polluantes, des lessives, des détergents, c'est-à-dire par une aggravation de la fiscalité, alors qu'elle devrait être gagée par des économies sur les dépenses.
Pour ce qui concerne les crédits du budget de la santé, nous savons tous que, s'ils sont en forte progression, c'est, hélas ! parce que l'exclusion augmente en France.
Cette hausse découle principalement de la mise en place de la CMU - que personne ne conteste - et de l'accroissement des crédits consacrés au RMI.
En revanche, l'augmentation des crédits accordés à la prévention de la toxicomanie, qui fait des ravages de plus en plus importants chez nos jeunes, à la prévention de l'alcoolisme et du suicide ainsi qu'à l'aide aux personnes handicapées est beaucoup moins spectaculaire.
Je pense, en particulier, aux parents d'enfants handicapés ou malvoyants, qui attendent une vraie politique ambitieuse de scolarisation de leurs enfants. Les structures d'accueil, les moyens de transport et de locomotion restent insuffisants. Le problème est particulièrement douloureux s'agissant des 14 000 autistes qui, en 1997, restaient à la charge de leurs familles.
Il est donc urgent de réviser la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
Je constate, en outre, que l'évolution de l'allocation aux adultes handicapés, dont le montant est de 3 540 francs mensuels, reste indéniablement plus lente que celle du SMIC brut. Sa revalorisation dans le projet de budget pour 2000 aurait été éminemment souhaitable.
Quant à la loi du 10 juillet 1987, j'insiste - comme chaque année - sur les carences de son application. Notamment au sein des services de l'Etat, l'objectif d'intégration professionnelle de 6 % pour les travailleurs handicapés physiques est loin d'être atteint dans notre pays. Nous connaissons tous des situations très pénibles auxquelles vos services n'apportent pas de réponse, au mépris du respect de la loi.
Monsieur le ministre, votre budget pour l'an 2000 est celui des occasions manquées, comme l'a si bien indiqué notre excellent rapporteur général, M. Philippe Marini, c'est aussi celui du gaspillage de nombreuses marges de manoeuvre données par la croissance mondiale à la France.
Cette croissance offre des recettes supplémentaires qu'au lieu d'affecter au remboursement de la dette le Gouvernement gâche en effectuant des dépenses nouvelles. Or, personne ici ne sait si notre croissance se poursuivra encore longtemps au rythme actuel et quand s'effectuera l'inévitable retournement de la conjoncture internationale. Les lendemains risquent d'être très douloureux. Comme vous, je souhaite que ce retournement intervienne le plus tard possible.
Je persiste à croire que, bénéficiant d'une conjoncture économique particulièrement favorable, vous auriez pu diminuer les prélèvements fiscaux afin de favoriser durablement le redémarrage économique de nos entreprises, en France et à l'étranger.
Au fil des ans, vos amis et vous-même n'avez proposé que des « saupoudrages », que quelques allégements très ciblés, dépourvus de ligne directrice et sans véritable perspective d'avenir. (M. le ministre sourit.)
Votre budget pour 2000 ne comporte ni vraie baisse des impôts ni vraie réduction des dépenses, alors qu'il est grand temps pour notre pays d'en finir avec cet excès de pression fiscale par une politique résolue et simultanée de simplification à l'égard des entreprises et d'allégement à l'égard des ménages.
Comme l'ensemble de mes collègues non inscrits, au nom desquels j'interviens aujourd'hui, je voterai comme le souhaite la commission des finances. Je tiens d'ailleurs à remercier son président et ses différents rapporteurs pour l'excellente qualité de leur travail. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une économie en croissance, des recettes fiscales abondantes, un commerce extérieur en excédent, un chômage en régression,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci !
M. Josselin de Rohan. ... tel est le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances que nous sommes appelés à examiner.
Nous ne pouvons que nous louer de cette conjoncture, qui s'accompagne d'un faible taux d'inflation et du maintien des taux d'intérêt à un niveau bas.
Il nous paraît légitime que le Gouvernement revendique sa part de succès devant ces heureux résultats, puisqu'on lui attribuerait certainement la responsabilité de l'échec dans un autre environnement. Voyez que nous débutons gentiment !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Honnêtement !
M. Josselin de Rohan. La loi de finances reflète-t-elle l'heureuse orientation de notre économie ?
On pourrait le croire, si l'on s'en tenait aux annonces gouvernementales. Le déficit budgétaire diminue et les impôts devraient être réduits de 39 milliards de francs pour l'an 2000 : 27 milliards de francs pour les personnes physiques et 12 milliards de francs pour les entreprises.
Cité par le journal Le Monde du 18 septembre dernier, votre prédécesseur, monsieur le ministre, déclarait en présentant à la presse le projet de loi de finances pour l'an 2000 : « Avec un déficit réduit de 1,7 point de PIB entre juin 1997 et l'an 2000, la France fait mieux que les cinq plus grands pays européens, mieux que la moyenne des Quinze, mieux que la moyenne des Onze. »
On aurait donc bien mauvaise grâce à témoigner de réserves.
Pourtant, comme le soulignent un certain nombre d'analystes, ainsi que M. le rapporteur général dans son excellent rapport et son très brillant exposé, la réalité est beaucoup plus contrastée.
La France conserve son retard par rapport à la moyenne européenne et, bien qu'elle dispose d'une croissance plus forte pour ce qui est de la maîtrise des finances publiques, les déficits publics devraient se situer à 2,9 % du PIB en 1999, contre 1,9 % en moyenne dans la zone euro. Quant au poids des dépenses publiques dans la richesse nationale, il demeure plus élevé en France que partout ailleurs : 53,2 % du PIB, contre 48 % dans l'ensemble de la zone euro et 32 % aux Etats-Unis.
Lors de sa déclaration à l'Assemblée nationale, le 19 juin 1997, M. le premier ministre s'exprimait en ces termes : « J'ai dit mon attachement à la stabilisation des prélèvements obligatoires, qui ont fortement augmenté au cours des trois dernières années. Si la croissance le permet, mon objectif, à terme, est de les diminuer. »
Qu'en est-il aujourd'hui ? Alors qu'en 1996 le taux des prélèvements obligatoires atteignait 44,8 % du PIB avec une croissance faible, il atteint 45,3 % avec un taux de croissance beaucoup plus élevé. Nous sommes à 2 points de plus que la moyenne de la zone euro et à près de 7 points de plus que la moyenne des pays de l'OCDE.
La Banque centrale européenne n'a pas manqué de rappeler que la reprise de la croissance devrait « offrir des opportunités pour accélérer les réformes structurelles nécessaires à l'assainissement budgétaire ». C'est à l'aune de ces objectifs qu'il faut juger le projet de loi de finances.
Le projet de loi conduit-il à la maîtrise des dépenses publiques ? Amorce-t-il les réformes permettant le développement de notre économie ? C'est tout le débat !
Nous aurions souhaité, monsieur le ministre, qu'une rigueur calviniste présidât à l'élaboration du budget ; nous sommes encore loin du compte.
M. Emmanuel Hamel. Rigueur luthérienne conviendrait mieux !
M. Josselin de Rohan. Je ne vous soutiendrai pas sur ce point, mon cher collègue ; il me semble qu'en matière de dépenses publiques la doctrine calviniste est un peu mieux établie !
D'abord, la réduction de la dépense publique est un concept étranger à la gauche, qu'elle soit singulière ou plurielle ; ensuite, le Gouvernement a joué des possibilités que lui offrait le double système de financement de la sécurité sociale et de l'Etat pour opérer des transferts de charges d'un volet sur l'autre, ce qui occulte la réalité des finances publiques, ainsi que l'ont très justement souligné M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général du budget.
Faute de pouvoir examiner un compte consolidé, vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur général, nous disposons d'un projet de loi qui donne au Gouvernement les apparences de la vertu, le projet de loi de finances, et d'un autre dans lequel il laisse la bride à sa nature dépensière et taxatrice, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le ministre de l'économie et des finances joue le rôle du Dr Jeckyll, celui des affaires sociales de Mr Hyde - je devrais plutôt dire, en l'occurrence, de Mrs Hyde - mais, au total, l'important est de savoir ce que supportent comme charges les contribuables.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas très courtois !
M. Josselin de Rohan. Marchons-nous vers la parité, oui ou non ? Il n'y a tout de même pas de sexe faible quand il s'agit d'exercer des fonctions gouvernementales, ou alors je ne comprends plus rien !
Il eût été normal que les Français jouissent pleinement des dividendes de la croissance en bénéficiant d'une diminution de leurs impôts.
M. le rapporteur général a apporté la démonstration que les recettes fiscales étaient minorées puisqu'en 1999 le produit des impositions dépasserait de 30 milliards de francs ce qui avait été annoncé.
Je sais qu'il est devenu le « prince de l'extrapolation », mais vous n'avez pas apporté la démonstration qu'il avait tort, monsieur le ministre ! Tout se passe, a-t-il remarqué, comme si le Gouvernement se constituait une réserve, sans doute pour certaines échéances, au lieu d'apporter un soulagement immédiat aux contribuables.
Si l'on tient compte du fait que, l'an prochain, les entreprises devront acquitter, au titre du financement de la sécurité sociale, l'écotaxe et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, on voit bien que le Gouvernement reprend d'une main ce qu'il a accordé de l'autre.
Félicitons-nous toutefois des allégements accordés pour les transmissions d'entreprise. Ce que les socialistes, hier, avaient voulu avec succès, hélas ! rendre inconstitutionnel est devenu aujourd'hui orthodoxe, mais il y a au Ciel plus de joie pour le pécheur qui se repent que pour les actes de 999 justes !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est une citation de Calvin ? (Sourires.)
M. Josselin de Rohan. Non, mais je sais, monsieur le ministre de l'économie et des finances, que, votre culture religieuse étant très étendue, vous aurez vous-même identifié l'auteur.
Réjouissons-nous de la diminution des taux de TVA pour les travaux réalisés dans les logements mais étonnons-nous de voir qu'un particulier qui veut installer sa cuisine puisse acquitter une TVA de 5,5 % - tant mieux pour lui ! - tandis que les matériaux, eux, seront taxés à 20,6 %. Il y a encore des progrès à faire !
Si l'on prend l'exemple de la taxe professionnelle, on constate que, si les entreprises peuvent se prévaloir, pour 2 milliards de francs, de la suppression progressive de la base salaires de l'assiette de la taxe professionnelle, la réforme leur coûtera en fait 10 milliards de francs, du fait de l'augmentation de la cotisation minimale à la valeur ajoutée, de l'accroissement de la cotisation nationale de péréquation, de la diminution de la compensation puis de la réduction pour embauche et investissement, des économies sur l'écrêtement de la valeur ajoutée et du surcoût de l'impôt sur les bénéfices du fait de la déductibilité de la taxe professionnelle ! Connaissez-vous beaucoup d'Etats modernes qui possèdent une telle panoplie ?
Le Gouvernement nous annonce pour l'an 2000 une stabilisation des dépenses en volume. Nous observons, en premier lieu, qu'après une réduction des dépenses en 1997, la hausse a repris dès 1998 et la Cour des comptes a souligné un dérapage de 0,9 point. Le budget de 1999 avait prévu une inflation de 1,3 % ; or, le chiffre de l'inflation attendu pour 1999 devrait être de 0,5 %.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Les dépenses auront augmenté non pas de 1 % mais de 1,8 %, soit trois fois plus que l'inflation constatée.
Le résultat est là : rapportée au PIB, la dépense publique représente 54 % en 1999, soit le taux le plus élevé des pays industrialisés.
En outre, la stabilisation des dépenses annoncée par le Gouvernement ne prend pas en compte les modifications importantes apportées au périmètre des dépenses inscrites au budget de l'Etat.
Ainsi, les postes de dépenses qui risquent de connaître les progressions les plus importantes dans l'avenir sont débudgétisés et renvoyés soit à des fonds, soit au budget de la sécurité sociale. Je mentionnerai le fonds pour l'allégement des charges sociales créé pour le financement des 35 heures et le fonds pour le financement de la couverture maladie universelle.
Le financement de ces fonds se fera notamment par le transfert des droits sur les tabacs, de la TGAP initiale créée en 1999, dont l'assiette est étendue, et de la contribution sur les mutuelles et les organismes de prévoyance. L'ensemble des recettes ainsi débudgétisées devrait figurer au budget de l'Etat. Il convient d'y ajouter les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités locales et de l'Union européenne venant en déduction des ressources brutes de l'Etat. De même, doivent être pris en compte les remboursements et dégrèvements d'impôts dont les provisions ont été surestimées. Au total, leur montant est estimé à plus de 50 milliards de francs, ce qui, ajouté au montant des dépenses du budget, donne une progression de celles-ci de plus de 3 %.
Cette modification de la structure et du périmètre du budget de l'Etat remet en cause un principe du droit budgétaire qui veut, pour qu'une affectation soit justifiée, qu'il existe un lien entre la recette et la dépense concernées. Dans le cas du transfert des droits sur les tabacs et de la TGAP, il n'existe aucun lien avec l'allégement des charges sur les bas salaires.
La stabilisation des dépenses budgétaires dissimule une progression des dépenses hors charges d'intérêt de la dette. La réduction de l'inflation et des taux d'intérêt a permis une réduction de 2,5 milliards de francs de la charge de la dette. Les dépenses hors charges d'intérêt et les prélèvements sur recettes progressent de 33 milliards de francs.
L'analyse de la composition structurelle de la dépense permet de constater qu'en 2000, de nouveau, la progression des dépenses résulte des seules dépenses de fonctionnement. Les documents budgétaires montrent que celles-ci augmentent de 17,2 milliards de francs, c'est-à-dire de 2,8 %, soit plus de trois fois la hausse des prix. Ce chiffre témoigne bien de l'absence de maîtrise des dépenses publiques par le Gouvernement.
De même que les dépenses de fonctionnement continuent de progresser, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, les dépenses d'investissement sont constamment réduites. Pour 2000, cette réduction est de 2 %, puisque les crédits inscrits aux titres IV et V du budget passent de 164,8 milliards à 161,5 milliards de francs. Rapportées au total des dépenses du budget, les dépenses d'investissement représentent 9,58 % en 2000, contre 9,86 % en 1999. La baisse continue !
La moitié de ces dépenses d'équipement concernent la défense nationale. Il reste donc, sur un total de dépenses de l'Etat de 1 591,2 milliards de francs, 6,1 milliards de francs pour les routes, 5 milliards de francs pour l'équipement et la construction des universités et 4,9 milliards de francs pour l'industrie. Ces chiffres sont à rapprocher des 14 milliards de francs que coûteront les retraites de la SNCF en l'an 2000.
Notons pour l'anecdote que le transfert des droits sur les alcools, opéré par le gouvernement Balladur, du budget de l'Etat au budget de la sécurité sociale avait été qualifié à l'époque par le parti communiste de « véritable trahison » qui rognait sur les acquis sociaux. Que devraient dire nos collègues appartenant à ce parti devant les transferts actuels ? Ne craignez rien, ils voteront sagement le budget !
Le projet de loi de finances est l'occasion des rendez-vous manqués.
le gouvernement Jospin commet la même erreur que le gouvernement Rocard : le refus de désendetter l'Etat alors que la bonne santé de notre économie dégage des surplus fiscaux. Avec un taux de la dette publique dépassant les 60 % du PIB, notre pays ne respecte plus les critères fixés par le traité de Maastricht.
Vous nous annoncez, monsieur le ministre, une réduction de 0,6 % point pour l'an 2000, mais, dans le même temps, M. le rapporteur général nous précise que vous solliciterez le marché pour 622 milliards de francs. L'effort de réduction de la dette est plus faible que pour 1999, alors que, pourtant, vous disposez d'excédents fiscaux plus importants et que, de plus, vous empruntez pour couvrir vos dépenses de fonctionnement.
Mais c'est dans le domaine fiscal que votre politique semble la moins novatrice.
D'année en année, notre système fiscal devient de plus en plus complexe, opaque et lourd. Il est source de délocalisation, il décourage les initiatives et pénalise le succès. Beaucoup le reconnaissent, même dans vos rangs. N'est-ce pas M. Fabius - mais demeure-t-il pour vous une référence ? - qui avertit que ce sont les impôts plus que les efforts de l'opposition qui conduiront à la défaite électorale de la gauche ?
M. Marc Massion. Qui « conduiraient » !
M. Josselin de Rohan. Jusqu'à présent, cependant, vos timides velléités de réforme ont avorté dans l'oeuf. Peut-être est-ce cette menace qui a conduit le Premier ministre à promettre des allégements pour les prochaines années. Encore ces promesses sont-elles entourées de tant de circonlocutions, de précautions, et préparées par tant de synodes, que leur réalisation paraît bien problématique !
Votre prédécesseur, avec une lucidité dont je confesse que nous avons manqué, a tenté de remettre en cause le déplafonnement de l'ISF, mais c'était attenter aux principes les plus sacrés, et cela ne se fera pas.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Un péché capital !
M. Josselin de Rohan. Le même, ainsi que M. Allègre, s'était engagé devant notre assemblée à revoir la fiscalité sur les stock-options ; le niveau des actions possédées par l'ex-dirigeant d'une grande entreprise conduit à remettre la réforme aux calendes, parce que nous avons une nouvelle politique fiscale : la politique fiscale émotionnelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et ad hominem !
M. Josselin de Rohan. Entre-temps, pas moins de dix-sept taxes, selon notre collègue Jacques Oudin, ont été créées ou aménagées, entre 1997 et 1999, pour financer la sécurité sociale et la réduction du temps de travail.
Et, tenez-vous bien, entre 1981 et 1997, quatre-vingt mesures fisales ont changé six fois le régime des prélèvements sociaux appliqués à l'épargne !
Dans le domaine de la fiscalité locale, la situation devient franchement intolérable. L'Etat ne cesse de transférer de nouvelles charges. Ainsi régions et départements sont-ils sans cesse conviés à participer au financement des CTE, des universités, des livres scolaires, des routes dites nationales, des gares, de la restructuration des arsenaux, pour ne prendre que quelques exemples.
Mais on observe simultanément qu'au terme de la réforme de la taxe professionnelle, en 2003, plus de 50 % des recettes de fonctionnement des communes proviendront de l'Etat par l'intermédiaire de concours existants et de dotations compensatoires pour les allégements consentis à telle ou telle catégorie de contribuables. A quoi il faut ajouter les compensations de la réduction des droits de mutation et, demain, celles de la taxe d'habitation.
A terme, la situation des collectivités locales deviendra intenable, car leurs ressources dépendront des dotations de l'Etat calculées en fonction de ses contraintes budgétaires et dont l'indexation est, au surplus, déconnectée de la croissance. Devenues variables d'ajustement des budgets de l'Etat, elles devront accroître leur fiscalité pour continuer à financer leurs engagements. L'alourdissement des impôts locaux est chaque jour très mal ressenti par les contribuables. La territorialité de l'impôt, qui est tout de même l'un des fondements de notre droit fiscal, devient aujourd'hui un vain mot.
Il faut mettre fin à cette dérive et entreprendre une réforme de la fiscalité locale qui permette aux collectivités locales de disposer de recettes spécifiques, évolutives et importantes, faute desquelles leur autonomie est un leurre, faute desquelles la décentralisation est vidée de tout son sens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Josselin de Rohan. Pourquoi ne pas engager une réflexion approfondie sur ce point et demander à une commission composée de représentants des régions, des conseils généraux, des maires et des deux assemblées ainsi que d'experts qualifiés d'analyser la situation de la fiscalité locale à l'aube d'un nouveau siècle et d'effectuer des propositions de mise en ordre et de réforme ?
Une chose est certaine, nous ne pouvons aborder les défis qui nous attendent au siècle prochain avec une fiscalité aussi archaïque, compliquée et impopulaire.
Grâce aux analyses très pertinentes et aux recommandations très judicieuses de la commission des finances, de son président et de son rapporteur général, que nous félicitons pour leur remarquable travail, nous savons à quels principes devrait obéir une bonne loi de finances : la baisse des prélèvements obligatoires, le meilleur contrôle de la dépense publique, la réduction du déficit budgétaire et de l'endettement.
Nous ne trouvons pas, dans le projet qui nous est présenté, une traduction suffisante de ces objectifs.
Pour cette raison, nous voterons un projet remanié et enrichi des amendements proposés par la commission des finances, mais aussi dépouillé de toutes les dispositions malencontreuses qu'il recèle. En votant le projet tel qu'il devrait être et non point tel qu'il est, nous ferons non seulement un acte de pédagogie, mais aussi un acte de foi, car il s'agira par là même d'esquisser et de poser les fondements d'une politique alternative. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A vous en croire, monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2000 serait le premier dans la voie d'une programmation pluriannuelle des finances publiques qui devrait se caractériser par une baisse des impôts, une dépense publique maîtrisée, un déficit et un taux d'endettement réduits.
Ces trois piliers constituent la clé de voûte de cette programmation et de la modernisation de la gestion publique, affirmez-vous.
Vous venez, dans votre intervention, de le confirmer en tant que ministre, désormais à part entière, de l'économie, des finances et de l'industrie. A ce propos, je me permets de vous adresser toutes mes félicitations pour cette nomination.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est trop gentil !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est donc au ministre que je m'adresse, ministre qui, au nom du Gouvernement, souhaite des orientations budgétaires valables pour toute une période.
Pour juger d'un tel choix, voyons déjà ce qu'a donné le budget de 1999, qui préparait ces nouvelles orientations.
Vous affirmez que plus de 13 milliards de rentrées supplémentaires ont été enregistrées, avec une croissance du PIB de 2,2 % à 2,5 % et une hausse de 1 % des dépenses. Beaucoup d'observateurs estiment que ce supplément de rentrées sera plus important. Pour l'an 2000, vos prévisions ne sont-elles pas minorées ?
Ma première question sera donc simple : à combien estimeriez-vous cet excédent, puisque vous faites un choix de croissance supérieure et que vous optez pour une dépense publique de progression nulle ?
Il devrait donc dépasser 13 milliards de francs si l'on en croit votre prédécesseur qui, lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, affirmait que la confiance des Français se renforçait, du consommateur au chef d'entreprise, et que la consommation alimentant la croissance était la plus forte des pays européens, provoquant les félicitations du FMI. Comme autres motifs de satisfaction, la France réaliserait la meilleure croissance pour l'an 2000 de tous les pays du G 7, y compris les USA. L'emploi salarié aurait progressé de 3 %, contre 0 % en Allemagne et 1 % en Italie.
Confirmez-vous cette vision optimiste de la situation ? Je vous pose cette question pour mieux appréhender l'utilisation qui pourrait être faite de cet excédent primaire permettant un accroissement de certaines dépenses et répondant aux besoins notamment de l'emploi et des revenus des Français les plus défavorisés.
Mon propos n'est nullement de porter critique sur la confiance que peut avoir un ministre des finances dans son projet de budget. Rassurez-vous. Je n'emprunterai pas les chemins de M. Marini,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle surprise !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... qui vous prédisait l'an dernier tant de malheurs et qui s'est fortement trompé, avec votre contribution, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous prévoyiez avec beaucoup de certitude une croissance de l'ordre de 1,5 % à 2 % au plus.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Elle aura été de 2,3 % à 2,5 %.
Avec scepticisme, vous prétendiez que la hausse des prix était sous-estimée. Elle n'a été que de 1 %. Vous notiez que les recettes fiscales ne seraient pas atteintes et que de nouveaux impôts s'imposeraient. Or, les recettes ont été excédentaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Marie-Claude Beaudeau. S'agissant de l'excédent primaire envisagé dans le budget pour 2000 - j'en viens à ma seconde question, qui est complémentaire de la première -, comment entendez-vous l'utiliser ? Vous avez prévu des mesures nouvelles, que je voudrais examiner.
La baisse des impôts se traduira par la suppression progressive de la part des salaires de la taxe professionnelle, la suppression de la contribution de solidarité sur l'impôt sur les sociétés, compensée par une nouvelle contribution sur les bénéfices des sociétés de plus de 5 millions de francs, donc loin d'être équivalente. La baisse n'aura que peu d'influence sur le contribuable moyen ; elle concerne surtout entreprises et sociétés.
En revanche, la baisse de TVA à 5,5 % sur les travaux d'entretien sera intéressante pour les ménages et pour l'emploi. La suppression du droit au bail entraînera une baisse de loyer pour 80 % des locataires. Il s'agit d'une mesure très positive.
La suppression de quarante-neuf petits impôts désuets compliquant la vie des citoyens et rapportant peu à l'Etat constitue plutôt une modernisation. Avec la réduction de l'imposition sur le chiffre d'affaires inférieur à 500 000 francs, cela fait plusieurs mesures apportant quelque amélioration à la vie de certains contribuables.
Nous ne négligeons pas non plus l'augmentation de certains budgets - celui de l'environnement pour 8,6 %, celui de la justice pour 4 %, celui de la culture pour 1 %, mais aussi celui de la sécurité - tout en considérant que l'augmentation de 3,3 % du budget de l'éducation nationale est loin des besoins réels. Cet ensemble de mesures entraînent une augmentation de 0,9 % du budget de l'Etat.
Nous sommes cependant bien obligés de noter que ces mesures ne tiennent nullement compte de certains appels pressants.
Des accords salariaux interviendront dans la fonction publique, à n'en pas douter, et il faudra les honorer.
Des effets budgétaires relatifs à des négociations sur la réduction du temps de travail inévitables interviendront si l'on en juge par les mouvements qui s'engagent dans la fonction publique.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises que le service public est au coeur de notre modèle social, qu'il nourrit la croissance, garantit l'égalité des chances et redonne espoir, mais que l'Etat est au coeur du service public, fondement de la République, enfin, que la réforme devrait être au coeur de l'Etat, avec des usagers plus exigeants, des technologies qui évoluent et des impôts qui diminuent. « Il faut donc, avez-vous dit, dépenser mieux ».
Nous ne pouvons que souscrire à cette démonstration. Mais je me méfie de l'adverbe « mieux ». La droite aussi l'emploie, en l'associant dans son rêve budgétaire à un autre adverbe : « moins ». Elle dit : « moins et mieux ».
Vous dites, monsieur le ministre, vouloir dépenser mieux. Mais en y associant « plus », je suppose !
Car, si vous voulez introduire une modernisation de l'ensemble de notre appareil d'Etat, dans l'immédiat, elle devra se traduire par des créations d'emplois, entraînant d'ailleurs à plus long terme un surcroît de recettes.
Le secteur public a besoin d'une politique de dépenses ambitieuse, productrice de croissance, répondant aux besoins de la population. Je reviendrai tout à l'heure sur cette notion de dépense publique devant être réduite, mais je voudrais sans attendre évoquer deux problèmes à ce propos.
Premièrement, le financement de l'hôpital public se révèle fort insuffisant et injuste pour les hôpitaux, dont la majoration de la dotation a été réduite à la portion congrue, amputée par ailleurs d'un versement à la CNRACL.
Nous vous demandons de revoir votre position à cet égard et de verser un complément à la CNRACL sans le faire transiter par la dotation des hôpitaux.
Deuxièmement, un examen attentif des effets de la réforme de la dotation globale de fonctionnement attribuée aux collectivités territoriales s'impose.
En 1993, prétextant de la dégradation de la situation économique, le gouvernement Balladur nous avait en effet proposé une réforme de la dotation globale de fonctionnement dont la caractéristique essentielle avait été de limiter la progression réelle de cette importante dotation budgétaire.
