Séance du 14 octobre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Mises au point au sujet d'un vote (p. 1 ).
MM. Paul Masson, Philippe Darniche, le président.

3. Epargne retraite. - Discussion des conclusions du rapport d'une commission (p. 2 ).
Discussion générale : M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

MM. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Marcel-Pierre Cléach, Alain Vasselle, Marc Massion, Jean Arthuis, Jean-Luc Mélenchon, Claude Huriet, Jean-Louis Lorrain.
MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Jean Arthuis, le rapporteur.
Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

4. Candidatures à un organisme extraparlementaire (p. 4 ).

5. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 5 ).

6. Epargne retraite. - Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (p. 6 ).

Question préalable (p. 7 )

Motion n° 1 de Mme Luc. - MM. Guy Fischer, Philippe Marini, Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; Jean Arthuis, Michel Charasse. - Rejet par scrutin public.

Article 1er (p. 8 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jean Chérioux.
Adoption de l'article.

Article 2 (p. 9 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Article 3 (p. 10 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 3 (p. 11 )

Amendement n° 17 de M. Cantegrit. - MM. Jean Arthuis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4 (p. 12 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 5 (p. 13 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 5 (p. 14 )

Amendement n° 12 de M. Chérioux. - M. Jean Chérioux, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 (p. 15 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 7 (p. 16 )

Amendements n°s 13 et 14 de M. Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 8 (p. 17 )

Amendement n° 15 de M. Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 2 rectifié de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 9 (p. 18 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 10 (p. 19 )

Amendement n° 16 de M. Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 18 de M. Arthuis. - MM. Jean Arthuis, le rapporteur. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

Article 11 (p. 20 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 12 (p. 21 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 13. - Adoption (p. 22 )

Article 14 (p. 23 )

Amendement n° 3 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 15 (p. 24 )

Amendements n°s 4 et 5 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 16 (p. 25 )

Amendement n° 6 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 17 (p. 26 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 18 (p. 27 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 19 (p. 28 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 20 (p. 29 )

MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis.
Adoption de l'article.

Article 21 (p. 30 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 21 (p. 31 )

Amendement n° 7 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 22 (p. 32 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 23 (p. 33 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 24 (p. 34 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 25 (p. 35 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Division et articles additionnels après l'article 25 (p. 36 )

Amendements n°s 8 à 10 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des trois amendements insérant deux articles additionnels et une division additionnelle et son intitulé.

Division additionnelle avant l'article 26 (p. 37 )

Amendement n° 11 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.

Article 26 (p. 38 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'article.

Intitulé (p. 39 )

M. le rapporteur.
Adoption de l'intitulé.

Vote sur l'ensemble (p. 40 )

MM. Marc Massion, Guy Fischer, Jean Arthuis, Jean Clouet, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de la proposition de loi.

7. Fait personnel (p. 41 ).
MM. Marc Massion, le président.

8. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire (p. 42 ).

9. Transmission d'une proposition de loi (p. 43 ).

10. Dépôt d'un rapport (p. 44 ).

11. Ordre du jour (p. 45 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures dix.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.2

MISES AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le président, à l'occasion du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, j'ai été porté comme votant contre.
En fait, si je souhaitais voter contre l'article 1er, je voulais, en revanche, m'abstenir sur l'ensemble du texte.
Je souhaite qu'il me soit donné acte de cette mise au point.
M. Philippe Darniche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, je souhaite, moi aussi, rectifier mon vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie : pour des motifs d'ordre matériel, le sens de mon suffrage a été en effet mal pris en compte.
Je confirme donc mon vote négatif aussi bien sur l'article 1er que sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, de la même façon que je m'étais opposé au texte qui nous avait été soumis au Congrès du Parlement, à Versailles, le 6 juillet 1998.
M. le président. Acte vous est donné, mes chers collègues, de ces mises au point, qui figureront au Journal officiel .

3

ÉPARGNE RETRAITE

Discussion des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 8, 1999-2000) de M. Charles Descours, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 187, 1998-1999), de MM. Charles Descours, Louis Althapé, Pierre André, Roger Besse, Paul Blanc, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Jean Bernard, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Gérard César, Désiré Debavelaere, Jacques-Richard Delong, Robert Del Picchia, Michel Doublet, Alain Dufaut, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Bernard Fournier, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Robert Laufoaulu, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Paul Masson, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux, Henri de Richemont, Michel Rufin, Louis Souvet, René Trégouët, Alain Vasselle et Jacques Valade visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite, et la proposition de loi (n° 218, 1998-1999) de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste visant à instituer des plans d'épargne retraite. [Avis n° 10 (1999-2000).]
Je salue M. Francois Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, qui, en l'instant, et en l'absence momentanée de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représente ici le Gouvernement.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une citation : « Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage ; polissez-le et repolissez-le sans cesse ».
Nous allons certes débattre aujourd'hui non pas de l' Art poétique, défini par Boileau au xviie siècle, mais des conclusions de la commission des affaires sociales visant à proposer une loi relative à l'amélioration de la protection sociale par le développement de l'épargne retraite.
Nous allons, malheureusement, éprouver un sentiment de déjà vu puisque le Parlement a déjà adopté une loi créant les plans d'épargne retraite, qui a été promulguée le 25 mars 1997.
Il me plaît de rappeler que la commission des affaires sociales du Sénat avait été à l'origine de la première proposition de loi sur le sujet. C'était en avril 1993 et le rapporteur de la commission était alors M. Philippe Marini, aujourd'hui au banc des commissions en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances.
Encore faut-il préciser que, si la loi du 25 mars 1997, dite « loi Thomas », n'est pas abrogée, elle n'est pas davantage appliquée par l'actuel gouvernement, qui manifeste ainsi son mépris des règles les plus élémentaires de notre droit.
Nous voici, en conséquence, contraints de remettre l'ouvrage sur le métier.
Je crois profondément que cet exercice sera utile, comme l'a indiqué hier M. Jean Arthuis, auteur d'une autre proposition de loi. Le Sénat, chambre de réflexion, se doit d'éclairer l'opinion.
Je rappellerai, si c'est encore nécessaire, pourquoi le développement de l'épargne retraite est une nécessité impérieuse.
J'expliquerai ensuite que la politique du Gouvernement en matière de retraites se résume en un double attentisme aux conséquences désastreuses.
Enfin, je présenterai les conclusions de la commission des affaires sociales sur les deux propositions de loi dont la commission a été saisie, celle de M. Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste, instituant des plans d'épargne retraite, et la mienne, visant à améliorer la protection sociale des salariés en créant des fonds de retraite.
Développer l'épargne retraite en France est une nécessité impérieuse. Nous savons depuis de nombreuses années - je ne citerai pas tous les rapports qui nous l'ont montré - que la France va subir un choc démographique en 2005 ou 2006 et que les régimes de retraite par répartition vont connaître des besoins de financement très importants.
Je ne veux pas citer les chiffres que tout le monde connaît. Je me permets simplement de renvoyer au rapport Charpin ainsi qu'à l'excellent rapport d'information de notre collègue Alain Vasselle, dont le titre - Réforme des retraites : peut-on encore attendre ? - souligne parfaitement l'urgence des décisions à prendre.
En tout état de cause, comme le fait apparaître le rapport Charpin, la diminution du taux de remplacement paraît inévitable.
L'accroissement des prélèvements sociaux n'est pas, à notre sens, concevable, tant il est vrai qu'avec un taux de 45,3 % les prélèvements obligatoires ont atteint un sommet qu'il serait dangereux de franchir pour notre économie, nos entreprises et notre taux de chômage.
Le financement à prélèvements constants par des économies sur d'autres postes de la dépense publique semble hypothétique, même si le Gouvernement déployait plus de vertu que dans la loi de finances pour 2000.
La seule véritable solution énoncée dans le rapport Charpin consiste à allonger la durée de cotisations nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein, c'est-à-dire à reculer l'âge de la retraite. Vous le savez, tous les pays l'ont fait : les Etats-Unis depuis très longtemps, l'Italie depuis quelques semaines, l'Allemagne, le Japon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas le paradis !
M. Charles Descours, rapporteur. Ce n'est peut-être pas le paradis, mais c'est une nécessité. Cela étant, je ne m'attendais pas à une telle référence de votre part, mais j'en suis ravi. (Sourires.)
Nous savons bien que peu de Français disposeront à l'avenir d'une retraite à taux plein en raison d'une entrée tardive sur le marché du travail, d'une carrière incomplète ou d'une sortie anticipée.
M. Lucien Neuwirth. Hélas !
M. Charles Descours, rapporteur. Le développement de l'épargne retraite permettait de pallier en partie cette baisse du taux de remplacement des régimes de retraite par répartition.
Une épargne retraite nous permettrait également de faire le choix de la mondialisation « partagée » et non de la mondialisation « exclusion », selon l'excellente expression de M. Thomas. Une épargne retraite placée sur le marché des actions, qui garantit le rendement le plus important à long terme, assurerait, grâce au financement de l'investissement productif, celui des emplois de demain nécessaires à nos régimes de retraite par répartition.
Comme l'indiquaient deux économistes, en 1982, dans un ouvrage fondamental : L'Epargne et la Retraite, cessons d'opposer répartition et capitalisation « en des joutes oratoires forcément stériles ».
Le premier de ces économistes n'a pas mal réussi puisqu'il est aujourd'hui président de la Fédération française des sociétés d'assurance et vice-président du MEDEF, le Mouvement des entreprises de France.
Mais le second n'a pas mal réussi non plus puisque nous l'attendons : c'est M. Strauss-Kahn !
Depuis, d'autres de ses amis politiques ont écrit la même chose, notamment M. Fabius, la semaine dernière, dans Libération, dans un article intitulé : « Une réforme indispensable à notre pays », sans oublier d'autres députés socialistes, dont MM. Jean-Claude Boulard et François Hollande.
Un grand penseur - ultra-libéral sûrement ! - écrivait en 1994 : « L'une des erreurs faite en France a été de ne pas expliquer qu'au-delà d'un minimum décent il fallait faire appel pour partie à la retraite par capitalisation... Le premier assure la solidarité pour tous, le second fait appel à la responsabilité et au sens de la prévoyance de chacun... » Ce grand penseur ultra-libéral était M. Jacques Delors.
M. Jean-Luc Mélenchon. Et alors !
M. Charles Descours, rapporteur. Je sais bien qu'on écrit toujours trop, monsieur Mélenchon !
S'il faut développer l'épargne retraite, c'est parce que les mécanismes proposés aux Français sont insuffisants.

