Séance du 12 octobre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Commission mixte paritaire (p. 1 ).

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 2 ).

4. Retrait d'une question orale sans débat (p. 3 ).

5. Démission de membres de commissions et candidatures (p. 4 ).

6. Questions orales sans débat (p. 5 ).

NON-RESPECT DE LA LOI DU 11 FÉVRIER 1994 PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE CONCERNANT LA PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS (p. 6 )
Question de M. Jean-Jacques Robert. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Jean-Jacques Robert.

LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN
ET L'AVILISSEMENT DES ENFANTS EN FRANCE (p. 7 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Marie-Claude Beaudeau.

POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES (p. 8 )

Question de M. Alfred Foy. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Alfred Foy.

LIMITATION DE LA PRISE EN CHARGE
DES CURES THERMALES (p. 9 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Jean-Claude Carle.

CLASSEMENT DES CENTRES HOSPITALIERS (p. 10 )

Question de M. Jean Chérioux. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Jean Chérioux.

IMPLANTATION D'UN CENTRE D'ENFOUISSEMENT
DE DÉCHETS ULTIMES À SURY-LE-COMTAL (p. 11 )

Question de M. Bernard Fournier. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Bernard Fournier.

CRÉDITS AFFECTÉS À LA PICARDIE (p. 12 )

Question de M. Paul Girod. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Paul Girod.

AVENIR DE L'OEUVRE NOTRE-DAME DE STRASBOURG (p. 13 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Daniel Hoeffel.

PLAN D'URGENCE POUR LES LYCÉES (p. 14 )

Question de Mme Hélène Luc. - M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Mme Hélène Luc.

CONSTRUCTION D'UN NOUVEAU SYNCHROTRON (p. 15 )

Question de M. Jacques Legendre. - MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Jacques Legendre.

PLACE DE LA FRANCE AU SEIN DU CONSEIL DE L'EUROPE (p. 16 )

Question de M. Daniel Goulet. - MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Daniel Goulet.

BAISSE DE LA TVA
DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION (p. 17 )

Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Adrien Gouteyron.

COÛT D'ENTRETIEN ET DE CLASSEMENT DES ROUTES (p. 18 )

Question de M. Claude Domeizel. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Claude Domeizel.

TRAIN PENDULAIRE PARIS-TOULOUSE (p. 19 )

Question de M. Georges Mouly. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Georges Mouly.

ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DE L'ÉTAT
POUR LA MISE EN OEUVRE DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS (p. 20 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; René-Pierre Signé.

CONDITIONS DE TRAVAIL DES CHAUFFEURS DE TAXI (p. 21 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Mme Nicole Borvo.

7. Nomination de membres de commissions (p. 22 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

8. Polynésie française et Nouvelle-Calédonie. - Adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p. 24 ).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Larché, président de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Gaston Flosse, Michel Duffour, Georges Othily, Guy Allouche, Simon Loueckhote.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.

Article 1er. - Adoption par scrutin public (p. 25 )

Articles 2 à 4. - Adoption (p. 26 )

Vote sur l'ensemble (p. 27 )

M. Patrice Gélard.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi constitutionnelle.

9. Droit applicable outre-mer. - Adoption d'un projet de loi d'habilitation (p. 28 ).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois ; Robert Laufoaulu, Michel Duffour, Guy Allouche.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.

Articles 1er à 4. - Adoption (p. 29 )

Vote sur l'ensemble (p. 30 )

M. Claude Lise.
Adoption du projet de loi.

10. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 31 ).

11. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 32 ).

12. Dépôt d'un avis (p. 33 ).

13. Ordre du jour (p. 34 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Lionel Jospin »

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre un rapport au Parlement sur la réforme de la taxe professionnelle en application de l'article 44 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

4

RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
SANS DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 570 de M. Roland du Luart est retirée à la demande de son auteur de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.

5

DÉMISSION DE MEMBRES DE COMMISSIONS ET CANDIDATURES

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de M. Bernard Murat comme membre de la commission des affaires économiques et du Plan et de celle de M. Charles de Cuttoli comme membre de la commission des lois.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

6

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

NON-RESPECT DE LA LOI DU 11 FÉVRIER 1994 PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE CONCERNANT LA PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

M. le président. La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 534, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, les URSSAF, refusent l'inscription de certains travailleurs indépendants nouvellement installés en tant que non-salariés, décidant parfois, le jour même de l'inscription, a priori et sans aucune consultation, que les intéressés sont des salariés et relèvent en conséquence du régime général de sécurité sociale.
Rapporteur de la loi relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle du 11 février 1994, j'avais prévu que cette difficulté pourrait se présenter et avais fait voter des dispositions permettant de l'éviter. C'est ainsi qu'un double dispositif a été introduit dans le texte.
D'une part, l'article 49 de cette loi prévoit la présomption simple d'une activité indépendante pour toute personne qui choisit l'immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers. Cette présomption peut être levée après - et seulement après - qu'a été établie l'existence d'un lien de subordination permanent entre le travailleur non salarié et le donneur d'ouvrage.
D'autre part, l'article 35 instaure une procédure permettant au travailleur indépendant de vérifier auprès de l'URSSAF s'il relève ou non du régime général ; l'URSSAF dispose alors de deux mois pour répondre.
Ces deux articles condamnent l'interprétation des URSSAF pour qualifier une personne de salarié ou de travailleur indépendant le jour même de l'inscription.
Lors des débats, ces qualifications abusives avaient été clairement évoquées à ma demande, et la manière de les empêcher avait été non moins clairement envisagée.
Voici ce que déclarait le ministre devant le Sénat lors de la séance du 26 janvier 1994, ainsi que le Journal officiel en témoigne à la page 635 :
« Un entrepreneur individuel a fait clairement le choix de l'entreprise individuelle en s'inscrivant au registre du commerce, au registre des sociétés ou au répertoire des métiers sous le régime de non-salarié.
« Il est normal, parfois, tout particulièrement au début de son activité, qu'il recherche la sécurité d'un donneur d'ordre. Mais, lorsqu'il a obtenu la stabilité de son donneur d'ordre, patatras ! les dispositions du code du travail, de la sécurité sociale, peuvent entraîner une double requalification... L'entrepreneur individuel, lui, est maintenant qualifié de salarié, son contrat commercial étant également requalifié de contrat salarié, et ce contre sa volonté.
« Cette insécurité juridique est grave, et c'est pour mettre fin à cette dérive de la jurisprudence que nous avons proposé ces dispositions... C'est une présomption, mais une présomption forte de la volonté des parties que nous entendons inscrire dans ce projet de loi. »
Le ministre précisait encore : « Ce n'est qu'en cas de faute de l'intéressé que l'on pourrait procéder à une requalification. »
Le Parlement a unanimement choisi de suivre cette ligne, madame le secrétaire d'Etat. Pouvez-vous m'indiquer que les URSSAF vont être mises au pas par des instructions de manière qu'elles appliquent strictement la loi et respectent ainsi le vote du Parlement ? (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'application par les caisses de sécurité sociale de la loi du 11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, et plus particulièrement sur l'application des dispositions concernant la détermination du caractère salarié ou non de l'activité.
Aux termes de l'article 35 de cette loi, les personnes immatriculées au registre du commerce ou au répertoire des métiers peuvent demander aux URSSAF si leur activité doit être considérée comme salariée et donc les faire relever du régime général.
Pour décider, l'URSSAF concernée examine très précisément la situation de l'intéressé, en l'interrogeant notamment sur les moyens matériels qui sont susceptibles d'être mis à sa disposition, la clientèle, l'existence de directives et de contraintes, l'obligation de rendre compte, la rémunération, la participation au risque économique. La liste de ces points montre que l'URSSAF ne prend pas uniquement en compte la subordination économique, mais qu'elle cherche à déterminer s'il existe également une subordination juridique.
Les modalités pratiques de cette procédure de consultation sont décrites dans les circulaires ministérielles du 4 juillet 1994 et interministérielle du 4 mai 1995 signées par Mme Veil, M. Giraud et M. Madelin.
Il est exact que la loi du 11 juillet 1994 prévoit une présomption d'absence de contrat de travail lorsque la personne est inscrite au registre du commerce ou au registre des métiers, mais il s'agit d'une présomption simple, susceptible d'être renversée, selon un arrêt de la Cour de cassation en date du 31 mars 1998.
En d'autres termes, la présomption signifie simplement que c'est à l'URSSAF d'établir que la personne est en fait salariée ; elle ne signifie pas que la personne doit automatiquement être considérée comme non salariée du seul fait de son inscription au registre des métiers ou du commerce. Si c'était le cas, la consultation de l'URSSAF serait d'ailleurs inutile.
La décision de l'URSSAF est bien entendu susceptible d'appel, devant la commission des recours amiables d'abord, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ensuite.
Au-delà de ces aspects de procédure, je voudrais attirer votre attention sur la raison d'être de ces dispositions. Il s'agit non pas du tout d'entraver la création d'entreprise mais de protéger les salariés et de veiller à ce que, éventuellement, certains employeurs ne s'affranchissent pas de charges sociales et d'obligations découlant du droit du travail.
Il a été demandé à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, de voir si ces dispositions entraînaient des difficultés d'application sur le terrain. D'après l'ACOSS, ces difficultés se présentent très rarement. Toutefois, un bilan de l'application de ces dispositions sera demandé aux URSSAF d'ici à la fin de l'année.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de cette réponse. Elle témoigne malheureusement du décalage qui existe entre ce que nous voulons, nous qui siégeons ici, qui étudions minutieusement les textes, qui essayons de mettre les garde-fous indispensables, et l'application qui est ensuite faite de la loi par les ministères et, en l'occurrence, par la sécurité sociale, qui s'autogère, qui enquête elle-même sur ses propres pratiques et qui se juge elle-même.
Dans le cas qui nous occupe, à partir des mêmes mots, nous aboutissons à une interprétation totalement différente. Or, si vous étudiez très précisément le texte de la loi, vous constaterez qu'il y a bel et bien détournement de celle-ci.
Sachant d'avance ce qui allait m'être répondu, j'ai pris mes précautions et j'ai retenu un autre propos du ministre lors de la même séance du 26 janvier 1994. Celui-ci figure à la page 638 du Journal officiel : « Les choses sont bien claires : je m'installe comme entrepreneur individuel selon les formalités prescrites et je suis donc présumé exercer une activité indépendante sans qu'il y ait lieu de rechercher si mon statut juridique pourrait, le cas échéant, être requalifié. » Le français étant le français, le législateur étant le législateur, je trouve cela très clair et c'est bien l'administration qui passe outre à la volonté du législateur.
Alors, je vous en supplie, madame le secrétaire d'Etat, faites en sorte que ce dossier soit minutieusement examiné. Il ne s'agit pas de quelques cas isolés : le problème se pose fréquemment.
Les URSSAF doivent être rappelées à la bonne application de cette loi. Leur pratique est d'autant plus choquante que, je le répète, c'est au jour même de l'inscription qu'elles se rendent coupables de ce détournement de la loi.
Je vous fais confiance, madame le secrétaire d'Etat, pour m'aider à faire valoir la bonne interprétation de la volonté du législateur.

LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN
ET L'AVILISSEMENT DES ENFANTS EN FRANCE

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 568, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, dans quelques jours, nous célébrerons le dixième anniversaire de la signature de la convention internationale des droits de l'enfant. Ma question s'intègre donc parfaitement à un temps fort de réflexion sur l'application dans notre pays de cette convention.
Je m'en tiendrai au travail des enfants dans notre pays, dont le recul a cessé, et à la prostitution enfantine, qui aurait tendance à se développer, situations qui appellent évidemment des mesures urgentes du Gouvernement.
Certes, les pays industrialisés, notamment la France, ont fait reculer le travail des enfants tout au cours du xxe siècle. Mais, dans le monde, selon le Bureau international du travail, un enfant de cinq à quatorze ans sur quatre - soit 250 millions d'enfants - est économiquement actif. La moitié de ces enfants subissent une forte réduction d'éducation, les autres travaillent à plein temps, 70 % d'entre eux étant employés à des tâches agricoles.
Lors de la rencontre d'Oslo, en 1997, il a été admis que la mondialisation, parce qu'elle aiguise la compétition, aspire les enfants dans le monde du travail et tend à réduire les budgets de la formation et de l'aide sociale. Cette rencontre a alors conclu que le recul du travail des enfants était conditionné par la scolarisation de tous les enfants du monde, ce qui a conduit l'UNICEF à demander 6 milliards de dollars supplémentaires pour envoyer tous les enfants à l'école, soit moins de 1 % de ce que le monde dépense chaque année en armement.
La France et son gouvernement, je le sais, partagent cette analyse et oeuvrent pour que l'évolution définie par Oslo se poursuive. Le plan d'Oslo s'est d'ailleurs fixé quinze ans pour atteindre cet objectif.
Mais mon propos va plus loin. Que faisons-nous en France ? Sommes-nous concernés ? C'est l'objet de ma question.
Ce fléau frappe les pays occidentaux. Un Britannique de moins de dix-huit ans sur quinze a un « job », avant ou après l'école. Dans l'Union européenne et les pays de l'Est, on estime à deux millions le nombre d'enfants qui travaillent journellement.
En France, selon le rapport publié voilà moins d'un an par la direction des relations du travail du ministère de l'emploi et de la solidarité, quatre secteurs d'activité font travailler des jeunes de moins de dix-huit ans, soit 50 % des jeunes au travail dans notre pays. Cela représente, pour les industries agricoles et alimentaires, 19 326 jeunes, pour le commerce et la réparation automobile, 24 095 jeunes et, pour l'hôtellerie et la restauration, 22 693 jeunes.
Tous secteurs confondus, on dénombre 129 155 jeunes de moins de dix-huit ans au travail. Ces chiffres ne baissent plus et ils ne tiennent pas compte, madame la secrétaire d'Etat, de la présence de jeunes enfants dans les activités aussi ignobles que la pédophilie, la prostitution, la diffusion de la drogue et la participation à des ateliers clandestins de confection, sans compter l'exploitation domestique des jeunes enfants.
Que compte faire le Gouvernement pour faire reculer au niveau zéro le travail des enfants dans notre pays, notamment dans les secteurs particuliers que je viens d'évoquer ?
Ne faudrait-il pas aboutir à ce que les jeunes enfants ne soient plus utilisés dans les spectacles, la mode et la publicité ? Il suffit de voir leur mine dans les spots publicitaires pour constater l'obligation qui leur est faite de paraître, avec l'expression, parfois, de souffrance.
Les agences parisiennes ont dans leurs fichiers les noms de 13 500 enfants très jeunes, sans compter des dérives, notées dans le rapport que j'ai cité tout à l'heure, sur les sociétés de casting fonctionnant sans licence ni agrément. Ne faut-il pas revoir la loi et interdire purement et simplement l'emploi des enfants de moins de six ans ?
Je rappelle que, à l'heure actuelle et tout à fait légalement, on peut faire travailler un enfant de moins de six mois à condition que la durée journalière de travail n'excède pas une heure.
En ce qui concerne les maltraitances sexuelles, le recensement des plaintes par la gendarmerie et la police nationale montre deux phénomènes : une progression du nombre de victimes et un abaissement de leur âge. La prostitution enfantine existe et progresse. Elle est, dans tous les cas, toujours subie.
Aux termes de l'article 227-22 du code pénal, le fait de favoriser la corruption d'un mineur n'est passible que de cinq à sept ans d'emprisonnement. Cet article doit être révisé et les peines qu'il prévoit doivent être alourdies, tant le délit est grave.
Enfin, dans le secteur agricole, depuis 1997, l'entraide familiale pour les petites exploitations n'est plus autorisée que pour les jeunes âgés de plus de quatorze ans. Dans les faits, on n'a constaté aucune évolution, si ce n'est la disparition des petites exploitations familiales.
Madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures préconise le Gouvernement pour le respect de cette limite de quatorze ans ? Ne faut-il pas la porter à seize ans ?
Vous le voyez, mes trois questions sont précises. Les études existent, émanant des ministères. Désormais, les décisions concrètes s'imposent.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Madame la sénatrice, le rapport sur le travail des enfants en France réalisé en novembre 1998, que vous avez d'ailleurs cité, a bien mis en évidence le fait que si de telles situations sont rares leurs conséquences peuvent être très préjudiciables pour l'enfant, sur les plans tant physique que psychique.
Des mesures concrètes ont été prises à la suite du dépôt de ce rapport, de manière à donner un réel contenu à la lutte contre les situations abusives mettant en péril les enfants. Une vigilance renforcée a été ainsi demandée aux services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité à propos de l'emploi irrégulier d'enfants dans les métiers du spectacle et de la publicité. Dans ces secteurs, si le respect des dispositions du cadre réglementaire par les professionnels est la règle, les dérives sont toujours possibles. Il convient de rappeler que, en matière de publicité et de spectacles, la législation actuelle est très protectrice à l'égard des enfants. Néanmoins, les sanctions pénales sont, en l'état, peu dissuasives, ce qui conduira à proposer leur renforcement.
Il a donc été demandé à chaque préfecture, au mois de mai 1999, de dresser un bilan de l'activité de la commission constituée au sein du conseil départemental de protection de l'enfance, en vue de donner un avis sur les demandes d'autorisation de travail des enfants dans ces secteurs. Il apparaît que, dans de nombreux départements, la commission n'a jamais siégé, compte tenu de l'absence de demandes d'autorisation. Dans d'autres départements, une vigilance particulière a été requise de la part des services, afin que les représentations organisées par des sociétés qui ne seraient pas en règle pour l'emploi des mineurs ne soient pas autorisées. L'autorisation peut par ailleurs avoir été accordée, sous réserve d'un compte rendu annuel des contrats d'engagement réalisés.
Enfin, la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal a publié, en septembre 1998, un guide sur le travail illégal et les mannequins. Ce guide a été largement diffusé auprès des préfectures, des directions départementales et régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et à tous les corps de contrôle habilités : gendarmerie, URSSAF, services fiscaux, douanes et police.
Dans les nombreux secteurs d'activité où des enfants peuvent être amenés à aider leurs parents dans le cadre de l'entreprise ou de l'exploitation agricole familiale - ce qu'autorise le cadre légal par dérogation aux dispositions relatives à l'âge minimal à l'emploi - il est apparu, là aussi, que les services d'inspection ne relèvent que très rarement des situations abusives où la santé, l'équilibre et l'assiduité scolaire de l'enfant peuvent être en jeu. Toutefois ces situations existent, même si le secteur de l'agriculture a, par décret du 14 avril 1997, proscrit l'emploi d'enfants de moins de quatorze ans, y compris dans l'exploitation agricole familiale. Les abus qui ont pu être ainsi constatés par les services d'inspection, même s'ils demeurent marginaux, ont amené à réfléchir sur une évolution du cadre légal.
Il a été recommandé par ailleurs aux services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité que l'attache des procureurs de la République soit prise de façon systématique afin d'appeler leur attention sur l'importance des opérations de contrôle ainsi menées. Cette prise de contact devait permettre également de les sensibiliser aux conséquences des suites judiciaires qui peuvent être données aux procès-verbaux dressés à l'encontre d'employeurs ayant fait travailler des mineurs dans des conditions irrégulières.
Rappelons enfin qu'il est par définition difficile de cerner l'utilisation clandestine de main-d'oeuvre enfantine. Le nombre de situations de ce type relevées par les services, qu'il s'agisse de l'inspection du travail, des services de la protection judiciaire de la jeunesse ou des services de police, est par conséquent faible.
L'exploitation domestique d'enfants pose un problème particulier. Ce type d'affaire, parfois révélé au grand jour par les médias, correspond à des situations dramatiques vécues, le plus souvent, par de très jeunes filles conduites en France dans des conditions illégales et exploitées au domicile de particuliers dans des conditions contraires à la dignité humaine.
Madame la sénatrice, le Gouvernement partage votre préoccupation et veille le plus possible à ce que la législation soit pleinement appliquée.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Je ne doute pas que le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour qu'une solution soit apportée à ces situations qui sont effectivement rares et qui, comme vous l'avez dit, ont des conséquences graves. Il faudra que nous revoyons les trois propositions précises que je vous ai faites, car des mesures concrètes seront nécessaires.
J'ai bien noté que, dans tous ces domaines, vous aviez demandé aux services déconcentrés d'établir des bilans. Cependant, je crains, madame la secrétaire d'Etat, que les moyens donnés aux inspecteurs du travail et aux directions départementales du travail et de l'emploi ne soient insuffisants pour mener à bien cette action, dans laquelle le Gouvernement est engagé, avez-vous dit. S'agissant des trois mesures concrètes que je vous ai proposées, les débats qui vont se poursuivre entre nous permettront sans doute de trouver des solutions et conduiront à l'adoption de mesures très concrètes.

POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à M. Foy, auteur de la question n° 573, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Alfred Foy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le sujet que j'aborde relève du consensus social : il s'agit de la politique qui doit être menée en faveur des handicapés.
De grandes avancées ont été faites, mais il reste beaucoup à réaliser : il faut, dès aujourd'hui, prendre les mesures essentielles, et résister à la tentation d'une gigantesque réforme, qui risque d'être repoussée aux calendes grecques.
Un arsenal juridique performant est à portée de main. Il faut maintenant le déployer sans exception.
La seule passivité de notre part - car il s'agit bien de cela - condamne ces personnes à l'immobilisme.
Aujourd'hui, l'Association des paralysés de France mène campagne pour faire respecter les places de parking réservées ! N'est-ce pas là la démonstration que nous en sommes aux balbutiements dans l'application d'une législation en faveur des personnes dont la mobilité est réduite ?
La personne handicapée est-elle vraiment un citoyen à part entière ? Que penser de l'accès à l'éducation ? Quelque 80 % des sourds ne bénéficient pas d'un enseignement régulier. Seulement un jeune handicapé sur trois est scolarisé.
J'en viens à un domaine qui vous concerne plus particulièrement : les prestations versées aux personnes reconnues handicapées. Force est de constater qu'une assimilation s'installe depuis quelque temps entre une situation d'exclusion transitoire et la reconnaissance d'un handicap. Ce fait vous a été signalé par plusieurs associations de défense des personnes handicapées, madame la secrétaire d'Etat. Il est à craindre que ce phénomène ne se généralise et ne favorise l'essor d'une catégorie de personnes : des allocataires ad vitam aeternam d'une modeste prestation financière.
Pourtant, la mission d'une société humaniste est de créer les modalités adéquates pour réduire les inégalités individuelles. Les carences génétiques accidentelles et les déficiences d'ordre matériel sollicitent des politiques distinctes.
L'individu amoindri par un handicap physique aspire à une aide technique performante et à l'assistance intermittente d'un tiers pour lui faciliter la vie courante. Celui qui souffre d'une affection mentale requiert un encadrement sanitaire plus complexe.
Aussi, le support financier commun alloué en compensation de handicaps de toute nature, dans lequel s'ingèrent désormais des bénéficiaires en situation d'exclusion financière, résulte d'un compromis trop aisé. Des solutions adaptées à chaque type de handicap pourraient être opérationnelles depuis longtemps. Les moyens sont connus, mais ils ne sont pas suffisamment mis en oeuvre.
Ainsi, l'aide à domicile dans notre pays en est aux balbutiements : sa complexité d'emploi, sa rigidité de fonctionnement et son coût financier dissuadent les demandeurs. L'accès aux outils compensateurs d'un handicap, prothèse ou matériel spécifique, est très sélectif ; il le deviendra plus encore avec la réduction des dépenses de santé.
Les capacités d'accueil dans les structures spécialisées demeurent insuffisantes malgré l'augmentation du nombre de places. Aucune disposition pratique n'a été prise en ce qui concerne les loisirs des personnes les plus lourdement handicapées.
Ces carences, que notre société n'arrive pas à combler, grèvent lourdement les budgets des familles. N'est-ce pas de la responsabilité de l'Etat d'actualiser les revenus compensatoires individuels ?
J'en terminerai avec la réforme législative concernant l'aspect sanitaire de la loi de 1975, attendue par les associations représentatives des personnes handicapées. L'avant-projet, élaboré de manière consensuelle avec ces dernières, devait se glisser rapidement dans le calendrier parlementaire. Il n'en est rien encore. Pourquoi ne pas fixer d'autres réunions de travail entre le Gouvernement et les associations ?
Mes observations sont nombreuses. Je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, que vous puissiez y répondre avec la précision nécessaire pour apporter un réconfort à ceux qui sont touchés par un handicap et qui ne formulent qu'un voeu : être des citoyens ordinaires.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attentif aux préoccupations exprimées par l'UNAPEI, l'Union nationale des associations des parents d'enfants inadaptés, et par d'autres associations représentatives. La politique menée depuis deux ans en faveur des personnes handicapées répond à ces préoccupations.
Globale et cohérente, cette politique vise à l'intégration des enfants et adultes handicapés en prenant en compte, dans tous les secteurs de l'action publique, les besoins particuliers que leur imposent leurs handicaps, quelle qu'en soit l'origine.
Cette politique de solidarité ne se réduit pas aux politiques de lutte contre les exclusions, même si elle peut les recouper parfois. Elle fait prévaloir la dignité et les droits de la personne au-delà des différences.
Une double ambition anime notre politique : rendre effective l'intégration de toutes les personnes handicapées et prendre en compte de manière particulière les personnes les plus gravement handicapées qui ont besoin d'accompagnements spécifiques.
C'est pourquoi des actions fortes ont été engagées et seront poursuivies.
La première de ces actions vise à l'intégration scolaire et à l'éducation des jeunes handicapés, à travers les vingt mesures annoncées conjointement avec le ministère de l'éducation nationale en avril dernier, aujourd'hui en cours d'application.
Une autre de ces actions est la prise en charge des adultes lourdement handicapés à travers la mise en oeuvre du plan pluriannuel de création de 16 500 places nouvelles dans les établissements spécialisés, auquel s'ajoutent des actions particulières en direction des autistes et des traumatisés crâniens.
La réforme de la loi relative aux institutions sociales permettra d'approfondir cet effort et de faire face à de nouveaux problèmes, tel celui du vieillissement des adultes handicapés.
Cela ne nous empêchera pas, bien au contraire, de mobiliser des moyens nouveaux, nécessaires pour répondre aux besoins. A ce titre, je rappellerai que l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, pour l'an 2000, qui vous sera remis, devrait prévoir un taux de progression de 4,9 % des dépenses pour le secteur social et médico-social.
Enfin, je peux vous assurer que l'action menée par les pouvoirs publics se construit et se poursuivra grâce à un dialogue permanent avec les associations représentatives des personnes handicapées.
M. Alfred Foy. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie pour votre réponse dans laquelle je note la réelle volonté du Gouvernement d'apporter des satisfactions aux handicapés. J'espère que cette volonté se traduira très concrètement et apportera un réel soulagement aux handicapés et à leurs associations.

LIMITATION DE LA PRISE EN CHARGE
DES CURES THERMALES

M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 576, adressée à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question concerne le déremboursement des cures thermales, question à laquelle une réponse a déjà été apportée à M. Bernard Fournier par votre collègue Mme Gillot, lors de la dernière séance de questions d'actualité au Gouvernement.
J'avais rédigé cette question en juillet, mais les contraintes du calendrier font qu'elle vient en séance un peu tardivement et qu'elle fait donc répétition, ce dont je vous prie de bien vouloir m'excuser.
Toutefois, la politique exigeant de la pédagogie, laquelle est l'art de la répétition, je me permettrai de formuler de nouveau brièvement cette interrogation, ce qui vous permettra, madame la secrétaire d'Etat, de confirmer la position du Gouvernement.
La limitation de la prise en charge des cures thermales aux seules situations pathologiques concernant les voies respiratoires chez les enfants et les affections des muqueuses bucco-linguales mettrait en danger nombre de stations thermales dont certaines ont, depuis plusieurs années, beaucoup investi dans la qualité soit des soins, soit des prestations.
Le thermalisme - vous le savez tout comme moi - représente 120 000 emplois pour un chiffre d'affaires estimé à 2,2 milliards de francs. Il s'agit donc d'un secteur non négligeable de notre économie de par son incidence sur l'activité économique et sur l'emploi. Mais ce secteur participe également à l'aménagement harmonieux du territoire, car les établissements sont situés bien souvent dans les zones rurales, les zones de montagne, voire les zones difficiles.
C'est pourquoi je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous confirmiez les propos de votre collègue et la volonté du Gouvernement, d'une part, de prolonger d'un an la suspension de l'entente préalable et, d'autre part, de donner un nouvel élan au thermalisme.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Le Gouvernement n'entend pas mettre en oeuvre les propositions de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, tendant à réduire la prise en charge des cures thermales, laquelle serait limitée à deux orientations thérapeutiques - d'une part, les voies respiratoires concernant plus particulièrement les enfants et, d'autre part, la dermatologie concernant le traitement des personnes gravement brûlées ou atteintes de dermatoses difficiles à traiter - tandis que, pour les autres, telle la rhumatologie, la prise en charge serait progressivement diminuée.
Il convient, en revanche, de s'assurer de l'absence d'abus dans les prises en charge des cures ; les caisses d'assurance maladie et leurs services médicaux ont un rôle déterminant à jouer dans cette action.
Afin de disposer d'une analyse d'ensemble de la situation du thermalisme, Mme Aubry a décidé de confier une mission sur l'avenir du thermalisme à une personnalité qualifiée. La mission examinera, en concertation avec les représentants du thermalisme, les perspectives de mise en oeuvre d'une procédure d'accréditation des établissements thermaux, dans un souci de qualité des prestations offertes et du bon usage des soins.
S'agissant de l'entente préalable, c'est-à-dire la demande d'agrément par la sécurité sociale pour la prise en charge de la cure, je rappelle qu'un arrêté ministériel du 12 mars 1997 a suspendu pour deux ans cette procédure.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a demandé à la CNAMTS, préalablement à toute décision relative à cette suspension, une évaluation des dépenses thermales de 1996 à 1998 ainsi qu'une analyse de l'incidence de la suspension de l'entente préalable sur les dépenses thermales. Cette évaluation n'a pas été achevée.
Il paraît indispensable de maintenir en l'état la procédure de suspension de l'entente préalable dans l'attente des résultats de cette étude, qui seront utilement complétés par les travaux de la mission ministérielle qui sera installée prochainement.
En conséquence, Mme Aubry a décidé de prolonger d'une année supplémentaire la suspension de la procédure d'entente préalable.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'Etat d'avoir confirmé la volonté du Gouvernement de ne pas donner suite aux propositions de la CNAMTS.
Il est effectivement utile d'établir un bilan global afin de mettre en évidence tant le coût des dépenses thermales pour l'assurance maladie, coût sur lequel nous devons être vigilants, que les recettes engendrées par le thermalisme.
Je rappellerai enfin mon souhait de voir le Gouvernement donner un nouvel élan au thermalisme, secteur important de notre domaine sanitaire et de notre patrimoine économique.