La dotation a connu ensuite une progression pour le moins erratique, tandis que la mise en oeuvre du pacte de stabilité a conduit à gager une plus forte progression de cette dotation sur la réduction des autres, singulièrement sur celle de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
La mise en oeuvre du pacte de croissance et de solidarité, malgré les correctifs qu'elle a apportés à la situation antérieure et les mesures qui l'ont accompagnée - je pense à la majoration de la dotation d'aménagement et des dotations de solidarité - ne peuvent cependant nous faire oublier l'essentiel : la nécessité d'une nouvelle réforme de la dotation globale de fonctionenment, plus respectueuse du rôle des collectivités locales dans la vie économique et sociale du pays et non simple variable d'ajustement de la situation des comptes publics. De nombreuses collectivités locales éprouvent encore bien des difficultés pour boucler leur budget. C'est le cas de la plus grande ville de mon département, Argenteuil, qui est d'ailleurs la plus grande ville d'Ile-de-France.
La meilleure preuve ne nous en est-elle pas fournie cette année, où la relance de la croissance se traduit, du fait de l'économie générale de la dotation, par une régularisation négative sur les dotations précédemment votées, que les mesures adoptées par l'Assemblée nationale n'ont fait que corriger ?
Permettez-moi de revenir sur ma deuxième question.
Comment envisagez-vous d'utiliser l'excédent budgétaire puisque le chiffrage des mesures nouvelles que vous proposez est très loin d'atteindre les recettes fiscales supplémentaires prévisibles.
Nous attendons votre réponse, car une alternative, et une seule, se présente : ou bien cet excédent participera encore à la réduction des déficits, ou bien le budget prendra en compte un apport, réel et efficace, pour réduire les inégalités, le chômage et favoriser la consommation.
A ce propos, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que, si nous ne sommes pas des partisans d'un déficit galopant et s'enflant, nous ne souhaitons pas non plus voir brandir celui-ci comme un étendard symbolisant une austérité renforcée, payée par la dépense sociale. Le premier élément de l'alternative est l'application directe du pacte de stabilité monétaire européen. Le surplus de recettes devrait être affecté en grande partie à la réduction des déficits, et c'est ce que vous proposez. Mais le mouvement est pervers. En effet, pour endiguer l'effet boule de neige de la dette, on en fait naître une autre, engendrant des restrictions d'activités et de la dépense publique sociale. N'est-ce pas tout le sens des injonctions du président de la Banque centrale européenne, qui s'oppose à tout débat remettant en cause le freinage ou le blocage des dépenses publiques à destination des hommes, que ce soit en matière de formation, d'éducation, d'insertion dans l'emploi, d'aides sociales, de santé ou de logement ?
Confirmez-vous que vous envisagiez de diminuer le déficit en utilisant les recettes fiscales supplémentaires dans le supplément de recettes en 2000 ?
Dans la nouvelle répartition que vous envisagez disparaît l'augmentation des dépenses publiques, devenue nulle, pour ne plus laisser place qu'à une baisse modeste des impôts et à une diminution beaucoup plus importante des déficits.
Nous aimerions nous tromper, monsieur le ministre.
Pour notre part, nous pensons que l'efficacité des dépenses publiques passe par une programmation hardie d'objectifs d'emplois, de promotion et d'insertion. La programmation de leur freinage entraînera, au contraire, la stagnation ou la récession.
Ainsi, la deuxième branche de l'alternative, que nous faisons nôtre, se fonde sur une politique de dépense publique productive de croissance et d'emplois, répondant aux besoins de la population.
Cette politique passe par un engagement des entreprises et non par une diminution de la part des contributions sociales qui leur incombent.
Les aides au patronat atteignent le niveau record de 170 milliards de francs, auxquels il faudra ajouter 110 milliards de francs accordés aux entreprises pour alléger le coût des 35 heures, ce qui représente 12 000 francs par an et par salarié.
La bourse, les stock-options et les profits des entreprises n'ont jamais été aussi florissants. Jamais les plus riches n'ont été si riches.
Le CAC 40 a dépassé les 5 000 points.
Les plus-values des stock-options attribuées au plus haut encadrement des plus grandes sociétés françaises, soit 28 000 personnes, atteignent 45,4 milliards de francs. Les bénéfices des plus grands groupes français ont progressé de façon exceptionnelle : ainsi, ceux de Renault ont augmenté de 63 %, ceux de la BNP de 23 % et ceux de Saint-Gobain de 20 %.
Les bénéfices des trente premières entreprises françaises ont augmenté en moyenne de 30 % et, parmi elles, le secteur bancaire a enregistré 74 milliards de francs de profits en 1998.
Une partie de ces profits doit revenir à la nation et faire l'objet de taxations nouvelles et d'intégration dans un calcul de l'impôt mettant à égalité de prélèvements salaires et profits et permettant aux plus démunis d'accéder à une meilleure répartition des richesses.
Nous déposerons des amendements à ce sujet.
Je ne ferai qu'une seule remarque, mais elle est de taille : si l'on considère le montant des dividendes distribués par les entreprises privées pour l'année 1997, on note qu'il se révèle supérieur en valeur absolue à celui de la masse salariale. Le profit se révèle supérieur aux salaires ! Il peut donc absorber cotisations sociales et augmentations des salaires, rendant possible augmentation du pouvoir d'achat et consommation.
Partant de ces analyses, des propositions nouvelles peuvent être formulées.
Nous proposons de mieux définir un dispositif démocratique et rigoureux de prévention des licenciements, licenciements dont la plupart demeurent fondés sur la seule recherche du profit.
Nous suggérons également une revalorisation des minima sociaux pour faire reculer pauvreté et exclusion et pour permettre une meilleur réinsertion.
Or, l'INSEE vient de le noter, la population défavorisée a tendance à augmenter et ses ressources à diminuer, sans beaucoup d'espoir de réinsertion ; 10 % de la population semble condamnée à stagner dans une quasi-misère. Un certain nombre de salariés payés à un SMIC insuffisant basculent dans cette pauvreté. Un clivage inquiétant apparaît. Dans ces conditions, la prime de départ de 300 millions de francs en stock-options attribuée à M. Jaffré est une réalité scandaleuse comparée à la pauvreté croissante.
Le budget de la France doit tout faire pour réduire cet écart de plus en plus humiliant pour notre société.
Nous pensons également que, malgré l'augmentation des crédits du budget de l'éducation nationale, un nouvel effort serait bien nécessaire pour contribuer au rattrapage des retards persistants et à l'institution de formes nouvelles d'aides, là où ces retards se confirment.
Tout d'abord, la réforme tant attendue de l'impôt sur le revenu doit s'engager. La réduction trop importante du nombre des tranches pénalise les bas revenus tout en ne frappant pas suffisamment les plus hauts revenus.
Le Gouvernement a encore repoussé la révision de la taxe d'habitation, pourtant devenue nécessaire pour en assurer la modernisation et la rendre plus juste. Un nouvel impôt émerge : la contribution sociale généralisée. La fixation d'un seuil n'est-elle pas devenue nécessaire pour les petits revenus : salaires et retraites ?
M. le Premier ministre vient d'annoncer la réforme de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation pour 2001 en des termes que nous ne pouvons qu'approuver. Nous regrettons que ce ne soit pas pour 2000 que le Gouvernement l'ait décidée.
De même, des dispositifs antispéculatifs ne s'imposent-ils pas pour que les revenus du capital soient taxés au même titre que ceux du travail ?
L'avoir fiscal été réduit de 45 % à 40 %. Nous vous proposons de le réduire plus fortement, ce qui pourrait entraîner un gain de plusieurs milliards de francs.
L'impôt de solidarité sur la fortune ne rapportera cette année que 13 milliards de francs. Il ne prend toujours pas en compte les richesses réelles. Cet impôt devrait inclure les biens professionnels. Le rendement pourrait en être doublé et atteindre les 28 milliards nécessaires au paiement du revenu minimum d'insertion, aboutissant à un équilibre de sagesse et de justice. Revenu minimum d'insertion égale impôt de solidarité sur la fortune : quelle belle formule de solidarité ! Je vous propose, mes chers collègues, de l'adopter.
Les impôts indirects conservent toujours un poids élevé. Ils alimentent l'injustice fiscale. Dans l'attente d'une baisse généralisée, ne faudrait-il pas, je vous le redemande avec insistance, monsieur le ministre, ramener à 5,5 % la TVA applicable à certains produits et activités sensibles ? Je pense, en particulier, aux produits alimentaires de consommation courante, à la restauration, aux activités de main-d'oeuvre, ainsi qu'aux réseaux de chaleur, dont les 39 sites de géothermie restant en fonctions, de façon à préserver l'expérimentation de la seule énergie propre, énergie dont nous aurons bien besoin, demain, pour lutter contre l'effet de serre.
Le principe du prélèvement sur le mouvement des capitaux semble acquis par la majorité plurielle. Pourquoi, dès lors, refusez-vous de débattre de la loi Tobin ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle loi ? Une loi du Congrès américain ?
M. Alain Lambert, président de la commission de finances. Ne prenez pas vos exemples aux Etats-Unis !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je sais où cela vous fait mal, messieurs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi allez-vous chercher des professeurs américains ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pourquoi, monsieur le ministre, refusez-vous de débattre de la taxe Tobin et, dans les instances internationales dont nous sommes membres, d'en demander l'application au monde entier pour l'an 2000 ?
Cette taxe, imaginée en 1972 par James Tobin, consiste à taxer de 0,1 % à 0,5 % les transactions de change entre les monnaies pour décourager la circulation financière purement spéculative. Moralement juste, elle peut se révéler efficace dans l'action de résistance au processus fondamental d'appropriation de la plus-value, c'est-à-dire des richesses réelles destinées au capital. Elle pourrait constituer une barrière efficace pour empêcher des sommes gigantesques de circuler et de constituer une véritable dictature des marchés financiers.
Pourriez-vous me dire, monsieur le ministre, si vous prévoyez de la soumettre au Parlement pour une mise en oeuvre réelle, et, si oui, dans quel délai ?
Enfin, notre groupe déposera des amendements ayant pour objectif d'aider l'investissement favorable à l'emploi en freinant la spéculation, de rendre possible plus de justice fiscale et de réduire les inégalités, enfin, de donner des moyens supplémentaires aux collectivités territoriales.
Nous attendrons la fin du débat pour nous déterminer, car je sais, monsieur le rapporteur général, que vous envisagez de troubler le jeu...
MM. Alain Lambert, président de la commission de finances et Philippe Marini, rapporteur général. Oh ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... en affirmant une position différente, même si c'est de façon moins brutale que l'an passé.
Amputer les budgets, même ceux que vous trouviez insuffisants, n'était ni logique ni rentable ; je qualifierais même cette démarche de « politique de gribouille ».
Cette année, vous voulez compléter la notion de réduction par celle de qualité : faire un meilleur budget avec moins de dépenses.
La démonstration, je vous le dis, sera délicate !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le rôle de l'opposition de s'opposer !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Quant à nous, nos propositions viseront à faire mieux en qualité, mais aussi en engagement de crédits. La dépense est noble, efficace, productrice de richesses si elle est utilisée pour l'emploi, l'investissement, le pouvoir d'achat du plus grand nombre. C'est ce que nous nous efforcerons de démontrer tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons le débat budgétaire avec retard. Ce retard est peut-être justifié, mais les raisons qui ont été avancées à cet égard ne m'ont pas totalement convaincu. Quoi qu'il en soit, cette situation nous enferme dans des contraintes de calendrier qui ne peuvent que déboucher sur des difficultés quant à l'examen d'un certain nombre de textes, et je voudrais qu'il soit bien clair que le Gouvernement en portera seul la responsabilité.
Une autre anomalie de cette discussion tient au fait que, à l'intérieur même du temps qui lui est consacré, nous allons devoir procéder à la deuxième lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale et à l'examen du texte sur l'incorporation du résultat du recensement pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales.
Que signifie, monsieur le ministre, la conjonction de ce retard et de cette « thrombose » de textes, à la lumière d'une lecture attentive des articles 45 et 47 de la Constitution ? Avez-vous vraiment la volonté - je veux le croire ! - de laisser le Sénat débattre de ce budget en toute sérénité et de manière approfondie afin qu'il puisse jouer son rôle dans notre démocratie ? C'est une question que l'on peut se poser face à un certain nombre de contraintes calendaires.
Cette désagréable sensation, au moment d'aborder cette décision qui est la plus importante de l'année, est renforcée par la consistance même des documents qui vont nous occuper vingt jours durant.
Avant d'en venir au sort réservé aux collectivités locales et à l'aménagement du territoire, permettez-moi quelques remarques liminaires et une réflexion sur ce qui s'avère être une exception française, chaque jour plus importante, exception aussi réelle et sérieuse que celle que nous revendiquons - et très bientôt, de nouveau, à Seattle - cette exception culturelle à laquelle nous sommes fortement attachés.
Cette autre exception française, vis-à-vis de l'Europe comme du monde entier, c'est le niveau de nos prélèvements obligatoires en général et le poids excessif de notre fiscalité en particulier, un poids que, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, ce budget va encore aggraver.
Mes remarques liminaires porteront sur le malaise que l'on peut ressentir à l'observation globale de votre projet. Très honnêtement, j'en retire pour ma part le sentiment d'entrer avec lui dans un univers artificiel aux décors riches de trompe-l'oeil. Je me permettrai de vous en donner quelques exemples, qui me paraissent révélateurs d'un certain désordre, au moins intellectuel.
Le déficit annoncé, de 215,4 milliards de francs, est à rapprocher de la réalité financière de l'instant que nous vivons. On pourrait espérer infiniment mieux. Dès lors, il y a deux solutions : ou bien vous pensez que la croissance va marquer le pas ou bien, puisque l'on pourrait pratiquement déjà clore l'année 1999 avec ce chiffre, vous peignez en noir ce que vous concevez en rose. (Sourires.)
On se demande pourquoi, surtout si l'on rapproche ce trompe-l'oeil d'un autre trompe-l'oeil, qui opère, lui, en sens inverse - Le Point vient fort opportunément de le dénoncer cette semaine - et qui consiste à peindre en rose ce qui est en réalité noir, c'est-à-dire l'évolution du chômage, dont le taux est astucieusement manipulé par les transferts de catégories et les radiations à tout va !
Trompe-l'oeil aussi, cette affirmation d'une baisse de la fiscalité dont, si je sais lire, une part importante vient de l'arrivée à terme de la surtaxe d'impôt sur les sociétés.
Cela me fait penser, monsieur le ministre, à cette pratique, fort justement dénoncée par le code de commerce, qui consiste, pour un commerçant, à augmenter ses prix pour pouvoir solder après.
Si vraiment vous considérez comme un allégement fiscal la venue à terme d'une surtaxe temporaire, on peut tout de même se dire qu'il y a quelque part quelque chose qui ne marche pas très bien !
Trompe-l'oeil encore, cette réforme des 35 heures, considérée comme essentielle - elle est, paraît-il, la cause du retard du débat budgétaire - qui est d'ailleurs en train de faire exploser le secteur parapublic : La Poste, la SNCF, tout le monde est en grève parce que le passage aux 35 heures n'est pas vraiment prévu, pas très bien intégré, parce que chacun pense qu'on travaillera 31 heures quand on travaillait auparavant 35 heures. Bref, tout cela semble s'engager dans un certain désordre.
En tout cas, on cherche en vain le financement de ce que sera l'incidence des 35 heures sur le budget de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne question !
M. Paul Girod. A moins qu'il ne faille le trouver dans un nouveau trompe-l'oeil, celui que M. le rapporteur général appelle avec bonheur le « jeu de bonneteau fiscal » : il s'agit de promener ce financement, pour le privé - pas pour le public, je le reconnais - du côté de la sécurité sociale, en faisant apparaître toute une série de nouvelles taxes qui, par leur émergence même, réduisent à néant ce qui reste de la modération fiscale annoncée dans le budget stricto sensu.
Trompe-l'oeil toujours que l'évolution de notre endettement, qui ne cesse de progresser à partir de déficits publics qui demeurent les plus élevés de l'Union européenne. De par leur structure, ils sont de 0,8 point de PIB supérieurs à la moyenne de la zone euro. C'est ainsi que le coût de la dette devient supérieur au rendement des actifs financiers de l'Etat. Cela devrait logiquement amener le Gouvernement à alléger le poids du secteur public. Malheureusement, il n'en est rien ! Certains budgets - enseignement supérieur, enseignement scolaire, fonction publique, pour ne citer que les principaux - malgré les imprévoyances concernant les 35 heures, voient leurs dépenses de fonctionnement atteindre des sommets.
De plus, une éventuelle intégration des emplois-jeunes au sein de la fonction publique augmentera aussi - et cela non plus n'est toujours pas prévu - le poids du fonctionnariat français.
Bref, la France prélève toujours plus, pour toujours plus de dépenses courantes : 50 milliards de francs d'endettement supplémentaire, si j'ai bien lu, vont alimenter des dépenses courantes. Quel gestionnaire sérieux peut justifier cela au moment précis où le « retour à bonne fortune », expression bien connue en matière commerciale ou industrielle, que constitue la croissance prescrirait de faire l'inverse ?
Monsieur le ministre, de quelles imprécations ne couvre-t-on pas les chefs d'entreprise qui, pour employer exactement la même technique, conduisent leur établissement à la faillite et leur personnel au chômage !
Compte tenu des défis qui nous attendent, qui ont été longuement décrits, mais auxquels votre projet de budget ne prépare pas, craignez de voir vos propres amis joindre leurs voix déçues aux nôtres, le moment venu. Vous voulez nous considérer comme de perpétuelles Cassandre. Or, nous ne faisons que décrire la réalité.
J'ai d'ailleurs vaguement le sentiment que M. Fabius commence déjà à le comprendre et se prépare à s'exprimer en ce sens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est plus sévère que nous !
M. Paul Girod. A l'heure où la concurrence est mondiale et s'exacerbe, où elle s'étend au domaine fiscal, la situation de notre pays dans ce domaine reste critique : alors que les prélèvements obligatoires, au sein de l'Union européenne, représentent en moyenne 42,4 % du PIB, nous en sommes, en France, à 45,7 %, probablement plus, en tout cas largement au-dessus du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Italie - c'est-à-dire nos principaux concurrents - du Portugal ou de la Grèce.
Tout le monde le sait, nos concitoyens attendent une baisse significative du total des prélèvements fiscaux. Puisque la conjoncture économique est favorable, ils n'accepteront pas très longtemps d'être surtaxés, car épargnants et entrepreneurs ne doivent pas faire les frais - et je m'adresse ici à certains de nos collègues - d'une conception trop égalitariste de la justice sociale.
A cause du poids excessif de notre fiscalité, à quoi assistons-nous ? A la fuite des hommes et à celle des capitaux. Les charges sociales et la fiscalité sont confiscatoires, les administrations sont omnipotentes et tentaculaires, les procédures sont trop complexes : autant d'obstacles à la consommation, à l'investissement et à l'emploi.
La croissance doit impérativement s'accompagner d'un formidable mouvement d'allégement de la fiscalité, en même temps que du redressement de la balance financière de l'Etat. Ne nous y trompons pas, cet allégement est la seule méthode qui soit à même de redynamiser et d'encourager ceux qui, par leurs compétences et leur motivation, sont susceptibles de résorber le chômage, en particulier celui des jeunes, ou d'éviter le départ de ces derniers.
Gardons toujours présent à l'esprit que nous avons perdu près de 60 000 informaticiens, partis vers des pays que l'on décrit comme socialement terrifiants : les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, où ils ont préféré s'installer plutôt que de travailler chez nous.
Si nous ne changeons pas de mentalité sur la manière dont nous encadrons nos entreprises et les créateurs d'initiative, nous continuerons à subir cet exode des cerveaux.
Monsieur le ministre, faute de changer notre conception même de la notion de dépenses publiques, de leur affectation comme de leur alimentation, nous allons vers des lendemains qui « déchantent ».
La seconde partie de mon propos portera sur le sort qui est réservé à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales.
Tout d'abord, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la manière dont il appréhende les zonages qui ont été institués par la loi dite « loi Pasqua » de 1995 et par le pacte de relance pour la ville de 1996. A ce jour, l'un des principaux problèmes tient à l'absence de chiffrage de leur coût budgétaire.
En outre, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit une prorogation des exonérations de charges fiscales et sociales dans les zones de revitalisation rurale. On peut certes s'en réjouir. Mais je trouve regrettable, monsieur le ministre, que cette prorogation soit limitée aux quatre prochaines années. Il est évident que la remise d'un rapport, dans les prochains mois, sur l'évaluation de ces exonérations serait particulièrement bienvenue. On ne peut pas faire l'économie d'un rapport d'étape sur l'efficacité d'une mesure qu'on prolonge un peu à l'aveugle, en la limitant, non moins à l'aveugle, dans le temps.
Enfin, dès l'an prochain, le Sénat sera très attentif aux conséquences des résultats du recensement de 1999 sur le périmètre des zones de revitalisation rurale qui est défini en fonction de critères de population. Pour les territoires qui vont perdre leur éligibilité à ce statut, il faudra veiller à ce que des mesures de substitution soient prises en leur faveur.
L'aménagement du territoire nécessite, nous le savons tous, une participation active des entreprises. C'est d'ailleurs ce qui justifie la réglementation différentielle appliquée en matière d'aide à ces dernières, différentielle puisqu'elle varie d'une zone à l'autre, d'une collectivité à l'autre. Cette technique vise à faire en sorte que, en cas de délocalisation, les entreprises se dirigent vers les zones les plus fragiles.
A cet égard, il est un peu paradoxal qu'une des zones qui va être ainsi considérée comme fragile se trouve située en plein coeur de la région parisienne, tandis que d'autres régions en pleine désertification, de par leur éloigement ou de par leur manque de voies de communication, ne sont pas suffisamment retenues à ce titre.
Le soutien à l'activité en zone rurale demeure plus que jamais nécessaire. Le Gouvernement, associé au Parlement, doit encourager la réalisation d'infrastructures et la mise en place de mécanismes financiers et fiscaux permettant de réduire ces inégalités et les écarts de richesse entre les différentes parties du territoire national.
Nous venons d'assister à un extraordinaire numéro à propos des dotations complémentaires dans les contrats de plan. Ce sont des chèques tirés sur l'avenir. On nous promet qu'ils seront honorés. Je veux bien le croire !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est vrai que, par le passé...
M. Paul Girod. Mais, à voir ce qui s'est passé depuis deux ans, je ne saurais avoir des certitudes à cet égard.
Cela dit, monsieur le ministre, ce que je constate, c'est que la part d'investissement dans le budget de l'Etat baisse tous les ans et que ce n'est pas du meilleur augure pour le respect des engagements que l'on prend en ce moment, à travers les contrats de plan, à grands effets d'annonce.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Paul Girod. Cela peut faire partie aussi des motifs de désillusion à venir, provoquant l'émergence de voix qui ne manqueront pas de vous rappeler ce que vous avez dit.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore du trompe-l'oeil !
M. Paul Girod. Si nous n'avons pas les moyens de recréer de la vie dans les zones qui sont actuellement en difficulté, nous n'arriverons à rien. Encore une fois, au-delà des annonces, il faudra observer les réalités.
Mon intervention serait incomplète si je laissais de côté les dispositions du projet de budget relatives aux collectivités locales et à la décentralisation.
Pour 2000, l'imputation budgétaire en faveur des collectivités locales devrait s'établir à 291 milliards de francs. Les comparaisons ne sont pas commodes, ne serait-ce qu'en raison des 4 milliards de francs de DGD qui vont disparaître du fait de l'application de la loi sur la couverture maladie universelle. Non seulement cela trouble les calculs, mais, de surcroît, monsieur le ministre, je vous le signale au passage, cela met un certain nombre de départements et leurs communes devant des difficultés inextricables dans la mesure où ils avaient, pour des raisons évidentes - y compris pour des raisons d'application stricte des règles budgétaires - l'habitude d'appeler les contingents avec un an de décalage.
Force est de constater que, en matière de finances locales, il n'y a pas de grande mesure phare, en dehors de la contrepartie financière du projet de loi relatif à la prise en compte des résultats du recensement général de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités.
Les résultats du recensement mettent en évidence toute une série de choses - nous en reparlerons lorsque nous examinerons le projet de loi en question - en particulier les limites de la conception actuelle de la dotation globale de fonctionnement, qui n'est pas du tout la conception de départ et encore moins celle que les élus locaux espèrent légitimement voir mise en oeuvre.
La répartition se fait à partir d'un certain nombre de critères contraignants. Surtout, elle ne prend pas en compte la réalité de ce qu'est le service de proximité aux habitants, dont le nombre augmente globalement, et qui est assuré par les collectivités territoriales. En effet, la DGF dans son ensemble a été enfermée dans une enveloppe normée qui ne tient pas compte de l'évolution réelle des charges des collectivités territoriales, surtout quand l'Etat leur transfère de nouvelles charges.
Monsieur le ministre, la stratégie du Gouvernement ne peut pas consister à renforcer le contrôle sur les collectivités territoriales. Sous prétexte d'atténuer les effets négatifs, sur telle ou telle catégorie de nos concitoyens, de certaines caractéristiques propres aux impôts locaux, l'Etat se transforme de plus en plus en contribuable local majeur. Le fait qu'il se substitue à la libre administration des collectivités locales, à travers une liberté fiscale que la Constitution leur reconnaît, conduit l'Etat à leur reprocher en permanence l'évolution de ce qu'il appelle son effort - qui est en réalité la conséquence de ses propres choix - et à en profiter pour ensuite « gauchir » - pas de chance, le mot vous va trop bien ! - la répartition des sommes concernées afin que lesdites collectivités soient contraintes d'obéir à sa politique et à ses choix généraux.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les pauvres !
M. Paul Girod. Les changements politiques, les foucades et les décharges de l'Etat en matière financière sur les collectivités territoriales, assortis de cette substitution de l'Etat au contribuable local et à la liberté fiscale des collectivités, aboutissent à une situation qui, comme l'insécurité judiciaire des maires, a été fortement exposée avant-hier, hier et même sans doute aujourd'hui lors du congrès de l'Association des maires de France.
Toutes ces caractéristiques donnent à votre projet de budget, monsieur le ministre, un certain nombre de contours incertains que j'ai du mal à cerner.
Parmi les membres du groupe du Rassemblement démocratique social et européen, certains, pour des raisons tenant à leur engagement personnel, voteront ce texte. Mais la plupart d'entre nous observerons l'évolution législative avec prudence. Ils se rallieront sans doute aux avertissements que vous dispensent en permanence M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances. Le moment venu, c'est-à-dire dans quelque vingt jours, ils verront quel sort ils feront au texte. Je ne suis pas certain qu'ils n'auront pas essayé, au passage, de dissiper les zones d'ombre, de dénoncer les trompe-l'oeil, afin que leur vote soit fondé sur l'honnêteté intellectuelle. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

