Séance du 28 janvier 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Jean-Marie Rausch, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Philippe Nachbar, Jean-Luc Bécart, Mme Gisèle Printz, MM. Jean-Paul Delevoye, Daniel Percheron.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
M. le rapporteur.

Suspension et reprise de la séance (p. 2 )

Article additionnel avant l'article 1er (p. 3 )

Amendement n° 6 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 1er (p. 4 )

Amendement n° 7 du Gouvernement et sous-amendement n° 28 de la commission ; amendement n° 1 de M. Bécart. - MM. le secrétaire d'Etat, Jean-Luc Bécart, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement n° 28 et de l'amendement n° 7 modifié rédigeant l'article, l'amendement n° 1 devenant sans objet.

Article 2 (p. 5 )

Amendements n°s 8, 26 du Gouvernement et sous-amendement n° 27 de la commission. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 8 ; adoption du sous-amendement n° 27 et de l'amendement n° 26 modifié rédigeant l'article.

Article 3 (p. 6 )

Amendement n° 9 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Yann Gaillard, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité de l'article, l'amendement devenant sans objet.

Article 4 (p. 7 )

Amendements n°s 10 du Gouvernement et 2 de M. Bécart. - MM. le secrétaire d'Etat, Jean-Luc Bécart, le rapporteur. - Adoption de l'amendement n° 10 supprimant l'article, l'amendement n° 2 devenant sans objet.

Article 5 (p. 8 )

Amendements n°s 11 du Gouvernement, 3 et 4 de M. Bécart. - MM. le secrétaire d'Etat, Jean-Luc Bécart, le rapporteur. - Rejet des amendements n°s 11 et 4 ; adoption de l'amendement n° 3.
Adoption de l'article modifié.

Article 6 (p. 9 )

Amendement n° 12 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 7 (p. 10 )

Amendement n° 13 du Gouvernement. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article.

Article 8 (p. 11 )

Amendement n° 14 du Gouvernement. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article.

Article 9 (p. 12 )

Amendement n° 15 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 9 (p. 13 )

Amendement n° 5 de M. Bécart. - MM. Jean-Luc Bécart, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Articles additionnels avant l'article 10 (p. 14 )

Amendement n° 16 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 17 du Gouvernement et sous-amendements n°s 22, 23, 29 et 24 de la commission. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Retrait des sous-amendements n°s 22 et 24 ; adoption des sous-amendements n°s 23, 29 et de l'amendement n° 17 modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 18 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 19 du Gouvernement et sous-amendement n° 25 de la commission. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 20 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 10 (p. 15 )

Amendement n° 21 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Intitulé (p. 16 )

Seconde délibération (p. 17 )

Demande de seconde délibération de l'article 6. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur.

Suspension et reprise de la séance (p. 18 )

MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de la demande de seconde délibération.

Article 6 (p. 19 )

Amendement n° A-1 du Gouvernement. - M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Vote sur l'ensemble (p. 20 )

MM. Claude Huriet, Jean-Louis Lorrain, Daniel Percheron.
Adoption de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 21 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

3. Redéploiement des forces de sécurité. - Discussion d'une question orale avec débat (p. 22 ).
MM. Paul Masson, auteur de la question ; François Trucy.

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Géorgie (p. 23 ).

5. Redéploiement des forces de sécurité. - Suite de la discussion d'une question orale avec débat (p. 24 ).
M. Jean-Patrick Courtois.

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

MM. Gérard Le Cam, André Rouvière, Jean-Jacques Hyest, Hubert Haenel, Christian Demuynck, Jean-Jacques Robert.
M. Alain Richard, ministre de la défense.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

M. Paul Masson.
Clôture du débat.

6. Prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p. 25 ).
Discussion générale : MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; Guy Fischer, Dominique Leclerc, Roger Lagorsse.
MM. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; le rapporteur, le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er. - Adoption (p. 26 )

Article 2 (p. 27 )

MM. le secrétaire d'Etat, le président de la commission.
Adoption de l'article.

Article 3 (p. 28 )

MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 4 (p. 29 )

MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur, Guy Fischer.
Adoption de l'article.

Article 5 (p. 30 )

M. le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Article 6. - Adoption (p. 31 )

Article 7 (p. 32 )

M. le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Intitulé (p. 33 )

Vote sur l'ensemble (p. 34 )

MM. Michel Caldaguès, Guy Fischer.
Adoption de la proposition de loi.
M. le secrétaire d'Etat.

7. Dépôt de projets de loi (p. 35 ).

8. Dépôt d'une proposition de loi (p. 36 ).

9. Dépôt d'un rapport (p. 37 ).

10. Ordre du jour (p. 38 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ? ...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

RESPONSABILITÉ
EN MATIÈRE DE DOMMAGES CONSÉCUTIFS
À L'EXPLOITATION MINIÈRE

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 502, 1997-1998) de M. Jean-Marie Rausch, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur :
- la proposition de loi (n° 220, 1996-1997) de M. Jean-Luc Bécart, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, M. Claude Billard, Mmes Nicole Borvo, Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar, tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de dommages liés à leur acitivité minière ;
- la proposition de loi (n° 298 rectifiée, 1996-1997) de MM. Claude Huriet, Jacques Baudot, Jean Bernadaux, Philippe Nachbar, Jean-Paul Amoudry, Alphonse Arzel, Bernard Barraux, François Blaizot, André Bohl, Marcel Deneux, Georges Dessaigne, André Dulait, Jean Faure, Francis Grignon, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, René Marquès, François Mathieu, Louis Moinard, Jean Pourchet, Philippe Richert et Michel Souplet, complétant le code minier ;
- la proposition de loi (n° 229, 1997-1998) de Mme Gisèle Printz, M. Roger Hesling, Mme Dinah Derycke, MM. Guy Allouche, Pierre Mauroy, Paul Raoult, Léon Fatous, Roland Huguet, Daniel Percheron, Michel Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation ;
- la proposition de loi (n° 235 rectifié, 1997-1998) de Mme Gisèle Printz, M. Roger Hesling, Mme Dinah Derycke, MM. Guy Allouche, Pierre Mauroy, Paul Raoult, Léon Fatous, Roland Huguet, Daniel Percheron, Michel Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation minière ;
- la proposition de loi (n° 247, 1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar, Jacques Baudot, Jean Bernadaux, André Diligent, Daniel Eckenspieller, Alfred Foy, Hubert Haenel, Rémi Herment, Claude Huriet, Roger Husson, Jacques Legendre, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Rausch, Michel Rufin, Maurice Schumann et Alex Türk, relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière ;
- la proposition de loi (n° 248, 1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar, Jacques Baudot, Jean Bernadaux, André Diligent, Daniel Eckenspieller, Alfred Foy, Hubert Haenel, Rémi Herment, Claude Huriet, Roger Husson, Jacques Legendre, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Rausch, Michel Rufin, Maurice Schumann et Alex Türk, relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, l'histoire minière de notre pays explique que ses ingénieurs et ses juristes se soient, jusqu'à une période relativement récente, plus intéressés aux conditions de l'exploitation des mines qu'aux risques consécutifs à leur abandon.
La fermeture programmée de la plupart d'entre elles a changé la donne. Le législateur a, en 1994, modifié le code minier afin qu'il en soit tenu compte à l'avenir. Les affaissements miniers qui ont touché les communes d'Auboué et de Moutiers, en Lorraine, en 1996 et 1997, ont cependant mis en lumière la nécessité de trouver une solution satisfaisante, d'une part, en matière de responsabilité de l'exploitant - et cela quelle que soit la date des contrats de mutation conclus pour la vente de son parc immobilier - d'autre part, dans le domaine de la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.
La crainte de la population et des élus des régions concernées de connaître le même type de désastre a incité de nombreux sénateurs de l'est et du nord de la France, qui appartiennent tant à la majorité qu'à l'opposition sénatoriale, à déposer des propositions de loi tendant à apporter des solutions de nature à rassurer nos concitoyens sur ces deux points.
Certes, le Gouvernement avait déclaré qu'il proposerait rapidement des mesures en la matière.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez d'ailleurs annoncé, à l'occasion d'une communication du 28 janvier 1998, votre souhait d'étudier et de mettre en place un mécanisme d'indemnisation ainsi que d'élaborer un projet de loi réformant le code minier afin de mieux prendre en compte les conséquences de la gestion de la fermeture d'une mine.
Or, que constate-t-on ? Ce n'est qu'un an plus tard, presque jour pour jour, que le Gouvernement a déposé un texte à l'Assemblée nationale pour réformer le code minier.
Il est vraisemblable que l'adoption, par la commission des affaires économiques, des propositions de loi, le 17 juin dernier, puis la décision des groupes politiques de la majorité sénatoriale d'inscrire - à l'initiative de la commission des affaires économiques - ces propositions lors d'une séance réservée à l'ordre du jour du Sénat par le troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution n'auront pas été sans influence sur cette décision !
L'honneur est sauf et l'effet d'annonce ménagé, mais qu'en est-il du résultat escompté ?
Eu égard à l'ordre du jour très chargé de cette session parlementaire, il y a fort à parier que le Gouvernement n'envisage pas d'inscrire ce texte avant, au mieux, la fin de l'année 1999 ou, plus probablement, l'an 2000.
Pendant ce temps, après les communes d'Auboué et de Moutiers, ce sont celles de Montois-la-Montagne et de Moyeuvre-Grande qui sont, en ce moment même, touchées par des effondrements de terrain, suscitant l'inquiétude de la population et des élus.
Ces victimes, monsieur le secrétaire d'Etat, ont du mal à comprendre qu'il faille un an au Gouvernement pour préparer un projet de loi, alors que les propositions de loi sénatoriales ont d'ores et déjà été adoptées par la commission des affaires économiques.
Je me félicite de voir la Haute Assemblée se saisir de ce problème. Il faut apporter une solution satisfaisante aux populations et aux élus des régions minières qui ont sombré dans la crainte de connaître de nouveaux désastres.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous rappelle que le 17 juin 1998, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté les dispositifs contenus dans les propositions de loi soumises à son examen, qui portent à la fois sur la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et sur la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.
Le déclin de l'activité minière en France métropolitaine entraîne la fermeture de nombreuses mines. Cette fermeture soulève des difficultés techniques et environnementales majeures. Elle pose également des problèmes juridiques d'importance.
En effet, les conséquences de l'activité minière ne s'arrêtent pas au jour de la renonciation par l'exploitant à sa concession. S'impose alors la nécessité de régler le problème d'éventuelles nuisances postérieures à la fin de l'exploitation, auquel le droit en vigueur n'apporte que des réponses imparfaites.
On le sait, pour des raisons qui sont à la fois économiques et liées à l'état des ressources naturelles de notre sous-sol, l'exploitation en France de certaines substances minières est vouée à disparaître dans les années à venir, ce qui pose notamment le problème des affaissements miniers.
Deux régions concentrent l'essentiel des bassins miniers : l'est et le nord de la France.
L'arrêt de l'exploitation dans les bassins miniers a certaines implications en termes de surveillance et de prévention des risques ; la question de la gestion des eaux et celle des affaissements de terrains à l'aplomb de certaines anciennes mines souterraines doivent en particulier être réglées.
Les propositions de loi qui font l'objet de cette discussion concernent ce second point. Il s'agit d'un problème bien réel dans la mesure où, avec la fermeture des bassins, c'est la capacité d'intervention opérationnelle de l'exploitant qui a également vocation à disparaître.
Le risque d'affaissement, de même que les problèmes de dédommagement qui y sont liés, dépend, certes, du type d'exploitation, mais il apparaît de plus en plus aigu. Il est d'ailleurs perçu comme tel par la population concernée.
Dans les zones d'extraction du charbon, les affaissements sont progressifs et homogènes. Ils se stabilisent rapidement après achèvement de l'exploitation : l'essentiel des mouvement - 90 % - se produit pendant la première année et il n'est plus observé d'affaissements significatifs au-delà de dix-huit mois.
Les désordres engendrés par les anciennes exploitations des mines de fer en Lorraine sont tout à fait différents.
Après quelques années, en raison de leur dimension insuffisante ou sous l'effet du veillissement - aggravé par la remontée des eaux dans les travaux - les piliers peuvent se fragiliser et se disloquer. Le poids des terrains sus-jacents se réparti sur les piliers avoisinants, ce qui peut conduire à un phénomène de destruction de piliers en cascade. Comme cette exploitation est très proche de la surface - cent à deux cents mètres - l'affaissement se répercute brutalement à la surface, mais à un moment qu'il paraît impossible de préciser.
La perception du risque s'est trouvée naturellement amplifiée par les incidents d'Auboué et de Moutiers.
Le 15 octobre 1996, à Auboué, une petite commune située à une dizaine de kilomètres au nord-est de Metz, les murs de plusieurs maisons se lézardent, des chaussées se déforment, s'affaissent par endroits sur une hauteur d'un à deux mètres, des canalisations d'eau et de gaz se rompent. Le 18 novembre, des dégâts similaires ont lieu. Six mois plus tard, le 15 mai 1997, c'est au tour des habitants de Moutiers, une commune voisine, de voir des fissures apparaître sur les murs de leurs maisons. Cent quatre-vingt-dix logements ont ainsi été touchés. Plus récemment encore, ce sont les communes de Montois-la-Montagne et de Moyeuvre-Grande qui ont souffert.
Voilà vingt ans que de tels incidents ne s'étaient pas produits dans la région.
Tant que les mines étaient exploitées, les habitants avaient conscience d'un risque qui s'inscrivait parmi les aléas inéluctables résultant d'une activité à laquelle ils avaient bien souvent participé. Présents, les exploitants assuraient et prenaient en charge plus facilement le risque lié au comportement du sol.
Avec la disparition des sociétés minières du paysage économique de la région et l'évolution de la population, la mémoire du risque s'est progressivement estompée.
L'inquiétude s'est trouvée amplifiée par le fait que l'indemnisation des populations touchées s'est heurtée à des problèmes juridiques et a nécessité un effort de solidarité nationale.
En outre, ces incidents ont accru la conscience de ce que la gestion des risques de l'« après-mine » avait sans doute été quelque peu négligée au moment où l'activité minière battait son plein.
Ce n'est qu'après ces événements que des structures ad hoc ont été mises en place dans le Nord - Pas-de-Calais et en Lorraine : conférence permanente et conseil scientifique.
Enfin, ces phénomènes ont contribué à mettre en lumière l'insuffisance des moyens de prévention des risques miniers à la fin de l'exploitation.
La validité du principe de la responsabilité de l'exploitant à raison des dégâts que ses travaux souterrains peuvent entraîner à la surface ne fait aucun doute.
Cependant, les exploitants ont pu se libérer de cette responsabilité en incluant des clauses d'exonération dans les contrats de vente concernant leur patrimoine immobilier.
Dans les cas d'Auboué et de Moutiers, l'ampleur des dégâts était telle qu'il a dû être fait appel, en outre, à la solidarité nationale. Mais on peut s'interroger sur le point de savoir s'il est souhaitable de généraliser ce type de solution.
Le code minier, dans son article 75-1, dispose que l'exploitant minier encourt, de plein droit, une responsabilité délictuelle pour les dommages résultant de son activité. Compte tenu de cette disposition particulière, le code des assurances ne s'applique pas aux affaissements miniers et les sinistres liés à un affaissement minier ne sont pas garantis par les compagnies d'assurance.
Les dommages immobiliers subis du fait d'une exploitation minière doivent, par conséquent, être indemnisés selon le régime de réparation relevant des règles communes aux responsabilités délictuelles fixées par les articles 1382 à 1386 du code civil.
Cependant, l'application des règles ordinaires de responsabilité, sur la base de l'article 1382 du code civil, aurait conduit à des résultats inéquitables pour le propriétaire du sol, qui n'aurait pu obtenir réparation qu'en prouvant une faute à la charge de l'exploitant, preuve pratiquement impossible à rapporter puisque, dans la plupart des cas, l'exploitant ne commet aucune faute, les affaissements apparaissant comme la conséquence inéluctable de l'exploitation du sous-sol.
Aussi, dès 1842, la jurisprudence a-t-elle posé le principe selon lequel le seul fait du dommage entraînerait pour l'exploitant l'obligation de réparer. Ce principe a été consacré sans interruption, quelle qu'ait été la base juridique invoquée.
La jurisprudence, en son état actuel, se fonde sur la responsabilité générale du fait des choses inanimées, fixée par l'article 1384 du code civil. L'exploitant est donc responsable des dommages causés par la mine alors même qu'aucune faute n'a été prouvée contre lui, et il ne peut s'en exonérer qu'en prouvant la force majeure, la faute de la victime ou d'un tiers. Il s'agit d'une responsabilité objective.
Cependant, dans le but de dégager leur responsabilité, les compagnies minières ont inséré dans les actes de vente de leur ancien patrimoine immobilier une clause les exonérant des conséquences de leur exploitation, appelée « clause minière ». Il est vrai que le prix de vente des biens en tenait généralement compte.
La Cour de cassation, par un arrêt du 4 novembre 1987, a considéré qu'une telle clause d'exonération était valable dès lors qu'elle n'était pas insérée de mauvaise foi par la compagnie minière dans les actes de vente.
Selon la Cour de cassation, la mauvaise foi n'est établie que si le concessionnaire minier connaissait, au moment de la vente, le caractère inéluctable des effondrements futurs. Elle ne résulte pas de la simple connaissance du risque de mouvements du sol inhérents à toute activité minière.
D'après cette jurisprudence, les personnes confrontées aux conséquences d'affaissements ne peuvent être indemnisées par la voie judiciaire.
Prenant en compte ce problème, le législateur a prévu, dans l'article 17 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail, qu'une telle clause serait frappée de nullité d'ordre public dès lors qu'elle figurerait dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou avec une personne physique non professionnelle. Cette disposition ne vaut cependant que pour l'avenir, c'est-à-dire pour les actes de vente postérieurs au 15 juillet 1994.
Eu égard à la situation brutale et dramatique qu'ont dû affronter les habitants de ces deux communes à la fin de 1996 et en 1997, une solution spécifique a été retenue pour permettre leur indemnisation. Ainsi, des accords amiables ont été signés entre l'Etat, les mines, la compagnie d'assurances de ces dernières, à savoir l'UAP, et les sinistrés, s'agissant à la fois des biens immobiliers dont la vente avait fait l'objet d'une clause minière et de ceux qui en étaient exempts.
D'après les informations qui m'ont été fournies, l'indemnisation des particuliers et des communes porterait sur une somme totale d'environ 200 millions de francs. Les protocoles, fondés sur le droit commun, ont retenu la même base d'indemnisation pour l'ensemble des sinistrés, qu'ils aient ou non signé des contrats assortis d'une clause minière. Dans les cas où les maisons devaient être démolies, la méthode d'évaluation de la valeur du bâtiment retenue a permis une indemnisation assez généreuse.
Faut-il tendre à généraliser ce type de protocoles, comme semblerait l'envisager le Gouvernement ? Telle n'est pas la solution préconisée par les auteurs des propositions de loi soumises à l'examen de la Haute Assemblée.
En effet, ces dernières portent sur deux sujets qui, bien que distincts, n'en sont pas moins liés, à savoir la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'activité minière, que visent les propositions n° 220 de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues, n° 298 rectifié de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues, n° 235 rectifié de Mme Gisèle Printz et plusieurs de ses collègues et n° 247, dont les premiers signataires sont MM. Jean-Paul Delevoye et Philippe Nachbar, et la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation, qui fait l'objet des propositions de loi n° 229 de Mme Gisèle Printz et plusieurs de ses collègues et n° 248 de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar et plusieurs de leurs collègues.
Les quatre premières propositions de loi visent d'une part à annuler rétroactivement les clauses des contrats de mutation immobilière exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière, et d'autre part à prévoir l'indemnisation intégrale des dommages immobiliers consécutifs à l'exploitation.
Les deux dernières propositions de loi tendent quant à elles à créer une agence de prévention et de surveillance des risques miniers chargée de recueillir les données techniques permettant d'intervenir en cas de survenance d'un risque minier et de préparer les mesures de prévention et les plans de protection nécessaires en cas de sinistre. Par ailleurs, elles imposent à l'exploitant d'établir un bilan à propos des risques d'affaissement des terrains de surface. Enfin, elles prévoient la possibilité de réactiver, si nécessaire, le régime de la police des mines pendant une période de cinquante ans après l'expiration du titre minier.
Les différentes propositions de loi portant sur les deux sujets exposés ci-dessus étant extrêmement proches, la commission des affaires économiques a décidé d'adopter les deux plus récentes, c'est-à-dire les propositions de loi n°s 247 et 248 présentées par MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar et plusieurs de leurs collègues.
Cependant, aucune des propositions de loi évoquées n'ayant pris en compte les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les commerçants, les artisans et les professions libérales en cas d'affaissement minier, la commission a adopté un article tendant à appliquer à ceux-ci les règles d'indemnisation prévues en cas d'expropriation.
Tel est le dispositif que je vous propose de voter aujourd'hui, mes chers collègues. Il me semble de nature à résoudre partiellement les problèmes posés par les risques résultant de l'abandon de l'exploitation minière. Je crois que les mesures que nous adopterons répondront aux légitimes préoccupations des populations et des élus des régions minières. Elles démontrent la ferme volonté du Sénat de se donner les moyens de faire face à l'urgence.
Cela étant, le Gouvernement a déposé un certain nombre d'amendements sur les conclusions de la commission. A quelques exceptions près, nous ne pouvons y souscrire, puisqu'ils reprennent, en réalité, l'essentiel, sinon l'intégralité, du texte déposé à l'Assemblée nationale. Or ce projet de loi, et par conséquent les amendements du Gouvernement, sont beaucoup moins favorables que le texte du Sénat en matière d'indemnisation.
Je ne méconnais pas le risque de voir le Gouvernement invoquer l'article 40 de la Constitution à l'encontre de notre dispositif. Ce faisant, il assumerait une lourde responsabilité, puisqu'il prolongerait encore un peu plus l'attente des victimes d'affaissements miniers, qui ont fait publiquement connaître leur accord avec les propositions sénatoriales. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de saluer très sincèrement l'initiative que vous avez prise d'inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat l'examen de propositions de loi relatives au traitement des questions liées à la cessation de l'exploitation minière.
Ce problème impose en effet que l'on prenne des mesures législatives urgentes pour corriger et compléter le dispositif juridique prévu par le code minier, qui n'avait pas correctement pris en compte toutes les conséquences entraînées par la fermeture des mines.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il existe trois points clés, à savoir la reconnaissance de l'existence des séquelles minières après la cessation de l'exploitation, l'affirmation et la définition claire de la responsabilité de l'ancien exploitant et l'indemnisation des victimes.
Notre code minier avait été rédigé en vue d'accompagner l'essor de l'exploitation des mines et d'en définir les conditions. Cela était naturel, car l'exploitation minière était, à l'époque, l'un des principaux piliers de notre développement industriel et économique.
Aujourd'hui, la situation est naturellement tout autre : les grands bassins miniers ont été fermés ou sont voués à l'être, qu'il s'agisse de l'exploitation du charbon, du fer ou de la potasse, pour ne citer que quelques-unes de nos ressources minérales. Cette fermeture pose des problèmes humains, techniques et juridiques qui n'ont pas reçu de réponse satisfaisante à ce jour.
Chacun des groupes de la Haute Assemblée les a parfaitement analysés et a révélé leur caractère d'urgence en déposant des propositions de loi. Nous devons en effet définir le cadre technique, juridique et administratif dans lequel seront assumées, après la fin de l'exploitation, pour des périodes qui peuvent être très longues et même n'avoir pas de terme prévisible, les responsabilités suivantes : la surveillance et la prévention des risques, en particulier des risques d'affaissements miniers, la gestion des eaux après la fin de l'exploitation et, enfin, le très lancinant problème du dédommagement des dégâts causés par les séquelles minières.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'urgence est grande et c'est donc aujourd'hui que doit être organisé l'« après-mine ». En effet, les accidents qui se sont récemment produits - à Auboué, à Moutiers, plus récemment encore à Moyeuvre-Grande - ont révélé de manière dramatique les insuffisances du dispositif actuel.
La détresse et le désarroi des sinistrés, auxquels j'ai été confronté lors de ma prise de fonctions au secrétariat d'Etat à l'industrie, ont renforcé ma conviction que l'indemnisation des victimes devait, dans tous les cas, être assurée. Ce principe doit être inscrit dans notre droit, et c'est une obligation de solidarité à laquelle j'ai décidé de faire face dès le mois de juillet 1997 en mobilisant des crédits importants, alors que rien n'avait été fait dans le passé. Par ailleurs, pour ne prendre qu'un exemple, celui d'Auboué, chacun sait quels étaient le prix d'achat des immeubles, d'une part, et le montant de l'indemnisation moyenne obtenue par leurs propriétaires, d'autre part.
C'est donc avec beaucoup de satisfaction que j'ai vu les parlementaires travailler sur ce sujet de manière très approfondie. Parallèlement, et dès ma prise de fonctions, j'ai demandé à mon administration de se pencher sur cette question, ce qu'elle a fait avec beaucoup de sérieux. Ainsi, j'ai confié à M. Dominique Petit, ingénieur général des mines, le soin de procéder à une analyse détaillée de la situation. Me fondant sur les conclusions qu'il m'a remises je réponds ici au souci exprimé par M. le rapporteur - j'ai présenté avec diligence une première communication en conseil des ministres voilà exactement un an, le 28 janvier 1998.
Les directions de mon ministère ont ensuite rédigé un projet de loi qui a été examiné, comme il est normal en la matière, par le conseil général des mines, avant de faire l'objet de discussions interministérielles. Cela prend en effet du temps, monsieur le rapporteur, mais je suis conscient de la nécessité de traiter rapidement la situation. Le Conseil d'Etat a enfin examiné le pojet de loi visant à modifier le code minier voilà quelques semaines, et le conseil des ministres l'a finalement adopté sans retard, le 20 janvier dernier.
Je sais que ces délais peuvent paraître longs, hélas, à ceux qui sont confrontés sur le terrain à des difficultés humaines et sociales, et je comprends leur impatience. Soyez cependant assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce temps aura été bien utilisé, et que, sur un sujet aussi complexe que le droit minier, il n'était pas possible de se dispenser des différentes étapes de la validation de nos travaux et de l'élaboration de notre texte.
Le projet de loi ayant été adopté en conseil des ministres, le moment me paraît particulièrement bien choisi pour débattre ici des conséquences de la cessation de l'exploitation minière. Une fois encore, je veux publiquement remercier le Sénat de son travail et de ses initiatives. J'ai étudié avec beaucoup de soin et d'intérêt vos propositions de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que le rapport de la commission des affaires économiques et du Plan. J'approuve vos initiatives, et j'affirme avec force que je fais miennes, pour l'essentiel, vos analyses.
Toutefois, je ne pourrai accepter, dans leur rédaction actuelle - ces termes ont leur importance - un certain nombre de vos propositions. En effet, elles remettraient en cause, si elles étaient adoptées en l'état, certains principes de notre droit, et elles seraient source d'insécurité juridique, y compris, paradoxalement, pour les sinistrés. Ce n'est pas, j'en suis certain, ce que recherche le Sénat.
Dans le cas, que je crois d'ailleurs improbable, où nous ne parviendrions pas à élaborer une rédaction équilibrée traduisant l'accord sur le fond qui existe entre nous, je serais même conduit, lors de l'examen de certaines des dispositions qui créent des charges financières nouvelles pour l'Etat, à invoquer l'article 40 de la Constitution, non que je tienne à porter ainsi la responsabilité du rejet de telle ou telle mesure, mais parce qu'il est de notre responsabilité - et c'est aussi pour nous tous un motif de fierté - de veiller à la constitutionnalité du texte qui résultera de nos travaux communs.
Toutefois, partageant avec vous la conviction qu'il y a urgence à légiférer, j'ai à coeur d'aborder ce débat de manière constructive, en tentant d'apporter des solutions concrètes, en particulier aux sinistrés. Aussi, je vous proposerai un certain nombre d'amendements qui, s'ils trouvaient votre soutien, puis celui de l'Assemblée nationale, permettraient d'aboutir rapidement à la promulgation d'une loi définitive ; c'est, je pense, notre objectif commun. Cette loi permettrait à tous nos concitoyens, souvent aux plus démunis d'entre eux, de bénéficier d'un système d'indemnisation rapide, et vous savez - le nombre de personnes présentes dans les tribunes en témoigne certainement - combien l'urgence est grande, notamment à Moyeuvre-Grande.
Le dispositif que le Gouvernement propose et que je vous exposerai en détail lors de la discussion des articles répond aux préoccupations que vous avez soulevées. Je les résume brièvement.
Il s'agit, d'abord, naturellement, de la garantie d'une indemnisation de l'ensemble des victimes touchées par un affaissement minier, y compris - et là est l'innovation essentielle - pour celles qui sont liées par la clause minière d'exonération de responsabilité de l'ancien exploitant.
Il s'agit, ensuite, de la définition d'une nouvelle procédure de fermeture des mines, qui renforce les contraintes pesant sur l'exploitant, qui reconnaît et qui traite la réalité des séquelles minières.
Il s'agit, enfin, de l'instauration d'un dispositif de surveillance des risques résiduels de l'activité minière par l'Etat.
Je peux vous assurer, ici, que c'est dans un souci de sécurité et de sérieux juridiques que le Gouvernement est amené à amender la rédaction de votre proposition de loi. En effet, l'impact juridique de certaines des formules que vous avez employées dans votre texte est, selon moi, de nature à remettre en cause une part déterminante de la jurisprudence civile sur l'indemnisation. Cela ne saurait être acceptable pour les juristes de qualité que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs.
De même, l'annulation rétroactive des clauses minières constituerait une annulation a posteriori d'une clause essentielle d'un contrat. Nous ne pouvons nous engager dans cette voie. Pis encore, elle serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat du fait des lois. Elle pourrait donner lieu à des recours des exploitants miniers demandant au juge l'annulation des ventes immobilières déjà réalisées.
Prenons garde de ne pas conduire un certain nombre de propriétaires dans une impasse juridique, terrible sur le plan du contentieux, que de telles dispositions feraient naître. Au lieu d'aider nos concitoyens, comme nous en avons tous le souci ici aujourd'hui, nous les confronterions à une nouvelle détresse. Je crois sincèrement que nous aurions tort de nous priver des conseils et des recommandations du Conseil d'Etat à cet égard.
Le dispositif que le Gouvernement vous propose est, de plus, immédiatement opérationnel. Nous avons le même souci, me semble-t-il, d'être rapidement opérationnels vis-à-vis de ces personnes, de ces familles, de ces communes, qui, ne l'oublions pas, sont parmi les plus pauvres de France. J'ai mené des discussions approfondies avec tous les intervenants et en particulier avec les compagnies d'assurances. Je puis vous assurer que, dès son adoption, le texte sera complété par une convention avec les assureurs pour obtenir une indemnisation rapide et professionnelle. Il présente le très grand avantage de répondre rapidement à l'urgence qui s'impose à nous tous, et de manière très innovante.
Cette proposition s'inspire du caractère consensuel de la démarche qui est la vôtre. Au-delà d'appréciations politiques qui peuvent être différentes, vous avez su vous réunir dans l'intérêt des populations concernées pour élaborer un texte regroupant les propositions de loi déposées par tous les groupes de votre assemblée.
Sans votre travail, sans votre initiative d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de la présente séance, nous n'aurions pas l'opportunité parlementaire d'apporter une réponse concrète et rapide à de graves problèmes humains.
Je veux, à mon tour, au nom du Gouvernement, me joindre à votre démarche, en cohérence avec les orientations du projet de loi dont je viens de vous décrire les termes essentiels, et vous indiquer que les amendements que je vous propose visent à conforter cet esprit de consensus.
Vous avez su oublier vos préférences partisanes. Pour ma part, je suis prêt à abandonner la prééminence du projet de loi pour amender, dans un esprit positif, votre proposition de loi. En effet, ni vous ni moi ne cherchons la moindre vanité d'auteur ou un quelconque avantage politique. Nous voulons seulement servir. Nous souhaitons résoudre un problème juridique complexe. Notre objectif est de préserver les populations, les villages, les communes, les habitants, les propriétaires, les locataires des conséquences humaines parfois déchirantes qui découlent des affaissements miniers. Nous visons à remplir notre rôle social et humain. Les personnes concernées par les séquelles de l'activité minière sont souvent d'origine très modeste. Elles ne comprendraient pas que, collectivement, nous ne soyons pas capables de progresser aujourd'hui. Nous avons la possibilité, à la fin de cette matinée, de parvenir à un bon texte. Ne décevons pas celles et ceux qui l'attendent depuis si longtemps. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, derrière l'abstraction du droit se profile la réalité des situations humaines et, reprenant ce que M. le rapporteur et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez souligné tout à l'heure, je tiens à dire combien l'initiative prise par la Haute Assemblée était attendue tant par la population que par les élus des communes concernées. Derrière la technicité des textes, se profile le drame de ces régions qui, des décennies durant, ont toujours vécu autour de leur mine et qui, aujourd'hui, après avoir perdu ce qui faisait leur richesse, sont confrontées aux lourdes conséquences résultant de l'arrêt de l'activité minière.
Octobre 1996, cent cinquante familles sinistrées à Auboué ; mai 1997, cent familles sinistrées à Moutiers ; janvier 1999, quarante-trois familles sinistrées à Moyeuvre-Grande. La plupart de ces familles ont dû évacuer en quelques jours, sinon en quelques heures - je pense à Auboué - la maison où elles avaient espéré accomplir leur vie.
A l'angoisse des habitants s'ajoute celle des élus de ces communes, qui doivent faire face quotidiennement au drame vécu par leurs administrés. Il convient ici, au Sénat - nous savons la place qu'il attache au rôle joué par les collectivités locales au sein de la société française - de rendre hommage à ces élus qui n'ont ménagé ni leur peine ni leur temps pour le service de leurs concitoyens et qui voient de plus en plus compromis sinon anéantis les projets de développement qu'ils avaient formés pour leur collectivité respective.
Cette inquiétude est d'autant plus grande qu'il ne s'agit pas d'incidents isolés comme ceux que nous avons vécus pendant un certain nombre d'années alors que les mines étaient en activité. En effet, les événements d'Auboué et de Moutiers se sont reproduits ailleurs. Ils sont, à l'évidence, les signes précurseurs d'événements aussi graves, sinon plus, l'urbanisation de certaines des villes situées en zone de risque majeur s'étant faite autour d'immeubles de plusieurs étages, et pas seulement de quartiers constitués de maisons individuelles.
Pour le seul département de Meurthe-et-Moselle, ce sont près de quatre-vingt-dix communes qui sont situées, à des degrés divers, en zone à risque. C'est dire la gravité du problème auquel nous sommes confrontés et auquel le Sénat tente aujourd'hui d'apporter un début de réponse.
Le déclin de l'activité minière en France, sa disparition, totale pour le bassin ferrifère ou programmée à court terme pour le charbon, posent d'immenses problèmes qui ne trouvent pas de solutions satisfaisantes dans le droit positif.
Les conséquences de l'activité minière ne s'arrêtent pas en effet le jour où l'exploitant abandonne sa concession. C'est au contraire à partir de là que commencent les difficultés, ces mêmes difficultés que l'activité réglait auparavant au fur et à mesure de son déroulement.
Ces difficultés sont l'ennoyage des galeries et la constitution d'immenses réserves d'eau dont les mouvements erratiques provoquent des phénomènes difficiles à mesurer, ainsi que l'effondrement du sous-sol, selon des processus qui varient en fonction du mode d'exploitation et dont la prévision est, à ce jour, quasiment impossible.
Il en résulte deux conséquences.
Première conséquence : le droit actuel, qu'il s'agisse du code minier ou du droit commun, n'est pas adapté à cette situation et ne permet pas d'assurer l'indemnisation des sinistrés dans des conditions satisfaisantes.
A Auboué et à Moutiers, la solidarité nationale a joué. Je tiens, sachant le rôle qui a été le vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous en donner acte ici même.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vous remercie.
M. Philippe Nachbar. Mais il sera impossible, à vous-même ou à vos éventuels successeurs, de renouveler ce type de solution reposant à la fois sur la pression de l'Etat, une intervention financière exceptionnelle et la contractualisation.
C'est à la loi qu'il appartient de fixer les règles devant permettre aux sinistrés d'obtenir une réparation équitable du préjudice qu'ils ont subi. C'est l'objet du premier de ces textes, que M. Jean-Paul Delevoye, les élus des départements lorrains et moi-même avons déposé avec le soutien de la majorité sénatoriale, puis le soutien unanime de la commission des affaires économiques. Je tiens, une fois de plus, à remercier son rapporteur, mon collègue et voisin Jean-Marie Rausch, qui a cosigné deux des textes.
Seconde conséquence : les moyens de prévention et de gestion des risques miniers après la fin de l'exploitation sont, à l'évidence, insuffisants.
Les élus des communes concernées doivent pouvoir disposer à la fois d'une parfaite information sur les risques encourus, parce qu'ils seront les premiers à être confrontés au drame lorsqu'il se produira, et des moyens, en liaison étroite avec les services de l'Etat, cela va sans dire, pour faire face aux sinistres que leurs communes ne manqueront pas de connaître. C'est l'objet du second texte que nous avons déposé et qui a été adopté par la commission des affaires économiques.
Sur le premier point - la responsabilité en cas de dommage consécutif à l'exploitation minière - une première avancée avait été réalisée par la loi du 15 juillet 1994, dont deux dispositions ont considérablement modifié la situation juridique des sinistrés.
Tout d'abord, la clause d'exonération insérée dans la plupart des contrats par le vendeur, en l'occurrence l'exploitant ou sa filiale immobilière, a été frappée de nullité d'ordre public.
Ensuite, le principe de présomption de responsabilité de l'exploitant a été posé. C'est ce qui a permis, à Auboué comme à Moutiers, de trouver une solution satisfaisante. Il aurait été, à défaut, bien sûr impossible aux sinistrés d'apporter eux-mêmes la preuve du dommage qu'ils avaient subi.
Sur ces deux points, il apparaît clairement aujourd'hui qu'il faut aller au-delà de la réforme de 1994. Au passage, je remercie le ministre Gérard Longuet qui l'avait imposée à la suite d'un rapport qu'il m'avait confié sur la réforme du code minier.
La clause d'exonération ne s'applique évidemment qu'aux contrats de vente passés après le 15 juillet 1994, ce qui, dès lors, crée une situation d'inéquité - que le Sénat peut difficilement accepter - au détriment de ceux qui ont acheté avant, et ils sont nombreux.
Par ailleurs, les modalités d'indemnisation des sinistrés, si l'on fait application du droit commun, c'est-à-dire si on retient comme base d'indemnisation la valeur vénale de l'immeuble, ne permet évidemment pas de se reloger dans des conditions décentes. En effet, la notion de valeur vénale est inadaptée au code minier, ce dernier étant lui-même une dérogation au droit commun. Or, les sinistrés ont un droit impératif à retrouver les mêmes conditions d'habitation qu'auparavant ; ils ne demandent ni plus ni moins. C'est là un principe d'équité fondamental.
Bien sûr, rien n'effacera le traumatisme qu'ils ont subi. Je pense aux familles évacuées en catastrophe, aux enfants coupés de leur milieu, de leur école, de leurs amis. Je pense aussi aux personnes âgées, déracinées du quartier où elles espéraient finir leur vie.
Les sinistrés ne demandent ni plus ni moins, je le répète, que la juste compensation du préjudice qu'ils ont subi : ils doivent pouvoir se reloger dans les mêmes conditions de confort qu'auparavant.
C'est la raison pour laquelle le texte adopté par la commission, sur le plan de la réparation, prévoit tout d'abord l'annulation rétroactive des clauses d'exonération de responsabilité. Nous savons que la rétroactivité n'est pas habituelle, mais elle n'est contraire à la Constitution qu'en matière pénale, ce qui se comprend aisément. La commission propose donc un dispositif permettant d'assurer des conditions identiques d'indemnisation aux sinistrés, que ces derniers aient ou non acquis leur immeuble avant le 15 juillet 1994.
Le texte proposé par la commission prévoit également - cette disposition est d'ailleurs le socle du texte - une indemnisation des sinistrés devant leur permettre d'acquérir, dans les mêmes conditions, un immeuble répondant aux mêmes normes de confort que celui qu'ils possédaient auparavant, que ce soit par la réhabilitation de l'immeuble sinistré, quand elle est possible - c'est rare, mais cela peut arriver - par l'acquisition d'un autre immeuble ou par la reconstruction à neuf d'une maison équivalente au même endroit.
Telles sont, sur le plan de l'indemnisation, mes chers collègues, les dispositions adoptées par la commission.
S'y ajoute - et je remercie la commission des affaires économiques et du Plan d'avoir introduit cette mesure dans le texte - une disposition accordant aux professions commerciales, artisanales et libérales ayant subi un préjudice direct - c'est de cela qu'il s'agit - le droit de l'expropriation.
S'agissant de la prévention et de la gestion du risque minier, il faut garantir aux communes, elles-mêmes responsables de la sécurité de leurs habitants, la possibilité d'être informées et de réagir en temps utile. La mémoire du risque, dans nos bassins, s'est dissipée ; il faut malheureusement la retrouver aujourd'hui et en faire une donnée permanente de la gestion locale.
C'est pourquoi le second texte que nous avions déposé et que la commission a fusionné avec les propositions de loi de nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen prévoit trois dispositions majeures.
Tout d'abord, il propose la mise en place d'une agence de prévention et de surveillance des risques miniers qui aura un triple objet : conserver l'ensemble de la documentation relative à l'exploitation, la mettre à la disposition des collectivités et du public au nom de la transparence indispensable dans ce domaine où nous touchons à la sécurité des hommes et des femmes et, enfin, participer à la préparation des mesures de prévention. L'intérêt d'un tel établissement est que tant les élus locaux que le Parlement y seront associés.
Par ailleurs, le texte met deux obligations supplémentaires à la charge de l'exploitant : la communication intégrale des données et archives, déjà prévue par le code minier - mais ce qui s'est passé voilà quelques jours à Moyeuvre-Grande nous confirme que ces dispositions sont insuffisantes - et l'obligation d'établir un bilan des risques miniers dans les zones d'exploitation où la concession prend fin.
Enfin, le texte prévoit de maintenir pendant cinquante ans le régime de police des mines, c'est-à-dire, en termes clairs, de faire peser cette responsabilité sur l'Etat et non pas sur les maires, dont il apparaît clairement qu'ils n'auront ni les moyens matériels ni les moyens administratifs et juridiques d'y faire face. A situation exceptionnelle, régime exceptionnel. Il serait inéquitable de charger encore la barque des maires, si j'ose ainsi m'exprimer, dans un domaine où ils ont dû affronter des situations tout à faire exceptionnelles.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les principales dispositions adoptées par la commission des affaires économiques sur le fondement des textes que nous avions déposés.
Depuis plusieurs dizaines d'années, les bassins miniers subissent un véritable traumatisme, dont le bassin ferrifère lorrain est la première et la plus ancienne illustration.
Au choc économique, qui s'est traduit par la perte de dizaines de milliers d'emplois, a succédé la crise financière pour les communes, privées d'une grande partie de leurs recettes fiscales et contraintes d'affronter les problèmes de tous ordres liés à la fin de l'activité minière. Elles ont su réagir. Les élus ont fait face à l'adversité et ont engagé d'ambitieux projets d'aménagements et de développement économique.
Tout, aujourd'hui, est remis en cause par les effondrements miniers. Chaque maire concerné se demande légitimement qui viendra habiter la commune et y investir.
Le texte adopté par la commission des affaires économiques tente d'apporter à ce lancinant problème un début de réponse qui repose sur deux principes : l'équité et la solidarité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons aujourd'hui à nous prononcer sur les conclusions de la commission des affaires économiques sur les six propositions de loi relatives à la prévention et à l'indemnisation des risques miniers.
Le groupe communiste républicain et citoyen se réjouit de l'engagement de tous les groupes politiques de notre assemblée sur cette question qui touche à la sécurité publique. Il a eu l'honneur de déposer la première de ces six propositions de loi en janvier 1997, pour tendre à frapper rétroactivement de nullité d'ordre public toute clause exonérant les exploitants miniers de leur responsabilité.
Les affaissements miniers ne constituent pas un problème nouveau. Lors des deux précédentes révisions du code minier, nous avions déjà eu à débattre de ces questions.
Les risques d'affaissement sont aujourd'hui aggravés par l'arrêt de l'exploitation des mines dans les bassins miniers. L'abandon de la concession minière conduit les exploitants à stopper notamment l'entretien des galeries et le pompage des eaux.
L'ennoyage des sous-sols, qui n'est pas sans répercussion sur la pollution et la distribution d'eau, est, de façon certaine, un facteur aggravant des risques d'affaissement.
Les sinistres d'Auboué et de Moutiers ainsi que les toutes récentes mesures prises à Moyeuvre-Grande nous rappellent, s'il en était encore besoin, l'urgence d'une modification législative.
L'ampleur des dégâts et la gravité des risques n'est plus à démontrer. Des centaines de communes sont menacées par ce phénomène.
A Auboué, en 1996, 10 % de la population communale a été concernée. Des quartiers entiers ont été touchés. La quasi-totalité des maisons sinistrées est vouée à la démolition. Les répercussions économiques sont importantes, notamment pour les commerçants et pour les artisans.
Après avoir fait face à l'urgence et au traumatisme, y compris psychologique, les populations d'Auboué et de Moutiers ont dû s'organiser afin d'obtenir une indemnisation.
Les communes considérées comme étant à risque se sont réunies en collectif de défense. Je tiens ici à souligner le rôle important de cette association qui, dès le départ, a soutenu les familles sinistrées, les a assistées dans leurs démarches.
Dans les sinistres miniers de Moutiers et d'Auboué, la responsabilité de Lormines, la société minière, n'était pourtant pas à démontrer. Mais les sociétés minières ont souvent inclus dans les contrats de mutation immobilière des clauses les exonérant de toute responsabilité.
Les propriétaires sinistrés, qu'ils soient personne physique ou morale, professionnelle ou non, de droit public ou de droit privé, se sont vu opposer l'application de ces clauses, excluant, dès lors, toute indemnisation.
La loi du 15 juillet 1994, dans son article 17, avait pourtant prévu que la nullité d'ordre public s'applique à de telles clauses. Mais n'ayant pas assorti cette disposition du principe de rétroactivité, la loi est restée sans effet pour la quasi-totalité des propriétaires, la plupart d'entre eux ayant acquis leurs biens à la fermeture des mines, dans le milieu des années quatre-vingt.
Toutes ces personnes n'ont, à la lecture stricte de la loi, aucun droit à être indemnisées.
La mobilisation des populations et des élus et le soutien actif du secrétariat d'Etat à l'industrie ont permis de trouver des solutions amiables d'indemnisation avec l'UAP, compagnie d'assurance représentant la société minière Lormines. De ce point de vue, les choses peuvent être considérées comme réglées de façon satisfaisante pour les familles concernées, ce dont il faut se féliciter. Mais ce n'est pas encore le cas pour les professionnels et pour les biens communaux.
Malheureusement, on connaît les risques d'effondrements futurs et on sait que les affaissements de Moutiers et d'Auboué ne sont pas et ne seront pas des cas isolés. Dix-neuf secteurs présentent un risque élevé d'affaissement ! Ces secteurs peuvent être demain des quartiers et des villes sinistrés. En témoigne l'évacuation expresse, ces jours derniers, de dizaines de familles à Moyeuvre-Grande.
Partant de ce constat, les préfets de Moselle et de Meurthe-et-Moselle ont pris des mesures de restriction de l'usage des sols, sans compensation pour les collectivités et les administrés concernés. Ces servitudes d'utilisation du sol pénalisent fortement les collectivités locales, leur développement et l'aménagement de leur territoire. Ainsi, à Joeuf, commune de 8 000 habitants dont le territoire est totalement sous-miné et classé en zone à risque, l'application de ces prescriptions aboutit à ne plus pouvoir renouveler le tissu urbain existant.
A l'heure où nous débattons de projets importants relatifs à l'aménagement du territoire et à l'organisation territoriale, ne faut-il pas chercher à développer les expériences, nombreuses en France et dans le monde, visant à limiter, voire à supprimer le risque ?
Le texte adopté par la commission traite à la fois de l'indemnisation, de la prévention et de l'information, et nous l'approuvons pleinement.
La commission a repris les objectifs communs aux propositions de loi, tout en proposant de rendre rétroactive la nullité d'ordre public frappant les clauses d'exonération de responsabilité.
Les règles retenues par le protocole d'indemnisation signé entre les sinistrés, l'Etat et l'UAP, assurance de Lormines, ont fait école, ce qui garantit une égalité de traitement dans l'indemnisatoin des sinistrés.
Les entreprises pourront désormais, si ce texte est adopté, être indemnisées du préjudice qu'elles ont subi, et ce sera une bonne chose.
En instaurant une agence chargée du suivi des risques miniers, le texte adopté par la commission consacre également le droit à l'information des personnes concernées et renforce les obligations de prévention des sociétés minières.
Nous souhaitons, en résumé, que ce texte, après son adoption par le Sénat, soit inscrit rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Néanmoins, nous avons voulu proposer quelques amendements de précision et formuler le voeu que le Sénat accepte ces améliorations. Ces dernières portent notamment sur la présence du ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire, des organisations syndicales et de défense des sinistrés au sein du futur conseil d'administration de l'agence chargée du suivi des risques, ainsi que sur l'intégration dans la proposition de loi sénatoriale de l'article du projet de loi tendant à ce que les servitudes d'utilisation du sol ouvrent droit à indemnisation. L'adoption de ce dernier amendement pourrait être le trait d'union entre les textes du Sénat et du Gouvernement.
Tout en espérant la prise en compte de nos propositions, mes amis et moi-même voterons les conclusions de la commission des affaires économiques. Nous suggérons que le Gouvernement, dans l'intérêt de nos compatriotes concernés hier, aujourd'hui et demain par ce problème, renonce à contrecarrer certaines avancées proposées par l'ensemble des groupes du Sénat, d'accord sur ce point, ce qui n'est pas si fréquent.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la fin de l'exploitation des mines de fer fut pour la Lorraine une grande tragédie. A partir des années 1830-1850, après l'avènement du transport par voie ferrée et la découverte de l'utilisation de la houille dans les fourneaux, l'exploitation des mines a fait vivre la Lorraine pendant un siècle et demi. L'habitat minier, avec ses raisons d'être et ses caractéristiques particulières, les puits et les chevalements se dressant à vingt ou trente mètres du sol ont donné à nos villes un décor surnaturel substitué à la nature d'autrefois par les exigences de la société industrielle du xixe siècle.
Dans le bassin ferrifère, la production atteignait 62,7 millions de tonnes par an dans les années soixante, l'âge d'or. A cette même époque, la production mondiale de minerai était de l'ordre de 500 millions de tonnes par an ! Plus de 20 000 mineurs descendaient chaque jour dans les cinquante-six mines en fonctionnement.
Malheureusement, la production a fortement décru dans les années soixante-dix : après les Trente Glorieuses, les mines de fer ont progressivement fermé jusqu'en 1997, parallèlement au déclin qu'a connu la sidérurgie lorraine. Au total, le sous-sol lorrain a été creusé sur 60 000 kilomètres de galeries, créant un vide relatif estimé à 400 000 millions de mètres cubes.
Après avoir dû faire face aux vagues de licenciements qui se sont succédé dans les années soixante-dix et quatre-vingt, les élus et la population sont aujourd'hui confrontés aux problèmes de l'après-mine et aux conséquences dramatiques des travaux miniers centenaires dans un secteur industrialisé qui paie déjà un tribut environnemental très lourd : pollution atmosphèrique, pollution des eaux, pollution irrémédiable des sols...
Ainsi, les populations d'Auboué et de Moutiers, en 1996, ont subi le drame des affaissements miniers. Si, techniquement, on parle « d'incidences minières en surface susceptibles d'affecter de façon dommageable les structures implantées en surface à leur aplomb... », c'est un véritable drame qu'ont vécu ceux que l'on appelle désormais « les sinistrés ». Ces familles ont vu s'effriter et, pour certaines, s'effondrer leur maison. Elles se sont ensuite retrouvées dans une situation d'exode : il leur a fallu « faire la valise » et tirer un trait sur vingt ou trente ans passés dans la cité à laquelle elles étaient attachées, dans la maison qu'elles avaient refaite à neuf.
Il en est de même, actuellement, pour Moyeuvre-Grande, où le phénomène désormais connu s'est manifesté au début du mois de novembre dernier : le sol s'est affaissé progressivement, puis la terre est tombée d'un coup sec, laissant un trou atteignant deux mètres de profondeur. Peu de temps après, ont eu lieu les premières évacuations et, finalement, ce sont quarante-trois familles qui ont dû, la mort dans l'âme, abandonner leur domicile.
Les témoignages des sinistrés que j'ai entendus ces derniers jours traduisent à la fois l'amertume, le doute et l'inquiétude auxquels ils sont en proie : « On a juste fini de payer notre maison. On pensait finir notre vie dans la tranquillité ». « Je pense à mes parents et à ce qu'ils ont vécu en 1940. « J'ai fait pour plus de 350 000 francs de travaux dans ma maison ; huit jours après la fin du chantier, on me dit de partir, je suis écoeuré ». « Nous voulons être assurés qu'on ne sera pas obligé de payer un double loyer ».
C'est pour répondre à ces personnes et dissiper leurs craintes que nous discutons aujourd'hui. Le long combat livré par les sinistrés d'Auboué et de Moutiers pour qu'un accord amiable d'indemnisation se concrétise nous a prouvé les insuffisances de l'actuel code minier.
Par ailleurs, les galeries situées sous ces cités ne sont plus exploitées depuis le début du siècle, et on peut penser que l'insuffisance des précautions prises avant l'ennoyage, la durée de surveillance trop réduite et le défaut de travaux effectués à l'époque par l'exploitant ont accéléré le processus d'affaissement. Quoi qu'il en soit, les élus et la population des communes minières vivent dans une certaine inquiétude.
Les risques ont été mis en évidence et chacun sait désormais qu'un tel phénomène peut frapper à tout moment dans les zones situées en surface d'une concession ou d'une ancienne concession minière. Les élus et la population du bassin ferrifère pensent qu'il est urgent de légiférer rapidement et efficacement sur l'après-mine.
Plusieurs propositions de loi avaient été déposées dans ce sens à l'Assemblée nationale et nos collègues Jean-Paul Delevoye, Claude Huriet et Jean-Luc Bécart avaient fait de même au Sénat. J'avais, quant à moi, déposé une proposition de loi au début de l'année 1998. Le rapport de M. Jean-Marie Raush reprend ces propositions. Or, entre-temps, le Gouvernement a marqué clairement sa volonté de légiférer rapidement sur l'après-mine.
Dans le cadre du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, il a en effet décidé d'engager un programme ambitieux de gestion de l'après-mine dans les bassins miniers et sidérurgiques de Lorraine. Ce programme comporte un ensemble de mesures d'urgence qui seront mises en place dès cette année et complétées dans les prochains contrats de plan.
Parmi les cinq grands axes de ce projet, je retiendrai celui qui nous intéresse toutes et tous aujourd'hui et qui tend au renforcement des dispositions en matière de gestion des risques miniers et de constructibilité.
Ainsi, afin d'améliorer la sécurité des populations, il a été décidé de créer un plan national de recherche et de développement sur la sécurité des ouvrages souterrains. Un service d'expertise et d'appui aux administrations fera appel aux experts du bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS. Par ailleurs, le renforcement des réseaux de surveillance en matière de risques miniers et de systèmes d'information géographique sera mis en place sur l'ensemble du bassin. De plus, le CIADT a donné son accord à la rédaction d'une directive territoriale d'aménagement, sur proposition du préfet, pour les bassins miniers nord-lorrains, afin de renforcer les prescriptions en matière de constructibilité, de prévention des risques et d'aménagement du territoire. Celle-ci est en cours d'établissement.
D'autre part, la volonté du Gouvernement est apparue dans le cadre du projet de loi que vous avez présenté, monsieur le secrétaire d'Etat, visant à réformer un code minier qui, nous en sommes tous d'accord, présente certaines insuffisances en termes techniques, juridiques et financiers.
Cette initiative mérite d'être soulignée, car c'est la première fois qu'un gouvernement décide de légiférer dans ce sens. La réforme du code minier de 1994 était d'initiative parlementaire et demeure imprécise, notamment en ce qui concerne le contenu du principe de réparation intégrale des dégâts causés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi présente des avancées très intéressantes et novatrices quant à la dévolution de responsabilité de l'exploitant après la fin de l'exploitation des sites miniers. Il est responsable quant à l'expression de la solidarité de l'Etat à l'égard de l'indemnisation des propriétaires de biens immobiliers qui avaient signé la « clause minière » exonérant de sa responsabilité l'exploitant en cas de dommage à la suite d'affaissements miniers.
Ainsi, désormais, l'Etat pourra assurer l'indemnisation de ces victimes qui, jusqu'à présent, n'avaient aucune possibilité de recours contre l'exploitant minier. Mais, dans le cas où la mise en jeu de la responsabilité civile de l'exploitant minier peut être établie, il appartiendra à celui-ci d'indemniser ses victimes.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, selon votre expression, ce projet de loi se veut constructif sur deux sujets essentiels : la surveillance des risques résiduels de l'activité minière au départ de l'ancien exploitant, qui sera alors assurée par l'Etat, et la mise en place de plans de prévention des risques miniers analogues à ceux des risques naturels fixant, le cas échéant, les servitudes ou les interdictions pour les constructions.
Par ailleurs, nous savons tous que la gestion des eaux, après la fermeture de la mine, peut impliquer le fonctionnement d'un certain nombre d'installations de pompage d'exhaure. C'est pourquoi votre projet de loi contraint l'ancien exploitant à procéder à la dévolution aux collectivités locales qui le souhaitent des investissements déjà réalisés pour assurer un régime normal des eaux.
Bien entendu, une nouvelle procédure d'abandon des travaux est prévue en cas d'arrêt des exploitations minières : il s'agit de renforcer les obligations pesant sur l'exploitant minier. Ainsi, le préfet pourra prescrire à l'exploitant des études d'impact, afin de financer les investissements et le coût de fonctionnement durant les dix premières années des installations nécessaires à la surveillance permanente des sites miniers.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour nous, élus des régions minières, les mesures proposées dans le cadre du CIADT, ainsi que celles qui figurent dans votre projet de loi demeurent insuffisantes, bien que votre texte représente une avancée juridique incontestable.
Aujourd'hui, il importe de légiférer rapidement. A ce titre, il me semble important de préciser que votre texte a reçu l'accord du Conseil des mines et du Conseil d'Etat. Ainsi, en cas d'adoption par le Sénat aujourd'hui et le 11 février prochain par l'Assemblée nationale, il sera immédiatement opérationnel, tout en allant à l'essentiel.
Nous souhaitons aller vite et ce texte réalise un consensus minimum, tout en évitant que les requêtes se multiplient pour rendre la loi inapplicable.
Nous sommes persuadés, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre texte pourra évoluer sur plusieurs points et faire l'objet d'améliorations ultérieures, s'agissant notamment des obligations administratives susceptibles d'être édictées à l'exploitant - notamment au moment de l'arrêt des travaux - de la notion de défaillance de l'exploitant ou du titulaire du titre minier, ou encore du transfert de compétence à la juridiction administrative pour statuer sur les recours et dispenser la victime de faire un recours préalable.
A l'avenir, nous pensons qu'il faudra étendre la nullité des clauses qui exonèrent de responsabilité l'exploitant pour les dommages liés à son activité minière à l'ensemble des contrats de mutation immobilière. De plus, il faudra que l'indemnisation des dommages soit assurée par l'Etat lorsqu'une clause a été insérée avant la loi du 15 juillet 1994.
Concernant le transfert aux collectivités des installations hydrauliques après la fermeture des mines, des précisions complémentaires pourront être apportées. Il faudra aussi introduire la possibilité d'engager la procédure d'arrêt définitif des travaux à la demande des collectivités et compléter le recensement des risques susceptibles de subsister après l'arrêt des travaux.
La notion de risque, quant à elle, pourra être redéfinie plus précisément, car l'activité minière est susceptible de générer des risques autres que ceux qui sont relatifs aux affaissements de terrain et aux dégagements gazeux.
La détermination du montant des indemnités versées au propriétaire dont le bien est exproprié en raison des risques miniers le menaçant pourra être complétée, par exemple, en calculant ce montant sur la base de la valeur de reconstruction à neuf du bien exposé au risque.
Enfin, s'agissant des risques miniers, la stricte transposition de la législation relative aux risques naturels n'est, de toute évidence, pas appropriée. Il conviendra donc de mettre en place un dispositif juridique adapté à la prévention des risques miniers en instituant, par exemple, un zonage en fonction des risques encourus, en limitant l'aggravation des risques ou la création de nouveaux risques.
Pour conclure, il importe aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de venir en aide rapidement aux sinistrés. C'est l'objet de nos propositions de loi, c'est aussi celui du projet de loi du Gouvernement. Un compromis rapide est nécessaire pour gérer une situation de crise en tenant compte des réalités sociales.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier Jean-Marie Rausch du travail qu'il a accompli au sein de la commission, et de remercier aussi tous les parlementaires qui, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont déposé des propositions de loi sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je pense à Gisèle Printz, à Claude Huriet, à Jean-Luc Bécart. Ce consensus de l'ensemble des parlementaires démontre la réalité d'un problème que vous avez d'ailleurs souhaité vous-même aborder, monsieur le secrétaire d'Etat, par le biais d'un projet de loi.
Je veux encore remercier l'association des communes minières, qui, sur ce sujet, fait preuve de beaucoup de compétences, ses membres vivant au quotidien les difficultés sur le terrain. Sa contribution intellectuelle est elle aussi tout à fait intéressante.
Personne ne peut contester que l'histoire minière a permis à notre pays d'extraordinaires avancées technologiques - elles sont reconnues dans le monde entier - et de grandes avancées sociales, au prix d'ailleurs de luttes importantes. Elle a sculpté les mentalités, enraciné des cultures, structuré des territoires et suscité la fierté d'un pays.
Cette histoire ne peut s'achever avec la fermeture des puits et l'arrêt de leur exploitation. Notre pays ne peut avoir puisé toute son énergie et alimenté son développement dans les richesses souterraines de certains de ses territoires puis, après les avoir épuisées, laisser ces territoires panser seuls les blessures liées à cette exploitation.
Il est de la grandeur et de la noblesse de la France, me semble-t-il, de répondre à cette exigence du xxie siècle qui est de concilier l'industrie et son évolution avec les contraintes environnementales.
Notre pays se doit de montrer l'exemple, et des solutions doivent être trouvées afin de combattre ces dérives que nous constatons aux quatre coins de la planète et qui menacent notre devenir.
Cela correspond, bien évidemment, à la légitime revendication des élus et des populations de ces régions minières, ou ex-minières, qui, après avoir vu disparaître leurs métiers - donc leur devenir -, ne peuvent supporter aujourd'hui de voir leur avenir menacé, tant pour leur patrimoine que pour leur sécurité.
Il nous faut donc apporter des réponses, et chacun en est conscient, puisque, de toutes parts, fusent des propositions de loi et que vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez de discuter d'un projet de loi.
Lorsqu'on parle politique, l'analyse doit porter sur les moyens juridiques, sur les moyens financiers et sur les moyens techniques.
En ce qui concerne l'histoire minière, je crois qu'il faut là aussi - et peut-être plus qu'ailleurs - faire preuve de volonté politique, celle-ci devant s'appuyer sur des principes. Il nous faut gérer proprement - je dirai même dignement - la fin de l'exploitation minière en affirmant la nécessité de la prévention et de la gestion des risques mais aussi la responsabilité minière, et donc l'implication de l'Etat, qui ne peut, aujourd'hui, laisser les populations subir un préjudice et rendre les communes responsables des conséquences.
C'est la raison pour laquelle je souscris aux propositions de la commission. Il nous faut affirmer le principe de la nullité des clauses d'exonération et de responsabilité.
Certes, je sais que vous ouvrez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, un débat sur la rétroactivité.
Cette notion, pourtant, est acceptable sur le plan juridique. La Cour de cassation a en effet considéré, dans un arrêt du 27 avril 1988, que le législateur peut adopter un texte expressément rétroactif. Lorsqu'il le fait, cela s'impose donc aux juges.
La rétroactivité est aussi acceptable sur le plan constitutionnel : rien n'interdit au législateur, qui est à l'origine des lois ordinaires, de voter des lois rétroactives, et vous savez très bien qu'il existe quelques exemples en la matière.
Mais, au-delà des considérations juridiques et constitutionnelles, la rétroactivité me paraît surtout être une exigence morale. La rétroactivité fait peur à celui qui doit payer parce qu'il n'a pas de capacité d'évaluation du risque ; mais si une telle crainte existe, c'est bien qu'il y a risque ! Dès lors, est-il moral de tenter de protéger la collectivité nationale de ce risque en laissant les seules collectivités locales ou les individus l'assumer ?
Au regard de ce principe de rétroactivité, une évolution est toutefois possible, monsieur le secrétaire d'Etat. Tel sera le cas si vous nous donnez la garantie de l'Etat que tous les préjudices qui sont la conséquence de l'exploitation minière seront pris en compte.
Se posera probablement, alors, la question du financement. M. le rapporteur a proposé une taxe sur le tabac. Cela me semble quelque peu classique. A titre purement personnel, considérant que notre pays a tiré toutes ses ressources de l'énergie charbonnière - s'agissant de l'énergie nucléaire, nous avons su prévoir l'amortissement et le renouvellement des centrales - je ne serais pas choqué qu'une partie d'une taxation sur l'énergie soit consacrée à la prévention et à la gestion des risques.
Certes, il s'agirait d'une taxation supplémentaire, mais au nom de quoi devrions-nous être choqués si, très légitimement, l'énergie permet de faire face aux conséquences de l'énergie ?
Vous allez ouvrir un débat, monsieur le secrétaire d'Etat. Je n'y suis pas hostile. La question principale est de savoir quelles assurances apporter à celles et à ceux qui, au regard de la morale, ne peuvent pas subir personnellement sur leur patrimoine, les conséquences de l'exploitation minière.
Il nous faut aussi afficher le principe de l'indemnisation de la remise en état ou de la reconstruction à neuf, sans vétusté.
Je partage l'avis de la commission, qui a souhaité étendre ce principe aux commerçants, aux artisans et aux professions libérales.
Vous posez, monsieur le secrétaire d'Etat, le principe de la garantie du maintien du confort. Là encore, il peut y avoir discussion. Il convient toutefois d'avoir une définition très claire des principes et des moyens à mettre en place.
En ce qui concerne la prévention et la surveillance des risques miniers, nous sommes très attachés à la transparence, qui est une exigence moderne de la démocratie et du partenariat.
Aujourd'hui, lorsqu'une administration, aussi noble soit-elle, veut se refermer sur elle-même, le sentiment d'opacité peut engendrer un fantasme qui fait que, parfois, un risque minime prend une ampleur tout à fait démesurée.
Je ne vois pas pourquoi ce qui vaut pour certains domaines de l'environnement - je pense notamment à l'exploitation des décharges -, à savoir la participation d'associations de consommateurs, d'usagers, d'élus, de fonctionnaires à la prévention et à la gestion des risques, ne vaudrait pas pour l'exploitation minière.
Enfin, le régime de la police des mines n'est, à l'évidence, plus du tout adapté ; il apparaît même très dangereux pour les collectivités locales par rapport à d'autres textes relatifs à la police de l'environnement.
Nous devons donc toiletter les textes, les récrire. Voilà pourquoi nous estimons nécessaire ce délai de cinquante ans, qui ne pourrait être, bien évidemment, réduit qu'à la demande des collectivités locales.
Il nous faut, là aussi, réfléchir au transfert des patrimoines aux collectivités locales et aux conséquences de ce transfert.
Dans le projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous abordez - ce que ne fait pas la commission - la question des eaux. Vous indiquez même que vous pourriez assumer le coût de fonctionnement pendant dix ans.
En fait, nous devrions poser un certain nombre de principes. Vis-à-vis des industriels et des agriculteurs, notamment, l'Etat affiche le principe du pollueur-payeur ; ce principe, il doit se l'appliquer à lui-même. La formulation en est très simple : au-delà des aspects juridiques, réglementaires et financiers, celui qui, à un moment donné, a pu s'enrichir en dégradant l'environnement doit en supporter les conséquences jusqu'à la disparition des effets constatés et des préjudices subis.
Au-delà, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement devrait engager une réflexion, certes, sur l'évolution du code minier, mais aussi sur la notion d'urbanisme du sous-sol, qui n'existe pas et qui mériterait d'être élaborer en prenant en compte les responsabilité des uns et des autres.
Le dernier principe, qui ne figure pas non plus dans le projet de loi, c'est qu'il n'est pas possible d'afficher que la fin de l'exploitation minière signifie la fin de vie pour les territoires sur lesquels ou sous lesquels elle s'est déroulée.
En effet, au moment où nous devons réfléchir à une politique d'aménagement du territoire, s'il convient, bien sûr, d'affirmer le principe de solidarité - c'est l'objet de nos propositions - dans le traitement des handicaps, il faut aussi insister sur les potentialités de développement de ces territoires, qui ont une culture industrielle, une qualité de main-d'oeuvre, des infrastructures et une capacité de mobilisation fabuleuses.
En même temps que le Parlement traite du problème de la gestion des conséquences de l'exploitation minière, il doit donc, au titre de l'aménagement du territoire, au moyen de fonds de reconversion, de fonds de mobilisation, assurer l'avenir d'un territoire qui a fait la fierté du pays hier et qui a tout pour la faire encore demain. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Percheron.
M. Daniel Percheron. Il était temps, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous veniez à ce rendez-vous qu'ont fixé des initiatives sénatoriales et que le poids et le drame des images de ces derniers mois nous font mieux comprendre.
Il était temps que, au nom de l'Etat, vous vous exprimiez avec autant de netteté, de clarté et de solidarité.
M. Jean-Claude Gaudin. Et de talent !
M. Daniel Percheron. Bien sûr, la mémoire du risque s'est estompée, comme l'a excellement dit M. le rapporteur, et parfois même la mémoire tout court.
Les excellentes interventions de M. le secrétaire d'Etat et des élus des zones minières me dispenseront de revenir sur ce qu'ils ont parfaitement dit. Je me bornerai donc à évoquer deux ou trois points que nous estimons essentiels.
Il est clair que les communes minières sont structurellement les plus pauvres de France ; à population égale, elles ont des ressources nettement inférieures à la moyenne des communes françaises. Il s'agit de zones de conversion ou de conversion future qui souffrent, on souffert et continueront, hélas ! de souffrir.
Il s'agit aussi - vous l'avez dit, monsieur le président de l'Association des maires de france - de territoires qui sont intimement liés à l'histoire du mouvement ouvrier, aux luttes qui ont structuré la société française d'aujourd'hui, notamment dans le domaine de la protection sociale et de la solidarité.
La tonalité de mes propos sera celle d'un élu du Nord - Pas-de-Calais, moins frappé aujourd'hui par les affaissements et les drames humains, mais qui vit l'immense silence de l'après-mine dans une relative indifférence du pays - c'est logique, tant l'actualité est abondante ! - et, jusqu'à présent, dans une relative indifférence de l'Etat.
Et puisque je parle de l'Etat, je veux vous donner acte de son évolution fondamentale, et donc de sa position actuelle, monsieur le secrétaire d'Etat, en prenant deux repères que vous n'avez certainement pas tout de suite présents à l'esprit.
Voilà onze ans, monsieur Delevoye - M. Méhaignerie était alors ministre de l'aménagement du territoire - l'ingénieur principal Lacaze expliquait, dans un rapport d'une cohérence absolue et, même si cela nous révoltait, d'une grande force intellectuelle, que les villes minières n'étaient pas des villes comme les autres, qu'à la fin de l'extraction elles devaient disparaître, à l'exemple de ce qui se passe aux Etats-Unis. Et puisqu'elles devaient disparaître, il proposait que le Gouvernement invente dans les zones minières le resserrement urbain, qui se serait traduit par la fin du statut urbain pour la plus grande partie des communes minières.
Il proposait qu'une loi permette d'inventer, disait-il, la destruction des villes puisqu'aussi bien une loi avait permis - il pensait aux villes nouvelles - la création des villes. Nous étions loin du discours prononcé par M. Pierret tout à l'heure !
Plus récemment, en 1995, il a fallu que l'association des communes minières et que la présidente du conseil régional portent plainte auprès du tribunal administratif pour que le préfet de la région Nord - Pas-de-Calais soit condamné pour avoir signé en toute discrétion, sans aucune transparence, la fin de la concession d'Aniche, qui faisait mettre la clé sous la porte, qui faisait l'impasse sur les risques miniers et qui laissait la commune d'Aniche, le département du Nord et la région du Nord - Pas-de-Calais totalement démunis, malgré la loi de juillet 1994, face à la sortie de concession et face à l'après-mine.
Je me réjouis donc à la fois du discours ministériel et du consensus qui apparaît aujourd'hui. Il convenait, en tout cas, de dire au secrétaire d'Etat que ses propos, de par leur clarté et leur netteté sont allés directement au coeur des élus du bassin minier.
S'agissant de l'indemnisation, qui est un point essentiel, nous souhaitons qu'intervienne l'accord le plus total. M. le secrétaire d'Etat a eu des arguments forts. Quant aux sénateurs, ils ont travaillé très sérieusement.
Nous voulons que l'indemnisation soit la plus rapide possible - c'est essentiel - la plus juste possible, et qu'elle permette aux populations tout simplement de continuer à vivre dignement, que ce soit à Auboué ou, un jour peut-être, à Sallaumines, à Méricourt ou à Lens - nous ne sommes pas à Neuilly, nous le savons !
Et puisqu'on a fait d'immenses efforts dans les banlieues et les zones franches, il ne faudra pas oublier, non plus les acteurs économiques - professions libérales, artisans, commerçants - qui ne sont pas si nombreux dans les communes minières et qui doivent bénéficier aussi de la solidarité de l'Etat.
Sur le principe d'une indemnisation garantie par l'Etat, nous pouvons vraisemblablement tous nous mettre d'accord.
Pour ce qui est de l'agence de surveillance des risques miniers et de prévention, vous me semblez réticent, monsieur le secrétaire d'Etat. A mon avis, elle doit s'inscrire dans cette politique, fondamentalement intéressante et à laquelle, aujourd'hui, tout le monde souscrit, du développement durable, et, comme Jean-Paul Delevoye, j'estime que la prévention et la surveillance des risques miniers doivent faire toute leur place aux élus sur le terrain.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous craignez une dérive bureaucratique...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Daniel Percheron. ...et des dépenses supplémentaires. Pourquoi, compte tenu de cette volonté de développement durable, de cette volonté de transparence - je faisais allusion, tout à l'heure, à la discrétion du préfet voilà quelques années - ne pas envisager une régionalisation, voire, au moment de la signature des contrats de plan, une contractualisation qui ferait que les principaux acteurs seraient partie prenante de la prévention et de la surveillance des risques miniers ?
Dans notre région du Nord - Pas-de-Calais, un million de personnes et deux cent soixante communes sont concernées, sur cent kilomètres de long et trente kilomètres de large. Cela vaut la peine qu'on y réfléchisse !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Daniel Percheron. Compte tenu de leurs compétences en matière d'aménagement du territoire, les conseils régionaux ne devraient pas être opposés à une telle innovation, que nous pourrions, bien sûr, préciser.
On l'a dit, l'avenir des villes minières, des bassins miniers, n'est pas seulement dans l'indemnisation, dans la surveillance ou la vigilance, il est aussi dans le développement des projets.
Je vous ai bien entendu, monsieur Delevoye, parler de futurs fonds. Je regrette - je le dis à l'ancien ministre de l'aménagement du territoire qu'est M. Gaudin, ici présent - que les fonds d'industrialisation et de développement du bassin minier du Nord - Pas-de-Calais soient passés de 200 millions de francs, en 1993, à 35 millions en 1997.
Il n'est pas trop tard pour corriger ces erreurs. Vous êtes sur le bon chemin, monsieur le secrétaire d'Etat, et, que ce soit pour le code minier ou pour cet engagement tout à fait nouveau et tout à fait clair de l'Etat, nous vous faisons confiance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord me féliciter de la qualité de ce débat et remercier l'ensemble des groupes du Sénat pour l'esprit de responsabilité dont ils ont fait preuve sur le sujet qui fait l'objet de nos préoccupations ce matin.
Quelques traits essentiels me paraissent caractériser ce débat.
D'abord, vous avez les uns et les autres unanimement reconnu que c'est la première fois qu'un gouvernement traite avec autant d'ampleur les conséquences des affaissements miniers et de la modification du régime des eaux - le rôle des collectivités locales a été évoqué par le président de l'Association des maires de France, et je l'en remercie - et ce d'une manière globale, grâce à la convergence entre les analyses du Sénat et celles du Gouvernement, qui ont leur traduction dans le projet de loi que j'ai présenté en conseil des ministres la semaine dernière.
Ensuite, je veux remercier Mmes et MM. les sénateurs - qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition sénatoriale - d'avoir bien voulu souligner que, dès ma prise de fonctions au secrétariat d'Etat à l'industrie, je me suis attaché à résoudre, en déléguant des crédits importants, la question de l'indemnisation de celles et de ceux qui, depuis 1996, attendent qu'une solution concrète et pragmatique soit apportée à leurs problèmes humains.
Par ailleurs, vous avez tous constaté, comme moi, le poids des réalités humaines. Mme Printz, avec beaucoup de brio et de sensibilité, a dépeint, par quelques exemples concrets tirés de son expérience en Lorraine, la réalité pesante et - je pense que le trait n'est pas trop fort - dramatique de la situation d'un certain nombre de familles.
Plusieurs centaines de familles voient aujourd'hui l'épargne d'une vie, leurs travaux personnels, leurs espoirs, leur vie quotidienne, anéantis, déchirés, brisés par des événements extérieurs auxquels ne peut être apportée qu'une réponse collective, celle des communes et de l'Etat. Mais l'Etat, quoi qu'il fasse, ne pourra jamais totalement apaiser cette profonde détresse, cela a été dit.
Le Sénat et le Gouvernement ne peuvent que prendre en compte cette situation économique, sociale et locale.
J'ai souligné, dans la communication que j'ai faite au conseil des ministres en janvier 1998 et dans le commentaire qui a accompagné la présentation du projet de loi, voilà quelques jours, le problème très grave du régime des eaux : la modification du régime des eaux superficielles, des eaux souterraines, de l'adduction d'eau, de la pollution. Cette question fondamentale concerne, en effet, l'environnement ; M. Bécart l'a souligné, à juste titre. D'ailleurs, on ne connaît pas encore aujourd'hui la véritable ampleur du problème qui se pose aux collectivités locales.
Nous sommes d'accord, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les grands principes de l'indemnisation : l'indemnisation est nécessaire ; elle doit être rapide ; elle doit viser à bien colmater les brèches personnelles, sociales et économiques qui affectent aujourd'hui la situation des sinistrés.
Nous sommes également d'accord sur l'extension de la responsabilité des anciens exploitants miniers, sur la détermination claire, manifeste, de leur responsabilité au regard du droit civil et de l'ensemble des dispositifs juridiques, lesquels doivent affirmer que ceux-ci ont encore, après l'exploitation, une véritable responsabilité.
Nous sommes d'accord aussi pour aller vite. Il faut qu'à l'issue de cette séance - tel est le voeu du Gouvernement - puisse être transmis à l'Assemblée nationale un texte qui organisera concrètement, pour les sinistrés, une indemnisation acceptable.
Nous sommes d'accord pour que les grands principes du droit - le droit civil, le droit administratif - soient préservés dans notre démarche.
Nous voulons enfin - je m'adresse à M. Delevoye, car je suis sûr que le souhait du Gouvernement converge avec le sien - que notre démarche de ce matin respecte l'objectif économique unanimement accepté de stabilité des prélèvements obligatoires. Créer de nouvelles taxes ou de nouveaux prélèvements sur l'énergie ou sur d'autres biens économiques irait à l'encontre des objectifs d'une gestion budgétaire, fiscale et économique qui vise au respect de l'impératif absolu de stabilité puis de décroissance des prélèvements obligatoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai pour conclure qu'il nous faut maintenant avancer.
Le Gouvernement est prêt à faire les efforts de flexibilité nécessaires dans le cadre qui a été fixé par le projet de loi et par le conseil des ministres, pour accomplir un grand pas en direction du Sénat. Aussi, je me permets de solliciter une approche positive, dynamique et pragmatique de votre part, pour que nous puissions faire converger nos analyses. Ainsi, grâce à l'initiative des sénateurs de l'ensemble des groupes composant la Haute Assemblée, grâce aussi à l'écoute attentive du Gouvernement et à son esprit ouvert, pourrons-nous parvenir en fin de matinée à un texte satisfaisant.
Les sinistrés nous regardent, ils nous écoutent et ils ont besoin de nous. Rassemblons nos énergies pour les satisfaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Rausch, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Monsieur le président, compte tenu des éclaircissements et des précisions que vient de nous apporter M. le secrétaire d'Etat, je demande une suspension de séance pour réunir la commission.
M. le président. Cette suspension est de droit.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles.