(M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie entre dans l'hémicycle et rejoint le banc du Gouvernement.)
Monsieur le ministre, je viens de faire une citation d'un excellent ouvrage que vous aviez commis, en 1982, avec M. Kessler et dans lequel vous dénonciez « les joutes oratoires forcément stériles » sur l'épargne par capitalisation. Je vous demande de bien vouloir m'excuser de vous avoir cité avant votre arrivée, mais je persiste et renouvelle cette citation.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela n'a pas changé !
M. Charles Descours, rapporteur. S'il faut développer l'épargne retraite, c'est parce que les mécanismes proposés aux Français sont insuffisants, disais-je.
Le premier de ces mécanismes est l'assurance vie, qui s'effectue dans un cadre purement individuel. Aucun des produits ne répond réellement aux besoins en matière de retraite.
Le second de ces mécanismes est l'épargne salariale. Comme il s'agit d'une épargne à moyen terme, elle ne répond pas non plus aux besoins. S'il est, certes, indispensable de relancer l'épargne salariale, notamment l'actionnariat salarié, comme l'a montré tout récemment notre collègue M. Chérioux, il n'est pas pour autant souhaitable de confondre épargne salariale et épargne retraite, comme semble le faire le Gouvernement. Ces épargnes correspondent à deux types de besoin.
Il est parfaitement concevable que les salariés versent après un certain temps une partie de leur épargne salariale sur leur plan d'épargne retraite - notre collègue M. Chérioux a déposé un amendement dans ce sens que nous vous proposons d'adopter. Néanmoins, je répète que l'épargne salariale n'a pas pour seule finalité l'épargne retraite.
Il existe déjà des mécanismes de retraite supplémentaires à travers des dispositifs découlant des articles 39, 82 et 83 du code général des impôts, mais ces mécanismes ne s'appliquent qu'à de très grandes entreprises. En outre, les droits acquis par les salariés ne sont pas portables dans une autre entreprise, alors que la mobilité, voulue ou consentie par le salarié, est devenue l'une des caractéristiques majeures du marché du travail aujourd'hui.
La loi du 25 mars 1997 répondait à ces enjeux en créant des plans d'épargne retraite.
Les débats parlementaires - il faut ici rendre hommage aux efforts pédagogiques déployés par M. Thomas ainsi que par la commission des finances du Sénat - qui avaient considérablement amélioré le texte, avaient permis de surmonter deux différends essentiels s'agissant de la création de fonds de pension à la française.
Le premier de ces différends est relatif à la sortie en rente ou en capital. La loi Thomas privilégie la sortie en rente, ce qui est logique s'agissant d'un complément de retraite.
Le second de ces différends est relatif à la gestion de ces plans de retraite. A cet égard, la loi Thomas a prévu une gestion externe par des professionnels et non une gestion interne par ou dans l'entreprise ; nous soutenons, bien entendu, cette orientation, l'exemple de l'affaire Maxwell ayant laissé dans l'inconscient collectif de notre pays des souvenirs désagréables !
Ce texte majeur, à l'honneur du Parlement, qui l'avait initié et mené à bien, est aujourd'hui injustement critiqué.
La loi Thomas « siphonnerait » les régimes de retraite par répartition. Nous avions pourtant, à l'instigation de MM. Fourcade et Vasselle, rédigé un amendement prévoyant que l'exonération de cotisations sociales se ferait dans les conditions prévues par l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire dans le respect du droit commun en matière de prévoyance, soit une exonération dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale.
Comme il faut bien reconnaître que ce garde-fou n'a pas suffi à rassurer les partenaires sociaux, nous nous efforcerons d'y remédier.
La loi Thomas est accusée de contourner les partenaires sociaux, alors que l'accord collectif était tout à fait possible.
La loi Thomas est soupçonnée de privilégier les salariés les plus aisés ; or, il est difficile d'inciter à l'épargne retraite sans proposer des mécanismes d'incitation fiscale.
Au-delà du texte même de la loi Thomas et de ses décrets d'application, qui étaient quasiment bouclés en mai 1997, nul doute que la pratique et le bon sens auraient dû apaiser les craintes que je viens de rappeler. Mais nous ne le saurons probablement jamais, puisque le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer la loi Thomas !
La politique du Gouvernement en matière de retraites - c'est mon deuxième point - est un effet marqué par un double attentisme aux conséquences désastreuses.
Le Gouvernement explique que sa priorité est de « sauvegarder les régimes de retraite par répartition ». Il est clair qu'il en va de même pour nous, et je refuse que l'on nous intente un quelconque procès d'intention à ce sujet.
M. Guy Fischer. Oh, c'est ce que l'on dit !
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous rappelle tout de même que c'est le général de Gaulle qui a instauré les régimes de retraite par répartition, mon cher collègue !
M. Guy Fischer. Comptez sur nous pour vous le rappeler !
M. Charles Descours, rapporteur. Nous verrons les textes que vous voterez dans les semaines à venir, tant que vous êtes encore dans la majorité plurielle !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il faut assumer !
M. Charles Descours, rapporteur. Cette pétition de principe du Gouvernement serait plus rigoureuse s'il s'était réellement engagé dans une réforme des régimes de retraite par répartition. La mission Charpin a témoigné de l'échec du « diagnostic partagé ». Là aussi, notre collègue M. Vasselle a montré que ce diagnostic partagé relevait d'une bonne démarche, qui, pour l'heure, n'est toutefois pas empruntée.
Une nouvelle concertation avec les partenaires sociaux a été engagée au cours de l'été, ce qui n'empêche pas le Premier ministre d'annoncer aujourd'hui les orientations générales du Gouvernement pour le début de 2000, voire pour le premier semestre de 2000, confirmant ainsi que, dans l'état actuel des choses, le diagnostic partagé est devenu un diagnostic sans lendemain.
La seule initiative a consisté à créer un fonds de réserve - nous l'avons approuvée - dans la loi de financement pour 1999, mais aujourd'hui, près d'un an après le vote de ce texte, nous ne savons pas qui gèrera ce fonds, selon quelles modalités et quelles seront les véritables ressources l'alimentant.
Je rappelle qu'il est doté de 2 milliards de francs. Mais ce sont 15, voire 30 milliards de francs qui seront nécessaires si nous voulons un fonds de lissage, et il faudrait des milliers de milliards de francs pour alimenter un fonds permanent qui financerait à partir de 2015 les besoins futurs par les produits financiers.
A l'évidence, nous en sommes loin : peut-être arriverons-nous à 10 milliards de francs à la fin de l'année 2000, soit un montant très inférieur aux prévisions annoncées. Nous verrons bien !
M. Charpin a d'ailleurs expliqué à la commission des affaires sociales qu'il était trop tard pour créer un fonds permanent.
L'inaction du Gouvernement nous paraît d'autant plus regrettable que la création du fonds de réserve avait suscité un certain nombre d'espoirs. Parodiant Gainsbourg, je suis tenté de dire qu'entre le Gouvernement et la loi Thomas, c'est un peu : « Je t'abroge, moi non plus » ! (Sourires.)
Je rappelle que le Premier ministre, le 19 juin 1997, dans sa déclaration de politique générale, avait annoncé l'abrogation de cette loi.
En 1998, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement visant aux mêmes fins et émanant du groupe communiste à l'Assemblée nationale était sur le point d'être adopté. Il a finalement été retiré contre l'engagement solennel du Gouvernement de l'introduire dans le rapport annexé à la loi de financement, qui n'a aucune portée normative, et d'abroger cette loi dans les semaines qui suivraient. Un an après, ce n'est toujours pas fait.
M. Kouchner, le 9 mai dernier, en réponse à une question de notre collègue Claude Domeizel, annonçait que cette loi serait abrogée dans un avenir extrêmement proche. Il y a maintenant six mois. La loi n'est toujours pas abrogée.
Toutefois, le Gouvernement a redécouvert les vertus de l'épargne retraite, en proposant, le 29 octobre 1998, dans un communiqué conjoint du ministère de l'économie et des finances et du ministère de l'emploi et de la solidarité, un cadre de référence et en annonçant un dispositif législatif pour 1999.
Ce dispositif, nous ne le voyons pas venir.
On s'attend, pour le premier ou le deuxième semestre de l'an 2000, à un « magma législatif » puisque, selon le courant de la majorité plurielle auquel on s'adresse, il mélangerait l'actionnariat salarié, l'épargne salariale, les fonds de pension et les stocks-options. L'attitude du groupe socialiste de l'Assemblée nationale sur les stocks-options est d'ailleurs tellement loin d'être arrêtée qu'on a vu hier le secrétaire général du parti socialiste s'opposer à quelques-uns de ses collègues sur la fiscalité qu'il souhaitait voir mettre en place à cet égard. On voit bien que, sur ce point, le discours du Gouvernement n'est pas suivi d'effet.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de permettre au Gouvernement de respecter son engagement en adoptant, dès 1999, des dispositions législatives en faveur de l'épargne retraite, à partir des conclusions que je vais maintenant vous présenter rapidement.
La commission des affaires sociales souhaite donner à tous les Français la possibilité de se constituer une épargne retraite ; en effet, si nous n'y prenons garde, cette épargne retraite risque de ne pas être accessible à tous les Français, c'est l'un des reproches que l'on avait adressés à la loi Thomas. A cette fin, elle propose de mettre en place des règles souples et respectueuses des droits des salariés et des employeurs.
Comment donner à tous les Français la possibilité de se constituer une épargne retraite ?
Tout d'abord, l'opinion est prête, me semble-t-il, à la mise en place de fonds de pension.
Même si la lecture des sondages reste un exercice difficile, un sondage IPSOS de 1998 nous apprend que 13 % des Français considèrent qu'il s'agit d'une idée de droite, 13 % qu'il s'agit d'une idée de gauche et 63 % qu'il s'agit d'une idée qui n'est ni de droite ni de gauche ; 55 % des Français pensent que ces fonds pourront coexister avec le régime actuel de la sécurité sociale.
Un sondage BVA réalisé pour le compte de la CFDT en février 1999 - ce sont les partenaires sociaux qui nous l'ont transmis - confirme cette adhésion aux fonds de pension puisque 67 % des Français y seraient très favorables ou plutôt favorables.
Une évolution est notable du côté des partenaires sociaux, qui organisent des colloques - un colloque de la CFDT se tiendra le 21 octobre sur les fonds de pension - ou des séminaires de formation pour leurs cadres. La CGT, qui affirme être hostile aux fonds de pension, n'en organise pas moins des séminaires de formation pour ses cadres à ce sujet. On ne sait jamais !
Il faut donner à tous les Français la possibilité de se constituer une épargne retraite parce que ne rien faire serait prendre le parti de l'inégalité.
Je souhaite insister sur ce fait. Certains prétendent que l'épargne retraite serait inégalitaire. Or l'inégalité, aujourd'hui, elle est d'abord entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé et elle s'aggrave chaque jour davantage.
D'ailleurs, des fonds de pension existent déjà en France et ne mettent en aucune façon en péril les régimes de retraite par répartition : la Préfon pour les fonctionnaires, les contrats de la loi Madelin pour les travailleurs indépendants, le Fonpel pour les élus locaux, etc.
Les exemples étrangers montrent que l'on peut tout à fait compléter un système fondé sur la répartition par des mécanismes d'épargne retraite. Le livre de François Charpentier sur les fonds d'épargne retraite dans le monde, que tout le monde ici a lu, montre bien que nous sommes un des rares pays développés à ne pas avoir mis en place des fonds de retraite pour compléter le régime par répartition.
Pourquoi les salariés du régime général, qui ont supporté, en 1993, une réforme importante, que nous avons d'ailleurs soutenue - et pour lesquels le régime complémentaire ARRCO - Association des régimes de retraites complémentaires - et l'AGIRC - Association générale des institutions de retraite des cadres - ont décidé de mesures courageuses en 1996, seraient-ils les seuls à ne pas bénéficier d'un complément de retraite par capitalisation ?
Il faut donner à tous les Français la possibilité de se constituer une épargne retraite, parce que celle-ci se développe, mais dans le désordre, sans faire l'objet de règles communes. M. Philippe Marini l'expliquera tout à l'heure : quand Internet permet d'accéder à des produits étrangers sur le marché français, on voit bien que seuls nos concitoyens les plus fortunés peuvent aujourd'hui mettre de l'argent de côté en vue de la retraite.
L'enjeu, pour le législateur, est de fixer un cadre, des règles communes pour que l'épargne retraite fasse l'objet d'un développement harmonieux et pour que toutes les catégories sociales puissent y avoir accès.
Prenant acte de la double impossibilité, pour le Gouvernement, d'appliquer la loi Thomas et de proposer un nouveau texte, trois propositions de loi ont été déposées : la première à l'Assemblée nationale par M. Douste-Blazy, en décembre 1998, la deuxième par moi-même au Sénat, le 3 février 1999, et la troisième par M. Jean Arthuis et les membres de son groupe, le 11 février dernier.
Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt le compte rendu du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi de M. Douste-Blazy, ainsi que le rapport de M. Barrot, et nous en avons tenu compte.
Le principal caractère commun des deux propositions de loi que nous vous présentons aujourd'hui est de s'incrire dans le cadre général des « fonds de pension à la française » défini par la loi Thomas.
Je vous propose de confirmer de nouveau des principes que je crois importants : nous ne remettons pas en cause le régime de retraite par répartition, l'épargne retraite ne peut être qu'un système facultatif, la sortie en rente doit être privilégié et la gestion des actifs ne peut être qu'extérieure à l'entreprise.
La commission des affaires sociales vous proposera également de réaffirmer le mécanisme général défini par la loi du 25 mars 1997.
Les plans de retraite sont des contrats souscrits par l'employeur ou par un groupement d'employeurs - afin qu'ils soient accessibles à toutes les entreprises - auprès d'institutions à objet exclusif, dénommées « fonds de retraite ». Ces plans de retraite sont alimentés par des versements et des abondements. Il s'agit d'un mécanisme facultatif dans le sens où l'employeur est libre de souscrire et le salarié libre d'adhérer. Ces propositions visent à développer liberté et responsabilité.
Les deux propositions de loi initiales étaient des textes très courts. La commission des affaires sociales a choisi de rebâtir un texte complet, reprenant toutes les règles nécessaires au développement de l'épargne retraite - entrée dans le dispositif, dispositifs applicables aux versements et aux abondements, règles de contrôle, règles de surveillance - à l'exception des règles prudentielles, qui ont été énoncées par la commission des finances, nous la remercions.
Ce texte s'articule autour de six objectifs.
Le premier objectif est de donner toute sa chance au dialogue social.
L'accord collectif doit être « la porte d'entrée principale » du dispositif. Dans le cas seulement où la négociation n'aura pas abouti au bout d'un an, l'employeur pourra alors souscrire à un plan de retraite. Dans ce cas, les règles ne seront pas complètement identiques ; la commission souhaite qu'il y ait le plus possible de « grain à moudre » dans l'accord collectif.
A cette fin, nous faisons référence, à l'article 5, aux possibilités de mandatement et de recours aux délégués du personnel et aux membres des comités d'entreprise. Ces possibilités ont été définies par la loi de 1996, qui consacre un accord collectif qui fait l'unanimité des partenaires sociaux.
L'épargne retraite, mécanisme non obligatoire, peut être un moyen de relancer le dialogue social.
Le deuxième objectif consiste à prévoir un système souple pour l'entreprise et le salarié.
De même que l'entreprise peut souscrire ou non à un plan de retraite, le salarié est libre d'adhérer ou non. Ses versements sont facultatifs. En revanche, à partir du moment où le salarié verse, l'employeur est tenu d'abonder, dans les conditions fixées par l'accord collectif et dans la limite de 30 % du plafond de la sécurité sociale ; à défaut d'accord collectif, l'abondement est à due concurrence et dans les limites de 4 % de la rémunération brute et de 30 % du plafond de la sécurité sociale.
Afin de ne laisser personne sur le bord de la route, il convient de prévoir le cas du salarié se trouvant dans une entreprise où il n'y aurait ni accord collectif ni souscription par l'employeur. Le salarié pourra adhérer à un plan souscrit au niveau de la branche, d'un groupement d'employeurs ou d'une autre entreprise. Mais, malheureusement, il ne bénéficiera pas de l'abondement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le pauvre !
M. Charles Descours, rapporteur. Au moment du départ en retraite, l'adhérent bénéficiera d'une rente viagère. Il pourra effectuer, à cette date, une sortie en capital à hauteur de 30 % de la provision mathématique de ses droits. Nous avons pensé que ce taux, supérieur à celui que prévoyait la loi Thomas, permettrait de consacrer le choix prioritaire de la rente, tout en intéressant peut-être davantage les salariés.
Nous avons aussi souhaité multiplier les possibilités de réversion. Tout d'abord, afin d'éviter les fonds perdus, le salarié pourra décider que, s'il meurt avant la date de la retraite, ses proches pourront bénéficier de tout ou partie des sommes versées sur son plan de retraite. Ensuite, il pourra faire bénéficier ses proches de tout ou partie de sa rente viagère après son décès.
Ces options doivent rester facultatives. En effet, plus le salarié prendra de garanties, moins sa rente de base sera élevée.
Le troisième objectif est de rassurer définitivement les régimes de retraite par répartition.
Afin d'éviter un débat stérile, comme nous le recommandait M. Strauss-Kahn voilà quelques années, opposant répartition et capitalisation, nous proposons de soumettre les versements et les abondements aux cotisations d'assurance vieillesse, régime de base et régimes complémentaires. Seuls les versements des adhérents dont le salaire est inférieur à une fois et demie le SMIC seront exonérés de toute cotisation sociale, afin de donner aux salariés les moins aisés un « équivalent » des avantages fiscaux dont bénéficient les salariés payant l'impôt sur le revenu.
Naturellement, les versements et les abondements seront soumis à la CSG et à la CRDS.
Le quatrième objectif est de rattraper le temps perdu. Chacun sait en effet que nous avons probablement vingt ans de retard en ce domaine.
Je vous propose d'adopter deux dispositifs permettant de rattraper le temps perdu, pour que le système puisse profiter aux salariés âgés de plus de quarante-cinq ans.
Premièrement, l'incitation fiscale variera suivant l'âge ; les déductions des versements et des abondements de l'assiette de l'impôt sur le revenu seront d'autant plus élévées que le salarié sera âgé, dans la limite de 5 % de la rémunération brute pour les moins de quarante ans, 10 % pour les quarante-cinquante ans et 15 % pour les plus de cinquante ans.
Deuxièmement, il convient de prévoir la possibilité de racheter des années au titre desquelles le salarié n'a pas pu adhérer à un plan de retraite. Cette possibilité de rachat, limitée par année à 15 % du plafond de la sécurité sociale, ne donnera pas lieu à exonération fiscale.
Le cinquième objectif est d'assurer la transparence.
Afin d'assurer une transparence optimale, trois éléments doivent être pris en compte.
Le premier est la concurrence : la commission des affaires sociales propose de retenir le principe que les fonds de retraite seront choisis à l'issue d'une véritable mise en concurrence ; il est également nécessaire de prévoir les conditions de réexamen de ce choix.
Le deuxième élément est le contrôle : plutôt que de mettre en place une nouvelle commission, nous vous proposons de reprendre le système institué par la loi du 25 mars 1997, à savoir une commission de contrôle des fonds de retraite, formée de deux commissions existantes, la commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle des institutions de prévoyance, auxquelles pourraient se joindre deux membres de la commission des opérations de bourse.
Le troisième élément est la surveillance. La commission vous propose de prévoir, pour chaque plan de retraite, un conseil de surveillance. Ce conseil de surveillance sera composé de représentants des adhérents, des employeurs, des syndicats et des retraités. Sa composition pourra être précisée par l'accord collectif. A défaut, nous proposons une répartition type mais, là encore, nous laissons tout le champ à l'accord collectif.
Le Conseil de surveillance aura pour tâche de définir les orientations de gestion ; informé par le fonds de retraite, il sera en mesure d'émettre deux fois par an un avis sur la gestion du plan par le fonds.
Enfin, notre sixième objectif est de ne pas mélanger l'objet et les effets des fonds de retraite.
Je n'aborderai pas la question de la détermination des règles prudentielles, que M. Marini précisera. Je voudrais, simplement, dès cette intervention liminaire, ne pas mélanger l'objet et les effets du fonds de retraite.
L'objet est social : il s'agit d'améliorer la protection sociale des salariés à travers un complément de retraite par capitalisation. Mais les effets seront économiques ; ils permettront un meilleur financement des entreprises françaises.
Chacun sait que près de 40 % des entreprises qui sont cotées au CAC 40 sont aux mains des fonds de pension anglo-saxons. Nous en voyons les effets lorsqu'ils décident de s'en retirer ou lorsqu'il y a des OPA. Il importe que la France ait, là aussi une possibilité d'intervenir sur le marché financier mondial. Mais le législateur n'a pas à présumer des effets de l'épargne retraite.
Pour cette raison, et plutôt que de mettre l'accent sur la création de fonds de retraite, je vous propose de bien marquer l'objet social de nos travaux et d'appeler cette proposition de loi : « proposition de loi visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite ».
Je constate qu'une fois encore, quels que soient les gouvernements, c'est le Parlement qui prend l'initiative d'améliorer l'épargne retraite de nos concitoyens pour les décennies a venir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Guy Allouche remplace M. Jean-Faivre au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour la première fois de cette session 1999-2000 dans le cadre de l'ordre du jour réservé aux propositions parlementaires. Ce débat sur les fonds de retraite nous permet de faire un bon usage de cette procédure, qui est conçue pour traiter des sujets de fond à partir desquels il faut développer les arguments de telle sorte que les vraies décisions soient prises.
Monsieur le ministre, nous apprécions beaucoup votre présence. Bien que tiraillé par un emploi du temps soumis à diverses exigences, vous avez tenu à être présent pour dialoguer avec le Sénat, ce qui est important pour nous, car nous allons peut-être progresser au cours de cette journée.
La Haute Assemblée, c'est la chambre de réflexion et de proposition du Parlement, celle qui a le temps pour asseoir ses positions et pour développer ses convictions.
Dans le domaine de l'épargne retraite, je veux rappeler la continuité, au fil des années, des expressions et des prises de position de notre assemblée.
Je rappellerai que, depuis février 1993, c'est-à-dire depuis le dépôt de la première proposition de loi sur ce sujet, dont j'étais l'un des cosignataires, nous avons beaucoup débattu de l'épargne retraite. Nous avons été d'ailleurs un certain nombre à regretter que la loi dite « loi Thomas » arrive bien tard, mais nous nous sommes efforcés d'en améliorer le dispositif, la rédaction, l'organisation et nous avons pris, vous le savez, une part très active à l'élaboration de ce texte qui a été adopté définitivement par les deux chambres du Parlement en mars 1997.
Dès lors, nous sommes - vous le savez tous - dans une situation tout à fait inédite : avec la loi Thomas, on a inventé la loi virtuelle !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est très bien qu'elle soit virtuelle !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. La loi fait partie de l'ordre public, du droit positif, mais elle ne s'applique pas.
Monsieur le ministre, cette situation inédite pose problème. Il existe trois solutions.
Soit la loi Thomas est mauvaise, et il faut l'abroger sans tarder.
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Que la majorité qui soutient le Gouvernement prenne ses responsabilités !
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Soit la loi est bonne, et il faut prendre les décrets d'application.
Soit, enfin, vous considérez qu'elle est susceptible d'améliorations et vous proposez des modifications. Mais, de grâce ! cessez d'attendre, de rapports en concertations, pour traiter d'un sujet qui est sur la place publique, comme tout le monde le sait.
Nous n'entendons évidemment pas renier la loi Thomas ; mais, avec le temps qui passe et à la lumière des études complémentaires et des consultations qui ont été menées, notamment par la commission des affaires sociales, nous souhaitons apporter quelques infléchissements, rendre le dispositif encore plus souple, encore plus adaptable et encore plus général.
Je ne vais pas m'attarder longtemps sur les raisons pour lesquelles il est urgent, monsieur le ministre, de mettre en place dans ce pays le troisième pilier de protection du risque vieillesse.
Ce troisième pilier est indispensable à l'élaboration d'un édifice stable de protection sociale, comme l'indique l'intitulé de la proposition de loi rapportée par M. Descours. Nous savons bien que notre pays demeure inégalitaire en la matière.
J'ai rédigé, au nom de la commission des finances, voilà un peu plus de deux ans, un rapport d'information sur les régimes d'épargne retraite des fonctionnaires. A la vérité, il en existe trois : la Préfon, la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique, le CREF, le complément retraite de la fonction publique, et le CGOS, le complément retraite des hospitaliers.
Permettez-moi simplement de rappeler que la Préfon offre opportunément un levier fiscal très puissant puisqu'elle permet à des personnes qui, au cours de leur vie, ont eu un lien même ténu, voire indirect, avec la fonction publique, de racheter des annuités de cotisations, et ce sans plafonnement, me semble-t-il. L'attrait de ce régime est d'autant plus grand que ces personnes peuvent ne plus appartenir à la sphère publique et donc bénéficier d'une capacité d'épargne bien plus importante que celle des fonctionnaires.
Parmi les régimes de retraite par capitalisation, citons aussi les fonds Madelin et l'ex-régime COREVA, complément de retraite volontaire agricole pour les exploitants agricoles. Il existe donc déjà une large palette de régimes sur-complémentaires de retraite par capitalisation et, dans certains cas, de semi-capitalisation.
Notons qu'il y a, d'abord, le régime général, avec des règles d'assiette et de calcul des droits que la majorité précédente a eu le courage de modifier au mois de juillet 1993, puis, les régimes complémentaires obligatoires par répartition, qui font naturellement l'unanimité et qui constituent l'un des socles du contrat social dans notre pays, et, enfin, ce que nous proposons en ce qui concerne l'épargne retraite, qui est, dans notre esprit, le troisième pilier.
Monsieur le ministre, comme je le disais, de rapports en concertations, les choses n'avancent pas. Nous avons certes pris connaissance avec intérêt du rapport Charpin. La commission des finances a d'ailleurs pris l'initiative, au mois de juin, d'organiser une audition publique qui constituait une première du genre. Elle a réuni une pluralité de personnes reflétant des courants d'opinion très divers, puisque ce collège allait de Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire aux affaires économiques de la CGT, à Denis Kessler, coauteur de l'excellent ouvrage que l'on a cité tout à l'heure et aujourd'hui, numéro 2 du MEDEF.
Nous avons entendu beaucoup de choses et constaté que les chiffres impliquaient l'action.
Or, que faites-vous, monsieur le ministre ? Vous avez certes pris une initiative sur laquelle nous reviendrons dans le cadre non seulement des débats relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais aussi de ceux qui concernent le projet de loi de finances initiale pour l'an 2000 : c'est le fameux fonds de réserve pour les retraites.
Vous vous souvenez du dialogue que nous avons eu à plusieurs reprises sur ce sujet. Je vous avais demandé si, dans un pays qui conserve un déficit important, qui continue à recourir à l'emprunt, de manière plus que significative chaque année, il était vraiment utile, économiquement parlant, de constituer ce fonds de retraite. Je crois me souvenir que vous m'aviez répondu que réduire l'endettement ou doter le fonds de réserve revenait au même sur le plan économique, mais que créer le fonds de réserve avait un effet d'annonce important sur la plan politique.
Allons au-delà des effets d'annonce, de grâce ! et dites-nous quel rôle ce fonds doit jouer. Dites-nous quelle doit être, dans votre esprit, la part du prélèvement obligatoire et celle de l'épargne volontaire. Dites-nous quelle doit être, le cas échéant, la part raisonnable d'augmentation des cotisations des employeurs et des salariés pour parvenir à l'équilibre financier de systèmes dont nous savons bien qu'ils sont frappés de fragilité structurelle à une échéance très proche, du fait de l'évolution démographique et de toutes sortes de facteurs de société.
Monsieur le ministre, s'agissant, enfin, du fonds de réserve - mais nous reviendrons encore sur ce point - nous pouvons à bon droit nous interroger sur sa dotation, sur l'importance des sommes qui sont susceptibles d'y parvenir. Deux milliards de francs l'année dernière, c'est anecdotique ; quinze milliards de francs devant provenir à terme de la cession des parts sociales des caisses d'épargne, cela demeurera anecdotique par rapport à des enjeux que le rapport Charpin, selon les formules et les échéances, place dans une fourchette comprise entre 3 % et 10 % du PIB. En d'autres termes, l'objectif se situe, dans le premier cas, au niveau de quelques centaines de milliards de francs et, dans le second cas, au niveau de quelques milliers de milliards de francs.
Quelle politique voulez-vous conduire en la matière, monsieur le ministre ? Quelle est la forme que vous envisagez pour la gestion de ces sommes, qui seront nécessairement d'un ordre de grandeur considérable ?
S'agit-il de gérer en produits de taux au moment où ils rapportent moins que ne nous coûte l'endettement de l'Etat ? S'agit-il donc de perdre de l'argent avec le fruit des efforts des contribuables ? S'agit-il de gérer sur le long terme, en choisissant une politique raisonnable de placements en valeurs de fonds propres des entreprises ?
Sur ce dernier point, permettez-moi de vous poser une question. Si ce fonds existait et était doté de montants très importants, s'il était entre les mains de l'Etat et placé, pour une bonne part, en actions liquides largement représentées sur le marché - on aurait très bien pu concevoir, il y a quelques semaines, que se trouvent dans les actifs de ce fonds des actions de la société Michelin que je cite au hasard - dans ce cas de figure, quelles auraient été les réponses du Premier ministre aux questions que l'on n'aurait pas manqué de lui poser, face à un émoi bien légitime et à l'incompréhension qui parfois, dans notre société, apparaît entre la vie financière, la réalité des entreprises et le sentiment de ceux qui ont l'impression d'être des instruments de ce qui se passe sur les marchés financiers ou lors des restructurations d'entreprises ? M. Jean-Luc Mélenchon. Le rêve idéologique de ces gens-là : être des licenciés heureux !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, il va falloir répondre à ces questions, car, s'il y un fonds de réserve significatif, il faudra choisir des modalités de gestion. On ne peut pas envisager d'accumuler des centaines ou des milliers de milliards de francs d'actions de sociétés françaises, européennes ou mondiales sans dire comment on fera, comment on mettra en concurrence les opérateurs, comment on définira le cahier des charges, en quelque sorte, et quels seront les principes et les horizons de gestion de tels fonds. En créant le fonds, vous vous obligez, monsieur le ministre, à nous répondre un jour ou l'autre sur ces sujets.
Permettez-moi d'en revenir aux conclusions que vient de rapporter, de manière tout à fait convaincante, à mon avis, notre collègue Charles Descours.
Ces conclusions résultent des travaux de la commission des affaires sociales sur deux propositions de loi : celle de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste, et celle de M. Charles Descours lui-même.
Ces conclusions, la commission des finances les a examinées. Nous en saluons la qualité, nous adhérons à leur dispositif et nous leur apportons notre soutien le plus complet.
Je me permettrai simplement de mentionner, au passage, un petit regret, qui ne s'adresse pas à la commission des affaires sociales et qui porte sur un point de droit économique.
Je suis de ceux qui pensent que les fonds de pension ou d'épargne retraite, s'ils doivent être créées, seraient beaucoup plus logiquement structurés sous forme de fiducies, c'est-à-dire de trusts à la française. C'est un sujet qui pourra peut-être évoluer dans l'avenir, sur lequel d'ailleurs a existé un projet de loi datant de 1992, que, pour toutes sortes de raisons, s'agissant en particulier de la compétitivité de l'ordre juridique français, je serais heureux de revoir, un jour ou l'autre, inscrit à l'ordre du jour du Parlement.
Pour ce qui est du dispositif qui nous est proposé aujourd'hui, la commission des finances adhère aux cinq principes sur lesquels il repose.
En premier lieu, le caractère facultatif du dispositif et sa souplesse. En deuxième lieu, la priorité donnée à l'accord collectif, mais la possibilité, s'il n'y a pas d'accord collectif, de ne pas laisser de salarié au bord du chemin.
En troisième lieu, la sortie essentiellement en rente, avec la possibilité d'une sortie en capital pour 30 % des droits.
En quatrième lieu, le soin jaloux porté à l'équilibre des régimes de retraite obligatoires par répartition, avec le signal que nous donne la commission des affaires sociales en prévoyant l'exclusion des cotisations vieillesse de l'exonération des cotisations sociales. C'est tout à fait opportun et peut, à mon avis, résorber des craintes qui s'étaient exprimées, souvent légitimement, sur la loi Thomas.
M. Guy Fischer. M. Arthuis est-il d'accord ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. M. Arthuis est totalement solidaire de cette proposition, qui découle notamment de sa propre démarche.
M. Guy Fischer. On verra !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. En cinquième lieu, le choix de la gestion externe à l'entreprise, qui préserve la sécurité pour les adhérents, qui assure leur protection et qui tire enseignement de certains incidents ou accidents graves qui ont pu se produire sur des marchés financiers étrangers.
M. Jean-Luc Mélenchon. Des « incidents » !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, la commission des finances, qui adhère, je le répète, à ces principes, a souhaité y apporter quelques adjonctions.
Il s'agit essentiellement de dispositifs techniques présentés sous la forme de dix amendements dont je recommanderai l'adoption et qui portent surtout sur la prudence, en particulier sur les règles de dispersion des actifs. Il est important, en effet, s'agissant de produits d'épargne retraite qui s'adressent à des épargnants acceptant l'absence de liquidité de leurs avoirs pour de très longues périodes de temps, de dessiner un cadre le plus raisonnable et le plus protecteur possible.
Comme nous l'avons dit lors des débats sur la loi Thomas, il ne faut pas confondre les genres. Les fonds d'épargne retraite sont bien des instruments supplémentaires de protection sociale. Chemin faisant, ils permettront d'engranger des volumes importants de fonds susceptibles de s'investir en valeurs de fonds propres des entreprises. Toutefois, à l'évidence, ces fonds ont non pas une finalité financière, mais une finalité sociale.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est une plaisanterie !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. De ce point de vue, il faut s'assurer que les politiques de gestion correspondent aux normes prudentielles les plus modernes, à un moment où, en effet, nous avons besoin plus que jamais de régulateurs puissants exprimant la force de l'intérêt général et évitant à nos marchés des risques, le cas échéant, systémiques. Il ne faut pas que les futurs bénéficiaires de retraites par capitalisation puissent être, à leur corps défendant, et en l'ignorant, victimes de tels risques.
Monsieur le ministre, voilà quelle est notre approche.
Nous faisons nôtres les conclusions de la commission des affaires sociales et nous espérons, monsieur le ministre, par ce débat et par cette proposition, vous aider dans votre démarche souvent novatrice, je le reconnais, souvent difficile, souvent incomprise d'ailleurs au sein même de votre propre majorité (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) , comme le prouvent des débats récents qui ont eu lieu à la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, encore une fois, nous vous remercions d'être avec nous et de vous prêter, avec la courtoisie qui vous est coutumière, à ce débat de fond.
Mes chers collègues, j'espère qu'il en résultera une avancée sérieuse pour le dossier de l'épargne retraite dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 40 minutes.
Groupe socialiste, 33 minutes.
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes.
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant ce matin l'examen du rapport de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi n° 187, visant à améliorer la protection des salariés et créant des fonds de retraite, et n° 218, visant à instituer des plans d'épargne retraite, je suis, comme beaucoup de sénateurs, partagé entre le respect de la loi et du Parlement, qui nous amène à nous interroger sur l'opportunité de ces deux textes, quelles qu'en soient les qualités, et l'exigence de responsabilité, qui doit nous conduire à attirer l'attention du Gouvernement et du pays sur l'importance du problème, auquel leurs auteurs apportent des propositions de solution, et surtout sur l'urgence qui s'attache à la mise en oeuvre de ces propositions.
Notre débat de ce jour est l'occasion de rappeler, tout d'abord, qu'il existe une loi de la République sur l'épargne retraite, la loi du 25 mars 1997, dite « loi Thomas », que le Gouvernement refuse depuis deux ans d'appliquer.
Nul n'est censé ignorer la loi. Or, force est de constater que le Gouvernement l'ignore délibérément. La loi a été votée, mais il n'y a toujours pas de texte d'application.
Certes, une majorité peut défaire ce qu'une autre majorité a fait, mais elle se doit d'abord de respecter les lois. En plus de deux ans, le gouvernement de M. Jospin a eu le temps nécessaire pour abroger, comme il l'avait promis, la loi Thomas ; il a eu également le temps nécessaire pour proposer de la modifier.
Mais, à défaut de l'avoir abrogée formellement, à défaut de l'avoir modifiée, le Gouvernement est dans l'obligation d'appliquer cette loi. Sinon que devient, de façon générale, la valeur de la loi ?
En laissant s'écouler près de deux ans, le Gouvernement a dépassé les délais que je qualifierai de « raisonnables » pour publier les décrets d'application. Cette abstention est un abus de pouvoir, en tout cas un abus « du » pouvoir, et sûrement un abus de majorité.
La vie politique étant ce qu'elle est, il est vrai qu'une élection législative peut bouleverser ce statu quo pervers et permettre à l'opposition nationale, redevenue majorité, de faire ce qu'une dissolution a défait, et publier alors très rapidement les textes d'application de la loi du 25 mars 1997, dès lors qu'elle n'aurait pas été formellement abrogée.
Mais, entre le choix légaliste, le respect absolu de la loi démocratiquement votée, qui devrait vous conduire, monsieur le ministre, à prendre l'initiative d'un grand débat de fond en proposant un texte d'abrogation ou de modification de cette loi, et les supputations d'un avenir incertain pour les uns comme pour les autres, il reste le choix du réalisme et de la responsabilité, qui a conduit mes éminents collègues, MM. Arthuis et Descours, à nous proposer les textes aujourd'hui en discussion.
Ce qui est en jeu en effet - vous le savez mieux que quiconque - c'est, bien sûr, l'avenir des retraites, mais c'est aussi la place des décisions nationales dans les orientations stratégiques de nos entreprises.
Tout le monde connaît les perspectives de nos régimes de retraite. Entre 1999 et 2010, la fraction de la population française âgée de plus de soixante ans passera de 18 % à 27 %. Dans le même temps, le rapport entre cotisants et retraités passera de 2 à 1,3.
Si rien n'est décidé aujourd'hui, le retraité de 2008 ne percevra plus que 55 % de son dernier salaire, contre 64 % aujourd'hui. Lorsque les jeunes diplômés des années quatre-vingt-dix arriveront à l'âge de la retraite, ils ne percevront que 38 % de leur dernier salaire.
Ni l'augmentation forcenée des cotisations ni le retour de la croissance ne sauraient suffire pour faire face à ces enjeux.
Aussi une très large majorité s'accorde-t-elle aujourd'hui sur la nécessité de mettre en place un complément de retraite par capitalisation. Je me suis laissé dire, monsieur le ministre, que vous-même y souscriviez. Et pourtant, vous faites si peu et, surtout, vous faites si tard !
L'attentisme du Gouvernement est également préjudiciable aux régimes de retraite par répartition. Leur financement dépend en effet du dynamisme de l'économie et les plans d'épargne retraite sont un des supports d'une épargne longue, indispensable à l'investissement et au développement des entreprises.
En outre, plus tôt nous aurons des capitaux propres à mettre à leur disposition, plus nous aurons de chances de garder un certain nombre d'entre elles - tout au moins leur centre de décision - dans notre pays.
Pourquoi laisser aux retraités des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, bénéficiaires de fonds de pension, la possibilité de s'enrichir grâce au travail des salariés français en empochant une partie grandissante des dividendes de nos entreprises ? Ne serait-il pas logique que les retraités français profitent également de ces dividendes et des dividendes des entreprises étrangères ?
Pourquoi laisser à leurs seuls représentants, ou en tout cas à ceux qui sont de plus en plus influents, la possibilité de peser si lourdement sur les décisions stratégiques de nos entreprises à un moment où le poids de nos impôts et de nos charges, que vous aggravez pour financer des incitations à aménager le temps de travail, les rend encore moins compétitives ?
Quelles seraient pour notre économie, pour la place financière de Paris, les conséquences d'un retournement de conjoncture entraînant un reflux immédiat et brutal des participations d'origine étrangère au capital des sociétés françaises ?
N'est-il pas urgent de leur procurer des sources de financement d'origine intérieure pour mieux équilibrer leur actionnariat et prévenir les situations de ce type ?
C'est votre responsabilité, c'est aussi la nôtre. Il faut faire vite.
Il faut également réparer une injustice. Comme M. le rapporteur l'a rappelé, les salariés du secteur privé n'ont pas droit à la retraite par capitalisation, mais les fonctionnaires en bénéficient, quant à eux, depuis bien longtemps, comme, à un moindre degré, les bénéficiaires de la loi Madelin et les agriculteurs, ainsi que les élus locaux.
Consciente depuis fort longtemps de ces enjeux, la majorité sénatoriale propose aujourd'hui des améliorations au dispositif prévu par la loi du 25 mars 1997.
Le texte de la commission des affaires sociales ne menace pas les régimes de retraite par répartition : les versements aux plans de retraite ne sont pas exonérés de la cotisation due au titre de l'assurance vieillesse.
Afin de pouvoir faire face à un accident de la vie, le texte prévoit également une possibilité de sortie partielle en capital.
Les partenaires sociaux sont pleinement associés, les plans sont facultatifs et ne prévoient aucun plancher d'investissement en actions.
Le Gouvernement va-t-il, par je ne sais quelle contorsion rhétorique repousser les conclusions de notre commission, qui répondent en très grande partie aux critiques qui avaient été adressées au dispositif de la loi Thomas ?
Ne pouvons-nous, ne pouvez-vous sortir des a priori idéologiques pour une rencontre autour d'un texte équilibré, réaliste, acceptable par l'ensemble des responsables qui ont en main l'avenir de notre pays, de nos retraités, bien sûr, de nos entreprises ? Ce sont là des qualités que semble comporter le texte qui nous est aujourd'hui proposé par la commission des affaires sociales, dont je salue l'excellent travail.
Pour sa part, le groupe des Républicains et Indépendants votera les conclusions de la commission.