8

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 novembre 1999, en application de l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

9

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n°s 88 et 89, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet examen du projet de loi de finances est le troisième exercice du genre pour la majorité de gauche issue des élections de 1997.
Les deux premiers avaient été marqués par la même argumentation de la droite sénatoriale sur l'incapacité annoncée du Gouvernement et des parlementaires de la majorité à mettre en oeuvre une politique de relance de l'économie nationale, sur leurs choix plus que critiquables en matière fiscale et économique, sur leur aveuglement et leurs erreurs présumées.
L'opposition prophétisait alors une catastrophe inéluctable, et nous venons de nouveau d'entendre un certain nombre d'orateurs se livrer à cette magnifique démonstration : la droite, par nature, détiendrait-elle et elle seule, l'absolue vérité en matière économique !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ça, c'est bien envoyé !
M. Bernard Angels. Force est pourtant de constater qu'aujourd'hui, mes chers collègues, la réalité vous a donné tort. Les résultats obtenus par le Gouvernement en matière économique au cours de ces deux ans et demi rendent honneur à la persévérance que nous avons eu à défendre notre projet et accréditent le fait qu'il existait décidément bien une « autre politique » que celle pour laquelle vos collègues de l'Assemblée nationale se sont sacrifiés un soir de juin 1997.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. On ne leur a pas demandé leur avis !
M. Bernard Angels. Non seulement la réalité vous a donné tort, disais-je, mais, et cela est tout aussi important, les Françaises et les Français vous ont donné tort. Se gardant de vous suivre sur la périlleuse voie du libéralisme que vous aviez tracée, ils ont, au contraire, donné crédit au Gouvernement de son travail et de ses options politiques et économiques.
Et c'est dans ce contexte de confiance retrouvée, tant par les ménages que par les entreprises, dans ce climat de croissance rétablie, que s'inscrit le budget 2000, dont je me permettrai de souligner quelques aspects qui me semblent significatifs.
Revenons-en, pour l'instant, à ce bilan qui tranche tant avec les prévisions catastrophiques de la droite sénatoriale et qui place la France dans le peloton de tête des pays européens dans nombre de domaines.
Ce ne serait pas, je pense, faire preuve d'autosatisfaction éhontée que de qualifier ce bilan de très positif. Tous les observateurs, français et internationaux, s'accordent à créditer notre économie de bons résultats et de perspectives encourageantes.
Un certain nombre d'indicateurs économiques majeurs, longtemps restés « dans le rouge », atteignent aujourd'hui des niveaux tout à fait favorables pour notre pays. De ces grands agrégats, dont je vous épargnerai la litanie d'une liste exhaustive, je ne retiendrai que quelques éléments qui illustrent, à mon sens de façon sensible et pertinente, les trois vertus que nous avons su retrouver lors de ces derniers mois : croissance, confiance et activité.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est joli, cela !
M. Bernard Angels. La croissance, tout d'abord.
Le net ralentissement constaté l'hiver dernier n'aura été finalement que passager, même si les exportations françaises se sont fortement contractées dès la fin de l'année 1998 sous l'effet conjugué des crises russe et asiatique.
Ces deux chocs économiques, de même que le fort recul de l'économie japonaise, sont à l'origine du désormais fameux « trou d'air » qui s'est propagé en Europe au début de cette année. Dans ce cadre, il est difficile d'affirmer que la conjoncture internationale était particulièrement favorable à la poursuite d'une phase de croissance en France.
Et pourtant, vous l'aurez tous constaté, l'économie française a repris un rythme de croissance soutenu dès la fin du premier semestre 1999. Depuis juin 1997, la France a sensiblement creusé l'écart avec les grands pays de l'Union européenne, même s'il est vrai qu'elle partait avec un retard important. Entre juin 1997 et aujourd'hui, la croissance française aura été supérieure à la moyenne de la zone euro et pratiquement deux fois plus importante qu'en Allemagne ou en Italie, par exemple.
Les prévisions, qui restent relativement favorables pour 2000, se situent dans une fourchette variant entre 2,6 % et 3 %. Le FMI, comme les instituts de conjoncture, tablent, quant à eux, sur une croissance de 3 % pour notre pays, donc sur un taux, quoi qu'il en soit, dans tous les cas supérieur à la moyenne des pays de la zone euro qui se situerait à 2,8 %.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce sont des faits, cela !
M. Bernard Angels. Nos collègues de la droite sénatoriale et leurs amis sont bien obligés de constater ces chiffres positifs,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. D'autant qu'ils parlent de prélèvements !
M. Bernard Angels. ... mais ils ne peuvent se résoudre à accepter le fait qu'ils soient le résultat, même partiel, de la politique menée depuis deux ans par le Gouvernement et sa majorité.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Partiel, oui !
M. Bernard Angels. A les écouter, ces niveaux - records pour certains - de l'économie française trouveraient leur origine dans la seule conjoncture internationale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Convenez qu'elle a tout de même joué un peu !
M. Bernard Angels. Pour ma part, mes chers collègues, je relèverai trois éléments qui me semblent devoir expliquer la réussite économique de notre pays depuis deux ans.
En premier lieu, je citerai l'euro. Il est incontestable que l'entrée dans l'euro a eu un effet stabilisateur sur les mouvements de change. Elle a davantage préservé l'Europe des turbulences monétaires extérieures et octroyé, en outre, à l'Union une autonomie dans la conduite de sa politique économique et monétaire.
Le Gouvernement français ne peut que se réjouir de ses effets largement bénéfiques pour notre pays, d'autant plus qu'une de ses premières réussites, souvenons-nous en, a justement été de qualifier la France pour l'euro.
Je ne voudrais pas attribuer l'exclusivité de ses mérites à la majorité actuelle,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est bien bon de votre part !
M. Bernard Angels. ... mais rappelons-nous tout de même que le défi était difficile et que, par des mesures courageuses, le Gouvernement l'a relevé ! En se replaçant dans ce contexte, il n'était pas si évident d'y parvenir.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il a relevé les impôts, ça, c'est sûr !
M. Bernard Angels. J'en viens au deuxième élément : les nouvelles technologies.
L'émergence et le développement rapide des nouvelles technologies de l'information et de la communication ont dynamisé la croissance. On parle aujourd'hui de l'entrée de notre pays dans une nouvelle révolution industrielle, et les termes ne sont pas forcément excessifs.
Sur ce terrain, encore une fois, le Gouvernement a fait plus qu'accompagner l'apparition des nouvelles technologies : il a su contribuer à leur large propagation, aider les entreprises qui investissaient dans ce domaine, améliorer le lien entre la recherche et l'innovation d'un côté, la diffusion dans les entreprises et les administrations, ainsi que leur contribution à la croissance, de l'autre.
De nombreuses mesures pourraient être citées, mais je n'en retiendrai que la figure de proue, à savoir la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche.
Le troisième élément est constitué par les orientations politiques et économiques du Gouvernement.
Incontestablement, la politique menée depuis juin 1997 a contribué à enclencher un cercle vertueux.
La confiance des Français a été restaurée. Depuis leur arrivée, le Gouvernement et la majorité ont entrepris de soutenir fermement la demande intérieure à travers l'augmentation du pouvoir d'achat et des salariés - plus 4 % - l'augmentation du SMIC - plus 6 % - le basculement des cotisations maladie sur la CSG, etc. Le résultat est là : les Français n'ont jamais autant consommé.
De plus, le Gouvernement a fait le choix de réorienter le partage de la valeur ajoutée en faveur du travail. Entre 1998 et 2000, la part des salaires nets des cotisations employeurs dans la richesse nationale passera de 46,7 % à 47,3 %. C'est dans cette voie qu'il faut poursuivre nos efforts.
Non seulement les ménages consomment, mais, de plus, les entreprises investissent, preuve, s'il en était besoin, que les acteurs économiques partagent l'appréciation positive de l'évolution de l'économie française que nous portons.
Croissance, confiance donc, mais aussi et surtout activité. L'investissement progresse - je le mentionnais tout à l'heure - et l'emploi se redresse. Le chômage, qui touche encore 2,8 millions de personnes et reste l'un des fléaux économiques majeurs de notre société, diminue pourtant sans interruption depuis juin 1997. De plus - il faut le noter - cette décrue intervient dans un contexte de forte hausse de la population active et se traduit donc par d'importantes créations d'emplois. Ainsi, plus de 630 000 emplois marchands nouveaux ont été créés depuis 1997.
La comparaison avec les périodes précédentes est relativement éclairante : entre juin 1993 et juin 1995, 65 000 emplois ont été créés ; entre juin 1995 et juin 1997, 125 000 emplois ont été créés. Les contextes économiques étaient certes différents ; pour autant, depuis le début de l'année 1999, cette tendance à la réduction du chômage s'accélère, et l'on compte encore 135 000 chômeurs de moins en huit mois, soit autant que pendant toute l'année 1998, où la croissance était pourtant forte.
Cette accélération s'explique par le retour de la croissance et de la confiance, mais aussi par l'effet conjugué des emplois-jeunes et des 35 heures.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ça !...
M. Bernard Angels. Je ne m'attarderai pas sur ces thèmes, mais notons tout de même quelques chiffres : 200 000 emplois-jeunes créés au 1er juillet dernier, 15 000 accords d'entreprises signés sur la réduction du temps de travail, pour un total de plus de 120 000 emplois créés ou sauvegardés.
Grâce à ces réformes de structure, la croissance française est plus riche en emplois. L'économie crée des emplois à partir d'un taux de croissance de 1,5 %, contre 2,5 % dans les années quatre-vingt, à raison de 100 000 emplois par point de croissance.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Comment cela s'explique-t-il ?
M. Bernard Angels. Croissance, confiance et activité, tels sont, monsieur le président de la commission, les maîtres mots du bilan à la moitié de cette législature. C'est dans cette optique que s'inscrit le projet de budget pour 2000 et qu'il convient de l'étudier, dans la continuité de l'effort engagé depuis deux ans.
Comme je l'ai préalablement précisé, je n'aurai pas la prétention de présenter dans leur ensemble les dispositions contenues dans le projet de budget.
Les trois axes qui me semblent tout à fait révélateurs de la démarche volontariste et responsable engagée par le Gouvernement et sa majorité depuis le début de la législature sont la réduction des déficits publics, le financement des actions prioritaires et la réforme fiscale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah ! C'est intéressant !
M. Bernard Angels. En 1999, le budget avait déjà reflété cete dynamique, se répartissant en trois tiers : un premier tiers consacré à la baisse des déficits publics, un deuxième consacré à l'augmentation de la dépense publique, un troisième consacré à la diminution des impôts.
Pour l'année 2000, le projet de loi de finances prévoit d'affecter deux tiers à la baisse d'impôts et un tiers à la réduction des déficits. Le financement des postes budgétaires prioritaires se fera grâce aux marges de manoeuvre dégagées, pour la première fois depuis vingt ans, par la diminution du poids de la dette ainsi que par des redéploiements ministériels.
J'évoquerai tout d'abord la réduction des déficits.
A la suite de la forte récession du début des années quatre-vingt-dix, la situation des finances publiques, en France comme chez ses principaux partenaires européens, s'était particulièrement dégradée : le déficit public agrégé de la zone euro atteignait ainsi, en 1993, 5,5 points de PIB,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est important, après cinq années de socialisme !
M. Bernard Angels. ... tandis que la dette brute des administrations publiques approchait 70 points de PIB. En France, cette même année, le déficit public s'établissait à 5,6 points de PIB et le ratio de la dette atteignait 45 points de PIB.
Pour faire face à cette dégradation et en vue de la mise en place de la monnaie unique, les gouvernements européens ont entrepris un important effort d'assainissement budgétaire. Malheureusement, la France était restée en retard par rapport à ses partenaires, ne parvenant pas à maîtriser ses dépenses publiques, augmentant ses prélèvements obligatoires et réduisant peu son déficit. C'est votre bilan !
L'assainissement européen se poursuit depuis 1997. Selon les programmes pluriannuels de stabilité budgétaire à l'horizon 2002 transmis par les différents gouvernements en 1999, les pays de la zone euro devraient réduire leur déficit de 2,3 % du PIB, en 1998, à 0,7 % en 2002, et leur dette publique devrait passer en deçà du seuil de 70 %.
La nouveauté de la situation tient au fait que, contrairement aux années précédentes, la France n'a pas à rougir de ses résultats et peut désormais se féliciter de la bonne tenue de ses objectifs par rapport à ses partenaires européens, alors même que son retard était des plus importants.
La France est le pays d'Europe où le déficit public diminue le plus rapidement :...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh oui !
M. Bernard Angels. ... moins 1,7 % depuis 1997.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut voir d'où l'on partait !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On partait de haut !
M. Bernard Angels. Cependant, il reste encore élevé et, en 2000, il atteindra encore 200 milliards de francs, soit 1,8 % du PIB. Par conséquent, l'effort doit être et sera, j'en suis persuadé, poursuivi.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous ne demandons que cela !
M. Bernard Angels. Je note, monsieur le rapporteur, puisque vous semblez commenter mes propos,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De façon laudative ! (Sourires.)
M. Bernard Angels. ... que, en 1996, vous louiez les efforts du gouvernement que vous souteniez à l'époque quant à la réduction des déficits et des dépenses publiques. Or, aujourd'hui, vous ne faites pas preuve de la même clémence à l'égard du gouvernement que nous défendons, alors que ses efforts conduisent à des résultats bien plus satisfaisants.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Contexte très différent !
M. Bernard Angels. Bien sûr ! C'est trop facile !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et du budget. M. Marini ne donne pas quitus facilement !
M. Bernard Angels. Mais si vous avez bien écouté mon raisonnement, vous verrez que j'ai fait une comparaison avec les autres pays d'Europe.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous écoute avec grand intérêt !
M. Marc Massion. Laissez parler notre ami !
M. Bernard Angels. La baisse des déficits publics n'est pas une fin en soi.
Pourtant - et nous nous accorderons tous sur ce point - elle est fondamentale.
Je ne développerai pas cet aspect, connu de tous et sur lequel j'ai déjà eu l'occasion d'intervenir l'an dernier, mais je soulignerai simplement les deux raisons principales de cette obligation de résultat : d'une part, la réduction nécessaire de la dette publique, qui grève le budget national - 40 % des recettes fiscales supplémentaires dégagées ont ainsi été absorbées par la charge de la dette entre 1993 et 1997 - mais qui ralentit aussi les investissements productifs, et, d'autre part, l'absolue nécessité de conserver des marges de manoeuvre en matière de politique structurelle, de reconstituer nos réserves pour faire face à d'éventuels temps plus difficiles.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela, c'est sage !
M. Bernard Angels. Le budget pour 2000, qui s'inscrit dans le programme pluriannuel à l'horizon 2002, va incontestablement dans ce sens. En effet, le déficit de l'Etat sera réduit de 21 milliards de francs en 2000, atteignant 215,4 milliards de francs, et le budget dégagera un excédent primaire d'une vingtaine de milliards.
De plus, pour la première fois depuis vingt ans, la dette publique reculera de 60,5 % du PIB en 1999 à 59,9 % en 2000, et la charge de la dette baissera de 2,5 milliards de francs pour atteindre 234,7 milliards de francs.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Sauf que l'on continue à emprunter pour payer les dépenses de fonctionnement !
M. Bernard Angels. La politique budgétaire française est également marquée dorénavant par le choix d'un objectif de dépenses plutôt que de déficit.
Ainsi, les dépenses de l'Etat n'augmenteront que de 1 % en volume sur la période 2000-2002, quelle que soit la conjoncture. La part des dépenses publiques dans le PIB passerait ainsi d'environ 55 % en 1997 à 51 % en 2002. D'ores et déjà, alors que, de 1993 à 1997, la dépense publique de l'Etat a augmenté en moyenne de 1,5 % par an, depuis 1997, le rythme est passé à 0,3 % par an.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce sont les faits !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. La dette coûte moins cher !
M. Bernard Angels. Pour 2000, la hausse des dépenses nettes du budget général sera nulle en volume, à hauteur de 1 685 milliards de francs à périmètre constant.
Pour autant, cette stabilisation ne nuit pas au financement de nos actions prioritaires, et ce grâce à des efforts importants d'économies et de redéploiements.
Les priorités du Gouvernement et de la majorité sont connues et maintenues depuis plus de deux ans maintenant. Il s'agit avant tout de lutter efficacement contre le chômage et de permettre au plus grand nombre de profiter des fruits de la croissance.
Ainsi, l'emploi, la justice, l'éducation, l'environnement, la culture ou la sécurité connaîtront une forte hausse grâce aux efforts de redéploiement, qui atteindront 34 milliards de francs pour l'annnée 2000.
En stabilisant les dépenses tout en engageant ou en poursuivant des actions structurelles d'ampleur, le Gouvernement est donc loin de proposer un « budget cigale », comme d'aucuns ont pu l'insinuer, mais situe son action dans un projet responsable et volontaire tant sur le plan comptable qu'au niveau des réformes entreprises.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On ne peut pas mieux dire !
M. Bernard Angels. J'en arrive, mes chers collègues, au sujet sur lequel la majorité sénatoriale s'est montrée la plus critique : je veux parler de la fiscalité. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est un sujet qui nous intéresse !
M. Bernard Angels. En effet, voulant peut-être se faire pardonner les hausses d'impôt pratiquées alors qu'elle était elle-même au pouvoir (Exclamations sur les travées du RPR) ...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Touchés !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais alors, réduisez ces impôts ! Ne les percevez pas !
M. Bernard Angels. Vous êtes touchés, là !
Voulant peut-être, disais-je, se faire pardonner les hausses d'impôt qu'elle pratiquait, l'opposition tente à tout prix de démontrer que le gouvernement actuel manie également, comme elle l'a fait, la « massue fiscale ».
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais oui !
M. Bernard Angels. Malheureusement, comme bien souvent, le dossier des prélèvements obligatoires est abordé sous un angle inadapté, monsieur le rapporteur général.
Tout d'abord, la comparaison systématique des niveaux de prélèvements obligatoires entre les pays paraît tout à fait déraisonnable...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon !
M. Bernard Angels. ... tant les structures de chaque Etat et les services publics financés par ces impôts sont différents.
M. Michel Caldaguès. C'est bien le problème !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est merveilleux !
M. Bernard Angels. Si la volonté de réduire fortement les prélèvements signifie, pour vous, la volonté de mettre à bas notre modèle social et de réduire drastiquement les prestations, il est alors clair que nous ne nous inscrivons pas dans cette école !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est ce à quoi mène votre politique !
M. Bernard Angels. Cette perspective n'effraie aucunement notre rapporteur général qui estimait, dans un article de presse du mois dernier, que les prestations d'assistance étaient trop élevées !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je disais qu'il fallait les transformer !
M. Bernard Angels. Je doute que, sur ce point, il soit suivi par une majorité de Français, et même peut-être par une simple majorité de l'opposition !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On s'occupe de nos affaires, occupez-vous des vôtres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les crédits du RMI ont augmentés de 30 % en trois ans, c'est excessif !
M. Bernard Angels. Ensuite, selon M. le rapporteur général, le taux des prélèvements obligatoires n'a pas cessé de croître depuis 1997. Or, la hausse des recettes fiscales n'est que la conséquence mécanique de la croissance.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Eh bien, baissez-les !
M. Bernard Angels. En effet, chaque année, la croissance économique fait qu'il rentre plus d'impôt.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Malgré vous !
M. Bernard Angels. Quand bien même la fiscalité existante ne serait pas changée d'une année sur l'autre, celle-ci rapporterait plus à l'Etat, simplement parce que l'économie s'est développée.
La notion de prélèvements obligatoires, quant à elle, n'est qu'une donnée statistique qui agrège l'ensemble des dispositions fiscales à destination tant des particuliers que des entreprises. La prendre dans sa généralité n'a donc qu'une portée statistique ; ce qui importe, c'est de se rendre compte si, au niveau individuel, les Français et les entreprises de notre pays payent plus ou moins d'impôts ! De ce point de vue, les choses sont relativement claires : les Français font désormais plus confiance à la gauche qu'à la droite pour baisser les impôts !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous verrez, cela ne durera pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez intérêt à ne pas les décevoir !
M. Bernard Angels. Par ailleurs, il convient de calculer l'écart que la politique du Gouvernement, par les options choisies, apporte par rapport à cette évolution tendancielle. Ne pas tenir compte de l'évolution tendancielle n'a, en effet, aucun sens. Si l'économie s'écroulait - ce que nous ne souhaitons ni vous ni moi - et que la croissance chutait fortement, les recettes fiscales seraient plus faibles et nul ne pourrait, pour autant, se féliciter d'une quelconque baisse des impôts. Attention donc, mes chers collègues, à ne pas se tromper de débat ni à user d'arguments imprécis, voire tendancieux !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Donc, on garde le niveau d'impôts d'avant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne voit pas où il veut en venir !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y va !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. M. Angels vient de dire que le Gouvernement ne baissera pas les impôts !
M. Bernard Angels. Depuis 1997, le Gouvernement a, au contraire, pratiqué de fortes baisses d'impôts, notamment en direction des ménages.
Les mesures prises vont toutes dans le sens d'un rééquilibrage entre la fiscalité pesant sur le travail et celle touchant le capital. Il en va ainsi du transfert cotisation-CSG, de la suppression de la base salariale de la taxe professionnelle ou des réductions ciblées de TVA. Au total, près de 40 milliards de francs de baisses d'impôts sont ainsi réalisées dans le budget pour 2000,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les impôts baissent ?
M. Bernard Angels. ... dont 30 milliards de francs profitent directement aux ménages.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous ne rencontrez pas souvent les contribuables !
M. Bernard Angels. Ces mesures fortes et volontaristes font ainsi passer les prélèvements obligatoires d'Etat de 17,5 % à 16,9 % du PIB.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au profit de ceux qui sont opérés au titre de la sécurité sociale !
M. Bernard Angels. Dans le détail, quinze milliards de francs sont la conséquence de mesures antérieures : suppression de la surtaxe de 10 % sur l'impôt sur les sociétés, soit plus de 12 milliards de francs d'allégements fiscaux en direction des entreprises, poursuite de la diminution de la taxe professionnelle engagée en 1999, soit 2 milliards de francs supplémentaires en 2000, ou crédit d'impôt pour les travaux d'entretien, à hauteur de un milliard de francs.
Vingt-quatre milliards de francs sont à mettre au bénéfice de nouvelles mesures, parmi lesquelles on peut citer le passage à 5,5 % de la TVA sur les travaux de réparation et d'entretien dans les logements, soit une baisse d'impôts de plus de 19 milliards de francs ; la baisse des droits de mutation, qui se monte à plus de 4 milliards de francs ou la suppression du droit de bail, avoisinant les 3 milliards de francs.
Ainsi, de juin 1997 à fin 2000, les 90 % de la population qui touchent les revenus les plus faibles auront bénéficié d'une forte baisse d'impôt. Dans le même temps, la pression fiscale sur les entreprises n'aura pas globalement augmenté mais sera plutôt redistribuée, la spéculation se voyant plus lourdement taxée alors que les prélèvements sur l'emploi baisseront de 20 milliards de francs environ.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'est-ce qu'on appelle « spéculation » ?
M. Bernard Angels. Les baisses d'impôt sont aujourd'hui nécessaires, chacun l'admettra volontiers...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous sommes rassurés !
M. Bernard Angels. ... non pas dans le simple souci de bien figurer dans un classement mondial sur le taux de prélèvements obligatoires, mais, avant tout, pour soutenir la demande intérieure et rééquilibrer la charge fiscale au bénéfice du travail.
C'est en ce sens que les modalités de ces baisses sont centrales. L'impôt sur le revenu comporte, certes, des défauts qui doivent être corrigés. Pour autant, l'impôt qui, tant par son caractère injuste, son assiette que par sa répartition, pose le plus de difficultés, c'est la taxe d'habitation, qui devra faire l'objet d'un traitement de fond dans les délais les plus brefs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Confions-le à une commission !
M. Bernard Angels. Le budget pour 2000 se situe donc bien dans la droite ligne des orientations prises par le Gouvernement et la majorité depuis deux ans en faveur de l'emploi et de la justice sociale. La politique fiscale constitue un axe majeur de réforme dans la voie d'une meilleure redistribution des richesses dans notre pays.
Pourtant, au-delà de ces questions strictement nationales, une question importante concerne l'harmonisation fiscale européenne. Elle s'avère absolument nécessaire dans une zone bénéficiant d'une monnaie unique afin d'éviter les distorsions de concurrence préjudiciables à l'ensemble des pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, il faut faire des comparaisons !
M. Bernard Angels. Or, à ce jour, seules la TVA et les accises sont encadrées par le droit européen.
La « flibuste fiscale » est donc malheureusement à l'oeuvre en Europe.
Mario Monti avait déclaré, en 1997, que le manque de coordination fiscale était responsable d'un tiers du chômage en Europe, notamment parce que les Etats, contraints par la concurrence fiscale de baisser les impôts sur les bénéfices et l'épargne, se sont rattrapés en taxant le travail.
Cette concurrence déloyale pourrait s'aggraver avec la monnaie unique. Les travaux de l'OFCE portant sur « la concurrence fiscale en Europe », réalisés à la demande de notre commission des finances, énonçaient : « Faute de pouvoir dévaluer leurs monnaies, les gouvernements pourraient être tentés de recourir à l'arme de la concurrence fiscale et sociale pour améliorer la compétitivité de leurs entreprises et l'attractivité de leur territoire ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien ce qui se passe !
M. Bernard Angels. A Mondorf, le 13 septembre 1997, les ministres européens ont décidé la mise en place d'un « code de bonne conduite ». Concrètement, cet accord politique, non contraignant sur le plan juridique, devrait permettre l'adoption d'un « paquet fiscal » réglant la fiscalité des entreprises et la fiscalité de l'épargne. Un groupe de travail européen a été constitué et a identifié de nombreux régimes dérogatoires déloyaux. Les résultats de cette expertise seront présentés lors du conseil d'Helsinki, dans quelques semaines. Les Etats concernés seront tenus de présenter un calendrier de retour à la normale avant décembre 2002.
De son côté, la Commission de Bruxelles a adopté, en juin 1998, un projet de directive qui garantit un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne des particuliers.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle est mal partie !
M. Bernard Angels. Ce code de bonne conduite et la directive sur l'épargne sont bien loin de l'harmonisation que nous appelons de nos voeux, mais ils constituent un minimum nécessaire. Pourtant, leur adoption à Helsinki paraît très compromise, notamment du fait de la position exprimée par la Grande-Bretagne.
Aussi, monsieur le ministre, sachant que vous êtes en pleine négociation et que, ce week-end, une nouvelle réunion doit avoir lieu, pouvez-vous nous éclairer sur les chances de trouver un accord et, si tel n'était pas le cas, sur les raisons qui auraient conduit à cet échec, dramatique pour la construction européenne ?
Quoi qu'il en soit, sachez que le groupe socialiste vous soutient dans cette difficile négociation, tout comme il vous soutiendra lors de l'examen de ce projet de loi de finances pour 2000. En effet, ce texte a confirmé les orientations définies par le Gouvernement depuis deux ans avec, au coeur de cette politique, le choix majeur de l'emploi.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !
M. Bernard Angels. La continuité de la politique économique et budgétaire est la meilleure garantie de son succès. Elle a permis à notre pays, par sa pertinence, de renouer avec une croissance solidaire, de faire reculer le chômage - même si beaucoup reste à faire en ce domaine - et de rétablir le lien social.
Vous nous présentez donc, monsieur le ministre, un bon budget, responsable, ambitieux et résolument tourné vers l'avenir. Le groupe socialiste s'attachera, soyez-en certain, tout au long de la discussion qui s'ouvre, à l'enrichir, à le renforcer et à oeuvrer pour son adoption. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les allées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, nous étions convenus de terminer cette nuit la discussion générale. Mais il est bien sûr qu'il ne pourra en être ainsi que si chacun respecte le temps de parole qu'il a annoncé.
La parole est à M. de Villepin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion budgétaire se déroule, cette année, dans un contexte économique très favorable.
L'optimisme ambiant ne doit cependant pas nous faire oublier les menaces extérieures, qui persistent. Il faut, à ce propos, tirer les conséquences des crises cycliques qu'a déjà connues le système financier mondial.
Plus préoccupantes encore sont sans doute les faiblesses du capitalisme européen dans son ensemble face à ses principaux concurrents, en premier lieu les Etat-Unis. C'est vrai en matière de développement des nouvelles technologies.
En France, cette lacune se double d'une grande dépendance vis-à-vis du capital extérieur.
Par ailleurs, dans une conjoncture favorable, le Gouvernement sacrifie l'avenir au profit de considérations à court terme : les dépenses de fonctionnement progressent de nouveau au détriment des investissements publics.
Le projet de budget qui nous est soumis ne paraît pas à la hauteur des défis que la France doit relever dans le cadre de la mondialisation.
Il est vrai que la conjoncture internationale s'est nettement améliorée. Ce constat doit être nuancé, et ce sera le premier axe de mon propos.
Chacun se souvient de la grande réunion du Fonds monétaire international à Washington, en octobre 1998. Les principaux participants craignaient alors une catastrophe financière majeure et s'inquiétaient de l'évolution de la situation des pays asiatiques et de la Russie.
Un an après, les choses ont quelque peu changé. L'Asie, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, retrouve peu à peu les chemins de la croissance. La reprise asiatique devrait, cette année, ajouter près de 4 % au commerce international. L'économie américaine n'en finit pas de nous surprendre. Quant à l'Europe occidentale, elle touche en quelque sorte les dividendes de l'embellie de la situation internationale. La zone euro est entrée de nouveau dans un cycle de croissance sain : 12 % d'inflation en rythme annuel pour 2,1 % de croissance environ en 1999.
Cette amélioration intervient après un ralentissement de l'activité particulièrement sensible au début de l'année en Italie et, surtout, en Allemagne, pays plus durement touché que les autres par les crises asiatique et russe.
Cependant, la croissance économique actuelle reste fragile et dépend, en grande partie de facteurs extérieurs, monsieur le ministre. Une menace réelle pèse sur l'économie mondiale. Nous ne pouvons écarter totalement une crise financière, voire boursière.
La crise dite « asiatique » a eu le mérite de dévoiler les faiblesses cachées par deux décennies de croissance forte au sein même des économies émergentes, avec des systèmes bancaires et financiers insuffisamment robustes, des mécanismes de surveillance défaillants et des taux de change trop rigides. Mais c'est le mode de fonctionnement de l'économie mondiale qui est en cause.
Depuis la fin des années quarante, l'économie internationale s'est transformée. D'une économie fondée sur l'activité, elle est devenue une économie de crédit bâtie sur l'endettement, tant interne qu'externe. Au Mexique, en Russie comme en Asie, les grandes banques internationales ont fait preuve d'une gestion approximative des risques, multipliant les engagements hasardeux, provoquant l'afflux de capitaux à court terme à caractère spéculatif.
Faisant fi des enseignements des dernières crises, des établissements bancaires, aux Etats-Unis comme en Europe, persistent dans ces pratiques et mettent en péril l'équilibre du système financier international.
La mondialisation exige donc l'excellence de la gestion de l'ensemble des systèmes financiers, y compris ceux des pays développés. Si le FMI a su étendre peu à peu son champ d'intervention, il reste à rendre plus contraignantes les normes de gestion publique et privée applicables aux pays désireux d'avoir accès aux marchés internationaux de capitaux.
Il faudrait également mieux coordonner l'action des autorités monétaires des pays membres du G 7 et des principales institutions financières internationales.
Ma seconde inquiétude réside dans le fait que la croissance européenne redémarre, mais sans atteindre le niveau américain.
Les résultats économiques très flatteurs obtenus par les Etats-Unis depuis plus de huit ans tranchent par rapport à la faible augmentation du PIB en Europe sur la même période. La cause de ce phénomène est d'ordre structurel. Les Américains savent mieux que nous tirer parti du développement des nouvelles technologies.