CLASSEMENT DES CENTRES HOSPITALIERS

M. le président. La parole est à M. Chérioux, auteur de la question n° 586, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, madame le ministre, secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question concerne les critères qui président au classement des établissements de santé en établissements de première, deuxième ou troisième classe. Ce classement revêt une importance particulière puisqu'il conditionne l'affectation des directeurs d'hôpitaux.
Aux termes du décret n° 88-163 modifié du 19 février 1988, en effet, le corps des personnels de direction des hôpitaux comprend trois classes : la première classe, qui comporte six échelons, la deuxième classe et la troisième classe, qui comportent chacune huit échelons.
Ces fonctionnaires ont vocation à occuper certains emplois de direction dans les établissements hospitaliers en fonction du classement de ces derniers. Le décret prévoit dans son article 4 que les hôpitaux publics font l'objet d'un classement sur des listes arrêtées par le ministre chargé de la santé.
Le décret ne prévoit pas de critères pour ce classement : on suppose tout de même que le ministre tient compte de l'importance de l'activité de l'hôpital et aussi de l'avis du conseil d'administration, qui est compétent, aux termes de l'article L. 714-4 du code de la santé publique, pour délibérer sur « les emplois de direction ».
Il me semble aussi que, sauf pour répondre à un impératif national concernant la gestion du corps des cadres hospitaliers ou à un voeu exprimé fortement par un conseil d'administration ou encore pour adapter le classement de l'hôpital à l'augmentation ou au recul de son activité, le ministre n'a pas de raison particulière de modifier la liste de classement des établissements de santé.
Je voudrais donc, madame le secrétaire d'Etat, connaître les critères que vous appliquez dans vos décisions, notamment dans celle que vous avez prise au sujet de l'hôpital de Lavaur, dans le Tarn. Alors que le poste de directeur de l'établissement avait été déclaré vacant sans que, semble-t-il, le président du conseil d'administration en soit informé, que l'activité de l'hôpital n'avait pas évolué sensiblement et que le conseil d'administration s'était opposé à l'unanimité à modifier le classement de l'hôpital, cet établissement est subitement devenu un établissement de première classe.
Dans le respect de vos prérogatives de gestionnaire du corps des personnels de direction des hôpitaux, je vous saurais gré, madame le secrétaire d'Etat, de m'indiquer pourquoi cette décision a été prise.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, l'établissement public de santé de Lavaur, sur lequel vous m'interrogez, réunit l'ensemble des neuf critères objectifs pour être reclassé centre hospitalier de première classe du fait de son activité et des moyens alloués. Trois de ces critères concernent le budget, les effectifs et le nombre de lits ; six concernent le nombre de courts, moyens et longs séjours.
J'ai demandé que l'on veuille bien me transmettre la liste de ces critères et les seuils de reclassement. Je me propose donc de vous communiquer ces éléments par écrit, monsieur le sénateur, à moins que vous ne préfériez en avoir connaissance immédiatement.
M. Jean Chérioux. Il serait préférable, madame le secrétaire d'Etat, que ces éléments figurent au Journal officiel de nos débats !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je vais donc vous livrer les chiffres.
Concernant les moyens, c'est-à-dire le budget, le personnel et le nombre de lits, le seuil de classement est de 150 millions de francs pour le premier critère et, à Lavaur, le budget atteint 234 millions de francs ; concernant les effectifs, le seuil de classement est de 400 à 500 et, à Lavaur, on compte 670 employés ; concernant le nombre de lits, le seuil de classement est de 300 et Lavaur en dénombre 467.
Concernant les six critères d'activité que j'ai évoqués rapidement tout à l'heure, le seuil de classement est de 8 000 pour les consultations externes, alors que Lavaur en compte 38 000 ; pour les passages en urgence, il est de 2 000 et Lavaur en dénombre 8 500 ; pour les entrées en court séjour, le seuil de classement est de 1 500 et Lavaur en compte 7 000 ; pour les moyens et longs séjours, le seuil est de 100 000 alors que Lavaur en compte 140 000 ; pour la psychiatrie, le seuil de classement est de 1 300 et Lavaur atteint 3 500 ; enfin, Lavaur compte trois secteurs alors que le seuil de classement est de deux.
Le centre hospitalier de Lavaur remplit donc neuf critères sur neuf !
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, ma conclusion sera extrêmement brève : le ministère nomme des directeurs d'établissement dont le grade correspond au niveau du poste, et il n'en a pas été autrement pour la récente nomination du nouveau directeur. Le président du conseil d'administration de l'hôpital de Lavaur a donc tout lieu d'être satisfait d'une telle décision, qui distingue à sa juste valeur cet établissement hospitalier.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir bien voulu nous faire part de ces chiffres. Mais, si tous les critères sont très largement dépassés à Lavaur, ils le sont à un point tel que j'en conclus que cette situation devait être très ancienne. Dès lors, on peut tout de même s'étonner que, alors que la situation n'a pas, d'après ce qui m'a été indiqué, sensiblement évolué dans les dernières années, le Gouvernement ait brusquement décidé de modifier le classement de cet hôpital.

IMPLANTATION D'UN CENTRE D'ENFOUISSEMENT
DE DÉCHETS ULTIMES Á SURY-LE-COMTAL

M. le président. La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 569, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La commune de Sury-le-Comtal, dans le département de la Loire, a été retenue par le préfet de la région Rhône-Alpes comme l'un des deux sites d'accueil potentiels d'un centre d'enfouissement technique de classe 1 pour les déchets ultimes.
Initialement sélectionnée avec la commune de Marboz, dans l'Ain, Sury-le-Comtal semble être aujourd'hui la seule hypothèse qui soit encore d'actualité. Ce projet s'inscrit dans le cadre du plan régional d'élimination des déchets spéciaux.
Aucune concertation n'a eu lieu avec les élus, aucune information n'est parvenue à la population depuis une réunion qui s'est tenue en octobre 1998. Les élus municipaux de Sury-le-Comtal n'ont pas été associés. Seule une délégation d'élus d'une commune adjacente a été reçue par le ministère de l'environnement.
Les conséquences de ce projet sur la santé de la population, sur le cadre de vie, mais aussi ses implications économiques, sont très importantes. Les études disponibles ne laissent pas apparaître d'éléments qui soient de nature à rassurer les habitants de cette région.
Seule l'entreprise pétitionnaire a adressé un bulletin d'étape : sans mettre en doute la qualité de cette information, elle demeure, vous en conviendrez, pour le moins subjective.
Les pouvoirs publics restent, quant à eux, dans le silence absolu. La ministre de l'environnement, dans une réponse à une question écrite de l'un de mes collègues députés de la Loire, concédait, le 6 septembre dernier, qu'aucun dossier n'était parvenu à la préfecture de ce département.
Une demande d'autorisation d'exploiter devait être déposée en juin, puis en septembre. Il semblerait donc que quelques incertitudes se fassent jour. Mais la population demeure profondément inquiète, rejette le projet et fait bloc derrière la municipalité.
Aussi, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer si ce dossier garde la même actualité et quels sont les moyens que Mme Voynet compte mettre en oeuvre pour impliquer davantage élus et habitants sur un dossier qui les concerne directement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, Mme Voynet, en déplacement, m'a demandé de répondre à la question que vous lui avez posée.
La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance avec intérêt, monsieur le sénateur, de cette question relative au projet d'implantation d'un centre de stockage de déchets industriels spéciaux à Sury-le-Comtal, dans le département de la Loire.
Le plan d'élimination des déchets industriels spéciaux de la région Rhône-Alpes prévoit la création d'un ou de deux centres de stockage pour éliminer les 100 000 tonnes de déchets industriels spéciaux produits chaque année par cette région.
Une commission de suivi du plan, présidée par le préfet de région, a lancé, en décembre 1997, un appel à propositions auprès des industriels intéressés par l'ouverture d'un centre de stockage de déchets industriels spéciaux.
Un jury, assisté d'un comité scientifique dont les membres ont été désignés par arrêté préfectoral, a jugé la conformité des propositions en fonction des différents critères fixés dans l'appel à propositions. Le dossier relatif au site de Sury-le-Comtal a été jugé conforme.
Le centre de stockage étant répertorié dans la nomenclature des installations classées, l'exploitation est subordonnée à la délivrance d'un arrêté préfectoral d'autorisation. Pour ce faire, le maître d'ouvrage doit déposer un dossier de demande d'autorisation à la préfecture, ce qui n'a pas été fait à ce jour.
Une fois la demande déposée, l'autorisation ne pourra être accordée qu'après enquête publique et consultation des conseils municipaux des communes concernées.
M. Bernard Fournier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu m'apporter, mais j'avoue que je ne suis pas pleinement rassuré quant à l'avenir du site de Sury-le-Comtal.
Nous resterons très vigilants pour défendre les intérêts de la population !

CRÉDITS AFFECTÉS À LA PICARDIE

M. le président. La parole est à M. Girod, auteur de la question n° 589, transmise à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Paul Girod. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité - c'était une innovation intéressante - que les conseils généraux soient associés à la préparation des actuels contrats de plan.
A ce titre, l'Aisne pouvait fonder de grands espoirs en raison, d'une part, de l'unanimité qui règne en la matière au sein de son conseil général à travers les alternances politiques et à travers le temps, et, d'autre part, de la clarté de ses choix.
Par ailleurs, notre département pouvait également fonder de grands espoirs eu égard à la réputation nationale du nouveau président de son conseil général en matière d'aménagement du territoire.
Las ! Non seulement la Picardie se signale par sa stag-nation, voire sa régression en matière de crédits, mais l'Aisne se trouve une nouvelle fois négligée - c'est une litote ! - ce qui provoque parmi sa population et pour ses élus stupéfaction, déception et indignation.
Le vent de contestation est unanime. Ainsi, l'aménagement de la RN 2, seule artère nord-sud du département, est une priorité absolue pour le département et son principe a été accepté par l'Etat depuis 1991. Mais il se voit reporté à des calendes que je qualifierai d'asiatiques.
Malgré l'effort de redressement mené par l'Aisne depuis vingt ans pour préparer ses enfants au baccalauréat, effort qui l'ont ramenée de l'avant-dernière place jusqu'au-dessus de la moyenne nationale en la matière, les crédits de formation post-bac - cela vous concerne plus particulièrement, monsieur le ministre de l'éducation nationale - se voient consacrés au déménagement de confort d'une faculté à Amiens.
Quant aux crédits culturels, touristiques, sportifs et économiques, ils sont quasi nuls.
Tous les élus de l'Aisne attendent une révision majeure des propositions de l'Etat dès la première enveloppe du contrat de plan, d'autant que les catastrophes économiques s'abattent en ce moment sur ce département, et plus spécialement sur le Soissonnais. Cela n'empêche pourtant pas - scandale supplémentaire ! - la suppression de l'objectif II et de la prime d'aménagement du territoire dans ce secteur.
Monsieur le ministre, nous attendons du Gouvernement une révision drastique de sa position actuelle et des propositions qui nous sont faites.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 23 juillet, à Arles, le Gouvernement a arrêté les mandats de négociation des préfets de région pour les contrats de plan Etat-région et a défini le montant de la première part des enveloppes régionales, d'un montant total de 95 milliards de francs.
Il a également arrêté le principe d'une deuxième part, d'un montant de 10 milliards de francs au moins, dont le contenu, le montant définitif et la répartition seront définis à partir des priorités et en fonction de l'engagement - en montant et en contenu - des régions.
L'enveloppe de 95 milliards de francs sur sept ans ne peut en aucune manière être comparée à l'enveloppe précédente de 88 milliards de francs sur cinq ans définie en 1994 et dont on ne saurait que rappeler le caractère illusoire. Les précédents contrats de plan, abondés d'un « programme d'accélération routière », ont été dessinés peu de temps avant l'élection présidentielle. Ils ont été remis en cause au lendemain de l'élection et leur durée a été allongée à six ans.
Pour la Picardie, le montant de la première part est une reconduction du montant antérieur tel qu'il avait été annoncé, soit 2 524 millions de francs - 1 360 francs par habitant -, ce qui assure à la Picardie un engagement en montant par habitant au moins égal à la période antérieure.
La seconde part viendra, sous réserve d'accord avec la région, compléter cette première part dans les prochaines semaines.
En termes de contenu, le contrat de plan n'est pas encore défini par le préfet de région, qui vient de rencontrer les présidents de la région, le 15 septembre, et des conseils généraux. Il engage ces discussions sur la base de ce mandat qui ne comprend pas, contrairement à 1993, de noyau dur.
En ce qui concerne les transports, je puis d'ores et déjà vous indiquer que la première enveloppe réserve 820 millions de francs de l'Etat pour les routes et 132 millions pour les autres modes de transport. La RN 2, qui dessert l'Aisne, figure parmi les deux axes prioritaires de ce contrat.
Par ailleurs, le mandat territorial précise qu'une attention prioritaire sera accordée aux secteurs en conversion du nord de l'Aisne, ce qui devrait conduire à cibler une part significative des crédits européens de l'objectif II destinés à la Picardie sur cette partie du département.
Pour les fonds structurels, le Gouvernement a tenu compte des difficultés que rencontre la Picardie. En effet, le niveau de revenu moyen picard est inférieur à la moyenne nationale : 110 000 francs de produit intérieur brut moyen contre 135 000 francs sur le plan national. L'Etat a donc tenu compte de cette disparité dans la détermination du montant de population éligible à l'objectif II. Ainsi, 763 000 habitants, soit 42 % de la population de la Picardie, sont éligibles à l'objectif II, soit dix points de plus que la moyenne nationale.
La décision du groupe Michelin de fermer l'usine Wolber a attiré également l'attention sur la situation du bassin de Soissons, dont les difficultés économiques se sont notablement aggravées ces dernières semaines.
Cette situation impose prioritairement de placer le groupe Michelin devant ses responsabilités, en s'assurant notamment qu'il mobilise les moyens nécessaires à la reconversion du site, en particulier au travers de sa société de conversion SID.
Les décisions prises par Michelin, auxquelles s'ajoutent les difficultés de plusieurs autres entreprises, me conduisent à examiner la possibilité de retenir au titre de ces difficultés industrielles tout ou partie du Soissonnais dans le zonage de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, dans le cadre des discussions en cours avec la Commission européenne et des ajustements qui pourraient y être apportés, dans le respect des critères retenus par la France pour formuler sa proposition.
Cet effort doit permettre aux territoires qui se constitueront dans l'Aisne de développer leurs projets et d'acquérir ainsi, à partir de leurs spécificités, leur place légitime dans l'ensemble picard. Soyez assuré que nous y veillerons.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, j'ai eu peur en entendant le début de votre réponse, qui était identique, au mot près, à celle qui avait provoqué la semaine dernière à l'Assemblée nationale l'indignation de Mme Grzegrzulka, indignation que nous partageons. Relativement rassuré par la suite de votre propos, je l'ai été assez largement par la fin, qui faisait état de l'attention portée au bassin soissonnais.
Je note au passage que, pour vous, l'affaire Michelin doit être traitée à l'intérieur de la société de reconversion du groupe, position qui me paraît plus raisonnable que certains effets d'annonce entendus ici ou là.
En ce qui concerne la RN 2, si nous savions déjà que 820 millions de francs étaient attribués à la Picardie, c'est l'affectation de cette somme qui continue à poser problème pour le département de l'Aisne, qui a privilégié, pendant plusieurs décennies, le transmanche.
Enfin, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu sur l'unique point qui concernait votre ministère, celui des formations post-baccalauréat. Pour les années qui viennent, nous ne saurions nous satisfaire du déménagement de la faculté de lettres d'Amiens du campus vers le centre. La situation d'autres départements, qui ont autant de difficultés pour diriger leurs jeunes vers un avenir constructif, présente également un caractère prioritaire.

AVENIR DE L'OEUVRE NOTRE-DAME DE STRASBOURG

M. le président. La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 542, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, ma question concerne la plus ancienne institution municipale de Strasbourg, l'OEuvre Notre-Dame de Strasbourg.
D'abord responsable de la construction de la cathédrale, elle a depuis lors mission de la réparer et de l'entretenir. Avec sa spécificité, cette fondation prestigieuse est la seule et unique de ce type à exister.
L'OEuvre Notre-Dame a une histoire continue de près de huit siècles. Son patrimoine le plus précieux réside dans le savoir-faire et le talent de ses artisans, ainsi que dans les techniques ancestrales des tailleurs de pierres, qui, grâce au soutien de la Ville de Strasbourg, ont pu pérenniser les techniques anciennes abandonnées ailleurs pour des raisons économiques.
Les compétences techniques de l'OEuvre Notre-Dame sont unanimement reconnues, ce qui lui a permis jusqu'à présent de mener à bien la restauration de la cathédrale. Le dernier compromis prévoyait que deux tiers des travaux étaient confiés à l'Etat, sous la direction d'un architecte en chef des Monuments historiques, et un tiers à l'OEuvre Notre-Dame, sous la direction de l'architecte en chef de l'OEuvre. C'est ainsi que de nombreux travaux ont pu être réalisés avec art et talent par l'OEuvre Notre-Dame sur la cathédrale de Strasbourg.
Un terrain d'entente a toujours été trouvé, et ce en dépit des vicissitudes de l'histoire de l'Alsace. Cette spécificité séculaire a su perdurer et être préservée pour entretenir le trésor du patrimoine universel que représente la cathédrale de Strasbourg, symbole fort et de la culture et de la spiritualité européennes.
Une nouvelle convention prévoit la nomination d'un architecte unique, choisi par la ville parmi des professionnels proposés par l'Etat, renouvelables pour quatre ans.
L'absence d'architecte sur place va entraîner un certain nombre d'inconvénients : l'architecte des Monuments historiques, qui a en charge de nombreux monuments et missions dans d'autres régions françaises, risque de n'avoir matériellement pas le temps de s'occuper spécifiquement de la cathédrale comme il conviendrait. Il ne sera pas tenu compte - c'est un risque - de la spécificité de cet édifice prestigieux et les probables changements fréquents d'architecte menacent de nuire à la continuité de ce chantier.
L'OEuvre Notre-Dame tire son existence de ce pivot central représenté par le service d'architecture, composé d'un architecte et d'une équipe d'ouvriers oeuvrant en permanence au chevet de la cathédrale. L'existence d'un patrimoine considérable, legs de notre histoire, en dépend.
Quelles sont, madame la ministre, les dispositions qui sont envisagées pour répondre à ces légitimes inquiétudes et interrogations ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir bien voulu évoquer, à travers votre question, l'accord, finalement intervenu le 28 juin 1999, entre l'Etat et l'OEuvre Notre-Dame de Strasbourg, fondation de droit local. Cet accord concerne les travaux de restauration et d'entretien de la cathédrale.
Je suis, vous le savez, extrêmement attentive à l'évolution de l'OEuvre, qui fut, pendant les périodes médiévale et moderne, l'acteur principal de la construction et de l'entretien de la cathédrale.
Depuis Bonaparte, elle est dotée d'un statut qui la place sous administration de la ville de Strasbourg et qui affecte ses revenus à la conservation de la cathédrale. C'est d'ailleurs ce qui explique que le budget de l'OEuvre Notre-Dame est séparé et voté en tant que tel, même s'il fait l'objet d'une dotation particulière de la ville, qui l'administre, créant ainsi une situation tout à fait spécifique en France.
Sur cet édifice majeur, classé parmi les monuments historiques, deux systèmes de travaux ont dès lors coexisté : une partie assumée par l'Etat, propriétaire, sous la maîtrise d'oeuvre de l'architecte en chef des Monuments historiques et de l'architecte des Bâtiments de France ; une autre partie assumée, en vertu d'une doctrine multiséculaire, par l'OEuvre Notre-Dame sur certains travaux, avec ses équipes de maçons et de tailleurs de pierre, sous la maîtrise d'oeuvre de son architecte en chef.
Cette double intervention constituait évidemment une ressource précieuse pour la cathédrale de Strasbourg, tant par la qualité des personnels de l'OEuvre Notre-Dame que par l'importance des travaux effectués par cette dernière - je pense notamment au plus remarquable, qui concerne la reconstruction de la tour de croisée de la cathédrale.
Ce dispositif présentait néanmoins, vous le savez, plusieurs inconvénients : l'OEuvre intervenait en effet sans base juridique réelle sur l'édifice comme maître d'ouvrage des travaux ; par ailleurs, la dualité des maîtrises d'oeuvre nuisait à la cohérence des interventions sur l'édifice, chacune ayant en charge une partie du bâtiment.
Le texte adopté par l'OEuvre Notre-Dame et l'Etat constitue une officialisation de l'intervention de l'OEuvre sur la cathédrale de Strasbourg. Cet accord-cadre prévoit en effet que l'Etat lui confiera, à l'issue des réunions du comité scientifique et du comité de pilotage institués en 1995, la maîtrise d'ouvrage d'une partie des travaux sur la cathédrale. Le programme de ces interventions sera arrêté conjointement entre l'Etat et l'OEuvre Notre-Dame.
L'OEuvre conservera bien entendu ses équipes, mais un architecte en chef des monuments historiques, désigné conjointement par elle et par l'Etat, sera maître d'oeuvre de l'ensemble des opérations de restauration, ce qui garantit la cohérence des travaux, le calendrier et l'unicité de maîtrise d'oeuvre. Cette unicité de maîtrise d'oeuvre permettra dès lors de mettre fin au « partage » de l'édifice et d'élargir à l'ensemble de celui-ci les interventions de l'OEuvre. Les deux partenaires pourront ainsi mieux coordonner leurs efforts pour la réalisation de programmes communs.
Si elle ne disposera pas d'un architecte à plein temps, la cathédrale de Strasbourg continuera de bénéficier de la présence permanente des équipes de l'OEuvre, comme, bien entendu, de la surveillance des services de l'Etat.
La disponibilité au service de l'édifice est par ailleurs l'un des éléments du choix de l'architecte commun et de la décision de le reconduire dans ses fonctions à l'issue de ses quatre ans de mandat.
L'accord passé entre l'Etat et l'OEuvre Notre-Dame ne remet donc nullement en cause la pérennité de cette dernière, mais consacre, au contraire, sa reconnaissance par l'Etat comme un partenaire institutionnel à part entière de la restauration et de l'entretien de cet édifice insigne, en donnant à son action une base juridique qui n'existait, à ce jour, que pour les aspects financiers et en élargissant le champ de ses interventions sur le monument.
Je suis heureuse de vous annoncer qu'un premier exemple en sera donné dès cette année avec la prise en charge par l'OEuvre Notre-Dame d'importantes interventions d'urgence sur la flèche de la cathédrale, qui, aux termes de ce fameux compromis, relevait de la part de l'Etat, alors que seule l'une des façades de la cathédrale revenait à l'OEuvre.
Par ailleurs, lorsque celle-ci effectuait des travaux d'entretien courant, voire des interventions d'urgence, elle suscitait des contestations, faute de respecter la répartition des rôles et des responsabilités.
Je crois donc que cet accord est tout à fait positif. Nous allons observer sa mise en oeuvre à l'occasion des travaux qui vont malheureusement cacher pour quelque temps la flèche jusqu'alors exposée aux regards des Strasbourgeois et de tous les amoureux de cette cathédrale.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je voudrais simplement préciser que, le passé ayant démontré son efficacité, le partage des tâches concernant cet édifice ne saurait être considéré comme une tare en soi.
La spécificité de la cathédrale impose la disponibilité d'un architecte connaissant précisément les lieux et intervenant dans la continuité plutôt que de manière sporadique. J'y vois là un élément essentiel pour la préservation de la cathédrale. Il est des circonstances dans lesquelles tradition et efficacité ne sont pas forcément incompatibles !
Souhaitons que les éléments de réponse que vous avez donnés garantiront que se poursuivront à l'avenir, dans l'intérêt de la cathédrale, des interventions aussi efficaces que celles qui ont été accomplies par l'OEuvre Notre-Dame au cours des huit siècles passés.

PLAN D'URGENCE POUR LES LYCÉES

M. le président. La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 593, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen expriment de longue date et avec constance un soutien et une détermination affirmée envers notre service public de l'éducation nationale pour que la qualité de celui-ci préside en tout lieu à la réussite optimale de chaque élève.
Dans le droit-fil de cette démarche, ma question, monsieur le ministre, porte sur la mise en oeuvre de mesures nouvelles et des engagements obtenus par les lycéens l'an passé, au terme d'une mobilisation puissante et remarquable.
Notre pays dispose d'un atout formidable : celui d'une jeunesse qui veut réussir, qui s'investit pour son avenir, pour son insertion future, pour préparer toute sa place dans une société où coexistent à la fois des inquiétudes majeures face au chômage et à la précarité et des potentiels d'innovation considérables.
C'est dire si l'exigence des jeunes, en termes de respect des engagements, de dialogue véritable, de conditions d'études dignes de notre époque, est forte et légitime.
Ne les admonestez pas inutilement, monsieur le ministre, au risque de les déresponsabiliser. Ce qui est primordial, c'est de remédier en toute urgence aux sureffectifs dans les classes, aux postes non pourvus, aux emplois du temps inadaptés, aux graves carences qui frappent singulièrement l'enseignement professionnel, alors que celui-ci devrait être une voie d'égale dignité et d'égale réussite pour les lycéens. Je sais que vous partagez ce souci. Mais cet objectif est encore loin d'être atteint. Les problèmes étant posés depuis peu de temps, bien qu'on en ait beaucoup parlé, il reste beaucoup à faire.
Monsieur le ministre, le sentiment dominant et récurrent, plusieurs semaines après la rentrée, est celui qui découle des effets d'une gestion à flux trop tendus, sans moyens ni réserves suffisants pour faire face aux inévitables imprévus et ajustements. J'attends que vous m'indiquiez quels sont vos intentions et vos actes pour régler définitivement ce problème et quels enseignements vous en tirez pour votre budget pour 2000.
Il est temps, je pense, d'aller plus loin et plus haut. A la faveur de la baisse significative du nombre d'élèves qui s'annonce et de marges budgétaires nouvelles dégagées par la reprise de la croissance, il m'apparaît réaliste et possible d'atteindre, par une programmation progressive et précise, l'objectif de 30, voire 25 élèves maximum par classe, suivant les niveaux, ainsi que d'assurer les recrutements et la formation nécessaires des personnels dans toutes les fonctions éducatives.
Un tel engagement de la nation, avec sa traduction budgétaire, qui, en l'état, même si le budget est en augmentation, ne me paraît pas suffisante, constituerait, j'en suis convaincue, un élément permettant d'optimiser la confiance sur laquelle doivent pouvoir s'appuyer tous les acteurs de l'école, de débattre, de réfléchir sereinement aux évolutions indispensables, d'innover, de transformer, de créer les dynamiques et les pratiques nouvelles liées aux mutations incessantes qui marquent la société.
Cette proposition représente, de mon point de vue, un moyen essentiel pour la gauche plurielle de réussir les nouvelles avancées nécessaires dans le domaine de l'éducation. C'est pourquoi je souhaite que vous nous fassiez part de vos intentions à cet égard, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Madame la sénatrice, je tiens d'abord à dire que toutes les mesures prévues pour les lycées en octobre 1998 ont été mises en oeuvre au cours de l'année scolaire 1998-1999 et à la rentrée 1999, notamment pour améliorer la démocratie lycéenne et le fonctionnement des instances représentatives lycéennes ainsi que le renforcement de la présence des adultes dans les établissements scolaires.
Ainsi, il a été décidé : la mise à la disposition des représentants des lycées d'instruments de travail et de moyens de communication : adresse e-mail, site Internet ; la création d'un conseil de la vie lycéenne dans les établissements à titre expérimental ; le doublement des crédits du fonds de la vie lycéenne : à la rentrée 1999-2000, le montant de ce fonds est passé de 25 millions de francs à 50 millions de francs ; le recrutement de trois mille maîtres d'internat, surveillants d'externat, en mars 1999 ; la notification de dix mille emplois-jeunes, en janvier 1999 ; la mise à disposition de mille appelés du contingent - 140 sont actuellement affectés dans les établissements - et, enfin, la création d'un fonds exceptionnel d'aménagement des lycées d'un montant de 4 milliards de francs de prêts à taux zéro pour l'aménagement de lieux de vie et d'espaces culturels dans les lycées.
En outre, avec le budget de cette année, ont été recrutés cinq mille enseignants alors que les effectifs d'élèves ont baissé de près de cinquante mille.
S'agissant de la réduction des effectifs par classe, je tiens à vous dire avec fermeté, madame la sénatrice, que ce n'est pas la panacée. Actuellement, en Seine-Saint-Denis, des établissements comptent moins de vingt élèves par classe. Or, aux dires de certaines personnes, cela n'a pas résolu tous les problèmes. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur le quantitatif, comme on l'a trop fait, mais également prendre en compte le qualitatif.
Cela dit, il a été demandé aux recteurs de procéder aux réajustements nécessaires pour satisfaire cet objectif de réduction des effectifs et faire en sorte que les classes de terminales ne comportent pas plus de trente-cinq élèves : 1 100 classes étaient concernées lorsque je suis arrivé au ministère, il n'y en a plus que quelques-unes aujourd'hui, c'est-à-dire zéro sur le plan statistique.
S'agissant de l'aménagement des emplois du temps, vous savez bien que celui-ci relève de la responsabilité des établissements, qui disposent d'une autonomie en matière d'organisation du temps scolaire. Il serait ridicule de centraliser les emplois du temps.
S'agissant des recrutements, nous comptons actuellement, il faut le savoir, près de cinq mille enseignants en trop dans l'enseignement secondaire. Mais ils sont mal répartis : dans certaines disciplines, il y des excédents, dans d'autres il y a des déficits considérables. Cette situation résulte du fait que, depuis des années, il n'y avait pas de gestion prévisionnelle des emplois. Nous l'avons mise en place.
Par ailleurs, un rééquilibrage entre académies a été entrepris depuis que nous sommes au Gouvernement. Vous le savez, il y a eu un plan spécial pour la Seine-Saint-Denis et un plan spécial pour les DOM-TOM. Aujourd'hui, nous procédons à des réajustements au sein et hors de ces départements, par exemple en Seine-et-Oise et dans d'autres départements de la banlieue parisienne, où nous nous efforçons d'établir une véritable égalité des chances.
La démocratie lycéenne est maintenant une réalité. Des instances qui n'existaient pas ont été mises en place pour faire valoir les droits de chacun et pour résoudre les problèmes. Je dis simplement mais fermement que le lycée est un lieu d'études. Les moyens sont là, mais je ne peux pas fabriquer du jour au lendemain des professeurs d'espagnol parce qu'il en manque, ou des professeurs d'enseignement professionnel dans certaines spécialités, qui manquent aussi parce que la reprise économique fait qu'ils partent travailler dans le secteur privé.
Des problèmes d'ordre qualitatif se posent donc, et je ne crois pas que c'est en réclamant systématiquement et uniquement des mesures quantitatives que l'on résoudra ces problèmes, je le dis fermement.
Je dis tout aussi fermement que le lycée est un lieu d'études et qu'il ne faut pas que ces études soient gâchées par des revendications qui iraient au-delà de ce qu'est la réalité des choses.
Il faut que vous sachiez, madame la sénatrice, qu'aucun poste n'était vacant dans les établissements lors de la rentrée de cette année. Aucun ! C'est probablement la première fois qu'il en est ainsi. Ce qui s'est passé, c'est qu'un certain nombre d'enseignants n'ont pas pris leur poste, certains d'entre eux ayant averti à la dernière minute de leur absence.
Il a fallu que les recteurs, les responsables académiques et les chefs d'établissement pourvoient ces postes dans l'urgence, et ils l'ont fait avec énormément de dévouement. Tous les services académiques et toute l'administration se sont mobilisés dans cette affaire, et je dois dire qu'aujourd'hui il n'existe pratiquement plus de postes vacants, sauf cas de manque qualitatif. En effet, quand il faut remplacer un professeur de chaudronnerie dans une petite ville de province, cela n'est pas toujours possible immédiatement.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je veux que les choses soient claires.
Je sais bien que vous avez voulu mettre en oeuvre des mesures nouvelles ; mais il faut bien reconnaître que tous les élèves ne se trouvaient pas devant un professeur lors de la rentrée scolaire. Nous ne pouvons manquer, avec l'esprit de responsabilité qui nous anime - tout comme vous - de nous interroger sur les raisons de cette situation.
Certes, je comprends bien vos arguments selon lesquels la baisse des effectifs ne résout pas tous les problèmes ; mais je crois quand même qu'elle constitue un élément important.
Pourquoi certains professeurs d'enseignement professionnel optent-ils pour le secteur privé plutôt que de continuer à enseigner dans les lycées publics ? Cette question mérite examen.
Nous reviendrons sur ce point mercredi prochain lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles, monsieur le ministre. Si on laisse les choses aller ainsi, nous risquons d'être confrontés, l'année prochaine, à une pénurie beaucoup plus importante de professeurs dans certaines matières.
Monsieur le ministre, je prends bonne note des réponses que vous venez de m'apporter. Pour autant, force est de constater que subsiste encore un déficit important pour pourvoir les 14 000 emplois supplémentaires promis pour 1999 et que l'emploi contractuel et le recours aux heures supplémentaires restent encore en vigueur.
Le plan pluriannuel de diminution du nombre d'élèves en seconde et en première de lycée n'est pas initié. Il faudra faire preuve de plus d'audace et de persévérance.
La plate-forme élaborée par les lycéens en vue de leur prochaine manifestation est composée d'un ensemble de questions auxquelles il faut s'atteler, monsieur le ministre, et je souhaite pour ma part que le contenu du projet de budget pour l'an 2000 en prenne compte pleinement.
L'impatience d'avenir des jeunes, loin d'être pénalisante, est une chance pour notre pays. Vous-même, dans une interview récente, citant Georges Bernanos, l'appréhendez comme telle. Avec eux, avec l'ensemble des partenaires, faisons alors de notre système éducatif ce qu'il a souvent été : une référence et un exemple réputé bien au-delà de nos frontières.

