Séance du 19 janvier 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'anciens sénateurs (p. 1 ).

3. Désignation d'un sénateur en mission (p. 2 ).

4. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 3 ).

5. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 4 ).

6. Organisme extraparlementaire (p. 5 ).

7. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 6 ).

8. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 7 ).

9. Questions orales sans débat (p. 8 ).

EFFETS DES DÉLINÉATEURS
SUR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE (p. 9 )

Question de Mme Anne Heinis. - M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Mme Anne Heinis.

DISTORSIONS DE CONCURRENCE
DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS (p. 10 )

Question de M. Philippe Richert. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Philippe Richert.

PROLONGEMENT DE LA LIGNE DE TRAMWAY N° 1
ENTRE BOBIGNY ET LA GARE DE NOISY-LE-SEC (p. 11 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Christian Demuynck.

CALENDRIER DE RÉALISATION
DU TGV PERPIGNAN-BARCELONE (p. 12 )

Question de M. Roland Courteau. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Roland Courteau.

CONSTRUCTION DE L'AUTOROUTE A 89
BORDEAUX - CLERMONT-FERRAND (p. 13 )

Question de M. Xavier Darcos. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Xavier Darcos.

DÉSENCLAVEMENT DU LIMOUSIN (p. 14 )

Question de M. Georges Mouly. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Georges Mouly.

AVENIR DES JEUNES
BÉNÉFICIANT D'UN REPORT D'INCORPORATION (p. 15 )

Question de M. Daniel Eckenspieller. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Daniel Eckenspieller.

RÉFORME DES HEURES COMPLÉMENTAIRES
DES ENSEIGNANTS (p. 16 )

Question de M. Bernard Murat. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat au anciens combattants ; Bernard Murat.

CRÉATION D'UN BTS AQUACOLE
AU LYCÉE AGRICOLE DE CHÂTEAU-CHINON (p. 17 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; René-Pierre Signé.

SITUATION DES MÉDECINS RAPATRIÉS D'ALGÉRIE
AU REGARD DE L'ASSURANCE VIEILLESSE (p. 18 )

Question de M. Francis Giraud. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; Francis Giraud.

SYSTÈME DE PERCEPTION DU SUPPLÉMENT
DE LOYER DE SOLIDARITÉ (p. 19 )

Question de M. Patrick Lassourd. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Patrick Lassourd.

RÉCIPROCITÉ ET RESPECT DES ACCORDS BILATÉRAUX
EN CÔTE D'IVOIRE (p. 20 )

Question de M. Hubert Durand-Chastel. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Hubert Durand-Chastel.

DEVENIR DU CENTRE NATIONAL D'ÉTUDES
DES TÉLÉCOMMUNICATIONS (p. 21 )

Question de M. Michel Duffour. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Michel Duffour.

RÉGIME FISCAL DES ÉTABLISSEMENTS
D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉS (p. 22 )

Question de M. Jean-Paul Hugot. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Jean-Paul Hugot.

RÉGIME FISCAL DES ASSOCIATIONS
ORGANISATRICES DE SPECTACLES (p. 23 )

Question de M. Alain Dufaut. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Alain Dufaut.

PRÉLÈVEMENT DE LA TAXE D'HABITATION (p. 24 )

Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Franck Sérusclat.

SUPPRESSION DES VENTES HORS TAXES (p. 25 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

MISE EN OEUVRE DE L'INSTRUCTION
BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE M 14 (p. 26 )

Question de M. Nicolas About. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Nicolas About.

Suspension et reprise de la séance (p. 27 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

10. Voeux de M. le président (p. 28 ).
MM. le président, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

11. Conférence des présidents (p. 29 ).

12. Loi d'orientation agricole. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 30 ).
Discussion générale : M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Mme Christiane Lambert, rapporteur de la section de l'agriculture et de l'alimentation du Conseil économique et social ; Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques ; Michel Souplet, rapporteur de la commission des affaires économiques.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Gérard Le Cam, Jean-Marc Pastor, Jean Huchon, Jean-Paul Emorine.
Renvoi de la suite de la discussion.

13. Dépôt d'une question orale avec débat portant sur des sujets européens (p. 31 ).

14. Dépôt de rapports (p. 32 ).

15. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 décembre 1998 (p. 33 ).

16. Ordre du jour (p. 34 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du 22 décembre 1998 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS

M. le président. J'ai le regret de faire part au Sénat du décès de nos anciens collègues M'Hamet Kheirate, qui fut sénateur de Mostaganem-Thiaret de 1959 à 1962, et Jean de Lachomette, qui fut sénateur de la Haute-Loire de 1948 à 1974.

3

DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 18 janvier 1999.

« Monsieur le président,
« J'ai décidé de placer Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sénatrice, en mission temporaire auprès de la ministre de l'emploi et de la solidarité et du ministre des affaires étrangères.
« Je tenais à vous faire part de cette décision, qui est prise dans le cadre des dispositions des articles LO 144 et LO 297 du code électoral et qui fera l'objet d'un décret publié incessamment au Journal officiel.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Signé : Lionel Jospin ».

Acte est donné de cette communication.

4

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel :
- par lettre en date du 30 décembre 1998, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1999 et de la loi de finances rectificative pour 1998 ;
- par lettre en date du 14 janvier 1999, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au Journal officiel, édition des lois et décrets.

5

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1998, en application de l'article 54 de la Constitution, par M. le Président de la République et M. le Premier ministre, du traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

6

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'orientation du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, en remplacement de M. Michel Pelchat, démissionnaire.
En conséquence, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter un candidat.
La nomination du sénateur appelé à siéger au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

7

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- en application de l'article 18 de la loi de finances pour 1998, le rapport sur le bilan de l'application du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer ;
- le rapport établi en application de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement sur le fonctionnement pour l'année 1997 du Fonds de modernisation de la gestion des déchets ;
- le rapport du comité national de la coordination gérontologique établi en application de l'article 1er de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance ;
- le rapport annuel d'information sur la protection et le contrôle des matières nucléaires pour l'année 1997, établi en application de l'article 10 de la loi n° 80-572 du 25 juillet 1980.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

8

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du conseil de surveillance et de M. le président du directoire du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance, en application de l'article 5 de la loi n° 91-635 du 10 juillet 1991, le rapport d'activité du groupe Caisse d'épargne pour l'exercice 1997.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

9

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

effets des délinéateurs sur la sécurité routière

M. le président. La parole est à Mme Heinis, auteur de la question n° 353, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Anne Heinis. Monsieur le ministre des transports, ma question porte sur l'implantation de délinéateurs le long de la RN 13, qui relie Paris à la Normandie.
Ces délinéateurs sont des balises munies de dispositifs réfléchissant blancs ; placés le long des routes, ils en matérialisent le tracé.
A une époque, ces équipements ont été installés de façon relativement systématique ; puis ils ont été supprimés, notamment dans certains départements. Il semble donc qu'il y ait une controverse à leur sujet.
Les services de la direction départementale de l'équipement, que nous avons interrogés, ont répondu que, si ces délinéateurs amélioraient le confort des usagers, notamment par temps de pluie ou de brouillard, ils favorisaient également une vitesse plus élevée et pouvaient donc avoir des effets globalement négatifs sur la sécurité, alors que, de plus, leur maintenance engendre des contraintes et des coûts.
Nombreux sont les usagers qui ne sont pas de cet avis. Estimant, au contraire, que ces équipements améliorent la sécurité la nuit - ce qui est d'ailleurs exact - par temps de pluie ou de brouillard, en particulier sur des sections de routes considérées comme dangereuses, ils m'ont envoyé une pétition.
Au moment où de nombreux projets - très coûteux - sont à l'étude pour diminuer le nombre d'accidents mortels, pouvez-vous, monsieur le ministre, pour nous aider à trancher, nous donner votre avis sur cette question et nous dire si des études sérieuses ont bien été menées pour apprécier l'effet réel de ces délinéateurs sur la sécurité routière ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame la sénatrice, l'implantation de délinéateurs, ces petits poteaux verticaux disposés régulièrement le long de la voie et censés améliorer la sécurité routière, a effectivement fait l'objet, en 1978, de textes de recommandation figurant dans des guides techniques.
Ainsi, ces équipements ont effectivement été installés de façon systématique le long de plusieurs routes nationales après 1980, notamment le long de la RN 13, qui vous intéresse plus particulièrement.
En 1992, un bilan de leur utilisation a été effectué. Les services compétents de mon ministère, le SETRA - service d'études techniques des routes et autoroutes - et le CERTU - centre d'études avec les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques - en ont publié les résultats dans l'ouvrage Sécurité des routes et des rues, qui fait référence en matière d'équipement et d'aménagement de la voirie routière.
Il est alors apparu que l'utilisation, sur les routes, d'équipements de guidage visuel en continu, tels que les délinéateurs, n'était, en général, pas souhaitable. En effet, si les délinéateurs améliorent le confort des usagers - cela explique, d'ailleurs, les réactions dont vous avez fait état - notamment la nuit par temps de pluie ou de brouillard, l'excès de confiance qu'ils engendrent favorise souvent une vitesse plus élevée, alors que la vitesse est la première cause d'accidents de la route dans notre pays.
Ils peuvent donc avoir des effets globalement négatifs sur la sécurité. De plus, leur maintenance entraîne des contraintes et des coûts de fonctionnement supplémentaires, notamment au moment du fauchage des accotements.
Les délinéateurs peuvent cependant être intéressants dans des zones « chahutées », comme les zones de montagne, qui sont peu propices à des vitesses élevées.
Il est donc maintenant conseillé aux directions départementales de l'équipement de traiter de manière homogène les itinéraires sur les routes nationales.
Il leur est recommandé de concentrer leur efforts sur la qualité de la signalisation horizontale, au sol, avec la mise en oeuvre de marquages routiers performants et bien entretenus, sur l'amélioration de la signalisation des points singuliers de l'itinéraire, comme les virages ou les carrefours, et sur le traitement des accotements de la route.
Je souhaite conclure sur ce point en vous indiquant, madame Heinis, que les déposes de délinéateurs réalisées à ce jour par des directions départementales de l'équipement non seulement n'ont fait apparaître aucune dégradation de la sécurité, mais ont même plutôt contribué à une amélioration, en raison d'une diminution de la gravité des accidents.
Mme Anne Heinis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Certes, l'entretien des bermes n'est pas chose facile : il faut démonter les poteaux pour procéder au fauchage, etc. Mais cet argument, qui a pesé dans la balance, ne me semble toutefois pas fondé.
Cela étant, je partage tout à fait votre souci d'homogénéiser la signalisation sur les routes ; c'est très important et il faut sans cesse attirer l'attention de la DDE sur ce point.
Lorsque j'avais la responsabilité d'une ville et que je demandais des améliorations, maintes fois il m'a été répondu que la réglementation s'y opposait et que, de toute façon, il n'était pas possible de donner suite à ma demande compte tenu des obstacles à surmonter. Mais, deux ans plus tard, sans que je réitère ma demande, tout d'un coup - et je m'en réjouissais - c'était devenu possible !
Il faut donc demander aux services de l'équipement d'avoir un dialogue plus constructif avec les usagers ; c'est probablement la meilleure façon de progresser.
Je vous remercie de bien vouloir entendre ce message, monsieur le ministre.

DISTORSIONS DE CONCURRENCE
DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS

M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 372, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Philippe Richert. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les importantes distorsions de concurrence existant au sein de l'Union européenne dans le domaine du transport de voyageurs, du fait des législations sociales, fiscales et techniques très disparates d'un pays de l'Union à l'autre.
Ainsi, tandis qu'en France la journée de travail ne peut excéder douze heures, aucune limite de temps n'est prévue dans le règlement social européen. Cela peut signifier pour nos transporteurs l'obligation d'avoir deux conducteurs quand d'autres, pour le même trajet, n'ont recours qu'à un seul chauffeur.
Dans un autre registre, la longueur maximale des véhicules en France est de 12 mètres, alors qu'elle est de 15 mètres en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
Enfin, les transporteurs français effectuant des voyages en Allemagne sont tenus d'acquitter une taxe sur la valeur ajoutée de 16 %, alors que les transporteurs allemands sont exonérés de la TVA française lors de leur passage sur notre territoire.
Ces disparités, combinées à de nombreuses autres, pénalisent lourdement les transporteurs français par rapport à leurs homologues européens et, en particulier, les sociétés de transports des régions frontalières, comme l'Alsace.
Alors que le marché unique en matière de transport routier est entré en vigueur le 1er juillet dernier, permettant aux transporteurs européens de répondre aux appels d'offres des collectivités partout au sein de l'Union européenne, les compagnies de transport de voyageurs allemandes peuvent proposer des prix très compétitifs par rapport à ceux qui sont pratiqués par leurs collègues français.
Il leur est d'autant plus facile d'afficher des tarifs aussi bas que le Gouvernement allemand leur verse des subventions d'un montant de 160 000 deutsche Marks, soit 540 000 francs, lorsqu'elles assurent des transports réguliers ou scolaires.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, si ces problèmes de distorsions de concurrence, spécifiques au transport routier de voyageurs dans les zones transfrontalières - qui sont réels et peuvent engendrer des préjudices graves - sont pris en compte dans le cadre des négociations menées actuellement au niveau communautaire et visant à harmoniser les législations des pays de l'Union européenne en matière de transport routier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer que le Gouvernement a le souci de l'harmonisation des conditions de concurrence dans le domaine du transport routier, qu'il soit d'ailleurs de voyageurs ou de marchandises, et pas seulement dans les zones transfrontalières, même si elles sont naturellement plus exposées aux distorsions de concurrence : aucune réunion des ministres européens des transports ne se passe sans que j'intervienne sur ce point.
Avec les professionnels du transport, la France défend le principe d'une harmonisation par le haut des règles sociales et de sécurité à l'échelle européenne, ce qui aurait dû constituer un élément indissociable de la construction du Marché unique et de la libéralisation dans les transports routiers.
Il est indispensable, pour garantir l'équité de la concurrence, renforcer la sécurité routière, améliorer les conditions de travail et de vie des conducteurs, favoriser la qualité de service et développer l'emploi, que les règles de concurrence soient loyales et jouent normalement.
Cette harmonisation doit nécessairement englober trois aspects : une législation communautaire sur la durée du travail dans les transports routiers, une législation communautaire sur l'institution d'une formation professionnelle initiale et continue des conducteurs routiers et une harmonisation des contrôles et des sanctions. La France a d'ailleurs présenté ses propositions lors du conseil des ministres européens des transports de décembre 1997, soit après le conflit qui a eu lieu dans notre pays, et elles ont été formalisées dans un mémorandum.
Un nouveau règlement n° 2135-98 concernant l'appareil de contrôle électronique appelé à se substituer à l'actuel chronotachygraphe, longtemps attendu et demandé par la France, a été publié le 24 septembre 1998. Il va permettre d'améliorer l'efficacité des contrôles.
De même, à la suite du mémorandum, il convient de se féliciter que la Commission ait adopté le 18 novembre dernier un projet de directive sur le temps de travail, qui va pouvoir maintenant être discuté par le conseil des ministres européens.
La réglementation française prévoit actuellement, comme vous le soulignez, une longueur maximale de 12 mètres pour les autocars. Cette longueur est inférieure à la longueur maximale autorisée dans un certain nombre d'autres pays européens.
Je tiens cependant à vous préciser que cette réglementation, qui figure dans le code de la route, s'applique à tous les véhicules circulants en France, et cela quelle que soit leur nationalité. Comme dans d'autres domaines, cette disposition peut néanmoins être amenée à évoluer en fonction des changements possibles de la réglementation européenne.
En ce qui concerne les taux de TVA, vous savez qu'ils sont différents d'un Etat membre à l'autre. Cela ne conduit cependant pas à une distorsion des conditions de concurrence dans la mesure où, pour une même prestation dans un Etat donné, tous les transporteurs, quelle que soit leur nationalité, doivent acquitter la même TVA. Je peux en particulier vous confirmer que les transporteurs allemands qui exécutent un transport en France ne sont pas plus exonérés de TVA que les transporteurs français qui exécutent la même prestation.
Les ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne s'efforcent d'éviter que les législations des pays membres soient contournées. Il s'agit d'une tâche compliquée, vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur. Croyez que nous travaillons non seulement à l'harmonisation sociale, mais également à l'harmonisation des législations fiscales des pays membres, et donc à celle des taux de TVA.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je vous remercie, monsieur le ministre, de reconnaître l'importance de ce dossier.
Vous savez qu'incombe aux collectivités, en particulier aux départements, la responsabilité des transports scolaires.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh oui !
M. Philippe Richert. Or, s'agissant des transports scolaires dans les régions frontalières, se pose très directement la question de la concurrence. En effet, aujourd'hui, les transporteurs de tous les pays membres de l'Union européenne peuvent, en principe, participer aux appels d'offres et les conditions offertes par certains pays voisins à leurs transporteurs permettent à ces derniers de proposer des prix qui se révèlent excessivement intéressants par rapport à ceux que peuvent pratiquer les transporteurs français.
Je ne voudrais pas que, lors des prochaines adjudications, nous soyons trop souvent obligés d'écarter les transporteurs français en raison des critères imposés par la France, qui sont bien plus lourds, bien plus drastiques que ceux qui sont imposés par nos voisins allemands, par exemple, à leurs propres transporteurs.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de l'attention que vous portez à cette affaire. Je souhaiterais, bien entendu, que les négociations au niveau européen - car c'est bien là que les choses se passent - puissent aboutir le plus rapidement possible, et ce d'autant que nos voisins allemands, par exemple, peuvent accorder des subventions importantes aux entreprises qui, en Allemagne, font du transport scolaire.
Je vous remercie encore de votre attention, monsieur le ministre, et j'espère que nous aurons très prochainement l'occasion d'enregistrer un accord.

PROLONGEMENT DE LA LIGNE DE TRAMWAY N° 1
ENTRE BOBIGNY ET LA GARE DE NOISY-LE-SEC

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 374, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, le projet de prolongement de la ligne de tramway n° 1 de Bobigny jusqu'à la gare de Noisy-le-Sec est toujours bloqué, faute de majorité au conseil régional permettant d'octroyer les crédits nécessaires aux travaux. En fait, si toutes les parties prenantes, sans exception, sont favorables au prolongement de la ligne du tramway, le choix retenu suscite de nombreuses réserves.
Il subsiste, en effet, un contentieux majeur sur la définition du tracé, tant à Bobigny, avant le pont de Bondy, qu'à Noisy-le-Sec, depuis la traversée de la RN 3 jusqu'à la gare. Ce contentieux résulte d'une insuffisance de l'écoute accordée aux Noiséens et aux Balbyniens. Ceux-ci ont pourtant réalisé avec l'ADRAGAN, association qu'ils ont créée, et l'appui d'experts un contre-tracé moins cher et validé sur le plan technique par la RATP, la DDE et le STP.
Il est à noter qu'une majorité de conseillers régionaux, dont Jean-Luc Roméro, élu de Seine-Saint-Denis et par ailleurs conseiller municipal de Bobigny, ainsi qu'Olivier Deleu, conseiller municipal de Noisy-le-Sec, ont pris position contre le tracé initial, comme d'ailleurs le groupe des Verts de la mandature précédente par la voix d'un de ses représentants, M. Christian Feuillet, aujourd'hui vice-président.
Je tiens aussi à exprimer la crainte d'une centaine d'employés d'entreprises concernées par les conséquences du projet actuel sur leurs installations, ou encore de petits commerçants situés avenue Gallieni.
Cette inquiétude économique est à ajouter à celle de plusieurs dizaines de familles concernées par la démolition de leur pavillon, donc leur expropriation.
C'est pourquoi le projet de l'ADRAGAN prévoit, lui, le passage du tramway par la cité de la Sablière, ce qui permettrait de désenclaver ce quartier, écarté de la vie locale.
La solution réside, comme je l'ai déjà précisé, dans la concertation avec l'ensemble des parties concernées.
Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, quelle est la position de l'Etat sur ce dossier, afin de rassurer les différentes parties concernées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, les projets permettant d'améliorer les déplacements de banlieue à banlieue doivent, selon moi, être désormais prioritaires, notamment en Ile-de-France, car ils répondent à un besoin très important qui n'a pas été suffisamment satisfait dans le passé.
Dans l'avenir, les déplacements de banlieue à banlieue devraient augmenter de 40 %, alors que, dans Paris intra-muros, ils devraient rester stables. Il faut donc développer ces rocades.
La ligne de tramway n° 1, qui permet déjà de relier Saint-Denis à Bobigny et qui fait la preuve de son efficacité - comme, d'ailleurs, celle du Val-de-Seine - et ce dans d'excellentes conditions de rentabilité et de confort, a permis une intéressante opération de requalification urbaine des quartiers et des villes traversés. Pourtant, lors de son lancement - mais vous connaissez la situation, puisque vous êtes élu de Seine-Saint-Denis ! - certains s'y étaient opposés, avec les mêmes arguments, parfois, qu'aujourd'hui. Cette ligne connaît un grand succès, supérieur à toutes les prévisions, ce qui justifie le projet de son prolongement jusqu'à la gare de Noisy-le-Sec.
Ce projet a fait l'objet d'études très complètes et a été soumis à une enquête publique. Ont été présentées toutes les variantes envisagées, dont celle que vous avez signalée, monsieur le sénateur, et les raisons pour lesquelles elles n'avaient pas été retenues. Après un débat qui s'est déroulé dans la transparence - chacun a pu exprimer son point de vue - la commission d'enquête a donné un avis favorable à la déclaration d'utilité publique, que j'ai donc transmise le 25 novembre dernier au Conseil d'Etat.
Ainsi que vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, les choses sont parfaitement claires en ce qui concerne l'Etat. Celui-ci a fait preuve de célérité et a pris toutes les responsabilités qui, à ce stade, étaient les siennes.
A l'heure où le contrat de plan Etat-région va être débattu, je suis persuadé que les autres partenaires susceptibles d'intervenir dans la réalisation de cette opération prendront également leurs responsabilités car ce projet est attendu par les usagers et répond à un réel besoin.
Vous savez peut-être, monsieur le sénateur, que la commission des transports du conseil régional d'Ile-de-France a voté voilà peu 56 millions de francs pour la réalisation de ce projet.
Je ne dis pas que le problème est résolu ; mais, puisque vous avez rappelé le désaccord des Verts, je tiens à souligner que, en l'occurrence, les représentants des partis de la majorité ont voté favorablement et que ce projet doit être soumis à la commission permanente, qui doit se réunir jeudi prochain.
Je veux enfin attirer votre attention, monsieur le sénateur, sur la volonté de tous, élus locaux et responsables de la RATP, de choisir le meilleur projet et de tenir compte des problèmes qui pouvaient apparaître.
Il serait regrettable que ce projet ne soit pas réalisé, d'autant que les obstacles me semblent aujourd'hui surmontés.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, il est certain que, comme vous, je suis attaché au développement des transports de banlieue à banlieue et que je considère que ce projet est tout à fait prioritaire.
Vous avez évoqué l'enquête publique et le rapport d'enquête. Cela me permet de relever que le projet est considéré comme valable ou non quel que soit l'avis de la population.
Aucun des acteurs locaux, pas même les membres de l'association que j'ai évoquée, n'a été associé à l'enquête ou même consulté.
Tout le monde étant favorable à ce projet, la seule difficulté portant sur le trajet, il serait souhaitable de consulter très rapidement tous les acteurs concernés.

CALENDRIER DE RÉALISATION
DU TGV PERPIGNAN-BARCELONE

M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 377 adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Roland Courteau. Sur l'axe européen Londres - Paris - Barcelone - Madrid la réalisation de la section à grande vitesse Nîmes - Montpellier - Narbonne - Perpignan - Barcelone est particulièrement urgente.
Pour des raisons économiques, de protection de l'environnement ou de saturation des axes ferroviaires, routiers et autoroutiers, mieux vaut une ligne à grande vitesse que le doublement de l'autoroute.
Pour la première phase, Perpignan - Figueras, c'est bien parti ; pour la deuxième phase, Nîmes - Montpellier - Narbonne - Perpignan, il n'en est pas de même. Pourtant, monsieur le ministre, ces deux phases sont liées, sinon inséparables.
Monsieur le ministre, confirmez-vous la mise en place de la section internationale Figueras - Perpignan pour 2004 ? Dans quel délai sera pris l'arrêté du lancement de la déclaration d'utilité publique. Le cahier des charges sera-t-il défini rapidement et le concessionnaire désigné durant l'année 1999 ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, concernant la première phase, je relève que, simultanément à la réalisation de cette section, le contournement de Nîmes et de Montpellier s'impose. Le niveau de saturation du réseau y atteint en effet un palier difficilement compatible avec un service de qualité. Il sera d'ailleurs plus élevé encore avec la mise en service de la section Perpignan - Figueras.
Concernant la deuxième phase, l'axe Montpellier-Perpignan, lors du sommet de La Rochelle, les ministres français et espagnols sont convenus d'accélérer les procédures. Or, seules les études d'APS ont été réalisées et approuvées en 1995. Et depuis, plus rien.
L'urgence commande de réduire la bande des 500 mètres sur laquelle tous les projets sont gelés, qu'il s'agisse de construction, d'extension, de vente, etc.
De plus, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur le fait que les arrêtés portant sur les périmètres d'études seront respectivement caducs en l'an 2000, 2001 et 2002. Il importe donc d'aller de l'avant.
Je rappelle la préférence des conseils généraux concernés pour la mise en place de la DUP. Je rappelle à ce titre que la réalisation de la ligne à grande vitesse Montpellier - Narbonne - Perpignan est rendue urgente par le haut niveau de saturation qui sera atteint dès 2010.
La réalisation de cette ligne conditionne de surcroît, par son raccordement, à Narbonne au réseau existant, la réalisation de la transversale Grand Sud, vers Toulouse et la région Midi-Pyrénées. Peut-on espérer que cette opération transversale permettant de circuler à 220 kilomètres à l'heure sera inscrite dans le prochain contrat de plan ?
J'ajoute enfin que le coeur de mon propos, c'est l'aménagement du territoire et le développement économique de Narbonne, qui est un carrefour ferroviaire, routier et autoroutier, qui se doit de retrouver sa juste place dans le transport ferroviaire par la mise en place de projets reposant sur l'intermodalité des transports. (Bravo ! sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Comme vous le savez, les gouvernements français et espagnol ont signé, le 10 octobre 1995, à Madrid, un accord concernant la construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne.
A la fin de l'année 1996, il a été décidé de lancer les études préparatoires à l'enquête publique sur le tronçon Perpignan - frontière espagnole. Ces études sont menées parallèlement à celles qui portent sur l'ensemble de la section internationale franco-espagnole.
Elles sont conduites par le groupement européen d'intérêt économique Sud Europe - Méditerranée, qui associe, du côté français, la SNCF et Réseau ferré de France et, du côté espagnol, la RENFE et le GIF.
Ces études, qui sont difficiles, avancent dans de bonnes conditions. Les études techniques sont pratiquement terminées, des compléments restant à effectuer en matière de sécurité.
Concernant les études économiques, les prévisions de trafic pour le fret et les voyageurs ont été établies. Les études d'exploitation et les bilans économiques et financiers sont en cours d'achèvement.
Il convient de noter que la décision - importante, comme vous l'avez fort justement souligné, monsieur le sénateur - de réaliser un projet mixte, conçu en vue d'accueillir un trafic de voyageurs et de fret, implique certaines études supplémentaires, notamment en ce qui concerne les modalités d'exploitation.
Par ailleurs, la réalisation d'un projet binational nécessite, vous le comprenez aussi, un examen juridique approfondi.
La commission intergouvernementale franco-espagnole devra examiner ces études et valider leurs résultats. A l'issue de cet examen, le lancement de l'enquête publique sur le tronçon Perpignan - frontière espagnole pourra intervenir.
Dès la rencontre franco-espagnole d'Ibiza, en juin 1997, j'ai affirmé mon attachement à la réalisation rapide de cette liaison et nous sommes convenus qu'elle serait confiée aux entreprises ferroviaires nationales françaises et espagnoles : SNCF et RFF pour la France, RENFE et GIF pour l'Espagne. J'ai ensuite veillé à ce que le traité international soit ratifié et à ce que la conférence intergouvernementale puisse se mettre en place.
Le responsable de la délégation française à la CIG avait d'ailleurs, à ma demande, rencontré son homologue espagnol et proposé un projet de règlement intérieur de ladite commission avant le sommet franco-espagnol de La Rochelle des 21 et 22 novembre dernier.
Au cours de ce sommet, nous avons décidé d'installer la CIG le 9 décembre et de réaffirmer la perspective de 2004 pour réaliser le projet.
La première réunion de la commission a eu lieu à Paris à la date convenue.
S'agissant maintenant de l'axe ferroviaire languedocien, j'ai demandé au RFF ainsi qu'à la SNCF de me présenter des propositions pour l'aménagement progressif de celui-ci, et tenant compte notamment des problèmes de capacité susceptibles d'apparaître au droit de Nîmes et de Montpellier, du fait de la mise en service de la section internationale.
J'ajoute que nous travaillons - mais, là aussi, il faut que les départements et la région participent à cette démarche - au problème des acquisitions de terrains.
Les améliorations des relations sur l'axe transversal, entre Bordeaux, Toulouse et Narbonne, relèvent des discussions qui s'ouvriront prochainement à l'occasion de la préparation des contrats de plan. L'Etat est tout disposé à prendre sa part et à s'inscrire dans cette démarche.
L'ensemble de ces éléments devrait permettre de répondre à vos interrogations sur un projet que le Gouvernement considère comme prioritaire, tant pour le développement des départements du sud du pays que pour l'approfondissement des relations avec nos voisins espagnols.
Enfin, vous avez souligné l'importance du site de Narbonne et de ses perspectives. J'ai demandé à la SNCF de faire un point précis, dont je ne manquerai pas de vous informer dès que j'en disposerai.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, que je qualifierai d'encourageante.
Vous comprenez notre attachement à la réalisation de cette liaison à grande vitesse. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : aujourd'hui, à la frontière franco-espagnole méditerranéenne, dans les deux sens confondus, seulement 1,2 million de voyageurs utilisent le transport ferroviaire, le flux des marchandises s'élevant quant à lui à 2,2 millions de tonnes.
Demain, la mise en service de la section Perpignan-Barcelone devrait porter le nombre des voyageurs à quelque cinq millions et le trafic fret à quelque six millions de tonnes. Les prévisions de trafic sont encore plus fortes dans l'hypothèse de la mise en service de la ligne Perpignan-Montpellier.
De telles perspectives nous incitent à parier sur le développement des sites ferroviaires concernés, notamment celui de Narbonne.
Or, les cheminots de Narbonne et leurs organisations syndicales ont raison d'affirmer avec force que ce site, qui est au carrefour de deux grands axes européens et à proximité de Port-la-Nouvelle, dispose des atouts nécessaires pour son développement si l'on joue la carte de l'intermodalité des transports.
Quelle est aujourd'hui la position de la direction de la SNCF ? Se prépare-t-elle à aider le site ferroviaire de Narbonne à relever ce défi prometteur ? Je m'interroge !
Selon les organisations syndicales, l'activité fret sur Narbonne est en augmentation. Parfait ! Pourtant, contre toute attente, le fret est sur la sellette. Il y a en effet eu des suppressions de postes et des menaces de restructuration et de transfert d'activités. Je ne comprends plus ! La qualité du service peut en souffrir, avec les conséquences que l'on devine.
Pourtant, les perspectives à court et moyen terme sont encourageantes, je viens de le démontrer. Ne faudrait-il donc pas, au contraire, sur un site comme celui de Narbonne, préparer l'avenir en commençant par donner davantage de moyens humains et matériels ?
Tout affaiblissement du potentiel de ce site nuit gravement à ses chances d'avenir.
Il s'agit là d'un site déjà sinistré, monsieur le ministre. Pourtant, il ne le mérite pas.
Les effectifs de cheminots ont diminué de 400 en treize ans. Il faut inverser la tendance. Les atouts sont réels, les organisations syndicales vous l'ont écrit. Monsieur le ministre, le site de Narbonne doit retrouver sa juste place. (Très bien ! sur les travées socialistes.)