Rappelons que les dépenses en recherche et développement atteignent près de 3 % de la richesse nationale aux Etats-Unis, soit un point de plus qu'en Europe, et que le capital-risque y est deux fois plus élevé. Conséquence de ce dynamisme, le chômage aux Etats-Unis touche seulement 4,2 % de la population active, contre 9,3 % en Europe et 11 % en France.
Mais, de façon plus générale, l'un des problèmes majeurs des économies européennes réside dans une difficulté d'adaptation des dirigeants et des citoyens aux nouvelles conditions de fonctionnement du capitalisme de marché. C'est vrai surtout pour la France, monsieur le ministre, comme le montre le récent et excellent ouvrage d'Erik Izraelewicz.
Du fait de la globalisation, le capitalisme d'Etat, irrémédiablement condamné dans les années quatre-vingt, se serait transformé, dans notre pays, en un capitalisme sans capital, particulièrement vulnérable devant les investissements étrangers.
Ainsi, la part des investisseurs internationaux serait passée dans l'Hexagone de 10 %, en 1985, à plus de 40 %. Aucun autre pays développé ne connaît un tel phénomène.
Aux Etats-Unis, la part des capitaux d'origine extérieure atteint à peine 7 %. Elle est de 10 % en Allemagne, de 15 % au Royaume-Uni, et je le répète, de plus de 40 % en France.
Les sociétés du CAC 40 sont majoritairement détenues par des investisseurs institutionnels américains.
Une entreprise comme Alcatel a vu subitement ses actions perdre 38 % de leur valeur en quelques heures, le 17 septembre 1998. (M. le ministre sourit.) Les investisseurs anglo-saxons ont voulu signifier ainsi qu'il fallait désormais compter avec eux et que leurs arbitrages en matière de placements étaient strictement régis par des critères de rentabilité.
Il ne s'agit pas d'évoquer avec nostalgie l'époque révolue d'une certaine forme de capitalisme replié sur lui-même. Les investisseurs internationaux sont utiles au développement de l'économie mondiale. N'oublions pas d'ailleurs que la France, troisième pays d'accueil des investissements étrangers, est le quatrième investisseur mondial.
Nous devons néanmoins nous interroger sur les moyens dont dispose notre économie pour se protéger - j'aimerais beaucoup vous entendre à cet égard, monsieur le ministre - contre les conséquences de la volatilité de certains capitaux.
A ce propos, la création de fonds d'épargne retraite, dont les placements pourraient renforcer les fonds propres de nos entreprises, constituerait sans doute un facteur de stabilisation du capital des entreprises tout en relativisant l'influence des investisseurs internationaux. Tel est l'objet d'une proposition de loi adoptée au Sénat le 14 octobre dernier, sur l'initiative notamment de mon groupe parlementaire.
Je me réjouis, à cet égard, que l'idée de créer des fonds d'épargne retraite s'impose peu à peu au sein de la société civile comme chez les responsables politiques, et ce au-delà des clivages traditionnels.
Un autre moyen de renforcer le capital des entreprises est évidemment le développement de l'actionnariat salarié, qui est par ailleurs l'élément indispensable d'un véritable partenariat social. Le Sénat en débattra le 16 décembre prochain et une autre proposition du groupe de l'Union centriste sera examinée à cette occasion.
Revenons maintenant au projet de loi de finances que le Sénat examinera au cours des trois prochaines semaines. Il n'est pas, monsieur le ministre - et, à cet égard, je me distingue de mon éminent prédécesseur à cette tribune - à la mesure des exigences qu'impose la globalisation à l'économie française. Ce sera la seconde partie de mon propos.
Afin de consolider la croissance en France, il faudrait que le travail et sa productivité augmentent très fortement et que l'investissement atteigne les normes internationales de rentabilité.
Ce n'est malheureusement pas le cas actuellement, du fait du caractère excessif des dépenses publiques et des charges pesant sur le travail.
Le projet de budget en tant que tel, sorti de son contexte, peut paraître vertueux - il l'est, et d'ailleurs je vous en donne acte - avec la réduction du taux des déficits publics prévue en 2000.
Mais, au-delà des apparences, la politique économique et budgétaire du Gouvernement souffre de deux défauts majeurs : l'effort de réduction du déficit s'avère insuffisant par rapport à celui de nos partenaires européens ; de surcroît, cette politique n'est pas à même de réduire de façon significative le taux de chômage.
Je sais bien qu'on nous fait quelques promesses à dix ans, mais vous permettrez à ceux qui ont des cheveux blancs d'être inquiets.
Mme Hélène Luc. C'est tout de même mieux qu'avant !
M. Xavier de Villepin. S'agissant du déficit et des dépenses publiques, je ne reviendrai pas sur les astuces de présentation du Gouvernement : des débudgétisations massives, certaines dépenses sous-estimées. Ces manipulations ont été excellemment dénoncées par nos collègues Alain Lambert et Philippe Marini. Qu'ils en soient remerciés !
Une chose est certaine : le poids des dépenses publiques rapporté au PIB est encore égal à 54,2 %, soit 6 points au-dessus de la moyenne de la zone euro et 15 points au-dessus de la moyenne du G7.
L'effort de réduction du déficit connaît, en fait, un net ralentissement depuis 1998, alors que les recettes fiscales sont très importantes. Si l'on compare le taux des déficits publics des différents pays européens en 1999, la France est en retard vis-à-vis de la plupart de ses partenaires. C'est vrai, justifié, prouvé.
Il est un autre fait inquiétant ; je veux parler de la forte augmentation des dépenses civiles de fonctionnement. L'ensemble des rémunérations et charges de personnel devraient augmenter de 3,7 % en 2000, soit plus que le taux de croissance.
L'augmentation des dépenses de fonctionnement reste ainsi forte et l'investissement public est de nouveau sacrifié, s'agissant notamment des dépenses militaires. Ce n'est pas l'intérêt de notre pays. Nous y reviendrons lors de l'examen du budget de la défense.
Une réduction durable des dépenses publiques passe par l'instauration de nouvelles règles de gestion de l'Etat, à caractère patrimonial, idée chère à notre collègue Jean Arthuis et au groupe de l'Union centriste. Les récents événements viennent de nous donner raison avec le rapport de M. Jean-Jacques François.
Ce document, dont la Haute Assemblée a obtenu non sans mal la communication, vient de dénoncer les graves dysfonctionnements de la comptabilité publique : des dizaines de milliards de francs seraient en jeu ! De son côté, le Parlement doit jouer son rôle et engager, dès qu'il le peut, des procédures d'enquête sur l'utilisation des deniers publics.
Des économies sont donc possibles par les administrations publiques. Il reste encore des marges de ressources inutilisées dans le secteur productif.
Afin d'obtenir une réduction significative du taux de chômage et de se rapprocher ainsi de la situation de pays comme les Pays-Bas ou les Etats-Unis, nous devons introduire plus de dynamisme et de liberté dans l'économie.
En matière de prélèvements sur les entreprises, la vertu du Gouvernement n'est qu'apparente. Comme pour 1999, le projet de budget pour 2000 affiche, en effet, une réduction d'impôt sur les entreprises. Or, si l'on tient compte de l'ensemble des mesures prises depuis 1997, y compris les réductions de cotisations liées au passage aux 35 heures, on aboutit à un prélèvement net sur le secteur productif de 1,5 milliard de francs, selon les études dont nous disposons. La France ne pourra pas vivre durablement avec un taux de prélèvement sur les entreprises supérieur à celui de ses principaux partenaires.
L'une des conséquences de cette situation est que l'investissement français reste en deçà de la moyenne européenne, comme le constate une excellente étude du secrétariat d'Etat à l'industrie.
Le plus préoccupant pour l'avenir est que le contenu en innovation de l'investissement est insuffisant : seules 40 % des entreprises françaises déclarent investir dans la recherche. Au cours de sa vie, une PME sur quatre dépose un brevet, alors qu'aux Etats-Unis et au Japon, que vous connaissez très bien, on atteint des taux de 40 % à 60 %.
Pis, le capital humain de nos entreprises, constitué en particulier d'ingénieurs et de chercheurs, serait menacé d'une nouvelle fuite des cerveaux. C'est l'une des conclusions du premier séminaire franco-américain sur l'innovation, qui s'est déroulé en octobre dernier.
Un Etat trop dispendieux, une initiative privée bridée par des charges fiscales et administratives excessives sont autant d'éléments de ce qui constitue actuellement la très regrettable « exception française » !
Fort heureusement, il semble bien qu'au sein même de la majorité gouvernementale un certain nombre de leaders aient acquis la conviction du caractère inexorable de nouvelles et profondes réformes de structure - et je tiens à féliciter ceux qui le disent publiquement - réformes sans lesquelles notre pays ne serait pas le mieux armé dans la perspective des nouveaux défis qu'il devra relever demain au sein d'une économie ouverte.
Je citerai un grand auteur que vous aimez bien, monsieur le ministre : Jaurès,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ah !
M. Xavier de Villepin. ... qui disait, en d'autres temps, qu'« il ne peut y avoir révolution que là où il y a conscience ! »
Dès à présent, il appartient à l'opposition et à sa représentation au Sénat de présenter aux Français un autre projet politique. Ce sera l'objet de nos débats jusqu'au 14 décembre, en votre présence, monsieur le ministre.
N'ayant pas utilisé le temps que vous m'aviez accordé, monsieur le président, je tiens à rendre hommage à l'excellent travail réalisé par mon ami Alain Lambert et par notre rapporteur général.
Sous le bénéfice des observations que j'ai présentées, le groupe de l'Union centriste votera donc les propositions d'amendements et suivra les différents avis de la commission des finances sur le projet de budget pour l'an 2000. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, « illusion budgétaire, illusion fiscale », tel serait le titre de mon intervention si la tradition sénatoriale me conduisait à donner un titre aux quelques minutes que je vais consacrer au débat budgétaire, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, après mon collègue, ami et éminent sénateur Roland du Luart.
L'illusion fiscale, je l'avais dénoncée à l'occasion du débat sur les orientations budgétaires. Mais les questions que j'avais formulées étaient restées sans réponse.
J'avais également fait un pronostic : celui que nous apprendrions ce qu'il en serait de la fiscalité pour l'an 2000 non pas au Sénat, non pas même à l'Assemblée nationale, dont les compétences en matière budgétaire et fiscale, qui sont précisées dans la Constitution, sont estimées et considérées comme supérieures, mais par la presse durant l'été. C'est effectivement par cette voie que nous avons eu connaissance de la « sauce fiscale » de l'an 2000 ! Puis il y a eu le débat à l'Assemblée nationale.
C'est en fonction des décisions et des orientations qui ont été prises au cours des derniers mois en matière de politique fiscale que je souhaite formuler quatre observations.
La première est, à mon sens, très grave : il existe une rupture de l'unité et de l'universalité du budget en matière fiscale. Elle est soulignée de manière tout à fait sérieuse et approfondie dans le rapport général de notre collègue M. Marini.
Monsieur le ministre, je vous pose donc la question : comment se fait-il que le ministre des finances, qui est traditionnellement attaché à l'unité, à l'universalité du budget, et au fait que ce dernier intègre l'ensemble des ressources, ait pu accepter cette séparation due à la difficulté de financement de la loi de financement de la sécurité sociale et des trente-cinq heures ?
Je vois une explication possible : vous avez voulu éviter la contagion d'un budget social en déshérence complète, au rythme de dépenses accéléré et aux déficits incontrôlés. Mais peut-être en aurez-vous une autre ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certainement !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Cette rupture de l'unité et de l'universalité des ressources inscrites au budget constitue une violation flagrante de l'esprit de l'ordonnance de 1959, ce que rappelle aussi collègue Marini dans son rapport. Nous nous posons donc très sérieusement la question de savoir s'il ne faudrait pas engager une réforme de cette ordonnance afin de mieux la positionner par rapport à la réalité des ressources fiscales, c'est-à-dire des ressources de l'Etat et des ressources du système social.
Cette année, nous constatons, outre cette rupture de l'unité et de l'universalité du budget, une très grande instabilité des régimes des comptes d'affectation spéciale : une fraction importante des droits sur les alcools et sur les tabacs ainsi que du produit de la taxe sur les activités polluantes et un nouvel impôt, la taxation des heures supplémentaires, sont affectés à la sécurité sociale.
Cette instabilité rend impossible la comparaison d'une année sur l'autre. C'est vraiment une violation de l'esprit de l'ordonnance de 1959. C'est aussi, dans une certaine mesure, une marque de mépris et une atteinte aux droits fondamentaux du Parlement, dont le rôle est de voter l'impôt, un impôt dont les ressources, limitatives, permettent d'équilibrer les budgets.
On peut également s'interroger sur l'imbrication croissante, année après année, de la fiscalité de l'Etat et de la fiscalité des collectivités locales, qui a été évoquée tout à l'heure par l'un de nos collègues et qui marque une tendance inquiétante. Il est bon que la fiscalité des différentes collectivités locales soit séparée de la fiscalité de l'Etat ; cela devrait être une orientation de la réforme fiscale dans les années à venir.
A quoi assiste-t-on ? D'abord, à la réforme de la taxe professionnelle et, dans le projet de budget pour 2000, à la réforme des droits de mutation. Demain, on assistera, très vraisemblablement, à la réforme de la taxe d'habitation, si l'on en croit les indications communiquées par le Premier ministre à la presse. C'est toujours la presse qui a la primeur des informations dans le domaine fiscal !
M. Jacques Oudin. Ça, c'est vrai !
M. Jean-Philippe Lachenaud. A chaque fois, vous êtes obligé de prévoir des mécanismes de compensation qui contribuent à cette imbrication et, par la même, à un affaiblissement de la responsabilité de chacune des collectivités et de l'Etat en matière de décision fiscale. C'est un processus tout à fait dommageable auquel il faudrait mettre un terme. Cette rupture de l'unité et de l'universalité budgétaire rend difficile l'appréciation de la réalité fiscale et porte vraiment atteinte aux droits du Parlement.
Ma deuxième observation - qui est évidemment tirée du rapport de M. Marini, dont je voudrais approfondir l'analyse - porte sur la manière dont l'évaluation des ressources est faussée en 1999. La question n'est pas de savoir s'il en est vraiment ainsi ou non ; elle est de savoir de combien cette évaluation est faussée.
Dans le rapport qui accompagne la loi de finances, les excédents de recettes par rapport aux prévisions pourraient être, selon vous, de 6 milliards à 9 milliards de francs. Dans le rapport présenté par le rapporteur général, on va jusqu'à avancer les chiffres de 30 à 40 milliards de francs. Vos dénégations, monsieur le ministre, ne nous ont pas convaincus. Nous ne savons donc pas s'il s'agit de 20 ou 25 milliards de francs ou de 10 ou 15 milliards de francs. Mais le point important, c'est que les bases de 1999 sont faussées, et nous aimerions savoir de combien.
Tout à l'heure, vous avez indiqué que M. Marini aurait procédé par extrapolation et même qu'il était le prince de l'extrapolation. Mais ce n'est pas du tout ainsi qu'il a procédé et ce n'est pas ainsi que j'ai lu le rapport !
Moi, j'ai lu qu'au mois de juillet et au mois de septembre on avait établi une coupe photographique et que l'on avait fait des comparaisons sur plusieurs années, ce qui a permis d'évaluer les perspectives de ressources complémentaires. Nous avons cependant ajouté, à titre de prudence - prudence extrêmement importante ! - qu'au cours des mois de novembre et de décembre se produisent des mouvements quelque peu erratiques d'une année sur l'autre, mouvements de renvois d'excédents ou de prélèvements supplémentaires, notamment en matière de TVA. Tout entrepreneur, toute entreprise qui sait comment fonctionne la TVA comprend très bien ces mécanismes qui se produisent en fin d'année, compte tenu de la politique adoptée, notamment en matière de remboursements, et l'on comprend bien qu'il puisse se produire des glissements d'un trimestre à l'autre.
Ces difficultés d'évaluation n'occultent pas le fait que l'impôt sur les sociétés aura augmenté de 18 % - je dis bien 18 %, c'est un chiffre incontestable.
Quant à l'impôt sur le revenu, il aura augmenté de 8 %.
Si je prends pour exemple les impôts directs, c'est parce qu'ils ne sont pas liés à l'activité économique. Il y a donc bien une véritable augmentation, une augmentation sensible, des prélèvements et sur les entreprises et sur les ménages.
Alors, nous nous sommes demandé pourquoi. Une première réponse vient à l'esprit : c'est parce que le ministre des finances veut faire une cagnotte !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oh !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est un réflexe de bon gestionnaire. D'ailleurs il m'est arrivé à moi-même, en tant que maire ou président de conseil général, de sous-évaluer les recettes et de bien apprécier les dépenses,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel aveu !
M. Jean-Philippe Lachenaud. ... de manière à me constituer une cagnotte. Au fond, c'est un élément de bonne gestion que cet excédent !
Puis je me suis dit que ce n'était sans doute pas l'explication et qu'il s'agissait plutôt d'une cagnotte pour l'an 2000 et l'an 2001. Suivez mon regard : il y aurait peut-être des élections en 2001 auxquelles le Premier ministre voudrait se préparer et une cagnotte serait la bienvenue !
L'explication technique est dans le rapport de M. Marini ; c'est l'idée de lisser par glissements successifs la réduction du déficit budgétaire. C'est peut-être la solution.
Ma question est donc double, monsieur le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quelle imagination !
M. Jean-Philippe Lachenaud. J'ai peut-être trop d'imagination.
Quelle est l'évaluation réelle des recettes qui servira de base pour l'an 2000 ? Sera-t-elle de près de 80 milliards de francs de recettes nouvelles ou bien faut-il ajouter 30 milliards, ce qui ferait 110 milliards ? S'il faut ajouter 20 milliards, cela fera 100 milliards de francs de plus de recettes nouvelles en l'an 2000 et donc des moyens d'action extrêmement importants.
Les conséquences de cette sous-évaluation des recettes sont évidentes. C'est une occasion manquée de réduire plus les impôts et c'est une occasion manquée de réduire plus le déficit. C'est même une occasion doublement manquée, parce qu'on l'a manquée en 1999 et parce qu'on la manque de nouveau en l'an 2000. Vraiment, monsieur le ministre, nous attendons des explications complémentaires sur ce point !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela va crescendo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les impôts vont crescendo !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Toujours plus d'impôts, toujours plus de prélèvements, c'est évidemment contraire à l'objectif affiché par M. Strauss-Kahn, et par vous-même, d'ailleurs, puisque vous avez indiqué que votre action s'inscrivait dans la continuité à cet égard.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Absolument, et j'en suis fier !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Quel sera donc le taux de prélèvement : 45,3 %, 45,6 %, 45,7 % ? On le saura l'année prochaine. Pour le moment, vous allez pouvoir me dire que ces prélèvements n'augmentent pas. Autrefois, dans les cours de finances publiques, courait, sous forme de plaisanterie, une recette miraculeuse pour les spécialistes des impôts, qui consistait à « demander plus à l'impôt et moins aux contribuables. »
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est Edgar Faure qui disait cela !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Oui, c'est Edgar Faure.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'était un bon centriste !
M. Jean-Philippe Lachenaud. La formule a été reprise comme un bon conseil de gestion sans que personne ait d'ailleurs trouvé la solution !
Maintenant, nous nous trouvons en présence de ce que M. Marini a très gentiment appelé le « théorème Dominique Strauss-Kahn », théorème que vous reprenez à votre compte. Ce théorème dit : l'impôt produira davantage et les prélèvements baisseront en pourcentage. Eh bien, ce n'est pas ce qui s'est passé !
Tout d'abord, les impôts ont augmenté, et vous pouvez en demander la confirmation aux ménages et aux entreprises : ils ressentent tous un alourdissemnt de la fiscalité.
Par ailleurs, la réalité statistique est inverse, puisque le taux de prélèvement semble atteindre 45,6 %. En fait, et le rapport de M. Marini le montre excellement, l'excédent de prélèvement est de l'ordre de 0,8 point du PIB.
C'est une réalité incontournable, et ce que l'on appelle le théorème Dominique Strauss-Kahn est devenu, à mon sens, le paradoxe Dominique Strauss-Kahn, démenti par les faits. J'espère que cela ne deviendra pas un sophisme ! Voilà, en tout cas, la question que nous nous posons.
Ma quatrième remarque concerne votre méthode et votre approche des réformes fiscales, sur lesquelles je suis longuement intervenu lors du débat d'orientation budgétaire.
Commençons par un petit « discours sur la méthode ». (Sourires.)
La méthode est contestable, et c'est toujours la même : on commence par réaliser une étude qui reste purement interne à l'administration et, ensuite, on fait une annonce à la presse pendant l'été, tout cela étant fondé sur des simulations imparfaites. C'est une démarche tout à fait contraire à la démocratie parlementaire, et surtout inefficace. En effet, le résultat en est que l'on ne se rend pas compte des difficultés que l'on va rencontrer avec ses partenaires à l'Assemblée nationale, qui démontreront tout le système, et que l'on ne peut prendre connaissance des réactions des professionnels ni celles des élus ou des spécialistes des questions fiscales.
Personnellement, je pense que c'est votre méthode d'approche qui entraîne les difficultés. Le Sénat a beau dire : « Sur le droit de bail vous vous "plantez" », il n'est ni suivi ni écouté. Une autre méthode de travail et de réflexion donnerait des résultats plus efficaces.
Par ailleurs, nous avons le regret de constater que, dès que la discussion s'engage à l'Assemblée nationale, le Gouvernement cède à des pressions démagogiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, il est victime de sa majorité !
M. Jean-Philippe Lachenaud. On l'a constaté voilà quelques semaines encore. Qu'est devenue le régime fiscal des créateurs d'entreprises ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Disparu !
M. Jean-Philippe Lachenaud. L'indexation du barème de l'ISF, où est-elle ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Disparue !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Et l'article 57, où est-il ? Maintenu ?
Voilà quelques exemples qui illustrent parfaitement les difficultés que vous éprouvez à gérer la réforme lors du passage à l'Assemblée nationale.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Barre, lui, utilisait l'article 49-3 pour faire adopter son projet de budget !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Si l'on est convaincu de l'efficacité d'une réforme et de son opportunité du point de vue démocratique et fiscal, il vaut peut-être mieux agir ainsi plutôt que d'accepter, sous le coup de l'émotion, sous le coup des événements, sous le coup des médias ou sans la pression de tel ou tel groupe parlementaire, des modifications au projet de loi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! M. Barre avait raison.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La démocratie du 49-3, parlons-en !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je vais risquer une formule, monsieur le ministre : avec cette méthode, votre réforme fiscale est une « réforme à géométrie plurielle. »
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Et cela ne peut être une bonne géométrie fiscale.
En tout cas, ce qui ne facilite pas notre travail, c'est que l'évaluation des coûts et des rendements des réformes fiscales est un peu fantaisiste ; ce n'est d'ailleurs pas récent.
Mme Hélène Luc. Ça oui !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je ne reviens pas sur la question de savoir si on nous donne les renseignements en temps voulu ; je me suis suffisamment exprimé à cet égard.
Quoi qu'il en soit, je n'ai pas eu en mains personnellement et la commission des finances, n'a reçu que tardivement les renseignements relatifs à la TVA, notamment sur les possibilités et les hypothèses de baisse de TVA dans différents secteurs, à savoir celui des services aux personnes, celui de la restauration ou celui du logement.
J'approuve, pour ma part, la décision qui a été prise en matière de logement.
Je pense qu'elle mériterait de faire école dans d'autres secteurs. Je n'ai d'ailleurs pas très bien compris pourquoi on n'avait pas pu faire bénéficier d'autres secteurs de dispositions qui ont eu cours dans d'autres Etats d'Europe.
Au demeurant, l'important est de savoir exactement combien coûtera le dispositif ou bien combien rapportera le nouvel impôt.
Or, j'ignore comment fonctionnent les ordinateurs de votre grande maison, mais nous avons l'impression d'un flou et d'un vague extrême, notamment dans l'évaluation des ressources nouvelles ou des pertes, qui peut donner lieu à des écarts absolument faramineux.
Toujours sur la réforme fiscale, je formulerai une dernière remarque.
Monsieur le ministre, le Gouvernement cède aux effets d'annonce dictés par un calendrier politique, et cela est inacceptable ! Il n'est pas admissible de pouvoir lire des propos tels que ceux que M. le Premier ministre a laissé paraître dans France-Soir voilà trois jours : ne nous occupons pas de l'an 2000, ne nous occupons pas de la loi de finances, disait-il en substance. L'avenir va être merveilleux. L'an prochain, la loi de finances pour 2001 comprendra une réforme de la taxe d'habitation - peut-être y aura-t-il des municipales en 2001 ? - et une réforme de l'impôt sur le revenu, ce qui revenait à dire : on ne vous a peut-être pas tout à fait convaincus que les impôts ont baissé, mais au moins rêvez et pensez à des lendemains qui chantent en imaginant la réforme fiscale de 2001. Franchement, cet effet d'annonce, cette prise en compte du calendrier politique et cette dévalorisation du débat budgétaire pour 2000 sont très discutables.
J'en arrive à ma conclusion, en espérant ne pas être intervenu trop longuement.
Vous avez parlé, monsieur le ministre, de cercle vertueux de la politique budgétaire. Je parlerai de nouveau, l'ayant déjà fait, du cercle vertueux de la politique fiscale.
Ce cercle vertueux doit répondre à trois objectifs. C'est une figure géométrique un peu bizarre qu'un cercle qui doit passer par trois points en même temps, mais enfin on va tenter cela !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par trois points, il passe toujours un cercle !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Par une infinité de points, ce qui rend la réforme fiscale infiniment complexe ! Nous en apprécions et nous en comprenons bien la difficulté.
Les trois objectifs habituellement annoncés sont la justice sociale, le rendement et le dynamisme économique.
A notre avis, ces trois objectifs sont mal pondérés et un mauvais équilibre s'établit entre eux. Mais vous allez essayer, à travers le projet de loi de finances pour 2001, d'y remédier.
S'agissant de la justice sociale, c'est clair, votre sentiment est différent du nôtre. Vous estimez que c'est la préoccupation majeure de toute réforme fiscale. Je vous mets en garde contre des retombées imprévisibles, mais aussi contre les limites d'une telle réforme. En effet, quand la moitié des foyers ne paient pas d'impôts, il devient difficile d'améliorer leur sort en réduisant les impôts !
Par ailleurs, toujours sur le plan social, vous n'avez pas résolu le problème important de l'épargne salariale. Vous dites y travailler. Nous espérons que vous parviendrez à trouver une solution pour améliorer le financement des retraites.
J'en viens au rendement.
Le rendement, vous l'avez : la croissance le donne. Les impôts sont élastiques, comme on dit, et leur rendement augmente encore plus vite que la croissance en valeur. Mais soyons bien conscients du fait qu'une réforme fiscale est plus facile à mettre en oeuvre en période de rendement croissant des impôts qu'en une période moins favorable aux finances publiques.
Vous avez manqué quelques occasions en 1999. A notre sens, vous en manquez d'autres en l'an 2000 : vous auriez pu faire un peu mieux sur la réduction de la TVA, un peu mieux sur l'impôt sur le revenu et vous auriez pu faire peser un peu moins d'impôts nouveaux sur les entreprises.
Le rendement attendu des années 2000 et 2001 devrait normalement vous permettre d'élaborer une réforme significative.
Ce qui nous chagrine le plus, c'est que l'argument du dynamisme économique - qui est vraiment, à nos yeux, l'objectif fondamendal de toute réforme fiscale - argument indispensable dans le climat de concurrence européenne, voire mondiale, qui est le nôtre, semble vous avoir convaincu, mais que, malgré vos bonnes intentions, au premier obstacle, vous reculez, vous abandonnez vos projets ; c'est très regrettable.
Si l'on prend, par exemple, le cas des moyennes entreprises, on constate qu'une entreprise ayant un chiffre d'affaires compris entre 50 millions de francs et 250 millions de francs acquitte aujourd'hui plus d'impôts qu'hier. Elle est, certes, gagnante en matière de taxe professionnelle avec la suppression de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, mais elle est perdante avec la contribution sociale sur les bénéfices et elle le sera avec le financement des 35 heures, ainsi qu'avec la taxe générale sur les activités polluantes.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elles est gagnante en matière de cotisations sociales.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il faut voir !
Je souhaiterais que soit dressé le bilan d'une de ces entreprises ayant un chiffre d'affaires de 100 à 200 ou 300 millions de francs ; je ne parle pas des très grandes entreprises. Je suis certain que les petites et moyennes entreprises sont pénalisées par l'évolution de la fiscalité et que rien n'a été réellement fait pour accroître leur dynamisme, leur capacité d'exportation et d'investissement.
De même, je souhaiterais que soit dressé un bilan de l'épargne risquée investie - je ne parle pas de celle qui dort : vous pouvez estimer qu'elle doit être surtaxée et caricaturer facilement notre position - je souhaiterais, disais-je, que soit dressé un bilan de l'épargne et de son régime de taxation au cours des dernières années, car je pense que l'épargne risquée, investie, est taxée plus lourdement aujourd'hui que voilà quelques années.
Mais il y a plus grave, et je l'avais déjà indiqué lors du débat sur les orientations budgétaires. Je suis en effet l'une de ces innombrables personnes, chefs d'entreprise, élus, qui essaient de vous montrer que le statut de l'entrepreneur n'est pas, chez nous, à la hauteur de ce qu'il est à l'étranger, que notre régime des stocks-options est l'un des éléments, parmi beaucoup d'autres, qui pénalisent l'entrepreneur dynamique et innovant en France. Nous ne sommes pas encore parvenus à vous convaincre, et nous le regrettons très sincèrement.
Il faut que vous placiez le dynamisme économique au premier rang de vos préoccupations en 2000 et aussi en 2001, puisque les réformes fiscales sont, pour l'essentiel, reportées à l'année suivante.
Cela me permet de conclure que l'équilibre de la réforme fiscale est mal assuré et que la méthode n'est pas satisfaisante, que la situation des finances publiques pour l'an 2000 montre bien que nous continuons à travailler sur toute une série de chiffres illusoires. Dès lors, l'affirmation selon laquelle les prélèvements obligatoires baisseraient heurte le sens commun, s'oppose à la conviction des ménages et des chefs d'entreprise et contredit les réalités statistiques.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe des Républicains et Indépendants et moi-même apporterons notre soutien aux propositions de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons les choses clairement, ce budget pour l'an 2000 n'est ni sincère, ni maîtrisé, ni porteur d'avenir ; ce sont beaucoup de défauts pour la première année de ce nouveau siècle.
Il n'est pas sincère parce que vous vous êtes ingénié, monsieur le ministre, à occulter, à cacher et parfois même à tronquer certains chiffres.
Il faut dire que la juxtaposition d'une loi de finances qui dépend de vous et d'une loi de financement de la sécurité sociale dont la maîtrise revient à votre collègue le ministre de l'emploi et de la solidarité vous facilite bien la tâche et celle du Gouvernement.
Le Parlement et, donc, la nation n'ont plus la vision globale des finances publiques, non plus que des prélèvements obligatoires, qui sont le fondement du droit budgétaire, ainsi que notre rapporteur général l'a rappelé dans son excellent rapport.
Les trois règles essentielles du budget sont l'unicité, l'universalité, l'annualité. L'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 précise que « la loi de finances de l'année prévoit et autorise pour chaque année civile l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat ».
Ce n'est, malheureusement, désormais plus le cas.
Prenons l'exemple de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, dont nous reparlerons beaucoup tout au long de ce débat, après l'avoir évoquée également tout au long de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale. L'an dernier, cette taxe figurait à l'article 30 de la loi de finances que vous présentiez. Cette année, elle n'y figure pas, alors qu'elle devrait rapporter à l'Etat 3,2 milliards de francs. Sa création est décidée par un texte, son extension par un autre et, comme les besoins qu'elle est amenée à financer sont énormes, puisqu'il s'agit des 35 heures, son produit risque de quadrupler en 2001. Quel texte en décidera ? La loi de financement de la sécurité sociale ou la loi de finances ?
J'ai déjà dénoncé, dans mon avis sur la loi de financement de la sécurité sociale, les interactions nombreuses, et parfois peu claires, entre ces deux textes. M. le rapporteur général l'a également fait dans son rapport.
J'ai montré qu'en quatre exercices budgétaires cette séparation entre deux modes d'instauration de prélèvements obligatoires avait permis à l'Etat, par l'intermédiaire de son budget, de faire preuve d'une apparente modération alors que, d'un autre côté, le même Etat, par la loi de financement de la sécurité sociale, faisait étalage d'une imagination débordante pour créer de nouvelles taxes et augmenter les assiettes ou les taux de taxes existantes. J'en ai dénombré douze ! Tout cela est excessif.
Personne n'a désormais une vision claire et globale des finances publiques et des prélèvements obligatoires.
La consolidation des comptes publics et sociaux évoquée et traitée par le président de la commission des finances et le rapporteur général est une tâche de clarification indispensable, à laquelle je souhaite d'ailleurs apporter mon concours.
