Séance du 9 novembre 1999






CONVENTION PORTANT CRÉATION
DE L'ORGANISATION CONJOINTE
DE COOPÉRATION
EN MATIÈRE D'ARMEMENT

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 487, 1998-1999) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes). [Rapport n° 44 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Convention que j'ai signée à Farnborough le 9 septembre 1998 avec les ministres de la défense allemand, italien et britannique, et dont la France est le dépositaire, a pour objet de doter de la personnalité juridique internationale l'Organisation de coopération conjointe en matière d'armement, ou OCCAR.
L'OCCAR, qui a été créée en novembre 1996, a pour mission de coordonner, conduire et faire exécuter les programmes d'armement communs qui lui sont confiés par les Etats membres.
La volonté de créer une organisation internationale spécialement affectée à la conduite des programmes d'armement en coopération a pris forme, à l'origine, dans le cadre des relations franco-allemandes, lors d'un sommet qui s'est tenu à Baden-Baden en décembre 1995. Il s'agissait de rechercher les moyens permettant de dépasser les inconvénients traditionnellement rencontrés dans la coopération intergouvernementale.
Je les rappellerai brièvement et sobrement, en m'asbstenant de me livrer à des descriptions qui pourraient être, hélas ! plus pittoresques : les duplications fréquentes dans la répartition des investissements ; une maîtrise tout à fait insuffisante des coûts et des délais de ces programmes conduits à plusieurs ; l'insuffisance de la rationalisation des industries de défense ; l'impact trop faible sur le renforcement de la base industrielle et technologique commune des Européens en matière de défense.
En novembre 1996, la France et l'Allemagne, rejoints peu après par la Grande-Bretagne et l'Italie, ont institué l'OCCAR, sur la base d'un arrangement administratif, afin de mieux maîtriser la gestion et le coût des programmes en coopération, que chaque pays a librement décidé de lui confier.
Cependant, il nous est ensuite apparu nécessaire que l'OCCAR dispose de la personnalité juridique internationale afin que, au nom des pays ayant choisi de lui confier des programmes, l'organisme soit en mesure de contracter directement avec l'industrie, sans avoir à passer par un enchaînement de contrats.
C'est pourquoi notre pays a pris l'initiative de proposer à ses trois partenaires un accord dotant l'OCCAR du statut et des pouvoirs d'une organisation internationale.
Le contexte économique encourageait cette évolution. Les mutations en cours dans le domaine des industries d'armement, tendant à leur « globalisation » sur le plan européen, les réductions assez prononcées des budgets d'acquisition, les charges de plus en plus lourdes des programmes d'armement, compte tenu de leur complexité technique, tout cela a obligé les Etats à mettre en place des méthodes plus performantes dans la conduite des programmes.
L'OCCAR, dotée de la personnalité juridique, aura pour mission d'améliorer le rapport coût-efficacité de la conduite des programmes en coopération qui lui sont confiés par libre décision par les Etats membres.
L'objectif défini par les quatre partenaires est de placer au sein de l'OCCAR le plus grand nombre possible des programmes d'armement en cours de réalisation ou à venir.
D'ores et déjà, un certain nombre de programmes ont été placés au sein de l'OCCAR, comme les programmes franco-allemands de missiles Milan, Hot et Roland ou l'hélicoptère d'attaque Tigre. On peut citer également la famille des missiles surface-air futurs, le FSAF, le missile antichar à moyenne portée de troisième génération et le radar de contrebatterie Cobra. D'autres programmes devraient être prochainement intégrés : le système d'armes PAAMS, qui équipera les frégates Horizon, le système d'identification des avions de combat IFF-futur, le système Polyphem, le système naval SLAT.
Les principales dispositions de la convention de Farnborough reflètent la volonté des quatre Etats fondateurs de l'OCCAR de doter l'organisation de règles de fonctionnement souples et de mettre en place des principes novateurs dans la conduite pratique des programmes, qu'il s'agisse : de la constitution d'équipes transnationales intégrées et du recours à des méthodes de gestion performantes ; de la consolidation de notre base industrielle et technologique commune au travers d'une ouverture des appels d'offres aux fournisseurs européens ; de l'abandon de la notion de juste retour industriel, apprécié annuellement, programme par programme, au profit d'une notion de retour globalisé, apprécié sur plusieurs programmes et sur plusieurs années ; de la mise en place d'une préférence pour les matériels au développement desquels les pays membres auront participé dans le cadre de l'OCCAR ; enfin, d'un processus décisionnel flexible prévoyant le recours, dans certains cas, à la majorité qualifiée renforcée.
J'insiste, au passage, sur le fait que l'OCCAR sera ainsi la première organisation compétente en matière d'armement à ne pas recourir exclusivement à la règle de l'unanimité.