Article additionnel avant l'article 1er



M. le président.
Par amendement n° 6, le Gouvernement propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 75-1 du code minier est ainsi rédigé :
« Art. 75-1. - L'explorateur ou l'exploitant, ou à défaut le titulaire du titre minier, est responsable des dommages causés par son activité, Il peut toutefois s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d'une cause étrangère.
« Cette responsabilité n'est pas limitée au périmètre du titre minier ni à la durée de validité du titre.
« En cas de disparition ou défaillance du responsable, l'Etat est garant de la réparation des dommages mentionnés à l'alinéa 1er ; il est subrogé dans les droits de la victime à l'encontre du responsable. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er, a pour objet de clarifier et de préciser les dispositions relatives à la responsabilité civile de l'exploitant et à l'indemnisaton des victimes.
Ces dispositions sont regroupées dans l'article 75-1 du code minier. Le principe général, qu'il faut réaffirmer, est celui de la responsabilité civile de l'exploitant et de la présomption de responsabilité à l'encontre de l'exploitant.
Dans un souci de clarté, je souhaite préciser que la responsabilité civile de l'exploitant ne se limite pas à la durée de validité du titre minier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Cet amendement tend, en effet, à préciser que la responsabilité de l'exploitant ne se limite pas à la durée de validité du titre minier et que l'Etat est garant de la réparation des dommages miniers.
Cet amendement ne modifie pas le droit en vigueur, mais il le clarifie utilement. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.

TITRE PREMIER

RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE DOMMAGES
CONSÉCUTIFS À L'EXPLOITATION MINIÈRE

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - I. - Après l'article 75-2 du code minier, il est inséré un article 75-3 ainsi rédigé :
« Art. 75-3 . - Toute clause d'un contrat de mutation immobilière exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière est frappée de nullité d'ordre public. »
« II. - En conséquence, l'article 17 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L.711-12 du code du travail est abrogé.
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables, sauf décision de justice passée en force de chose jugée, pour les dommages survenus postérieurement au 15 juillet 1994, à tout contrat de mutation immobilière, quelle que soit la date de sa conclusion. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, tend à rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article 75-2 du code minier est ainsi rédigé :
« Art. 75-2.-I. - Le vendeur d'un terrain sur le tréfonds duquel une mine a été exploitée est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation.
« A défaut de cette information, l'acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander, aux frais du vendeur, la suppression des dangers ou des inconvénients qui compromettent un usage normal du terrain lorsque le coût de cette suppression ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de la vente.
« Les dispositions précédentes s'appliquent également à toute forme de mutation immobilière autre que la vente.
« II. - Dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou avec une personne physique non professionnelle après l'entrée en vigueur de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant le code minier, toute clause exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière est frappée de nullité d'ordre public.
« Lorsqu'une telle cause a été valablement insérée dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou une personne physique non professionnelle, l'Etat assure l'indemnisation des dommages matériels directs et substantiels qui n'auraient pas été couverts par une autre contribution et qui ont pour cause déterminante une catastrophe minière. Il est subrogé dans les droits des victimes nés de cette catastrophe à concurrence des sommes qu'il serait amené à verser en application du présent alinéa.
« Une catastrophe minière se définit, au sens du présent article, comme un affaissement ou un accident minier soudain, ne trouvant pas son origine dans des causes naturelles et provoquant la ruine d'un ou plusieurs immeubles bâtis ou y occasionnant des dommages dont la réparation équivaut à une reconstruction totale ou partielle. Cet affaissement ou cet accident est constaté par le représentant de l'Etat, qui prononce à cet effet l'état de catastrophe minière.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent article. »
« II. - En conséquence, l'article 17 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail est abrogé. »
L'amendement n° 1, déposé par M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen vise à compléter in fine le III de l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles s'appliquent également en cas de mutations successives. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise les nombreux cas où l'exploitant s'est exonéré d'une part de sa responsabilité civile lors de la cession de logements qui lui appartenaient, en introduisant dans les contrats de vente des clauses d'exonération de sa responsabilité en cas de dommages ayant pour origine son activité minière, passée ou présente - les fameuses « clauses minières ».
Depuis la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994, à laquelle on s'est référé tout à l'heure, toute nouvelle clause minière figurant dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou avec une personne physique non professionnelle est frappée de nullité d'ordre public.
Mais, étant donné la situation dramatique dans laquelle se sont trouvés des propriétaires d'habitations profondément endommagées par des affaissements miniers et soumises à des clauses minières valablement passées avant l'entrée en application de la loi du 15 juillet 1994, il convient d'établir le droit des victimes se trouvant dans ce cas à être indemnisées.
Toutefois, l'annulation rétroactive des clauses, en tant qu'elle frappe des clauses souvent essentielles de contrats de droit privé régulièrement passés serait de nature à altérer la perception que tous les acteurs économiques ont de la sécurité juridique des contrats civils en France. Or, la notion de sécurité juridique est essentielle aux yeux du Gouvernement. Elle va d'ailleurs dans le sens de l'intérêt des sinistrés.
Par ailleurs, l'annulation rétroactive des clauses présenterait le risque d'engager la responsabilité de l'Etat devant le juge administratif du fait des lois.
Pour ces deux raisons - sécurité juridique et non-engagement de la responsabilité de l'Etat du fait des lois - je présente un texte qui clarifie les choses et permet de satisfaire et les objectifs contenus dans le projet de loi dont j'ai expliqué la teneur tout à l'heure et les objectifs de cette proposition de loi de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Bécart, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Jean-Luc Bécart. Cet amendement tend à inclure dans le champ d'application du dispositif de l'article 1er une clause spécifique relative aux mutations immobilières successives.
Ce qui peut paraître couler de source mérite, néanmoins, d'être précisé, car les propriétaires actuels de sites miniers ne sont pas forcément ceux qui ont conclu initialement les actes d'achat avec les sociétés minières.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 7 et 1 ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. L'amendement n° 1, présenté par M. Bécart, pose un problème technique puisqu'il vise l'ensemble des mutations dont un bien aurait pu faire l'objet. Même si le souci exprimé dans cet amendement est louable, ce dernier m'apparaît inapplicable techniquement, et c'est la raison pour laquelle la commission a émis à son sujet un avis défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° 7 du Gouvernement, la commission, qui vient de se réunir, est prête à l'accepter, sous réserve d'un sous-amendement tendant, d'une part, à substituer l'expression « sinistre minier » à celle de « catastrophe minière », d'autre part, à supprimer le caractère soudain de l'affaissement ou de l'accident minier et, enfin, à préciser que l'indemnisation devra avoir lieu dans les meilleurs délais.
M. le président. Je suis effectivement saisi d'un sous-amendement n° 28 ainsi rédigé :
A. - Rédiger comme suit le dernier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 7 pour l'article 75-2 du code minier :
« Lorsqu'une telle clause a été valablement insérée dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou une personne physique non professionnelle, l'Etat assure dans les meilleurs délais l'indemnisation des dommages matériels directs et substantiels qui n'auraient pas été couverts par une autre contribution et qui ont pour cause déterminante un sinistre minier. Il est subrogé dans les droits des victimes nés de ce sinistre à concurrence des sommes qu'il serait amené à verser en application du présent alinéa. »
B. - Au début du troisième alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 75-2 du code minier, remplacer les mots : « catastrophes minières » par les mots « sinistres miniers. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à ce sous-amendement.
Par ailleurs, comme la commission, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 7, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et l'amendement n° 1 n'a plus d'objet.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Après l'article 75-2 du code minier, il est inséré un article 75-4 ainsi rédigé :
« Art. 75-4. - L'indemnisation des dommages immobiliers liés à l'activité minière présente ou passée doit correspondre à la remise en l'état de l'immeuble sinistré ou, si cela est impossible, à la valeur de reconstruction à neuf sans déduction pour vétusté. »
Je suis saisi de deux amendements, présentés par le Gouvernement, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8 a pour objet de supprimer cet article.
L'amendement n° 26 tend à rédiger comme suit ce même article :
« Après l'article 75-2 du code minier, il est inséré un article 75-3 ainsi rédigé :
« Art. 75-3. - L'indemnisation des dommages immobiliers liés à l'activité minière présente ou passée consiste en la remise en l'état de l'immeuble sinistré. Lorsque l'ampleur des dégâts subis par l'immeuble rend impossible la réparation de ces désordres dans des conditions normales, l'indemnisation s'effectue suivant les principes généraux du droit.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 27, présenté par la commission, et visant, dans le texte proposé par l'amendement n° 26 du Gouvernement tendant à insérer un article 75-3 dans le code minier, après les mots : « conditions normales, », à rédiger ainsi la fin de l'article : « l'indemnisation doit permettre au propriétaire de l'immeuble sinistré de recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents.
« Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'article 2 de la proposition de loi fixe le montant de l'indemnisation des dommages.
Le Gouvernement ne peut pas suivre le Sénat dans la voie qu'il a proposée pour cette indemnisation, car la règle envisagée est trop dérogatoire du droit commun.
J'ai veillé à ce que l'indemnisation à Auboué et àMoutiers soit la plus juste, la plus rapide possible et la plus équitable.
Définir la juste indemnisation nécessite un examen approfondi de chaque cas en équité, en tenant compte du dommage et des moyens d'y remédier. La solution peut être autre que la remise en état ou une indemnisation à hauteur de la reconstruction à neuf sans déduction pour vétusté.
La résolution en équité de tous les cas de figure commande de s'en remettre au droit commun - dans son rapport, M. Jean-Marie Rausch a bien montré que celui-ci pouvait épouser tous les cas possibles - et à la confiance de l'Etat. Ce dernier, comme il l'a fait à Auboué et à Moutiers, saura exercer avec bienveillance et justice le devoir de solidarité qui lui incombe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission d'abord sur l'amendement n° 8 ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. L'amendement n° 8 tend à supprimer l'une des dispositions essentielles du texte adopté par notre commission, qui prévoit une indemnisation correspondant à la remise en état de l'immeuble ou à la valeur de reconstruction à neuf sans déduction pour vétusté.
Le Gouvernement entend lui substituer un dispositif qui, pour être cohérent, est moins favorable aux populations concernées.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Compte tenu des propos de M. le rapporteur, je retire l'amendement n° 8.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat pour défendre l'amendement n° 26.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 26 ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. La commission y est favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 27.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 27 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 27, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 26, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Après l'article 75-2 du code minier, il est inséré un article 75-5 ainsi rédigé :
« Art. 75-5 . - L'indemnisation des entreprises individuelles ou collectives immatriculées au registre du commerce ou au répertoire des métiers ou membres d'une profession libérale s'effectue par application des dispositions relatives à l'expropriation.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et les modalités d'application du présent article. »
Par amendement n° 9, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'article 3 de la proposition de loi ne peut pas non plus, j'en suis désolé, être accepté par le Gouvernement.
Le droit positif français prévoit l'indemnisation du préjudice direct et, en aucun cas, du préjudice indirect tel que la baisse d'activités industrielles, commerciales ou artisanales. Modifier le droit sur ce point serait un véritable précédent de nature à bouleverser effectivement le droit de l'indemnisation.
Il conduirait à d'autres demandes entraînant de très importantes conséquences juridiques et financières, par exemple en cas de risque naturel ou de restructuration industrielle.
Les dépenses, en particulier celles qui incomberaient à l'Etat dans cette hypothèse, seraient considérables, non maîtrisables et non chiffrables à l'heure actuelle.
Par conséquent, l'article 3 s'expose à la rigueur de la mise en jeu de l'article 40 de la Constitution, que j'invoque.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il est applicable, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'article 3 n'est pas recevable.
En conséquence l'amendement n° 9 n'a plus d'objet.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Au début au troisième alinéa de l'article 75-2 du code minier, après les mots : "Cet article s'applique" est inséré le mot : "également". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 10, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 2, M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« A la fin du troisième alinéa de l'article 75-2 du code minier, les mots : "autre que la vente" sont supprimés. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'article 4 est repris dans l'article 75-2 tel que modifié par l'amendement n° 7 que j'ai déposé au nom du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bécart, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Jean-Luc Bécart. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
La rédaction actuelle de l'article 75-2 du code minier est certes ambiguë, mais il ne semble pas que la rédaction proposée par la commission soit beaucoup plus simple.
L'article en question traite des mutations immobilières, ce qui inclut forcément les ventes de biens immobiliers. La suppression des mots « autres que la vente » nous paraît donc répondre entièrement au souci de lisibilité et de simplification dudit article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 10 et 2 ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. L'article 75-2 du code minier prévoit les modalités d'information des acheteurs de biens immobiliers situés en zones dites minières. Il étend le bénéfice de cette information aux mutations immobilières autres que la vente. L'amendement n° 2 est donc satisfait ; c'est pourquoi nous y sommes défavorables.
En revanche, nous sommes favorables à l'amendement n° 10 du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est supprimé et l'amendement n° 2 n'a plus d'objet.