Dans le domaine des dépenses, je vous reproche de ne pas avoir fait figurer au budget la totalité des dépenses qui auraient dû y être inscrites. Je développerai ce point dans mon rapport spécial sur les crédits de la santé et de la solidarité. Les crédits de ce budget sont, à mon avis, sous-estimés d'environ 6 milliards de francs.
Je citerai quelques exemples de ces omissions.
Bien que le Premier ministre ait décidé, lors de la conférence de la famille, que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire serait pérennisée, les crédits qui doivent la financer, c'est-à-dire 4,7 milliards de francs, ne figurent pas dans le projet de loi de finances.
Il en est de même de la subvention de 1 milliard de francs que l'Etat s'est engagé à verser à la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, pour couvrir les dépenses qu'elle supporte pour le fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles. Peut-être cette somme figurera-t-elle dans le collectif, mais de telles manipulations disqualifient par avance la sincérité de votre budget.
D'autres exemples pourraient être cités : la couverture maladie universelle, la CMU, pour laquelle il manquerait 200 millions de francs, ou les subventions aux régimes spéciaux, pour lesquelles il semble qu'il y ait une insuffisance de financement de 260 millions de francs.
Je ne voudrais pas quitter le problème de la sincérité de votre budget, au sens le plus large du terme, sans évoquer la façon dont nos concitoyens peuvent comprendre et appréhender le principe et l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes.
Nous savons bien que l'environnement est, avec l'emploi, un des grands défis de notre siècle, un de ceux auxquels nos concitoyens sont le plus sensibles, car cela concerne la qualité de leur vie quotidienne. Taxer les activités polluantes et les produits polluants peut être compris et admis. Les redevances que nous payons sur l'eau que nous consommons servent à financer les investissements en faveur de l'eau potable et de l'assainissement. Mais créer, étendre et alourdir une taxation des activités polluantes en sachant qu'aucune de ces ressources ne viendra financer les actions en faveur de l'environnement, cela dépasse l'entendement.
Il fallait imaginer un tel financement des 35 heures ! Eh bien, vous l'avez fait ! Je pense que l'avenir vous donnera tort, sur ce point comme sur l'alourdissement de nos prélèvements obligatoires.
L'exception française est, dans ce domaine, à la fois éclatante et inquiétante.
Tous les économistes ont largement analysé et démontré deux corrélations qui s'appliquent parfaitement à la France.
Premièrement, plus les charges qui pèsent sur une économie sont importantes, plus le niveau moyen de chômage est élevé ; dans ces deux domaines la France bat des records.
Deuxièmement, moins le temps de travail moyen est élevé, moins la productivité globale de l'économie considérée est forte. C'est ainsi que la France, qui possède une proportion considérable de fonctionnaires par rapport au nombre de ses emplois marchands, qui détient deux records, l'un concernant l'entrée tardive des jeunes dans la vie active, l'autre le départ prématuré de cette vie active des plus de cinquante ans, a un niveau de productivité globale qui la situe désormais au dix-septième rang des nations développées. (M. le ministre manifeste son désaccord.)
Or quelle politique recouvre votre budget ? Celle de l'alourdissement des prélèvements obligatoir es et de l'allégement autoritaire du temps de travail. C'est exactement l'inverse de ce qu'il faudrait faire !
Comme vous savez bien que les charges tuent l'emploi, vous essayez d'alléger les charges sur les bas salaires, mais c'est aussitôt pour augmenter celles qui affectent les hauts salaires et les autres revenus. Vous déplacez les problèmes, mais vous n'en résolvez aucun.
Cette politique de Gribouille, qui contribue à la fuite des cerveaux et des capitaux, n'est pas à l'honneur de notre pays et suscite les critiques de tous les organismes internationaux qui analysent à long terme les rouages de notre économie et ses perspectives d'évolution.
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que nous avons reçu les compliments de certains organismes internationaux.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et c'est vrai !
M. Jacques Oudin. Permettez-moi, alors, de tirer quelques citations de l'étude sur la France contenue dans le rapport de l'OCDE pour 1999.
A la page 12, à propos de la fiscalité : « Des pans entiers du système fiscal sont en effet archaïques ou sources de distorsions nuisibles à la croissance et à l'emploi. »
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est exact !
M. Jacques Oudin. Toujours à la page 12 et sur le même sujet : « La modernisation doit être menée sans accentuer une instabilité parfois chronique,... » - pensez à la fiscalité sur les flottes marchandes et les bateaux, créée en 1996 et supprimée en 1997 : le yoyo fiscal ! - « ... ce qui est difficile dans le cadre d'une approche privilégiant les retouches successives plutôt qu'une remise à plat plus générale. »
Quant aux effectifs budgétaires, voici ce qu'en dit l'OCDE, toujours à la page 12 : « Stabiliser les effectifs au niveau actuel permettrait d'amorcer leur réduction tout en rajeunissant la structure démographique de la fonction publique. »
Vous le voyez, il n'y a pas que des compliments !
Je passe à la page 13 : « S'agissant du problème des retraites, dont l'OCDE a souvent souligné l'ampleur et l'urgence, peu de mesures nouvelles ont vu le jour depuis la réforme du régime général en 1993. »
J'en arrive au chômage : « Nonobstant la décrue du chômage... son taux demeure très élevé, tant en perspective historique que vis-à-vis de la plupart des autres pays de l'OCDE, et ce malgré un grand nombre de mesures d'aide parfois coûteuses. »
Tout cela, c'est l'OCDE qui l'écrit !
Page 22 : « Sur le moyen terme, la consolidation budgétaire doit être poursuivie résolument et le poids des prélèvements obligatoires diminué encore sensiblement. En outre, il convient d'accélérer les réformes structurelles afin de soutenir la croissance et de résorber un chômage encore trop élevé. »
Eh bien voilà, monsieur le ministre, les félicitations que nous accordent les organismes internationaux !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Citations tronquées !
M. Jacques Oudin. Pas du tout ! Si vous le souhaitez, la bibliothèque peut vous fournir le document dans un instant !
Si nous nous penchons sur l'évolution récente de votre budget et ses perspectives proches, nous constatons une triple caractéristique : en premier lieu, le développement continu, inéluctable et fort, de vos dépenses de fonctionnement ; en deuxième lieu, la réduction de la part de l'investissement ; enfin, en troisième lieu, le renvoi systématique à des échéances lointaines des grands dossiers, dossiers dont le poids est une menace pour notre avenir.
Sur l'évolution des dépenses de fonctionnement, l'analyse des finances sociales est particulièrement instructive.
Le débat sur les comptes de la protection sociale a parfaitement montré que la réduction du déficit, approché en termes de solde, ne doit rien à une maîtrise des dépenses mais doit l'essentiel - 195 milliards de francs - au surplus de recettes issues de la croissance et le reste - 50 milliards de francs - à l'alourdissement des prélèvements.
Afin d'occulter les chiffres qui auraient fait apparaître une accélération des dépenses de maladie, le Gouvernement a calculé la progression de l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, pour 2000, non sur l'objectif initial de 1999 mais sur la réalisation prévisionnelle de cette année. Bref, vous affichez 2,8 % de croissance des dépenses alors que la réalité est plus proche de 4,5 %.
En période de croissance économique, de réduction du taux de chômage - qui reste malgré tout, dixit l'OCDE, parmi les plus élevés d'Europe - et de créations d'emplois, il convient tout de même de s'interroger sur l'augmentation accélérée des crédits affectés à certaines aides.
En un an, monsieur le ministre, les crédits affectés au RMI ont augmenté de 8,7 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un grand succès !
M. Jacques Oudin. Il y a dix ans, les dépenses affectées au RMI s'élevaient à 10 milliards de francs. Elles étaient de 20 milliards de francs en 1994. Elles vont atteindre près de 30 milliards de francs en l'an 2000. Et tout cela alors que nous sommes, dit-on, en période de croissance !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Méhaignerie est plus généreux que vous !
M. Jacques Oudin. Pour l'allocation aux adultes handicapés, nous sommes passés, au cours de la même période, de 15 milliards à 25,5 milliards de francs.
Je développerai tous ces postes dans mon rapport spécial sur le budget des affaires sociales, dont le montant augmente de près de 14 %, soit 10 milliards de francs, passant de 80 milliards à 90 milliards de francs. Il est vrai qu'il faut financer la CMU et les 35 heures, sans que nous connaissions pour autant toutes leurs conséquences financières.
Parmi les dépenses de fonctionnement, il y a, bien sûr, le traitement des fonctionnaires. Dans ce domaine aussi, nous détenons un record parmi les pays développés : la proportion des membres de la fonction publique par rapport aux actifs du secteur marchand.
Aux 2,1 millions d'agents civils de l'Etat, il faut ajouter 1 323 000 agents de la fonction publique territoriale, 650 000 agents de la fonction publique hospitalière, 460 000 agents de La Poste et de France Télécom, 313 000 militaires - hors appelés - et d'autres.
Bien entendu, globalement il n'y a jamais eu aucune réduction de ces effectifs dans le passé, il n'y en a aucune dans le budget actuel et il n'en est envisagé aucune pour l'avenir.
C'est la raison pour laquelle je vous poserai, monsieur le ministre, deux questions.
Pouvez-vous dire au Parlement combien d'agents de cette fonction publique vont partir à la retraite au cours des dix prochaines années et préciser si vous entendez les remplacer poste par poste ?
La deuxième question concerne les mises à disposition des fonctionnaires. Vaste sujet ! J'estime, pour ma part, que ces pratiques sont scandaleuses et peuvent mener à des débordements particulièrement regrettables et répréhensibles.
Ces mises à disposition ont été autorisées par les lois n° 84-16 du 11 janvier 1984, n° 84-53 du 26 janvier 1984, n° 86-33 du 9 janvier 1986. Vous remarquerez qu'il ne s'agit que de lois adoptées sous des gouvernements socialistes. En outre, préalablement à l'adoption de ces dispositions - je me suis reporté aux procès-verbaux - il n'y a eu ni rapport ni débat.
La définition de la mise à dispostion est donnée par l'article 41 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 : il s'agit de « la mise à disposition du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui effectue son service dans une autre administration que la sienne ».
Peu importe qu'il s'agisse d'administrations ou d'organismes publics.
Certes, un décret de 1985 a bien prévu le remboursement de la rémunération des fonctionnaires mis à disposition, mais il a aussitôt admis l'exonération partielle ou totale de ce remboursement.
En fait, la mise à disposition viole deux principes essentiels.
Le premier concerne le Parlement, et plus particulièrement l'affectation des ressources votées à une mission de service public donnée : ces ressources qui sont ainsi détournées vers un autre objet.
Le second principe concerne les citoyens : il s'agit de l'impossibilité de rendre compte clairement de l'usage qui est fait des contributions publiques qu'ils ont consenties ; ce sont, vous le savez, les articles XIV et XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Dans ces conditions, ne vous paraît-il pas souhaitable de demander à la Cour des comptes d'effectuer une enquête générale et détaillée dans toutes les administrations, y compris, bien entendu, l'éducation nationale, afin de connaître les conditions précises de mise à disposition de fonctionnaires ?
Je prendrai un seul exemple pour montrer l'ampleur du phénomène : le ministère de l'emploi et de la solidarité, qui a pour mission de contrôler les caisses - assurance maladie, famille, vieillesse, etc. - et les hôpitaux,
Eh bien, monsieur le ministre, ces organismes contrôlés mettent à disposition du contrôleur, c'est-à-dire du ministère, 375 agents, dont 112 du cadre A ! Parmi ces agents, 172 proviennent des caisses et 203 des hôpitaux. Vous trouverez d'ailleurs 75 de ces agents à la direction des hôpitaux, tous issus des hôpitaux.
Je suppose que la quasi-totalité de ces organismes sont remboursés par le déficit de l'assurance maladie, dont ce n'est manifestement pas l'objet.
Je sais que vous avez prévu 10 millions de francs pour commencer à amorcer une modeste régularisation, qui est hors de proportion avec l'ampleur du phénomène.
Je vous poserai donc une seule question : compte tenu du fait que le budget de ce ministère a augmenté de 10 milliards de francs cette année, pensez-vous pouvoir régulariser totalement cette situation au 31 décembre 2001 en ajustant les dotations budgétaires concernées ?
Ma question vaut aussi pour l'ensemble des ministères, mais là, la tâche est digne des travaux d'Hercule.
La contrepartie de cette croissance excessive des dépenses de fonctionnement est la réduction dramatique de notre effort public dans le domaine de l'investissement et plus particulièrement dans celui des infrastructures de transport.
Deux constatations sont évidentes.
La première est que tout pays qui renonce à s'équiper et à investir est un pays qui obère son avenir et son développement. La seconde est que la France, qui a une place exceptionnelle et privilégiée au coeur de l'Europe comme plaque tournante pour tous les systèmes de transport, devrait avoir une politique cohérente de transport. Or, elle ne l'a pas.
Pas plus que l'Europe, la France n'a de politique financière à long terme pour ses infrastructures de transport.
Or, la mondialisation des échanges, la création d'un espace européen élargi, l'évolution des besoins de transport tant des ménages que des entreprises entraînent une demande forte à laquelle nous aurons de plus en plus de mal à faire face.
Toutes les études montrent que la demande de transport va croître à un rythme accéléré au cours des prochaines décennies et au moins jusqu'en 2040.
Le ciel européen est déjà saturé. Il en est de même de certaines liaisons qui desservent nos grands ports ainsi que des axes transalpins ou transpyrénéens.
Qu'en est-il du côté français ? La gestion de nos ports est largement inadaptée à la concurrence internationale. Vous pouvez vous référer au dernier rapport de la Cour des comptes. Notre ambition maritime est réduite à la portion congrue et notre flotte de commerce, avec moins de deux cent vingt bateaux, se situe à la vingt-septième place mondiale. Nous avons réussi des prouesses technologiques évidentes pour le transport des voyageurs avec le TGV, mais le fret ferroviaire perd des parts de marché année après année.
Quelles ambitions peut-on avoir avec un ensemble ferroviaire qui ne survit que grâce aux 62 milliards de francs, ou plus, de contributions publiques qu'il reçoit chaque année et qui augmentent à un rythme soutenu, plus de 8 % l'an dernier ?
Quelle ambition fluviale peut-on avoir sans budget et sans ressources ?
Quelles solutions comptez-vous apporter pour faire face à la croissance de la demande de transport routier, tant de marchandises que de voyageurs ?
Il semble que, dans quelques jours, les ministres de l'Union européenne vont adopter une déclaration sur les transports où l'avenir de tous les modes sera évoqué, sauf celui des transports routiers, alors que c'est celui où la demande augmente le plus vite. Nier l'évidence, les réalités et les besoins ne permettra jamais de bâtir une politique réaliste et ambitieuse.
Le Gouvernement a lancé, depuis plusieurs mois, une vigoureuse offensive contre notre système autoroutier concédé, je dis bien « contre ». Il y a d'abord eu les déclarations gouvernementales, puis les décisions d'annulation ou de report de tronçons autoroutiers, enfin les rapports convergents de la Cour des comptes et de la MEC, la mission évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ça, ce n'est pas le Gouvernement !
M. Jacques Oudin. ... pour critiquer le seul mode de transport - je veux parler des autoroutes concédées - dont l'équilibre financier est assuré et qui, de surcroît, procure 8 milliards de francs de recettes à l'Etat, dont 2 milliards de francs au profit du FITTVN, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et 100 milliards de francs de dettes !
M. Jacques Oudin. Nous vivons un paradoxe étonnant : une politique autoroutière restrictive face à des besoins assurés et à des ressources garanties.
Bien entendu, il s'agit non pas de faire je ne sais quelle politique dite du « tout autoroute », mais de considérer les enjeux nationaux que cela représente ; quelle politique de transport combiné, quelle politique intermodale peut-on mener quand un système de transport, le ferroviaire, a besoin pour survivre de 62 milliards de francs de contributions publiques annuelles ?
Vous n'échapperez pas à des analyses lucides sur des sujets de cette nature qui engagent l'avenir de notre pays.
Vous ne pourrez occulter longtemps le financement des investissements universitaires et scolaires, le coût des restructurations hospitalières, le financement de la recherche et celui de toutes nos infrastructures, qu'elles soient urbaines ou dans le domaine des transports.
Vous ne trouverez de solutions qu'en réfléchissant à la réforme d'un Etat trop budgétivore, à la juste place des collectivités territoriales, à la réforme de notre système de protection sociale, et donc à l'avenir de nos retraites.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Moins de protection, plus d'autoroutes !
M. Jacques Oudin. Dans un environnement d'ouverture, de changement et de compétition, les pires menaces qui nous guettent sont l'inaction et l'imprévision. Or, votre budget est lourd de ces menaces et d'un avenir incertain.
Pour ces raisons, comme l'a dit le président du groupe du Rassemblement pour la République, nous ne pourrons hélas ! que rejeter le présent projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai d'abord quelques remarques sur l'amélioration de la situation économique et sociale.
Si, depuis 1997, les débats qui entourent l'examen du projet de loi de finances prennent un caractère aussi intéressant et passionné, à droite comme à gauche, c'est tout simplement parce qu'il y a enfin matière à une véritable discussion parlementaire sur le budget de la nation.
Nous sommes sortis de la période de déclin économique et de restrictions budgétaires dans laquelle la politique économique du gouvernement Juppé, par exemple, nous avait plongés.
Le Gouvernement dirigé par Lionel Jospin et soutenu par la gauche plurielle a su prendre les mesures volontaristes et courageuses pour relancer la machine économique et parvenir enfin à inverser durablement la courbe du chômage.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ça commence mal !
M. Paul Loridant. Monsieur le rapporteur général, ce n'est pas seulement une affaire de conjoncture.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour partie tout de même !
M. Denis Badré. Oui, tout de même un peu !
M. Paul Loridant. J'ai dit : « pas seulement » ! C'est aussi une affaire de volonté politique.
Les mesures de relance de la consommation, la création des emplois-jeunes et la réduction du temps de travail ont permis à la France de connaître, depuis 1997, une croissance plus forte que la moyenne de la zone euro, deux fois plus élevée qu'en Allemagne ou en Italie.
Cette croissance a contribué à une amélioration sensible des ressources budgétaires de l'Etat et, surtout, à une baisse significative du nombre de chômeurs. Depuis 1997, près de 530 000 emplois ont été créés. A l'évidence, cela démontre le rôle central que peut jouer l'Etat s'il est décidé à assumer pleinement ses missions et à ne pas abandonner ses prérogatives aux seules règles du marché.
Venons-en aux mesures du projet de loi de finances pour 2000, qui, selon nous, vont dans la bonne direction.
Le projet de budget pour 2000 comporte des dispositions positives qui, par un allégement de la pression fiscale sur les ménages et une plus grande justice sociale, contribueront à enrichir la croissance en emplois.
Le logement, secteur essentiel aussi bien par sa dimension sociale que par son poids dans l'économie, bénéficie d'une attention particulière.
Nous nous réjouissons de la baisse de la TVA applicable aux travaux d'entretien des logements d'habitation, même si je note qu'elle est en partie compensée par la suppression d'avantages au titre de l'impôt sur le revenu, ce qui n'est pas sans poser des problèmes, compte tenu de nos critiques à l'égard de la TVA, dont le taux normal nous paraît trop élevé.
Nous apprécions la suppression du droit de bail pour les locataires et la baisse des droits de mutation sur l'immobilier d'habitation, qui se traduira par un allégement de près de 4,6 milliards de francs pour les ménages.
Néanmoins, excepté une baisse de la TVA sur certains services à la personne, ces mesures constituent les seuls actes forts du Gouvernement en matière d'allégement de la fiscalité indirecte, et je le regrette.
Nous attendons, monsieur le ministre, des mesures de réduction du taux normal de la TVA, car cette taxe, en frappant indistinctement les ménages, accroît les inégalités sociales.
Le second motif de satisfaction dans ce projet de loi de finances réside dans l'effort budgétaire en faveur des secteurs prioritaires que sont, selon nous, l'éducation nationale, l'emploi et la solidarité, la justice ainsi que la sécurité, domaine dans lequel nous nous devons de poursuivre nos efforts dans la direction prise depuis le colloque de Villepinte.
En revanche, je considère que le budget de la recherche, qui connaît une légère contraction de ses crédits, n'est pas à la hauteur des ambitions de notre pays et de la place que celui-ci tient aujourd'hui dans le domaine de la science.
Certes, le budget de la recherche ne recouvre pas l'ensemble de la politique menée par l'Etat en la matière. Toutefois, l'évolution des crédits affectés au Centre national d'études spatiales et, surtout, l'abandon du projet de construction en France du nouveau synchrotron dénommé « Soleil » me conduisent à émettre de sérieuses critiques et à réserver mon vote sur ce budget.
Mme Hélène Luc. Effectivement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ça commence à aller mieux !
M. Paul Loridant. Le projet de loi de finances pour 2000, s'il contient des mesures positives, souffre, selon nous, d'un manque d'audace dont l'origine réside principalement dans le carcan budgétaire que nous imposent le pacte de stabilité budgétaire et les orientations trop souvent restrictives de la Banque centrale européenne.
Je note au passage l'augmentation significative de la contribution de la France au budget de l'Union européenne, alors que cette dernière nous fixe un cadre budgétaire très strict. Il y a là une contradiction que certains n'acceptent pas.
Sur cette question européenne, force est de reconnaître les retards, pour ne pas dire les échecs, pour faire émerger une véritable Europe sociale. Les propositions intéressantes et souvent courageuses de M. Lionel Jospin, en vue de donner un contenu social à la construction européenne, ont été poliment rejetées par nos partenaires européens, notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne, dont les options libérales suscitent le trouble et le désarroi dans leurs pays respectifs.
Revenons plus spécifiquement au projet de loi de finances pour 2000.
La politique budgétaire doit être conçue comme le fer de lance de la politique générale du Gouvernement. Cette conception devrait nous conduire à mettre en oeuvre des mesures de dépenses socialement et économiquement utiles qui seraient de nature à apporter un mieux-être à nos concitoyens, à soutenir la consommation et à conforter la croissance, ce qui, finalement, est le meilleur moyen de lutter contre les déficits publics.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposeront et défendront une série d'amendements dans ce sens.
Enfin, je dirai quelques mots des collectivités locales.
Dans le domaine de la fiscalité locale, on ne peut se satisfaire du statu quo prévu dans le projet de loi de finances pour 2000. Je pense notamment au report de l'actualisation des bases de la taxe d'habitation et du foncier bâti, et à la nécessité, selon nous, de prendre en compte les revenus des ménages dans le calcul de l'impôt local.
De même, nous souhaitons que les collectivités locales, qui, par la masse de leurs investissements, jouent un rôle majeur dans l'activité économique, en retirent un peu plus les fruits. L'indexation partielle des enveloppes normées par rapport à la croissance économique devrait, selon nous, être revue à la hausse.
Nous n'ignorons pas la rigueur qui entoure la préparation et la discussion de la loi de finances. Aussi, pour toutes ces dépenses supplémentaires nous vous ferons des propositions pour trouver des ressources budgétaires et favoriser la justice fiscale, notamment en élargissant l'assiette de la taxe professionnelle aux actifs financiers, qui affichent une insolente santé, monsieur le rapporteur général. Il est temps, en effet, qu'ils participent un peu plus à l'effort de solidarité national.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous les ferez partir à l'étranger !
M. Paul Loridant. Le groupe ATTAC, qui s'est récemment constitué au Sénat, vous proposera, dans le même ordre d'idées, un amendement pour lutter contre les effets déstabilisateurs de la spéculation monétaire et financer les actions en matière de solidarité et de coopération.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen soutient le présent projet de budget, car il marque un certain effort de justice sociale, une priorité aux questions essentielles que sont, pour nous, l'emploi, la solidarité, la jeunesse et l'éducation. C'est sur ces points que nous serons jugés par nos concitoyens. Aussi serons-nous attentifs au respect des engagements pris. Nous comptons sur vos efforts pour améliorer l'architecture du projet de loi de finances pour 2000 et pour répondre aux exigences du troisième millénaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2000 est un budget de consolidation et de transition pour les collectivités locales.
Le budget de 1999 avait permis la mise en place du contrat de solidarité et de croissance entre l'Etat et les collectivités locales, qui était plus respectueux des besoins des collectivités que le pacte de stabilité. Par ailleurs, il avait entamé une profonde réforme de la taxe professionnelle.
Quant au budget pour 2001, il devrait marquer une nouvelle étape de la décentralisation.
Ce budget pour 2000 est néanmoins important, car il consolide les efforts du Gouvernement en faveur des collectivités locales. Il voit en effet la mise en place de l'importante réforme de l'intercommunalité, votée cet été, ainsi que la clarification dans les interventions sociales des collectivités locales consécutives à la loi sur la couverture maladie universelle, la CMU.
Avant d'entrer dans le détail des évolutions, il faut rappeler que la politique économique du Gouvernement, si elle profite largement aux Français, comme l'a démontré mon collègue Bernard Angels, profite aussi largement aux collectivités locales.
Jusqu'en 1997, ces dernières étaient prises dans un effet de ciseaux entre des dépenses de fonctionnement en croissance toujours rapide et des recettes de plus en plus malmenées, notamment les dotations de l'Etat.
Je rappellerai simplement que, sous la précédente législature, les dotations de fonctionnement avaient pratiquement stagné - plus 8,5 % - les dotations d'équipement avaient baissé fortement - moins 10,8 % - tandis que les dotations « passives » avaient été largement ponctionnées.
Quant aux allégements que l'Etat avait décidés, ils étaient demeurés inchangés.
Au total, sur la période, les modifications d'indexation et les ponctions diverses avaient amputé les collectivités locales de plus de 25 milliards de francs.
M. Michel Sergent. C'est bien vrai !
M. Gérard Miquel. Comme leur gestion était demeurée fondamentalement saine, les collectivités locales avaient dû restreindre leurs efforts d'équipement - les investissements avaient baissé en 1995 et 1996 - et accroître fortement la fiscalité locale, dont les taux avaient augmenté deux fois plus vite entre 1992 et 1997 qu'entre 1987 et 1992.
Depuis, la situation s'est largement améliorée. Les collectivités locales bénéficient en effet à la fois d'une hausse des assiettes fiscales, grâce à la croissance, et du maintien à bas niveau de l'inflation et des taux d'intérêts. Ces deux éléments conjugués allègent fortement la charge de leur dette, qui représente aujourd'hui 6 % des recettes de fonctionnement, contre 11 % en 1993.
Associée à la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, cette réduction leur permet de dégager une épargne de gestion et de disposer d'une marge de manoeuvre budgétaire.
Elles peuvent ainsi se désendetter et réduire la pression fiscale. Il en résulte que les augmentations de taux sont maintenant très faibles : 1,3 % en 1997, 0,7 % en 1998, 0,5 % en 1999, 0 % prévu en 2000.
Elles peuvent, enfin, développer leurs efforts d'investissement : plus 7 % en 1998, plus 5 % prévu cette année. Ces évolutions sont très importantes.
La réduction de la pression fiscale locale est aujourd'hui nécessaire, ne serait-ce que pour désamorcer un certain mouvement de contestation de l'impôt local que provoque chez nos concitoyens l'archaïsme de nos impôts locaux.
La reprise de l'investissement est encore plus fondamentale, car les collectivités locales réalisent 80 % des investissements publics et 12,5 % de l'ensemble des investissements de la nation.
De plus, elles sont confrontées à de lourds besoins : entretien d'un patrimoine de 2 300 milliards de francs, programme de traitement des eaux imposé par les directives européennes, traitement des déchets ménagers, travaux de rénovation et de sécurité des locaux scolaires, investissements dans les transports, etc.
L'augmentation raisonnée des dépenses de fonctionnement ne peut que se poursuivre.
D'abord, parce que les collectivités locales sont aujourd'hui fortement impliquées dans la lutte contre le chômage - notamment par les emplois-jeunes - dans le secteur social, dans la rénovation des quartiers dégradés, dans le maintien de l'activité en zone rurale.
Ensuite, parce qu'elles sont soumises à des contraintes importantes, au premier rang desquelles figurent les traitements de leurs agents. Contrairement à ce que pense la majorité de la commission des finances, la hausse des traitements des agents locaux ne me paraît pas une mauvaise chose, même si elle représente une charge importante.
J'en viens à la CNRACL, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Ses difficultés financières sont croissantes du fait de la surcompensation et de la dégradation naturelle du ratio démographique. Le rapport cotisants-retraités devrait en effet passer de 3,3 cotisants par retraité, en 1995, à 1,4 en 2015. Le déficit prévu pour 2000 est de 2 milliards de francs et il est de 6 milliards de francs cumulés à la fin de 2001.
Deux mesures ont donc été prises. Le taux de cotisation employeur sera augmenté de 0,5 point en 2000 et en 2001. Il sera ainsi porté de 25,1 % à 26,1 %. Cela représente un abondement de 3 milliards de francs, dont 550 millions de francs, l'an prochain, pour les collectivités locales.
Mais le Gouvernement a décidé de baisser, en contrepartie, le taux de surcompensation de 38 % à 34 % en 2000, et de 34 % à 30 % en 2001. Cette demande formulée depuis plusieurs années par notre groupe a été entendue, et nous ne pouvons qu'apprécier cette répartition des efforts et cette prise en compte des équilibres financiers des collectivités qui avaient fait défaut voilà cinq ans.
Autre contrainte, qui devient lourde : le coût des services départementaux d'incendie et de secours. Les contributions des collectivités ayant augmenté de 11 % entre 1998 et 1999, il devient urgent de maîtriser l'évolution de ces dépenses et de réformer le dispositif, qui n'est pas satisfaisant. Il faut donc que les collectivités locales conservent leur bonne santé financière.
Si les évolutions positives enregistrées sont à mettre au crédit de la politique économique générale du Gouvernement, elles proviennent également d'une évolution plus favorable des concours de l'Etat aux collectivités locales. Ainsi, les dotations sous enveloppe, dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, ont progressé de 1,8 % en 1999 et progresseront de 1,5 % en 2000, évolutions largement supérieures à l'inflation.
Contrairement au pacte de stabilité de M. Juppé, ce nouveau contrat entre l'Etat et les collectivités locales prend en compte une fraction de la croissance, apport qui, cumulé, représente pour nos collectivités 3,8 milliards de francs de plus en 2000 et 6,6 milliards de francs de plus en 2001.
Au sein de ce contrat, l'évolution de la dotation globale de fonctionnement, principale dotation de l'Etat aux collectivités locales, est primordiale. Elle a augmenté fortement en 1999 - plus 2,8 % - sans compter l'abondement spécifique de DSU de 500 millions de francs. Cet abondement compris, l'augmentation sera, cette année, de 3,25 %.
Pour l'année prochaine, une inquiétude était apparue chez les élus locaux du fait du recalage de la DGF 1999 et de la prise en compte d'une forte régularisation négative sur 1998.
A ces mauvaises nouvelles dues à des initiatives prises par la précédente majorité...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh oui !
M. Gérard Miquel. ... s'ajoutait la nécessaire prise en compte du recensement, qui risquait d'entraîner une réduction des dotations d'aménagement.
Monsieur le ministre, ces inquiétudes ont été levées lors de la discussion du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.
En effet, à la reconduction de l'abondement spécifique de la DSU de 500 millions de francs décidée l'année dernière, aux 500 millions de francs supplémentaires prévus pour la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur l'intercommunalité, aux 200 millions de francs prévus pour éviter que la prise en compte du recensement n'ait des effets négatifs sur les dotations d'aménagement, ont été ajoutés 500 millions de francs supplémentaires pour la DSU et 150 millions de francs pour la DSR.
On arrive ainsi, au total, à un bonus de 1,85 milliard de francs pour la DGF, auquel il faudrait d'ailleurs ajouter 150 millions de francs au titre de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.
Ainsi, la DGF augmentera l'année prochaine de 2,05 % par rapport à la DGF 1999, ce qui représente une évolution très positive ; je crois que nous pouvons tous le reconnaître. Cela permet une augmentation de la DSU de 16 % l'année prochaine, l'amenant à 3,83 milliards de francs, et de la DSR de 4,5 %, l'amenant à 2,3 milliards de francs. Depuis 1997, la DSU aura ainsi augmenté de près de 80 %. et la DSR de 40 %.
Monsieur le ministre, permettez-moi, au nom de mon groupe, de féliciter le Gouvernement pour ces initiatives et pour avoir compris que, devant l'ampleur des missions qui sont remplies par les collectivités territoriales, il est nécessaire de leur donner les moyens financiers permettant l'accomplissement de leurs tâches.
Cette attitude tranche avec celle du gouvernement précédent, qui voyait essentiellement dans les finances locales un bon gisement d'économies budgétaires et avait oublié l'effet de levier formidable exercé par les dépenses et les investissements locaux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est de la caricature !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, c'est la vérité !