L'OCCAR concrétise la volonté des principaux Etats européens acheteurs d'armement de confier la réalisation de leurs programmes à une structure internationale autonome. Il s'agit d'un objectif ambitieux qui, pour être mené à bien, devra bénéficier du soutien constant des Etats membres.
L'implication financière française dans des programmes menés avec des partenaires européens devrait passer de 19,5 % en 1997 à 34 % en 2002, dernière année de l'actuelle programmation militaire. La gestion par l'OCCAR des programmes qui lui seront confiés par la France devrait donc nous permettre d'obtenir des réductions de coût significatives.
La montée en puissance de l'OCCAR s'inscrit dans un contexte politique qui n'échappe à personne et au sein duquel les ambitions de l'Union européenne en matière de défense et d'armement ont été récemment réaffirmées et précisées lors du sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, et lors du sommet européen de Cologne, en juin dernier. Ce sommet a notamment permis de souligner la nécessité de renforcer la base industrielle et technologique de défense et d'améliorer l'harmonisation des besoins militaires entre Européens ainsi que la programmation des opérations d'armement.
Le plan d'action présenté en août dernier, au nom de notre pays, par le Président de la République prévoit également, au titre des critères de convergence, la mise en oeuvre d'une réflexion à quinze sur l'harmonisation de la programmation des besoins d'équipement.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que les ambitions, tant financières qu'industrielles, de notre grand partenaire au sein de l'Alliance atlantique rendent cette détermination commune européenne d'autant plus nécessaire.
Dans ce contexte, l'OCCAR, première organisation internationale autonome de coopération en matière d'armement, a vocation à s'intégrer un jour, dans le respect de ses acquis, dans un cadre élargi de coopération européenne.
L'OCCAR a aussi vocation à accueillir dès à présent les Etats européens qui souhaitent la rejoindre, à condition qu'ils en partagent les principes et qu'ils s'engagent financièrement sur un programme en coopération qui soit d'un montant substantiel. C'est ainsi que, premier candidat à s'être manifesté, les Pays-Bas devraient adhérer d'ici peu à l'Organisation.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, qui fait l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur et le plaisir de soumettre à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention du 9 septembre 1998, dont nous débattons aujourd'hui, permettra à l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement d'accéder à la personnalité juridique qui lui est indispensable pour mener à bien ses missions.
Cette convention, signée par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni, était attendue, alors que trois années se sont écoulées depuis l'annonce de la création de l'OCCAR en 1996 et que son rattachement à l'Union de l'Europe occidentale, envisagé dans un premier temps, n'a pu aboutir.
La ratification de cette convention, conclue par quatre pays qui représentent à eux seuls 80 % de la production européenne d'armement, revêt donc, aux yeux de notre commission, une urgence certaine. En effet, l'OCCAR apparaît au premier chef comme un outil d'amélioration de la coopération sur les programmes d'armement, mais elle ouvre surtout des perspectives concrètes de progrès sur la voie d'une Europe de la défense qui tarde à s'édifier.
Je voudrais, en premier lieu, évoquer les raisons qui ont conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à émettre un avis favorable sur ce projet de loi.
Tout d'abord, si la coopération sur les programmes d'armement présente de multiples intérêts, sur les plans financier, industriel, militaire et politique, elle comporte également des risques d'alourdissement des coûts et d'allongement des délais de fabrication.
La juxtaposition des processus nationaux de décision et de conduite des programmes, la duplication des effectifs, le partage des tâches industrielles en fonction de contingences purement nationales et, enfin, la vulnérabilité face aux aléas budgétaires dans chaque pays participant sont autant de critiques qui ont été maintes fois formulées à l'encontre des pratiques de coopération en matière d'armement.
De ce point de vue, les principes fondateurs de l'OCCAR paraissent novateurs et de nature à corriger bon nombre de ces défauts. Je citerai simplement l'allégement des effectifs, grâce à la constitution d'équipes transnationales intégrées, la simplification des procédures, permise par la délégation de pouvoir dont bénéficiera l'organisation, une gestion moins administrative, le recours aux commandes globales pluriannuelles, la pratique systématique de la mise en concurrence et l'abandon du « juste retour » industriel programme par programme, qui devrait permettre de recourir à des combinaisons industrielles plus efficaces.
Nous avons constaté que sur un programme tel que celui de l'hélicoptère franco-allemand Tigre, transféré à l'OCCAR alors qu'il était largement engagé, l'application de ces principes a déjà permis de réaliser des économies substantielles. Mais, bien entendu, les bénéfices de cette démarche ne se feront pleinement sentir que lorsque l'OCCAR se verra confier, dès leur origine, les programmes d'armement.