TITRE II

PRÉVENTION DES RISQUES MINIERS
APRÈS LA FIN DE L'EXPLOITATION

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Il est créé un établissement public de l'Etat dénommé Agence de prévention et de surveillance des risques miniers, placé conjointement auprès des ministres chargés respectivement de l'industrie, de l'intérieur et du logement.
« L'agence recueille et conserve, sous sa responsabilité, les documents mentionnés au deuxième alinéa de l'article 84. Elle les met à la disposition de toute personne ou collectivité concernée par la prévention ou la réparation des dommages liés à l'exploitation. L'agence participe à la préparation des mesures de prévention liées aux risques miniers.
« L'agence est administrée par un conseil d'administration où sont représentés à parité les collectivités locales, les assemblées parlementaires, les services de l'Etat et les établissements publics concernés.
« Un décret en Conseil d'Etat précise la composition de l'agence et détermine ses conditions de fonctionnement. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 11, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 3 vise à rédiger ainsi la fin du premier alinéa de l'article 5 : « de l'intérieur, du logement, de l'environnement et de l'aménagement du territoire. »
L'amendement n° 4 tend à compléter in fine l'article 5 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration est également composé de représentants, ayant voix consultative, des organisations syndicales représentatives, des associations agréées en matière d'environnement, de consommation, ainsi que des associations assurant la défense des personnes ou des communes sinistrées. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne la gestion pratique de mesures de l'après-mine, la proposition de loi que nous examinons vise, en son article 5, à créer un établissement public ad hoc, l'« agence de prévention et de surveillance des risques miniers ». C'est un sujet majeur auquel le Gouvernement est naturellement très attentif.
La surveillance et la prévention des risques qui subsistent après la fermeture des mines devrait employer quelques dizaines de personnes réparties dans quelques régions. Créer un établissement public spécifique dédié à ces missions paraît au Gouvernement excessivement lourd et coûteux, en particulier du fait des frais de structures élevés qui affectent nécessairement tout établissement public.
Par ailleurs, le personnel technique apte à accomplir ces tâches existe déjà dans deux établissements publics tout à fait remarquables : le bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS. Il y bénéficie de l'environnement scientifique et des capacités de recherche qui seront nécessaires pour développer et maintenir sa compétence et qu'il ne serait pas possible, parce que le champ de l' « après-mine » est trop étroit, de transférer à une « agence de prévention et de surveillance des risques miniers ».
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de confier la surveillance et la prévention des risques à des cellules spécialement dédiées à l'« après-mine », qui seront constituées au sein des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, dans toutes les régions où cela sera nécessaire. Ces cellules s'appuieront, par le biais de conventions, sur l'expertise de l'INERIS et du BRGM.
Elles auront en particulier pour mission de mettre à la disposition de toute personne ou toute collectivité locale concernée par les risques les documents utiles à la gestion du sol, des infrastructures et du patrimoine immobilier, comme le souhaitent et l'expriment les sénateurs dans l'article 5 de la poposition de loi.
Je demande donc au Sénat de bien voir que nous partageons avec lui l'impératif d'une surveillance de « l'après-mine », un impératif technologique et scientifique, un impératif de sérieux, mais de ne pas créer une lourdeur administrative supplémentaire avec cet établissement public.
Je pense que le Sénat sera sensible à mes arguments.
M. le président. La parole est à M. Bécart, pour défendre les amendements n°s 3 et 4.
M. Jean-Luc Bécart. Ces amendements ont été présentés dans la perspective de la création de l'agence de prévention et de surveillance des risques miniers. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes insensibles aux arguments que vous avez développés, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous tenons à la création d'un outil efficace de prévention et de surveillance des risques miniers quel qu'il soit, que ce soit sous la forme d'une agence ou autre.
Le projet de loi étant ce qu'il est, nous proposons aujourd'hui, avec l'amendement n° 3, d'associer également le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement à l'agence.
Avec l'amendement n° 4, nous souhaitons que les organisations syndicales représentatives, les associations agréées en matière d'environnement, de consommation, ainsi que les associations assurant la défense des personnes ou des communes sinistrées participent aussi au conseil d'administration de l'agence et que leurs représentants aient voix consultative.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 11, 3 et 4 ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 3. En effet, les questions minières étant l'un des principaux enjeux de l'aménagement du territoire et de l'environnement pour le Nord et la Lorraine, il paraît souhaitable de placer l'agence de prévention et de surveillance sous la tutelle du ministère compétent.
La commission est défavorable à l'amendement n° 4, carles personnalités qui y sont citées n'ont pas vocation à participer aux travaux du conseil d'administration de cette agence.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 11, car, si nous sommes d'accord sur les objectifs à atteindre, nous ne le sommes pas sur les moyens à mettre en oeuvre.
En effet, le Gouvernement préfère, plutôt que de créer une agence spécifique de prévention et de surveillance des risques miniers prévue à l'article 5, confier la surveillance et la prévention des risques à des équipes consacrées à l'« après-mine », qui s'appuieront sur l'expertise du BRGM et de l'INERIS.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3 et 4 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Au cas où le Sénat ne suivrait pas le Gouvernement dans la sagesse qui est la sienne et dont j'ai exposé les termes il y a quelques instants, je m'en remettrais à la sagesse de la Haute Assemblée pour l'amendement n° 3.
En revanche, le Gouvernement, rejoignant la position de la commission, est défavorable à l'amendement n° 4.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 84 du code minier, un alinéa ainsi rédigé :
Lorsqu'il perd la responsabilité de la concession, de l'exploitation ou de la maintenance d'installations minières, ou bien avant sa disparition juridique, tout exploitant est tenu de confier à l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers l'ensemble de la cartographie minière, des relevés géologiques, des archives et de la documentation technique nécessaires à la connaissance et à la prévention des risques miniers. »
Par amendement n° 12, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Après l'article 90, il est inséré dans le titre IV du livre 1er du code minier un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« De l'arrêt des travaux miniers
et de la prévention des risques

« Section 1

« De l'arrêt des travaux miniers

« Art. 91. - La procédure d'arrêt des travaux miniers s'applique à une installation particulière lorsqu'elle cesse d'être utilisée pour l'exploitation à l'ensemble des installations et des travaux concernés, lors de la fin d'une tranche de travaux et en tout état de cause à l'ensemble des installations et des travaux n'ayant pas fait l'objet de la procédure d'arrêt lors de la fin de l'exploitation. Les déclarations prévues par cette procédure doivent être faites au plus tard au terme de la validité du titre minier. A défaut, l'autorité administrative reste habilitée au-delà de ce terme à prescrire les mesures nécessaires.
« Lors de la cessation d'utilisation d'installations mentionnées à l'article 77, ou lors de la fin de chaque tranche de travaux ou, au plus tard, lors de la fin de l'exploitation et de l'arrêt des travaux, l'explorateur ou l'exploitant fait connaître les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l'article 79, pour faire cesser de façon générale les désordres et nuisances de toute nature engendrés par ses activités, pour prévenir les risques de survenance de tels désordres, et pour ménager le cas échéant les possibilités de reprise de l'exploitation.
« Dans le cas où il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables permettant de prévenir ou faire cesser tout désordre, il incombe à l'explorateur ou à l'exploitant de rechercher si des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes subsisteront après l'arrêt des travaux. Si de tels risques subsistent, il étudie et présente les mesures, en particulier de surveillance, qu'il estime devoir être poursuivies après la formalité mentionnée au neuvième alinéa du présent article.
« Dans tous les cas, l'explorateur ou l'exploitant dresse le bilan des effets des travaux sur la présence, l'accumulation, l'émergence, le volume, l'écoulement et la qualité des eaux de toute nature, évalue les conséquences de l'arrêt des travaux ou de l'exploitation sur la situation ainsi créée et sur les usages de l'eau et indique les mesures envisagées pour y remédier en tant que de besoin.
« Au vu de la déclaration d'arrêt des travaux, après avoir consulté les conseils municipaux des communes intéressées et après avoir entendu l'explorateur ou l'exploitant, l'autorité administrative prescrit, en tant que de besoin, les mesures à exécuter et les modalités de réalisation qui n'auraient pas été suffisamment précisées ou qui auraient été omises par le déclarant. L'autorité administrative indique le délai dans lequel les mesures devront être exécutées.
« Le défaut d'exécution des mesures prescrites entraîne leur exécution d'office par les soins de l'administration, aux frais de l'explorateur ou de l'exploitant.
« La consignation entre les mains d'un comptable public des sommes nécessaires à leur réalisation peut être exigée et, le cas échéant, ces sommes peuvent être recouvrées comme en matière de créance étrangère à l'impôt et au domaine.
« L'autorité administrative peut accorder à l'explorateur ou l'exploitant le bénéfice des dispositions des articles 71 à 73 pour réaliser les mesures prescrites jusqu'à leur complète réalisation.
« Lorsque les mesures envisagées par l'explorateur ou l'exploitant, ou prescrites par l'autorité administrative en application du présent article, ont été exécutées, cette dernière en donne acte à l'explorateur ou à l'exploitant.
« Cette formalité met fin à l'exercice de la police des mines telle qu'elle est prévue à l'article 77. Toutefois, s'agissant des activités régies par le présent code, et lorsque des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes apparaissent après la formalité prévue à l'alinéa précédent, l'autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l'article 79 jusqu'à l'expiration du titre minier et, dans les cas prévus au premier alinéa de l'article 93, jusqu'au transfert à l'Etat de la surveillance et de la prévention des risques miniers.
« Art. 92. - L'explorateur ou l'exploitant est tenu de remettre aux collectivités intéressées ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents les installations hydrauliques que ces personnes publiques estiment nécessaires ou utiles à l'assainissement, à la distribution de l'eau ou à la maîtrise des eaux pluviales, de ruissellement et souterraines. Les droits et obligations afférents à ces installations sont transférés avec elles.
« Les installations hydrauliques nécessaires à la sécurité sont transférées dans les mêmes conditions. Ce transfert est approuvé par le représentant de l'Etat ; il est assorti du versement par l'exploitant d'une somme qui ne peut excéder le coût estimé des dix premières années de fonctionnement de ces installations, et dont le montant est arrêté par le représentant de l'Etat.
« Les litiges auxquels donne lieu l'application du présent article sont réglés comme en matière de travaux publics.

« Section 2

« De la prévention et de la surveillance
des risques miniers

« Art. 93. - Lorsque des risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes, ont été identifiés lors de l'arrêt des travaux, l'exploitant met en place les équipements nécessaires à leur surveillance et à leur prévention et les exploite.
« La fin de la validité du titre minier emporte transfert à l'Etat de la surveillance et de la prévention de ces risques, sous réserve que les déclarations prévues à l'article 91 aient été faites et qu'il ait été donné acte des mesures réalisées.
« Ce transfert n'intervient toutefois qu'après que l'explorateur ou l'exploitant a transmis à l'Etat les équipements, les études et toutes les données nécessaires à l'accomplissement des missions de surveillance et de prévention et qu'après le versement par l'exploitant d'une somme correspondant au coût estimé des dix premières années de la surveillance et de la prévention des risques et du fonctionnement des équipements.
« L'autorité administrative peut recourir aux dispositions des articles 71 et 72 du présent code pour permettre l'accomplissement par ses services des mesures de surveillance et de prévention des risques miniers, ou pour exécuter des travaux en vue d'assurer la sécurité des personnes et des biens.
« L'autorité administrative informe annuellement les élus locaux réunis au sein d'un comité départemental ou interdépartemental de suivi des risques miniers du déroulement et des résultats de la surveillance de ces risques.
« Art. 94. - L'Etat élabore et met en oeuvre des plans de prévention des risques miniers dans les conditions prévues aux articles 40-1 à 40-7 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 modifiée relatifs aux plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces plans emportent les mêmes effets que les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Toutefois, les dispositions de l'article 13 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ne leur sont pas applicables.
« Art. 95. - Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, en cas de risque minier menaçant gravement la sécurité des personnes, les biens exposés à ce risque peuvent être expropriés par l'Etat, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, lorsque les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que l'expropriation.
« La procédure prévue par les articles L. 15-6 à L. 15-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est applicable lorsque l'extrême urgence rend nécessaire l'exécution immédiate de mesures de sauvegarde.
« Pour la détermination du montant des indemnités, il n'est pas tenu compte du risque.
« Sans préjudice des dispositions de l'article L. 13-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les acquisitions d'immeubles peuvent ne donner lieu à aucune indemnité ou seulement à une indemnité réduite si, en raison de l'époque à laquelle elles ont eu lieu, il apparaît qu'elles ont été faites pour obtenir une indemnité supérieure au prix d'achat.
« Sont présumées faites à cette fin, sauf preuve contraire, les acquisitions postérieures à l'ouverture de l'enquête publique préalable à l'approbation d'un plan de prévention des risques miniers rendant inconstructible la zone concernée ou, en l'absence d'un tel plan, postérieures à l'ouverture de l'enquête publique préalable à l'expropriation.
« A compter de la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique préalable à l'expropriation réalisée en application des deux premiers alinéa du présent article, aucun permis de construire ni aucune autorisation administrative susceptible d'augmenter la valeur des biens à exproprier ne peut être délivré jusqu'à la conclusion de la procédure.
« La personne morale de droit public au nom de laquelle un permis de construire ou une autorisation administrative a été délivré en méconnaissance des dispositions du précédent alinéa, ou en contradiction avec les dispositions d'un plan de prévention des risques miniers rendues opposables, est tenue de rembourser à l'Etat le coût de l'expropriation des biens ayant fait l'objet de ce parmis.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux biens immobiliers ayant subi des affaissements lorsque le coût de leur sauvegarde, maintien en l'état ou réparation excède la valeur du bien telle qu'évaluée sans tenir compte du risque.
« L'expropriation prononcée en application du présent article entraîne subrogation de l'Etat dans les droits des propriétaires liés aux biens expropriés.
« Art. 96. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent chapitre. »
« II. - Les dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier du code minier sont applicables aux procédures d'arrêt des travaux en cours à la date d'application de la présente loi. Les procédures de renonciation portant sur des titres d'exploitation pour lesquels des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes ont été identifiés ou sont apparus après la formalité mentionnée au neuvième alinéa de l'article 91 du code minier sont soumises aux dispositions de l'article 93 du même code. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais m'efforcer de raccourcir la présentation de cet amendement n° 12, qui est très long. Mais je me dois de l'expliciter pour que figurent au Journal officiel le sens et la portée d'un tel texte.
Cet amendement traite de la gestion proprement dite de l'après-mine, c'est-à-dire de la surveillance et de la prévention des éventuels risques résiduels dont nous avons, les uns et les autres, évoqué l'occurrence dans nos interventions. Il traite également de la gestion des eaux, sujet très important.
Il s'agit de combler un vide juridique. En effet, le code minier n'a pas pris en compte le fait que, dans certains cas, il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables permettant de faire cesser tout risque et d'éliminer toute séquelle de l'exploitation minière.
J'ai donc l'honneur de vous présenter un amendement tenant compte de cette réalité du terrain dans notre code minier.
Cet amendement crée un chapitre du code minier spécifiquement consacré à l'arrêt des travaux miniers et à la prévention des risques qui peuvent demeurer après la fin de l'exploitation et après la fin de validité de la concession. Il réécrit la procédure d'abandon des travaux, c'est-à-dire de fin d'exploitation, pour tenir compte de la possibilité de séquelles à moyen ou long terme ; il précise à qui reviendra la responsabilité de gérer les différentes mesures, par exemple de surveillance des terrains ou de pompage ; il permet enfin d'établir des plans de prévention des risques miniers analogues aux plans de prévention des risques naturels.
Tout d'abord, il précise la procédure d'abandon des travaux, l'article 91 du code remplaçant l'actuel article 84. L'exploitant devra identifier dans le dossier de fin de travaux si des risques subsisteront après la fermeture de la mine, une fois prises les mesures techniquement et raisonnablement envisageables. Il devra étudier et présenter à l'administration les mesures de surveillance et de prévention qui seront poursuivies après les travaux de fermeture. Le préfet prend acte de ces analyses et, le cas échéant, prescrit des études ou des travaux complémentaires.
Ensuite, l'amendement précise le partage des responsabilités de la gestion des mesures qui devront être poursuivies après la fermeture de la mine.
Lorsque des risques importants pour les biens ou les personnes subsistent et nécessitent qu'un certain nombre de dispositions spécifiques, telle une surveillance des terrains ou des cavités, soient poursuivies, le Gouvernement estime, avec le Sénat, qu'on ne peut pas en laisser les communes responsables, dans le cadre de la police générale du maire. Cela est très important.
C'est pourquoi je vous propose de prévoir le transfert à l'Etat de ces responsabilités et de ces charges, et cela dès le moment où la police des mines cesse, c'est-à-dire dès la fin de la validité de la concession minière.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'exercice de ces responsabilités demande un engagement fort, du point de vue technique et financier, et un engagement dans la durée : il incombe naturellement à l'Etat.
Nous introduisons aujourd'hui de manière sollennelle une autre novation juridique.
Les communes pourraient, sur leur initiative - je dis bien : sur leur initiative -, reprendre à leur compte les installations hydrauliques utiles ou nécessaires à l'assainissement, à l'adduction d'eau, à la maîtrise des eaux pluviales, de eaux de ruissellement ou des eaux souterraines, et au maintien hors d'eau des zones inondables. Ces installations hydrauliques seront ainsi naturellement intégrées dans les systèmes que les communes ou les syndicats qui les regroupent gèrent dans le cadre de leurs missions générales dans le domaine de l'eau. Je répète qu'il s'agit d'une initiative communale. Ces installations seraient exploitées dans le cadre réglementaire du droit positif existant régissant l'eau.
Enfin, quelles charges faire peser sur l'ancien exploitant ? L'article 9 de votre proposition de loi vise à étendre la police des mines pendant les cinquante ans qui suivent la fin de la concession. Ainsi, l'administration pourrait imposer à l'exploitant toutes les mesures de surveillance ou de gestion des risques qui seraient nécessaires.
Or le risque est grand, et l'expérience le confirme, que les entreprises exploitantes ne disparaissent peu de temps après l'expiration du titre minier - soyons francs : telle est la situation ! - ou que leurs capacités techniques et surtout financières ne s'évaporent. La police des mines serait alors sans effet, n'ayant plus d'assujetti à qui s'appliquer, et l'Etat serait contraint de se substituer à l'exploitant.
On comprend bien les objectifs du Sénat, sur lesquels on peut converger en tenant compte de l'objection que je viens d'émettre. C'est pourquoi nous serons unanimes à considérer qu'il serait préférable, du point de vue de l'intérêt général, d'acter d'ores et déjà que la gestion des risques reviendra à l'Etat, en mettant fin à la police des mines et d'imposer - j'insiste, d'imposer - en contrepartie, à l'exploitant qu'il fournisse toutes les études, toutes les données, tous les plans - cela n'est pas un détail ! - et tous les équipements nécessaires à la surveillance et à la prévention des risques ainsi qu'une soulte correspondant à une partie des dépenses futures prévisibles.
L'amendement que je vous présente répond donc à cet objectif. Il prévoit que cette soulte s'élèvera à dix fois les dépenses annuelles estimées. C'est donc un dispositif équilibré, qui place bien la responsabilité de l'exploitant dans la zone où elle doit être exercée.
Par ailleurs, pour tenir compte des remarques justifiées formulées par l'association des communes minières - à qui je dois rendre ici hommage, au nom du Gouvernement, pour l'excellent travail qu'elle a effectué et qui nous conduit aujourd'hui à ce texte - nous prévoyons que cette soulte accompagnera également le transfert aux communes des installations hydrauliques ayant un rôle de sécurité.
Vous êtes donc satisfait, monsieur le sénateur. Cette soulte peut s'élever jusqu'à dix fois le coût annuel et sera appréciée suivant la part des fonctions de sécurité dans l'ensemble des fonctions que ces installations assureront.
Afin d'organiser sur ces questions de risque minier une communication institutionnelle entre l'administration et les élus, l'amendement du Gouvernement instaure des comités départementaux ou interdépartementaux, suivant les cas, de suivi des risques miniers.
L'amendement du Gouvernement prévoit également d'établir des plans de prévention de risques miniers dans un dispositif assez analogue à celui des plans de prévention des risques naturels.
Enfin, détail qui n'en est pas un dans certaines régions, et on verra quelle importance il revêt pour les communes - il constitue d'ailleurs à mes yeux un point important - l'amendement gouvernemental vise à autoriser des abandons « par partie » : lorsqu'une installation de la mine, par exemple un bâtiment ou un terril, n'est plus nécessaire à l'exploitation, il sera possible de la soustraire à la police des mines sans attendre la fin de l'exploitation.
Cette disposition répond à une demande légitime des communes, de leurs groupements et d'autres collectivités territoriales, qui pourront désormais affecter rapidement ces installations à d'autres utilisations, au bénéfice de la vie économique, sociale, culturelle, sportive ou à toute autre activité que les communes, leurs groupements ou d'autres collectivités territoriales souhaiteraient organiser.
Cet amendement satisfait l'ensemble des attentes de l'après-mines en répondant, en termes structurels, aux problèmes environnementaux, économiques, sociaux et d'aménagement des territoires qu'entraîne l'abandon de l'exploitation. Le Sénat se doit donc, à mon sens, de le soutenir pour que l'on sorte du flou dans lequel se débattent aujourd'hui trop de collectivités locales et trop d'exploitants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. L'amendement du Gouvernement tend à insérer un nouveau chapitre au code minier composé de six articles. La commission ne peut souscrire à ce dessein.
Je note en premier lieu qu'elle n'a pas eu le temps matériel de procéder aux auditions indispensables sur un texte, certes très technique, mais aussi très important pour tous les acteurs concernés.
En second lieu, ce texte prévoit, à l'article 92 du code minier, que les installations hydrauliques nécessaires à la sécurité pourront être transférées aux collectivités locales moyennant une soulte correspondant au coût estimé des dix premières années de fonctionnement.
Qui nous dit qu'au bout de dix ans les collectivités locales ne seront pas obligées de réaliser des investissements ou d'entretenir des installations, ce qui grèvera lourdement leurs finances, alors même que le risque minier devrait être pris en charge par la solidarité nationale ?
Enfin, le Gouvernement entend - et c'est heureux - laisser les collectivités locales libres de reprendre ou non ces installations, mais il ne nous dit pas ce qu'il en adviendra. Si celles-ci refusaient une telle charge, les habitants devraient-ils alors affronter seuls les risques qui en résulteraient ?
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article 84 du code minier, un alinéa ainsi rédigé :
« De même, l'explorateur ou l'exploitant établit un bilan des affaissements miniers occasionnés par les travaux miniers, ainsi que des risques de déstabilisation des terrains de surface liés aux vides laissés par l'extraction des matériaux et les travaux miniers, notamment dans les zones habitées, urbanisées ou aménagées. »
Par amendement n° 13, le Gouverment propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement est devenu sans objet, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - Le début du troisième alinéa de l'article 84 du code minier est ainsi rédigé :
« Ces déclarations doivent être faites au plus tard... (Le reste sans changement.) »
Par amendement n° 14, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Comme le précédent, monsieur le président, cet amendement est devenu sans objet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 84 du code minier est ainsi rédigée :
« Toutefois, s'agissant des activités régies par le présent code, l'autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l'article 79 jusqu'à expiration de la validité du titre minier et pendant une période de cinquante ans au-delà de cette expiration. »
Par amendement n° 15, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'ai déjà dit que l'expérience démontrait que l'exploitant peut disparaître ou voir s'évaporer ses capacités techniques ou financières rapidement après la fin de l'exploitation.
Il est donc, me semble-t-il, de l'intérêt général de permettre le transfert immédiat à l'Etat de la responsabilité de la surveillance et de la gestion des risques afin de s'assurer que ces responsabilités seront correctement assumées.
Cet amendement s'inscrit dans la même philosophie que celle que j'ai développée précédemment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. S'étant montrée défavorable à l'amendement n° 12 à l'article 6, la commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement qui en est la conséquence puisqu'il supprime l'extension de la compétence de l'autorité administrative cinquante ans après l'expiration d'un titre minier prévu par l'article 9.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article additionnel après l'article 9



M. le président.
Par amendement n° 5, M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les servitudes d'utilités publiques, contraintes et obligations de faire, instituées à l'initiative du représentant de l'Etat dans le département au titre de la prévention des risques miniers après la fin d'exploitation, ouvrent droit au profit des titulaires de droits réels concernés, un droit à être indemnisés du préjudice direct, matériel et certain subi.
« A défaut d'accord amiable, l'indemnisation est fixée par le juge comme en matière d'expropriation. Le paiement des indemnités est à la charge du titulaire de la concession ou de l'Etat en cas de défaillance du titulaire ou lorsque ce dernier a perdu la responsabilité de la concession, de l'exploitation ou de la maintenance des installations. »
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Cet amendement reprend un des articles du projet de loi relatif à la modification du code minier.
Il s'agit d'ouvrir, au profit des titulaires de droits réels concernés par des servitudes d'utilité publique, un droit à être indemnisés du préjudice subi.
Au nom des exigences de sécurité des personnes et des biens, l'Etat est souvent conduit à instituer des servitudes particulières en matière d'urbanisme et d'aménagement dans les communes victimes d'affaissements miniers.
Ces mesures, qui peuvent entraîner la suspension de la délivrance des autorisations de construire ou des prescriptions très rigoureuses en matière de construction, sont de nature à porter parfois gravement préjudice aux propriétaires de biens immobiliers concernés.
Dans l'état actuel du droit, ces dispositions ne donnent pas lieu à indemnisation. Une telle situation est très insatisfaisante dans la mesure où le risque sur lequel se fonde l'autorité publique n'est pas un risque naturel, mais est la conséquence de l'exploitation minière. Il ne peut être question d'imposer aux propriétaires immobiliers de supporter les effets dommageables de l'activité lucrative d'un tiers. Le respect du droit de propriété exige, nous semble-t-il, que cette atteinte fasse l'objet d'une indemnisation juste et préalable.
Une telle indemnisation est d'ailleurs prévue dans le cas des servitudes administratives instituées par l'article 7-5 de la loi de 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Dans ce cas, l'exploitant doit indemniser le propriétaire des préjudices directs matériels qui résultent de cette situation.
Par le présent amendement, nous proposons donc, comme le prévoit le projet de loi, que les servitudes, contraintes, obligations de faire, instituées par l'Etat au titre de la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation, ouvrent droit à indemnisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Les problèmes posés par la non-indemnisation des servitudes d'utilité publique méritent une réflexion d'ensemble. Il ne nous semble pas possible de les régler par des mesures ponctuelles telles que celles qui sont proposées par le présent amendement.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Même avis.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 10



M. le président.
Par amendement n° 16, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 29 du code minier est ainsi rédigé :

« Art. 29. - I. - La durée des concessions de mines est fixée par l'acte de concession. Elle ne peut excéder cinquante ans. Une concession de mines peut fait l'objet de prolongations successives, chacune de durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans. Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expireront le 31 décembre 2018. La prolongation en sera de droit, dans les conditions du présent alinéa, si les gisements sont exploités à la date précitée.
« II. - En fin de concession le gisement est placé dans la situation de gisement ouvert aux recherches, après la réalisation des travaux prescrits en application du présent code. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La rédaction de l'article 29 a été modifée pour tenir compte de la reprise d'une de ses dispositions dans l'article 75-2. Par ailleurs, ces dispositions sont présentées de manière plus lisible.
Enfin, l'article 29 a été rendu cohérent avec l'article 119-2, qui fait mention, à juste titre, non pas du retour gratuit du gisement à l'Etat en fin de concession mais d'un retour à sa situation antérieure à l'attribution de la concession, c'est-à-dire à la situation de gisement ouvert aux recherches.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
Par amendement n° 17, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 87 du code minier est ainsi rédigé :
« Art. 87. - En cas d'accident arrivé dans une mine en cours d'exploitation, l'autorité administrative prend toutes les mesures nécessaires convenables pour faire cesser le danger et en prévenir la suite ; elle peut, comme dans le cas de péril imminent, faire des réquisitions de matériels, hommes et faire exécuter des travaux sous la direction de l'ingénieur des mines, ou des ingénieurs placés sous ses ordres et, en cas d'absence, sous la direction des experts délégués, à cet effet, par l'autorité locale.
« Par ailleurs, la mesure par laquelle est prononcé l'état de catastrophe minière, au sens de l'article 75-2 du présent code, opère transfert au profit de l'Etat des compétences découlant, au titre de cette catastrophe, du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Ce transfert se poursuit jusqu'à ce que l'autorité administrative ait constaté la fin de l'état de catastrophe minière. »
Cet amendement est affecté de quatre sous-amendements, présentés par M. Rausch, au nom de la commission.
Le sous-amendement n° 22 tend, avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 pour l'article 87 du code minier, à ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« Une catastrophe minière se définit comme un affaissement ou un accident miniers ne trouvant pas son origine dans des causes naturelles et provoquant la ruine d'un ou plusieurs immeubles bâtis ou y occasionnant des dommages dont la réparation équivaut à une reconstruction totale ou partielle. Cet affaissement ou cet accident est constaté par l'autorité administrative qui prononce alors l'état de catastrophe minière. »
Le sous-amendement n° 23 a pour objet, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 pour l'article 87 du code minier, de remplacer le mot : « arrivé » par le mot : « survenu ».
Le sous-amendement n° 29 vise, dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 pour l'article 87 du code minier, à remplacer deux fois les mots : « catastrophe minière » par les mots : « sinistre minier » et les mots : « cette catastrophe » par les mots : « ce sinistre ».
Enfin, le sous-amendement n° 24 tend, dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 pour l'article 87 du code minier, à remplacer les mots : « au sens de l'article 75-2 du présent code » par les mots : « au sens du présent article ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Avant de présenter l'amendement n° 17, je tiens à indiquer d'ores et déjà que je suis favorable au sous-amendement n° 29, tendant à substituer le mot « sinistre » au mot « catastrophe ».
L'amendement n° 17 vise à ajouter un alinéa à l'article 87 du code minier, afin qu'en cas de « catastrophe minière » - ou plutôt donc de « sinistre minier » - tel que défini désormais par l'article 75-2, les mesures de police qui visent, en surface, à protéger les personnes et qui, dans le droit commun, relèvent de la police du maire soient prises par le préfet.
Cet amendement s'inscrit dans la philosophie que le Gouvernement a déjà exposée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 et pour présenter les sous-amendements n°s 22, 23, 29 et 24.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 17 du Gouvernement sous réserve de l'adoption du sous-amendement de cohérence n° 29 et du sous-amendement n° 23.
En revanche, je retire les sous-amendements n°s 22 et 24.
M. le président. Les sous-amendements n°s 22 et 24 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 23 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix le sous-amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix le sous-amendement n° 29, accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix l'amendement n° 17 modifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 10.
Par amendement n° 18, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le code minier est ainsi modifié :
« I. - A la fin du second alinéa de l'article 68-11, les mots : "la concession" sont remplacés par les mots : "le permis d'exploitation".
« II. - Dans l'article 68-15, les mots : "des articles 28 et 43, ainsi que celles" sont supprimés. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Deux imprécisions formelles subsistent dans la loi du 21 avril 1998 portant extension du code minier aux départements d'outre-mer. Elles portent préjudice à ces derniers. Cet amendement tend à remédier à cela.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 10.
Par amendement n° 19, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le code minier est ainsi modifié :
« I. - Le second alinéa de l'article 28 est abrogé.
« II. - L'article 84 est abrogé.
« III. - A la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article 9, à la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 25, à la fin du troisième alinéa de l'article 51, dans l'article 68-7, à la fin de l'article 84-1 et dans le second alinéa de l'article 86 bis, la référence : "84" est remplacée par la référence : "91".
« IV. - Dans le premier alinéa de l'article 86 bis, après les mots : "des articles 79 à 87" sont insérés les mots : "et 91".
« V. - A la fin du septième alinéa (6°) de l'article 141, les mots : "le premier et le troisième alinéas de l'article 84" sont remplacés par les mots : "l'article 91".
« VI. - A la fin du onzième alinéa (7°) de l'article 142, les mots : "le premier alinéa de l'article 84" sont remplacés par les mots : "l'article 91". »
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 25, présenté par M. Rausch, au nom de la commission des affaires économiques, et visant à supprimer les paragraphes II à VI du texte de l'amendement n° 19.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 19.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement supprime un alinéa de l'article 28 qui est repris dans l'article 75-1 nouveau et reprend dans le code minier les visas de l'article 84, qui est abrogé. J'ai indiqué tout à l'heure pourquoi cet article était abrogé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 25.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Les dispositions des paragraphes II, III, IV, V et VI de l'amendement tirent les conséquences d'amendements auxquels la commission s'est déclarée défavorable, aussi ne peut-elle qu'y être défavorable.
En revanche, le paragraphe I procède de l'abrogation d'un article remplacé par l'amendement n° 6 du Gouvernement visant à insérer un article additionnel avant l'article 1er, auquel nous nous sommes montrés favorables.
La commission a donc déposé un sous-amendement visant à ne conserver que le paragraphe I de l'amendement n° 19.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 25 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Comprenant la logique de la commission, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 25, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 19, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 10.
Par amendement n° 20, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 119-5 du code minier est ainsi modifié :
« 1° - Dans le premier alinéa, après les mots : "d'une autorisation accordée", sont insérés les mots : "par le ministre chargé des mines" ;
« 2° - Le même alinéa est complété par les mots : "et de la consultation du Conseil d'Etat" ;
« 3° - Au début du deuxième alinéa, les mots : "Le décret" sont remplacés par les mots : "L'arrêté". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le projet de modification de l'article 119-5 du code minier a pour objet de modifier la procédure de mutation des concessions de mines, actuellement autorisée par décret en Conseil d'Etat et qui serait ainsi, comme pour les procédures de renonciation et de retrait, de la compétence du ministre chargé des mines.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Cet amendement permet d'alléger la procédure de mutation des concessions de mines et d'en aligner le régime juridique sur celui des autres procédures de renonciation et de retrait.
La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 10.

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - La perte de ressources résultant de l'article 2 ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 21, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Cet amendement supprimant le gage que nous avons créé en compensation de la perte de ressources résultant de l'article 2, la commission y est favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est supprimé.

Intitulé



M. le président.
La commission des affaires économiques propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.

Seconde délibération



M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, en application de l'article 43, aliéna 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 6, sur lequel j'ai défendu assez longuement un amendement n° 12, que le Sénat a rejeté.
La justification du rejet demandé par M. le rapporteur était essentiellement fondée sur le fait que la commission n'avait pu examiner cet amendement. Or cette proposition revêt, aux yeux du Gouvernement, une extrême importance. C'est pourquoi je demande au Sénat de bien vouloir reconsidérer sa position.
Ayant écouté les propos tenus par M. le rapporteur, par les membres de la majorité sénatoriale et par ceux de l'opposition sénatoriale, je suis convaincu que, après le travail de très grande qualité qui a été accompli ce matin par la Haute Assemblée, le texte est susceptible de faire franchir à notre législation un pas considérable, tant au regard de l'indemnisation que du traitement des problèmes concrets de l'« après-mine ».
Pour parachever cet excellent travail, il me semble nécessaire que le Sénat, dans sa sagesse, prenne en compte la proposition qu'avait formulée le Gouvernement avec l'amendement n° 12, lequel n'entrait d'ailleurs nullement en contradiction avec ce que le Sénat a voté par ailleurs.
Pour que chacun puisse définir sa position, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président. Le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 6.
Je rappelle que, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette demande : l'auteur de la demande, c'est-à-dire le Gouvernement, un orateur d'opinion contraire, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond.
Aucune explication de vote n'est admise.
Monsieur le rapporteur, sans doute la commission voudra-t-elle mettre à profit la suspension de séance demandée par M. le secrétaire d'Etat pour arrêter sa position quant à la demande de seconde délibération...
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. En effet, monsieur le président.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pendant cinq minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à douze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.
Monsieur le rapporteur, je souhaiterais connaître l'avis de la commission sur la demande de seconde délibération formulée par le Gouvernement.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Avant de se prononcer, monsieur le président, la commission voudrait avoir l'assurance que l'Etat reprendra en charge les installations de sécurité au cas où les collectivités ne les reprendraient pas elles-mêmes en charge.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Si je comprends bien, la commission approuve la seconde délibération sur l'article 6 à condition que la situation des collectivités locales soit éclaircie.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Exactement !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je me propose de modifier l'amendement du Gouvernement, afin de faire droit à la demande de la commission.
Par conséquent, le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 92 serait ainsi rédigé :
« Les installations hydrauliques nécessaires à la sécurité sont transférées à leur demande... » - c'est-à-dire à la demande des collectivités locales ou de leurs établissements de coopération - « ... dans les mêmes conditions. Ce transfert est approuvé par le représentant de l'Etat ; il est assorti du versement par l'exploitant d'une somme correspondant au coût des dix premières années de fonctionnement de ces installations, et dont le montant est arrêté par le représentant de l'Etat. »
Le texte deviendrait ainsi plus précis que celui qui figurait dans les conclusions de la commission. Il laisse aux collectivités locales le soin de décider ou non du transfert en leur faveur des installations hydrauliques.
En outre, le transfert des installations hydrauliques est assorti du versement par l'exploitant d'une somme « correspondant » au coût estimé des dix premières années de fonctionnement des installations, dont le montant est « arrêté » par le représentant de l'Etat. Il ne s'agit donc plus d'une somme « qui ne peut excéder » ce coût. Le Gouvernement va ainsi plus loin que dans sa proposition initiale, répondant par là même au souhait des collectivités locales.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Si les collectivités ne souhaitent pas ce transfert, l'Etat reprend-il en charge ces installations ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'Etat assume ses responsabilités de solidarité selon le droit commun, c'est-à-dire dans les mêmes conditions que celles qui régissent d'autres équipements du même type.
Je crois avoir ainsi, monsieur le président, défendu l'amendement que le Gouvernement entend soumettre au Sénat si celui-ci veut bien accepter une seconde délibération de l'article 6.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission sur la demande de seconde délibération ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération formulée par le Gouvernement et acceptée par la commission.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La seconde délibération est ordonnée.

Article 6



M. le président.
Le Sénat a précédemment adopté l'article 6 dans la rédaction suivante :
« Art. 6. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 84 du code minier, un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il perd la responsabilité de la concession, de l'exploitation ou de la maintenance d'installations minières, ou bien avant sa disparition juridique, tout exploitant est tenu de confier à l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers, l'ensemble de la cartographie minière, des relevés géologiques, des archives et de la documentation technique nécessaires à la connaissance et à la prévention des risques miniers. »
Par amendement n° A-1, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Après l'article 90, il est inséré dans le titre IV du livre 1er du code minier un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« De l'arrêt des travaux miniers
et de la prévention des risques

« Section 1

« De l'arrêt des travaux miniers

« Art. 91. - La procédure d'arrêt des travaux miniers s'applique à une installation particulière lorsqu'elle cesse d'être utilisée pour l'exploitation à l'ensemble des installations et des travaux concernés, lors de la fin d'une tranche de travaux et en tout état de cause à l'ensemble des installations et des travaux n'ayant pas fait l'objet de la procédure d'arrêt lors de la fin de l'exploitation. Les déclarations prévues par cette procédure doivent être faites au plus tard au terme de la validité du titre minier. A défaut, l'autorité administrative reste habilitée au-delà de ce terme à prescrire les mesures nécessaires.
« Lors de la cessation d'utilisation d'installations mentionnées à l'article 77, ou lors de la fin de chaque tranche de travaux ou, au plus tard, lors de la fin de l'exploitation et de l'arrêt des travaux, l'explorateur ou l'exploitant fait connaître les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l'article 79, pour faire cesser de façon générale les désordres et nuisances de toute nature engendrés par ses activités, pour prévenir les risques de survenance de tels désordres, et pour ménager le cas échéant les possibilités de reprise de l'exploitation.
« Dans le cas où il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables permettant de prévenir ou faire cesser tout désordre, il incombe à l'explorateur ou à l'exploitant de rechercher si des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes subsisteront après l'arrêt des travaux. Si de tels risques subsistent, il étudie et présente les mesures, en particulier de surveillance, qu'il estime devoir être poursuivies après la formalité mentionnée au neuvième alinéa du présent article.
« Dans tous les cas, l'explorateur ou l'exploitant dresse le bilan des effets des travaux sur la présence, l'accumulation, l'émergence, le volume, l'écoulement et la qualité des eaux de toute nature, évalue les conséquences de l'arrêt des travaux ou de l'exploitation sur la situation ainsi créée et sur les usages de l'eau et indique les mesures envisagées pour y remédier en tant que de besoin.
« Au vu de la déclaration d'arrêt des travaux, après avoir consulté les conseils municipaux des communes intéressées et après avoir entendu l'explorateur ou l'exploitant, l'autorité administrative prescrit, en tant que de besoin, les mesures à exécuter et les modalités de réalisation qui n'auraient pas été suffisamment précisées ou qui auraient été omises par le déclarant. L'autorité administrative indique le délai dans lequel les mesures devront être exécutées.
« Le défaut d'exécution des mesures prescrites entraîne leur exécution d'office par les soins de l'administration, aux frais de l'explorateur ou de l'exploitant.
« La consignation entre les mains d'un comptable public des sommes nécessaires à leur réalisation peut être exigée et, le cas échéant, ces sommes peuvent être recouvrées comme en matière de créance étrangère à l'impôt et au domaine.
« L'autorité administrative peut accorder à l'explorateur ou l'exploitant le bénéfice des dispositions des articles 71 à 73 pour réaliser les mesures prescrites jusqu'à leur complète réalisation.
« Lorsque les mesures envisagées par l'explorateur ou l'exploitant, ou prescrites par l'autorité administrative en application du présent article, ont été exécutées, cette dernière en donne acte à l'explorateur ou à l'exploitant.
« Cette formalité met fin à l'exercice de la police des mines telle qu'elle est prévue à l'article 77. Toutefois, s'agissant des activités régies par le présent code, et lorsque des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes apparaissent après la formalité prévue à l'alinéa précédent, l'autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l'article 79 jusqu'à l'expiration du titre minier et, dans les cas prévus au premier alinéa de l'article 93, jusqu'au transfert à l'Etat de la surveillance et de la prévention des risques miniers.
« Art. 92. - L'explorateur ou l'exploitant est tenu de remettre aux collectivités intéressées ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents les installations hydrauliques que ces personnes publiques estiment nécessaires ou utiles à l'assainissement, à la distribution de l'eau ou à la maîtrise des eaux pluviales, de ruissellement et souterraines. Les droits et obligations afférents à ces installations sont transférés avec elles.
« Les installations hydrauliques nécessaires à la sécurité sont transférées à leur demande dans les mêmes conditions. Ce transfert est approuvé par le représentant de l'Etat ; il est assorti du versement par l'exploitant d'une somme correspondant au coût estimé des dix premières années de fonctionnement de ces intallations, et dont le montant est arrêté par le représentant de l'Etat.
« Les litiges auxquels donne lieu l'application du présent article sont réglés comme en matière de travaux publics.

« Section 2

« De la prévention et de la surveillance
des risques miniers

« Art. 93. - Lorsque des risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes, ont été identifiés lors de l'arrêt des travaux, l'exploitant met en place les équipements nécessaires à leur surveillance et à leur prévention et les exploite.
« La fin de la validité du titre minier emporte transfert à l'Etat de la surveillance et de la prévention de ces risques, sous réserve que les déclarations prévues à l'article 91 aient été faites et qu'il ait été donné acte des mesures réalisées.
« Ce transfert n'intervient toutefois qu'après que l'explorateur ou l'exploitant a transmis à l'Etat les équipements, les études et toutes les données nécessaires à l'accomplissement des missions de surveillance et de prévention et qu'après le versement par l'exploitant d'une somme correspondant au coût estimé des dix premières années de la surveillance et de la prévention des risques et du fonctionnement des équipements.
« L'autorité administrative peut recourir aux dispositions des articles 71 et 72 du présent code pour permettre l'accomplissement par ses services des mesures de surveillance et de prévention des risques miniers, ou pour exécuter des travaux en vue d'assurer la sécurité des personnes et des biens.
« L'autorité administrative informe annuellement les élus locaux réunis au sein d'un comité départemental ou interdépartemental de suivi des risques miniers du déroulement et des résultats de la surveillance de ces risques.
« Art. 94. - L'Etat élabore et met en oeuvre des plans de prévention des risques miniers dans les conditions prévues aux articles 40-1 à 40-7 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 modifiée relatifs aux plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces plans emportent les mêmes effets que les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Toutefois, les dispositions de l'article 13 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ne leur sont pas applicables.
« Art. 95. - Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, en cas de risque minier menaçant gravement la sécurité des personnes, les biens exposés à ce risque peuvent être expropriés par l'Etat, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, lorsque les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que l'expropriation.
« La procédure prévue par les articles L. 15-6 à L. 15-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est applicable lorsque l'extrême urgence rend nécessaire l'exécution immédiate de mesures de sauvegarde.
« Pour la détermination du montant des indemnités, il n'est pas tenu compte du risque.
« Sans préjudice des dispositions de l'article L. 13-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les acquisitions d'immeubles peuvent ne donner lieu à aucune indemnité ou seulement à une indemnité réduite si, en raison de l'époque à laquelle elles ont eu lieu, il apparaît qu'elles ont été faites pour obtenir une indemnité supérieure au prix d'achat.
« Sont présumées faites à cette fin, sauf preuve contraire, les acquisitions postérieures à l'ouverture de l'enquête publique préalable à l'approbation d'un plan de prévention des risques miniers rendant inconstructible la zone concernée ou, en l'absence d'un tel plan, postérieures à l'ouverture de l'enquête publique préalable à l'expropriation.
« A compter de la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique préalable à l'expropriation réalisée en application des deux premiers alinéas du présent article, aucun permis de construire ni aucune autorisation administrative susceptible d'augmenter la valeur des biens à exproprier ne peut être délivré jusqu'à la conclusion de la procédure.
« La personne morale de droit public au nom de laquelle un permis de construire ou une autorisation administrative a été délivré en méconnaissance des dispositions du précédent alinéa, ou en contradiction avec les dispositions d'un plan de prévention des risques miniers rendues opposables, est tenue de rembourser à l'Etat le coût de l'expropriation des biens ayant fait l'objet de ce permis.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux biens immobiliers ayant subi des affaissements lorsque le coût de leur sauvegarde, maintien en l'état ou réparation, excède la valeur du bien telle qu'évaluée sans tenir compte du risque.
« L'expropriation prononcée en application du présent article entraîne subrogation de l'Etat dans les droits des propriétaires liés aux biens expropriés.
« Art. 96. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent chapitre. »
« II. - Les dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier du code minier sont applicables aux procédures d'arrêt des travaux en cours à la date d'application de la présente loi. Les procédures de renonciation portant sur des titres d'exploitation pour lesquels des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes ont été identifiés ou sont apparus après la formalité mentionnée au neuvième alinéa de l'article 91 du code minier sont soumises aux dispositions de l'article 93 du même code. »
M. le secrétaire d'Etat a déjà défendu cet amendement.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° A-1, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Vous ne verrez pas d'objection à ce que, par coordination, et selon la logique adoptée par le Sénat au cours de la première délibération, les articles 7, 8 et 9 soient supprimés et que les paragraphes II à VI de l'article 9 quater soient rétablis ? (M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur opinent.) Il n'y a pas d'opposition ?... Il en est ainsi décidé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble des conclusions du rapport de la commision des affaires économiques, je donne la parole à M. Huriet pour explication de vote.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne me suis pas exprimé lors de la discussion générale, puisque mon collègue et ami Philippe Nachbar est intervenu au nom des auteurs des propositions de loi n°s 298 rectifié, 247 et 248.
Toutefois, au terme de ce débat, dont chacun doit reconnaître le sérieux et qui a été marqué par une volonté commune de parvenir à un résultat qui puisse répondre aux attentes des habitants des anciens bassins miniers, je ne peux pas ne pas prendre la parole au nom du groupe de l'Union centriste auquel j'appartiens.
Nous avons cherché non seulement à engager un débat qui a permis de franchir aujourd'hui une étape très importante, mais aussi à apporter un apaisement à l'angoisse et à la détresse morale des populations concernées.
En effet, la sympathie que nous avons pu leur exprimer lors des épisodes dramatiques qui se sont succédé ne suffisait pas, et il était indispensable que nous manifestions notre volonté commune d'aller au-delà des mots et de traduire notre solidarité par des dispositions législatives.
En outre, il s'agissait aussi de reconnaître que la nation a contracté une sorte de dette à l'égard de la Lorraine et du Nord - Pas-de-Calais.
Voilà quelques générations, mes chers collègues, laLorraine était considérée comme le « Texas français » ! Elle était enviée pour sa prospérité, qui reposait non seulement sur l'exploitation de ses ressources naturelles, mais aussi sur le travail et les efforts de sa population. Cette prospérité est, hélas ! désormais dernière nous. Il était donc indispensable, comme cela fut le cas en d'autres circonstances, que la solidarité de la nation puisse s'exprimer au travers des dispositions législatives dont nous venons de débattre.
Trois points essentiels avaient retenu l'attention des auteurs des différentes propositions de loi.
Il s'agit tout d'abord de la rétroactivité, qui se traduit par le fait qu'un contrat de mutation immobilière exonérant l'exploitant de sa responsabilité est frappé de nullité. L'enjeu était considérable - et vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat - car il ne fallait pas pénaliser certains de nos concitoyens, qui avaient précisément contribué à la prospérité de notre région.
Il s'agit ensuite de l'indemnisation des dommages immobiliers, que visaient certaines des dispositions prévues par les propositions de loi sénatoriales.
Il s'agit enfin de la prévention et de la surveillance des risques miniers après la cessation de l'exploitation.
Ces trois préoccupations formaient un ensemble tout à fait cohérent, mes chers collègues, et il n'est pas surprenant que ceux d'entre nous qui se sont impliqués dans la recherche de solutions les aient prises en compte dans les textes qu'ils ont proposés.
Ces trois thèmes ont été repris par la commission des affaires économiques et son rapporteur, auquel j'exprime mon sentiment de gratitude personnelle, et le Gouvernement les a également fait siens.
Certes, le débat sur l'amendement n° 12 a été difficile, mais vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous avions des raisons d'être surpris de constater que l'importance de cet amendement n'avait pas amené le Gouvernement à soumettre en temps utile la disposition concernée à la commission. Cela nous aurait évité de procéder à une seconde délibération, car je ne doute pas que le Gouvernement aurait pu apporter les éclaircissements nécessaires et prendre les engagements que vous avez pris tout à l'heure en son nom.
Toutefois, cela n'a pas du tout nui à la sérénité et au sérieux des débats, et je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de ce texte tout à fait important, qui permettra de soulager l'angoisse et même le désespoir qu'éprouvent certains de nos concitoyens et d'exprimer la reconnaissance de notre pays envers une région qui a contribué à sa prospérité. Ces objectifs sont atteints. Je m'en félicite, et il va de soi que les membres du groupe de l'Union centriste voteront avec satisfaction ce texte.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Je voudrais remercier la commission des affaires économiques et du Plan au nom de l'Alsace, que j'ai l'honneur de représenter ici et qui est touchée, au même titre que le Nord - Pas-de-Calais et la Lorraine, par les problèmes liés à la cessation de l'exploitation minière.
Le texte que nous allons voter constitue une réponse à nos inquiétudes ; il permettra notamment de rassurer les habitants des communes qui subissent très régulièrement des sinistres.
Nous nous félicitons donc de la qualité de ce débat, et nous avons été sensibles à la volonté d'aboutir manifestée par M. le secrétaire d'Etat. La position adoptée par l'ensemble des groupes de notre assemblée démontre notre solidarité avec les populations concernées.
M. le président. La parole est à M. Percheron.
M. Daniel Percheron. Le groupe socialiste et apparentés votera avec un réel enthousiasme ce texte, qui était très attendu par les habitants des anciens bassins miniers.
Il s'agit aussi d'un moment heureux pour la Haute Assemblée, car l'élaboration de cette proposition de loi a été possible grâce à une initiative sérieuse, déterminée et aujourd'hui victorieuse du Sénat et grâce à l'engagement clair, net et précis que vous avez pris au nom du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, en faveur de régions et de populations qui ont contribué à la puissance industrielle du pays et qui seront très sensibles, au-delà même du règlement des problèmes actuels, au vote de cette loi d'équité et de solidarité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Jacques Valade.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