M. Gérard Miquel. Signalons que les autres dotations ne nous réservent aucune mauvaise surprise, ce qui change, là encore, des années 1993-1997. La dotation globale d'équipement, qui avait baissé durant cette période, augmentera de 3,56 % l'année prochaine.
Budget de consolidation des concours de l'Etat aux collectivités locales, le budget pour 2000 est également un budget de consolidation de la réforme de la taxe professionnelle, de l'intercommunalité, et des conséquences de la mise en place de la couverture médicale universelle.
Sur le premier point, la réforme se poursuit, puisque l'abattement sera de 300 000 francs l'année prochaine, contre 100 000 francs cette année, soit une exclusion de l'application de la taxe portant sur 1 670 000 francs de salaires, soit une suppression de la base salaires pour 90 % des établissements redevables. La compensation pour les collectivités locales atteindra 22,6 milliards de francs l'année prochaine.
Selon le rapport rendu par le Gouvernement, la réforme a été neutre pour les collectivités locales, voire légèrement positive. Il faut également souligner l'excellente initiative de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont porté l'indexation à 2,05 %.
Sur le deuxième point, l'intercommunalité, la réforme se met en place avec succès.
Le renforcement des dotations DGF pour les communautés d'agglomération, mais aussi pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique, est un élément important, très apprécié par les acteurs locaux engagés dans l'intercommunalité de projet, laquelle devient de plus en plus indispensable pour structurer le développement local, renforcer les péréquations volontaires, accentuer les concertations.
A cet égard, la création de trente communautés d'agglomération est prévue avant 2000, et de nombreuses communautés de communes vont mettre en place une taxe professionnelle unique.
Deux interrogations subsistent cependant, monsieur le ministre.
Première interrogation : les 500 millions de francs supplémentaires seront-ils suffisants ?
La seconde interrogation est relative au délai. Il est très court, puisque les communautés doivent être mises en place avant le 31 décembre.
Or, il faut répondre aux critères démographiques, disposer du périmètre requis, avoir les compétences obligatoires et optionnelles imposées par la loi. Tout cela nécessite des ajustements qui peuvent être longs à mettre au point, à l'instar, d'ailleurs, des consultations des conseils municipaux qui peuvent également être longues.
Monsieur le ministre, comment permettre aux communautés d'agglomération ou ou aux communautés de communes qui n'arriveront pas à formaliser leur création avant le 31 décembre, mais seulement dans les premiers mois de 2000, de bénéficier malgré tout de la DGF majorée ?
Sur le troisième point, la mise en place de la CMU par la loi du 27 juillet 1999, applicable au 1er janvier 2000, a entraîné une profonde réforme des financements en matière d'action sociale, un domaine majeur d'intervention des collectivités locales. En mettant fin aux financements croisés, la loi permet une véritable clarification des compétences des différents niveaux de collectivités.
La réforme, qui a fait l'objet d'une vaste concertation auprès des associations d'élus départementaux et communaux, prévoit une suppression des contingents communaux avec, en contrepartie, une diminution à due concurrence de la DGF, la mise en place d'un dispositif d'écrêtement en faveur des communes qui supportent les contingents les plus élevés, un abondement de la DGF des départements d'un montant équivalent aux prélèvements effectués.
La réforme est neutre pour la majorité des collectivités locales. Compte tenu du dispositif d'écrêtement mis en place, elle aura même un impact redistributif en faveur des communes qui supportaient les dépenses d'aide sociale les plus importantes.
L'année 2000 verra également le début de la période des contrats de plan 2000-2006. A l'issue d'une longue concertation, les montants définitifs ont été annoncés cette semaine : 120 milliards de francs sont donc prévus.
Les élus de toutes sensibilités soulignent cet effort financier unique qui permettra de financer les divers projets structurants dans toutes nos régions.
De plus, l'Etat consacrera plus de 20 milliards de francs à de grands projets d'infrastructures.
En matière de fiscalité locale, comme je l'ai dit en introduction, le projet de budget pour 2000 marque une transition. Aucune disposition fiscale n'était prévue à cet égard dans le projet de loi initial.
L'Assemblée nationale en a introduit deux, qui sont intéressantes : la réduction du seuil de dégrèvement de la taxe d'habitation accordé aux contribuables modestes de 1 500 à 1 200 francs et l'exonération de la taxe d'habitation pour les RMistes retrouvant un emploi pendant toute la durée du cumul du RMI avec leur revenu d'activité et pendant l'année qui suit la perte du RMI.
Des réformes sont cependant attendues. Le Gouvernement a déjà annoncé que le projet de loi de finances pour 2001 devrait donner l'occasion d'une réforme de la fiscalité directe locale. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement demandant au Gouvernement le dépôt d'un rapport analysant les moyens d'alléger la charge supportée par le contribuable au titre de la taxe d'habitation.
De plus, une commission de la décentralisation vient d'être installée sous la direction éclairée et compétente de notre collègue Pierre Mauroy. Elle devrait présenter des propositions dans le courant de l'année 2000 pour permettre que la décentralisation soit plus efficace, plus légitime et plus solidaire. La réforme de la fiscalité locale y sera certainement abordée.
En effet, si la loi de décentralisation du 2 mars 1982 avait prévu qu'une loi extérieure fixerait la répartition des ressources publiques résultant des nouvelles règles de la fiscalité locale et des transferts de crédits aux collectivités locales, ce qui devait constituer le complément indispensable à la décentralisation, cette loi n'est jamais intervenue et, de bricolage en replâtrage, force est de constater que le financement des collectivités locales est aujourd'hui à bout de souffle. Plusieurs éléments le montrent.
Premièrement, les bases des impôts locaux sont obsolètes, la répartition entre les différentes collectivités est peu lisible, les impôts sont de plus en plus mal acceptés. Surtout, la fiscalité locale des ménages est lourde et injuste. Les ménages ont consacré 5,2 % de leurs revenus, en 1997, à payer les taxes locales, contre 3,6 % en 1992. Et la pression fiscale locale s'accroît plus vite sur les ménages - plus 40 % de 1992 à 1997 - que sur les entreprises - plus 17 %.
Or, la taxe d'habitation est dégressive par rapport au revenu, malgré les mesures de personnalisation qui aboutissent à ce que six millions de foyers fiscaux ne la paient pas et qu'environ 30 % en soient exemptés en partie ou totalement. Si, en valeur absolue, les cotisations augmentent avec les ressources, en valeur relative, elles frappent plus les revenus moyens et modestes. En 1993, la valeur moyenne de cotisation par rapport au revenu était de 2,3 % pour les revenus annuels inférieurs à 150 000 francs et de 0,9 % pour les revenus annuels supérieurs à 500 000 francs.
Par conséquent, il importe de réformer la taxe d'habitation en tenant compte de deux objectifs, à savoir la justice fiscale et l'allégement de la taxe pour les ménages moyens et modestes.
Certes, la France et la Suède demeurent les pays où cette autonomie fiscale des collectivités locales est la plus grande. L'exemple allemand montre qu'un système reposant essentiellement sur les dotations de l'Etat peut fonctionner sans altérer l'indépendance des collectivités locales. Certains pensent donc que notre pays pourrait s'inspirer de ces systèmes et remplacer notre fiscalité directe locale par des mécanismes de partage du produit d'un grand impôt national. Néanmoins, la substitution du contribuable national au contribuable local n'est pas neutre. De plus, le montant pour les collectivités locales ne serait plus garanti. Il suffit de regarder l'évolution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP. Enfin, je pense qu'il nous faut conserver un lien étroit entre le contribuable local et la collectivité locale, notamment pour les communes et pour les groupements de communes.
Troisièmement, la péréquation des ressources financières des collectivités locales demeure très mal assurée. Pour tenter de corriger les disparités de ressources existant entre les collectivités, plusieurs mécanismes sont possibles.
Le premier mécanisme est la péréquation verticale : financée par le budget national, elle est destinée à doter de ressources supplémentaires les collectivités considérées comme les plus pauvres. Mais elle ne s'attaque pas aux causes mêmes des inégalités.
Le deuxième mécanisme consiste en la péréquation horizontale : alimentée par les budgets locaux, elle revient à prendre une partie des ressources des collectivités jugées riches pour les donner aux collectivités jugées pauvres. Elle corrige les écarts à la source.
Le troisième mécanisme est la péréquation volontaire, c'est-à-dire la mise en commun des ressources avec convention de partage.
En France, la péréquation a d'abord été verticale, notamment avec la DGF et les fonds de péréquation de la taxe professionnelle. Puis, les gouvernements socialistes ont développé la péréquation horizontale, avec la création du fonds de solidarité pour la région d'Ile-de-France, le FSRIF, de la DSU et de la majoration de la DFM, en 1991, puis du fonds de correction des déséquilibres régionaux, en 1992. Enfin, la péréquation volontaire s'est développée avec l'essor des groupements à fiscalité propre issus de la loi relative à l'administration territoriale de la République de 1992, puis avec la loi Chevènement de juillet 1999.
Malgré ces efforts, les sommes globales affectées à la péréquation restent faibles : la dotation d'aménagement de la DGF représente 11 % du total ; dans le fonds de péréquation de la taxe professionnelle, comme le rappelait le conseil des impôts dans son rapport de 1997 relatif à cette imposition, moins de 5 % des produits de la taxe professionnelle sont concernés par les mécanismes de redistribution entre collectivités locales.
De plus, il y a absence totale de convergence entre la répartition de ces dotations et les priorités géographiques définies dans le cadre de l'aménagement du territoire. Enfin, les modalités d'utilisation de ces sommes ne contribuent en fait que faiblement à la péréquation. Ainsi, la DSU est accordée aux trois quarts des communes de dix mille habitants, même s'il y a une modulation. De même, la seconde fraction de la DSR est répartie entre 33 653 communes, soit la quasi-totalité.
Un groupe de travail a été constitué au sein du comité des finances locales sur la péréquation des dotations de l'Etat ; mais il faut élargir et diversifier les réponses, car, sans péréquation forte, il est des collectivités qui ne pourront plus assumer certaines de leurs missions, et une inégalité devant les services publics est à craindre.
Ce n'est pas le moment d'expliquer nos propositions. Toutefois, une question devrait être résolue rapidement : le retour dans le droit commun de la fiscalité locale de France Télécom. Sa taxe professionnelle devrait, me semble-t-il, être attribuée progressivement au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, cela en sus de l'attribution déjà effectuée. Pour compenser les pertes financières pour l'Etat, le dispositif de compensation de l'allégement des bases de 16 % prévu par la loi de finances pour 1987 pourrait être réformé par la suppression de la compensation réalisée sur les bases qui n'existent plus, avec un dispositif de lissage sur la part compensation « perte de bases » du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle.
En conclusion de ce tour d'horizon du projet de budget pour 2000 et des collectivités locales, je souligne les progrès réalisés dans les relations financières entre les collectivités locales et l'Etat depuis 1997. Le temps des ponctions apparaît terminé au profit d'un équilibre concerté et partagé, équilibre qui devrait trouver son plein épanouissement avec la réforme de la décentralisation qui nous a été annoncée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la reprise de la croissance mondiale se confirme. En 2000, elle devrait tourner, en France et en Europe, autour de 3 % et ce sans tension inflationniste. Dans ce contexte, le chômage devrait continuer à refluer. Toutefois, des incertitudes demeurent de l'Amérique latine à l'Asie du Sud-Est et au Japon en passant par les pays d'Europe de l'Est et, bien sûr, la Russie. Je ne parle pas des pays en voie de développement qui restent, pour la plupart, les grands oubliés du mouvement général de reprise. Gardons-nous donc d'un optimisme excessif. L'histoire nous a habitués à des retournements de conjoncture souvent cruels et soudains.
Dans ces conditions, il est clair que les fruits de la croissance doivent d'abord être utilisés pour améliorer structurellement notre situation afin que nous soyons toujours plus forts et mieux protégés dans un monde qui demeure durablement difficile.
Si la nécessité d'assainir apparaît de manière flagrante dans les moments difficiles, il est tout de même plus simple de redresser la barre dans les passes favorables. Malheureusement, le « petit temps » incite à la facilité, et je crains que vous ne cédiez trop à cette dernière, alors que notre pays souffre de trois types de maux qui hypothèquent son avenir : des prélèvements fiscaux excessifs, une dépense publique excessive et une dette excessive.
Dernier de la classe de l'Union monétaire pour le déficit et ne faisant pas ce qu'il faudrait pour que la situation change, notre pays n'est pas, loin s'en faut, le meilleur du point de vue de la fiscalité. Sur les trois dernières années, le taux des prélèvements obligatoires s'est accru de 0,5 %, atteignant le niveau historique de 45,3 % du PIB. Aux contraintes administratives lourdes s'ajoutent des prélèvements obligatoires records.
Si l'harmonisartion fiscale et sociale était engagée dès aujourd'hui dans l'Union européenne, la France, compte tenu de son retard, serait contrainte d'abdiquer toute fierté et de demander plusieurs années pour retrouver le niveau moyen de ses partenaires. Et pendant ces années, pour ne pas laisser de nouveau « filer » son déficit ou être obligée d'emprunter, elle devrait réduire drastiquement ses dépenses, ce qui, dans les deux cas, représenterait un nouveau dérapage de la dette, également exclu.
Heureusement pour nous, l'harmonisation n'est pas tout à fait pour aujourd'hui mais elle est sans doute pour demain. Heureusement aussi, nous disposons des produits de la croissance ; nous devrions en toute priorité les mobiliser pour alléger dès aujourd'hui nos prélèvements et réduire d'autant immédiatement le chemin qui nous restera à parcourir demain. Ce n'est nullement ce que vous faites, monsieur le ministre. Plus grave, au lieu de chercher à rejoindre le peloton de nos partenaires de l'Union européenne,...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous sommes devant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour les prélèvements !
M. Denis Badré. ... vous augmentez vos dépenses pour rendre encore plus difficile l'effort qui devra de toute façon être engagé tôt ou tard sur ce point.
En tout état de cause, pourquoi attendre que, demain, l'Europe nous demande de faire un effort que nous pourrions engager nous-mêmes dès maintenant ?
Monsieur le ministre, je parlerai de l'Europe non pas maintenant, mais mercredi, en tant que rapporteur spécial. De même, au risque de vous décevoir, je ne parlerai ni de TVA en général ni des taux de la TVA dans le secteur de la restauration, sujets que j'aborderai au moment où nous traiterons de l'article 3, c'est-à-dire lundi.
J'en viens donc aux dépenses. Leur très relative stabilisation s'opère curieusement au détriment des dépenses d'investissement, pourtant directement porteuses d'emploi, dépenses qui sont très curieusement sacrifiées dans votre projet de budget.
C'est donc aux collectivités locales que reviendra la charge de compenser en partie la réduction des investissements publics. Plus sages ou peut-être plus proches des contribuables, elles s'astreindront, elles, à contenir la fiscalité locale et elles le feront malgré toutes les contraintes qu'elles sont appelées à supporter.
Monsieur le ministre, lorsque nous vous demandons pourquoi vous n'inversez pas les priorités en privilégiant clairement les dépenses d'investissement plutôt que celles de fonctionnement, vous nous répondez généralement que vous devez réaliser le programme sur lequel vous avez été élu. Sans doute, mais la vie continue ; de nouvelles opportunités apparaissent, des difficultés imprévues également. Aujourd'hui, certains de vos projets s'imposent peut-être moins. Nos débats peuvent encore vous amener à reclasser vos priorités.
C'est bien pourquoi, inlassablement, de projet de loi en projet de loi, nous vous demandons de préciser le chiffrage des dépenses à prévoir pour aujourd'hui et pour demain. Malheureusement, nous restons généralement sur notre faim.
Si vous n'aviez pas le retour de la croissance à votre disposition, comment financeriez-vous votre programme ? En remettant en cause les actions existantes, en augmentant la pression fiscale ou en creusant le déficit ? Ne seriez-vous pas amené plutôt à différer ou à reconsidérer certains projets, monsieur le ministre ? Ce serait en tout cas la sagesse. Non, vous choisissez de tenir immédiatement les engagements de votre programme plutôt que de réduire la dette ou la fiscalité, et nous le regrettons. Vous n'aviez pas, au demeurant, expliqué ce choix en présentant votre programme aux contribuables français.
S'agissant de ce programme, j'insisterai ici non pas sur le coût des 35 heures mais plutôt sur la difficulté du chiffrage de cette réforme : on nous annonce 65 milliards de francs en 2000 et 105 milliards de francs en 2001. Qu'en sera-t-il réellement ? Il en est du coût d'une telle mesure comme du nombre d'emplois créés : vos prévisions restent très hypothétiques, pour ne pas dire totalement floues.
Il en est de même pour le chiffrage du coût de la CMU, des emplois-jeunes, du PACS. Combien en 2000 ? Et, surtout, combien les années suivantes ?
Nous partons à l'aveuglette. Seule certitude, il faudra payer ! Ne placez-vous pas sous nos pieds et, pis, sous ceux de nos enfants, quelques bombes à retardement ?
Il est d'ailleurs une autre bombe à retardement dont je ne parlerai pas, mais que nous avons tous à l'esprit : le financement des retraites.
Je m'arrêterai ici simplement sur un point particulier, celui des pensions publiques. En 2000, l'Etat versera 206 milliards de francs au titre de ses retraités, soit en charge nette, près de 148 milliards de francs. C'est une charge en nouvelle progression de 3,6 % par rapport à 1999. Les pensions civiles et militaires représentent désormais plus de 11 % de notre budget.
Où allons-nous à ce rythme ? En l'occurrence, c'est bien le débat sur les effectifs de la fonction publique qui est clairement ouvert. Monsieur le ministre, vous ne pouvez plus différer la mise en chantier d'une véritable réforme de l'Etat.
Aujourd'hui, au-delà des révisions budgétaires déchirantes, il faut engager des réformes structurelles, elles aussi probablement déchirantes mais incontournables.
Alors, dans l'océan d'incertitudes dans lequel vous nous plongez, nous sommes tout de même certains d'une chose : nous allons débuter l'année 2000 avec un budget de l'Etat déjà amputé de 235 milliards de francs, puisque, malgré la baisse des taux d'intérêt, c'est le niveau - encore en progression de 3 % par rapport à l'évolution réalisée pour 1999 - de la charge nette de la dette.
Or, tant que le déficit reste au niveau que vous retenez, cette dette continue à progresser pour atteindre, cette année, plus de 60 % du PIB, plus donc que le plafond autorisé par le traité de Maastricht. La seule croissance de la dette depuis trois ans représente - j'en ai fait le calcul - 750 milliards de francs, soit 45 % de notre budget actuel.
Nous pensons que, même si ce n'était pas spontanément votre choix, les circonstances auraient pu vous inciter à faire beaucoup mieux.
En conclusion, monsieur le ministre, votre projet de loi nous semble très en deçà de ce que nous attendions, très insuffisant, et ce des trois points de vue que je viens d'évoquer : la fiscalité, qui n'est que très partiellement allégée, les dépenses de fonctionnement, qui progressent beaucoup trop, et la dette, qui continue à s'alourdir. Ce budget ne prépare pas l'avenir. En l'état, le groupe de l'Union centriste ne peut donc l'approuver. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous présenter les principales conclusions des travaux de projection et de simulation macroéconomique réalisés, comme chaque année, par la délégation du Sénat pour la planification, conclusions qui font l'objet d'un rapport d'information mis en distribution aujourd'hui sous le n° 71. Je vous invite, bien sûr, à le lire.
Il me semble, en effet, que ces travaux présentent un double intérêt dans le cadre de cette discussion budgétaire : d'une part, replacer l'analyse du projet de loi de finances dans une perspective pluriannuelle ; d'autre part, analyser la cohérence de l'évolution des finances publiques, décrite par ce projet de budget, avec les évolutions macroéconomiques.
J'évoquerai ainsi, à la lumière des travaux de modélisation réalisés à la demande du Sénat, trois questions : l'environnement international et l'économie française - il en a déjà été largement question ; les perspectives à moyen terme pour l'économie française ; enfin, les principales tendances des finances publiques.
Sur l'environnement international, je me contenterai de deux observations, car le sujet a déjà été largement évoqué.
Tout d'abord - et je pense que cela ne vous surprendra pas, monsieur le ministre - le rapport s'efforce d'illustrer cette contradiction, qui me paraît flagrante, entre les opportunités réelles de croissance mondiale, qui donnent aujourd'hui une tonalité très optimiste à la plupart des analyses, et les risques, tout aussi évidents, de crise financière tant la situation de l'économie américaine est, à bien des égards, anormale.
Je n'insisterai pas longtemps sur le redressement de l'économie mondiale qu'anticipent tous les économistes et qui est au coeur de ces prévisions. Il faut rappeler tout de même qu'il y a un an, à la fin de la crise des pays émergents, nous étions en plein doute. La thèse du « trou d'air » était la bonne.
Si nous en sommes sortis aujourd'hui, c'est, selon la délégation, pour trois raisons.
La première est le dynamisme exceptionnel des ménages et des entreprises américaines, qui a permis de soutenir la croissance mondiale. Il faut savoir - c'est ce que nous révèlent les organismes de recherche auxquels nous avons fait appel - que la demande intérieure privée américaine assure, depuis deux ans, 50 % de la croissance de la demande mondiale, alors que les Etats-Unis ne représentent que 21 % du produit intérieur brut mondial.
La deuxième raison est la bonne tenue, finalement, des économies européennes. A n'en pas douter, l'une des raisons en aura sans doute été la décision de la banque centrale européenne, le 8 avril 1999, de baisser les taux d'intérêt, ce qui a contribué très largement à soutenir la confiance des ménages et des entreprises.
Enfin, la troisième raison est le retour à la croissance de la plupart des pays émergents, Brésil et Corée notamment, même si cela reste encore « faiblard ».
Mais le problème, aujourd'hui et pour demain, nous vient des Etats-Unis, nous le savons tous. S'il n'y avait qu'un mot pour caractériser l'économie américaine, ce serait celui d'« endettement ». Comment ce processus s'arrêtera-t-il, puisque tout processus d'endettement s'arrête bien un jour ?
Nous avons donc tenté d'évaluer, avec l'aide du centre d'observation économique de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, les conséquences d'un atterrissage brutal de l'économie américaine, avec une hausse des taux longs et une chute de la bourse qui se diffuseraient vers les places européennes : on a simulé un krach.
Le premier enseignement de cette simulation est que, finalement, elle aurait certes des effets négatifs, mais qui ne seraient pas de l'ampleur de ce que l'on redoute généralement : 0,4 point de croissance en moins la première année aux Etats-Unis, pour une bourse qui chuterait de 30 %, pour un dollar également en chute, puis 0,9 point la deuxième année, et 0,2 point de croissance en moins en Europe pendant deux ans. On voit que cela n'entraînerait pas les Etats-Unis dans la récession - c'est une simple correction qui interviendrait - et que la trajectoire de croissance de l'Europe n'en serait que peu affectée.
Mais il faut bien reconnaître qu'il s'agit là d'une évaluation finalement assez favorable, dans la mesure où elle ne prend pas en compte ce qu'il adviendrait en cas de défiance persistante autour du dollar, car, là, les taux d'intérêt se tendraient durablement et la compétitivité de l'Europe serait alors affectée.
Le deuxième point sur l'environnement international, que je voudrais évoquer concerne les perspectives de croissance en Europe, et notamment cette notion à laquelle les économistes se réfèrent souvent lorsqu'ils réfléchissent au moyen terme, notion que vous avez d'ailleurs évoquée, monsieur le ministre, et qui est celle de croissance « potentielle » ou de « sentier de croissance de longue période ».
La croissance potentielle est évaluée à partir d'observations du passé, et, en la « plaquant » en quelque sorte sur les années à venir, les économistes ne prédisent pas grand-chose.
L'exemple des Etats-Unis, qui est assez largement analysé dans le rapport, notamment sous l'angle des enseignements que l'Europe pourrait en tirer, nous le montre bien : la croissance peut être durablement supérieure à ce fameux potentiel, qui tient à l'existence du facteur travail et du facteur capital cumulés, à condition que l'accumulation du capital productif soit elle-même élevée.
Pour cela, il faut que les investissements soient rentables et que les entreprises soient placées dans des conditions favorables pour les financer. Cela nous paraît être la clé de la croissance pour l'Europe dans les prochaines années.
J'en viens maintenant aux perspectives de l'économie française. Je serai bref, car les enseignements des travaux de projection réalisés à la demande de la délégation paraissent assez clairs et convergent avec les observations faites jusqu'à maintenant.
La plupart des exercices à moyen terme présentés dans ce rapport sont raisonnablement optimistes : la croissance pendant les cinq prochaines années serait comprise entre 2,5 et 3 %. Je rappelle à cet égard que entre 1990 et 1997, la croissance a été inférieure : 1,7 % par an.
Cet optimisme résulte évidemment d'un point de départ, la situation actuelle, favorable : lorsque le présent est rose, peint aux couleurs optimistes, la vision de l'avenir tend à l'être aussi.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'avenir est rose ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin. Cependant, il faut bien comprendre que le dynamisme actuel de la demande privée est solide. En effet, nous savons bien que la France a subi plus que d'autres les politiques économiques très dures qui ont été menées en Europe dans la première moitié des années quatre-vingt-dix, puisque, à l'inverse de beaucoup de ses partenaires, elle n'a pas dévalué sa monnaie, et, aujourd'hui, je pense que nous assistons en matière de demande à un phénomène de rattrapage assez naturel du retard pris entre 1990 et 1995.
Cela signifie désormais que, pour la France, il faut avoir clairement présent à l'esprit l'inversion nécessaire des priorités de la politique économique : celles-ci ne doivent pas être orientées vers le soutien de la demande, puisqu'elle est là et qu'elle semble solide, mais vers le soutien de l'offre productive, car, comme je le disais plus haut à propos des Etats-Unis, on sait que, dans un contexte de demande soutenue, c'est l'accumulation du capital qui permet d'avoir une croissance durablement élevée.
C'est pourquoi j'en viens maintenant à une question qui, dans le cadre de cette analyse, me paraît tout à fait fondamentale : les 35 heures.
Vous me direz, monsieur le ministre, que nous avons déjà eu de longs débats avec vos collègues sur ce sujet. Certes, mais personne ne peut nier que l'impact des 35 heures sur l'économie française constitue une forte incertitude à court comme à moyen terme, que cette question a, à l'évidence, des implications budgétaires, et que, en cela, elle a toute sa place dans cette discussion. Le rapport s'efforce donc de proposer des éclairages sur trois inconnues relatives aux 35 heures : les perspectives, l'équilibre macroéconomique et le financement.
S'agissant, tout d'abord, des perspectives en matière de créations d'emplois, l'OFCE, à la demande de la délégation et du Sénat, a effectué une simulation des effets des 35 heures qui s'appuie sur le bilan des premiers accords. Cette simulation amène à réviser nettement à la baisse les estimations antérieures de l'impact des 35 heures sur l'emploi. Celles-ci sont désormais beaucoup plus proches de 400 000 emplois créés jusqu'en 2004 que des 700 000 qui étaient annoncés jusqu'alors.
Mais surtout, cette simulation montre que la mise en oeuvre des 35 heures pourrait spontanément détériorer les comptes des entreprises, ainsi que ceux des administrations publiques, ce qui n'est évidemment pas de nature à créer les conditions favorables à la forte accumulation du capital que j'évoquais tout à l'heure.
Je dirai maintenant quelques mots sur les perspectives qui s'offrent en matière de chômage.
Dans les scénarios qui sont présentés dans le rapport, et qui sont plutôt favorables, le chômage diminue certes jusqu'en 2004, mais faiblement, puisque la population en âge de travailler continuera d'augmenter jusqu'à cette époque. A cette date, avec le taux de croissance que je citais, nous aurions encore un taux de chômage supérieur à 9 %, soit sensiblement celui de 1990. On a ainsi l'impression que, malgré des périodes de croissance - et nous en vivons une en ce moment - l'économie française n'arrive pas à « mordre » significativement dans le taux de chômage et qu'il est tout à fait prématuré, là aussi, de parler de retour au plein emploi.
Les tendances des finances publiques que je vais brièvement évoquer maintenant doivent être appréciées à la lumière du contexte macro-économique dont je viens de souligner les incertitudes.
Les projections que nous avons demandées à l'OFCE montrent qu'après six années de croissance soutenue - soit 2,8 % par an - c'est-à-dire un scénario très favorable à la résorption des déficits publics, ceux-ci représenteraient encore 1,5 % du PIB en 2004.
Comme l'indiquait M. Roland du Luart, cet après-midi, ce n'est pas rassurant. Cela ne nous permettrait pas de faire face à une récession dans des conditions satisfaisantes. Il faut rappeler que 1,5 % du PIB, c'est le déficit que connaissait la France avant le ralentissement, puis la récession du début des années quatre-vingt-dix, laquelle avait porté celui-ci à 5,6 % du PIB.
Il faut rappeler aussi le problème du financement des retraites : le déficit des régimes de retraite atteindrait en effet près de 1,5 % du PIB entre 2005 et 2010.
C'est donc un objectif de réduction du déficit public beaucoup plus ambitieux qu'il faudrait se fixer pour le moyen terme.
Il me semble, dés lors, que le débat que l'on voit poindre aujourd'hui sur des prétendues « marges de manoeuvre budgétaires » est tout à fait prématuré. La priorité me semble, au contraire, devoir aller vers une maîtrise encore plus forte de la dépense publique et, en particulier, celle de la fonction publique, dont, jusqu'à présent, on n'a pas réussi véritablement à stopper l'augmentation. Cela passe, bien sûr, par le contrôle des effectifs publics, mais je dois dire que l'introduction des 35 heures dans la fonction publique est, à cet égard, extrêmement préoccupante, puisque je ne vois pas comment elle ne se traduirait pas par une augmentation des effectifs.
Un objectif de stabilisation des effectifs publics pour les prochaines années donnerait aux engagements du Gouvernement sur la maîtrise des dépenses publiques beaucoup plus de consistance.
Je conclurai cette présentation par ce qui me semble être finalement l'enseignement principal des travaux présentés par la délégation pour la planification.
En Europe et en France, dans la première moitié des années quatre-vingt-dix, il semble assez clair que, pour diverses raisons, et en particulier le niveau des taux d'intérêt et l'appréciation du taux de change, la demande intérieure a manqué et qu'il y a eu un excès de l'offre productive sur la demande.
Aujourd'hui, la demande paraît établie sur des bases solides ; il faut donc être très attentif aux conditions qui permettront à l'offre d'accompagner ce mouvement, en particulier par une accélération de l'investissement.
Il ne me semble pas que les perspectives en matière de finances publiques, ou encore la mise en oeuvre des 35 heures, répondent à cet objectif. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances qui nous est proposé cette année s'inscrit dans le cadre de la politique de réforme fiscale engagée par le Gouvernement depuis juin 1997. Cette réforme, méthodique et progressive, a relevé un défi difficile : placer la fiscalité au service de l'emploi.
La fiscalité, si elle n'est qu'un des aspects du budget, constitue, pour le pouvoir politique, un instrument efficace et lisible qui permet d'influer heureusement sur le cours des choses. Elle peut ainsi corriger les discours sur la prétendue perte d'influence du politique.
Par ailleurs, pour nous, socialistes, la fiscalité est aussi un instrument de justice sociale. (M. le président de la commission des finances s'exclame.) C'est un outil performant dans une politique d'aide à la création d'emplois et de réduction des inégalités. C'est dans cet esprit que le Gouvernement mène depuis deux ans et demi une politique fiscale solidaire et encourageant la poursuite du rééquilibrage de la fiscalité ainsi que la baisse des impôts. (M. le rapporteur général s'exclame également.)
De fait, en 1997 et 1998, nous avons fait le choix, avec le Gouvernement, de privilégier le rééquilibrage de la fiscalité du capital et du travail et la lutte contre les avantages fiscaux injustifiés.
Le basculement des cotisations sociales maladie vers la CSG a permis un allégement significatif des prélèvements sur les salaires tout en faisant davantage contribuer les revenus financiers au financement de la protection sociale. Cela s'est traduit par une augmentation sensible de la fiscalité sur les revenus de l'épargne, puisque le produit de cette fiscalité est passé, entre 1997 et 1998, de 50 milliards de francs à 75 milliards de francs, soit une augmentation de 50 %.
Cette réforme s'est accompagnée d'autres disositions de la fiscalité de l'assurance vie, la suppression ou la réduction marquent la même orientation : la réforme de certaines niches fiscales relatives à l'impôt sur le revenu comme à l'impôt sur les sociétés, telles que la loi Pons ou le dispositif des quirats, qui ne profitaient qu'aux revenus les plus élevés.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui, monsieur Oudin !
M. Marc Massion. Le renforcement de l'ISF en 1999 a complété cette action. Cette année 1999 aura été celle du lancement de la réforme de la taxe professionnelle, promise par tous les gouvernements et jamais réalisée.
L'année 2000 sera celle de l'allégement de la fiscalité indirecte : en deux ans, la TVA aura diminué de près de 30 milliards de francs et les droits de mutation auront été profondément modernisés.