En tout état de cause, il nous semble indispensable que tout soit entrepris pour garantir l'application effective de ces méthodes d'acquisition et pour ne pas retomber dans les travers du passé. La commission considère, notamment, que le transfert de programmes à l'OCCAR devra, en toute logique, s'accompagner d'une diminution corrélative des effectifs de la Délégation générale pour l'armement. De même, l'organisation devra éviter de reproduire à l'échelon international les tendances bureaucratiques souvent dénoncées autour des structures nationales d'armement.
La commisison a également relevé que la convention posait le principe d'une sorte de préférence européenne, puisque les Etats membres s'engagent à acquérir les matériels au développement desquels ils ont participé dans l'OCCAR. Il s'agit là d'un engagement qu'il faudra traduire dans les faits, afin de consolider la volonté de coopération affichée par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni.
Enfin, au-delà des principes positifs posés par la convention, il est clair que la création de l'OCCAR constitue un pas très important sur la voie d'une politique européenne d'armement.
Chacun s'accorde à considérer qu'une défense européenne doit s'appuyer sur une base industrielle et technologique européenne compétitive. Alors que le mouvement de regroupement des industries de défense s'accélère dans le secteur de l'aéronautique et de l'espace ou encore dans celui des missiles, il est indispensable que nos Etats s'organisent et coordonnent leurs actions en vue de rationaliser la demande européenne d'armement.
Le projet d'une agence européenne d'armement ayant pour mission de définir et de réaliser des équipements communs, inscrit dans le traité de Maastricht...
M. Emmanuel Hamel. Funeste traité !
M. Jean-Guy Branger, rapporteur. ... demeure une perspective lointaine. Les résultats très limités obtenus en matière de coopération sur les programmes de recherche par l'Organisation d'armement de l'Europe occidentale, l'OAEO, rattachée à l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, démontrent qu'il est difficile de progresser au niveau de l'ensemble des pays européens.
Dans ces conditions, la création de l'OCCAR constitue une illustration des coopérations renforcées en matière de construction européenne. Elle doit permettre des avancées concrètes autour des quatre principaux producteurs européens d'armement, rejoints bientôt par les Pays-Bas, avec une perspective très claire d'élargissement à de nouveaux membres. L'enjeu - cela n'échappe à personne - est considérable, puisqu'il s'agit de permettre aux Etats membres de s'équiper à un moindre coût, tout en élargissant le marché des industries européennes de défense.
Dans le même esprit, on ne peut que se féliciter des démarches entreprises par la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne et la Suède, dans le cadre de la lettre d'intention signée le 6 juillet 1998, pour établir des règles communes adaptées au nouveau contexte industriel européen et pour mieux conjuguer leur effort de recherche et de développement. En effet, cet effort, mieux réparti et mieux utilisé, pourrait très certainement permettre aux pays européens de rattraper l'écart technologique qui se creuse avec les Etats-Unis.
La perspective de l'accession de l'OCCAR, dès le début de l'année prochaine, au statut d'organisation internationale autonome, dotée de son budget propre et de réelles capacités d'action, s'inscrit donc dans un contexte plutôt favorable. La déclaration franco-britannique de Saint-Malo et les conclusions du Conseil européen de Cologne, quelques jours après la fin du conflit du Kosovo, semblent témoigner d'une prise de conscience nouvelle des enjeux de l'Europe de la défense.
Toutes ces raisons ont contribué au très large assentiment qui s'est manifesté au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en faveur de cette convention portant création de l'OCCAR.
Mais si cette convention est incontestablement porteuse d'espoir, elle n'efface pas pour autant un certain nombre d'interrogations.
Nous constatons, tout d'abord, qu'au moment où les quatre grands pays européens producteurs d'armement proclament, au travers de l'OCCAR, leur volonté de relancer leur coopération sur des bases nouvelles, cette coopération, sur plusieurs programmes majeurs, connaît de réelles difficultés.
En effet, tout en s'engageant dans l'OCCAR, l'Allemagne s'est retirée des programmes de satellites Hélios II et Horus, dont on sait combien ils étaient déterminants pour doter l'Europe de capacités autonomes de renseignement et d'appréciation dans la gestion des crises. L'Italie et l'Espagne, qui sont nos partenaires pour Hélios I, n'ont pas voulu, elles non plus, s'engager dans Hélios II, que la France risque fort de devoir réaliser seule.
De même devons-nous faire face à la défection britannique sur le programme successeur du satellite de télécommunication Syracuse II et sur la frégate antiaérienne Horizon.
Nous observons également que, pour l'heure, la France est la nation la plus engagée dans l'OCCAR, loin devant les trois autres partenaires. Or le succès de l'organisation reposera, nous semble-t-il, sur une implication sans réserve de tous les Etats membres et sur leur volonté réelle de promouvoir une préférence européenne.