(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 29 avril dernier, le rapport de M. Jean-Michel Charpin, commissaire général au Plan, sur l'avenir de nos retraites a été remis au Premier ministre. A l'automne 1998, le Gouvernement avait présenté ce rapport comme un préalable à toute décision en matière de retraite.
Après avoir auditionné M. Charpin à deux reprises, la commission des affaires sociales m'a confié, au mois de mai dernier, la mission de présenter un rapport d'information analysant les apports des travaux du Commissariat général du Plan et mesurant le caractère « partagé » tant du diagnostic réalisé que des propositions avancées.
Le titre de ce rapport d'information - Réforme des retraites : peut-on encore attendre ? - résume à lui seul tout l'enjeu de notre débat.
Après avoir auditionné l'ensemble des organisations syndicales et des régimes de retraite ayant participé à la commission de concertation de la mission Charpin, j'ai été amené à formuler un triple constat devant la commission des affaires sociales.
Sur le fond, sans surprise, le rapport Charpin confirme les diagnostics formulés à deux reprises en 1991 et 1995 : en raison du vieillissement de la population française, notre système de retraite sera confronté à un choc financier inéluctable à partir de 2006.
Le nombre de personnes de plus de soixante ans augmenterait de 10 millions à l'horizon 2040, tandis que le nombre d'actifs diminuerait d'un million environ pour s'établir à 26,7 millions ; les plus de soixante ans représenteraient un tiers de la population totale en 2040, soit 22 millions de personnes, contre un cinquième en 1995.
Le rapport entre les plus de soixante ans et les vingt - cinquante-neuf ans passerait de 4 en 1995 à 7 en 2040 ; seul un déplacement de l'âge de fin d'activité permettrait de freiner la hausse du poids relatif des retraités.
La conséquence de ce déséquilibre est qu'à réglementation inchangée le maintien de la parité de niveau de vie entre retraités et actifs conduirait à multiplier par 1,55 le taux de cotisation d'équilibre à l'horizon 2040. A législation inchangée, la part de la richesse nationale consacrée aux retraites s'accroîtrait de 30 % à l'horizon 2040.
Dans l'hypothèse où la règle actuelle d'indexation des retraites du régime général sur les prix serait maintenue, les charges de retraite des régimes seraient multipliées, en termes réels, par un facteur de 2,8 et progresseraient de 12,1 % du PIB, en 1998, à 15,8 % en 2040.
Compte tenu de ces évolutions, le besoin de financement du système de retraite par répartition s'élèverait, en francs constants, à 190 milliards de francs, en 2020, et 700 milliards de francs en 2040, soit environ 4 points de PIB.
Dans ce contexte, le commissariat général du Plan a examiné plusieurs pistes de réforme susceptibles d'assurer la viabilité du système de retraite par répartition : l'allongement à 170 trimestres de la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein, la constitution de réserves permettant d'amortir le choc démographique, l'élargissement de l'assiette des cotisations et l'aménagement de différents dispositifs susceptible d'avoir un impact sur le besoin de financement des régimes.
En conclusion, le rapport du commissariat général du Plan recommande d'engager, dès à présent, la réforme du système de retraite, avant que le choc démographique ne fasse sentir ses effets.
Le deuxième constat que j'ai été amené à formuler porte sur la méthode.
Le diagnostic, contrairement aux ambitions initiales, n'est pas « partagé » par les partenaires sociaux ; les critiques portent autant sur les hypothèses retenues que sur les pistes de réformes envisagées.
Troisième constat : l'accent mis par le rapport Charpin sur l'urgence des décisions à prendre n'a pas convaincu le Gouvernement. Ce dernier annonce l'ouverture d'une nouvelle concertation ; les décisions sont, une fois encore, différées. Nous jouons la montre !
La création d'un fonds de réserve pour les retraites n'apporte qu'une réponse dérisoire aux besoins futurs : 2 milliards de francs sont prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, lesquels ne seront abondés que progressivement par des fonds provenant de la caisse d'épargne. On est bien loin du compte !
La loi du 25 mars 1997 créant des plans d'épargne retraite est restée, quant à elle, inappliquée - notre collègue M. Marini l'a rappelé à juste raison avec la pertinence et la conviction que nous lui connaissons - le Gouvernement se refusant pourtant à l'abroger.
De concertation en concertation, le Gouvernement essaie surtout de gagner du temps. Du moins, c'est le sentiment qu'il donne. S'agit-il de nier l'évidence ? S'agit-il d'une incapacité à imposer la réforme à sa majorité plurielle ou s'agit-il d'un refus d'assumer les risques politiques de décisions difficiles et pourtant indispensables ?
Les gouvernements de MM. Balladur et Juppé avaient engagé des réformes courageuses. Celui de M. Jospin a décidé - M. le ministre, je suis désolé de le dire - d'attendre 2000 pour faire part de ses orientations, fuyant ainsi ses responsabilités. Mais peut-on attendre encore ?
Il y a, en réalité, urgence. D'autres orateurs le diront, comme mes prédécesseurs, notamment MM. les rapporteurs, n'ont pas manqué de le dire. Le Président de la République l'a lui-même solennellement rappelé, lors de la remise à l'Elysée, le 31 mai dernier, de la médaille de la famille française. Il a estimé que le traitement de la question du financement des retraites ne pouvait être différé. Il a également jugé que les réformes destinées à sauvegarder nos régimes de retraite étaient « nécessaires et urgentes ».
Ces propos contrastent avec l'apparente insouciance du Premier ministre, qui répétait dans un entretien accordé au Parisien du 29 avril : « La précipitation serait une erreur... nous avons le temps. »
M. Jean-Luc Mélenchon. Il a raison !
M. Alain Vasselle. Dans un entretien accordé au mensuel Liaison sociale, M. Charpin met, lui aussi, l'accent « sur l'urgence de décisions à prendre. »
Comme le souligne pertinemment M. Charpin, « si l'on décide de ponctionner les revenus des actifs pour rééquilibrer financièrement le système, sans faire de capitalisation, il n'y a aucune nécessité de le faire aujourd'hui. En clair, si l'on veut atteindre l'équilibre financier par une hausse des cotisations, il suffit de commencer en 2005. »
En revanche, et je cite toujours M. Charpin, « si l'on décide d'agir autrement, il faut démarrer tout de suite. Si l'on veut constituer un complément au financement du régime par répartition, en accumulant du capital dans un fonds de réserve, il faut prendre de l'avance par rapport à la dégradation des comptes. Et si l'on veut jouer sur l'âge de la retraite, il faut que l'ajustement soit étalé sur une très longue période pour préserver l'équité entre les générations. »
« Le principal danger - je cite toujours M. Charpin - serait précisément de refuser d'affronter le problème en temps utile. On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait justement de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort supplémentaire. »
Personne ne peut, me semble-t-il, contester cette réalité. En repoussant indéfiniment des décisions indispensables, le Gouvernement fait en réalité un choix implicite, celui de la hausse future des cotisations. Il faut que ce soit dit clairement.
Face à cette inertie, il est devenu indispensable d'agir.
Je me réjouis, par conséquent, que nos collègues Charles Descours et Jean Arthuis aient pris l'initiative de déposer ces propositions de loi qui concourent au même objectif : donner aux 14 millions de salariés relevant du régime général la possibilité de se constituer un complément de retraite. Ils n'ont d'ailleurs fait que relayer d'autres propositions de loi dont M. Marini avait été le rapporteur en sa qualité de rapporteur général de la commission des finances ; je pense notamment à la loi Thomas, dont on sait, je l'ai dit tout à l'heure, quel sort lui a réservé le Gouvernement en place !
Je souhaiterais attirer votre attention, mes chers collègues, sur un point à mes yeux essentiel : ce complément de retraite par capitalisation ne fragilisera pas les régimes de retraite par répartition.
L'assurance en est donnée aujourd'hui par l'ensemble des précautions prises et par les amendements que notre rapporteur a fait adopter par la commission des affaires sociales.
Le texte qui résulte des conclusions de la commission soumet en effet l'abondement de l'employeur aux cotisations d'assurance vieillesse - régime de base et régimes complémentaires - et, dans les conditions de droit commun, à la CSG et à la CRDS. Il ne sera plus question d'opposer régimes par répartition et régimes par capitalisation.
Seul le versement sur salaire des adhérents dont le salaire est inférieur à 1,5 SMIC sera exonéré de toute cotisation sociale, ce mécanisme étant le seul moyen de donner aux détenteurs de salaires les moins élevés un équivalent des avantages fiscaux perçus par les salariés payant l'impôt sur le revenu. Ce versement restera toutefois soumis à la CSG et à la CRDS.
Ces précisions devraient apaiser les craintes de ceux qui redoutent que l'introduction de la capitalisation ne se fasse aux dépens des régimes par répartition. C'est la critique qu'avait formulée Mme Aubry tant devant la commission qu'en séance publique. Je ne sais pas si M. Strauss-Kahn partage ce point de vue et nous ne manquerons pas d'écouter avec attention les réponses qu'il apportera aux différents orateurs.
Quoi qu'il en soit, le texte qui nous est proposé aujourd'hui était - vous le reconnaîtrez tous - urgent et nécessaire. C'est donc sans aucune difficulté que mes collègues du groupe du RPR et moi-même le voterons avec la conviction qu'il permettra d'améliorer de manière effective les revenus des retraités de demain.
J'espère que notre force de persuasion l'emportera sur le doute et que M. le ministre, avec enthousiasme, donnera un avis favorable sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous l'espérons !
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis et qui résulte des conclusions de la commission du Sénat saisie au fond appelle de notre part des objections que je vais développer et qui, pour certaines d'entre elles, ne sont pas nouvelles.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais insister sur la différence qu'il y a entre la version initiale de la proposition de loi et celle qui ressort des conclusions de la commission : voilà deux textes qui n'ont pratiquement plus rien à voir, en dehors des grandes lignes qui les définissent.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. La commission a travaillé !
M. Marc Massion. Certes, le travail en commission est toujours utile, mais une telle transformation mérite d'être signalée ! On perçoit mal l'intérêt de déposer un texte pour ensuite le remanier autant, et cela avec ses propres amis.
Au moins, monsieur Descours, on ne peut vous reprocher de ne pas vous être inspiré des débats qui se sont déroulés dans notre hémicycle lors de la discussion de la loi Thomas.
Toutefois, quelle que soit la version, même si les conclusions de la commission sont d'une teneur - permettez-moi de le dire - plus sérieuse que le texte initial, nos objections restent fondamentalement les mêmes.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur, en matière de complément de retraite, vous choisissez la voie de la couverture facultative, comme l'avait fait il y a trois ans M. le député Thomas. Nous continuons à penser, quant à nous, qu'une opération de retraite étalée sur trente à quarante ans, durée importante, peut difficilement être assumée par un individu isolé.
L'expérience montre que seule une part infime de la population a recours à de telles couvertures. Vous ne résolvez donc pas le problème des retraites, ou plutôt vous le réglez - si tant est que vous le fassiez - pour une toute petite partie de nos concitoyens.
Ce sont celles et ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés qui choisissent les couvertures facultatives, ce qui ne peut qu'accroître les inégalités entre salariés actifs et rendre votre dispositif doublement critiquable à ce titre.
Le deuxième défaut de l'approche qui nous est proposée, et qui se trouvait également dans la loi Thomas, est celui de laisser aux offreurs, c'est-à-dire au marché, toute liberté de définir les produits proposés. On pourrait ainsi voir se concurrencer des systèmes qui garantiraient aux assurés le service d'un véritable revenu de remplacement et des systèmes où les assurés supporteraient intégralement, à la place de l'assureur, le risque de placement.
Le troisième défaut est le suivant : la proposition de loi, toujours comme la loi Thomas, a opéré un mélange des genres entre l'opération d'épargne, c'est-à-dire de placement, et l'opération de retraite. Cette démarche est, à notre sens, inappropriée et offre le défaut d'engendrer, en outre, une concurrence exacerbée, laquelle ne pourra que s'exercer entre les organismes assureurs et sera ainsi préjudiciable aux droits des assurés.
Je rappellerai, en effet, qu'une telle concurrence, en pesant sur les tarifs, donc sur la solvabilité des organismes, ne peut que les fragiliser et, par-delà, rejaillir négativement sur les assurés.
Le quatrième défaut est d'offrir un régime fiscal et social particulièrement favorable aux salariés souscripteurs, parmi lesquels on n'a que peu de chances de trouver des personnes aux revenus modestes et aucune chance de trouver des personnes aux revenus très modestes. Bien évidemment, celles-ci ont peu ou pas d'argent du tout à épargner chaque mois, alors que les salariés bénéficiant de revenus plus élevés pourront, eux, facilement faire l'effort financier nécessaire.
Enfin, le cinquième défaut, et non le moindre, réside dans le risque réel de ce que l'on a appelé, lors de l'examen de la loi Thomas, le risque de « siphonnage » du régime général, risque qui perdure également dans le texte qui nous est soumis, puisque les sommes abondées par l'entreprise viennent toujours en diminution de l'assiette des cotisations patronales vieillesse.
Telles sont, brièvement récapitulées, les raisons, je dirai structurelles, qui justifient, aujourd'hui comme par le passé, notre opposition sans ambiguïté à une telle approche.
Avant de présenter nos propres orientations, je voudrais faire le point sur la loi Thomas.
Si le texte que vous nous proposez aujourd'hui, mes chers collèges, est destiné, dans votre esprit, à se substituer à cette loi Thomas, vous auriez dû, dans la logique de votre démarche, demander l'abrogation de celle-ci ! (Sourires.)
M. Charles Descours, rapporteur. Ce n'est pas à l'ordre du jour !
M. Marc Massion. Si votre texte est destiné à compléter ou à améliorer cette loi Thomas, c'est que vous reconnaissez aujourd'hui que le texte que vous avez voté il y a trois ans n'était pas bon ! De toute manière, même sans dissolution ratée - ratée pour vous ! - je ne suis pas sûr que les décrets d'application auraient été publiés à ce jour tant ils posaient de problèmes.
En ce qui nous concerne, nous pensons que l'abrogation de la loi Thomas ira de pair avec le projet que présentera le Gouvernement, l'année prochaine.
Après ces quelques rappels des critiques que nous formulons à l'égard de ce texte, abordons maintenant le problème de fond.
Il ne s'agit pas pour nous d'opposer répartition et capitalisation.
M. Charles Descours, rapporteur. Bravo !
M. Marc Massion. Il convient que ces deux régimes, sans se nuire l'un à l'autre, puissent enfin se compléter utilement. (M. le rapporteur applaudit.)
C'est déjà ce que nous affirmions ici, lors du débat sur la loi Thomas.
N'oublions pas que des régimes collectifs d'entreprise existent. Absolument rien ne justifie qu'on les fasse disparaître. Il faut, au contraire, les consolider, permettre leur développement. Cela passe par le processus législatif, et je me félicite que le Gouvernement s'apprête à déposer, dans quelques mois, un projet de loi qui, je l'espère, prendra en compte ce type de régimes.
Voilà une raison supplémentaire de ne pas débattre aujourd'hui du présent texte, dans la mesure où le Gouvernement, après avoir commandé un travail d'audit sur les retraites, travail qui s'est conclu par le rapport Charpin, vient de lancer une mission sur l'épargne salariale et travaille à l'élaboration d'un projet qui doit être déposé au printemps de l'an 2000.
M. Alain Gournac. Des annonces politiques !
M. Marc Massion. Ce n'est pas, de notre point de vue, dans le cadre d'une niche de discussion parlementaire,...
M. Jean Chérioux. Curieuse conception du Parlement !
M. Marc Massion. ... et sur la base de quelques articles seulement, que l'on peut sérieusement apporter des réponses en matière d'épargne longue, encore moins si, on assigne à celle-ci l'objectif d'être un complément de retraite.
Sans compter, et j'ouvre une parenthèse, qu'il convient de relier ce sujet à celui du fonds de réserve : j'apprécie d'ailleurs que celui-ci doive être prochainement abondé...
M. Jean Chérioux. Il en aura besoin !
M. Claude Huriet. De combien ?
M. Alain Gournac. Encore des annonces !
M. Marc Massion. ... même si, me semble-t-il, une démarche encore plus volontariste doit s'affirmer. Néanmoins, je le rappelle, contrairement à ce qui s'est dit en commission, si les sommes qui abondent ou vont abonder ce fonds ne sont pas encore à la hauteur des enjeux, enjeux de l'ordre de plusieurs centaines de milliards de francs, il ne faut pas oublier que, dans un premier temps, à l'horizon de cinq ans, le fonds tel qu'il va être constitué l'an prochain pourra déjà représenter, selon les estimations, une centaine de milliards de francs. Ce n'est pas rien, et il faut continuer dans ce sens puisque, à chaque abondement du fonds, le rapport ira croissant. Mais, là encore, nous aurons une autre occasion d'en parler : la discussion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Sur le fond, pour pouvoir disposer au moment de la retraite d'un véritable revenu de remplacement, il convient de cotiser, comme je le disais au début de mon propos, longtemps. En dehors des régimes légalement obligatoires, il n'y a que l'entreprise ou les branches professionnelles qui puissent, si elles le souhaitent, « obliger » leurs salariés à cotiser pendant une durée aussi longue.
Les fonds d'épargne doivent être collectifs, obligatoires et paritaires ; ce sont là, pour nous, les trois exigences sur lesquelles doit se fonder un vrai projet de fonds partenarial d'épargne pour la retraite.
M. Jean Chérioux. Vivent les prélèvements obligatoires !
M. Marc Massion. Je rappelle que le caractère « obligatoire » ne concourt pas à faire entrer ce type de cotisation dans les prélèvements obligatoires.
M. Jean Chérioux. Ah bon ?
M. Marc Massion. En effet, les entreprises ne sont pas obligées de souscrire et elles peuvent arrêter quand elles veulent, tout en préservant les droits des assurés. Le caractère « obligatoire » est repris parce qu'un tel régime s'applique à tous les salariés de l'entreprise ou de la branche professionnelle, à partir du moment où la décision a été prise dans le cadre des négociations collectives.
Ces régimes, qui existent, doivent être améliorés. Ils doivent recevoir, avec toutes les précautions qui s'imposent, une définition législative.
Il convient de poser comme principe absolu que tout engagement de retraite doit être garanti par des provisions mathématiques. Il faut revoir les règles techniques aujourd'hui applicables, car, lorsqu'elles s'appuient sur l'assurance vie traditionnelle, elles ne sont guère adaptées aux opérations de retraite. La Commission des Communautés européennes, dans son livre vert, l'a reconnu de manière assez explicite.
Il convient enfin - mais cette liste d'impératifs n'est pas limitative - de réfléchir à un certain nombre de principes de gestion pouvant servir de garde-fous aux gestionnaires de ces régimes.
Je pense que notre démarche est la bonne, et je souhaiterais terminer mon propos en évoquant une actualité qui vient, à mon sens, fort opportunément corroborer nos choix.
En effet, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu le 21 septembre dernier, dans trois affaires sur des fonds de pension hollandais, des arrêts aux conclusions identiques, dont je voudrais vous livrer la teneur, en me réjouissant qu'ils nous donnent raison.
Sur ces trois dossiers, plusieurs questions préjudicielles avaient été posées à la Cour, qui tournaient toutes autour de la mise en cause du caractère obligatoire des fonds de pension hollandais, ce caractère obligatoire étant dénoncé comme contraire à l'article 85 du traité pour affecter le commerce entre Etats membres et fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché.
Après avoir énoncé que la « Commission s'efforce de développer le dialogue entre les partenaires sociaux au niveau européen et que les Etats membres et la Commaunuté ont pour objectifs », entre autres, « l'amélioration des conditions de vie et de travail, une protection sociale adéquate, le dialogue social », après avoir rappelé que « les régimes de pension visent à garantir un certain niveau de pension à tous les travailleurs et ainsi contribuent à l'amélioration de l'une des conditions de travail, à savoir leur rémunération », la Cour a jugé que la « décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire l'affiliation à de tels fonds ne saurait être considérée comme imposant ou favorisant la conclusion d'ententes contraires à l'article 85 du traité ».
La Cour a poursuivi en indiquant que le « régime de pension géré exclusivement par des fonds de cette nature et de manière exclusive concourt, qui plus est, à caractériser ce fonds par un degré de solidarité élevé », et cela en raison de plusieurs facteurs : l'indépendance des cotisations par rapport aux risques ; l'obligation d'accepter tous les travailleurs ; la continuation de la constitution de la pension en dispense de versement de cotisation en cas d'incapacité de travail ; la prise en charge par le fonds d'arriéré de cotisation dû par l'employeur en cas de faillite de ce dernier ; enfin, l'indexation du montant des pensions, afin de maintenir leur valeur. Toutes choses que nous préconisons et qui, bien sûr, ne figurent pas dans la présente proposition de loi, pas plus qu'elles ne figuraient dans la loi Thomas.
D'autres enseignements pourraient être tirés de ces arrêts, mais je m'en tiendrai là, préférant prendre rendez-vous avec le Gouvernement pour l'examen, dès l'an prochain, d'un texte qui réponde à nos préoccupations et surtout à l'attente des salariés.
En conclusion, j'ai l'impression que, par ce texte, l'opposition nationale tente de nous montrer qu'elle existe, et ce à propos d'un sujet particulièrement sensible. Mais vous procédez, mes chers collègues, d'une façon particulièrement maladroite et complètement inopportune. Dans ces conditions, ne comptez pas sur la contribution du groupe socialiste à la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours, rapporteur. Quelle tristesse !
M. le président. La parole est à M. Arthuis. M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis du débat qui s'ouvre devant le Sénat sur cette proposition de loi tendant à instituer un système d'épargne retraite.
Je suis un peu déçu par les propos que M. Massion vient de tenir.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous préférons, certes, ceux de M. Fabius !
M. Jean Arthuis. Nous sommes ici pour débattre d'un sujet essentiel : le moyen de gager la solidarité entre tous nos compatriotes.
Merci, monsieur le ministre, d'être venu vous-même prendre part à ce débat pour nous exposer le point de vue du Gouvernement et sans doute nous expliquer ses atermoiements successifs.
Je voudrais également remercier et féliciter Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales, et Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.
L'évocation de ce sujet a, bien entendu, un caractère quelque peu récurrent. Il est vrai qu'ici même, comme à l'Assemblée nationale, des initiatives ont été prises il n'y a pas si longtemps pour instituer - enfin ! - en France un dispositif d'épargne retraite et sortir de notre originalité nationale.
Je dois exprimer notre étonnement. Nous sommes aujourd'hui dans une situation bien singulière puisqu'une loi a été votée, mais qu'elle n'a pas reçu de décrets d'application. Vous me permettrez de penser, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'une sorte de « ni ni » : ni application ni abrogation.
Alors que des voix s'élèvent aujourd'hui de toutes parts pour exprimer une légitime inquiétude sur le financement de notre système de solidarité, comment fera-t-on face aux pensions aux échéances 2010 à 2015 ? Cela a été dit excellemment par les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune. Je n'y reviendrai donc pas.
Je souhaite demander au Gouvernement de nous faire part de ses vues sur ce qui va être mis en oeuvre et lui dire que nous ne pouvons pas nous accommoder de la création d'un fonds de réserve.
Je sais bien que l'heure est à la « balkanisation » du budget : plan de financement de la sécurité sociale, qui va capter une partie des ressources fiscales au-delà des charges sociales ; fonds spéciaux créés ici ou là,... M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On les supprime !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. On en supprime d'un côté, on en crée de l'autre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y en a dix-neuf de moins !
M. Jean Arthuis. ... sans doute pour parfaire la présentation.
Monsieur le ministre, on ne peut pas, en l'espèce, s'accommoder d'un fonds de réserve. Cela fait partie d'une illusion ambiante, qui relève d'ailleurs d'un art délicat. Si l'Etat dote un fonds de réserve, il le fera par accroissement à due concurrence de la dette publique. Je voudrais bien que l'on m'explique en quoi cela pourrait constituer un progrès !
Il faut donc accomplir un pas décisif pour sortir de cet embarras, de cette inaction, et aller de l'avant parce que l'épargne salariale n'est pas destinée à se transformer nécessairement en épargne retraite. Considérée plutôt par les salariés comme un complément de revenu, l'épargne salariale a vocation à conserver une certaine liquidité, et l'assimilation que l'on voudrait faire est foncièrement incompréhensible.
Quant aux contrats de groupe, qui sont un élément de retraite par capitalisation, ils ne sont appliqués que dans les très grandes entreprises. Aussi bien, dans nombre de PME, les salariés ne sont pas aujourd'hui en situation d'adhérer à un dispositif d'épargne retraite.
Etrange situation puisque, dans la fonction publique, des dispositifs d'épargne retraite ont été institués, semble-t-il à la satisfaction de tous ceux qui y participent. Je ne sache pas qu'il s'agisse d'un système obligatoire. Alors pourquoi priver les salariés des entreprises de cette possibilité ?
Nous l'avons dit les uns et les autes, il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause les systèmes par répartition.
Si j'ai déposé un amendement sur l'exonération des abondements dans la limite des marges offertes aux contrats complémentaires de retraite - je pense aux « contrats chapeaux », à l'assurance qui prévaut dans les grandes entreprises - je n'aurai pas de mal à suivre M. Charles Descours dans sa proposition de maintenir l'abondement comme assiette de cotisation pour le régime général d'assurance vieillesse. Il s'agit de constituer des fonds dont la vocation est de s'investir dans le secteur productif et de contribuer ainsi à la création d'emplois, moyen le plus efficace d'assurer la cohésion sociale.
La réforme que nous souhaitons doit s'inspirer de trois grands principes : une certaine souplesse, une exigence de sécurité et, enfin, l'efficacité économique.
Une certaine souplesse : donnons donc la priorité à la négociation collective, à l'initiative, initiative de l'employeur lorsque la négociation a échoué, initiative du salarié, qui pourra adhérer à un disposif existant s'il n'en existe pas dans son entreprise ou dans sa branche.
Cette possibilité d'adhésion individuelle est, par ailleurs, une mesure d'équité ; je pense aux salariés de PME, qui, faute de cette faculté, ne seraient pas assurés de bénéficier d'une telle réforme.
Une exigence de sécurité : la gestion de l'épargne retraite doit revenir à des organismes extérieurs. Il convient évidemment de veiller à la transparence de cette gestion et de faire en sorte que toutes dispositions prudentielles puissent être prises. Je remercie la commission des finances de s'en être souciée tout particulièrement.
L'efficacité économique, enfin : pour assurer une montée en charge rapide du nouveau système, nous avons besoin de dispositions particulièrement attrayantes en termes d'exonérations de cotisations et de déductions fiscales, même si l'on doit prendre quelques précautions à propos du financement du régime général d'assurance vieillesse
Au-delà de l'objectif social, il s'agit aussi pour nous de renforcer les fonds propres des entreprises et de mettre à leur disposition le produit de cette épargne.
Liberté, responsabilité, solidarité, voilà, me semble-t-il, ce qui caractérise notre proposition de loi !
Le Gouvernement nous met dans une curieuse situation puisque, je l'ai dit, la législation existe mais qu'elle est bloquée : ni application, ni abrogation.
Je me réjouis que le Sénat reprenne l'initiative en ouvrant aujourd'hui ce débat, saisissant la possibilité que nous offrent désormais notre règlement et, surtout, la Constitution. Que Charles Descours en soit vivement remercié ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps de parole dont je dispose m'incite à entrer directement dans la discussion.
A la vérité celle-ci ne commence pas aujourd'hui mais elle est la suite de la discussion sur la loi Thomas et n'est que le prélude de celles qui vont encore venir puisque l'assaut en faveur des fonds de pension n'est pas fini. Il finira un jour, j'en suis sûr, ...
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Cela continuera !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... pour peu que nous tenions bon et que nous ne cédions pas à cette offensive dont le coeur, à mes yeux, est de nature purement idéologique et peu en rapport avec l'objectif que nous propose M. Marini.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Vous aimez les idéologies !
M. Jean Chérioux. Oui, il les aime !
M. Jean-Luc Mélenchon. Bien sûr, elles permettent de comprendre la réalité.
Mais du moins reconnaissez-le et n'encombrez pas nos discussions de soupesages de chiffres qui ont peu de rapport avec la réalité, comme j'ai l'intention de le démontrer.
Pour m'en tenir à l'instant... (M. le ministre et M. le rapporteur s'entretiennent en aparté ; M. Mélenchon s'interrompt.)
M. le président. Poursuivez, monsieur Mélenchon ; il ne s'agit que d'un aparté entre M. le ministre et M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Mélenchon. Donc, pour en rester au document qui nous est soumis aujourd'hui, et puisque je bénéficie de l'attention renouvelée de tous, je remercie tout d'abord ceux qui nous l'ont proposé, puisqu'ils nous donnent l'occasion de prolonger cette discussion là où elle doit se dérouler, c'est-à-dire au Parlement.
M. Marcel-Pierre Cléach. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Naturellement, je m'associe totalement aux critiques qui ont été formulées tout à l'heure par mon camarade et ami Marc Massion, comme vous l'aviez deviné, j'imagine, en vous référant à ce que j'ai pu dire à cette tribune sur la loi Thomas concernant la place particulière qu'occupent les fonds de pension dans la dynamique générale de ce nouvel âge du capitalisme dans lequel nous sommes entrés.
Le fonds de pension est le bélier, en quelque sorte, qui prend d'assaut l'ultime place forte des systèmes de protection sociale qui ont été constitués sur le vieux continent, pour l'essentiel, compte tenu d'un rapport de forces dans la répartition des bénéfices entre capital et travail qui faisait que cette position était acquise. Cette protection sociale existe et c'est ce qui est incompatible avec l'idée que se fait de l'avenir du monde et de nos sociétés le système dans lequel nous vivons.
M. Jean Chérioux. Belle idéologie !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais bien sûr, c'est une vision du monde !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Les idéologies sont légitimes !
M. Jean-Luc Mélenchon. En tout état de cause, voilà comment, moi, je situe cette discussion.
Maintenant, passons aux chiffres. En cet instant, je ne m'attarderai que sur un point. Tout le raisonnement par lequel vous tentez de convaincre de la nécessité de ces fonds de pension comme résultant d'une espèce d'obligation mécanique de la situation repose sur une idée : le régime de retraite par répartition serait dans l'incapacité d'absorber le choc démographique à venir, raison pour laquelle il faudrait vite, et dans l'intérêt même des personnes concernées, passer à autre chose, c'est-à-dire aux fonds de pension.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout repose sur cette idée. Et si elle n'est pas fondée, alors tout le reste n'est plus qu'un débat de nature politique qui correspond à la vision, également légitime, que nous avons, les uns et les autres, de la société. Mais la démocratie est là pour nous départager !