REDÉPLOIEMENT DES FORCES DE SÉCURITÉ

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 8 :
M. Paul Masson attire l'attention de M. le Premier ministre sur les décisions du conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1998 relatives à une nouvelle répartition géographique des effectifs de la police et de la gendarmerie sur le territoire national.
Ce projet de redéploiement aurait pour conséquence la dissolution de plusieurs dizaines de commissariats et de brigades de gendarmerie dont des listes semblent avoir été établies avant qu'une véritable consultation s'engage.
Le 25 septembre dernier, devant l'opposition, toutes tendances confondues, des élus locaux, le Gouvernement a « demandé que la méthode soit améliorée, la concertation renforcée et l'expertise approfondie ».
Le 17 novembre, devant le congrès de l'Association des maires de France, M. le Premier ministre a lui-même confirmé qu'aucune décision n'avait été arrêtée et qu'une concertation « aussi approfondie que nécessaire » serait conduite.
M. Paul Masson demande à M. le Premier ministre de lui préciser quelles sont les conclusions de la mission de consultation dont M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, a été chargé et quels aménagements, à la lumière de ces propositions, le Gouvernement entend apporter au projet de redéploiement de telle sorte que la concertation soit aussi approfondie que nécessaire avec les élus nationaux et locaux.
La parole est à M. Masson, auteur de la question.
M. Paul Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question orale, qui s'adresse à M. le Premier ministre, me paraît étrangement ressembler à une question d'actualité. En effet, elle intervient au lendemain d'un conseil de sécurité intérieure particulièrement important où ont été annoncées de nombreuses et diverses mesures pour lutter contre la violence des jeunes. Parmi ces mesures, figure le redéploiement de 7 000 policiers et gendarmes d'ici à 2001 dans les vingt-six départements considérés comme les plus sensibles.
Donc, le redéploiement continue. Cette précision, que vous nous confirmerez sans doute, tout à l'heure, monsieur le ministre, a tout son prix. En effet, depuis quelques mois, les élus, les fonctionnaires de police et les gendarmes sont, à cet égard, dans l'incertitude.
En effet, le 27 avril 1998, le Gouvernement annonçait une nouvelle répartition géographique des effectifs de la police et de la gendarmerie sur le territoire national. Ce projet de redéploiement faisait suite au rapport Hyest-Carraz, qui soulignait de fortes disparités entre départements dans les activités des brigades de gendarmerie et des commissariats de police. Ce n'était d'ailleurs pas un secret pour ceux qui sont confrontés quotidiennement à ces problèmes dans leur département ou dans leur commune.
Le 19 janvier 1999, devant le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, le Premier ministre déclarait, d'après la presse, qu'il n'y aurait pas « d'application générale du plan de redéploiement des forces de sécurité » et que s'ouvrirait bientôt une phase « d'examen au cas par cas, en concertation avec les élus concernés, de ce qui peut être fait sans que cela suscite des difficultés ».
Hier enfin, M. le Premier ministre annonçait la création de commissariats « territorialisés » - je ne sais pas si le terme est approprié - dans vingt-six départements particulièrement sensibles, avec l'affectation, en trois ans, de 7 000 policiers et gendarmes.
Ces effectifs supplémentaires proviennent non pas d'un recrutement de fonctionnaires supplémentaires, mais d'une réorganisation des services de police et de gendarmerie. Ainsi, 1 900 effectifs devraient être redéployés en 1999. Je ne sais pas s'ils le seront au cas par cas et avec l'accord des élus concernés afin d'éviter toute difficulté, ou si cela se fera d'une autre façon. Vous nous le direz peut-être, monsieur le ministre.
En revanche, aucune précision n'est fournie sur le financement des nombreuses mesures annoncées. « Les choix seront faits le moment venu », a simplement déclaré à cet égard M. le Premier ministre. Il conviendrait de savoir si ces choix amputeront le budget du ministère de la défense dont les crédits sont déjà relativement exigus, ou si, au contraire, des crédits supplémentaires viendront compléter votre budget pour faire face à ce redéploiement.
Vous en conviendrez, mes chers collègues, ma question est opportune, ce qui permet de prendre la mesure de l'attention avec laquelle nous attendons vos réponses, monsieur le ministre.
En neuf mois, que s'est-il passé qui a conduit le Gouvernement à modifier plusieurs fois sa position dans un débat particulièrement sensible pour la population, pour les élus et pour les fonctionnaires directement concernés ?
Nous le savons tous, des forces de police et de gendarmerie devront changer d'affectation, dans un grand remue-ménage local qui affectera l'ensemble du territoire national.
Des répartitions doivent se faire entre des fonctionnaires et des militaires qui n'ont pas les mêmes pratiques et qui sont soumis à des règles d'emploi et à des disciplines différentes. Changer les uns par les autres ne peut pas ne pas créer de problèmes, et nous sommes, je crois, quelques-uns, ici, à attendre beaucoup du débat organisé ce soir.
Chacun sait que le projet de déploiement initialement prévu avait pour conséquence la dissolution de plusieurs dizaines de commissariats et de plus de deux cents brigades de gendarmerie. Une certaine émotion s'empara des élus comme de la population lorsque l'information arriva, de façon assez inédite, aux alentours du 15 août- subrepticement, pourrait-on peut-être dire - à une époque peu propice à la circulation de l'information. Aucune information préalable, aucune explication ne nous avaient été données.
Les réactions furent nombreuses. La première, et peut-être, pour certains, la plus inattendue, fut celle de M. Paul Quilès, président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, qui, dès le 7 octobre - c'était tôt - demanda devant le directeur de la gendarmerie entendu sur le sujet le retrait du plan gouvernemental de redéploiement. C'était net, c'était carré, c'était simple, et il n'y allait pas par quatre chemins.
M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, fut alors chargé d'une mission de consultation afin d'entendre l'avis des représentants nationaux et locaux dans chaque département. Son rapport a été remis le 31 décembre dernier au Premier ministre. Ce document n'a pas été rendu public. Cependant, un communiqué officiel constate alors « les objections soulevées par le projet » et récense « certaines difficultés pouvant résulter de transferts ou de dévolutions, au regard de la politique d'aménagement du territoire, des problèmes financiers et immobiliers et du reclassement des personnels de police ».
Fait, je crois, dans des conditions d'objectivité totale, ce rapport a été assez exhaustif, puisque, à ma connaissance, M. Fougier est passé dans la plupart des régions et départements du territoire national.
Les déclarations du 19 janvier 1999 de M. LionelJospin devant les élus socialistes de l'Assemblée nationale, comme les conclusions du conseil de sécurité qui s'est tenu hier, conduisent à penser que le projet de redéploiement est aujourd'hui, dans sa globalité, renvoyé, sinon sine die, du moins assez loin dans l'espace et dans le temps, mais que des opérations ponctuelles pourraient être tentées avec l'accord des élus.
Un tel dénouement, mes chers collègues, était prévisible. Il paraissait inscrit dans la méthode choisie par le Gouvernement. N'insistons pas sur les inconvénients de ces hésitations dans la mise en oeuvre de ce plan et prenons acte pour l'avenir que, sur des sujets de cette nature, la décision ne saurait précéder la consultation sans compromettre gravement l'objectif poursuivi.
Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous ne voulons pas nous livrer à des exercices polémiques ou démagogiques.
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Paul Masson. Les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont certes souhaité que la procédure soit substantiellement revue ; ils vous ont fait part de leurs inquiétudes à l'occasion des débats budgétaires et, plus récemment, lorsque vous avez été de nouveau auditionné par elle. Mais ils se sont gardés de déclarations intempestives. Et je déplore, personnellement, des polémiques qui me paraissent déplacées...
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. Paul Masson. ... sur la comparaison des mérites respectifs de la police et de la gendarmerie, polémiques qui se sont développées dans l'opinion à l'occasion de la mise en route du programme. Cela ne me paraît pas admissible. (Très bien ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Aujourd'hui, quelques questions viennent à l'esprit : je ne pense pas qu'il soit dans l'intention du Gouvernement d'abandonner le principe du redéploiement, dont la nécessité repose sur un double fondement : d'une part, la loi de 1995 et, d'autre part, les disparités fortes existant entre les départements, disparités que souligne le rapport de MM. Hyest et Carraz et qui nuisent à la bonne efficacité des forces de sécurité face au développement insupportable de l'insécurité dans ce pays. Tout le territoire français est d'ailleurs concerné, aussi bien les départements très urbanisés et très exposés que des communes et des bourgs où l'on ne s'attendait pas, jusqu'ici, à rencontrer les perturbations provoquées par des bandes qui, certes, viennent d'ailleurs, mais qui sont de plus en plus nombreuses à s'exercer à ce que l'on peut considérer comme un très grand jeu de piste à la dimension des adultes.
L'annonce, hier, de la création dans vingt-six départements de commissariats dont je ne sais s'il faut les appeler « territorialisés » ou « décentralisés » permet de penser que les brigades de gendarmerie qui opèrent en zone de police d'Etat seront, de ce fait, dégagées de leurs obligations dans ces secteurs et seront disponibles pour répondre aux exigences nouvelles de leur propre redéploiement dans les communes de moins de 20 000 habitants. Votre réponse sur ce point, monsieur le ministre - si vous nous la donnez - sera particulièrement intéressante et attendue.
En effet, il existe, me semble-t-il, quelque contradiction, en apparence tout au moins, entre la déclaration du Premier ministre le 19 janvier - comment opérer au cas par cas sans que cela puisse déranger et pour éviter toute difficulté ? - et celle d'hier - comment réorganiser les services de police et de gendarmerie dans le cadre du renforcement des circonscriptions difficiles ?
Qu'est-ce qui est vrai, monsieur le ministre ? Est-ce le cas par cas, le coup par coup, sans déranger, ou est-ce le redéploiement qui s'impose dans un certain nombre de départements et qui implique effectivement que la police de l'Etat prenne sa pleine responsabilité là où elle est compétente en dégageant pour autant les brigades de gendarmerie qui sont installées et qui assument efficacement, elles aussi, des charges nombreuses et importantes ?
La nécessité de ce redéploiement repose sur un double fondement.
Le premier est d'ordre législatif. Je rappelle la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, adoptée par le Parlement en 1995, loi qui, selon un critère objectif, a partagé les compétences en matière de sécurité : en-dessous de 20 000 habitants, la sécurité relève de la gendarmerie ; au-dessus de ce seuil, elle relève de la police. Voilà qui était simple. La suite l'est moins !
L'adoption, en 1996, d'un décret d'application relatif aux attributions entre gendarmerie et police avait laissé espérer une mise en oeuvre rapide des procédures d'étatisation ou de désétatisation. Pourtant, inertie et résistances ont limité les opérations de cet ordre à un nombre de mesures très parcellaires.
Le second fondement découle, certes, de l'ordre légal, mais il est d'ordre opérationnel.
On l'a dit, les effectifs sont très inégalement répartis sur le territoire, et le rapport de MM. Hyest et Carraz a bien souligné ces disparités. Pour prendre le seul cas de la gendarmerie, il existe de fortes disparités entre les départements, du point de vue tant du ratio gendarmes par habitant que de l'activité. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dans un rapport préparé par notre ancien collègue Michel Alloncle, s'était d'ailleurs étonnée, en 1997, de la faiblesse des moyens dévolus aux brigades situées en zones périurbaines : ces unités assurent la sécurité du quart de la population habitant en zone de gendarmerie nationale et constatent 33 % des crimes et délits recensés au niveau national. Cependant, elles ne comptent que 19,5 % de la totalité des sous-officiers affectés en brigades territoriales.
On voit bien le déséquilibre qui existe dans la répartition des unités de gendarmerie. Cette inégalité de fait de nos concitoyens devant la loi est insupportable. Il en est de même, d'ailleurs, de la police, comme les mesures annoncées hier le prouvent bien.
Il ne faut en effet jamais oublier ceci : l'égalité de tous les citoyens face au droit à la sécurité constitue un principe intangible qui doit guider les actions et les réformes à conduire, et ce pendant longtemps.
Les interrogations me paraissent porter sur trois points : les critères à prendre en considération dans le choix d'une nouvelle répartition des effectifs de sécurité, les solutions possibles pour favoriser une telle répartition et, enfin, la procédure à retenir pour la prise des décisions.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de proposer sur ces trois points quelques suggestions ou quelques pistes de recherche sur lesquelles nous pourrons débattre.
S'agissant des critères tout d'abord, je suis persuadé que la seule prise en compte des statistiques des crimes et délits commis dans le périmètre de la compétence des commissariats et des brigades est nécessaire, mais insuffisante. De nombreux autres facteurs doivent être pris en considération, facteurs qui permettent de nuancer, sinon de corriger, les résultats obtenus par une analyse brute des statistiques.
Parmi ces facteurs, relevons l'évolution de la démographie. Nous somme à la veille d'un recensement général de la population dont les premiers résultats seront connus d'ici à la fin de l'année. Ne serait-il pas opportun de s'appuyer sur ces premiers résultats pour constater que la population de certains départements - notamment ceux qui sont autour de la grande couronne parisienne, mais aussi certains départements du Midi - évoluent rapidement ? Un mouvement ascendant et continu conduit à enregistrer, d'ici à 2020, des hausses de population de 20 % à 30 %, voire 100 % en Seine-et-Marne.
M. Jean-Jacques Hyest. Et voilà !
M. Paul Masson. On doit tenir compte, me semble-t-il, de cette évolution. On ne peut pas imaginer un redéploiement tous les dix ans.
M. Xavier de Villepin. Bravo !
M. Paul Masson. L'expérience est suffisamment difficile - nous en vivons tous les jours les péripéties - pour ne pas être répétée. Fonder une restructuration sur les seuls indices des crimes et délits de 1997 paraît insuffisant là où il y a un glissement démographique certain. Prévoir l'évolution démographique sur une longue période me paraît être le premier objectif.
A l'autre bout de la chaîne, le dépeuplement de certaines portions du territoire national ne peut pas être un argument pour supprimer les brigades de gendarmerie qui occupent l'espace. Je rappelle que la première mission historique de la gendarmerie fut, à l'époque révolutionnaire, d'assurer la surveillance du territoire national. C'est une mission constante de la gendarmerie, encore aujourd'hui. Il ne peut y avoir de recoins du pays, si isolés fussent-ils, qui puissent échapper à la surveillance d'une force de proximité. Un canton qui se dépeuple doit toujours pouvoir bénéficier d'une présence assurée de la gendarmerie, à qui incombe la responsabilité fondamentale de veiller à la surveillance du territoire. C'est une tâche de souveraineté qui incombe institutionnellement à la gendarmerie.
Parmi les autres facteurs, relevons aussi la géographie : soit les flux saisonniers provoqués par les saisons touristiques, soit le relief qui rend les communications difficiles, spécialement en mauvaise saison, soit encore la surveillance frontalière et l'application des conventions bilatérales signées en application des traités de Schengen avec nos voisins, cela étant une charge internationale.
En outre, le principe même de l'aménagement du territoire pourrait être en cause. La brigade de gendarmerie est parfois le dernier service public installé dans certaines communes. D'autres disparitions ont été constatées, toujours amèrement ressenties : les perceptions, les bureaux de poste, les écoles. Restent les gendarmes qui, avec leurs familles, constituent souvent le dernier obstacle à la désertification.
La gendarmerie, je le sais, monsieur le ministre, n'est pas faite pour assurer l'aménagement du territoire, et je partage cette vision. Qui ne pourrait la partager, du reste ?
Cependant, pouvons-nous ne pas constater que le déménagement de quelques familles de gendarmes ne passe pas inaperçu là où elles résident lorsque leur présence conforte le service d'un commerce et que leurs enfants assurent le maintien de la dernière classe ? C'est un fait. Nous sommes hors des principes, mais les élus, les hommes politiques que nous sommes les uns et les autres doivent également tenir compte des faits. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Dans la réalité quotidienne, il n'est pas possible que ces faits, si ténus, si dérisoires fussent-ils par rapport aux grandes visions de l'Arme et aux obligations de service national, ne soient pas pris en considération.
D'autres facteurs sont à relever. Il en est ainsi des efforts consentis par les collectivités aux infrastructures dévolues à la gendarmerie. La dissolution d'une brigade pourvue de casernements récents et construits avec l'aide de la collectivité présente dans l'opinion, qu'on le veuille ou non, un aspect choquant tant sur le plan des principes que par le gaspillage de fonds publics qu'une telle décision sous-tend.
MM. François Gerbaud et Serge Vinçon. Très bien !
M. Paul Masson. Les solutions possibles, monsieur le ministre, n'apparaissent certes pas évidentes. Comment déshabiller Pierre pour habiller Paul ? La voie est étroite, j'en conviens.
Dans le schéma présenté par le Gouvernement à la suite du Conseil de sécurité intérieure d'avril 1998, les redéploiements entre police et gendarmerie apparaissent étroitement liés aux redéploiements internes à chacune de ces deux forces.
Ainsi, l'intégration en zone de gendarmerie de deux cent vingt-huit communes auparavant placées sous le régime de la police d'Etat supposait d'importants redéploiements au sein de la gendarmerie.
Sans doute la gendarmerie était-elle déjà présente dans les villes dont elle aurait pris la charge, mais cette présence appelait un important renforcement. Les effectifs supplémentaires auraient été procurés de façon marginale par les gendarmes dégagés du transfert des zones de gendarmerie vers la zone relevant de la police, mais le renfort viendrait essentiellement des emplois libérés grâce à la suppression des brigades de gendarmerie en zone de police d'Etat et grâce à la dissolution des brigades de gendarmerie dans les zones rurales les moins peuplées. N'est-ce pas un peu simpliste ?
Nul ne conteste le principe de l'allégement des brigades de gendarmerie situées en zones de police d'Etat - j'en ai parlé tout à l'heure - mais je considère que sa mise en oeuvre doit être singulièrement étalée dans le temps.
En revanche, les suppressions envisagées dans les zones rurales suscitent - vous en aurez l'écho dans quelques instants - une vive émotion.
Le maillage territorial de la gendarmerie doit être préservé. Ce principe ne se confond pas avec l'immobilisme, il garantit une action de proximité, dont la priorité a été reconnue par le Gouvernement.
Ainsi, la présence d'une brigade par canton doit demeurer une référence essentielle. Disant cela, je ne systématise pas, mais, en tout état de cause, les délais d'intervention ne sauraient en aucun cas dépasser la demi-heure.
Cette obligation de résultat laisse, me semble-t-il, une certaine marge pour une organisation plus adaptée et plus rationnelle des brigades de gendarmerie.
Une fois posée la garantie d'une intervention rapide, rien n'interdit l'allégement des effectifs de certaines unités. Pour y parvenir, plusieurs pistes sont possibles. Elles sont techniques et il ne nous appartient pas de résoudre cette question, que des spécialistes ont déjà évoquée. On pourrait, par exemple, fixer à cinq les effectifs de base des brigades au lieu de six, imaginer un binôme entre brigades mères et brigades filles...
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Paul Masson. ... envisager un système de veille ou d'alerte allégé qui permette à ce que les militaires appellent des « sonnettes » de fonctionner et d'alerter en temps utile les brigades de proximité.
Il semble par ailleurs, monsieur le ministre - j'évoque là un dossier délicat, mais il est d'actualité -, que des gisements d'effectifs pourraient être recherchés dans l'allégement des charges de police judiciaire dont la gendarmerie supporte le poids, notamment dans les zones de police d'Etat.
A cet égard, la récente loi du 18 novembre 1998 portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire aux corps de maîtrise et d'application de la police nationale pourrait être de nature à soulager vos propres effectifs dans leur charge de police judiciaire.
Enfin, autre sujet ô combien difficile mais aussi brûlant, une refonte des différents niveaux de commandement, notamment aux échelons départementaux et régionaux, devrait permettre de prélever - disons-le - sur les états-majors des personnes qui pourraient être réaffectées en brigade territoriale. (M. le ministre sourit.)
Certes, je sais que j'aborde là un sujet brûlant et délicat qui n'est pas en odeur de sainteté au sein de vos états-majors, et combien je les comprends ! Mais je crois aussi que le développement exponentiel des effectifs dans les états-majors doit être contrôlé, ce contrôle pouvant constituer une solution à la pénurie des effectifs de base, ceux qui sont sur le terrain, pénurie que vous vivez, que nous vivons avec vous.
Pourquoi, d'ailleurs - là aussi, ce serait une solution juridique, monsieur le ministre - ne pas utiliser la commission départementale des services publics prévue à l'article 28 de la loi du 4 février 1995 ? Cela me paraît s'imposer à l'égard des services de sécurité comme à l'égard de tous les autres services publics.
Certains, dans les états-majors, contestent cette compétence, mais ce débat pourrait être tranché dans les instances gouvernementales ! Ce serait, en tout état de cause, un centre de concertation qui me paraîtrait particulièrement efficace parce que toutes les structures concernées par le redéploiement sur le terrain pourraient travailler ensemble et trouver des solutions.
Les modalités de la prise de décision impliquent une concertation indispensable. Or c'est l'absence d'une telle concertation qui a condamné la première tentative du Gouvernement.
Peut-on laisser, comme ce fut sans doute le cas l'an passé, militaires et civils élaborer chacun de leur côté une liste des brigades ou des commissariats à supprimer, liste transmise ensuite aux préfets puis présentée aux élus sur le mode du constat et non du dialogue ? Ce n'est pas possible.
Par ailleurs, tout le monde le dit - et je le dis à mon tour - la gendarmerie et la police doivent travailler de conserve et non pas de façon séparée. Ce travail de base doit être ensuite soumis, sous l'autorité du Gouvernement, à l'appréciation des élus. Enfin, la consultation doit être conduite, me semble-t-il, dans un cadre décentralisé et déconcentré autour du préfet de région ou du préfet de département.
Certes, je n'ignore rien du risque de paralysie que soulève une large consultation. C'est le lot de toutes les consultations, car, dans ce domaine, chacun regarde d'abord son intérêt immédiat, c'est évident. Toutefois, les résultats positifs d'un véritable effort de communication ne sauraient être sous-estimés. C'est la seule voie qui est laissée au Gouvernement sur des points aussi difficiles que ceux que nous examinons.
En outre, les pouvoirs publics pourraient, me semble-t-il, faire valoir, dans le cadre d'une négociation, certaines contreparties à effet immédiat en faveur des collectivités locales. Ainsi, il doit y avoir, à cet égard, concomitance entre les suppressions et les propositions faites en contrepartie. A ce prix-là seulement, et après des études techniques spécialisées à l'échelle du canton ou du département, l'opération pourrait être rendue crédible.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que je souhaitais formuler en préambule.
J'aurais souhaité que M. le ministre de l'intérieur puisse répondre lui aussi à ma question, dans la mesure où le redéploiement concerne vos deux ministères, intérieur et défense, mais je comprends que les obligations de M. Chevènement le conduisent à réserver aujourd'hui sa présence à d'autres auditoires. Toutefois, je dois dire que la partie civile de ce plan est aussi importante que sa partie militaire.
Rien ne se fera, en tout cas, si les procédures s'engagent dans un esprit de rivalité ouverte, voire de dénigrement public, comme nous en avons eu voilà peu de tristes exemples.
Le Parlement devra pouvoir connaître les conditions dans lesquelles les commissariats de police doivent être réorganisés dans les zones placées sous la responsabilité du ministre de l'intérieur, de telle sorte que la police d'Etat assume seule la responsabilité de l'exécution des missions, comme le prévoit le décret du 19 septembre 1996.
Considérant la nécessité de l'exercice mais aussi sa complexité quant à ses implications psychologiques, politiques, techniques juridiques et financières, je me demande - et ce sera ma conclusion, monsieur le ministre - s'il ne serait pas envisageable d'innover fortement et spectaculairement en cette matière en créant une mission permanente du redéploiement qui serait composée de civils et de militaires de haut rang.
Cette mission aurait pour tâche d'imaginer les étapes du redéploiement, d'organiser les conditions de la concertation département par département, ville par ville, d'en suivre les procédures, d'en évaluer les coûts, d'analyser les compensations, de rendre possible la réalisation immédiate de ces compensations, d'examiner, pour les personnels, les points de chute dans les services juridiques ou techniques et de tirer les premières conclusions des restructurations déjà engagées, aussi bien pour les personnels que pour la sécurité, qui reste l'objectif suprême à atteindre.
Cette mission pourrait organiser avec les collectivités locales les concertations les plus appropriées, dans un esprit d'efficacité et d'imagination.
Où serait-elle située ? Serait-ce auprès du Premier ministre - mais les missions sont déjà nombreuses à ce niveau - ou ailleurs ? Cela relève de l'imagination du Gouvernement et de la responsabilité des ministres.
Ce symbole du rapprochement entre civils et militaires, qui suivent ces dossiers d'une façon permanente et sur une longue durée, dans tous leurs recoins, serait peut-être de nature à rassurer, en tout cas à mieux expliquer le problème, d'une manière moins formelle, moins théorique, moins brutale que celle que nous avons connue l'année dernière, il faut bien l'admettre.
C'est sur cette dernière proposition que je conclurai l'exposé de ma question, étant entendu que nous allons vous entendre avec le plus vif intérêt. Parce que l'enjeu est supérieur - il est national, il touche tous nos concitoyens - il convient d'apporter au débat, dans un esprit d'objectivité totale, notre part de réflexion constructive. C'est tout l'honneur du Sénat de s'exprimer dans cet état d'esprit sur ce programme de redéploiement, dont nous mesurons les exigences, les conséquences et les contradictions. (Applaudissements sur les travées du groupe du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 82 du règlement, les temps de parole dont disposent les groupes sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le disait à l'instant M. Masson, auteur compétent de cette question importante. Ce débat sur le redéploiement des forces de police et de gendarmerie survient opportunément, alors que la sécurité est au coeur de l'actualité, c'est pourquoi, avant d'évoquer le sujet qui préoccupe nombre de nos collègues, parlementaires et élus locaux, j'évoquerai, bien sûr, les mesures annoncées hier soir par le conseil de sécurité intérieure.
Depuis le début de l'année, la polémique alimentée par les arrière-pensées des uns et les outrances verbales des autres ne cesse de s'amplifier, faisant perdre de vue l'essentiel. Or la polémique est l'ennemie intime de la politique.
En vous interrogeant, monsieur le ministre, je n'ai pas l'intention de nourrir le discours de quiconque. Je souhaite exprimer, comme c'est le devoir de la représentation nationale, le sentiment de la majorité des Français préoccupés par la montée de la violence et de la délinquance. J'exprimerai également l'opinion du groupe des Républicains et Indépendants du Sénat.
Je le ferai parce que la sécurité constitue la première des libertés, et la condition essentielle à l'épanouissement de toutes les autres libertés, parce qu'il n'y a pas de droits sans devoirs, pas de liberté sans responsabilité, parce que le premier des devoirs de l'Etat est de garantir sur tout le territoire, sans exception, la sécurité physique des personnes ainsi que la protection et la conservation de leurs droits et de leurs biens.
S'agissant du service public cher aux Français, notons que la poste, le téléphone, l'électricité sont assurés partout. Mais, aujourd'hui, le service de la sûreté n'est plus assuré partout, comme en témoignent la progression constante de la délinquance et de la criminalité, et plus encore la gravité des délits constatés. C'est le cas, en particulier, des mineurs mis en cause dans les actes de délinquance, dont le nombre a progressé de 12 % en un an.
Le ministre de l'intérieur affirme que nous avons retrouvé le niveau de délinquance de 1996, qui fut, selon lui, la deuxième « meilleure année » depuis 1990, mais l'essentiel n'est pas dans les statistiques, d'autant moins, nous le savons tous, qu'une part importante des crimes et délits n'est même pas enregistrée.
En réalité, le sentiment d'insécurité vaut beaucoup par le sentiment d'angoisse et de peur qui habite nos concitoyens, avec tout ce que cela comporte d'irrationnel dans bien des cas.
Ici, les parents dont l'enfant a été racketté à l'école ; là, des policiers ou des médecins qui n'osent plus s'aventurer dans un quartier ; ailleurs, une bande organisée qui obéit à des règles claniques et fait régner la terreur dans une agglomération ; ou encore tout simplement les vols ou dégradations multiples sur les biens.
Avec les Français, comment ne pas s'interroger, en effet, lorsque l'on voit les auteurs d'actes de délinquance évoluer souvent en toute impunité ? Comment ne pas s'inquiéter devant la difficulté de l'Etat à faire respecter l'ordre public dans des parties du territoire national définies comme étant des zones de non-droit ?
Derrière tout cela, n'est-ce pas la perspective d'une société éclatée qui se dessine pour nous ?
Aujourd'hui, c'est donc bien l'autorité de l'Etat qui est en cause. Et je dois avouer, au nom de mon groupe, que les divergences internes au Gouvernement et les mesures annoncées par M. le Premier ministre hier, ne sont pas de nature à dissiper nos doutes.
Calcul politique ou indécision ? Le problème de la conviction réelle du Gouvernement persiste à nos yeux.
Concernant, tout d'abord, les priorités, nous avons l'impression que le Gouvernement a du mal à s'exprimer d'une seule voix, entre M. Chevènement, partisan d'une approche répressive, et Mme Guigou, défenseur d'une approche préventive et éducative.
Pourtant, la sécurité pour tous est un principe républicain. Protéger la majorité des citoyens paisibles contre une minorité de délinquants violents est même la raison d'être de l'Etat. Cela suppose, à la base, que la loi s'applique à tous avec équité et fermeté, et que ceux qui l'enfreignent soient punis et dissuadés de récidiver.
La délinquance au quotidien est bien la preuve qu'il ne faut pas confondre prévention et sanction, notions qu'il faut non pas opposer, mais additionner : la sanction sert l'éducation en fixant les limites entre ce qui est permis et ce qui est interdit.
Pour nous, un mineur qui tue quelqu'un pour de l'argent, de la drogue ou toute autre chose relève de la prison et non pas d'un simple centre d'éloignement ou de rétention.
Les mesures annoncées hier, lors du conseil de sécurité intérieur, montrent bien, à cet égard, comment le Premier ministre a dû ménager les susceptibilités de chacun. Le jugement de Salomon qu'il a rendu, nous ne le désaprouvons certes pas par principe. Nous demandons à voir pour juger de son efficacité.
Que devient, par exemple, l'idée de suppression ou d'attribution sous condition des allocations familiales aux familles de délinquants ? Conscient de l'intérêt d'une telle proposition, qui n'est pas la sienne au départ, le groupe des Républicains et Indépendants a même réfléchi au principe - ne riez pas ! - d'allocations familiales à points. L'objectif est de responsabiliser les familles, qui ont la charge d'éduquer leurs enfants. Or, il y a famille et famille. Si, pour certaines, le rappel des devoirs serait sans doute suffisant, pour d'autres, désorganisées, éclatées, sans gouvernail, il faut peser davantage.
S'agissant des moyens humains et financiers, nous souhaitons savoir comment le Gouvernement entend financer le catalogue de mesures annoncées hier, et selon quel calendrier, compte tenu des urgences auxquelles doivent faire face les maires des villes et des villages.
Hier, pas moins de huit ministres entouraient M. Jospin, ce qui montre bien la gravité de la situation. Or, par le passé, on a vu souvent les administrations se chevaucher, les responsabilités se diluer et les crédits être gaspillés. La politique de la ville est un excellent et malheureux exemple de cet échec et des progrès qui restent à réaliser dans ce domaine.
Nous aimerions donc savoir, monsieur le ministre, le moment venu, de quelle manière le Gouvernement entend coordonner l'action des administrations en matière de sécurité. Nous savons tous, par expérience, que, si annoncer des crédits supplémentaires est relativement aisé, les utiliser efficacement est autrement difficile.
Enfin, s'agissant du territoire, des incertitudes notables demeurent concernant le redéploiement des forces de police et de gendarmerie.
Il s'agissait initialement de fermer 94 commissariats couvrant 193 communes de moins de 20 000 habitants et de confier à la police la sécurité de 38 communes urbaines dépendant actuellement de la gendarmerie.
Ces derniers jours, il a beaucoup été question de sécurité dans les grands ensembles urbains. Nous ne voudrions pas que l'on oublie la sécurité sur le reste du territoire, singulièrement dans les communes de petite et moyenne taille et dans les communes rurales, dont tous les maires nous rappellent à chaque instant que la violence n'est plus, depuis longtemps, l'apanage des villes.
Cela revient à placer sous l'angle de l'aménagement du territoire et du service public de proximité la question que se posent les maires, élus mais aussi, dès lors, officiers de police judiciaire et chargés à ce titre, - vis-à-vis de la population, en tout cas - de garantir tranquillité, sécurité et salubrité publiques.
S'il est aujourd'hui nécessaire d'adapter la répartition des forces de sécurité aux exigences de la lutte contre la délinquance urbaine, un tel redéploiement de la carte de sécurité ne peut se passer d'un débat approfondi avec tous les acteurs concernés, à commencer par les maires.
Jusqu'à présent, la méthode employée par le Gouvernement n'a permis ni d'instaurer un climat serein pour étudier les objectifs ni de garantir concrètement aux maires des petites villes ou des communes rurales la permanence d'un service public de sécurité.
En réponse aux critiques émanant de toutes parts, y compris des rangs de sa propre majorité, le Premier ministre a annoncé récemment que le redéploiement ne s'appliquerait pas de manière générale, qu'il ferait « l'objet d'un examen au cas par cas de ce qui peut être fait sans que cela suscite des difficultés ».
Est-ce à dire que le Gouvernement renonce définitivement au plan de redéploiement ? Ne serait-ce pas donner un habillage différent au même projet ?
Du cas par cas au coup par coup, pour reprendre les termes de M. Masson, pourquoi pas ?
Visitant récemment la brigade de gendarmerie d'Aubagne, je me suis aperçu que cette brigade, historiquement en charge du village d'Aubagne, couvrait maintenant une véritable ville et, pis encore, surtout pendant le week-end, un centre commercial qui est plus grand que la ville. Incontestablement, il y a des efforts d'adaptation à consentir dans ce domaine !
Donc, du cas par cas au coup par coup, pourquoi pas ? Mais à la condition - vous le savez bien, monsieur le ministre, vous qui êtes un homme de dialogue - qu'il y ait un réel dialogue avec les élus locaux.
Cela signifie-t-il ; par exemple, que le Gouvernement envisage un renforcement du nombre des gendarmes dans les communes touchées, voire l'extension des missions de la gendarmerie ? Ce serait très bien.
Ne peut-on, enfin, concevoir à budget constant, puisque vous y êtes contraint pour l'instant, une réorganisation interne de la police nationale qui permette de dégager des effectifs plus importants consacrés aux missions de sécurité publique sur le terrain plutôt qu'à des tâches administratives ?
Vous qui êtes ministre de la défense, vous savez bien que, si l'on appliquait à la gendarmerie les règles de disponibilité qui prévalent dans la police nationale, c'est au moins 100 000 gendarmes de plus qu'il faudrait engager pour des missions identiques.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a fait, comme à son habitude, montre d'une certaine habilité à manier les effets d'annonce. Pour leur part, les membres du groupe des Républicains et Indépendants veilleront attentivement à ce que le Gouvernement réserve un bon sort aux problèmes de sécurité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE GÉORGIE

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Parlement géorgien, conduite par son président, M. Zourab Jvania, que j'ai invitée à Paris. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Nos collègues géorgiens sont venus en France pour assister au débat qui s'est tenu, hier à Strasbourg en vue de l'adhésion de la Géorgie au Conseil de l'Europe.
Il n'est agréable de vous dire que c'est à l'unanimité que cette adhésion a été décidée. Au nom du Sénat, je m'en réjouis et je leur adresse mes plus vives félicitations.
J'espère que cette visite contribuera, s'il en était besoin, à l'approfondissement des relations entre nos assemblées et déjà engagées dans une coopération constante ; développée dans le cadre d'un projet européen dont la responsabilité a été confiée au Sénat français. Vous mesurez l'honneur qui est ainsi fait à notre institution, mes chers collègues.
Je ne doute pas que les efforts entrepris ces derniers mois, toujours soutenus par le dynamisme du groupe sénatorial d'amitié, dont je salue les responsables en la personne de nos collègues Jean Boyer et Alain Gournac, seront couronnés de succès.
Au nom de la Haute Assemblée, je souhaite donc à nos collègues géorgiens une cordiale bienvenue en France, et notamment au Sénat de la République française. Je forme des voeux pour que leur séjour contribue à fortifier les liens d'amitié qui unissent depuis fort longtemps nos deux pays. (Applaudissements.)

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REDÉPLOIEMENT DES FORCES DE SÉCURITÉ