CONSTRUCTION D'UN NOUVEAU SYNCHROTRON

M. le président. La parole est à M. Legendre, auteur de la question n° 578, transmise à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, il est des projets décisifs pour l'avenir d'une région qui méritent un combat de tous les instants. Le projet SOLEIL est de ceux-là.
Les collectivités territoriales, la communauté scientifique, les milieux économiques font cause commune pour demander l'implantation de SOLEIL, qui représente un investissement de 2 milliards de francs sur huit ans et entraînera dans son orbite des entreprises et des personnels hautement qualifiés.
« Le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais a réaffirmé sa volonté de voir SOLEIL s'implanter dans sa région. Il interpelle M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, et le Gouvernement sur cet enjeu essentiel à notre avenir et à celui de la recherche française. » Voilà, monsieur le ministre, ce que déclarait il y a quelques mois M. Michel Delebarre, président de la région Nord - Pas-de-Calais.
Votre réponse est venue le 3 août, dans la torpeur de l'été. Nous avons appris que ce projet ne serait pas pour le Nord - Pas-de-Calais, ni d'ailleurs pour aucune région française - il y avait, c'est vrai, des espérances dans plusieurs régions, et on le comprend bien - puisque SOLEIL serait construit en Grande-Bretagne, avec participation et financement de la France.
Une telle décision, monsieur le ministre, a provoqué, vous le savez, incompréhension, émoi, voire indignation : émoi des chercheurs du LURE, laboratoire implanté à Saclay, et protestations ici et là des élus.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'un enjeu d'une telle importance méritait un débat devant le Parlement, afin que le Gouvernement ou vous-même nous apportiez des précisions.
Vous avez déclaré, semble-t-il, qu'il n'était pas décidé définitivement qu'il n'y aurait pas de synchrotron français. Le chef de l'Etat lui-même a déclaré le 22 septembre dernier, à propos du synchrotron, qu'« il s'agissait d'un outil très puissant d'analyse de la nature du vivant. Le projet SOLEIL de rayonnement synchrotron est très certainement le plus bel équipement scientifique que la France peut, dans les années à venir, réaliser avec sa communauté scientifique pour la recherche et le progrès, notamment dans le domaine de la santé et de l'industrie ».
Monsieur le ministre, y a-t-il encore une chance qu'un synchrotron soit construit en France et selon quelles modalités ? Accepterez-vous, au moins, qu'un débat ait lieu au Parlement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, je suis content que vous me posiez cette question, tout en étant quelque peu étonné. Cette question fait, en effet, l'objet d'un débat tous les ans devant le Parlement, à l'occasion de la discussion budgétaire, et nous nous sommes déjà expliqués de façon très précise sur ce problème.
Le Gouvernement a décidé, depuis longtemps, de réaliser tous les grands équipements à l'échelon européen. Nous sommes, en effet, aujourd'hui le pays du monde qui dépense le plus pour le rayonnement synchrotron - 300 millions de francs par an - et le moins pour la biologie, pour la recherche médicale, pour la création d'entreprise par des jeunes ! Il convenait de changer de politique.
Pendant des années, budget après budget, nous avons opéré une dérive vers les gros équipements, sans que personne ne s'en soucie, et ce quels que soient les gouvernements, je m'empresse de le dire. Nous avons ainsi mis la recherche française en difficulté. Les crédits affectés aux laboratoires sont ridiculement faibles. Au CNRS, par exemple, 85 % des crédits sont consacrés aux salaires, et seulement 15 % au fonctionnement ; et, par extrapolation, il n'y aurait plus aucun crédit de fonctionnement pour le CNRS en 2016 !
Cette politique a été menée par les ministres successifs de la recherche, mais avec l'assentiment du Parlement, car ce débat, nous l'avons chaque année, à l'occasion de la discussion budgétaire.
Pour ma part, je suis fier d'essayer de contribuer à ramener la recherche scientifique française au premier plan, en arrêtant les dépenses de prestige, les dépenses qui ne nous rapportent rien. Nous dépensons plus d'argent que les Anglais dans le synchrotron, ce sont pourtant eux qui ont les prix Nobel !
Je préfère, disais-je, avoir une recherche française vigoureuse. Dans cet ordre d'idées, nous avons organisé un concours de créations d'entreprises par des jeunes : nous avons reçu 2 000 demandes, mais nous n'avons pu en satisfaire que 75 cette année, et nous en satisferons 180 l'an prochain. Nous avons également organisé un concours pour que les jeunes puissent créer des laboratoires, nous avons reçu 2 000 demandes : mais nous n'avons pu en satisfaire que 85. Voilà la nouvelle politique du Gouvernement de la France !
Pour ce qui est du débat sur les équipements, il est inscrit dans le budget qu'il n'y aura pas 2 milliards de francs pour le synchrotron ! Si tel était le cas, il n'y aurait rien pour le Nord, ni pour la génopôle ni pour la création d'un centre d'électronique !
Sur les 4 milliards de francs consacrés à la recherche, vous voudriez que l'on dépense 2 milliards de francs pour le synchrotron ! L'un d'entre vous est-il prêt à prendre une telle décision ?
Le débat est simple, et nous l'avons déjà eu au moment du vote du budget, disais-je. Mais je suis content que vous m'ayez posé cette question, monsieur le sénateur, car, la semaine dernière, tous les prix Nobel français ont pris position pour soutenir le Gouvernement. Et que des chercheurs qui dépensent déjà énormément manifestent pour continuer à être avantagés par rapport aux autres ne m'impressionne pas !
Le principal problème est de redonner du dynamisme à la recherche médicale et à la recherche biologique françaises, à la création d'entreprises par des jeunes. Cela a été fait.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que j'avais à vous dire, et si vous me reposez la question au moment du budget, je vous ferai la même réponse.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je reconnais dans la vigueur de votre réponse la vigueur de vos convictions. Je m'y attendais.
Mais quand on entend la vigueur des protestations et des incompréhensions qui s'expriment ailleurs, quand on voit, je le répète, que ce projet est qualifié par le chef de l'Etat de « plus bel équipement scientifique que la France peut, dans les années à venir, réaliser avec sa communauté scientifique pour la recherche et le progrès », on peut comprendre que le Parlement souhaite que le débat ne soit pas réduit aux quelques heures d'une discussion budgétaire.
Nous savons bien que, dans les limites contraignantes du débat budgétaire, nous ne pouvons pas traiter de tout. Je souhaite donc, monsieur le ministre, probablement comme beaucoup de parlementaires, que vous acceptiez, que le Gouvernement accepte que le Parlement puisse, sur ce sujet, consacrer un certain nombre d'heures. Quand il s'agit du « plus bel équipement scientifique », cela mérite au moins débat, et que chacun s'exprime avec la vigueur et la détermination qui lui sont propres.
Enfin, monsieur le ministre, vous aviez laissé entendre que la construction du synchrotron n'était pas définitivement abandonnée. Vous ne m'avez pourtant pas répondu sur ce point. Vous le voyez, nous avons encore des raisons de vous demander des précisions.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je me permets de vous faire observer que nous avons un peu de retard ; je souhaite donc que votre réponse soit brève.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, j'ai dit que tous les équipements importants seraient désormais construits à l'échelon européen ; il n'y aura plus de grands équipements exclusivement français. Par ailleurs, nous nous sommes engagés - c'est une décision irréversible - avec les Britanniques.
J'ajoute, en passant, que ce synchrotron européen n'est pas le plus bel équipement du monde. Je suis obligé de vous le dire, le plus beau synchrotron du monde, il existe déjà, il est en France, à Grenoble. Le projet SOLEIL ne sera pas équivalent.
Nous disposons aussi d'un autre équipement européen, le LURE, à Orsay, et nous aurons bientôt un nouvel équipement européen en Grande-Bretagne.
Ces gros équipements sont utilisés par les chercheurs de tous les pays : les Français travaillent aux Etats-Unis, en Allemagne, en Italie, et ils iront travailler en Grande-Bretagne. Le lieu d'implantation de ces équipements ne défavorise personne.
Enfin, avec ce dernier équipement, nous contribuons à la construction de la communauté européenne scientifique. Ce sera le premier grand équipement européen réalisé en Grande-Bretagne, et je peux vous dire que cela jouera un rôle très important pour l'arrimage de la communauté scientifique britannique à l'Europe. Il nous faut saisir cette chance extraordinaire.
Non, il n'y aura pas de débat sur ce sujet. C'est comme si vous demandiez un débat particulier sur la construction des navires et un autre sur l'espace ! Un budget est soumis à votre vote ; vous avez tout loisir de l'amender, de poser des questions et d'engager alors un débat.
Je note enfin que vous préférez, vous, sénateur du Nord, construire de gros équipements purement français plutôt que développer la recherche médicale. J'en ferai part à vos collègues du Nord.
M. Jacques Legendre. Je n'ai absolument pas dit cela. Vous êtes de mauvaise foi !
M. le président. Le débat se poursuivra...

PLACE DE LA FRANCE AU SEIN DU CONSEIL DE L'EUROPE

M. le président. La parole est à M. Goulet, auteur de la question n° 579, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Daniel Goulet. L'Assemblée du Conseil de l'Europe - je pense que vous en êtes convaincu, monsieur le ministre - est une incomparable cellule de réflexion et une force de proposition regroupant les représentants des parlements des quarante et un pays composant la grande Europe, lesquels, rassemblés en un même lieu, apprennent à se connaître et à construire ensemble l'avenir d'un continent qui constitue leur patrimoine commun.
Ce rappel n'est peut-être pas inutile dans cette enceinte, puisque le Sénat a élu six de ses représentants pour siéger à l'Assemblée du Conseil de l'Europe. Les membres de la délégation française, toute tendance politique confondue, ont bien compris l'enjeu de cette institution et ils s'investissent de plus en plus dans les activités des commissions spécialisées et dans les débats d'actualité, qu'il s'agisse, par exemple, de la guerre au Kosovo, de la sécurité alimentaire ou de la restauration économique et agricole des pays des Balkans.
La France doit donc accorder à cette institution, qu'elle a conduit sur les fonts baptismaux voilà cinquante ans, les moyens d'accomplir la mission qui est la sienne, même si, à quelques pas de son siège, une autre assemblée, parée des vertus du suffrage universel direct, fait montre d'un appétit tentaculaire.
L'Europe ne se limite donc pas à l'Union européenne, qui ne regroupe, comme chacun le sait, que quinze Etats. M. Attali, en prônant dans son rapport remis au Gouvernement une Europe élargie à quarante pays, plaide très astucieusement en faveur du renforcement des pouvoirs du Conseil de l'Europe.
L'Europe de M. Attali existe déjà. Il suffit pour s'en convaincre de porter plus d'attention aux travaux de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Votre réponse à ma question écrite ne m'avait pas paru suffisante ; elle était à la fois trop générale et plutôt impersonnelle, monsieur le ministre. J'ai dès lors pensé qu'il nous fallait impérativement poursuivre le dialogue aujourd'hui.
En d'autres termes, devant cette situation, la France va-t-elle enfin mettre en oeuvre une vraie politique pour soutenir l'action de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ? Peu de signes favorables le laissent envisager pour le moment.
Au plan budgétaire, aspect incontournable lorsque l'on veut commander une politique en telle ou telle direction, nous pensons que la représentation nationale ne peut se satisfaire de la présentation du budget réservé à cette assemblée, et qui figure sous une ligne sans précision des affectations. Ainsi, le budget de fonctionnement global inclut celui de la Cour de justice, lequel l'obère considérablement. Des mesures vont-elles être prises pour modifier cette présentation ou pour informer avec plus de précision la représentation nationale ?
La délégation française ne dispose que d'un faible crédit de fonctionnement et d'un personnel mis à disposition temporairement, le temps des sessions, par les assemblées parlementaires, Assemblée nationale et Sénat. Si les frais d'hébergement des élus sont normalement couverts, il n'est pas prévu, par exemple, de postes d'assistant.
En revanche, les crédits votés pour les représentants français au Parlement européen sont très importants : on fait état de 54 millions de francs au total. Le Gouvernement va-t-il donner aux élus français au Conseil de l'Europe les moyens de travailler et de s'investir, comme mandat leur en a été donné par le Parlement ?
Enfin, au plan de l'information et de la communication, quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre à la charge des affaires européennes ? Les moyens mis en oeuvre permettront-ils d'assurer la transmission de l'information de manière au moins identique à celle dont bénéficient les députés européens ?
Enfin, puisque nous allons bientôt célébrer le cinquantième anniversaire de cette institution, au-delà des manifestations solennelles qui vont se dérouler, est-il possible de mettre en place une forme de communication « tout public », de façon que chacun puisse faire davantage connaissance avec le Conseil de l'Europe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, comme vous, je connais le rôle irremplaçable du Conseil de l'Europe et de son assemblée parlementaire, rôle que je me garderai toutefois d'opposer à celui du Parlement européen, tant ces institutions sont complémentaires et différentes.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, aux termes de l'article 22 des statuts de cette organisation, discute des questions relevant de sa compétence et transmet ses conclusions au conseil des ministres, sous forme de recommandations. Elle est, par conséquent, pleinement l'organe délibérant du Conseil de l'Europe. Il appartient donc à cette assemblée, qui a un rôle éminent, de jouer le rôle consultatif et incitatif qui lui revient.
Les initiatives qu'elle est en mesure de proposer au comité des ministres pour réaffirmer le rôle et la place de cette organisation, conformément à la vocation spécifique de celle-ci, ne manquent pas, vous le savez bien, de retenir toute l'attention des Etats membres, notamment, j'y insiste, celle de la France.
C'est ainsi que la proposition d'origine parlementaire d'organiser un deuxième sommet des chefs d'Etats et de gouvernement, à Strasbourg, en octobre 1997, sous la présidence de la France - ce n'était pas un hasard - a permis de retenir la mission assignée au Conseil de l'Europe.
Les orientations qui ont été retenues à l'occasion de ce sommet, dont la préparation avait fait l'objet d'une concertation, dont je m'étais assuré personnellement, étant à l'époque en charge du comité des ministres, avec l'assemblée, visent précisément à donner à cette institution, au lendemain de son cinquantième anniversaire, une impulsion nouvelle qui lui permettra de poursuivre son oeuvre de défense et de promotion des principes et des valeurs à la fois traditionnelles et adaptées au contexte nouveau de son élargissement et qui font, encore une fois, du Conseil de l'Europe une institution irremplaçable, même si elle n'est pas tout à fait l'Europe de M. Attali. Cette Europe qu'il a décrite dans son rapport très intéressant l'engage surtout, pour le moment, à titre personnel.
La réforme qui a été décidée à la suite du sommet et dont les grandes lignes ont été tracées sur les recommandations du comité des sages - créé, encore une fois, sur l'initiative de la France - devrait traduire cette réorientation dans la réalité. Sa mise en place, en concertation avec l'assemblée parlementaire, se fonde notamment sur le recentrage des activités, sur la restructuration d'ensemble du dispositif et sur la rationalisation des moyens. L'exercice ne pourra être mené, bien sûr, qu'avec le concours total de l'assemblée parlementaire.
La France, qui entend assumer pleinement sa responsabilité de pays hôte du Conseil de l'Europe, est au premier chef attachée à la réussite de cette réforme, qui représente l'une des conclusions opérationnelles du deuxième sommet qu'elle a organisé. Elle veillera naturellement à ce que l'assemblée parlementaire continue de jouer pleinement son rôle dans ce nouveau contexte.
Comme vous m'y avez invité, je veux sortir des réflexions générales, mais néanmoins très politiques, que je viens de faire pour évoquer le contexte budgétaire.
S'agissant de la participation de la France au financement du fonctionnement du Conseil de l'Europe, je veux simplement rappeler qu'elle se trouve sous le chapitre « Contributions aux organisations internationales », qui relève du budget du ministère des affaires étrangères. Effectivement destinée au fonctionnement à la fois de la Cour et de l'assemblée parlementaire, elle est tout de même l'une des toutes premières puisqu'elle représente 13 % - excusez du peu ! - du budget global du Conseil de l'Europe, composé à ce jour, vous l'avez rappelé, de 41 membres. Nous sommes donc l'un des principaux, l'un des tout premiers contributeurs à ce budget et nous comptons continuer à jouer pleinement ce rôle.
Je veux enfin vous indiquer que nous entendons nous associer pleinement à la célébration du cinquantième anniversaire qui, notamment, verra des concrétisations, ici, au Sénat. En effet, la délégation parlementaire, présidée par Mme Durrieu, organisera dans ces murs un colloque auquel je participerai pleinement, comme je m'efforce chaque fois de jouer mon rôle au sein du Comité des ministres.
Vous me pardonnerez, monsieur le sénateur, de ne pas avoir suffisamment évoqué - vous l'avez remarqué - le Conseil de l'Europe dans un livre que j'ai publié. Je veux ici réparer cet oubli et vous assurer que cette assemblée non seulement est chère à mon coeur, mais aussi reçoit toute l'attention du Gouvernement français et du président de la République.
M. Daniel Goulet. Je demande la parole.
M. le président. Avant de donner la parole à M. Goulet, je me permets, mes chers collègues, de rappeler que la formulation de la question ne doit pas excéder trois minutes et que la réponse au ministre ne doit pas excéder deux minutes, car nous sommes en train de dériver dangereusement !
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu dans leurs grandes lignes à mes interrogations et apaisé des craintes qui étaient partagées par la plupart de mes collègues au Conseil de l'Europe, en particulier sur la politique générale de la France.
Je prends acte de vos réponses.
Je sais, car j'ai lu votre livre, que vous êtes en effet tout à fait partisan de donner au Conseil de l'Europe les moyens de remplir tout son rôle.
Sur le plan budgétaire, il est vrai que l'effort doit être poursuivi et nous souhaitons avoir l'assurance qu'il le sera.
Si j'ai formulé de telles craintes, c'est aussi parce que les Etats d'Europe centrale et orientale ont les yeux tournés vers l'Europe et, en particulier, vers la France. Au moment même où sont élaborés, dans le cadre du Conseil de l'Europe - je parle ici sous le contrôle de certains de mes collègues - des politiques de coopération interrégionale, il ne faudrait pas décevoir ces Etats. En effet, si ces yeux sont tournés avec intérêt vers la France, c'est parce que nous sommes un exemple dans un certain nombre de domaines.
Je prends acte avec beaucoup d'intérêt de la confirmation du fait que la France inspire un certaine nombre de politiques à ces jeunes nations.

BAISSE DE LA TVA
DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION

M. le président. La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question n° 581, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question peut être posée rapidement et simplement et tenir dans les délais que vient de rappeler M. le président.
Hier, les professionnels de la restauration manifestaient, vous le savez, pour rappeler leur demande d'une baisse du taux de TVA applicable à leur activité. Cette baisse, ils la réclament depuis longtemps. Que leur répond le Gouvernement aujourd'hui ?
Nous savons qu'une directive du 13 février 1999 permettait aux Etats de faire des propositions pour une période de probation de trois ans. Si, durant ces trois ans, le secteur concerné pouvait démontrer que la baisse de TVA avait induit une amélioration de l'emploi dans ce secteur, cette baisse pouvait être consolidée par l'inscription à l'annexe H.
Nous savons également que le Gouvernement français n'a pas inclus le secteur de la restauration dans ses premières propositions. Quelle en est la raison, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Nous avons compris que de subtils arbitrages politiques avaient eu lieu. Pour quelle raison avoir fait intervenir la politique en la matière ? Il s'agit de choix économiques importants et l'on aurait dû s'en tenir à cela.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, que répondez-vous aux professionnels de la restauration ? Est-il encore temps de réparer cette erreur, pour ne pas dire cette faute ? Quels sont les délais dans lesquels vous estimez devoir la réparer ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de vous demander de bien vouloir excuser M. Dominique Strauss-Kahn, empêché de vous répondre lui-même.
Dans le même temps, vous m'autoriserez, pour tenir compte de l'appel à la concision exprimé par votre président, de vous rappeler, que M. Dominique Strauss-Kahn en personne avait répondu à l'interpellation, la semaine dernière, d'un député. Cette réponse ne vous a sûrement pas échappé. Elle est aujourd'hui toujours valable, même si le Gouvernement n'a pas été insensible à l'opinion qu'ont exprimée les professionnels depuis la semaine dernière et que vous venez de rappeler.
Le Gouvernement a effectivement été amené à faire un choix de priorités et il s'en est tenu à celui qui avait été recommandé par la représentation nationale. Je pense que, sur ce point, il ne peut pas y avoir d'interprétation partisane des choses. En l'état actuel des dispositions communautaires, vous savez donc que la liste, telle qu'elle a été arrêtée par le conseil ECOFIN du 8 octobre dernier, n'a pas retenu la restauration.
Ce problème du taux de la TVA sur les services se pose d'autant plus qu'il y a eu des mesures d'augmentation de ces taux de TVA qui ne vous ont pas échappé et à propos desquelles le Gouvernement actuel ne porte pas de responsabilité particulière. Il a néanmoins la volonté de procéder à des baisses ciblées du taux de TVA ; ce qui est prévu par le projet de loi de finances pour 2000, et qui est d'ores et déjà applicable depuis le 15 septembre, en est une illustration marquante, dans un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre lui aussi, à savoir le bâtiment.
Cela étant dit, je tiens à préciser qu'il n'y a pas de distorsion de concurrence entre les différentes formes de restauration, puisque la restauration rapide est également soumise au taux de 20,6 %. Seules les ventes à emporter sont assujetties au taux réduit. Mais tout ce qui relève de la restauration est bien taxé à 20,6 %
Par ailleurs, les entreprises du secteur de la restauration, dans la mesure où justement elles sont elles aussi des entreprises de main-d'oeuvre, profiteront pleinement de la suppression progressive sur cinq ans de la part salariale de la taxe professionnelle, comme le prévoit l'article 44 de la loi de finances pour 1999, ainsi que de la réforme des charges patronales qui a été annoncée récemment par le Gouvernement.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments répondant déjà au souhait des professionnels de la restauration de voir baisser le niveau des charges qu'ils supportent.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne m'a, bien sûr, pas surpris. J'espérais toutefois que vous nous donneriez quelques indications sur les intentions du Gouvernement. Vous ne l'avez pas fait, si bien que l'on peut considérer, à la suite de vos propos, que, pour le Gouvernement le dossier est clos. Si tel était le cas, je le regretterais... j'ose encore employer le conditionnel !
Je veux quand même rappeler ici, monsieur le secrétaire d'Etat, que huit pays de l'Union européenne sur quinze appliquent au secteur de la restauration un taux de TVA réduit.
Je veux rappeler encore que rien n'empêchait le Gouvernement de proposer deux secteurs. Loin de moi, bien entendu, l'idée de contester le choix qui a été fait pour le secteur dont vous avez la responsabilité. Effectivement, ce choix s'imposait et nous nous réjouissons de la décision qui a été prise. Mais cela n'excluait pas le secteur de la restauration.
Effectivement, on peut avancer des arguments financiers, tels que le coût de la mesure. Mais ce n'est pas l'argument que vous venez d'utiliser à l'instant. Je tiens à le dire ici, compte tenu de l'intérêt économique de ce secteur, compte tenu de sa place dans l'emploi dans notre pays et des engagements que la profession pensait, et pense toujours, pouvoir prendre, puisqu'elle parle de la création de 12 000 emplois en un an pour un secteur qui représente 800 000 actifs et 600 000 salariés, compte tenu de tous ces éléments, j'espérais que le Gouvernement pourrait faire quelque ouverture. Nous n'en n'avons pas vu ce matin.

COÛT D'ENTRETIEN ET DE CLASSEMENT DES ROUTES

M. le président. La parole est à M. Domeizel, auteur de la question n° 571, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Claude Domeizel. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du transport et du logement, porte sur le financement des travaux et de l'entretien de certaines routes départementales indispensables à la desserte des réseaux routiers nationaux, et même internationaux, dont le coût doit être supporté par les seuls départements.
C'est ainsi que, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, situé en zone frontalière, le CD 900 subit un trafic important en tant que liaison avec l'Italie. Les travaux de sécurité et d'entretien, particulièrement alourdis dans une zone de montagne, pénalisent fortement les finances d'un département aux faibles ressources qui est en outre confronté à des dépenses démesurées pour entretenir son réseau routier de montagne, où se succèdent ponts, tunnels et murs de soutènement. Par ailleurs, vous le savez, les conditions climatiques viennent augmenter les coûts de ces dépenses.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, si le classement d'une telle voie départementale dans le réseau national ne pourrait-être envisagé. Les élus locaux, qui attendent par ailleurs avec beaucoup d'impatience que soit terminé le tronçon Sisteron-Grenoble de l'autoroute A 51, souhaitent bien sûr une réponse à cette question, le CD 900, étant, je le répète, une route internationale.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Je souhaite, monsieur le sénateur, vous apporter des éléments aussi précis que possible de la part de M. Jean-Claude Gayssot, dont vous voudrez bien comprendre les obligations qui l'empêchent de vous répondre lui-même personnellement.
Voici les éléments qu'il m'a chargé de vous apporter.
La route départementale 900, dont vous venez de parler, a fait l'objet, en 1972, d'un déclassement de la voirie nationale et d'un reclassement dans la voirie départementale en application de l'article 66 de la loi de finances du 31 décembre 1971 autorisant le transfert aux départements des routes nationales secondaires. Ce déclassement s'est effectué sous le régime du volontariat.
Les charges résultant du transfert ont été compensées, pour partie au moins, par le versement d'une subvention basée sur les caractéristiques du réseau déclassé et le potentiel économique et fiscal du département. Le département des Alpes-de-Haute-Provence a ainsi accepté le reclassement dans sa voirie d'un peu plus de 700 kilomètres de routes nationales.
Actuellement, la route départementale 900 supporte essentiellement un trafic saisonnier et touristique, même si l'on peut constater une augmentation du trafic de poids lourds consécutive à la fermeture, que le Gouvernement souhaite temporaire, du tunnel du Mont-Blanc. Les mesures de trafic indiquent une moyenne annuelle de 934 véhicules par jour au col de Larche et le passage d'une centaine de poids lourds au Lauzet.
Ces données chiffrées ne sont pas de nature à permettre un reclassement de la RD 900 dans la voirie nationale.
Il convient en outre d'observer qu'il existe, dans ce secteur des Alpes du Sud, plusieurs routes nationales qui assurent des liaisons avec l'Italie. C'est notamment le cas de la RN 94, située au nord de la RD 900, qui relie Gap à Turin. C'est aussi le cas, plus au sud, des routes nationales 85 et 202, qui permettent de rejoindre l'Italie à partir de Sisteron, en passant par Nice et Menton. Quant à la RN 204, elle assure le franchissement de la frontière italienne au col de Tende, en direction de Cuneo.
Compte tenu du trafic qui est observé sur ces routes nationales, l'Etat considère qu'il doit y consacrer ses efforts de manière prioritaire.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, le problème de la continuité de l'autoroute A 51 entre Sisteron et Grenoble. En fait, il conviendrait aujourd'hui de parler de la liaison entre Sisteron et le col du Fau puisque la réalisation de cette section, au sud de Grenoble, est très engagée.
Vous le savez, M. Gayssot avait demandé que des études soient réalisées, afin que les diverses solutions puissent être comparées. Ces études lui ont été remises tout dernièrement et il vient de prier le préfet de région Provence-Alpes-Côte d'Azur de lancer la concertation sur la base de leurs résultats, en vue de l'achèvement de l'autoroute A 51 entre Grenoble et Sisteron.
La concertation devrait s'engager dès les prochaines semaines, et je peux vous assurer qu'elle sera conduite de la manière la plus ouverte et la plus large, à partir des éléments comparatifs qui ont été réunis concernant les divers tracés possibles, à l'est ou à l'ouest de Gap, à l'est de Gap ou au col de la Croix-Haute. Les différentes variantes techniques, sur lesquelles les services ont fait un travail approfondi, vont donc être portées à la connaissance des élus de votre département et du département des Hautes-Alpes. La concertation permettra aux uns et aux autres de s'exprimer, après quoi les décisions interviendront.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que je sois un peu déçu de votre réponse concernant la RD 900 : elle est en effet négative au regard des finances du département que je représente.
Depuis 1972, le trafic enregistré sur cette route a beaucoup évolué, et il ne s'agit plus vraiment d'une route secondaire.
L'ancienneté même de la décision devrait conduire à réexaminer le problème de manière que le département ne soit pas obligé de financer une route qui connait un trafic si important.
Puisque vous avez évoqué la RN 202, je me permets de dire mon espoir de voir l'Etat financer les travaux qu'exige cette route et qui se révèlent de plus en plus nécessaires dans la traversée de mon département.

TRAIN PENDULAIRE PARIS-TOULOUSE

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 592, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Georges Mouly. Ma question a trait au désenclavement de certaines régions, une oeuvre qui doit être au moins poursuivie puisque, dans ma région, le Limousin, sur le plan routier, elle est plus qu'amorcée.
Le projet de train rapide ou, plus précisément, de train pendulaire sur la ligne Paris-Toulouse, via Brive, représente un espoir pour tous les acteurs, sociaux, économiques, politiques et même culturels, des régions ou départements traversés.
Je ne doute pas que, au sein du Gouvernement, on mesure toute l'importance de cette affaire, mais je crois utile d'y revenir au moment où l'on entre dans la « période active de concertation financière ».
Il semble, que le montant du projet soit aujourd'hui chiffré à 1,5 milliard de francs, qui se décompose de la manière suivante : 630 millions de francs au titre des aménagements d'infrastructures, dont 240 millions de francs pour la suppression de passages à niveau, principalement dans le département de l'Indre ; 780 millions de francs au titre du matériel roulant, sur la base des réponses des constructeurs à l'appel d'offres européen lancé par la SNCF ; enfin, 170 millions de francs au titre des installations de maintenance de matériel roulant.
Je crois cependant savoir que ce décompte ne comprend pas les frais de mise en route de la chaîne de construction ainsi que l'installation de maintenance de ladite chaîne. Leur prise en compte aboutirait à un total nettement supérieur au chiffre que j'ai cité. Le comité interministériel d'aménagement du territoire d'Arles n'a prévu en effet qu'une enveloppe de 1,2 milliard de francs, en sus de la première enveloppe des contrats de plan, ce qui est insuffisant.
Pourrait-on savoir aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle serait la part de l'Etat - selon la rumeur, elle pourrait s'élever à 400 millions de francs -, celle de la SNCF et celle de RFF, Réseau ferré de France, ce qui donnerait une idée plus précise de la part qui reviendrait aux régions ?
Par ailleurs, est-il possible d'établir un premier calendrier des travaux et, par là même, de conforter l'espoir de voir Brive à trois heures vingt de Paris - exploit au demeurant modeste en regard des liaisons TGV - au début du troisième millénaire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. L'amélioration des liaisons ferroviaires sur l'axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse a donné lieu à des études de faisabilité, puis d'avant-projet, menées en partenariat entre l'Etat, RFF, la SNCF et les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées.
Ces études ont conduit à définir un projet associant des aménagements de l'infrastructure et la mise en oeuvre de matériel roulant pendulaire. Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, la réalisation de ce projet permettra de relier Paris à Limoges en deux heures trente, au lieu de deux heures cinquante, et Paris à Brive en trois heures vingt-quatre, au lieu de trois heures cinquante-deux.
Lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 23 juillet 1999, le Gouvernement a confirmé sa volonté de participer à l'amélioration de la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-région.
Sur la base du résultat des études qui ont été menées et qui ont été examinées par le comité de pilotage au mois de septembre, le préfet de la région Limousin, préfet coordonnateur du projet, présentera au ministre de l'équipement ses préconisations sur les options techniques à retenir.
Les modalités de réalisation et de financement du projet feront alors l'objet de discussions approfondies entre les différents partenaires, mais il est difficile de préjuger leurs résultats.
Le préfet coordonnateur a été chargé de solliciter les trois régions concernées : c'est la règle qui est en vigueur, notamment depuis qu'a été votée la loi ayant créé RFF pour prévenir les problèmes d'endettement de la SNCF.
La participation financière de l'Etat sera, quant à elle, précisée dans le cadre de la deuxième enveloppe de crédits allouée aux contrats de plan Etat-région qui, comme vous le savez, n'est pas encore strictement définie. S'ajoutant aux 95 milliards de francs de la première enveloppe, elle s'élèvera à 10 milliards de francs au moins.
Concernant le calendrier de réalisation des travaux, M. Gayssot me prie de vous indiquer qu'à partir de son lancement effectif, dont on ne connaît évidemment pas la date aujourd'hui, le chantier devrait s'étaler sur quatre ans.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, même si j'espérais plus de précisions. Mais je conviens que, aujourd'hui, sur ce dossier, la précision ne peut être absolue.
Une amélioration d'une dizaine ou d'une vingtaine de minutes sur un parcours, bien sûr, cela peut sembler dérisoire ; mais, pour des régions comme la mienne, cela est appréciable.
J'ai noté la confirmation de la volonté de l'Etat. J'ai également noté que ce projet donnerait lieu à des discussions approfondies. J'ai enfin noté que, dans la deuxième enveloppe des contrats de plan, il ne serait pas oublié.
Pour ce qui est du calendrier, j'espère vivement que les travaux pourront commencer dans les meilleurs délais. En tout cas, en la matière, quatre ans m'apparaissent comme un laps de temps raisonnable.

ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DE L'ÉTAT
POUR LA MISE EN OEUVRE
DE LA DÉPARTEMENTALISATION
DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 572, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, ma question a trait à l'accompagnement financier éventuel de l'Etat à la mise en oeuvre de la départementalisation des services d'incendie.
Selon la loi du 3 mai 1996, relative à cette départementalisation, le corps des sapeurs-pompiers doit proposer les mêmes conditions d'accès aux services qu'il dispense.
A mesure que le corps des sapeurs-pompiers assure de plus en plus de services qui incombent plus particulièrement à l'Etat - par exemple, la sécurité civile, médicale et sanitaire des habitants, les soins aux victimes d'accident de la route -, que leurs sorties se font de plus en plus fréquentes, plus longues et plus coûteuses, les charges se font de plus en plus lourdes pour les collectivités locales. Les conseils généraux et les communes, au moment même où on leur demande d'investir, de faire preuve d'initiative, sont très inquiets devant l'augmentation des coûts.
Or ce domaine de la sécurité civile est une compétence partagée entre l'Etat et les collectivités locales, le préfet restant responsable et grand organisateur des secours en cas de catastrophe importante ou de catastrophe naturelle.
Il paraîtrait donc logique que l'Etat s'investisse davantage dans le financement du fonctionnement de ce service d'assistance.
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait évoqué, au moment du vote de la loi, la création d'un fonds national pour cofinancer les charges induites par cette départementalisation.
Je voulais donc vous demander s'il était possible d'envisager un accompagnement financier pour permettre aux communes et aux départements de mettre en oeuvre cette départementalisation dans les meilleures conditions possibles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, la départementalisation des services d'incendie et de secours est issue, vous l'avez dit, de la loi du 3 mai 1996, qui, je le rappelle a été votée par la majorité parlementaire d'alors, et que je m'applique à mettre en oeuvre afin que notre pays puisse disposer d'un grand service public moderne d'incendie et de secours.
Je considère que les conséquences financières de la loi du 3 mai 1996 n'ont pas été suffisamment évaluées à l'époque. Je ne conteste pas que, à long terme, cette loi induira un réel progrès, une réelle modernisation de nos services d'incendie et de secours, mais il n'est pas douteux que ses implications financières ont été sous-estimées.
En particulier, l'absence de comptabilité analytique a abouti, à l'époque, à une imprécision des données budgétaires, le total des dépenses n'étant évalué qu'à 12 milliards de francs.
Or, il faut bien constater la croissance très forte des budgets des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Elle tient certes à la mise en oeuvre des mesures prises pour améliorer la situation des sapeurs-pompiers, aux recrutements induits par la départementalisation, aux négociations sur le régime indemnitaire. Mais elle tient surtout à l'effort de mise à niveau des services, des équipements et des casernements, lorsque cela n'avait pas déjà été engagé. Le financement des SDIS, vous le savez, relève traditionnellement de la compétence des seules collectivités locales, l'Etat prenant en charge les unités d'intervention de la sécurité civile, la flotte aérienne des bombardiers d'eau et d'hélicoptères du ministère de l'intérieur, ainsi que les renforts nationaux.
Dès lors se pose la question de l'affectation de ressources nouvelles au financement de la réforme, question largement évoquée lors des débats parlementaires de 1996, mais aucunement concrétisée à l'occasion du vote de la loi.
J'ai donc demandé que certaines pistes soient explorées. A cet égard, la clarification des relations entre le secteur hospitalier, l'assurance maladie et les SDIS est engagée avec le ministère de l'emploi et de la solidarité. La contribution des entreprises à risques et des assurances est également analysée avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne veux cependant pas vous cacher que ce dossier se heurte à de fortes objections, liées notamment au souci de ne pas alourdir la fiscalité des entreprises et de ne pas déstabiliser un secteur des assurances en situation concurrentielle en Europe.
S'agissant de l'Etat, une piste intéressante serait l'attribution, à côté de la dotation globale d'équipement communale et de la dotation globale d'équipement départementale, d'une dotation globale d'équipement spécifique, au moins pour la période de remise à niveau. La création de cette DGE spécifique demande une concertation avec les représentants des communes et des départements au sein du comité des finances locales. Je vais m'efforcer de la promouvoir.
Par ailleurs, pour le financement des investissements immobiliers, une enveloppe de prêts à long terme pourrait être mise en place au profit des SDIS, proposition dont je me suis ouvert auprès du président de la Caisse des dépôts et consignations.
Ces mesures devraient faire l'objet d'une très prochaine concertation avec les présidents des conseils d'administration des SDIS, regroupés dans une association nationale au congrès de laquelle je me suis rendu, voilà quelques jours, à Marseille.
D'autres problèmes se posent, notamment celui de l'indemnité de fonction des présidents de SDIS.
J'espère qu'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale permettra de parvenir à une solution équitable.
La réforme du 3 mai 1996 a entraîné des bouleversements. Elle est aujourd'hui à mi-chemin, car les conseils d'administration des SDIS ont été constitués dans tous les départements. D'ores et déjà, 60 % des sapeurs-pompiers professionnels relèvent des corps départementaux. Près de la moitié des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, les SDACR, ont été approuvés. Compte tenu des conséquences financières de cette réforme, j'installerai prochainement, avec l'accord du Premier ministre, une commission de suivi et d'évaluation. Celle-ci aura pour mission d'analyser les conditions de mise en oeuvre de la réforme de 1996 et de me faire des propositions. J'attends ces propositions pour le début de l'année prochaine, l'installation de cette commission devant avoir lieu au cours des toutes prochaines semaines.
Voilà ce que je peux vous dire, monsieur le sénateur, pour répondre à la préoccupation que vous avez très légitimement exprimée.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je suis heureux de constater que, comme moi, vous considérez que les conséquences financières de la réforme n'avaient peut-être pas été évaluées en 1996, qu'elles sont devenues tellement lourdes pour les collectivités qu'il faut peut-être envisager de nouvelles mesures. Vous avez évoqué une DGE spécifique. J'en prends note et je vous en remercie. Peut-être des conventions pourraient-elles être conclues avec les caisses de sécurité sociale, puisque les sapeurs-pompiers assurent largement le travail des ambulanciers, et avec les assurances ?
Le coût actuel approche les 250 francs par habitant. S'agissant de la Nièvre - la situation doit sans doute être la même pour le territoire de Belfort, monsieur le ministre - le budget de fonctionnement du SDIS est passé de 33 millions de francs à 90 millions de francs en quelques années, et les prévisions sont tout aussi alarmantes.
Je vous remercie d'avoir souligné que l'Etat devait intervenir, car cela est absolument nécessaire. Il vous appartient de déterminer les modalités de cette intervention.

CONDITIONS DE TRAVAIL DES CHAUFFEURS DE TAXI

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 590, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation des locataires de taxi - leur nombre est très important à Paris - qui, hélas ! est éloignée d'un respect ne serait-ce que minimal du droit du travail.
J'avais, en mars 1997, soulevé cette question. Un an plus tard, les parlementaires de mon groupe ont déposé une proposition de loi à ce sujet, qui prévoit la suppression du régime de la location.
En effet, le contrat de location ne fait l'objet d'aucun encadrement ni d'aucun contrôle. De surcroît, l'extension du contrat de louage contribue à déséquilibrer la structure du secteur du taxi en faisant progressivement disparaître les chauffeurs salariés. En effet, le système de la location permet d'échapper à l'application des droits sociaux.
Le contrat de location imposé aux chauffeurs est, pour eux, générateur d'insécurité juridique. Bien qu'il entre dans le champ des contrats de travail qui, aux termes du code du travail, font l'objet d'une affiliation obligatoire pour les droits à l'assurance maladie, on impose à ces chauffeurs, comme aux artisans, un délai de carence de quinze jours pour les indemnités journalières. Par ailleurs la chambre de métiers et les URSSAF, unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, refusent l'inscription des chauffeurs locataires de taxi, car ceux-ci ne remplissent pas les conditions légales d'affiliation. Le repos dominical et les congés payés annuels ne sont pas obligatoires, pas respectés, ce qui n'entraîne pas de sanctions, et en cas de rupture ou de non-renouvellement de leur contrat, les chauffeurs locataires ne bénéficient pas des indemnités de chômage.
Quant à la rémunération, on peut estimer que si un locataire verse 4 600 francs par semaine au loueur, chiffre qui inclut les charges sociales et la TVA, et qu'il dépense de 70 à 100 francs par jour en carburant, pour une recette moyenne quotidienne de 800 à 1 000 francs, il gagne entre 4 000 et 8 000 francs par mois pour soixante-quinze heures de travail hebdomadaire !
Je crois que l'annonce de la discussion prochaine de la proposition de loi que nous avons déposée serait la bienvenue à l'heure où l'on débat des trente-cinq heures. Je voulais de nouveau attirer votre attention sur cette situation, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Madame le sénateur, je crois d'abord utile de rappeler que les locataires sont presque exclusivement présents dans la zone unique des taxis parisiens, regroupant Paris et quatre-vingts communes environnantes, et de façon limitée à Lyon. A Paris, un tiers des conducteurs de taxi sont locataires. Ils louent le taxi à un artisan ou à une société moyennant une redevance mensuelle allant de 13 000 à 20 000 francs par mois.
Le ministère de l'intérieur n'a pas été inactif sur ce sujet, et j'aimerais vous en convaincre.
La location, forme reconnue d'exercice de la profession, est un système hybride, qui présente certains avantages, comme l'autonomie complète et la libre disposition du véhicule. C'est pourquoi bon nombre de chauffeurs non titulaires d'une autorisation de stationnement le préfèrent au salariat. L'inconvénient est qu'il libère le loueur de certaines contraintes inhérentes à la réglementation du travail. C'est pourquoi il a été prévu de l'encadrer conformément à l'article 10 du décret du 17 août 1995 portant application de la loi du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi.
Je me suis donc attaché à ce qu'un contrat type de location, fondé sur les dispositions de l'article 10, soit élaboré dans le cadre des nombreuses réunions de travail qui ont eu lieu entre l'administration et les organisations représentatives des loueurs et des locataires.
Ce contrat type a été envoyé par une circulaire en date du 22 septembre 1998 à tous les préfets pour diffusion auprès des maires. S'il ne peut constituer un document juridiquement contraignant, j'ai souhaité que l'autorité qui délivre une autorisation de stationnement gérée sur un mode locatif s'inspire de ce modèle pour délivrer l'autorisation.
Les principales sources d'insécurité que pouvaient ressentir certains chauffeurs et dont vous faites état ont été réglées par ce contrat type.
En effet, l'aspect précaire des contrats mensuels a été supprimé, la durée minimale étant d'un an. Certains loueurs concluent même avec leurs locataires des contrats de trois ans, voire quatre, alignés sur la durée de vie présumée du véhicule. Les craintes des locataires de voir les tarifs de location s'envoler, alors que l'activité ne progresse que modestement, sont écartées, le réajustement de la redevance étant calculé proportionnellement aux indices INSEE relatifs à l'achat de véhicules automobiles et au taux horaire de la main-d'oeuvre.
De nombreuses autres mesures favorables aux locataires ont été introduites, telles que le mois de gratuité annuel à titre de prime de fidélité, la mise à disposition obligatoire d'un véhicule de remplacement en cas d'immobilisation du véhicule principal avec paiement d'indemnités journalières par le loueur qui ne s'acquitterait pas de cette obligation dans les cinq jours.
Enfin, la résiliation de ces contrats ne peut intervenir que pour des motifs graves : retrait du permis de conduire ou de la carte professionnelle, conduite en état d'ivresse, non-paiements importants et récurrents des sommes dues, sinistrabilité excessive, tous motifs d'ailleurs qui conduiraient un artisan à cesser son activité.
J'ajouterai que, comme tous les chauffeurs de taxi, les locataires profitent de la reprise économique et je ne crois pas qu'aujourd'hui leur situation soit aussi inquiétante que vous la décrivez.
Je n'en veux pour preuve que l'augmentation du prix des autorisations de stationnement qui traduit un accroissement du chiffre d'affaires et le fait que, tous les ans, une partie importante des autorisations sont acquises par des locataires.
Ceux-ci mettent donc à profit la location pour se former, découvrir le monde très particulier du taxi, constituer un capital et, le cas échéant, accéder à l'artisanat.
Je note, si j'en juge par la proportion stable du nombre d'artisans et de salariés, que les équilibres qui prévalent au sein de cette profession depuis de nombreuses années ne semblent pas menacés.
Pour autant, il s'agit d'un sujet récurrent, qui peut toujours faire l'objet de débats. Comme je l'ai dit, des dispositions législatives et réglementaires ont été prises. Pour ma part, je ne demande qu'à m'instruire en écoutant les arguments que ne manqueront pas de développer les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Brovo. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez apportées sur votre activité pour encadrer au maximum la location.
Selon moi, ce statut particulier, qui a d'ailleurs été réintroduit en 1972, est défavorable à l'emploi. En effet, il permet une surexploitation d'une partie des chauffeurs de taxi, ce qui n'est pas sans conséquence sur le service rendu et au regard de la sécurité.
La proposition de loi que nous voudrions voir discuter et qui serait effectivement l'occasion d'un échange d'arguments prévoit de mettre fin à une situation que vous avez vous-même qualifiée d'hybride, monsieur le ministre.
Nous proposons de ne retenir que deux modes d'exploitation : soit par le propriétaire, soit par les salariés. Ce serait également l'aboutissement logique d'une situation dans laquelle la jurisprudence, notamment le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre, le 8 novembre 1995, « reconnaît les liens de subordination qui existent entre le chauffeur et le loueur, critères du contrat de travail ». Cela reviendrait à introduire l'obligation d'un contrat de travail.
Je crois savoir que le Gouvernement est conscient des problèmes existants, vous venez de le dire, monsieur le ministre. En effet, dans un courrier du 25 août 1998 adressé à une organisation syndicale et provenant du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, qui est en quelque sorte cogérant de la profession, il était fait mention de l'examen possible de la proposition de loi déposée par les parlementaires communistes.
Donc, je réitère simplement ma demande pour qu'un débat ait lieu sur cette question et que nous nous orientions vers un meilleur encadrement de la profession.

7

NOMINATION
DE MEMBRES DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a présenté des candidatures pour la commission des affaires économiques et pour la commission des lois.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
M. Charles de Cuttoli membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Bernard Murat, démissionnaire ;
M. Bernard Murat membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Charles de Cuttoli, démissionnaire.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