Or, je juge, moi, que les chiffres produits portent en eux-mêmes une vision de cette société et que, par conséquent, ils reposent sur des hypothèses.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est une question de taux de cotisation !
M. Charles Descours, rapporteur. Les chiffres qui portent une vision de la société ! C'est hasardeux !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais oui, monsieur le rapporteur, j'y viens, à ces chiffres, et vous allez m'entendre, vous qui êtes toujours précautionneux dans vos arguments.
Si vous entrez dans la logique parcellaire qui consiste à établir un ratio de dépendance entre ceux qui sont en activité, et qui sont à ce titre rémunérés, et ceux qui ne s'y trouvent plus parce qu'ils sont à la retraite, vous obtenez un ordre de résultat. C'est celui dans lequel d'ailleurs s'inscrit le rapport Charpin.
Donnons les chiffres. Le nombre de personnes âgées de plus de soixante ans s'élevait à 12,1 millions en 1995. Il serait de 17,8 millions en 2020, et de 22 millions en 2040. Les tranches actives de vingt ans à cinquante-neuf ans devraient, à l'inverse, diminuer pour passer de 31,4 millions en 1995 à 32 millions, en 2020, et à 30,3 millions en 2040. Voilà qui est dit !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il faut retarder l'âge de la retraite !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans cette présentation, le ratio de dépendance entre les personnes âgées de plus de soixante ans à la retraite et celles qui auront entre vingt ans et cinquante-neuf ans devrait, il est vrai, se dégrader fortement, passant de 38,5 à 72,6. Toute la démonstration repose sur ce point.
Mon ordre de raisonnement est totalement différent. Il faut considérer la société dans sa globalité. De la même manière que l'on ne peut discuter de la compétitivité d'une entreprise sans la situer par rapport à la compétitivité globale du système économique d'un pays, de la même manière on ne peut pas se contenter d'un rapport entre actifs et inactifs. On doit prendre ce rapport dans la globalité de ceux qui sont inoccupés, qui sont donc à la charge de toute la société, et ceux qui produisent la richesse. Tel est le rapport qui compte. Lorsque vous adoptez cet angle de vision, vous êtes obligés de constater que ceux qui ont entre zéro et vingt ans sont tout aussi à la charge de ceux qui produisent que ceux qui ont au-delà de cinquante-neuf ans, et qui ont accès à la retraite.
A partir de là, c'est une autre discussion qui commence. Elle concerne la manière dont est répartie la richesse entre ceux qui produisent et les autres, entre ceux qui sont occupés, et ceux qui sont inoccupés.
M. Jean Chérioux. Et voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Marcel-Pierre Cleach. La CSG à 20 % !
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout à fait, chers collègues !
Après, c'est une question de transfert. Ce qui n'est pas dépensé de ce côté-ci le sera de ce côté-là. Vous devez tenir compte, dans cet équilibre, de la dynamique d'ensemble du système, c'est-à-dire de la richesse supplémentaire qui va être produite par les gains de productivité, sinon le calcul est entièrement biaisé.
Tel est, en tout cas, l'ordre de raisonnement dans lequel, moi, je m'inscris, et j'attends qu'on me démontre qu'il pèche dans l'équilibre qu'il propose.
Car, naturellement, vous l'avez bien compris, si vous fondez votre argument du choc démographique sur le vieillissement de la population, à moins que vous n'ayez trouvé le moyen de contourner ce fait naturel, cela signifie que la part de jeunes entre zéro et vingt ans va diminuer dans la population totale et que la charge qu'ils représentent pour l'ensemble de la société va également baisser.
Quand vous faites cette balance-là, le résultat n'est plus du tout le même ; il est bien loin d'être aussi catastrophique que celui qui est annoncé. Dans ces conditions, en effet, on compte, pour 1995, 1,23 inactif par actif, et 1,54 en 2040. La différence n'est pas significative et ne justifie pas qu'on mette à bas un système de retraite auquel nous sommes attachés.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Là, on ne comprend plus !
M. Jean-Luc Mélenchon. Une fois que l'on a apporté cette précision, on doit encore, à l'intérieur du rapport actifs-inactifs, distinguer ceux qui sont au chômage et ceux qui produisent. Avec le chômage de masse, le rapport dans l'ordre occupés-inoccupés était de 1,59 en 1993.
Si, à l'avenir, tous les actifs potentiels étaient effectivement occupés - et c'est là tout l'enjeu de la société du plein emploi proposée par le Premier ministre - le ratio ne dépasserait jamais le chiffre de 1993. Mais peut-être doutez-vous que le retour au plein emploi soit possible ?
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur Mélenchon, je comprends que vous ayez parlé du paradis tout à l'heure. C'est le paradis socialiste !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur Descours, si vous pensez que le plein emploi est impossible, il faut faire autre chose que parlementaire ! Assistante sociale, par exemple !
M. Charles Descours, rapporteur. Pourquoi pas ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. On peut être les deux en même temps. Beaucoup d'entre nous en font l'expérience quotidienne ! (Sourires.)
M. Charles Descours, rapporteur. Je rends, à cette occasion, hommage aux assistantes sociales !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous serez plus utile à aller faire de la réparation sur le terrain qu'à venir siéger dans une assemblée parlementaire, où l'on est censé régler les problèmes et non pas simplement cautériser les plaies. Mais nous avons aussi besoin de gens pour cautériser les plaies. A chacun son métier !
M. Jean Chérioux. Le plein emploi ne se décrète pas !
M. Jean-Luc Mélenchon. Prenons donc les hypothèses moyennes de chômage : 7 % en 2005, 5 % en 2010 et 4,5 % jusqu'en 2040. Vous le voyez, j'entre dans vos raisonnements. Vous devrez alors constater que, dans ces hypothèses défavorables au projet des socialistes, le ratio de dépendance constatable en 2040 ne serait pourtant plus que de 1,66, cher monsieur Chérioux, soit 4,4 points de plus qu'en 1993. Autrement dit, rien du tout !
Rien qui justifie le catastrophisme et l'alarmisme dans lesquels vous vous êtes installés pour nous faire avaler ces fonds de pension que nous ne cessons de remettre sur le bord de l'assiette et que nous ne voulons pas consommer !
De son côté, le rapport Charpin émet l'hypothèse d'un taux de chômage stabilisé à 9 % à partir de 2005 ; ce n'est pas une hypothèse très optimiste pour nous.
Dans ces conditions, le ratio entre les personnes de soixante ans et plus et celles de vingt à cinquante-neuf ans devrait s'accroître de 88,6 % entre 1995 et 2040. C'est ce chiffre qu'on nous assène, et c'est celui qui fait peur.
Mais si l'on s'en tient au seul ratio réellement déterminant, que j'ai eu l'avantage de vous présenter, celui des occupés par rapport aux inoccupés. (M. le rapporteur sourit) - vous pouvez sourire, monsieur le rapporteur, mais il faudra démontrer le contraire ! - la charge que représentent les inoccupés, dans l'hypothèse que je viens de présenter et qui part de chiffres alarmistes sur le chômage, cette charge donc n'augmente que de 10 %, et de rien de plus : 10 %, voilà de quoi l'on discute !
Je fais le pari que l'arbitrage sur les sommes à dégager pour faire face à ces charges de retraite, nous pouvons en trouver la clé dans un nouveau régime de répartition. Car, moi, en matière de redistribution de la richesse, je soutiens que l'argent, pas plus que quoi que ce soit, n'a la vertu de pouvoir voyager dans le temps et que vous ne cesserez jamais, quel que soit le modèle adopté pour les retraites, de répartir de l'argent au présent ! Vous ne ferez jamais rien d'autre, par conséquent, qu'une opération de redistribution. Dans un instant, en accélérant mon propos, je vais vous le démontrer.
Toutefois, si l'inquiétude vous nouait à ce point, en cet instant, sachez que vous disposez d'ores et déjà, en partant d'une nouvelle clé de redistribution, des moyens de l'apaiser. En effet, en France, l'inégalité dans la répartition entre la rémunération du capital et celle du travail est l'une des plus fortes des pays riches. Ce n'est pas là un argument idéologique, chers collègues, c'est un argument qui se rapporte à l'équilibre du système de répartition.
La masse salariale a encore diminué de 0,2 % en 1998, ...
M. Charles Descours, rapporteur. La masse salariale a diminué ? Je ne sais pas comment on a fait pour augmenter les recettes de la sécurité sociale !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... de sorte que, pour parvenir à la moyenne européenne, il faut une augmentation de trois points de la masse salariale.
Dans cette situation, non seulement l'équilibre de la sécurité sociale serait retrouvé, mais Force ouvrière a calculé que cela procurerait 40 milliards de francs supplémentaires pour les retraites du régime général !
Encore une fois, je suis obligé de vous dire que, si l'on part de la répartition de la richesse ici et maintenant, base sur laquelle s'opérera la répartition de la richesse demain et après-demain, toute la question sociale reste une question de redistribution.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est une question de politique fiscale et de prélèvements obligatoires !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ayant répondu à l'argument essentiel des théoriciens de la catastrophe du système de retraite par répartition, je leur adresse à mon tour une interpellation sur le même registre des rapports entre l'évolution de la démographie et la sûreté du régime par capitulation,... excusez-moi, par capitalisation. (Sourires.)
Vous voyez que le lapsus...
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... est révélateur !
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, mais je pense bien ce que je pense : capitalisation égale capitulation, bien sûr, monsieur Marini !
M. Charles Descours, rapporteur. Pas de capitulation chez Mélenchon !
M. Jean-Luc Mélenchon. J'affirme que les fonds de pension ne sont pas moins sensibles au choc démographique que les systèmes par répartition, au contraire.
Il y a une équivalence fondamentale - équivalence logique, équivalence formelle - entre les régimes de retraite par répartition et par capitalisation. Dans le système par répartition, les actifs paient des cotisations qui financent les retraites. Mise à part la mise en oeuvre de produits financiers, dans un système par capitalisation arrivé à maturation, c'est la même chose. Les fonds de pension versent des rentes aux retraités qu'ils paient grâce aux nouveaux dépôts des actifs. L'argent ne voyage jamais dans le temps !
En outre, les rendements des systèmes par capitalisation ne sont pas forcément meilleurs que ceux de la répartition, à l'inverse, je suis obligé de le dire, de ce que prétend, par exemple, le rapport du Conseil d'analyse économique, qui, lui, affirme : « Un franc immobilisé pendant trente ans devient 1,8 franc ou 4,3 francs selon qu'il est placé à 2 % - régime par répartition - ou à 5 %, ordre de grandeur raisonnable sur une longue période d'un portefeuille diversifié. » Comment ne pas voir que cette miraculeuse multiplication des petits pains n'est pas possible ?
La généralisation à l'ensemble de l'économie de ces calculs actuariels individuels est une chose impossible, tout simplement parce que tous les revenus ne peuvent pas augmenter de 5 % si le PIB n'augmente, lui, que de 2 % ! Le très fort rendement actuel de certains portefeuilles d'actions se fait évidemment au détriment des autres revenus.
M. Guy Fischer. Ceux de l'emploi !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cette limite physique étant posée, on doit la corréler avec les rapports des nombres réels de chaque génération en présence, dans la série temporelle évoquée tout à l'heure.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce serait vrai si les frontières étaient étanches !
M. Charles Descours, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Luc Mélenchon. Le régime par capitalisation, monsieur Marini, est alors exactement dans la situation démographique qu'on reproche à tort au régime par répartition. C'est ce que démontre l'OCDE : « A mesure que les membres des générations du baby-boom prendront leur retraite dans dix à vingt ans, ils auront très certainement un comportement de vendeurs nets des titres accumulés durant leur vie de travail. » C'est probable !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce n'est pas certain !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est même hautement probable. Sinon, pourquoi garder ces titres ? Je poursuis ma citation : « La génération suivante étant de moindre taille, elle ne pourra pas racheter l'ensemble des titres, et il existe donc une très forte possibilité de baisse du prix des titres. » (M. le rapporteur lève les yeux au ciel.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est le professeur Nimbus qui parle !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est un fait, messieurs les rapporteurs. On ne peut pas faire des reproches chiffrés aux régimes par répartition et s'abstenir d'imaginer quelque hypothèse défavorable que ce soit concernant la démographie à propos des régimes par capitalisation !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Oui, mais il faudrait que l'âge de la retraite soit le même partout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Lors d'un colloque organisé par la Caisse des dépôts et consignations, au mois de mars 1999, voici ce que déclaraient certains : « La génération d'actifs actuelle a connu des salaires faibles et le chômage. Dans les systèmes gérés par répartition, elle connaîtra des retraites peu élevées. Dans les systèmes gérés par capitalisation, la situation ne sera sans doute pas meilleure. Elle devra accumuler un capital très important pour assurer son revenu, car les rendements sont faibles. » Ils ajoutaient : « Ce ne sont pas les placements en actions qui pourront sauver les retraites. » Ils pronostiquaient même : « La génération active présente sera sacrifiée. »
C'est la leçon de l'exemple américain, qu'ils résumaient d'une formule frappante et qui se déduit facilement du raisonnement que je viens de présenter : « Une génération nombreuse risque fort de payer cher, ou même trop cher, des actions qu'elle revendra moins cher au moment de prendre sa retraite. Autrement dit, le rendement de la retraite par capitalisation est faible pour une génération nombreuse, alors qu'il est élevé pour une génération moins nombreuse. »
Vous vous trouvez donc dans une situation exactement symétrique, du point de vue de la démographie, de celle dont vous faites l'argument essentiel de votre procès contre le régime par répartition.
C'est le paradoxe : contrairement à l'argumentation dominante selon laquelle les tensions démographiques militent en faveur de la capitalisation, ce système est plus sensible aux inflexions démographiques prévisibles qu'un régime par répartition.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je conclus, monsieur le président.
M. Charles Descours, rapporteur. Dommage, car c'est passionnant !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je souhaite avoir pu, à l'occasion de la démonstration que je viens de faire, contribuer à démontrer que le débat n'est pas réduit à la confrontation entre, d'un côté, les prétendus réalistes partisans raisonnables de la panacée que seraient les fonds de pension et, de l'autre, les nostalgiques imprévoyants accrochés à leur bon vieux système de répartition.
Il n'y a, une fois encore, rien de plus, mais c'est déjà beaucoup, que la confrontation entre deux visions du modèle d'économie que nous jugeons souhaitable pour notre pays.
Autant le reconnaître, les fonds de pension sont une illusion dévastatrice si l'on se soucie des retraites. Ils sont, en revanche, un fantastique levier de la dictature des actionnaires et de l'accumulation du capital au détriment de toute autre considération d'intérêt général.
J'ai noté aussi - je l'avais affirmé à l'occasion du précédent débat sans pouvoir m'appuyer sur des citations - que M. l'ambassadeur des Etats-Unis en France, qui nous a livré le fond de sa pensée dans une interview parue dans Le Monde et citée par Libération , trouvait également aux fonds de pension une forte vertu pédagogique que je livre en le citant à votre méditation, et peut-être plus spécialement à celle des néophytes qui, depuis quelque temps, tout d'un coup se sentent comme une inclination pour ce système après l'avoir dans le passé - j'en ai encore la mémoire - beaucoup condamné. Mais vous l'avez compris, messieurs Marini et Descours, ce n'est pas à vous que je m'adresse !
M. Charles Descours, rapporteur. Alors, c'est à M. Fabius que vous vous adressez !
M. Jean-Luc Mélenchon. Bref, cet ambassadeur invite la France à se doter de fonds de pension afin de discipliner les salariés et de leur faire intégrer les règles du marché. Le bon apôtre ! Voici ce qu'il affirme : « Le capitalisme populaire a donné une culture de propriété aux Américains,...
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... ce qui a eu des répercussions politiques : il y a dix ans, jamais le parti démocrate n'aurait osé prôner un budget en équilibre, par exemple. Cette culture de propriété a aussi permis d'amortir les chocs de restructuration des grandes sociétés. »
C'est, au mot près, ce qu'a expliqué tout à l'heure M. Marini à propos de l'état d'esprit dans lequel se trouverait l'actionnaire salarié au moment où il apprendrait que, pour le bien de ses actions, il doit être licencié.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est un vrai problème !
M. Jean-Luc Mélenchon. Pour conclure, je dirai que cette culture américaine de dupes - je dis « américaine » non pas pour la dévaluer, mais simplement parce que c'est aux Etats-Unis que s'en trouve le coeur battant - qui fait de la victime l'amortisseur de son bourreau représente, à mes yeux, une raison supplémentaire pour refuser les fonds de pension, quand bien même ils sont proposés par d'honorables sénateurs français, que je respecte totalement, comme vous le savez, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de lire, à l'intention de M. Mélenchon, l'intitulé de l'une des propositions de loi que nous examinons : « Proposition de loi visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite ».
Toute l'argumentation de l'orateur qui m'a précédé visait à opposer le système de retraite par capitalisation au système de retraite par répartition. Or tel n'est pas l'objet de notre discussion d'aujourd'hui.
Nous sommes tous convaincus ici de la nécessité et de l'urgence qu'il y a à réformer le système de retraite en France. Les chiffres ont été donnés et ils viennent d'être discutés à l'instant par M. Mélenchon, avec un très grand brio. Mais, je l'avoue, la complexité de ses explications ne m'a pas permis de saisir la subtilité de son raisonnement. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Il est nécessaire et urgent de réformer notre système de retraite, car tout retard dans la décision rendra plus douloureuses et, j'en suis convaincu, plus injustes les dispositions qui devront nécessairement intervenir.
Avant même que le Gouvernement propose ses propres solutions et à la veille du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le Sénat se doit de prendre de nouveau position sur l'une des principales questions qui se posent actuellement : faut-il créer ou non un troisième niveau de retraite, facultatif et par capitalisation ?
A cette question, force est de constater que le Gouvernement n'a pas apporté de réponse claire à ce jour. A la recherche, semble-t-il, d'un laborieux accord avec sa majorité plurielle, il se garde bien d'annoncer un quelconque projet. Après avoir condamné toute idée de complément de retraite par capitalisation, le Gouvernement a certes évolué sous la pression des événements et au vu des évolutions démographiques. Mais, à ce jour, on n'en reste qu'au stade des intentions.
Pour sa part, la majorité sénatoriale a toujours été clairement favorable à la création d'une épargne retraite facultative et par capitalisation. Plusieurs propositions de loi ont été déposées depuis 1993, émanant des différents groupes de la majorité, et notamment de l'Union centriste, avec la proposition de loi de notre collègue Jean Arthuis. Notre position est, à cet égard, conforme à l'évolution générale en Europe, quelles que soient les majorités au pouvoir !
L'ensemble des pays européens connaissent en effet une crise de leurs systèmes de retraite par répartition, que ce soient ceux qui disposent de systèmes de pensions forfaitaires ou ceux qui, comme en France, versent une pension proportionnelle au revenu d'activité.
Tous, ou presque, ont institué un supplément de retraite par capitalisation. J'ai ici un tableau spectaculaire qui présente les systèmes des différents pays, soit principalement par répartition, soit principalement par capitalisation, soit, comme en Allemagne, mi-répartition, mi-capitalisation.
Il est intéressant, dans cette carte du monde, de constater que deux pays de l'Union européenne dirigés par un gouvernement socialiste, mais qui s'inscrivent, à vrai dire, dans ce que l'on appelle la troisième voie - dont on vous dit parfois proche, monsieur le ministre - à savoir l'Allemagne et la Grande-Bretagne, ont mis en place un système par capitalisation.
Le Gouvernement, sauf à penser que l'idéologie le rendrait sourd et aveugle, ne peut pas méconnaître l'évolution économique actuelle ni le poids croissant des fonds de pension étrangers au sein de nos propres entreprises.
Je regrette que M. Mélenchon ait quitté l'hémicycle. Voilà un instant, il a fait abstraction du cadre qui s'impose désormais à tous les pays, à savoir la mondialisation. Au fond, il a donné le sentiment d'être replié sur l'Hexagone, en faisant une critique intelligente des effets, pervers selon lui, du système par capitalisation. Il n'a pas fait état de l'importance des fonds de pension étrangers dans l'évolution des entreprises françaises.
Voilà quelques semaines, un journal du dimanche consacrait une pleine page à l'analyse des conséquences de la mise en place des systèmes de fonds de pension étrangers et de leur influence en France. Le titre de cet article était significatif : « Ces Américains qui nous possèdent ».
Je suis lorrain. Peu de salariés de Daewoo sont conscients de leur dépendance vis-à-vis d'un fonds de pension américano-saoudien, s'agissant de décisions qui risquent de les frapper de plein fouet ? Une partie du capital de Pechiney est détenue par des fonds de pension étrangers. Dans la bataille bancaire entre la BNP, la Société Générale et Paribas, les fonds de pension étrangers sont intervenus.
Je me suis renseigné, voilà quelques semaines, sur la structure du capital de Michelin. Elle correspond à ce qu'évoquait tout à l'heure M. le rapporteur. En effet, 30 % à 35 % du capital est détenu par des fonds de pension étrangers.
Les conséquences qui résultent de ce fait ne doivent pas être sous-estimées, quel que soit le raisonnement que l'on peut tenir par ailleurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles les dispositions proposées par la commission des affaires sociales doivent recueillir notre adhésion. En effet, elles sont les seules qui sont susceptibles d'apporter les réponses à deux questions essentielles : l'avenir de la retraite de nos concitoyens et le moteur économique que peut représenter la mobilisation de ces fonds d'épargne longue.
L'épargne retraite ne doit pas être réservée aux seuls initiés. Elle doit être comprise par l'ensemble des Français, à l'instar de notre système de participation. Ainsi, nous aurons accompli un progrès accessible à tous, et nous aurons rassuré ceux qui craignent que l'institution de fonds de pension ne remette en cause les régimes de retraite par répartition, auxquels nous sommes historiquement, socialement et politiquement très attachés.
Je terminerai en répondant sur un point à M. Mélenchon. Selon lui, les effets de l'évolution de la productivité et du chômage suffiraient à résoudre les problèmes futurs du système de retraite par répartition. Or, le rapport Charpin, qu'il a d'ailleurs peu évoqué, a montré qu'une évolution favorable de la productivité et du chômage n'avait qu'une incidence marginale sur l'amélioration de la situation financière des régimes de retraite.
Il va de soi que le groupe de l'Union centriste votera les conclusions de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi sénatoriales en faveur de l'épargne retraite. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enjeu du débat sur l'épargne retraite est double : offrir une possibilité de complément d'assurance vieillesse à nos concitoyens dans un contexte démographique de plus en plus défavorable aux régimes de retraite par répartition et, parallèlement, améliorer le financement des entreprises françaises.
Je n'insisterai pas sur cette problématique, qui a été largement développée par MM. les rapporteurs et par la plupart des orateurs qui se sont succédé à la tribune.
Je souhaiterais néanmoins réfuter quelques idées reçues qui polluent trop souvent un débat fondamental sur un problème qui « rattrapera » inéluctablement les prochains gouvernements, quelle que soit leur tendance politique : la question de l'équilibre financier des retraites et de la création d'un complément de pension constitué par capitalisation.
Cette dernière idée serait d'inspitation ultra-libérale et individualiste ! Et de citer l'exemple anglais et américain, sans oublier la faillite des fonds Maxwell.
En premier lieu, rappelons que la constitution d'un fonds de réserve pour les retraites par le Gouvernement est, elle aussi, inspirée par l'idée de capitalisation, une capitalisation collective et centralisée certes, mais en rupture avec une stricte conception de la retraite par répartition qui a été celle de la gauche française durant ces dernières années.
Mesdames, messieurs de la majorité plurielle, encore un effort et vous finirez bien par accepter notre projet d'un supplément de retraite constitué individuellement, dans un cadre décentralisé !
Quant au cas des fonds Maxwell, il démontre les dangers d'une gestion interne des fonds de pension, ce qui a été pris en compte par le projet mis en forme par les propositions du Sénat : la responsabilité de cette gestion doit revenir à des organismes extérieurs, soumis aux règles prudentielles de l'assurance.
Mais, en tout état de cause, aucune personne de bonne foi ne peut nier le succès rencontré notamment par les fonds de pension aux Etats-Unis : plus de 3 000 milliards de dollars ! Ce succès a grandement contribué à la forte expansion du marché boursier outre-Atlantique ces dernières années.
La création de fonds d'épargne retraite à la française pourrait sans doute renforcer la place financière de Paris face à ses concurrentes de Londres ou de Francfort.
L'enjeu n'est donc pas d'ordre idéologique. Il s'agit seulement de tenir compte des rapports de forces nés de l'ouverture des marchés financiers dans le cadre européen et mondial.
Une autre critique est également formulée à l'égard des fonds de retraite : il s'agirait d'accorder des avantages financiers et fiscaux injustes aux catégories de contribuables les plus privilégiés. Le souci de la majorité sénatoriale et de nos commissions est absolument inverse.
Ainsi, les salariés les plus modestes, qui ne payent pas d'impôt sur le revenu, bénéficieront d'une exonération totale de cotisations sociales sur leurs versements afin de compenser la déduction en matière d'impôt sur le revenu à laquelle ils ne pourront procéder. En outre, afin de ne pas exclure du dispositif les employés ne disposant pas de fonds d'épargne dans leur entreprise ou leur branche d'activité, chaque salarié aura la possibilité d'adhérer individuellement à un fonds existant.
Alors que les carrières professionnelles sont de moins en moins linéaires, notre souhait a été de donner le maximum de souplesse au système, chaque adhérent étant appelé à contribuer selon ses possibilités et ses besoins, en toute liberté. Une possibilité de transférer les sommes accumulées sur d'autres fonds en cas de changement d'emploi est également prévue.
C'est donc le souci de l'équité qui nous a guidés en premier lieu, et non le souhait de créer un nouveau produit d'épargne parmi d'autres.
A propos des règles d'affiliation que nous avons définies, peut-être pourrait-on regretter l'exclusion des professions indépendantes. Certes, ces dernières bénéficient déjà d'un dispositif spécifique mis en place par la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle. Cependant, la possibilité d'adhérer aux nouveaux fonds pour les groupements dits « de la loi Madelin » avait été envisagée au cours de l'examen de la loi de mars 1997. La proposition de loi du groupe de l'Union centriste avait repris cette idée au vu des premiers résultats plutôt modestes des produits d'épargne retraiteréservés aux non-salariés.
Tout en me ralliant à l'avis de MM. les rapporteurs, qui jugent préférable de réserver le futur dispositif aux seuls salariés, je crois qu'il convient, à terme, de réfléchir à une certaine harmonisation des règles applicables en matière de retraite par capitalisation entre les fonctionnaires, les non-salariés et, demain, nous l'espérons, les salariés de droit privé.
En conclusion, je souhaiterais m'adresser au Gouvernement : voilà un an, au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'avais défendu devant le Sénat un amendement du groupe de l'Union centriste en faveur de la mise en place de fonds d'épargne retraite. Mme Martine Aubry, dans sa réponse, s'était montrée ouverte au dialogue avec la Haute Assemblée.
Je ne sais si cette référence est opportune...
En tout cas, nous souhaitons tous que cette journée réservée à l'examen de deux propositions de loi puisse permettre de faire avancer la réflexion sur l'indispensable mise en place de suppléments de retraite par capitalisation en France.
Il n'est que temps d'en finir avec la langue de bois et l'absurde opposition entre retraites par répartition et par capitalisation. Ces deux systèmes sont des modalités complémentaires de résolution de l'un des grands problèmes qui va dominer les prochaines décennies, celui du partage de la richesse entre les générations. Sachons utiliser les avantages des deux systèmes et cessons d'en faire les otages d'affrontements idéologiques totalement dépassés.
Enfin, j'adresserai mes remerciements et mes félicitations à nos deux rapporteurs pour leur travail approfondi et instructif sur un sujet qui ne devrait pas tarder à occuper de nouveau l'actualité du Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ces propositions de loi sénatoriales sont l'occasion une fois de plus - mais ce n'est jamais inutile - de mener le débat au fond. De ce point de vue, la thèse qui est défendue, à savoir la possibilité de mettre en place un complément de retraite financé par l'épargne, mérite considération, et ce thème trouve, c'est clair, un large écho auprès des Français.
Je voudrais, en cet instant, résister à plusieurs tentations.
La première serait de regarder avec un air moqueur la succession de textes que la majorité sénatoriale actuelle ou la majorité d'hier, à l'Assemblée nationale, a pu proposer, qu'il s'agisse de la loi Thomas, de la proposition de loi de M. Douste-Blazy ou des propositions de loi qui sont examinées aujourd'hui, comme si la répétition pouvait obligatoirement faire avancer le débat. Bergson considérait que le comique naît de la répétition. Tel n'est pas mon sentiment. En effet, comme je le disais au début de cette intervention, plus nous discutons de ces questions, plus nous arrivons à nous comprendre.
Une autre tentation symétrique à laquelle je résisterai aussi consisterait à souligner les différences entre ces textes et à voir les raisons pour lesquelles les choses ont pu bouger : pourquoi, deux ans après avoir voté la loi Thomas - c'était en mars 1997 - adoptez-vous maintenant une position différente ? Comment expliquer une telle évolution ?
Une dernière tentation serait d'insister sur un certain nombre de divisions au sein même de la majorité de cette assemblée, et j'y résisterai également.
Pourtant, comme l'a dit tout à l'heure M. Massion, la différence est grande entre la version initiale des deux propositions de loi et les conclusions de la commission. Sans doute est-ce le signe du bon fonctionnement des commissions d'une assemblée parlementaire que de permettre l'amélioration d'un texte !
Venons-en au fond. Dans quel cadre nous trouvons-nous ? Je distinguerai, à cet égard, deux éléments.
Il y a, tout d'abord, l'histoire très réelle de notre système de retraite que majorité et opposition sénatoriales, tout comme moi-même d'ailleurs, revendiquent. Je crois en effet que nous sommes tous fiers du système de retraite tel qu'il a été mis en place, système qui résulte du choix de la gauche, mais pas seulement : ce choix de la répartition a en effet été largement le choix de la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et nous y sommes attachés pour des raisons que chacun connaît et sur lesquelles je ne m'attarderai donc pas longtemps.