Il est donc essentiel que l'OCCAR puisse se voir confier des programmes majeurs, engageant les quatre pays fondateurs. Il est évident que le choix qui sera opéré sur l'avion de transport futur, dont l'acquisition pourrait être confiée à l'OCCAR, sera considéré comme un indicateur de cette volonté de privilégier une coopération européenne plus efficace.
Nous craignons également de devoir constater un autre décalage entre les ambitions proclamées et les réalisations, cette fois-ci pour des raisons financières. Comment concilier les objectifs d'acquisition de capacités proprement européennes et des budgets d'équipement militaires en diminution dans tous les pays d'Europe, à commencer par l'Allemagne et aussi la France ? Ne risque-t-on pas de voir se creuser l'écart technologique avec les Etats-Unis et de mettre en difficulté l'industrie européenne de défense ?
Tous ces éléments nous amènent à considérer que si la création de l'OCCAR constitue une étape importante, elle ne prendra tout son sens que si elle se trouve en phase avec une rélle volonté politique européenne de définir et de réaliser des équipements communs.
Dans l'immédiat, il est nécessaire que la convention portant création de l'OCCAR entre en vigueur dans les meilleurs délais, le processus de ratification étant engagé chez nos trois partenaires.
C'est donc avec l'espoir de voir cette organisation nouvelle jouer un rôle majeur dans le rapprochement des politiques européennes d'armement que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Auban.
M. Bertrand Auban. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le paysage géostratégique actuel, une donnée de base apparaît avec force : il n'y a pas de sécurité possible pour un ensemble tel que l'Europe si cet ensemble n'est pas capable d'assurer lui-même sa propre défense. Le temps est révolu où les Européens pouvaient se reposer tranquillement sur d'autres pour assurer les tâches essentielles de leur sécurité.
Dans le respect des alliances, dans la confiance mutuelle générée grâce à des années de coopération au sein de l'Alliance atlantique, l'heure est venue pour que les Européens assument et développent les capacités autonomes de leur puissance.
La politique européenne de sécurité et de défense est au centre de nos préoccupations. Mais il serait illusoire de vouloir doter l'Europe d'une identité forte de défense tout en négligeant ses conséquences en termes d'armement, de technologie, de recherche et d'exportations. La convention qui nous est soumise aujourd'hui s'inscrit dans ce contexte précis.
Il est évident que la dimension européenne est de plus en plus présente dans toutes nos activités politiques, économiques et sociales. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la dimension sécurité et défense, d'où l'importance du texte sur l'OCCAR.
Concrètement, il s'agit de prendre en compte une vision européenne de la défense et des industries de l'armement, tout en préservant, au stade actuel, la liberté de décision de la France.
L'Europe a besoin d'une industrie commune de défense. Nous pensons qu'il n'est pas possible d'envisager une identité européenne de défense et de sécurité sans une base industrielle et technologique forte et autonome qui puisse se placer dans un rapport d'égal à égal avec les concurrents non européennes.
Les armements européens doivent être compétitifs sur un marché difficile et avec des concurrents fort nombreux. Il faut pouvoir soutenir la comparaison technologique avec les systèmes d'armes américains.
Je n'aurai garde d'oublier, toutefois, que notre objectif doit être de pouvoir doter les forces armées européennes d'équipements performants et économiques.
On observe au sein de l'Union européenne une volonté nouvelle à coopérer davantage. Avec des rythmes et des priorités parfois différents, cette volonté existe. Le processus commencé avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam trouve un moment fort avec la déclaration de Cologne.
Ce processus est encore en cours, et nous sommes à la veille de plusieurs échéances importantes pour la sécurité européenne : réunion ministérielle de l'Union de l'Europe occidentale, sommet de l'OSCE, réunions des ministres de la défense et des affaires étrangères de l'OTAN, puis Conseil européen d'Helsinki.
Dans son discours à l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, le 22 octobre dernier, le Premier ministre, Lionel Jospin, avait raison de signaler que « la convergence de vues entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, exprimée à Saint-Malo et à Toulouse, a permis de donner une impulsion décisive au projet d'Europe de la défense. La déclaration adoptée par les Quinze au Conseil européen de Cologne répond à notre volonté de concrétiser la politique de sécurité et de défense à l'intérieur, et non pas en marge, de l'Union européenne, en dotant celle-ci de capacités autonomes et de moyens propres pour décider et pour agir. Cette volonté, nous devons lui donner une première traduction à Helsinki. »
Toutefois, certains éléments viennent tempérer notre optimisme en la matière. Je ne prendrai qu'un exemple : Il s'agit des inquiétudes nées de la baisse considérable du budget de la défense allemand.