8

POLYNÉSIE FRANÇAISE
ET NOUVELLE-CALÉDONIE

Adoption d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 425, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie. [Rapport n° 2 (1999-2000).]
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi constitutionnelle n'est plus recevable.
Il sera procédé au scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.
L'article 1er porte sur la définition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
La loi organique du 19 mars 1999 a inscrit dans le statut de la Nouvelle-Calédonie les dispositions de l'accord de Nouméa, qui avait été signé par le FLNKS, le RPCR et le Premier ministre, au nom du Gouvernement, le 5 mai 1998. Elle définit en particulier les règles relatives à la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie et au corps électoral pouvant participer aux élections au Congrès et aux assemblées de province.
Ces dispositions constituent un élément essentiel de cet accord et une des raisons de la révision opérée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, adoptée à une très large majorité par le Parlement réuni en Congrès à Versailles.
C'est également à une très large majorité - 72 % - que les électeurs calédoniens ont approuvé, le 8 novembre 1998, l'accord de Nouméa.
Le paragraphe 2-2-1 de l'accord a prévu trois catégories d'électeurs pour les élections au Congrès et aux assemblées de province qui, je le rappelle, sont concomitantes.
La première catégorie est clairement circonscrite : il s'agit des électeurs inscrits pour participer à la consultation du 8 novembre 1998, à savoir le référendum qui approuvait l'accord de Nouméa.
S'agissant des deux autres catégories, le texte offre la possibilité à certaines personnes de devenir ultérieurement électeurs sous réserve de leur inscription ou de celle d'un de leurs parents sur un « tableau annexe ». Il est vrai que, en l'absence d'une définition explicite de ce document, on pouvait hésiter sur son contenu. Deux interprétations étaient possibles : ou bien étaient visées uniquement les personnes inscrites sur ce tableau à la date de la consultation du 8 novembre 1998, ou bien l'on y ajoutait celles qui sont entrées sur le territoire après cette date. Dans ce dernier cas, on a pu parler de corps électoral « glissant ».
De ces deux thèses, seule la première correspond tant à l'intention des signataires de l'accord de Nouméa qu'à celle des deux assemblées réunies en Congrès le 6 juillet 1998. En effet, la référence aux accords de Matignon, qui figure en tête du paragraphe 2-2-1 de l'accord de Nouméa, renvoie au souhait exprimé par les signataires de l'accord de ne voir octroyer le droit de vote au Congrès et aux assemblées de province qu'aux seules personnes installées en Nouvelle-Calédonie avant la consultation prévue en 1998.
Par ailleurs, à la date de la signature de l'accord de Nouméa, le 5 mai 1998, la référence au « tableau annexe » ne pouvait nécessairement porter que sur le document existant à cette date et non sur d'autres tableaux prévus par la loi organique à son article 189 pour être élaborés postérieurement à la consultation du 8 novembre 1998, pendant la période d'application de l'accord.
L'article 188 de la loi organique s'est donc borné à reprendre fidèlement les termes de l'accord de Nouméa en définissant le corps électoral aux élections du Congrès et des assemblées de province. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur du Sénat sur le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie, tout comme M. René Dosière, à l'Assemblée nationale, s'étaient exprimés sans ambiguïté sur ce point, me semble-t-il.
Or, le Conseil constitutionnel a formulé, dans sa décision du 15 mars 1999, une réserve d'interprétation sur cet article de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie. Selon les termes de sa décision, doivent « participer à l'élection des assemblées de province et du Congrès les personnes qui, à la date de l'élection, sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998 ».
Par l'article 1er du projet de loi constitutionnelle soumis à votre examen, le Gouvernement souhaite donc préciser, dans un alinéa complétant l'article 77 de la Constitution, que le tableau auquel se réfère l'accord de Nouméa, pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au Congrès, est bien le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à l'article 76, c'est-à-dire la consultation du 8 novembre 1998.
Le Gouvernement entend ainsi garantir de façon indiscutable le respect de l'accord de Nouméa. Il honore les engagements pris vis-à-vis des partenaires calédoniens avant les élections au Congrès et aux assemblées de province qui se sont déroulées le 9 mai 1999 dans un climat serein et qui ont vu la confirmation pour les deux formations signataires de l'accord de Nouméa, le RPCR et le FLNKS, du bien-fondé de la démarche entreprise.
Lors de mon déplacement en Nouvelle-Calédonie en juin 1999, j'ai souligné devant le Congrès et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie la nécessité de faire vivre l'accord de Nouméa dans sa lettre et dans son esprit.
J'ai par ailleurs insisté sur la dimension de collégialité qui doit être la base de travail des institutions nouvelles.
Dans le message du Premier ministre, M. LionelJospin, que j'ai lu devant le Congrès, le Gouvernement a réaffirmé qu'il entend ainsi respecter les nouvelles compétences données à la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, depuis le 28 mai 1999, l'exécutif a été transféré du représentant de l'Etat au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Les premiers transferts de compétences interviendront le 1er janvier 2000 et le premier projet de loi de pays a été examiné par le Conseil d'Etat le 7 octobre dernier.
L'Etat est partenaire de l'accord de Nouméa. Il lui incombe de veiller, avec les deux autres signataires, à son respect, dans toutes ses dimensions, tout au long du processus engagé. Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé qu'il se proposait de réunir à Paris le comité des signataires de l'accord de Nouméa avant la fin de l'année 1999 pour dresser un bilan de la mise en oeuvre de l'accord et pour examiner les perspectives de son application pour l'année 2000.
L'article 1er du projet de loi constitutionnelle contribuera donc à assurer que les engagements pris sont tenus. Cette garantie permettra ainsi aux élus néo-calédoniens de se consacrer dans les meilleures conditions à l'exercice des compétences qui leur seront transférées et au développement économique et social.
L'esprit de responsabilité et de partage qui a prévalu lors des discussions ayant conduit à l'accord de Nouméa doit désormais se prolonger dans la gestion de la Nouvelle-Calédonie. Il appartient aux formations politiques, aux élus, aux hommes et aux femmes de Nouvelle-Calédonie de faire vivre cet accord qui guidera le fonctionnement des institutions durant les quinze ou vingt prochaines années.
Le projet de loi constitutionnelle introduit également dans la Constitution un titre XIV nouveau intitulé « Dispositions relatives à la Polynésie française ».
La Polynésie française est dotée d'un statut d'autonomie qui n'a cessé de se renforcer au cours des vingt dernières années.
Ces régimes statutaires successifs ont permis aux élus de faire l'apprentissage de l'exercice de très larges responsabilités.
Deux gouvernements de gauche ont été à l'origine de deux textes qui ont fondé l'autonomie de la Polynésie française : d'une part, la loi Defferre a créé, en 1956, les conditions d'une évolution de l'organisation administrative et politique du territoire ; d'autre part, le statut Lemoine de 1984 fut celui de l'autonomie interne du territoire.
Un point d'aboutissement a été atteint avec le statut d'autonomie institué par la loi organique du 12 avril 1996 et par la loi ordinaire du même jour complétant le statut d'autonomie.
M. Jean-Jacques Hyest. Le Gouvernement était alors de droite ! (Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le moment nous paraît venu de franchir une nouvelle étape dans l'affirmation de la personnalité et de l'autonomie de la Polynésie française pour répondre aux attentes de ses habitants qui aspirent majoritairement à trouver leur épanouissement au sein de la République.
En accord avec le Président de la République, le Premier ministre a décidé d'engager la procédure de révision constitutionnelle rendue nécessaire dès lors qu'il est apparu souhaitable de faire bénéficier la Polynésie française d'une très large autonomie allant au-delà du statut actuel, institué par la loi du 12 avril 1996.
Après une concertation approfondie avec les autorités locales, le Gouvernement a élaboré un projet de loi constitutionnelle.
Il a consulté, sans y être juridiquement tenu, l'assemblée de la Polynésie française, qui a donné un avis favorable au projet, à une large majorité, tout en formulant certaines propositions.
D'autres opinions se sont exprimées : elles sont légitimes, et le Gouvernement veille à les associer à la préparation de l'évolution statutaire dans le cadre de la loi organique qui suivra la réforme constitutionnelle dont vous êtes saisis.
Mon déplacement en Polynésie française du 17 au 22 septembre 1999 m'a permis de rencontrer les représentants des différentes sensibilités politiques, le Conseil économique, social et culturel ainsi que les forces vives du territoire, afin de recueillir leurs réflexions et leurs propositions sur l'évolution statutaire.
Il va de soi que les nouvelles relations entre l'Etat et la Polynésie française telles que les organise cette loi organique ne pourront être définies qu'après l'aboutissement du processus constitutionnel dont vous êtes aujourd'hui saisis, après l'Assemblée nationale.
Le nouvel article 78 reconnaît la place singulière de la Polynésie française dans la République. Il inscrit pour la première fois dans le texte constitutionnel la notion d'autonomie.
La Polynésie française se gouvernera librement et démocratiquement au sein de la République. Cette formule marque une évolution notable par rapport au statut de 1996, aux termes duquel, je vous le rappelle, la Polynésie française ne faisait qu'« exercer librement et démocratiquement » des compétences.
L'emploi du verbe « gouverner » souligne bien cette conception d'autonomie que l'on trouve dans d'autres territoires du Pacifique, et que l'on résume, dans cette région, sous le vocable anglo-saxon de self-government .
Cette très large autonomie s'exercera, ainsi que le rappelle le projet qui vous est soumis, au sein de la République, ce qui implique, évidemment, le respect des principes fondamentaux de nos institutions.
Comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française cessera d'être un territoire d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution. Elle deviendra un pays d'outre-mer, expression déjà consacrée sur le plan européen.
Les compétences de l'Etat qui seront transférées aux institutions de la Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci seront fixés par la loi organique. Ils donneront lieu à compensation financière.
L'article 78 de la Constitution énumère aussi les compétences régaliennes qui ne pourront être transférées par la loi organique aux institutions locales. Il fixe donc les limites de l'autonomie.
La loi organique pourra, bien sûr, réserver à l'Etat d'autres compétences. Je pense, par exemple, à la fonction publique et aux marchés publics de l'Etat, ou encore à la procédure administrative contentieuse.
Les compétences régaliennes ainsi visées à l'article 78 sont la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes.
Dans ces matières, une réserve générale protège les compétences actuellement exercées par la Polynésie française. Cette réserve concerne notamment le droit pénal, puisque le statut actuel permet aux institutions locales de fixer des peines d'amende et des peines complémentaires. Le nouvel article constitutionnel ne revient donc pas sur les précédentes dispositions statutaires.
Le projet de loi constitutionnelle ne mentionne pas le caractère définitif des transferts de compétences, comme l'avait exprimé par un voeu l'assemblée de la Polynésie française. L'article 78 de la Constitution n'ouvre en effet pas la même perspective que l'accord de Nouméa, accord qui a trouvé sa traduction avec l'article 77 de la Constitution : en Nouvelle-Calédonie, nous nous plaçons dans une perspective de quinze à vingt ans qui débouchera sur une ou plusieurs consultations sur l'accession à la souveraineté. Or tel n'est pas le cas en Polynésie française.
La loi organique définira également les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions. Mes interlocuteurs ont souligné la nécessité de prévoir les mécanismes permettant d'assurer un fonctionnement démocratique des institutions, en particulier de l'assemblée territoriale.
Certaines catégories d'actes de l'assemblée de la Polynésie française, qualifiées de « lois du pays », auront valeur législative ; leur contrôle avant publication relèvera de la compétence du Conseil constitutionnel et non plus simplement, a posteriori, de la juridiction administrative.
La loi précisera aussi les compétences du délégué du Gouvernement, qui continuera d'exercer le contrôle de légalité sur tous les actes de valeur réglementaire des autorités locales.
La citoyenneté polynésienne que prévoit la révision constitutionnelle n'a pas la même dimension que la citoyenneté calédonienne instituée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 : elle ne concerne pas le corps électoral, qui demeure le corps électoral de droit commun ; elle a exclusivement pour objet de permettre que le développement économique et social profite davantage aux Polynésiens.
Le projet de loi constitutionnelle précise les domaines exclusifs où elle produira ses effets : l'accès à l'emploi, le droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et l'accession à la propriété foncière. Il s'agira bien, en ces matières, de déroger au principe d'égalité pour permettre aux futurs citoyens polynésiens de disposer de droits plus étendus dans ces domaines. Ces dérogations ne pourront cependant pas être générales, elles devront être justifiées au cas par cas par la situation de l'emploi dans telle ou telle profession, par exemple, et donc reposer sur des données objectives.
La loi organique précisera les conditions de reconnaissance de cette citoyenneté. Ainsi, la durée maximale de résidence dans le territoire devra être raisonnable. A titre de référence, je souligne qu'un délai de cinq ans est prévu dans l'article 12 de la loi organique du 12 avril 1996 pour l'accession aux fonctions de membre du gouvernement.
Les relations extérieures demeureront une compétence d'Etat, mais la Polynésie française pourra intervenir plus activement en matière internationale. Les autorités de la Polynésie pourront de leur propre initiative engager avec les Etats du Pacifique des négociations d'accords internationaux portant sur les matières relevant de leurs attributions et seront autorisées à signer de tels accords dans le respect des règles fixées par les articles 52 et 53 de la Constitution.
La Polynésie française pourra être membre d'organisations internationales et disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique.
Je crois que ces compétences en matière de relations extérieures permettront à la Polynésie française de prendre des initiatives et de s'intégrer davantage dans son environnement régional, notamment en développant ses relations avec les Etats du Pacifique.
Comme il l'a fait avec la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement proposera également dans la loi organique relative à la Polynésie des modalités de consultation des institutions de la Polynésie française sur les lois de la République relatives à l'organisation du nouveau pays et aux conventions internationales traitant des matières relevant de sa compétence.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi constitutionnelle constitue un nouveau cadre pour l'évolution de la Polynésie française. Les relations entre l'Etat et la Polynésie française seront définies, comme je l'ai indiqué, par une loi organique statutaire qu'il nous reste à préparer et dont l'élaboration fera l'objet d'une discussion avec les autorités locales et avec les différentes forces politiques et sociales de ce nouveau pays d'outre-mer. Nous entendons bien prolonger ce dialogue qui s'est instauré à cet égard.
Une fois la procédure de révision achevée, notre Constitution accueillera donc, après le titre XIII relatif à la Nouvelle-Calédonie, un titre XIV relatif à la Polynésie française. Ces textes prendront la place des articles portant sur l'organisation de la Communauté imaginée en 1958 et qui est mort-née avec l'indépendance des pays composant l'ancien Empire français.
La République française imagine aujourd'hui des évolutions originales pour deux de ses territoires, en respectant leur personnalité et leur volonté. Notre Constitution apparaît ainsi comme un cadre juridique vivant, qui offre un avenir à ces populations du Pacifique riches de leurs civilisations et imprégnées de notre culture. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au mois de mars 1996, nous adoptions un statut rénové, renforçant les capacités d'initiative et de décision de la Polynésie française. Il appert de nos débats d'alors - ceux du Parlement tout entier - qu'il s'agissait non pas de quelques déterminations statiques mais d'un statut qui, bien compris, se devait d'évoluer dans le temps au regard de la réalité et de l'évidence des faits.
Ce temps est accompli. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis tend à insérer un article 78 dans la Constitution concernant de nouvelles dispositions relatives à la Polynésie française, cette dernière étant ainsi au coeur de ce projet de loi constitutionnelle.
De plus, le projet concerne, en son article 1er, une modification de l'article 77 de la Constitution destinée à préciser la tenue du corps électoral restreint appelé à voter pour les assemblées de province et pour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Notons ici, pour n'en plus parler, qu'il apparaît curieux, voire regrettable, monsieur le secrétaire d'Etat, de vouloir consacrer dans un même projet constitutionnel des dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, deux collectivités de l'outre-mer aux personnalités différentes et aux problèmes distincts.
Toutefois, cette collusion, pour inopportune qu'elle soit, peut s'expliquer par certaines circonstances plus particulières à la Nouvelle-Calédonie.
A cet égard, un très bref rappel des faits s'impose.
En 1988, les accords dits de Matignon prévoyaient que, au terme d'un délai de dix ans, la Nouvelle-Calédonie serait appelée à se prononcer par un référendum sur le choix de l'indépendance.
Dix ans après, en 1998, les temps n'étant pas mûrs, fut prévue une nouvelle période de transition de quinze à vingt ans, à définir dans un cadre constitutionnel rénové. En bref, il s'agissait de substituer au référendum d'autodétermination une consultation sur les accords dits de Nouméa.
Le 5 mai 1998, ces accords étaient cosignés par le Premier ministre et par les deux grands partis de Nouvelle-Calédonie, le RPCR et le FLNKS.
Ces accords définissaient plus particulièrement les règles relatives à la citoyenneté en Nouvelle-Calédonie ainsi qu'au corps électoral restreint pouvant participer aux élections des assemblées provinciales et du Congrès calédonien.
Les accords dits de Nouméa étaient solennellement reconnus le 6 juillet 1998 par une révision de la Constitution à Versailles, révision traduite par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 qui permettait aux électeurs calédoniens consultés d'approuver, le 8 novembre 1998, par une majorité de 78 %, les accords de Nouméa.
Cette lente et souvent très délicate élaboration aboutissait enfin à la loi organique du 19 mars 1999, traduisant en droit positif les dispositions des accords de Nouméa.
Tout semblait donc conclu, si ce n'est une différence d'interprétation concernant le « corps électoral restreint » admis à participer aux élections, et aux seules élections des assemblées provinciales et du Congrès calédonien.
En effet, la loi organique prête à ambiguïté.
En résumé, et vous l'avez dit monsieur le secrétaire d'Etat, elle prévoit trois catégories d'électeurs dans un corps électoral restreint - donc spécial - prévu dans les accords.
L'une vise sans équivoque les électeurs admis à la consultation du 8 novembre 1998. Les deux autres concernent les possibilités de devenir ultérieurement électeurs, par référence, dans les articles 188 et 189 de la loi organique, à deux tableaux annexes qui prêtent à interprétations divergentes.
La première interprétation vise uniquement les personnes inscrites sur un premier tableau annexe, arrêté à la date de la consultation du 8 novembre 1998, personnes non admises à participer à ladite consultation parce qu'elles ne répondaient pas à une clause, par tous admise, de dix années de résidence en Nouvelle-Calédonie, mais personnes qui seront admises au corps électoral restreint dès qu'elles justifieront de ces dix années.
Il s'agit donc des seules personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie avant novembre 1998. Le corps électoral étant ainsi fixé, « figé » à en croire certains.
La deuxième interprétation fait référence à un second tableau annexe, visant, lui aussi, les électeurs non admis à participer aux scrutins après 1998. Mais puisque ce tableau est considéré comme tenu à jour et s'enrichissant de toutes les personnes entrées en Nouvelle-Calédonie après 1998, on peut estimer que ces personnes seraient susceptibles de devenir électeurs dès qu'elles justifieraient des dix années de domicile dans l'île.
Deviendraient alors électeurs, à partir de 2009, toutes les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie après 1998 et justifiant, au fur et à mesure, de dix ans de résidence.
Telle est la conception - la seconde - d'un corps électoral courant et, donc, susceptible d'évoluer.
Equivoque donc, faute de disposer, reconnaissez-le, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une définition explicite d'interprétation des deux tableaux annexes. Equivoque que n'avaient pas manqué de relever, à l'époque, la commission des lois et son rapporteur, notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, qui s'étaient interrogés sur l'ubiquité des deux tableaux annexes.
Nous sommes donc en présence de deux interprétations différentes.
L'une se réfère au premier tableau fixe parce qu'il traduit, semble-t-il, les termes du point 2.2.1 du document d'orientation des accords de Nouméa, qui spécifie : « Le corps électoral aux assemblées provinciales et au congrès sera restreint, il sera réservé aux électeurs qui remplissent les conditions pour voter au scrutin de 1998 et à ceux qui, inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de l'élection. »
L'autre se réfère au deuxième tableau annexe, considéré comme courant et, donc, ouvert et évolutif.
Conscient de cette ambiguïté, le Conseil constitutionnel, consulté, a estimé, dans sa décision du 15 mars 1999, que le tableau annexe de référence était le tableau courant, c'est-à-dire celui qui, révisé annuellement, intègre les personnes au fur et à mesure de leur arrivée en Nouvelle-Calédonie, que cette arrivée soit antérieure ou postérieure à la consultation du 8 novembre 1998.
Ce faisant, le Conseil constitutionnel ne faisait que rétablir un droit électoral courant, tout en incluant la nécessité, au demeurant admise par tous, des dix années de domiciliation.
La décision du Conseil constitutionnel impliquait, dès lors, que toute autre interprétation du corps électoral restreint se devrait d'être clairement et précisément définie dans la loi constitutionnelle.
Tel est le fondement de l'article 1er du projet qui nous est soumis, visant à compléter l'article 77 de la Constitution afin de préciser que le tableau auquel se réfèrent les accords de Nouméa est bien le tableau annexe fixe, recensant les seules personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie entre 1989 et 1998 et qui, n'ayant pas dix ans de résidence, n'étaient pas admises à voter pour la consultation du 8 novembre 1998, mais pouvaient l'être ultérieurement, dès qu'elles rempliraient la condition des dix ans.
Telle est la situation actuelle, qui oppose ceux qui sont pour l'adoption de l'article 1er et ceux qui sont partisans de le refuser ou de s'abstenir, chacun excipant de sa raison, dont l'honnêteté ne peut être mise en cause.
Au demeurant, l'interprétation qu'avait donnée votre commission des lois lors de l'examen de la loi organique qui concrétisait les accords de Nouméa et qui a été approuvée par le Sénat, correspondait bien à celle qui résulte de l'article 1er du présent projet de loi constitutionnelle. Convient-il aujourd'hui de se déjuger ? La question peut se poser.
En raison de son imprécision, la loi organique de mars 1999 crée entre les parties prenantes une tension que l'on pouvait croire apaisée par les accords, mais dont le sérieux, je tiens à le dire, ne saurait être négligé.
Toutefois, en analysant de près le contexte, je me demande si cette tension est vraiment justifiée. A tout le moins, il est permis de la relativiser raisonnablement en formulant plusieurs considérations.
Tout d'abord, précisons bien encore qu'il n'est question que de définir le corps électoral restreint appelé à voter pour les seules élections des assemblées de province et du congrès calédonien. Toutes les autres élections, y compris les élections municipales, relèvent du droit commun.
Or, comprenons bien : les premières élections de ce type ont eu lieu en mars 1999. A échéance des cinq ans de mandat, le futur calendrier s'établit donc en 2004, puis 2009, puis 2014.
Compte tenu de l'obligation des dix ans de résidence, sur lesquels l'accord est unanime, c'est seulement à partir de l'échéance électorale de 2009 que se concrétisera, et encore de façon très marginale, la différence d'interprétation pour définir le corps électoral restreint.
Considérons que le statut calédonien actuel présente un caractère volontairement transitoire, qui permet de le reconsidérer au terme d'une période de quinze à vingt ans, soit à partir de 2014, date à laquelle le troisième renouvellement des assemblées de province et du congrès pourrait être marqué de manière significative par la définition du corps électoral restreint tel qu'il ressort de l'application de l'article 1er qui nous est soumis.
D'ici à 2014, que de choses évolueront dans le monde, en particulier en Nouvelle-Calédonie ! Quinze années que l'on veut propices à la réflexion, à la confiance consolidée, aux responsabilités partagées. Quinze années à partir desquelles l'expérience acquise permettra une nouvelle symbiose et, ainsi, une définition mieux adaptée du corps électoral restreint.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'à cet égard, vous nous donniez clairement le point de vue du Gouvernement, ce qui lèverait toute ambiguïté d'interprétation pour l'avenir de ce corps électoral spécial. Je sollicite une réponse qui aiderait à l'apaisement.
En effet, s'il convient de relativiser les inconvénients que présente cet article 1er qui nous est soumis, il convient a fortiori de comprendre les dégâts qu'entraînerait son refus.
Le plus immédiat serait la remise en cause des dispositions concernant la Polynésie française, lesquelles avaient fait l'objet d'un engagement formel de notre part en 1996, afin d'aller vers une meilleure autonomie, réclamée avec sagesse, mesure et pertinence par la grande majorité des Polynésiens français et par leur interprète, notre excellent collègue Gaston Flosse, président du Gouvernement de la Polynésie française.
Le projet de loi constitutionnelle introduit en effet dans la Constitution un titre XIV intitulé « Dispositions relatives à la Polynésie française ». Ces dispositions constituent une étape décisive dans le raisonnable et souvent serein processus qui, par régimes successifs sans cesse améliorés depuis l'après-guerre, doit permettre à la Polynésie de se gouverner librement et démocratiquement au sein de la République, un raisonnable processus qui, du statut colonial, aboutit à un statut d'autonomie pleine et entière en 1996, processus dont les étapes les plus marquantes ont été la loi-cadre Defferre en 1956, une autonomie administrative et financière en 1977, la consécration d'une autonomie interne en 1984, renforcée en 1992 par une réforme constitutionnelle, et, enfin, le statut de 1996 concernant une autonomie pleine et entière, se substituant à l'autonomie interne, avec transfert de nombreuses compétences.
Cette émancipation institutionnelle implique, à l'évidence, un nouveau cadre constitutionnel. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis tend, par ses articles 2 à 4, à insérer un nouveau titre XIV dans la Constitution, titre consacré à la Polynésie française.
Le cadre constitutionnel ainsi proposé s'inspire, certes, à certains égards, des principes applicables à la Nouvelle-Calédonie, mais s'en démarque sur des points essentiels. Seule représentante d'une catégorie juridique nouvelle désignée « pays d'outre-mer », la Polynésie française voit son ancrage réaffirmé au sein de la République, sans limitation dans le temps, à la différence du régime défini pour la Nouvelle-Calédonie, qui ouvre une période de transition au terme de laquelle l'île sera consultée sur son accession à l'indépendance.
Cela répond à la fois aux particularités qui caractérisent la personnalité de ces collectivités de l'outre-mer et à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française soulignant que « la réforme à venir ne constitue pas une rupture avec notre passé. Elle prolonge ce dernier, en renforçant les bases de notre autonomie, et fixe les limites de celle-ci. Nous savons qu'au-delà de ces limites c'est l'indépendance, et nous n'en voulons pas ». (M. Flosse applaudit.)
C'est ainsi qu'il est proposé dans le cadre du titre XIV un article 78 de la Constitution disposant que la Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement « au sein de la République ». La notion d'autonomie reçoit de la sorte une consécration constitutionnelle, aboutissement normal des promesses que nous avions consenties.
Une loi organique définira les dispositions d'ordre statutaire après avis de l'assemblée de la Polynésie française. Elle déterminera les nouveaux transferts de compétence, leur échelonnement, leurs modalités et la répartition des charges qui en résultent. Certes, je reconnais que l'article 78 ne précise pas, en droit, le caractère irréversible de ces transferts. Mais, en fait, ils seront considérés comme acquis. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ignore si vous approuvez un tel propos.
En conséquence logique de l'affirmation solennelle selon laquelle la Polynésie française demeure au sein de la République, certaines matières, d'essence régalienne, sont expressément exclues des transferts. Le texte proposé en fournit la liste : « la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, la justice, le droit pénal, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes ».
Toutefois, l'impossibilité de ces transferts réserve les compétences déjà exercées en ces matières par la Polynésie française. Les pouvoirs statutairement déjà reconnus seront préservés.
En outre, l'article 78 confère à la loi organique à venir le soin de fixer dès que possible les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions polynésiennes et, plus particulièrement, les conditions dans lesquelles les « lois du pays » pourront être soumises, avant publication, au contrôle du Conseil constitutionnel.
La loi organique déterminera les conditions dans lesquelles le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois.
Seront également définies les règles relatives à la citoyenneté polynésienne en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement ou de patrimoine foncier, ce problème foncier qui, je me permets de le souligner, pèse si lourdement sur l'avenir économique et social des archipels.
Il s'agit là essentiellement de préserver l'emploi local et le développement d'une activité économique.
En revanche, aucune restriction n'est prévue pour le corps électoral. Tout citoyen installé en Polynésie et remplissant les conditions requises de droit commun pourra participer aux scrutins locaux.
Enfin, concernant le domaine des relations internationales, la marge de manoeuvre concédée aux autorités polynésiennes concerne le fait d'être membres d'une organisation internationale, d'avoir une représentation auprès des Etats du Pacifique ou de négocier avec ceux-ci des accords dans le domaine des compétences dévolues. Mais la signature, l'approbation, la ratification de ces accords restent soumises aux procédures actuellement en vigueur. Reste aux autorités polynésiennes le pouvoir d'initier et de mener des négociations avec les Etats de la même géographie.
Mes chers collègues, m'autorisez-vous à citer cette réflexion d'Ernest Renan : « Tout ce que nous faisons est l'aboutissement d'un long travail séculaire. » ? Aboutissement qui, pour nous, n'est pas une fin.
La colonisation a longtemps pesé en bien comme en mal sur le destin d'une outre-mer à laquelle nous lie notre histoire et tant d'attachements affectifs, qui nous confèrent autant de devoirs que de droits.
Ses conséquences positives apparaissent à l'évidence, car, à la différence d'aucuns, la France n'a jamais laissé choir ces terres avec lesquelles, par une confiance réciproque, elle a partagé les heures heureuses autant que les épreuves.
Conséquences positives, disais-je, ne serait-ce que le débat qui nous rassemble aujourd'hui, dont il convient de maintenir la sérénité durement acquise, par la perspicacité, la lucidité, la clairvoyance de ceux qui, sur le terrain, sont appelés à vivre ensemble et à construire l'avenir de leurs collectivités, un avenir qui doit épouser son temps, et rester ouvert à une saine et nécessaire évolution.
Aucun texte n'est définitivement parfait et ceux qui nous sont soumis n'échappent pas à la règle, au contraire. Mais le temps permettra les transformations indispensables, qui préserveront de la violence et des révolutions stériles.
Comprenons le besoin d'un certain pragmatisme pour concilier les trois caractères de l'outre-mer : l'éloignement, l'insularité et la diversité qui impliquent le consensus indispensable. Ce consensus est encore fragile, ne le détruisons pas !
C'est pourquoi, mes chers collègues, votre commission des lois a estimé, en sa grande majorité, et en libre conscience, qu'il était sain, essentiel et sage de progresser dans la voix qui permet et permettra de conjuguer avec bonheur la paix française avec celles de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.
Voilà pourquoi votre commission des lois vous propose d'adopter conforme le présent projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre rapporteur vient de vous dire avec la compétence qui est la sienne les raisons qui ont conduit la commission des lois à accepter le projet de révision constitutionnelle qui nous est aujourd'hui soumis. A cette compétence, qu'il n'est pas besoin de souligner, il a su joindre l'expression d'une conviction profonde, persuadé qu'il est, comme nous l'avons tous été au sein de la commission, de la nécessité de ce que nous sommes en train d'entreprendre.
Nous avons parfaitement compris et respecté la position de réserve que notre collègue Simon Loueckhote a tenu à exprimer sur l'article 1er du projet de loi constitutionnelle.
La portée double du texte a été parfaitement soulignée, et je dirai simplement l'essentiel.
Pour la Nouvelle-Calédonie, la décision du Conseil constitutionnel a rendu nécessaire une précision qui complète l'engagement pris par le Parlement quant à l'approbation des accords de Nouméa.
Quant à la Polynésie, elle entend rester française - elle a su l'exprimer parfaitement - et nous reconnaissons son droit à l'autonomie. C'est là un principe essentiel et nécessaire dont nous devrons définir les contours de la façon la plus simple et la plus large possible. Ce sera le domaine de la future loi organique. De cette loi organique nous souhaitons le dépôt dans les délais les plus brefs. Il ne faudrait pas qu'une tendance indépendantiste - très minoritaire - qui existe dans le territoire reçoive un soutien indirect qui pourrait résulter d'un trop grand retard dans le dépôt, l'examen et le vote d'un texte destiné - l'assemblée territoriale l'a dit - à renforcer les liens qui unissent la métropole et la très grande majorité de nos concitoyens de Polynésie.
Mes chers collègues, nous connaissons tous l'histoire chaotique d'une décolonisation inévitable au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une histoire marquée par des échecs tragiques, mais aussi par des succès lorsque nous avons su à temps amorcer les évolutions nécessaires.
A cet égard, la grande loi de 1956 relative aux territoires d'outre-mer demeure un modèle auquel le nom, entre d'autres, de Gaston Defferre est attaché. Mais tous ceux qui ont eu à suivre l'élaboration de ce texte - j'en étais ! - se souviennent également du rôle éminent que Pierre Mesmer a su jouer dans son élaboration.
En 1946, nous avons décidé la départementalisation de ce que l'on appelait alors, de façon presque affectueuse et familière, « les quatre vieilles ». Cette départementalisation a permis, en un demi-siècle de faire des pas en avant économiques et sociaux considérables. Elle a pu être tenue, même par ceux qui, aujourd'hui, en soulignent les insuffisances, pour un très grand progrès.
La mission que la commission des lois vient d'accomplir en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe lui a permis de constater que cette loi avait peut-être atteint certaines limites.
Quelques idées simples devraient permettre de consolider la situation d'un ensemble français auquel aucun d'entre nous, pas plus que la très grande majorité de nos compatriotes d'outre-mer, n'entend renoncer.
Une véritable autonomie administrative, une capacité reconnue d'insertion dans le monde qui les entoure me paraissent de nature à assurer la stabilité nécessaire en même temps qu'un progrès économique indispensable à la mesure des efforts financiers considérables auxquels nous n'entendons pas renoncer.
Je pense pour ma part - j'exprime là une opinion personnelle - que la démarche que nous accomplissons aujourd'hui a une portée et une signification qui dépassent singulièrement son objet immédiat. Le moment est peut-être venu d'une réflexion approfondie qui doit s'établir entre l'outre-mer français et la métropole. Un principe doit nous guider, je le souhaite : nous ne devons pas avoir peur des évolutions nécessaires, parce que nous sommes unanimes à souhaiter que cet outre-mer demeure français, parce que nous sommes unanimes à souhaiter que perdure cette situation exceptionnelle qui a permis à la France de projeter, au-delà des mers, sa langue, sa culture, son influence et ses pratiques démocratiques.
Des évolutions apparaîtront peut-être très vite indispensables.
Mes chers collègues, notre pays n'est jamais si grand que lorsqu'il sait ne pas douter de lui-même et lorsqu'il sait aussi, en temps utile, faire confiance à tous ceux dont il a su, jusqu'à ce jour, fonder et accompagner le destin. C'est ce que nous faisons aujourd'hui pour la Nouvelle-Calédonie et pour la Polynésie française, et c'est pour cette raison que la commission a tenu, dans les circonstances que l'on sait, à manifester son unanimité et à vous demander de voter conforme le texte qui nous est soumis. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'excellent rapport de M. Lucien Lanier, qui allie à la fois la compétence, la connaissance de l'outre-mer et la conviction, M. Larché, au-delà de la révision constitutionnelle, a prononcé un discours de la méthode sur ce que devraient être les révisions ultérieures du statut de l'outre-mer... ou de l'ensemble français situé outre-mer.
Je crois que cela va bien au-delà de la révision constitutionnelle, et M. Larché a eu bien raison de dire que la révision d'aujourd'hui, qui concerne essentiellement la Polynésie française, marque à la fois le souci de mieux intégrer ce territoire dans l'ensemble Pacifique et la volonté de conférer une large autonomie à la Nouvelle-Calédonie, compte tenu de son éloignement et des nouvelles responsabilités qui lui seront confiées. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, d'autres pays européens, qui ont eux aussi des territoires d'outre-mer, ont su leur accorder un statut de large autonomie. Oserais-je ajouter que nous finirons par devenir un Etat fédéral sans le dire ?
Outre la métropole, un certain nombre de pays d'outre-mer, ou de collectivités spécifiques - la Nouvelle-Calédonie -, disposeront demain, notamment avec les lois du pays, de pouvoirs qui n'étaient pas auparavant ceux d'un Etat centralisé. Ils se verront ainsi confier un certain nombre de responsabilités, notamment en matière législative.
Cette évolution est nécessaire. Il faut accompagner la volonté des citoyens de ces territoires, de ces futurs pays d'outre-mer en les incitant à prendre la responsabilité de leurs affaires.
De l'Etat central, on ne peut plus tout gérer. Le mouvement de décentralisation devrait se poursuivre, c'est très important, notamment pour la Polynésie.
Bien entendu, nous pouvons regretter d'aborder deux sujets en même temps lors de cette révision constitutionnelle, de ne pas nous consacrer totalement, comme c'était prévu, comme c'était promis, au nouveau statut de la Polynésie française.
Comme l'a rappelé M. Lucien Lanier, lorsque j'étais rapporteur de la loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, nous avions fait part de la difficulté de traduire un accord politique en termes juridiques.
Nous avions pointé, s'agissant du corps électoral, les difficultés d'interprétation qui risquaient d'être soulevées. Et nous avions conclu qu'il n'y avait qu'une seule interprétation possible, qui était d'ailleurs, je le rappelle, celle de toutes les parties aux accords de Nouméa.
Nous ne pensions pas revenir sur cette question. Mais le Conseil constitutionnel, qui n'a annulé aucune disposition de ce texte - il aurait en effet pu dire : revoyez votre copie, ce n'est pas clair ! - en a cependant donné une interprétation tout à fait contraire à la nôtre, qui figure dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat de l'époque.
Comme l'a écrit M. Lucien Lanier dans son rapport, il résulte de l'analyse interne de la loi organique qu'il ne peut y avoir qu'une seule interprétation de la composition du corps électoral « restreint », qui a pu également être qualifié de « figé », ou, mieux, de « fixe ».
Ces qualificatifs n'ont guère d'importance quant à l'avenir du corps électoral, il faut bien le dire. Il faut relativiser les choses. Il s'agit là d'une question symbolique.
Selon une belle formule latine, pacta sunt servanda : les engagements pris doivent être respectés. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Que le Gouvernement, en accord avec le Président de la République, ait saisi l'opportunité d'une nouvelle révision constitutionnelle pour préciser certaines dispositions ne me paraît pas outrancier, d'autant que, en tout état de cause, les précisions nécessaires ne pouvaient être apportées que par une révision constitutionnelle.
Cette discussion me fournit d'ailleurs l'occasion de dire combien l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, après beaucoup de drames, nous paraît positive et d'ajouter que, quelle que soit la part relative des forces politiques en Nouvelle-Calédonie, il faut que toutes soient respectées.
C'est l'avenir de la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu.
Il ne faut pas croire que tout est définitivement réglé. Le dialogue doit être constant, et lui seul peut permettre à toutes les forces vives de la Nouvelle-Calédonie de participer à son évolution.
J'en viens à la Polynésie française, qui est l'objet essentiel de la révision constitutionnelle d'aujourd'hui.
Après la Nouvelle-Calédonie, il s'agit maintenant de la Polynésie française, et la liste des territoires d'outre-mer se réduit comme peau de chagrin.
Heureusement, il en reste, qui sont chers à notre coeur, notamment celui de Wallis-et-Futuna, dont je salue le représentant au Sénat. Il ne faudra d'ailleurs pas oublier ce territoire lors des évolutions constitutionnelles à venir, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le nouveau statut de la Polynésie française s'inscrit dans un processus différent de celui de la Nouvelle-Calédonie. Le statut de la Nouvelle-Calédonie résulte de l'intégration des accords de Nouméa dans la Constitution, alors que celui de la Polynésie traduit une évolution institutionnelle vers plus d'autonomie, vers une liberté démocratique permettant à ce territoire de gérer ses propres affaires.
Monsieur le président de la commission, vous estimiez que le projet de loi constitutionnelle n'était pas très dynamique. C'est exact. Il prévoit cependant que toutes les compétences sont transférées à la Polynésie, sauf celles qui restent les compétences régaliennes de l'Etat, que personne n'envisage d'ailleurs de remettre en cause.
Il pourra y avoir des évolutions. Je relève d'ailleurs que, déjà dans le statut de 1996, nous avions confié à la Polynésie des compétences, notamment dans le domaine pénal, qui allaient au-delà des dispositions constitutionnelles, mais qui seront maintenues par cette révision constitutionnelle.
Le texte de cette révision constitutionnelle semble convenir aux responsables du... « pays » d'outre-mer, ainsi que nous pourrons le dire demain.
Je pense que le projet de loi établit un bon équilibre entre les responsabilités de l'Etat et celles de la Polynésie. Je ne les détaillerai pas à nouveau, puisque M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur l'ont fait.
Je me bornerai à dire que la répartition des charges et des obligations doit être bien faite, que les Polynésiens doivent participer à la vie démocratique. C'est important, mais ce n'est pas toujours facile. Il faut une opposition et une majorité, et l'opposition doit être respectée. C'est sur ce point aussi que se joue l'avenir de la Polynésie française.
Notre collègue Gaston Flosse a beaucoup milité pour obtenir ce statut. Le statut de 1996 constituait déjà une évolution importante et intéressante. Trois ans d'application permettent-ils de dire qu'il faut aller plus loin ? Oui, et c'est ce que nous faisons.
Cela permettra, j'en suis sûr, à la Polynésie française de mieux s'intégrer dans le Pacifique. Elle disposera en effet de la possibilité d'être représentée dans certaines organisations internationales locales.
Dans le même temps, je suis convaincu que cela contribuera au développement économique de la Polynésie française, qui est, bien sûr, la préoccupation majeure.
Nous connaissons les difficultés que rencontre la Polynésie d'un certain point de vue. Il faut que la France l'accompagne dans son évolution.
La France est présente dans le Pacifique depuis longtemps ; elle le restera, parce que ces enfants veulent rester Français. Mais il faut que les enfants ne soient plus sous tutelle, qu'ils deviennent des adultes. Des adultes, il le sont déjà sur le plan personnel ; grâce au statut, ils doivent le devenir sur le plan politique.
Nous nous réjouissons de cette évolution et le groupe de l'Union centriste votera bien entendu la révision constitutionnelle non amendée, comme le propose la commission des lois. (Applaudissements.) M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour un vote que je qualifierai d'historique pour la Polynésie française et qui confirme la faculté de la République à adapter ses institutions à l'évolution de l'outre-mer.
Permettez-moi tout d'abord de remercier notre rapporteur, M. Lucien Lanier, pour sa compréhension, sa lucidité et sa détermination dans l'analyse qu'il fait du texte constitutionnel qui nous est soumis aujourd'hui.
Ce texte comporte deux volets de nature très différente, comme il l'a souligné.
Le premier constitutionnalise la position prise par le Parlement sur le corps électoral restreint en Nouvelle-Calédonie. Il met un terme à une controverse qui a trop duré et qui risquait de perturber le délicat équilibre recherché par l'accord de Nouméa. Je voterai cet article 1er relatif à la Nouvelle-Calédonie. On peut seulement regretter que la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 concernant la Nouvelle-Calédonie ait dû être complétée à peine plus d'un an après son vote par le Congrès.
J'ose espérer qu'il n'en sera pas de même pour le deuxième volet de la loi constitutionnelle qui concerne, lui, la Polynésie française.
Ce dernier s'inscrit dans un processus politique très différent du premier, puisque la construction de l'autonomie s'est faite chez nous de manière paisible, continue et durable.
Dès 1946, les articles 74 et 79 du titre VIII de la Constitution firent entrer la Polynésie française dans une catégorie juridique nouvelle : les territoires d'outre-mer.
La loi-cadre de 1956, dite « loi Defferre », instaura les premières mesures de décentralisation « effective ».
Les conditions d'une évolution de l'organisation administrative et politique du territoire étaient posées, mais les mesures de décentralisation n'étaient pas pleinement adaptées à la situation des territoires d'outre-mer.
Il a fallu attendre le statut de 1984 pour qu'apparaisse clairement la voie qui a été suivie et perfectionnée depuis lors, celle de l'autonomie. Dans celle-ci, un véritable gouvernement, présidé par un Polynésien et non plus par un gouverneur, est responsable devant l'assemblée élue au suffrage universel. Il dirige la Polynésie dans les limites des compétences qui sont dévolues à celle-ci.
Notons tout de même que si le législateur a compris et suivi l'aspiration des Polynésiens à se gérer eux-mêmes, l'évolution statutaire concrète a subi des à-coups et parfois des régressions.
Une partie des compétences exercées par la Polynésie française par exception à la Constitution de la République se situent dans le domaine législatif en vertu de l'article 74. Toutefois, les délibérations de notre assemblée territoriale n'en acquièrent pas pour autant de valeur législative.
On assistait au paradoxe suivant : dans des domaines aussi sensibles et aussi fondamentaux que celui de la fiscalité, des réformes essentielles, votées par l'assemblée, pouvaient être menacées par un jugement du tribunal administratif.
C'est ainsi que nous avons dû aller jusqu'à une validation législative de notre impôt de solidarité, validation confortée par la Conseil constitutionnel, pour pouvoir assurer une couverture sociale à tous les Polynésiens, en particulier aux plus défavorisés. Les plus hautes instances de la République ont donc approuvé nos choix. Mais peut-on encore parler d'autonomie quand la décision de toute une communauté, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont dévolus, est ainsi mise sous tutelle ?
L'autonomie est menacée par une sorte de déni de compétence. Mais elle peut également se trouver rognée par des empiètements multiples.
Il est vrai que le champ des compétences dont dispose la Polynésie française est très large. Le risque est donc grand que, par inadvertance plutôt que par malignité, un texte de loi simple ou un accord international ne vienne ici ou là retirer ce que la loi organique nous a attribué.
Et rien ne peut être fait. Nous ne pourrions que déférer la loi ou soumettre le projet de ratification de l'accord international au Conseil constitutionnel. Le Conseil d'Etat consulté sur la possibilité de modifier ultérieurement ces textes par une délibération a confirmé que le pouvoir normatif de la Polynésie française, bien qu'issu de la loi organique, s'arrêtait là où la loi était passée.
L'autonomie, trop fragile, devient-elle alors une étape transitoire vers une inévitable indépendance ?
Non, les Polynésiens ne le veulent pas. Ils ne veulent pas de la rupture avec la France. Ils ne veulent pas de la misère qui en résulterait. Ils ne veulent pas des déchirements ou de la guerre civile qui, trop souvent, ensanglante les indépendances. Ils ne veulent pas non plus de la dictature à laquelle aboutiraient aisément certains dirigeants politiques polynésiens. Pour ceux-là, la volonté de conquérir le pouvoir tient lieu de politique.
La Polynésie française ne perd pas pour autant son droit constitutionnel à l'autodétermination, comme le prétendent trop souvent nos indépendantistes. Il suffirait à la volonté populaire de s'exprimer en ce sens pour que l'indépendance arrive.
Mais regardons justement l'expression de la volonté populaire.
Ce n'est pas un hasard si notre système de démocratie représentative a donné la majorité au parti que nous dirigeons. Les indépendantistes ne comptent que 12 sièges sur 41 au sein de notre assemblée.
Ce n'est pas un hasard si les indépendantistes n'ont, aux dernières élections partielles de mai 1998, aux Marquises et aux îles Sous-le-Vent, obtenu que 20 % des suffrages après n'en avoir obtenu que 25 % lors des élections précédentes.
Le référendum permanent que constituent nos élections à l'assemblée est sans ambiguïté. La Polynésie veut rester française et elle estime que l'autonomie au sein de la République est la meilleure garantie contre l'indépendance.
Mais alors, et c'est ce que nous disons depuis quelques années, il faut que cette autonomie puisse constituer un système institutionnel stable.
Pour ce faire, elle doit permettre l'expression de la personnalité polynésienne sans remettre en cause l'appartenance à la nation, dans le respect mutuel des responsabilités de chacun.
Nous avions acquis la conviction en 1995, lors des discussions qui ont conduit à la loi organique du 12 avril 1996, que seule une modification de la Constitution aboutirait à ce résultat.
Je rends hommage, à cet égard, au président de la commission des lois, M. Jacques Larché, ainsi qu'au rapporteur, M. Lucien Lanier, puisqu'ils nous avaient déjà manifesté leur attention et leurs encouragements.
Voici donc aujourd'hui, sous l'impulsion du Président de la République et avec l'accord du Premier ministre, le texte qui inscrit le statut de la Polynésie française dans la Constitution de la République.
Après l'approbation que, je n'en doute pas, notre Haute Assemblée va donner à ce texte, et lorsque le Congrès l'aura à son tour voté, le titre XIV de la Constitution sera intitulé : « Dispositions relatives à la Polynésie française ».
Je n'entrerai pas dans une analyse de détail du projet de loi. Je me bornerai à dire en quoi son contenu me paraît important et à interroger le ministre sur les quelques points qui me paraissent encore incertains.
L'exposé des motifs qui accompagnait le projet de loi indiquait : « le moment est venu de franchir une nouvelle étape dans l'affirmation de l'identité de ce territoire pour répondre aux attentes des Polynésiens, qui aspirent majoritairement à trouver leur épanouissement au sein de la République française ». Ces termes traduisent bien l'esprit de la loi.
Quant au projet de loi lui-même, il énonce que « la Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement au sein de la République ».
Par cette simple phrase, la Polynésie française quitte le champ de la « libre administration » des collectivités locales pour entrer dans celui d'un « libre gouvernement ».
La différence est de taille et consacre une évolution que la France, après d'autres pays unitaires, accepte désormais.
Mais ce libre gouvernement s'exerce dans les limites des pouvoirs régaliens que, à la vérité, seul l'Etat doit et peut assurer. C'est ce que précise le deuxième alinéa de l'article 78, et c'est ainsi qu'est clairement affirmée la démarche institutionnelle de la Polynésie : l'autonomie s'exerce dans le cadre de la République.
Dans les limites très larges ainsi fixées, la personnalité de la Polynésie pourra s'exprimer par des lois de pays, par une citoyenneté favorisant l'accès à l'emploi des citoyens polynésiens et par la reconnaissance d'une existence internationale.
Ma satisfaction sur ce texte est presque totale, et je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous avoir écouté et de l'avoir mis au point.
Il n'y manquait à mes yeux que quelques éléments. J'avais l'intention, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, de déposer trois amendements. Nous en avons discuté, et vous m'avez convaincu que ce n'était pas nécessaire.
Je voudrais cependant que vous confirmiez publiquement les assurances que vous m'avez données sur le caractère définitif des transferts de compétences, sur la signature des conventions internationales négociées par la Polynésie française et sur la protection de nos compétences lors des négociations par la France de conventions ou d'accords internationaux.
Mes chers collègues, je me réjouis de pouvoir voter avec vous le texte de la loi constitutionnelle qui nous est proposé.
Il règle définitivement les difficultés d'interprétation des textes calédoniens. Il marque enfin, et surtout, l'aboutissement d'une longue démarche de la Polynésie française et de la France pour inventer les conditions d'un avenir de développement paisible, harmonieux et durable au sein de la République. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 1er de ce projet de loi constitutionnelle porte sur la définition du corps électoral telle que l'accord de Nouméa l'a retenue. Nous sommes, avec cet article, au coeur du processus auquel ont abouti les pourparlers entre le Gouvernement français et les deux principales familles de pensée calédoniennes. Cette définition est le résultat d'un compromis. Il serait impensable à nos yeux de vouloir le modifier. Le groupe communiste républicain et citoyen confirme donc toutes ses positions antérieures.
La loi organique a traduit dans notre droit les dispositions de l'accord de Nouméa. Ces dispositions ont été approuvées à une très large majorité par les électeurs calédoniens le 8 novembre dernier et ont recueilli l'accord de notre Haute Assemblée, transcendant nos clivages habituels. Nous avions d'ailleurs salué le travail de notre rapporteur, M. Hyest, qui a rappelé tout à l'heure qu'il n'y a eu, lors de la discussion de la loi organique, qu'une seule interprétation de celle-ci.
L'accord de Nouméa est celui du bon sens et il a été reçu positivement dans tout le Pacifique et, plus largement, dans toutes les instances internationales.
Que ces dispositions particulières soient dérogatoires à notre droit et ne soient pas transposables compte tenu de nos us et coutumes, j'entends nos pratiques politiques hexagonales, est une évidence ! Mais chaque parlementaire mesure le caractère profondément politique du compromis obtenu.
Ces dispositions ont une histoire, et le groupe communiste républicain et citoyen a soutenu, dès 1988, les efforts entrepris par le gouvernement de Michel Rocard. Tous les dirigeants indépendantistes qui se sont engagés, avec courage, dans le processus de négociations et qui ont permis son succès l'ont fait sur la base de l'engagement de Paris que ne seraient pas bousculés les équilibres démographiques et que des flux migratoires plus ou moins encouragés ne priveraient pas le peuple kanak, premier peuple à être présent sur cette terre, de son droit à la souveraineté. L'engagement pris par l'accord de Nouméa est, selon nous, intangible jusqu'à la fin du processus qui permettra de décider du sort futur du territoire.