CONSTRUCTION DE L'AUTOROUTE A 89
BORDEAUX - CLERMONT-FERRAND

M. le président. La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 384, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Xavier Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réalisation de l'autoroute A 89 Bordeaux - Clermont-Ferrand est un maillon essentiel de la grande liaison transversale est-ouest qui, pour l'an 2000, doit relier la façade atlantique à la région Rhône-Alpes, en contribuant au désenclavement de la région Aquitaine et des régions situées à l'ouest du Massif central.
Le contrat de plan passé entre l'Etat et la société des Autoroutes du Sud, concessionnaire du futur ouvrage, avait prévu, pour la période 1995-1999, un engagement de plus de 10 milliards de francs sur les 16 milliards de francs que coûtera au total l'opération. Cet engagement a-t-il été respecté ?
Les travaux de l'autoroute A 89, qui affectent le département de la Dordogne sur une longueur de 111 kilomètres, devaient débuter, selon l'échéancier prévu, entre le deuxième trimestre de l'année 1996 et l'été 1998. Or le retard de réalisation de ces travaux me préoccupe, notamment pour l'axe Mussidan - Brive.
Depuis les années 1950-1955, les Périgourdins attendent avec une impatience légitime le désenclavement de la Dordogne, qui souffre d'un manque d'infrastructures routières et ferroviaires, alors même que la desserte aérienne Paris - Périgueux est actuellement remise en cause et pourrait être interrompue au 1er février prochain.
C'est dire la nécessité de mettre un terme à ce désenclavement dont les conséquences économiques sont extrêmement lourdes.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous me fassiez connaître les engagements financiers de votre département ministériel pour la réalisation de l'autoroute A 89, qui devait être mise définitivement en service au 1er janvier 2000.
Cette date ne sera manifestement pas respectée. Je le regrette. Je suis impatient de recevoir des informations sur le calendrier désormais retenu.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, moi aussi je regrette les retards qui ont été pris mais ils ne sont pas de mon fait, vous le savez bien.
Après avoir eu connaissance de votre question et afin de lever toute ambiguïté, j'ai demandé à mes services de se rapprocher de la société des Autoroutes du Sud de la France, l'ASF, et de faire le point sur les conditions et le calendrier de réalisation de l'autoroute A 89 Bordeaux - Clermont-Ferrand.
Comme vous le savez, cet axe s'intègre dans la transversale Bordeaux - Genève, qui constitue une importante opération d'aménagement du territoire. Il est inscrit au contrat conclu en 1995 entre l'Etat et ASF pour la période 1995-1999.
Sur la durée de ce contrat, un engagement de 10 milliards de francs de travaux - valeur septembre 1994 - est prévu pour les sections Bordeaux - Périgueux ouest et Tulle - Clermont-Ferrand. L'Etat s'était engagé envers la Commission européenne à préciser dans la convention de concession d'ASF les conditions techniques et financières de réalisation de cette autoroute avant le 31 décembre 1997.
Paru au Journal officiel du 31 décembre 1997, le quatrième avenant à cette convention intègre notamment les conditions techniques et financières de l'autoroute A 89 Bordeaux - Clermont-Ferrand. Dans son article 7, il fait mention de mises en service prévisionnelles qui ne seront pas postérieures à l'année 2007.
La section Arveyres - Saint-Julien - Puy-Lavèze, qui relie en fait la sortie de Bordeaux au sud-ouest de Clermont-Ferrand, a été déclarée d'utilité publique par décret du 10 janvier 1996.
Les travaux sont d'ores et déjà en cours aux deux extrémités de l'autoroute entre Coutras et Montpon-Ménestérol en Aquitaine, entre Ussel Ouest et Laqueuille, en limite du Puy-de-Dôme. Il est prévu que ces deux sections soient mises en service au premier semestre 2000.
Les travaux ont par ailleurs été lancés sur les sections Arveyres - Coutras et Tulle Est - Ussel Ouest, et ils le seront au début de 1999 sur le tronçon Montpon-Mussidan avec pour objectif une mise en service en 2001.
Enfin, la section centrale Périgueux - Tulle sera programmée dans le prochain contrat qui sera conclu entre l'Etat et ASF. Dans le Puy-de-Dôme, la section Saint-Julien - Puy-Lavèze - Combronde a été déclarée d'utilité publique par décret du 9 janvier 1998. Il n'est cependant pas possible de connaître dès maintenant le calendrier précis de réalisation de ces deux dernières sections, car il dépend des résultats des études techniques en cours.
M. Xavier Darcos. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui confirme, hélas ! toutes mes craintes.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non !
M. Xavier Darcos. Vous m'indiquez en effet comme prévision finale avril 2007, soit une échéance de huit ans ! De plus, vous précisez que le tronçon Mussidan - Brive-la-Gaillarde fait partie de ces travaux ultimes, qui, aujourd'hui encore, ne sont pas totalement programmés. Je le répète, Périgueux, une fois de plus, est la ville la plus mal lotie sur cet itinéraire.
En outre, la Dordogne ne dispose pas de réseau ferroviaire. Les Périgourdins doivent aller chercher le train à Angoulême s'ils veulent mettre moins de trois heures pour se rendre à Paris. Le trajet Périgueux - Paris via Limoges demande aujourd'hui plus de temps qu'il y a trente ans - je dis bien : trente ans !
Les Périgourdins disposeront peut-être d'une autoroute en 2007, si les engagements d'ASF sont tenus cette fois-ci, ce qui n'a pas été le cas jusqu'ici.
En tant que sénateur de la Dordogne, je suis obligé de dire, monsieur le ministre, que ce département n'est pas traité comme il le mérite !
(M. Bernard Murat applaudit.)

DÉSENCLAVEMENT DU LIMOUSIN

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 393, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Georges Mouly. Avec la question que je veux vous poser, nous allons retrouver, pour partie, le problème de l'A 89. Cela vous montre l'intérêt - que vous comprenez, j'en suis persuadé - que nous portons au désenclavement de nos régions.
Je partage les regrets de M. Darcos sur le calendrier. Mais je n'aborderai pas la question du désenclavement du Limousin de la même façon qu'il y a un an, lorsque je vous interrogeais sur ce même sujet.
En effet, grâce à des décisions prises sous d'autres gouvernements et à la volonté aujourd'hui affichée de ce gouvernement de poursuivre à un rythme appréciable les travaux précédemment entrepris, le désenclavement routier de la région Limousin commence à devenir réalité, même si les engagements de l'Etat ne sont pas respectés, comme le rappelait M. Darcos.
J'ai noté, monsieur le ministre, que le retard n'était pas de votre fait. Je me permettrai cependant de vous interroger sur ce point précis.
Nous sommes conscients, globalement, des avancées réalisées pour le Limousin ; mais - il en est toujours ainsi - impatiences et légitimes interrogations se succèdent.
S'agissant des liaisons routières, questions et réflexions concernent la traversée est-ouest de la région. Pour le Limousin, il faut poursuivre l'aménagement de la route Centre Europe - Atlantique. Concernant plus précisément mon département, il est nécessaire d'assurer la continuité de l'A 89 Bordeaux - Clermont-Ferrand.
Comme je l'ai dit, je ne nie pas que les choses ont avancé ici ou là. On le constate d'ailleurs dans l'est de mon département. Mais la surprise vient de l'annonce, au cours d'une réunion sur le « 1 % paysage », qu'entre Tulle et Brive-la-Gaillarde, plus précisément près de Brive-la-Gaillarde - et le maire ici présent, mon ami Bernard Murat, vous en dirait plus que moi si ce point précis devait être développé - des problèmes techniques entraînent un nouveau phasage et que, tout compte fait, si une solution peut être trouvée à ce problème, ce serait avec un retard de l'ordre de deux ans. Un retard de plus !
Certes, à l'impossible nul n'est tenu quand il s'agit de raisons techniques ; mais vous pressentez la question que l'on peut se poser, monsieur le ministre : le provisoire, comme c'est souvent le cas, ne serait-il pas appelé à durer longtemps, trop longtemps, pour des raisons autres que techniques ?
Un député de la majorité, et non des moindres, le député de Tulle, disait, à l'occasion de la réunion, que les contraintes financières faisaient que l'on devait négocier âprement - je dis bien âprement - face à un interlocuteur qui s'interroge sur la rentabilité financière des investissements autoroutiers. Alors, admettez, monsieur le ministre, que ma question sur l'autoroute A 89 est une forme de contribution à cette négociation - mais dénuée d'âpreté, reconnaissez-le.
Si la liaison routière Montauban - Brive-laGaillarde - Paris par l'A 20, sur l'axe nord-sud, se fait, elle, trimestre après trimestre, dans de bonnes conditions - les travaux avancent en effet à une bonne cadence - il n'en est pas de même pour la voie ferrée. Certes, rien n'était concrètement prévu pour l'époque où nous sommes mais, après un essai du train pendulaire, d'aucuns se demandent si cet essai est jugé ou peut être jugé concluant, si des études sont faites ou non sur le matériel roulant et sur les dessertes, dessertes principales ou antennes, si a été ou si doit être effectuée une étude de marché.
Concernant la ligne Paris - Limoges - Toulouse, qui ne peut espérer le TGV, contrairement à la région de mon collègue et ami Roland Courteau, on manifeste une légitime curiosité sur l'état d'avancement d'un projet auquel il est porté grand intérêt.
Je n'ignore pas que doivent être conclues des conventions avec les trois régions concernées. Devrait-il y avoir participation financière des collectivités territoriales, tant sur les infrastructures que sur le matériel ? C'est une des questions que l'on se pose... parmi tant d'autres.
Comment ne pas revenir, pour terminer, sur la liaison SNCF est-ouest cette fois, qui, avec l'axe Bordeaux - Lyon, remplit vraiment mal, et même très mal, en l'état actuel, son rôle de liaison entre l'axe atlantique, l'espace central et le sillon rhodanien ? Là aussi, quatre régions sont concernées, ce qui n'est sans doute pas de nature à simplifier les choses.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire. C'est parce que le Limousin a longtemps été caractérisé par son enclavement, parce que des progrès ont été et sont encore réalisés pour inverser cette tendance, mais aussi parce que l'amélioration de l'offre de transport demeure néanmoins d'actualité que nous aimerions, une fois de plus, qu'un point précis - que nous espérons positif - puisse être fait dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous dire que, en accord avec le Gouvernement, j'attache une attention toute particulière au désenclavement des régions, et bien sûr à celui de la vôtre, le Limousin.
Il convient, bien entendu, d'envisager une meilleure répartition des trafics entre les différents modes de transports et donc, ici comme ailleurs, d'avoir une approche fondée sur la complémentarité de la route et du rail, notamment. A cet égard, la discussion sur les schémas de service et les contrats de plan devrait permettre, je pense, d'avancer dans ce sens.
Plus précisément, j'estime que, parallèlement à la mise en service complète de l'A 20, la ligne ferroviaire Paris - Orléans - Vierzon - Limoges - Brive-la-Gaillarde -Toulouse doit être adaptée et modernisée. Je peux vous confirmer que ce projet, qui concerne les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, et qui constitue l'un des grands axes nord-sud de notre pays, avance tout à fait normalement.
Le comité de pilotage de cette étude, auquel participent tous les partenaires concernés - Etat, régions, SNCF et RFF - a défini en commun un scénario réaliste d'amélioration de cette liaison, en ce qui concerne tant l'infrastructure que les matériels. Un appel d'offres européen a été lancé sur du matériel pendulaire, qui pourrait être adapté à cette liaison.
Nous devrions maintenant pouvoir lancer rapidement la phase d'étude d'avant-projet puisque la convention d'étude et le cahier des charges d'avant-projet viennent d'être transmis aux différents partenaires pour signature.
Ce projet sera bien évidemment examiné prioritairement dans le cadre des discussions relatives à l'élaboration des prochains contrats de plan Etat-région.
En ce qui concerne maintenant la réalisation de l'autoroute A 89, je peux vous indiquer que les études de mise au point du projet autoroutier entre Brive Ouest et Tulle Est ont révélé des difficultés géotechniques majeures sur la commune d'Ussac, à l'est immédiat de l'autoroute A 20, dans le secteur des Saulières et de Grand Roche.
Un tracé de référence a déjà été présenté sur la commune d'Ussac, mais toutes les solutions techniques envisageables dans ce secteur ne sont pas encore totalement validées. En tout état de cause, elles seront soumises à mon approbation compte tenu de l'incidence de ces difficultés sur le coût et sur les délais de réalisation de l'A 89.
Je souligne cependant que, plus à l'est, jusqu'à Tulle Est - commune de Gimel-les-Cascades - les études se sont déroulées tout à fait normalement malgré la présence d'ouvrages d'art très exceptionnels comme les viaducs de Tulle et du Chardon.
Par ailleurs, le département de la Corrèze a étudié l'aménagement de la route départementale 9, qui relie le réseau de voirie du plateau Brive - Tulle à l'A 20, cela afin d'améliorer l'accessibilité de ce secteur de l'A 20.
Dès lors, il est apparu naturel de réaliser le plus rapidement possible cet aménagement en y branchant provisoirement l'A 89. Cette liaison entre l'A 89 et l'A 20 permettra ainsi de rejoindre Brive-la-Gaillarde Ouest par l'A 20 et d'assurer, le plus rapidement possible, la jonction entre Brive-la-Gaillarde et Saint-Julien-Puy-Lavèze. Cela correspond aux souhaits des sénateurs concernés.
Entre-temps, et afin de ne pas retarder la mise en service de la section complète de l'A 89, les financements ainsi différés seront reportés sur la section Brive-la-Gaillarde - Périgueux pour maintenir le rythme de réalisation de cette infrastructure. Enfin - je tiens à vous rassurer sur ce point - parallèlement, les études préliminaires et les acquisitions foncières se poursuivront sur la commune d'Ussac.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse circonstanciée.
Pour ce qui concerne la SNCF, j'ai bien noté l'état d'avancement des travaux. Il s'agit, selon vous, d'un « scénario réaliste », d'un « projet prioritaire dans le contrat de plan ». Sur ce point, nous ne pouvons que nous montrer satisfaits et espérer que cette priorité demeurera effective dans le prochain contrat de plan.
Pour l'A 89, permettez-moi de regretter que le constat de difficultés techniques ait été opéré aussi tardivement : aux yeux du béotien que je suis, les difficultés techniques devraient pouvoir se voir plus rapidement.
Cela étant, je note que des efforts sont faits pour que, en l'état actuel des choses, la meilleure solution possible soit trouvée, y compris grâce à la participation du département de la Corrèze.
Je souhaite que ce provisoire, qui peut donner relativement satisfaction - je le reconnais, ainsi que le maire de Brive - dure le moins longtemps possible.
Au demeurant, monsieur le ministre, nous avons apprécié la teneur de votre réponse.

AVENIR DES JEUNES BÉNÉFICIANT
D'UN REPORT D'INCORPORATION

M. le président. La parole est à M. Eckenspieller, auteur de la question n° 376, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Daniel Eckenspieller. Le Gouvernement a accepté, lors de la discussion de la loi portant réforme du service national, le principe d'un report d'incorporation pour les jeunes gens bénéficiant d'un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée.
Certaines restrictions ont cependant été posées afin de ne pas priver les armées des effectifs nécessaires à leur bon fonctionnement dans l'attente de leur totale professionnalisation.
C'est ainsi que l'article L. 5 bis A du code du service national ne prévoit ce report que « si l'incorporation immédiate du demandeur a pour conséquence de compromettre son insertion professionnelle ou la réalisation d'une première expérience professionnelle ».
Nous avons tous pu constater, dans nos départements, que le report ainsi institué a suscité un espoir sans commune mesure avec la portée réelle de la disposition.
Du fait, sans doute, d'un déficit de communication, la plupart des jeunes intéressés ont considéré que ce report était systématique dès lors qu'ils étaient titulaires d'un contrat de travail, allant jusqu'à confondre report et dispense pure et simple.
Les commissions régionales accordant ou refusant ce report ont d'ailleurs fait, elles aussi, une lecture très large de la loi, lors de leurs premières réunions.
Confronté à cette interprétation, le ministère de la défense a réagi en adressant aux préfets une circulaire, non publiée, les appelant à une plus grande fermeté. Il a par ailleurs contesté nombre de décisions des commissions devant les tribunaux administratifs.
La position du ministère se justifie dans la mesure où le besoin en effectifs pourrait ne plus être satisfait en cas d'interprétation trop souple durant la période de transition précédant la professionnalisation complète des armées.
Mais, au-delà de cet aspect des choses, c'est l'avenir des jeunes qui viennent d'obtenir le report d'incorporation tant espéré qui doit nous préoccuper aujourd'hui.
Dans deux ans, les jeunes ayant obtenu ce report demanderont à nouveau le bénéfice de l'article L. 5 bis A du code du service national. La loi fait mention en effet « d'un report d'incorporation d'une durée de deux ans pouvant être prolongée ».
La situation professionnelle des jeunes au sein de l'entreprise qui les emploie sera-t-elle systématiquement considérée comme suffisamment stable pour garantir une insertion professionnelle réelle et durable ?
Au vu des premières décisions octroyant ou refusant le bénéfice du report et si cette approche est confirmée par les autres juridictions administratives, il apparaît que seuls les jeunes ayant connu de graves difficultés d'insertion pourront bénéficier d'un nouveau report.
La première expérience professionnelle, période d'adaptation au monde du travail, n'est plus compromise passé un délai de douze à dix-huit mois, selon le commissaire du Gouvernement ayant récemment rendu ses conclusions, sur une vingtaine d'affaires, auprès du tribunal administratif de Strasbourg.
Le report d'incorporation risque dès lors de n'être prolongé que très exceptionnellement à l'issue des deux premières années.
Ce choix jurisprudentiel semble contestable, car trop restrictif au regard de l'esprit de la loi.
Ne convient-il pas d'assouplir les critères pris en compte pour l'octroi du report et de réaffirmer la possibilité d'un éventuel renouvellement, serait-ce au prix d'une modification législative ou réglementaire ?
En tout état de cause, les jeunes dispensés devront théoriquement effectuer tôt ou tard leur service militaire. Mais ne sera-t-il pas inopportun de rappeler sous les drapeaux des jeunes qui pourraient alors approcher les vingt-neuf ans, âge auquel on n'est plus assujetti au service actif, alors que la phase de transition vers l'armée professionnelle devrait être achevée en 2002 ?
En conséquence, une décision politique de principe concernant les jeunes appelés à faire leur service après un premier report n'est-elle pas indispensable afin de lever les nombreuses ambiguïtés et incertitudes auxquelles les uns et les autres se trouvent aujourd'hui confrontés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je tiens à vous présenter les excuses de M. Alain Richard, ministre de la défense, qui effectue actuellement un voyage en Corée et qui m'a donc prié de vous communiquer la réponse qu'il souhaitait apporter à votre question.
J'observe que vous avez déjà largement vous-même apporté des réponses en faisant état de la législation actuellement applicable. Aussi, je veux rendre hommage à votre esprit de responsabilité à cet égard.
Vous avez donc rappelé que la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national traduit la volonté du Gouvernement et du Parlement de concilier la priorité nationale accordée à l'emploi des jeunes et le besoin des armées en appelés du contingent dans la phase cruciale de professionnalisation, qui s'achèvera en l'an 2000. Il faut en effet tenir compte de ces deux éléments pour prendre des décisions utiles.
Cette loi a inséré dans le code du travail deux dispositions nouvelles dont l'importance est patente.
L'article L. 128-18 du code du travail dispose désormais que le contrat de travail d'un salarié ou d'un apprenti appelé au service national est suspendu pendant toute la durée du service national actif et non plus rompu comme c'était le cas jusqu'à présent.
Sur le plan des principes, la réintégration dans l'entreprise est donc de droit.
L'article L. 122-21, quant à lui, dispose qu'aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d'un salarié ou d'un apprenti au motif que ce salarié ou cet apprenti se trouve astreint aux obligations du service national ou se trouve appelé au service.
En complément, l'article L. 5 bis A du code du service national ouvre des possibilités de reports d'incorporation sous certaines conditions réglementaires pour de jeunes gens titulaires de contrats de droit privé à durée déterminée ou indéterminée, si l'incorporation immédiate a pour effet de compromettre l'insertion professionnelle ou la réalisation d'une première expérience professionnelle du jeune.
Il est exact que des décisions jurisprudentielles récentes ont précisé cette notion, comme vous venez de le rappeler.
L'octroi de ces reports est du ressort des commissions régionales prévues à l'article L. 32 du code du service national, qui apprécient chaque situation individuelle, ce qui est raisonnable. Le ministère de la défense a adressé à ces commissions une circulaire précisant clairement les conditions d'action du report pour éviter toute inégalité de traitement entre les décisions des différentes commissions. Le principe d'égalité de traitement, qui est au coeur de l'Etat de droit, doit, bien entendu, être respecté au regard du service national.
S'agissant des jeunes titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée qui ont obtenu un report de deux ans au titre de cet article L. 5 bis A, comme vous l'avez indiqué, la loi prévoit la possibilité d'une prolongation, laquelle doit faire l'objet d'une demande du jeune dans les mêmes conditions de procédure que le report initial. De la même manière, la commission régionale appréciera la situation particulière du demandeur à la date de sa nouvelle demande pour se prononcer en fonction du même critère relatif à l'insertion professionnelle.
Ainsi, la procédure garantit en tout état de cause une approche très concrète, très personnelle, de la situation qui est soumise, tant à la commission que, le cas échéant, au ministre.
Pour les jeunes titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, le report cesse au terme du contrat de travail qui l'a justifié.
Donc, le dispositif existe. Il est équilibré et donne des résultats satisfaisants. Il arrive qu'il suscite effectivement des observations de la part des jeunes qui aimeraient bien être dispensés du service national. Il faut être lucide à cet égard.
Le devoir du ministre de la défense et de son département ministériel est de s'assurer que les armées recevront le nombre d'appelés correspondant à leurs besoins et que l'égalité de traitement sera garantie.
Vous le savez, la professionnalisation des armées sera achevée à la fin de l'année 2002. A partir de cette date, quelles que soient les circonstances, il n'y aura plus d'appelés.
Voilà la réponse que je voulais vous apporter au nom de M. Richard, monsieur le sénateur.
M. Daniel Eckenspieller. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter.
Je voudrais néanmoins souligner encore une fois qu'il s'agit d'un problème qui concerne, d'une manière très concrète et très immédiate, des milliers de jeunes gens de notre pays.
En effet, dans le contexte social actuel, il n'est pas facile pour les jeunes d'orienter leur itinéraire. Aussi devons-nous, me semble-t-il, éloigner de leur route tout ce qui peut revêtir un caractère trop aléatoire.
Nous sommes là dans un domaine difficile sans doute, mais l'on n'a pas l'impression qu'à la fois pour ceux qui ont à juger et pour ceux dont la situation est jugée les choses soient très clairement cadrées.

RÉFORME DES HEURES COMPLÉMENTAIRES
DES ENSEIGNANTS

M. le président. La parole est à M. Murat, auteur de la question n° 388, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du ministre de l'éducation nationale sur la publication récente par son cabinet d'un document de cadrage portant réforme des heures complémentaires des enseignants universitaires.
Ce document prévoit que le nombre d'heures complémentaires par enseignant sera ramené, sur une période de trois ans, à 50 maximum par an. Il précise que les heures complémentaires n'ont pas vocation à être effectuées par des enseignants-chercheurs sauf à permettre des ajustements à la marge : elles doivent retrouver leur finalité, qui est l'intervention de professionnels ou de personnalités extérieures dans les cursus professionnalisés.
La démarche adoptée serait, dans un premier temps, de limiter les heures complémentaires afin de dégager les besoins, puis, dans un second temps, d'envisager des créations de postes afin de couvrir ces besoins.
Or, même s'il est certain qu'une intervention devient urgente en matière d'heures complémentaires, les besoins sont déjà appréciables et connus. Cette démarche, si elle était mal conduite, risquerait de conduire à une dégradation des enseignements par manque de cohérence compte tenu de la multiplication des enseignants chargés des mêmes cours.
Prenons le cas concret du département « Gestion des entreprises et des administrations » de l'IUT de Brive.
Actuellement, 1 126 heures complémentaires par an sont assurées par des professeurs titulaires ou des vacataires enseignants effectuant plus de 50 heures complémentaires par an.
Les heures libérées par cette réforme atteindraient donc pour ce département GEA un montant total de 726 heures. Cela représente approximativement un recrutement de 14 vacataires supplémentaires.
Sur un site délocalisé comme celui de Brive, il semble peu probable de trouver autant de vacataires professionnels motivés par l'enseignement et, quand bien même ce serait possible, il faudrait que les enseignements aient lieu en grande majorité à partir de dix-huit heures. Je vous laisse imaginer quel type de casse-tête cela constituerait pour les responsables et les conséquences qui en découleraient pour les étudiants.
Aussi, je propose d'inverser la démarche en créant d'abord des postes, puis en limitant le nombre des heures complémentaires. C'est une question de simple bon sens. Cela permettrait de faire en sorte qu'une bonne décision - que nous reconnaissons comme telle - ne fasse, dans son application, l'objet d'incompréhensions et de malentendus conduisant les étudiants et leurs professeurs à se mettre en grève. Négocier sous la pression de la rue n'est jamais une bonne chose pour un gouvernement quel qu'il soit.
L'occasion m'est donnée d'attirer une nouvelle fois l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'inadéquation des moyens attribués par le Gouvernement aux universités par rapport aux annonces qu'il formule et qui vont souvent dans le sens de nos attentes.
De la même manière, je regrette le manque de concertation qui existe avec les responsables des sites universitaires et les élèves dans la prise de ces décisions, ainsi que la méthode utilisée pour leur transmission. Mal comprises, elles sont mal appliquées.
Cette situation plaide pour une accélération de la décentralisation du système éducatif vers les régions, en partenariat avec les collectivités locales qui accueillent les établissements et les structures.
Ces déficits en moyens financiers et en communication mettent souvent dans l'embarras les maires des villes qui accueillent des sites universitaires. En effet, dans de nombreux cas, la collectivité locale est apelée à se substituer à l'Etat pour maintenir, voire développer l'antenne de l'université, qu'elle accueille, par ailleurs, avec beaucoup de plaisir et une véritable volonté de jouer le jeu. Mais ce jeu est souvent montré du doigt par la chambre régionale des comptes et les maires sont, dans ce domaine aussi, des boucs émissaires.
J'évoquerai, parmi beaucoup d'autres exemples, celui d'un CES bibliothécaire à l'IUT de Brive, dont le contrat venait à échéance à la fin de 1998. L'université de Limoges n'avait pas les fonds nécessaires pour sa consolidation ; conséquence immédiate : des centaines d'étudiants en grève, appuyés par l'ensemble des professeurs, demandent au maire que la commune se substitue à l'Etat. C'est, bien entendu, ce que j'ai décidé de faire pour mettre un terme au désordre et permettre le maintien de cet emploi jusqu'à la fin de l'année scolaire ; je précise qu'il s'agit d'un emploi réservé. Mais qu'adviendra-t-il de cet emploi par la suite ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, comprenez bien le sens de mon propos : je ne suis pas opposé à cette réforme, et je souhaite qu'elle soit mise en oeuvre. Mais il faut commencer par dégager les moyens financiers nécessaires afin d'en assurer au mieux le succès, en pensant d'abord aux enseignants et aux étudiants.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir éclairer le Sénat quant à la position de M. le ministre de l'éducation nationale sur ces problèmes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, M. Claude Allègre regrette vivement de ne pouvoir répondre personnellement à votre intervention. La réponse qu'il m'a chargé de vous transmettre ne concerne évidemment que le thème des heures complémentaires, c'est-à-dire celui qui était évoqué dans la question que vous avez déposée, car vous en avez abordé bien d'autres verbalement. Vous aurez certainement l'occasion d'interroger directement M. le ministre de l'éducation nationale sur ces autres sujets.
Le document de cadrage auquel vous avez fait allusion a été établi à la suite d'une large consultation. Il a permis de fixer les orientations à partir desquelles des textes sont en cours d'élaboration, touchant à la carrière des enseignants-chercheurs et des enseignants de l'enseignement supérieur, à la déconcentration de leur gestion, aux dispositifs de reconnaissance de leurs fonctions et aux heures complémentaires.
L'objectif est bien de limiter le recours aux heures complémentaires pour les ramener à leur véritable finalité : l'intervention de professionnels dans les enseignements.
Les projets de texte seront soumis à concertation dans les jours qui viennent. Une circulaire viendra rappeler la règle du service fait, le paiement des heures complémentaires ne pouvant intervenir qu'à partir de la cent quatre-vingt-treizième heure de cours effective ; l'horaire statutaire est annuel et, je le rappelle, fixé à cent quatre-vingt-douze heures équivalent travaux dirigés. Un décret limitera à un demi-service, dans un premier temps, la possibilité pour les personnels statutaires de faire des heures complémentaires. Dans trois ans, le décret sera plus strict et la limitation fixée à un tiers de service.
Les universités disposeront ainsi des bases réglementaires et du temps nécessaires pour maîtriser leurs heures complémentaires et leur offre d'enseignement. Elles devront aussi, dans le cadre de leurs contrats avec l'Etat, intégrer en priorité dans leur politique de recrutement les besoins en enseignants-chercheurs des secteurs disciplinaires qui demeurent sous-encadrés.
Parallèlement, et dans un contexte de décroissance démographique, M. le ministre de l'éducation nationale rappelle que l'Etat a créé en deux années - 1998 et 1999 - 4 500 emplois d'enseignant-chercheur ou d'enseignant dans les établissements d'enseignement supérieur.
M. Bernard Murat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je prends acte de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
La question des heures complémentaires s'insère dans un ensemble de problèmes qui découlent d'un certain manque d'adéquation entre des annonces, ou même des décisions, qui vont dans la bonne direction et les moyens financiers qui sont effectivement dégagés. De cette situation, il résulte in fine, sur le terrain, que les enseignants et les étudiants sont complètement désorientés.
Tel est le message de bon sens que je vous demande de bien vouloir transmettre à M. le ministre de l'éducation nationale. Mais je ne manquerai pas de lui faire part à nouveau de ce souci majeur.

CRÉATION D'UN BTS AQUACOLE
AU LYCÉE AGRICOLE DE CHÂTEAU-CHINON

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 381, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. René-Pierre Signé. La DRAF - direction régionale de l'agriculture et de la forêt - de Bourgogne a présenté, en octobre 1998, la candidature du lycée professionnel agricole - LPA - du Morvan, sis à Château-Chinon, pour bénéficier de l'ouverture d'une préparation au brevet de technicien supérieur aquacole ; il s'agissait même de son voeu n° 1. Cependant, la direction générale de l'enseignement et de la recherche n'a pas retenu ce projet, prétextant que le LPA de Château-Chinon connaissait « une croissance trop rapide ».
En outre, le statut du LPA, semble-t-il, ne lui permet pas d'abriter des classes de BTSA, ou BTS agricole. Seul un changement de son statut en lycée d'enseignement général et technique agricole, ou LEGTA, lui permettrait de préparer au BTSA.
Or, ces cinq dernières années, pour ce qui concerne la Bourgogne, les LPA de Saumur-en-Auxois, de Châtillon-sur-Seine, de Plombières-lès-Dijon sont devenus des LEGTA par simple création d'un cycle BTSA.
D'autre part, dans la loi d'orientation agricole, il est prévu que, dans les cinq ans, les LPA et LEGTA seront regroupés en un seul type de lycée.
La décision ne concerne donc pas le projet pédagogique. C'est une décision politique à prendre pour l'évolution du lycée et en fait pour l'aménagement du territoire. Le LPA du Morvan développe un enseignement pour une agriculture particulière qui a une spécificité et une authenticité. Il mérite donc d'être soutenu pour qu'il puisse jouer pleinement son rôle d'appui à cette agriculture fragile. Ajouter à l'enseignement dispensé un BTS aquacole dans ce pays d'eaux vives et de lacs apparaît comme une demande parfaitement justifiée.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Retenu à Bruxelles, M. Jean Glavany m'a prié, monsieur Signé, de vous apporter sa réponse à votre question.
Il est exact que, au moment de l'instruction des dossiers présentés par les établissements d'enseignement pour la rentrée de 1999, les services du ministère ont examiné avec prudence celui qu'a présenté le LPA de Château-Chinon. En effet, la répartition des filières conduisant au BTSA dans les productions aquacoles sur l'ensemble du territoire correspond aujourd'hui à un équilibre entre les flux de formés et les possibilités d'insertion sur le marché du travail.
Cette adéquation entre formation et activité professionnelle constitue indiscutablement une responsabilité du ministère : il convient de faire en sorte que des jeunes ne s'engagent pas dans des filières qui ne leur assureraient pas un débouché professionnel.
Même si le taux d'insertion des titulaires de ce BTSA est encore très convaincant - 81,6 % - il n'en demeure pas moins qu'il se situe au niveau le plus bas de tous les brevets de technicien supérieur agricole et qu'il affiche une baisse d'une enquête à l'autre.
Par ailleurs, la dotation en enseignants de l'établissement et l'expérience de l'équipe pédagogique méritent d'être assez largement confortées avant d'envisager une extension des filières vers les formations technologiques supérieures. Sur ce point, une expertise a été demandée à l'inspection pédagogique de l'enseignement agricole. En cas d'avis favorable, et si le marché du travail ne se dégrade pas dans ce secteur, une ouverture de BTSA « Productions aquacoles » pourrait être envisagée pour la rentrée 2000 ou la rentrée 2001.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien pris note de votre argumentation, dont je pourrais discuter, pour ne pas dire réfuter, les différents points.
Le LEPA de Château-Chinon mûrit depuis trois ans ce projet d'ouverture d'une classe de BTS spécialisé en aquaculture. Opportun, ce projet l'est évidemment dans un contexte de fort développement de la pisciculture. Nécessaire, il l'est tout autant, que ce soit en termes de formation de jeunes, assurés par la suite de trouver un emploi, ou en termes de développement de l'activité de notre région. C'est l'exemple même d'une démarche d'avenir pour le Morvan et la Nièvre.
Le lycée professionnel agricole du Morvan, au terme d'une évolution rationnelle, est devenu le premier LEPA de Bourgogne pour le taux de réussite de ses élèves aux examens d'Etat. De la classe de quatrième au cycle de BTA et de bac professionnel, la prise en charge pédagogique a connu un développement continu, allant de pair avec l'équipement du lycée. Aujourd'hui, seuls trois postes de professeur manquent encore à Château-Chinon pour que puisse être mise en place la formation BTS aquacole.
Le LEPA de Château-Chinon dispose d'une équipe de direction cohérente, et la nomination d'un proviseur adjoint a conforté l'équipe pédagogique.
Je relève au passage que ce sont, apparemment, les bons résultats obtenus par l'établissement qui le pénalisent ! C'est du moins ainsi que j'interprète la formule : « croissance trop rapide ».
Le LEPA bénéficie aussi d'une organisation pédagogique solide : les enseignants ont suivi des stages dans les établissements qui disposaient de cycles de BTS. J'ajoute que les jeunes diplômés qui auraient suivi cette formation n'auraient aucune difficulté à trouver un premier emploi, en se tournant vers un réseau hydrographique d'une densité exceptionnelle dans notre région, sans même parler de l'activité de pêche professionnelle. Pour ceux qui voudront s'installer dans leur propre exploitation, ils sauront tout des méthodes de commercialisation nécessaires à la réussite de leur entreprise.
La création d'un BTS aquacole à Château-Chinon - la réponse que vous m'avez transmise indique qu'elle pourrait intervenir en 2000 - recoupe ainsi la nouvelle orientation de notre politique agricole, favorable à une production propre et permettant l'emploi des hommes. Ce n'est pas le moindre de ses atouts.