Plusieurs programmes d'armement sont remis en cause par nos partenaires allemands et certains de nos programmes en coopération en pâtissent. A moyen terme, si cette évolution doit se confirmer, il faudra interroger nos amis allemands sur leur volonté de faire progresser l'Europe de la défense.
A notre avis, l'idée avancée par le ministre français de la défense d'instituer des critères budgétaires et de capacités pour avoir une défense crédible au niveau européen est une excellente proposition, qui mérite d'être étudiée et reprise par nos principaux partenaires.
C'est dans ce contexte que le projet de loi de ratification de la convention portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement prend toute son importance.
Cette organisation, qui réunit actuellement l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, est destinée à gérer les grands programmes d'armement en coopération ; elle a vocation à s'élargir à d'autres pays européens.
L'OCCAR pourra, une fois la convention dûment ratifiée, exercer les responsabilités de donneur d'ordre vis-à-vis des industriels. Elle pourra donc signer les contrats nécessaires à la réalisation des grands programmes en coopération.
Nous savons que les responsabilités de l'OCCAR, une fois acquise la capacité juridique qui fait l'objet de la convention soumise à notre vote, seront très importantes et que les sommes en jeu seront considérables. Ainsi, les sept programmes actuellement en cours et sous gestion de l'OCCAR atteignent déjà 115 milliards de francs, avec de nombreuses conséquences sur l'emploi et sur l'activité des entreprises qui travaillent dans ce secteur.
Nous pensons que l'OCCAR doit être un instrument précieux dans la perspective d'une amélioration de l'efficacité des programmes en coopération. A l'heure actuelle, la gestion de ces programmes laisse à désirer : les intérêts industriels sont nombreux et dispersés, les contraintes et les spécifications des uns et des autres sont complexes, d'où une grande difficulté à harmoniser les programmes en coopération.
L'OCCAR cherchera donc à établir des conditions de gestion économique de programmes plus favorables et plus efficaces.
Je souhaite insister particulièrement sur un point précis : l'OCCAR devra travailler d'une façon très rapide, minutieuse et efficace pour éliminer la duplication des programmes de recherche nationaux et européens.
Il ne faut pas perdre de vue le fait que l'objectif recherché est celui d'une agence européenne de l'armement, qui figure déjà dans la déclaration de l'UEO annexée au traité de Maastricht.
L'OCCAR va dans ce sens, mais elle n'est pas encore une véritable agence.
L'OCCAR, telle que définie dans la convention signée le 9 septembre 1998, a pour ambition de mettre en place une gestion intégrée des programmes en coopération. Il s'agit maintenant de la doter d'une personnalité juridique qui lui permette de contracter avec les entreprises et d'avoir une véritable politique d'achat.
Avec cette organisation, il s'agit d'établir les conditions d'une meilleure gestion de nos programmes en coopération avec nos partenaires allemand, britannique et italien. Cependant, nous devons à la fois approfondir et élargir cette démarche pour aboutir à conjuguer nos dépenses de recherche et développement, pour doter les armées européennes en matériels issus de mêmes programmes, et ce dans la perspective d'une interopérabilité croissante de nos forces.
Avant de conclure, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une question. Elle concerne la charte, signée le 2 novembre 1998 par la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui fixe les principes d'une nouvelle coopération entre les quatre pays sur des programmes d'armement commun.
Selon les éléments que j'ai pu recueillir, ce document établit douze principes de base portant sur les méthodes d'une telle coopération, les partages de technologie, les échanges d'informations, les questions de sécurité ou les procédures d'exportation des matériels développés en commun.
Nous voudrions avoir des informations sur le contenu de cette charte de coopération. Nous voudrions aussi savoir si cette charte préfigure un futur accord de coopération en matière d'armement entre Américains et Européens.
Je vous pose cette question parce que l'on voit aux Etats-Unis, dans les industries d'armement, se dessiner le maintien et même l'affirmation d'un contrôle assez serré de l'administration fédérale sur un secteur industriel pourtant entièrement privé. Dans le même temps, il ne faudrait pas que le résultat des restructurations et des modernisations en Europe entraîne une trop forte diminution des capacités de négociation des gouvernements de l'Union européenne face aux grands groupes industriels.
Il serait pour le moins paradoxal que l'on diminue la capacité de négociation en Europe face aux grandes firmes privées, tandis que, de l'autre côté de l'Atlantique, l'emprise de l'Etat se renforce dans les domaines stratégiques.
Tout ce mouvement de restructuration et de concentration dans le domaine des industries de défense pose avec acuité la question de la place du pouvoir politique dans cet ensemble, d'une part, du pouvoir politique national, la France pour nous, et, d'autre part, du pouvoir politique européen, dans la perspective d'une Union européenne qui assume ses devoirs en matière de sécurité et de défense. Nous pourrions aussi nous interroger sur la doctrine de défense qui donnera sens à cet ensemble économique.