Pour 2001, la réforme de la fiscalité directe sur les ménages sera approfondie. Mais, contrairement à ce qui avait été fait par les gouvernements précédents, il s'agira d'une baisse pour l'ensemble des ménages, concernant l'impôt sur le revenu et la taxe d'hatitation, comme l'a confirmé tout récemment M. le Premier ministre.
Ainsi, mes chers collègues, les enseignements à tirer de la réforme fiscale engagée depuis 1997 sont patents : jamais un gouvernement n'aura mené une réforme aussi importante de notre fiscalité en si peu de temps.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Jamais les impôts n'auront été aussi élevés !
M. Marc Massion. La loi de finances pour 2000 s'inscrit dans le prolongement de la lutte contre les inégalités mise en oeuvre par les précédentes lois de finances. Elle place l'emploi au coeur de la réforme fiscale. Le Gouvernement n'a pas voulu distiller des baisses d'impôt sans certitude de résultat.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah, ça non !
M. Marc Massion. C'est pourquoi il a ciblé son action sur le secteur du bâtiment et du logement et concilié ainsi création d'emplois et baisse des prélèvements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et pourquoi pas sur le secteur de la restauration ?
M. Marc Massion. Le Gouvernement a accompli une véritable modernisation structurelle de notre fiscalité du logement. Plusieurs mesures vont dans ce sens : la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien et de rénovation des logements, la baisse des « frais de notaire », la suppression du droit de bail pour les locataires, la montée en charge de l'amortissement Besson, la poursuite de la baisse de la taxe professionnelle, qui favorise en priorité les entreprises à forte utilisation de main-d'oeuvre.
Au total, ces mesures représentent plus de 30 milliards de francs, dont 20 milliards de francs dus à la baisse de la TVA. Grâce à cette mesure, près de 30 000 emplois ont été ou seront créés dans le secteur du bâtiment.
Cette diminution des impôts indirects, obtenue - faut-il le rappeler ? - grâce à la ténacité du Gouvernement à convaincre ses partenaires européens, devra s'accompagner d'une réforme des impôts directs pour alléger la charge fiscale des Français.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Demain, on rase gratis !
M. Marc Massion. Pourquoi pas ? Cela m'avantagerait, monsieur le rapporteur général ! (Rires.)
Mais une réforme fiscale réaliste et efficace doit prendre en compte les contextes européen et mondial. Aussi, je voudrais insister sur la double nécessité d'une harmonisation fiscale européenne et d'une régulation des marchés financiers internationaux.
Les quinze pays de l'Union européenne doivent adopter, avant la fin de cette année, un « paquet fiscal » organisant une mise en oeuvre de l'harmonisation des prélèvements que l'arrivée de l'euro rend impérieuse.
Au sommet européen d'Helsinki, les 10 et 11 décembre prochains, les Quinze devront s'entendre sur une taxation harmonisée des revenus de l'épargne. L'opposition des Luxembourgeois, et surtout des Britanniques, peu disposés à perdre leurs fiscalités avantageuses, fait barrage. Voilà dix ans que l'Europe bute ainsi sur l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne !
Dès 1989, la Commission avait pris l'initiative d'une première directive visant à introduire un régime unique de retenue à la source. Le projet avait tourné court faute d'accord unanime des Etats membres.
Le 5 juin 1998, en application d'une décision du Conseil des ministres de l'Union de décembre 1997, la Commission a présenté un nouveau projet de directive tendant à instaurer un système de « coexistence ». Les Etats membres auraient le choix entre une retenue à la source de 20 % sur les revenus des non-résidents ou un échange d'informations leur permettant d'imposer les revenus perçus par leurs résidents dans d'autres Etats membres.
Ce texte est aujourd'hui au coeur des discussions, mais la position du Royaume-Uni bloque, pour l'heure, toute perspective d'accord. Dans ces conditions, la règle de l'unanimité pour les décisions d'ordre fiscal doit-elle être maintenue ? Il y a danger à ne pas réussir à harmoniser la fiscalité de l'épargne.
Le marché unique supporte mal les distorsions de concurrence créées par le « moins-disant fiscal ». En l'absence de règles communes, les capitaux se dirigent naturellement vers les pays qui offrent la fiscalité la plus favorable.
Mon ami Gérard Fuchs, député de Seine-Maritime, dans son rapport d'information sur la fiscalité communautaire de l'épargne, précise que quelque 220 banques et 70 compagnies d'assurances géreraient aujourd'hui, au Luxembourg, plus de 2 500 milliards de francs d'une épargne venue de toute l'Europe, soit dix fois plus qu'il y a quinze ans. La libéralisation des mouvements de capitaux peut poser aux Etats des problèmes majeurs, car le niveau de l'épargne est un facteur primordial de la croissance et de l'emploi. L'absence d'harmonisation fiscale incite l'épargne à se localiser en fonction non des besoins économiques locaux mais de la fiscalité des Etats.
Enfin, plus grave car plus complexe, la libéralisation des marchés de capitaux a considérablement accru l'instabilité de nos économies. En effet, la déréglementation et l'innovation financière ont entraîné la mise en place d'un vaste marché international des capitaux disponibles. Désormais, ce sont non plus les paiements courants des pays qui commandent les mouvements de capitaux, mais les gains de tous ordres, souvent à court terme, qui peuvent être obtenus par la gestion dynamique de portefeuilles d'actifs. L'instabilité des changes et des taux d'intérêt joue un rôle certain dans l'apparition de ces gains.
La masse de ces capitaux est énorme : il s'échange chaque jour plus de 500 milliards de dollars sur le marché des changes.
Les statistiques de la BRI, la Banque des règlements internationaux, nous indiquent qu'à la fin de 1994 les encours de titres sur les marchés avoisinaient les 25 000 milliards de dollars, alors que, à la même date, les réserves officielles de change de tous les pays industrialisés et des pays en voie de développement étaient de l'ordre de 1 100 milliards de dollars. De plus, ces capitaux sont très mobiles.
La multiplication et la volatilité de ces capitaux n'est pas sans entraîner de graves conséquences sur les politiques économiques.
Tout d'abord, le taux de change a échappé au pouvoir des pays ; il est actuellement largement déterminé par le comportement des marchés. Avec des taux de change flottants, du fait de l'ampleur des sommes échangées sur les marchés, il est devenu impossible pour un pays, sauf à propulser les taux d'intérêt à des niveaux astronomiques, de stabiliser sa monnaie et de mener une politique monétaire un tant soit peu indépendante.
Les marchés déterminent également les taux d'intérêt à long terme, en même temps qu'ils exercent des pressions sur les taux d'intérêt à court terme, qui restent pourtant dominés par les taux de refinancement des instituts d'émission, en fonction des politiques monétaires mises en oeuvre. En pratique, si un pays veut défendre sa parité, il doit gérer ses taux d'intérêt en fonction de cet objectif.
Enfin, si les marchés internationaux permettent la transmission internationale de l'épargne - ils ont financé le développement de la Russie et de l'Amérique latine - le fonctionnement actuel du système international de paiement ne répond pas aux besoins de croissance des économies.
Comme l'a montré l'évolution et la répartition de ces capitaux dans les années quatre-vingt-dix, il y a eu mauvaise allocation des capitaux, d'où bulles spéculatives et fluctuations brutales des marchés.
Les mouvements de ces capitaux peuvent être très dé-stabilisants. Ainsi, les pays les plus touchés par la crise asiatique ont capté 93 milliards de dollars en 1996. En 1997, ils ont enregistré 12 milliards de dollars de sorties nettes. Cet exode a présenté l'équivalent de 10 % de leur produit intérieur brut.
L'instauration d'une taxe sur les opérations de change permettrait de freiner les mouvements de capitaux spéculatifs de court terme et réduirait la vulnérabilité de nos économies face aux marchés financiers.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La taxe Tobin !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On y viendra !
M. Marc Massion. Il s'agirait d'appliquer à chaque transaction une taxation, l'objectif étant de favoriser l'investissement à long terme par rapport à l'investissement à court terme et de dissuader les « allers et retours » sur une monnaie. Les sommes obtenues pourraient financer une partie de l'aide au développement des pays du tiers monde.
C'est, bien sûr, de la taxe dite « Tobin » qu'il est question ici, étant entendu que son efficacité serait inévitablement liée à son adoption sur la plan international.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On pourrait commencer par la France !
M. Marc Massion. Dans un premier temps, pourquoi ne pas tenter de l'appliquer à une zone phare, la zone euro ?
Cela dit, cette taxe « Tobin » n'a pas l'exclusivité de la démarche. D'autres pistes allant dans le même sens peuvent aussi être explorées.
De toute façon et quel que soit son nom, une telle disposition ne serait bien évidemment qu'un des éléments de réponse aux dysfonctionnements des marchés financiers. Elle devrait s'accompagner de mesures structurelles ciblées organisant la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, en préconisant, par exemple, la transparence et le renforcement des systèmes financiers et des contrôles prudentiels.
Il faut en effet accomplir des progrès en matière de transparence des comptes, que ce soit pour les agents publics ou les agents privés, notamment les fonds spéculatifs, les hedge funds .
Tony Blair a proposé la mise en place d'un code de bonne conduite en matière financière et monétaire et le développement de normes internationales de comptabilité publique.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est un bon modèle, Tony Blair !
M. Marc Massion. L'opacité financière dans les pays émergents doit être dissipée. Cela favorisera une allocation optimale des fonds et permettra au FMI de mieux superviser.
Dans cette même optique, on ne peut qu'encourager une amélioration de la supervision et de la réglementation financière, notamment par une meilleure coordination entre les institutions financières et les organismes régulateurs. Il serait en effet nécessaire de favoriser les échanges de données entre les places financières et entre les autorités de surveillance. Le G7, lors de sa réunion du mois d'octobre 1998, a d'ailleurs demandé à M. Hans Tietmeyer, président de la Bundesbank, de présenter une série de recommandations sur les améliorations possibles de la surveillance financière et des règles prudentielles.
Plus avant, il s'agirait d'organiser une libération ordonnée des mouvements de capitaux, en autorisant l'instauration de dispositifs ciblés et temporaires dans les pays émergents, afin de freiner l'afflux soudain de capitaux à court terme.
De la même façon que la dynamique créée en France conforte efficacement la croissance mondiale, il faut que la volonté française de faire obstacle aux fraudes fiscales et à la circulation abusive des capitaux, transformés en fonds spéculatifs, soit entendue lors des négociations internationales, en particulier avec nos partenaires européens.
Il s'agit là, à mon sens, d'un prolongement naturel et indispensable de la politique menée par le Gouvernement. Je ne doute pas de la volonté de ce gouvernement de s'investir dans cette démarche. Et là encore, monsieur le ministre, puisqu'il s'agit d'aller vers plus de justice et plus de solidarité, vous nous trouverez à vos côtés. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. du Luart a souhaité élever la qualité de l'information économique de nos concitoyens.
En dehors de quelques contrevérités qui se sont égarées ici ou là, le débat général qui a porté sur la loi de finances pour l'an 2000 a, je crois, apporté des informations économiques importantes. Parmi les contributions à ce débat, je voudrais mentionner tout spécialement l'exposé de M. Bourdin et le rapport, que j'ai pu feuilleter, sur les perspectives macroéconomiques pour 2004. Ils participent, à l'évidence, de cette contribution importante, traditionnelle, mais de qualité, de la Haute Assemblée au débat économique dans ce pays.
Ce débat a donc été de bonne qualité.
Je voudrais dire à M. du Luart que j'ai parfois perçu, dans son argumentation, une tendance, à coup de citations américaines, à déprécier un peu les performances économiques de notre pays, dont la réussite est, selon moi, indéniable. Ce succès n'est pas uniquement imputable au Gouvernement, bien évidemment - M. de Rohan l'a fort bien dit - car chacun y a mis du sien, notamment les entreprises, auxquelles vous avez rendu hommage, hommage auquel je souscris volontiers, sauf peut-être pour telle ou telle qui se glorifie de licencier devant les analystes financiers.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Auxquelles pensez-vous ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne sais pas ! Laissez mon propos rouler, si vous voulez bien ! (Sourires.)
Les entreprises ont créé 635 000 emplois, en bonne partie grâce à la croissance, en bonne partie grâce à d'autres dispositifs tels que la réduction du temps de travail, sur laquelle je reviendrai à propos de l'exposé de M. Bourdin.
Vous avez parlé, monsieur du Luart, de « capitalisme populaire ». S'il s'agit de sortir de dispositifs opaques dans lesquels certains s'attribuent, dans une obscurité parfaite, des rémunérations qui n'ont pas forcément un lien direct soit avec l'audace, soit avec la prise de risques, si vous êtes partisan d'associer les salariés, un grand nombre de salariés, à la prospérité de leur entreprise, voire à la prise de décisions dans les entreprises, je pense que les réflexions que le Gouvernement mène actuellement avec sa majorité sur l'épargne salariale et sur l'actionnariat salarié iront dans votre sens. J'espère qu'au moment où il faudra voter des textes nous aurons votre soutien !
M. Philippe Darniche a expliqué que les abattements d'impôts n'étaient pas exactement ce qu'ils étaient, qu'il y avait du plus, qu'il y avait du moins. Nous vous proposons très clairement un budget qui prévoit une baisse nette de 40 milliards de francs d'impôt. Depuis le 15 septembre, les Français en sont, je crois, convaincus, et je voudrais répondre à certains propos.
M. Darniche a parlé de la résorption du travail au noir. Je peux lui dire qu'à hauteur de 1 milliard de francs nous avons fait l'hypothèse que du travail non déclaré deviendrait du travail déclaré.
M. Darniche a dit, je l'ai noté, qu'il s'agissait d'une bonne mesure. Comme c'est la principale mesure de ce projet de loi de finances, je me réjouis de ses compliments, d'autant qu'il les a étendus à la couverture maladie universelle et au revenu minimum d'insertion, sur lequel des critiques ont été faites ici ou là. Il a parlé - il a été le premier, mais pas le seul - des rapports entre l'Etat, les communes, les départements, les régions. Je voudrais évoquer un seul argument qui, me semble-t-il, est frappant : si le pacte de stabilité, qui couvrait la période 1996-1998 - pacte qui a été voté par ceux qui siègent à droite de cet hémicycle - et qui avait été imposé de façon unilatérale, sans être négocié, aux collectivités locales, avait été prolongé jusqu'à l'an 2000, ce sont 3,8 milliards de francs de moins que les collectivités auraient eus ! Nous lui avons substitué un contrat de croissance et de solidarité.
M. Darniche a fait allusion à la compensation de la diminution de la taxe professionnelle. Il n'est pas sans savoir que l'Assemblée nationale a indexé cette compensation non pas sur ce qui résultait des règles, c'est-à-dire 0,8 %, mais sur la progression de la dotation globale de fonctionnement avant qu'elle ne bénéficie, si je puis dire, des abattements dont M. Auberger s'est fait l'auteur célèbre.
M. Darniche a parlé de formation professionnelle. C'est un sujet important, car il est clair que, à côté de la politique de demande que nous avons menée et dans le cadre de la politique d'offre que certains ont souhaitée, nous devons, pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons sociales, faire un effort accru de formation professionnelle, formation technique, initiale et continue. Il y a là une ambition que le Gouvernement entend développer et un livre blanc a été publié par ma collègue sur ce sujet.
M. Darniche a fait allusion à la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés. Le Gouvernement a pris l'engagement de garantir le pouvoir d'achat de cette prestation importante. Pour 1999 et 2000, la hausse de cette allocation dépassera même celle des prix. Pour les handicapés eux-mêmes, un programme pluriannuel couvre la période 1999-2003 concernant la création de places de centres d'aide par le travail ou d'ateliers protégés. En matière d'appui à nos concitoyens handicapés, ce gouvernement a donc fait beaucoup et il continuera.
M. de Rohan, j'y ai fait allusion tout à l'heure, a dressé au début de son propos un panorama, sans doute vrai mais flatteur, de la situation économique de notre pays. Il a reconnu, je l'ai dit, une part de responsabilité au Gouvernement.
Il a fait allusion à des comparaisons en matière de prélèvements obligatoires, mais sur ce point il faut être prudent, car les dispositifs sont différents. Par exemple, les systèmes de retraite complémentaire sont inclus dans notre dispositif de prélèvements, ce qui n'est pas le cas en Allemagne. Ce qui compte, ce ne sont pas tant les niveaux que les évolutions, et, l'an prochain, les prélèvements obligatoires diminueront.
Il a été le premier à parler de la grande misère supposée des investissements civils. Je citerai tout à l'heure des chiffres relatifs à la progression de ces investissements. Je peux d'ores et déjà indiquer que, dans la loi de finances pour 1999, les investissements atteignaient, tout compris, 168,79 milliards de francs, et qu'ils passeront, dans le budget prochain, à 172 milliards de francs. Cette progression est deux fois plus rapide que celle du budget de l'Etat. Où est donc le sacrifice annoncé en l'an 2000 ? Je crois qu'il n'existe pas, et si l'on considère les contrats de plan, dont j'ai déjà parlé, c'est-à-dire cette masse considérable de 120 milliards de francs que l'Etat va investir dans les équipements civils sur la période 2000-2006, on peut affirmer que le thème du sacrifice des investissements civils n'est absolument pas corroboré par les faits.
M. de Rohan a, en outre, estimé que le périmètre du budget de l'Etat changeait, en soupçonnant le Gouvernement d'avoir transféré un certain nombre de charges à l'extérieur de celui-ci. Je voudrais, par souci d'équilibre, mentionner la rebudgétisation, pour un total de près de 56 milliards de francs depuis le mois de juin 1997, la suppression de sept comptes spéciaux du Trésor et de cinquante fonds de concours et l'amorce d'une réforme de la parafiscalité. Je crois que, du point de vue de la sincérité, nous n'avons pas de leçon à recevoir. Je ne ferai évidemment pas allusion, à une heure aussi tardive, à la soulte de France Télécom !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De vieilles choses !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. de Rohan a aussi reproché à l'Etat d'avoir réduit le taux de la taxe professionnelle, au moins pour sa part salariale, restreignant ainsi l'autonomie fiscale des collectivités locales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien vrai !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme l'expérience le montre - les collectivités locales le sentent et les entreprises le vivent - la suppression sur cinq ans de la part salariale de la taxe professionnelle est une bonne mesure pour l'emploi, et chacun doit s'en féliciter. La compensation a été justement calculée.
M. Philippe Marini, rappporteur général. Un dégrèvement aurait été bien meilleur !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De toute façon, monsieur le rapporteur général, M. Miquel l'a rappelé à juste titre, l'Etat a institué une commission de décentralisation pour réexaminer les rapports et la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales. Cette commission est présidée par un homme incontestable, M. Pierre Mauroy, qui a conduit, en 1982, en qualité de Premier ministre, cette décentralisation contre laquelle la droite unie s'était alors arc-boutée.
Mme Beaudeau a estimé que nos prévisions étaient quelque peu optimistes. Je ne le pense pas, madame. Je pense, au contraire, qu'elles traduisent notre foi confiante dans le potentiel de croissance de notre pays.
Vous avez soupçonné le Gouvernement d'avoir minimisé les recettes fiscales de l'année 1999. Nous allons, me semble-t-il, atteindre le taux de croissance qui était prévu, taux qui était jugé irréaliste voilà un an par certains ici. Ce taux devrait se situer autour de 2,7 % de 1998 à 1999, mais la hausse des prix sera plus faible : 0,5 % à 0,6 % au lieu des 1,2 % ou 1,3 % escomptés. Certes, l'impôt sur le bénéfice des sociétés rapportera plus ; certes, parce que la création d'emplois a été importante et parce que le pouvoir d'achat a progressé, l'impôt sur le revenu rapportera plus, mais, au titre de la TVA, comme il y a moins de hausse des prix, nous aurons un peu moins de produit.
Madame la sénatrice, je crois que l'estimation, que nous avons établie au mois de septembre dernier, d'une plus-value fiscale de 13 milliards de francs en 1999 par rapport à ce que nous escomptions voilà un an est une prévision réaliste et prudente. Comme vous le savez, et nous le verrons au cours du débat sur le collectif budgétaire, nous opérons un partage en deux moitiés de cette plus-value, la première étant destinée à couvrir les baisses d'impôt qui ont été lancées le 15 septembre, l'autre moitié visant à compenser un certain nombre de dépenses sur lesquelles nous reviendrons.
L'an prochain, il ne se profile pas non plus de miracle fiscal. Si l'on raisonne à fiscalité constante, sans changer les barèmes, les impôts progresseront au même rythme que la production nationale, ce qui est normal, c'est-à-dire d'un peu moins de 4 %.
Comme nous vous proposons de baisser les impôts l'an prochain de 40 milliards de francs, la progression des recettes sera inférieure à la progression de la production nationale.
Telles sont mes observations concernant les recettes.
S'agissant des dépenses, vous avez dit que la droite, pour reprendre vos termes, voulait dépenser moins et mieux. Ce sont exactement les termes qui ont été employés par le président de la commission des finances, et je respecte entièrement ses convictions.
Notre conviction à nous, c'est que nous devons dépenser non pas moins et mieux,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Plus !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais mieux et mieux !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Plus !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je crois que le projet de budget qui vous est soumis correspond tout à fait à cela.
Vous avez, et c'est bien normal, attiré l'attention sur la lutte contre la pauvreté et vous avez souligné que, dans le projet de loi de finances, enrichi notamment par la composante communiste de la majorité durant le débat en première partie à l'Assemblée nationale, nous avons fait un effort dans le domaine fiscal, dans le domaine des revenus, vers nos concitoyens les plus en difficultés. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion de la réflexion que nous mènerons ensemble sur la réforme de la fiscalité directe, la taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu, d'ici à 2001.
Vous avez fait un certain nombre de suggestions précises et claires sur le plan fiscal ; nous aurons également l'occasion d'y revenir.
Madame la sénatrice, nous allons dans la bonne direction en termes de partage du revenu national. En effet, la répartition entre les salaires et les profits, pour schématiser, qui s'était dégradée de façon continue au détriment des salariés, est en train de se redresser avec la croissance retrouvée en 1999 et en 2000. Je rappelle que le SMIC a connu en deux ans une augmentation de pouvoir d'achat de 6 %.
J'en viens maintenant à l'exposé très coloré de M. Paul Girod, oscillant entre le rose et le noir. Je voudrais lui dire - en ayant recours à un argument que je n'ai pas encore utilisé - puisqu'il parle de trompe-l'oeil, de bonneteau et autres amabilités, que ce que nous avons fait en matière de relations entre l'Etat et la sécurité sociale est un pur plagiat de ce que M. Balladur a fait, en 1994, lorsqu'il a transféré les taxes sur les alcools et une partie de la contribution sociale généralisée au fonds de solidarité vieillesse ; il y en avait, à l'époque, pour une cinquantaine de milliards de francs.
Quelle différence y a-t-il entre cette opération faite en 1994, opération à laquelle vous avez certainement, avec la discipline que je vous connais, monsieur le rapporteur général, apporté votre soutien, et ce que nous faisons en 1999 en transférant les impôts sur le tabac à un fonds d'allégement des cotisations sociales pour les travailleurs moins qualifiés ?
M. Paul Girod a parlé de fuites des capitaux, alors que nous avons un excédent de balance des paiements ; il a parlé d'exode des capitaux, alors que la France est le premier pays d'accueil des investissements étrangers en Europe et que, si la bourse est à un bon niveau, c'est dû, non seulement à l'épargne française, mais aussi à l'afflux de capitaux étrangers. Il a parlé de foisonnement de créations d'impôts, alors que nous avons supprimé dix impôts en 1999,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Des tout petits, imperceptibles !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... que nous en supprimons cinquante en l'an 2000, que 15 millions de formulaires disparaissent cette année et que 5 millions de formulaires disparaîtront l'an prochain. Si cela avait été fait antérieurement, comme aurait dit M. Dominique Strauss-Khan, nous n'aurions pas à le faire maintenant !
M. Girod a parlé d'aménagement du territoire. Eh bien, à l'intention des quartiers en difficulté, des zones de revitalisation rurale, nous avons pris des mesures concrètes pour la création d'emplois. Nous avons organisé des transferts financiers précis. A ce propos également, je le renvoie au remarquable exposé de M. Miquel, qui a dressé un panorama complet de la dynamique des relations entre l'Etat et les collectivités locales les plus défavorisées. En la matière, les propos alarmistes de M. Girod, quoique brillants, me semblent tout à fait injustifiés.
M. Bernard Angels a fait devant la Haute Assemblée un exposé sur le triptyque éclatant : croissance, confiance, activité, exposé charpenté dans lequel la raison l'emportait sur l'anathème et les faits sur les prévisions apocalyptiques. C'est le type même d'exposé républicain qui, prononcé à la Convention en 1789, aurait été édité et porté à la connaissance des citoyens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La Convention, c'était un peu plus tard.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet !
M. Angels a apporté deux éléments très positifs au débat. Il a bien montré que notre dynamique de croissance portait à la fois sur les nouvelles technologies et sur les secteurs traditionnels comme le bâtiment. Nous « poussons » la croissance dans tous les secteurs.
Par ailleurs, il a évoqué, en employant une très jolie expression, la « flibuste fiscale » en Europe.
M. Massion, quant à lui, a fait allusion à l'harmonisation fiscale. J'étais à Londres, ce matin, pour débattre avec mon collègue britannique de ce sujet.
J'avoue que l'évolution du dossier sur la fiscalité de l'épargne me préoccupe. Il est bien évident que tous les citoyens « en raison de leurs facultés », comme l'indique la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doivent apporter leur contribution aux finances publiques. Mais nous reparlerons de cette question lundi, lors du conseil ECOFIN, et lors du sommet d'Helsinki, qui s'ouvrira peu après.
M. de Villepin a, comme toujours, dressé une grande fresque précise et lucide des menaces extérieures.
En matière de crise financière, je l'invite à se reporter à l'analyse commentée par M. Bourdin, qui a montré que l'hypothèse d'une crise boursière aux Etats-Unis n'aurait pas les effets catastrophiques que certains prédisent. Elle apporterait simplement un coup de frein à la croissance américaine ; on a parlé de quelque 0,4 %. Cela aurait un petit impact sur notre économie et, si les prévisions que nous avons élaborées sont un peu en dessous de celles des instituts privés, c'est parce que nous avons considéré l'hypothèse dans laquelle l'économie américaine connaîtrait une certaine décélération.
Je voudrais indiquer à M. de Villepin que notre pays enregistre un surplus d'épargne, alors que les Etats-Unis doivent faire face à un déficit. Le grand défi que nous nous sommes lancé est de faire en sorte que l'épargne française, abondante, se déplace peu à peu des placements sûrs que sont les placements obligataires, vers les placements plus rémunérateurs mais plus risqués que sont les placements en actions. Des contrats d'assurance vie qui portent des initiales fameuses vont dans cette direction.
Lorsque nous parlerons d'épargne salariale, nous pourrons amplifier le mouvement.
M. de Villepin a également évoqué les dépenses militaires. Je lui signale courtoisement que 12 milliards de francs ont été annulés à ce titre en 1995 et que le budget militaire, à la fin de 1999, enregistrera des reports de crédits d'investissement supérieurs à ceux de 1998.
M. Lachenaud a parlé de rupture d'unité, d'universalité du budget. Là encore, je me référerai à l'opération légitime de transferts de ressources à la sécurité sociale opérée par M. Balladur. Par ailleurs, en instituant une discussion sur le budget de la sécurité sociale, M. Juppé, alors Premier ministre, a contribué au débat démocratique.
M. Lachenaud a évoqué notre méthode de réforme fiscale. Nous avons certes pu nous montrer imparfaits sur tel ou tel sujet, mais la réforme de la TVA sur le bâtiment a résulté d'un dialogue parlementaire. M. Badré, au Sénat, y a participé et l'Assemblée nationale a voté une résolution ciblée sur les travaux d'entretien du bâtiment. Nous avons dialogué avec les professionnels et nous continuons à le faire, notamment à propos des bâtiments en copropriété comprenant à la fois des bureaux et des logements. Je pense que cette réforme - dont, d'ailleurs, vous avez approuvé le principe - a été bien conçue, bien concertée et est bien appliquée.
M. Oudin a parlé de l'unicité du budget ; je crois lui avoir répondu. Il a inventé un théorème selon lequel plus les prélèvements obligatoires sont élevés plus le chômage est élevé. Or, tout près de chez nous, les Pays-Bas ont un taux de chômage de 3 % et un taux de prélèvements obligatoires qui ne devrait pas nous faire rougir. Le seul moment où il y a eu corrélation entre les deux termes, chez nous, c'est entre 1993 et 1997, lorsque les prélèvements obligatoires ont été majorés de deux points et le chômage de 500 000 personnes.
M. Oudin n'aime pas les fonctionnaires ; c'est son droit.
M. Philippe Marini. rapporteur général. Cela m'étonnerait de sa part !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il peut souhaiter que nous privatisions l'enseignement, comme aux Etats-Unis ; nous avons une autre conception.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'a pas dit cela !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a cité l'OCDE de façon tronquée. Je pourrais, à mon tour, citer les éloges des administrateurs du Fonds monétaire international, mais, à coup de citations, nous pourrions dialoguer encore longtemps !
M. Loridant a évoqué l'Europe économique et monétaire comme un carcan. Je pense très sincèrement que la croissance que nous avons retrouvée, grâce à une politique monétaire accommodante, grâce à des politiques budgétaires sérieuses, est compatible avec l'euro, je dirai même est favorisée par l'existence de l'euro.
Pour ce qui est de l'Europe sociale, nous allons préparer le sommet de Lisbonne. Vous savez que M. le Premier ministre a suggéré que nous donnions comme perspective le retour au plein emploi à l'échelle européenne. Il a préconisé l'établissement d'un pacte social pour cinq ans qui puisse permettre à chaque pays de définir son chemin pour se rapprocher du plein emploi en jouant sur le clavier de tous les instruments.
M. Miquel a présenté un exposé objectif, clair, approfondi sur les finances locales. Il a parlé de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, sujet que Mme Beaudeau a également abordé.
Il a expliqué que l'effort de redressement était partagé entre l'Etat et les employeurs : c'est la première fois que l'Etat apporte une contribution en réduisant ce qu'on appelle le taux de surcompensation.
Il a posé une véritable question, celle de la péréquation. Ensemble, nous devons trouver les moyens de renforcer cette péréquation. Le problème n'est pas que l'Etat donne de plus en plus d'argent aux collectivités locales, il est de faire en sorte que cet argent donné aille à celles qui en ont le plus besoin. Ce qui a été fait en matière de dotation de solidarité urbaine, la DSU, et de dotation de solidarité rurale, la DSR, va, à cet égard, dans le bon sens.
Monsieur Miquel, vous avez aussi évoqué la taxe professionnelle de France Télécom. Avec cette entreprise, nous sommes en train de recenser les bases de sa taxe professionnelle. Vous avez suggéré des idées intéressantes pour que, lorsque nous aurons déterminé cette taxe professionnelle, elle soit plutôt affectée à la péréquation.
M. Badré nous a reproché de barrer « par petit temps ». Le temps, on ne le choisit pas, mais le fait d'être en tête de la régate n'est pas complètement défavorable !
Je lui dirai tout simplement que, s'agissant des investissements civils, les contrats de plan sont là pour prouver que le Gouvernement agit.
En ce qui concerne la dette, il a cité les chiffres de 1997 à 1999. Je lui rappellerai que la dette publique a augmenté de 1 000 milliards de francs entre 1993 et 1997 et que, l'an prochain, elle baissera en pourcentage du produit intérieur brut pour la première fois depuis vingt ans.
J'en viens à M. Bourdin.
J'ai déjà fait allusion à ses travaux de grande qualité. Il a mentionné comme une perspective réaliste, d'après les instituts consultés, la création de 400 000 emplois d'ici à 2004 grâce aux 35 heures. Cette estimation tranche avecles cris d'alarme poussés ici ou là.
Je discuterai simplement son affirmation selon laquelle le taux de chômage ne pourrait baisser au-dessous d'un plancher fixé à 9 %. Un économiste de qualité comme M. Artus pense que, si nous avons une croissance de 3 % - ce qui est possible d'ici à 2005 - notre taux de chômage pourrait diminuer jusqu'à 5 %.
M. Massion, pour terminer, s'est livré à une présentation pédagogique de la politique fiscale menée par le Gouvernement. Il a fait allusion à ce que nous devons entreprendre à l'échelle européenne. Il a montré combien il était urgent de parvenir à mieux maîtriser les mouvements internationaux de capitaux par des règles prudentielles, par un contrôle des fonds spéculatifs, par une lutte contre les centres off-shore, c'est-à-dire non coopératifs. Il a souhaité qu'on réfléchisse à des règles qui s'imposeraient à tous.
Il a fait allusion à la taxe Tobin. Je répondrai simplement que, si nous en limitions l'application à la seule zone euro, nous ferions la part trop belle à des centres financiers situés en dehors de cette zone. Ce champ serait à l'évidence trop restreint.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, peut-être trop brièvement exposées, - mais l'heure tourne ! - les réponses que je voulais apporter dans ce débat qui, comme toujours à la Haute Assemblée, a été de très grande qualité. ( Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