SITUATION DES MÉDECINS RAPATRIÉS D'ALGÉRIE
AU REGARD DE L'ASSURANCE VIEILLESSE

M. le président. La parole est à M. Francis Giraud, auteur de la question n° 378, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Francis Giraud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais appeler votre attention sur la situation des médecins rapatriés d'Algérie au regard de l'assurance volontaire vieillesse, créée en 1962.
A ce jour, dix années d'activité professionnelle, pourtant effectuées à la demande des pouvoirs publics sous convention, de 1952 à 1962, par les médecins d'Algérie, avant leur réintégration en métropole, ne sont toujours pas prises en compte dans le calcul de leur retraite.
A l'Assemblée nationale, interrogé sur ce dossier, vous avez reconnu vous-même que ce problème résultait d'un « dysfonctionnement administratif », précisant : « La caisse autonome de retraite des médecins français, la CARMF, a très longtemps nié, à tort, que les médecins rapatriés aient exercé sous convention médicale en Algérie, de 1952 à 1962. »
Vous avez ajouté : « Une information exacte - qu'ils n'ont pas eue ! - aurait permis à ceux-ci de cotiser volontairement à l'avantage social vieillesse dès 1962, date de sa création, jusqu'à 1972, date où il a pris un caractère obligatoire. »
Voilà donc un double préjudice que les médecins rapatriés continuent de supporter trente-sept ans après l'indépendance de l'Algérie : dix ans, voire vingt ans de leur vie professionnelle sont toujours exclus du calcul de leur retraite !
Beaucoup de rapatriés se sont installés dans le sud de la France, notamment dans les Bouches-du-Rhône. Aussi, en tant qu'élu de ce département, souhaiterais-je que ce problème soit résolu rapidement et dans de bonnes conditions.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous confirmer que les conditions de rachat de points par les intéressés seront bien les conditions de 1962, année de la création de l'assurance volontaire vieillesse ? Pouvez-vous nous assurer qu'elles s'appliqueront également à leurs ayants droit ? Enfin, à quelle date l'ensemble des intéressés retrouveront-ils, en toute justice, la plénitude de leurs droits ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Depuis que j'ai qualifié cette situation de « dysfonctionnement », les choses auraient en effet dû avancer, monsieur le sénateur. Je vais m'efforcer de faire le point avec vous.
Vous m'avez fait part de vos inquiétudes sur la situation des médecins rapatriés d'Algérie au regard du régime des allocations supplémentaires de vieillesse, notamment des conditions qui leur sont offertes pour racheter des points de retraite au titre des périodes d'exercice professionnel en Algérie, voilà un certain nombre d'années.
Jusqu'en 1997, les médecins qui en avaient fait la demande auprès de la CARMF, la Caisse autonome de retraite des médecins français, n'ont pu procéder au rachat de ces périodes.
La CARMF estimait que, en l'absence d'homologation des conventions départementales conclues en Algérie par la commission nationale compétente, prévue par l'ordonnance du 19 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale, le caractère conventionnel de leur activité, qui est la condition posée par la loi pour bénéficier de cette opération de rachat, ne pouvait être reconnu.
Mais la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 13 janvier 1997, a rejeté cette interprétation en raison de l'existence d'une procédure spéciale d'approbation des conventions locales, prévue dans un arrêté du 10 juin 1949 paru au Journal officiel algérien de l'époque.
Au vu de cet arrêt, le conseil d'administration de la CARMF, guidé par un souci d'équité, a décidé, lors de sa séance du 31 mai 1997, de permettre immédiatement à tous les médecins rapatriés d'Algérie remplissant les conditions statutaires d'ouverture du droit à rachat de racheter leurs années d'exercice sous convention, avec effet au premier jour du trimestre civil suivant leur demande. Les requérants à un rachat d'annuités peuvent en outre prétendre à un rappel d'arrérages, dans la limite de la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du code civil, si l'examen de leur dossier met en évidence l'existence d'une première demande de rachat antérieure. Le barème de rachat retenu est celui qui est en vigueur au moment du paiement du rachat, l'âge pris en compte pour le calcul du montant du rachat étant l'âge à la date d'effet de la révision des droits. Ce n'est pas simple !
Cette décision, conforme aux statuts de la caisse, respecte l'arrêt de la cour d'appel et témoigne de la volonté de la CARMF, malgré les difficultés financières auxquelles est confronté le régime de l'ASV, de régulariser la situation des médecins rapatriés d'Algérie. Au demeurant, son caractère favorable n'a pas échappé aux dizaines de médecins et de conjoints survivants qui ont d'ores et déjà utilisé ce dispositif.
Les demandes de certains médecins rapatriés d'Algérie, qui viennent en supplément de cette décision favorable de la CARMF, ne sauraient être satisfaites sans une profonde modification de la réglementation des rachats, qui est complexe, vous l'avez constaté, monsieur le sénateur. En l'état actuel des textes, les possibilités de rachat ne sont ouvertes qu'aux médecins nés avant 1922 ou ayant adhéré à l'ASV avant 1972 lorsque ce régime était facultatif et aux conditions de rachat en vigueur au moment où la demande est présentée, ce que je peux comprendre.
En outre, accéder au souhait d'un rappel complet d'arrérages depuis le début de la retraite nécessiterait de modifier la loi sur la prescription quinquennale puisque de nombreux médecins rapatriés ont cessé leur activité depuis plus de cinq ans. Les problèmes juridiques sont donc d'autant plus complexes qu'il ne saurait être question d'introduire des dispositions qui pourraient être jugées discriminatoires par les médecins métropolitains.
Enfin, vous n'ignorez pas que le coût de l'opération pourrait se révéler très onéreux alors même que le redressement du régime de l'ASV, confronté à la perspective d'une cessation de paiement, va exiger des efforts financiers importants de la part de l'ensemble des actifs et des retraités.
A titre d'exemple, je rappelle que, avec le dispositif actuel, un médecin âgé de quatre-vingts ans en 1997 a pu bénéficier, avec un rachat payé 15 180 francs, d'un rappel de plus de 132 600 francs, et qu'accéder à la demande de rappel complet depuis le début de la retraite conduirait à lui verser un rappel supplémentaire de 200 000 francs.
Le Gouvernement souhaite donc traiter ce dossier - les choses ont avancé depuis ma précédente réponse, mais, je le répète, la situation est complexe - en concertation avec l'ensemble des parties intéressées et saisira ainsi prochainement le conseil d'administration de la CARMF pour qu'il examine votre proposition et donne son avis sur les mesures supplémentaires de régularisation qu'il faut envisager.
Je regrette de ne pouvoir vous faire une réponse plus optimiste, mais elle est juridiquement complète. Voilà où nous en sommes, monsieur le sénateur.
M. Francis Giraud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Giraud.
M. Francis Giraud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées et de la clarté avec laquelle vous exposez ces difficultés administratives.
Nous sommes médecins tous les deux. Attendre la disparition du patient pour appliquer le traitement me paraît inconvenant, d'autant que plus de trente-sept ans se sont déjà écoulés. Aussi, j'espère que le Gouvernement agira auprès de la CARMF pour que justice soit rendue à ces médecins, qui n'ont pas démérité.

SYSTE`ME DE PERCEPTION DU SUPPLÉMENT
DE LOYER DE SOLIDARITÉ

M. le président. La parole est à M. Lassourd, auteur de la question n° 373, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème que je soulève aujourd'hui revêt, à mes yeux, une importance majeure pour l'aménagement du territoire. Premier facteur d'insertion, le logement contribue en effet très largement à l'équilibre social, économique et démographique de nos départements.
L'excellent principe du « surloyer », dont le dispositif a été réaménagé par la loi Périssol en 1996, répondait au double objectif d'équité et de mixité sociales. Il visait à rendre obligatoire un supplément de loyer auprès des locataires d'HLM dont les revenus dépassent de 40 % le plafond de ressources autorisées, laissant aux organismes d'HLM des marges d'appréciation locale, puisque la perception du surloyer est facultative lorsque les ressources dépassent de 10 à 40 % le plafond.
Le Gouvernement d'alors témoignait ainsi son souci de maintenir, avec une relative souplesse, une population mixte dans les HLM, afin de répondre au mieux aux besoins et réalités du terrain.
Cette appréciation des situations locales laissée aux organismes d'HLM constituait la condition de réussite du système. Mon expérience de président de l'OPAC - Office public d'aménagement et de construction - d'Ille-et-Vilaine me le confirme tous les jours.
Les problèmes de logement, qui touchent une matière éminemment sociale et humaine, doivent en effet être appréhendés de la manière la plus réaliste possible. Seule une démarche souple et de proximité peut donc être efficace.
Or, le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, a considérablement altéré le dispositif, en le rendant de plus en plus complexe et détaché des réalités du terrain.
Je veux d'abord parler de la taxe-contribution que doivent régler à l'Etat tous les organismes d'HLM, fondée non pas sur la recette réelle des surloyers, mais sur des critères définis arbitrairement.
Ensuite, je regrette les dernières modalités de calcul des surloyers, qui aboutissent à les minorer, alors même que la contribution à l'Etat est maintenue à un niveau identique.
Cette bureaucratisation a finalement détourné le surloyer de son objectif de solidarité et d'équité. Les organismes d'HLM doivent désormais faire face à des frais d'enquête de plus en plus lourds - pour l'OPAC d'Ille-et-Vilaine, le coût des 12 000 enquêtes est de l'ordre de 100 000 francs - qui, conjugués au paiement de la taxe, ne favorisent pas leur équilibre budgétaire. Cela ne peut être que dommageable pour les candidats comme pour les occupants des HLM.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je propose que la capacité d'appliquer le surloyer, tant dans son principe que dans ses modalités, soit laissée à l'appréciation des conseils d'administration des HLM. Il faut croire en leur sagesse et en leur connaissance des données locales.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je réponds d'autant plus volontiers à votre question que votre qualité de président d'organisme d'HLM ne peut que faciliter notre compréhension mutuelle.
Tout ce qui concerne la taxe, l'assiette et les enquêtes de ressources dépend de décisions antérieures à ma prise de fonction.
Le supplément de loyer de solidarité a toujours trouvé sa justification au croisement de deux préoccupations, d'une part, la mixité sociale, par le maintien dans le parc d'HLM des ménages dont les revenus ont augmenté, la légitimité de ce maintien étant l'acquittement d'un supplément de loyer de solidarité ; d'autre part, l'équité sociale, selon laquelle les locataires dont les ressources dépassent sensiblement les plafonds acquittent des loyers très élevés ou, plus exactement, soit un peu moins aidés par l'Etat qu'ils ne l'étaient lorsque leurs ressources étaient moindres.
Il a semblé au Gouvernement - et j'en appelle à votre réflexion, monsieur le sénateur - que ces deux objectifs avaient été partiellement perdus de vue. Des ménages dont les ressources étaient légèrement supérieures au plafond pouvaient très bien avoir à supporter un supplément de loyer de solidarité au taux fort, car il n'y avait aucun encadrement, et quelques organismes n'avaient pas fait dans la nuance ! De trop fortes différences dans les barèmes appliqués créaient sur le territoire national une grande disparité de traitement que rien ne justifiait et qui contredisait bien souvent l'ojectif de mixité sociale. Certains barèmes trop dissuasifs ne pouvaient, en effet, que pousser brutalement des ménages des classes « moyennes basses » à quitter le parc social.
Enfin, le produit du supplément de loyer de solidarité servait à financer le FSL, le Fonds de solidarité pour le logement : la solidarité face aux difficultés d'accès ou de maintien dans le logement, notamment en matière d'impayés de loyers, que ce soit dans le parc social ou le parc privé, revenait à demander un effort à une fraction des locataires du seul parc social.
Le Gouvernement et le Parlement ont pris, dès 1998, trois types de mesures pour mettre fin à ces défauts et à ces dérives du système.
Premièrement, le retour à un financement du FSL reposant sur une vraie solidarité nationale a été décidé. Depuis la loi de finances pour 1998, le FSL, dont les moyens ont été fortement augmentés, est financé par le budget général et non plus par le SLS.
Deuxièmement, les plafonds pour les petits ménages ont été relevés par l'arrêté du 28 juin 1998. Le relèvement concerne les ménages sans enfant à charge ou avec un seul enfant à charge, qui étaient très pénalisés par le système précédent.
De même a été supprimée la distinction opérée entre les ménages en fonction de l'exercice ou non d'une activité par le conjoint, distinction qui entraînait un SLS élevé pour de nombreux couples comportant un inactif, en particulier un retraité, et qui était à l'origine de changements de situation assez brutaux quand l'un des deux membres du ménage devenait inactif. Grâce à ces décisions, 61 % des ménages sont actuellement éligibles au parc HLM en fonction de leurs ressources, contre 55 % auparavant.
Troisièmement, l'encadrement - et non pas l'uniformisation - des barèmes a été réalisé par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et le décret du 15 novembre 1998. Le seuil de déclenchement du SLS pour dépassement des plafonds a été relevé de 10 % à 20 %, pour éviter les problèmes de cette taxation au moindre dépassement, et les valeurs des éléments servant au calcul du SLS ont été plafonnées afin d'assurer aux locataires un traitement équitable, quel que soit le bailleur.
Le relèvement des plafonds et du seuil de déclenchement du SLS ont fait passer de 550 000 à environ 300 000 le nombre de ménages susceptibles d'être concernés par le SLS, qui est ainsi mieux ciblé sur les ménages du parc social ayant les revenus les plus élevés.
L'application des nouvelles dispositions a représenté, j'en conviens, un certain travail pour les organismes d'HLM ; mais celui-ci a été très utile. En effet, en fixant des règles socialement justes, harmonisées et stables, les décisions qui ont été prises ne « vident pas le SLS de sa substance ». Elles renforcent, au contraire, son rôle comme élément d'une politique favorisant la mixité dans le parc social, mixité dont la nécessité n'est plus à démontrer.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter sur l'esprit de la démarche suivie, monsieur le sénateur. J'espère que vous pourrez convenir que cette dernière n'a pas détourné de son objet le dispositif mais que, en le rendant plus juste, elle va sûrement aider à le rendre plus acceptable et plus efficace dans ses effets.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le ministre, je vous donne acte des modifications que vous avez apportées en matière de logement social et qui, comme le relèvement des plafonds notamment, constituent à mon avis des progrès. Ainsi, désormais, 61 % des ménages, au lieu de 55 % auparavant, sont éligibles aux organismes d'HLM. Je vous rappelle cependant qu'en 1980 80 % des ménages en France étaient éligibles à un logement HLM et que la situation s'était donc considérablement dégradée dans les années ultérieures.
Il n'était pas normal - j'en suis moi aussi convaincu - de financer le FSL par le supplément de loyer de solidarité. Cette mesure, bien que prise par un gouvernement que je soutenais, ne me paraissait pas judicieuse.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, vos propos ne m'ont pas complètement convaincu. En effet, les principes d'équité et de mixité sociale doivent être respectés de façon très forte. Or, d'une certaine manière, le supplément de loyer de solidarité y contribuait. Il apparaissait en particulier comme la contrepartie acquittée par tout locataire afin de pouvoir rester dans son logement, quelle que soit l'évolution de ses revenus.
Actuellement, certains locataires disposant de peu de ressources sont choqués de constater que d'autres locataires percevant quelquefois des revenus importants bénéficient toujours d'un logement HLM parce qu'ils occupent ce dernier depuis longtemps. Ainsi, je peux vous citer le cas de personnes qui habitent depuis vingt ans un logement HLM à Rennes et qui possèdent une résidence secondaire en pleine propriété à Saint-Malo.
Il faudrait donc, à mon avis, que les conseils d'administration fixent le montant du surloyer de solidarité, dans une fourchette bien entendu définie et dans un cadre déterminé par l'Etat, de façon que la compétence et la responsabilité de ce dernier soient affirmées sans ambiguïté. Ces surloyers pourraient être fixés, par exemple, en fonction du niveau des loyers du secteur privé, qui sont très différents selon le lieu d'implantation des logements - en secteur rural, urbain ou suburbain - selon la date de construction de l'immeuble, la date d'entrée du locataire dans les lieux, selon que l'immeuble a ou non été réhabilité, et aussi selon les services rendus - présence d'un gardien, d'espaces verts - et le lieu géographique dans la ville. Tous ces éléments pourraient inspirer les conseils d'administration pour les modalités d'application d'un surloyer.
Nous pourrions même refuser toute application du supplément de loyer de solidarité pour éviter, par exemple, des phénomènes de ghettoïsation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse. Mais je crois sincèrement que les nouvelles modalités de calcul ne permettront pas d'atteindre les objectifs de mixité et d'équité qui sont les vôtres.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la conférence des présidents doit se réunir à douze heures quinze. Or, sept questions sont inscrites à notre ordre du jour.
Je me permets donc de vous rappeler que l'auteur de la question dispose de trois minutes pour poser celle-ci et de deux minutes pour répondre au Gouvernement.
En respectant cette règle, nous devrions pouvoir suspendre notre séance à une heure raisonnable.

RÉCIPROCITÉ ET RESPECT DES ACCORDS
BILATÉRAUX EN CÔTE D'IVOIRE

M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel, auteur de la question n° 387, adressée à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Hubert Durand-Chastel. Ma question, adressée à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, porte sur le problème malheureusement récurrent de la réciprocité et du respect des accords bilatéraux avec certains pays où nos compatriotes résident, notamment en Afrique.
Il s'agit ici des conditions de délivrance des cartes de résident pour étrangers en Côte d'Ivoire et de leurs conséquences pour la communauté française de ce pays. Un décret du 4 août 1998 du gouvernement ivoirien a en effet triplé le coût de la carte de résident des ressortissants étrangers, ce dernier passant de 50 000 francs CFA à 150 000 francs CFA, soit 1 500 francs français.
Cette décision intervient alors que, contrairement à ce que prévoient les accords bilatéraux en vigueur, les Français sont contraints de renouveler tous les ans leur carte de résident. Or, la convention conclue entre la République de Côte d'Ivoire et la République française sur la circulation des personnes, signée à Paris le 8 octobre 1976 - décret du 9 juin 1977 - prévoit en effet, en son article 6, que, à l'issue de la première délivrance d'une carte de résident d'un an, le titulaire de cette carte pourra obtenir une carte de résident valable trois ans renouvelable.
Au vu de ces faits préjudiciables à nos compatriotes, je souhaite savoir si le gouvernement français compte intervenir vigoureusement auprès du gouvernement ivoirien pour que la réciprocité soit respectée et que les accords bilatéraux soient enfin appliqués.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, M. Josselin, en déplacement à l'étranger, vous prie de bien vouloir l'excuser. Il m'a chargé de vous indiquer que son attention a été appelée à plusieurs reprises, tant par les services français que par les représentants du Conseil supérieur des Français de l'étranger en Côte d'Ivoire, sur les problèmes que vous venez d'évoquer.
Compte tenu des difficultés rencontrées par nos ressortissants - augmentation importante des tarifs des cartes de séjour et impossibilité d'obtenir des titres de séjour de longue durée - M. Josselin a demandé aux autorités ivoiriennes, qui ont accepté, d'inscrire cette question à l'ordre du jour de la deuxième session de la grande commission mixte franco-ivoirienne, qui s'est tenue à Abidjan les 14 et 15 décembre 1998.
M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie a par ailleurs demandé à la direction des Français à l'étranger du ministère des affaires étrangères, également saisie du problème, de dépêcher l'un de ses représentants à Abidjan pour diriger la délégation française aux travaux de la sous-commission ad hoc sur les questions consulaires, qui s'est tenue à Abidjan pendant la commission mixte et à laquelle participait également le consul général de France en poste à Abidjan.
Cette sous-commission devait rechercher une solution satisfaisante au problème soulevé et, en sa qualité de coprésident de la commission mixte, mon collègue a été particulièrement attentif aux résultats des travaux de cette sous-commission.
Pendant son séjour à Abidjan, il a été reçu le 14 décembre 1998 en audience par le président ivoirien, M. Konan Bédié, qui a d'ailleurs abordé de lui-même la question des cartes de séjour des résidents français. Le président Bédié avait donc bien connaissance de la réalité de cette difficulté.
Faisant référence aux principes de réciprocité et d'égalité de traitement, le Président Bédié a promis que les conditions de durée et de coût de la carte de séjour des Français en Côte d'Ivoire seraient modifiées pour se rapprocher précisément des conditions que la France fait aux ressortissants ivoiriens.
Nous ne pouvons, je crois, que nous satisfaire de la réponse d'ouverture que le chef de l'Etat ivoirien a faite et dont ont été informés, au sortir de cette audience, les membres de la communauté française invités à la résidence de France par notre ambassadeur à Abidjan. M. Josselin en a également informé les représentants élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger en Côte-d'Ivoire, le 15 décembre 1998.
Cette décision d'ouverture a été entérinée dans le procès-verbal de la sous-commission sur les questions consulaires et dans le communiqué final de la commission mixte, dont M. Josselin souhaite que je vous cite les terme précis :
« S'agissant de la convention bilatérale relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 et entrée en vigueur le 1er avril 1995, les deux parties ont rappelé leur attachement à cet élément fondamental de la relation entre les deux Etats, notamment dans la perspective de la mise en place d'un partenariat renforcé en matière de coopération.
« Dans cet esprit, et pour répondre aux sollicitations de la partie française, la partie ivoirienne a marqué son ouverture en matière de délivrance de cartes de séjour sur une base pluriannuelle et son souci d'appliquer les principes de réciprocité et d'égalité à ce sujet comme en matière de tarifs, qui pourraient, ultérieurement, faire l'objet d'ajustements périodiques concertés. Elle a donné, sur ces deux points, les assurances d'une mise en oeuvre la plus rapide possible. »
La représentation française en Côte d'Ivoire et ses interlocuteurs au ministère ivoirien des affaires étrangères et au Conseil national de sécurité sont convenus de dégager très rapidement les modalités pratiques de cet accord, qui pourrait, à brève échéance, se concrétiser de la manière suivante : nos ressortissants ayant déjà acquitté 150 000 francs CFA seraient considérés l'avoir fait pour une période de trois ans, la carte de séjour étant de fait pluriannuelle, ou seraient remboursés du trop-versé si la validité de la carte ne demeurait qu'annuelle ; pour les paiements à venir, 50 000 francs CFA seulement seraient exigés, la validité de la carte restant dans ce cas annuelle.
Il appartiendra naturellement à notre représentation en Côte d'Ivoire de veiller à l'application de ces décisions, qui seront sans nul doute de nature à apaiser les inquiétudes de la communauté française en Côte d'Ivoire, inquiétudes dont vous venez de vous faire l'écho, monsieur le sénateur.
M. Hubert Durand-Chastel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il apparaît donc plus que jamais urgent de ne pas toujours attendre et d'exiger le respect des accords passés, afin que des instructions précises soient communiquées aux différents commissariats ivoiriens, dans les meilleurs délais. Il s'agit en effet d'éviter tous types de débordements susceptibles de nuire aux bonnes relations entretenues jusqu'à présent entre la communauté française et les Ivoiriens.
J'ajoute que nombre de résidents des Etats-Unis d'Amérique en Côte d'Ivoire n'ont pas de carte de résident et ne s'en préoccupent pas. Il est inutile que notre pays signe des accords laborieux si nous ne sommes pas décidés à en exiger la pleine application !

DEVENIR DU CENTRE NATIONAL D'ÉTUDES
DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le président. La parole est à M. Duffour, auteur de la question n° 363, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Michel Duffour. Monsieur le secrétaire d'Etat, les incertitudes qui pèsent sur le devenir du Centre national d'études des télécommunications, le CNET, inquiètent nombre de salariés de mon département des Hauts-de-Seine, mais aussi, plus largement, du pays tout entier.
Depuis plus de cinquante ans, cet organisme public a permis d'assurer l'indépendance technologique de notre pays en aidant au développement de nouvelles technologies de pointe.
Or, dans deux sites des Hauts-de-Seine, Issy-les-Moulineaux et Bagneux, des missions ont été abandonnées, des fermetures d'équipements et de laboratoires sont programmées.
Tout retard pris dans le développement des technologies permettant d'élargir la capacité de produire, de diffuser et de partager l'information risque de pénaliser lourdement l'avenir de notre pays.
La question des missions de service public, quel que soit le statut de l'opérateur France Télécom, est déterminante pour maintenir une indépendance d'intervention dans un domaine de pointe et pour ses conséquences en matière d'emplois très qualifiés.
Il ne serait pas souhaitable que l'ouverture du capital entraîne une logique de gestion exclusivement orientée vers la satisfaction des marchés.
Aucune décision n'a encore été prise, à ma connaissance, mais il semble que des incitations fortes existent du côté de la direction de France Télécom pour réduire les effectifs dans le domaine de la recherche industrielle et dans celui de la recherche fondamentale. S'il est naturel que France Télécom cherche des alliances nationales ou européennes dans la perspective d'un développement, cela ne peut se traduire par un affaiblissement dans des domaines aussi essentiels.
France Télécom, même avec un capital ouvert, reste, à mes yeux, un opérateur public ; il ne peut donc se comporter comme si aucune mission de service public ne lui incombait.
L'intérêt général, le besoin d'entrer dans la société d'information du xxie siècle sans exclure personne, la nature de service public des missions méritent que le Gouvernement s'attache à garantir le potentiel technologique du CNET, la pérennité de ses établissements et le maintien de ses emplois.
Aussi souhaiterais-je connaître les mesures et les initiatives que le Gouvernement compte prendre à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous vous préoccupez de l'avenir du Centre national d'études des télécommunications, qui est - vous l'avez rappelé - le centre de recherche et de développement de France Télécom.
La recherche française dans le domaine des télécommunications - vous l'avez également rappelé - se situe au tout premier rang mondial. Au sein de cette recherche, le CNET a à son actif des découvertes tout à fait majeures qui ont été adoptées à travers le monde - je pense notamment à la norme GSM pour le téléphone mobile et à la communication ATM, dont les spécialistes reconnaissent l'intérêt.
Le Gouvernement a demandé à deux experts, MM. Didier Lombard et Gilles Kahn, de réfléchir à l'avenir de la recherche. Ces deux experts ont proposé la création d'un réseau national de recherche en télécommunications, doté de moyens, fédérant l'ensemble des laboratoires publics existants - le CNET, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, l'INRIA, le Commissariat à l'énergie atomique, le CNRS, les écoles d'ingénieurs, les universités - et associant à cet effort public les laboratoires des industriels et des opérateurs de télécommunication de façon que, face à une concurrence internationale extrêmement forte, nous ayons un potentiel maximal.
En décembre 1997, le Gouvernement a décidé de mettre en place un tel réseau à l'échelle nationale. Un comité d'orientation composé de représentants de l'Etat, des organismes de recherche et des entreprises a été nommé et le Gouvernement a accordé au réseau un soutien spécifique de 260 millions de francs en 1998, somme qui a été reconduite en 1999.
Le réseau national permet d'orienter fortement la recherche amont en télécommunications en France, tout en permettant un dialogue plus large et une coopération plus étroite entre la recherche publique et les entreprises du secteur.
Une concurrence forte se développe dans ce qu'on appelle les secteurs à valeur ajoutée des télécommunications. Il est donc important que notre dispositif de recherche soit réorienté pour donner à notre pays, au service public et à l'emploi le maximum d'atouts.
Le Gouvernement est très attaché au maintien et au renforcement de la recherche en télécommunications en France, recherche dont le Centre national d'études des télécommunications constitue, à l'évidence, le coeur. Le CNET va travailler en liaison avec les laboratoires de recherche publique, mais aussi avec les industriels, de façon que notre activité dans le domaine des télécommunications réponde, certes, à l'exigence de service public, sur laquelle vous avez eu raison d'insister, mais aussi à celles de compétitivité et de création d'emplois. Le Gouvernement a demandé au président de France Télécom d'y veiller particulièrement.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse, que je communiquerai aux salariés et aux syndicats du CNET. Je prends également acte de votre détermination et de votre engagement.
Néanmoins, mes inquiétudes subsistent, car l'importance de l'entreprise France Télécom est telle que le choix stratégique fait par ses dirigeants est tout à fait déterminant en ce domaine. J'ai toutefois bien noté, à cet égard, votre dernière phrase.

RÉGIME FISCAL DES ÉTABLISSEMENTS
D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉS

M. le président. La parole est à M. Hugot, auteur de la question n° 383, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Paul Hugot. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne l'assujettissement aux impôts commerciaux des établissements d'enseignement supérieur privés organisés en association.
Dans sa circulaire du 14 septembre dernier, relative au développement de la vie associative, Lionel Jospin affirmait : « J'entends que la politique du Gouvernement reconnaisse et promeuve le développement d'une vie associative indispensable à une démocratie moderne et nécessaire à des activités d'utilité sociale de plus en plus nombreuses. »
Je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, sur la contradiction apparente entre ces propos et la politique menée par le Gouvernement s'agissant notamment des établissements d'enseignement supérieur que je viens d'évoquer.
La nouvelle instruction fiscale portant sur le régime fiscal des associations, publiée le 15 septembre 1998 au Bulletin officiel des impôts par vous-même, met en effet en place un dispositif d'assujettissement des associations aux impôts commerciaux.
Permettez-moi de vous alerter plus particulièrement sur les conséquences de l'application de ce dispositif aux établissements d'enseignement supérieur privés organisés en association et régis par la loi du 1er juillet 1901.
L'utilité sociale de l'activité des associations, justement mise en exergue par M. Jospin, n'est plus à démontrer en matière d'établissements d'enseignement supérieur. En effet, à l'heure où nombreux sont ceux, notamment parmi les jeunes, qui sont confrontés à des difficultés majeures en termes d'orientation, de formation et, en conséquence, d'accès à l'emploi, il est indispensable que toutes les initiatives prises par des personnes privées pour remédier à ces difficultés et présentant, du même coup, une utilité sociale soient encouragées avec vigueur.
D'ailleurs, outre cette utilité sociale commune aux secteurs public et privé de l'enseignement, l'initiative privée constitue en la matière - reconnaissons-le - un complément indispensable aux offres de formation présentées par le secteur public.
Cette initiative privée est le garant à la fois de la pluralité dans notre démocratie et de l'efficience de notre modèle de formation. Les Français rappellent d'ailleurs régulièrement leur attachement à cet équilibre dans le système éducatif.
Pourtant, l'application de l'instruction susvisée aux établissements en cause constitue une véritable entrave à l'accomplissement des missions qui sont les leurs, entrave qui vient d'ailleurs s'ajouter, pour un certain nombre d'entre eux, à des baisses importantes de subventions du ministère de l'éducation nationale.
Néanmoins, je n'imagine pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre gouvernement ait la volonté de priver le pays de l'initiative privée en matière d'enseignement supérieur !
Aussi, en raison de son incontestable utilité sociale et au regard de l'indispensable formation de nos compatriotes et de notre jeunesse, à laquelle travaillent aussi bien le secteur privé que le secteur public, j'aimerais savoir ce que le Gouvernement entend faire pour, au minimum, reconsidérer la mesure fiscale qui, frappant les établissements d'enseignement supérieur privés organisés en association, menace à la fois l'offre de formation et l'équilibre de l'enseignement supérieur français.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, évoquant la fiscalité des associations qui gèrent des établissements d'enseignement supérieur privé, vous avez fait référence à l'instruction fiscale que j'ai effectivement publiée le 15 septembre 1998 et qui porte sur la fiscalité de l'ensemble des associations dans leur diversité.
Je vous rassure tout de suite : il n'est nullement question, dans cette instruction fiscale, de remettre en cause en quoi que ce soit un principe aussi fondamental que celui de la liberté de l'enseignement.
Cette instruction, je le rappelle, a pour objectif premier de clarifier les règles fiscales applicables aux associations. En effet, lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement, en juin 1997, très nombreux étaient les contentieux fiscaux liés au fait que la frontière entre activités désintéressées et activités lucratives n'était pas claire ; si le principe était bien posé, depuis la loi de 1901, que les associations étaient présumées être à but non lucratif, avec le temps et du fait de la pratique des difficultés avaient surgi.
Nous avons donc voulu à la fois clarifier les règles et réaffirmer le principe selon lequel les associations qui n'exercent aucune activité commerciale sont exonérées de plein droit des impôts commerciaux.
En ce qui concerne plus particulièrement les établissements d'enseignement supérieur privés, il convient de distinguer deux cas.
Soit ces établissements d'enseignement supérieur privés concurrencent des entreprises qui exercent exactement dans le même domaine - ce n'est pas le cas le plus fréquent - et ils sont alors assujettis aux impôts commerciaux de la façon que je préciserai dans un instant.
Soit aucune entreprise - j'insiste sur le mot « entreprise » - n'est concurrencée par lesdites associations - c'est le cas général - et l'exonération des impôts commerciaux est alors de plein droit. C'est là un principe rassurant qu'il fallait réaffirmer.
Imaginons donc - j'y reviens - qu'il y ait effectivement concurrence avec une entreprise qui fournit les mêmes prestations au voisinage de l'association.
Même dans ce cas, ces établissements ont une fiscalité avantageuse. Ils sont en effet exonérés de taxe professionnelle s'ils ont passé une convention en application de la loi du 12 novembre 1968 ou s'ils ont fait l'objet d'une reconnaissance d'utilité publique.
Ils sont par ailleurs exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils exercent leur activité dans le cadre des textes énumérés par l'article 261-4-4 du code général des impôts. C'est peut-être quelque peu technique, mais au moins la réponse a-t-elle le mérite d'être précise !
Il me semble donc que, y compris en ce qui concerne les établissements d'enseignement supérieur privés, non seulement il n'y a aucune atteinte au principe de la liberté de l'enseignement mais que ces associations pourront aussi en pratique, d'ici au 1er mai prochain, examiner leur cas, solliciter les conseils qu'elles souhaitent et opter ainsi pour un statut fiscal qui, dans l'immense majorité des cas, leur sera plus favorable que par le passé.
M. Jean-Paul Hugot. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse. Je note que les distinctions techniques auxquelles vous avez procédé viennent bien circonscrire le champ d'application de la mesure.
Comme vous le proposez, les mois qui viennent pourront être consacrés à un ajustement individualisé de l'approche technique fiscale dont vous parlez. Il faut savoir qu'au-delà même des formations, dans leur dimension technicienne dispensée par ces établissements, la préoccupation de maintenir des foyers d'initiatives privés devrait amener à arbitrer en cas de doute en faveur du développement de ces institutions.