Nous sommes tous attachés à ce choix tout d'abord en raison de sa philosophie même, qui est une philosophie de solidarité entre les générations et qui constitue aujourd'hui un élément déterminant du pacte social dans notre pays ; nous y sommes attachés également en raison de ses modalités, puisque ce système associe à sa gestion les partenaires sociaux, et enfin - pourquoi ne pas le dire ? - en raison même de ses résultats.
En effet, hier, de nombreux retraités ont pu bénéficier d'une retraite alors qu'un système de capitalisation ne leur aurait pas permis d'en percevoir une dans la mesure où ils n'avaient pu cotiser lorsqu'ils étaient actifs ; c'est, parmi d'autres, une raison fondée ayant conduit au choix de la répartition au lendemain de la guerre. Aujourd'hui, les retraités bénéficient d'un niveau de vie égal, voire supérieur, à celui des actifs en raison de l'évolution parallèle du revenu des retraités et du revenu des actifs, évolution qui résulte du système de la répartition et qui est l'expression du choix solidaire.
De tout cela découle une priorité politique consistant à préserver le système de retraite par répartition et à faire tout ce qui est possible pour assurer son bon fonctionnement.
L'autre élément du cadre dans lequel nous nous trouvons est une loi très « virtuelle » - je reprends la terminologie de M. le rapporteur pour avis - que le Gouvernement, à l'évidence, réprouve : la loi Thomas.
En 1996, la gauche avait combattu cette loi Thomas, et ce principalement pour deux raisons, encore que de nombreuses raisons techniques pourraient également être invoquées.
Tout d'abord, sous couvert de la mise en place d'un dispositif limité, la loi Thomas menaçait en réalité la répartition, comme beaucoup d'entre vous l'ont d'ailleurs reconnu dans une certaine mesure, en proposant de changer l'un des aspects fondamentaux de ce texte. En effet, d'une part, les sommes dévolues étaient exonérées de la cotisation vieillesse et, d'autre part - c'est plus indirect mais au moins aussi important - la loi Thomas mettait en place des mécanismes de contournement des partenaires sociaux. Or, comme je le disais tout à l'heure, l'une des forces de notre système de répartition, l'une des raisons pour lesquelles nous y sommes attachés, tient précisément à l'implication des partenaires sociaux dans sa gestion.
M. Charles Descours, rapporteur. Pourvu que cela dure !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement, pour sa part, souhaite que cela dure, et il déplorerait que certains partenaires prennent des positions différentes.
La loi Thomas mettait donc clairement en place des mécanismes de contournement.
Tout d'abord, la négociation de six mois était, en fait - il faut bien le reconnaître sans vouloir être polémique -, une négociation alibi : en effet, si la négociation n'avait pas abouti, au bout de six mois, l'entreprise pouvait mettre en place ce fonds de façon unilatérale. Voilà tout de même une drôle de manière de négocier !
Par ailleurs, les comités de surveillance étaient mis en place sans les organisations syndicales.
La gauche avait donc combattu la loi Thomas, en 1996, en raison tout d'abord de la mise en cause, de la dénaturation du système qu'induisait ce texte.
J'en viens à la seconde grande raison du combat de la gauche contre ce texte : cette loi était fortement inégalitaire puisque les régimes de déductibilité fiscale et sociale prévus favorisaient systématiquement les hauts revenus.
Telles sont donc les raisons pour lesquelles nous avons choisi d'abroger la loi Thomas.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Vous pouviez l'amender !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Plusieurs d'entre vous ont fait un peu de rhétorique en s'étonnant que la loi soit toujours là, qu'elle n'ait pas été abrogée, et en réclamant qu'on l'adopte ou qu'on l'abroge. Chiche ! M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il suffit de l'amender !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Chiche ! Si cette assemblée souhaite en finir avec la loi Thomas, le Gouvernement est prêt à soutenir un amendement que la commission voudra bien présenter en vue d'une abrogation (M. le rapporteur rit) , conformément à ce que vous sembliez, les uns et les autres, réclamer tout à l'heure au motif qu'une porte doit être ouverte ou fermée.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous réclamons la clarté !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh bien, fermons la porte ! Nous avons pensé qu'il n'était pas nécessaire de vous faire perdre du temps avec l'abrogation d'une loi virtuelle ; mais si cela vous paraît plus clair, j'en suis d'accord, et je soutiendrai donc un amendement dans ce sens émanant du Sénat.
Plusieurs orateurs de la majorité sénatoriale ont souligné qu'il y avait urgence. Evidemment, il serait facile de vous demander en retour pourquoi vous n'avez pas traité le problème plus tôt !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous l'avons fait !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La loi Thomas date du 25 mars 1997. Or, le problème n'est pas né le 25 mars 1997 !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est mieux que le 14 octobre 1999 !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. le rapporteur a indiqué que la France était un des rares pays à ne pas avoir d'épargne par capitalisation. Mais si nous avions vraiment voulu - si vous aviez voulu ! - que notre pays ait véritablement un système de retraite par capitalisation - je ne dis pas que je le souhaite ou que je ne le souhaite pas, je me mets à votre place - il aurait fallu, pour qu'il ait une réalité, le mettre sur pied dans les années cinquante, ou dans les années soixante au plus tard. Or, je crois me rappeler que, dans les années soixante, étaient au pouvoir non pas mes amis, mais les vôtres !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce n'était pas dans l'air du temps !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vouloir, en France, développer, parallèlement au système de retraite par répartition mis en place au lendemain de la guerre, un système de retraite par capitalisation puissant, massif, peut se discuter ; en effet, toute opinion est légitime.
Cependant, c'est vous, je crois, monsieur le rapporteur, qui, citant le rapport Charpin, disiez qu'il était trop tard pour mettre en place un système de cette nature. On peut envisager maintenant la mise en place d'un système pour lisser les bosses, mais plus celle d'un système occupant une large place dans notre système de retraite, lequel aurait dû être réalisé il y a vingt ou trente ans.
M. Charles Descours, rapporteur. Mieux vaut tard que jamais !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Encore une fois, au cours de ces trente dernières années, le courant politique que représente la majorité sénatoriale a été plus souvent au pouvoir que celui auquel j'appartiens et, si je remonte aux quarante dernières années, la proportion devient alors dévastatrice !
Ne faisons pas de reproches à nos aînés, ou alors, si nous devons en faire, soyons honnêtes entre nous : c'est aux vôtres qu'il faut les faire beaucoup plus qu'aux miens !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Facile !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'en viens à la dernière question sur la méthode : « Pourquoi n'avez-vous pas sorti les décrets d'application de la loi Thomas ? », demandez-vous. Parce que nous n'étions pas favorables à cette loi ! D'ailleurs, ces décrets auraient très bien pu être publiés entre mars 1997 et la date des élections par lesquelles le pays a manifesté sa volonté de changer de majorité ! En effet, comme vous le savez, l'administration peut travailler vite quand on le veut ! Prenons l'exemple de la récente réforme de la TVA.
M. Charles Descours, rapporteur. Ou celui du fonds de réserve !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'instruction fiscale sur l'abaissement de la TVA concernant les travaux dans le bâtiment a été publiée le 15 septembre, c'est-à-dire le jour même de son annonce en conseil des ministres. De plus, il s'agissait d'une instruction fiscale qui, malheureusement, parce que notre fiscalité est complexe, comportait un nombre de pages assez important. Par conséquent, lorsqu'on veut que les choses soient faites, il suffit de les faire ! Vous aviez donc tout loisir d'agir.
Je ne veux pas taquiner M. Arthuis en lui demandant s'il savait ou non que le Président de la République avait l'intention de dissoudre l'Assemblée nationale ! Il pouvait ainsi avoir le sentiment qu'il avait du temps devant lui. Toutefois, si c'était si urgent que cela, n'était-il pas possible de sortir les décrets d'application rapidement ? Or je constate que tel n'a pas été le cas.
Je vous ai dit ce que je pensais de cette loi, je n'y reviens pas.
Pour autant, pourquoi s'opposer aujourd'hui au texte que nous propose la majorité sénatoriale ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ah ! Venons-en au débat du jour !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout d'abord, il pourrait y avoir de mauvaises raisons. Nous pourrions ainsi nous y opposer par principe, parce que la majorité sénatoriale n'est pas celle dont émane le Gouvernement. Evidemment, nous ne pouvons pas retenir une telle raison !
On pourrait également s'y opposer par irritation, en voyant comme une sorte de manoeuvre, à un moment où chacun sait que la majorité et le Gouvernement travaillent sur cette question, le fait de vouloir, dans un interstice du calendrier parlementaire, mener une discussion avant celle que le Gouvernement entend conduire.
M. Charles Descours, rapporteur. Oh ! Jamais !
M. Guy Fischer. C'est ce que vous recherchez, néanmoins !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais nous ne le ferons pas : ce n'est pas notre genre !
M. Charles Descours, rapporteur. Nous non plus !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Alors, si l'on écarte les mauvaises raisons, quelles peuvent être les bonnes ?
Il y a d'abord le calendrier. Si nous sommes tous d'accord sur le fait que, avant tout, ce qui importe, c'est la répartition, alors il faut que les décisions sur la répartition soient prises.
Vous me direz : qu'attend-on pour les prendre ? Eh bien, nous avons mis en place une méthode, qui a consisté à engager une concertation, et je ne crois pas que la concertation soit du temps perdu. A cet égard, nous avons peut-être une différence d'appréciation.
Cette méthode a conduit à un diagnostic que vous considérez comme peu partagé, mais dont je pense, pour ma part, qu'il a été partagé sinon par 100 % des acteurs, du moins par une large fraction d'entre eux. En cette matière comme dans d'autres, la concertation n'est donc pas du temps perdu. Je crois d'ailleurs me rappeler que, pour ne pas avoir choisi cette voie, la majorité précédente a connu - ce devait être vers la fin de l'année 1995 - quelques désordres qui ne sont peut-être pas totalement étrangers à la façon dont l'histoire politique de notre pays s'est organisée dans les années suivantes.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Laissez les historiens en débattre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce sont des matières complexes, il y faut du temps, il y faut de la concertation, et vous ne convaincrez pas le Gouvernement que la concertation est du temps perdu.
Outre les raisons de calendrier et de méthode, il y a aussi des raisons de contenu.
Sur le contenu, je dois à la justice de dire que des progrès considérables ont été réalisés dans votre expression et, au-delà de l'expression, dans ce que vous traduisez dans le texte que vous proposez. En effet, vous vous êtes finalement rangés à notre vision des risques de « siphonnage », si vous me passez l'expression, de la répartition que comportait le texte dit « loi Thomas ». Dans votre proposition de loi, vous avez corrigé ce point, comme vous l'avez souligné. Je vous en donne acte et je suis ravi de voir que vous nous rejoignez.
M. Charles Descours, rapporteur. Alors, donnez-nous un avis favorable !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De ce point de vue, monsieur le rapporteur, puisque vous avez commencé en citant Boileau - « Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage » - j'admets que vous avez progressé. Cela étant, vous n'êtes pas encore au bout : vous en êtes à la dix-neuvième fois, la vingtième viendra en son temps.
M. Charles Descours, rapporteur. Ce sera vous ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Même si vous avez progressé, il reste cependant des divergences entre nous, et la principale d'entre elles, me semble-t-il - c'est une divergence de principe sur le sens de votre réforme, et elle est forte - c'est que, si votre texte pose encore des problèmes au-delà des questions techniques mais c'est peu de chose - sur les cotisations à prélever sur ces sommes, il continue, de mon point de vue, à mettre en cause les droits collectifs des salariés en prévoyant, comme le faisait d'ailleurs déjà la loi Thomas, la possibilité d'une mise en place unilatérale, après une concertation de six mois qui, encore une fois, me semble être un peu un alibi.
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai porté sa durée à un an !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur : le délai que vous avez prévu est effectivement plus long. Cela étant, à partir du moment où, au terme du processus, on peut prendre des décisions sans tenir compte des résultats de la concertation, on voit bien que l'on vide celle-ci de l'essentiel de sa signification ! En effet, si un accord n'a pas été trouvé, il suffit d'attendre sans chercher à parvenir à une solution collective et, au bout d'un an, on a les mains libres.
Je suis surpris qu'une majorité sénatoriale qui n'a jamais suffisamment de voix pour critiquer l'unilatéralité de nos décisions, en matière de trente-cinq heures par exemple - sur un sujet comme celui-là, combien de fois ai-je entendu dire qu'il fallait laisser la négociation jouer librement sans que l'Etat s'en mêle et sans imposer de décision unilatérale ! - puisse adopter une telle attitude dans notre débat d'aujourd'hui.
Ce qui vaut pour le temps des hommes me semble valoir plus encore pour l'accumulation financière et, si je peux concevoir qu'un gouvernement prenne des décisions à propos du temps de vie et de travail des hommes, j'estime que, lorsqu'il ne s'agit que d'affaires financières, on doit laisser la négociation aboutir, proscrire les décisions unilatérales et ne pas mettre en place des procédures qui risqueraient de vider finalement la concertation de sa substance, de telle sorte que, au bout d'un an - pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, d'avoir manqué le passage de six mois à un an - on puisse, au sein de l'entreprise, faire ce que l'on a décidé de faire sans avoir obtenu l'accord des salariés. Je crois qu'il y a donc véritablement là une différence entre nous, et elle est d'importance.
Quels sont les choix du Gouvernement en la matière ? D'abord, et cela ne vous surprendra évidemment pas, consolider le régime de retraite par répartition. Il y a des problèmes d'équilibre financier, la France vieillit - ce qui, d'ailleurs, n'est pas en soi un drame - et ce pour plusieurs raisons profondes : une natalité sans doute plus faible qu'on pourrait le souhaiter, mais aussi les progrès de la médecine et l'allongement de la durée de la vie, dont personne ici ne se plaindra.
Pour faire face à ces problèmes, il faut prendre des décisions. Le Gouvernement les a annoncées pour la fin de cette année ou le début de l'année prochaine.
Certaines ont d'ailleurs déjà été prises : je pense notamment au fameux fonds de réserve,...
M. Charles Descours, rapporteur. Nous l'avons voté !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances de l'industrie. ... qui a été l'objet de vos lazzis répétés.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. De nos questions insistantes, plutôt !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'il s'agit de questions, je vais donc essayer d'y répondre, d'autant plus que M. Arthuis réclamait tout à l'heure des explications.
S'agissant d'un fonds de réserve, il est évidemment toujours facile de dire qu'il n'y a pas assez. Il n'y a sans doute jamais assez ! Personne ne prétend, au demeurant, que le fonds de réserve suffira en lui-même à tout résoudre. Il est toutefois quelque peu paradoxal de dire tout à la fois qu'il n'y a pas assez et qu'il faudrait plus !
Quoi qu'il en soit, heureusement qu'on l'a créé ! Il est certes insuffisant, mais on ne peut pas nous reprocher la création d'un outil et en demander le renforcement. Sa création est donc heureuse, même s'il eût été préférable d'en prendre l'initiative plus tôt.
Il s'agit maintenant de l'alimenter. Les deux milliards de francs qui ont été évoqués ne constituent qu'une ouverture de compte, à l'instar du dépôt de quelques francs que l'on fait à la banque pour ouvrir un nouveau compte. Par la suite, M. Marini a en effet rappelé que la loi portant réforme des caisses d'épargne permettrait l'affectation d'une quinzaine de milliards de francs à ce fonds et M. le Premier ministre a annoncé voilà quelques jours à Strasbourg que les excédents des régimes sociaux représenteraient eux aussi l'équivalent d'une quinzaine de milliards de francs.
M. Charles Descours, rapporteur. Grâce à la loi de 1994 !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il nous faudra avancer ainsi, année après année.
Si la croissance se maintient - ce que je pense - les excédents sociaux dégagés seront versés au fonds de réserve, qui pourra atteindre plusieurs dizaines de milliards de francs,...
M. Charles Descours, rapporteur. Merci pour la branche famille !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et nous serons déjà à 15 ou 30 milliards de francs d'ici à deux ans.
Vous disiez, monsieur Descours, que, pour lisser la bosse démographique, il faudrait 15 à 20 milliards de francs. Nous les aurons, nous aurons sans doute davantage. Toutefois, cela ne suffira pas, je pense qu'il faudra plus. Mais c'est le chiffre que vous avez cité !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. On en est loin !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, monsieur Marini : 15 milliards de francs provenant des caisses d'épargne et 15 milliards de francs d'excédents sociaux, cela fait deux fois 15 milliards de francs ! On est donc assez près de 30 milliards de francs !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce ne sont pas les chiffres de M. Charpin !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Charpin dépose son rapport, le Gouvernement décide de sa politique.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. M. Charpin est convaincant !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous disposerons donc, avec ce fonds de réserve, des moyens d'atténuer les effets de la bosse démographique. Loin de moi l'idée de dire que le fonds résoudra le problème, mais il contribuera à l'émergence d'une solution.
Nombre d'entre vous se sont interrogés sur le mode de gestion du fonds de réserve.
Le décret d'organisation de ce fonds vient d'être validé par le Conseil d'Etat. Il sera donc publié dans les prochains jours, ce qui devrait satisfaire une part de vos interrogations.
Mais allons plus loin. A la Haute Assemblée, qui se caractérise par la qualité de son travail et par son goût de la réflexion de fond, je veux soumettre le raisonnement suivant, que nous avons, me semble-t-il, déjà eu l'occasion d'aborder au sein de la commission des finances : l'un d'entre vous se demandait tout à l'heure comment cet argent serait utilisé. Cette interrogation est légitime ! Eh bien ! cet argent sera consacré à l'achat d'actions, ce qui nous permettra d'ailleurs d'orienter une part de l'épargne française vers la structuration du capital des entreprises françaises.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Sous l'influence de l'Etat ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certes ! Mais que souhaitez-vous ? Vous disiez tout à l'heure avoir voté pour la création du fonds de réserve. Vous avez, de ce fait, accepté que l'Etat ait une influence sur le choix des actions qui seront détenues par le fonds ! Ou alors il faudrait que l'on tire à pile ou face ? Non ! Il faut bien que ce soit l'Etat qui décide, puisque c'est un fonds public.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Qui va gérer ? L'Etat en direct ? M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ou bien il ne fallait pas voter la création de ce fonds, ou bien il faut accepter l'idée que, effectivement, certains fonds publics soient investis en actions. Or je pense que vous l'acceptez, puisque vous avez voté ce fonds. Dès lors, les sommes qui seront affectées à ce fonds seront réparties non pas obligatoirement uniquement en actions, mais aussi en obligations, en emprunts d'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ah bon ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il me vient d'ailleurs une idée. Certains envisagent en effet de vendre telle ou telle entreprise publique pour nourrir le fonds de réserve. Mais vendre une entreprise publique, obtenir de l'argent en échange, nourrir avec cet argent le fonds de réserve et racheter des actions avec le fonds de réserve, c'est un peu Gribouille qui se jette à l'eau ! Autant garder tout de suite les actions de l'entreprise publique que nous possédons ! En effet, quand on y réfléchit, on s'aperçoit que le secteur public de notre pays constitue déjà une part très importante des actions investies par la puissance publique dans des entreprises, qui constituent elles-mêmes à elles seules un fonds de réserve d'une somme cette fois-ci bien supérieure aux 15 ou 30 milliards de francs dont on parlait tout à l'heure.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Quid de la répartition des risques ?
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. Arthuis, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, prenons le cas des entreprises publiques.
La semaine dernière, nous avions dans cet hémicycle un débat à propos de la transcription dans notre droit positif de la directive européenne sur l'électricité.
On veut la transparence ? Très bien ! J'avais alors pensé que, dans ces conditions, nous pourrions contribuer à la sincérité des comptes d'EDF ! Or, EDF ne constate pas, nous le savons, sa dette de retraite dans sa comptabilité.
Dans ces conditions, s'agit-il de constituer un fonds avec des actions, que détiendrait l'Etat, d'entreprises qui n'auraient pas elles-mêmes constitué de provisions pour dettes de retraite ? J'ai peur qu'au total il n'y ait beaucoup de déception !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne vois pas pourquoi il y aurait déception ! Au demeurant, il faudra bien, un jour, que l'on ait des idées plus claires sur les dettes sociales des entreprises, et pas seulement publiques mais aussi privées, car ces dernières ont le même problème de passif social et actuariel !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il y a des comptes certifiés !
M. Charles Descours, rapporteur. Les commissaires aux comptes ne laissent pas faire !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela ne change rien au fait que EDF, que vous citez, a une grande valeur,...
M. Jean Arthuis. Et Gaz de France également !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... quelle que soit la façon dont on l'estime, et que, s'il s'agissait - ce qu'à Dieu ne plaise ! - de vendre EDF pour la racheter ensuite avec le fonds de réserve abondé des sommes ainsi dégagées, ce serait une bien mauvaise gestion. Autant en rester là où nous sommes !
Quant à vous, monsieur Arthuis, qui avez été un grand défenseur - à juste raison, d'ailleurs - de la mise en place d'une comptabilité patrimoniale, vous serez le premier à reconnaître que le patrimoine de l'Etat est considérable et qu'il constitue, au travers de l'idée même d'un fonds de réserve, un élément important pour notre pays et pour la stabilité de son système de répartition.
Consolider la répartition, c'est donc notre première ligne, et le Gouvernement n'en démordra pas.
Au-delà, nous devons certainement offrir un cadre adapté à l'épargne qui se dirige vers la retraite, et tout ce que vous avez dit à ce sujet est partagé par la majorité, même si tous les Français ne peuvent pas épargner pour leur retraite. Certains ont en effet des revenus qui leur permettent juste de consommer, parfois même mal.
Toutefois, à partir d'un certain niveau de revenu, qui n'est pas obligatoirement très élevé, une certaine épargne se dégage et nous savons tous que la préparation de la retraite est l'une des motivations principales de l'épargne. Nous devons donc lui offrir un cadre. Or, aujourd'hui, dans la situation actuelle, les plus aisés peuvent trouver des systèmes adaptés, mais tel n'est pas le cas des épargnants plus modestes.
Pour autant, ne nous leurrons pas sur la réalité macro-économique de ce phénomène. Tout à l'heure, M. Mélenchon a fort pertinemment axé une partie de son discours sur cet aspect précis de théorie circulatoire. Je voudrais y revenir quelques instants, tout en craignant de ne pas faire preuve du même brio.
Ce qui permet à un pays qui compte une part plus importante de personnes à la retraite que de personnes actives de nourrir tout le monde, c'est l'activité, la productivité des actifs.
Supposons que les actifs produisent une année cent kilos de carottes - pardonnez-moi le caractère trivial de cet exemple. Il faut bien qu'interviennent une répartition, un partage de ces cent kilos de carottes entre ceux qui ont travaillé, qui les ont produits, et ceux qui, étant à la retraite, ne les ont pas produits. Quelle est la clé de répartition ?
Dans un pays comme le nôtre, qui a un système de retraite par répartition, elle résulte des droits conventionnels qu'ont acquis ceux qui sont aujourd'hui à la retraite et qui, lorsqu'ils travaillaient, ont alors renoncé à consommer une part de la production à laquelle ils avaient eux-mêmes participé pour acquérir des droits à une part de la production future.
Aux termes de ce système conventionnel, les actifs, en versant leurs cotisations, renoncent à une part de ce qu'ils pourraient consommer, mais acquièrent ainsi des droits qui leur serviront plus tard. Quand ils les feront valoir, ils auront accès à une part de la production qu'ils n'auront pas produite puisqu'ils seront à la retraite. C'est simple !
Un système qui repose sur l'épargne n'est pas différent. En effet, si, pour préparer votre retraite, vous achetez aujourd'hui une obligation, un emprunt d'Etat, que vous le fassiez individuellement ou au travers d'un fonds collectif, vous achetez un morceau de papier, témoin de votre renoncement actuel à une part de votre consommation. Quand vous le produirez sur le marché, ce que vous obtiendrez en échange vous permettra de participer à la consommation d'une partie des carottes que vous n'aurez pas produites. La mécanique est rigoureusement la même.
La valeur de votre droit conventionnel dans le système de retraite peut varier ; c'est le problème de la valeur des points de retraite. La valeur du titre que vous achetez comme témoin quand vous êtes actif pour le revendre quand vous serez inactif peut varier également ; c'est le fonctionnement du marché. Ni l'un ni l'autre n'est jamais garanti, mais la mécanique est rigoureusement la même.
Le problème est de savoir, au bout du compte, comment la société partage la production d'aujourd'hui entre ceux qui l'ont produite et ceux qui ne l'ont pas produite. Pardonnez-moi d'avoir été long sur un sujet qui m'intéresse.
Gardons-nous de l'illusion qui tendrait à nous faire croire qu'en préférant un système d'épargne - l'achat d'une obligation - à un système de retraite, on résoudrait un problème qui, lui, repose uniquement sur l'activité, la production et le nombre des consommateurs.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous n'avons jamais dit cela !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. On échappe aux prélèvements obligatoires !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certes, personne ici ne peut entretenir cette illusion.
Le débat qui a eu lieu dans le pays m'a toutefois laissé entendre que certains étaient tentés d'y succomber et croyaient un peu au caractère magique que pourrait avoir un système d'épargne par rapport à un système de répartition.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Chacun sait qu'en finances la magie n'existe pas !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si ce n'est pas cela qui en cause, nous sommes donc simplement en présence d'un problème de technique. Et il faut laisser chacun libre de partager la façon de préparer sa retraite entre la répartition et son épargne personnelle, ce qui se pratique d'ores et déjà. Il faut donc mettre en place un instrument adapté sans pour autant augmenter le taux d'épargne.
A en croire certains, nous favoriserions ainsi l'accumulation de capitaux qui nous permettraient ceci ou cela.
En fait, il ne s'agit pas d'accumuler plus de capitaux que nous n'en accumulons aujourd'hui. En effet, si nous accumulions plus de capitaux que nous le faisons aujourd'hui, c'est parce que la consommation aurait baissé ! Nous entrerions alors dans un cycle de politique économique que nous avons traversé il n'y a pas si longtemps et, qui ne m'a pas laissé d'excellents souvenirs en matière de taux de croissance.
Si notre taux de croissance est depuis deux ans supérieur à celui de nos voisins et à celui que nous avons connu dans le passé, c'est que la répartition entre l'épargne et la consommation est dorénavant différente. Le taux d'épargne fléchit lentement et il n'est pas souhaitable pas pour la croissance d'assister, dans les années à venir, à une augmentation massive du taux de l'épargne.
Il s'agit donc de l'épargne qui existe, qui est d'ores et déjà consacrée à la retraite, mais qui manque des instruments adaptés que nous devrions lui fournir.
En conclusion, Mme Aubry et moi-même travaillons à la mise au point d'un dispositif. Plus collectif que celui que vous avez proposé, il doit obligatoirement reposer sur l'accord des partenaires sociaux et être accessible à tous les salariés.
Je souhaite qu'il soit plus solidaire, ce qui suppose la mise en place de modalités de fiscalité différentes de celles que vous retenez.
Enfin, ce dispositif doit être plus centré sur la protection des adhérents que ne l'est votre texte. Cela conduit à une certaine forme d'association des partenaires sociaux au contrôle même de ces fonds.
Sous ces trois réserves - mais elles sont très importantes - nous voyons effectivement dans votre texte une avancée que je salue, notamment parce que les versements seront soumis aux cotisations sociales.
Si donc le Gouvernement s'oppose à ce texte, c'est non pas en raison de son origine, ce qui serait absurde, mais parce qu'un désaccord subsiste sur certains points.
Je ne désespère pas que la discussion permette de continuer les rapprochements.
Etant pris par une opération industrielle dont vous entendrez parler dans quelques heures, puisqu'elle ne sera révélée qu'à ce moment-là, je ne pourrai malheureusement pas participer aux débats de cet après-midi, mais Mme Lebranchu me suppléera. L'opposition qu'elle manifestera au texte que vous avez proposé tiendra non pas à un désaccord total mais à un différend sur la méthode et les principes.
La mission que le Gouvernement a confiée à MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld doit permettre d'éclaircir les positions des uns et des autres, notamment des partenaires sociaux, sur l'épargne salariale.
M. Charles Descours, rapporteur. Je leur enverrai mon rapport !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les conclusions qu'elle rendra au mois de janvier prochain concernent l'ensemble de l'épargne salariale. A partir de là, le Gouvernement proposera, sur cette question, un texte qui visera à apporter aux salariés de notre pays les moyens d'affecter correctement leur épargne à leur retraite.
Comme je le disais en préambule, ce débat est néanmoins tout à fait utile puisqu'il traduit des avancées que je veux saluer. A l'occasion de la discussion des articles, l'ensemble de ces points pourront être plus clairementanalysés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, je souhaite, en l'instant, non pas répondre à M. le ministre - nous aurons l'occasion de nous exprimer lorsqu'il viendra défendre ici le projet qu'il a annoncé -, mais corriger un lapsus qui a modifié le sens de mon intervention.
Voici ce qu'il fallait entendre, et qui figurait dans le texte écrit de mon discours : « Ce n'est pas deux, quinze, trente milliards de francs qui seront nécessaires, mais des centaines de milliards de francs si l'on souhaite réaliser un simple fonds de lissage, et des milliers de milliards de francs si l'on souhaite créer un fonds permanent qui financerait par les produits financiers les besoins futurs. » M. le président. Acte vous est donné de cette rectification, monsieur le rapporteur.
Mes chers collègues, il me serait agréable de donner la parole à M. Fischer pour défendre la motion qu'a déposée son groupe, mais il serait à craindre, dès lors, que je ne puisse interrompre nos travaux à treize heures pour les reprendre à quinze heures, comme m'y oblige la décision prise en conférence des présidents et approuvée par le Sénat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