10

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 95- , distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 96, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

11

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant un défenseur des enfants.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 97, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

12

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Décision du Conseil concernant l'amélioration de l'information sur les travaux législatifs du Conseil et le registre public des documents du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1345 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'acte relatif à l'élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1346 et distribué.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général, un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 89 et distribué.

14

DÉPÔT D'AVIS

M. le président. J'ai reçu de MM. Philippe Nachbar, Marcel Vidal, Ambroise Dupont, Jean Bernadaux, Jacques Valade, Mme Hélène Luc, MM. Albert Vecten, Pierre Laffitte, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Louis de Broissia, Mme Danièle Pourtaud et M. Jacques Legendre un avis présenté, au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000).
L'avis sera imprimé sous le n° 90 et distribué.
J'ai reçu, de MM. Gérard César, Alain Gérard, Henri Revol, Bernard Dussaut, Francis Grignon, Jean Besson, Jean-Marie Rausch, Jean-Jacques Robert, Mme Odette Terrade, MM. Michel Souplet, Jean Pépin, Mme Janine Bardou, MM. Georges Gruillot, Jean-Pierre Plancade, Jacques Bellanger, Charles Ginésy, Jean Bizet, Georges Berchet, Jean-François Le Grand, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rodolphe Désiré et Gérard Larcher un avis présenté, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000).
L'avis sera imprimé sous le n° 91 et distribué.
J'ai reçu de MM. André Dulait, Guy Penne, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean Faure, Paul Masson, Serge Vinçon, Jean-Claude Gaudin et André Boyer un avis présenté, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000).
L'avis sera imprimé sous le n° 92 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jean Chérioux, Louis Boyer, Paul Blanc, Louis Souvet, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain et Jacques Bimbenet un avis présenté, au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000).
L'avis sera imprimé sous le n° 93 et distribué.
J'ai reçu de MM. Daniel Hoeffel, Jean-Patrick Courtois, René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Georges Othily, Patrice Gélard, José Balarello et Jean-Jacques Hyest un avis présenté, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000).
L'avis sera imprimé sous le n° 94 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée au lundi 29 novembre 1999, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000). - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Première partie. - Conditions générales de l'équilibre financier :
Articles 1er à 36 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de finances n'est plus recevable.

Vote de l'ensemble de la première partie
du projet de loi de finances pour 2000

En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussion précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 1er décembre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 1er décembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 26 novembre 1999, à une heure quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT

établi par le Sénat dans sa séance du jeudi 25 novembre 1999 à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Du jeudi 25 novembre 1999 au mardi 14 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 88, 1999-2000).
(Les règles et le calendrier de la discussion budgétaire figurent en annexe.)
En outre :
Mercredi 1er décembre 1999 :
A 15 heures :
1° Scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de M. Claude Saunier, devenu juge titulaire.
(Le scrutin à la majorité absolue des suffrages exprimés aura lieu dans la salle des conférences ; à la suite de la proclamation de l'élection, le juge élu sera appelé à prêter le serment prévu par la loi organique.)
2° Nomination d'un membre titulaire de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de M. Franck Sérusclat, qui a démissionné de son mandat de sénateur.
Jeudi 2 décembre 1999 :
A 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n° 1943).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ; à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe. L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 1er décembre 1999.)

Jeudi 9 décembre 1999 :

A 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Vendredi 10 décembre 1999 :

A 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au jeudi 9 décembre 1999, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ; à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe. L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le jeudi 9 décembre 1999.)

Mercredi 15 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (AN, n° 1889).
(La conférence des présidents a fixé : au mardi 14 décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ; à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe. L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 14 décembre 1999.)
Jeudi 16 décembre 1999 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive et de loisir (n° 31, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Jean-François Picheral et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à l'attribution de la nationalité française à tout étranger engagé dans les armées françaises, qui a été blessé en mission, au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait la demande (n° 74, 1999-2000) ;

- la proposition de loi de M. Michel Pelchat relative à l'attribution de la nationalité française à l'étranger qui a combattu dans une unité de l'armée française (n° 28, 1999-2000).

(La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, pour leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat (n° 79, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
5° Suite de l'ordre du jour du matin.
6° Eventuellement, conclusions de la commission des affaires sociales sur :
- la proposition de loi de M. Jean Chérioux et plusieurs de ses collègues tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié (n° 52, 1999-2000) ;

- la proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste relative au développement du partenariat social (n° 87, 1999-2000).

(La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Lundi 20 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 heures, à 15 heures et le soir :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2000.
(La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 1999 (AN, n° 1952).
(La conférence des présidents a fixé au samedi 18 décembre 1999, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mardi 21 décembre 1999 :

A 16 heures et, éventuellement, le soir :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 609 de M. Dominique Braye à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Application de la loi sur les animaux dangereux et errants) ;

- n° 623 de M. Bernard Fournier à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Avenir des tribunaux de commerce) ;

- n° 629 de M. Jean Chérioux à M. le ministre des affaires étrangères (Situation au Timor-Oriental) ;

- n° 630 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Contrat de plan en Haute-Loire) ;

- n° 635 de M. François Marc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Renouvellement de la flotte de pêche) ;

- n° 636 de M. René Marquès transmise à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Danger de la chasse au sanglier dans les Pyrénées-Orientales) ;

- n° 637 de M. Joseph Ostermann à M. le ministre de l'intérieur (Elargissement des missions du fonds de garantie contre les accidents de la circulation) ;

- n° 639 de M. Jack Ralite à Mme le ministre de la culture et de la communication (Développement de Radio France) ;

- n° 641 de M. Serge Franchis à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Entretien des ouvrages d'art de franchissement de canaux) ;

- n° 642 de M. Raymond Soucaret à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Suppression des postes de correspondants locaux des douanes et droits indirects) ;

- n° 646 de M. Jacques Pelletier à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (Indemnisation pour les victimes de l'hépatite C) ;

- n° 648 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de la défense (Nuisances sonores causées par l'entraînement des élèves de l'école de l'air de Salon-de-Provence) ;

- n° 649 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Coût des interventions des collectivités locales sur le domaine de l'Etat) ;

- n° 651 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Prime compensatrice ovine) ;

- n° 652 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Situation du lycée Henri-Potez à Méaulte [Somme]) ;

- n° 653 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication (Concentrations dans la presse régionale) ;

- n° 654 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre de l'intérieur (Financement des services départementaux d'incendie et de secours) ;

- n° 656 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Contribution représentative du droit de bail sur les locations de chasse en Alsace-Moselle).

Ordre du jour prioritaire

2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi portant diverses mesures relatives aux activités physiques et sportives.
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 22 décembre 1999 :

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1999.
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Rappel des règles et du calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (du jeudi 25 novembre 1999, à 16 heures, au mardi 14 décembre 1999)

1° Délais limites pour le dépôt des amendements :
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
Jeudi 25 novembre 1999 :
A 12 heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;
- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

Vendredi 10 décembre 1999, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.
2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes, ainsi que, le cas échéant, le président des commissions saisies pour avis, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
- quinze minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;

- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

- cinq minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;

b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à cinq minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;

- cinq minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à une heure trente, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à une heure trente, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à cinq minutes.

Les résultats des calculs effectués conformément à ces règles seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de dix minutes à chaque groupe et un temps de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de dix minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de cinq minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.
En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

A N N E X E I

Calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 adopté par la conférence des présidents du 2 novembre 1999

Discussion des articles et des crédits



DATE


DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 25 novembre 1999
A 16 heures et le soir. Discussion générale 6 h 30

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie, à 12 heures.
Nota. - Questions d'actualité au Gouvernement, de 15 heures à 16 heures.

Vendredi 26 novembre 1999

A 9 h 30 . Discussion générale (suite et fin) 2 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira à 15 heures pour l'examen des amendements aux articles de la première partie.

Lundi 29 novembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie 11 heures

Mardi 30 novembre 1999
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 11 heures

Mercredi 1er décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.
Nota. - L'examen des crédits relatifs au ministère des affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 35.


Examen de l'article 35 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes Examen des articles de la première partie (suite et fin)



3 heures 8 heures
.
Eventuellement, seconde délibération sur la première partie.
Explications de vote sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit.

Jeudi 2 décembre 1999

A 9 h 30 et le soir.

A 9 h 30 :
Services du Premier ministre : I. - Services généraux

0 h 30
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 30
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10
. Fonction publique et réforme de l'Etat
1 h 30

.
A 15 heures : nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

.
Le soir :
Emploi et solidarité : III. - Ville
2 heures

Vendredi 3 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme
I. - Services communs II. - Urbanisme et logement



1 h 30 3 h 30
.
III. - Transports :
1. Transports terrestres
2. Routes 3. Sécurité routière


3 h 30
.
4. Transport aérien et météorologie (+ article 70 quater ) Budget annexe de l'aviation civile
1 h 30
.
IV. - Mer :
- marine marchande (+ article 70 ter ) - ports maritimes

1 h 30

Samedi 4 décembre 1999

A 10 heures et à 15 heures.

Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire

2 h 30
. II. - Environnement 3 heures

Lundi 6 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Emploi et solidarité : I. - Emploi (+ article 70)

4 heures
. II. - Santé et solidarité (+ article 70 bis ) 3 h 30
.
Education nationale, recherche et technologie : II. - Enseignement supérieur
2 h 30
. III. - Recherche et technologie 2 heures

Mardi 7 décembre 1999

A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Charges communes (+ article 67) 2 heures
. Comptes spéciaux du Trésor (articles 44, 44 bis, 45 à 50) .
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 10
.

Economie, finances et industrie : I. - Economie, finances et industrie (et consommation) (+ article 68)

1 h 30
. II. - Industrie (et Poste) 3 heures
. III. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (+ articles 69, 69 bis, 69 ter et 69 quater ) 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure

Mercredi 8 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.

Outre-mer (+ article 72) 4 heures
. Défense : 5 heures
.
- exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 41).
- dépenses ordinaires (article 40). Jeunesse et sports
2 heures

Jeudi 9 décembre 1999

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. Nota. - Questions d'actualité au Gouvernement, de 15 heures à 16 heures.

Agriculture et pêche (+ articles 64 A, 64 B, 64 C, 64 D, 64 et 64 bis ) 5 heures
. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 heure
. Affaires étrangères (et coopération) 5 heures

Vendredi 10 décembre 1999

A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie, à 16 heures.


A 10 h 30 :
Intérieur et décentralisation : Sécurité
2 h 30
. Décentralisation
2 h 30

.
En outre, à 15 heures : projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000).


.
Education nationale, recherche et technologie : I. - Enseignement scolaire
4 heures

Samedi 11 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Anciens combattants (+ articles 65, 66, 66 bis et 66 ter ) 2 h 30
. Culture 3 h 30
. Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre : articles 55 et 55 bis et lignes 39 et 40 de l'état E annexé à l'article 51) 3 heures

Dimanche 12 décembre 1999
A 15 heures.

Eventuellement, discussions reportées.

Lundi 13 décembre 1999

A 9 h 30. Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice (+ article 71) 3 heures
A 16 heures et le soir. Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.

Mardi 14 décembre 1999

A 10 heures, à 15 heures et le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.


A N N E X E I I
Questions orales sans débat
inscrites à l'ordre du jour du mardi 21 décembre 1999

N° 609. - M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche au sujet des textes d'application de la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants. Plus de six mois après la promulgation de cette loi, les décrets d'application ne sont toujours pas publiés, alors que la mise en pratique de cette loi était, il y a un an, présentée comme extrêmement urgente. On s'attendait donc à la publication rapide des décrets d'application. Seul un arrêté du 27 avril 1999, établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, a été publié, mais il comporte de nombreuses zones d'ombre, rendant son application hasardeuse. En conséquence, il souhaite savoir quand seront enfin pris par les services du ministère les décrets d'application de la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999.
N° 623. - M. Bernard Fournier demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir lui indiquer quel est l'état de la réflexion du Gouvernement sur la question du devenir des tribunaux de commerce, notamment sur la question des greffes, mais aussi sur la réforme de la carte judiciaire. S'agissant des greffes, il la remercie de lui préciser si elle entend, compte tenu des réformes des tarifs télématiques, revenir sur le statut d'officier ministériel qui régit la profession. Sur le même sujet, il souhaite connaître l'état d'avancement des travaux de la commission tarifaire qu'elle a annoncée en février 1998. Concernant la réforme de la carte judiciaire, le décret du 30 juillet 1999 a annoncé la suppression de 36 des 227 tribunaux de commerce dans le ressort de 8 cours d'appel. Si chacun s'accorde sur la nécessité d'une réorganisation du paysage des juridictions consulaires, il lui demande de lui confirmer que la concertation avec les professionnels et les élus locaux est à la base de sa réflexion sur les suppressions de tribunaux et, subsidiairement, il souhaite connaître l'avis de la chancellerie relativement au maintien du tribunal de grande instance de Montbrison dans la Loire, qui, actuellement, fait office de tribunal de commerce.
N° 629. - M. Jean Chérioux se propose d'interroger M. le ministre des affaires étrangères sur la situation au Timor-Oriental. Il souhaite, en particulier, connaître l'aide qu'apporte la France à ce pays et les conséquences juridiques qu'elle a tirées de l'accession de ce nouvel Etat à l'indépendance.
N° 630. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les très graves conséquences pour le département de la Haute-Loire du contrat de plan à venir dans l'hypothèse où l'Etat s'en tiendrait à l'enveloppe annoncée de 875 millions de francs pour sept ans. Il lui rappelle que pour le précédent contrat, une enveloppe de 1,350 milliard de francs avait été prévue. Il tient également à lui rappeler que l'enveloppe annoncée ne permettra pas la réalisation d'opérations routières absolument indispensables : raccordement de Brioude à l'A 75, contournement du Puy-en-Velay, travaux entre Yssingeaux et le Puy-en-Velay... Il lui demande donc si l'Etat envisage d'abonder ou non l'enveloppe annoncée.
N° 635. - M. François Marc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les critères retenus pour le dispositif de renouvellement de la flotte de pêche. Par circulaire du 25 septembre 1999, il a annoncé la délivrance d'une enveloppe nationale de 5 000 kW (dont 2 010 kW pour la région Bretagne), afin de permettre des opérations de renouvellement de navires, à puissance équivalente au sein de la flotte de pêche. Les demandes effectuées en ce sens en Bretagne, excédant l'enveloppe attribuée, ont fait l'objet d'un classement par la commission régionale de modernisation et de développement de la flotte de pêche artisanale et des cultures marines (COREMODE). Au nombre des dossiers examinés figurent les cas des bateaux à vocation mixte de « goémonier-coquiller ». Or, en application du décret du 8 janvier 1993 et en particulier de son article 7, un navire exerçant exclusivement l'activité de goémonier ne nécessite pas de permis de mise en exploitation. Par contre, un navire polyvalent, ayant une activité complémentaire contingentée, doit obtenir ce permis. Dans ce cas, c'est la puissance globale du navire et non celle utilisée effectivement pour les activités contingentées qui est retenue pour son octroi. Il va de soi que, dans un souci d'efficacité maximale, la COREMODE est naturellement tentée d'écarter les dossiers des coquillers si fortement handicapants pour l'enveloppe globale de kilowatts à répartir, puisque l'activité de pêche ne représente qu'une période de trois à quatre mois par an, le reste du temps étant consacré au goémon. Le problème ainsi soulevé crée une situation inéquitable pour les activités plurielles. Il risque hélas de se reproduire à chaque COREMODE si un biais n'est pas trouvé pour assurer une prise en considération de l'activité de pêche contingentée, et d'elle seule, dans le dispositif de renouvellement de la flotte. Par conséquent, il serait intéressant d'envisager, dans le cadre de ce dispositif, que la puissance des navires ne soit prise en compte qu'au prorata de l'activité de pêche effectivement contingentée. Cette modification de la réglementation se traduirait en outre par une réduction de la puissance de la flotte prise en compte dans le cadre plus général des plans d'orientation pluriannuels, en harmonie avec les dispositions européennes.
N° 636. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le grave danger que représente, dans le département des Pyrénées-Orientales, la chasse au gros gibier que constitue le sanglier. Le sanglier, espèce très prolifique depuis l'introduction des laies espagnoles, suite à la peste porcine des années passées, a proliféré d'une façon considérable, à telle enseigne que, malgré la destruction de plusieurs milliers d'unités chaque année, les dégâts provoqués, au niveau agricole et au niveau des biens, sont considérables. C'est la raison pour laquelle, trois à quatre jours par semaine, des battues mobilisant plusieurs dizaines de chasseurs par équipe ont lieu dans les forêts du département des Pyrénées-Orientales. Le danger de ces battues est constitué par le fait que les chasseurs, constituant chaque équipe, sont amenés à utiliser des projectiles à balles, et non plus à chevrotine comme antérieurement, cela ayant été décidé par le législateur. Antérieurement, une distance de 150 mètres était considérée comme obligatoire entre les lieux de chasse et les sites bâtis, la portée des projectiles à plomb étant très limitée (environ 100 mètres). Il n'en est plus de même aujourd'hui, depuis l'utilisation des balles, d'autant plus que les chasseurs ont acquis des carabines à canon rayé dont la portée des projectiles atteint plus de 2 000 mètres. Chaque jour de chasse, des accidents et des incidents se produisent en raison des dangers représentés par la distance parcourue par les balles et, dans une année cynégétique, plusieurs morts sont à déplorer soit parmi les chasseurs, soit parmi les promeneurs. Actuellement, la crainte existe au niveau des populations sédentaires ou périodiques des contreforts pyrénéens, ainsi que des promeneurs ou ramasseurs de champignons, en raison de l'utilisation des projectiles à balles. Pour éviter tout nouvel accident et pour rassurer les populations, il lui demande s'il compte revoir cette législation pour exiger une distance minimale de 1 000 mètres entre les lieux de tir et les habitations. - Question transmise à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
N° 637. - M. Joseph Ostermann attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les charges croissantes supportées par les collectivités locales en matière de services d'incendie et de secours. La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours prévoit le transfert à l'échelon départemental de tous les moyens humains et matériels affectés à ces services. Les collectivités locales doivent ainsi faire face à un alourdissement des charges qui leur incombent du fait de la conjonction de trois facteurs principaux : le coût lié à la mise en place des nouvelles structures départementales, le rattrapage des disparités de moyens entre communes et, enfin, un accroissement des interventions sur accidents de la route ; accroissement dû à l'augmentation constante du nombre de véhicules à moteur en circulation et exigeant une plus grande disponibilité des sapeurs-pompiers ainsi que l'acquisition de matériel de plus en plus spécialisé et sophistiqué. Ainsi, afin de permettre aux collectivités locales d'assurer leurs missions dans de bonnes conditions et d'alléger le poids de ces charges, il lui demande s'il ne serait pas envisageable d'élargir les missions du fonds de garantie contre les accidents de la circulation afin de prévoir le versement d'indemnités aux services d'incendie et de secours en fonction du nombre de leurs interventions lors d'accidents de la route et en fonction du nombre de sapeurs-pompiers présents dans chacun des départements. Ce fonds, prévu à l'article L. 421-1 du code de assurances, est alimenté, notamment, par les contributions des entreprises d'assurance et des assurés assises sur les primes et cotisations perçues ou versées. Une telle mesure ne grèverait nullement le budget de ce fonds dont la mission initiale d'indemnisation des victimes d'accidents dont l'auteur n'est pas assuré perd de son acuité du fait du renforcement de la législation et des contrôles en matière d'obligation de souscription d'une assurance auto.
N° 639. - M. Jack Ralite attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le développement de Radio France, à l'heure des technologies du numérique. Aussi, il lui demande quelles mesures budgétaires elle entend prendre pour développer le réseau national et local de Radio France.
N° 641. - M. Serge Franchis attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le problème de domanialité que posent les ouvrages de franchissement des canaux. Depuis que VNF (Voies navigables de France) ne participe plus financièrement à la réparation ou à la reconstruction des ponts, sauf cas particuliers, certains de ces ouvrages présentent un état d'entretien alarmant. En effet, la jurisprudence établit que les ponts appartiennent au même domaine public que la voie portée et non à celui de la voie franchie. Cependant, il était, jusqu'ici, de pratique courante de réserver au gestionnaire de la voie routière la charge de l'entretien de la chaussée, censée préexistante au canal, à l'exclusion de l'entretien de la superstructure des ponts, partie du domaine public fluvial. Aucun transfert de domanialité n'ayant été opéré par la loi, les collectivités territoriales devraient demeurer exonérées de l'obligation d'entretien de ces ouvrages. Il lui demande s'il partage cette manière de voir et s'il envisage d'intervenir incessamment à ce sujet qui fait d'ailleurs l'objet d'une réflexion confiée au conseil général des ponts et chaussées.
N° 642. - M. Raymond Soucaret attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la disparition des postes de correspondants locaux des douanes et des droits indirects et sur ses conséquences financières. La tenue du poste de correspondant local est généralement une charge d'emploi imposée par l'administration au titre de l'exercice principal de débitant de tabacs. C'est également une activité complémentaire à la tenue de librairie-journaux ou encore de débits de boissons. Ces recettes locales forment un maillage essentiel pour la présence de l'administration sur l'ensemble du territoire. Alors qu'une majorité des correspondants locaux ont un faible niveau d'activité, et qu'un certain nombre d'entre eux ont été affectés par la suppression des titres de mouvement sur les céréales, face à un faible niveau d'activité, il leur est proposé une aide pécuniaire à la cessation d'activité. Cette aide a un coût non négligeable, voire démesuré. Aussi, il lui demande les raisons de cette politique de suppression des correspondants locaux très coûteuse, ainsi que la suppression de cette dernière.
N° 646. - M. Jacques Pelletier appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la situation des victimes de l'hépatite C contractée lors de transfusions sanguines. Il lui indique le cas malheureux d'une personne de son département qui, ayant subi plusieurs transfusions en 1986 suite à un accident de la circulation, a découvert en 1990, à l'occasion d'une intervention chirurgicale, qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C. Selon les experts qui se sont penchés sur le dossier, il ne peut y avoir d'autre cause de contamination que la transfusion. C'est pourquoi, il lui demande si, comme pour les victimes du sida et selon l'avis du Conseil d'Etat, une indemnisation des victimes de l'hépatite C contractée lors d'une transfusion sanguine est prévue.
N° 648. - M. Claude Domeizel rappelle à M. le ministre de la défense les nombreuses actions menées pour alerter son ministère sur les nuisances sonores occasionnées par les avions Tucano de l'école de l'air de Salon. Les élus et les habitants des quatre départements concernés se mobilisent régulièrement sans qu'aucune réponse satisfaisante leur soit apportée. Ces avions, qui décollent plusieurs fois par semaine de Salon pour différents exercices (survols à basse altitude, voltige), engendrent des nuisances sonores dépassant notablement les seuils admis par le code de la santé publique. Les tentatives d'amélioration telles que l'étalement des exercices dans l'espace et dans le temps, n'ont pas donné satisfaction. Les nuisances persistent et continuent à dégrader les conditions de vie des habitants et à mettre en danger la vocation touristique de ces régions. Aussi, il lui demande quels moyens pourraient être mis en oeuvre dès à présent pour que cesse définitivement une situation qui perdure et affecte gravement toute une région.
N° 649. - M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conditions de prise en charge par les collectivités territoriales de travaux se déroulant sur le domaine de l'Etat. En raison du désengagement de l'Etat, et, souvent devant l'urgence des situations, les communes et départements sont amenés à se substituer à l'Etat et à prendre à leur charge des travaux routiers dont la responsabilité lui incombe. Les collectivités assurent la maîtrise d'ouvrage, mais la maîtrise d'oeuvre reste de la compétence des directions départementales de l'équipement, ces dernières facturant au prix fort leurs prestations. Ces opérations, selon une réponse récente fournie par la préfecture de Haute-Savoie sur un cas précis, à savoir la réalisation de giratoires sur la RN 201, sont réputées non éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, la préfecture arguant que ces travaux ont été réalisés sur des biens n'entrant pas dans le patrimoine des collectivités. En effet, l'article 54 de la loi de finances pour 1977 n° 76-1232 du 29 décembre 1976, modifié par la loi n° 88-1149 du 29 décembre 1988, exclut du bénéfice du FCTVA les dépenses d'investissement qui ne sont pas effectuées sur des biens destinés à être incorporés dans le patrimoine des collectivités locales. L'article 1er du décret n° 89-645 du 6 septembre 1989 confirme ce principe général. Cette situation paraît douteuse et, finalement, scandaleuse à un double titre : d'une part, est-il normal que les collectivités territoriales aient à se substituer à l'Etat pour la réalisation de travaux sur son domaine ? D'autre part, comment accepter ce qu'il faut bien appeler un véritable « racket », à savoir la non-éligibilité, au FCTVA, de ces travaux, travaux dont il tire profit sans vergogne, d'une part, en encaissant la TVA y afférente, d'autre part en facturant des honoraires au titre de la maîtrise d'oeuvre ? Ces travaux sont normalement à la charge de l'Etat. Il lui rappelle que les nombreux élus locaux, de tous bords, attendent une réponse précise. Il lui demande s'il va mettre fin à cette situation totalement anormale, notamment en rendant éligibles au FCTVA les dépenses sur les infrastructures routières d'Etat réalisées par les collectivités territoriales.
N° 651. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'avenir de la production ovine et plus particulièrement sur les inquiétudes des éleveurs ovins du département de la Haute-Vienne. L'année 1999 aura été marquée par une baisse des cours pour les éleveurs ovins et la prime compensatrice ovine (PCO) s'avère insuffisante pour rattraper la perte de revenus enregistrée. En Haute-Vienne, où le nombre d'exploitants ovins est évalué à 2 800 pour un troupeau de 460 000 brebis, l'inquiétude des éleveurs est donc grande. La réforme du calcul de la PCO envisagée par la Commission européenne ne fait qu'accroître leurs craintes, car la mise en place d'une prime forfaitaire ne permettrait pas de compenser une chute des cours. Il lui demande donc si des moyens supplémentaires ne pourraient pas être dégagés pour compenser les pertes subies, d'une part, et de bien vouloir tout mettre en oeuvre pour garantir un montant de PCO permettant de faire face aux aléas du marché dans le cadre de la modification éventuelle du mode de calcul de cette prime, d'autre part.
N° 652. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la situation du lycée professionnel Henry-Potez de l'Aerospatiale à Méaulte dans la Somme. Le carnet de commandes d'Airbus n'a jamais été aussi bien garni et la quantité d'avions à livrer assure du travail pour plusieurs années d'autant que l'association récente Aerospatiale-Matra avec Dasa constitue un nouvel atout considérable. Dans ces circonstances, il est indispensable d'amplifier la formation des professionnels de l'Aeronautique. Or, depuis trois ans, le lycée professionnel de l'Aérospatiale, à Méaulte dans la Somme, est prêt à développer ses possibilités d'accueil et de formations dans le cadre d'un contrat d'association. Cette demande n'a pu aboutir lors des rentrées de 1996, de 1997 et de 1998 en raison de l'insuffisante dotation destinée à l'académie d'Amiens. En conséquence, il lui demande si l'on peut espérer que les moyens nécessaires seront attribués à ce projet pour la prochaine rentrée.
N° 653. - M. Ivan Renar attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les conséquences des phénomènes de concentration en cours dans la presse écrite et notamment dans la presse quotidienne régionale. Il lui demande quelle peut être l'intervention de l'Etat afin de garantir la liberté de la presse, le pluralisme de l'information et des rédactions ?
N° 654. - Mme Josette Durrieu attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la croissance des budgets des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) correspondant aux besoins de ressources nouvelles induits par la départementalisation (intégration départementale et harmonisation inéluctable des différents régimes de travail, application du nouveau régime indemnitaire des sapeurs-pompiers volontaires...) et qui pèse très lourdement sur les collectivités territoriales. Les conséquences de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ne semblent pas avoir été, à l'époque, correctement évaluées. Pour illustrer ces difficultés, dans les Hautes-Pyrénées, l'effort produit par les collectivités locales s'élèvera à 8 millions de francs, soit une augmentation de la participation de 13 % au budget des services d'incendie pour l'exercice 2000. En l'absence de prise en compte de ces difficultés et d'un engagement significatif de l'Etat, les élus locaux, très fortement impliqués dans le fonctionnement des SDIS, s'inquiètent du bon fonctionnement à venir de ce service vital à la sécurité. En conséquence, elle lui demande quelles sont les mesures d'affectation de ressources nouvelles au financement de cette réforme qui peuvent être rapidement concrétisées afin d'alléger les charges de plus en plus lourdes qui incombent aujourd'hui aux collectivités locales ?
N° 656. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998) remplaçant les droits d'enregistrement à la charge des locataires par une contribution annuelle représentative du droit de bail à la charge quant à elle des bailleurs. Alors que le droit de bail était traditionnellement payé directement par le locataire de la chasse, la commune doit désormais acquitter la nouvelle contribution puis la récupérer auprès du locataire. Cette mesure soulève un certain nombre de difficultés dans le cas des locations de chasse par les communes d'Alsace et de Moselle. En effet, ces dispositions ne trouvent pas une application satisfaisante du fait des dispositions particulières du droit local, car les communes d'Alsace et de Moselle gèrent la chasse pour le compte des propriétaires fonciers. De plus, ces nouvelles dispositions créent un échelon supplémentaire dans la perception de la contribution, ce qui a pour effet de transférer la responsabilité de la déclaration et du paiement de la contribution à la commune. Ainsi, la mise en oeuvre de cette contribution impose aux communes des procédures supplémentaires ce qui ne va pas dans le sens d'une simplification administrative. Il lui demande donc s'il ne serait pas envisageable de revenir à la situation antérieure d'un droit payé directement par les locataires de la chasse.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Validation de la qualification professionnelle
des coiffeurs non diplômés

665. - 25 novembre 1999. - La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 en précisant la loi de 1946 a introduit une possibilité, pour les coiffeurs non diplômés mais justifiant d'une grande qualification professionnelle, de pouvoir, après validation de celle-ci par une commission nationale, exploiter personnellement un salon de coiffure à établissement unique. Il s'avère toutefois que les demandes de reconnaissance de capacité professionnelle font, dans de nombreux cas, l'objet de refus alors que leurs auteurs répondent aux conditions prévues par la réglementation et présentent des dossiers probants. Ces situations engendrent de fréquentes fermetures de fonds de commerce particulièrement regrettables en milieu rural. En conséquence, M. Jean Pépin demande à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat si elle entend prendre des mesures visant à faciliter la validation de la qualification professionnelle des coiffeurs non diplômés.


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