RÉGIME FISCAL DES ASSOCIATIONS ORGANISATRICES
DE SPECTACLES

M. le président. La parole est à M. Dufaut, auteur de la question n° 385, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Dufaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne la même instruction fiscale que celle que vient d'évoquer à l'instant mon collègue M. Jean-Paul Hugot, mais se rapporte cette fois aux préoccupations exprimées par les responsables des associations organisatrices de spectacles au regard des conséquences de la réforme du régime fiscal des associations de la loi de 1901.
En effet, l'instruction du 15 septembre 1998, dont le louable objectif - vous venez de le rappeler - était de clarifier les structures issues de la loi de 1901 suscite un certain nombre d'interrogations pour le cas particulier des associations qui gèrent des théâtres locaux ou des festivals, et bénéficient à ce titre de subventions de collectivités publiques.
Il est permis de s'interroger en particulier sur la qualification juridique de leurs activités. Si ces associations sont reconnues comme étant à but lucratif, elles verront leurs excédents assujettis à l'impôt sur les sociétés au taux de 36,66 %. Dans le cas où elles seraient considérées à but non lucratif, les impôts et taxes qu'elles auraient à acquitter se révèleraient sans doute encore plus importants puisque le remboursement des frais de TVA deviendrait impossible et les taxes sur les salaires augmenteraient sensiblement.
Cette situation risque de mettre en cause l'existence même de certaines de ces structures, ce qui entre assurément en contradiction totale avec l'esprit ayant présidé à l'élaboration de l'instruction précitée.
Une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d'Etat - et nous le déplorons - ce sont les collectivités locales qui constateront un désengagement de l'Etat à leur détriment, puisque elles seront sans doute condamnées à abonder le budget des théâtres et festivals si elles ne veulent pas que les structures cessent leur activité.
Cela est particulièrement vrai dans mon département, le Vaucluse, terre de culture, où ont pris forme, vous le savez, trois des plus célèbres festivals ; je veux parler, bien sûr, des Chorégies d'Orange, du festival de Vaison-la-Romaine et, bien entendu, du festival d'Avignon.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que je souhaite connaître votre position sur ce problème et les mesures que vous envisagez de prendre pour le résoudre le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, votre question porte, sous un autre angle, sur la même instruction fiscale du 15 septembre dernier, dont l'objectif, je le rappelle, est d'accroître la sécurité fiscale des associations en général - je vais essayer de vous le montrer - et des associations organisatrices de spectacles en particulier.
Avant d'aborder le cas spécifique important que vous avez cité, je souhaite vous rappeler deux mesures favorables aux associations qui figurent dans le budget pour 1999.
Premièrement, les droits des associations seront renforcés en cas de litige avec l'administration fiscale ; le débat sera donc plus équilibré.
Deuxièmement - c'est un point sur lequel j'insiste parce qu'il est très important pour les associations qui organisent des spectacles - les collectivités locales ont désormais la possibilité d'exonérer totalement de taxe professionnelle les associations culturelles.
En ce qui concerne les associations organisatrices de spectacles, il faut bien reconnaître que certaines d'entre elles s'étaient placées dans une position ambiguë : elles ne payaient aucun impôt commercial mais, dans le même temps, elles déduisaient la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles payaient. Cette situation n'était conforme ni à la loi ni au droit communautaire.
Ces associations ont aujourd'hui jusqu'au 1er avril prochain - elles pourront s'entourer des conseils qu'elles souhaitent - pour opter entre deux possibilités.
La première possibilité qui leur est offerte est d'être exonérées entièrement des impôts commerciaux si elles n'exercent pas d'activité commerciale qui soit concurrente d'une activité d'entreprise. Dans ce cas-là, elles ne pourront pas déduire la TVA.
Elles peuvent - seconde possibilité - décider d'être imposables aux impôts commerciaux si elle exercent une activité concurrentielle. Toutefois, je rappelle que le taux de la taxe sur la valeur ajoutée des associations organisatrices de spectacles est de 2,1 % - taux très modéré - alors que leurs achats sont en général soumis au taux de 20,6 %. En outre, elles pourront éventuellement - cela dépend des collectivités locales - être exonérées de taxe professionnelle. Quant à l'impôt sur les bénéfices, il est rare que ces associations enregistrent des soldes positifs ; le problème ne se pose donc pas vraiment.
Il me semble, monsieur Dufaut, vous avoir apporté des précisions qui montrent que, dans un cas comme dans l'autre, les associations organisatrices de spectacles pourront opter pour un statut fiscal clair et, je le pense, dans l'ensemble, tout à fait avantageux.
M. Alain Dufaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Je tiens à rappeler que les spectacles à caractère culturel sont loin de s'autofinancer. Le festival d'Avignon, par exemple, en dépit de son budget très important, perçoit une subvention d'équilibre de 60 %. Il y a un véritable problème.
Il conviendra, au-delà des mesures que vous avez évoquées et que nous connaissons déjà - la ville d'Avignon a déjà exonéré le festival de taxe professionnelle - d'affiner les données de manière à rassurer les gens qui s'occupent de l'organisation de festivals, car ils sont souvent désemparés, ne sachant pas très bien quelle est pour eux la meilleure option à partir des textes actuels. Il faut plus de précisions puis nous trancherons.

prélèvement de la taxe d'habitation

M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 386, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je modifierai un peu l'énoncé de ma question par rapport au texte écrit que j'avais déposé.
Nous représentons tous, tout au moins la plupart d'entre nous, un foyer fiscal, sur lequel est prélevé l'impôt sur le revenu. D'ailleurs, ce prélèvement est effectué de telle sorte que, en général, dès le neuvième ou le dixième mois de l'année, l'impôt a été réglé dans sa totalité ; l'Etat dispose ainsi d'une avance par rapport à ses propres besoins. Mais cela permet aussi au contribuable de bénéficier de trois mois pendant lesquels il a moins de charges à payer.
Je trouve cependant curieux que ce même foyer fiscal serve de référence pour le prélèvement des taxes locales. Celles-ci peuvent, dans certains cas, être réparties au sein du foyer, ou être à la charge du propriétaire de l'habitation, qui peut être la femme et non le chef de famille. Cette notion de « chef de famille », d'ailleurs, existe-t-elle encore avec l'évolution des relations dans les couples ? Pourtant, les services fiscaux s'y référent encore. On a ainsi la surprise de constater que la taxe locale d'habitation est prélevée sur le compte personnel du mari, alors que la résidence est propriété de la femme. En outre, cette pratique ne tient pas compte du régime matrimonial des époux, notamment s'ils se sont mariés sous le régime de la séparation de biens.
Ce peut être gênant, inattendu, car on peut avoir prévu le paiement de l'impôt sur le revenu et pas celui des taxes locales. Et l'on est dépourvu de moyens pour faire face à d'autres charges.
J'ajoute que, procéder ainsi, c'est accepter la signature - qu'elle ne possède pas - de la femme sur le compte-chèques du mari.
Je trouve ces procédés quelque peu abusifs. J'aimerais en connaître les raisons : s'agit-il d'une facilité, ou d'un droit pour les services fiscaux de prélever l'argent « où cela les arrange » ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous posez le problème d'un couple marié sous le régime de la séparation de biens qui doit acquitter, sur des biens qui peuvent éventuellement appartenir à l'épouse, la taxe d'habitation.
Vous fondant sur un cas particulier, vous avez constaté que les services fiscaux prélevaient cette taxe d'habitation sur le compte du mari, arguant qu'il est le chef de famille.
Pour vous rassurer tout à fait, je vous dirai que le principe est très clair : l'Etat doit prélever le montant de la taxe d'habitation, en l'occurrence, sur le compte choisi par le couple. Il n'y a donc pas de difficulté de principe en la matière.
Dans la pratique, vous soulignez que ce n'est pas systématiquement le cas. Je ne peux qu'inviter les personnes qui se sont plaintes auprès de vous à s'adresser à leur trésorerie de rattachement pour que le prélèvement se fasse bien sur le compte de leur choix.
Sur le principe, vous avez tout à fait raison. Dans la pratique, il y a parfois, dans une vaste administration, quelques dysfonctionnements. Je vous prie de présenter aux intéressés mes excuses pour ces dysfonctionnements. Mais, je le répète, le principe n'est absolument pas en cause, monsieur le sénateur.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je ne peux que vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse, qui entre, d'ailleurs, dans la logique ordinaire - mais y a-t-il des logiques illogiques ? ... Je pense que, dorénavant, les services fiscaux tiendront compte des remarques que vous venez de formuler.

SUPPRESSION DES VENTES HORS TAXES

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 389, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, dans le rapport fait au nom de la commission des finances concernant les crédits du tourisme pour 1999, j'avais attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'abolir la directive de la Communauté européenne prévoyant l'arrêt, à la date du 30 juin 1999, des ventes hors taxes réalisées lors des voyages à l'intérieur de l'Union européenne.
Nous n'avons plus que cinq mois pour décider. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons donc une réponse claire de la part du Gouvernement que vous représentez ici : le Gouvernement est-il favorable à la suppression de cette date butoir et à l'adoption d'une disposition nouvelle pour maintenir les ventes hors taxes ? Quelle action mène-t-il actuellement pour réussir ?
En effet, une telle décision répondrait aux intérêts européens, à ceux des prix et à ceux de l'emploi. Elle aurait, à l'échelon national et même, bien entendu, européen, des conséquences décisives pour le maintien d'une activité française de haut niveau.
Une telle décision est-elle favorable à l'Europe ? Je le crois.
Les voyageurs peuvent acheter des achats de produits de qualité dans un environnement de qualité ; le prestige de nos produits concourt au rayonnement de notre pays.
Cette décision est-elle intéressante en matière de prix ?
Le commerce est intégré aux rituels du voyage. Il participe au financement des aéroports et des compagnies. Sa suppression, vous le savez, entraînerait la hausse du prix des billets. Ainsi, entre Calais et la Grande-Bretagne, la société de ferry Sea-France réalise 55 % de son chiffre d'affaires avec le duty free. Sans lui, le doublement du prix du billet serait à prévoir.
Pour l'aéroport de Tarbes, ce type de commerce représente 70 % des recettes et pour Aéroports de Paris, 17 %, soit 800 millions de francs. Sa disparition représenterait un manque à gagner de 240 millions de francs. Comment faire pour se passer de telles recettes ? Là aussi, des hausses du prix des billets sont à prévoir !
Est-ce l'intérêt de l'emploi de maintenir les ventes hors taxes ?
En Europe, 140 000 personnes participent à cette activité. Les compagnies maritimes emploient, par exemple, 3 500 personnes dans le Pas-de-Calais.
Ce ne sont pas seulement les villes maritimes ou possédant un aéroport qui sont concernées ; seront touchées de grandes régions françaises, celles qui produisent du cognac - qui le sont déjà fortement - ainsi que celles qui produisent le champagne et les parfums, c'est-à-dire une bonne dizaine de départements, dont les Alpes-Maritimes, les Hautes-Pyrénées, le Finistère, l'Ille-et-Vilaine, Cherbourg, Caen, la Champagne et les Charentes, notamment.
Par ailleurs, le transport aérien est sous la menace de la suppression de 4 000 emplois, notamment parmi les personnels navigants commerciaux.
Où est l'intérêt de notre pays ?
Je me limiterai à ce propos à noter que 40 % des ventes hors taxes réalisées dans le monde concernent des produits français.
Tout le monde reconnaît les graves conséquences qu'aurait l'application de la directive au mois de juillet 1999. MM. Jospin et Blair ont d'ailleurs exprimé leur refus de retenir cette date. Mais ce n'est pas suffisant.
Les Quinze, au sommet de Vienne, se sont donnés jusqu'à la fin du mois de mars pour prendre une décision. Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez reconnu les conséquences sur l'emploi et l'économie de certaines régions françaises. Mais, évidemment, ces déclarations ne suffisent pas.
Alerté par les salariés de ces secteurs, mon groupe a déposé une proposition de loi tendant à ne pas appliquer cette directive le 30 juin 1999. Cette suppression permettrait de revoir l'ensemble des problèmes posés en toute sérénité, de prévoir une modification des conditions d'exercice du commerce hors taxes par la préparation d'une nouvelle directive et de définir la ressource substitutive à inscrire au code général des impôts.
Notre proposition est donc, monsieur le secrétaire d'Etat, très responsable.
La décision prise en 1991 s'accompagnait d'un engagement touchant à l'harmonisation fiscale. Huit années plus tard, où en sommes-nous ? La commission des finances du Sénat n'est encore informée de rien. Une étude serait pourtant urgente.
L'Irlande, l'Allemagne, l'Espagne, la Belgique, la Finlande sont concernées et, comme la France, s'inquiètent des conséquences de la fin du duty-free. Par ailleurs, l'Italie a décidé de reporter l'application de cette mesure en 2002. Pourquoi pas nous ?
Ce délai permettrait d'étudier une solution d'ensemble préservant l'emploi, valorisant et assurant la pérennité du commerce hors taxes, selon des règles nouvelles qui garantiraient les prix et le rayonnement de notre pays.
Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d'Etat : que comptez-vous faire et où en sommes-nous aujourd'hui ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur les ventes hors taxes. Vous avez, dans un exposé très clair, rappelé que des directives communautaires prises en 1991 prévoient la suppression du régime des ventes hors taxes entre pays de l'Union européenne - et non à l'égard des pays extérieurs à l'Union européenne - à compter du 30 juin 1999.
Le Gouvernement auquel j'appartiens a immédiatement compris quelles difficultés sociales pouvaient résulter de la suppression, maintenant imminente, de ce régime dérogatoire. C'est pourquoi il a agi et continuera à agir.
Vous savez que le Premier ministre a, dès le 2 mars 1998, demandé à M. Capet, qui est député du Pas-de-Calais et qui connaît particulièrement bien le sujet, d'examiner les conséquences économiques et sociales de cette suppression.
M. Capet a mis en évidence, dans son excellent rapport, que la suppression brutale des ventes hors taxes aurait des conséquences dommageables en matière d'emploi, notamment pour le Calaisis, mais pas seulement pour celui-ci.
En conséquence, il a proposé un dispositif progressif de taxation aux droits d'accise, pour laisser le temps aux professionnels de s'adapter.
Le Gouvernement français soutient activement cette proposition devant la Commission de Bruxelles.
Comme vous l'avez rappelé, cette question a notamment été abordée lors du récent conseil franco-britannique entre les deux Premiers ministres et lors du conseil des chefs d'Etat et de Gouvernement qui s'est tenu à Vienne, les 11 et 12 décembre 1998.
Vous voyez donc que le Gouvernement est particulièrement déterminé à trouver une solution. Sa recherche est en cours et la représentation nationale sera évidemment tenue informée de l'évolution de cette question.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La réponse que vous venez de m'apporter, monsieur le secrétaire d'Etat, est très imprécise ; elle ne me satisfait donc pas pleinement.
Nous sommes à cinq mois de la date butoir. Or, alors que l'Europe souhaitée par le Gouvernement - et M. le Premier ministre l'a confirmé hier, devant le Congrès, à Versailles - a comme priorité l'emploi, l'une des premières décisions tendrait à en supprimer 140 000.
J'ai lu que le Gouvernement faisait référence à un éventuel moratoire. Je souhaiterais savoir ce qu'il en est.
J'ai également lu que le président Jacques Santer avait déclaré : « Si prorogation il y a, elle sera très limitée. » Il n'a donc été question que d'une prorogation de quelques mois.
Or, je persiste à croire, je tiens à le redire, qu'il faudra quelques années pour redéfinir ces ventes hors taxes. Je persiste également à croire que l'ensemble du secteur est concerné et pas seulement le trafic transmanche.
Nous avions été satisfaits du rapport de M. Capet, qui contenait un constat et quelques propositions. Mais celles-ci n'ont pas été complètement prises en compte. S'en tenir, comme je l'ai lu, au seul trafic transmanche serait très insuffisant pour notre pays.
Je tiens à rappeler qu'il s'agit de productions qui font vivre des milliers de personnes ; je pense notamment au champagne, aux parfums de la Côte d'Azur et au cognac des Charentes.
Exclure les vols aériens de toute décision prorogeant les ventes hors taxes au-delà de juin 1999 se traduirait par des déficits pour les aéroports et par des suppressions d'emplois.
Le commerce hors taxes est un test pour l'Europe de l'emploi et du progrès social, je tiens à le répéter. Avec ce problème, nous quittons la théorie : le Gouvernement sera jugé sur ses actes et il serait dommageable que cette nouvelle Europe commence avec la suppression de 140 000 emplois !

MISE EN OEUVRE DE L'INSTRUCTION BUDGÉTAIRE
ET COMPTABLE M 14

M. le président. La parole est à M. About, auteur de la question n° 390, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Nicolas About. Le 10 novembre dernier, ont été publiés au Journal officiel les derniers décrets relatifs à l'instruction budgétaire et comptable M 14 des collectivités locales. Cette publication, beaucoup trop tardive, pénalise fortement les communes qui ont fait le choix, depuis plusieurs années, de voter leur budget au mois de décembre.
Ces communes sont pénalisées, car elles n'ont pas les moyens matériels de s'adapter. A titre d'exemple, le simple travail d'adaptation des logiciels informatiques réclamera en moyenne cinquante jours pour les sociétés prestataires de services. Les nouvelles maquettes budgétaires ne seront donc pas disponibles avant la fin du mois de février 1999 ! Les communes qui ont voté leur budget en décembre sur la base de la précédente nomenclature doivent donc transposer leur budget dans sa nouvelle version, annuler celui de décembre et revoter le budget primitif pour 1999, et ce avant le 31 mars 1999.
Par curiosité, il serait intéressant de savoir comment les communes, notamment celles qui ont moins de 5 000 habitants, pourront - c'est un laps de temps très court - gérer la période de transition de trois mois, que leur concède l'Etat.
Au-delà des difficultés matérielles qui se posent, j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les changements perpétuels de nomenclature que l'Etat fait subir aux collectivités locales depuis dix ans. Bien sûr, il est louable de vouloir ajuster la M 14 aux réalités fonctionnelles des communes plutôt que de s'en tenir à la nomenclature fonctionnelle des administrations. Mais, aujourd'hui, l'instabilité des textes est une véritable calamité pour nos petites communes, qui ont bien d'autres charges à assumer.
Qu'on ne nous dise pas que ces textes ont fait l'objet d'une concertation avec le comité des finances locales. La gestation de la M 14 s'est faite en dix ans. Ne pouvait-on prévoir une solution durable dès le départ ? Quand donc les préoccupations réelles des acteurs locaux seront-elles prises en compte ? Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, quand l'Etat respectera-t-il le principe fondamental de la libre administration des collectivités locales, qui est inscrit dans notre Constitution, mais qui est si souvent écorné ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l'instruction budgétaire et comptable M 14, et je voudrais vous apporter quelques précisions.
Il y a eu des mises à jour en 1999 avec, en premier lieu, la refonte de la nouvelle nomenclature fonctionnelle applicable aux communautés de 3 500 habitants et plus.
Un groupe de travail a fonctionné au sein du comité des finances locales. Je rends d'ailleurs hommage à ce groupe de travail, qui a mené à bien cette refonte au cours du premier semestre de l'année 1998.
La nouvelle nomenclature fonctionnelle a ainsi été adoptée par le comité des finances locales le 8 juillet 1998.
D'autres modifications de l'instruction M 14 ont été approuvées lors de la même séance du comité des finances locales du 8 juillet 1998.
Elles ont donné lieu à un travail de refonte des maquettes budgétaires au cours de l'été 1998, afin de prendre en compte la nouvelle nomenclature fonctionnelle, les adaptations des plans de comptes par nature. L'ensemble de ces aménagements ont été approuvés par le comité des finances locales le 8 septembre.
J'en viens directement à votre question pour souligner l'importance de la réunion qui a été organisée le 10 septembre 1998, sous l'égide de l'Association des maires de France, afin d'informer, de façon précoce, les sociétés de services informatiques des modifications qui doivent être apportées à l'instruction M 14 pour l'exercice 1999.
A titre d'exemple, la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des collectivités locales ont remis à chacune de ces sociétés une maquette budgétaire pour chaque catégorie de communes.
Ensuite, le 10 novembre, un arrêté a formellement publié l'instruction M 14 ainsi que les décrets nécessaires. Mais je crois que, grâce à cette réunion du 10 septembre, tout avait été fait pour préparer au mieux les budgets, même ceux qui allaient être votés par les collectivités territoriales avant le 31 décembre 1998.
Je vous rappelle par ailleurs, monsieur le sénateur, ce que j'ai dit à l'occasion du dernier congrès de l'Association des maires de France. Pour Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, et pour moi-même, sous réserve de la nécessaire prise en compte des nouvelles dispositions d'ordre législatif, il est souhaitable désormais de stabiliser pour quelques exercices les maquettes et les nomenclatures budgétaires. La stabilité que vous appelez de vos voeux est donc décidée pour l'avenir.
J'espère ainsi vous avoir complètement rassuré, monsieur le sénateur.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait état de toutes les réunions qui se sont tenues pour préparer les modifications nécessaires. Mais, nous le savons tous, il faut attendre la sortie du décret pour connaître réellement le contenu des modifications qui vont être apportées, car certaines d'entre elles peuvent être envisagées au dernier moment - cela s'est déjà vu !
Je souhaite vraiment savoir quelles sont les communes de France qui ont réussi à s'adapter à l'instruction M 14 avant le 31 décembre. J'ai personnellement fait voter à ma commune son budget ; comme je le fais depuis vingt-deux ans. Mais ce n'est pas en deux mois qu'on peut changer des procédures budgétaires ! Ce qui nous est demandé n'est pas raisonnable.
Je pense que le bon sens - mais il est vrai que le bon sens étant la chose la moins bien partagée, c'est difficile ! - aurait consisté à dispenser les communes qui ont voté leur budget avant le 31 décembre de revoter le budget primitif pour 1999 avant le 31 mars. Ce n'est malheureusement pas le cas. On ne peut que le regretter.
Je me félicite toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ayez demandé que soient stabilisés les documents. Ce sera une bonne chose. Au moins les pourront-ils s'attacher à leur véritable tâche, à savoir la gestion de leur collectivité.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

10

VOEUX DE M. LE PRÉSIDENT

M. le président. Avant de passer à l'ordre du jour, qui appelle, vous le savez, la discussion du projet de loi d'orientation agricole, je voudrais, mes chers collègues, vous adresser à toutes et à tous les voeux les plus chaleureux que je forme pour vous-mêmes et ceux qui vous sont chers au début de cette année 1999.
Puisse cette dernière année du siècle vous apporter toutes les satisfactions que vous espérez.
Ces souhaits, monsieur le ministre, ne sont pas à usage exclusivement sénatorial : ils vous concernent également, vous dont je salue la présence aujourd'hui dans cet hémicycle, où vous êtes venu pour défendre, dans vos nouvelles fonctions, votre premier texte important. A vous aussi, bonne et heureuse année !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, je vous remercie de vos voeux, qui me vont droit au coeur.

A mon tour, j'adresse à vous-même, à ceux qui vous sont chers et à cette noble assemblée mes voeux personnels et ceux du Gouvernement pour cette année qui commence. (Applaudissements.) 11

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
A. - Mercredi 20 janvier 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes, déposera à dix-sept heures trente, sur le bureau du Sénat, le rapport annuel de la Cour des comptes.
B. - Jeudi 21 janvier 1999 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999) ;
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures ;

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
C. - Mardi 26 janvier 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente et à seize heures :
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (n° 130, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 25 janvier 1999 à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi constitutionnelle ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 25 janvier 1999 ;
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à un scrutin public à la tribune lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
D. - Mercredi 27 janvier 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (n° 133, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 26 janvier 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
2° Suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).
E. - Jeudi 28 janvier 1999 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente :
1° Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 502, 1997-1998) sur :
- la proposition de loi de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues, tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de dommages liés à leur activité minière (n° 220, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues, complétant le code minier (n° 298 rectifié, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 229, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation minière (n° 235 rectifié, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues, relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière (n° 247, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues, relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 248, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 janvier 1999 ;
A quinze heures :
2° Question orale avec débat n° 8 de M. Paul Masson à M. le Premier ministre sur le redéploiement des forces de sécurité ;
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 janvier 1999 ;
3° Proposition de loi de M. Alain Vasselle, relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer (n° 210, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
F. - Mardi 2 février 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente et à seize heures :
- suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).
G. - Mercredi 3 février 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
1° Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 146, 1998-1999) ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 145, 1998-1999).
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 2 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 2 février 1999.
H. - Jeudi 4 février 1999 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de l'ordre du jour de la veille ;
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945, relative aux spectacles (n° 512, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 3 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
A quinze heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures ;

Ordre du jour prioritaire

4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans (n° 114, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 3 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 3 février 1999.
I. - Mardi 9 février 1999 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.

Ordre du jour prioritaire

N° 361 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (aménagement de la nationale 10 entre Rambouillet, Bel Air et Ablis) ;
N° 367 de M. Francis Grignon à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (législation relative à la prise illégale d'intérêts) ;
N° 391 de M. Alain Gournac à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (dégradations dues aux graffitis) ;
N° 394 de M. Dominique Leclerc à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (aménagement de la Loire et de ses affluents) ;
N° 395 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (désamiantage de Jussieu) ;
N° 397 de M. Bernard Fournier à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes (importation et distribution de médicaments) ;
N° 398 de M. Georges Othily à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (statut de l'institut d'émission des départements d'outre-mer) ;
N° 399 de M. Bernard Joly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (majoration pour enfants servie aux veuves civiles) ;
N° 400 de M. Michel Barnier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (liaisons transalpines pour les voyageurs et les marchandises) ;
N° 403 de Mme Gisèle Printz à Mme le ministre délégué à l'enseignement scolaire (organisations des voyages scolaires) ;
N° 405 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (conditions d'installation de débits de tabac en zone de montagne) ;
N° 406 de Mme Nelly Olin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (service public ferroviaire en Val-d'Oise) ;
N° 408 de M. Pierre-Yvon Tremel à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (situation du CEVA, centre d'études et de valorisation des algues) ;
N° 409 de M. Guy Vissac à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (plan d'aménagement de la Loire) ;
N° 410 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (coût et conséquences du passage informatique à l'an 2000) ;
N° 411 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (restructuration de l'aéroport d'Orly) ;
N° 413 de M. Jacques Peyrat à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (aménagement du territoire dans les Alpes-Maritimes) ;
N° 414 de M. Charles Descours à M. le Premier ministre (application de la loi sur la veille sanitaire) ;
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale (A.N., n° 998) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 8 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
J. - Mercredi 10 février 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (n° 118, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 9 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
K. - Jeudi 11 février 1999 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente :
1° Question orale avec débat n° QE 4 de M. Michel Barnier à M. le ministre des affaires étrangères, sur l'avenir de la politique étrangère et de sécurité commune ;
La discussion de cette question orale s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.
A quinze heures :
2° Proposition de loi de M. Philippe Arnaud et plusieurs de ses collègues tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics (n° 491, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 10 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 10 février 1999.
L. - Mardi 16 février 1999 :
A neuf heures trente :
1° Questions orales sans débat ;
A seize heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique et le projet de loi, relatifs à la Nouvelle-Calédonie ;
3° Projet de loi portant création de l'autorité de contrôle technique de l'environnement sonore aéroportuaire (n° 8, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 15 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile (n° 516, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 15 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
M. - Mercredi 17 février 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux polices municipales (A.N., n° 960).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 16 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant dix-sept heures, le mardi 16 février 1999.
N. - Jeudi 18 février 1999 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
2° Projet de loi sur l'innovation et la recherche (n° 152, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 17 février 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 17 février 1999.
A quinze heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.
Vous constaterez, mes chers collègues, que le programme des travaux du Sénat a été établi pour un mois. C'est ce que vous aviez souhaité, afin d'aménager vos emplois du temps.
Je tiens à remercier le Gouvernement pour ce progrès et je lui demande de bien vouloir persévérer dans cette voie.