Par ailleurs, une question clé pour l'avenir concerne l'ouverture du marché de défense des Etats-Unis à la technologie et aux produits européens.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le domaine des industries de l'armement ressemble actuellement à un vaste chantier. La stratégie industrielle menée par le Gouvernement a franchi récemment une étape décisive avec le rassemblement Aérospatiale-Matra-Dasa et la création du groupe aéronautique EADS. Dans ce chantier-là, l'OCCAR trouve toute sa place.
La coopération européenne doit trouver une nouvelle efficacité. L'OCCAR est l'outil qui nous fera avancer dans ce sens. Elle peut faciliter la naissance d'une « préférence européenne » en matière d'armement. Elle doit nous permettre d'avoir une politique industrielle volontariste capable d'atteindre le meilleur niveau technologique et de développer l'emploi dans des bassins industriels souvent meurtris par la crise.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de ratification de la convention portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement suscite, chez les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, des attentes, des réserves et des craintes.
Vous le savez, si nous sommes particulièrement attachés à garantir la souveraineté nationale dans les domaines essentiels, nous comprenons aussi les enjeux et la nécessité d'une coopération européenne la plus large et la plus poussée.
Aussi, nous souhaitons que l'OCCAR puisse être l'une des réponses à une réalité incontournable, à savoir la nécessité, pour la France et les principaux pays européens, de mettre en commun, plus que par le passé, les moyens adéquats pour partager les charges de plus en plus lourdes des programmes d'armement moderne, et ce dans de nombreux domaines, qu'ils relèvent du renseignement spatial ou de la création de nouveaux équipements militaires, aériens, terrestres ou navals.
Certes, cette mise en commun de moyens plus importante devrait permettre d'optimiser les coûts des nouveaux programmes, mais nous souhaiterions, aussi et surtout, qu'elle contribue à étayer notre propre autonomie stratégique et à construire une autonomie européenne politique et stratégique enfin réelle, se dégageant de l'étreinte de l'hégémonie industrielle et politique américaine.
L'OCCAR peut-elle jouer un rôle moteur dans l'évolution des rapports de part et d'autre de l'Atlantique, pour que ces rapports se posent plus en termes d'alliance entre partenaires égaux et responsables et moins en termes de vassalité et de dépendance ?
M. Emmanuel Hamel. Et vous êtes pour l'alliance ?
M. Jean-Luc Bécart. La plupart des gouvernements européens sont-ils disposés à placer l'OCCAR dans cette logique ? Il est souvent permis, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'en douter !
J'ai parlé d'étayer notre autonomie stratégique face à l'hégémonie de l'hyperpuissance ; il pourrait presque s'agir en ce domaine d'exister tout simplement, tant les principaux indicateurs - et pas seulement ceux des crédits de recherche - montrent l'écart qui grandit rapidement entre les Etats-Unis et les pays européens quant aux moyens prévus et aux dispositions prises.
Si nous sommes convaincus de la nécessité d'une coopération accrue, nous restons, quant à nous, fermement opposés à la dissolution de parties essentielles de notre outil industriel de défense, privé ou public, dans des ensembles supranationaux européens ou atlantistes.
Nous ne voulons pas que l'OCCAR devienne un élément moteur de cette logique de fusion-intégration.
Nous ne voulons pas non plus que l'OCCAR s'inscrive dans une logique ultralibérale - le danger est réel - logique au nom de laquelle ne devraient subsister en Europe que deux ou trois grands groupes privés transnationaux capables d'être compétitifs vis-à-vis des Américains.
Au regard des privatisations et fusions intervenues dernièrement, cette crainte est justifiée.
Si l'OCCAR est marquée par cette logique, alors l'avenir déjà incertain de nos arsenaux et des établissements d'Etat se bouchera un peu plus et le maintien à brève échéance du statut de la DCN et de GIAT Industries sera impossible à tenir.
Si la France a tout intérêt à favoriser au maximum la coopération avec ses voisins européens dans le domaine de l'industrie de l'armement, il est aussi de son intérêt de pouvoir s'apppuyer sur un secteur public industriel efficace et solide.
Tel est, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'état d'esprit dans lequel nous nous plaçons à l'égard de ce projet de loi.
Certes, l'OCCAR n'est qu'un outil et, ce qui importe, ce sont les politiques qui le mettront en oeuvre. Cependant, si la multiplication des fusions et des privatisations, si la disparition du statut de la DCN et de GIAT Industries est le prix à payer pour que la France joue un rôle moteur dans l'OCCAR, alors, monsieur le ministre, vous le savez, nous serons de ceux qui s'y opposeront.