Suite de la discussion d'une question orale avec débat

M. le président. Nous reprenons la discussion de la question orale avec débat de M. Paul Masson à M. le Premier ministre sur le redéploiement des forces de sécurité.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez, tout d'abord, de rendre hommage à tous les hommes et à toutes les femmes de la police et de la gendarmerie, qui remplissent leur noble mission au service de la sécurité de nos concitoyens dans des conditions d'exercice de plus en plus éprouvantes. J'ai d'ailleurs une pensée particulière en cet instant, pour tous ceux qui ont dû payer de leur sang leur exemplaire dévouement.
Dans sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre s'était engagé à rétablir l'égalité de tous les citoyens face à l'insécurité, notamment en menant une politique de proximité. Mais l'ordre et la sécurité ne se décrètent pas par des déclarations ministérielles. Elles s'obtiennent par une volonté politique forte, associée à une augmentation réelle de moyens en hommes et en matériel.
Malheureusement les faits sont là : violence urbaine, délinquance des mineurs, trafic de drogue ! Quel département n'est pas concerné ? Les derniers chiffres sont accablants. Une progression de 2,7 % des crimes et délits a été constatée pour les onze premiers mois de l'année 1998.
Cette recrudescence de la violence contraste avec le recul de plus de 10 % des crimes et délits sur la période 1994-1997, ce qui démontre qu'une politique rigoureuse peut combattre efficacement l'insécurité et qu'il n'y a pas lieu de considérer celle-ci comme une fatalité.
Face à cette évolution et dans ce contexte d'insécurité croissante, il semble assez inopportun que le Gouvernement donne des signes de désengagement dans le maintien de la sécurité publique. Il est en effet clair que les moyens qui nous sont proposés ne correspondent pas aux attentes de nos concitoyens.
J'avais souligné le manque de crédits du budget de la police pour 1999. La sous-estimation des moyens dévolus au fonctionnement et aux infrastructures de la gendarmerie a également été manifeste. Il est clair que, si l'on veut une politique de sécurité efficace, il convient d'être vigilant au niveau des crédits dévolus. Je ne m'attarderai pas davantage sur le point de vue financier.
Je voudrais simplement, aujourd'hui, revenir sur le problème des effectifs des forces de sécurité.
Chacun sait que les effectifs assurant la sécurité publique en France sont comparables à ceux des grands pays européens. Au total, ce sont 62 000 policiers et 52 000 gendarmes environ qui se consacrent à la sécurité publique.
En revanche, ce qui semble poser problème et qui est le coeur de notre débat d'aujourd'hui, c'est leur répartition sur le territoire.
Le projet du Gouvernement, qui semble être remis en cause, était de fermer 94 commissariats, couvrant 193 communes rurales de moins de 20 000 habitants, et de confier à la police la sécurité de 38 communes urbaines qui dépendent actuellement de la gendarmerie. Ce projet de redéploiement concernerait donc 3 000 policiers et 1 200 gendarmes.
Cette décision a fait l'unanimité contre elle, je ne vous apprends rien, de la part tant des policiers et des gendarmes que des élus. Ces derniers ont, pour la plupart, appris la fermeture de leur commissariat ou de leur gendarmerie par la presse, sans qu'aucune concertation préalable ait eu lieu et sans qu'on leur dise comment allait être compensée cette perte d'effectifs. On ne peut que regretter un tel comportement vis-à-vis des représentants des collectivités locales.
Par ailleurs, du côté des forces de sécurité, dès le mois de septembre, le projet a attisé les rivalités entre les deux corps, sur le thème de l'efficacité comparée des gendarmes et des policiers.
A l'Assemblée nationale, sur les bancs de la majorité à laquelle vous appartenez, monsieur le ministre, de vives oppositions sont apparues également. M. Jean-Pierre Michel a menacé de quitter le Mouvement des citoyens, parce qu'on fermait le commissariat de Lure. M. Paul Quilès n'a pas caché ses critiques. L'affaire était donc mal engagée.
Aujourd'hui, le projet initial paraît ajourné compte tenu du rapport de M. Fougier, qui, selon le propre communiqué du Gouvernement, recenserait les difficultés pouvant résulter des transferts ou des dissolutions au regard de la politique d'aménagement du territoire, des problèmes financiers et immobiliers et du reclassement des personnels de police. Une fois encore, la méthode s'est heurtée aux dures réalités du terrain, et vous vous retrouvez étranglé par un serpent de mer.
Et ce n'est pas l'annonce, faite hier par le Premier ministre, d'affecter 7 000 policiers ou gendarmes supplémentaires sur trois ans dans les zones sensibles qui peut apaiser les inquiétudes manifestes des élus, d'autant que les modalités d'affectation de ces postes ne sont pas connues. S'ajoutent-ils ou se substituent-ils aux effectifs prévus dans le projet initial ?
La politique de sécurité est un sujet sensible ; elle ne peut être élaborée sans une réelle concertation. Dans ce domaine plus qu'ailleurs, il semble qu'il faille un véritable consensus pour obtenir de bons résultats.
Nous considérons qu'il est indispensable de mener une nouvelle réflexion sur une question si importante pour la vie de nos concitoyens, en assurant une réelle prise en compte, d'une part, des avis des élus, des forces de police et de gendarmerie et, d'autre part, des intérêts de la population.
Une véritable discussion doit être menée entre toutes les parties concernées par la sécurité des biens et des personnes sur notre territoire. Aujourd'hui, il apparaît indispensable de reprendre l'ensemble de la concertation à la base et non d'appliquer une procédure fixée de façon bureaucratique depuis Paris.
Tout d'abord, il est nécessaire de dégager un consensus entre gendarmes et policiers. Il ne faudrait pas déclencher une nouvelle guerre des polices en les opposant. Il faut, au contraire, veiller à ce qu'ils puissent travailler ensemble et, ainsi, développer des programmes communs. La recherche d'une plus grande efficacité passe aussi par une meilleure coordination ente gendarmerie et police.
Le redéploiement des forces de sécurité ne doit pas être vécu comme une période de frustration, ni par leurs agents, ni par la population.
Les habitants des zones concernées par la fermeture de commissariats ou de gendarmeries craignent de devenir les parents pauvres de la sécurité. Ils redoutent d'être complètement abandonnés par l'Etat.
Or, vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que, dans les zones rurales, les élus et les habitants sont particulièrement attachés à la présence des gendarmes. Il s'agit autant d'une question de tranquillité d'esprit que de sécurité. Les gendarmes sont une force de proximité connue et appréciée des populations rurales, qui trouvent beaucoup d'intérêt au fait qu'ils vivent avec leurs familles dans les gendarmeries, c'est-à-dire à l'endroit même de leurs missions. Ils représentent une force visible, dissuasive et rassurante. Cette action de proximité, dont la priorité a d'ailleurs été rappelée par le plan Gendarmerie 2002, leur permet de bénéficier de sources importantes de renseignements et de remplir pleinement leur rôle de prévention. La gendarmerie remplit ainsi un rôle de surveillance générale qui lui permet de connaître à fond la population dont elle a la charge. La présence d'une brigade par canton doit demeurer, à cet égard, une référence essentielle. Ce principe ne peut être remis en cause sans un examen extrêmement attentif des délais d'intervention.
S'il semble nécessaire d'adapter la répartition de nos forces, il n'en est pas moins clair qu'une partie des zones rurales est traumatisée par la suppression des services publics : un jour c'est la recette des finances qui est fermée, le lendemain, la gendarmerie est délocalisée et ainsi de suite... Comment expliquer à la population la suppression de la plupart des services publics ?
Monsieur le ministre, dans certains cas, il apparaît nécessaire que, avec votre collègue chargée de l'aménagement du territoire, vous réalisiez une nouvelle répartition, à l'issue d'une analyse complète des services publics en milieu rural, car il est certain que le redéploiement des forces de sécurité risque d'accentuer une nouvelle fois le phénomène de désertification.
Avec la réduction des effectifs - pourquoi le nier ? - ce sont des familles qui s'en vont, entraînant une diminution du nombre des enfants scolarisés et, partant, une remise en cause de l'école et de tous les services publics, bref l'existence même de villages ou de petites villes. C'est ainsi l'instauration d'un service public à deux vitesses, en relation directe avec la politique fantôme, ou destructrice, de l'aménagement du territoire de Mme Voynet.
S'il est exact, comme le font ressortir MM. Carraz et Hyest dans leur rapport, que la répartition des forces de sécurité sur le territoire n'épouse pas la géographie de la criminalité, les ratios de policiers ou de gendarmes par habitant des vingt-cinq départements les plus touchés par la délinquance de voie publique sont légèrement supérieurs à ceux des vingt-cinq départements les moins criminogènes, il ne faut pas négliger l'aspect préventif de l'action des forces de sécurité. Les implantations de celles-ci ne doivent pas tenir compte uniquement de la délinquance constatée mais également de la population et de l'étendue du territoire à protéger.
M. le Premier ministre déclarait le 19 juin 1997 : « Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité. On ne peut accepter une société dans laquelle il y aurait, d'un côté, des quartiers protégés et, de l'autre, des zones de non-droit. »
Et bien, c'est exactement ce que la réforme des forces de sécurité risque de créer. En diminuant les forces de sécurité en zone rurale, on donnera naissance à des zones sans aucun contrôle où pourront séjourner malfaiteurs, délinquants et autres « sauvageons » à l'abri de tout soupçon. Par conséquent, on va non seulement augmenter le sentiment d'insécurité des populations locales mais surtout maintenir et favoriser la délinquance en milieu urbain, les bandes notoires pouvant se réfugier dans les campagnes laissées sans surveillance. Il me paraît ainsi assez périlleux d'enlever trop d'effectifs de secteurs jugés tranquilles. N'est-ce pas lorsque la police est très présente qu'elle peut maintenir la délinquance à bas niveau ?
En tout état de cause, il faut veiller à ce que la sécurité de communes aujourd'hui suffisamment dotées en forces de sécurité ne soit pas compromise par la fermeture d'un commissariat ou d'une brigade de gendarmerie. La dispersion de l'habitat dans notre pays, spécifiquement dans notre monde rural, nécessite en effet de protéger l'ensemble de notre territoire. Il convient donc d'intégrer cet état de fait.
Sans contester la nécessité d'effectuer une adaptation des forces de sécurité pour tenir compte de l'évolution des technologies et des mutations des populations, des solutions novatrices doivent être proposées sans conduire systématiquement à la fermeture irrémédiable des casernes de gendarmerie. Pour mieux servir nos concitoyens, il leur faut s'adapter et se moderniser. Des pistes nouvelles peuvent être recherchées et mises à l'étude en concertation cette fois avec les élus locaux, à l'échelon notamment des groupements de gendarmerie.
En effet, la situation de chaque groupement est différente et il convient donc de tenir le plus grand compte des spécificités géographiques, sociales, économiques de chaque collectivité. Un redéploiement des forces de sécurité ne pourra donner des résultats satisfaisants que si les mesures retenues sont cooptées et que si le service apporté aux habitants est de même qualité après qu'avant la réforme. Sa réussite passera irréfutablement par la préservation du maillage territorial de la gendarmerie dans les zones rurales.
Je me permets de suggérer une approche locale des questions de sécurité, quant au redéploiement et à l'organisation, notamment des brigades de gendarmerie, plutôt qu'une approche nationale.
A mon sens, le vrai chantier des années à venir peut se formuler en une question simple, qui va bien au-delà du simple redéploiement : comment adapter le droit à la sécurité à la décentralisation ?
Une première démarche pourrait consister à faire que le comité départemental de sécurité qui est, je le rappelle, coprésidé par le préfet et le procureur de la République, associe pour les questions relatives à l'organisation territoriale des forces de police, les élus locaux et leurs représentants. Cette initiative peut d'ailleurs être prise dans le cadre des dispositions relatives au comité départemental de sécurité telles qu'elles sont définies par la circulaire du 9 septembre 1993.
La sécurité est, en effet, un élément majeur de l'aménagement du territoire. La réforme des forces de sécurité ne doit pas rompre davantage l'équilibre entre les villes et les campagnes mais, tout au contraire, conforter ce nécessaire équilibre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
(M. Jacques Valade remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le débat d'aujourd'hui, nous abordons un thème d'une très haute importance pour tous nos concitoyens, puisqu'il constitue la seconde préoccupation des Français, dans tous les sondages, après l'emploi, je veux parler de l'insécurité.
Je tiens, d'emblée, à rappeler que cette question porte précisément sur le redéploiement des forces de police et je n'aborderai donc pas dans le détail l'ensemble de la problématique de la sécurité.
Je dois dire que ce n'est pas un hasard si, une fois de plus, et après la multiplication des questions des députés de droite à l'Assemblée nationale sur le thème de l'insécurité, mardi dernier, c'est une fois encore la droite qui se trouve à l'initiative d'un tel débat, ici même, aujourd'hui.
M. Hubert Haenel. Il ne faut pas dire des choses pareilles ! C'est un sujet trop important pour que l'on se laisse aller à faire de la politique politicienne !
M. Gérard Le Cam. Mon groupe a toujours marqué son attachement au respect du principe essentiel de la sécurité des biens et des personnes, principe trop souvent mis à mal. Nous devons donc répondre à cette urgence.
Mais la droite ne brandit-elle pas la question de l'insécurité comme autant de signaux démagogiques lancés dans l'unique but de flatter un certain électorat ?
L'angle sous lequel elle traite cette question - c'est-à-dire essentiellement sous l'aspect « répression » - est dangereux.
La répression, selon nous, est et doit rester l'un des trois volets du triptyque « prévention-dissuasion-répression », et n'est, comme l'a à juste titre souligné Mme Guigou, que l'un des moyens de lutter contre l'insécurité, au même titre que la lutte contre le chômage, pour l'éducation et pour le logement.
Comment pouvez-vous critiquer la politique du Gouvernement en matière de sécurité et de traitement de la délinquance et, dans le même temps, préconiser sans cesse, comme vous l'avez fait lors de l'examen du budget pour 1999, des réductions de crédits, notamment dans le domaine social, une diminution du nombre de fonctionnaires et, plus généralement, une diminution des dépenses publiques pour respecter les engagements européens ?
M. Josselin de Rohan. On vous donnera une leçon particulière ; vous en avez besoin !
M. Gérard Le Cam. On ne peut et on ne doit pas laisser les réponses sociales s'orienter de plus en plus vers le tout répressif. C'est, certes, la solution qui apparaît la plus facile et la plus visible par les populations, mais c'est aussi la plus démagogique.
Or il ne faut pas ignorer les causes sociales qui sont, dans la majorité des cas, le prélude à la délinquance.
Expliquer ne signifie ni excuser ni déresponsabiliser, mais comprendre, afin de pouvoir agir en partenariat et en amont des trajectoires délinquantes à l'origine des processus de socialisation délinquante.
Hugues Lagrange, sociologue, chargé de recherche au CNRS, auteur d'importants travaux sur la sécurité urbaine, analyse ainsi la situation : « Une fraction des hommes jeunes, qui habitent des quartiers pauvres, privés de la dignité minimale que donnent les moyens de payer, cumulant des parents dévalués, des échecs scolaires, des stages de formation mal adaptés, n'acceptent plus de jouer le jeu dans les règles et essayent d'acquérir une reconnaissance par d'autres voies. Le déficit d'emploi n'est pas temporaire : sans espoir, de galères en magouilles et en petits trafics, certains tentent de s'en sortir par la délinquance et la drogue. »
Nous avons eu récemment connaissance des chiffres en matière d'insécurité. Selon le ministère de l'intérieur, il en ressort que sur les onze premiers mois de l'année 1998, par rapport à la même période de 1997, la délinquance et la criminalité ont augmenté de 2,73 %.
Dans le même temps, on constate que des jeunes, mais aussi des enfants, versent de plus en plus tôt dans la délinquance et qu'ils sont de plus en plus violents, ce qu'ont tristement illustré les événements de Toulouse et de Strasbourg, ces dernières semaines.
La délinquance des mineurs, quant à elle, a augmenté de plus de 11 % entre 1997 et 1998 et sa part, dans l'ensemble des personnes mises en cause, devrait s'établir à 22 %, contre un peu plus de 19 % en 1997.
Mais prenons garde à une dénonciation généralisée de la jeunesse car ces chiffres montrent que la délinquance est très majoritairement, à concurrence de 78 %, le fait des adultes, comme l'a encore récemment montré l'assassinat à Bordeaux d'un convoyeur de fonds, profession privée de tout statut.
A ce propos, le Gouvernement va-t-il, enfin, proposer un encadrement législatif du marché de la sécurité privée afin d'assurer une meilleure protection aux convoyeurs de fonds, lesquels manifestent aujourd'hui sur ce thème ?
S'agissant du traitement de la délinquance des mineurs, comme nous l'avions d'ailleurs évoqué lors de la discussion du budget de la justice en décembre dernier, par la voix de mon ami Robert Bret, nous partageons les principales orientations en matière de lutte contre la délinquance juvénile qui ont été arrêtées lors du conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et qui ont été précisées dans celui qui s'est tenu hier.
J'insiste sur le fait que nous estimons primordial d'inscrire l'action du Gouvernement, en ce domaine, dans l'esprit de l'ordonnance de 1945 et de sa démarche éducative.
A ce titre, nous demeurons très attachés à l'importante mission éducative de prévention et de réinsertion dévolue à la protection judiciaire de la jeunesse.
Malheureusement, force est de déplorer le manque cruel de moyens mis à sa disposition jusqu'à présent. Même si le budget global de la justice pour 1999 est en hausse et prévoit notamment 113 éducateurs supplémentaires, le retard pris précédemment est tel qu'il est difficile, dans ces conditions, de remonter la pente.
Nous approuvons la création de 1000 postes d'éducateurs d'ici à 2001. Nous aurions souhaité sur ce point, comme sur l'ensemble des mesures, souvent intéressantes, avoir des précisions sur la nature des moyens mis en oeuvre.
Le manque d'éducateurs spécialisés rend difficile, voire impossible, l'application des mesures pénales prises par les juges pour enfants en matière de liberté surveillée, de formation, de travaux d'intérêt général, etc.
M. Jean-Jacques Penaud, vice-président du tribunal pour enfants de Lyon, regrettait avant-hier cette carence en ces termes : « Elle remet en cause la crédibilité de l'intervention judiciaire, alimente le sentiment d'impunité et est la porte ouverte à la récidive. »
L'école manque également de psychologues scolaires qui pourraient détecter et prendre en charge beaucoup plus tôt les enfants en difficultés.
Les juges pour enfants de Lyon estiment, pour leur part, que ce sont non pas les dispositifs légaux mis à leur disposition qui font défaut mais bien les moyens pour les mettre en oeuvre.
C'est aussi ce que constate le procureur du tribunal de grande instance d'Evry, M. Laurent Davenas, quand il dit : « La République a moins besoin de réviser ses lois que ses budgets. La protection de l'enfant n'a pas de prix. Elle a un coût. »
J'ajouterai qu'il ne faut pas lésiner sur ce coût car c'est un pan de notre jeunesse d'aujourd'hui qui est concerné et qui formera les adultes de demain.
Il faut, par ailleurs, cesser de considérer le « mineur de banlieue » comme l'ennemi public n° 1 ou comme le bouc émissaire du mal-vivre des cités et des quartiers.
Si l'on parle de plus en plus de la délinquance juvénile, c'est, pour partie, parce qu'elle accompagne l'idéologie sécuritaire qui se développe dans le pays, et pour une autre part parce que, dans les faits, c'est celle-ci qui est la plus visible, la plus subie par les populations et aussi la plus insupportable.
La délinquance a, en effet, pris des formes nouvelles ces dernières années et d'autres caractéristiques sont apparues, telles que le comportement même des délinquants qui constitue un véritable défi aux institutions et à l'environnement immédiat.
Ainsi, les rodéos, les incendies de voitures, de bâtiments de services collectifs, l'existence territoriale de bandes sont autant d'actes agressifs et violents qui se veulent visibles, médiatiques, contrairement aux autres vols et agressions - disons « plus classiques » - motivés uniquement par le profit financier et s'opérant, autant que faire se peut, dans l'ombre.
Aussi sommes-nous loin de l'époque où l'on pouvait réduire la question de l'insécurité au simple « sentiment d'insécurité ».
Au colloque de Villepinte, en octobre 1997, le ministre de l'intérieur ne déclarait-il pas : « Plus personne ne saurait nier ni sous-estimer ce fait : la multiplication des crimes et délits sont passés de 500 000 par an environ au début des années soixante à plus de 3 500 000 ces dernières années. Encore s'agit-il là des actes connus et reconnus. Au-delà des délits proprements dits, le développement de ce qu'on appelle les incivilités n'est pas moins inquiétant. » ?
En tant qu'élus communistes, nous nous étions félicités de la tenue et de la teneur de ce colloque et du fait qu'enfin la gauche, dans sa pluralité, se réapproprie le terrain - trop longtemps laissé à la droite et son extrême - de la sécurité, dans ses multiples aspects : prévention, dissuasion, répression, réparation.
M. le Premier ministre a mis en avant l'objectif d'assurer l'égalité des Français en matière de sécurité, en précisant qu'il n'y avait « pas de choix entre la liberté et la sécurité » et que « le principe républicain de l'égalité entre les citoyens ne pouvait ignorer ce droit à la sécurité. »
C'est dans cet esprit que M. le Premier ministre avait commandé, dès octobre 1997, un rapport à MM. Hyest et Carraz, « sur une meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour une meilleure sécurité publique. »
Ce rapport a été rendu public le 27 avril 1998 dans les conditions que chacun connaît ici.
Ce plan prévoyait de remplacer, sur trois ans et sur l'ensemble du territoire, 3 000 policiers par seulement 1 200 gendarmes, au profit des 26 départements les plus touchés par l'insécurité.
Cette réforme que nous avions contestée dès son origine, en 1995, devait avoir comme conséquence directe la fermeture de 94 circonscriptions de police regroupant 193 communes, qui passaient ainsi de la compétence de la police à celle de la gendarmerie.
Si une meilleure répartition des forces de police et de gendarmerie sur l'ensemble du territoire est une nécessité, elle ne peut en aucun cas se faire sans tenir compte des rôles et des fonctions complémentaires et spécifiques de ces deux catégories, ni des besoins réels des populations, ni du contexte socio-économique et géographique des villes, ni se faire au détriment des zones rurales.
Annoncé au printemps 1998, suspendu à l'automne en raison de la colère des syndicats de policiers et des élus locaux, peu enclins à se laisser déposséder de leur commissariat ou de leur gendarmerie, ce dispositif ne semble pas, pour autant, être entièrement abandonné aujourd'hui, puisque le Gouvernement souhaite toujours procéder à un redéploiement des forces de l'ordre dans l'hexagone, même si ce redéploiement s'accompagne cette fois-ci d'une révision à la baisse, avec « seulement » quarante, voire trente commissariats rayés de la carte.
La vigilance demeure donc de rigueur ; c'est en tout cas l'idée forte qui se dégageait, samedi dernier, à Dinan, dans les Côtes-d'Armor, lors de la manifestation régionale de la police, manifestation à laquelle je participais, accompagné d'élus de toutes tendances.
M. Josselin de Rohan. C'est le grand écart, tout cela ! Vous êtes dans l'opposition ou dans la majorité ? Expliquez-nous !
M. Christian Demuynck. Ils ne le savent pas eux-mêmes !
M. Guy Fischer. Mais si ! Nous savons où nous sommes !
Mme Hélène Luc. Nous sommes dans la majorité !
M. Gérard Le Cam. Nous avons des points communs en ce qui concerne les constats si nous n'en avons peut-être pas toujours en ce concerne les solutions.
Mme Hélène Luc. Messieurs de la droite, si vous aviez pris des mesures avant, nous n'en serions peut-être pas là !
M. le président. Monsieur Le Cam, ne vous laissez pas interrompre. Veuillez poursuivre.
M. Gérard Le Cam. J'en viens à présent à la méthode. Si de nombreux maires concernés par ce projet ont réagi par la négative, c'est aussi parce qu'on ne peut pas à la fois demander aux élus locaux de s'engager « pour des villes sûres », par le biais notamment de la mise en place des contrats locaux de sécurité, et en même temps ne pas tenir compte de leur avis à l'occasion d'un redéploiement des forces publiques.
Concernant les griefs à proprement parler qui ont été faits à ce plan, je pense qu'au-delà des positions corporatistes des uns et des autres, ou encore des éventuels enjeux électoraux locaux, qui nuisent au débat de fond et nous en éloignent, c'est l'ensemble de l'aménagement du territoire qui est concerné et l'avenir du service public en général qui est en cause, et que cela et cela seul devrait nous intéresser.
Alors que tout le monde parle d'aménager le territoire - je fais allusion, vous l'aurez compris, au projet de loi débattu à l'Assemblée nationale, et dont nous débattrons bientôt ici même - ce plan tel qu'il a été conçu aurait plutôt comme effet principal de « déménager le territoire ».
Il existe en la matière de criantes contradictions entre certains principes affirmés par le Gouvernement en matière de rééquilibrage de l'aménagement du territoire et la réalité. J'en veux pour preuve le recul des services publics dans les zones rurales avec, ici, la fermeture de petits hôpitaux, de tribunaux, de la poste et des écoles et, là, le départ des administrations ou des entreprises publiques, qui font que certaines villes sont asphyxiées par le chômage, la fermeture éventuelle du commissariat ajoutant à cette situation dramatique.
Prenons l'exemple d'un petit commissariat en zone rurale et comprenant trente-cinq policiers. Si l'on compte les femmes et les enfants de ces policiers, cela représente en moyenne cent quarante personnes.
Imaginez les conséquences en termes de démographie, de dépeuplement des zones rurales si, en raison du redéploiement en question, ces cent quarante personnes devaient quitter la commune, étant entendu que le départ de ces policiers ne serait pas compensé par une augmentation des effectifs de la gendarmerie, bien au contraire.
Au-delà du déracinement en tant que tel de ces personnes, quid de l'avenir des écoles qui, dès lors, accueilleront moins d'enfants ? Quid de l'avenir de l'hôpital, de certains de ses services, bref, des services publics en général ?
Le débat d'aujourd'hui doit également nous amener à nous interroger sur le rôle et les missions des policiers, lesquels sont trop souvent occupés à des tâches administratives indues ; ils effectuent en effet des gardes statiques, ou bien ils sont affectés aux transferts ou à des gardes dans les hôpitaux de prévenus ou de détenus, quand ils n'ont pas à effectuer des déplacements lors de la mise en oeuvre de mesures d'éloignement du territoire.
Si, comme le souligne le rapport Hyest-Carraz, la France, avec un policier ou un gendarme pour 252 habitants, est au-dessus de la moyenne européenne - un pour 310 - et au-dessus de ses principaux partenaires européens - Italie : un pour 283, Allemagne : un pour 296, Royaume-Uni : un pour 380 - ce constat mérite néanmoins d'être nuancé.
Le ratio police/population est à manier avec précaution. En effet, à superficies équivalentes, par exemple, la France arriverait non plus en première position mais en dernière position des pays européens.
Par ailleurs, pour le calcul de ce ratio, le rapport prend en compte indifféremment la présence de policiers et de gendarmes. Or leurs missions ne se recoupent pas totalement.
Enfin, le rapport Bauer est venu mettre de l'huile sur le feu en annonçant que, sur les 89 360 policiers en tenue, seuls 20 000 seraient présents sur le terrain et que, à certains moments de la journée, ce chiffre tomberait à 5 000, voire encore plus bas la nuit.
Mais il faut savoir mesure garder et rester prudent à l'égard des chiffres.
Toujours est-il qu'il est urgent de repenser la place de la police nationale et de ses missions, qui doivent évoluer du maintien de l'ordre à la police de proximité, de terrain.
En d'autres termes, il faut remettre les policiers dans la rue et multiplier l'îlotage, dont on connaît l'efficacité en termes de prévention.
Il nous faut, c'est incontestable, une police de proximité renforcée, dotée de moyens et soutenue par les magistrats et la population.
Or, nous savons tous que de telles mesures ne sont pas prises, faute de moyens.
Fermer les commissariats dans les zones rurales, moins touchées par l'insécurité, afin de renforcer les zones sensibles ? N'est-ce pas tenter de résoudre le problème de la délinquance à faible coût et de façon fort aléatoire quant au résultat ?
La délinquance ne risque-t-elle pas d'effectuer le mouvement inverse, c'est-à-dire de se déplacer, au gré des fluctuations policières, vers des villes moins surveillées, et de s'y développer ?
Ne faisons pas croire à la population qu'un problème est résolu parce qu'il est déplacé.
Ne va-t-on pas, parallèlement, assister à un développement ou à un renforcement des polices municipales et des sociétés privées de gardiennage dans les villes où le commissariat aura été fermé, et ce pour pallier les carences de l'Etat dans sa mission, pourtant régalienne, qu'est la sécurité ?
Quid, dans ces conditions, de l'égalité des Français sur le territoire devant la sécurité ?
En définitive, plutôt que de redéployer, ou de déshabiller Paul pour habiller Pierre, pourquoi ne pas prévoir le recrutement de personnes supplémentaires, formées, là où les besoins s'en font sentir, d'autant que nous savons que, dans les cinq prochaines années, 23 000 fonctionnaires de la police nationale partiront à la retraite et que l'application des 35 heures devra être compensée ?
M. Jean-Jacques Hyest. C'est pour cela qu'il faut le faire maintenant !
M. Gérard Le Cam. L'annonce hier de l'affectation de 7 000 policiers à la lutte contre la délinquance signifie-t-elle création de postes ou redéploiement ?
M. Christian Demuynck. C'est une bonne question !
M. Gérard Le Cam. Ne restons pas au milieu du gué et faisons en sorte que le colloque de Villepinte et les conseils de sécurité intérieure qui ont suivi ne se transforment pas en un souvenir poussiéreux.
Le groupe communiste républicain et citoyen salue la volonté gouvernementale de prendre à bras-le-corps la question de la sécurité, ...
M. Alain Richard, ministre de la défense. C'est bien !
M. Gérard Le Cam. ... tout en soulignant la nécessité de s'attaquer aux racines sociales du phénomène.
Nous refusons, en revanche, de nous associer aux cris d'orfraie de la droite qui agite pour des raisons politiciennes cette grave question, alors que son long passage au pouvoir n'a rien résolu. (Applaudissement sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Il faut des policiers et des gendarmes, monsieur le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Un peu plus de toujours plus, cela ne peut pas faire de mal ! Et puis, cela fait avancer la réflexion !
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet de notre discussion est toujours d'actualité. Son importance n'est pas à démontrer, l'émotion et parfois la passion qu'il soulève sont là pour l'attester.
Nous, sénateurs, qui sommes en contact régulier avec les maires et les élus de nos départements, nous constatons que la lutte contre l'insécurité laisse peu de gens indifférents.
Le Gouvernement de M. Lionel Jospin a donc raison d'en faire une priorité.
Les mesures importantes que M. le Premier ministre a fait connaître hier témoignent d'une volonté et d'un plan qui s'élabore au fil des rapports, des réflexions, des arguments de celles et de ceux qui sont, sur le terrain, au contact d'une réalité complexe.
Dans un passé récent, nous avons connu des gouvernements qui s'arc-boutaient sur des décisions prises trop vite et trop isolément. Ce n'est pas le cas du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre. La finalité de sa démarche ne varie pas : assurer la sécurité pour toutes et pour tous.
En revanche, il entend discuter des moyens d'y parvenir avec les élus et les acteurs concernés.
Ferme dans le but, souple dans la méthode, tel m'apparaît le Gouvernement de Lionel Jospin. Il sait écouter, réfléchir, s'adapter et, ce qui est encore plus indispensable, décider.
Je le félicite très sincèrement d'avoir su entendre et comprendre les démarches de nombreux élus dont je fais partie.
Monsieur le ministre, certains accuseront le Gouvernement de faiblesse, alors qu'il faut de la volonté, de la maîtrise de soi et de la maîtrise des situations pour se remettre en cause à la lumière des arguments avancés et des constats réalisés.
La démarche démocratique, pédagogique et réaliste du Gouvernement est tout à son honneur.
Il s'attaque à un problème grave : l'insécurité ; il avance une réforme qui ne satisfait pas celles et ceux qui sont sur le terrain ; il relance alors une concertation déjà engagée avec le rapport de nos collègues MM. Carraz et Hyest, puis approfondie par les consultations de M. Guy Fougier et prolongée, demain, par des discussions et des concertations dans les départements concernés.
Aujourd'hui, ces rapports, ces concertations, ne visent pas à gagner du temps, c'est-à-dire à enterrer le sujet ; au contraire, ils visent à gagner, ensemble, le combat contre l'insécurité.
Oui, cette démarche démocratique et réaliste honore le Gouvernement de M. Jospin. Elle répond à l'attente d'élus et de populations préoccupés et souvent débordés par les problèmes de violence et d'insécurité.
J'adhère entièrement à l'affirmation de M. le Premier ministre, qui répète que la sécurité doit s'appliquer à toutes et à tous.
Les médias s'attardent plus fréquemment sur la violence dans les villes et les banlieues. Nous les comprenons, car l'explosion de la violence y est dévastatrice, effrayante et, parfois, de grande ampleur.
Mais la violence frappe aussi le monde rural. Elle y est moins spectaculaire, elle y est plus ciblée, plus localisée, mais pas forcément moins dévastatrice à l'égard des biens, dans les corps et les esprits. Le monde rural n'échappe plus à la peur, cette dernière étant souvent renforcée par l'isolement, par des difficultés d'accès et par la présence d'une population de retraités, qui est plus soucieuse de tranquillité.
Le monde rural change. C'est vrai partout. C'est plus vrai encore dans le sud de la France, où le climat et les conditions générales de vie attirent et fixent des familles socialement fragiles, ainsi, je le répète, que des retraités, auxquels s'ajoute, en période estivale, un flot de touristes qui fait quantitativement exploser la population.
Oui, le monde rural évolue. Son éloignement du monde urbain n'est plus une protection. Au contraire, il génère parfois un double handicap qui réduit l'efficacité des interventions urgentes.
L'éloignement n'est plus un obstacle à la venue d'agresseurs originaires d'autres secteurs géographiques. Ces derniers ont le temps d'arriver, d'accomplir leur méfait et de repartir.
Cette situation ne pourrait que s'aggraver au fur et à mesure que les moyens de protection s'affaibliraient et s'éloigneraient. Le monde rural a besoin de conserver sa protection rapprochée, car elle est efficace.
La peur du gendarme n'est certes plus ce qu'elle était, elle demeure cependant encore une réalité.
La toile d'araignée tissée par l'implantation rurale des gendarmeries est efficace. Nous souhaitons la conserver.
La présence sur le terrain est irremplaçable, car c'est la seule façon de bien connaître une région. Seule la présence rapprochée permet la prévention et l'intervention rapide et concluante.
L'efficacité d'une intervention peut aisément être évaluée ; celle de la prévention est plus délicate à cerner et à souligner, sauf si l'on part d'une situation très dégradée. Ce n'est généralement pas le cas dans le monde rural. La présence de la gendarmerie s'y mesure en siècles. Les populations y vivent en symbiose avec leurs gendarmes. Les délits et les crimes y sont rares, mais pas absents.
Ce constat amène certains à déduire que, puisqu'il ne s'y passe rien, les gendarmes ne font rien et ne servent à rien. D'où l'envie de conclure qu'il faut les déplacer, les répartir et les installer là où règnent la violence et la peur.
Cette vision de la réalité conduit à nier le rôle et l'importance de la prévention. Or, notre société a autant besoin, sinon plus, de prévention que d'intervention ou de sanctions. Nous devons développer la prévention et non pas l'alléger.
Le calcul qui conduirait à retirer, ici, les moyens de prévention pour renforcer, ailleurs, les moyens d'intervention et de répression, serait un calcul erroné et dangereux. Car, demain, il faudrait reconstruire, avec des moyens accrus, ce que le monde rural aurait perdu.
Il faudrait être bien naïf pour croire que les zones dégarnies ne seraient pas aussitôt occupées par les délinquants et les agresseurs de toutes natures, qu'ils soient autochtones ou de passage.
Aujourd'hui, ce serait une grave erreur de rechercher une solution à l'insécurité en dépouillant Pierre pour habiller Paul.
Le monde rural doit garder la protection qui a fait ses preuves. Il doit aussi ne pas être la victime d'un aménagement du territoire dont il serait exclu.
Pris séparément, chaque administration, chaque service, chaque ministère peut trouver un intérêt immédiat à quitter le monde rural pour la ville ou sa banlieue, mais cela ne peut pas participer à ce que l'on appelle l'aménagement du territoire.
Le monde rural ne doit pas être opposé au monde urbain. Ce dernier ne doit pas être équipé par des moyens et des éléments pris au monde rural. Le déséquilibre entre ces deux secteurs serait renforcé et pérennisé si l'on prenait ici pour colmater ailleurs.
Toutefois, l'annonce de moyens accrus dès cette année et dans les années à venir calme mes appréhensions et renforce mon optimisme. Ces sentiments, depuis la déclaration du Premier ministre, sont largement partagés par celles et ceux qui veulent faire preuve d'objectivité et de réalisme.
Bien sûr, il y a encore, il y aura toujours ceux dont la spécialité est la surenchère. Certains, aveugles aux aspects positifs et novateurs de cette déclaration, affirment que ce n'est pas suffisant.
Je rappelle que la méthode de notre Premier ministre ne rejette pas le pragmatisme, au contraire ! Hier, il n'a pas dit que l'action qu'il avait évoquée s'arrêterait avec sa déclaration.
Les élus locaux savent très bien que, quels que soient l'intérêt et l'importance d'un problème, on ne peut pas tout faire dans l'instant. Tout et tout de suite, ce n'est pas possible ! D'ailleurs, ce sont souvent ceux qui n'ont pas voulu ou qui n'ont pas su traiter ces questions qui sont les plus éloquents dans le registre des critiques.
L'analyse de la situation, les réponses annoncées, qui vont renforcer, développer et améliorer l'existant, vont dans la bonne direction.
Il est indispensable d'affirmer que la lutte contre l'insécurité doit être globale. La prévention, la sanction, la réinsertion sont complémentaires. Selon le moment, le lieu, les personnes, c'est tel aspect ou tel autre de la lutte qui sera privilégié. La règle est de s'adapter aux situations avec plus de moyens, plus de compétences, plus de concertation, plus de suivi.
Cette globalité de la lutte contre l'insécurité doit aussi être développée dans l'espace, dans la durée entre les ministères et les services concernés.
En reconnaissant le droit de tous à la sécurité, M. le Premier ministre reconnaît que les populations rurales et les populations urbaines ont les mêmes droits.
Au moment où la durée du travail se réduit, il serait inopportun, contradictoire même, de réduire l'effectif des petites brigades. Avec moins de six gendarmes, la brigade ne fonctionne plus. Les congés, les absences pour causes diverses, l'irremplaçable présence pour voir et être vu, pour entendre et être entendu, exigent un effectif minimal qui ne peut être inférieur au seuil actuel, c'est-à-dire six gendarmes. Dans le cas contraire, on aurait des gendarmeries sans gendarmes !
Le succès de la prévention dans le monde rural m'amène à suggérer - mais M. le Premier ministre l'a déjà proposé - d'envisager d'adapter ce système de prévention au milieu urbain.
Ce que l'on a développé avec les gendarmes peut très bien se concevoir avec les policiers, et cela sans rivalité.
L'implantation doit être permanente, proportionnée à la population et en relation avec cette dernière. Les échecs constatés en milieu urbain sont certainement en grande partie la résultante d'un maillage trop lâche et d'une intégration trop virtuelle. Une présence fermée aux contacts ne sert à rien !
Cette présence doit participer à la vie du quartier, de l'école, du collège, du lycée, de l'université. L'action contre l'insécurité doit se développer dans la durée. Elle ne peut pas être ponctuelle et les résultats ne pourront se constater que dans le temps.
Elle commence avec l'enfant, la famille, les programmes scolaires, les émissions de télévision même, où les héros devraient changer de look et de comportement.
Oui, cette lutte doit être globale. Elle doit mobiliser quasiment tous les ministères, tous les services, tous les secteurs et, en particulier, bien sûr, ceux qui sont au contact, qui vont au devant de la réalité, à savoir la gendarmerie, la police, la justice et l'éducation nationale.
Ce problème de société exige une mobilisation de toutes et de tous. Le Gouvernement montre qu'il en a conscience et qu'il dégage et dégagera les moyens indispensables à son succès.
Dans ces conditions, je suis persuadé, monsieur le ministre, que le consensus et la participation active et positive déborderont largement les rangs de celles et de ceux qui vous soutiennent traditionnellement.
Chacun comprendra que si le Gouvernement assume sa part de responsabilité, les autres doivent faire de même. Le groupe socialiste auquel j'appartiens soutiendra le Gouvernement, et j'espère qu'il ne sera pas le seul ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen).
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai souvent été cité dans ce débat, ou dans d'autres,...
M. Hubert Haenel. Vous le serez encore ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. ... et je le serai sans doute encore effectivement, à propos du redéploiement des forces de police et de gendarmerie, objet de la question de M. Masson.
Je n'élargirai pas cette question aux problèmes d'insécurité ou de délinquance des mineurs ; le sujet serait beaucoup trop vaste. En outre, il a déjà fait l'objet de longs débats, y compris au sein du Gouvernement, et a abouti à des conclusions dont nous attendons de voir l'effectivité. Je me cantonnerai donc au problème du redéploiement des forces de police et de gendarmerie.
Si j'ai bien compris - mais je ne possède pas encore le compte rendu exact du conseil de sécurité intérieure qui vient d'avoir lieu - on se propose de redéployer 7 000 policiers et gendarmes. Quand on sait que le redéploiement de 3 000 policiers et 1 200 gendarmes, soit 4 200 personnels, a provoqué, on l'a entendu tout à l'heure, une véritable révolte dans un certain nombre de nos beaux départements, je ne vois pas très bien - mais M. le ministre nous l'expliquera sans doute tout à l'heure - quelle méthode on utilisera pour ce nouveau redéploiement de forces de sécurité sur notre territoire.
Je voudrais d'abord rendre, ici, hommage à M. Masson, qui connaît si bien les problèmes de sécurité et de police. Sa hauteur de vue et son sens de l'Etat font qu'il ne défend pas seulement sa circonscription, ce qui serait légitime, mais qu'il a une vue globale. Rapporteur depuis tant d'années sur ces problèmes de police, il connaît parfaitement les enjeux, et son propos a d'ailleurs été nuancé s'agissant du redéploiement.
Permettez-moi de prendre à mon tour la parole sur l'ensemble de ces problèmes.
Je représente un département très urbanisé qui est en pleine expansion, dont la population a doublé en vingt ans et qui connaît une croissance de 3 % par an. Je suis également conseiller général d'un canton rural - vous le savez, monsieur Masson, puisque nous sommes voisins - qui est menacé de voir fermer sa deuxième brigade. Je peux donc, je crois, m'exprimer sur l'ensemble des problèmes.
Je commencerai par une observation générale.
Comme l'ont dit à la fois M. Masson, M. Courtois et d'autres orateurs, la proportion en France de forces de police et de gendarmerie par habitant se situe plutôt dans la moyenne supérieure des pays européens, à l'exception de celle du Portugal, me semble-t-il, qui est un peu plus élevée.
Mais faut-il augmenter indéfiniment les forces de police et de gendarmerie ou vaut-il mieux s'inquiéter de leur meilleure utilisation et de leurs conditions d'emploi ?
Dans le rapport que j'avais commis avec M. Carraz, et que je tiens à votre disposition, nous n'avions nullement indiqué, hormis quelques cas particuliers, les commissariats ou les brigades qu'il fallait fermer. Nous avions seulement posé la question de savoir, par exemple, s'il était bien normal qu'il y ait un commissariat de police à Aubusson, ville de 6 000 habitants. Une brigade de gendarmerie ne serait-elle pas préférable ? Nous sommes en droit de nous interroger compte tenu de l'héritage de l'histoire.
A Mourenx, par exemple, alors que le nombre d'habitants a considérablement diminué en raison de la baisse de production de gaz de Lacq, le commissariat a pourtant été maintenu. L'implantation d'une gendarmerie ne serait-elle pas plus judicieuse ? Nous pouvons aussi nous poser la question.
La gendarmerie pourrait également mieux utiliser ses effectifs. M. Masson a un peu évoqué cette question.
On pourrait concevoir également, comme cela existe, je l'ai constaté, dans certaines zones du territoire, de mieux utiliser un groupement de brigades, dont les effectifs seraient peut-être un peu moins nombreux, mais auxquelles pourraient se joindre pour la journée des adjoints de gendarmerie. Ce serait peut-être un bon moyen de maintenir une présence de la gendarmerie et d'assurer une meilleure efficacité. Comme je le dis souvent, une brigade de dix gendarmes est parfois aussi efficace que deux brigades de six gendarmes. Cela peut paraître curieux, mais c'est pourtant vrai. Le ratio coût-efficacité doit être pris en compte.
M. Hubert Haenel. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. On peut alors avoir en permanence une patrouille, ce qui n'est pas possible avec six gendarmes dans certaines zones. Je le dis tout à fait entre nous : même si nous avons toujours prétendu qu'il fallait au moins une brigade par canton, quand il y a deux, trois ou quatre brigades dans un département, ne serait-il pas opportun, surtout lorsque l'on dénombre un gendarme pour cinquante habitants, comme c'est encore le cas dans notre beau pays, de regrouper un peu les forces ?
La police de proximité assure ce que l'on appelle depuis toujours dans la gendarmerie la surveillance générale. Cela consiste, c'est vrai, à pratiquer l'îlotage en milieu rural et cela implique une connaissance du milieu.
Mais la gendarmerie a aussi dû s'adapter, notamment pour faire face à la grande criminalité, avec les pelotons de surveillance et d'intervention, sans parler des sections de recherche ; on l'a vu dans certaines zones. Je l'ai constaté dans la région Rhône-Alpes, que je connais bien : sans moyens mobiles et spécialisés, ce ne sont pas des brigades de six gendarmes et leurs estafettes qui peuvent résoudre le problème de la grande criminalité !
Mes chers collègues, dans peu de temps, nous aborderons les problèmes d'aménagement du territoire. Je constate que 80 % de la population vit en zone urbaine et périurbaine. Mais, nous le savons très bien, la zone périurbaine va se développer encore, toutes les études l'indiquent. Ces populations nouvelles seront bien sous la responsabilité de la gendarmerie ! Pour vous montrer que cette dernière sait parfaitement s'adapter, je citerai à nouveau l'exemple phare de Rillieux-la-Pape. Les gendarmes savent très bien opérer sur le terrain avec leurs méthodes, faire de l'îlotage et de la surveillance permanente.
On parle beaucoup de guerre des polices. Mais là où il y a vraiment urgence et où ça flambe - et pas seulement les voitures ! - dans les départements urbains qui connaissent la grande délinquance, il n'y a pas de guerre des polices, parce que tout le monde est avant tout préoccupé de lutter contre la criminalité. Et si, quelquefois, des personnes quelque peu sous-employées peuvent peut-être, dans certaines zones, se livrer à ce genre de « guéguerre », ce n'est certainement pas là que l'on trouve les plus grandes difficultés !
Voilà quelques réflexions sur la gendarmerie.
Je vais maintenant aborder le problème d'ensemble que pose le redéploiement des forces de police et de gendarmerie.
Ce redéploiement doit être effectué avec précaution. Nous avons déjà exprimé le souci qu'une concertation ait lieu, et nous avons demandé la création d'une mission spéciale pour étudier le problème.
Il faut dire que nous, responsables locaux, avons été avisés, peut-être pas par la presse, certes, mais par une lettre aimable du préfet, de la suppression de brigades, sans que l'on nous dise ce qui allait les remplacer et comment.
Il est bien évident que l'on peut alléger le nombre de brigades et les effectifs des brigades dans les zones qui sont du ressort de la police. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, sauf pour les tâches spécifiques à la gendarmerie, pour lesquelles on estime à un pour 10 000 habitants à peu près l'effectif nécessaire, il n'est pas indispensable de garder des brigades qui n'ont pas compétence en matière de sécurité publique. Laissons oeuvrer la police judiciaire !
Les effectifs pourraient être sensiblement réduits dans de telles zones. Il en est ainsi du département de la Seine-et-Marne. Mais, s'agissant de ce dernier département, comme personne n'a dit que des policiers supplémentaires allaient être nommés à Montereau ou dans d'autres communes avoisinantes, les élus ont protesté contre tout retrait des gendarmes. On peut leur répondre que les gendarmes n'ont pas compétence en matière de sécurité civile. A quoi ils rétorquent : « Comme on manque de policiers » - ce qui est vrai - « on ne veut pas, en plus, que l'on nous retire les gendarmes. »
Il s'agit donc, monsieur le ministre, d'une question de méthode. J'encourage fortement le Gouvernement à poursuivre la concertation et surtout à indiquer quels moyens seront donnés pour remplacer les départs, à expliquer comment les choses fonctionneront de manière différente. C'est cette information qui a manqué et qui a fait échoué en grande partie le plan de réorganisation qui doit être mené parallèlement.
De fait, on ne peut pas engager un plan de réforme de la gendarmerie si, parallèlement, on n'engage pas un plan de réforme de la police. Les deux doivent être menés de pair, et au plus haut niveau.
S'agissant de la police, j'ai déjà eu l'occasion de dire que, dans les très petites villes, les commissariats sont inefficaces. En effet, dans un commissariat de trente-deux policiers, compte tenu des critères de roulement, il n'y a que trois policiers présents chaque nuit, et encore à condition qu'il n'y ait pas de malade.
Il n'est pas possible de défendre la présence des commissariats dans de telles conditions. Il vaudrait mieux, pour la commune, avoir douze ou treize gendarmes, ce serait plus cohérent, plus conforme à notre histoire. Ainsi, aux termes de la loi d'orientation sur la police et la sécurité que nous avons votée, il ne devait pas y avoir de commissariat dans les villes de moins de 20 000 habitants. Sinon, pourquoi ne pas revendiquer un commissariat dans toutes les villes de 8 000 habitants ?
Dans mon département, de nombreuses villes qui comptent 10 000 à 12 000 habitants possèdent une brigade de gendarmerie, ce qui ne pose pas de problème particulier, à condition que les gendarmes soient en nombre suffisant.
C'est pourquoi je suis convaincu que, dans certains quartiers, comme à Aubusson, par exemple, il faudrait fermer les commissariats, à condition toutefois de prévoir un effectif suffisant de gendarmes pour assurer la sécurité des populations.
En ce qui concerne la police, est paru récemment un rapport émanant d'un éminent universitaire, non spécialiste, quoi qu'on en dise, des problèmes de sécurité, rapport qui a fait beaucoup de bruit. Il y soulignait, ce qu'il considérait comme scandaleux, que, sur un effectif total de 52 000 ou 62 000 policiers, il n'y en avait que 3 500 sur le terrain.
C'est sans doute faux. Pour ma part, j'ai consulté un rapport de l'inspection générale de la police selon lequel le taux moyen de présence effective sur la voie publique par rapport aux effectifs dits de roulement varie de 7 % à 14 % des effectifs, tombant à 4 % la nuit. Or, 45 % des faits constatés en zone urbaine se produisent entre vingt et une heures et six heures du matin.
Donc, même si les chiffres avancés sont sans doute faux, ils correspondent bien à une certaine réalité, sujet de notre préoccupation.
Pour les mêmes raisons, l'effectif des îlotiers ne dépasse guère 11 % à 13 % des effectifs d'un commissariat. C'est ainsi que la ville de Montpellier compte 38 îlotiers sur 327 policiers, Avignon, 20 îlotiers sur 166 policiers et Evry, 24 îlotiers sur 200 policiers.
Ces exemples montrent bien qu'il existe un vrai problème d'utilisation des forces de police.
Au lieu, peut-être, de vouloir « gratter » policier par policier, gendarme par gendarme, il faut intervenir là où c'est le plus nécessaire, en tenant compte des objectifs d'aménagement du territoire ; je suis tout à fait d'accord sur ce point avec mes collègues. Je sais que tel est aussi l'avis de M. Alain Richard, qui a toujours soutenu qu'il fallait se préoccuper de l'aménagement du territoire.
De toute façon, il faudra bien se poser la question de l'utilisation des forces de police.
D'une manière générale, la conception française de la police est essentiellement tournée vers l'idée d'ordre public. Certes, l'ordre public doit être assuré ; c'est une responsabilité de l'Etat. Mais cela ne devrait pas se traduire par une utilisation abusive dans certains cas des forces mobiles, par l'emploi de ce que l'on appelle les « pots de fleurs »...
M. Alain Richard, ministre de la défense. Les plantes vertes ! (Sourires.)
M. Hubert Haenel. Une plante verte ou un pot de fleurs, c'est pareil !
M. Jean-Jacques Hyest. ... que l'on place devant les ministères. Peut-être pourrait-on enfin procéder autrement ! Nous sommes le seul pays au monde à agir de la sorte. Cessons d'affecter des milliers de policiers et des centaines de gendarmes dans les ministères !
L'exemple de Paris est révélateur puisqu'on y trouve un policier pour 73 habitants, ce qui n'empêche pas la criminalité d'y augmenter plus vite qu'ailleurs.
On doit quand même s'interroger sur la présence des policiers sur le terrain. Permettez-moi de vous faire part de mon expérience : je trouve que, dans la rue, les policiers qui arborent des liserés bleu roi et des liserés verts sont bien nombreux par rapport à ceux qui portent des liserés bleu foncé.
M. Michel Caldaguès. C'est vrai.
M. Jean-Jacques Hyest. Il m'arrive quelquefois de me demander où sont les milliers de policiers qui sont affectés dans les innombrables structures de la préfecture de police.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, je ne voudrais pas être cruel, mais je vous rappellerai qu'avec mon collègue député M. Carraz j'avais déjà formulé des observations sur la gestion de la préfecture de police ; je vous renvoie également au rapport de la Cour des comptes : est-il bien normal que près de 800 policiers fassent de la mécanique à longueur d'année, dans un service où le taux d'absentéisme est d'ailleurs de 60 % ? Si l'on veut vraiment, les syndicats disent le vouloir mais ils protesteront aussi, comme ils l'ont fait quand on a voulu supprimer des commissariats de province - si l'on veut vraiment mieux utiliser les policiers, il faut renoncer, comme l'avait prévu la loi d'orientation sur la police et la sécurité, à les affecter à des emplois administratifs et les rendre au terrain.
M. Serge Mathieu. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est ce que veulent le Premier ministre et le conseil de sécurité intérieure ; j'en suis d'accord. Pourra-t-on y parvenir ? Pourra-t-on faire en sorte que quand on change de tenue à la préfecture de police de Paris, on n'ait pas forcément trois quarts d'heure de récupération supplémentaire ?...
Il faut être clair : la fonction du policier, sa dignité, c'est d'assurer la sécurité de nos concitoyens, d'assurer le maintien de l'ordre - en tout cas pour les forces qui sont affectées à cette tâche. C'est possible pratiquement sans augmentation d'effectifs à condition que l'on ne « surutilise » pas ces forces de maintien de l'ordre, à condition que l'on donne vraiment la priorité à la police de proximité. Nous avons les effectifs suffisants, à condition que chacun soit bien employé. Si c'est là le plan que l'on nous annonce, j'en accepte l'augure, mais, comme beaucoup de plans établis par des hauts fonctionnaires ou des élus - je ne parlerai pas du rapport de Xavier de Roux, qui allait dans ce sens mais qui a été fort critiqué par les syndicats de police - celui-ci ne risque-t-il pas de rester lettre morte ?
Monsieur le ministre, j'espère bien qu'un jour nous cesserons, dans notre beau pays, de sacrifier avant tout au corporatisme pour demander, ce qui est quand même le minimum, aux fonctionnaires de respecter le service public et de remplir réellement les fonctions pour lesquelles ils ont été recrutés.
Si nous y parvenons, ce qui implique une profonde réforme des mentalités, une profonde réforme des méthodes de fonctionnement, nous augmenterons la sécurité dans notre pays. Si, au contraire, nous nous contentons de «mesurettes », nous ne pourrons pas lutter contre l'insécurité qui gagne toutes les zones périurbaines, qui gagne nos banlieues.
Mais je crois aussi que l'on doit obéir à des critères objectifs pour décider de l'affectation des forces. Ce que je crains le plus, c'est non pas une augmentation ou une diminution des statistiques, mais le chiffre occulte de la délinquance. Il est des zones où plus personne ne porte plainte, où plus aucun policier n'entre et où se développe une économie parallèle de grande criminalité et de trafic de drogue. A ce moment-là, les ghettos apparaissent, ce qui risque de faire courir un grave danger à notre société.
Voilà ce contre quoi nous devons lutter.
Mes chers collègues, réfléchissons bien : au-delà de la défense d'intérêts particuliers, certes non négligeables, ne devons-nous pas faire en sorte que les policiers et les gendarmes soient mieux affectés pour qu'ils puissent accomplir au mieux leur tâche indispensable dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. La question orale avec débat posée par notre éminent collègue Paul Masson, spécialiste des questions de sécurité, nous permet d'aborder avec vous, monsieur le ministre, un problème non pas épisodique mais de fond, j'allais dire une question d'Etat. Je vais donc me placer non pas sur le terrain qui vient d'être abordé par M. Hyest, ainsi que par la plupart des collègues qui m'ont précédé - je souscris, d'ailleurs, entièrement aux propos qu'ils ont tenus - mais au niveau de l'Etat. Les polémiques politico-médiatiques suscitées par le projet de redéploiement des forces de police et de gendarmerie ont dès l'origine, il faut le reconnaître, dénaturé le débat. Trop d'intervenants en ont fait une affaire « de boutique » ou « de maison ».
D'ailleurs - pourquoi ne pas le dire ? - l'un des initiateurs de cette polémique a été, malheureusement, un ancien ministre de la défense et de l'intérieur.
Lorsque je suis arrivé au Sénat, voilà douze ans, j'avais cru comprendre qu'un ancien ministre était tenu à une certaine réserve à l'égard des ministères qu'il avait dirigés et envers ses successeurs. Je constate que les bonnes manières se perdent...
Finalement, le vrai débat, celui qui aurait pu éclairer les habitants des communes concernées, les élus, les policiers, les gendarmes, n'a pas eu lieu. En effet, d'une part, il s'est trouvé aussitôt englué dans des considérations politico-syndicales locales. D'autre part, et surtout, avant de l'initier et d'annoncer les décisions prises, il aurait fallu, je crois, rappeler les grands principes, ce que j'appelle les vérités premières, en quelque sorte, pour bien mettre cette réforme en perspective et en pleine lumière, lui donner un sens, tout son sens, et donc la rendre lisible à tous les niveaux.
Quels sont, à mes yeux, les grands principes qu'il faut sans cesse avoir à l'esprit et rappeler lorsqu'on parle de sécurité ?
En premier lieu, la sûreté des personnes et des biens est le premier des droits de l'homme et le premier des devoirs de l'Etat. Ce droit à la sûreté est égal pour tous, que l'on vive en zone rurale profonde, en zone de montagne, dans une ville moyenne, au centre d'une agglomération ou dans une périphérie difficile. Ce droit doit être assuré en tout temps, tout lieu, toute circonstance, en temps normal comme en temps de crise.
En deuxième lieu, seul l'Etat est compétent pour assurer, sur l'ensemble du territoire, l'effectivité de ce droit fondamental. L'existence et la compétence des polices municipales ne peuvent être que subsidiaires ou complémentaires.
D'ailleurs, leur prolifération et leur montée en puissance ne sont dues qu'à la carence de l'Etat. Disant cela, je n'accuse pas spécialement l'actuel gouvernement : nous avons tous une part de responsabilité. En fait, il s'agit d'une carence de l'Etat dans l'exercice d'une de ses fonctions régaliennes majeures. Bien entendu, les maires ne peuvent laisser sans réponse la montée de la criminalité dans leur commune. Que font-ils ? Ils créent une police municipale avec des effectifs qui varient selon l'importance de la commune.
Si l'on n'y prend pas garde, cette carence, dont les effets se font de plus en plus sentir, conduira, d'abord en zone rurale, mais aussi dans les agglomérations, à la constitution d'unités de police intercommunale - il y a là un vrai danger - qui viendront occuper les créneaux abandonnés par la gendarmerie et la police nationale. Et l'on assistera aussi, malheureusement, au recours à des polices privées !
En troisième lieu, pour assurer cette sécurité - c'est la tradition républicaine, la tradition historique et institutionnelle de notre pays - le Gouvernement dispose de deux grands services d'Etat : la gendarmerie nationale et la police nationale. Cette dualité, si elle peut étonner les non-initiés ou irriter certains, est, paradoxalement, une garantie pour les libertés. En effet, le pouvoir de police, qu'il soit administratif ou judiciaire, ne se trouve pas, ainsi, entre les mains d'un seul ministre. Cela nous protège peut-être des tentations d'un célèbre ministre de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle qui s'appelait Fouché.
Nuançant les propos de M. Masson, je dirai que, pour ma part, je militerai toujours pour que policiers et gendarmes soient également compétents dans tous les domaines de police administrative et judiciaire. En tout état de cause, le rapprochement, s'il est nécessaire, ne peut être en aucun cas une fusion.
En quatrième lieu, entre police nationale et gendarmerie, la différence tient à la fois au statut, au mode d'emploi, à l'organisation du service, à l'exercice de l'autorité hiérarchique, à la conception de la discipline.
On l'oublie trop souvent, le gendarme est un militaire et le policier un fonctionnaire, même s'il porte souvent l'uniforme.
Quand bien même elle peut être appelée à assurer des missions identiques, la gendarmerie n'est pas la police, et réciproquement. Chacun sait que, en matière de maintien de l'ordre, par exemple, le mode d'emploi d'un escadron de gendarmerie mobile n'est pas le même que celui d'une compagnie républicaine de sécurité.
Un minimum de pédagogie aurait sans doute permis d'expliquer pourquoi dix gendarmes peuvent remplacer trente policiers : simplement, on ne peut pas comparer les services et les conditions de travail des uns et des autres.
En cinquième lieu, si le pouvoir syndical chez les policiers est présent - et parfois pesant pour la hiérarchie, voire pour le ministre - il est absent, parce que interdit, chez les gendarmes, et ce d'un bout à l'autre de la hiérarchie.
Je me demande donc si le moment n'est pas venu de rappeler que l'exercice du droit syndical chez les fonctionnaires dépositaires d'une parcelle du pouvoir régalien de l'Etat est nécessairement différent de l'exercice du droit syndical dans le monde de l'entreprise. La question mérite au moins d'être posée.
En sixième lieu, si les policiers sont tenus, comme tous les fonctionnaires, à une obligation de réserve dans l'exercice de leurs fonctions, ils en sont en revanche totalement libérés - et ils montrent qu'ils le savent - lorsqu'ils sont sous le couvert de la protection syndicale. Or les gendarmes, eux, sont astreints à une stricte obligation de discrétion, qui leur interdit tout commentaire public sur les décisions prises par l'autorité gouvernementale, judiciaire ou administrative.
Cela permet de comprendre que, dans le débat, ou la polémique de ces derniers mois, la gendarmerie ait été discrète et responsable. On ne se syndique pas contre l'Etat, a dit un jour le général de Gaulle : comme il avait raison !
M. Paul Masson. C'est bien loin !
M. Hubert Haenel. Je dois ici souligner la hauteur de vue et le sens des responsabilités du syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police nationale, lesquels ont démontré en l'occurrence, si besoin était, leur sens de l'Etat.