12

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 18, 1998-1999) d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence. [Rapport n° 129 (1998-1999) ; avis n°s 132 (1998-1999) et 151 (1998-1999]).
Avant d'ouvrir la discussion, je dois vous rappeler que le Conseil économique et social a demandé que, conformément aux dispositions de l'article 69 de la Constitution, Mme Christiane Lambert, rapporteur de la section de l'agriculture et de l'alimentation, puisse, pour ce texte, exposer l'avis du Conseil économique et social devant le Sénat.
Conformément à l'article 69 de la Constitution et à l'article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez introduire Mme Christiane Lambert.
(Mme Christiane Lambert est introduite selon le cérémonial d'usage.)
Permettez-moi, madame, en mon nom propre et au nom de tous mes collègues, de vous souhaiter la bienvenue à la Haute Assemblée.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 4, du règlement le représentant du Conseil économique et social expose devant le Sénat l'avis du Conseil avant la présentation du rapport de la commission saisie au fond.
D'autre part, le représentant du Conseil économique et social a accès dans l'hémicycle pendant toute la durée de la discussion en séance publique. A la demande du président de la commission saisie au fond, la parole lui est accordée pour donner le point de vue du Conseil sur tel ou tel amendement ou sur tel ou tel point particulier de la discussion.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée est aujourd'hui appelée à examiner en première lecture ce projet de loi d'orientation agricole.
En vérité, ce texte a déjà une longue histoire.
Celle-ci a commencé en 1996, lors du cinquantième anniversaire de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, à l'occasion duquel le Président de la République, M. Jacques Chirac, s'était engagé à demander au Gouvernement de soumettre au Parlement, dans les meilleurs délais, un projet de loi d'orientation agricole.
C'est ainsi que M. Philippe Vasseur, l'un de mes prédécesseurs, avait déposé un tel texte sur le bureau de la Haute Assemblée, texte qui n'a cependant pu être discuté du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Mon prédécesseur immédiat, mon ami Louis Le Pensec, a rouvert le chantier, procédant à une très large concertation, reprenant un certain nombre d'acquis du travail déjà effectué, tout en y apportant des compléments ou des modifications.
Le présent projet de loi a été soumis, lors de la dernière rentrée parlementaire, à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté le 13 octobre 1998.
Il s'agit évidemment d'un texte important, voire fondamental, ne serait-ce que parce que l'on ne vote pas de loi d'orientation tous les jours ! Mais surtout, notre agriculture a besoin de voir précisés un certain nombre de concepts, et ce texte est attendu par des centaines de milliers d'agriculteurs. Les pouvoirs publics doivent tracer un cap, définir une politique à moyen et long terme pour l'agriculture française, ce qui détermine aussi, en fin de compte, l'avenir de l'agriculture européenne.
J'aborde cette discussion avec une totale ouverture d'esprit.
J'étais député quand l'Assemblée nationale a examiné ce texte en première lecture, et je l'ai voté. Qu'on n'attende donc pas de moi que je ne le défende pas : je le défendrai à la fois dans un souci de cohérence personnelle et au nom de la solidarité gouvernementale. Au demeurant, je considère que ce texte est équilibré et qu'il répond bien aux problèmes qui se posent à notre agriculture. Je soutiens les grands principes qu'il met en oeuvre et les choix généraux qu'il tend à opérer.
Pour autant, je n'oublie pas que j'ai été parlementaire, et je souhaite que le débat, au Sénat, permette d'apporter au texte les précisions qui s'avéreront nécessaires, éventuellement de l'alléger, de lever certaines ambiguïtés qu'il comporte. C'est d'ailleurs la vocation même du débat parlementaire que d'enrichir les textes.
D'ailleurs, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, comme d'autres députés, j'avais conscience que, dans le feu de la discussion, nous avions parfois quelque peu « chargé la barque ». Cela s'est produit avec ce texte comme cela se produit avec d'autres.
Ma propre ouverture d'esprit est d'ailleurs à la mesure de celle dont ont su faire preuve vos commissions et vos rapporteurs, MM. Souplet, Vecten et Leclerc, qui ont accompli un travail remarquable. Je tiens en particulier à saluer ici leur souci de mener avec le ministère des échanges constructifs, manifestant clairement leur volonté d'oeuvrer dans le sens d'une amélioration du texte.
Il ne me paraît pas inutile de mettre ce projet de loi d'orientation en regard de l'actualité, notamment des débats qui se déroulent en ce moment à propos du financement de l'Union européenne, du « Paquet Santer », autrement dit d'Agenda 2000. Ces débats touchent évidemment la politique agricole commune, et donc la politique agricole de notre pays.
Ils ont été amorcés voilà plusieurs mois déjà, à l'occasion des derniers conseils agricoles, mais ils ont pris un tour plus aigu il y a quelques semaines au sein du groupe dit « de haut niveau. » Ces derniers jours, et ce matin encore, à Bruxelles, ont été menées des négociations qui sont au coeur de la politique agricole commune.
Je voudrais redire devant vous, en introduction à cette discussion, ce que j'ai été amené à dire, au nom de la France, lors du conseil agricole, à savoir que la France abordait la négociation de la politique agricole commune avec quelques idées simples mais qu'elle tient à proclamer haut et fort, car elles correspondent pour elle à un choix politique de fond, choix avalisé non seulement par le Gouvernement mais aussi par le Président de la République.
La première idée, c'est qu'il ne saurait être question de signer quelque accord agricole que ce soit sans que cet accord soit relié à l'ensemble des points qui sont envisagés dans le cadre du financement d'Agenda 2000.
Il est hors de question pour la France de signer un accord sur la PAC, dont la France est la première bénéficiaire, sans que, parallèlement, les autres pays fassent aussi les efforts nécessaires.
Il faut à tout prix échapper au piège bien connu des négociateurs de mauvaise foi qui disent : « Tout ce qui est à moi est à moi, tout ce qui est à toi se discute. »
Eh bien, nous ne discuterons pas de la politique agricole commune tant qu'on ne parlera pas du reste. Plus exactement, nous voulons bien en discuter pour faire avancer les idées mais nous ne signerons pas d'accord sur la PAC tant qu'il n'y aura pas d'accord sur l'ensemble, tant qu'il n'y aura pas d'accord sur la remise en cause du chèque britannique, tant qu'il n'y aura pas d'accord sur la réforme des fonds structurels, tant qu'il n'y aura pas d'accord sur l'égilibilité au fonds de cohésion, tant qu'il n'y aura pas d'accord sur les revendications budgétaires allemandes - celles-ci sont recevables, certes, mais pas en l'état - tant qu'il n'y aura pas d'accord sur les recettes, en particulier sur les clés de financement et sur l'idée, qui avance bon an mal an, d'une clé de financement liée au produit intérieur brut.
M. Emmanuel Hamel. Très bien ! Soyez ferme !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est un ensemble qu'il faut signer, et nous n'accepterons pas que la politique agricole commune soit prise en otage dans cette négociation, car ce sont les agriculteurs français qui seraient en fait pris en otage. Or il n'est pas question de demander des efforts aux agriculteurs, en particulier aux agriculteurs français, sans en demander aux autres parties intéressées.
Le deuxième point que nous avons soulevé à cette occasion, au nom de la France, a trait à l'intégration, de façon raisonnée mais dès le début des discussions, de ce que l'on appelle la contrainte budgétaire.
En effet, cette contrainte budgétaire s'impose à nous puisque l'Allemagne - je l'ai dit voilà un instant - a posé le problème. Nous ne pouvons, bien évidemment, que respecter le souci exprimé par un grand pays ami, même si, comme je l'ai déjà souligné, toutes les affirmations de nos voisins ne doivent pas forcément être reçues sans examen.
Ainsi, les revendications budgétaires allemandes sont sur bien des points et à bien des égards déraisonnables, s'agissant notamment du total des montants en jeu.
Quoi qu'il en soit, même si nos amis allemands ne soulevaient pas la question de la contrainte budgétaire, celle-ci s'imposerait à nous puisque les pays de l'Union européenne ont ratifié le pacte de stabilité et de croissance et ont engagé une lutte, que je crois utile, nécessaire et porteuse d'avenir, contre les déficits publics.
En outre, lorsque l'on gère des crédits publics, on doit de toute façon toujours se préoccuper de la légitimité de leur affectation.
J'estime donc nécessaire que nous nous interrogions aujourd'hui, à l'échelon tant français qu'européen, sur la légitimité des aides que nous accordons à l'agriculture. Il s'agit là, selon moi, d'un service à rendre aux agriculteurs.
Par conséquent, nous souhaitons que la PAC soit économe.
Cela aura évidemment des conséquences, car il existe alors deux manières d'aborder la négociation : soit on prend d'entrée de jeu en compte cette contrainte budgétaire - j'y reviendrai - soit on fait comme si elle n'existait pas, conformément à la malheureuse tendance de la Commission européenne.
Dans cette dernière hypothèse, on élabore alors une belle réforme, comme la Commission européenne le fait si souvent, une réforme coûteuse, très coûteuse même, et au bout du compte, puisque l'on ne sait pas comment la financer, on présente un jour l'addition, comme dans un restaurant ou dans un hôtel, et on demande aux partenaires de contribuer à son règlement ; cela s'appelle le cofinancement.
J'ai dit hier, d'une manière aussi ferme et solennelle que possible, que la France, à tous les niveaux de ses pouvoirs publics, rejetait l'hypothèse du cofinancement de la politique agricole commune, et refusait en tout cas d'envisager le cofinancement des aides directes, c'est-à-dire de celles qui sont destinées au soutien des marchés.
Cette attitude tient à des questions de principe, mais aussi à des motivations concrètes. Nous refusons en effet que cet acquis communautaire que représentent les organisations communes de marché soit démantelé, ou risque de l'être, par une « renationalisation » des aides directes. Nous refusons d'entrer dans cette logique, car soit l'on s'engage dans la voie d'un cofinancement aléatoire, ce qui pourrait engendrer des distorsions de concurrence, soit l'on essaie d'imposer le cofinancement, et alors certains parlements nationaux pourraient ne pas se soumettre et objecter que les payeurs doivent être les décideurs, ce en quoi, d'une certaine manière, ils n'auraient pas tort.
Par conséquent, nous refusons, pour ces questions de principe, de voir un acquis communautaire remis en cause par la mise en place du cofinancement, et afin d'écarter cette menace nous demandons que la contrainte budgétaire soit prise en compte dès le début des négociations.
Cela signifie, par exemple, qu'il ne faut entreprendre une réforme de l'organisation du marché du lait, qui serait terriblement et coûteuse et que rien ne justifie dans l'état actuel du marché mondial et européen du lait.
Cela signifie aussi qu'il faut renoncer, s'agissant de la viande bovine, à ces baisses excessives de prix - elles atteignent 30 % - qui sont déraisonnables et qui nous exposent aux pires risques. En effet, leur compensation coûterait très cher, et l'absence de compensation porterait lourdement préjudice aux éleveurs.
Cela signifie, enfin, qu'il faut évaluer les conséquences budgétaires à chaque stade de la négociation et faire en sorte que la politique agricole commune que nous allons construire soit économe.
Le troisième point que j'ai évoqué au nom de la France n'est pas le moins important, et il est peut-être même le plus incontournable sur le plan politique : nous voulons que la politique agricole commune soit réorientée. Nous abordons-là le thème qui est au coeur du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui et dans les jours qui viennent.
Réorienter la politique agricole commune, cela implique de prendre en compte l'évolution de l'agriculture française et européenne, de tirer les leçons de l'application de la politique agricole commune décidée en 1992, de faire le point, d'une façon plus générale, sur les réalités agricoles.
A cet égard, je vous indiquerai brièvement quels enseignements je tire aujourd'hui de l'examen de la situation agricole qui prévaut en France et en Europe.
Quel est le plus grand risque que court l'agriculture en France et en Europe ? C'est de voir se répandre, dans la société, dans l'opinion, dans un certain nombre de cercles politiques, professionnels, syndicaux ou autres, cette idée que l'agriculture coûte cher et occupe un nombre de moins en moins élevé d'actifs, lesquels polluent de plus en plus nos nappes phréatiques et nos sols et produisent une alimentation peu sûre et de mauvaise qualité. Telle est ma plus grande crainte pour l'avenir de l'agriculture, tel est le plus grand risque que court cette dernière. Or cette opinion tend à se répandre dans le public.
La conclusion concrète que j'en tire est que le modèle agricole européen que nous voulons construire devra être économe, concerner le plus grand nombre possible d'agriculteurs, épargner nos sols et nos rivières et viser à produire une alimentation sûre et de bonne qualité.
Voilà pourquoi nous devons d'abord définir, aux échelons européen et national, le modèle agricole que nous voulons bâtir, afin d'adapter en conséquence la politique agricole commune et la loi d'orientation agricole. Tel est l'objet du projet de loi que je vous présente.
Incidemment, c'est aussi pour cette raison que la France propose une réorientation des aides agricoles. Il s'agit de sortir de cette logique absurde suivant laquelle, depuis des années, plus un agriculteur produit, plus il reçoit d'argent. Ainsi, le montant des primes accordées à un exploitant qui possède mille hectares de terres et qui produit en conséquence sera cent fois supérieur à celui dont bénéficiera son collègue qui cultive dix hectares. C'est cette logique à la fois infernale et injuste poussant au productivisme et aboutissant à ce que 20 % des exploitations perçoivent 80 % des aides qu'il faut remettre en cause.
C'est pourquoi la France a proposé solennellement hier, et pour la première fois, que la nouvelle politique agricole commune prévoie la réorientation des aides, par le biais de la réduction progressive du montant des aides directes, dont je parlais voilà un instant et qui ressortissent à l'acquis communautaire. Les crédits ainsi dégagés pourraient ensuite être affectés selon une logique liée non plus aux prix, aux marchés et à la production, mais aux caractéristiques de l'exploitation. Il s'agirait donc d'une aide à la personne, et non plus au produit.
C'est une réorientation de fond, qui serait possible à l'échelon européen grâce à ce redéploiement des moyens au profit des aides dites du « deuxième pilier » - développement rural - selon des critères, qu'il nous faudra définir, touchant à l'emploi, à l'environnement, au territoire. Je reviendrai sur ce point.
Cette proposition de réorientation, que j'ai formulée hier au nom de la France et qui a reçu un écho plus que favorable - elle pourrait faire son chemin dans les semaines qui viennent ; c'est du moins ce que je souhaite car j'estime que c'est indispensable pour l'agriculture européenne - est au coeur du projet de loi d'orientation agricole que je suis venu défendre devant le Sénat.
Je vais maintenant présenter les sept grands principes qui, s'inscrivant dans le droit-fil de cette réorientation de la politique agricole européenne et nationale, ont guidé l'élaboration de ce texte.
Le premier de ces principes est celui du pluralisme et de la démocratie, qui vont de soi dans une assemblée démocratique comme le Sénat et dans une démocratie représentative comme la nôtre. Sa mise en oeuvre devait cependant être encore améliorée, et à cet égard les représentants de la principale organisation professionnelle agricole française affirment désormais publiquement qu'ils acceptent l'idée du pluralisme et qu'ils sont prêts à l'appliquer pleinement.
Cela doit être fait à tous les échelons de la vie professionnelle, selon les deux règles qui fondent la démocratie et le pluralisme : le respect du fait majoritaire, sans lequel aucune démocratie n'est possible, et le respect des minorités, parce que les démocraties qui ne respectent pas les minorités ne sont pas véritablement des démocraties.
Ce pluralisme, le projet de loi prévoit tranquillement et sereinement de l'enrichir, au bénéfice de l'ensemble des organismes qui gèrent ou cogèrent l'agriculture. Je pense que nous pouvons tous saluer cette avancée.
Le deuxième principe concerne les structures et repose sur deux idées simples.
Tout d'abord, il n'y a pas d'avenir possible pour l'agriculture sans une politique audacieuse et ambitieuse d'installation de jeunes agriculteurs, non seulement dans le cadre familial, mais aussi hors de celui-ci. A cette fin, un contrôle sur les structures doit être exercé, en vue de faciliter les transitions et les transactions. Je pense que nous devrions tous être d'accord sur ce point, car nous savons bien que, dans la période d'incertitudes que nous traversons, les décisions d'installation sont gelées partout en France et en Europe. Les conversations que j'ai eues avec mes collègues me l'ont confirmé. Il nous faut donc instituer un dispositif efficace afin que, dès la levée de ces incertitudes, nous puissions relancer une politique d'installation aussi ambitieuse que possible.
Notre objectif est non pas de mettre en place un système administré ou un carcan bureaucratique, mais de faire circuler l'information et régner la transparence en matière de transactions et de structures. Cette exigence de transparence est la seconde idée qui nous a guidés dans la rédaction du texte en ce qui concerne les structures.
Le troisième principe a trait au volet social. Je l'évoquerai rapidement, car nous y reviendrons lors de l'examen des articles et MM. les rapporteurs en parleront sans doute.
Il s'agit de poursuivre l'oeuvre entamée de recherche de la parité entre le monde agricole et le reste de la société. La parité signifie que lorsque l'on paie les mêmes cotisations, on doit bénéficier des mêmes prestations, et inversement.
Il s'agit aussi de poursuivre la revalorisation des retraites, plus particulièrement des petites retraites,...
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... pour lesquelles le Gouvernement a déjà consenti des efforts, à la suite de certains de ses prédécesseurs, mais peut-être avec plus de détermination et surtout en s'attachant davantage au cas des retraites les plus modestes. Nous devrons confirmer cet effort dans les années qui viennent,...
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme Hélène Luc. En particulier en faveur des femmes !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... afin de tenir les engagements pluriannuels que nous avons pris.
S'agissant des femmes, madame Luc, vous pensez bien que je ne vous contredirai pas !
M. Gérard César. Pas les femmes : les conjoints !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le quatrième principe porte sur la formation, sujet sur lequel je serai bref.
Il ne saurait être question, pour le Gouvernement, de remettre en cause l'équilibre des lois de 1984. Cela serait dangereux et engendrerait des perturbations. Par conséquent, le projet de loi vise simplement, sur ce point, à moderniser le dispositif existant, qui nous paraît satisfaisant.
Le cinquième principe concerne l'espace agricole.
A cet égard, les zones agricoles protégées en milieu péri-urbain permettent de limiter l'expansion parfois délirante des zones urbaines, mais surtout elles contribuent à la qualité de la vie en milieu urbain.
Le sixième principe touche à la sécurité alimentaire et à la qualité des produits.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nos concitoyens nous poussent à nous engager toujours plus avant dans la mise en oeuvre concrète du principe de « plus grande précaution », qui exige à la fois information, transparence et traçabilité.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Les contrôles doivent être permanents, et la mise en place du dispositif de biovigilance que nous évoquerons au cours de ce débat s'impose.
Le septième principe est le plus important, et vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, d'en parler plus longuement.
Il s'agit d'enrichir la profession d'agriculteur, en affirmant officiellement ses nouvelles dimensions, ou plus exactement des dimensions anciennes qui n'étaient pas reconnues jusqu'alors, mais qui sont essentielles pour l'équilibre de notre société.
Il convient de mettre en évidence le fait que l'agriculteur produit, certes - j'y reviendrai dans un instant - mais qu'il aménage aussi le territoire, qu'il entretient les paysages, qu'il peut préserver l'environnement, qu'il doit créer de l'emploi et qu'il est un acteur social. L'agriculteur, c'est tout cela.
L'agriculteur, c'est évidemment d'abord un producteur. Il n'est absolument pas dans l'esprit du contrat territorial d'exploitation, qui est l'outil central de reconnaissance de la multifonctionnalité que je viens d'évoquer, de nier cette dimension de producteur. L'agriculteur sera toujours - et heureusement ! - celui qui produit des biens agricoles pour notre alimentation, car il a pour vocation de nourrir la planète, au-delà de la population française, au-delà de la population européenne.
Mais cet agriculteur qui produit, c'est aussi un homme, une femme ou un ménage qui exerce les fonctions que j'évoquais tout à l'heure et qui doivent être encouragées.
Comme je l'ai dit voilà un instant, comme je l'ai dit hier au Conseil agricole, cela vaut en particulier pour l'emploi. Il est question partout de l'emploi en Europe, à tous les niveaux politiques, des présidents de la République et chefs d'Etat aux chefs de gouvernement, en passant par les ministres de l'économie et des finances. Aucune réunion européenne n'a lieu sans que l'on y évoque la priorité qui doit être donnée à la lutte contre le chômage, ce mal qui ronge nos sociétés, et à l'emploi. Par quelle absurdité, ou incohérence, les ministres de l'agriculture et les responsables agricoles seraient-ils les seuls à ne pas évoquer l'emploi ? Comment accepter que toutes les politiques soient orientées vers l'emploi, sauf la politique agricole commune et la politique agricole nationale ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que le CTE doit être un instrument de développement de l'emploi dans le monde agricole, qu'il s'agisse des chefs d'exploitation, par l'installation, ou des salariés agricoles.
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est très important. En l'occurrence, nous avons une bataille à livrer et le CTE doit nous aider à la gagner.
Mais le CTE, c'est aussi la reconnaissance d'autres tâches : la protection de l'environnement et des paysages, l'entretien et la préservation des territoires, l'animation du milieu rural.
Toutes ces tâches - certaines sont traditionnelles et sont donc déjà effectuées par les agriculteurs, d'autres sont innovantes - doivent être officiellement reconnues et encouragées. Le CTE a pour objet de contractualiser ce lien entre les pouvoirs publics, entre la collectivité nationale, entre nous, la société, et l'agriculteur.
M. Bernard Murat. Des kolkhozes !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous évoquez les kolkhozes, monsieur le sénateur ?
M. Bernard Murat. Eh oui ! On y viendra !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Au-delà de la forme, qui me paraît un peu exagérée - mais je vous encourage volontiers à recourir à ce type d'excès car cela m'aide à faire passer mes idées ! - je vous en prie, gardons la mesure. Examinez l'organisation qui est proposée.
A en croire certains propos ou articles sur le projet de loi d'orientation agricole, on mettrait en place un carcan administratif et bureaucratique pour l'agriculture française, alors que, partout ailleurs en Europe, on ne penserait qu'à se libérer d'un tel carcan.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous laisserais volontiers ma place quelques heures (Sourires.)...
M. Hilaire Flandre. Chiche !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... au Conseil agricole à Bruxelles pour que vous voyiez à quel rythme nos collègues européens s'efforcent de se libérer de ce carcan bureaucratique. En effet, à la table des négociations, pas une minute ne s'écoule sans que l'on nous propose une nouvelle prime. Vous parlez d'un libéralisme ! Ce qui sévit partout en Europe, ce n'est pas ce grand vent de libération des carcans, c'est, au contraire, la volonté de réguler, d'aider les plus petits, ceux qui sont en difficulté, d'ajuster les aides à ceux qui en ont besoin.
M. René-Pierre Signé. C'est la solidarité !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est l'idée de réorienter et de prendre en compte des nouveaux besoins de l'agriculture.
Je noterai soigneusement ces informations et je vous les communiquerai si vous le souhaitez. Ainsi, vous le constaterez, loin de ce grand vent de libéralisme qui - je ne le nie pas - souffle parfois, notamment au sein de la Commission, les pays européens cherchent surtout à être efficaces, justes, concrets et pragmatiques.
M. Emmanuel Hamel. Soyez-le vous-même !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Eh bien ! c'est l'objectif que nous cherchons à atteindre avec le CTE.
Quoi de plus beau qu'un contrat, qui n'est pas la forme la plus élaborée de la bureaucratie et de la paperasserie ! Le contrat, c'est la responsabilité qui est affichée ; le contrat, c'est la responsabilité de l'exploitant agricole face à la responsabilité de la société ; le contrat, c'est une action de responsabilité pluriannuelle. Je pense que le CTE, qui, j'en suis certain, va être consacré par cette loi d'orientation, sera un outil extrêmement novateur.
Aussi, je voudrais vous dire ici, aussi précisément que possible, comment je conçois ce CTE.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux pas que ce contrat soit un instrument monolithique, concentré, centralisé, bureaucratique, et ce pour une raison simple : je veux que cela marche, et j'y crois. C'est pourquoi je veux être pragmatique, et pour cela le dispositif doit être décentralisé, adapté à la réalité du terrain ; il doit reconnaître la diversité des situations.
En effet, il y a non pas « les » agriculteurs, mais « des » agriculteurs, qui sont chacun dans une situation particulière, avec une exploitation particulière, avec des problèmes particuliers. Le CTE doit reconnaître cette diversité et doit être suffisamment décentralisé pour que le dispositif ait des chances de réussir.
Pour ce faire, nous achevons une phase de préfiguration. Celle-ci a concerné quatre-vingts départements. C'est vous dire si les organisations professionnelles agricoles sont réticentes ! Elles ont toutes demandé, dans l'ensemble des départements, à participer à cette préfiguration.
A l'issue de cette phase de préfiguration, qui s'achèvera à la fin du mois, le ministère organisera avec tous ceux qui sont concernés, et même au-delà, avec l'opinion, des débats publics, afin de prendre en compte le formidable bouillonnement qui a été constaté dans l'ensemble des départements.
Je n'ai pas lu les quatre-vingts contributions ; elles ne sont d'ailleurs pas encore toutes parvenues au ministère. S'agissant de celles que j'ai lues, elles sont de qualité diverse. Certains départements sont un peu conformistes, - je ne les citerai pas, afin de ne blesser personne - d'autres sont très audacieux et très novateurs.
M. Raymond Courrière. L'Aude ! (Sourires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cette phase de préfiguration a donné lieu à un très bel effort de réflexion collective sur l'avenir de notre agriculture. Il nous faut maintenant prendre en compte cet effort et organiser un débat public pour tirer des leçons sur ce qu'il faut faire comme sur ce qu'il ne faut pas faire. Il faudra parfois recadrer les débats en disant : attention ! le CTE n'est pas fait pour cela ; là, vous avez raison, il faut l'encourager.
Mais nous devons surtout, je l'ai dit tout à l'heure, avoir pour obsession de reconnaître la diversité. C'est pourquoi, à titre personnel, je me suis toujours méfié de ce que l'on appelle les contrats types. Je ne veux pas d'un contrat type, qui serait un carcan. Je veux presque autant de contrats types que de réalités agricoles, partout sur l'ensemble du territoire. Il faut laisser l'éventail du choix sur des grandes options, sachant que les contrats territoriaux d'exploitation comporteront deux grands volets : un volet économique et social et un volet territorial et environnemental. Dans ces volets, l'innovation et la diversité doivent trouver leur place.
Nous organiserons ce débat dans les semaines à venir. Les décrets d'application de la loi seront pris au printemps prochain et, je l'espère, les premiers contrats territoriaux d'exploitation pourront être signés au mois de septembre ou d'octobre. En tout cas, c'est le cap que je me suis fixé.
Pour cela, vous le savez, nous disposons des moyens nécessaires. Dans le budget, 300 millions de francs sont inscrits pour le contrat territorial d'exploitation, auxquels s'ajoutent 150 millions de francs d'aides européennes qui sont d'ores et déjà acquis.
Ces 450 millions de francs qui financeront le CTE pour la dernière partie de 1999 ne sont pas à la hauteur des enjeux, j'en suis bien d'accord. Nous disposerons - je l'espère, et je le pense même maintenant - des crédits européens réorientés, ainsi que je l'ai demandé tout à l'heure - vous le voyez, la boucle se ferme. Grâce à la réorientation des crédits des aides directes vers le développement rural, c'est-à-dire le deuxième pilier, nous pourrons financer le contrat territorial d'exploitation. Je pense que c'est en bonne voie. Il faudra sans doute opérer d'autres choix budgétaires, pour lesquels, j'en suis sûr, dans quelques mois, si je suis encore là.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs je me suis efforcé de ne pas être trop long, mais je l'ai été malgré tout un peu - telles sont les grandes orientations de ce projet de loi que, à la suite de mon prédécesseur et ami M. Le Pensec, qui a réalisé un excellent travail, je suis heureux de vous présenter au nom du Gouvernement tout entier. Je suis convaincu que la discussion qui va s'engager enrichira encore ce texte. Je vous remercie par avance de votre contribution. (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur du Conseil économique et social.
Mme Christiane Lambert, rapporteur de la section de l'agriculture et de l'alimentation du Conseil économique et social. Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole pour présenter l'avis du Conseil économique et social sur le projet de loi d'orientation agricole avant que s'ouvre le débat général.
Le Conseil économique et social a effectué un travail approfondi d'analyse de ce texte. L'ensemble des corps socioprofessionnels ont participé à ce travail et l'ont adopté à une très importante majorité. Les agriculteurs présents au Conseil économique et social ont approuvé à l'unanimité l'avis que j'ai porté en leur nom.
Vous avouerai-je mon émotion en présentant cet avis, qui constitue le message qu'un corps socioprofessionnel adresse par ma voix au législateur ? En effet, avant d'être une militante syndicale qui a longtemps porté l'étendard des jeunes agriculteurs, je suis une agricultrice passionnée par son métier.
L'histoire des politiques agricoles révèle que, de tout temps, l'intervention de l'Etat en lien avec la profession visait un double objectif : adapter l'agriculture aux évolutions de l'économie, d'une part, et aux mutations de la société, d'autre part.
Il s'agissait d'abord, de nourrir les hommes tout en structurant le développement des exploitations agricoles et des filières par la formation, la vulgarisation, la forte organisation économique, la promotion et l'exportation.
Puis les objectifs ont évolué vers un accompagnement plus ciblé selon la diversité des territoires, l'attente de productions plus qualitatives, la préoccupation environnementale et les évolutions démographiques.
Au fil des années, l'Etat s'est ainsi attaché à assurer la cohérence entre aspiration au changement et gestion des changements.
Le Conseil économique et social affirme qu'une loi d'orientation agricole doit marquer une réelle offre d'ouverture de l'agriculture sur la société, comme l'ont constituée, en leur temps, les lois de 1960 et 1962.
L'intérêt croissant porté à l'alimentation, aux conditions de production, à la santé, à l'espace, à l'emploi, à la vitalité des zones rurales, à la gestion des ressources naturelles révèle l'attachement culturel de nos concitoyens à un modèle de développement efficace et équilibré.
Ces éléments sont autant de défis nouveaux pour l'agriculture, qu'elle doit intégrer dans sa nouvelle performance globale, performance qui sera désormais tout à la fois économique, sociale, territoriale et environnementale.
Le Conseil économique et social a d'ailleurs souligné que depuis de nombreuses années bon nombre d'agriculteurs ont déjà progressivement adapté leurs stratégies d'exploitation, anticipant parfois des réglementations administratives, le plus souvent dans un cadre structuré par les organisations professionnelles agricoles. Sur le terrain, cela constitue donc non pas une révolution, mais l'amplification d'une modernisation qualitative, à l'image de la prise en compte de considérations sociales et environnementales par des entreprises en nombre croissant, dans tous les secteurs de l'économie.
Nous nous sommes attachés, dans cet avis, à constater la réalité d'aujourd'hui et à définir les tendances lourdes du contexte dans lequel évoluera demain l'agriculture. Nous ne pouvons en effet ignorer des enjeux plus larges qui peuvent sembler plus lointains mais qui ont pourtant une incidence directe sur l'ensemble des acteurs économiques.
Je veux parler des évolutions qui se dessinent à l'échelon mondial, avec une économie de plus en plus ouverte, une forte expansion de la demande alimentaire mondiale, une libéralisation des échanges dont l'agriculture ne peut plus s'abstraire depuis les accords de Marrakech.
Des distorsions subsistent cependant tant sur le plan social que le plan environnemental, faussant la loyauté des échanges, sans parler du dumping économique pratiqué par certains pays en totale contradiction avec les exigences libérales qu'ils imposent aux autres Etats.
Il s'agit également de la réforme des politiques européennes agricole, rurale et socio-structurelle dans le cadre de l'Agenda 2000, qui prépare en particulier l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale.
Les premières propositions de la Commission montrent l'inadéquation manifeste des solutions proposées face aux problèmes pourtant lucidement analysés.
La volonté d'alignement sur des prix mondiaux très théoriques et le renforcement du soutien aux facteurs de production conduisent à une concentration des structures et à une simplification des systèmes de production vers des produits standard. L'agriculture se trouve fragilisée et appauvrie, l'installation de nouveaux exploitants devient encore plus difficile. C'est la poursuite de la logique néfaste enclenchée depuis 1992.
Le récent retournement des marchés confirme pourtant la permanence des risques de crises et la nécessité du maintien de mécanismes de régulation au sein d'organisations communes de marché renforcées et modernisées.
Enfin, sur le plan national, si notre agriculture est confortée par les succès économiques de nos exportations et de nos industries agro-alimentaires, elle souffre d'une baisse extrêmement importante du nombre de ses actifs qui conduit à une forte dévitalisation de zones rurales entières.
Le retournement démographique actuel, caractérisé par un faible nombre de départs en retraite, ne permet plus de compter sur des restructurations importantes pour améliorer le revenu individuel des agriculteurs. Il devient alors plus que jamais impératif de trouver de nouvelles voies de création de richesses.
Dans cet environnement, face à la suprématie de la standardisation prônée par certains pays, l'agriculture française se doit de conserver les valeurs qu'elle porte au bénéfice de la société tout entière, dans l'équilibre entre respect de la responsabilité humaine, vocation productive et exportatrice, culture de la solidarité entre les territoires.
Ce choix doit servir de référence dans la perspective des prochaines échéances européennes et internationales. Il faut affirmer que l'agriculture, par son activité de production, crée des richesses pour des marchés nationaux, européens et mondiaux, mais qu'elle fournit aussi des emplois et des biens immatériels pour la société.
L'agriculture joue également, et de façon indissociable, un rôle dans l'occupation et l'aménagement du territoire, l'emploi et l'animation du milieu rural, la préservation des ressources naturelles et des paysages.
Selon l'adage : « vouloir, c'est commencer », le Conseil économique et social affiche d'emblée une vision volontariste. En effet, il ne faut pas laisser à d'autres pays ou à d'autres instances la responsabilité de la décision. Il faut analyser les défis pour les relever et non pour s'en protéger.
Le projet de loi d'orientation agricole arrive donc à un moment stratégique des calendriers tant national qu'européen et mondial. Nous sommes à un carrefour de l'histoire où notre société doit choisir entre des lendemains ouverts et un destin plus résigné.
Elaborer une loi d'orientation capable de répondre à ces enjeux nouveaux, c'est proposer un cadre fiable et souple pour garantir une régulation des marchés appuyée sur la discipline des professionnels, pour conquérir des marchés plus segmentés et plus complexes ; c'est mettre en place des mesures novatrices pour favoriser l'initiative économique des acteurs de l'agriculture, en complémentarité avec les autres acteurs économiques.