Contrairement à l'opinion du Conseil constitutionnel, tout l'esprit de l'accord rédigé après d'âpres négociations est que seules peuvent voter à ces élections les personnes qui ont résidé dix ans en Nouvelle-Calédonie pour autant qu'elles soient arrivées sur le territoire avant 1999.
Il est étonnant que le Conseil constitutionnel ait négligé le contexte dans lequel nous avons légiféré. Si son avis consiste à rappeler que la solution élaborée dans le but d'éviter à la Nouvelle-Calédonie la violence et de lui permettre de dépasser une situation de type « néocolonial » s'écarte de la lettre de la Constitution française, cet avis est quelque peu superfétatoire. Les sages du Palais-Royal ont pour le moins ignoré que cet écart volontaire et inédit avec la Constitution faisait justement la valeur de l'accord de Nouméa.
Le Conseil constitutionnel oublie, dans sa problématique, la réalité à laquelle les parlementaires se sont efforcés de répondre et fait finalement peu cas, même si cela n'entre pas en compte dans son analyse, des événements encore récents qui ensanglantèrent la Nouvelle-Calédonie.
Et pourtant, comment effacer de notre mémoire le sang versé inutilement à des milliers de kilomètres de notre pays ? Comment oublier Ouvéa et la grande leçon de fierté et d'humanisme léguée par Jean-Marie Tjibaou et les siens ?
Le porte-parole du groupe Démocratie libérale à l'Assemblée nationale s'est étonné que l'on vienne, par « un ajout à la Constitution, s'opposer à une décision du Conseil constitutionnel concernant la loi organique » ! Mais qui fait la loi ? La représentation nationale et elle seule.
Le respect de la parole donnée aux populations calédoniennes est capital, d'autant plus que le processus imaginé ne se met pas en place sans heurts, ni sans difficultés. Je ne pense pas que l'on puisse réduire à de simples péripéties postélectorales les tensions nées de l'élection à la présidence et à la vice-présidence du gouvernement.
Des forces, sans aucun doute, chercheront à reprendre d'une main ce qui fut lâché de l'autre. Ce sont certes les acteurs locaux qui décideront in fine de la voie à suivre. Mais les autorités françaises, dans la limite de leurs compétences, peuvent contribuer à lutter contre les inégalités, à aider les provinces les plus fragiles à gagner la bataille du développement.
Le choix fait dernièrement par Mme la ministre de la jeunesse et des sports, en déplacement en Nouvelle-Calédonie, pour préparer le rendez-vous olympique de Sydney, de se rendre dès son arrivée dans la province nord - une fois n'est pas coutume - est un symbole fort et inédit pour l'ensemble des populations.
Notre groupe fait partie de ceux qui pensent que la France a encore des devoirs. N'est-il pas stupéfiant qu'il ait fallu attendre le 8 mai 1999 pour que les morts kanaks de la Grande Guerre, ces grands oubliés, soient enfin cités ?
La grande leçon du processus calédonien est que la France n'a nul intérêt à se recroqueviller sur des solutions passéistes. Elle se doit, pour son propre rayonnement, d'être inventive, et c'est à ce titre que, quelle que soit l'option retenue, indépendance ou autonomie dans la République, elle comptera dans cette partie de la planète.
Le second volet du projet de loi constitutionnelle porte sur le devenir de la Polynésie française. Le cas est différent de celui de la Nouvelle-Calédonie, puisque ce territoire n'a pas la même histoire récente. Il est toutefois appelé à relever les mêmes défis.
La Polynésie française va appartenir, comme la Nouvelle-Calédonie, à une catégorie juridique inédite, celle les pays d'outre-mer. Elle aura, elle aussi, un statut constitutionnel complété par une loi organique et une large autonomie avec des compétences transférées par l'Etat. Ces compétences, à la différence de celles qui seront dévolues à la Nouvelle-Calédonie, peuvent être réversibles, puisque l'option vers l'indépendance n'est pas en jeu, mais chacun sait qu'il sera, dans les faits, impossible de revenir sur cette évolution.
La Polynésie pourra contracter un certain type d'accords internationaux relevant de sa compétence, voter des lois de pays, et une citoyenneté fondée sur des conditions de résidence naîtra.
Le groupe communiste républicain et citoyen est d'accord sur le principe de cette évolution ; le réalisme exige plus d'autonomie.
Nous souhaitons que les options qui seront soumises à notre examen et à notre vote soient l'objet d'une grande consultation démocratique et d'un débat transparent en Polynésie française même.
L'archipel est immense et ses institutions devront être décentralisées. Les pratiques politiques actuelles préparent-elles bien à une telle échéance ?
Les contours futurs de la Polynésie française exigent aussi que toutes les familles politiques soient entendues et que la carte électorale soit au-dessus de tout soupçon. La France n'a aucun intérêt à brider la libre expression d'un courant, fût-il indépendantiste, courant bien réel si j'en crois la place que lui a accordé notre collègue Gaston Flosse dans son intervention.
Bien entendu, ces réserves ne contredisent en rien l'accord que nous donnons globalement au projet de loi constitutionnel, que nous voterons en l'état. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd'hui un projet de loi constitutionnelle concernant les territoires d'outre-mer. Ce texte répond à une évolution historique inéluctable. On ne peut donc qu'approuver cette initiative gouvernementale acceptée, il faut le rappeler, par le Président de la République.
Au début de mon propos, je voudrais remercier notre collègue Lucien Lanier pour l'excellent rapport qu'il a présenté, au nom de la commission des lois, rapport que nous approuvons à une très large majorité. J'adresse également des remerciements à M. le président de la commission, qui a défini avec clarté la position qu'entend avoir la représentation nationale sur l'évolution et des départements et des territoires d'outre-mer.
Ces restes d'empire nous rappellent que la France, comme les autres Etats européens, est une ancienne puissance coloniale.
Toutefois, il est bon ici et maintenant de rappeler que « fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ».
La force de ces mots contenus dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 préfigurait ainsi le changement. Certaines de ces colonies devinrent des départements d'outre-mer, d'autres des territoires, alors qu'était amorcé un mouvement vers l'indépendance. La loi-cadre Defferre, évoquée par plusieurs orateurs et adoptée dans un climat influencé déjà par la décolonisation, très décentralisatrice, n'aura pourtant guère le temps de s'appliquer.
Lors de l'avènement de la Ve République, la France conserva certaines de ces terres lointaines situées aux quatre coins du monde. L'article 74 de notre Constitution très proche d'ailleurs des dispositions de la IVe République et n'ayant guère posé de problème durant son élaboration, organisa une réglementation qui engloba les territoires de Wallis-et-Futuna, des terres Australes, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.
A quel principe obéissait cette nouvelle réglementation ?
Ces territoires d'outre-mer devaient disposer d'une organisation particulière. Cette spécificité se traduit par l'attribution de compétences qui sont normalement celles de la loi, mais il appartient au Parlement de déterminer lesquelles.
Les territoires d'outre-mer, n'étant pas des entités fédérées, n'ont pas de pouvoir normatif, et c'est cela l'essentiel. Telle était la situation en 1958, les compétences pouvant toutefois varier d'un territoire à l'autre.
Ces territoires craignaient une reprise de leurs nouvelles compétences par l'Union européenne. Lors de la réforme constitutionnelle du 25 juin 1992, il a été envisagé la réécriture de l'article 74 afin de garantir leurs intérêts spécifiques face à une Europe de plus en plus oppressante. Cette réécriture donne désormais au statut des territoires un caractère organique, modification qui entraîne au demeurant des difficultés d'interprétation dénoncées d'ailleurs par la doctrine.
Dans ce cadre général, la Constitution de 1958 permet en fait une autonomie très large, l'unité de la France n'étant en aucun cas remise en cause.
Cette réglementation est apparue toutefois de moins en moins adaptée à l'ensemble des TOM. En effet, l'outre-mer est très disparate, ce qui exige des mesures adéquates, la France d'outre-mer réclamant une liberté de plus en plus grande sans désirer toutefois quitter la République.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comprend donc deux volets, tous deux prenant en compte l'évolution de cette France d'outre-mer vers encore plus d'autonomie, plus de responsabilités, sans toutefois faire un pas vers l'indépendance.
Le premier volet de ce projet de loi constitutionnelle concerne la Nouvelle-Calédonie, le second la Polynésie française.
Considérons d'abord celui qui intéresse la Nouvelle-Calédonie.
Le Sénat a délibéré de longues heures sur ce dossier, que chacun d'entre nous a encore à l'esprit. Pour mémoire, rappelons que ce territoire a connu huit statuts jusqu'en 1998, date à laquelle fut signé un nouvel accord posant le principe d'une souveraineté partagée et mettant fin au contentieux colonial, l'identité kanak étant enfin reconnue et l'équilibre politique ayant été trouvé entre le FLNKS, le RPCR et l'Etat.
De cet accord sont nées une loi organique et une loi ordinaire, le 18 mars 1998.
La décision prise par les sages du Conseil constitutionnel concernant le corps électoral nous conduit à examiner aujourd'hui le projet de loi constitutionnelle, lequel, mes chers collègues, tend à revenir au sens de l'accord de Nouméa, en insérant un nouvel alinéa à l'article 77.
Venons-en à la modification du statut de la Polynésie française.
Ce territoire, composé de cent trente îles, très étendu et ô combien utile à la République française, pour nombre de raisons qu'il est inutile de rappeler aujourd'hui, voit son statut modifié par le projet de loi constitutionnelle, devenant par là même un territoire à statut sui generis.
Ayant connu différents statuts, notamment celui de 1996 qui lui attribuait, sur le plan interne, des compétences très larges et, sur le plan international, certaines compétences d'attribution, la Polynésie se voit reconnaître, par le nouveau statut qui est examiné ce jour, des compétences renforcées. Le souhait d'une autonomie encore plus grande, complété par une volonté de reconnaissance de l'identité polynésienne, exigeait une réforme constitutionnelle. Un pas de plus est fait : la citoyenneté polynésienne est reconnue, les assemblées territoriales peuvent prendre des mesures législatives alors que les mesures régaliennes relèvent toujours du pouvoir central.
Les revendications polynésiennes sont donc satisfaites, une réforme constitutionnelle mettant en oeuvre cette évolution.
Enfin, les gouvernants de la République acceptent qu'un pays d'outre-mer se gouverne librement et démocratiquement.
En définitive, les deux collectivités concernées par la réforme obtiennent un statut particulier en s'émancipant de la tutelle des pouvoirs centraux. Tout en restant dans l'orbe de la République française, elles se voient reconnaître une spécificité propre, en tant que collectivités dotées d'une forte identité. Seul l'avenir dira si ces territoires sont prêts à cette émancipation, mais il appartient au constituant de relever cette gageure.
Le droit doit reconnaître que ces territoires et ces populations connaissent des problèmes spécifiques.
La question est naturellement de savoir quel est le degré de cette spécificité. Jusqu'où peut aller cette particularité sans se métamorphoser en indépendance ?
Les jacobins et les décentralisateurs se battent sur le degré d'autonomie. Toutefois, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui met des limites à tous les risques de dérive vers l'indépendance, en reconnaissant la citoyenneté sans reconnaître la nationalité, en reconnaissant des compétences législatives sans reconnaître des compétences constitutionnelles. L'unité de la France reste donc intacte.
Le groupe auquel j'appartiens votera ce texte sans aucun état d'âme. Permettez à celui qui s'exprime aujourd'hui de prendre date, sinon de prendre acte, eu égard au vote que va émettre la représentation nationale.
L'autonomie qui faisait peur à la classe politique classique ne lui fait plus peur aujourd'hui. Les communautés particulières doivent se voir reconnaître un statut spécifique, le territoire de la République constituant un seul bloc au sein duquel cohabitent différentes communautés ne formant qu'une seule nation.
Mais quel que soit leur statut, territoires d'outre-mer ou encore territoires sui generis, toutes ces collectivités sont actuellement dans une situation difficile. Devant l'imposition de l'ordre juridique communautaire, elles redoutent une Europe impersonnelle, en ayant le sentiment que la France les oublie quelquefois, même si les parlementaires de l'outre-mer continuent à défendre la voix de l'outre-mer.
Avant de conclure, je me permettrai, monsieur le secrétaire d'Etat, de soulever deux problèmes juridiques déjà relevés par la doctrine.
Tout d'abord - vous vous êtes exprimé sur ce point, mais je tiens à l'évoquer -, la ratification d'un accord, quel que soit son contenu, n'exige pas une loi organique, alors même qu'il concerne l'organisation des territoires d'outre-mer, l'extension d'un tel accord nécessitant, pour sa part, une loi organique. Je serais heureux de connaître la position du Gouvernement à propos de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, qui ne sont plus des territoires d'outre-mer. Appliquera-t-on toujours cette règle ?
La République française est membre de l'Union européenne, et les territoires d'outre-mer en sont les composantes. Cependant, ces territoires ne sont que des collectivités associées à l'Europe - subtilité juridique - ne faisant pas partie du territoire communautaire. Je désirerais avoir confirmation de la part du Gouvernement que, en tant que territoires à statut sui generis, les pays d'outre-mer restent des collectivités associées à l'Union, bénéficiant d'aides de la part de l'Europe.
Certains diront peut-être que le pacte fondamental est réformé à outrance. N'a-t-on pas connu plus de révisions depuis 1990, c'est-à-dire en dix ans, qu'avant cette date ? Mais la réforme exigée aujourd'hui s'impose à la France afin qu'elle reste une République unitaire, enrichie de ses terres lointaines, de ses différences, lui permettant d'être présente sur le continent américain, dans la Caraïbe, l'océan Indien, le Pacifique et même sur le continent Antarctique.
En tout cas, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est sans état d'âme que nous voterons le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, présentée au nom du Président de la République par le Premier ministre, cette nouvelle réforme de la Constitution, qui ne sera vraisemblablement adoptée définitivement qu'en l'an 2000, concerne les deux territoires du Pacifique.
L'article 1er permettra d'interpréter les dispositions des articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 dans un sens conforme aux intentions des signataires de l'accord de Nouméa, sans qu'il soit besoin de modifier ces dispositions. Les articles suivants, notamment l'article 4, confèrent un nouveau statut à la Polynésie française. Ce pays d'outre-mer ne sera donc plus régi par les dispositions de l'article 74 de la Constitution.
Contrairement à ce qui a été soutenu, il ne s'agit aucunement de consacrer dans un même texte des dispositions concernant des situations bien différentes. Monsieur le rapporteur, le point commun entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie réside dans la même aspiration à une plus large autonomie ; alors que l'une s'inscrit dans le cadre de la République, l'autre s'engageant dans un processus d'émancipation éventuelle.
Simplement, cher ami, une précision est apportée et un dispositif nouveau est prévu pour la Polynésie française.
Au-delà de cette différence d'appréciation entre vous et moi, permettez-moi de saluer la qualité de votre rapport. Elle ne nous a pas surpris, car nous vous savons connaisseur de l'outre-mer, attentif à tout ce qui s'y passe, y compris dans les terres australes, jusqu'en Antarctique. C'est d'ailleurs ce qui vous a permis d'apporter une touche profondément humaine à la présentation orale de votre rapport.
Gouvernement et Parlement ont pris acte de la décision du Conseil constitutionnel du 16 mars dernier. L'interprétation qu'elle sous-tend tendrait à accréditer l'idée que nous avions juridiquement tort. Mais on peut avoir juridiquement tort tout en ayant politiquement et historiquement raison.
M. René-Georges Laurin. J'ai déjà entendu cela quelque part ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. En effet, dans son interprétation, le juge constitutionnel, qui a privilégié la thèse du « corps électoral glissant », n'a pas mesuré à sa juste valeur la portée politique de l'accord signé, et il a sous-estimé - oserai-je dire : gravement sous-estimé ? - les conséquences de sa décision. Cette interprétation ne correspond ni à celle des signataires de l'accord ni à celle de l'exécutif, et encore moins à celle du constituant, dont le pouvoir, le devoir, devrais-je dire, est de traduire juridiquement, mais avec un souci de fidélité absolue, un accord politique de cette importance.
Aussi le Premier ministre, garant de l'accord de Nouméa, fidèle aux engagements pris peu avant les récentes élections provinciales, entend-il faire scrupuleusement respecter, et dans les meilleurs délais, l'esprit et la lettre de cet accord, si difficilement conclu entre deux communautés qu'une véritable guerre civile opposait il y a encore peu d'années.
Au-delà du symbole, cette précision apportée dès l'article 1er du projet de loi constitutionnelle prouve, s'il en était encore besoin, que la préservation de la paix, dans les esprits et dans les coeurs de nos compatriotes calédoniens, doit être une préoccupation constante et commune à tous les acteurs politiques du pays.
Le 7 octobre dernier, devant l'organisation des Nations unies, le président Roch Wamytan a exposé les difficultés rencontrées dans l'application de l'accord de Nouméa, tout particulièrement s'agissant de la mise en place des institutions et du processus collégial, pour lequel un risque de blocage est à considérer sérieusement. Nous souhaitons, comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'esprit de responsabilité et de partage qui avait prévalu au cours de l'élaboration de l'accord de Nouméa perdure dans l'application de cet accord.
L'urgence commandait de préciser la composition du collège électoral, car il est de notre responsabilité de veiller à ce que cette question ne devienne pas un sujet supplémentaire de polémique.
Article de précision, l'article 1er du projet de loi n'introduit aucune disposition nouvelle. Il précise politiquement et juridiquement l'article 2-2-1 de l'accord de Nouméa, lequel définit explicitement la composition du collège électoral qui, faut-il le rappeler, a été l'ultime point d'équilibre permettant la signature de ce compromis politique.
Dans l'esprit des signataires, du Gouvernement, du constituant, du législateur, le texte de l'accord de Nouméa fait naturellement référence au tableau établi pour la consultation référendaire de 1998. Il ne pouvait nécessairement porter que sur ce document - et sur lui seul existant à cette date -, et non sur les tableaux futurs prévus par les articles 188 et 189 de la loi organique qui seront élaborés pendant la période d'application de l'accord.
Bien que les rapports sur le projet de loi organique de nos collègues René Dosière, pour l'Assemblée nationale, et Jean-Jacques Hyest, pour le Sénat, aient été très précis sur la composition du corps électoral, qui doit être « restreint ou fixe » et non « glissant », nous nous devons de lever toute ambiguïté. Mais je ne reprendrai pas ce qui a été fort bien dit par les orateurs qui m'ont précédé.
La composition du collège électoral est loin d'être un point mineur : elle est le pivot des accords, le socle sur lequel va se bâtir, durant les quinze ou vingt prochaines années, l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
En approuvant l'accord de Nouméa à la quasi-unanimité, nous étions conscients d'introduire dans le droit public français un profond changement constitutionnel : nous « écornions » le principe républicain de l'universalité du suffrage. Mais nous étions aussi lucides, sachant que cela ferait jurisprudence, et nous le vérifions aujourd'hui. Nous savions que le droit de suffrage, tel qu'il découle de cet accord, excluait, pour les élections provinciales, des nationaux français installés en Nouvelle-Calédonie après 1998.
Cependant, le réalisme nous conduisait à comprendre, à admettre et même à privilégier la logique politique de cet accord : il ne fallait pas qu'une immigration massive de nationaux, plus ou moins organisée, vienne d'abord détériorer les relations entre les signataires, puis fausser le déroulement et les résultats des scrutins futurs, particulièrement ceux qui se dérouleront à partir de 2014.
Les institutions de la République puisent leur force dans leur capacité d'adaptation et d'évolution.
A cet égard, comment ne pas appuyer ce que disait le président Larché ? C'est vrai, la France n'est jamais aussi grande, jamais aussi juste, jamais aussi belle, jamais aussi exemplaire que lorsqu'elle accepte d'anticiper afin de ne pas avoir à subir des événements qui risqueraient fort d'être dramatiques !
Depuis 1946, le préambule de la Constitution précise que « la République offre aux territoires d'outre-mer la possibilité de disposer d'institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique ». La Constitution a bien prévu que l'outre-mer serait appelé à se placer dans le cadre de l'autonomie institutionnelle, et les territoires ultra-marins de la France ont toujours connu un régime législatif particulier.
Pour la Nouvelle-Calédonie, ce sont des raisons exclusivement politiques qui ont rendu nécessaire la révision de la Constitution. Nous avions à traduire un accord politique précis, longuement et âprement négocié.
La Polynésie française se trouve dans une situation différente.
Le statut de 1996 et la décision du Conseil constitutionnel ont montré les limites de l'article 74 de la Constitution ainsi que les difficultés juridiques qui se dressaient pour aller plus avant dans l'autonomie afin de satisfaire les légitimes aspirations exprimées par nos compatriotes polynésiens.
L'étape que nous nous apprêtons à franchir aujourd'hui était si prévisible qu'elle était évoquée dans l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Or, si nous nous situons dans le prolongement du statut de 1996, il n'en reste pas moins que, pour la Polynésie française, le nouveau cadre statutaire reste à circonscrire, à préciser et à négocier avec l'ensemble des partenaires politiques, économiques, sociaux et culturels.
Une question vient immédiatement à l'esprit : y avait-il urgence au point de précipiter cette évolution institutionnelle, seulement trois ans après la mise en place du statut d'autonomie de 1996, sans même avoir dressé la moindre esquisse d'un bilan de l'application de ce statut ? Poser la question, c'est déjà y répondre, puisque l'on nous affirme que la révision souhaitée n'a d'autre finalité que de renforcer et garantir cette autonomie. En réalité, du rôle supra-administratif exercé jusqu'à ce jour par le territoire polynésien, nous allons passer à une autonomie politique, que dis-je, à une autonomie constitutionnelle !
Dans une contribution à un document intitulée L'Avenir statutaire de la Nouvelle-Calédonie et publié en 1997, le professeur Jean-Yves Faberon, fin connaisseur de l'outre-mer, écrivait : « On peut dire que, si la Polynésie française a été dotée d'un nouveau statut en 1996, c'est parce que Jacques Chirac a été élu Président de la République en 1995. »
M. Philippe Marini. Eh !
M. Guy Allouche. Après avoir évoqué les forts liens, que personne ne peut nier, monsieur Marini - « ... existant entre le Président de la République et le Président du Gouvernement du territoire, Gaston Flosse », Jean-Yves Faberon expliquait que celui-ci « souhaitait un nouveau statut afin d'obtenir plus d'autonomie pour la Polynésie et avoir ainsi les coudées plus franches dans l'exercice de ses fonctions ».
C'est si vrai que, lors d'un colloque qui s'est tenu à l'Université française du Pacifique les 2 et 3 novembre 1994, à l'occasion du Xe anniversaire du statut de 1984, Gaston Flosse, par la voix du ministre Patrick Peaucellier - puisque c'est ce dernier qui a lu le discours que vous vous apprêtiez à faire ce jour-là, mon cher collègue - déclarait : « L'idéal serait bien sûr de donner compétence au Conseil constitutionnel pour contrôler la réglementation territoriale... mais il n'est pas toujours bon de rêver. » Cette phrase figure à la page 232 des actes du colloque de 1994.
Les démêlés avec le juge administratif et le Conseil d'Etat à propos de la contribution de solidarité territoriale, la CST, sont encore dans nos mémoires ! Les autorités polynésiennes ont regardé l'avenir de la Polynésie française tout en ayant la Nouvelle-Calédonie dans le rétroviseur.
La situation néo-calédonnienne a fourni à notre collègue Gaston Flosse un argument de poids pour avancer encore plus vite et plus loin dans la voie de l'autonomie politique.
Vous disiez, cher collègue, qu'il n'est pas toujours bon de rêver. On peut dire aujourd'hui que votre rêve va devenir réalité. Le « territoire polynésien » va se transformer en « pays d'outre-mer », c'est-à-dire en « une collectivité originale, bénéficiant d'un statut constitutionnel, à mi-chemin entre les territoires d'outre-mer et les Etats associés ». Les autorités exécutives et délibérantes seront dotées d'un pouvoir normatif autonome puisque les actes jusqu'ici administratifs deviendront des lois de pays, contrôlées par le Conseil constitutionnel avant publication.
Appelée à se « gouverner librement et démocratiquement », la Polynésie française se voit conférer une parcelle de souveraineté.
Au-delà de la consultation de l'assemblée territoriale, je prends acte, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre engagement à poursuivre et à approfondir les consultations avec toutes les forces politiques, sans exclusive, pour parvenir à un accord le plus large possible avant le dépôt des projets de lois qui suivront la révision constitutionnelle.
A l'issue de la présente révision constitutionnelle, il existera donc trois blocs de constitutionnalité : le premier applicable à la métropole et aux départements et territoires d'outre-mer, le deuxième à la Nouvelle-Calédonie et le troisième à la Polynésie française.
Cette situation sans précédent pose directement la question de l'organisation de contre-pouvoirs.
En tenant les propos qui suivent, mes chers collègues, je ne pense pas trahir un secret : il s'agit simplement d'une discussion que j'ai eue voilà quelques semaines avec Gaston Flosse.
La future loi organique devra veiller au rééquilibrage des pouvoirs et à l'amélioration du fonctionnement démocratique des institutions polynésiennes, car force est de constater qu'elles sont aujourd'hui affectées d'une tendance centralisatrice inhérente au statut de 1996, dont les structures institutionnelles ressemblent étrangement à un système étatique : notre collègue Gaston Flosse est, en Polynésie, président d'un gouvernement, lequel comprend évidemment des ministres. Un système de nature étatique se met donc en place.
A mon tour, monsieur le secrétaire d'Etat, j'insiste de nouveau sur le fait que la loi organique à venir ne devra être élaborée qu'après l'engagement préalable de la plus large et fructueuse consultation de l'ensemble des forces politiques, économiques, sociales et culturelles polynésiennes. Tous ces acteurs locaux auront en effet à assurer, dans la cohésion et la durée, le succès de cette autonomie politique.
Face à un risque de présidentialisation des institutions, il faudra veiller à la mise en place de recours suffisamment souples contre les actes de l'assemblée polynésienne. En effet, avec la suppression de la saisine du tribunal administratif par les citoyens, il serait paradoxal que, partant du contrôle exercé aujourd'hui sur les actes de l'assemblée territoriale, qui seront demain des « lois de pays » à valeur législative, contrôlées par le Conseil constitutionnel avant publication, on aboutisse à un régime moins protecteur des droits des personnes.
Parce que le transfert de compétences nouvelles s'accompagnera d'un transfert encore plus important de charges correspondant, la loi organique, monsieur le secrétaire d'Etat, devra mettre en place les instruments nécessaires à la transparence financière et au contrôle de l'utilisation des fonds publics. Michel Rocard, à l'époque Premier ministre, répondait ainsi, le 25 août 1989, à l'une de vos interventions, cher collègue Gaston Flosse : « On ne peut pas demander de payer plus et de contrôler moins. Qui paye contrôle. »
Nous veillerons à ce que l'installation officielle de la chambre territoriale des comptes en Polynésie et la mise en application de ce nouveau statut d'autonomie politique soient concomitantes.
Nous le savons tous, c'est même le B.A.-BA pour nous, que, dans un Etat comme le nôtre, il n'y a pas de démocratie sans contrôles et sans contre-pouvoirs. Telles sont les règles élémentaires d'une saine vie démocratique.
L'évolution institutionnelle, parce qu'elle est innovante, exige précision et clarté. En matière de citoyenneté, la précision de la loi organique sera une exigence. Contrairement à la nouvelle citoyenneté néo-calédonienne, attachée à l'exercice du droit de vote parce qu'engagée dans un processus d'émancipation éventuelle prévue par les orientations de l'accord de Nouméa, la future citoyenneté polynésienne n'emporte pas de restriction du corps électoral et ne sera liée qu'à des domaines touchant à l'activité économique et à la propriété foncière. Ainsi, pour ce qui est du marché du travail - sujet qui a fait l'objet de débat parfois un peu difficile, mais notre ancien collègue Daniel Millaud était toujours là pour défendre et protéger l'emploi local - l'accès à l'emploi local des personnes nées sur le territoire devra être considéré comme une priorité à l'embauche, et non comme une exclusivité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, approuvera ce texte. Ce projet d'autonomie spécifique va dans le sens de l'histoire de l'évolution institutionnelle de l'outre-mer. Il répond à la légitime reconnaissance de l'identité polynésienne, de son histoire, de sa situation géographique, de sa diversité culturelle, de ses langues. Permettez-moi d'avoir en cet instant une pensée particulière pour les îles Marquises, qui tiennent tant à cette spécificité culturelle.
Avec ce projet de loi constitutionnelle, c'est l'histoire de l'évolution institutionnelle de l'outre-mer qui continue de s'écrire. Le Gouvernement et sa majorité plurielle confirment leur attachement à la perspective d'une évolution différenciée pour chacun des départements d'outre-mer, des territoires d'outre-mer et des pays d'outre-mer. L'évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie a montré combien les populations d'outre-mer partageaient le sentiment que, en matière institutionnelle, le temps était désormais celui du « sur-mesure » et non plus celui du « prêt-à-porter ».
Mes chers collègues, soyons lucides, n'ayons pas peur des évolutions. Comme M. le président Larché l'évoquait tout à l'heure, jurisprudence aidant, nous saurons désormais que la satisfaction d'une revendication d'autonomie renforcée passe par l'obtention d'un pouvoir normatif, d'une citoyenneté nouvelle avec ou sans discrimination, d'une délégation de souveraineté, bref, d'un statut à valeur constitutionnelle. Hier, c'était pour la Nouvelle-Calédonie. Aujourd'hui, c'est pour la Polynésie française. Et demain, pour qui ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la Haute Assemblée est aujourd'hui amenée à évoquer la question de l'évolution statutaire de la Polynésie française, par l'examen d'un projet de loi constitutionnelle qui va lui conférer une plus large autonomie au sein de la République.
Souhaitons tout d'abord, à cet égard, que ces transformations statutaires correspondent aux attentes de nos compatriotes polynésiens, qui n'ont pourtant pas été consultés sur leur contenu, à l'inverse de ce qui a prévalu dans le processus engagé en Nouvelle-Calédonie.
Bien que, dans ce domaine, les parcours de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie aient été très spécifiques et qu'il soit souvent hasardeux d'établir des parallèles, je veux néanmoins souligner que ce projet de loi ouvre la voie à des possibilités s'inspirant de quelques innovations marquantes instituées en Nouvelle-Calédonie, telles que la faculté d'aménager l'accès à l'emploi ou celle d'adopter des actes à valeur législative que sont les lois du pays. La Nouvelle-Calédonie semble ainsi s'imposer de plus en plus comme un modèle pour l'outre-mer.
Mes compatriotes calédoniens peuvent donc légitimement ressentir de la fierté d'être enfin reconnus comme des pionniers, eux qui ont jusque-là, beaucoup souffert d'une écoute insuffisante et d'un manque de créativité de la part du législateur.
Ce sentiment de satisfaction sera cependant bien éphémère, je le crains, face à l'effet de surprise et d'amertume créé par la décision du Gouvernement de mêler le statut de la Polynésie française à la question du corps électoral admis à participer, en Nouvelle-Calédonie, aux élections des assemblées délibérantes et à la consultation finale sur notre avenir institutionnel.
Nous ne sommes pas dupes, monsieur le secrétaire d'Etat, quant à la réalité de vos intentions et de celles du Gouvernement dans cette affaire, puisque vous avez délibérément choisi de nous bâillonner, nous parlementaires calédoniens, en liant ces deux objets.
Pour autant, et je tiens à vous en remercier, monsieur le président, mes chers collègues, je peux encore me permettre d'exprimer mon point de vue, au sein de la Haute Assemblée, et vous dire à quel point je désapprouve ce que je qualifierai de manoeuvre.
En effet, l'éventail des arguments juridiques ou techniques qui pourront être développés pour expliquer les raisons de cet amalgame parviendra difficilement à occulter la stratégie politique qui sous-tend une opération, dont il faut bien admettre l'extrême habileté, à défaut d'être convaincu de son bien-fondé et qui, je le rappelle, a été menée de concert avec les indépendantistes calédoniens, que je tiens d'ailleurs à saluer.
Aujourd'hui, l'accord de Nouméa, auquel nous avions pourtant donné une valeur constitutionnelle, va être en quelque sorte révisé, amendé, et ce à la demande exclusive d'une petite minorité de Calédoniens, car telle est bien la portée de l'article 1er de ce projet de texte.
Je regrette d'ailleurs profondément que la Haute Assemblée accepte de laisser son attention se détourner du message donné par la population calédonienne, le 8 novembre 1998, pour écouter le chant des sirènes indépendantistes, dont la seule litanie est « toujours plus ».
Les Calédoniens, à qui nous avons expliqué son contenu, ont massivement approuvé l'accord de Nouméa lors de la consultation du 8 novembre, vous ne l'ignorez pas.
Ils ont montré leur parfaite adhésion aux institutions nées de cet accord en participant très largement aux élections des assemblées de province et du Congrès, qui ont permis de dégager des majorités indépendantistes dans deux d'entre elles, et non indépendantistes, dans deux autres.
Et tout le monde s'est félicité de l'installation rapide des institutions, conformément au processus prévu par la loi organique, tout le monde, à l'exception de certains, qui persistent à refuser le verdict des urnes du moment que celui-ci ne leur est pas favorable.
Alors, permettez-moi d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur cette attitude intolérable, qui consiste à récuser le fait majoritaire quand on est minoritaire au sein d'une assemblée et à le revendiquer dans d'autres circonstances.
Une chose est sûre, en effet : dans les deux provinces où ils sont majoritaires, le Nord et les îles Loyauté, les indépendantistes s'accaparent tous les pouvoirs et tous les moyens mis à leur disposition.
Nous constatons qu'ils ne se réclament pas, au sein de ces collectivités, de cette prétendue logique de partage du pouvoir qu'ils veulent imposer, par des déclarations fracassantes, au Gouvernement ou au Congrès.
Tout cela est profondément antidémocratique, mes chers collègues, et gardez-vous de tomber, vous aussi, dans le piège de l'argument du peuple originel.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Simon Loueckhote. J'en suis, moi aussi, le représentant, et je puis vous assurer que les Mélanésiens, parce qu'ils souffrent, au sein de leur propre organisation sociale, de certaines formes d'abus de pouvoir, sont de plus en plus attachés au respect de la démocratie.
Ainsi, je n'aurai pas les mots pour leur expliquer les raisons pour lesquelles la copie de l'accord de Nouméa doit être, en ce jour, revue et corrigée par la Haute Assemblée, comme elle l'a été par l'Assemblée nationale le 10 juin dernier.
Lorsque Jacques Lafleur, qui est le père de cet accord, nous a demandé de nous engager à ses côtés, pour le bien des Calédoniens, et de faire cette importante concession sur le corps électoral, il n'était nullement question de le restreindre, au point de le figer à l'année 1998.
Alors que l'émergence de la citoyenneté en Nouvelle-Calédonie s'inscrit dans la durée, qu'elle est fondée sur plus de tolérance, d'acceptation de l'autre, sur cette volonté de vivre ensemble que plus personne ne récuse, comment concevoir, en effet, qu'on ne peut plus être citoyen calédonien au-delà de l'année 1998 ?
C'est pourquoi je demande au Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte que cette définition du corps électoral, que je conteste, bien entendu, si elle devait néanmoins être admise par la représentation nationale - je crains fort que ce ne soit le cas à l'issue de nos débats - ne vaille que pour la période de l'accord de Nouméa.
Il est nécessaire que vous en preniez ici l'engagement.
Il me paraît essentiel, en effet, de donner à ceux qui négocieront l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie la possibilité de rediscuter de cette question, qui ne doit, en aucun cas, être à jamais figée.
Un corps électoral définitivement privé d'une partie de la population n'aurait aucun sens au sein de cette société qui se construit chaque jour, qui a besoin de l'implication de tous. Et nous avons le devoir de laisser aux générations futures la capacité d'envisager leur avenir autrement.
Je vous ai dit de cette même tribune, à l'occasion tant de l'adoption de la loi constitutionnelle de juillet 1998 que de la loi organique de mars 1999, à quel point la signature de l'accord de Nouméa redonnait espoir à l'ensemble des Calédoniens et ravivait leur foi en un avenir commun, un avenir que nous voulons construire ensemble, en faisant participer toutes les forces vives de l'archipel.
Je regrette, aujourd'hui, que l'insatisfaction permanente de certains, la pression exercée par ces derniers sur le fonctionnement de nos nouvelles institutions soient de nature à impressionner la représentation nationale, alors même que le destin de la Nouvelle-Calédonie a été scellé par une modification de la Constitution, par l'organisation d'un référendum, par l'adoption d'une loi organique et par un jugement du Conseil constitutionnel.
Observez, mes chers collègues, que, parallèlement à la mise en place des institutions, les indépendantistes se sont lancés dans une vaste entreprise d'intimidation qui a atteint son paroxysme depuis une dizaine de jours.
Le chantage a pris les formes les plus diverses : refus d'assister aux séances du congrès, notamment à celle qui était consacrée à la déclaration de politique générale du président du gouvernement, menace de démission de ce gouvernement ou des autres mandats locaux. Leur dernier ultimatum est l'annonce du reniement de leur signature de l'accord de Nouméa si le Parlement ne cède pas sur la question du corp électoral.
Vous n'ignorez pas non plus que le corollaire de la pression exercée au niveau institutionnel est la multiplication des conflits sociaux, dont la motivation, essentiellement politique, semble poursuivre ce même travail de sape.
Vous avez eu récemment l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, de déplorer l'attitude des syndicalistes indépendantistes guadeloupéens regrettant un tel comportement activiste et pernicieux dans ce département d'outre-mer. Puissiez-vous appréhender avec la même perspicacité ce qui s'est passé ces jours derniers à Nouméa. En effet, vous n'avez empêché ni le blocage de RFO - Nouvelle-Calédonie pendant six jours, ni le blocage de l'aéroport international de Tontouta, ni la prise en otage de toute l'activité économique de la Nouvelle-Calédonie, et la liste n'est malheureusement pas exhaustive.
Il appartient pourtant à l'Etat - c'est aussi un gage de la réussite du processus de paix - de tenir ses engagements et de veiller notamment au respect de l'ordre et à la garantie des libertés publiques en Nouvelle-Calédonie, comme partout ailleurs sur le sol national.
Sachez que l'attitude de refus systématique de quelques-uns d'entre nous à laquelle vous semblez un peu trop sensible, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, n'est pas celle de la population calédonienne qui veut que les choses avancent, que le pays se construise, que des emplois soient créés.
Les Calédoniens, qui sont également prêts - et c'est une avancée culturelle remarquable - à assumer leurs différences, non plus dans la douleur mais dans la sérénité, ont bien accueilli l'idée d'une citoyenneté à bâtir sur le fondement de leur communauté de destin dont ils acceptent tous les aspects.
Malheureusement, cette nouvelle restriction apportée au corps électoral sera nécessairement source d'incompréhension et d'un regain d'incertitude dans ce processus d'évolution dont la pierre angulaire est la confiance que chacun lui porte.
Mes chers collègues, le représentant de la nation française, l'élu calédonien et le Mélanésien que je suis avait exprimé devant vous tout son enthousiasme à l'égard de cet accord politique qui fixe les bases d'un avenir harmonieux pour la Nouvelle-Calédonie.
Aujourd'hui, et bien que je reste tout autant persuadé que nous pouvons aller au terme de ces vingt années en réussissant notre pari et en faisant de cet archipel une terre de progrès, je voterai contre l'article 1er du projet de loi, qui est, à mon sens, le reflet de la peur et qui est parfaitement contraire à l'esprit de l'accord. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, à la suite des différentes interventions, apporter quelques précision sur les deux principaux volets du texte.
Tout d'abord, s'agissant de l'article 1er relatif à la Nouvelle-Calédonie, M. le rapporteur a bien souligné la divergence d'interprétation entre, d'une part, l'opinion exprimée tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale sur la notion de tableau des électeurs admis à participer aux élections provinciales et aux élections du Congrès et, d'autre part, la réserve d'interprétation apportée par le Conseil constitutionnel.
Je dirai, confirmant les propos de M. le rapporteur, que ces dispositions s'appliqueront à partir de 2009, notamment pour l'élection au Congrès et aux assemblées de province de 2014 ; elles concerneront donc le congrès qui sera appelé à mettre en oeuvre les procédures de référendum prévues dans l'accord de Nouméa.
Le Gouvernement a souhaité revenir dès maintenant sur la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel afin de lever toute ambiguïté : les citoyens français ou européens s'installant en Nouvelle-Calédonie doivent en effet savoir qu'ils ne pourront pas voter aux élections provinciales et à l'élection du Congrès en 2014, même s'ils remplissent la condition de résidence de dix ans. Comme M. Allouche l'a bien dit, c'est une des conditions politiques du compromis qu'est l'accord de Nouméa.
Mais les citoyens français qui se seront installés à partir de 1998 en Nouvelle-Calédonie pourront bien sûr, comme l'a dit M. le rapporteur, voter aux élections municipales, législatives et présidentielle.
Par conséquent, il nous semblait nécessaire d'apporter rapidement cette précision afin que le doute ne puisse s'installer au moment où la Nouvelle-Calédonie ouvre une nouvelle page de son histoire.
S'agissant de l'article 1er du projet de loi, je souligne que la révision constitutionnelle se suffit à elle-même puisqu'il s'agit d'une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel ; il n'y aura donc pas de modification de la loi organique.
Je voudrais en outre rappeler - ce point a été soulevé notamment par MM. Hyest et Loueckhote - que, lorsque nous avons examiné le révision constitutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie, l'exposé des motifs du projet de loi précisait bien qu'un texte portant révision constitutionnelle pour la Polynésie française serait déposé. Nous avions donc déjà, me semble-t-il, lié l'évolution de ces deux territoires en prenant en compte la spécificité de chacun d'entre eux. Cette révision constitutionnelle me paraît donc vraiment constituer un élément de clarté indispensable pour les prochaines années en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie.
M. le rapporteur comme M. Loueckhote m'ont interrogé sur la durée de ce corps électoral restreint qui, c'est vrai, est dérogatoire aux principes du droit électoral et du droit constitutionnel français. M. Duffour a eu raison de souligner que ce caractère dérogatoire s'enracinait dans l'histoire même de la Nouvelle-Calédonie et dans la nécessité de trouver un équilibre entre les composantes du territoire.
Je vous confirme que nous sommes dans le cadre d'un accord, celui de Nouméa, qui a été constitutionnalisé par la révision intervenue à Versailles et que, bien évidemment, cette notion de corps électoral restreint ne vaut que pour la durée de l'accord. Ensuite, interviendra soit un vote de référendum qui définira alors l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la souveraineté, soit, si les Calédoniens se mettent à nouveau d'accord, une nouvelle étape et donc une nouvelle définition. Le corps électoral restreint vaut bien pour la durée de l'accord de Nouméa, puisqu'il est enserré dans ce cadre constitutionnel.
M. Hyest m'a interrogé sur Wallis-et-Futuna. Nous souhaitons - cela figure d'ailleurs dans la loi organique dont il a été le rapporteur - que, d'ici au 31 mars 2000, un accord particulier intervienne entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, accord auquel l'Etat doit apporter sa contribution en termes de répartition des compétences.
Cet accord avait déjà été prévu par l'accord de Nouméa lui-même. Lors de la discussion du projet de loi organique, M. le sénateur Laufoaulu avait indiqué que tel était aussi le souhait des élus et de la population wallisiens. J'écrirai prochainement au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour lui rappeler cette exigence.
De son côté, l'Etat a déjà réfléchi à la répartition des services entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Je pense que le travail doit maintenant s'engager entre les délégations wallisienne et néo-calédonienne.
En ce qui concerne l'avenir, j'ai installé le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en juin dernier. Après les quelques mois qui viennent de s'écouler, je souhaite, à l'instar de MM. Hyest et Duffour, que toutes les forces vives de la Nouvelle-Calédonie participent au fonctionnement des institutions et à la préparation de l'avenir. Tel est l'esprit même des accords que vous avez approuvés à une très large majorité, mesdames, messieurs les sénateurs, et que je me dois de rappeler. Je pense notamment, ici, au principe de collégialité qui prévaut pour le fonctionnement des institutions et qui vise justement à ce que prennent part à celui-ci toutes les composantes politiques et sociales de la Nouvelle-Calédonie, et en premier lieu les deux principales forces politiques auxquelles les électeurs ont largement accordé leur confiance. Ce voeu est évidemment transmis à tous les acteurs de Nouvelle-Calédonie, car le pouvoir exécutif est désormais exercé non plus par l'Etat, par l'intermédiaire du haut-commissaire, mais bien par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
J'en viens maintenant au second volet du projet de loi constitutionnelle, qui traite de la Polynésie française.
Je confirmerai tout d'abord la lecture qu'en a fait M. Allouche, lecture qui indique que, dans le cadre de l'article 74, nous étions allés au bout des possibilités ouvertes en matière de dispositions statutaires. Le Conseil constitutionnel, saisi en 1996, a d'ailleurs annulé certaines dispositions, les jugeant non conformes à la Constitution. Si nous avions voulu aller plus loin, il aurait fallu passer par cette autonomie constitutionnelle, que vous avez bien définie, monsieur Allouche.
Nous sommes maintenant dans le cadre d'une autonomie constitutionnelle, qui se traduira en particulier par les nouveaux pouvoirs et les nouvelles compétences qui seront dévolus à l'assemblée de la Polynésie française.
M. Flosse m'a interrogé sur trois aspects de la révision constitutionnelle, et je voudrais donc lui apporter quelques précisions.
Première interrogation, il m'a sollicité sur le caractère définitif des transferts de compétences de l'Etat à la Polynésie française. En effet, dans la révision constitutionnelle qui vous est proposée ne figure pas la notion d'irréversibilité incluse dans l'article 77 de la Constitution pour le transfert des compétences à la Nouvelle-Calédonie. Il convient cependant de préciser que l'article 77 de la Constitution s'inscrit dans la perspective ouverte par l'accord de Nouméa, qui prévoit la tenue de référendums d'accès ou non de ce territoire à l'indépendance d'ici quinze à vingt ans, pour la Polynésie française, en revanche, si nous nous situons, certes, dans une logique d'autonomie renforcée, d'autonomie constitutionnelle, cette logique ne met pas en cause l'appartenance à la France, même si, évidemment - M. Gaston Flosse l'a d'ailleurs rappelé lui-même - l'article 53 de la Constitution reste ouvert.
Le nouveau statut dont bénéficiera la Polynésie française à la suite de l'insertion de l'article 78 dans la Constitution permettra à ce territoire d'empêcher toute reprise des compétences qui lui seront tranférées en application de la loi organique statutaire, notamment sous la forme de lois ordinaires.
Jusqu'à présent, si une loi ordinaire intervenue dans les domaines de compétences de la Polynésie française n'était pas censurée par le Conseil constitutionnel - M. Flosse a rappelé la jurisprudence du Conseil d'Etat en la matière - les autorités territoriales ne pouvaient revenir dessus compte tenu du fait que les actes pris par l'Assemblée territoriale étaient de nature réglementaire et non législative.
Il en ira tout différemment après la révision constitutionnelle puisque nous serons, à ce moment-là, dans le cadre législatif des lois de pays, lesquelles auront la même valeur juridique que les lois simples édictés par le législateur national. Par conséquent, une loi de pays pourra effacer les effets d'une loi nationale qui serait adoptée, sans doute plus par inadvertance ou par méconnaissance des dispositions relatives à la Polynésie française que par esprit de récupération de pouvoirs, en dehors du champ des compétences réservées à l'Etat.
La Polynésie française pourra donc faire respecter son domaine de compétences. Le texte de la révision constitutionnelle répond, me semble-t-il, dans sa rédaction actuelle, à la préoccupation exprimée par M. Flosse.
Par ailleurs, je souhaite dire à M. le rapporteur que je partage son opinion : les transferts doivent en effet être considérés comme acquis.
La deuxième interrogation de M. Flosse concerne le pouvoir donné aux autorités polynésiennes de signer des conventions internationales.
Vous savez que, en vertu de l'article 52 de la Constitution, il appartient au Président de la République de signer les traités internationaux. Cette compétence est un élément du respect de la souveraineté nationale, elle garantit la cohérence de l'action de la France sur la scène internationale.
L'intention du Gouvernement, telle qu'elle se manifeste dans les dispositions du projet d'article 78 qui vous est soumis, est de permettre aux autorités polynésiennes, dans le domaine de leurs compétences, d'engager librement des négociations internationales avec les Etats de la région et avec les organisations régionales en vue de conclure des accords internationaux. La seule obligation à la charge des autorités polynésiennes consistera à informer les autorités nationales de l'ouverture de ces négociations.
Une fois les termes de la convention arrêtés, la signature ne pourra intervenir qu'après que le Président de la République aura donné son accord, mais, bien évidemment, ce dernier pourra donner mandat au président du gouvernement de la Polynésie française de signer en son nom de tels accords, qui peuvent concerner, par exemple, les relations de la Polynésie française dans son environnement géographique : je pense à des accords de pêche, à des accords de transport ou à des accords en matière d'échanges culturels.
Par rapport à ses compétences internationales, l'autonomie de la Polynésie française sera donc renforcée de manière significative et la loi organique permettra la mise en place de ces dispositions.
La troisième interrogation de M. Flosse porte sur la protection des compétences de la Polynésie française en matière d'accords internationaux. Il s'agit de ce que l'on appelle parfois, en droit, la « réserve de la territorialité ».
Il me paraît légitime de préserver le statut d'autonomie renforcée accordé à la Polynésie française et d'empêcher qu'il lui soit porté atteinte par le biais d'accords internationaux qui seraient conclus par des autorités françaises. A cet égard, la future loi organique statutaire contiendra un mécanisme permettant d'associer les autorités polynésiennes au processus de négociation d'accords susceptibles d'intervenir dans le champ de leurs compétences ainsi qu'un dispositif de consultation systématique de l'assemblée territoriale.
La mention de ces dispositions n'apparaissait pas indispensable au plan constitutionnel, comme l'a indiqué le Conseil d'Etat à l'issue de l'examen du projet de révision constitutionnelle. Nous retrouvons cependant là des dispositions semblables à celles qui figuraient dans la loi organique du 19 mars 1999 sur la Nouvelle-Calédonie.
M. Larché a souhaité que le dépôt du projet de loi organique soit rapide. Je tiens à confirmer que l'intention du Gouvernement est bien que ce projet de loi organique soit discuté au premier trimestre 2000 et, si possible, voté d'ici à la fin de cette même année - mais c'est l'affaire du Parlement - de façon que les élections territoriales qui auront lieu en 2001 s'inscrivent dans ce cadre.
Le Gouvernement avait déposé, à l'automne 1997, un projet de loi organique sur les communes de Polynésie. Nous ne l'avons cependant pas inscrit à l'ordre du jour, précisément dans la perspective de la révision constitutionnelle. Mais le projet de loi organique sur la révision du statut de la Polynésie française devra inclure, bien sûr, des dispositions organiques relatives aux communes, c'est tout à fait légitime.
M. Othily a posé deux questions, dont l'une sur l'application des dispositions de l'article 74 telles qu'elles ont été révisées en 1992, c'est-à-dire sur l'obligation de passer par la loi organique dès lors qu'il s'agit de territoires d'outre-mer. De ce point de vue, l'article 77 pour la Nouvelle-Calédonie et l'article 78 pour la Polynésie française renvoient à la loi organique pour l'organisation des institutions. Nous sommes donc bien dans ce cadre !
En ce qui concerne, par ailleurs, l'association de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie à l'Europe, la situation n'est pas modifiée. Nous sommes bien dans le cadre de ce que l'on appelle les décisions d'association au titre des vingt PTOM, les pays et territoires d'outre-mer. Outre Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, mais également Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon sont concernés par ces décisions d'association.
Je voudrais, pour terminer, revenir sur les conclusions du président Larché, qui a élargi son propos à l'évolution de l'ensemble de l'outre-mer.
Je partage deux de ses analyses.
La première, c'est que, sur le plan des institutions, nous devons tenir de plus en plus compte de la diversité des situations. L'outre-mer français en effet est différent de par son histoire, de par sa géographie, de par ses traditions et son évolution institutionnelle. Nous devons donc agir avec une certaine souplesse, tout en restant, évidemment, dans le cadre de la République française. Je partage sur ce point ce qu'a dit M. Allouche à propos du « sur-mesure » : nos institutions doivent évoluer sans intégrer l'outre-mer dans un moule juridique unique.
La seconde analyse que je partage, c'est que nous devons aller vers plus de responsabilité. Et nous vous proposons, pour cela, un statut d'autonomie renforcée. Je crois aussi que nous aurons sans doute à légiférer prochainement pour les départements d'outre-mer. C'est, en tout cas, le souhait du Gouvernement, qui tiendra notamment compte des conclusions de la mission menée par le sénateur Lise et le député Tamaya, afin de reconnaître la spécificité de l'identité de l'outre-mer pour les quatre départements qui n'ont pas encore fait l'objet de dispositions législatives.
Voilà pour ce qui est de la réflexion actuelle du Gouvernement, mais nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir au cours de l'année 2000.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à voter ce texte, qui marque pour la Polynésie française une étape importante. J'ajoute que la notion d'autonomie, dont M. Flosse nous a rappelé l'évolution, a été marquée non seulement par des étapes législatives, mais aussi par une réalité politique locale. Au-delà des révisions statutaires au Sénat et à l'Assemblée nationale, cette notion d'autonomie a en effet été portée dans l'opinion par un certain nombre d'élus. Aujourd'hui, elle va se trouver consacrée en Polynésie française en même temps qu'en Nouvelle-Calédonie, et nous aurons ainsi tracé les règles permettant d'appliquer loyalement l'accord de Nouméa. (Applaudissements.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 6:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 307
Contre 7