CANDIDATURES À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Pierre Martin pour siéger en qualité de titulaire, de M. Jean Bernadaux et de Mme Hélène Luc pour siéger en qualité de suppléants au sein de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 octobre 1999, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au pacte civil de solidarité.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

6

ÉPARGNE RETRAITE

Suite de la discussion et adoption des conclusions
modifiées du rapport d'une commission

M. le président. Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport de M. Charles Descours, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 187, 1998-1999), de MM. Charles Descours, Louis Althapé, Pierre André, Roger Besse, Paul Blanc, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Jean Bernard, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Gérard César, Désiré Debavelaere, Jacques-Richard Delong, Robert Del Picchia, Michel Doublet, Alain Dufaut, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Bernard Fournier, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Robert Laufoaulu, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Paul Masson, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux, Henri de Richemont, Michel Rufin, Louis Souvet, René Trégouët, Alain Vasselle et Jacques Valade visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite et la proposition de loi (n° 218, 1998-1999) de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste visant à instituer des plans d'épargne retraite.
Je rappelle que la discussion générale a été close.

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi par Mme Luc, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Descours et plusieurs de ses collègues visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite et sur celle de M. Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste visant à instituer des plans d'épargne retraite (n° 8, 1999-2000). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, reprochant au Gouvernement son immobilisme sur le sujet brûlant des retraites, jouant du catastrophisme ambiant concernant les conséquences de la fin de la période d'activité professionnelle des classes d'âge du baby-boom, opposant une fois de plus les salariés du secteur public aux salariés du secteur privé, mais surtout pressée, non sans arrière-pensées, de prétendument réformer le système français de retraite par répartition pour, en fait, justifier la mise en place des fonds de pension, la droite multiplie, c'est le moins que l'on puisse dire, les initiatives parlementaires.
A la fin du mois de janvier dernier, l'Assemblée nationale a examiné un texte, issu de la réflexion de M. Douste-Blazy, tendant à créer des plans de prévoyance retraite.
Au cours du débat sur cette question de fond, la droite est apparue divisée. M. Barrot, rapporteur du texte, qui s'est opposé à la création d'un étage supplémentaire obligatoire de retraite « qui risque d'accroître les prélèvements obligatoires et de limiter le rôle de la négociation collective » - je reprends ses propres termes - s'est empressé de corriger le dispositif pour le rendre « plus souple », sans pour autant bouleverser l'économie générale de ce texte empreint d'une forte inspiration libérale.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ultra-libérale !
M. Guy Fischer. Sur le même sujet, deux propositions de loi ont été tour à tour déposées sur le bureau de notre Haute Assemblée.
Largement inspirée de la version amendée de M. Douste-Blazy, la proposition de loi de M. Descours tente, mais sans y parvenir, de gommer les griefs invoqués contre la loi Thomas du 25 mars 1997. Les fonds de retraite proposés seraient facultatifs et négociés. Les efforts supplémentaires demandés aux cotisants - salariés et employeurs - seraient soutenus par de fortes incitations fiscales et des dégrèvements de cotisations sociales.
S'agissant des exonérations de cotisations sociales, alors que la proposition de loi de M. Arthuis exonère de cotisations sociales, y compris de cotisations vieillesse, l'abondement des employeurs, le dispositif prévu dans la proposition de loi de M. Descours circonscrit quelque peu les exonérations de cotisations vieillesse. Pour autant, et cela ne trompe personne, au fond, l'objectif poursuivi est le même : généraliser un étage supplémentaire de retraite par capitalisation en développant, au détriment du système par répartition, l'épargne retraite.
Saisie de ces deux propositions de loi, la commission des affaires sociales, suivant les conclusions de son rapporteur, a « rebâti » - c'est surprenant ! - un texte complet, réaffirmant le mécanisme général défini par la loi Thomas.
Contrairement à vous, messieurs de la majorité sénatoriale, partisans nostalgiques de la loi Thomas - M. Marini nous en a apporté la preuve - nous sommes satisfaits qu'aujourd'hui cette dernière n'ait pu être appliquée et que le Gouvernement se soit engagé en faveur de son abrogation.
Je partage pleinement les arguments développés par le Gouvernement par la voix de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité pour justifier cette décision.
En détournant des ressources complémentaires pour la sécurité sociale, l'épargne retraite est une véritable menace pour la répartition.
Inégalitaire, injuste, elle accorderait des avantages à certains seulement.
Enfin, « solution individuelle, non collective et négociée », la capitalisation telle qu'elle est envisagée par la loi du 25 mars 1997 fait fi des droits collectifs des salariés.
Vous entendez donc à nouveau initier un débat sur cette base, débat biaisé qui s'appuie sur le diagnostic et les conclusions, à notre sens alarmistes, développés par M. Jean-Michel Charpin.
Simple prétexte politicien pour, d'une part, tenter de prendre de vitesse le Gouvernement, qui, sur le fond, a engagé avec l'ensemble des forces sociales une concertation sur les réponses à apporter au problème de la répartition - M. le ministre nous l'a rappelé ce matin - et, d'autre part, donner l'écho aux propos tenus par Jacques Chirac lors de son allocution du 14 juillet ou, plus récemment, devant la Fédération internationale des personnes âgées, exhortant le Gouvernement à faire des choix de société concernant les retraites.
Si, aujourd'hui, les trois quarts des salariés s'inquiètent quant à l'avenir de nos régimes de retraite, c'est que tous sont très légitimement et profondément attachés au système de la répartition, système solidaire, juste, instauré en 1945 à la suite de la faillite - je vous le rappelle - mes chers collègues - des systèmes de capitalisation et qui, depuis, a largement fait les preuves de son efficacité et de ses vertus en termes de solidarité.
Même si de profondes inégalités perdurent, le revenu moyen des retraités est à peu près égal à celui des salariés. Pour autant, les retraités ne sont pas des nantis ! N'oublions pas qu'à plusieurs reprises ces derniers ont fait les frais de votre politique, messieurs de la droite sénatoriale !
Dois-je rappeler ici la nocivité des décisions prises depuis 1987 : la désindexation du calcul des retraites, l'allongement de 150 à 160 trimestres de la durée de cotisation ouvrant droit à une retraite à taux plein, la référence aux vingt-cinq dernières années et non plus aux dix meilleures comme base de calcul, ou les accords ARRCO-AGIRC ?
Vous avez beau jeu de constater qu'une partie des Français sont tentés de rechercher individuellement des réponses dans les produits financiers !
N'êtes-vous pas responsables de la situation actuelle, des problèmes conjoncturels de financement de la protection sociale ?
Votre logique de réduction du coût du travail, d'amenuisement continu de la contribution des entreprises n'a-t-elle pas fragilisé les comptes sociaux, le régime vieillesse notamment ?
A dessein, vous mettez en exergue le problème de la démographie. S'il est exact qu'en 2015 deux actifs cotiseront pour un retraité, alors qu'en 1930 le rapport était de quatre pour un, et qu'en plus, du fait de l'allongement de la durée de vie, la durée moyenne de la retraite se trouvera accrue par rapport à la période d'activité, vous négligez de présenter les dimensions économiques et sociales du problème.
Pourtant, le niveau et la qualité de l'emploi sont des éléments clés ! Pourquoi occulter le fait que si, la population réellement active se développe à un rythme soutenu, avec la création de plusieurs centaines de milliers d'emplois par an, le « choc démographique » pourra être amorti ? Vous connaissez pourtant aussi bien que moi les prévisions de croissance !
De toute façon, le problème de ce choc démographique se posera que l'on ait fait le choix initial de la répartition ou de la capitalisation. Quoi qu'il en soit, la part du PIB versée aux retraités ira croissante, qu'elle soit prélevée sur les revenus du capital ou les cotisations des salariés, sauf à enfermer ces derniers dans une pauvreté grandissante.
Dès lors, je ne vois pas en quoi l'institution d'un troisième niveau de retraite par capitalisation sauverait l'actuel système de retraite par répartition !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Guy Fischer. Présenté à tort comme un moyen d'améliorer la protection sociale des salariés, il contribuera, en fait, à la fragiliser et il justifiera à terme le gel de toute décision nécessaire au renforcement de la répartition.
De plus, comment prétendre que l'objet est social quand, au lieu d'apporter des garanties, on introduit les risques inhérents aux placements financiers et l'on renforce les inégalités sociales ?
Le Monde diplomatique a repris récemment des extraits d'un ouvrage publié voilà dix-sept ans par MM. Dominique Strauss-Kahn et Denis Kessler. Je constate d'ailleurs que M. le rapporteur a les mêmes lectures que moi !
M. Charles Descours, rapporteur. Quel apparentement terrible !
M. Guy Fischer. Mais nous n'avons pas lu les mêmes passages !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A chacun son histoire !
M. Guy Fischer. En fait, la messe peut-être dite de deux façons différentes !
M. Charles Descours, rapporteur. La messe, il vaut mieux que ce soit moi qui la dise ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Je vais vous la dire, la messe !
Denis Kessler écrivait qu'« il est difficile de conclure sur l'aptitude des systèmes de capitalisation à résister aux fluctuations économiques... » ou que « la capitalisation individuelle apparaît comme réservée à certains » - la démonstration en a été faite ce matin - « et la volonté de préparer sa retraite comme une motivation profonde qui aboutit » - j'ajouterai "inexorablement" - « à des inégalités de patrimoine beaucoup plus élevées que les inégalités de revenus ».
Arrêtons de duper les Français qui, de plus en plus nombreux, prennent conscience des privilèges d'une minorité ! Je pense plus particulièrement au récent scandale des stock-options révélé par l'affaire Jaffré.
Qu'ils soient français ou anglo-saxons, dénommés « fonds de pension » ou « fonds d'épargne retraite », l'objectif des produits financiers demeure la recherche d'un taux optimal de rentabilité financière. L'exemple récent de Michelin témoigne, malheureusement, que les incidences sur les critères de gestion des entreprises dont les fonds de pension sont actionnaires seront catastrophiques pour l'emploi.
Les entreprises, compte tenu de la mondialisation, auraient besoin de ces derniers pour se développer, pour stabiliser leur actionnariat, nous dit-on.
Là encore, il y a tromperie ! En effet, excepté les PME, les capacités d'autofinancement des grandes entreprises sont, depuis quelques années déjà, assez élevées.
De plus, rien ne prouve que les marchés d'actions apportent de l'argent aux entreprises.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Voilà une remarque intéressante ; c'est la première fois que j'entends dire cela !
M. Jean Chérioux. Faut le faire !
M. Guy Fischer. Nous aurons l'occasion par la suite, monsieur Marini, de revenir sur ces problèmes et d'entrer dans le détail.
M. Jean Chérioux. Je l'espère bien.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous l'espérons bien parce que, comme énormité, on ne fait pas mieux !
M. Guy Fischer. Tous les arguments avancés pour convaincre l'opinion publique du bien-fondé des fonds de pension sont fallacieux. Derrière ce débat sur le problème du financement des régimes de retraite par répartition se cache une vraie question, celle de savoir si nous voulons aller vers plus de solidarité entre générations, entre salariés, ou tendre vers plus d'individualisme ?
Les parlementaires communistes font le choix de développer et non de scléroser notre système de protection sociale.
Considérant qu'il convient avant tout de réfléchir aux moyens de garantir à long terme un taux moyen de retraite, nous préférons la répartition plus juste, plus solidaire, et nous proposons notamment, pour financer les retraites de demain, de développer l'emploi stable.
La priorité doit être la consolidation de la répartition, ce qui passe obligatoirement par la réforme du mode de calcul de la cotisation patronale destinée à accroître réellement les ressources de notre système de protection sociale.
Les solutions envisagées par la droite pour appréhender cet enjeu de société ne permettent pas de régler au fond les problèmes pointés. Les objectifs poursuivis, avoués ou cachés, nous sont étrangers. Le débat est déconnecté de la réflexion globale sur la protection sociale, sur les retraites.
Refusant de cautionner ce semblant de débat, ce débat tronqué où l'ensemble des éléments ne sont pas portés avec objectivité à la connaissance de tous, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous invitent, mes chers collègues, à voter la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je demande la parole contre la motion.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous avons entendu tout à l'heure M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur nombre de sujets, nous ne sommes naturellement pas d'accord avec lui, mais j'ai cru comprendre qu'il considérait que ce débat était utile et légitime.
M. Alain Gournac. C'est ce qu'il a dit !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est ce que nous avons entendu, n'est-ce pas ?
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. J'ai cru comprendre aussi que, par rapport à notre proposition de loi, s'il éprouvait quelques réserves et s'il estimait qu'il demeurait quelques différences, au total - c'est mon interprétation - ces différences ne nous plaçaient plus dans des positions diamétralement opposées.
Il y a, certes, une vision qui n'est pas tout à fait la même sur le caractère obligatoire ou facultatif de l'adhésion aux plans de retraites. Il y a également des divergences sur la place de l'accord collectif. Faut-il, en l'absence d'accord collectif, qu'une possibilité d'adhésion existe ? Bien des sujets prêtent encore à débats.
Mais, lorsque je vois, cet après-midi, que les travées du groupe socialiste sont totalement désertées et que cela permet à certains de nos collègues de ne pas s'exprimer sur une question préalable tendant à éviter de débattre des articles de cette proposition de loi, je ne peux m'empêcher d'en inférer un certain malaise, quelques divergences d'appréciation significatives, qui, d'ailleurs, s'expriment dans d'autres lieux, ces temps-ci, et sur beaucoup de sujets, sur des questions de législation économique, financière, sociale.
Mme Hélène Luc. C'est notre affaire ! Donnez vos arguments !
M. Guy Fischer. Et au sein de vos groupes ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Dans cet ordre d'idées, j'ai été très heureux d'entendre M. Mélenchon, au cours de la discussion générale. Son intervention montre bien - mais après tout, c'est la démocratie...
Mme Hélène Luc. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... qu'il demeure, au sein de la majorité gouvernementale, une ligne idéologique fermement opposée, pour des raisons de principe, à toute apparition d'un système d'épargne retraite.
L'intérêt du débat de ce matin a été de montrer que cette ligne idéologique est cantonnée dans une certaine fraction de la majorité plurielle.
Pour les autres, c'est-à-dire pour ceux qui côtoient les réalités et qui ont en charge l'essentiel de la gestion... (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Robert Bret. Nous aussi, nous les côtoyons !
Mme Nicole Borvo. Mais nous ne voyons pas les mêmes réalités !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... il y a forcément des choses auxquelles il est nécessaire de penser, car elles répondent à l'évolution de notre pays, dont les frontières ne sont plus étanches et qui vit dans un monde de compétition.
Pour l'ensemble de ces raisons, il me semble tout à fait opportun de rejeter la question préalable qui a été présentée par le groupe communiste républicain et citoyen. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Après M. Philippe Marini, je me réjouis que M. Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ait annoncé ce matin que, dans le courant du premier semestre de l'an 2000, le Gouvernement présenterait un projet de loi sur l'épargne retraite.
Par-delà nos affrontements et les discussions qui se tiennent à l'intérieur de la majorité plurielle, après avoir argumenté sur ce que nous n'avions pas fait - c'est la règle du jeu démocratique - M. Strauss-Kahn a dit l'intérêt qu'il y aurait à développer l'épargne retraite, dès que le Premier ministre aurait défini les règles du jeu non seulement sur l'épargne retraite mais aussi sur la réforme de la retraite par répartition.
Je me réjouis donc de l'annonce de M. le ministre de l'économie et des finances. Je lui ai suggéré d'amender notre proposition de loi, puisque nos positions n'étaient pas si éloignées. Mais j'ai cru comprendre que le Gouvernement souhaitait présenter son propre texte. Nous verrons bien, lorsqu'il le présentera, si nous voulons l'amender !
L'intérêt du débat de ce matin, c'est qu'au-delà de divergences sur le principe le ministre de l'économie et des finances, qui est un membre éminent du Gouvernement, a annoncé que l'épargne retraite était désormais indispensable à notre pays, comme dans tous les pays développés.
Je voudrais maintenant répondre notre collègue qui a défendu la question préalable.
Comme je l'ai dit ce matin au début de cette discussion, nous sommes attachés aux retraites par répartition.
M. Jean Chérioux. Absolument !
Mme Hélène Luc. Alors, restons-en là !
M. Charles Descours, rapporteur. Madame Luc, on ne peut pas, dans le même temps, nous reprocher d'être contre le système par répartition et reprocher au gouvernement de M. Balladur de l'avoir réformé.
Si nous n'avions pas été favorables au système des retraites par répartition, nous l'aurions laissé s'effilocher, comme le gouvernement actuel le fait. Or, on reproche à M. Balladur d'avoir réformé le régime des retraites en 1993 !
M. Jean Chérioux. Il était temps, d'ailleurs !
M. Charles Descours, rapporteur. Dire que nous ne sommes pas disposés à défendre le système par répartition n'est pas sérieux !
Le système de retraites par répartition constitue un des piliers importants de notre consensus républicain. Je me réjouis d'ailleurs qu'il soit une des valeurs communes à tous ceux qui siègent sur ces travées.
Je ferai maintenant part de quelques réflexions plus précises.
Monsieur Fischer, nous sommes, bien sûr, d'accord avec le Président de la République, mais nous n'avons pas du tout obéi à un quelconque diktat, comme vous en avez eu l'impression. (Vives exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Sur ce sujet plus précis, vous êtes peut-être mieux placé que moi d'ailleurs !
C'est le 14 juillet que M. le Président de la République a parlé pour la première fois des retraites publiquement. Or, la proposition de loi de M. Jean Arthuis comme la mienne avaient été déposées au mois de février.
Je me réjouis que nous soyons en concordance avec le Président de la République, mais ce n'est pas parce qu'il a parlé de cette question que nous avons déposé ces propositions de lois.
Mme Hélène Luc. Mais vous avez de la suite dans les idées !
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai par ailleurs été ravi que M. Fischer cite dans son propos Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité ; j'ai été navré, en revanche, de n'entendre ni le nom ni le titre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Fischer, nous avons tous les deux une culture politique. Notre culture, à nous - c'est peut-être l'un de nos défauts, aujourd'hui - c'est que nous avons été longtemps dans la majorité et que nous avons probablement encore une espèce de culture majoritaire qui nous empêche souvent de faire preuve d'une opposition systématique. Vous, par contre, vous avez plutôt une culture d'opposition.
Nous sommes, dites-vous, responsables de la situation actuelle. Pourtant, des ministres communistes ont siégé au gouvernement pendant plus de dix ans, depuis 1981, alors que nous, nous n'avons été au pouvoir que pendant six ans. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Dès lors, qui est responsable de la situation actuelle ?
Mme Nicole Borvo. C'est formidable !
M. Charles Descours, rapporteur. C'est vrai, les ministres communistes sont souvent en désaccord avec les ministres socialistes. Alors, ils démissionnent, comme en 1984. Et aujourd'hui, chacun le sait bien, il y a débat, par exemple, pour savoir s'il faut manifester avec M. Hue ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Le débat au sein du parti communiste est permanent, depuis seize ans, sur la participation ou non au gouvernement.
Par ailleurs, depuis 1981, il y a eu plus de ministres communistes au gouvernement que de ministres RPR ou UDF.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas le problème ! Vous êtes à bout d'arguments !
M. Charles Descours, rapporteur. Essayez de m'expliquer le contraire !
Je rappelle notamment que M. Ralite a été ministre de la santé et qu'il ne s'est pas attaqué au problème des retraites.
M. Guy Fischer. Jusqu'en 1984 !
M. Charles Descours, rapporteur. Et entre 1988 et 1993 ?
Mme Nicole Borvo. Je ne savais pas qu'il y avait eu des ministres communistes en 1988 !
M. Alain Gournac. Vous y êtes, en ce moment, au pouvoir !
M. Charles Descours, rapporteur. Vous étiez dans la majorité !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, un peu de discipline !
M. Charles Descours, rapporteur. Je rappelle encore à M. Fischer que lorsque l'ARRCO et l'AGIRC prennent certaines décisions et comme en 1996, le Gouvernement, quel qu'il soit, n'y est pour rien.
L'ARRCO et l'AGIRC sont des organismes paritaires. Mais cette règle de la parité qui existe depuis plus de cinquante ans, je crains que, à la suite de mesures qui sont actuellement en discussion au Parlement, nous ne la regrettions dans quelques mois. En effet, le Gouvernement a proposé des dispositions qui risquent fort de mettre à mal cette gestion paritaire.
M. Guy Fischer. Ne faites pas de catastrophisme !
M. Charles Descours rapporteur. Venons-en au fond sur la motion.
A la fin de son premier considérant, vous indiquez que vous attendez l'abrogation de la loi Thomas. Vous avez raison. Le Premier ministre, auquel vous apportez votre soutien, l'a d'ailleurs annoncée le 19 juin 1997, dans sa déclaration de politique générale.
De plus, à l'Assemblée nationale, un amendement de M. Gremetz, qui est l'un de vos amis, n'a pas été accepté par le Gouvernement, et Mme le ministre de l'emploi a pris l'engagement, dans le rapport annexé à la loi de financement, d'abroger la loi Thomas quelques semaines plus tard. C'était voilà un an, au moment de la discussion de la loi sur le financement de la sécurité sociale. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Je comprends, certes, ce premier considérant. Toutefois, mes chers collègues, vous devriez l'adresser non pas à la majorité sénatoriale mais au Premier ministre !
Mme Hélèle Luc. C'est une question, c'est sûr !
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous remercie de le reconnaître, madame le sénateur.
En ce qui concerne le deuxième considérant, j'ai beaucoup parlé ce matin de l'assujettissement de l'abondement aux cotisations d'assurance vieillesse. Il paraît que nous avons évolué sur ce point, et M. Strauss-Kahn a dit ce matin qu'il en prenait acte. Tant mieux !
Je relève par ailleurs que nos conclusions ne mentionnent l'exonération des cotisations vieillesse que pour les personnes qui sont au-dessous du seuil de 1,5 fois le SMIC.
En revanche, aujourd'hui, alors que nous allons examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce n'est pas l'opposition qui demande des prélèvements sur la sécurité sociale - les partenaires sociaux l'ont bien dit - c'est le Gouvernement qui opère des prélèvement pour financer les trente-cinq heures, et vous le savez très bien.
En ce qui concerne le troisième et le quatrième considérants, nous sommes clairement contre l'augmentation des prélèvements obligatoires. Vous êtes probablement favorables à une telle augmentation, mais nous considérons, pour notre part, que 45,3 % est un plafond à ne pas dépasser dans la compétition internationale.
Je suis désolé que nous ne soyons pas du même avis sur ce sujet. Sur ce point, nous ne bougerons pas.
S'agissant du cinquième considérant, je dirai qu'il n'est pas vrai que nous ayons du temps. Vous savez d'ailleurs mieux que moi que certaines caisses, notamment la CNRACL, seront en grande difficulté dès 2005.
A ce propos, les directeurs d'hôpitaux généraux m'ont expliqué hier qu'ils seraient incapables de faire face à l'augmentation de 0,5 point de CNRACL qui est prévue l'année prochaine pour équilibrer ce régime. A partir de 2005, les unes après les autres, les caisses vont connaître de graves problèmes. Or, 2005, c'est demain !
Enfin, nous pensons qu'il est du devoir de l'opposition d'alerter l'opinion sur ces problèmes, de dire aux retraités, notamment aux retraités de demain, qu'il convient d'éviter qu'il ne deviennent les nouveaux pauvres de la gauche plurielle.
Le débat n'est pas biaisé, c'est un débat démocratique. Je crains, malheureusement, monsieur Fischer, que vous n'ayez pas beaucoup écouté, ce matin, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avec qui, je vous le repète, malgré nos divergences, nous sommes d'accord pour organiser l'épargne retraite.
En effet, le système actuel permet aux salariés les plus aisés d'avoir un troisième pilier de retraite. Si nous ne réglementons pas ce système, avec le développement des produits financiers qui seront achetables sur l'Internet et des produits qui viendront d'autres pays d'Europe, les inégalités seront encore plus criantes.
M. Jean Chérioux. Certes !
M. Charles Descours, rapporteur. Aussi, monsieur Fischer, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je vous le dis : la lutte contre les inégalités n'est pas toujours du côté que l'on croit ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Je crois que M. Fischer a raison ; il partage avec nous la même vision des choses, à savoir qu'il faut avant tout consolider notre système actuel de retraite par répartition.
Monsieur le rapporteur, je pense que vous interprétez certaines discussions de ce matin à votre avantage cet après-midi.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est ce que nous avons entendu ce matin !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. J'ai lu l'intervention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je n'ai pas trouvé de différence.
M. Guy Fischer. Ils prennent leurs désirs pour des réalités !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Si je voulais vous répondre sur le même terrain, je vous dirais, puisque vous faisiez référence aux débats d'ordre politique qui sont nécessaires à l'équilibre d'une démocratie, que la majorité sénatoriale retrouve une cohésion sur un texte, mais qu'elle n'en a pas toujours une à l'extérieur !
Il y a effectivement nécessité de débattre, nous l'avons dit, mais pas forcément à partir d'un texte du Sénat. En effet, nous sommes prêts à aborder l'ensemble du dossier des retraites, mais seulement l'ensemble.
M. le Premier ministre lui-même a déterminé une méthode ; il en a fixé les contours. Nous ne proposerons de texte qu'au vu des conclusions de la mission qui a été confiée à MM. Balligand et de Foucauld.
Sur ce sujet - c'est pourquoi nous rejoignons ce qu'a dit M. Fischer sur la non-nécessité de ce débat - vous le savez, nos principes sont très différents de ceux des auteurs des propositions de loi qui sont débattues aujourd'hui.
Selon Dominique Strauss-Kahn, dont j'ai lu les propos, depuis le vote de la loi Thomas, l'opposition nationale, qui est la majorité du Sénat, a évolué, puisque le contenu des textes proposés aujourd'hui est différent de celui de la loi Thomas.
Par conséquent, il fallait prendre tels quels les propos de Dominique Strauss-Kahn, sans en faire un commentaire qui aille au-delà de ce qu'il a dit, à savoir que, compte tenu de cette évolution, lorsque nous proposerons un texte, ...
M. Charles Descours, rapporteur. Dont acte ! Merci de le réaffirmer, madame !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... la majorité actuelle du Sénat finira par nous rejoindre sur le fond.
Ce que nous voulons - et c'est ce que disait Dominique Strauss-Kahn ce matin...
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce n'est que de l'amour-propre d'auteur !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... c'est un texte qui s'appuie sur les valeurs que j'ai soulignées au début de mon propos, des valeurs plus collectives, plus solidaires et plus centrées sur la protection des adhérents. En effet, notre objectif prioritaire, celui auquel nous ne dérogerons pas, est bien la consolidation du régime actuel, qui est un exemple de solidarité entre les personnes et entre les générations.
Par conséquent, je rejoins la proposition de M. Fischer, mais nous n'avons peut-être pas beaucoup de temps pour en débattre cet après-midi.
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Le groupe de l'Union centriste repoussera la motion défendue tout à l'heure, un peu laborieusement, par M. Fischer. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo. On vous dispense de vos commentaires !
M. Jean Arthuis. Monsieur Fischer, vous m'étonnez. Ce matin, si j'ai bien compris, M. le ministre de l'écononie, des finances et de l'industrie a bien voulu dire que, finalement, le Gouvernement allait nous rejoindre sur nos propositions.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Il n'a pas dit cela !
Mme Hélène Luc. Là, vous extrapolez un peu !
M. Jean Arthuis. Le texte qui est aujourd'hui en discussion, auquel ont contribué, avec beaucoup d'efficacité et de talent, la commission des affaires sociales et la commission des finances, ouvre plus de liberté et plus de place à la négociation et au partenariat social. Nous nous réjouissons de cette convergence, parce que c'est l'intérêt de la France et de l'ensemble de nos concitoyens.
Monsieur Fischer, vous parlez de solidarité. Je ne vous ai pas entendu dire que la Préfon et le Fontel, systèmes d'épargne retraite respectivement destinés aux fonctionnaires et aux élus locaux, devaient être remis en cause. Que je sache, il y a du volontariat dans la souscription ! Alors, pourquoi voulez-vous priver les salariés des entreprises de la possibilité de s'inscrire dans cette logique d'épargne retraite ? Nous, nous sommes pour l'égalité ; les citoyens, en fonction de leurs capacités du moment, accomplissent cet effort ou y renoncent.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous avez invités à la solidarité. Nous sommes attachés à la répartition, bien sûr. Mais alors, pourquoi ces prélèvements sur les régimes de sécurité sociale afin d'assurer le financement de ce qui, pour l'instant, est à la fois une usine à gaz et l'expression d'un dogme ? Il y aurait quelque cohérence à ne pas exercer de ponction sur ces régimes, faute de quoi vous prendriez le risque de briser le paritarisme dans notre pays.
Mes chers collègues, je crois que nous avons ici un devoir de lucidité.
Monsieur Fischer, la semaine passée, nous discutions de la transcription de la directive « Electricité ». Electricité de France est une très belle entreprise, que nous admirons tous et dont nous sommes fiers, mais elle n'inscrit pas dans ses comptes les charges de retraite, les dettes de retraite.
Est-ce cela la sincérité ? Est-ce cela le pacte républicain ? Est-ce cela l'exigence de transparence ? Je ne le crois pas.
Naturellement, le Gouvernement nous a demandé de renoncer à cette opération vérité !
J'ai compris aujourd'hui que le Gouvernement avait besoin de quelques semaines encore pour convaincre sa composante communiste de se rallier à un projet de loi qui viendra devant le Parlement, assez rapidement, je l'espère.
Alors, que le Gouvernement s'investisse totalement pour convaincre les auteurs de la motion ! C'est le souhait que j'exprime, et, pour ma part, avec tous les membres de mon groupe, je repousserai la motion.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, mes chers collègues, notre collègue M. Massion a dû dire ce matin au Sénat les motifs pour lesquels nous étions hostiles à la proposition de loi, en tout cas à la philosophie, ou aux modalités, de la proposition de loi qui est soumise aux délibérations du Sénat. Bref, il a quasiment annoncé que nous ne la voterions pas.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Dommage !
M. Jean Arthuis. Hostiles à sa philosophie ou à ses modalités.
M. Michel Charasse. Ne faisons pas de sémantique à cette heure-ci, il est beaucoup trop tôt. Il faut réserver cela aux séances de nuit ! (Sourires.)
En ce qui concerne la question préalable, je veux dire à nos amis du groupe communiste républicain et citoyen que nous sommes actuellement lancés, dans le pays, dans une vaste réflexion, engagée par le Gouvernement, sur la réforme des retraites.
Voter cette motion - non pas tellement la question elle-même, mais surtout le dispositif qui la sous-tend, c'est-à-dire son exposé des motifs - ce serait donc, de notre part, prendre d'ores et déjà des positions sur une réflexion d'ensemble qui nous sera soumise le moment venu - au printemps prochain, me semble-t-il, madame le secrétaire d'Etat - alors que cette motion aborde les choses sous un certain aspect ; c'est un élément !
Approuver cette motion signifierait, au fond, que nous approuvons non seulement le souhait du groupe communiste républicain et citoyen de ne pas voir délibérer le texte - cela ne nous pose pas un problème majeur - mais surtout des motivations qui anticipent beaucoup trop sur le débat d'ensemble.
Mes chers collègues, vous indiquez dans votre exposé des motifs une série d'éléments qui doivent prendre leur place dans la réflexion d'ensemble.
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Michel Charasse. Mais il n'y a pas que cela ! C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne prendra pas part au vote sur cette motion tendant à opposer la question préalable. (MM. Charles Descours, rapporteur, et Alain Gournac applaudissent.)
Mme Hélène Luc. Dommage !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et acceptée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 8:

Nombre de votants 241
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue des suffrages 122
Pour l'adoption 16
Contre 225

En conséquence, nous abordons la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - En complément des régimes de retraite obligatoires par répartition, garants de la solidarité entre les générations, les salariés peuvent, afin d'améliorer leur protection sociale, adhérer à des plans de retraite, dans les conditions définies par la présente loi. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Charles Descours, rapporteur. Cet article 1er, comme toujours dans les propositions ou les projets de loi, affirme les principes généraux de la loi, notamment les grands principes.
Compte tenu de la discussion que nous venons d'avoir, je veux simplement souligner que le premier segment de phrase de la proposition de la loi est bien : « En complément des régimes de retraite obligatoires par répartion ». Il est bien évident que, dans notre esprit, le système de retraite par capitalisation ne remplacera jamais le système de retraite par répartition.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat. Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je voudrais saisir l'occasion que m'offre l'examen de cet article, qui touche au fond du sujet qui nous occupe aujourd'hui, pour rappeler que notre objectif est de consolider les régimes de retraite par répartition et de réformer les règles de l'épargne salariale.
Pour mener à bien ces deux chantiers, nous avons défini une méthode que j'ai exposée tout à l'heure, celle de la concertation, et un calendrier. Le Premier ministre a indiqué que le Gouvernement tirerait les conclusions de la mission qu'il vient de confier aux personnes que j'ai citées tout à l'heure.
Je confirme, par conséquent, que, pour des raisons, précisément, de méthode et de calendrier, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cet article et aux suivants.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Bien entendu, le groupe du RPR votera cet article 1er.
Je m'étonne que le Gouvernement considère la discussion parlementaire sans intérêt, et ce d'autant plus que je l'ai toujours entendu dire qu'il était très soucieux de développer le rôle du Parlement.
M. Alain Gournac. Dans les déclarations !
M. Jean Chérioux. Alors que nous prenons l'initiative dans un domaine qui est particulièrement important et qui, semble-t-il, intéresse aussi le Gouvernement, ce dernier considère que ce dont nous débattons n'est pas intéressant. C'est d'autant plus regrettable que sont utilisées des raisons plus ou moins fallacieuses.
Laisser entendre qu'à travers ce texte nous voulons en quelque sorte entrer dans un régime par répartition, c'est faux ! Si c'était vrai, je ne voterais pas l'article 1er.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste vote contre, comme il votera contre tous les amendements et articles à venir.

(L'article 1er est adopté.)

TITRE Ier
LES PLANS DE RETRAITE

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Les plans de retraite sont des contrats définissant les droits et les obligations des adhérents, souscrits par un ou plusieurs employeurs auprès de fonds de retraite dans les conditions définies à l'article 5. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ce matin, et vous, madame le secrétaire d'Etat, à l'instant, avez parlé de calendrier.
L'année dernière, lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a annoncé qu'il présenterait cette réforme des retraites avant la fin de l'année 1999. Maintenant, elle est prévue pour le premier semestre de 2000. Cela me rappelle une chanson de mon enfance : « ... à Pâques ou à la Trinité ».
L'article 2 concerne la définition des plans de retraite. Ce sont des contrats définissant les droits et les obligations des adhérents, souscrits par un ou plusieurs employeurs auprès de fonds de retraite, dans des conditions définies à l'article 5.
Je rappelle que l'employeur pourra souscrire un ou plusieurs plans de retraite gérés par un ou plusieurs fonds et que, dans le même temps, un plan de retraite pourra être souscrit par une ou plusieurs entreprises. Nous avons évoqué cet aspect ce matin, lors de la discussion générale.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur mon propos. Je n'ai jamais dit qu'un débat était inutile, surtout pas au Parlement. J'ai dit qu'un débat national s'était instauré et qu'une méthode avait été décrite.
Le débat au fond ayant eu lieu ce matin, si je prends la parole sur chaque article pour dire que je souhaite la consolidation des systèmes qui existent aujourd'hui et qu'un projet de loi relatif au système salarial sera déposé sur le bureau du Parlement au printemps prochain, je n'apporterai aucun élément supplémentaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Tout salarié lié par un contrat de travail de droit privé et relevant d'un régime de retraite complémentaire obligatoire mentionné au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale peut adhérer à un plan de retraite. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Charles Descours, rapporteur. Dans cet article, il est précisé que peut bénéficier d'un plan de retraite tout salarié du régime général relevant d'un régime complémentaire obligatoire.
Je tiens à rappeler une nouvelle fois que, si notre dispositif exclut les autres salariés, quasiment toutes les autres professions bénéficient d'un régime de retraite par capitalisation. M. Marini a évoqué le système des retraites par capitalisation des fonctionnaires, qui sont au nombre de trois - je pense notamment à la Préfon. Pour les travailleurs indépendants, c'est la loi Madelin qui s'applique. Les exploitations agricoles ont le COREVA et les élus locaux ont également un fonds. Ainsi, aujourd'hui, l'ensemble des travailleurs de ce pays ont un système de retraite par capitalisation, mis à part les salariés du secteur privé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article additionnel après l'article 3



M. le président.
Par amendement n° 17, MM. Cantegrit, Maman, de Villepin, Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les citoyens français établis hors de France peuvent demander leur adhésion à un plan existant, lors même qu'ils ne relèvent pas d'un régime de retraite complémentaire.
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées par le relèvement, à due concurrence, des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. M. le rapporteur vient de le rappeler, les fonctionnaires ont accès à un régime de retraite par capitalisation, l'épargne retraite. Les fonctionnaires en poste à l'étranger peuvent souscrire à la Prefon et au Fonpel. Nous souhaitons que nos compatriotes résidant à l'étranger puissent, eux aussi, participer au dispositif d'épargne retraite que nous entendons instituer par cette proposition de loi.
Dans notre amendement, nous ne faisons que reprendre des dispositions qui avaient été votées dans la loi du 25 mars 1997.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Le plan de retraite ouvre droit, au profit de ses adhérents, au paiement d'une rente viagère à compter de la date de liquidation de la retraite de base.
« Les adhérents ont la possibilité d'opter pour un versement en capital, intervenant à la date de liquidation de la retraite de base. Ce versement ne peut excéder 30 % de la provision mathématique représentative de leurs droits.
« Ils peuvent demander le versement, en cas de décès avant la date de liquidation de la retraite de base, de tout ou partie de la provision mathématique représentative de leurs droits à une ou plusieurs personnes de leur choix.
« En cas de décès après cette date, ils peuvent demander la réversion de tout ou partie de la rente viagère servie au titre du plan de retraite à une ou plusieurs personnes de leur choix. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article définit les droits ouverts au moment de la retraite ; il précise que le plan de retraite ouvre droit au paiement d'une rente viagère à compter de la date de liquidation de la retraite de base. Il n'est pas question en effet d'être en déphasage par rapport à la retraite de base.
Il s'agit non pas d'un nouvel instrument d'épargne individuelle qui permettrait une sortie complète en capital, mais bien d'une rente. Néanmoins nous souhaitons - les salariés le demandent - dans une proportion que nous avons fixée à 30 %, que cette rente puisse faire l'objet d'une sortie en capital pour permettre au salarié qui part à la retraite d'investir dans un équipement immobilier, par exemple. Ce pourcentage peut apparaître élevé ou, au contraire, trop faible. En ce qui nous concerne, cette proportion nous semble sage.
Je rappelle que cette rente court depuis la date de liquidation de la retraite de base. Elle a pour objet de compléter la pension de retraite servie jusqu'au décès de l'adhérent par les régimes de retraite obligatoires.
Par ailleurs, il convient que le cotisant, s'il décède pendant sa vie active, puisse faire bénéficier ses proches des sommes versées et, s'il décède pendant sa période de retraite, que sa veuve puisse percevoir une pension de réversion. Cet aspect préoccupe beaucoup nos concitoyens.
Il est bien évident que ces garanties, qui sont facultatives, entraîneront en contrepartie une diminution de la rente de base versée, mais c'est un choix que fera l'adhérent. La formule des pensions de réversion est très demandée par nos concitoyens ; elle les rassure sur la pérennité des sommes versées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - I. - Les plans de retraite peuvent être souscrits par un employeur, plusieurs employeurs ou un groupement d'employeurs, sur le fondement d'un accord collectif.
« L'accord collectif est conclu au sein de l'entreprise, dans le cadre de groupements d'entreprises ou à un échelon professionnel ou interprofessionnel.
« Ces accords sont régis par le titre III du livre Ier du code du travail, à l'exclusion de ses chapitres III et IV ; ils peuvent déroger au second alinéa de l'article L. 132-13 et au second alinéa de l'article L. 132-23 dudit code.
« En l'absence de délégués syndicaux au sein de l'entreprise, les dispositions des paragraphes II et III de l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises à dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective, sont applicables.
« II. - En l'absence de signature d'un accord collectif à compter d'un an après le début de la négociation, l'employeur - ou le groupement d'employeurs - peut décider de souscrire à un plan de retraite. Chaque salarié est alors informé de cette souscription.
« III. - Les plans de retraite sont proposés à l'ensemble des salariés. Les conditions d'adhésion sont identiques pour des catégories homogènes de salariés définies notamment par l'âge et le niveau de salaire. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article détermine les modalités de souscription des plans de retraite par les employeurs.
Nous avons souhaité - nous nous en sommes longuement expliquées ce matin - que l'accord collectif soit la « porte d'entrée principale » de ce dispositif.
Le dialogue social ne fonctionne pas bien dans notre pays : 118 accords de branche signés sur les 35 heures viennent d'être rayés d'un trait de plume par le Gouvernement. Il nous semble possible de relancer ce dialogue par le biais des plans de retraite. Ainsi, un accord collectif pourra être signé au sein de l'entreprise, dans le cadre de groupements d'entreprises ou à un échelon professionnel ou interprofessionnel.
A défaut d'accord collectif, l'employeur peut décider de souscrire de façon unilatérale, mais ce ne doit pas être le mode habituel de fonctionnement.
Enfin, au cas où il n'y aurait souscription ni par accord collectif, ni de façon unilatérale par l'employeur, le salarié aura la possibilité de souscrire à titre individuel. Il est évident que les conditions qui lui seront faites seront beaucoup moins favorables dans la mesure où il n'y aura pas abondement de la part de l'employeur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article additionnel après l'article 5



M. le président.
Par amendement n° 12, M. Chérioux propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 132-12 du code du travail est complété in fine par les mots : "et pour étudier les conditions dans lesquelles pourraient être mis en place ou révisés, sur le fondement d'un accord colectif, les plans de retraite prévus par la loi n°... du... visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite".
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 132-27 du même code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ces entreprises, lorsqu'il n'existe pas de plan de retraite prévu par la loi n°... du... visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite, l'employeur est tenu d'engager chaque année une négociation pour examiner les conditions dans lesquelles pourrait être souscrit un plan de retraite. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. M. le rapporteur vient à juste titre de souligner le rôle majeur que doit jouer la politique contractuelle dans ce domaine.
J'ai constaté, dans les propos tenus par les détracteurs de ce texte, qu'ils mettaient toujours en avant le côté patronal. Mais, mes chers collègues, cette opération de mise en place de fonds de retraite doit se faire avec les salariés et dans le cadre d'accords avec les salariés !
Par conséquent, il n'est pas question d'imposer quoi que ce soit, comme on peut l'entendre ici où là. Ce sont les salariés qui veulent mettre en place un complément au système par répartition et non pas substituer à celui-ci un nouveau système.
Il est extrêmement important de favoriser les accords. C'est la raison pour laquelle il m'a semblé bon de prévoir que les articles L. 132-12 et L. 132-27 du code du travail fassent obligation aux syndicats de négocier au niveau des branches et de l'entreprise, et que, parmi l'objet de ces négociations, figurent obligatoirement les conditions de mise en place d'un fonds de retraite. C'est un moyen d'inciter au dialogue social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La proposition de notre collègue M. Chérioux va plus loin que la nôtre puisqu'il suggère d'intégrer dans la négociation annuelle la discussion sur les plans d'épargne retraite. Il fait donc un pas en direction de M. le ministre de l'économie. Il est dommage que celui-ci soit absent. Je me demande même si M. Strauss-Kahn n'aurait pas accepté cette proposition ! (Sourires.)
Cela étant dit, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je souris aux propos de M. le rapporteur, ce qu'il comprendra très bien.
Compte tenu du fait que le Gouvernement n'est pas favorable à l'ensemble du texte, je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement, tout en me réjouissant que, dans cette enceinte, on salue l'exercice du dialogue social dans nos entreprises.
M. le président. Je pense que personne n'en a jamais douté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5.