Un tel choix doit inciter à prévoir dans la loi d'orientation un cadre visant à moderniser les modalités de l'intervention publique pour éviter tant les excès du libéralisme que les freins du dirigisme.
Le Président de la République a souhaité ce texte en mars 1996, en affichant une double ambition pour l'agriculture française, dans le cadre d'un pacte renouvelé avec la nation : donner à l'agriculture une réelle compétitivité sur les marchés intérieur et extérieur, mais également réussir le renouvellement des générations pour que l'agriculture puisse continuer à remplir ses missions de création de richesses et d'emplois, de valorisation des territoires et de contribution au rayonnement de notre pays.
Un premier projet, conduit par le précédent gouvernement, a permis de réaliser un travail important, dont certains éléments ont été repris par le texte actuel. Ce dernier consacre le bien-fondé des objectifs fixés par le Président de la République au travers des quatre orientations principales que le ministère de l'agriculture, d'abord avec M. Le Pensec puis avec vous, monsieur le ministre, a assignées à ce texte de loi et que le Conseil économique et social approuve.
Ainsi, le projet de loi vise tout d'abord à pérenniser l'activité agricole en favorisant l'emploi salarié et l'installation des jeunes agriculteurs, pour atteindre les objectifs fixés par la charte nationale de l'installation, signée en 1995.
Par ailleurs, il a pour objet de renforcer la présence de l'agriculture sur les marchés intérieur et extérieur en confortant la dimension qualitative de la production agricole.
Ensuite, il tend à valoriser la richesse et la diversité des potentiels territoriaux pour augmenter la valeur ajoutée globale du secteur agricole.
Enfin, il tente d'apporter une réponse aux attentes qualitatives de la société, pour un développement durable de l'agriculture et pour une meilleure compréhension de l'intervention publique en sa faveur.
Pour le Conseil économique et social, ces axes visent plus largement à ancrer davantage l'économie agricole à la réalité territoriale. Ils constituent une réelle orientation pour le projet de loi, propre à accompagner l'agriculture de façon plus efficace, plus transparente et plus lisible.
Toutefois, cette réelle orientation ne doit pas exonérer les pouvoirs publics de leur devoir d'organisation et de régulation en amont de l'activité, car il est toujours plus efficace de réguler les marchés que de gérer les crises a posteriori. Or le projet de loi souffre de lacunes dans ce domaine.
L'inscription de la territorialité de l'agriculture comme orientation majeure contribue avant tout à assurer la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture en consacrant son rôle de gestion dynamique de l'espace et des ressources naturelles ainsi que sa contribution à la création d'emplois, qui découlent de la fonction de production.
Promouvoir un développement économique ancré dans les atouts territoriaux permettra de préserver la diversité des régions pour mieux valoriser leurs productions et, ainsi, pour augmenter la valeur ajoutée globale de l'agriculture.
Cette orientation permettra de sortir de l'actuelle spirale de concentration et d'uniformisation de l'agriculture qui nuit à l'installation des jeunes agriculteurs et au maintien d'exploitations à taille humaine et à responsabilité personnelle. Le Conseil économique et social considère qu'elle favorisera la recherche de créneaux porteurs en liaison avec les partenaires économiques régionaux.
Cette dimension qualitative des productions se retrouve en effet de plus en plus dans les stratégies des entreprises agro-alimentaires valorisant le savoir-faire des régions françaises sur les marchés mondiaux, démontrant leur capacité à s'affranchir des contraintes du commerce international et des contingents d'exportation sur les produits de base, notamment la diminution drastique des restitutions déjà engagée.
C'est en réalité en amplifiant la différenciation de ses productions, c'est-à-dire en mettant en avant la diversité et la typicité de nos territoires, que la France pourra riposter à la logique de mondialisation, lutter contre la délocalisation des productions, et donc maintenir l'emploi. L'agriculture renforcera ainsi son rôle d'acteur essentiel du monde rural. Ce sont les bases d'un contrat durable entre l'agriculture et la nation, clarifiant contribution et rôle respectifs, fondant la nouvelle légitimité de l'intervention et des soutiens publics.
Le projet de loi prévoit une nouvelle forme de soutiens tenant compte de l'ensemble des fonctions de l'agriculture - économique, sociale, territoriale et environnementale - pour favoriser une gestion plus contractuelle du développement agricole. C'est la proposition du contrat territorial d'exploitation, le CTE.
Le Conseil économique et social salue cette initiative qui vise à prendre en considération des objectifs d'intérêt général et propose une autre approche de l'intervention publique qui devra impérativement rester complémentaire et indissociable d'une véritable politique de gestion et de régulation des marchés.
Il souhaite que cette proposition favorise véritablement une nouvelle stratégie de développement des exploitations en soutenant les initiatives, les projets d'entreprise individuels et collectifs, de production de biens et de services mettant en valeur les atouts territoriaux et environnementaux. Il faut faire du CTE un levier d'action dynamique en faveur du développement durable des exploitations agricoles. Il s'agit, en fait, de passer d'une logique de guichet à une logique de projets.
Il convient toutefois de se méfier des slogans comme des effets de balancier. S'il s'agit bien d'une orientation donnée par la loi, le Conseil économique et social pense qu'elle doit s'appliquer progressivement pour s'enraciner efficacement.
Cette orientation doit être suffisamment forte pour constituer une réelle inflexion, mais fixer des objectifs accessibles au plus grand nombre d'agriculteurs. Il ne faut pas tomber dans la logique du « tout territoire », car l'agriculture ne pourra durablement valoriser l'espace rural que si elle est d'abord présente sur des marchés.
Les souhaits du Conseil économique et social ont d'ailleurs été entendus par l'Assemblée nationale, qui a modifié le texte pour favoriser, à travers le CTE, une approche de projet économique global, intégrant les différentes fonctions de l'exploitation et cohérent avec les récents projets agricoles départementaux.
C'est cette approche que pourraient renforcer les amendements proposés à ce jour par la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat. Il est impératif, cependant, de les compléter par un article donnant aux commissions départementales d'orientation les moyens de contrôler la cohérence de chaque contrat avec les orientations globales et locales. Il semble que ce soit une demande forte issue de l'exercice de préfiguration conduit à ce jour.
L'intervention coordonnée des différents échelons national, régional, départemental et local devra permettre de concrétiser l'implication globale de tous les intervenants de la politique agricole. Cela doit se faire en cohérence avec tous ces acteurs, l'Etat assumant son rôle d'orientation et de régulation, en particulier dans le cadre des futurs contrats de plan Etat-région actuellement en préparation.
Cet effort commun doit se retrouver dans des contributions réellement conséquentes au financement des contrats. Les contributions nationales devront être plus ambitieuses que de simples redéploiements. Elles pourront s'articuler par la suite avec les différents fonds européens, issus de la politique de marchés, de la politique rurale et de la politique socio-structurelle.
Pour le Conseil économique et social, cette nouvelle approche pourrait être la nouvelle base de cohérence à l'échelon européen afin d'harmoniser les pratiques des Etats et d'éviter ainsi les risques de distorsion. Une telle préoccupation est d'ailleurs particulièrement de mise à l'heure de l'introduction de l'euro qui vise, notamment, à résorber les distorsions de charges et de situations.
Cette nouvelle approche des aides publiques permettra aussi d'envisager une forme de modulation dynamique vers des soutiens plus découplés et compatibles avec les contraintes du commerce mondial.
Si l'ancrage territorial est une option jugée positive, il ne doit pas estomper la nécessité d'une régulation efficace de l'économie agricole permettant aux acteurs d'entreprendre, de conquérir des marchés, de les organiser, de gagner en compétitivité, d'encourager les investissements, de développer les relations au sein des filières, de la production à la distribution.
Sur ces différents points, le Conseil économique et social a déploré les lacunes de nombreux sujets insuffisamment traités ou non abordés par le projet de loi. Cependant, l'Assemblée nationale a déjà apporté des améliorations substantielles, et la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat va elle aussi dans ce sens en reprenant un certain nombre d'amendements dans lesquels le Conseil économique et social retrouve ses propositions.
Concernant le statut des entreprises et des personnes, le projet de loi vise à modifier la définition de l'activité agricole. Le texte d'origine proposait une rédaction régressive par rapport aux textes en vigueur, rédaction qui ne clarifiait pas l'état actuel du droit. L'Assemblée nationale a proposé une version inadaptée qui pourrait faire perdre à un certain nombre d'agriculteurs leur statut d'exploitant. Face à de nombreuses incompréhensions entre les différents acteurs du milieu rural, mettant en péril la complémentarité de ces derniers, la voie de la sagesse - c'est d'ailleurs l'avis de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat - consiste à s'en tenir aux textes actuellement en vigueur ainsi qu'à la jurisprudence qui les a opportunément explicités.
La loi devra pourtant évoluer pour tendre vers une égalité de droits et de devoirs entre les différents acteurs, selon les recommandations du Conseil économique et social.
Les auteurs du présent projet de loi proposent la mise en place effective du registre de l'agriculture, et la définition de l'exploitant agricole lui donnera le caractère opérationnel voulu. Réaffirmer la place et le rôle de l'agriculteur en tant que véritable chef d'entreprise, comme le propose votre commission, renforcera l'efficacité de ce dispositif.
Le statut de conjoint collaborateur représente une adaptation positive qui doit être impérativement complétée par des améliorations des retraites agricoles, pour lesquelles le projet de budget pour 1999 ne constitue qu'un progrès inachevé.
Répondant à une véritable attente des agriculteurs sur le terrain, le projet de loi tend à doter d'une meilleure efficacité la politique des structures pour faciliter l'installation de nombreux jeunes et assurer l'orientation plus ciblée du foncier.
Le Conseil juge cette orientation positive, mais considère qu'il serait également souhaitable d'accompagner cette politique par des éléments incitatifs pour faciliter la transmission des exploitations agricoles, donner un statut aux droits à produire, encourager le portage du foncier agricole et adapter le statut de fermage, notamment pour installer des jeunes en succession non familiale. C'est sur l'ensemble de ces éléments que devrait porter le rapport souhaité par votre commission.
Il est regrettable que le projet de loi élude le problème de la fiscalité agricole, qui serait pourtant nécessaire pour permettre à la fois la réactivité des entreprises et la gestion des risques : la mise en place d'une assurance récolte, telle qu'elle existe déjà dans de nombreux pays, doit être accélérée.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social. Le projet initial traitait insuffisamment de l'organisation économique des producteurs. Leurs efforts d'organisation doivent être encouragés, que ce soit dans le cadre de groupements de producteurs ou des interprofessions.
Sur ces sujets, les propositions soumises par votre commission à votre assemblée devraient, tel que l'avait souhaité le Conseil économique et social, compléter heureusement les dipositions votées par l'Assemblée nationale, en particulier sur l'adaptation des règles de concurrence renforçant les possibilités de réaction des interprofessions ou des filières en cas de crise.
La législation de l'intégration devrait être revue et complétée pour faire face à un phénomène qui s'étend dangeureusement.
Les producteurs doivent pouvoir pérenniser leurs outils coopératifs par une défiscalisation de leurs investissements en aval et, pour cela, les compléments que votre commission souhaite apporter à l'article 30 bis répondent aux préoccupations du Conseil.
Les agriculteurs doivent également avoir les moyens de communiquer efficacement sur leur activité, leurs métiers et leurs savoir-faire, et c'est pour cela que le Conseil économique et social a souhaité la création d'un fonds de communication et qu'il approuve la proposition de mise en place d'un tel fonds formulée par l'Assemblée nationale.
Concernant la qualité des produits, celle-ci doit être clairement distinguée des politiques de marques qui répondent à des préoccupations de marketing commercial.
Les objectifs du soutien public aux démarches de qualité doivent être triples : territorialiser la production, augmenter sa valeur ajoutée au profit des producteurs et, enfin, faciliter l'information et la satisfaction des consommateurs.
Pour le Conseil économique et social, les outils proposés par la loi ne sont pas en adéquation avec ces objectifs, et les évolutions que vous pourrez obtenir sur ce chapitre répondent aux préoccupations du Conseil. Elles seront donc déterminantes.
Concernant le volet « espace rural et environnement », il nous paraît évident que l'adaptation des méthodes de production à la protection de l'environnement et à la gestion durable de l'espace agricole peut être intelligemment prise en compte de façon incitative dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation, pour concilier efficacité économique et occupation de l'espace.
Mais il convient aussi de maintenir des outils efficaces pour permettre que la gestion de l'espace rural soit assurée en complémentarité par les agriculteurs et les autres acteurs du milieu rural. A ce titre, il est urgent que le fonds de gestion de l'espace rural soit doté d'une ressource propre et pérenne.
Des aménagements intéressants sont apportés par le projet de loi à l'exercice de l'emploi salarié par l'avant-projet, en particulier sur les conditions de travail.
L'abaissement des charges des employeurs est aussi un facteur de maintien et de création d'emplois durables, permanents et saisonniers, qu'il conviendrait de favoriser.
L'enseignement, la formation, la recherche et le développement devront, dans leurs objectifs et dans leurs moyens, accompagner les évolutions de l'agriculture de façon à mieux prendre en compte ses nouvelles missions et sa dimension plus qualitative.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi d'orientation agricole représente un choix décisif pour notre pays, attendu avec espoir par les agriculteurs pour renforcer leurs liens avec l'ensemble de nos concitoyens.
La contribution du Conseil économique et social, avant que vous examiniez ce projet, est d'apporter des éléments contructifs pour conforter le dynamisme et la créativité des projets d'agriculteurs nombreux et performants, partenaires des autres acteurs des filières et du milieu rural. La rénovation des politiques publiques tend donc à favoriser leur place au sein de la société pour qu'ils soient, plus qu'hier, économiquement efficaces, socialement utiles et politiquement compris.
Ce modèle doit être source de modernité et de sécurité, d'équilibre et d'efficacité, créateur d'emplois, afin de sceller durablement un nouveau contrat avec l'ensemble de la société.
Mais il ne faudrait pas que le modèle que nous dessinons pour notre pays soit contredit par les réformes que pourrait entreprendre l'Europe dans le cadre de la politique agricole commune.
M. Emmanuel Hamel. Méfions-nous de l'Europe !
Mme Christiane Lambert, rapporteur du Conseil économique et social. C'est pourquoi le Conseil économique et social affirme qu'il est indispensable que vous légifériez en adoptant ce texte, afin que ce dernier constitue un signal fort adressé à nos partenaires européens pour leur montrer que l'on peut réellement mettre en place en Europe une agriculture qui, tout en conservant une place éminente sur les marchés mondiaux, présente une utilité forte pour la société par sa contribution aux causes d'intérêt général que sont l'emploi, l'occupation dynamique de l'espace et la protection de l'environnement.
Ce message arrive à un moment crucial. En effet, malgré la création réussie et porteuse d'espoir de l'euro et la volonté affichée de poursuite de l'intégration européenne, certains membres de l'Union s'interrogent sur les capacités d'une Europe en panne d'idées à orienter durablement nos économies sur la voie de la prospérité. Ils en profitent pour remettre en cause le principe de solidarité par d'hasardeuses et inacceptables propositions de cofinancements nationaux des dépenses agricoles européennes.
Il faudra donc une volonté française forte, portée par les pouvoirs publics et leurs administrations, ainsi que par l'ensemble des organisations professionnelles agricoles, pour garder une cohérence entre la politique nationale et la politique européenne.
La France a l'occasion de prouver que l'agriculture, qui a été le moteur de la construction européenne, peut et doit le demeurer, parce qu'elle est, sur notre continent, originale, dynamique, créatrice de richesses et d'emplois, ancrée dans notre histoire et notre culture communes et, par là même, facteur d'identité et de cohésion de l'Europe. Ainsi, ce n'est pas seulement du blé qui lève de la terre qu'on laboure, c'est une civilisation tout entière.
Si les lois de 1960 et 1962 ont constitué la base du succès pour le développement de notre agriculture, c'est surtout parce que, au-delà des doutes du quotidien, l'ensemble des responsables politiques et des grands dirigeants agricoles se les sont appropriées et se sont engagés sans réserve à les mettre en oeuvre.
Près de quarante ans plus tard, l'histoire se renouvelle. Cette loi d'orientation connaîtra le même destin si, par vos amendements et votre engagement, vous montrez votre volonté de consolider notre agriculture, de confirmer la construction européenne, de renforcer le rayonnement de la France dans le monde et, par là même, de faire entrer de plain-pied les agriculteurs français dans le troisième millénaire. (Applaudissements.)
M. le président. Madame, permettez-moi de vous adresser mes très cordiales félicitations pour l'excellente intervention que vous venez de présenter au Sénat.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais à mon tour, au nom du Gouvernement, féliciter Mme Lambert et la remercier de la qualité remarquable de son travail,...
M. Emmanuel Hamel. Elle est toujours remarquable !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... qualité qui n'étonnera pas ceux qui connaissent son parcours et ses capacités. Ce travail honore, je crois, le Conseil économique et social et éclairera très utilement nos travaux. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques et du Plan.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Je veux à mon tour remercier Mme Lambert de son excellent exposé, dont la commission s'est très largement inspirée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture française n'a pas cessé d'être, au coeur de ce siècle - et ce depuis près de cinquante ans - au centre des grandes mutations qui ont bouleversé l'économie et la société.
Au cours de cette période, elle a multiplié sa production par sept ; dans le même temps, le nombre des exploitations a diminué des deux tiers et la part des dépenses consacrées par les ménages à l'alimentation, ainsi d'ailleurs que les prix à la production, ont diminué de plus de moitié.
Aucun secteur de l'économie nationale n'a connu autant de traumatismes successifs ; aucun n'a réagi avec autant de dynamisme et de succès ; aucun n'a autant contribué à faire de la France une des toutes premières puissances économiques mondiales.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. L'Etat a accompagné cette immense révolution verte. Il a aidé l'agriculture à faire évoluer ses structures, à organiser ses marchés, à financer ses investissements. Le Marché commun, d'une part, les grandes lois de 1960-1962 et celles qui les ont ensuite complétées, d'autre part, ont joué à cet égard un rôle aussi décisif qu'heureux.
Seulement, voilà ! L'évolution ne s'est pas arrêtée. L'agriculture est aujourd'hui confrontée à des défis nouveaux de grande ampleur, que nous devons l'aider à relever.
Premier défi : la politique agricole commune est remise en question une fois de plus. Elle l'est de l'intérieur de la Communauté, où certains de nos partenaires lui reprochent de coûter trop cher ; elle le sera demain de l'extérieur, face au nouvel assaut qu'elle subira lors des négociations qui auront lieu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
Deuxième défi : le consommateur exprime des exigences nouvelles. La qualité, la traçabilité, la sécurité des produits alimentaires deviennent des impératifs impossibles à ignorer.
Troisième défi : la société veut, à juste titre, protéger son environnement contre des pollutions auxquelles la recherche d'une productivité maximale a acculé certains secteurs de l'agriculture.
Parallèlement, la société demande que soit préservé le rôle essentiel de l'agriculture dans l'occupation du territoire et l'entretien des paysages. Nos concitoyens n'acceptent, nous le savons tous, ni la désertification ni les friches, dont l'extension menace l'espace rural.
A l'évidence, l'élaboration d'un grand texte d'orientation s'imposait. Le Président de la République l'avait demandé ; Philippe Vasseur l'avait mis en chantier ; votre prédécesseur, monsieur le ministre, l'a soumis à l'Assemblée nationale ; les agriculteurs l'attendent ; vous-même, monsieur le ministre, défendez ce texte à partir d'aujourd'hui devant le Sénat, avec un talent et une fougue auxquels je tenais à rendre hommage.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires européennes. Il n'y a donc aucune divergence de vues entre nous sur la nécessité d'élaborer une loi fondatrice complétant et corrigeant, sans les effacer, les lois qui l'ont précédée et dont je rappelais tout à l'heure l'existence.
De divergence, il n'y en a pas non plus, monsieur le ministre, sur nombre d'objectifs et de dispositions du texte que vous nous soumettez. En effet, reconnaître la multifonctionnalité de l'agriculture et promouvoir sa pluriactivité, inciter les producteurs à recourir à des pratiques plus respectueuses de l'environnement, valoriser, par une politique de qualité et d'origine, les spécificités de nos territoires, répartir plus équitablement les aides publiques, porter, enfin, les retraites agricoles au niveau de celles des autres catégories sociales, donner aux conjoints un statut correspondant à l'éminente contribution qu'ils apportent à la marche des exploitations sont autant de priorités auxquelles la commission des affaires économiques, unanime, adhère depuis longtemps.
En revanche, comme l'exprimera mieux que je ne saurais le faire le rapporteur de la commission, M. Michel Souplet, la commission, dans sa majorité - je dis bien « dans sa majorité » et non « à l'unanimité » - s'est interrogée sur la finalité fondamentale du projet et - il faut bien le dire - sur certaines des principales mesures qu'il vise à mettre en oeuvre.
J'évoquerai d'abord, d'un mot, la philosophie du texte.
Reconnaître la multifonctionnalité de l'agriculture ne doit pas - à nos yeux, en tout cas ! - conduire à minorer le contenu économique de sa mission. L'agriculteur est avant tout et d'abord un producteur. La noblesse de son métier est de travailler pour nourrir ses semblables. L'agriculture ne sera présente sur nos territoires que si elle est d'abord présente sur nos marchés.
M. Philippe François. Parfaitement !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de ce que vous avez dit sur ce sujet. Vous dire que, pour autant, la lecture du texte nous conduit à vous rejoindre dans vos conclusions est un pas que, pour le moment - nous verrons ce qu'il en sera à la fin de ce débat - je ne veux pas franchir.
Pourquoi ? Précisément parce que le projet que nous avons à examiner traite cette vocation économique - la principale, à nos yeux - comme si elle était appelée à devenir peu à peu l'accessoire.
M. Philippe François. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. En particulier, le texte ne met nulle part l'accent sur les positions acquises par l'agriculture française sur les marchés mondiaux. Nulle part, il n'expose ce qui doit être fait pour conforter ces positions.
Ai-je besoin de rappeler que la valeur de nos exportations agricoles et agroalimentaires a été multipliée par dix en vingt-cinq ans ? Dois-je encore rappeler - tout le monde ici le sait - que la France est devenue le deuxième exportateur mondial de produits agricoles, derrière les Etats-Unis, et qu'elle est le premier exportateur mondial de produits agricoles transformés ?
Conserver et développer ces positions, que nous avons conquises en partie, c'est vrai, grâce aux restitutions mises en oeuvre par la politique agricole européenne, est, à nos yeux, un objectif central de toute politique agricole ambitieuse. (Très bien ! sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Les Etats-Unis et un certain nombre d'autres pays, nous le savons bien, s'opposeront à l'Europe sur ce point dans les négociations de l'OMC.
M. Charles Revet. Comme toujours !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Tel fut d'ailleurs le cas dans les négociations du GATT !
Il appartiendra au Gouvernement, et à vous-même, monsieur le ministre, de veiller à ce que la Communauté résiste aux pressions qui s'exerceront sur elle et défende coûte que coûte la vocation exportatrice de l'agriculture européenne, en général, et de l'agriculture française en particulier.
A défaut, il se résignerait à un repli dont il nous a semblé trouver la trace dans le projet de loi qui nous est soumis.
Il n'est toutefois pas dans nos intentions de faire au Gouvernement un procès d'intention, et c'est pourquoi je vous demande de répondre clairement à la question fondamentale suivante : quelle est l'ambition du Gouvernement pour notre agriculture ?
Un sénateur du groupe du RPR. Aucune !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Quelle place revendique-t-il pour elle sur les marchés dans le monde de demain, un monde qui comptera plus de dix milliards d'êtres humains ?
Cette première question débouche très directement sur une deuxième, qui concerne, elle, les charges sociales et fiscales qui pèsent sur l'agriculture. Vous savez à quel point les agriculteurs y sont sensibles.
La compétitivité de nos productions non seulement à l'exportation mais à l'intérieur de nos frontières dépend en effet de l'harmonisation des charges et des législations au sein de l'Union européenne. Or, de cela, le projet de loi ne parle pas.
Dès lors, je serais presque tenté de vous demander, au nom du Sud-Ouest, que nous représentons tous les deux, monsieur le ministre,...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pas ici ! En tout cas pas moi !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. ... ce que vous comptez faire pour mettre nos producteurs de fruits et légumes à égalité de charges et de chances avec leurs concurrents espagnols.
Plus généralement, quelles mesures comptez-vous prendre pour éliminer, enfin, les anomalies fiscales dont pâtit notre agriculture ?
Après la finalité, j'en viens - je serai très bref - aux moyens devant permettre la mise en oeuvre du texte, à commencer, bien entendu, par le contrat territorial d'exploitation, ou CTE, que vous avez défendu avec tant de fougue, monsieur le ministre.
L'idée, en elle-même, est intéressante, et le fait est qu'elle est bien reçue par les agriculteurs, en tout cas par ceux avec lesquels j'ai pu m'en entretenir.
M. Gérard Cornu. Pas par tous !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Elle peut permettre, c'est vrai, une meilleure adaptation des productions aux spécificités des territoires, en même temps, d'ailleurs, qu'une répartition plus équitable des aides publiques. La majorité de la commission n'en a pas moins exprimé des réserves sur deux points particuliers.
A ses yeux, le CTE porte en lui l'évident danger d'une étatisation, sinon d'une bureaucratisation de l'agriculture,...
M. Charles Revet. C'est une certitude !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. ... qui serait un grand mal en soi.
Je ne suis pas sûr, monsieur le ministre, que le fait que l'on déconcentre les négociations et que l'on en confie l'arbitrage aux préfets, et le fait que les contrats épouseront la diversité des territoires leur enlèvent le caractère étatique et bureaucratique que nous redoutons.
M. Gérard Cornu. Tout à fait !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. De surcroît - je rends chacun attentif à ce point - les contrats feront que l'on mettra automatiquement en cause la responsabilité de l'Etat si les orientations auxquelles il souscrit se révèlent fâcheuses ou calamiteuses. Je vois déjà le cortège des récriminations et des exigences reconventionnelles que le système risque d'engendrer ! L'agriculteur aura en effet tendance à oublier qu'il a, lui aussi, signé le contrat et il rendra responsable l'Etat cosignataire.
M. Gérard Cornu. Eh oui !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Attendons-nous à des demandes et à des contentieux qui pourraient beaucoup compliquer les choses à l'avenir !
Par ailleurs, la commission ne comprend pas - vous y avez fait référence, monsieur le ministre - comment un modeste crédit de 300 millions de francs - je sais bien qu'il s'agit simplement des contrats de la fin de l'année ! - peut permettre au CTE de jouer le rôle central qui lui est assigné.
Votre prédécesseur avait, à l'Assemblée nationale, promis de dégager les moyens nécessaires par redéploiement de crédits existants. Mais au détriment de quelles actions ces redéploiements s'effectueront-ils ? Faudra-t-il déshabiller le fonds d'installation agricole, ou les offices, ou les OGAF, qui sont déjà insuffisamment dotés ?
L'Europe paiera, nous dites-vous, monsieur le ministre. Mais ne faut-il pas craindre qu'en cherchant à mobiliser les aides communautaires pour des actions aussi étroitement liées à des spécificités nationales on ne donne des armes à ceux de nos partenaires qui militent pour une renationalisation de la politique agricole commune ?
Le bon accueil que vous avez reçu à Bruxelles ne me rassure donc qu'à moitié, je dois vous le dire très franchement. Méfiez-vous des rebondissements qu'entraînera la demande que nous formulons !
Pour conclure sur le CTE, je dirai que l'idée est bonne, mais que les conditions de sa mise en oeuvre nous semblent devoir être revues et précisées. M. Souplet proposera des amendements qui répondent à ces préoccupations et que, je l'espère, vous pourrez accepter.
Reste le problème de la structure foncière des exploitations. Il est probable que la politique des structures a besoin d'une mise à jour pour favoriser l'installation des jeunes plutôt que la concentration des exploitations. Mais faut-il aller jusqu'à subordonner la transmission des exploitations au sein d'une même famille au blanc-seing de la commission départementale d'orientation agricole ?
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Très franchement, nous ne le croyons pas, et il semble que l'immense majorité des agriculteurs, avec nous, ne le croient pas non plus !
Plusieurs sénateurs du RDSE et de l'Union centriste. Tout à fait !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Nous estimons, en revanche, qu'il y a lieu d'accorder aux cédants des avantages fiscaux et financiers pour les inciter à transmettre leur exploitation à des jeunes.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, je veux, en terminant, formuler simplement un espoir : puissent les amendements de la commission permettre au texte qui nous est soumis de mieux répondre aux espérances d'un monde agricole qu'il serait grave de décevoir au moment où il va entrer dans une zone de grande turbulence européenne et mondiale ; il est, en fait, de notre devoir de l'aider à en surmonter les risques. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Chère Christiane, je te remercie pour les paroles que tu as bien voulu prononcer devant notre assemblée.
M. Emmanuel Hamel. Un tutoiement en séance publique ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Elles attestent du bon travail réalisé par le Conseil économique et social, et nous avons pour habitude de respecter le travail des gens compétents dans le secteur qui est le leur !
Les hasards de la vie et les diverses responsabilités que j'ai assumées ont fait que j'ai eu l'honneur de participer aux discussions des accords de Stresa et à l'élaboration du traité de Rome.
Trois ans plus tard, les agriculteurs français, au travers de leurs organisations professionnelles, passaient un contrat avec l'Etat, et les lois d'orientation agricoles de 1960 et de 1962 voyaient le jour.
Ces deux textes, revus et adaptés, ont permis la mutation extraordinaire de l'agriculture et son adaptation aux exigences nouvelles des citoyens et des consommateurs.
En quarante ans, la France, grande importatrice de denrées alimentaires dans les années cinquante, est devenue l'un des premiers pays exportateurs mondiaux, avec, aujourd'hui, plus de 67 milliards de francs d'excédents de la balance commerciale.
A l'aube du troisième millénaire, alors qu'une réforme de la politique agricole commune est en cours et que vous allez, monsieur le ministre, avoir à défendre avec acharnement, obstination et efficacité les intérêts de la France et de ses agriculteurs, il était urgent de bien redéfinir le rôle de ces derniers dans la société. Le projet de loi d'orientation que vous nous proposez pourrait être ce nouveau contrat entre le pays et les acteurs du monde agricole.
Hier, nous étions à Versailles pour décider ensemble...
M. Emmanuel Hamel. Pas tous !
M. Philippe François. Sauf Hamel ! (Rires.)
M. Michel Souplet, rapporteur. ... d'une avancée importante dans la construction de l'Europe,...
M. Emmanuel Hamel. Quelle Europe !
M. Michel Souplet, rapporteur. ... à laquelle nous sommes tous très attachés.
Demain vont commencer les discussions, âpres mais fondamentales, de l'Organisation mondiale du commerce, et nos partenaires les plus coriaces, adeptes du plus grand libéralisme pour les autres mais sachant par ailleurs très bien se protéger eux-mêmes, entendent exiger et obtenir des concessions qui seraient inacceptables de leurs partenaires européens.
M. Charles Revet. Vous avez raison !
M. Michel Souplet, rapporteur. Monsieur le ministre, permettez-moi de dire ici, du haut de cette tribune, que les cartes sont biseautées. Nous ne jouons pas dans la même cour.
Les Etats de l'Union européenne sont des pays à forte démographie, à surface agricole utile non extensible, plutôt même en réduction, dans lesquels les problèmes d'aménagement du territoire et d'environnement sont prioritaires. Toutes ces contraintes sont inconnues des grands pays exportateurs que sont les Etats-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l'Australie. Les conditions de production et les coûts y sont bien différents.
Notre indépendance alimentaire doit être confirmée. Nos efforts pour remplir nos missions - sociale et environnementale - doivent être reconnus et rémunérés, et ce sont bien ces fonctions nouvelles que nous avons ensemble à définir dans le texte que nous allons discuter.
J'ai eu l'occasion de participer en septembre dernier au congrès de la Confédération européenne de l'agriculture à Lubiana, confédération qui regroupe les représentants des organisations professionnelles agricoles des quinze pays de l'Union et les dix pays proches et futurs candidats. A l'unanimité, et devant les représentants politiques de certains Etats, il a été souhaité la définition d'un « modèle européen d'entreprise agricole » pour justifier le droit à la différence et faire obstacle au libéralisme total qui ne serait que la « loi de la jungle ».
Notre ambition, au Sénat, serait de faire voter un texte qui pourrait être ce modèle et sur lequel nos négociations communautaires pourraient peut-être s'appuyer.
Dans cet état d'esprit et avant de vous présenter les conclusions de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi d'orientation agricole, je souhaite rappeler l'importance qu'un tel texte revêt non seulement pour le monde paysan, mais aussi pour l'ensemble de nos concitoyens, même s'ils n'en ont pas toujours pris conscience.
Il est essentiel que nous ne les décevions pas, car notre société de ruptures et d'absence de repères serait encore plus fragilisée.
Loin de moi la volonté de voir disparaître les débats idéologiques ou de ne pas tenir compte des idées de chacun, mais je suis intimement persuadé que le monde agricole et rural perdrait beaucoup, aujourd'hui, à être la proie de conflits stériles.
Ce projet de loi est loin d'être parfait ; votre rapporteur en est convaincu et, comme vous le verrez, il vous propose de l'améliorer sur de très nombreux points.
Néanmoins, soulignons dès à présent, et gardons en mémoire que ce texte reprend une grande partie des dispositions du projet de loi d'orientation pour l'agriculture, la forêt et l'alimentation déposé le 6 mai 1997 sur le bureau du Sénat par Philippe Vasseur, ministre à l'époque,...
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Michel Souplet, rapporteur. ... à la demande du Président de la République, et que j'avais, durant un mois, étudié en détail.
C'est le cas, notamment, du contrôle des structures, d'une partie de l'organisation interprofessionnelle, du volet social, des dispositions relatives à l'enseignement et de quelques dispositions concernant la qualité.
En outre, la quasi-intégralité du volet sanitaire que la commission des affaires économiques vous propose est issue du projet de loi relatif à la qualité sanitaire des denrées proposé également par M. Philippe Vasseur et adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat au cours du premier trimestre 1997. Ce texte avait fait l'objet d'un excellent rapport de notre collègue Marcel Deneux. Ce volet sanitaire a été accepté par le Gouvernement.