Articles 2 à 4



M. le président.
« Art. 2. _ Les titres XIV, XV et XVI de la Constitution deviennent respectivement les titres XV, XVI et XVII. » - (Adopté.)
« Art. 3. _ Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé : "Dispositions relatives à la Polynésie française". » - (Adopté.)
« Art. 4. _ Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 78 ainsi rédigé :
« Art. 78 . _ La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut détermine les compétences de l'Etat qui sont transférées aux institutions de la Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci.
« Ces transferts ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes.
« La loi organique définit également :
« _ les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Polynésie française et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;
« _ les conditions dans lesquelles le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois ;
« _ les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière ;
« _ les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci, dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation ou la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et 53. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Gélard pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la majorité du groupe du RPR est satisfaite des dispositions qui nous sont proposées concernant la Polynésie française. Nous sommes heureux de l'évolution qui se dessine grâce à cette révision constitutionnelle et à la loi organique qui suivra, et nous tenons à rendre hommage ici à notre collègue Gaston Flosse pour l'action qu'il a menée dans ce domaine.
Nous regrettons cependant que des dispositions concernant la Nouvelle-Calédonie aient été jointes à un texte s'appliquant à la Polynésie française, nous l'avons d'ailleurs dit en commission des lois. Nous comprenons toutefois les raisons de cette union un peu contre nature s'agissant de deux évolutions différentes.
Nous regrettons aussi qu'un certain nombre de règles essentielles de la démocratie française concernant le droit de suffrage soient remises en cause. Il est vrai que le processus engagé est non pas juridique, mais politique.
Pour ces différentes raisons, tout en comprenant parfaitement ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue M. Loueckhote et solidaires de ses choix, les membres du groupe du RPR se sont, dans leur grande majorité, ralliés au texte si bien défendu par M. Lucien Lanier, rapporteur de ce projet de loi constitutionnelle. Ils le voteront donc.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin à lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 7:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 310
Contre 3