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - A défaut de la souscription d'un plan de retraite par l'employeur dans les conditions prévues au paragraphe II de l'article 5, les salariés peuvent demander leur adhésion à un plan existant soit dans le cadre d'une branche professionnelle, soit dans le cadre d'un groupement d'entreprises, soit dans le cadre d'une autre entreprise.
« Si, postérieurement à cette adhésion, un plan de retraite est proposé dans leur entreprise, ils peuvent demander le transfert, intégral et sans pénalité, de leurs droits sur ce plan.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai déjà expliqué comment l'adhésion individuelle était possible. Cet article 6 en précise les modalités.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - I. - Les versements du salarié aux plans de retraite sont facultatifs. Ils peuvent être suspendus ou repris sans pénalité.
« II. - Le versement du salarié est abondé par l'employeur dans des conditions fixées par l'accord collectif et dans la limite annuelle de 30 % du plafond de la sécurité sociale.
« III. - En l'absence d'accord collectif, si l'employeur a souscrit au plan de retraite, le versement du salarié est abondé, à due concurrence, par l'employeur, dans la limite la moins élevée : 4 % de la rémunération brute ou 30 % du plafond de la sécurité sociale.
« IV. - Le versement du salarié ayant adhéré à un plan de retraite dans les conditions fixées au premier alinéa de l'article 6 ne donne pas lieu à abondement.
« V. - Les salariés peuvent, dans la limite annuelle de 15 % du plafond de la sécurité sociale, procéder à des versements au titre des années durant lesquelles ils n'ont pas eu la possibilité d'adhérer à un plan de retraite. Ces versements ne donnent pas lieu à abondement de la part de l'employeur. »
Par amendement n° 13, M. Chérioux propose de compléter in fine le paragraphe I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces versements prélevés sur le salaire ne peuvent excéder annuellement 20 % de la rémunération brute. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Cet amendement est un amendement de précision.
En effet, dans le texte tel que l'a prévu la commission, le plafond des versements prélevés sur le salaire devait être fixé par l'accord collectif ou la décision de l'employeur.
S'il n'avait été fait référence qu'à l'accord collectif, je n'aurais sans doute pas présenté cet amendement. En effet, j'accorde une grande importance à l'accord collectif - et je ne suis pas le seul au sein de la majorité de cette assemblée.
Je rappelle à Mme le secrétaire d'Etat - il est vrai qu'elle n'a peut-être pas souvent assisté à des débats de cette nature dans cette maison - que, voilà déjà longtemps, le Sénat, et notamment sa majorité, s'est intéressé à l'accord collectif et a essayé de le développer, ne serait-ce qu'à travers la participation, qui est certainement beaucoup mieux appréciée ici qu'au Palais-Bourbon, actuellement.
Le texte prévoyant que le plafond peut être également établi sur décision de l'employeur, j'ai jugé utile de proposer que ce soit la loi qui le fixe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 14, M. Chérioux propose de compléter in fine l'article 7 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les salariés peuvent verser sur le plan de retraite, sans qu'il soit tenu compte des limites fixées au paragraphe précédent, les sommes issues de la liquidation des avoirs acquis dans le cadre d'un plan d'épargne d'entreprise mentionné au chapitre III du titre IV du livre quatrième du code du travail, après l'expiration du délai prévu à l'article L. 443-6 dudit code. Ces versements ne donnent pas lieu à abondement. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Il n'y a pas que les accords salariaux et la politique contractuelle qui intéressent la majorité sénatoriale. Il y a aussi la participation et l'épargne salariale.
Or, actuellement, l'épargne salariale se développe à traver les plans d'épargne d'entreprise. Cela mobilise beaucoup d'argent : on a parlé de 232 milliards de francs à la fin de 1998.
Il ne m'a pas semblé inutile de faire un appel volontaire à cette épargne salariale pour conforter les pensions.
En effet, le système par capitalisation a l'inconvénient de ne porter ses fruits qu'à très long terme. Or, plus on attend, plus les effets se font ressentir tardivement. Le problème des retraites se posera bien avant vingt-cinq ou trente ans. Si ce texte entrait en vigueur, toute une catégorie de salariés pourraient ne pas être intéressés par le régime de capitalisation dans la mesure où le nombre d'années leur restant à travailler et à cotiser serait insuffisant. Il n'y a pas de raison de les priver de la possibilité d'améliorer leur retraite en leur permettant d'utiliser l'épargne qu'il se sont constituée, qui peut être parfois très importante, dans le cadre de plans d'épargne d'entreprise.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Ainsi que Jean Chérioux l'a bien fait ressortir, la finalité de l'épargne salariale et celle de l'épargne retraite, de même que la durée de leur rentabilité optimale, ne coïncident pas. C'est pourquoi il ne faut pas confondre l'épargne retraite et l'épargne salariale, l'intéressement et les stock-options.
J'espère donc que le Gouvernement ne présentera pas un seul projet de loi sur l'ensemble de ces modes d'épargne, ce qui accroîtrait la confusion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Cet amendement, je tiens à le dire, me paraît particulièrement opportun, car il permet de bien mettre en perspective plusieurs dispositifs.
Les plans d'épargne entreprise rencontrent un grand succès, et cela depuis un certain nombre d'années, mais ils sont gérés à moyen terme. La question qui se pose, et à laquelle il a été fait allusion ce matin, est bien celle de l'allongement de l'épargne : il s'agit de transformer la structure de l'épargne.
Ce qui est prévu met à la disposition des nouveaux fonds d'épargne retraite des sommes déjà disponibles, déjà collectées dans le cadre de systèmes partenariaux au sein des entreprises et permet de repousser en quelque sorte l'horizon de leur placement, de stabiliser cette épargne, d'en faire ainsi l'un des éléments de réponse aux questions que nous nous posons tous sur l'équilibre financier à terme des systèmes de retraite.
C'est une initiative importante, à laquelle il y aura d'ailleurs tout lieu de réfléchir, madame le secrétaire d'Etat, lors de la préparation du texte que M. Dominique Strauss-Kahn nous a annoncé.
Je souhaite vivement que l'amendement de M. Jean Chérioux puisse faire l'objet d'une étude sérieuse pour que, au-delà de la proposition de loi dans laquelle nous allons l'incorporer, il retrouve vie dans le cadre du texte que l'on voudra bien nous présenter un jour ou l'autre sur ce sujet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - I. - A l'article 83 du code général des impôts, il est inséré un 1° quater ainsi rédigé :
« 1° quater. - Les versements des salariés et les contributions de l'employeur aux plans de retraite prévus par la loi n° du visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite, à l'exception des versements mentionnés au V de l'article 7 de cette loi, et dans la limite de 5 % du montant brut de la rémunération pour les salariés âgés de moins de quarante ans, de 10 % du même montant pour les salariés dont l'âge est compris entre quarante et cinquante ans et de 15 % du même montant pour les salariés âgés de plus de cinquante ans. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 15, M. Chérioux propose, dans le texte présenté par le I de cet article pour le 1° quater de l'article 83 du code général des impôts, après les mots : « mentionnés au V », d'insérer les mots : « et au ».
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2 rectifié, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De compléter in fine le texte présenté par le I de l'article 8 pour le 1° quater de l'article 83 du code général des impôts par deux alinéas ainsi rédigés :
« La différence entre, d'une part, la limite définie au premier alinéa et, d'autre part, les abondements de l'employeur effectués au titre d'une année peut être utilisée au cours de l'une des trois années suivantes pour effectuer des versements complémentaires bénéficiant de l'exonération prévue au premier alinéa.
« Un décret fixe les conditions d'application de ces dispositions et notamment les obligations déclaratives des employeurs et des salariés. »
B. - De compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité de reporter en avant sur une période de trois ans l'enveloppe de déductibilité fiscale non consommée sont compensées à due concurrence, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. La commission des finances souhaite que l'on fasse un pas supplémentaire dans le sens de la souplesse.
Il s'agit de la situation des salariés qui, rencontrant des difficultés, pour différentes raisons, peuvent se trouver dans l'impossibilité de cotiser pendant une année déterminée au plan de retraite. Il ne faudrait pas que l'enveloppe de déductibilité fiscale soit alors, pour ces salariés, totalement perdue.
Nous proposons que, dans ces cas-là, il soit possible de reporter pendant trois années la partie de l'enveloppe de déductibilité fiscale non « consommée ».
Il s'agit d'ailleurs d'un dispositif qui se trouvait déjà, sur l'initiative de la commission des finances du Sénat, dans la loi du 25 mars 1997, dite « loi Thomas ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
J'y suis personnellement d'autant plus favorable que j'avais songé à introduire une telle disposition dans mon texte initial. Cependant, craignant que la commission des finances ne l'estime trop compliquée pour les services fiscaux, j'y avais renoncé. Puisque la commission des finances, grande spécialiste de ce problème, nous propose elle-même un tel amendement, je ne peux qu'exprimer ma grande satisfaction. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Cette fois-ci, monsieur le président, mon avis défavorable ne tient pas tant au fond qu'à la forme : l'un des paragraphes me paraît proprement incompréhensible.
M. le président. Il s'agit donc d'un rejet non pour hostilité mais pour incompréhension ! (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Oui, monsieur le président. Cela peut m'arriver ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Chérioux. C'est un précédent !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - I. - Il est créé, après l'article 217 septies du code général des impôts, un article ainsi rédigé :
« Art. 217 septies A. - Les versements de l'entreprise aux plans de retraite de ses salariés en application de la loi n° du visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite sont déductibles de son bénéfice pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Pour inciter les entreprises à abonder ces fonds de retraite, nous proposons que les abondements en question soient déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
Cette disposition est gagée par une majoration des droits sur les tabacs, qui ont fait l'objet d'un rapport remis récemment à Mme Aubry.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - I. - Les versements des salariés aux plans de retraite sont exonérés de cotisations sociales à l'exclusion des cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse et au titre des régimes de retraite complémentaire obligatoire mentionnés au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale. Les versements des salariés dont le salaire est inférieur à 1,5 fois le salaire minimum de croissance bénéficient d'une exonération totale.
« II. - L'abondement de l'employeur est exclu de l'assiette des cotisations sociales sauf pour les cotisations dues au titre de l'assurance vieillesse et au titre des régimes de retraite complémentaire obligatoire mentionnés au titre II du livre IX du code de la sécurité sociale.
« III. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, les exonérations prévues au I et au II ne sont pas compensées par le budget de l'Etat. Les pertes de recettes résultant des I et II pour les organismes de sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 16, M. Chérioux propose de rédiger ainsi le paragraphe I de cet article :
« I. - Les versements des salariés dont le salaire est inférieur à 1,5 fois le salaire minimum de croissance sont exonérés de cotisations sociales. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Il s'agit d'inciter non seulement les entreprises à mettre en place des plans d'épargne retraite, mais aussi les salariés à y adhérer.
A cet égard, il est certain que la déduction fiscale constitue une solution ; elle est d'ailleurs prévue dans le texte. Toutefois, il existe des salariés dont le niveau de salaire est relativement bas, se situant en dessous d'une fois et demie le SMIC, et qui, étant exonérés d'impôt surt le revenu, ne bénéficieraient d'aucune incitation.
Je propose donc que, en contradiction avec le principe qui veut que les cotisations d'assurance vieillesse ne soient pas exonérées de cotisations sociales, pour cette catégorie bien déterminée de travailleurs, les versements soient exonérés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.
Mais, je souhaite apporter une précision : on ne peut pas réduire les recettes de l'Etat en accordant une exonération fiscale et transférer les sommes en cause sur les régimes de retraite ; cela pose quand même un problème d'équilibre !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 18, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste proposent :
A. - De rédiger comme suit le II de l'article 10 :
« II. - L'abondement de l'employeur est exclu de l'assiette des cotisations sociales dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'extension de l'exclusion de l'abondement par l'employeur des plans de retraite de l'assiette des cotisations sociales sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Si vous le permettez, monsieur le président, je reviendrai d'abord un instant sur l'article 9, que j'ai bien sûr voté puisqu'il rend l'abondement déductible du bénéfice imposable. Mais seul l'impôt sur les sociétés est alors visé. Or il est des entreprises qui ne sont pas soumises à cet impôt.
Il nous faudra par conséquent veiller, monsieur le rapporteur, en deuxième lecture, lorsque le texte reviendra de l'Assemblée nationale, à étendre ce dispositif aux entreprises individuelles ou aux sociétés soumises à l'impôt sur le revenu et non pas à l'impôt sur les sociétés.
S'agissant de l'amendement n° 18, il a, avant tout, pour objet d'ouvrir le débat.
M. le rapporteur a eu raison, me semble-t-il, d'apporter un apaisement : il n'est pas question de soustraire l'abondement aux cotisations de retraite du régime générale.
Je voudrais cependant faire observer qu'il existe dans notre législation des dispositions qui permettent aux salariés de certaines entreprises, en général des entreprises d'une certaine envergure, de bénéficier d'un système de retraite par capitalisation ; on appelle cela le système des « retraite chapeaux » parce qu'il vient en complément des régimes complémentaires obligatoires. Ce sont des assurances de groupe et les contributions sont déductibles de l'assiette des cotisations sociales dans une certaine limite.
J'ai pensé que, dans un souci d'égalité de traitement, il convenait de réserver un même sort à l'abondement que représente la part prise par l'employeur dans le paiement de ces primes de retraite de groupe et à l'abondement de l'employeur au titre de l'épargne retraite.
Je le répète, par cet amendement, j'ai essentiellement voulu poser le problème de l'égalité de traitement avec les produits existants - on sait que, chaque année, cela représente à peu près 20 milliards de francs de cotisations, pour une capitalisation d'environ 200 milliards de francs - et contribuer ainsi à la réflexion.
Pour ma part, je ne souhaite pas que l'on fasse une distinction entre ces régimes de retraite par capitalisation et ceux qui résulteront de l'épargne retraite lorsque la loi que nous sommes en train de voter trouvera enfin son application.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Intellectuellement, je comprends très bien l'amendement que vient de défendre M. Arthuis. Je le comprends d'autant mieux que c'est la reprise d'un amendement qui avait été présenté par M. Fourcade, alors président de la commission des affaires sociales, et par M. Vasselle, lors du vote de la loi Thomas.
Politiquement, il n'en va pas tout à fait de même. Vous le savez, monsieur Athuis, avec l'argument du « siphonnage » des retraites, nous sommes déjà suspectés des pires vilénies ! (Sourires.)
Je ne souhaite pas que nous donnions prise à ce genre de critique et, pour cette raison, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Arthuis, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis. M. le rapporteur a bien compris que je souhaitais poser un problème. Je me rallie à son sens politique et j'en retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11



M. le président.
« Art 11. - I. - Après le b ter du 5 de l'article 158 du code général des impôts, il est inséré un b quater ainsi rédigé :
« b quater) Les dispositions du a sont applicables aux rentes servies au titre des plans de retraite institués par la loi n° du visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite, ainsi qu'aux sommes versées en capital dans les condidtions prévues aux deuxième et troisième alinéas de ladite loi. Le bénéficiaire peut demander que l'impôt correspondant à ces sommes soit calculé en ajoutant le quart du montant net dudit versement à son revenu imposable et en multipliant par quatre la cotissation supplémentaire ainsi obtenue. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article précise le régime fiscal des rentes et des sorties partielles en capital.
L'exonération fiscale ayant lieu à l'entrée, les rentes, de même que les sorties en capital partielles, sont soumises à l'impôt sur le revenu selon les règles de droit commun des pensions, déterminé par le paragraphe 5 a de l'article 58 du code général des impôts.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12



M. le président.
« Art. 12. - En cas de rupture du contrat de travail, l'adhérent peut continuer à effectuer des versements, qui ne donnent pas lieu à abondement, ou demander soit le transfert intégral, sans pénalité, des droits attachés à ce plan de retraite, soit le maintien des droits acquis dans le cadre de son plan. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article permet d'assurer la « portabilité » des droits des salariés.
Nous sommes dans une économie de plus en plus ouverte, et les salariés connaissent une plus grande mobilité, voulue ou imposée, dans leur vie professionnelle. Il convient d'assurer leurs droits en cas de rupture du contrat de travail.
Cette disposition me paraît extrêmement importante à la fois sur le plan financier et sur le plan psychologique, car il est indispensable d'asseoir la crédibilité de l'épargne retraite.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets au voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté).

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - Les adhérents peuvent demander, tous les dix ans à compter de la date de leur adhésion, le transfert intégral, sans pénalité, des droits acquis en vertu du plan de retraite sur un autre plan. » - (Adopté.)

TITRE II

LES FONDS DE RETRAITE

Article 14



M. le président.
« Art. 14. - Les fonds de retraite sont des personnes morales, ayant pour objet exclusif la couverture des engagements pris dans le cadre de plans de retraite.
« Ils sont constitués sous la forme d'une société anonyme d'assurance, d'une société d'assurance mutuelle, d'une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou d'un organisme mutualiste du code de la mutualité.
« Lorsque le fonds de retraite est constitué sous forme d'une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, le chapitre II du titre III du livre IX dudit code est applicable aux plans de retraite souscrits auprès de ce fonds.
« Lorsque le fonds de retraite est constitué sous une autre forme juridique, les titres Ier, III et IV du livre Ier et le titre IV du livre IV du code des assurances sont applicables aux plans de retraite souscrits auprès de ce fonds. Toutefois, lorsque le fonds de retraite est constitué sous la forme d'un organisme mutualiste régi par le code de la mutualité, les articles L. 121-2, L. 122-2, L. 122-3 et L. 321-2 dudit code lui demeurent applicables. »
Par amendement n° 3, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonds de retraite constitués sous la forme d'une société anonyme d'assurance ou d'une société d'assurance mutuelle adhèrent au fonds de garantie des assurés institué à l'article 68 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière. »
La parole est M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec la récente loi relative à l'épargne et à la sécurité financière. Nous proposons simplement de préciser que les fonds de retraite constitués sous la forme d'une entreprise d'assurance adhèrent bien au fonds de garantie des assurés qui a été créé par la loi du 25 juin 1999.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit de donner une garantie supplémentaire aux adhérents. La commission des affaires sociales y est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, ainsi modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15



M. le président.
« Art. 15. - Les fonds de retraite ne peuvent commencer leurs opérations qu'après avoir obtenu un agrément, délivré par arrêté du ministre chargé de l'économie, après avis de la commission de contrôle des fonds de retraite.
« La délivrance de l'agrément prend en compte :
« - les moyens techniques et financiers dont la mise en oeuvre est proposée et leur adéquation au programme d'activités de l'entreprise d'assurance, de l'organisme mutualiste ou de l'institution de prévoyance ;
« - l'honorabilité et la qualification des personnes chargées de diriger l'entreprise d'assurance, l'organisme mutualiste ou l'institution de prévoyance ;
« - la répartition du capital et la qualité des actionnaires de la société anonyme d'assurance ou, pour les sociétés d'assurance mutuelles, les organismes mutualistes et les institutions de prévoyance, les modalités de constitution du fonds d'établissement. »
Par amendement n° 4, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De compléter in fine cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
« II. - Le ministre refuse l'agrément, après avis de la commission de contrôle des fonds de retraite, lorsque l'exercice de la mission de surveillance du fonds est susceptible d'être entravé, soit par l'existence de liens de contrôle directs ou indirects entre le fonds requérant et d'autres personnes physiques ou morales, soit par l'existence de dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un Etat qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen et dont relèvent une ou plusieurs de ces personnes.
« III. - L'administration centrale des fonds doit être située sur le même territoire national que leur siège statutaire. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Là encore, par cohérence avec la loi de juin 1999, il s'agit d'introduire des dispositions prudentielles supplémentaires, d'une part, en permettant au ministre de refuser l'agrément au fonds d'épargne retraite s'il estime que la transparence du groupe auquel il appartient n'est pas suffisante et, d'autre part, en prévoyant que ce fonds de retraite doit avoir son administration centrale et son siège sur le même territoire national.
Ces dispositions sont issues de la directive européenne dite « post-BCCI » que nous avons incorporée sur l'initiative du Sénat dans la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière adoptée en juin dernier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine l'article 15 par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - L'agrément administratif prévu au I peut être retiré par le ministre chargé de l'économie, sur avis conforme de la commission de contrôle des fonds de retraite, en cas d'absence prolongée d'activité ou de rupture de l'équilibre entre les moyens financiers du fonds de retraite et son activité. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il s'agit ici de prévoir les conditions dans lesquelles le fonds de retraite peut se voir retirer son agrément, cette décision étant susceptible de déclencher la procédure d'indemnisation des adhérents au titre du fonds de garantie des assurés dont j'ai déjà parlé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - I. - Le contrôle de l'Etat sur les fonds de retraite s'exerce dans l'intérêt des adhérents à un plan de retraite et de leurs ayants droit au titre de la présente loi, afin de vérifier que les fonds de retraite tiennent les engagements qu'ils ont contractés et qu'ils respectent les dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables.
« A cette fin, la commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle mentionnée à l'article L. 951-1 du code de la sécurité sociale se réunissent et siègent en formation commune.
« La commission des opérations de bourse désigne deux de ses membres qui participent avec voix délibérative.
« La commission ainsi constituée prend le nom de commission de contrôle des fonds de retraite.
« Le contrôle de l'Etat sur les fonds de retraite s'exerce conformément aux dispostions des articles L. 310-8, L. 310-9, L. 310-11 et L. 310-12-1 (huitième, dixième et onzième alinéas) et L. 310-13 à L. 310-28 du code des assurances.
« II. - Les membres de la commission de contrôle des fonds de retraite ne peuvent, pendant la durée de leur mandat et dans les cinq ans qui suivent l'expiration de celui-ci, recevoir, directement ou indirectement, de rétribution d'un fonds de retraite ou d'une entreprise d'investissement mentionnée à l'article 19 ou de toute société exerçant sur le fonds ou le prestataire un contrôle exclusif au sens de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
« III. - La commission de contrôle des fonds de retraite adresse chaque année un rapport au Président de la République et au Parlement. »
Par amendement n° 6, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter l'avant-dernier alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée : « Le président de la commission est élu en son sein. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Pour assurer le contrôle de l'Etat, une commission de contrôle ad hoc est formée par la réunion de deux commissions existantes, la commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle des institutions de prévoyance et des mutuelles. Il reste cependant à définir le mode de désignation de son président, que n'a pas prévu la commission des affaires sociales ; nous suggérons que le président soit élu par la commission de contrôle en son sein, ce qui semble être la formule la plus simple et la plus naturelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Nous n'avons en effet pas prévu le mode de désignation du président de cette commission. La loi Thomas attribuait la présidence par roulement aux présidents des deux commissions.
La commission des affaires sociales estime que la précision apportée par la commission des finances est originale et émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, ainsi modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17



M. le président.
« Art. 17 - Un avenant à l'accord collectif ou la décision de l'employeur visés à l'article 5 désigne le fonds de retraite choisi après mise en concurrence. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit ici d'un point sur lequel nous n'avons pas beaucoup insisté depuis le début de notre discussion, mais qui ne va pas de soi, notamment pour les entreprises et pour les salariés.
Il importe en effet que le choix du fonds de retraite fasse l'objet d'une mise en concurrence. Dans mon esprit et dans celui des membres de la commission des affaires sociales, l'accord collectif constitue le « protocole » ou le « règlement » du plan de retraite. Une fois les partenaires sociaux d'accord sur un cahier des charges, ils chercheront à déterminer quel fonds propose le plan de retraite correspondant le mieux à leur attente.
Dans ces conditions, l'accord collectif peut difficilement préciser le nom du fonds de retraite choisi, alors qu'il s'agit d'un élément d'information très important pour les futurs adhérents, mais qui ne pourra être disponible qu'après l'appel d'offres.
L'article 17 a pour objet de répondre à cette attente.
Selon la taille des entreprises, les partenaires sociaux pourront décider de la constitution d'une association d'épargne retraite au sein de l'entreprise ou recourir au comité d'entreprise.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 18



M. le président.
« Art. 18. - L'accord collectif ou la décision de l'employeur visés à l'article 5 détermine dans quelles conditions et selon quelle périodicité le choix du fonds de retraite peut être réexaminé. La périodicité du réexamen ne peut excéder cinq ans.
« Lorsque le souscripteur d'un plan de retraite décide de changer de fonds de retraite, la contre-valeur des actifs représentatifs des droits et obligations attachés à ce plan est intégralement transférée, sans pénalité, vers le nouveau fonds de retraite. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article précise les conditions de réexamen du choix du fonds de retraite. Nous souhaitons que les droits des employeurs et des employés soient préservés.
L'accord collectif ou, à défaut, la décision de l'employeur, précisera dans quelles conditions et selon quelle périodicité le choix du fonds de retraite peut être réexaminé. Cette règle est tout à fait fondamentale, d'une part, pour des raisons de concurrence et, d'autre part, pour que l'employeur et les adhérents ne soient pas engagés pour une durée trop longue à l'égard d'un fonds de retraite dont la gestion serait mauvaise ou insuffisante.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19



M. le président.
« Art. 19. - En cas de délégation de la gestion des actifs des fonds de retraite, celle-ci ne peut être confiée qu'à une entreprise d'investissement agréée pour effectuer à titre principal les services visés au d de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières. Dans ce cas, le fonds de retraite procède, au moins tous les cinq ans, au réexamen du choix de l'entreprise d'investissement. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Dans la même logique, cet article prévoit les conditions de réexamen du choix des entreprises d'investissement gérant pour compte de tiers les actifs des fonds de retraite.
La périodicité du réexamen du choix des entreprises d'investissement ne peut excéder cinq ans.
Cette disposition s'explique également pour des raisons de concurrence et de sécurité. Elle reprend l'esprit du paragraphe I de l'article 12 de la loi Thomas, adopté sur l'initiative de la commission des finances du Sénat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Article 20



M. le président.
« Art. 20. - I. - Les fonds de retraite sont tenus d'exercer effectivement, dans le seul intérêt des adhérents, les droits de vote attachés aux titres, donnant directement ou indirectement accès au capital de sociétés, détenus par ces fonds.
« II. - Les actionnaires d'un fonds de retraite doivent s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment des adhérents.
« Les dirigeants d'un fonds de retraite doivent, dans l'exercice de leur activité, conserver leur autonomie de gestion afin de faire prévaloir, dans tous les cas, l'intérêt des adhérents des plans de retraite dont ce fonds couvre les engagements.
« III. - Le non-respect des obligations posées aux deux paragraphes précédents est sanctionné par la Commission des opérations de bourse dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-833 du 28 juillet 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse.
« IV. - Un décret précise notamment les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions du paragraphe I dans le cas où l'exercice effectif des droits de vote entraînerait des coûts disproportionnés. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article, qui vise la protection des intérêts des adhérents, mérite que l'on s'y attarde un peu.
Dans notre pays, vous le savez, les fonds d'épargne retraite suscitent une grande méfiance, l'affaire Maxwell étant dans l'esprit de tous.
Cet article assure la protection des intérêts des adhérents vis-à-vis des actionnaires et des dirigeants des fonds de retraite. C'est très important.
Les sommes placées dans les plans de retraite, gérées par les fonds de retraite, ne seront peut-être pas tout de suite d'un montant considérable. Mais, dans un avenir que nous espérons proche, les fonds pourraient être une importance financière considérable sur les marchés, notamment dans les batailles boursières qui peuvent se produire dans telle ou telle période de la vie des entreprises. Nous savons le rôle que les fonds de pension américains ont joué dans les OPA lancées cet été dans notre pays sur des banques et sur des sociétés pétrolières. Il est donc important que les gérants défendent avant toute chose et exclusivement les intérêts des adhérents, et non pas ceux de telle ou telle société à laquelle ils pourraient être affiliés.
Le paragraphe I relatif aux obligations pesant sur les gestionnaires des actifs prévoit l'obligation d'exercer les droits de vote attachés aux titres donnant, directement ou indirectement, accès au capital de sociétés détenues par le fonds.
Le paragraphe II détermine les obligations pesant sur les fonds de retraite, une distinction étant faite entre les actionnaires et les dirigeants. Les actionnaires doivent s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment des adhérents du fonds. Cette distinction ne s'applique, en réalité, qu'aux sociétés anonymes d'assurance.
Le paragraphe III précise que les trois types d'obligation sont sanctionnés, sur le plan disciplinaire, par la commission des opérations de bourse, qui pourra, le cas échéant, infliger des sanctions pécuniaires. Le non-respect de ces obligations sera susceptible, si un préjudice est établi, de donner lieu à des actions civiles.
Ces dispositions correspondent à un article adopté par la commission des finances lors de la discussion en première lecture de la loi Thomas et qui, légèrement modifié par l'Assemblée nationale, est devenu l'article 13 de la loi.
J'ai insisté un peu longuement sur cet article, monsieur le président, mais puisque nous faisons oeuvre pédagogique à l'égard de nos compatriotes, il est très important que la protection des intérêts des adhérents soit clairement explicitée et prise en compte par les textes, de telle façon que les réticences qu'il peut y avoir ici ou là soient levées.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je voulais simplement insister, à mon tour, sur une disposition qui se trouvait déjà dans la loi Thomas et qui concerne l'obligation d'exercice du droit de vote par les gérants des fonds de retraite. C'est bien une question de transparence capitale non seulement pour le marché, mais aussi pour le respect du droit des adhérents et des souscripteurs, comme l'a dit justement M. Charles Descours.
Dans notre pays, une mesure de ce genre est certainement utile pour faire évoluer les esprits dans le sens d'une plus grande transparence. C'est la raison pour laquelle je soutiens plus particulièrement cette initiative, qui me semble opportune dans un tel texte, dès lors surtout qu'il s'agit de fonds gérés dans le long terme et dans le très long terme, et dès lors que ces fonds peuvent avoir vocation à représenter des parts non négligeables de la capitalisation de certaines entreprises.
L'histoire du marché peut connaître des épisodes complexes de nature à conditionner le contrôle de ces entreprises. Il faut donc que les gérants prennent, au nom des souscripteurs, des positions clairement explicitées ; il faut qu'ils affirment leur stratégie, pour que le marché et les épargnants sachent exactement à quoi s'en tenir.
Les gérants ne peuvent pas, me semble-t-il, adopter une attitude d'abstention lorsque se produit tel ou tel de ces épisodes. Il faut qu'ils motivent leurs positions, qu'ils les explicitent avec tous les arguments nécessaires. Cela me semble être un élément important pour le bon fonctionnement de la place financière de Paris.
M. Jean Arthuis. C'est de la bonne gouvernance !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20.