Par ailleurs, la proposition de loi n° 8 rectifié portant dispositions urgentes en faveur de l'agriculture, rapportée excellemment par notre collègue Gérard César et adoptée par l'ensemble de la majorité sénatoriale au mois de décembre dernier, est satisfaite par ce projet de loi sur de nombreux points.
J'ai donc souhaité travailler dans un esprit constructif et ouvert, mais, soyez-en sûr, déterminé.
Enfin, il me paraît indispensable pour le Sénat, comme l'a souligné à maintes reprises M. Christian Poncelet, président de la Haute Assemblée, d'adopter une démarche pragmatique, notamment sur un projet de loi d'orientation agricole qui devrait s'appliquer pour les dix années à venir. La commission des affaires économiques a donc abordé sans complaisance le texte qui lui était soumis tout en souhaitant ardemment qu'il soit marqué par l'empreinte du Sénat.
Le rapport que j'ai maintenant l'honneur de vous présenter, mes chers collègues, est perfectible, mais je vais essayer, devant vous, d'en démontrer l'équilibre.
Je commencerai par l'environnement du projet de loi.
« Une société indifférente à l'ordre de ses fins devient, comme par réflexe, une société d'indifférence. » Ces mots de Pierre Emmanuel ont guidé mes travaux, que je vais vous présenter en deux points : le premier rappelle brièvement l'environnement de ce projet de loi ; le second justifie les choix que la commission des affaires économiques vous propose de retenir.
Ayant présenté son avant-projet en janvier 1998, le Gouvernement a transmis pour avis ce texte au Conseil économique et social, qui s'est prononcé le 27 mai dernier, comme nous l'a rappelé, voilà quelques instants, Mme Christiane Lambert. La commission de la production et des échanges a examiné ce projet de loi en juillet dernier. L'Assemblée nationale en a débattu en octobre.
Ce texte s'inscrit dans la longue tradition des lois agricoles.
Dès l'après-guerre, l'impératif de reconstruction et de modernisation de l'économie s'est traduit en agriculture par le plan Marshall puis par les lois de 1960 et 1962, dont la force est d'avoir su ouvrir des perspectives, tracé les lignes directrices qui ont permis la formidable modernisation et le large développement, notamment à l'exportation, de notre secteur agricole et alimentaire.
La loi d'orientation de 1960 procédait d'une volonté de rénover les structures de production, de façon que les exploitants parviennent à une parité de revenus et de condition de vie avec les autres catégories professionnelles. De nombreux textes d'adaptation ont été votés depuis, jusqu'à la loi du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture, que j'ai eu l'honneur de rapporter devant la Haute Assemblée.
A ce stade de la réflexion, la commission des affaires économiques souhaite se féliciter de la diligence dont ont fait preuve les deux précédents gouvernements dans l'application de la loi de modernisation de 1995.
Ce texte de modernisation de l'agriculture étant récent, certains ont exprimé leur scepticisme quant à l'utilité de mettre en chantier une nouvelle loi d'orientation. Plusieurs autres arguments ont été avancés : incertitudes liées au contexte international ; complexité des chantiers communautaires sur la prochaine décennie ; intégration totale de l'agriculture dans l'économie ; diminution de la population active agricole et du poids de ce secteur dans le PIB, etc.
Je ne partage pas du tout cette analyse, croyez-le bien, monsieur le ministre.
Il est aujourd'hui de bon ton de montrer du doigt les agriculteurs, accusés tour à tour d'être des pollueurs, des consommateurs excessifs d'eau, des budgétivores, des productivistes...
Ces critiques, formulées le plus souvent par des citadins ayant du monde rural une vision bucolique, résultant presque exclusivement de leur promenade dominicale, procèdent d'une interprétation singulièrement réductrice de la réalité, et contribuent sans justification à propager dans l'opinion publique une image négative du monde agricole.
La commission des affaires économiques souhaite rappeler, à cet égard, quelques réalités de l'agriculture.
De la gravure de « la charrue » sur un rocher de la vallée des Merveilles entre 1000 et 2000 ans avant notre ère, à l'agriculture imaginaire de Max Ernst dans le Paysage au germe de blé en 1934, l'agriculture a toujours été porteuse d'une dimension symbolique forte : le rattachement à la terre, la confrontation aux réalités, le respect du vivant sont autant de valeurs que nous redécouvrons peu à peu.
L'agriculture française, faut-il le rappeler est un des secteurs les plus importants en terme d'emplois : ce sont en effet près de 700 000 entrepreneurs, plus de 350 000 conjoints d'agriculteurs, près de 300 000 aides familiaux et 140 000 salariés permanents.
En outre, l'industrie agro-alimentaire emploie près de 400 000 personnes. Je rappelle qu'un emploi en agriculture correspond en moyenne à quatre emplois induits.
Au plan économique, l'excédent agro-alimentaire de notre balance commerciale s'est élevé à près de 67 milliards de francs en 1997. Le secteur des industries agro-alimentaires est le premier secteur industriel français, avec un chiffre d'affaires qui avoisine les 800 milliards de francs.
Des productions comme le blé et le vin constituent les fers de lance de nos exportations.
Les agriculteurs français ont su, par ailleurs, s'adapter - de manière exceptionnelle - à un environnement en pleine mutation : réceptif à toutes les nouveautés en matière culturale, sur la plan de la mécanisation et de l'information, le monde agricole a su utiliser les progrès de la recherche tout en sauvegardant et en diversifiant les dispositifs d'entraide et de solidarité existants. C'est cet alliage de modernité et de tradition qui explique les formidables performances du secteur coopératif. Les organisations agricoles, par leur professionnalisme et leur dynamisme, donnent au quotidien le témoignage de cette remarquable capacité d'adaptation.
Mais l'agriculture française, ce ne sont pas seulement des femmes et des hommes courageux, dynamiques, créatifs, des produits et des services à haute valeur ajoutée, c'est aussi l'occupation d'un immense espace - 80 % de la superficie du territoire français - et, par-delà, le refus de la diversification. La richesse et la diversité de nos terroirs seraient vouées à la disparition sans la présence du monde agricole.
Nos concitoyens recherchent de plus en plus l'air pur aux portes de la capitale ou au plus profond de la Lozère. Mais, sans l'élevage bovin, l'agriculture péninsulaire, la culture des céréales, nous nous trouverions devant des zones de friches inaccessibles. Quel en serait le coût pour la collectivité en termes de nuisances, de dangers, de risque d'incendie ?
Ces « pays » auxquels nous sommes tant rattachés seraient vides et en friche, sans paysans. N'aurions-nous pas tendance, aujourd'hui, à l'oublier ?
Au niveau européen, le quarantième anniversaire de la conférence de Stresa de juillet 1958 nous rappelle l'importance de ce brillant exercice de cogestion entre la Commission européenne, les ministres de l'agriculture des Six et les organisations professionnelles agricoles qui ont jeté les fondements de la PAC. Cette conférence, aujourd'hui entre légende et oubli, a donné un élan essentiel à l'agriculture européenne qui, à cette époque, était dans l'ensemble peu performante, l'Europe étant alors largement dépendante du reste du monde pour la plupart des produits alimentaires de base. Aujourd'hui, représentant plus de 372 millions de consommateurs à hauts revenus et une production finale de plus de 200 milliards d'euros, la Communauté à Quinze constitue le premier marché alimentaire mondial.
Mais, au-delà de cette réussite de l'agriculture européenne, c'est tout le succès de la construction communautaire que l'on doit constater. L'un des intervenants a dit tout à l'heure que ce sont les agriculteurs et les organisations professionnelles qui ont forgé l'Europe et qui en ont été les bâtisseurs. En effet, la PAC a été longtemps la seule politique intégrée de la CEE, Stresa marquant d'une pierre blanche le chemin de la construction européenne. Aujourd'hui, l'après-Stresa est commencé et la PAC doit se remettre en phase avec les demandes de la société.
A l'heure de la mondialisation, dans un monde où s'effectue la reconstruction économique des blocs internationaux, l'agriculture, engagée dans ce processus au même titre que les autres secteurs économiques, est un élément essentiel dans les changements qui s'opèrent. Ainsi, derrière les évolutions observées en Russie, en Chine, en Inde ou en Amérique latine, c'est le problème agricole et alimentaire qui reste au centre des débats.
Ce projet de loi d'orientation doit avoir pour objectif de préparer le cadre nécessaire à l'expansion des filières, des entreprises agroalimentaires et des exportations pour les vingt années à venir. Elle doit être non seulement une réforme en profondeur de l'existant, mais aussi, et surtout, une ouverture sur le futur. L'agriculture française doit relever de nouveaux défis pour faire face aux réformes des organisations de marché, aux exigences toujours croissantes des consommateurs et des opinions publiques, et rester un acteur majeur du développement rural.
Si la commission des affaires économiques voit dans ce projet de loi d'orientation une opportunité à saisir, elle souhaite cependant souligner que sa réussite exige de s'affranchir du court terme, de privilégier une approche globale et d'être lucide sur les tendances lourdes du commerce international.
Ce texte doit répondre à une double nécessité : l'une pour les agriculteurs, qui ont besoin de disposer de repères face à leur métier, l'autre pour la société, qui a besoin de tisser des liens nouveaux avec l'agriculture.
Dans un environnement international et communautaire incertain, il est plus que jamais impératif de doter l'agriculture française, en perpétuelle mutation, des instruments nécessaires pour mettre ce secteur d'activité en phase avec les attentes de la société.
Le projet de loi d'orientation agricole, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, comporte 106 articles, soit 41 articles de plus que le projet de loi initial.
Votre rapporteur, mes chers collègues, ne vous présentera pas le détail de ce texte d'orientation, qui vient d'être exposé par M. le ministre.
Je dois ici me féliciter de la collaboration étroite avec les deux rapporteurs pour avis et leurs services. Mes excellents collègues, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, ont étudié respectivement les chapitres sur le statut des personnes, le développement de l'emploi, le fonctionnement des organismes de mutualité sociale agricole, sur la formation des personnes, le développement agricole et la recherche agronomique et vétérinaire.
La commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur l'ensemble des amendements présentés par la commission des affaires sociales et par celle des affaires culturelles.
J'en viens à la position de la commission des affaires économiques sur ce texte, que je résumerai ainsi : un accord sur le principe et des réserves sur la mise en oeuvre.
La commission des affaires économiques se félicite de la prise en compte par le Gouvernement de la nécessité d'élaborer un projet de loi d'orientation agricole. Comme l'a rappelé le président de notre commission, le contexte international et communautaire, comme la situation de l'agriculture française, rendent en effet urgente la définition de nouvelles orientations dans ce secteur d'activité.
Néanmoins, la commission croit qu'il faut « donner plus de souffle » à ce texte.
Nous constatons tout d'abord que les consultations n'ont pas abouti à un projet suffisamment global.
S'inspirant des méthodes de travail mises en place par M. Philippe Vasseur, tant pour la loi d'orientation pour la pêche maritime et les cultures marines que pour le projet de loi d'orientation pour l'agriculture, la forêt et l'alimentation, le ministère de l'agriculture a engagé, d'octobre 1997 à janvier 1998, une phase de consultations.
Le groupe de travail créé à l'automne 1997 et composé de représentants de l'ensemble des organisations professionnelles, des syndicats, des associations de consommateurs ou du cadre de vie, a été le lieu d'un large débat entre toutes les parties prenantes pour élaborer un projet de loi qui, au-delà du secteur agricole et agroalimentaire, s'adresse à l'ensemble de la société. Il a achevé ses travaux le 22 janvier 1998.
J'ai bien noté que le Gouvernement souhaitait dissocier le secteur agricole du secteur forestier, un projet de loi de modernisation forestière devant être présenté au Parlement dans les mois à venir.
Néanmoins, la commission des affaires économiques constate, tout d'abord, que le projet de loi, initialement composé de 64 articles, en contient près du double après l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Certes, le Gouvernement pourrait arguer qu'il laisse ainsi s'exprimer la volonté du législateur, ce dont je le remercie. La commission est cependant plus encline à penser que le projet initial du Gouvernement s'est révélé nettement trop réducteur par rapport aux ambitions et aux objectifs annoncés.
De plus, de nombreux volets importants manquent au projet de loi et certains sont très lacunaires. Ainsi, la dimension économique de l'agriculture est évoquée sans pour autant être encouragée.
D'ailleurs, l'absence, le refus du terme « entreprise » est révélateur de la démarche du Gouvernement. Si les dimensions territoriale, sociale et environnementale de l'agriculture sont essentielles, l'oubli de la fonction économique de ce secteur d'activité est un non-sens.
La commission des affaires économiques regrette ainsi le silence de ce texte sur le statut des droits à produire, sur la création éventuelle d'un fonds agricole et sur le statut du bail rural. Cette démarche qui consiste à ignorer les difficultés tant que la situation n'est pas devenue insupportable aura des conséquences néfastes, à moyen terme, pour l'ensemble de notre secteur agricole.
En outre, le texte ne prévoit quasiment aucune disposition fiscale. Or, comment peut-on orienter notre agriculture sans clarifier la fiscalité agricole ?
Enfin, le volet « qualité sanitaire » s'est révélé nettement insuffisant et confus, surtout après l'examen du texte par l'Assemblée nationale.
Nous estimons ensuite qu'il s'agit d'un contrat à l'avenir incertain entre l'agriculture et la société.
Ce projet de loi se donne pour objectif de réconcilier la société avec le monde agricole, qui est trop souvent accusé des pires maux. Malheureusement, certaines dispositions fragilisent, à terme, cette « réconciliation ».
Je pourrais citer quelques exemples particulièrement révélateurs.
Il en va ainsi du trop grand flou des dispositions relatives au CTE, contrat territorial d'exploitation, et à son financement, qui a déjà été évoqué précédemment. Si le CTE constitue une idée intéressante, sa mise en oeuvre peut se révéler problématique. En effet, rien n'est dit sur la pérennité du dispositif ni sur la valeur du contrat.
La question de son financement présuppose, d'une part, l'instauration progressive d'un cofinancement des aides communautaires et laisse, d'autre part, planer le doute sur une éventuelle participation, à terme, des collectivités locales.
Outre qu'il risque de faire imploser la PAC, la commission des affaires économiques est bien certaine que l'échec du CTE serait catastrophique pour l'agriculture française, non seulement en termes économiques et financiers, mais aussi en termes d'image pour le monde agricole.
Le renforcement excessif du contrôle des structures peut se révéler contre-productif. Certes, l'occupation de notre territoire nécessite un encouragement à l'installation, qui passe notamment par une surveillance des concentrations. Néanmoins, l'agriculture a déjà la réputation d'être un secteur très administré : on ne doit pas renforcer cette image dans l'esprit du public.
M. Philippe François. Absolument !
M. Michel Souplet, rapporteur. La notion d'entreprise agricole est absente du projet de la loi d'orientation agricole. Il s'agit là d'une erreur politique grave.
Si, aujourd'hui, l'agriculteur est souvent considéré par un grand nombre de personnes comme un « chasseur de primes », seule la naissance d'un véritable droit de l'entreprise agricole, qui tienne évidemment compte d'un certain nombre de contraintes d'occupation des territoires, pourra faire évoluer et changer les mentalités.
Le renforcement de la qualité est l'un des objectifs du projet de loi.
Or, d'une part, certaines dispositions, telles que l'instauration d'une indication géographique protégée autonome, risquent d'accentuer une complexité déjà fort importante en ce domaine et de ne pas apparaître au consommateur comme un véritable progrès qualitatif.
D'autre part, les mesures relatives à la biovigilance et aux produits antiparasitaires, introduites à la hâte par l'Assemblée nationale, non seulement sont d'une redoutable complexité, mais constituent un formidable danger qui pourrait, à terme, dans le meilleur des cas, créer une confusion dans l'esprit du public et, dans le pire des cas, fragiliser tout le système de protection sanitaire des denrées destinées à l'homme et à l'animal.
Enfin, une dimension stratégique fait défaut à ce projet de loi.
Ce texte présente en effet le travers de ne pas prendre assez en compte, nous semble-t-il, la dimension internationale et communautaire de la politique agricole.
L'une des ambitions majeures de ce projet de loi d'orientation devrait être de préparer le cadre nécessaire à l'ensemble du secteur agricole pour les prochaines années, afin de mieux anticiper les évolutions de l'environnement international.
Or cette dimension est extraordinairement négligée par le projet de loi. Certes, le ministre de l'agriculture considère que le fait de fabriquer et d'exporter des produits agricoles à haute valeur ajoutée est essentiel. Mais s'en tenir là serait une grave erreur sur le plan tant politique qu'économique.
En premier lieu, il n'est pas sain d'opposer les exportations de produits bruts à celles des produits à haute valeur ajoutée. Toute exportation doit être encouragée et valorisée. Nier cette évidence, c'est faire fi de la réalité des marchés agricoles. En effet, lors de chaque déplacement aux Etats-Unis, nos partenaires commencent, dans les discussions, par évoquer l'exportation de produits agricoles bruts. Souhaitons-nous nous retirer de ces marchés ? Sûrement pas !
En second lieu, face au développement dans de nombreux pays d'industries agroalimentaires, l'exportation de matières premières peut s'avérer déterminante dans les années à venir.
Cette absence de prise en compte de la dimension exportatrice de notre agriculture s'accompagne d'un paradoxe inquiétant. Alors que les propositions du « paquet Santer » encouragent la compétitivité de l'agriculture européenne, prévoient une baisse généralisée des prix et font une priorité de la promotion de la conquête de marchés extérieurs, le projet de loi vise presque exclusivement à orienter l'agriculture vers des modes de production plus soucieux de l'environnement et de la qualité des produits, moins axés sur la recherche de la productivité, et organise une sur-administration de l'agriculture française. Le renforcement du contrôle des structures et la mise en place à terme de plusieurs milliers de contrats entre les agriculteurs et les pouvoirs publics en constituent deux exemples.
Ces réserves ont conduit la commission des affaires économiques, tout en respectant l'architecture et la philosophie globales de ce projet de loi, à proposer un certain nombre de modifications.
Il faut ouvrir certains dossiers.
La commission des affaires économiques a relevé que des dossiers importants n'étaient pas abordés.
Elle a considéré par ailleurs que certaines dispositions devaient être modifiées afin d'en améliorer la portée.
Elle a estimé, enfin, que les différents volets du projet de loi pouvaient être utilement complétés, dans le prolongement des mesures déjà proposées.
La commission des affaires économiques regrette par ailleurs le quasi-silence du projet de loi sur la fiscalité et l'entreprise agricoles.
Ce texte ne fait pas référence à la notion d'entreprise agricole. Le projet de loi d'orientation sur l'agriculture proposé par M. Philippe Vasseur en 1997 avait lancé une première réflexion sur la reconnaissance de l'entreprise agricole, en instaurant un fonds agricole regroupant certains éléments corporels et incorporels et en prévoyant une certaine cessibilité du bail rural.
Certes, une telle démarche est complexe ; elle nécessite un véritable travail de réflexion dans lequel les professionnels ont toute leur place.
Néanmoins, il appartient à un projet de loi d'orientation de définir les grands axes d'une politique. Or, il est clair qu'un de ces axes majeurs devrait être la promotion de la notion d'entreprise agricole.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques vous propose plusieurs aménagements afin de reconnaître la notion d'entreprise dans les intitulés d'un titre et d'un chapitre du projet de loi et de prévoir une étude sur l'intégration économique.
Votre rapporteur est conscient du fait que la mise en place d'un dispositif fiscal global au niveau agricole est une entreprise difficile. Néanmoins, le projet de loi ayant été annoncé en juin 1997, le Gouvernement n'a-t-il pas eu le temps d'effectuer une large consultation sur ce sujet afin de proposer quelques mesures ? Certes, le monde agricole apparaît parfois divisé sur ce thème, j'en conviens. Cependant, votre commission des affaires économiques a souhaité inscrire dans ce texte quelques dispositions fiscales ciblées et certaines pistes de réflexion afin que ce dossier progresse rapidement.
Il s'agit de la déduction des parts sociales de coopératives à insérer dans les DPI, les déductions pour investissement, d'un dispositif de préretraite visant à encourager l'installation et d'une étude rapide visant à comparer les charges sociales et fiscales entre les différents acteurs du monde rural - agriculteurs, commerçants, artisans - et à faire des propositions concrètes. Il est en effet urgent de faire le point sur la fiscalité agricole.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques a estimé nécessaire de renforcer certains dispositifs.
L'article 43 ter est consacré uniquement à la mise en oeuvre de la surveillance biologique du territoire en matière d'OGM. Un premier article additionnel après l'article 43 ter traite des produits phytosanitaires, un deuxième est relatif aux produits antiparasitaires à usage agricole, un troisième porte sur les matières fertilisantes et les supports de culture.
Ce schéma concilie les préoccupations actuelles du projet de loi et la nécessité de renforcer le contrôle et la protection des végétaux.
Les différentes dispositions reprises par la commission des affaires économiques sont en grande partie issues du projet de loi n° 228, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale. M. Marcel Deneux avait présenté, au nom de notre commission, un rapport annexé au procès-verbal de la séance du 26 mars 1997. Par ailleurs, le remarquable rapport de M. Jean Bizet a, lui aussi, inspiré votre rapporteur quant au problème des OGM.
J'en viens maintenant aux quelques modifications apportées au texte.
Nous vous proposons un certain nombre de modifications qui respectent l'architecture du projet de loi, que la commission ne souhaite pas remettre en cause.
En ce qui concerne l'article 1er bis, votre commission vous propose d'en revenir à la rédaction du décret de 1990 afin d'assurer la représentativité syndicale, que vous avez évoquée tout à l'heure, monsieur le ministre, sans pour autant paralyser les organismes interprofessionnels.
Sur le CTE, la commission des affaires économiques, tout en maintenant ce dispositif, procède à une nouvelle rédaction de l'article 2 afin de rendre le texte plus cohérent dans ses objectifs et son contenu.
A cette occasion, la commission supprime la notion de « projets à caractère particulier présentés par les agriculteurs » afin de donner une certaine cohérence économique au CTE. Elle assure également une meilleure articulation entre les contrats-types, le cahier des charges et le CTE en privilégiant la responsabilité de l'agriculteur pour élaborer son projet d'exploitation. Elle évite aussi un cumul des critères relatifs au plafonnement et à la modulation.
Sur l'exploitation agricole, la commision des affaires économiques vous propose de supprimer l'article 6, rétablissant ainsi la législation de 1988. En effet, il apparaît aujourd'hui clairement qu'un texte de consensus est impossible sur ce sujet. Il suffit pour s'en convaincre de considérer les différentes réactions suscitées par les rédactions du mois de juillet dernier de la commission de la production et des échanges et celle d'octobre dernier de l'Assemblée nationale. La commission des affaires économiques souhaite sur ce point affirmer deux principes qui doivent guider l'action des pouvoirs publics et des professionnels en la matière.
En premier lieu, il est inconcevable de diversifier l'activité agricole au nom de l'aménagement du territoire ou de l'emploi et, parallèlement, de ne pas favoriser concrètement le développement de l'agriculture. En second lieu, toutes les activités exercées en milieu rural et ayant la même nature, même si elle sont pratiquées par différentes sortes de professionnels - artisans, commerçants, agriculteurs - doivent être soumises aux mêmes règles sociales, fiscales et sanitaires.
La commission des affaires économiques propose de supprimer les articles 12 bis et 12 ter relatifs à l'insaisissabilité de certains biens agricoles afin de ne pas créer une nouvelle exception agricole injustifiée vis-à-vis des autres catégories professionnelles.
Nous proposons d'atténuer le contrôle sur les structures, en relevant les seuils de déclenchement, en tenant compte des liens de parenté et en diminuant le plafond de la sanction pécuniaire en cas de violation des règles relatives à ce contrôle.
Sur la qualité des produits, la mise en place d'une indication géographique protégée, l'IGP, autonome, c'est-à-dire non liée à un label ou à une certification de conformité, a été écartée.
Voyons enfin les différents compléments aux dispositions figurant dans le texte.
Concernant le registre de l'agriculture, votre rapporteur souhaite lier la possibilité de participer aux élections des chambres d'agriculture à l'inscription sur ce registre et d'en encourager la généralisation.
Sur l'organisation interprofessionnelle, la commission des affaires économiques a souhaité, sans remettre en cause la possible création d'interprofessions spécifiques pour l'agriculture biologique et les produits montagne, encourager la création de sections au sein même des interprofessions générales.
Sur les accords de crise, la commission des affaires économiques a rendu possible l'homologation des contrats conclus entre organisations professionnelles lorsque ceux-ci ne peuvent pas être étendus.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les représentants des propriétaires, il apparaît justifié que ceux-ci puissent intégrer le Conseil supérieur d'orientation.
De même, la législation relative aux appellations d'origine contrôlées et à l'Institut national des appellations d'origine a été toilettée et complétée. La notion de zone agricole protégée a été renforcée. Les utilisations à usage non alimentaire des productions agricoles doivent être encouragées. Dans le rapport que lui a demandé M. le Premier ministre, M. Desmarescaux estime que un million d'hectares seraient ainsi susceptibles d'être transformés pour être destinés à des usages non alimentaires.
Les petites carrières de marne pourraient être soumises seulement à un régime de déclaration.
Enfin, et ce sera ma conclusion, les agriculteurs attendent beaucoup de cette loi. Mais prenons garde de ne pas donner des espoirs qui soient demain déçus.
Oui, nous voulons éviter la désertification ! Oui, nous voulons encourager l'installation des jeunes ! Mais, pour ce faire, il faut que soient prévues des mesures incitatives fortes afin que les cédants trouvent, dans la valorisation de leur capital d'exploitation, la retraite complémentaire - dont ils ont bien besoin - qui sera la reconnaissance de longues années de labeur.
Pour l'instant, ces mesures n'apparaissent pas ! Il faut, monsieur le ministre, convaincre Bercy de leur nécessité. Sinon, l'installation des jeunes demeurera un leurre !
Je souhaite que le texte amélioré par la Haute Assemblée soit voté à l'issue de nos débats. Ces débats doivent être dignes de nos paysans, respectueux des choix exprimés par les dirigeants élus de nos organisations professionnelles agricoles représentatives.
Pour être un outil performant, la loi d'orientation agricole doit convenir à ses utilisateurs. C'est là mon souhait le plus cher, monsieur le ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au feuteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation agricole dont nous commençons aujourd'hui l'examen comporte un titre VI consacré à la formation des personnes, au développement agricole et à la recherche agricole, dont la commission des affaires culturelles s'est saisie pour avis.
Je me félicite qu'à l'occasion d'une nouvelle loi d'orientation agricole l'enseignement et la formation n'aient pas été oubliés. Ils ont en effet un rôle majeur à jouer dans l'adaptation d'un monde rural et agricole confronté à de nouveaux défis.
Néanmoins, force est de constater que le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, n'apporte pas de grands changements. Ses dispositions se contentent, pour l'essentiel, d'actualiser les lois des 9 juillet et 31 décembre 1984, plus connues sous le nom de « lois Rocard ».
Cette modestie, si elle peut surprendre dans un projet de loi de ce genre, présente néanmoins l'avantage de préserver l'architecture de l'enseignement agricole telle qu'elle a été définie en 1984. Le cadre tracé alors - tout le monde s'accorde à le reconnaître - a parfaitement rempli son rôle.
Dans un contexte budgétaire moins favorable que celui de l'éducation nationale, il a permis de répondre aux exigences du développement agricole et rural.
Depuis près de quinze ans, cet enseignement a en effet contribué à améliorer le niveau général de formation des ses diplômés tout en assurant l'égalité des chances et la promotion de ses élèves.
La réussite de l'enseignement technique agricole fait désormais figure d'exemple au sein de l'enseignement technologique et professionel.
Connaissant avec retard les mêmes évolutions que l'éducation nationale, il semble désormais être arrivé à maturité ; il accueillait à la rentrée de 1998 plus de 177 000 élèves. Après des années de forte croissance, due à l'allongement de la scolarité, on assiste depuis deux ans à une progression plus modérée de ses effectifs.
Le regain d'intérêt des jeunes pour l'enseignement agricole, qui concerne également - je tiens à le souligner - la formation par l'apprentissage, dont les effectifs ont plus que doublé entre 1977 et 1996, s'est manifesté à tous les niveaux d'enseignement et non plus pour les seules formations courtes, comme cela avait été longtemps le cas. Ces évolutions se sont accompagnées d'une diversification de l'origine sociale des élèves. Les élèves issus de familles d'agriculteurs ou de salariés agricoles ne représentent plus aujourd'hui que 21 % des effectifs, contre 36 % en 1989.
L'attrait de cette filière de formation, qui se caractérise par des méthodes pédagogiques originales, tient essentiellement dans le fait qu'elle apparaît comme un enseignement « qui marche », et qui marche même très bien ; les taux de réussite aux examens, de poursuite d'études et surtout d'insertion professionnelle des diplômés en témoignent.
D'après les résultats des dernières enquêtes statistiques réalisées par le ministère de l'agriculture, le taux d'insertion atteint 65,5 % pour les titulaires du brevet d'études professionnelles agricoles, 78 % pour les titulaires du brevet de technicien agricole et près de 90 % pour les titulaires du brevet de technicien supérieur agricole.
Ces résultats doivent, je crois, être l'occasion de mener une réflexion sur l'évolution de notre enseignement technologique et professionnel, qui pèche aujourd'hui par son insuffisante adaptation aux réalités professionnelles.
A ce titre, je vous proposerai un amendement tendant à assurer une meilleure prise en charge du coût des stages effectués par les élèves de l'enseignement technique. Leur coût croissant pour les familles ne doit pas être l'occasion de remettre en cause leur place au sein de la pédagogie. Leur nombre comme leur fréquence sont, en effet, sans doute pour une large part à l'origine de la réussite de l'enseignement agricole en matière d'insertion professionnelle.
Le bilan de l'enseignement agricole semble cependant moins satisfaisant pour les formations supérieures, dont la rénovation a pris un certain retard et pour lesquelles un effort de modernisation s'impose à l'évidence. L'enseignement supérieur, comme la recherche agronomique et vétérinaire, reste handicapé par la taille modeste de ses établissements et leur faible propension à travailler en réseau.
J'en viens maintenant au dispositif proposé par le Gouvernement.
Le titre VI du projet de loi d'orientation agricole répond à trois préoccupations principales. Il actualise les dispositions des lois Rocard concernant l'enseignement technique. Par ailleurs, répondant à une inspiration que je ne pourrais que soutenir, il relance la rénovation des formations supérieures. Enfin, il consacre, dans la loi, l'existence de la recherche agronomique et vétérinaire.
Vous avez, monsieur le ministre, souhaité que le législateur améliore le texte du Gouvernement - et vous l'y avez encore incité tout à l'heure. C'est avec un souci d'objectivité et d'efficacité que la commission des affaires culturelles a répondu à votre invitation.
Les modifications qu'elle proposera répondent tout d'abord à la volonté de réaffirmer les principes et les équilibres issus des lois de 1984 qui constituent, je le crois, le gage du succès de l'enseignement agricole. En outre, parce que la loi doit répondre à un impératif de clarté, la commission a souhaité, d'une part, alléger la rédaction du projet de loi chaque fois que cela était possible et, d'autre part, préserver la cohérence des dispositions du livre VIII du code rural.
Le projet de loi a pour objet, en premier lieu, d'actualiser les dispositions des lois de 1984 relatives à l'enseignement technique. Les modifications proposées sont de deux ordres.
Les premières assurent la coordination des textes de 1984 avec les lois postérieures. Je ne m'y attarderai pas longuement. Je me contenterai de souligner qu'elles étaient partiellement inutiles ; tel est le cas de celles qui tirent les conséquences de la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation, qui s'applique déjà à l'enseignement agricole en vertu de son article 28 codifié en tête du livre VIII du code rural.
La seconde série de modifications vise en quelque sorte à dépoussiérer les lois de 1984 afin de tenir compte des évolutions qu'a connues, depuis, l'enseignement technique. Ces modifications appellent, de ma part, des appréciations contrastées.
Les articles 51 et 52 du projet de loi modifient les articles L. 811-1 et L. 811-2 du code rural définissant les missions et l'objet de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles publics, donc aussi de l'enseignement privé sous contrat, puisque, je vous le rappelle, les lois de 1984 ont établi une stricte égalité en la matière entre le public et le privé sous contrat.
Les quatre missions traditionnelles de l'enseignement agricole, auxquelles les enseignants et les familles sont très attachés, sont à bon escient conservées. Je les citerai pour mémoire : formation initiale et continue, participation à l'animation du milieu rural, contribution aux activités de développement et d'expérimentation et coopération internationale.
Les champs professionnels des formations techniques sont redéfinis. Ceux-ci sont constitués par les métiers agricoles entendus au sens large, mais prennent également en compte les formations dans les domaines des services et de l'aménagement rural, ce dont je me félicite, car celles-ci sont susceptibles de contribuer à la revitalisation rurale.
Cependant - et c'est là que, sous le prétexte d'une adaptation des dispositions actuellement en vigueur, il est porté atteinte aux principes posés en 1984 - le projet de loi limite leur champ d'application à l'enseignement technique, qu'il définit comme allant de la classe de quatrième au premier cycle de l'enseignement supérieur inclus. Cette précision va à l'encontre de l'intention du législateur de 1984, qui entendait ces dispositions comme s'appliquant à l'ensemble de l'enseignement agricole.
Par ailleurs, elle a pour effet de faire apparaître une disparité entre l'enseignement technique public et l'enseignement technique privé. En effet, l'article 59 du projet de loi ne modifie pas la rédaction actuelle du code qui limite les formations du privé à celles qui vont de la classe de quatrième à la dernière année de formation des techniciens supérieurs. En pratique, le projet de loi interdit aux établissements d'ouvrir des classes post-baccalauréat autres que les classes de BTS. En cela elle introduit, sous le prétexte d'une clarification des dispositions du code rural, une rupture par rapport à l'équilibre voulu par la loi du 31 décembre 1984, qui établissait une stricte égalité entre les formations dispensées par l'enseignement technique public et l'enseignement privé sous contrat.
En raison de son attachement à ce principe, la commission des affaires culturelles vous proposera de rétablir cette égalité afin que les deux composantes de l'enseignement technique puisse dispenser les mêmes formations, de la quatrième à la fin du premier cycle de l'enseignement supérieur inclus.