Pour l'heure, en raison des promesses potentielles certes, mais aussi des craintes fondées que suscite ce projet de loi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne pourront approuver ce texte en l'état des réflexions, ou plus exactement en l'état du flou entourant les discours et les intentions exprimées sur l'Europe de la défense. Ne pourrait-on pas avoir enfin un vrai débat, explicitant ce dossier important pour le devenir de notre pays ?
De quoi parle-t-on, lorsque l'on dit « Europe de la défense » ? Parle-t-on de coopération, même la plus large et la plus poussée ? Parle-t-on d'intégration, de dissolution de tout ou partie de notre outil de défense dans un ensemble supranational ?
Dans tout cela, que deviennent à court terme les arsenaux et les établissements de l'Etat ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en attendant les réponses à ces questions de fond, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra que s'abstenir en espérant, à l'avenir, ne pas avoir à exprimer une position plus négative.
M. Emmanuel Hamel. Intéressantes réserves du groupe communiste républicain et citoyen !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des intervenants de la richesse et la pertinence des observations, mais aussi des interrogations qu'ils ont formulées. Que M. le rapporteur soit remercié tout particulièrement de son travail approfondi, qui facilitera notre débat. Je lui répondrai d'emblée, ainsi qu'à M. Auban, sur la position de nos partenaires allemands. Ces derniers ont réexaminé leur engagement sur certains programmes en commun.
Mesdames, messieurs les sénateurs, parlons franc. Nos Etats, y compris avec l'OCCAR, continueront à choisir eux-mêmes les programmes d'acquisition d'armement. Quand la souveraineté nationale d'un pays, s'exprimant dans le cadre parlementaire, aura décidé de réduire le budget de défense, il faudra bien revenir sur les contrats déjà passés. Cela peut arriver à tout le monde ! Nos amis allemands, compte tenu de l'effort qu'ils avaient choisi de faire sur les avions de combat pour des raisons stratégiques et par intérêt industriel, et compte tenu du fait que DASA bénéficie de plus de 30 % du volume des commandes de l'Eurofighter, ont en effet décidé, voilà trois ans, de ne pas poursuivre leur collaboration sur des programmes en commun en matière de satellites d'observation. Ce n'était pas une bonne nouvelle pour l'Europe.
Je ne crois pas que ce soit irrémédiable. D'abord, nous avons pu poursuivre, avec la participation de nos amis italiens et espagnols, le programme de satellites d'observation optique - Helios II -, qui poursuit son développement normalement. Ensuite, s'agissant des satellites d'observation radar correspondant au programme Horus, que nous avons dû interrompre parce que, là, la part allemande était très élevée, il n'est pas impossible que nous trouvions des points de convergence avec d'autres partenaires européens au cours des prochaines années pour redémarrer un programme.
Comme M. Auban, j'estime qu'il faudra bien que les partenaires européens qui souhaitent augmenter leur part d'autonomie tant technologique que stratégique pour pouvoir faire face à des situations de crise ou de conflit dans lesquelles ils voudraient assumer solidairement leurs responsabilités établissent, comme nous essayons de le faire vaille que vaille dans notre système français à travers les lois de programmation, un dispositif de stabilité et de cohérence des dépenses d'équipements militaires dans la durée.
Mais alors, il faut que les discours soient cohérents et que ceux qui déclarent dangereuse ou critiquable toute discontinuité, je pense notamment aux arrêts brusques dans les programmes d'armement, se rappellent les positions qu'ils ont prises lorsqu'ils se prononcent sur les lois de finances et sur les différentes priorités qu'elles manifestent.
MM. Jean-Guy Branger et Bertrand Auban l'ont également fait observer, un enjeu se dessine avec sans doute l'un des programmes majeurs confié à l'OCCAR, à savoir le programme de l'avion de transport futur. En effet, les sept pays, c'est-à-dire les quatre pays de l'OCCAR auxquels s'ajoutent l'Espagne, la Turquie et la Belgique, après avoir défini en commun les performances attendues du nouvel avion de transport, devront déterminer ce qui remplacera les Transall pour les trente prochaines années. Si nous avons la volonté politique de choisir le même modèle, dans ce cas, il sera confié à l'OCCAR.
C'est une très bonne illustration de ce que rapporte un système d'acquisition en commun. Airbus ne développera un nouvel avion de transport militaire que s'il en vend au moins deux cents. Si la France, la Grande-Bretagne, l'Italie prennent leur décision d'acquisition sans cohérence entre eux, il n'y aura pas d'avion européen.
On voit là le rapport avec la souveraineté nationale, question souvent débattue. Sans une volonté de coopération, nous nous privons de l'accès à certaines gammes.