En septième lieu, je crois que le régalien ne se négocie pas ; le régalien ne peut se résoudre au compromis ou au renoncement : il s'exerce dans toute sa plénitude.
Si ces différents points avaient été inscrits en préambule, ne serait-ce que rappelés ou, mieux, expliqués aux uns et aux autres, cette réforme aurait sûrement été plus lisible et aurait pu trouver tout son sens ; en tout cas, elle aurait trouvé un sens.
Cet éclairage aurait peut-être évité des malentendus chez les élus locaux, chez les fonctionnaires et leurs familles, dans l'opinion, comme il aurait permis d'éviter des erreurs journalistiques et des commentaires hors sujet à propos de certaines manifestations intempestives.
Le manque d'explications a eu pour conséquence de jeter le trouble chez les gendarmes, chez les policiers et dans l'opinion. Mais la conséquence la plus grave dans cette affaire, c'est que l'Etat a été malmené.
Les syndicats et les manifestants sortent une fois de plus grandis, renforcés. Cela donne raison à tous ceux qui estiment que c'est la rue qui a le dernier mot. Aux yeux de nos concitoyens, la force, quelque forme qu'elle prenne, l'emporte en effet trop souvent sur l'Etat et sur le droit, et cela devient contagieux.
Arrêtons-nous un instant sur les conséquences de cette situation en matière de gendarmerie. C'est vrai, le commandement - vous me rétorquerez qu'il est fait pour ça ! - sait bien gérer les situations. Mais, cette fois-ci, on l'a obligé au grand écart !
La hiérarchie avait fait le travail demandé, comme elle sait le faire, avec constance et conscience, pour expliquer la réforme. Celle-ci était globalement admise. Que peuvent donc aujourd'hui penser les policiers et les gendarmes ? Quel camouflet pour le commandement et même pour l'autorité hiérarchique de la police !
Soyons clairs ! A la question : les choses peuvent-elles rester en l'état ? la réponse est non, catégoriquement non !
Nous devons tous faire preuve de discernement, de clairvoyance, mais aussi de courage.
La présence des forces de police et de gendarmerie - et donc leur répartition - ne peut être immuable. Nous devons accepter de sortir de certains schémas du passé - et c'est un sénateur qui vous le dit ! - afin de mieux assurer partout, par des services à la population de même qualité, la sûreté des personnes et des biens.
Par ailleurs, ne perdons pas de vue la nécessité de relativiser les comparaisons et les critères, en termes de population. Aujourd'hui, nos concitoyens sont des « navetteurs ». La transhumance journalière doit être prise en compte, de même que les transhumances saisonnières.
Il aurait fallu aussi mieux expliquer les transformations profondes que connaissent nécessairement les services, tant dans la police que dans la gendarmerie.
Certains vivent encore dans l'idée d'une gendarmerie ou d'une police d'il y a trente ans. Or, en trente ans, il s'est passé bien des choses ! Peut-être policiers et gendarmes n'ont-ils pas fait suffisamment d'efforts de communication.
Quelles conclusions peut-on tirer de tout cela ?
Le seul reproche, à mes yeux, que l'on puisse faire au Gouvernement, dans cette affaire, concerne la méthode, car, sur le fond, je souscris tout à fait à l'approche qui a été la sienne.
Pourquoi la méthode est-elle mauvaise ?
D'abord, la démonstration est faite - et ce n'est pas mon collègue Jean-Jacque Hyest qui me contredira - qu'il ne suffit pas de confier à deux parlementaires, aussi éminents soient-ils, une étude sur un projet de cette nature pour convaincre systématiquement tous les élus. Faute de temps et de conseils, nos excellents collègues n'ont pu remettre en perspective les grands principes - cela ne leur était d'ailleurs pas demandé - et un conseiller d'Etat, ancien préfet, n'a pas pu faire mieux.
Au passage, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser une question : le rapport Fougier est-il si explosif qu'il ne puisse être porté à la connaissance de la représentation nationale ? Sans doute nous répondrez-vous tout à l'heure sur ce point.
Cette réforme est apparue d'emblée comme le simple prolongement de toute une série d'autres rapports, et Dieu sait qu'il y en a eu ! Dès lors, les gens se sont dit que l'on continuait à gérer la pénurie sans aborder le fond des problèmes, sans mettre les choses en cohérence. Or tous les aspects d'une telle réforme doivent être mis en cohérence.
On explique qu'on revoit un peu la carte de police et de gendarmerie. Mais, dans le même temps, le garde des sceaux travaille - comme, d'ailleurs, son prédécesseur - à la réforme de la carte judiciaire. Vous imaginez combien nos collègues élus, toutes tendances confondues, les policiers et les gendarmes peuvent être troublés ! Ils se demandent ce qui les attend : aujourd'hui, c'est le commissariat, demain, ce sera la gendarmerie, puis viendront le tribunal d'instance, les antennes de justice !
On ne peut, en effet, toucher au service public dans un canton, un village, un arrondissement, un département sans immédiatement réveiller le soupçon, trop souvent fondé, que l'on assiste au début d'un déménagement du territoire. Et, pendant ce temps-là, on ne cesse de nous parler de schéma de services publics...
Une réforme comme celle-là serait acceptée, j'en suis sûr, si l'on rétablissait la confiance dans la parole de l'Etat : confiance des maires, des usagers, des fonctionnaires de police, des militaires, bref, confiance des citoyens. Tous doivent pouvoir considérer que, lorque l'Etat lance telle action, celle-ci n'en cache pas une autre, beaucoup moins acceptable.
Il fallait se donner plus de temps. Ne pourrait-on pas procéder à une expérimentation dans des départements où les services concernés et les élus seraient volontaires. On le fait dans d'autres domaines. Certes, il s'agit d'un domaine régalien, qui ne s'accomode pas vraiment d'expérimentation. Mais l'enjeu mériterait qu'on voie comment telle ou telle mesure peut fonctionner.
On dit : « Il faut plus de policiers. » Mais il faudrait alors aussi plus d'éducateurs, au sens noble, plus de procureurs, de juges, de prisons...
Si, dans une chaîne, l'on renforce un chaînon sans toucher les autres, c'est le plus faible qui va déterminer la solidité, ou la fragilité, de l'ensemble.
Nos policiers et nos gendarmes sont actuellement malmenés, soupçonnés de toutes sortes de turpitudes : ils bafoueraient en permanence les droits de l'homme ; ils auraient la gâchette facile ; ils seraient impunis lorsqu'ils brutalisent à tort un prévenu. Or cette réforme intervient dans ce contexte. Médiatiquement, c'est dangereux. Certes, des « bavures » sont commises et il faut les reconnaître et les sanctionner. Mais ne laissons pas le soupçon se porter sur l'ensemble de nos forces de police et de gendarmerie.
L'année dernière, j'ai accompagné la patrouille de nuit d'une brigade de criminalité en zone rurale. J'invite tous les « bien-pensants », de quelque bord qu'ils soient, à faire de même pour se rendre compte de ce qu'est la réalité, la nuit, dans une zone de non-droit ou de moindre droit. Ceux qui vivent protégés dans les beaux quartiers, qui ne savent plus ce que sont les transports en commun et qui n'ont pas à subir des agressions feraient bien de venir y voir de plus près.
M. Christian Demuynck. Exact !
M. Hubert Haenel. Dans quelques semaines, nous allons voir apparaître un autre texte, qui va semer la perturbation chez nos policiers et nos gendarmes, concernant l'avocat de la première heure. Je l'ai dit à Mme Guigou ainsi qu'à son directeur de cabinet : je me demande s'il ne faudrait pas différer sa venue. Un officier de police judiciaire, représentant de l'Etat, serait-il donc moins respectueux des lois de la République qu'un avocat, un commissaire de police, un officier de gendarmerie ? Je m'inscris en faux ! Commençons par faire respecter la déontologie dans certains barreaux, notamment ceux de Paris ou de Marseille.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Hubert Haenel. En ce qui concerne les trente-cinq heures, cette disposition semble concerner toutes les grandes entreprises et tous les fonctionnaires, mais pas les gendarmes, dont la durée hebdomadaire de travail est plus proche de cinquante heures que de quarante. Il s'agit là aussi d'un élément pertubateur. Lorsque l'on parle de redéploiement, il faut avoir tous ces faits présents à l'esprit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous voulons lutter efficacement contre la criminalité - et tel est bien le sujet de notre débat - il faut redonner confiance à nos gendarmes et à nos policiers, manifester de la considération pour leur fonction et du respect et de la compréhension pour le travail particulièrement complexe qu'ils accomplissent, parfois à notre place. Trop souvent ils ont « les mains dans le cambouis ». S'ils doutent et parfois même désespèrent, c'est peut-être, et je pèse mes mots, parce que nous sommes trop souvent aveugles, muets, voire irresponsables. Nous devons leur rappeler, par notre attitude, que la France est un Etat de droit. Je crois que c'est le premier devoir des politiques. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque la question orale avec débat de M. Paul Masson, spécialiste reconnu des problèmes de sécurité, a été déposée, au début du mois de décembre dernier, M. le Premier ministre était toujours dans l'attente de la remise des conclusions du rapport de M. Guy Fougier, chargé de faire de nouvelles propositions pour le redéploiement des forces de sécurité.
La mobilisation des syndicats de police et des élus contre ce projet a en effet obligé le Gouvernement à reporter sa mise en oeuvre. J'étais donc très impatient, en tant qu'élu d'un département difficile, la Seine-Saint-Denis, de prendre part à ce débat, pour expliquer combien il est nécessaire et même indispensable de renforcer la présence des forces de sécurité dans les zones urbaines, mais aussi pour exprimer, au même titre que mes collègues élus de province, ma désapprobation quant à la manière utilisée pour mener à bien ce redéploiement.
Mais il est vrai que les événements survenus ces derniers jours ont modifié les données du débat.
En effet, le 19 janvier dernier, M. le Premier ministre annonçait le gel du projet en indiquant, en recourant à une formulation plus qu'imprécise, qu'il serait procédé à des « examens au cas par cas, en concertation avec les élus concernés ».
En outre, le 21 janvier, tous les médias ont fait état de l'étude de M. Alain Bauer, dont les conclusions avaient été remises la veille à M. le Premier ministre. Même si les chiffres cités par cet universitaire paraissent un peu excessifs à certains syndicats, ce document révèle au grand jour des anomalies s'agissant de l'utilisation réelle des effectifs de police.
Enfin, hier, le Gouvernement a annoncé, à l'occasion d'une réunion du conseil de sécurité intérieure, un nouveau plan de réforme, alors que celui qui avait été présenté en juin 1998 n'avait toujours pas été mis en oeuvre. On peut d'ailleurs se demander, à propos des 7 000 policiers et gendarmes supplémentaires devant entrer en fonctions dans les trois années à venir, s'il s'agira réellement de créations de postes. Je voudrais souligner la précipitation et le total manque de cohérence dans lesquels sont annoncés, à chaque fois, ces mesures ou ces retraits, mais la triste réalité est là : après trois années consécutives de baisse, l'année 1998 a été marquée par une hausse globale de l'ordre de 2,7 % du nombre des crimes et délits dans notre pays ; en ce qui concerne la capitale, cette progression a été de 4,5 % ; le nombre de mineurs mis en cause a, quant à lui, augmenté de 11 % l'an dernier ; enfin, pour parachever ce triste tableau, les événements de Toulouse et de Strasbourg ont apporté, voilà quelques semaines, une nouvelle illustration du règne du non-droit dans les banlieues.
Bien sûr, la police n'est pas seule responsable. On ne répètera jamais assez que les forces de l'ordre font ce qu'elles peuvent, avec les moyens matériels et humains dont elles disposent. Il faut tout de même rappeler que l'impunité des délinquants, plus spécialement celle des mineurs, les difficultés rencontrées dans les établissements scolaires de par l'insuffisance de moyens adpatés et, enfin, le désengagement de certains parents apparaissent comme les causes principales de cette dégradation.
En tant qu'élu d'un département réputé « dur », je ne cesse, depuis près de dix ans, de tirer le signal d'alarme. Il est surprenant que le Gouvernement prenne seulement aujourd'hui conscience de la gravité de la situation. On a vraiment l'impression - certains des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune l'ont dit - que deux mondes coexistent : celui qui est habité par les populations qui subissent l'insécurité et celui des décideurs politiques, totalement déconnectés de la réalité du terrain.
Puisque l'objet de ce débat est le redéploiement des forces de sécurité, je voudrais revenir sur l'incohérence du projet que le Gouvernement voulait mettre en oeuvre.
Bien sûr, ce plan, tel qu'il était prévu, n'avait pas suscité l'opposition du corps des gendarmes, même si certains d'entre eux ont manifesté une certaine prudence.
Mais le transfert de 3 000 fonctionnaires de police des zones rurales vers les zones urbaines, outre les contraintes budgétaires qu'il implique, paraissait peu envisageable d'un point de vue humain, du fait des complications familiales qu'il aurait provoquées. Il avait donc été envisagé de transférer les fonctionnaires concernés dans les circonscriptions les plus proches. Autant dire que, dans ces conditions, le renforcement en personnel d'un grand nombre de départements sous-dotés n'aurait pu se faire qu'extrêmement progressivement, dans l'optique de nouveaux recrutements.
On ne peut nier qu'il existe des inégalités entre circonscriptions de sécurité publique s'agissant du nombre de policiers rapporté au taux de délinquance. Mais la fermeture de 94 commissariats de province n'était pas acceptable dans le climat actuel d'aggravation de l'insécurité.
Plutôt que de supprimer ceux qui sont situés dans les zones les moins criminogènes, il faut donner la priorité au renforcement de ceux qui interviennent là où la délinquance est la plus forte. Je comprends donc tout à fait la réaction de mes collègues élus de province, soucieux de la sécurité dans leurs villes de moins de 20 000 habitants, lesquelles ont aussi leurs quartiers difficiles.
Il n'en est pas moins vrai, comme l'a souligné l'étude de M. Alain Bauer, que notre pays souffre, d'une manière générale, d'un déficit en termes d'effectifs. Celui-ci est de plus aggravé par l'existence de charges indues, qui représentent l'équivalent de 7 400 emplois. Plus que jamais, il reste indispensable d'opérer une nouvelle répartition des tâches des forces de sécurité, afin de réaffecter le plus grand nombre possible de policiers à des missions de sécurité publique.
Cet objectif figurait pourtant dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité de 1995, qui prévoyait également que 5 000 emplois supplémentaires seraient créés en cinq ans dans les corps administratifs et techniques. Sur la même durée, il était envisagé de dépenser trois milliards de francs à ce titre. Or, au terme de cette période, le constat est clair : les corps administratifs et techniques ont perdu environ 900 emplois depuis 1995.
Si le Gouvernement avait respecté les objectifs de la loi d'orientation...
M. Alain Richard, ministre de la défense. Quel Gouvernement ?
M. Christian Demuynck. ... le redéploiement des tâches au sein de la police que je viens d'évoquer aurait été plus facilement envisageable.
Au vu du peu de perspectives laissées ouvertes lors du vote du budget, on se demande comment le Gouvernement pourra financer la création des postes destinés à permettre de réaffecter des policiers à des missions de terrain, sans parler, bien évidemment, des postes dont le Premier ministre a parlé hier. C'est aussi compter sans les 28 000 départs à la retraite attendus d'ici à 2003 et concernant les personnels recrutés massivement dans les années soixante-dix, qui représentent le quart des effectifs. Le déficit humain provoqué par ces départs sera double, car les nouvelles recrues destinées à les compenser devront suivre une formation pendant laquelle elles ne pourront être opérationnelles.
Jusqu'à présent, pour régler ce problème, le Gouvernement a cru bon de faire appel sur deux ans à 15 000 adjoints de sécurité. Mais ces agents, nous avons eu l'occasion de le répéter lors des débats budgétaires, n'ont ni la formation, ni les compétences, ni les pouvoirs d'un fonctionnaire de police.
Je crains donc que le Gouvernement ne fasse une nouvelle erreur en pensant que la délinquance sera combattue par la simple présence d'hommes en tenue sur le terrain. Il est vrai que cela permet de faire reculer certaines infractions, ainsi que le sentiment d'insécurité de nos concitoyens, mais cette situation entraîne aussi un changement dans la nature des délits et provoque un déplacement des infractions de voie publique vers les secteurs où les forces de police sont les moins nombreuses.
La présence policière ne suffira pas si, parallèlement, les capacités d'investigation et les moyens d'interpellation ne sont pas renforcés. Ne confondons pas « lutte contre le sentiment d'insécurité » et « traitement de l'insécurité » !
Ces derniers mois, l'inquiétude et la démotivation des forces de police n'ont fait que croître. La mobilisation des syndicats s'est amplifiée, le mécontentement des élus, qu'ils soient de province ou de la région parisienne, de gauche ou de droite, s'est renforcé. Pendant ce temps, la délinquance gagne du terrain et la paix sociale est en danger.
Monsieur le ministre, les Français ont déjà jugé le Gouvernement sur ce qu'il a fait, ou plutôt sur ce qu'il n'a pas su faire. Celui-ci a annoncé hier, alors que certains ministres s'opposent sur la question, un plan de sécurité qu'il a qualifié d'« ambitieux ». Pour ma part, je suis persuadé que c'est, une nouvelle fois, un effet d'annonce.
En Seine-Saint-Denis, nous savons ce que valent en réalité les promesses du Gouvernement. Beaucoup d'entre elles n'ont pas été tenues. C'est par exemple le cas dans un domaine différent, celui de l'application du plan de rattrapage scolaire annoncé à grand renfort de publicité : le Gouvernement parle de transparence et de concertation, mais il n'a toujours pas créé le comité de suivi promis pour la rentrée dernière et destiné à associer les élus au contrôle de l'application de ses promesses. Je crains, monsieur le ministre, qu'il n'en aille de même en matière de sécurité.
Ce que nous attendons, ce ne sont pas des promesses, ce ne sont pas des mots, c'est, concrètement, la mise en oeuvre de mesures efficaces sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègue, redéploiement, meilleure utilisation des moyens, fermeture de commissariats ou de brigades : voilà le fruit d'une pensée unique centrée sur des économies à faire à partir d'une concertation plus que relative. C'est l'objectif du Gouvernement s'agissant de la sécurité intérieure, objectif qui, du reste, ne s'écarte guère de la ligne suivie par ses prédécesseurs !
C'est la version intellectuelle, généreuse de la sécurité publique, qui a été prônée ces quinze dernières années, toujours sur le même refrain : prévention, intégration, compréhension, soutien, pas de provocation, peu de sanctions, hantise de l'Etat policier !
Chacun dit à l'envi : la France, Etat de droit. Hélas ! dans bien des cas, cet Etat de droit semble réservé aux seuls automobilistes : alcootest, vitesse, stationnement, on sanctionne à tout va dans ce domaine !
On parle de pays légal, mais hélas ! nous connaissons, nous les élus, le pays réel ! La réalité est très différente, là où nous vivons et où nous constatons, depuis toutes ces années, l'échec complet des orientations choisies. L'insécurité croît, elle embellit, le banditisme sévit, ainsi que la grande délinquance, et maintenant de jeunes enfants propagent la violence.
C'est le « toujours plus » : toujours plus de bandes qui saccagent les trains, font flamber les voitures et exploser les vitrines, pillent, cassent sans vergogne ; toujours plus d'armes blanches, de couteaux, de cutters, d'armes à feu, de canons sciés, de fusils à pompe et de cagoules ; toujours plus d'écoles, de collèges, de lycées rackettés où le « caïdat » sévit sur fond de drogue ; toujours plus de quartiers, de campements ou de cités interdits à la police ; toujours plus de postes, de commissariats, de brigades attaqués, avec des policiers et des gendarmes agressés, maltraités, menacés, et, plus grave, humiliés.
Et les pirates de la route ! On se croirait revenu au temps des diligences...
Peut-être me demanderez-vous de donner des exemples, monsieur le ministre, parce qu'il s'agit là de généralités. Aussi vais-je vous donner quelques échantillons de ce qui s'est produit depuis deux mois dans un rayon de douze kilomètres autour de mon domicile.
En plein jour, on a assisté à un blocage des routes, à l'attaque d'un fourgon, à l'interruption de la circulation, au dynamitage dudit fourgon. Quelques semaines plus tard, nouvelle attaque, au petit matin, de ces fourgons qui collectent l'argent : on utilise des explosifs, des personnes sont blessées.
Par ailleurs, dans une modeste entreprise située dans une petite commune et qui fabrique du chocolat, des personnes cagoulées surgissent, avec des armes de guerre : on tire, on prend des otages jusqu'à ce que l'on ait obtenu les fonds exigés.
Récemment, à six heures quarante-cinq, le responsable d'une grande surface voit arriver chez lui huit hommes en tenue militaire, cagoulés, munis d'armes de guerre, qui prennent sa famille en otage et l'obligent, avec des moyens modernes, à aller chercher la rançon sur le lieu de son travail. Quand il revient, sa femme et ses enfants ont juste le temps de quitter le fourgon qui prend feu. A l'heure actuelle, un de ses enfants est encore à l'hôpital. Telle est la situation réelle !
Les policiers, les gendarmes, que nous aimons et admirons, sont surchargés, épuisés par des tâches incessantes et interviennent dans un climat détestable et dangereux. Or, leur mission, c'est précisément d'avoir le temps de voir, d'écouter, de parler et de comprendre.
Le maçon est au pied du mur. Quelles mesures doit-on prendre pour stopper tout de suite cette violence ? Il faut du coeur, de la générositié, oui ; de la réorganisation, du redéploiement, oui, mais il faut aussi des effectifs en plus grand nombre.
S'agissant d'une situation aussi difficile, on ne peut discuter à partir de ratios. Regardez ce qui s'est passé pour l'enseignement : au cours des années récentes, les ratios ont toujours conduit à ignorer l'homme. Le seul critère, c'est la présence sur le terrain. Il faut donc exclure toute considération concernant des économies. Il me vient à l'esprit un mot sordide : le « droit » - à notre époque, on parle de droits - à la police pour nos concitoyens.
On ne peut subordonner l'homme et ses conditions de vie quotidienne à l'argent, à la rentabilité, à la réduction des crédits. Nous avons besoin de vrais policiers, de vrais gendarmes, formés, expérimentés et suffisamment nombreux. Cela a un coût, mais c'est la mission de l'Etat face à l'exigence de protection de nos concitoyens.
En ce qui concerne la gendarmerie, je m'adresserai directement à vous, monsieur le ministre, puisque vous êtes présent pour répondre à la question de notre éminent collègue M. Masson.
Vous seul avez le privilège de pouvoir agir rapidement, je dirai plus facilement. A l'occasion de la réorganisation de nos armées, un nombre suffisant de sous-officiers de grande qualité accepteraient de servir dans la gendarmerie. Vous me répondrez qu'il faut de l'armement et des véhicules. Compte tenu de la dissolution de certaines unités, vous n'avez que l'embarras du choix.
Hormis la formation accélérée indispensable, vous n'avez pas de crédits à demander. Certes, mais encore faut-il les loger, me direz-vous. Les maires se feront un plaisir de répondre aux besoins dans les plus brefs délais : ils en ont l'habitude.
La véritable question est : le veut-on ? Je l'espère. Vous, vous le voulez. Autour de vous, je crains que cette méthode relativement simple à appliquer ne fasse pas l'objet d'un consensus.
Pourtant, dans l'excellent rapport présenté à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1999, le député M. Lemoine précise, s'agissant de l'intégration dans la gendarmerie de sous-officiers des autres armes, que « sur 1 382 dossiers déposés par des personnels de l'armée de terre et de l'armée de l'air, seuls 439 ont été retenus, en raison de l'inadaptation du profil des candidats aux besoins de la gendarmerie et du caractère trop restrictif de leurs souhaits d'affectation géographique ».
S'agissant de cette rédaction, aucun d'entre nous n'est dupe. En fait, on met des bâtons dans les roues, alors qu'il s'agit d'une idée généreuse et efficace. On considère que chacun doit rester dans son coin. On soulève des montagnes, alors qu'il convient uniquement de prendre des décisions. Jamais je ne croirai que les arguments présentés soient vrais.
La brève citation que je viens de faire des propos de notre collègue Lemoine donne vraiment à méditer sur le pouvoir de votre ministère. Vous devez, avec le Gouvernement, assurer la sécurité de nos concitoyens par la présence à la fois là où il se passe quelque chose, mais aussi là où - heureusement - il ne se passe rien, car l'expérience montre qu'il faut prévenir l'arrivée ou le retour d'incidents.
Je n'aime pas faire des références étrangères, même européennes. Cependant, je ne peux pas citer l'exemple de New York. Dans cette ville, qui compte sept millions d'habitants, le taux de délinquance a été réduit sensiblement en portant les effectifs de policiers de 22 000 à plus de 40 000.
Vous venez d'annoncer des mesures. Je vous en remercie, monsieur le ministre. Elles témoignent de votre volonté de coller à la réalité des besoins, et je m'en réjouis. Cependant, n'hésitez pas à les conforter, à faciliter leur mise en oeuvre, en accroissant les effectifs d'au moins 20 %.
Et si l'on évoquait l'efficacité du plan Vigipirate ? Ne s'agissait-il pas d'effectifs supplémentaires déployés sur le terrain ? Certes, ces effectifs, on les avait pris ailleurs. Tous les arguments que j'ai développés, notamment la fatigue des personnels, militent contre l'idée de la répétition d'un tel plan. En revanche, dans cet état d'esprit, la présence de nouveaux policiers et de nouveaux gendarmes serait heureusement ressentie.
Monsieur le ministre, demandez-nous les moyens - vous le constatez, mon propos tranche par rapport à celui des orateurs qui m'ont précédé. Qui oserait vous les refuser ? Complétez les mesures que vous prenez actuellement, et elles sont bonnes, par nos propositions. Familièrement, je me permettrai de vous dire : osez, monsieur le ministre ! En effet, notamment dans mon département, que je ne citerai pas, mais qui est un des leaders en la matière, nous sommes au bord d'une véritable folie de la violence. N'attendez pas pour y mettre un terme. Nos concitoyens et moi-même comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il m'est agréable de conclure - et je m'efforcerai de vous fournir les réponses les plus complètes et les plus précises possibles - un débat qui a été indéniablement de qualité et d'où je retire de nombreux apports.
Beaucoup d'interventions ont été riches en propositions et en analyses pénétrantes, et je remercie M. Masson d'avoir pris l'initiative de ce débat par sa question, en même temps que je remercie l'ensemble des groupes du Sénat d'avoir saisi l'opportunité de cet échange.
Je dois excuser l'absence de mon collègue Jean-Pierre Chevènement, qui travaille cet après-midi auprès du Premier ministre au sein d'un important conseil interministériel et qui, dès la fin de ce conseil, doit se rendre à un autre débat à l'Assemblée nationale, mais je veux vous assurer que les positions que j'exprimerai sont celles, collégiales et cohérentes, de l'ensemble du Gouvernement.
La réorganisation territoriale des forces de police et de gendarmerie est un élément important, mais un élément seulement, d'une politique globale de sécurité dont je voudrais rappeler les lignes principales.
Dès sa déclaration de politique générale, en juin 1997, le Premier ministre a annoncé la mise en oeuvre d'une politique en faveur de la sécurité quotidienne de nos concitoyens, dont les grands axes ont été arrêtés lors du colloque de Villepinte ; différentes mesures ont ensuite été mises en forme dans le cadre des conseils de sécurité intérieure successifs.
Je rappelle d'ailleurs que le conseil de sécurité intérieure, instance interministérielle qui regroupe les ministres directement chargés des missions régaliennes de sécurité - intérieur, défense et justice - mais aussi ceux dont les attributions sont liées à la politique de prévention et de lutte contre la délinquance, a été créé par l'actuel gouvernement et a permis de faire progresser, je crois, nos méthodes de préparation des décisions.
Le 17 novembre dernier, dans son discours devant le congrès des maires de France, M. le Premier ministre disait son ambition d'assurer une sécurité égale pour tous et partout sur l'ensemble du territoire.
Cette orientation fondamentale s'est traduite en actes dès les conseils de sécurité intérieure du 27 avril et du 8 juin 1998. Je mentionnerai notamment cinq éléments.
Le premier, c'est une augmentation des effectifs. Nous sommes en voie de recruter 20 000 adjoints de sécurité dans la police nationale, se substituant aux 10 000 policiers auxiliaires issus du service national, et 16 000 volontaires dans la gendarmerie d'ici à 2002, pour remplacer les 12 000 gendarmes auxiliaires du service national, soit un accroissement net, respectif, de 10 000 jeunes dans la police et de 4 000 personnels dans la gendarmerie nationale, qui, les uns et les autres, seront mieux formés et auront une expérience nettement plus confirmée que celle des anciens appelés.
Voilà donc un ensemble de capacités humaines, de 14 000 jeunes professionnels, qui va très substantiellement renforcer les capacités de présence sur le terrain de nos unités de police et de gendarmerie.
J'ajoute - même si leur rôle est périphérique à la sécurité publique, mais ils y concourent et je constate que beaucoup de collectivités locales choisissent cette formule - le financement de 15 000 postes d'agents locaux de médiation sociale, couvert à 80 % par l'Etat, en partenariat avec les collectivités.
Le deuxième élément, c'est la mise en oeuvre de contrats locaux de sécurité qui organisent dans la durée un partenariat actif entre les autorités de l'Etat, les élus locaux et les acteurs économiques, sociaux et associatifs. Près de 180 contrats ont déjà été signés ; plus de 400 sont en cours d'élaboration. Je veux souligner l'esprit d'initiative et, souvent, la créativité des élus locaux, qui sont les partenaires principaux de la négociation de ces contrats.
Le troisième élément, c'est une politique de prévention et de lutte contre la délinquance juvénile, sur laquelle je reviendrai.
Le quatrième élément, ce sont des textes législatifs et réglementaires, nombre d'entre eux sont déjà en débat, voire déjà adoptés. Ils concernent le renforcement des sanctions pénales contre les agresseurs d'agents des transports publics, la réforme des polices municipales - texte examiné dès aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Il s'agit aussi des décrets d'application de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.
Le cinquième élément, c'est une réorganisation territoriale des effectifs de police et de gendarmerie.
Le conseil de sécurité intérieure qui s'est tenu hier a pris de nouvelles mesures qui prolongent et amplifient cette stratégie ; j'y reviendrai aujourd'hui devant vous. Je veux souligner, en particulier, pour répondre à une interrogation de certains orateurs, que M. le Premier ministre a fait savoir de façon tout à fait claire que les moyens financiers nécessaires à ces nouvelles mesures seraient dégagés par des dispositions appropriées dès cette année 1999.
Le renforcement des services de police et de gendarmerie dans les zones où l'insécurité est la plus intense est une priorité qui, je crois, n'est pas discutée.
Se donner les moyens de la sécurité quotidienne des Français par une activité de police de proximité, c'est faire en sorte, entre autres objectifs, que les effectifs soient présents et déployés sur le terrain partout où se trouve la population, partout où se préparent et se commettent les infractions.
La carte actuelle de répartition des forces de sécurité date, à quelques modifications près, de plus de cinquante ans. Je ne méconnais pas l'intérêt des références historiques citées par les différents intervenants et remontant parfois à plus d'un siècle. Elles contribuent à la réflexion engagée pour prendre les mesures nécessaires.
MM. Masson, Haenel et Hyest notamment ont souligné - et je me rallie à leurs propos - la nécessité d'accepter une évolution de cette carte. Je n'ai d'ailleurs guère entendu de sénateurs exprimer d'opinion contraire. Cette carte doit, à mon avis, s'adapter aux réalités de la démographie, de la délinquance, de la géographie et des contraintes de déplacements ainsi qu'aux comportements actuels issus de l'évolution de notre société.
En évoquant cette réorganisation, je m'associe au juste hommage rendu par plusieurs orateurs aux personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale qui, avec leurs spécificités, accomplissent leur mission, font preuve de dévouement et de courage, font face quotidiennement aux diverses formes d'agressivité et de délinquance touchant notre pays, en assumant les risques de leur charge. N'oublions pas qu'ils ont à affronter la violence et que leur métier est dangereux. Chaque année, d'ailleurs, nous enregistrons, dans les deux grands corps de la sécurité publique, un nombre important de blessés ainsi que des décès en service qui marquent profondément et leurs familles et leurs camarades.
A l'instar de ce que s'efforcent de faire les différents ministres au sein du Gouvernement, les hommes et les femmes de ces deux grands corps travaillent ensemble, s'estiment, se respectent et ont bien l'intention de continuer à collaborer de la manière la plus efficace. Je rejoins d'ailleurs les propos des sénateurs qui ont rappelé cette notion essentielle.
Le rapport de MM. Hyest et Carraz, établi à la demande du Gouvernement, a démontré les éléments d'inadaptation que connaît aujourd'hui notre carte de sécurité.
Selon les départements - et vous savez tous que le département est un champ d'examen parfois riche de réalités locales très diverses - le taux de délinquance sur la voie publique varie de un à six alors que les ratios de forces de sécurité par habitant peuvent être de trois à un, souvent en sens inverse. Dans le même département, un gendarme peut constater quatre faits de délinquance de voie publique par an alors que, pour un poste de travail identique, son collègue d'une brigade périurbaine située à vingt ou trente kilomètres de là en dénombrera 113.
Globalement, les vingt-cinq départements où l'on constate aujourd'hui le niveau d'insécurité le plus élevé ont un taux de délinquance sur la voie publique qui est le triple des vingt-cinq départements les moins touchés. Pourtant, ils ont le même nombre de policiers et de gendarmes pour 1 000 habitants.
J'entends les multiples arguments qui convergent en faveur de la stagnation et de l'immutabilité de cette situation. Ils ont parfaitement vocation à s'exprimer et ils ont toute leur légitimité. Mais nombre d'orateurs qui se sont livrés au rappel de tous ces motifs ont bien vu les limites de leur raisonnement : il faut tout de même faire évoluer cette situation.
Le volume des forces de sécurité en France, rapporté à la population, est, comme cela a été dit, l'un des plus élevés d'Europe. Les décisions qui ont été prises par le Gouvernement et qui sont mises en oeuvre aujourd'hui l'élèvent encore de près de 10 %, étalés sur les deux années en cours.
Pourtant, les Français sont inégaux devant la sécurité : on le sait, les faits délictueux sont plus nombreux dans les quartiers où le niveau de vie est moins élevé ; c'est aussi là que se concentrent la plupart des incivilités qui gênent et dégradent la vie de nos concitoyens. Y remédier est donc un devoir de justice sociale.
Pour avoir eu l'honneur de siéger dans cette assemblée, je sais que chacun, ici, quelle que soit la zone géographique dont il est l'élu, est capable de faire la synthèse des diverses situations vécues dans son propre département, la plupart des départements comptant en effet certaines zones rurales en voie de dépeuplement, d'autres en voie de peuplement, ainsi que des zones urbaines. En outre, comme cela s'est entendu dans beaucoup d'interventions cet après-midi, chacun, ici, sait qu'il représente non seulement un département, mais aussi l'ensemble de la communauté nationale, et d'abord ceux qui ont le moins accès à la parole, qui sont le moins défendus par les forces établies de la société.
Les dernières tendances de la délinquance me renforcent dans cette conviction : dans la zone de compétence de la gendarmerie qui est sous la responsabilité du ministre de la défense, les chiffres de l'année 1998 montrent une augmentation de la délinquance dans les vingt-cinq départements déjà les plus touchés, mais une diminution dans les départements les moins criminogènes. Bien sûr, il s'agit d'une moyenne, mais ce sont des réalités qu'il nous incombe de traiter et auxquelles nous ne pouvons pas nous résigner.
Enfin, l'actualité récente - agressions dans les transports collectifs urbains, incidents dans les banlieues de certaines grandes villes ou même de villes moyennes - montre aussi la nécessité de se donner, aussi bien en zone urbaine centrale qu'en zone périurbaine, les vrais moyens d'une police de proximité connaissant la population et à même d'intervenir plus vite et plus efficacement dans le quotidien.
A l'évidence donc, la réorganisation progressive, pragmatique et concertée de nos forces de sécurité, tant de police que de gendarmerie, est une nécessité d'intérêt public pour répondre à l'augmentation des violences urbaines et au sentiment d'abandon de certains de nos concitoyens, qui ne peut, en toute responsabilité, être laissée sans réponse.
C'est la raison pour laquelle hier, lors du conseil de sécurité intérieure, le Gouvernement a décidé de répondre vigoureusement à cet impératif en déployant en trois ans 7 000 personnels titulaires, essentiellement policiers et gendarmes, dans les vingt-six départements prioritaires, dont 1 900 - 1 200 policiers et 700 gendarmes - dès l'année 1999.
Dès à présent, il appartient aux deux départements ministériels de l'intérieur et de la défense de dégager les effectifs nécessaires. Jean-Pierre Chevènement et moi-même en avons pris la responsabilité. Pour ce qui me concerne, je le ferai avec détermination, en utilisant toutes nos ressources, comme je l'indiquerai de manière plus précise dans un instant. Ainsi, dès 1999, sept cents gendarmes expérimentés seront affectés dans les zones prioritaires.
S'agissant d'une évolution territoriale des forces de gendarmerie, j'intégrerai bien sûr dans notre démarche les conclusions auxquelles est parvenu M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, qui a été chargé par le Gouvernement de procéder à une concertation approfondie sur les meilleurs moyens d'y parvenir.
Plusieurs orateurs ont évoqué les critiques fréquentes à l'égard de la méthode de préparation de la décision employée par le Gouvernement, méthode qui a donné lieu à des réactions négatives et à des mobilisations locales. En particulier, les mesures mises à l'étude ont fréquemment été prises, à tort, pour des décisions.
Il faut reconnaître le bien-fondé d'au moins certaines de ces critiques. En décidant de différer ces mesures, qui n'étaient pas encore prises, de poursuivre la concertation et d'intensifier les mesures d'accompagnement ou de compensation, le Gouvernement, dans un état d'esprit pragmatique et réceptif que mon ami André Rouvière a bien voulu reconnaître, a souhaité tenir compte, comme c'est légitime dans une démocratie pluraliste, des objections valables qui étaient adressées. Mais je ne voudrais pas que l'on en tire la conclusion que, finalement, le plus simple est de ne rien faire. J'ai suffisamment confiance dans l'esprit de responsabilité de tous les élus locaux. J'entends certains propos tenus sur les technocrates, sur le pouvoir parisien, etc. Pour ma part, j'ai à mon actif vingt-deux ans ininterrompus de mandat local et dix-sept ans de mandat parlementaire. Je ne suis donc pas impressionné par les effets de tribune sur la technocratie ! Et il me semble que tous ceux qui participent à la responsabilité publique dans notre pays ont suffisamment d'esprit de responsabilité pour que nous trouvions les moyens d'une réorganisation consentie, efficace et qui fasse progresser la sécurité publique partout où c'est nécessaire.
Lors de la concertation menée par M. Fougier, la plupart des maires ont montré qu'ils étaient conscients des sureffectifs existant dans de nombreux cantons, avec parfois un gendarme pour 200 ou 300 habitants, sans parler du cas extrême d'un gendarme pour 20 habitants qu'a cité, à juste titre, M. Jean-Jacques Hyest tout à l'heure.
Mais ils ont fait valoir des préoccupations lorsqu'il est question de dissolution de brigades, et il est important d'y répondre.
L'aménagement du territoire est la première de ces préoccupations, les élus locaux mettant l'accent non pas tant sur l'efficacité fonctionnelle d'un service public que sur sa présence physique, avec les conséquences sur la vie économique et sociale de la commune. Il importe que nous tenions compte de cette préoccupation, même si je me plais à affirmer - j'en prends le pari devant la Haute Assemblée, aujourd'hui, au mois de janvier 1999 - que nous constaterons à la fin de cette année, lorsque seront connus les résultats du recensement général de population, que la grande majorité des communes rurales voient leur population augmenter. La question de la désertification est réelle et doit évidemment mobiliser les élus conscients de la nécessaire solidarité territoriale. Il ne faut cependant pas décrédibiliser son propre discours en étendant cette menace de la désertification à la majorité des territoires français, qu'elle ne concerne pas.
Nous voulons prendre en compte cette préoccupation d'aménagement du territoire, notamment pour les zones dont la densité est la plus faible. C'est pourquoi le Gouvernement, lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 15 décembre dernier, a décidé que les réorganisations d'ensemble des services publics - et cela concerne la réorganisation d'ensemble que nous devons opérer pour la gendarmerie, même si elle est étalée dans le temps et si elle se réalise par étapes - devraient être soumises aux concertations locales organisées dans le cadre de la commission départementale des services publics.
La suggestion a été faite de consulter également les commissions départementales de sécurité ; dans l'état d'esprit d'équilibre territorial et de responsabilité partagée qui est celui du Gouvernement, je n'y vois pas, pour ma part, d'objection.
S'agissant de la dissolution de brigades, les maires ont également mis en avant les problèmes financiers, la plupart des locaux de la gendarmerie - c'est une bénédiction pour nous - appartenant aux collectivités territoriales, essentiellement départements ou communes. Or, dans certains cas, ces casernements ont été construits ou améliorés récemment, les annuités d'emprunt continuant parfois à courir pendant un certain nombre d'années encore.
Les questions de sécurité ont également été avancées. Si beaucoup d'élus ne contestent pas la faible charge de certaines unités et, partant, leur sureffectif sur le plan fonctionnel, ils mettent en avant le rôle préventif exercé par la présence de l'unité et, dans certains cas, des situations particulières : zone touristique, zone frontalière, présence d'une entreprise importante, proximité d'un axe de grande circulation induisant une délinquance venue des zones urbaines éloignées, implantation récente d'une population instable, etc.
Toujours sur le plan de la sécurité, les délais d'intervention réels ont été évoqués, spécialement dans les régions au relief accidenté et aux conditions hivernales difficiles.
Enfin, l'augmentation de la population âgée nécessite indéniablement la présence rassurante des gendarmes.
Inutile de dire que l'ensemble de ces préoccupations n'ont pas été découvertes par le Gouvernement, notamment par les membres directement chargés de ces questions, lors des débats avec les élus locaux à partir des mois d'août et de septembre 1998, certaines de ces discussions ayant été compliquées - vous vous en souvenez - par la survenance des élections sénatoriales dans trente-sept ou trente-huit départements.
Mais ces préoccupations ayant été exprimées avec une particulière insistance, il me paraît indispensable de prendre des orientations en tenant compte au mieux, sans nuire à une démarche de meilleure répartition des effectifs des professionnels de sécurité.
Par conséquent, le redéploiement de nos forces sera conduit de telle façon que des personnels expérimentés seront affectés dans les zones de forte délinquance. Il est en effet indispensable que la présence dans ces quartiers ou dans ces communes périurbaines où la violence est souvent quotidienne ne soit pas assurée par de nouvelles recrues. Cet effort de disponibilité des personnels de la gendarmerie exigera que l'on tienne compte de leur légitime préoccupation de carrière, et je tiens à remercier M. Haenel d'avoir souligné les difficultés particulières de service que rencontrent un certain nombre des personnels concernés.
Le principe général du maintien d'une brigade par canton - il a été rappelé à juste titre par de nombreux orateurs - est réaffirmé. Je tiens à souligner que, dès l'ouverture du débat, lors des premières propositions du Gouvernement, ce principe a été clairement posé. Je n'ai donc qu'à le confirmer.
Dans les situations d'exception où la brigade unique de canton a une activité particulièrement faible, il est possible d'alléger son effectif de manière très prudente à cinq ou quatre militaires pour tenir compte de la réalité de la délinquance, tout en assurant un partage de fonctions suffisament efficace et instantané avec les brigades voisines pour que, en aucun cas, comme l'a rappelé à juste titre M. Masson, le délai d'intervention dans des circonstances normales ne puisse excéder trente minutes.
En ce qui concerne les brigades deuxièmes ou troisièmes de canton, l'éventail de solutions est ouvert en fonction des circonstances particulières que j'ai mentionnées voilà quelques instants : dissolution possible de la brigade avec, éventuellement, renforcement de la brigade principale du canton ou des brigades limitrophes, si la population à protéger le justifie, tout en maintenant le ratio d'au moins un militaire pour 1 000 habitants et en assurant la rapidité du délai d'intervention.
Toutefois, la solution qui a ma préférence, dans la plupart des cas, dans les brigades deuxièmes de canton à faible activité, c'est le maintien du site de la deuxième brigade avec des effectifs aménagés à trois ou quatre militaires, le fonctionnement de la brigade réunifiée étant alors organisé suivant un système de brigades à deux sites.
Cela assurera que les locaux de service, ainsi que la plus grande partie des logements d'une deuxième brigade de canton, continueront à être occupés, et que, par conséquent, l'impact touchant la vitalité des villages concernés sera ramené à un niveau parfaitement acceptable.
Cette solution n'est d'ailleurs pas une innovation complète, puisque c'est la réalité que connaissent les élus de nombreux départements, très variés dans leur géographie, dont les brigades ont à faire face à des pointes saisonnières. De nombreuses brigades cantonales en France assurent le fonctionnement d'un deuxième site, qui est activé quelques mois dans l'année et qui dépend du centre de la brigade. Cette organisation permet de faire face aux fréquentations exceptionnelles.
Nous avons aussi la possibilité - je reprends là une autre des recommandations judicieuses de M. Masson - d'opérer non pas des suppressions mais des regroupements de brigades chargées de fonctions proprement militaires et de fonctions judiciaires dans les zones de police d'Etat.
Nous souhaitons conserver le ratio d'un gendarme pour 10 000 habitants dans les zones de police d'Etat, de manière que les fonctions d'enquête et de soutien à la police judiciaire de la gendarmerie soient assurées avec suffisamment d'efficacité. L'autorité judiciaire doit avoir un véritable choix pour confier ses enquêtes soit à une formation de gendarmerie soit à une formation de police judiciaire. Il reste qu'un certain regroupement de ces unités peut être le bienvenu.
J'insiste aussi sur la ressource humaine supplémentaire que nous apportent les jeunes volontaires.
Le recrutement de jeunes volontaires de gendarmerie est commencé. C'est une réforme utile, qui résulte de la réorganisation actuelle de nos armées.
Ces jeunes professionnels feront deux, trois, quatre, voire cinq années de carrière, puis, s'ils constatent l'affermissement de leur vocation, ils entreront ensuite dans la gendarmerie en passant les concours de sous-officiers. Mais ils nous apportent, en attendant, une ressource humaine de qualité, car les recrutements sont de bon niveau.
Par ailleurs, nous devons et nous voulons faire un effort à la fois d'intégration et de soutien en faveur de jeunes en difficulté, pour qui cela peut représenter une première chance professionnelle.
Je veillerai avec la plus grande vigilance - et je suis sûr que je serai compris par les parlementaires - à ce que la répartition géographique des premières affectations de ces jeunes ne soit pas concentrée dans les quartiers les plus difficiles : ils acquerront une bien meilleure expérience et ils se formeront une vision de la société française plus complète - même si, pour la plupart, ils sont recrutés dans les villes - en allant travailler dans des brigades de villes moyennes ou dans des brigades rurales.
En revanche, dès cette année, sera lancé un deuxième mouvement de personnels dans la gendarmerie, et ce dans les semaines à venir. La décision est prise, il s'agit maintenant de l'appliquer.
L'objectif est de réorienter des gendarmes expérimentés vers les zones périurbaines et les secteurs les plus difficiles et d'éviter une telle affectation à des jeunes militaires ou aux plus inexpérimentés d'entre eux.
Vous savez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en refusant le redéploiement, en préconisant une augmentation des moyens et l'affectation de tous les nouveaux moyens dans les quartiers difficiles, on organise une situation qui n'est pas crédible et qui n'est pas digne des principes du service public. La France a déjà fait l'expérience malheureuse de ce type d'irrésolution !
Donc, à ceux qui disent que la seule issue est dans l'augmentation sans limite des dépenses et dans la création nette de postes budgétaires, je me permets de rappeler que nous avons déjà malheureusement fait cette erreur dans d'autres services publics, qui n'ont pas atteint leurs buts. Et ceux-là n'agissaient pas les armes à la main ! Que chacun ait donc cet esprit de responsabilité en tête.
Voilà donc les méthodes au moyen desquelles nous avons la résolution de mieux couvrir les besoins par une première série de mesures dès l'année 1999, pour être véritablement face à la délinquance là où elle est le plus présente.
J'ai entendu l'interrogation, parfois teintée d'un peu d'ironie - mais c'est la vitalité du débat - de certains d'entre vous : qu'a voulu dire le Premier ministre lorsqu'il a parlé de « réorganisation au cas par cas et sans difficulté » ?
La série de mesures que je viens d'annoncer est, me semble-t-il, la réponse à cette question.
Si le Premier ministre a employé l'expression « sans difficulté », l'ensemble de son action, l'ensemble de l'action de notre gouvernement depuis vingt mois, montre que son intention était non pas d'esquiver les difficultés mais bien de traiter correctement, professionnellement, méthodiquement le problème, en ne laissant pas derrière lui des difficultés résultant de décisions insuffisamment concertées et mûries.
J'ajouterai une précision qui peut intéresser le Sénat : les problèmes financiers qui pourraient se poser aux collectivités locales en cas d'abandon total - ce qui sera très rare - ou partiel d'un site seront effectivement pris en compte de manière adaptée.
Les conventions de location passées avec les collectivités permettent, certes - c'est écrit dans les contrats - à la gendarmerie de résilier le bail à sa seule volonté, à charge pour elle de prévenir le propriétaire avec six mois de préavis. Cependant, l'application sans nuance de cette règle juridique peut créer des difficultés vis-à-vis des élus et, surtout, à mes yeux, elle serait contradictoire avec ma volonté persistante de maintenir le rapport de confiance et de collaboration loyale qui existe entre la grande majorité des collectivités territoriales, notamment des conseils généraux, et la gendarmerie nationale. C'est une valeur, c'est un lien précieux que nous ne voulons à aucun prix fragiliser.
Donc, en cas d'abandon total d'un site par la gendarmerie - j'insiste : ce sera rare - il faudra d'abord rechercher toute solution de reconversion, en liaison avec l'ensemble des partenaires potentiels : en premier lieu, bien sûr, les services de l'Etat, mais aussi les communes, les groupements de communes et les conseils généraux ainsi que les organismes d'HLM pour la partie logement.
Il sera fait appel aux crédits du fonds de restructuration de la défense, à ceux du fonds national d'aménagement et de développement du territoire et, éventuellement, aux crédits européens pour subventionner des travaux d'aménagement dans les locaux.
Pour les cas où aucune reconversion à court terme n'est envisageable, et si la situation financière de la commune est sérieusement obérée par l'arrêt du paiement des loyers par la gendarmerie, mon ministère étudie l'éventualité du versement d'une indemnité à la commune.
En cas d'abandon partiel - ce qui sera un cas plus fréquent - du site, il faudra rechercher de la même manière un réemploi des locaux libérés si leur configuration physique le permet.
En cas d'impossibilité, et si la situation financière de la commune le justifie, là encore, le versement d'une indemnité - proportionnellement inférieure, puisqu'il s'agit d'un abandon partiel à celle que je viens d'évoquer - pour être envisagé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez constater que tous ces principes prennent en compte les exigences de l'aménagement du territoire et du maintien d'une présence physique de la gendarmerie nationale dans les secteurs isolés ou difficiles d'accès afin d'y assurer la sécurité.
Nous avons en même temps la volonté affirmée d'aménager le dispositif de sécurité conformément aux besoins. Je veux d'ailleurs, puisque chacun ici représente l'ensemble de la collectivité nationale, indiquer les onze départements dans lesquels, lorsque nous serons parvenus, à la fin de cette année, à implanter 700 postes supplémentaires, au moins 50 postes supplémentaires de gendarmes auront été créés : le Gard, La Haute-Garonne, la Gironde, l'Hérault, l'Isère, l'Oise, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Orientales, le Bas-Rhin, le Rhône, le Var.
Par ailleurs, près de 200 postes seront créés dans les quatre départements de la grande couronne parisienne, le moins largement pourvu étant, je le précise, le Val-d'Oise.
Quant aux douze autres départements classés prioritaires eu égard à la réalité de la délinquance constatée cette année, ils recevront au moins 20 à 40 postes de gendarmes supplémentaires.
Je crois donc que, lorsqu'on parle de ces questions, il ne faut pas oublier - je sais que beaucoup parmi vous l'ont à l'esprit, mais je ne l'ai pas beaucoup entendu cet après-midi et j'en suis un peu soucieux - qu'il y a aussi des besoins urgents et qu'il faut, sans attendre, prendre les moyens pour les satisfaire.
Je précise que ces mesures ne sont applicables qu'en raison de la capacité spécifique de la gerndarmerie de s'organiser en réseau à tous les niveaux, ainsi qu'a bien voulu le rappeler M. Haenel.
Je pense donc que, sur ces bases nouvelles, une concertation étroite avec les élus, au cas par cas et sans arrière-pensée, comme l'a souhaité le Premier ministre, nous permettra, dans de nombreux départements, de parvenir à des accords responsables.
Je voudrais souligner - cela me paraît s'imposer devant le Sénat - la valeur des raisonnements de nombreux élus locaux et l'esprit coopératif avec lequel ils ont abordé cette question. Bien entendu, il y a aussi eu quelques débordements, mais je ne veux pas les retenir. Je préfère rappeler, en particulier, que le débat sur ce point devant le congrès de l'Association des maires de France a été empreint d'un très grand esprit de responsabilité.
De la même façon, je souhaite exprimer la volonté de mon département ministériel de tenir, dans chaque département, à intervalles réguliers, un débat sur l'adaptation des forces dans le cadre départemental, puisque c'est le cadre d'activité principal de la gendarmerie.
Mais les exigences posées lors du conseil de sécurité intérieure vont au-delà de la nécessaire évolution territoriale de nos forces.
J'ai donc demandé que soient également menées un certain nombre d'autres réflexions, en continuité avec les options arrêtées au conseil de sécurité intérieure.
Je souhaite ainsi que soit engagé un travail sur la répartition interne dans la gendarmerie nationale entre les différents échelons d'état-major et les effectifs déployés sur le terrain.
L'idée même d'une police de proximité plus directement perceptible par nos concitoyens exige que les structures administratives elles-mêmes participent à l'effort demandé. Cela se fera en conservant le souci de maintenir leur capacité de conception, d'organisation et de commandement, qui est indispensable pour assurer le fonctionnement du réseau. La gendarmerie y est prête, comme d'ailleurs toutes nos forces armées, qui privilégient désormais le contrat opérationnel fixé par notre programmation militaire.
Je conduirai également, à la demande du Premier ministre et avec mon collègue de l'intérieur, une étude sur les nouveaux modes d'intervention de la police et de la gendarmerie en zone urbaine et périurbaine. A cet égard, l'évolution en nombre limité mais significatif de nos forces de gendarmerie mobile sera recherchée.
Je ne vais pas plus avant aujourd'hui, car c'est un dossier qui vient seulement d'être ouvert sur ma proposition, mais nous devons rechercher une complémentarité meilleure entre les forces de gendarmerie mobile et les forces territoriales.
Je vais aussi approfondir la question de la valorisation des carrières des gendarmes servant en zone difficile. Nous avons besoin que des professionnels trouvent là la juste compensation des charges et des dangers particuliers qu'ils assument au sein de ces brigades ou de ces pelotons spécialisés et, puisque nous ne voulons pas concentrer les jeunes, militaires ou fonctionnaires, dans les zones difficiles, il faut, dans la durée et de façon crédible - avec les moyens budgétaires qui sont les nôtres - organiser le déroulement de carrière de ceux qui choisissent de servir dans ces zones.
Dans le domaine très sensible des mineurs délinquants, il a été décidé un renforcement des brigades de prévention de la délinquance juvénile. Leur mission sera essentiellement centrée sur le traitement de la délinquance des mineurs, même si je n'oublie pas que, bien souvent, ce sont les mineurs eux-mêmes qui sont les victimes des violences constatées, jour après jour, dans les zones les plus difficiles.
La décision du Gouvernement de créer cinquante centres de placement immédiat, strictement contrôlés - je crois pouvoir dire qu'il ne s'agira pas là d'une figure de style - permettra d'éloigner des jeunes délinquants multirécidivistes.
C'est une réponse claire, volontaire et effective à une préoccupation majeure de nos concitoyens, fréquemment répercutée par les forces de sécurité. Cette réponse, tout le Gouvernement l'a faite sienne.
M. Philippe Marini. Cela ne suffit pas !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Il est toujours facile de critiquer, monsieur le sénateur, surtout quand on arrive trois heures après le début du débat !
M. Guy Fischer. Et qu'on veut, en outre, supprimer les crédits budgétaires !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Comment peut-on imaginer que l'on permettra aux jeunes, notamment à ceux qui sont issus des milieux les plus défavorisés, de construire leur avenir si l'école est elle-même un lieu de violence, d'insécurité, où le mépris de l'autre serait la règle et la solidarité, l'exception ? La présence de forces de prévention et de sécurité auprès de nos établissements est aujourd'hui nécessaire.
La gendarmerie prendra toute sa part dans cette nouvelle orientation. C'est ce qui m'a conduit à proposer que des gendarmes soient affectés auprès des établissements scolaires des zones les plus difficiles.
Je veux conclure en remerciant de nouveau les orateurs qui ont contribué, de manière constructive, à ce débat. J'adresse un remerciement particulier à M. Paul Masson, qui a pris l'initiative opportune de solliciter l'ouverture de cette discussion.
Je retiens, en particulier, en recommandation d'établir un dispositif permanent et visible auprès des partenaires, notamment des élus nationaux, pour piloter de manière graduelle et avec le souci de l'évaluation des résultats les mesures de réorganisation que nous avons maintenant à prendre et qui, nous le savons, doivent être menées de manière étalée dans le temps pour que toutes les conséquences en soient traitées et qu'aucun problème ne soit laissé de côté.
Voici rappelées devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les orientation et les décisions du Gouvernement. Avec mes collaborateurs du ministère de la défense et avec la direction de la gendarmerie nationale, nous avons contribué, à notre place et méthodiquement, à les élaborer. Nous sommes maintenant engagés dans la phase de la réalisation, donc dans l'action.
Mes services ont reçu les instructions nécessaires pour que la mise en oeuvre soit immédiate. Dans les domaines de ma responsabilité, je m'engage à faire état devant vous régulièrement de l'avance de tous ces chantiers et à vous rendre compte des résultats, je l'espère, effectifs obtenus grâce à la détermination de l'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Masson, Leclerc et Haenel applaudissent également.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que ce débat n'était pas inutile.
Pendant trois heures, grâce à l'initiative du Sénat, vous l'avez souligné, nous avons pu, les uns et les autres, présenter nos réactions face à un problème difficile, de dimension nationale et dont la solution prendra du temps.
Nous avons pu exprimer notre surprise devant la façon dont le processus de la réforme avait été engagé. N'y revenons pas !
Nous avons également pu enregistrer de votre part des déclarations, des informations, des précisions qui, jusqu'à présent, n'avaient jamais été données au travers des autres procédures parlementaires en raison de la rigueur des ordres du jour.
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Paul Masson. Je me réjouis donc que nous ayons, dans cette assemblée, cet après-midi, grâce aux informations données et à nos échanges, permis à l'opinion d'avoir peut-être une meilleure appréciation du problème, de ses conséquences et de la façon dont, les uns et les autres, nous entendons l'aborder.
Vous avez dit, monsieur le ministre, avoir apprécié la hauteur de vue, la qualité et l'objectivité de nos propos. C'est une des traditions de cette maison. Si l'« anomalie démocratique » a été soulignée en haut lieu, permettez-moi de constater que cette « anomalie » a parfois aussi du bon ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Paul Masson. En retour, je dois le dire, nous n'avons pas le sentiment que vous ayez esquivé le propos, que vous ayez, comme on dit vulgairement, « dégagé en touche ».
Vous avez apporté des précisions intéressantes. Je ne les rappellerai pas toutes ; elles figureront au Journal officiel.
Je note toutefois, parce que, à nos yeux, c'est important, que vous avez réaffirmé le principe d'une brigade par canton,...
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Paul Masson. ... ajoutant même que la seconde brigade serait, dans la plupart des cas et autant que faire se peut, préservée. Nous l'enregistrons.
M. Alain Vasselle. Dont acte !
M. Paul Masson. Vous avez explicité les conditions dans lesquelles les 700 postes supplémentaires seraient répartis. Vous avez donné des chiffres, des précisions. Vous avez précisé que, pour les personnels de gendarmerie confrontés à des contraintes particulières, des indemnités spéciales seraient prévues. Vous avez souligné que, pour les communes également, vous envisagiez un dédommagement.
Bref, ce débat, encore une fois, a enrichi l'information générale, et c'est ce qui fait qu'il a été utile.
En conclusion, je dirai que le redéploiement est incontournable ; je n'ai d'ailleurs pas entendu ici, sur l'une quelconque de ces travées, riches de nuances, de l'extrême gauche à la droite, la moindre contestation de son utilité.
En revanche, comme vous-même, monsieur le ministre, j'ai noté que la concertation était indispensable et que l'on n'arriverait à rien, dans cette affaire, sinon à des contresens, s'il n'y avait pas, entre vous et nous, entre le Gouvernement et le Parlement, entre les collectivités locales et le Gouvernement, une concertation de tous les instants, comme on dit dans le règlement militaire.
Monsieur le ministre, nous serons vigilants et - je le dis en toute sérénité - sans complaisance, parce qu'il ne peut en aller autrement quand il s'agit de la sécurité. Mais nous serons aussi - je le dis non moins nettement - sans démagogie.
Contrairement à ce que l'on a pu dire ici ou là, nous ne faisons pas de la sécurité le fond de commerce de l'opposition. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Nous vivons l'insécurité tous les jours dans nos communes, et quelquefois dans nos foyers.
M. Xavier de Villepin. Tout à fait !
M. Paul Masson. Par conséquent, notre service, c'est le service de la République. Nous n'hésiterons jamais entre ce service de la République, la sécurité pour tous, et la défense du catégoriel. Nous sommes pour la République et pour la sécurité de toute la République. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. En application de l'article 23 du règlement du Sénat, je constate que le débat est clos.