(L'article 20 est adopté.)

Article 21



M. le président.
« Art. 21. - L'article 206 du code général des impôts est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Les fonds de retraite créés par la loi n° ... du ... visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite sont assujettis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Les fonds de retraite étant susceptibles d'être constitués sous plusieurs formes juridiques - sociétés d'assurance, sociétés d'assurance mutuelle, institutions de prévoyance ou organismes mutualistes -, il est nécessaire d'assurer, sur le plan fiscal, une égalité de traitement. En l'absence d'une telle disposition, les fonds de retraite ne seraient pas placés dans la même situation.
En effet, si les sociétés d'assurance sont assujetties à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, les mutuelles du code de la mutualité le sont dans des conditions dérogatoires.
Nous proposons donc d'assujettir les fonds de retraite à l'impôt sur les sociétés quelle que soit la forme qu'ils revêtent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)

Article additionnel après l'article 21



M. le président.
Par amendement n° 7, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le I bis de l'article 235 ter Y du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« I ter . - Les fonds de retraite prévus par la loi n° du visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite ne sont pas assujettis à cette contribution. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous proposons d'exonérer les fonds de retraite de la contribution des institutions financières, la CIF.
Cette disposition, qui avait déjà été prévue pour les fonds de la loi Thomas, traduit une position constante de la commission des finances du Sénat. Nous considérons que cette contribution est un mauvais impôt. En effet, assis sur les frais de personnel des banques, y compris les charges sociales et la taxe sur les salaires, il peut certainement contribuer à détruire des emplois dans le secteur financier, et donc nuire à l'emploi.
De surcroît, c'est un impôt discriminatoire pour les établissements français et donc, par rapport à leurs concurrents internationaux, un handicap de compétitivité.
Pour toutes ces raisons, il est souhaitable, dans l'esprit de la commission des finances, de ne pas assujettir les fonds de retraite à cette contribution, en attendant de l'abolir complètement pour tous les autres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne me prononce que sur le texte de l'amendement, auquel la commission est favorable. Pour le reste, je laisse M. Marini continuer à oeuvrer en faveur de l'abolition générale de la CIF.
M. Jean Arthuis. C'est pour sauver l'emploi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 21.

TITRE III

L'INFORMATION DES ADHÉRENTS
ET LES CONSEILS DE SURVEILLANCE

Article 22



M. le président.
« Art. 22. - Le souscripteur d'un plan de retraite est tenu :
« - de remettre à l'adhérent une notice établie par le fonds qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir lors de la liquidation de sa rente viagère ou, le cas échéant, des sommes versées en capital ;
« - d'informer, le cas échéant, les adhérents par écrit des modifications qu'il est prévu d'apporter à leurs droits et obligations lors d'une modification du contenu ou des conditions de gestion du plan de retraite.
« La preuve de la remise de la notice à l'adhérent et de l'information relative aux modifications contractuelles incombe au souscripteur. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est un peu la même philosophie que précédemment. Tout à l'heure, il s'agissait de la sécurité des adhérents ; ici, il s'agit de l'information des adhérents. Nous précisons l'obligation des souscripteurs.
Le souscripteur du plan de retraite doit remettre à l'adhérent une notice établie pour le fonds, définissant les garanties et les modalités d'entrée en vigueur qui résulteront de l'adhésion, ainsi que les formalités à accomplir lors de la liquidation de la retraite ou, le cas échéant, des versements en capital. Cette information sera permanente et devra être disponible à tout moment.
De manière plus conjoncturelle, le souscripteur pourra être amené à informer les adhérents par écrit des modifications non seulement du contenu, mais également des conditions de gestion du plan de retraite. La preuve et la remise de ces types d'information incombent au souscripteur.
Je le répète, la transparence est indispensable si nous voulons que les plans d'épargne retraite se développent en France comme dans les autres pays développés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

Article 23



M. le président.
« Art. 23. - Le fonds doit indiquer chaque année aux adhérents des plans de retraite le montant de la provision mathématique représentative des droits qu'ils ont acquis dans le cadre du plan. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. La philosophie qui inspire cet article est toujours la même. Il s'agit, cette fois, des obligations d'information pesant sur les fonds de retraite.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23.

(L'article 23 est adopté.)

Article 24



M. le président.
« Art. 24. - I. - Un conseil de surveillance, comprenant des représentants des adhérents, des employeurs, des organisations syndicales de salariés et des retraités est institué pour chaque plan de retraite.
« L'accord collectif peut préciser la composition du conseil de surveillance.
« A défaut, le conseil est composé pour un tiers de représentants des adhérents du plan, pour un tiers de représentants des employeurs et pour le tiers restant de représentants des organisations syndicales de salariés et de représentants des retraités.
« Le conseil de surveillance ne peut excéder vingt et un membres siégeant avec voix délibérative.
« Le conseil de surveillance peut également comprendre - sur demande d'un tiers au moins de ses membres - deux personnes compétentes en matière de gestion financière, siégeant avec voix consultative et n'ayant aucun lien de subordination avec le fonds de retraite auprès duquel est souscrit le plan de retraite.
« II. - Dans le cas de la souscription d'un plan de retraite par plusieurs employeurs, les représentants des adhérents sont élus, à bulletin secret et par voie de correspondance, par les adhérents des entreprises concernées. Le droit applicable est celui défini par le code du travail en matière d'élections des représentants du personnel.
« III. - Les orientations de gestion du plan de retraite sont définies par le conseil de surveillance. Aucune modification du plan ne peut être prise sans que le conseil en soit informé préalablement.
« Le fonds de retraite communique chaque année au conseil de surveillance du plan, deux mois au plus après la clôture de l'exercice, un rapport sur la gestion du plan.
« Le conseil de surveillance émet au moins deux fois par an un avis sur la gestion du plan par le fonds.
« IV. - Les membres du conseil peuvent demander à bénéficier des dispositions de l'article L. 444-1 du code du travail.
« V. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article détermine les missions et la composition du conseil de surveillance.
Nous avons choisi d'instituer un conseil de surveillance au niveau de chaque plan de retraite. La surveillance de fonds de retraite gérant plusieurs plans n'aurait pas un grand sens. Cependant, nous ne mésestimons pas la difficulté de traiter de manière unique des situations très différentes. Ainsi, une très grande entreprise jouira d'un plan particulier tandis qu'une petite et moyenne entreprise adhérera à un plan multi-entreprises.
Le paragraphe I précise la composition de ce conseil de surveillance. Il comprend des représentants des adhérents, des employeurs, des organisations syndicales des salariés, des retraités.
L'accord collectif que, là encore, nous privilégions, pourra déterminer la répartition de chaque « collège ». J'ai souhaité que ce ne soit pas une condition sine qua non de l'accord collectif ; il serait dommage que l'accord bute sur cette question. Nous le savons pour avoir auditionné les organisations syndicales, la part qu'elles auront dans les conseils de surveillance déterminera leur accord.
A défaut de clauses le précisant ou à défaut d'accord collectif, le conseil de surveillance comprend un tiers de représentants des adhérents et un tiers de représentants des employeurs. Le tiers restant se répartit entre représentants des organisations syndicales des salariés et représentants des retraités.
Il paraît logique que les adhérents et les employeurs représentent les deux tiers des conseils de surveillance. Il semble également normal que les représentants traditionnels des salariés et les premiers bénéficiaires des plans de retraite, les retraités, soient représentés au sein de ces conseils de surveillance.
Afin d'éviter des conseils de surveillance pléthoriques, il est précisé que le nombre de membres siégeant avec voix délibérative ne peut excéder vingt et un.
Mais, sur proposition d'au moins un tiers de ses membres, en cas de plans souscrits par plusieurs entreprises, le conseil peut comprendre deux membres supplémentaires, compétents en matière de gestion financière et n'ayant aucun lien de subordination avec le fonds.
Le paragraphe II dispose que, pour les plans de retraite multi-entreprises, les représentants des adhérents sont élus, à bulletin secret par voie de correspondance, par les adhérents des entreprises concernées. Chacun comprendra à quoi nous faisons allusion.
Afin de préciser quelque peu ces élections d'un genre particulier, nous avons souhaité faire mention explicite du droit applicable ; le droit électoral est celui qui est défini par le code du travail en matière de représentation des collectivités : constitution de listes, organisation du scrutin, juge de l'élection.
Le paragraphe III précise les missions du conseil de surveillance, qui « définit les orientations de gestion du plan de retraite ». Ce conseil - c'est important - doit être averti préalablement de toute modification du plan. Il émet un avis au moins deux fois par an sur la gestion du plan par le fonds. Il est obligatoirement destinataire, une fois par an, d'un rapport sur la gestion du plan établi par le fonds de retraite. Naturellement, le fonds pourra, s'il le souhaite, transmettre plus d'informations au conseil de surveillance.
Viennent ensuite quelques précisions sur les droits des membres de ce conseil, mais cela est assez anecdotique par rapport au reste.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 25



M. le président.
« Art. 25. - I. - A la demande d'un tiers au moins des membres du conseil de surveillance, les dirigeants du fonds de retraite peuvent être entendus sur une ou plusieurs opérations relatives à la gestion du plan de retraite.
« Si la réponse ne satisfait pas la majorité des membres du conseil de surveillance, le conseil demande en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur la ou les opérations de gestion mentionnées au premier alinéa.
« Le ministère public est habilité à agir aux mêmes fins.
« S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge du fonds.
« Le rapport est adressé au conseil de surveillance, au ministère public, au commissaire aux comptes du fonds qui gère le plan de retraite, aux organes de direction dudit fonds ainsi qu'au président de la commission de contrôle des fonds de retraite. Ce rapport doit en outre être annexé à celui établi par le commissaire aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale du fonds.
« II. - Le conseil de surveillance peut demander aux commissaires aux comptes et aux actuaires du fonds de retraite auprès duquel le plan est souscrit tout renseignement sur l'activité et la situation financière du fonds. Les commissaires aux comptes et les actuaires sont alors déliés, à son égard, de l'obligation de secret professionnel. Les membres du conseil de surveillance sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par les commissaires aux comptes. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit de préciser les pouvoirs particuliers du conseil de surveillance.
Le paragraphe I de l'article 25 prévoit que les dirigeants du fonds de retraite peuvent être entendus par le conseil de surveillance, sur la demande d'un tiers au moins de ses membres. Si les réponses ne satisfont pas la majorité des membres, le conseil demande en justice la désignation d'experts judiciaires. Le juge décidera alors de l'opportunité de mener une telle expertise et de l'étendue de la mission. Le rapport de la mission d'expertise est ensuite adressé aux différentes instances.
Le paragraphe II prévoit que le conseil de surveillance peut demander aux commissaires aux comptes et aux actuaires du fonds de retraite tout renseignement sur l'activité et la situation financière du fonds. Ces informations sont confidentielles. Ce paragraphe reprend les dispositions prévues à l'article 22 de la loi du 25 mars 1997.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 est adopté.)

Division et articles additionnels après l'article 25



M. le président.
Par amendement n° 8, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 25, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Titre IV
« Règles prudentielles. »
Monsieur le rapporteur, je vous propose de réserver cet amendement jusqu'après l'examen de l'amendement n° 10, car il tend à insérer une division additionnelle. (M. le rapporteur pour avis fait un signe d'assentiment.)
Par amendement n° 9, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les fonds de retraite sont soumis à des règles spécifiques d'évaluation de leurs actifs, de provisionnement afférent à ces derniers et de participation aux excédents fixées par décret en Conseil d'Etat. Ces règles tiennent compte de la nature et de la durée de détention de ces actifs ainsi que de leurs besoins de solvabilité. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit de renvoyer à un décret le soin de déterminer, pour les fonds de retraite, les règles spécifiques d'évaluation des actifs, de provisionnement de ces mêmes actifs et de participation aux excédents. Cette formulation, qui est reprise de la loi Thomas, nous semble nécessaire pour une bonne articulation entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Nous avions confié à la commission des finances, qui est experte en la matière, le soin de déterminer les règles prudentielles. Elle l'a fait avec beaucoup d'autorité et de sagesse. Nous émettons donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 25.
Par amendement n° 10, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les engagements réglementés des fonds de retraite ne peuvent être représentés pour plus de 5 % par des parts ou actions d'un même organisme de placement collectif en valeurs mobilières, ou par l'ensemble des valeurs émises et des prêts obtenus par une même société ou des sociétés contrôlées par cette société au sens de l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
« II. - Les engagements réglementés des fonds de retraite peuvent être représentés à concurrence de 10 % et dans la limite de 0,5 % par émetteur, appréciée dans les mêmes conditions qu'au paragraphe précédent, par des actions, parts ou droits émis par une société commerciale et admis à la négociation sur un marché réglementé ainsi que par des parts de fonds communs de placement à risque prévus au chapitre IV de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, et de fonds communs de placement dans l'innovation prévus au chapitre IV bis de la loi n° 88-1201 précitée. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à introduire un dispositif prudentiel que nous considérons comme substantiel et important. Nous avions longuement débattu de ce point lors de la discussion de la loi Thomas.
Les adhérents doivent bénéficier d'une gestion qui respecte les règles de dispersion des actifs, en d'autres termes de répartition des risques.
Cela conduit à deux principes. D'abord, les fonds ne doivent pas détenir plus de 5 % de leurs actifs investis en titres d'un même émetteur. Ensuite, ces fonds ne doivent pas investir plus de 10 % de leurs actifs en titres de sociétés non cotées ou en parts de fonds communs de placement à risque ou de fonds communs de placement dans l'innovation.
Nous sommes, bien sûr, favorables à l'investissement des actifs des fonds de retraite en titres de capital risque ou de sociétés non cotées. Cependant, compte tenu de la nature même des entreprises et des titres concernés, il faut, selon nous, éviter de trop concentrer les risques. En effet, dans certains cas, on aura de bonnes surprises, mais dans d'autres, de sérieuses déceptions.
Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de sociétés non cotées, de fonds communs de placement à risque ou de fonds communs de placement dans l'innovation, nous prévoyons que le montant ne doit pas dépasser 0,5 % par émetteur, contre 5 % dans le cas général, lorsqu'il s'agit de titres de sociétés cotées.
Il s'agit de la reprise de règles prudentielles qui avaient d'ailleurs été déterminées par la commission des finances du Sénat à l'occasion de la loi Thomas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Même si cet amendement est techniquement bien fait, je ne peux l'accepter, car il porte sur un article que je ne soutiens pas.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 25.
Nous en revenons à l'amendement n° 8, précédemment réservé.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le défendre.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un chapeau. C'est en quelque sorte un amendement d'habillage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. L'habillage paraît convenable : avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle et son intitulé sont insérés dans la proposition de loi, après l'article 25.

Division additionnelle avant l'article 26



M. le président.
Par amendement n° 11, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, avant l'article 26, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Titre V
« Mesures diverses. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est un autre chapeau, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle et son intitulé sont insérés dans la proposition de loi, avant l'article 26.

Article 26



M. le président.
« Art. 26. - Des décrets précisent, en tant que de besoin, les dispositions de la présente loi. »
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article renvoie à des décrets le soin de préciser en tant que de besoin les dispositions de la présente loi.
Certes, le Parlement est toujours un peu réticent à l'égard de cette procédure, car, souvent, les décrets ne sont pas publiés. Tel a été notamment le cas pour la loi Thomas. Cependant, le recours à des décrets est souvent indispensable. Nous espérons que, si cette loi est votée, les décrets auront plus de chance que ceux de la loi Thomas, et donc qu'ils seront publiés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 26.

(L'article 26 est adopté.)

Intitulé



M. le président.
La commission des affaires sociales propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi tendant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite ».
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous souhaitons améliorer, d'une part, la protection sociale - nous ne sommes pas animés par le souci de développer un instrument financier supplémentaire - et, d'autre part, le développement de l'épargne retraite. Là encore, il ne s'agit pas de jouer sur la bourse ni de favoriser le grand capital. (M. Fischer est dubitatif.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Il n'y a pas d'opposition sur la rédaction proposée pour l'intitulé ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Massion pour explication de vote.
M. Marc Massion. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai répété ce matin les propos que j'avais tenus, au nom de mon groupe, voilà quelque trois ans, lors de l'examen de la loi Thomas, à savoir que, sur le fond, nous étions favorables à la création de fonds d'épargne retraite.
Selon nous, ces fonds d'épargne retraite doivent être collectifs, obligatoires dans le cadre de l'entreprise ou de la branche professionnelle, et à gestion paritaire. A l'évidence, ces trois critères ne sont pas repris dans la présente proposition de loi. Par conséquent, nous voterons contre.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Puisque nous nous sommes largement exprimés lors de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable, je ne prolongerai pas le débat ; ce serait inutile. Je réaffirmerai simplement mon profond désaccord avec les propositions qui ont été formulées aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais me réjouir de l'excellent travail qui a été accompli au cours de cette journée. Le Sénat a fait, me semble-t-il, un bon usage de ce que l'on appelle les « fenêtres parlementaires ».
Les membres de mon groupe voteront, bien sûr, le texte issu de nos délibérations. Les amendements ont amélioré une proposition de loi que la commission des affaires sociales avait elle-même enrichie. Il convient de s'en réjouir.
S'agissant, d'abord, du principe de solidarité, il n'est pas question de remettre en cause les retraites par répartition. Il s'agit de contribuer à la cohésion sociale, de déterminer les conditions optimales pour un dialogue, afin de fortifier un partenariat social qui prendra appui sur les instruments que sont la participation, l'intéressement, les plans d'épargne retraite. Il prendra aussi appui sur les stock-options, lorsqu'on voudra bien nous les présenter ! Dois-je rappeler, en effet, dans quelles circonstances on a privé le Sénat de la possibilité de s'exprimer à vingt-trois heures trente, le 30 juin dernier ? La menace avait alors été la suivante : si vous commencez l'examen de ces dispositions qui devront retourner à l'Assemblée nationale, le projet de loi sur l'innovation et la recherche ne pourra pas être adopté définitivement, et donc entrer en application. Depuis, plus rien, sauf quelques signes qui laissent penser que les choses ne sont pas si simples au sein de la majorité plurielle.
Bref, nous voulons faire vivre un authentique partenariat social. Il y a, d'une part, ceux qui sont pour la baisse des impôts et, d'autre part, cher collègue Massion, ceux qui sont pour la hausse des prélèvements obligatoires !
M. Marc Massion. Non !
M. Jean Arthuis. Mais si, puisque vous dites que le dispositif doit être obligatoire !
M. Marc Massion. Vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit !
M. Jean Arthuis. Ah bon ! C'est une obligation, mais qui ne sont pas des prélèvements obligatoires !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est très intéressant et nouveau !
M. Jean Arthuis. Nous, nous sommes pour la souplesse, la capacité d'adaptation, le volontariat, la transparence. Nous sommes pour une épargne qui vienne fertiliser l'économie productive et apporter une réponse à tous ces salariés qui, aujourd'hui, s'inquiètent parce qu'ils ont conscience que leur entreprise est détenue par des actionnaires qui sont eux-mêmes gestionnaires de fonds de pension, au point qu'ils se demandent si, par leur travail, ils contribuent encore au financement de leur propre retraite.
Il s'agit d'une mesure d'égalité : il ne faut pas traiter différemment les membres de la fonction publique et les salariés des entreprises.
C'est pourquoi nous voterons avec confiance et détermination la proposition de loi issue de nos délibérations.
Une fois encore, je voudrais remercier MM. Descours et Marini de leur contribution à l'enrichissement de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte, mais il tient à réaffirmer ses regrets que la loi Thomas soit restée lettre morte, faute de textes d'application.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. A la fin de cette discussion, je voudrais remercier les intervenants, nos collègues et les membres du Gouvernement, vous-même, madame le secrétaire d'Etat, et M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui s'est exprimé ce matin. Je remercie également les groupes de la majorité sénatoriale d'avoir soutenu notre démarche.
Je veux souligner, une fois encore, que parmi ceux qui votent contre ce texte - j'ai bien écouté les représentants du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen - il y a des nuances.
Pour sa part, le représentant du groupe socialiste a expliqué qu'il n'était pas d'accord avec la commission sur un certain nombre de dispositions, mais il n'a pas dit son opposition de principe à l'épargne retraite.
En revanche, j'ai cru comprendre que le groupe communiste républicain et citoyen était opposé par principe à l'épargne retraite.
Chers collègues de l'opposition sénatoriale, vous parlez des difficultés de l'opposition nationale. La majorité sénatoriale, elle, s'est montrée toujours unie, notamment aujourd'hui. Les contradictions sont au moins aussi fortes dans la majorité plurielle ! (M. Guy Fischer s'exclame.)

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je reviendrai d'un mot sur l'intervention de M. Arthuis.
Si le système est fondé sur le volontariat, je doute que l'ensemble des salariés disposant de faibles revenus souscriront spontanément à ces fonds. Là est le vrai problème - et peut-être même le vrai drame - de cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi n° 187 (1998-1999) et n° 218 (1998-1999).

(La proposition de loi est adoptée.)

7

FAIT PERSONNEL

M. Marc Massion. Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Notre collègue Jean Arthuis a fait allusion à ce qu'il a cru comprendre du propos que j'ai tenu.
Plusieurs orateurs de la majorité sénatoriale ont fait référence, dans leurs exposés, à la Préfon, la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique. Or, à ma connaissance, les cotisations versées à la Préfon n'entrent pas dans les prélèvements obligatoires.
Ce matin, j'ai évoqué le caractère « obligatoire » des fonds de retraite dans le cadre de l'entreprise ou de la branche professionnelle. Et j'ai précisé que, dans ce cadre-là, le caractère « obligatoire » ne concourait pas à faire entrer ce type de cotisation dans les prélèvements obligatoires.

8

NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame M. Pierre Martin membre titulaire, M. Jean Bernadaux et Mme Hélène Luc membres suppléants de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur.

9

TRANSMISSION
D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'un Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 19, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DEPO^T D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur génomique et informatique : l'impact sur les thérapies et sur l'industrie pharmaceutique, établie par M. Franck Sérusclat, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 20 et distribué.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 octobre 1999, à dix heures, à seize heures et, éventuellement, le soir :
1. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique (n° 255, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Rapport (n° 449, 1998-1999) de M. Jacques Larché, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
2. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 256, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Rapport (n° 449, 1998-1999) de M. Jacques Larché, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 18 octobre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi : lundi 18 octobre 1999, à dix-sept heures.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi organique.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (n° 470, 1998-1999) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 octobre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 octobre 1999, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quarante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Mme Danielle Bidard-Reydet a été nommée rapporteur du projet de loi n° 501 (1998-1999) autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, fait à Madrid le 5 juin 1992.

COMMISSION DES FINANCES

M. Henri Torre a été nommé rapporteur du projet de loi n° 422 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du 8 juillet 1998 et n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
CONSEIL NATIONAL DU TOURISME

En application de l'article 3 du décret n° 86-201 du 11 février 1986, M. le président du Sénat a reconduit, le 13 octobre 1999, MM. Charles Ginésy, Claude Belot et Jean Besson en qualité de membres titulaires, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Chaumont et Pierre Hérisson en qualité de membres suppléants du Conseil national du tourisme. Il a également désigné Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Xavier Pintat en qualité de membres titulaires de cet organisme extraparlementaire, en remplacement respectivement de MM. Paul Loridant et Ambroise Dupont, ainsi que MM. Aymeri de Montesquiou et Marcel Bony en qualité de membres suppléants, en remplacement respectivement de M. Bernard Joly et Mme Maryse Bergé-Lavigne.

OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES ET D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Lors de sa séance du jeudi 14 octobre 1999, le Sénat a désigné M. Pierre Martin pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur. Il a reconduit M. Jean Bernadaux et Mme Hélène Luc dans leur mandat de membre suppléant de cet organisme extraparlementaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Protocole de Kyoto de la convention
sur les changements climatiques

604. - 14 octobre 1999. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'application de l'article 3 du protocole de Kyoto à la convention sur les changements climatiques. Elle lui rappelle que cet article précise que les pays signataires du protocole en 1997, dont la France, se doivent de réduire leurs émissions de dioxyde de carbone, des gaz à effet de serre, d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d'engagement allant de 2008 à 2012. Elle lui rappelle que chaque Etat signataire devra rendre compte en 2005, dans l'exécution de ses engagements au titre du présent protocole, des progrès dont il pourra apporter la preuve. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour que la France puisse atteindre l'objectif fixé - et plus particulièrement dans les secteurs des transports, de l'énergie et de l'agriculture.

Situation de la poste en milieu rural

605. - 14 octobre 1999. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la situation de La Poste en milieu rural, dont les fréquentes restructurations semblent menacer la survie de ce service public. Il lui demande en conséquence comment, à la veille de l'an 2000 et dans le cadre du contrat passé entre l'Etat et La Poste, il entend conjuguer la notion d'un service public de qualité pour tous et celle de productivité de l'établissement, tout en satisfaisant à la fois les attentes de la clientèle et les revendications professionnelles des agents de l'établissement, principalement à l'heure où se prépare, à l'intérieur de celui-ci, le passage aux 35 heures.

Financement des secours en mer

606. - 14 octobre 1999. - M. Christian Bonnet appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'augmentation du nombre d'interventions en mer pour porter secours à des personnes imprudentes et négligentes, avec pour corollaire des coûts très élevés supportés par la collectivité. Il lui demande si, sans remettre en question l'esprit de la loi n° 67-545 du 7 juillet 1967 qui pose le principe de la gratuité des secours en mer, on ne pourrait en adapter la lettre pour tenir compte du développement très important de la navigation de plaisance, d'une part, de l'évolution des comportements individuels, parfois révoltants d'égoïsme et d'inconscience, d'autre part. Ainsi, de même que, aux termes de la loi montagne n° 85-30 du 9 janvier 1985, les communes peuvent organiser le remboursement des opérations de secours pour le ski alpin et le ski de fond, il apparaîtrait logique que les intervenants mis à contribution dans le cas de sauvetage en mer aient la faculté de faire de même, au moins dans les cas où il apparaît de toute évidence que l'intervention aurait pu être évitée par l'observation de la réglementation en vigueur. Il le remercie donc de vouloir bien lui donner son opinion sur cette suggestion.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du jeudi 14 octobre 1999


SCRUTIN (n° 8)



sur la motion n° 1, présentée par Mme Hélène Luc, M. Guy Fischer, Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable aux conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Charles Descours et plusieurs de ses collègues, visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite et la proposition de loi de M. Jean Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste, visant à instituer des plans d'épargne retraite.

Nombre de votants : 240
Nombre de suffrages exprimés : 240
Pour : 16
Contre : 224

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Contre : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Paul Girod, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :

Contre : 97.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

N'ont pas pris part au vote : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Contre : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Contre : 6.

Ont voté pour


Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Michel Duffour
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant


Hélène Luc
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

Ont voté contre


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

N'ont pas pris part au vote


Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Marcel Bony
Yolande Boyer
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Louis Le Pensec
André Lejeune
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Paul Raoult
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 241
Nombre de suffrages exprimés : 241
Majorité absolue des suffrages exprimés : 122
Pour l'adoption : 16
Contre : 225

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.