La charte de coopération évoquée par M. Auban vise d'une part, à définir les principes d'efficacité commune sur lesquels s'engagent les pays signataires de l'OCCAR, d'autre part, à lever toutes les ambiguïtés ou les incertitudes qui existaient auparavant dans les accords bilatéraux voire tripartites conclus pour développer en commun un navire de combat ou un modèle de missile pour lequel chaque Etat signataire donnait sa propre interprétation, ce qui suscitait, au cours du programme, des retards ou des incohérences. Cela ne se traduira pas par une baisse du contrôle public sur les industries. Mais si nous voulons que les industries soient compétitives à l'échelon mondial, comme ce sera le cas de EADS après la fusion entre Aerospatiale Matra et DASA, ce contrôle public devra être multilatéral. Si, en matière de sécurité, de contrôle des personnels ou de droit d'exportation, on additionne pour un modèle d'avion les contrôles obéissant aux règles différentes de quatre ou cinq Etats parce que l'entreprise est implantée dans ces pays, on empêche celle-ci de développer son programme et d'exporter.
Nous travaillons sur ce point. Nous pouvons certes faire la comparaison avec le niveau de contrôle public qui s'applique aux Etats-Unis. Aujourd'hui - et c'est un sujet de discussion parfois âpre entre eux et nous - le contrôle public sur les industries de défense aux Etats-Unis est très strict. Nous constatons qu'il aboutit aujourd'hui à ce que les Etats-Unis importent d'Europe nettement moins de 5 % de leurs acquisitions de défense, alors que l'Europe, globalement, importe des Etats-Unis entre 15 % et 20 % de ses acquisitions de défense.
Nous comprenons, et nous partageons jusqu'à un certain point, les préoccupations de sécurité nationale qui inspirent certaines réglementations en vigueur aux Etats-Unis. Nous constatons toutefois qu'elles ont un effet protectionniste et qu'elles empêchent une collaboration équilibrée entre les industries des deux côtés de l'Atlantique. C'est une question qui est posée aux Etats-Unis et sur laquelle les Européens ont, me semble-t-il, une position à la fois cohérente et coopérante.
En effet, monsieur Bécart, dans l'esprit du Gouvernement et dans le texte qui vous est soumis, la préoccupation de mise en commun de nos programmes d'armement, sur décision de chaque gouvernement national, vise bien à renforcer l'autonomie européenne. Je peux vous assurer que tel est bien l'état d'esprit des gouvernements qui s'engagent dans ce projet, même s'il existe encore des nuances. L'histoire européenne des cinquante dernières années a pu laisser une empreinte différente sur la pensée politique internationale des différents pays.
Je ne peux pas en vouloir à nos amis allemands, compte tenu de la période qu'ils ont traversée entre 1949 et 1989, d'attacher une certaine importance à leur partenariat stratégique avec les Etats-Unis ; il y a tout de même des souvenirs !
Nous connaissons ces différences de sensibilité politique. Cependant, quand il est question d'industrie et d'autonomie technologique des Européens, nous nous retrouvons. Cette volonté de conclure sur un organisme commun d'acquisition représente bien cette volonté d'établir un meilleur équilibre entre l'industrie et les capacités d'acquisition des Européens et celles des Etats-Unis.
La recherche de compétitivité qui sera poursuivie à travers les acquisitions de l'OCCAR - ce qui est indéniable - peut avoir des effets négatifs sur certaines industries de défense françaises, avez-vous dit, monsieur Bécart. Mais que nous passions par l'OCCAR ou par un autre procédé d'acquisition, quel peut être l'avenir d'une industrie de défense française si elle n'est pas compétitive ? Le contribuable français, le Parlement français et le Gouvernement français diront qu'il n'y a pas de raison d'acheter des matériels de défense plus chers qu'ils ne doivent coûter en fonction des critères de compétitivité que l'on constate chez tous nos voisins.
Heureusement, un très grand nombre d'entreprises de défense ayant leur base en France - je ne veux pas les citer toutes ; chacun les connaît - sont extrêmement compétitives et gagnent des marchés dans de très nombreux pays. Il s'agit d'ailleurs souvent d'entreprises duales, c'est-à-dire d'entreprises qui gagnent des marchés non seulement en matière de matériels de défense, mais aussi en matière d'équipements civils.
Le GIAT et la DCN ont encore des progrès de productivité et de compétitivité à faire. Le Gouvernement ne peut que faire son travail consciencieusement, en essayant de les faire progresser dans la voie de la compétitivité. En effet, notre conviction est que c'est la seule façon d'assurer leur avenir.
Donc, je crois que l'OCCAR jouera bien le rôle de rééquilibrage dans la compétition mondiale que tous souhaitent ici. C'est ce qui me fait espérer que ce texte sera soutenu par une majorité aussi large que possible.
M. Emmanuel Hamel. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes), signée à Farnborough le 9 septembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

9