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

9

DROIT APPLICABLE OUTRE-MER

Adoption d'un projet de loi d'habilitation

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 424, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n° 3 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la tâche de modernisation et d'adaptation du droit de l'outre-mer, condition nécessaire de son développement économique et social, offre aujourd'hui de nouveaux sujets à prendre en compte. De plus, certaines questions urgentes nécessitent une réponse rapide pour satisfaire les attentes des populations intéressées.
Le projet de loi d'habilitation que j'ai l'honneur de vous présenter s'inscrit pleinement dans le prolongement de la précédente loi d'habilitation du 6 mars 1998, étant précisé que le projet de loi de ratification des ordonnances prises en application de ladite loi devrait vous être soumis en novembre prochain. Il a été déposé devant le Sénat, après son examen par l'Assemblée nationale.
Le projet du Gouvernement demande au Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnances dans huit matières, ces ordonnances devant être prises dans les six mois qui suivent la publication de la loi d'habilitation. Au cours du débat à l'Assemblée nationale, en juin dernier, quatre thèmes sont venus s'ajouter à ceux qui étaient initialement prévus ; ce sont donc douze points que le projet qui vous est soumis aborde.
Au travers des ordonnances prévues par la loi d'habilitation, le Gouvernement vise les objectifs suivants.
Le premier objectif du Gouvernement consiste à affirmer les obligations financières de l'Etat vis-à-vis de l'outre-mer. L'une des ordonnances devra permettre de pérenniser sa contribution au profit des communes de la Polynésie française.
De la même manière, son concours au profit de l'établissement public de santé territorial de Mayotte sera prolongé pour tenir compte de sa situation spécifique. C'est notamment le cas du système dérogatoire de financement, qui lui permet de prendre en charge pendant une nouvelle durée de cinq ans les personnes ne pouvant faire la preuve de leur nationalité française ou de la régularité de leur séjour en attendant que certaines difficultés, notamment en matière d'état civil, soient surmontées.
Le deuxième objectif du Gouvernement réside dans la poursuite de la modernisation et dans l'extension des droits sociaux des habitants des collectivités d'outre-mer.
Ainsi, les ordonnances qui interviendront à ce titre doivent permettre de préciser les règles d'option de juridiction en matière de litiges de contrats de travail pour les salariés qui, après avoir travaillé pour une collectivité d'outre-mer, l'ont quittée.
De même, un dispositif permettra aux partenaires sociaux de négocier des accords d'annualisation du temps de travail à Mayotte et aux îles Wallis-et-Futuna, dispositions déjà introduites en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Certaines règles de base en matière d'hygiène et de sécurité du travail seront étendues à Wallis-et-Futuna.
Toujours dans le champ du droit du travail et en prolongement de la précision apportée par un amendement en première lecture à l'Assemblée nationale, les dispositions relatives à la médecine du travail dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon seront également traitées.
En matière de droit de la santé, il s'agira d'actualiser les règles relatives à l'exercice au droit des professions de santé à l'outre-mer. De même, il est prévu de créer à Wallis-et-Futuna « une agence de santé », établissement original dont le statut est adapté à la situation juridique particulière des îles Wallis-et-Futuna. L'agence se trouve ainsi chargée de l'élaboration et de la mise en oeuvre du programme de santé du territoire.
De plus, conformément à deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale, l'habilitation porte sur l'extension à Wallis-et-Futuna de la durée de la scolarité obligatoire et des dispositions relatives à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.
Le troisième objectif du Gouvernement est de conforter l'état de droit et la sécurité juridique outre-mer.
Dans cette perspective, la loi du 25 juillet 1952 sur le droit d'asile sera étendue à l'ensemble de l'outre-mer, après l'avoir été à la Nouvelle-Calédonie par la loi du 19 mars 1999. Ce droit constitutionnel pourra ainsi être désormais exercé pleinement dans le respect des engagements internationaux de la France.
Des ordonnances procéderont également à l'actualisation du droit applicable à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Les textes actuellement en vigueur sont partiellement obsolètes et inadaptés à un contrôle efficace des flux migratoires, dans le respect des droits fondamentaux des intéressés. Une extension de l'ordonnance du 2 novembre 1945, assortie des adaptations nécessitées par la situation de chaque collectivité, s'impose.
Par ailleurs, plusieurs ordonnances devraient créer les conditions de l'élaboration d'un état civil fiable à Mayotte, notamment pour remédier aux difficultés que j'ai évoquées en matière de soins hospitaliers. En particulier, des règles relatives à la fixation du nom seraient définies, tandis qu'une commission de révision de l'état civil procéderait à la remise à jour des actes.
Par ailleurs, une chambre de discipline territoriale pourra être créée en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour les médecins, les sages-femmes et les pharmaciens qui y exercent. Ainsi sera mis un terme à la situation actuelle, dans laquelle un même organe assure les compétences administratives et juridictionnelles.
De plus, après l'adoption d'un amendement déposé par le Gouvernement, l'Assemblée nationale l'a habilité à procéder par ordonnance à la codification du droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Le Gouvernement est également autorisé à procéder à toutes mesures d'adaptation utiles en ce domaine, en vue de rapprocher cette codification des dispositions applicables en métropole, étant entendu qu'il ne pourra s'agir que de simples aménagements.
La loi d'habilitation doit également permettre de résoudre deux questions d'une importance majeure pour les départements d'outre-mer. Il s'agit d'adapter l'organisation des agences d'insertion à la suite de la modification de statut intervenue par la loi du 29 juillet 1998.
Leur transformation par voie législative en établissements publics locaux rend absolument nécessaire une adaptation rapide de leur statut pour leur permettre de retrouver un fonctionnement normal et de prendre en compte la situation de leurs personnels.
Les agences seront désormais présidées par les présidents de conseils généraux, l'Etat se voyant doté de moyens de contrôle administratif et financier mieux assurés. Je vous rappelle que cette réforme avait été souhaitée par les présidents de conseils généraux et appuyées, notamment, par le président du conseil général de la Martinique, le sénateur Lise.
Quant au statut de l'IEDOM, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, il sera adapté pour prendre en compte les impératifs de l'Union économique et monétaire et permettre son intégration, conformément aux principes communautaires, dans le système européen des banques centrales.
Enfin, le Gouvernement a accepté un amendement, présenté lors du débat à l'Assemblée nationale, visant à permettre, compte tenu des difficultés importantes que connaît l'activité de transports de personnes dans les départements d'outre-mer, de procéder par ordonnances à l'adaptation de la législation relative aux transports intérieurs.
Par ce projet de loi d'habilitation, par les ordonnances qui suivront, le Gouvernement entend poursuivre son action de modernisation du droit de l'outre-mer, élément indispensable à son développement. A l'instar des ordonnances prises en application de la loi du 6 mars 1998, le Gouvernement déposera évidemment ces ordonnances sur le bureau des assemblées pour les soumettre à l'appréciation du Parlement. Le pouvoir législatif donne ainsi à l'exécutif délégation pour agir, souvent dans l'urgence, dans les matières complexes. Soyez assurés que les droits du Parlement seront, sur ce plan-là, respectés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après le projet de loi constitutionnelle, nous examinons le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 10 juin dernier.
Cette façon de procéder tend, monsieur le secrétaire d'Etat, à devenir une habitude, puisqu'on utilise bien souvent soit diverses dispositions relatives à l'outre-mer - les fameuses « lois balais » - soit, comme maintenant, les ordonnances. C'est systématique ! (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Je déplore quelque peu ce mode de fonctionnement, qui prive le Parlement d'un véritable débat, même si des lois de ratification doivent intervenir. C'est ainsi que plusieurs lois sont prévues, tendant à permettre à chaque commission d'exercer sa responsabilité législative dans le domaine de sa spécialité.
Il va de soi que nous n'aimons pas beaucoup les ordonnances... auxquelles nous avons toutefois régulièrement recours.
En ce qui concerne l'outre-mer, il peut naturellement être nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, d'utiliser l'article 38 de la Constitution. Encore faut-il chercher fréquemment l'origine du recours aux ordonnances dans le non-respect des instructions gouvernementales.
Notre excellent collègue Daniel Millaud ne manquait jamais de nous rappeler à quel point était oubliée, en dépit de nombreuses circulaires, notamment celles du 21 avril 1988 et du 15 juin 1990, l'application des lois à l'outre-mer. Peut-être le Gouvernement pourrait-il en publier une autre afin de sensibiliser les administrations à la nécessité de prendre en compte l'outre-mer dans l'élaboration de leur politique et dans la rédaction des textes législatifs ou réglementaires.
Le principe de l'assimilation législative applicable à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, et aux départements d'outre-mer, le principe de la spécialité législative conjugue au problème des lois dites « de souveraineté », notion juridique parfois un peu floue et qui prête à discussion, compliquent encore l'exercice. L'applicabilité des textes législatifs dans les départements d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte doivent donc faire l'objet de textes ou de dispositions particulières.
Nous ne cessons de le rappeler, sans être guère entendus du Gouvernement, qui tire toujours prétexte soit de la non-consultation des assemblées territoriales ou des assemblées de collectivités concernées, soit de la complexité des textes pour remettre à plus tard leur application. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne me lasserai pas de le répéter : il vaudrait tellement mieux examiner préalablement le problème, nous dispensant ainsi de recourir aux ordonnances.
La commission des lois, comme c'est son devoir, a examiné si les conditions fixées par l'article 38 de la Constitution, et précisées par le Conseil constitutionnel, étaient remplies. C'est pour l'exécution de son programme que le Gouvernement peut légiférer par voie d'ordonnances, mais il doit « indiquer avec précision, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre », ce qui est assez évident.
Nous avons eu la chance, excepté pour une mesure, d'avoir les avant-projets d'ordonnance. Nous avons pu vérifier qu'il s'agissait bien de mesures d'application qui ne dépassaient pas le champ de l'article 38 de la Constitution.
En commission des lois, vous avez répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, à une question que je vous ai posée sur le statut de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM. En effet, à l'époque, nous n'avions aucune précision quant à l'évolution statutaire de cet institut à la suite de la réforme des banques centrales européennes et de l'instauration de la monnaie unique.
L'article 38 de la Constitution fixe les modalités de délégation de pouvoir au Gouvernement pour une durée limitée et l'obligation de déposer un projet de loi de ratification dans un délai donné. Le projet de loi respecte la Constitution. L'avis de la commission des lois est donc favorable.
J'en viens au champ d'habilitation du projet de loi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé toutes les dispositions qui étaient prévues, notamment la nécessité pour l'Etat d'assumer ses obligations financières envers l'outre-mer.
J'avais rappelé dans le rapport que j'ai rédigé l'année dernière la nécessité de trouver une base juridique au fonds intercommunal de péréquation pour la Polynésie française.
J'avais également fait mention du concours de l'Etat en faveur de l'établissement public de santé territorial de Mayotte.
Le projet de loi vise aussi l'actualisation des droits sociaux, les avancées en matière de santé publique, le renforcement de l'état de droit et la sécurité juridique dans les collectivités d'outre-mer, notamment l'état civil à Mayotte - ample tâche, monsieur le secrétaire d'Etat, car on connaît les difficultés de mettre en place un tel dispositif.
Par ailleurs, entrent dans le champ de l'habilitation, l'adaptation du statut de l'Institut d'émission d'outre-mer, déjà évoqué, ainsi que l'organisation des agences d'insertion, avec la modification de statut opérée par la loi du 29 juillet 1988 transformant ces agences en établissements publics locaux à caractère administratif.
Nos collègues députés, notamment M. Brial pour Wallis-et-Futuna, ont ajouté quelques dispositions, puisque deux mesures concernent les catastrophes naturelles dans ce territoire, d'une part, et la codification du droit électoral, d'autre part, qui est applicable d'ailleurs à la fois en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna.
Une autre disposition ajoutée par l'Assemblée nationale - et cette ordonnance nous intéressera beaucoup - concerne la législation relative aux transports intérieurs dans les départements d'outre-mer. En effet, j'ai l'impression que ce problème ne se pose pas uniquement dans les départements d'outre-mer, notamment en ce qui concerne les transports scolaires. Un certain nombre de nos collègues ont rencontré des difficultés en matière d'application du code des marchés publics, compte tenu de l'urgence qu'il y avait souvent, à la rentrée, à mettre en place des transports scolaires. Peut-être pourra-t-on appliquer à la métropole les dispositions qui auront été prises pour les DOM ! Cela serait très intéressant, n'est-ce pas, monsieur le président ?
M. le président. Sans doute !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'article 2 prévoit quant à lui la consultation des assemblées des différents territoires, et l'article 3, comme je le disais tout à l'heure, définit des délais d'habilitation.
En conclusion, la commission des lois, après l'avoir examiné, propose au Sénat d'adopter sans modification l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Bien entendu, tous nos collègues seront extrêmement sensibles au fait que nous nous attachons à faire en sorte que les territoires d'outre-mer - et quelquefois aussi les départements, puisqu'il y a un texte sur les départements - et la Nouvelle-Calédonie, futur «pays d'outre-mer » puissent avoir une législation adaptée à notre temps.
M. le président. La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici aujourd'hui réunis pour examiner un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Il s'agit du second en deux ans, et nous serons amenés fin novembre à ratifier les ordonnances prises en vertu de la première loi d'habilitation votée en 1998.
Qu'il me soit permis d'exprimer un léger regret sur l'ordre du jour : en effet, du fait de l'éloignement géographique des sénateurs concernés par l'outre-mer, il m'aurait paru souhaitable de regrouper l'examen de ces textes, comme cela a été fait à l'Assemblée nationale.
Mis à part ce détail, je n'exprimerai pas les mêmes réserves que bon nombre de parlementaires - je prie M. Hyest de m'en excuser - notamment nos collègues députés en juin dernier, sur l'utilisation de la procédure des ordonnances : il me semble en effet que, sur des domaines tels que ceux dont il est question, notamment pour la transposition outre-mer des règles déjà existantes en métropole, le recours aux ordonnances ne constitue pas une violation des droits du Parlement, et nous permet au contraire de soulager un peu un ordre du jour déjà bien rempli.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah, si c'est uniquement pour cela, d'accord !
M. Robert Laufoaulu. Cette opinion ne vaut néanmoins que sous réserve que les élus de chaque département ou territoire soient consultés et associés à l'élaboration des textes les concernant.
Cela vaut tout particulièrement, s'agissant des îles Wallis-et-Futuna, pour la création de l'agence de santé.
Bien entendu, la création d'un établissement public national à caractère administratif chargé d'élaborer un programme de santé publique ne peut que nous réjouir. Une telle initiative, que nous devons saluer, correspond à un réel besoin à Wallis-et-Futuna. Tous ceux qui connaissent le territoire savent à quelle impérieuse nécessité répond une telle décision.
Qu'il me soit donc permis, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous rendre un hommage chaleureux pour ce projet qui vous doit tant, et de vous en remercier très solennellement.
Néanmoins, la perfection n'étant pas de ce monde, je suis certain que M. le secrétaire d'Etat ne m'en voudra pas de lui faire part de quelques remarques sur l'avant-projet d'ordonnance sur l'agence de santé qu'il a bien voulu nous communiquer, concernant des points qui préoccupent l'ensemble des élus de Wallis-et-Futuna, et qu'il me semble nécessaire de rappeler ici puisque l'occasion m'en est donnée.
Tout d'abord, je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le système de tutelle actuellement envisagé. Ce premier point me semble important et suscite une inquiétude générale, tant la triple tutelle du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, du secrétariat d'Etat à la santé et à l'action sociale et du secrétariat d'Etat au budget laisse augurer une lourdeur handicapante pour le bon fonctionnement de cet établissement.
En second lieu, la participation éventuelle du territoire au budget de l'agence de santé appelle une certaine réserve, car elle paraît contraire à la loi du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer, et qui stipule dans son article 7 que « la République assure l'hygiène et la santé publique ».
Troisièmement, la participation éventuelle des usagers, si elle ne suscite pas une hostilité de principe de ma part, m'incite à vous demander des assurances fermes et publiques que seuls les plus nantis pourraient un jour être concernés par une telle mesure.
En effet, comme vous le savez, l'immense majorité de la population du territoire de Wallis-et-Futuna ne dispose que de très faibles ressources. Envisager de la faire payer en ferait renoncer beaucoup à aller se faire soigner, réduisant ainsi à néant tous les progrès effectués ces dernières décennies en matière sanitaire et médicale, alors même que vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il reste encore tant à faire dans ce domaine. S'agissant toujours de l'agence de santé, je salue votre volonté affichée d'agir en faveur des personnes handicapées. Il me paraîtrait cependant souhaitable que le programme de santé publique intègre dans ses préoccupations les personnes âgées : en effet, si cela peut aujourd'hui sembler secondaire, au fil du temps cela risque de revêtir une importance plus grande.
Par ailleurs, afin de préparer au mieux la mise en place de l'agence et, ce faisant, de ne pas perdre le bénéfice de l'augmentation de la dotation consentie par l'Etat, il me semble indispensable que les 17,4 millions de francs prévus, correspondant au premier versement de l'apurement de la dette, soient inscrits dans la loi de finances rectificative de cette année. Cette demande est d'autant plus pressante que la CAFAT et le centre hospitalier de Nouméa attendent légitimement ces remboursements.
Pour terminer sur ce sujet primordial pour le territoire, je souhaite dire un mot sur la formation des personnels hospitaliers, qui doit être prévue au budget de l'établissement - c'est indispensable -, qui devra être fortement majoré à ce effet.
Par conséquent, et à l'identique de la procédure applicable au corps médical, le plan de formation des personnels non médicaux qui sera élaboré chaque année devrait être également soumis à la consultation du comité d'établissement.
Enfin, pour ce qui concerne les statuts du personnel du service de santé, c'est leur diversité qui est à l'origine du malaise social qui y règne actuellement. Aussi faudra-t-il réfléchir sérieusement à cette question qu'une convention collective ne réussira pas à trancher définitivement.
Les autres articles du projet de loi d'habilitation appelleront peu de remarques de ma part.
Je me réjouis tout particulièrement de l'amélioration des conditions générales de sécurité des travailleurs, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir accepté les amendements du député Victor Brial, relatifs, d'une part, à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, mesure qui devrait rassurer les entreprises installées à Wallis-et-Futuna et, d'autre part, à l'âge de la scolarité obligatoire.
Tout ce qui a trait à l'éducation et à la formation m'intéressant tout particulièrement, comme vous le savez, je profite donc de l'occasion que me donne cette discussion pour vous dire qu'une réflexion sérieuse est actuellement menée par le vice-rectorat du territoire sur la réforme des programmes et filières d'enseignement, notamment professionnel, et que j'espère vivement que le Gouvernement lui réservera un accueil favorable.
Je regrette en revanche que rien n'ait été prévu en matière d'aide au logement, comme cela existera bientôt à Mayotte en vertu de l'ordonnance n° 98-520 du 24 juin 1998. J'espère que nous pourrons réfléchir ensemble à l'instauration à Wallis-et-Futuna d'un système d'aide à l'accession à la propriété au profit des ménages à revenu intermédiaire, comme vous vous y êtes engagé.
Je terminerai mon intervention sur la question du droit d'asile évoquée à l'article 4 de ce projet de loi d'habilitation. Cette disposition soulève quelques inquiétudes, non dans son principe, mais pour les problèmes éventuels qui pourraient en découler, notamment pour l'application du dispositif des zones d'attente.
Pour conclure, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, sous les quelques réserves que je viens d'exprimer, de vous remercier pour les ordonnances en prévision. C'est avec joie et avec confiance que je voterai donc ce projet de loi d'habilitation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de deux interrogations, l'une générale et l'autre plus particulière. Sur un plan général, nous n'estimons pas que la procédure d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance soit satisfaisante. Cette position de notre part ne date pas d'aujourd'hui : nous estimons que la représentation nationale, le pouvoir législatif, doit pouvoir contrôler jusqu'à son terme l'élaboration des normes du domaine de la loi au regard de la Constitution.
Cette attitude de principe, nous la maintenons, même si nous reconnaissons, notamment dans le domaine concerné aujoud'hui, la nécessité d'une très grande souplesse, d'une marge de manoeuvre pour le Gouvernement dans ses discussions avec les représentants élus des différents départements et territoires.
Au regard du contenu de l'action gouvernementale, nous voterons le projet de loi, mais cela ne vaut tout de même pas approbation de la méthode.
Ma question particulière concerne le flou des dispositions envisagées à l'avenir pour l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM.
Le texte ne fait référence qu'à la seule modification à venir, par ordonnance, du statut de l'Institut. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir aujourd'hui ou rapidement quelques précisions supplémentaires. Ma question, vous l'avez compris, s'inscrit dans le cadre des attentes des 326 salariés de l'IEDOM. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une nouvelle fois, en vertu de l'article 38 de la Constitution, le Parlement est sollicité pour habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Ainsi que l'a observé justement le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue, M. Jean-Jacques Hyest, le recours à cette procédure tend à se banaliser. Nous allons d'ailleurs examiner prochainement quatre projets de loi de ratification d'ordonnances portant sur le même sujet, prises sur le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.
Il s'agit, il faut tout de même le reconnaître, d'une procédure qui présente une certaine gravité car elle emporte dessaisissement volontaire du législateur au profit de l'exécutif dans de nombreuses matières qui intéressent aussi bien les départements que les collectivités et territoires d'outre-mer. En regroupant divers sujets qui mériteraient chacun d'être traité plus à fond, force est de constater également que la technique de l'habilitation n'est pas très mobilisatrice.
Cependant, nous avons tous conscience de la complexité qu'entraîne l'application du droit outre-mer, d'un droit régit, tantôt, pour les territoires d'outre-mer, par le principe de spécialité législative, tantôt pour les départements d'outre-mer, par le principe d'assimilation. Quant aux collectivités sui generis , des modalités différentes existent encore. Cette situation est le résultat des particularités géographiques, économiques et culturelles qui caractérisent l'outre-mer dans son ensemble.
Des adaptations législatives et réglementaires se révèlent donc nécessaires, mais elles prennent du temps et finissent par augmenter les retards, surtout si l'on prend en compte le fait que les recommandations des circulaires de 1988 et 1990 adressées aux administrations centrales ne sont pas toujours suivies.
Ce constat critique ne doit pas cependant nous faire perdre de vue que l'adaptation du droit de l'outre-mer demeure une priorité car il y va de son développement et de sa modernisation.
L'outre-mer, dans son ensemble, est en train de connaître de profonds bouleversements. Nous en avons pris acte pour la Nouvelle-Calédonie. Nous le ferons bientôt pour la Polynésie française.
En ce qui concerne les départements d'outre-mer, notre collègue Claude Lise et Michel Tamaya, député de la Réunion, ont remis au Premier ministre un excellent rapport dans lequel ils expriment une série de propositions qui vont dans le sens de l'approfondissement de la décentralisation, mais en prenant en compte le contexte particulier des collectivités locales d'outre-mer. Nous devons également nous atteler à la modification du statut de Mayotte - n'est-ce pas la priorité ? - qui joue le rôle de pôle de stabilité dans l'archipel des Comores.
Le groupe socialiste votera ce projet de loi d'habilitation, car ce texte permettra de procéder de façon rapide et efficace à l'actualisation très vaste du droit outre-mer. Cette remise à niveau est en effet indispensable.
Les domaines d'intervention de l'habilitation en témoignent. Avec l'ensemble de ces dispositions, nous répondons à des obligations financières, nous veillons à l'extension de droits sociaux et, au final, nous confortons la sécurité juridique du droit de l'outre-mer.
En ce qui concerne les questions relatives aux agences départementales d'insertion et à l'Institut d'émission des départements d'outre-mer - deux questions essentielles de ce projet de loi - elles évoluent correctement et, en tout état de cause, demeureront au service de l'outre-mer.
D'autres projets d'habilitation seront inévitablement déposés dans l'avenir car cette procédure se révèle bien adaptée au caractère très technique des mesures qui doivent être prises.
Quoi qu'il en soit, le Parlement conserve son pouvoir de contrôle, et il l'exercera au moment de la ratification. Aussi - dois-je le redire ? - le groupe socialiste approuvera ce projet de loi d'habilitation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur la procédure, mais je voudrais apporter quelques précisions aux intervenants qui m'ont posé des questions.
Tout d'abord, je répondrai à M. Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna, qui m'a posé six questions sur l'agence de santé.
En ce qui concerne la tutelle, comme le préfet présidera l'établissement public, il ne pourra plus exercer le pouvoir de tutelle puisqu'il serait en quelque sorte juge et partie dans ce domaine. La tutelle sera donc exercée au niveau central, au niveau parisien ; mais je veillerai à ce qu'elle soit le plus allégée possible et que ce dispositif n'entrave pas le travail conduit par l'agence.
En ce qui concerne la participation du territoire, elle ne peut être que facultative et ne peut porter que dans ses domaines de compétences. Or, d'une façon générale, la santé est de la compétence de l'Etat.
Sur la participation des usagers, je connais bien le niveau de vie à Wallis-et-Futuna et je pense qu'une participation des usagers ne pourra être envisagée que lorsque ce territoire connaîtra un véritable développement économique. En tout état de cause, comme vous le souhaitez, cette participation sera modulée en fonction des revenus des habitants.
S'agissant des personnes âgées, elles pourront être intégrées dans le dispositif de l'agence de santé par convention avec le territoire. Je signale à ce propos que le Gouvernement a prévu, à partir de l'an 2000, de doubler, sur trois ans, le minimum vieillesse qui est versé aux personnes âgées à Wallis-et-Futuna.
Pour la formation des personnels hospitaliers, je partage votre souci de la prévoir au budget de l'agence et je veillerai à ce que les formations nécessaires à l'emploi soient bien mises en place.
Je vous indique par ailleurs que le statut du personnel sera régi par le droit du travail applicable à Wallis-et-Futuna et par une convention collective validée par les ministères de tutelle.
Monsieur le sénateur, vous avez également souhaité que la dette de l'hôpital de Wallis-et-Futuna à l'égard de l'hôpital Gaston-Bourret à Nouméa - en fait, il s'agit des évacuations sanitaires - soit inscrite dans la loi de finances. Conformément aux engagements pris, une première tranche figurera bien dans la loi de finances rectificative, à hauteur de 17,4 millions de francs. Nous avons ainsi prévu un plan d'apurement de cette dette.
Enfin, monsieur le sénateur, en ce qui concerne les conditions d'application du droit d'asile, je dois dire que le Gouvernement souhaite la mise en oeuvre de ces dispositions tant pour régler un problème d'interprétation des règles découlant de la Convention de Genève que pour renforcer l'efficacité du contrôle de l'immigration irrégulière ou clandestine.
Le dispositif qui sera mis en oeuvre par ordonnances - dispositif réglementaire d'abord, législatif ensuite - permettra de prendre en compte ces données.
En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, le territoire ne connaît pas beaucoup d'immigration clandestine, vous en conviendrez, puisque je crois savoir que seulement une cinquantaine d'étrangers y résident ; et je ne pense pas qu'il y ait de nombreux immigrants clandestins en dehors de ces cinquante personnes.
Je voudrais également apporter des précisions à MM. Hyest et Duffour concernant le statut de l'IEDOM.
Comme vous l'avez indiqué, messieurs les sénateurs, cette révision est rendue nécessaire sur le plan européen, puisque chaque Etat ne peut plus avoir qu'une banque centrale. Par conséquent, cette activité ne peut plus être exercée dans le cadre d'un établissement de crédit comme l'Agence française de développement, dont dépend aujourd'hui l'IEDOM.
Pour ce qui est du changement de statut, deux termes de l'alternative ont été examinées, dont, en premier lieu, l'idée d'une société anonyme, filiale de la Banque de France ; or cette hypothèse n'a pas été retenue, et ce à la demande des syndicats.
Reste maintenant la possibilité soit d'intégrer l'IEDOM à la Banque de France - ses agences devenant des succursales de la Banque de France, ce qui est souhaité par certains syndicats. Il faut rappeler que la Banque de France a son statut propre, qui peut être attractif ; cela étant, je crains que l'intégration dans cette structure ne pose des problèmes à un personnel de l'IEDOM qui est évidemment régi par une multiplicité de statuts. Cette solution ne me paraît pas, aujourd'hui, pouvoir être retenue.
Il est envisageable de ce fait que l'établissement public du type IEDOM soit maintenu, afin de tenir compte de la spécificité économique des départements d'outre-mer et des marchés qu'ils ont à traiter, notamment des missions d'études que l'IEDOM réalise chaque année.
Ses travaux sont importants, tant en volume que sur le fond. La commission des lois en est destinataire comme moi-même et nous savons qu'ils sont une source de renseignements considérable sur l'activité économique des départements d'outre-mer. Je dois dire qu'à ce jour c'est la solution de cet établissement public, placé sous le contrôle de la Banque de France, qui a la préférence du Gouvernement.
Si nous allons vers plus de responsabilité pour les départements d'outre-mer, il me semble que, sur le plan bancaire, sur le plan des marchés financiers, c'est la formule de l'établissement public lié à la Banque de France qui paraît la plus appropriée.
En toute hypothèse, je peux vous assurer que nos préoccupations visent au maintien d'un service public de qualité pour le développement économique des départements d'outre-mer et pour la sauvegarde des intérêts réels des agents.
Il y aura donc, évidemment, consultation des organisations professionnelles - cela existe depuis près d'un an déjà - mais aussi des collectivités concernées, puisque, je dois le dire, les projets d'ordonnance sont transmis à chaque département, à chaque collectivité concernés, pour délibération, et ce avant la publication des ordonnances.
Cette procédure de consultation est indispensable et vous serez bien évidemment saisis, messieurs les sénateurs des départements d'outre-mer, des textes prévoyant l'évolution de cette institution. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer dans les domaines suivants :
« 1° Statut des agences d'insertion dans les départements d'outre-mer ;
« 2° Statut et missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer ;
« 3° Contribution de l'Etat aux ressources des communes de la Polynésie française ;
« 4° Dispositions relatives au droit d'asile et à l'entrée et au séjour des étrangers en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte ;
« 5° Etat des personnes et régime de l'état civil à Mayotte ;
« 6° En matière de santé, conditions d'exercice des professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme dans les départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises ; organisation et fonctionnement d'une agence de santé aux îles Wallis et Futuna ; lutte contre les maladies mentales à Mayotte ; financement de l'établissement public de santé territorial de Mayotte ;
« 7° Juridictions ordinales des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ;
« 8° Droit du travail, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives à la médecine du travail ;
« 9° Dispositions relatives à la durée de la scolarité obligatoire aux îles Wallis et Futuna ;
« 10° Dispositions relatives à l'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles aux îles Wallis et Futuna ;
« 11° Adaptation pour les départements d'outre-mer de la législation relative aux transports intérieurs ;
« 12° Droit électoral. »
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles 2 à 4

M. le président. « Art. 2. _ Les projets d'ordonnance prévus à l'article 1er intéressant respectivement les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie, les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ou les départements d'outre-mer sont, selon les cas, soumis pour avis :
« _ aux assemblées des territoires d'outre-mer dans les conditions prévues à l'article 74 de la Constitution,
« _ au congrès de la Nouvelle-Calédonie dans les conditions prévues à l'article 90 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie,
« _ aux conseils généraux des collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, aux conseils généraux et régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion ; ces avis sont émis dans le délai d'un mois ; ce délai expiré, ils sont réputés avoir été donnés. » - (Adopté.)
« Art. 3. _ Les ordonnances prévues à l'article 1er devront être prises au plus tard le dernier jour du sixième mois commençant après la promulgation de la présente loi.
« Des projets de loi de ratification devront être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois commençant après la promulgation de la présente loi. » - (Adopté.)
« Art. 4. _ A l'article 2 de la loi n° 99-243 du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile, les mots : " applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte " sont remplacés par les mots : " applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ". » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Lise, pour explication de vote.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont été évoqués à l'appui du projet de loi d'habilitation que nous examinons. Ils justifient amplement la nécessité, pour le Gouvernement, de légiférer par ordonnances dans différents domaines où, manifestement, il y a urgence à apporter un certain nombre de solutions à des situations très particulières.
Vous me permettrez cependant d'insister plus précisément sur les ordonnances destinées aux départements d'outre-mer, mon collègue de Wallis-et-Futuna ayant déjà dit ce qu'il fallait sur les territoires d'outre-mer.
On pourrait s'interroger sur l'intérêt de ces ordonnances, dans la mesure où est actuellement en préparation un projet de loi d'orientation pour les départements d'outre-mer visant, notamment, dans le cadre d'une avancée de la décentralisation, à adapter un certain nombre de dispositifs législatifs à la situation particulière de ces départements.
Nous savons en réalité que ce projet de loi a peu de chances de pouvoir être débattu au Parlement avant la fin du premier semestre 2000.
Or, dans certains cas, il y a vraiment urgence à répondre à des situations spécifiques particulièrement difficiles.
Je voudrais tout spécialement insister sur trois d'entre elles.
Il s'agit, premièrement, de l'adaptation du statut des agences d'insertion, les ADI.
Le statut de ces agences a été modifié par l'adoption, ici même, d'un amendement que j'ai présenté dans le cadre de la loi relative à la lutte contre les exclusions.
Les agences sont devenues des établissements publics locaux à caractère administratif, ce qui devrait leur conférer un fonctionnement beaucoup plus souple, leur permettre de mieux prendre en compte les spécificités locales en matière d'insertion et, par conséquent, les rendre beaucoup plus efficaces.
Malheureusement, le décret d'application prévu n'a pu jusqu'ici voir le jour. Il est en effet apparu nécessaire d'y inclure des précisions qui dépasseraient le cadre d'un décret. C'est ainsi, notamment, que l'on s'est rendu compte que le préfet ne pouvait à la fois coprésider ces agences et assurer son rôle de commissaire du Gouvernement.
Il est apparu également indispensable de préciser le statut des personnels de ces agences, dont on comprend les inquiétudes et les revendications à cet égard.
Nous nous trouvons donc dans la situation suivante : depuis plus d'un an, les ADI fonctionnent sans cadre légal, avec toutes les conséquences que vous devinez aisément, notamment s'agissant du vote de leur budget.
Leur efficacité s'en trouve singulièrement réduite. Les fonds de roulement gonflent démesurément au détriment des actions à engager au profit des allocataires du RMI.
Le deuxième domaine sur lequel je souhaite insister concerne la réforme de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, organisme qui doit - M. le secrétaire d'Etat vient de le dire - s'adapter aux règles du système européen des banques centrales.
Il s'agit, là aussi, de préciser le futur statut du personnel, dont les représentants syndicaux sont en négociation depuis plusieurs mois avec le Gouvernement. Nous avons bien pris note de vos propos, monsieur le secrétaire d'Etat, et je pense que ces personnels, qui sont à l'heure actuelle très inquiets, seront déjà en partie rassurés.
Le troisième domaine, celui des transports intérieurs, me paraît encore plus important, notamment pour les deux départements des Antilles.
L'organisation d'un système moderne de transport public y est en effet rendue particulièrement difficile en l'état actuel de la législation. C'est tout particulièrement le cas en matière de transport interurbain, à cause du nombre élevé de transporteurs individuels - près de 900 en Martinique, et 700 en Guadeloupe - qui rend extrêmement difficile l'application de la loi Sapin.
Ainsi, en Martinique, depuis septembre 1996, et après un essai d'application de ladite loi, le conseil général n'a plus aucune base légale lui permettant d'exercer sa compétence d'autorité organisatrice.
Il s'agit donc d'une situation des plus préoccupantes, qui entraîne d'ailleurs des mouvements sociaux à répétition et assez graves, et qui appelle donc une solution d'urgence.
Compte tenu de tous ces éléments, ainsi que de ceux qui ont été développés par différents intervenants, notamment par notre excellent collègue Guy Allouche, le groupe socialiste et apparentés votera pour le projet de loi d'habilitation qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

10

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 11 octobre 1999, l'informant de l'adoption définitive des trois textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1211. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 13 septembre 1999).
N° E 1272. - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume du Népal sur le commerce de produits de textiles (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 13 septembre 1999).
N° E 1281. - Proposition de décision du Conseil approuvant le texte d'une 10e convention CE-UNRWA couvrant les années 1999-2001 préalablement à la signature de la convention par la Commission et l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 27 septembre 1999).

11

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1311 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil établissant certaines mesures de contrôle applicables dans la zone de la convention sur la future coopération multilatérale dans la pêche de l'Atlantique du Nord-Est.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1312 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil prorogeant la validité du règlement (CE) n° 443/97 relatif aux actions dans le domaine de l'aide aux populations déracinées dans les pays en développement d'Amérique latine et d'Asie.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1313 et dis-tribué.

12

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi de MM. Charles Descours, Louis Althapé, Pierre André, Roger Besse, Paul Blanc, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Jean Bernard, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Gérard César, Désiré Debavelaere, Jacques-Richard Delong, Robert Del Picchia, Michel Doublet, Alain Dufaut, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Bernard Fournier, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Robert Laufoaulu, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Paul Masson, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux, Henri de Richemont, Michel Rufin, Louis Souvet, René Trégouët, Alain Vasselle et Jacques Valade visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite (n° 187, 1998-1999) et la proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste visant à instituer des plans d'épargne retraite (n° 218, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 10 et distribué.

13

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 13 octobre 1999, à quinze heures et le soir :
1. Désignation des membres de la délégation parlementaire à l'aménagement et au développement durable du territoire.
2. Désignation des membres de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
3. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes du Sénat.
4. Discussion du projet de loi (n° 438, 1998-1999) portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.
Rapport (n° 4, 1999-2000) de M. Patrice Gélard au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
5. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 391, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Rapport (n° 1, 1999-2000) de M. Jean-Paul Amoudry au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
6. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 477, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
Rapport (n° 498, 1998-1999) de M. Serge Vinçon au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
7. Discussion du projet de loi (n° 293, 1998-1999) relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.
Rapport (n° 5, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

DÉLAIS LIMITES
POUR LES INSCRIPTIONS DE PAROLE
ET POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS

Conclusions (n° 8, 1999-2000) de la commission des affaires sociales sur :
- la proposition de loi visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite (n° 187, 1998-1999) ;
- et la proposition de loi visant à instituer des plans d'épargne retraite (n° 218, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 octobre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 octobre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 255, 1998-1999) ;
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 256, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 18 octobre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi : lundi 18 octobre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (n° 470, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 octobre 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 19 octobre 1999, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATIONS DE MEMBRE
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mardi 12 octobre 1999, le Sénat a nommé :
M. Charles de Cuttoli, membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Bernard Murat, démissionnaire ;
M. Bernard Murat, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel et d'administration générale, en remplacement de M. Charles de Cuttoli, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 12 octobre 1999


SCRUTIN (n° 6)



sur l'article 1er du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie (définition du corps électoral pour les élections aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie).

Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 306
Contre : 7

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :

Pour : 84.
Contre : 7. - MM. Dominique Braye, Emmanuel Hamel, Edmond Lauret, Simon Loueckhote, Paul Masson, Paul d'Ornano et Charles Pasqua.

Abstention : 1. - M. Jean Chérioux.
N'ont pas pris part au vote : 6. - MM. Christian Poncelet, président du Sénat, Jacques Valade, qui présidait la séance. MM. Charles de Cuttoli, Adrien Gouteyron, Gérard Larcher et Joseph Ostermann.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Pour : 6.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Ont voté contre


MM. Dominique Braye, Emmanuel Hamel, Edmond Lauret, Simon Loueckhote, Paul Masson, Paul d'Ornano et Charles Pasqua.

Abstention


M. Jean Chérioux.

N'ont pas pris part au vote


MM. Charles de Cuttoli, Adrien Gouteyron, Gérard Larcher et Joseph Ostermann.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 314
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour l'adoption : 307
Contre : 7

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 7)



sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 309
Contre : 3

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :

Pour : 87.
Contre : 3. _ MM. Emmanuel Hamel, Edmond Lauret et Paul Masson.
Abstentions : 2. _ MM. Jean Chérioux et Simon Loueckhote.
N'ont pas pris part au vote : 6. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, Jacques Valade, qui présidait la séance. MM. Charles de Cuttoli, Philippe de Gaulle, Paul d'Ornano et Charles Pasqua.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 47.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Pour : 6.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Ont voté contre


MM. Emmanuel Hamel, Edmond Lauret et Paul Masson.

Abstentions


MM. Jean Chérioux et Simon Loueckhote.

N'ont pas pris part au vote


MM. Charles de Cuttoli, Philippe de Gaulle, Paul d'Ornano et Charles Pasqua.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 313
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour l'adoption : 310
Contre : 3

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.