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PRISE EN CHARGE DES PERSONNES
ATTEINTES DE LA MALADIE D'ALZHEIMER

Adoption des conclusions du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 155, 1998-1999) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi (n° 210 1997-1998) de MM. Alain Vasselle, Michel Alloncle, Louis Althapé, Jean Bernard, Roger Besse, Paul Blanc, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Gérard César, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jean-Paul Delevoye, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Alain Joyandet, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Edmond Lauret, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Philippe Marini, Pierre Martin, Jacques de Menou, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Michel Rufin, Jean-Pierre Schosteck et René Trégouët, relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, première cause de démence et de perte d'autonomie sévère du sujet âgé, la maladie d'Alzheimer est une démence dégénérative et irréversible dont l'origine est encore inconnue.
Le diagnostic en est particulièrement difficile - seule l'autopsie mettant en évidence les lésions cérébrales spécifiques permet de diagnostiquer avec certitude la maladie - et il n'existe actuellement aucun médicament permettant de la guérir.
On estime généralement que la maladie d'Alzheimer touche environ 350 000 personnes dans notre pays, tandis que 60 000 à 70 000 nouveaux cas se manifestent chaque année. Elle concernerait deux millions de personnes aux Etats-Unis, un million au Japon et trois millions en Europe.
Affection frappant essentiellement les personnes âgées, la maladie d'Alzheimer voit sa fréquence augmenter avec l'âge : elle atteint ainsi 3 % des personnes âgées de 70 à 75 ans, 7 % des 75-80 ans, 17 % des 80-85 ans et 29 % des 85 ans et plus. Elle frappe parfois, en outre, des personnes plus jeunes.
Le vieillissement prévisible de la population des pays industrialisés s'accompagnera naturellement, dans les prochaines années, d'une augmentation des pathologies liées à l'âge, au premier rang desquelles figure la maladie d'Alzheimer.
Problème majeur de santé publique, la maladie d'Alzheimer constitue également un véritable fléau social.
Cette affection place en effet les personnes qu'elle frappe en situation de grande dépendance, impose une prise en charge lourde et rend difficile, sinon impossible, le maintien à domicile à moyen terme ; 70 % des personnes âgées entrent ainsi en institution pour des troubles démentiels mettant en cause gravement leur sécurité dans leur propre logement.
La prise en charge, en institution ou à domicile, d'une personne âgée démente soulève des problèmes tout à fait particuliers.
La détérioration mentale s'accompagne en effet de troubles du comportement - fugue, violence à l'égard des proches, dangerosité, etc. - qui peuvent prendre des proportions importantes, surtout lorsque les capacités physiques sont conservées.
Au sein des démences, la maladie d'Alzheimer présente, en outre, des caractéristiques particulières de désorientation, d'errance et d'agressivité. Elle nécessite, à un stade avancé, une surveillance constante du malade.
Dramatique pour le malade, cette maladie affecte également tout l'environnement familial, le plongeant dans la détresse morale et une solitude extrême.
La prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés se traduit par un coût financier très important, largement supérieur à celui qu'engendrent les autres formes de dépendance que nous connaissons.
En établissement, le coût de cette prise en charge est généralement compris entre 10 000 et 20 000 francs mensuels. A domicile, la nécessité d'assurer une surveillance constante de la personne malade engendre également des coûts très élevés.
Ce coût financier repose bien souvent sur les seules familles. Un certain nombre de dispositifs légaux permettent certes d'alléger cette charge ; ils n'apparaissent cependant pas suffisants pour faire face aux dépenses qu'entraîne la prise en charge des personnes atteintes de ces pathologies.
Le maintien à domicile des malades trouve vite ses limites : la charge, croissante et permanente, qui pèse sur les familles conduit souvent à l'épuisement.
En établissement, la prise en charge n'apparaît pas toujours adaptée : la cohabitation avec les autres personnes âgées se révèle impossible, l'architecture des structures intègre rarement les contraintes propres à l'hébergement de ces malades.
Je partage la conviction que vous avez exprimée, monsieur le secrétaire d'Etat, en réponse à une question orale que j'avais posée devant notre Haute Assemblée : « Notre pays ne fait pas face à cette affection, qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond. » J'ai donc été amené à déposer la proposition de loi n° 210 relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer.
Au moment où commence l'année 1999, année internationale des personnes âgées, il m'a semblé que les pouvoirs publics ne pouvaient se désintéresser des problèmes soulevés par la prise en charge de ces personnes.
Cette proposition de loi a pour objet d'élaborer un dispositif d'ensemble cohérent, bien que modeste, afin d'apporter une première réponse aux besoins croissants qu'engendre le nombre, toujours plus important, des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Les travaux que j'ai effectués sur ce sujet en tant que rapporteur de cette proposition de loi m'ont conduit à formuler un certain nombre de propositions qui dépassent le cadre de ce texte et qui pourraient constituer les axes d'une véritable politique publique.
J'évoquerai tout d'abord les propositions de la commission des affaires sociales pour une politique publique de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés avant d'analyser le contenu du texte qui a été adopté par la commission des affaires sociales.
Pour ces recommandations, je me suis inspiré notamment des suggestions formulées lors des auditions et du remarquable travail accompli sur le sujet par Mme Janine Cayet dans son récent rapport au Conseil économique et social, relatif à « la prise en charge des personnes vieillissantes handicapées mentales ou souffrant de troubles mentaux ».
La première proposition porte sur la reconnaissance de l'enjeu épidémiologique et social de ces maladies.
Il apparaît tout d'abord nécessaire de faire figurer la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés dans la liste des trente maladies « comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse » répertoriées par l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale.
A ce jour, la maladie d'Alzheimer ne figure pas dans cette liste alors qu'une affection comme la maladie de Parkinson en fait partie. La maladie d'Alzheimer est cependant implicitement comprise dans les cas de « psychose, trouble grave de la personnalité, arriération mentale », ce qui permet au patient de bénéficier de l'exonération du ticket modérateur et de la prise en charge à 100 % des dépenses d'hospitalisation liées à sa maladie, sous réserve du paiement du forfait journalier hospitalier.
Toutefois, dans un souci de reconnaissance officielle de cette affection et afin de permettre un meilleur suivi du nombre des personnes affectées, la commission des affaires sociales formule le souhait - car c'est une disposition d'ordre non pas législatif, mais réglementaire - que cette maladie soit inscrite, par voie réglementaire, dans l'article D. 322-1 que je viens de citer.
Outre que la reconnaissance de la maladie d'Alzheimer comme trente et unième maladie présenterait un intérêt épidémiologique évident, elle constituerait un signal fort pour la prise de conscience des conséquences douloureuses de cette maladie. Une telle mesure serait d'ailleurs sans coût pour la collectivité.
Il me semble en outre qu'il est indispensable que le Gouvernement établisse, dans les deux ans, un rapport au Parlement relatif aux modalités de la prise en charge.
Il convient aussi, et c'est la deuxième proposition, d'améliorer la formation des intervenants et l'information de l'opinion publique.
Afin de favoriser un dépistage précoce de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés, il apparaît nécessaire de mieux sensibiliser les différents intervenants auprès des malades : les médecins, les infirmières et les aides à domicile.
Le médecin généraliste - en l'occurrence le médecin de famille - paraît le mieux placé pour déceler les premiers signes de la maladie. Or, la formation initiale et continue des médecins sur ces affections est sans doute très nettement insuffisante.
La maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés doivent donc constituer un thème de la formation initiale et continue des médecins.
Un effort similaire de formation est nécessaire pour les infirmières et les intervenants qui assurent le maintien à domicile du patient - aides à domicile et auxiliaires de vie.
Enfin, il serait sans doute utile de mieux sensibiliser l'opinion publique aux spécificités de ces maladies et à l'enjeu qu'elles représentent pour la collectivité.
La troisième proposition tend à favoriser le dépistage précoce de la maladie.
Afin de lutter le plus efficacement contre la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés, il importe de repérer et de reconnaître suffisamment tôt ces affections et de les prendre en charge quand leur stabilisation est encore susceptible d'intervenir.
Il convient par conséquent de développer dans les hôpitaux des unités de consultation à visée diagnostique permettant aux médecins généralistes, dès les premiers signes laissant suspecter l'apparition de la maladie, d'envoyer leurs malades pour une « consultation de la mémoire » ou une consultation spécialisée.
Je profite de l'occasion pour dire, rejoignant ainsi des préoccupations dont m'a fait part M. Caldaguès, qu'il est important, au moment du diagnostic, que le médecin prenne les mêmes précautions que celles qu'il est conseillé de prendre pour annoncer à un patient qu'il est atteint du sida.
Annoncer à un malade qu'il est atteint de la maladie d'Alzheimer, vous imaginez le choc psychologique que cela peut provoquer. Il importe donc bien évidemment que les praticiens prennent toutes les précautions nécessaires au moment où ils informent le patient et sa famille.
La quatrième proposition vise à apporter un soutien psychologique aux familles.
La plupart des familles souhaitent que le malade reste à leur domicile. Mais cela suppose un encadrement permanent du malade, qui conduit souvent à l'épuisement physique et psychique des familles.
La garde d'un malade atteint de ces affections est une expérience très douloureuse, qui nécessite à l'évidence accompagnement psychologique et soutien.
Le développement de programmes d'aide aux aidants, au premier rang desquels figurent naturellement les familles, est par conséquent indispensable.
Je participais hier soir, de dix-neuf heures à vingt heures, à une émission organisée par RTL, au cours de laquelle, avec Mme D'Aramon, présidente de l'association France-Alzheimer, nous étions en contact avec des auditeurs.
Nous avons alors entendu le témoignage de trois personnes dont un proche était atteint de la maladie d'Alzheimer. Toutes ont confirmé leur désarroi et l'épreuve physique et psychique à laquelle elles étaient confrontées, que le malade soit à domicile ou en établissement.
C'est un déchirement profond pour une fille de devoir se séparer de son père parce que son logement ou ses conditions de vie ne lui permettent pas de le garder à domicile. Or le placement en établissement n'est pas toujours la réponse que les familles attendent.
Ces témoignages ont montré combien il est important d'apporter les réponses appropriées à la fois aux familles et aux patients.
La cinquième proposition consiste d'ailleurs à favoriser le maintien à domicile des personnes malades par le développement des centres d'accueil de jour et d'accueil temporaire.
La majorité des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés continuent à vivre à leur domicile grâce à l'aide importante de leur entourage.
Il est important de proposer à la famille et à l'entourage de la personne malade une gamme diversifiée de services permettant d'alléger leur charge et favorisant, en fin de compte, le maintien à domicile. Le développement de centres d'accueil de jour et d'accueil temporaire pour les malades apparaît, à cet égard, un moyen efficace de prolonger le maintien à domicile.
Cela permet à la famille de « souffler » et, en fin de compte, de garder plus longtemps, tant qu'elle le peut, le malade chez elle.
La sixième proposition consiste à adapter les structures d'hébergement aux spécificités de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés.
Lorsque le maintien à domicile devient impossible, le patient, malheureusement, doit trouver en institution une prise en charge adéquate. Cela nécessite la création de structures spécialisées dans la prise en charge des personnes atteintes de ces maladies.
Compte tenu du caractère souvent très perturbateur des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés, il est en effet difficile de faire cohabiter ces malades avec d'autres personnes âgées au sein d'une même structure.
Un malade... passe, mais plusieurs, cela perturbe l'ensemble du service et les autres personnes accueillies dans l'établissement.
Les spécificités du comportement des personnes malades, notamment leur tendance à déambuler, imposent également une adaptation architecturale des établissements qui les accueillent.
Mes chers collègues, je n'entends naturellement pas définir quelle forme doit revêtir la structure d'accueil idéale de ces personnes. Les témoignages que j'ai pu recueillir semblent toutefois indiquer que les petites structures adaptées de proximité, du type « cantou », pourraient constituer la forme d'établissement la plus adaptée à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés.
Ainsi, Mme Dieulangard nous a indiqué en commission des affaires sociales que les petites structures d'accueil qui existent dans son département de Loire-Atlantique étaient très appréciées par les familles, répondaient à leurs attentes et aux besoins des malades.
La septième proposition vise à améliorer la prise en charge financière.
La prestation spécifique dépendance, la PSD, instituée par la loi du 24 janvier 1997 a naturellement vocation à bénéficier aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés. Il arrive cependant que certains malades atteints de ces pathologies, mais physiquement en forme, soient classées en GIR 4 et se voient par conséquent refuser le bénéfice de la PSD.
Il est donc nécessaire, d'une part, de déterminer si la grille AGGIR est effectivement adaptée à l'évaluation de ces situations et, d'autre part, de mieux sensibiliser les équipes médicosociales aux particularités de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés.
Il est en outre indispensable d'assurer une meilleure prise en charge de ces pathologies. La proposition de loi comporte par conséquent un certain nombre de mesures financières et fiscales permettant de mieux répondre aux besoins des personnes malades et de leurs familles.
Naturellement, seules certaines des propositions qui viennent d'être formulées revêtent un caractère explicitement législatif et sont reprises dans la présente proposition de loi.
Soucieuse de couvrir l'ensemble des maladies neuro-dégénératives, la commission des affaires sociales a choisi d'élargir le champ d'application de la proposition de loi aux troubles apparentés à la maladie d'Alzheimer. Je pense notamment aux dégénérescences fronto-temporales et à la démence à corps de Lewy.
La présente proposition de loi ne vise nullement à morceler la politique en faveur des personnes âgées ou à introduire un traitement privilégié de certaines pathologies et de certains malades, traitement privilégié que certains ont cru pouvoir dénoncer, mais simplement à mieux répondre aux difficultés particulières que soulèvent la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés.
La proposition de loi s'articule autour de trois axes qui constituent les trois titres du texte que je vous propose d'adopter : évaluer l'enjeu de santé publique et de politique sociale que représentent la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés - c'est le titre premier ; améliorer la formation des personnes intervenant auprès des malades - c'est le titre II ; enfin, adapter certaines dispositions financières et fiscales à la situation particulière des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer - c'est le titre III.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, un rapport relatif aux modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés.
L'article 2 prévoit que la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés constitueront un des thèmes nationaux prioritaires de la formation médicale continue.
L'article 3 précise que la formation des salariés rémunérés pour assurer un service d'aide à domicile auprès d'une personne allocataire de la prestation spécifique dépendance comprend, si la nature des tâches effectuées par le salarié le requiert, une partie consacrée à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés.
L'article 4 double, pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés, le plafond de prise en charge des dépenses autres que de personnel par la prestation spécifique dépendance afin de mieux répondre aux besoins spécifiques de ces personnes : adaptation du logement, suppression du gaz, incontinence, etc.
Il s'agit là du plafond des 10 % que nous avions prévu dans la PSD. Nous proposons de doubler ce plafond pour le cas présent, mais - je le dis en tant que rapporteur de ce texte également - les retours que nous avons eus de l'application de la PSD montrent qu'il serait bon d'envisager ce doublement aussi pour les personnes qui sont en GIR 1 ou en GIR 2. Cela me paraît justifié, et cela pourra sans doute se faire à l'occasion de l'examen d'une amélioration de la loi sur le sujet.
L'article 5 prévoit de faire bénéficier les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés, quel que soit leur âge, de la réduction d'impôt égale à 25 % des dépenses d'hébergement dans un établissement de long séjour ou une section de cure médicale, réduction qui est limitée aujourd'hui aux personnes de plus de soixante-dix ans. Certains malades peuvent en effet avoir moins de cinquante ans.
L'article 6 rétablit, pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés, à 90 000 francs le niveau du plafond des dépenses ouvrant droit à une réduction d'impôt de 50 % pour l'emploi d'une personne à domicile. Je vous rappelle, mes chers collègues, que cette disposition s'applique aux invalides, aux familles ayant chez elles un enfant titulaire de l'allocation d'éducation spéciale. Il me paraît donc tout à fait naturel que, par analogie, cette disposition s'applique aux familles qui hébergent un malade atteint de la maladie d'Alzheimer.
Telles sont les conclusions de la commission des affaires sociales.
Je note que, sur ce sujet, un très large consensus a réuni les différentes sensibilités politiques qui composent la commission des affaires sociales. La discussion générale va sans doute le confirmer. Il s'agit, en effet, d'un problème de santé publique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que vous serez attentif à notre préoccupation, et je compte beaucoup sur vous pour que cette proposition de loi soit examinée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai eu l'occasion d'exprimer, notamment devant vous - M. Vasselle a eu l'amabilité de le rappeler - ma très profonde préoccupation face à ce défi majeur de santé publique que constituent la maladie d'Alzheimer et les pathologies apparentées et, surtout, face au désarroi profond des familles et des malades eux-mêmes, lorsqu'ils sont encore en mesure de se rendre compte de leur état.
Cette proposition de loi nous offre l'opportunité d'approfondir le débat et de rappeler combien sont particulièrement lourdes et difficiles à assumer au quotidien les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes atteintes et leurs familles. Il faut avoir connu ces situations pour le mesurer véritablement. C'est en les gardant présentes à l'esprit que nous devrons débattre de cette proposition de loi.
Au-delà de la dimension émotionnelle, il nous revient de prendre l'exacte mesure de la réalité dont nous allons traiter, des progrès thérapeutiques qui peuvent être raisonnablement escomptés et de l'ampleur du soutien que la collectivité doit apporter à ceux de nos concitoyens qui sont touchés par cette maladie.
Examinons, d'abord, l'ampleur du phénomène au vu des chiffres dont nous disposons actuellement.
Je ne reviendrai pas sur le détail des données statistiques qui sont fort bien exposées dans le rapport de M. Vasselle. Je rappellerai seulement ce chiffre : 500 000 personnes en France, tous degrés de gravité confondus, souffrent de troubles de la mémoire graves, associés à d'autres manifestations de détérioration intellectuelle. Cette évaluation frappe les esprits, mais je crois qu'il « faut raison garder », comme aime à le rappeler le professeur Françoise Forette, sans bien entendu sous-estimer pour autant l'importance du problème.
En effet, rappelons-le, la maladie d'Alzheimer, qui a inspiré votre proposition de loi, touche fort heureusement une proportion relativement peu importante de personnes âgées, même si les risques s'accroissent avec l'âge : elle frappe de 3 % à 5 % des personnes de plus de soixante-cinq et moins de 20 % des personnes de plus de quatre-vingts ans. En d'autres termes, la maladie d'Alzheimer n'est pas, comme j'ai pu entendre récemment un intervenant le soutenir aux états généraux de la santé, à Albi, la maladie inéluctable du vieillissement. Il faut insister : elle ne constitue pas la façon la plus commune de vieillir.
La majorité des chercheurs soutiennent aujourd'hui que cette maladie ressort non pas d'un vieillissement prématuré, mais bien d'un processus pathologique autonome atteignant certaines personnes et pas d'autres. L'âge ne constitue qu'un facteur aggravant, ainsi d'ailleurs que l'hérédité. Ces données expliquent le caractère très hétérogène de la maladie et la difficulté du diagnostic, comme vous l'avez souligné, monsieur Vasselle.
Ces difficultés et la crainte de nos concitoyens devant l'ampleur de ce que vous avez qualifié de fléau, même remises en une juste perspective, doivent guider notre réflexion et notre action, j'en conviens.
Mais nous devons tout d'abord évoquer les raisons d'espérer que nous donnent les progrès de la médecine, car, en ce domaine, les espoirs ne me semblent pas chimériques et peuvent, j'en suis persuadé, changer bien des données du problème, je l'espère à court terme, en tout cas à moyen terme.
C'est vrai : aujourd'hui, la maladie d'Alzheimer est inaccessible à toute thérapeutique.
Certes, la première molécule mise sur le marché en France en 1994, la tacrine, peut, chez certains patients, apporter une amélioration des fonctions intellectuelles et des activités de la vie quotidienne, et prolonger - c'est déjà beaucoup - le maintien à domicile lorsqu'il est possible.
Ce traitement, qui est seulement symptomatique, nous le savons, ne constitue qu'un premier pas. Toutefois, d'autres suivront, un peu d'ailleurs à l'instar de ce qui s'est passé non seulement pour le sida, mais pour toutes les pathologies. Les progrès accélérés réalisés ces dernières années dans la connaissance des mécanismes de nombreuses pathologies sont tels qu'ils nous permettent d'espérer, à échéance de dix à quinze ans, soit un traitement, soit, mieux encore, des solutions préventives.
Vigilance et espoir doivent donc également conduire notre action.
En effet, dans l'attente d'avancées décisives de la recherche et des traitements, il nous faut répondre au mieux aux besoins spécifiques des personnes atteintes de maladies neurodégénératrices de type Alzheimer et de leur famille.
C'est dans ce contexte que vous avez souhaité déposer cette proposition de loi, qui peut être considérée, ainsi que vous l'avez exposé, monsieur le rapporteur, comme une première démarche que vous avez voulu modeste, mais cohérente.
Nous aurons à débattre du détail de ces propositions lors de l'examen des articles de ce texte.
Mais je voudrais vous faire part, avec le même souci de cohérence que celui qui vous a animé, d'interrogations de principe qui ne sont pas des plus faciles à trancher.
Je veux parler de la justification qu'il y a à instaurer des mesures spécifiques pour telle ou telle pathologie. J'observe que votre commission s'est d'ailleurs également posée la question puisqu'elle a étendu les dispositions prévues initialement pour les seules personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer aux personnes atteintes de troubles apparentés.
Pour ma part, il me paraît préférable de s'orienter vers un plan d'action globale en faveur des personnes souffrant de détérioration intellectuelle, sans distinguer telle ou telle pathologie, mais en prenant en compte, malgré tout, la spécificité que présentent ces maladies, pour les personnes atteintes et leur famille, au regard de la dépendance.
Ce plan d'action, je voudrais, puisque vous m'en donnez l'occasion, vous en présenter aujourd'hui les grandes lignes, qui d'ailleurs pourront être précisées en fonction des conclusions des quatre groupes de travail constitués sur l'initiative de Martine Aubry et de moi-même à l'occasion de l'année internationale des personnes âgées.
Je rappelle à ce propos que ces groupes devront faire rapport de leurs travaux lors d'une conférence de clôture qui se tiendra à Paris, en octobre prochain, sur quatre thèmes prioritaires : la place des retraités dans une France solidaire, la santé des personnes âgées, les personnes âgées et leurs familles, l'habitat des personnes âgées.
Ce sont ainsi plusieurs dizaines de spécialistes qui travaillent depuis l'automne dernier à l'élaboration de réflexions prospectives. Je ne doute pas que les résultats de ces travaux éclaireront nos stratégies et notre action en la matière.
Pour être pleinement efficace, ce plan d'action que j'évoquais à l'instant doit permettre l'amélioration de la qualité et de la quantité des prises en charge, d'une part, des aides financières afférentes, d'autre part, mais il doit aussi favoriser la formation et, bien évidemment, la recherche. Je vous rapelle que Claude Allègre et moi-même avons déterminé que la recherche médicale était le premier budget dans notre pays.
L'amélioration des prises en charge, c'est d'abord mieux coordonner, mais aussi renforcer les aides et les soins pour faciliter le maintien à domicile, sans oublier l'aide aux aidants. Ce point est capital, car je rappelle que 80 % des patients vivent à domicile, dans leur famille, et sont soutenus par leurs proches. C'est la période la plus favorable pour l'instauration des traitements symptomatiques - je souhaiterais dire préventifs, mais j'aurais tort ; il n'empêche que je souhaite que cet adjectif puisse être bientôt employé.
Dans cette perspective, je souhaite donc que les services d'aide ménagère, de garde à domicile ou d'auxiliaire de vie s'ouvrent à tous les adultes dans le cadre d'un service polyvalent d'aide et de soins à domicile. Nous travaillons en ce sens en concertation avec plusieurs grandes associations représentant les personnes handicapées et les personnes malades avec l'objectif d'aboutir avant l'été.
Je compte également sur les résultats de la mission confiée par le Premier ministre à Mme GuinchardKunstler, députée du Doubs, pour nous aider à affiner nos réponses. Cette mission est déjà installée au ministère de la santé. Elle devra faire des propositions concrètes avant le 30 juin de cette année tant sur l'évolution des formations et des métiers qui contribuent à la prise en charge des personnes perdant leur autonomie que sur les améliorations qui pourraient être apportées à la conduite des politiques gérontologiques locales.
En toute hypothèse, nous devrons augmenter le nombre de places de services de soins infirmiers à domicile, mieux les répartir sur l'ensemble de notre territoire et étendre leur intervention sans condition d'âge.
Améliorer les prises en charge, c'est aussi développer la pertinence des réponses offertes par les établissements d'accueil, dont, je le rappelle, la tarification va faire l'objet d'une réforme, en application de la loi du 24 janvier 1997 et de décrets en cours d'examen par le Conseil d'Etat.
Une telle politique est d'ailleurs, par certains aspects, indissociable du soutien à domicile. Je pense, en l'occurrence, aux centres d'accueil de jour ou de nuit - vous y avez fait allusion, monsieur le rapporteur - et aux structures d'hébergement temporaire.
Ce sont des formules qu'il faudra développer, car elles sont indispensables si l'on veut soulager les aidants et les familles, leur permettre de « souffler » et prolonger ainsi dans de bonnes conditions le maintien à domicile.
Cependant, vous le savez, le maintien à domicile est malheureusement difficilement envisageable à certains stades de la maladie. C'est pourquoi il est important d'améliorer la qualité de vie au sein des institutions, de relever le niveau des prises en charge gériatriques et d'adapter ces structures à la spécificité des personnes souffrant de détérioration intellectuelle.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur : les structures de petite taille doivent être favorisées, qu'il s'agisse de structures autonomes de type Cantou ou d'unités spécialisées au sein d'établissements de taille plus importante.
Ce besoin particulier devra être pris en compte dans le cadre des nombreuses restructurations d'établissements que nécessitent leur humanisation et, dans certains cas, le respect de la réglementation relative aux normes de sécurité.
Très souvent, je visite de tels établissements et je me dis que l'on ne peut pas continuer à placer dans certaines de ces structures des personnes dépendantes. Il nous faut faire un effort particulier. Nous avons commencé, mais il est financièrement très coûteux.
Enfin, est-il besoin de souligner la nécessité d'améliorer la collaboration entre le secteur psychiatrique et les équipes hospitalières et médico-sociales ? C'est une condition indispensable pour une meilleure prise en compte des besoins des personnes malades et pour aider les personnels qui s'occupent d'elles quotidiennement.
Tous ces dispositifs de prise en charge à domicile ou en établissement ont un coût. Celui-ci est, dans quelques cas, assumé en totalité par la collectivité. Le plus souvent, il est à la charge de l'intéressé et de sa famille, qui peuvent bénéficier d'aides plus ou moins importantes sous forme de prestations sociales, d'exonérations de charges sociales ou d'avantages fiscaux. Il s'agit là d'un ensemble très compliqué - trop compliqué ! - de dispositions que vous connaissez et dont je ne vous imposerai pas l'énumération.
A ce propos, vous avez demandé, monsieur le rapporteur, la raison pour laquelle la maladie d'Alzheimer ne figurait pas dans la liste des affections de longue durée. Il est tout à fait exact qu'elle n'est pas reconnue comme telle et c'est pourquoi, en pratique, cette maladie est actuellement prise en charge par l'assurance maladie au titre des arriérations mentales ou des psychoses. Cette situation n'est pas satisfaisante.
Le Haut comité médical a été saisi afin de réviser la liste des affections de longue durée. A la suite de l'avis qu'il émettra au plus tôt, un décret pourra être pris pour réviser cette liste.
Je rappelle également que le Gouvernement a, très récemment, proposé au Parlement, qui l'a adoptée, une mesure très favorable aux personnes reconnues handicapées ou dépendantes, puisque celles-ci se trouvent exonérées des cotisations patronales si elles rémunèrent une aide à domicile employée par une association. Jusqu'à présent, cette exonération ne s'appliquait qu'aux embauches de gré à gré par la personne bénéficiaire.
Cette mesure apportera des garanties à ces personnes en termes de qualité et de professionnalisation de l'aide, de continuité du service rendu et leur épargnera de devoir assumer le rôle, pas toujours facile, d'employeur.
Pourquoi ne pas aller plus loin ?
Dans l'article 4 de votre proposition de loi, vous souhaitez doubler, pour les personnes visées par ce texte, le pourcentage de la PSD actuellement fixé par décret à 10 % - soit 500 francs environ - qui peut être consacré à des dépenses autres que de personnel.
Une telle mesure, monsieur le rapporteur, présente un intérêt évident pour les personnes qui doivent avoir recours à des aides techniques ou matérielles importantes. Toutefois, je crois que cette amélioration de la loi du 24 janvier 1997, dont vous étiez le rapporteur, devrait concerner l'ensemble des bénéficiaires de la PSD pour n'écarter personne, quel que soit le type de pathologie. Cela nécessite de modifier l'article 11 du décret du 28 avril 1997, afin de porter le plafond à 20 % au lieu de 10 % du montant maximum de la PSD.
Le Gouvernement est favorable à une telle modification. Celle-ci pourrait intervenir dans un délai bref. Elle doit cependant faire l'objet d'une consultation préalable des représentants des conseils généraux.
Par ailleurs, il me semble qu'il serait également utile d'envisager une plus grande souplesse dans l'utilisation possible des sommes allouées au titre de la PSD. Elles pourraient ainsi être utilisées non seulement pour la rémunération des salariés ou à l'occasion d'un hébergement en établissement, mais également pour des accueils de jour, de nuit, ou des accueils temporaires, qui me semblent particulièrement adaptés pour aider les aidants familiaux et ainsi faciliter le maintien à domicile, auprès des proches. C'est une piste de travail que le Gouvernement examine avant d'en saisir, le cas échéant, les représentants des conseils généraux.
Dans l'article 5 du texte aujourd'hui en discussion, vous proposez d'étendre aux personnes dépendantes du fait de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés la réduction d'impôt pour les dépenses engagées pour l'hébergement des personnes âgées de plus de soixante-dix ans.
Je ne peux nier l'intérêt d'une telle disposition. Toutefois, je crois que, compte tenu de son caractère fiscal, elle aurait plus sa place dans le projet de loi de finances pour 2000.
Enfin, je veux évoquer une mesure annoncée lors de la dernière conférence de la famille. Je veux parler de la création d'un congé « parent dépendant », permettant de prendre en charge un parent dont l'état de santé nécessite la présence d'une tierce personne. Cette mesure, à la mise en oeuvre de laquelle je travaille avec le délégué interministériel à la famille, rendra, j'en suis sûr, de grands services aux personnes concernées. Je rappelle que nous avons également demandé au Conseil économique et social de réfléchir à ce congé pour permettre aux familles d'accompagner, lorsque c'est malheureusement nécessaire, un proche en fin de vie.
Le dernier - non le moindre - volet de ce plan d'action concerne la recherche et la formation.
Je travaille, avec M. Claude Allègre, à renforcer les moyens de favoriser la recherche fondamentale et appliquée - la recherche médicale représente maintenant le premier budget de recherche de notre pays - concernant les démences, dont la maladie d'Alzheimer, notamment en développant les complémentarités sur le plan international. J'ai dit tout à l'heure l'immense enjeu qu'elle représente pour ces pathologies. Il y va de l'amélioration de la vie des familles.
Vous savez que la France est fortement impliquée dans la recherche clinique et biologique autour du vieillissement et que la gériatrie constitue une thématique majeure du programme hospitalier de recherche clinique. Ce programme bénéficie d'ailleurs de 80 millions de francs renouvelables sur trois ans, et les recherches sur la maladie d'Alzheimer et les démences apparentées sont particulièrement soutenues dans ce cadre.
Plusieurs unités de l'INSERM sont également très actives sur le diagnostic préclinique comme sur l'étude des phases débutantes et tardives de ces maladies.
S'agissant de la formation des professionnels - là aussi les conclusions de la mission Guinchard-Kunstler pourront nous aider - j'entends renforcer ce thème dans les programmes pour l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, qu'il s'agisse des formations initiales ou des formations continues.
La prise en charge des personnes souffrant de détérioration intellectuelle, à domicile comme en établissement, nécessite en effet l'intervention de personnels formés et, ainsi, motivés.
A cet égard, nous continuons d'ailleurs de nous poser la question de la nécessité d'une forme de spécialisation gérontologique.
Une étude d'envergure, financée par la Commission européeenne, est actuellement en cours. Nous suivons ces travaux afin de mieux définir le profil souhaité des intervenants, tant à domicile qu'en établissement.
Telles sont les grandes lignes de ce plan global que votre proposition m'a donné l'occasion de vous exposer brièvement. Je vous donne rendez-vous dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de faire le point sur sa mise en oeuvre, qui doit être à la mesure de l'attente des personnes atteintes et de leurs familles, envers lesquelles nous avons un véritable devoir de solidarité.
Cette solidarité est tout particulièrement justifiée quand la maladie vient frapper un parent dans la force de l'âge, ayant encore des enfants qui poursuivent leurs études.
Elle est tout autant justifiée quand la maladie interrompt précocement les projets d'un couple de retraités récents pour confronter l'un des conjoints à la dégénérescence rapide de l'autre, qui perd ses moyens, change de comportement et de caractère jusqu'à devenir un jour « un mort sans cadavre » : l'expression fait mal, mais elle est le témoignage d'une personne qui a connu cette situation.
Nous devrons, mesdames, messieurs les sénateurs, garder tout cela à l'esprit au cours de ces débats, mais aussi au-delà, car il restera, après votre vote, beaucoup à faire pour répondre à l'ampleur des détresses vécues par ceux qui sont touchés par ces maladies et par leurs familles. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en déposant devant la Haute Assemblée une proposition de loi relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et en particulier de la maladie d'Alzheimer, notre collègue Alain Vasselle pointe un problème important, tant sur le plan médical que sur le plan social, et aux conséquences trop souvent dramatiques pour les familles. La description qu'il en a faite était édifiante.
En effet, la prise en charge de la déchéance physique et intellectuelle d'un parent proche est toujours pour les familles une douleur morale immense, à laquelle il faut ajouter des difficultés matérielles souvent aiguës.
Le développement prévisible, au cours des prochaines années, de la démence sénile et des affections qui y sont associées, du fait du vieillissement de la population, doit nous conduire à légiférer de manière humaine et adaptée à cet enjeu majeur de société et de santé publique.
Face à la détresse des familles, face au malheur de celles et ceux qui sont atteints par la maladie et se trouvent en situation de dépendance, il est de notre responsabilité d'apporter des réponses adéquates, dans une société qui consacre comme des droits inaliénables de l'individu le droit à la santé et le droit à la protection sociale.
Ainsi devons-nous répondre non seulement aux problèmes liés à la démence sénile et à la maladie d'Alzheimer mais aussi, plus largement, à l'ensemble des situatins génératrices de dépendance. Je pense à certaines maladies génétiques, aux myopathies, aux très grands handicaps : les affections de ce type sont, hélas ! très nombreuses.
A cet égard, nous partageons les objectifs visés par les auteurs de la proposition de loi.
En particulier, le développement des connaissances médicales et épidémiologiques des maladies cause de la sénescence - notamment de la maladie d'Alzheimer - est un préalable incontournable.
La formation du corps médical ainsi que celle des intervenants chargés de l'accompagnement des malades s'imposent également.
Pour ce qui est de l'accompagnement financier et social nul ne contestera que nous avons encore des progrès à réaliser.
J'évoquais les droits inaliénables à la santé et à la protection sociale : c'est là, au fond, l'essentiel.
Quotidiennement, le monde associatif, le corps médical, les familles nous interpellent sur les manquements de notre pays en matière de traitement de la dépendance.
Comment ne pas rappeler - et c'est peut-être le point sur lequel nous divergeons - l'inadaptation de l'actuelle prestation spécifique dépendance ? La proposition de loi que nous examinons n'est-elle pas l'aveu même de l'inadéquation de ce dispositif ?
Au moment de l'examen de la loi du 24 janvier 1997, les membres de notre groupe s'étaient opposés résolument à la mise en place, à l'échelon départemental, de ce dispositif rémunérant en nature un service d'assistance à la personne dépendante. Nous considérions alors - et nous avions, hélas ! raison - que les critères d'attribution, bien trop restrictifs, de la PSD rendaient ce dispositif moins efficace que l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui l'avait précédé.
C'est ainsi que, dans le département du Rhône, nous avons dû, depuis l'adoption de la loi sur la PSD, délibérer par deux fois pour en compléter et en aménager le dispositif, afin de l'améliorer.
Deux années d'application de la PSD n'ont pas infirmé l'appréciation que nous portions sur ce dispositif, bien au contraire. Nous attendons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, le bilan que votre administration s'est engagé à présenter pour que nous puissions juger en toute connaissance de cause des résultats.
De nombreux départements sont amenés aujourd'hui à modifier l'application d'un texte qui se révèle - M. Vasselle l'a d'ailleurs souligné - dramatiquement inefficace dans les réponses qu'il apporte aux familles en matière de grande dépendance - je pense, notamment, aux aveugles, aux mal-voyants - et nous constatons que la grille AGGIR se révèle inefficace.
Différences de prise en charge d'un département à l'autre, politique des plus bas coûts, recours à des critères ne correspondant en rien à la réalité des situations de celles et ceux qui sont confrontés à la dépendance : tel est le sombre réquisitoire que l'on peut dresser. Nous sommes loin, en l'espèce, de la reconnaissance d'un droit nouveau : au mieux, il s'agit de mesures d'assistance. Vous en avez témoigné en citant l'exemple de ces familles qui vous interpellaient, hier, via la radio, sur la réalité des situations.
Notre pays, qui compte aujourd'hui 11 millions de personnes âgées de plus de soixante ans, dont 2,3 millions de personnes âgées de plus de quatre-vingts ans, se doit de répondre, à l'échelon national, à la constitution de ce nouveau droit social qu'est la reconnaissance de la dépendance comme un cinquième risque de sécurité sociale ; pour l'instant, malheureusement, cet avis n'est pas du tout partagé.
La personne dépendante et ses proches doivent être placés au centre du dispositif. Cela implique le respect de la personne, le respect de son intimité, son libre choix, ou le libre choix des siens, quant à la prestation et aux réponses à apporter en matière d'accompagnement social et médical.
Il manque au texte que nous examinons, cette dimension sociale que nous appelons de tous nos voeux et qui constitue le moins qu'une société puisse faire pour les plus anciens ou les plus fragiles de ses membres.
La non-réalisation de ce droit, pourtant essentiel, est cause de bien des retards pris par notre pays : insuffisance, voire manque de structures adaptées, retards en matière de formation des personnels, de qualification, faiblesse des salaires des personnels d'accompagnement ; la liste est longue ! Il faudrait aussi évoquer, comme le fait très justement le rapport de notre collègue, l'accompagnement psychologique des familles confrontées à la déchéance physique et/ou psychologique d'un proche.
Il est urgent de légiférer à nouveau sur les questions de dépendance. Nous sommes, pour notre part, favorables à une remise à plat de ces questions et nous souhaitons que le Gouvernement s'attelle au plus vite à cette tâche.
Le 19 septembre dernier, notamment, j'attirais l'attention de Mme Martine Aubry sur nos attentes en matière de projet de réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées.
Loin de vouloir polémiquer sur un sujet aussi grave, aussi dramatique que celui qui nous occupe aujourd'hui, je veux rappeler qu'une politique humaine en matière de santé publique, d'accompagnement de la dépendance et de prise en charge des problèmes liés à la vieillesse, une politique fondée sur l'existence de droits sociaux inaliénables, appelle d'autres choix que ceux qui sont malheureusement défendus par la majorité sénatoriale en matière de santé publique, notamment. Rappellez-vous les débats que nous avons eus lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale ou de la loi de finances pour 1999 !
Raisonner sur la souffrance, légiférer sur la dépendance est assez peu conforme aux impératifs strictement comptables défendus ici même et qui ont conduit à la mise en place de la prestation spécifique dépendance ou à la suppression de certains crédits budgétaires consacrés à la solidarité.
En outre, lors du débat relatif au financement de la sécurité sociale, nombre de nos collègues de la majorité sénatoriale, dont vous étiez, monsieur le rapporteur, n'étaient pas les moins ardents défenseurs de coupes claires dans les budgets des caisses de sécurité sociale.
Peut-être avez-vous, depuis, pris la mesure des besoins sociaux dans notre pays.
Plus que sur le bien-fondé des propositions qui nous sont faites, nos réserves, vous l'avez compris, portent sur la cohérence d'ensemble d'un système de protection qui se révèle particulièrement inadapté.
Nous souhaitons que, dans un délai très bref, le Gouvernement, aidé en cela par le Parlement - et nous prendrons, pour ce qui nous concerne, nos responsabilités - mette en place un dispositif de prise en charge de la dépendance par la création d'un risque spécifique, suivant le principe de solidarité qui prévaut pour notre système de protection sociale.
Nous avons bien évidemment été attentifs aux propositions que vous avez formulées, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous écouterons avec beaucoup d'intérêt les réponses que vous voudrez bien nous apporter, notamment en termes de calendrier.
Cela étant, si nous approuvons la démarche et les objectifs retenus par M. Vasselle, nous ne pensons pas que, en l'état, le texte qui nous est proposé permette de répondre à l'ensemble des besoins concrets des familles confrontées à ces problèmes de dépendance.
Certes, on ne peut pas s'opposer à une telle proposition de loi, mais nous nous abstiendrons...
M. Michel Caldaguès. Cela s'appelle « botter en touche » !
M. Guy Fischer. Non, monsieur Caldaguès ! Dans un débat d'une telle importance, on ne peut pas « botter en touche » quand il s'agit de créer des établissements, de leur donner les moyens de fonctionner. Nous avons sans doute tous vécu des expériences très douloureuses - c'est mon cas - et nous savons quelles difficultés, pour ne pas dire quel drame, affrontent les familles à la recherche d'un établissement qui accueillera un parent malade en phase terminale.
Ce débat est essentiel, mais il est plus que jamais nécessaire de mettre en oeuvre des mesures nouvelles pour assurer la prise en charge de la dépendance. Pour cette raison, nous nous abstiendrons sur les propositions de M. le rapporteur, quels que soient leurs mérites, car, sur le fond, nous ne pensons pas qu'une amélioration très partielle du dispositif de la prestation spécifique dépendance puisse constituer une réponse qui soit à la hauteur des besoins exprimés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en examinant ce soir la proposition de loi de notre collègue Alain Vasselle, nous répondons à une attente très forte des familles des personnes atteintes de démence sénile, en particulier de la maladie d'Alzheimer.
Je voudrais dire tout d'abord que la dénomination « démence sénile » ne me paraît pas être la plus appropriée. Il me semble en effet qu'il serait plus juste de parler de « démences » au pluriel, ...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. C'est exact !
M. Dominique Leclerc. ... celui-ci permettant d'englober les formes jeunes de démence, ainsi que les affections neurologiques ou non neurologiques qui compliquant de démence.
Je parlais à l'instant de l'attente des familles, mais il existe aussi une attente des professionnels qui doivent faire face à cette pathologie en fort développement.
En effet, nous ne pouvons ignorer que les chiffres actuels - 350 000 personnes atteintes de démence en France, dont 280 000 cas diagnostiqués de maladie d'Alzheimer - ne cesseront de croître dans les années à venir, en raison du vieillissement de la population.
C'est la raison pour laquelle nous nous devons d'agir face à cette « épidémie silencieuse » d'une maladie dont les conséquences humaines, sociales et économiques sont désastreuses.
Or, si l'on peut considérer que cette maladie est entrée, d'une certaine manière, dans une ère thérapeutique, force est de constater que ni les structures médico-sociales ni le milieu hospitalier ne sont adaptés à la prise en charge de cette terrible situation.
La maladie d'Alzheimer semble, il est vrai, d'un point de vue thérapeutique, sortie du « ghetto », grâce à une recherche très active qui, après un néant total, a permis de dégager certaines pistes.
Ainsi, malgré leur efficacité aujourd'hui limitée sur les symptômes de la maladie et leur influence incertaine sur sa progression, certains médicaments représentent un premier progrès dans le traitement de cette redoutable affection. Bien que leur usage soit réservé pour le moment aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer à un degré de gravité minime à modérée, cela est encourageant pour l'avenir.
En revanche, la prise en charge sociale ou, plus exactement, humaine de ces personnes reste bien en deçà des besoins. Or - faut-il le rappeler ? - pour ceux qui souffrent de tels troubles, la vie quotidienne devient menaçante, voire effrayante.
En effet, à mesure que la maladie progresse, l'échec devient une habitude quotidienne, le patient réussit de moins en moins ce qu'il entreprend, jusqu'à ce qu'il devienne, finalement, dépendant. Cette perte d'autonomie et les troubles du comportement qui l'accompagnent et s'aggravent avec le temps et se traduisent par une charge de plus en plus lourde, difficilement supportable pour les seules familles.
Malheureusement, les établissements de long séjour existants ne sont pas adaptés à l'accueil de ces patients, dont le comportement parfois difficile peut perturber l'ensemble des personnes qui y sont accueillies.
Face à ce constat, la proposition de loi de notre collègue Alain Vasselle tend à offrir des réponses plus adéquates aux difficultés rencontrées par les patients et leurs familles. Elle vise à présenter un ensemble cohérent de dispositions, afin d'améliorer la prise en charge de ces malades et de leur entourage. Ainsi, nous le savons, plus la maladie est détectée de façon précoce, plus il est facile de lutter contre les premiers effets et plus il est possible de ralentir la détérioration de l'état des malades.
Pour cette raison, en prévoyant d'améliorer la formation des médecins et des autres intervenants, la proposition de loi de M. Vasselle tend à favoriser cette détection précoce et à faciliter, par la suite, les traitements.
De même, l'inscription dans le rapport d'une incitation à développer des unités de consultation à visée diagnostique et des centres d'expertise au sein des hôpitaux me paraît aller dans le bon sens.
S'agissant de l'accueil des malades, de gros efforts doivent être consentis par la collectivité afin que soient construits des centres adaptés. Ceux-ci sont encore beaucoup trop rares aujourd'hui. En proposant l'instauration d'un avantage fiscal important pour favoriser l'hébergement des patients, M. le rapporteur veut contribuer à solvabiliser ces centres et, ainsi, à permettre leur développement.
En ce qui concerne le maintien à domicile des malades, il est bénéfique lorsqu'il est possible, c'est-à-dire lorsque l'état du malade le permet. De très nombreux témoignages de proches le démontrent.
Cependant, cette affection, très invalidante, réclame beaucoup de soins, d'attention, mais aussi de surveillance. Une aide à domicile est, pour toutes ces raisons, indispensable. Par conséquent, j'approuve totalement l'idée de notre collègue Alain Vasselle de porter, pour les personnes atteintes, à 90 000 francs le plafond des dépenses, engagées pour l'emploi d'un salarié à domicile ouvrant droit à une réduction d'impôt.
En effet, cette affection touchant de plus en plus tôt les personnes âgées, les assistantes de vie ont un rôle social essentiel à jouer, en matière de soutien des familles, qui sont très souvent éprouvées, mais aussi de réduction des dépenses de santé.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette mesure devrait permettre la création d'emplois de proximité, ce qui n'est pas négligeable !
Pour conclure, je tiens à remercier notre collègue Alain Vasselle pour le travail qu'il a effectué. Je sais qu'il a procédé à de nombreuses auditions et qu'il a beaucoup oeuvré pour élaborer le texte que nous examinons aujourd'hui. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous réserverez le meilleur accueil à celui-ci. En effet, je suis convaincu que les propositions de notre collègue Alain Vasselle permettront d'améliorer de façon significative la situation des malades et de leur famille.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR du Sénat votera ce texte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Lagorsse.
M. Roger Lagorsse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviens pour la première fois à cette tribune depuis que j'ai été élu pour succéder à Georges Mazars. Cette intervention revêt à mes yeux un caractère symbolique.
M. le président. La présidence salue votre première intervention, monsieur Lagorsse, et vous souhaite un plein succès dans l'accomplissement de votre mandat. A cet instant, nous avons tous une pensée pour notre ancien collègue.
M. Roger Lagorsse. Je vous remercie, monsieur le président.
Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi de M. Vasselle, qui a souhaité que nous abordions la question délicate de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés.
Ce texte présente un intérêt incontestable, car il met l'accent sur le problème essentiel de la dépendance et de sa prise en charge. Il relève notamment les difficultés particulièrement douloureuses que rencontrent toutes les personnes atteintes de détériorations intellectuelles, ainsi que leur entourage.
La simple évocation de certaines données statistiques permettra sur ce point d'illustrer mes propos. Ainsi, selon l'enquête « Paquid » menée par l'INSERM en Gironde et en Dordogne, la proportion des personnes agées de soixante-cinq ans et plus qui sont atteintes de démence est évaluée entre 3 % et 5 %, ce qui représente environ 350 000 personnes pour l'ensemble de la France. Précisons que si l'on ajoute à ce chiffre celui des malades plus jeunes, ce sont au total 500 000 personnes qui sont touchées, et relevons enfin que notre pays enregistre chaque année de 60 000 à 70 000 nouveaux cas déclarés.
C'est pour cette raison que l'un des défis majeurs auxquels sont confrontées les sociétés occidentales est de répondre aux besoins de ces personnes. Cela sera encore plus vrai demain.
Nous devons donc trouver des solutions adaptées. En effet, nous savons bien que l'allongement de l'espérance de vie, dont nous ne pouvons que nous réjouir, a néanmoins son corollaire : le vieillissement de la population.
Certes, il est exact que, au cours de ces dix dernières années, l'espérance de vie sans incapacité a progressé considérablement, mais il n'en est pas moins vrai que, à partir de 2005, nous devrons faire face à une augmentation notable du nombre des personnes très âgées, et l'on comptera, parmi elles, de nombreuses personnes dépendantes psychiquement.
Même si elle nous affecte, nous ne pouvons nier cette vérité, et notre devoir est de nous préparer à l'affronter. Gouverner, c'est prévoir !
Améliorer la qualité de vie de toute cette partie de la population doit donc être notre objectif. A cet égard, j'ai regardé l'autre jour avec beaucoup d'émotion, sur une chaîne de télévision, le film intitulé « Alzheimer, mon amour. »
Cette amélioration passe certes, comme cela a été indiqué, par une meilleure connaissance de ces personnes, et l'on a raison de souhaiter la présentation d'un rapport gouvernemental sur ce sujet.
Cependant, je ne peux que m'interroger sur l'opportunité et l'efficacité des mesures financières ou relatives à la formation qui nous sont proposées.
Etes-vous bien certain, monsieur le rapporteur, de leur adéquation avec les réels besoins de l'ensemble des personnes atteintes de détérioration intellectuelle ? Ne vous paraît-il pas quelque peu paradoxal et contradictoire de vouloir fixer par la loi des modalités de prise en charge, alors que - et vous l'admettez vous-même - nos connaissances sont encore incomplètes ? Ne pensez-vous pas enfin que le risque est grand d'apporter ainsi des réponses insuffisantes, limitées, et, par voie de conséquence, inadaptées ?
En effet, comment peut-on prétendre vouloir assurer, ou du moins tenter d'améliorer, la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés avant même qu'un rapport gouvernemental ait été établi ? Il s'agit-là, à mon avis, d'un non-sens éloquent !
Pour ma part, je ne suis pas de ceux qui affirment qu'il vaut mieux faire quelque chose que ne rien faire du tout. Trop souvent, cette attitude dissimule un désir de faire pour faire, ou pire, peut-être, une volonté de produire un effet d'annonce. Finalement, cela n'aboutit qu'à de mauvaises solutions, et les personnes concernées sont alors encore plus démunies face à une situation dramatique.
Parce que cette façon d'agir ne permettrait, selon moi, ni de relever les véritables enjeux, ni de répondre avec efficacité aux véritables besoins des personnes concernées, j'estime qu'il serait préférable de réfléchir ensemble à toute l'étendue du problème.
Pour cela, mieux vaut réunir les meilleurs atouts, en vue de mettre en place un plan d'action global, ce que vous avez proposé, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ce plan d'action devrait intégrer aussi bien l'augmentation des aides financières dont les personnes concernées et leur entourage pourraient bénéficier que le soutien aux aidants.
Ce plan d'action devrait également chercher à développer les services de vie à domicile et l'amélioration des conditions de prise en charge en institution, tout en assurant leur complémentarité. Ce plan d'action devrait, enfin et bien entendu, poursuivre et adapter la recherche et la formation des intervenants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que le Gouvernement a l'intention d'aller dans ce sens, et je m'en réjouis. Je sais également que, pour mener à bien un tel plan, le député Mme Paulette Guinchard-Kunstler a été chargée par le Premier ministre d'une mission sur les aides aux aidants, en vue d'améliorer les conditions de vie des personnes atteintes, mais aussi de leurs proches.
Pour ma part, je crois donc plus judicieux d'obtenir les conclusions de ce rapport plutôt que de légiférer, non pas sur l'inconnu, mais sur l'incertain.
Je voudrais maintenant en revenir, cher collègue Vasselle, à votre proposition de loi pour en montrer les limites et les insuffisances.
S'agissant des limites, tout d'abord, ne vous paraît-il pas inapproprié, monsieur le rapporteur, de limiter à une pathologie ce qui devrait répondre aux besoins de toute une catégorie de la population ?
Distinguer telle ou telle pathologie ne revient-il pas à risquer d'instaurer une inégalité flagrante entre des personnes également souffrantes ? Je veux parler de toutes les personnes atteintes de détérioration intellectuelle et touchées par la dépendance. Je veux parler aussi de toutes ces familles qui se dévouent et doivent affronter ce mal moderne avec leurs propres moyens.
J'en viens, ensuite, aux insuffisances.
Cette proposition de loi ne me semble pas offrir un cadre idéal à notre objectif.
Les dispositions qui nous sont présentées semblent en effet insuffisantes et prématurées, j'ai même envie de dire insuffisantes parce que prématurées. L'article 4, notamment, met implicitement en exergue les carences du dispositif de la prestation spécifique dépendance, la PSD, adoptée en 1997 par le Parlement.
Déjà, à l'époque, le groupe socialiste du Sénat avait dénoncé le sous-dimensionnement de l'aide prévue par rapport à l'ampleur du problème, bien plus vaste, de la dépendance.
Aujourd'hui, s'agissant de cette nouvelle proposition, l'aide prévue paraît encore plus inadéquate au regard de la réponse qui doit être apportée à certaines pathologies à dépendance lourde, la maladie d'Alzheimer comme bien d'autres maladies, d'ailleurs.
Cette disposition, monsieur le rapporteur, semble donc n'être que la vaine tentative de colmater les brèches d'une PSD qui n'est pas adaptée à l'ampleur du problème général de la dépendance dans notre société.
Par ailleurs, même si les autres dispositions financières, par les nouvelles réductions fiscales envisagées, semblent offrir une meilleure réponse à l'attente des malades et de leur famille, elles n'en demeurent pas moins nettement modestes. Il en est ainsi, par exemple, de l'hébergement en institution, la déduction fiscale en la matière paraissant en effet dérisoire par rapport à celle qui est accordée pour une aide à domicile.
En tout cas, il paraît bien évident que des mesures allant dans le sens d'une meilleure prise en charge ne peuvent être décidées qu'après un bilan général et une réflexion plus en amont. C'est ce que le Gouvernement a proposé de mettre en oeuvre, et nous en sommes satisfaits.
Monsieur le rapporteur, je reconnais donc, comme je l'ai précédemment évoqué, le bien-fondé de votre initiative à travers cette proposition de loi. Cependant, je ne peux que regretter son caractère à la fois prématuré - peut-être devrais-je dire hâtif - et, en tout état de cause, insuffisant, et son manque d'ambition. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra lors du vote sur l'ensemble.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais user du privilège des présidents de commission de pouvoir intervenir dans des débats qui concernent celle-ci.
En l'occurrence, je souhaiterais préciser deux ou trois points.
Cette proposition de loi, la commission a souhaité s'en saisir et qu'elle fasse l'objet d'un rapport. Je veux dire dans quel esprit elle l'a fait.
Je ne crois pas en effet, monsieur Lagorsse, que ce soit dans le but de se positionner par rapport à d'autres initiatives et de revendiquer la première place sur le plan législatif !
C'est tout simplement parce que le rôle de notre commission, lorsque des problèmes touchent aux problèmes de société, est d'y réfléchir et de faire des propositions.
C'est l'initiative de notre collègue Alain Vasselle - mais cela aurait pu être celle d'un autre - qui nous a amenés à user, dans le cadre des dispositions de la réforme constitutionnelle de 1996, de notre pouvoir de proposition, et c'est bien le rôle du Parlement, de ses membres et de ses commissions que de proposer.
Je reviens un peu en arrière, car le problème est sous-jacent dans cette proposition de loi, en évoquant la PSD. Le texte relatif à cette prestation, qui résulte d'une initiative sénatoriale, est venu après des effets d'annonce n'émanant pas du Parlement. Je me souviens, en effet, de ce que nous avait annoncé ou promis M. Teulade, ou encore,...
MM. Guy Fischer et Roger Lagorsse. M. Chirac !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. ... pour ne citer qu'elle, Mme Veil. Celle-ci nous avait dit, ici même, en mai ou en juin 1993, qu'un texte serait déposé au mois d'octobre de la même année. Or rien n'est venu.
C'est pourquoi le Sénat, par l'initiative de sa commission des affaires sociales, alors présidée par M. Jean-Pierre Fourcade, a fait adopter un texte sur la PSD. Certes, ce texte est incomplet - le conseil général que je préside l'a mis en oeuvre - et sa portée limitée. Toutefois, peu à peu, grâce d'ailleurs aux initiatives du gouvernement actuel, une amélioration s'est produite. Cependant, nous attendons encore un certain nombre de textes, notamment sur la tarification des établissements, pour aller plus loin et plus vite.
La présente proposition de loi, même si elle est modeste, pose un certain nombre de problèmes et trace des pistes de solution. Tout à l'heure, M. Fischer a dit : ce texte n'est pas global, il ne va pas assez loin. C'est vrai. Mais je rappellerai que toute initiative parlementaire, s'agissant notamment des moyens, est forcément limitée.
Je voudrais remercier M. le secrétaire d'Etat de nous avoir d'ores et déjà apporté des réponses proches des demandes formulées dans cette proposition de loi. En effet, si j'ai bien compris, certaines mesures pourraient entrer en vigueur d'ici à quelques mois.
Nous travaillons ensemble dans un domaine qui n'est pas politicien et qui concerne un problème de fond.
La commission des affaires sociales et moi-même, nous souhaitons nous saisir d'un certain nombre de problèmes. Ainsi, sur l'initiative de M. Lucien Neuwirth, nous examinons le problème des soins « palliatifs », même si ce n'est pas le terme qui convient. Nous essayons d'avancer dans ce domaine, et un rapport sera présenté dans les prochains jours.
Nous essayons de progresser, ne serait-ce que modestement. Mais il ne s'agit pas, pour nous, d'un effet d'annonce vis-à-vis des familles dont l'un des membres est touché par la maladie d'Alzheimer ou par des troubles apparentés, qui sont extrêmement difficiles à supporter et qui demandent un grand dévouement de leur part. Tel est, à chaque fois, notre état d'esprit.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je veux remercier à la fois M. le secrétaire d'Etat et mes collègues, qui ont fait connaître leur sentiment sur les dispositions de la proposition de loi que j'ai déposée et qui a recueilli l'assentiment des membres de la commission des affaires sociales.
Je veux tout particulièrement vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir prêté une attention toute particulière à cette proposition de loi, au rapport que j'ai rédigé et à la position de la commission des affaires sociales.
J'ai relevé dans votre intervention, mais également dans celles de mes collègues MM. Lagorsse et Fischer, deux points importants. Vous vous êtes interrogé sur l'opportunité de prendre aujourd'hui des mesures spécifiques en faveur des patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés. La commission des affaires sociales et moi-même n'avons en effet pas voulu nous limiter aux seuls patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Le diagnostic de cette maladie est d'ailleurs difficile, même si en l'état actuel de la science, il est possible à un certain stade de la détecter. Certains tests de mémoire permettent de présumer fortement la nature de la maladie dont peut être atteint le patient.
A cet égard, j'ai noté que M. Leclerc, dans son intervention, a fait observer, à juste titre, qu'il vaudrait mieux parler non pas de démence sénile, mais de démence tout court. La commission a considéré qu'il aurait été erroné de limiter le champ d'application de ce texte aux personnes âgées, en ne visant que les démences séniles. C'est pourquoi l'intitulé précise que la proposition de loi tend à améliorer la prise en charge des « personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés ».
Selon les différents orateurs, il convient de mettre en oeuvre non pas une mesure spécifique, mais une mesure globale, afin d'apporter une réponse à toutes les personnes dépendantes, et notamment à celles qui sont en situation de dépendance lourde. Sur ce point, j'apporterai deux éléments de réponse.
Tout d'abord, cette proposition de loi ne vise pas uniquement les personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer, elle concerne bien tous les malades atteints de cette maladie ou de troubles apparentés, c'est-à-dire également des jeunes et des personnes de moins de soixante ans. Si nous avions repris les dispositions de la prestation spécifique dépendance, aux termes desquelles la prise en charge concerne les personnes âgées de soixante ans au moins, nous aurions privé les autres personnes du bénéfice du dispositif. Telle n'était pas la volonté du législateur.
Le souci de ce dernier, notamment des sénateurs au moment où ils avaient déposé la proposition de loi relative à la prestation spécifique dépendance - celle-ci reprenait d'ailleurs simplement des propositions qui, en leur temps, avaient été évoquées par M. Teulade - était bien d'apporter un élément de réponse aux personnes âgées et de répondre aux difficultés rencontrées par les conseils généraux avec la dérive de l'ACTP, dont le premier objectif était, conformément à la loi de 1975, de venir en aide aux personnes handicapées, et non aux personnes âgées. Mais, compte tenu du vieillissement de la population, un nombre de plus en plus important de personnes âgées se sont trouvées en situation de dépendance et, inévitablement, les conseils généraux ont été confrontés à des demandes au titre de l'ACTP pour des personnes devenues dépendantes et handicapées.
C'est un fait que nous avons constaté, et il n'y a pas derrière cela d'arrière-pensées à caractère politique. C'est bien un état de fait, la constatation d'une situation qu'il fallait traiter à un moment donné et que le gouvernement de l'époque a tenté de prendre en compte. J'ai entendu MM. Fischer et Lagorsse ainsi que M. le ministre reprocher au gouvernement précédent, voire au Sénat, qui a été à l'origine de la proposition de loi, de ne pas avoir su apporter la vraie réponse en matière de prestation spécifique dépendance. Je ne referai pas l'histoire de cette loi, mais rappellerai simplement que, lorsque M. Teulade était ministre des affaires sociales et de l'intégration, ce dossier avait juste connu un début d'examen par l'Assemblée nationale. Puis, Mme Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations sous le gouvernement de M. Juppé, avait déposé un projet de loi sur la prestation autonomie - j'en avais été le rapporteur - projet qui avait fait l'objet d'une discussion générale ; mais, compte tenu de réactions à l'Assemblée nationale, les choses en étaient restées là.
La Haute Assemblée, considérant que les personnes âgées, les conseils généraux et les familles avaient attendu trop longtemps, a pris alors une initiative, en déposant une proposition de loi. La conjoncture économique et sociale de l'époque ne permettait pas d'aller aussi loin que nous l'aurions souhaité nous-mêmes, mais nous avions voulu apporter déjà un premier début de réponse à l'intention des personnes les plus lourdement dépendantes - celles qui se trouvent aux niveaux 1, 2 et 3 de la grille AGGIR, autonomie-gérontologie, groupes iso-ressources ainsi que des personnes les plus démunies en termes de revenus.
Ce sont exclusivement ces considérations qui ont guidé l'initiative de M. Fourcade, alors président de la commission des affaires sociales, de moi-même, deuxième cosignataire de cette proposition de loi ainsi que de nombreux collègues sénateurs. Ce n'était qu'un premier élément de réponse à la question de la prestation dépendance, modeste certes, et nous avions tous conscience - le rapporteur que j'étais l'avait dit à l'époque - que, le moment venu, lorsque les moyens de la nation le permettraient, il nous faudrait aller beaucoup plus loin et que cela devrait aboutir, à une date qu'il appartient encore au Gouvernement de fixer puisque c'est à lui que revient l'initiative, à une complète prestation autonomie.
Monsieur le ministre, je me réjouis de constater que le Gouvernement a pris de très nombreuses initiatives : vous avez notamment confié à Mme Guinchard-Kunstler une mission sur le sujet, et vous nous dites que de nombreux experts et spécialistes travaillent actuellement sur la place et la santé des retraités, sur les familles et sur l'habitat des personnes âgées. Voilà qui permettra d'apporter une réponse partielle à la situation des personnes âgées, mais pas à celles des personnes de moins de soixante ans atteintes de la maladie d'Alzheimer ou souffrant de troubles apparentés.
Vous nous dites également, monsieur le ministre, qu'une réflexion a été menée dans le cadre du rapport Hespel-Thierry. Vous voulez donc une réponse globale et vous attendez que cette dernière soit apportée avant d'accepter quelque initiative que ce soit, qu'elle soit d'origine parlementaire ou gouvernementale.
J'ai considéré, avec la plupart de nos collègues, qu'il était impossible de renvoyer à plus tard la prise de conscience nécessaire de la situation dans laquelle nous nous trouvions.
Nous sommes actuellement dans le même état d'esprit qu'au moment où nous avons déposé la proposition de loi sur la prestation spécifique dépendance. Cette proposition de loi n'a en effet pas la prétention d'apporter une réponse globale aux problèmes et de les traiter en totalité. Elle vise simplement à fournir un premier élément de réponse, de manière à donner quelque espoir aux familles, qui sont dans une situation que vous avez tous reconnue comme étant difficile, dramatique et éprouvante à la fois sur le plan psychique et psychologique, en apportant quelques aménagements à l'arsenal législatif existant.
Bien entendu, le moment venu, soit à la fin de l'année, après l'été ou au début de l'automne, il appartiendra effectivement au Gouvernement d'aller beaucoup plus loin, d'apporter une réponse globale aux personnes dépendantes en intégrant des mesures spécifiques - M. le ministre a bien voulu le souligner - en faveur des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
S'agissant de l'inadéquation de la réponse par rapport aux besoins, j'ai déjà répondu sur ce point : ce n'est bien évidemment qu'un début de réponse, et ce n'est que plus tard qu'il sera possible d'aller beaucoup plus loin sur le sujet.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments de réponse que je tenais à apporter à l'ensemble des intervenants sur la réflexion menée. (Applaudissements.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je crois que les choses sont claires. Je comprends l'état d'esprit qui anime les auteurs de cette proposition de loi, et je trouve tout à fait souhaitable que nous allions dans ce sens.
J'ai le sentiment - mais tout cela n'est pas un obstacle - que ce que nous avons mis en route, plus particulièrement le rapport qui nous sera remis en juin par Mme Guinchard-Kunstler, présente un aspect plus global car, comme vous l'avez souligné vous-même, monsieur le rapporteur, le financement de tout cela est très faible.
La critique que je répéterai avec le plus de force porte sur ce que recouvrent les affections apparentées. La maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique, les dépendances multiples sont-elles prises en compte ? Je crois que, si vous allez dans le bon sens, il faut le faire en allant l'amble, en étant véritablement conscients que le service de soins à domicile et d'aide aux aidants, la façon dont les auxiliaires de vie peuvent être multipliés, le problème de leur formation doivent être pris en compte.
Je suis tout à fait conscient de l'avancée que représente ce texte et de ses limites, que je soulignerai au moment de la discussion des articles.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DE L'AMÉLIORATION DE LA CONNAISSANCE
DU NOMBRE, DES BESOINS ET DES MODALITÉS
DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES
ATTEINTES DE LA MALADIE D'ALZHEIMER
ET DE TROUBLES APPARENTÉS

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif aux modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés.
« Ce rapport comporte notamment une estimation du nombre des personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés, un bilan de la capacité des unités de consultation et d'accueil en secteur hospitalier ainsi qu'une évaluation des besoins prévisibles en structures adaptées et personnels qualifiés pour les dix années suivantes.
« Ce rapport formule également des propositions en vue d'améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
M. Guy Fischer. Sur cet article, comme sur les suivants, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Roger Lagorsse. Le groupe socialiste fera de même.

(L'article 1er est adopté.)

TITRE II

DE LA FORMATION DES INTERVENANTS

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - La maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés constituent, en matière de formation médicale continue, un des thèmes nationaux prioritaires mentionnés au 1° de l'article L. 367-3 du code de la santé publique. »
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est opposé à cet article pour une raison très simple : les thèmes nationaux prioritaires de la formation continue des médecins, laquelle est bloquée depuis un certain temps, vont pouvoir être repris, j'espère, dès que le projet de loi portant diverses mesures d'ordre social pourra en débloquer les mécanismes, soit, je l'espère aussi, dans moins de deux mois.
Par conséquent, il importe de ne pas compliquer ce qui est déjà suffisamment délicat. A ce niveau, il faut faire attention à ne pas bloquer un mécanisme qui va se remettre en route.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Nous avons voulu dire, par cet article, que, d'une façon générale, la formation des médecins doit mieux prendre en compte ce type de problème.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Oui !
M. Jean Delaneau, président de la commission. La Constitution nous interdisant de nous mêler du contenu pédagogique des enseignements, nous ne pouvions qu'intervenir sur la formation médicale continue.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je le comprends !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Il s'agit donc d'un article prétexte !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je comprends très bien le prétexte. Je dis simplement que la formation médicale continue sera mise en route selon des mécanismes qui laisseront, je pense, un certain nombre de thèmes à la disposition du Gouvernement. Celui-ci en sera un, mais nous ne pouvons pas le préjuger.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Le deuxième alinéa de l'article 16 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance est complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette formation comprend, si la nature des tâches effectuées par le salarié le requiert, une partie consacrée à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés." »
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Sur ce point, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvons-nous espérer la sortie prochaine du décret concernant la formation des intervenants, prévu dans le texte de loi sur la prestation spécifique dépendance ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Comme le décret porte sur le contenu du rapport de Mme Guinchard-Kunstler, qui nous sera remis en juin, la parution du décret interviendra un peu après.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

TITRE III

DES DISPOSITIONS FINANCIÈRES

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - L'article 16 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 précitée est complétée in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Le plafond mentionné à l'alinéa précédent est doublé lorsque la personne allocataire de la prestation spécifique dépendance est atteinte de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés. »
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Une telle mesure paraît effectivement souhaitable pour améliorer le soutien à domicile de toutes les personnes ayant besoin, en complément d'aides humaines, d'aides techniques ou matérielles importantes.
Ces mesures concernent aussi bien les personnes atteintes de démence que d'autres pathologies, comme l'a dit tout à l'heure M. Lagorsse. Doubler ce plafond pour l'ensemble des bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance relève - je l'ai indiqué précédemment - non pas d'une mesure législative, mais d'une modification de l'article 11.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je prends acte de la volonté du Gouvernement de modifier le décret pour doubler le taux, afin de passer de 10 % à 20 %. Qui peut le plus peut le moins ! Nous attendons avec intérêt cette modification, qui permettra d'élargir le bénéfice de la prestation à l'ensemble des personnes dépendantes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 4.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, comme sur les autres articles, je m'abstiendrai.
Cet article concerne un aspect financier. Ce que l'on peut regretter, c'est que, au décès du malade, toute succession supérieure à 300 000 francs donnera lieu à récupération. Compte tenu de tout ce qu'aura vécu la famille du défunt, c'est navrant.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Dans le premier alinéa de l'article 199 quindecies du code général des impôts, après les mots : "âgé de plus de soixante-dix ans", sont insérés les mots : "ou atteint de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés et remplissant la condition de degré de dépendance prévue à l'article 2 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997". »
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Compte tenu de l'état d'esprit qui vous anime, il me semble que cette mesure, eu égard à son caractère fiscal, relève du projet de loi de finances pour l'an 2000. Je pense - je le répète ici - que cette disposition ne devrait pas concerner la seule maladie d'Alzheimer.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Dans la dernière phrase du troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, après les mots : "mentionnés au 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale", sont insérés les mots : "ou atteints de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés et remplissant la condition de degré de dépendance prévue à l'article 2 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997" et, après les mots : "mentionnée au 3° dudit article", sont insérés les mots : "ou atteinte de telles affections et remplissant ladite condition de degré de dépendance". » - (Adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - Les pertes de recettes résultant des dispositions de la présente loi sont compensées par une majoration à due concurrence des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. » M. Michel Caldaguès. Cet article devrait faire plaisir à M. le secrétaire d'Etat !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai, sur ce point, que j'ai déjà fait suffisamment d'efforts sur le tabac pour vous souhaiter bonne chance ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Intitulé



M. le président.
La commission propose de rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi tendant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales, je donne la parole à M. Caldaguès, pour explication de vote.
M. Michel Caldaguès. Il nous faut savoir gré à notre collègue, mon ami Alain Vasselle, d'avoir déposé ce texte, et à la commission des affaires sociales et à son président de l'avoir utilement épaulé.
Bien entendu, cette proposition de loi ne va pas tout résoudre. A les entendre, certains considèrent que l'on peut refaire le monde d'un seul coup. En attendant, ils ne sont pas très pressés. Pour ma part, je considère que le refaire un peu tous les jours n'est pas si mal que cela. Et élargir le débat, c'est s'épargner la difficulté et la peine de faire un peu son devoir tous les jours.
A tout le moins, cette proposition va d'abord favoriser une prise de conscience accentuée, car la sous-estimation de cette maladie et de sa spécificité dans l'opinion publique - et même au Parlement - est, à mon sens, absolument dramatique.
Si tous les membres de la Haute Assemblée avaient vu de près la maladie d'Alzheimer, il n'y aurait pas beaucoup de sièges vides, ce soir, dans notre hémicycle, on n'enregistrerait guère d'abstentions et on n'aurait pas entendu les propos que nous avons un peu trop entendus, à mon avis, au cours de la présente discussion : à ceux qui considèrent que, après tout, nous ne sommes pas si pressés que cela, je réponds que, au contraire, nous sommes très pressés ! C'est un pas de plus que nous allons accomplir ce soir, et ce pas de plus est indispensable.
A mon sens, il faut insister, dans l'ordre des priorités, sur les structures d'accueil de jour qui permettent de garder le malade aussi longtemps que possible dans son milieu familial. Comme on l'a déjà dit, c'est extrêmement souhaitable, car lorsqu'on le retire de son milieu habituel c'est déjà une première mort.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez utilisé une expression tragique : « mort sans cadavre ». Je ne peux accepter une telle expression, parce que, jusqu'au dernier moment ou presque, il reste toujours des lueurs épisodiques, de plus en plus espacées mais familières à ceux qui les observent, qui attestent que le malade a, par éclairs, conscience de son état. Ces lueurs de lucidité sont autant de coups de poignard pour ceux qui observent la souffrance du malade, qui n'est pas encore un cadavre et qui le sait !
La route de la lutte contre ce terrible fléau, contre ce fléau spécifique - il faut y insister - sera longue : elle le sera du point de vue scientifique, elle le sera du point de vue social, elle le sera du point de vue financier. Alors, ne perdons pas de temps : avançons !
Voilà pourquoi il faut voter ce texte. (Applaudissements.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. J'ai écouté avec émotion notre collègue Michel Caldaguès, d'autant que j'ai moi-même vécu les moments terribles qu'il décrit. Cela étant, je ne peux accepter que l'on considère notre abstention comme un manque de volonté ou de conviction.
Je crois que, au sein de la commission, et le rapport en fait foi, j'ai été très clair quant à notre démarche et à notre appréciation de la situation. Certes, il faut faire avancer les choses : on ne va pas reprendre les débats sur la prestation d'autonomie ! Mais, chaque jour, nous franchissons des bornes, même si - et nous en sommes convaincus - dans ce monde où la durée de vie s'allonge les établissements sont quasi inexistants et les personnels peu formés.
Cela étant, vous savez fort bien, monsieur Caldaguès, que trouver des personnels susceptibles de se rendre à domicile pour s'occuper d'une personne touchée par la maladie d'Alzheimer est très difficile, voire impossible : seules existent quelques associations spécialisées.
A travers notre abstention, nous voulons donc témoigner de la réalité de la situation qui est faite aux hôpitaux. Dans ce domaine, il faudra certainement aller plus vite, et il faudra dégager plus de moyens.
Quoi qu'il en soit, soyez persuadés, mes chers collègues, que le groupe communiste républicain et citoyen est très attaché à ce que de tels problèmes soient pris en compte par notre assemblée et traités par notre commission des affaires sociales.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du report de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 210.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je veux simplement préciser une dernière fois, après avoir entendu M. Fischer, M. Lagorsse et vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, quel est l'esprit qui anime le Gouvernement.
Je vous remercie de ce débat de grande qualité et je vous remercie, monsieur le rapporteur, du travail, également de grande qualité, que vous avez effectué.
Nous pourrons sans doute disposer dans quelques mois de plus d'éléments concernant la dépendance, et les maladies neurodégénératives en particulier. Je ne sais pas quand l'examen de cette proposition de loi sera inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, mais je pense que nous disposerons alors de ces éléments et nous verrons bien, alors, comment nous pourrons conjuguer nos efforts pour faire progresser ce dossier.
Quoi qu'il en soit, s'agissant des structures de prise en charge et des personnels, nous partageons tous le même sentiment : dans notre pays, les manques sont criants à cet égard. L'effort doit donc être considérable. La présente proposition de loi - mais tel n'était pas son objet, je le sais bien, monsieur le rapporteur - est demeurée muette sur ce point, mais nous tenterons, tous ensemble, de dégager des moyens.
Vous savez très bien, au demeurant, que les petites structures conviennent mieux, que les grandes sont trop pesantes et que, pour ce qui concerne les personnels, la tâche est écrasante.
Quant au malheur des familles, nous n'allons pas engager sur ce point une compétition : nous avons tous, hélas ! - et cela prouve l'étendue du mal - des expériences personnelles en la matière.
Je vous remercie, en tout cas, d'avoir suscité ce débat. (Applaudissements.)

7

DÉPÔTS DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 171, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 172, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 173, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Dublin le 27 septembre 1996.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 174, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 29 novembre 1996.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 175, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du deuxième protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 176, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3, paragraphe 2, point c , du traité sur l'Union européenne relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, faite à Bruxelles le 26 mai 1997.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 177, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 178, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 179, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Georges Gruillot, Louis Althapé, Jean-Paul Amoudry, Paul Blanc, Gérard Braun, Jean-Paul Emin, Jean Faure, Bernard Fournier, Louis Grillot, Pierre Hérisson, André Jourdain, Marcel Lesbros, Paul Natali, Louis-Ferdinand de Rocca Serra et Guy Vissac, une proposition de loi tendant à modifier les articles L. 145-3 et L. 145-7 du code de l'urbanisme.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 181, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 145, 1998-1999).
- le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 146, 1998-1999).

Le rapport sera imprimé sous le n° 180 et distribué.10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 février 1999, à neuf heures trente, à seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 18, 1998-1999) d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence.
Rapport n° 129 (1998-1999) de M. Michel Souplet, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis n° 132 (1998-1999) de M. Albert Vecten, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis n° 151 (1998-1999) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 146, 1998-1999),
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 145, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 2 février 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi : mardi 2 février 1999, à dix-sept heures,
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945, relative aux spectacles (n° 512, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 février 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans (n° 114, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 février 1999, à dix-sept heures,
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Normes de surface en hébergement collectif
pour personnes âgées

436. - 28 janvier 1999. - M. Jean-Claude Peyronnet appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'amélioration des conditions d'accueil des personnes âgées dans les établissements d'hébergement et notamment sur la clarification de la réglementation applicable en matière de surface des chambres. En principe, il n'existe pas de norme obligatoire concernant ces surfaces. Mais certains responsables d'établissement ont malgré tout recours à cette notion. Ils y sont invités par deux documents ; d'une part la circulaire de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) du 24 juillet 1997 qui exclut du financement préférentiel les chambres d'une surface inférieure à 20 mètres carrés et, d'autre part, le projet d'arrêté fixant le contenu du cahier des charges de la convention pluriannuelle tripartite prévu dans le cadre de la réforme de la tarification des établissements qui fait état de recommandations minimales de surface : 18 à 22 mètres carrés pour les constructions neuves ou rénovations lourdes et 16 à 20 mètres carrés pour les chambres n'ayant pas fait l'objet de rénovation. C'est pourquoi il attire l'attention du Gouvernement afin de lui demander de clarifier les choses à partir des questions suivantes : 1°) Sera-t-il possible de conventionner durablement avec des établissements dont la surface des chambres sera comprise entre 16 et 20 mètres carrés ? 2°) Qu'entend-on précisément par rénovation lourde ? 3°) Peut-on parler d'humanisation dès lors que la surface des chambres reste inférieure aux recommandations ? Il serait opportun de clarifier deux orientations : la première est qu'il est difficilement acceptable que des établissements en bon état ayant un quart de siècle soient totalement « désossés » pour en agrandir les chambres au prix d'une augmentation du prix de journée exorbitante, difficilement supportable par l'usager ; la deuxième est qu'on ne peut ramener l'humanisation à une simple question de surface, l'essentiel devant être la qualité de l'accueil et de la prise en charge par les personnes de l'établissement. Son avis sera précieux sur tous ces points actuellement en débat.

Calcul de l'aide sociale pour la prise en charge
de l'hébergement des adultes handicapés

437. - 28 janvier 1999. - M. Alain Gournac appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, relatives aux demandes d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement formulée par des adultes handicapés, titulaires de capitaux placés importants. La difficulté porte sur l'impossibilité d'appréhender les revenus procurés par le capital placé des bénéficiaires de l'aide sociale, au titre de leur participation à leurs frais d'hébergement, dès lors que les familles ou représentants légaux ont judicieusement placé les produits financiers. En raison de la recapitalisation immédiate des intérêts, ceux-ci échappent à la production des revenus susceptibles d'être intégrés dans le calcul de la contribution du postulant à l'aide sociale. Les contrats d'assurance-vie souscrits en faveur des personnes handicapées échappent également au dispositif réglementaire. La législation en vigueur, adoptée depuis plus de vingt ans, ne semble plus sur le plan financier correspondre aux réalités d'aujourd'hui. Le caractère subsidiaire de l'aide n'est à l'évidence plus respecté, et ce, au détriment d'actions qui pourraient être menées dans le domaine de l'action sociale, notamment pour les adultes handicapés (participation aux frais de transport, de matériel adapté au handicap non pris en charge par la sécurité sociale...). Il souhaiterait que ce problème soit étudié et que soient apportées au dispositif les modifications réglementaires nécessaires.