Dans le même souci d'actualiser les lois de 1984, mais sur ce point à juste titre, l'article 53 du projet de loi modifie les règles relatives aux structures des établissements publics locaux d'enseignement agricole. Les dispositions proposées n'apportent pas de grands changements. Elles reprennent en effet pour l'essentiel celles qui figurent déjà dans les textes réglementaires d'application de la loi du 9 juillet 1984. La seule avancée résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et prévoyant une harmonisation des statuts des lycées professionnels agricoles et des lycées d'enseignement général et technologique agricoles, harmonisation dont je vous proposerai de préciser les modalités.
Le deuxième objectif visé par le titre VI du projet de loi d'orientation répond à la volonté légitime du Gouvernement de relancer la modernisation de l'enseignement supérieur. En ce domaine, les dispositions proposées sont plus novatrices bien que d'inégale importance.
Parmi les moins significatives, j'évoquerai la redéfinition des missions de l'enseignement supérieur agricole. Plus déclarative que normative, elle reprend pour une large part certaines des dispositions du titre Ier de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, qui s'appliquait déjà à l'enseignement supérieur agricole.
Je citerai également l'article 56 relatif au statut des établissements d'enseignement supérieur. Cet article n'exclut pas que, comme la rédaction actuelle le permettait, ces établissements puissent prendre le statut prévu par la loi de 1984, à savoir celui d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. En outre, les règles proposées sont proches de celles qui sont fixées par cette loi pour les écoles ou instituts extérieurs aux universités.
En revanche, trois des dispositions du projet de loi d'orientation concernant l'enseignement supérieur méritent d'être relevées.
Il s'agit en premier lieu du principe affirmé à l'article 55 selon lequel le ministre chargé de l'enseignement supérieur est associé à la tutelle et à la définition du projet pédagogique des établissements d'enseignement supérieur.
Nous avons voulu voir dans cette disposition la manifestation du souci de garantir la cohérence des formations supérieures et de favoriser la collaboration entre les établissements. Cette disposition doit se comprendre, je crois, dans le cadre de l'article L. 811-1 du code rural, qui dispose que l'enseignement agricole est en effet une nécessité.
Je rappellerai qu'une partie des formations de l'enseignement supérieur agricole sont dispensées dans des établissements du second degré. Etablir une distinction entre enseignement technique et enseignement supérieur ne pourrait que remettre en cause les filières de promotion, qui sont un des succès les plus évidents de l'enseignement agricole. C'est une des raisons pour lesquelles nous devons veiller à ce que l'article L. 811-1 du code rural s'applique toujours à l'enseignement supérieur.
Deux autres dispositions apparaissent également importantes.
Premièrement, l'article 55 prévoit que les établissements d'enseignement supérieur ont vocation à délivrer des diplômes de troisième cycle. Cela correspond à une nécessité, les formations de troisième cycle s'étant mises en place dans l'enseignement supérieur agricole en l'absence de cadre juridique.
Deuxièmement, l'article 57 ouvre aux établissements d'enseignement supérieur agricole la possibilité de constituer entre eux ou avec d'autres personnes morales de droit public ou de droit privé des groupements d'intérêt public.
Les finalités de ces GIP recouvrent celles qui sont visées par la loi de 1982 sur la recherche et par la loi de 1984 sur l'enseignement supérieur concernant la gestion en commun d'activités ou d'équipements. Elles visent également la création de pôles de compétences à vocation internationale.
Le rapport remis en 1994 par notre collègue M. Pierre Laffitte à M. Jean Puech, alors ministre de l'agriculture, soulignait déjà la nécessité de constituer, en collaboration avec les organismes de recherche et les universités, des pôles régionaux susceptibles de bénéficier d'un rayonnement international. Je souhaite que cette disposition rende possible une restructuration qui, à bien des points de vue, apparaît nécessaire.
Si ces dispositions sont pour la plupart opportunes, il faut toutefois souligner qu'elles ne peuvent, à elles seules, suffire à permettre la rénovation de l'enseignement supérieur. Celle-ci exige des moyens budgétaires qui ont, jusqu'à présent, fait défaut, le projet de loi de finances pour 1999 ayant malheureusement confirmé cette tendance.
Enfin, le projet de loi répond à un troisième objectif qui est de consacrer dans la loi l'existence de la recherche agronomique et vétérinaire. Il s'agit plus d'un effet d'annonce.
Le dispositif proposé, dont je vous suggérerai de préciser la rédaction, est, en effet, peu législatif et, surtout, peu normatif. Un de ses mérites est, néanmoins, de souligner la mission d'expertise qui incombe à la recherche, notamment dans les domaines de la sécurité sanitaire et de la protection de l'environnement. En effet, cette mission ne semble pas assumée de manière totalement satisfaisante par les organismes publics de recherche, comme l'ont prouvé les difficultés rencontrées lors de la crise de la « vache folle » pour disposer d'experts dotés des compétences et, surtout, de l'indépendance nécessaires.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, c'est avec le souci de permettre à l'enseignement agricole de consolider sa réussite que la commission des affaires culturelles a abordé l'examen du titre VI du projet de loi d'orientation agricole. Cela suppose, je le répète à nouveau, de conserver les principes et les équilibres des lois de 1984.
C'est de ce souci, mes chers collègues, que participent les amendements que vous proposera la commission, qui, sous réserve de leur adoption, a donné un avis favorable à l'adoption du titre VI du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Leclerc, rapporteur pour avis.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, mes chers collègues, près de quarante ans après les deux grandes lois d'orientation souhaitées par le général de Gaulle et par Michel Debré, un nouveau projet de loi d'orientation agricole est soumis aujourd'hui au Parlement.
C'est vrai que l'agriculture est un secteur où des mutations impressionnantes se sont succédé. Leur encadrement par de grands objectifs paraît souhaitable.
Comme l'a rappelé le Président de la République le 2 octobre 1998 devant la chambre d'agricultured'Aurillac, « pour s'épanouir, une agriculture performante a besoin d'un cadre législatif et réglementaire qui libère les énergies ». L'objectif est bien de sceller un nouveau pacte entre les agriculteurs et la société.
Je ne reviendrai ni sur la genèse ni sur la philosophie générale de ce projet, qui vous a été présenté parM. Souplet, rapporteur au fond. Je me contenterai de réaffirmer que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui se situe en retrait par rapport aux objectifs initialement affichés.
Certes, la méthode d'élaboration a suivi l'orientation dégagée par M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997. Les organisations syndicales, les différents acteurs du monde agricole, les associations de consommateurs et de l'environnement ont été consultés en amont du débat interministériel.
Malgré ces nombreuses consultations préalables, la réflexion gouvernementale n'a pas débouché sur un projet suffisamment ambitieux. La dimension stratégique fait défaut du fait d'une prise en compte insuffisante de la dimension européenne et internationale de la politique agricole. Le texte souffre également de la vision trop administrée de l'agriculture et de son avenir que pose le Gouvernement.
Le volet social du projet de loi se situe aux chapitres III, IV et V du titre II. La commission des affaires sociales s'est également saisie de l'article 1er ter, relatif à un rapport sur les retraites.
Monsieur le ministre, il n'y a pas si longtemps, vous avez été rapporteur pour avis du budget annexe des prestations sociales agricoles de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale. Vous connaissez ainsi parfaitement les grands enjeux de la protection sociale agricole. Or, s'il est un des aspects du projet de loi qui n'est pas tout à fait à la hauteur des enjeux, c'est tout particulièrement ce volet social. Mais, à l'occasion de la présentation de vos voeux à la presse, vous vous êtes déclaré, monsieur le ministre, ouvert à toutes les suggestions pour améliorer le texte ; vous nous l'avez redit ce soir.
La commission a des suggestions à formuler. Avant de les présenter, et pour mieux les argumenter, je souhaite revenir rapidement sur les principaux enjeux sociaux auxquels est aujourd'hui confronté le monde agricole.
En effet, les mutations sociales sont loin d'être les moins importantes des révolutions qu'a connues l'agriculture. L'agriculture est devenue un entrepreneur. Le régime de sécurité sociale agricole a préservé son autonomie, mais, aujourd'hui, il est fragilisé. L'emploi agricole a considérablement diminué et, surtout, changé de nature.
Dans ce contexte social en mutation, trois enjeux apparaissent à mes yeux cruciaux pour l'avenir du monde agricole : les deux premiers concernent la protection sociale et le dernier a trait à l'emploi.
Le premier enjeu, celui des retraites, est incontournable. Le choix effectué en 1952 par les agriculteurs de cotiser peu sur des revenus peu élevés a aujourd'hui de funestes conséquences.
La réforme des cotisations qui est intervenue en 1990 n'aura d'effets réels, il faut le rappeler, que dans les prochaines années.
Le montant des pensions de retraite versées à des personnes ayant travaillé dans des conditions difficiles pendant plus de quarante ans apparaît aujourd'hui très faible.
A cet égard, je souhaite rappeler quelques chiffres.
Le montant mensuel dont disposent les retraités agricoles à carrière complète s'élevait, au 31 décembre 1996, donc avant les revalorisations de 1997, 1998 et 1999, à 2 700 francs pour les chefs d'exploitation, entre 1 500 et 1 600 francs pour les conjoints et aides familiaux. La moyenne des pensions de retraite agricoles était d'un peu plus de 1 900 francs par mois en 1995, contre une moyennne supérieure à 8 400 francs pour les retraités du régime général, cumulant, c'est vrai, pension de base et pension de retraite complémentaire.
Bien évidemment, les agriculteurs n'ont pas cotisé autant que les salariés mais est-ce une raison pour les laisser dans cette situation difficile et leur faire payer, près d'un demi-siècle plus tard, le choix de 1952 ?
Certes, d'importantes mesures de revalorisation se sont succédé, notamment depuis 1994. La dernière en date, intervenue après la loi de finances pour 1999, s'attache à fixer un plancher minimal pour les personnes qui disposent d'une carrière de près de 150 trimestres en agriculture : 3 000 francs pour les chefs d'exploitation, 2 800 francs pour les veufs et les veuves, 2 500 francs pour les aides familiaux seuls et 2 200 francs pour les aides familiaux mariés.
Toutefois, ces mesures de revalorisation, qui ont eu pour effet pervers de compliquer de manière excessive les règles d'attribution, sont restées insuffisantes, nous le savons tous, pour répondre aux attentes des retraités. Le montant minimum des retraites agricoles reste nettement en deçà du montant minimum vieillesse, soit 3 540 francs, ou 539,73 euros au 1er janvier 1999.
Nombre d'agriculteurs retraités, on le sait, ne demandent pas le complément versé par le fonds de solidarité vieillesse pour atteindre ce minimum, car cette allocation supplémentaire, d'une part, est récupérable sur les successions et, d'autre part, n'est versée qu'à partir de soixante-cinq ans.
Le deuxième enjeu est celui de la modernisation du régime de sécurité sociale agricole.
La mutualité sociale agricole a connu une crise grave en 1997, avec les dérives de sa caisse centrale ou plus exactement, le démembrement de sa caisse centrale, tout cela a été relevé par la Cour des comptes. Elle a toutefois entamé une modernisation qui pourrait servir d'exemple, à bien des égards, aux caisses du régime général.
Deuxième régime de protection sociale en France, elle compte 4,5 millions d'assurés. La gestion multirisques en fait un régime simple et proche de ses assurés.
Le processus d'élection de ses administrateurs, même s'il mérite probablement d'être revu, lui donne un caractère démocratique incontournable.
La MSA est pionnière en matière de réseaux de filières et de soins. Elle joue un rôle majeur pour prévenir et pour lutter contre la précarité en milieu rural.
Une convention d'objectifs et de gestion décrivant les nouveaux rapports contractuels entre l'Etat et la caisse centrale est soumise à votre signature, monsieur le ministre.
A partir du moment où le redressement de la caisse centrale est en cours, grâce à une nouvelle équipe dirigeante, il est essentiel de ne pas fragiliser l'avenir du régime agricole, mais au contraire de le conforter.
Le troisième enjeu est celui de l'avenir de l'emploi agricole.
La population active agricole a très fortement diminué au cours de ces dernières années. Alors que le nombre d'actifs agricoles s'élevait encore à 1 870 000 personnes en 1980, il n'était plus que de 950 000 en 1997.
Cette diminution de la population active agricole recouvre cependant des évolutions très différentes selon qu'il s'agit des actifs familiaux ou des salariés. En effet, si l'on assiste à une diminution rapide du nombre d'actifs familiaux, l'évolution de l'emploi salarié est beaucoup plus contrastée. Certes, le nombre de salariés permanents continue de diminuer : ils sont environ 150 000 aujourd'hui, contre 325 000 en 1970. En revanche, le nombre total de salariés agricoles augmente régulièrement depuis 1991, pour atteindre près de 1 400 000 personnes, du fait du recours aux salariés occasionnels.
Il semble donc que l'emploi salarié agricole n'ait pas à subir un destin inéluctable de disparition progressive. Il tend au contraire à devenir un gisement d'emplois d'appoint qu'il importe de développer.
Ce développement de l'emploi occasionnel souligne d'ailleurs avec force la seconde mutation de l'emploi agricole : la progression de la pluriactivité. En 1996, 28 % des exploitants agricoles étaient pluriactifs, soit 212 000 personnes, contre seulement 18 % en 1992. Il appartient à la loi d'accompagner cette évolution.
Mais, face à ces enjeux, et en dépit de certains aspects positifs, la dimension sociale du projet de loi manque d'ambition et de cohérence.
Les aspects sociaux du projet de loi étaient, à l'origine, très modestes. Il s'agissait avant tout d'articles déclaratifs et de rares dispositions normatives, au demeurant d'ampleur limitée.
Pour ce qui est des articles déclaratifs, le champ de la politique agricole est étendu par la reconnaissance de la « fonction sociale » de l'agriculture. Le projet tend en effet à donner une triple fonction à l'agriculture : économique, environnementale et sociale. Or la « fonction sociale » de l'agriculture apparaît comme la plus difficile à définir. Il semblerait que ce concept soit centré sur la priorité accordée à l'emploi : installation de jeunes agriculteurs, viabilité des exploitations existantes, transmission dans les meilleures conditions possibles. L'objectif serait ainsi d'enrayer la chute des effectifs agricoles.
Les dispositions normatives du projet du Gouvernement étaient également d'ampleur limitée. Il s'agissait principalement du statut du conjoint collaborateur d'exploitation et du « titre emploi simplifié agricole », deux dispositions déjà présentes dans le projet Vasseur.
La commission des affaires sociales a constaté à cet égard deux absences particulièrement regrettables.
Le projet de loi initial ne comportait d'abord aucune disposition majeure concernant la revalorisation des retraites. Il n'abordait pas non plus la question du statut fiscal et social des exploitations agricoles. Or la nouvelle définition de l'activité agricole prévue dans le projet de loi rend nécessaire une adaptation du régime fiscal et social des exploitations. Il apparaît ainsi urgent de rapprocher la fiscalité agricole d'une véritable fiscalité d'entreprise, afin de faciliter la transmission des exploitations. Cette redéfinition de la fiscalité agricole doit inclure l'étude des charges sociales pesant sur les exploitants, qui sont devenus, je le repète, de véritables entrepreneurs.
Si le texte du Gouvernement manque d'ambition, il manque aussi de cohérence. De bien des points de vue, il ressemble plus à un texte portant diverses dispositions d'ordre social en matière agricole qu'à un réel projet de loi d'orientation.
La commission des affaires sociales a ainsi l'impression que le projet de loi n'a pas trouvé d'équilibre dans ses lignes directrices. Le Gouvernement semble hésiter entre un souci de pragmatisme et une démarche parfois plus rigide, empreinte d'« étatisme ».
Certains articles témoignent d'une recherche de la souplesse et d'une réelle écoute du terrain. C'est le cas, par exemple, de la création du « titre emploi simplifié agricole », de l'institution du statut de conjoint collaborateur ou de la simplification du mode de calcul des cotisations sociales pour les nouveaux installés.
En revanche, d'autres articles relèvent d'une logique technocratique et ne font que renforcer les contraintes existantes. La création de divers comités plus ou moins utiles aura pour conséquence inéluctable d'aggraver les charges pesant sur les agriculteurs. Le renforcement parfois excessif des contrôles témoigne de la vision par trop administrée qu'a le Gouvernement de l'agriculture et de son avenir.
La première lecture à l'Assemblée nationale a cependant donné lieu à un enrichissement du projet de loi ; cet enrichissement reste toutefois insuffisant et la cohérence du texte n'en est que plus fragile encore.
D'abord, l'Assemblée nationale a souhaité que soient établis deux rapports : l'un relatif aux retraites agricoles, et l'autre portant sur « l'adaptation de la fiscalité agricole, des charges sociales et de la transmission des exploitations ».
En ce qui concerne les dispositions relatives aux salariés agricoles, l'Assemblée nationale a complété le projet de loi initial en adoptant trois articles additionnels visant à développer les possibilités de formation professionnelle continue et à lutter - mais de manière sans doute inappropriée - contre le risque de précarisation de l'emploi salarié.
Enfin, le Gouvernement a jugé bon de présenter cinq amendements relatifs à la mutualité sociale agricole, déposés une semaine avant l'examen en séance publique, sans que la caisse centrale ait été réellement consultée. Ces amendements, justifiés par la crise grave qui a touché la caisse centrale en 1997, paraissent bien tardifs ; la nécessité des dispositions proposées serait beaucoup plus évidente si elles avaient été incluses dans le texte du projet adopté par le conseil des ministres du 10 juin 1998.
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales a souhaité apporter une contribution significative à l'enrichissement et à la mise en cohérence de ce texte.
Elle est consciente de la complexité des domaines en cause et ne méconnaît pas l'utilité qu'il y a à demander des rapports au Gouvernement. Les problèmes abordés pourront ainsi faire l'objet d'un diagnostic « concerté » - pour ne pas dire « partagé » - avec l'ensemble des acteurs du monde rural. Il lui semble néanmoins que le Parlement ne saurait renoncer à un pouvoir d'intiative à partir du moment où le Gouvernement présente un projet de loi « d'orientation ».
C'est pourquoi la commission des affaires sociales propose un dispositif d'amendements visant à développer le volet social du projet de loi et à en renforcer la cohérence dans le sens d'un plus grand pragmatisme.
En ce qui concerne les retraites agricoles, elle estime qu'il est désormais important d'inscrire dans la loi l'objectif tendant à porter les pensions les plus basses au niveau du minimum vieillesse, sous réserve que les intéressés aient cotisé trente-sept années et demie. Nous ne pouvons plus nous contenter de renvoyer à un nouveau rapport. Répéter le procédé utilisé en 1997 et en 1998 par le Gouvernement et qui consistait à proposer une revalorisation via un amendement au projet de loi de finances ne me paraît pas souhaitable. Il faut clairement fixer un objectif, une orientation, conformément, d'ailleurs, à l'intitulé même du projet de loi. L'objectif peut sembler peut-être timide ; il n'en est que plus crédible. La commission des affaires sociales proposera, sur ce point, l'adoption d'un article additionnel avant l'article 1er ter .
Le rapport demandé à l'article 1er ter par l'Assemblée nationale est complémentaire. Il est certainement utile. Je vous proposerai d'en améliorer le contenu.
Il faut simplifier le mode de calcul. Il est nécessaire de disposer d'une étude sur le financement d'un régime de retraite complémentaire obligatoire. Il est important de connaître précisément le coût de toutes les mesures de revalorisation.
En ce qui concerne les charges sociales, nous proposerons une mesure unique et simple, portant sur l'exonération dont bénéficient les jeunes agriculteurs. Il s'agit de la majorer afin que les jeunes agriculteurs retrouvent l'avantage relatif dont ils bénéficiaient par rapport aux autres catégories d'exploitants avant la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie opérée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
La commission des affaires sociales proposera également d'adopter deux dispositions représentant un réel progrès social dans le monde agricole : l'une vise à déterminer un montant minimum pour les pensions de réversion ; l'autre étend au régime agricole les règles d'insaisissabilité et d'incessibilité partielles applicables aux pensions et rentes des régimes d'assurance vieillesse et d'assurance invalidité.
S'agissant des dispositions relatives aux salariés agricoles, nous croyons souhaitable d'étendre le champ d'application du titre emploi simplifié agricole afin d'accompagner le développement de l'emploi. Notre commission estime également nécessaire de redéfinir les dispositions censées limiter la précarisation des salariés mais qui risquent au contraire de freiner le développement de l'emploi salarié agricole.
Enfin, concernant les dispositions relatives à la mutualité sociale agricole, la commission des affaires sociales souhaite favoriser l'adoption de dispositions permettant un meilleur fonctionnement de la tutelle sans pour autant accroître de manière disproportionnée les outils de cette tutelle, notamment par l'institution d'un commissaire du Gouvernement. Je suis persuadé que le Gouvernement a sous-estimé l'effet psychologique de cette mesure, qui est désastreux.
Enfin, la commission des affaires sociales proposera une série d'amendements visant à simplifier le fonctionnement de la MSA.
Lors de la discussion des articles, j'expliciterai de manière plus détaillée les propositions de la commission des affaires sociales.
Je crois pouvoir affirmer que nous avons réussi à développer le contenu social du projet de loi d'orientation agricole et - pourquoi ne pas le dire ? - à lui donner un peu plus de « souffle ». (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 60 minutes ;
Groupe socialiste : 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur du Conseil économique et social, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à féliciter ceux qui m'ont précédé à cette tribune pour la qualité de leurs rapports, même si, à l'évidence, je ne partage pas toutes leurs analyses.
Le projet de loi qu'il revient à notre Haute Assemblée d'examiner aujourd'hui revêt une importance capitale pour le devenir de notre agriculture, pour ces hommes et ces femmes qui exercent ce métier, noble mais dur, d'agriculteur. Peut-être devrais-je plutôt parler du métier de paysan, ce beau mot chargé de sens et aussi un peu, c'est vrai, de nostalgie.
Certains, ici, préfèrent user des termes d'entrepreneur agricole ou de chef d'entreprise. Nous touchons là déjà à une différence de conception du rôle et de la place de l'agriculture dans la société.
Il y a une approche humaine, qui est notamment celle des communistes, attachée aux liens qui unissent l'agriculteur à la terre qu'il exploite, à son environnement, au territoire où il a ses racines. Il y a une approche plus financière, qui est celle des libéraux, qui conçoivent l'exploitation agricole sous l'angle de l'activité marchande, parfois au mépris des hommes et des territoires.
Les débats que nous aurons dans cette enceinte, les discussions concernant la réforme de la politique agricole commune et bientôt le lancement des négociations multilatérales au sein de l'Organisation mondiale du commerce verront s'affronter ces deux approches, qui me paraissent inconciliables. Voulons-nous en effet une agriculture inscrite dans la durée, plus respectueuse des populations et des espaces, ou bien une agriculture orientée uniquement vers la conquête des marchés mondiaux à des prix compétitifs qui n'ont d'ailleurs aucune signification économique réelle ?
Le libéralisme appliqué au secteur de l'agriculture et de l'agro-alimentaire et la guerre économique que se livrent l'Union européenne et les Etats-Unis donnent lieu à un bilan pourtant désastreux. Que l'on en juge.
Depuis les premières lois d'orientation agricoles de 1960 et 1962, axées sur le développement de la production et sur la concentration des exploitations, le nombre d'actifs agricoles est passé de 4 millions à moins de 1,4 million aujourd'hui, soit à peine 5 % de la population active française. Le nombre d'exploitations agricoles a chuté, quant à lui, de 2 millions en 1960 à 680 000 en 1997, avec, ces dernières années, un rythme de 30 000 disparitions d'exploitation par an.
Compte tenu de la pyramide des âges de ce secteur, nous nous orientons à moyen terme vers une agriculture fonctionnant avec seulement 100 000 à 150 000 exploitants. On assiste aujourd'hui, en effet, à quatre départs en retraite pour une seule installation. En vérité, le modèle d'agriculture qui prévaut depuis bientôt quarante ans, et qui a, certes, connu ses heures de gloire, est aujourd'hui, reconnaissons-le, indéfendable.
La crise porcine, dont je peux mesurer les effets dans mon département, les Côtes-d'Armor, illustre, mieux que n'importe quel discours, les dangers du libéralisme.
Aujourd'hui, on doit se poser une seule question : à qui profite la crise ?
Certainement pas aux petits producteurs, et en particulier aux jeunes installés récemment, qui sont confrontés au dilemme : faillite ou endettement. Ni aux consommateurs, qui n'ont pas vu baisser les prix à la distribution.
Les véritables gagnants de la crise du porc sont, d'un côté, les gros exploitants, qui ont les moyens de faire face à une surproduction qu'ils ont eux-mêmes développée et qui s'apprêtent aujourd'hui à récupérer les marchés et les exploitations délaissées par les petits producteurs, et, de l'autre, les principaux intermédiaires et les distributeurs, qui augmentent grassement leur marge, mais aussi les banques, qui, à l'heure actuelle, font du démarchage auprès des clients qui ont le couteau sous la gorge.
Que dire, en outre, de l'accroissement des déséquilibres territoriaux et de l'accélération de la désertification rurale provoqués par le développement des phénomènes sociétaires et par la concentration excessive des exploitations ? Cette tendance ne constitue pas une dérive des politiques menées depuis plusieurs décennies, elle en était tout au contraire l'objectif déclaré. Concentration, expansionnisme, productivisme, ont eu pour contrepartie la suppression des emplois en agriculture, la détérioration des paysages, les pollutions de toutes sortes et la déstructuration des territoires et des espaces naturels.
J'évoquerai, ensuite, l'insécurité sanitaire.
La crise de la « vache folle », là encore, n'est en aucune façon une dérive du libéralisme, elle en est la conséquence directe. Les enjeux actuels autour des organismes génétiquement modifiés suscitent les mêmes inquiétudes de notre part s'il s'agit d'en laisser la maîtrise aux puissances financières qui contrôlent les filières de la transformation et de la distribution des produits offerts aux consommateurs. La production de qualité, contrôlée à tous les stades de la production, de la transformation, du conditionnement et de la distribution, relève aujourd'hui autant de l'intérêt du producteur que de l'intérêt du consommateur. Le producteur y trouve les voies du développement durable et de la légitimité économique ; le consommateur y trouvera, quant à lui, la sécurité et, plus simplement, le plaisir d'une nourriture saine.
Enfin, il y a l'insécurité alimentaire mondiale, d'autant plus insupportable que les richesses produites de par le monde sont largement suffisantes pour nourrir les six milliards d'individus qui peuplent notre planète. Le problème de la suffisance alimentaire peut être réglé ; la véritable question, c'est la répartition des biens alimentaires. Or non seulement le marché est incapable d'assurer cette juste redistribution des marchandises, mais il organise ces inégalités et ces injustices.
Parler de l'arme alimentaire n'est pas une gageure : c'est la réalité d'un système capitaliste qui tend à asphyxier les productions des pays du tiers monde pour enrichir les firmes multinationales américaines et européennes. Aujourd'hui, l'Union européenne a beau jeu de vanter la part qu'elle réserve à l'aide alimentaire aux pays victimes de famine et de malnutrition, alors que, par ailleurs, elle participe à l'appauvrissement de ces pays, incapables d'affronter les règles du commerce international.
La course effrénée à la baisse des cours mondiaux sur les matières premières avec pour seul objectif de se partager les marchés des pays en développement est le plus sûr moyen d'enfoncer ces populations dans la guerre, la famine, la violence et, ne l'oublions pas, dans la migration vers les pays opulents du Nord. A l'inverse, nous pensons que l'Union européenne, au lieu d'orienter les prix à la baisse au niveau des cours mondiaux, devrait, d'une part, contribuer à relever le cours des échanges alimentaires et, d'autre part, favoriser le développement de produits à haute valeur ajoutée.
Telle n'est pas l'optique de l'OMC, ni celle des propositions de la Commission de Bruxelles, bien au contraire.
De nombreux pays de l'Union européenne, dont la France, l'ensemble des syndicats agricoles ainsi que des partis politiques ont exprimé leur refus de voir aboutir les orientations et les propositions du « paquet Santer ». Vous-même, monsieur le ministre, vous avez adopté une attitude de fermeté. Nous nous en réjouissons, mais nous n'ignorons pas, hélas ! la force des partisans de l'ultralibéralisme qui ont montré leur capacité à faire aboutir les projets les plus inacceptables, à l'image de la réforme de la PAC en 1992. La Commission européenne procède non seulement à la prolongation de cette réforme, mais aussi à son aggravation.
En effet, il est proposé une baisse des soutiens des prix sur les produits de base en contrepartie d'une compensation partielle par des aides directes. Or, n'en doutons pas, les mêmes mesures produiront les mêmes effets dévastateurs, c'est-à-dire la disparition de 200 000 exploitations françaises depuis 1992, de 300 000 actifs agricoles et, sur le plan européen, de 2,4 millions d'exploitations.
Non seulement les agriculteurs auraient tout à perdre avec une telle réforme, eu égard aux perspectives de baisse de revenus évaluées à 13 % s'agissant du revenu moyen d'un agriculteur, mais ils seraient incités à accroître davantage leur productivité pour garantir un niveau de revenu équivalent.
Nous touchons là à une contradiction entre, d'une part, les préoccupations du monde agricole en termes d'environnement, d'aménagement du territoire et de qualité des produits, que traduit le présent projet de loi, et, d'autre part, la poursuite d'un modèle d'agriculture productiviste et intensif que promeut le « paquet Santer ».
Précisément - et le groupe communiste républicain et citoyen militera en ce sens - cette loi d'orientation agricole doit, monsieur le ministre, vous donner les arguments et la légitimité pour amener nos partenaires européens sur une position différente des schémas de Bruxelles.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Gérard Le Cam. Nous n'accepterons pas, quant à nous, une reproduction de l'épisode de 1992, de même que nous refusons de préparer l'Europe à faire des concessions aux propositions des Etats-Unis en prélude aux négociations de l'OMC.
Il s'agit bien du démantèlement de la politique agricole commune et de l'abandon de deux principes fondamentaux.
Tout d'abord, le principe de la préférence communautaire, qui a déjà été mis à mal par les accords du GATT en 1994, ou, plus réellement, par la décision de mettre en place une zone de libre - échange avec les pays du MERCOSUR.
Ensuite, le principe de la solidarité financière, qui est menacée par la remise en cause des contributions financières de certains Etats membres, et l'hypothèse émise d'un cofinancement ou d'une renationalisation de la PAC. A cet égard, notre groupe proposera de modifier l'article 1er du texte, en affirmant son attachement à ces deux principes.
Mes chers collègues, la logique de cette réforme est directement liée à la mise en place de l'euro, qui, comme tout citoyen a pu le mesurer le 1er janvier dernier, est avant tout le produit des marchés financiers, mais en aucun cas la réponse aux aspirations des peuples.
La réduction des crédits de la politique agricole, qui représentent 44 % du budget communautaire, et la politique structurelle, qui compte pour 37 % du total, constituent le revers de la médaille euro et du pacte de stabilité. Peut-on, mes chers collègues, se satisfaire de la création de l'euro en éludant cet aspect du problème ? En outre, comme nous n'avons cessé de le dire, à défaut d'ajustements monétaires, la monnaie unique donnera lieu à des ajustements réels décuplés en termes de productivité et de pouvoir d'achat, qui seront fatals pour les petites exploitations. Le projet de la Commission européenne est cohérent : il s'agit de sacrifier la PAC pour l'euro. En effet, en substituant une politique d'aides directes a minima à la politique de soutien aux prix, on veut adapter l'agriculture européenne aux conditions du marché mondial, niveler les prix vers le bas et mettre ainsi l'euro en position de concurrencer le dollar. Or, la compétition accrue entre l'euro et le dollar ne pourra, selon nous, qu'accroître l'instabilité du système financier international.
On le voit, la question des réorientations de l'agriculture française dans les années à venir ne peut être dissociée d'une réflexion approfondie sur son financement.
Aujourd'hui, chacun reconnaît que les aides publiques ont favorisé la concentration et l'agrandissement des exploitations, et ont ainsi déstructuré le monde rural et agricole. Selon un récent rapport d'information remis par Mme Béatrice Marre, « la PAC orientée vers une logique de course à la productivité a eu pour effet de subventionner la suppression des emplois agricoles et de détruire les équilibres territoriaux ». Toujours d'après ce rapport, 60 % des aides européennes sont allées à 22 % des exploitations, et 18 % d'entres elles en sont totalement exclues. Ainsi, aujourd'hui, l'essentiel des aides européennes est alloué aux agriculteurs qui augmentent la surface de leur exploitation et qui se spécialisent sur des productions de base qui, on le sait, ont une faible valeur ajoutée.
C'est ainsi que la valeur ajoutée de l'agriculture a cessé d'augmenter parce que l'on a favorisé cette uniformisation et cette spécialisation de la production.
Le « paquet Santer », au lieu de tirer les leçons de la faillite de la PAC, concentre à nouveau son attention en faveur du développement de ces mêmes productions aux dépens de produits plus sophistiqués et transformés avant leur commercialisation.
L'article 4 du projet de loi prévoit que les aides financières de l'Etat seront modulées et plafonnées sur la base de critères économiques, de facteurs environnementaux, d'aménagement du territoire et du nombre d'actifs. Mais encore faut-il que cette meilleure répartition des aides à l'échelon national ne soit pas une façon de rendre plus acceptable une baisse draconnienne des fonds en provenance du FEOGA.
La meilleure prise en compte du qualitatif doit-elle évacuer le quantitatif ? Non, bien sûr, mais le volume de production ne doit plus être l'unique critère d'attribution des aides. L'intérêt de ce projet de loi, en reconnaissant pour la première fois la notion de multifonctionnalité de l'agriculture, est de prévoir le découplage progressif des aides et de la production et, par-là même, de reconsidérer les rapports entre les agriculteurs et la société.
La création du contrat territorial d'exploitation, le CTE, figure de proue de ce projet de loi, est la traduction la plus concrète de cette nouvelle approche diversifiée de l'agriculture.
Par le CTE, il s'agit non pas de compléter ou d'accommoder le modèle productiviste existant de quelques projets agro-environnementaux, mais bien de transformer les conditions et les modes de production de l'exploitation vers une production de qualité en adéquation avec l'emploi, l'environnement et les territoires.
Selon nous, le CTE ne doit pas être la négation de l'acte de production, qui reste central et fondamental. Au contraire, il doit le revaloriser et le renouveler au sein d'un monde rural rééquilibré et revivifié.
Nous le savons tous, il y a l'esprit de la loi et l'application qui en sera faite. Le CTE est un outil. A ce titre, il peut permettre de casser le cercle vicieux d'une agriculture productiviste qui appauvrit les campagnes, comme il peut, si nous n'y prenons garde, générer une dualité de l'activité agricole. C'est, ne nous leurrons pas, la volonté à peine cachée de la Commission européenne.
Ainsi, il y aurait d'un côté une agriculture intensive orientée exclusivement vers l'exportation de produits bas de gamme à prix réduit et, de l'autre, subsisterait, grâce au soutien des Etats, une agriculture protégée, à vocation sociale et écologique.
Pour ce qui nous concerne, nous refusons l'alternative entre une agriculture duale et une agriculture uniforme.
Les exploitants agricoles aspirent eux-mêmes à produire autrement pour être en phase avec les demandes exprimées par la société. Il faut, pour cela, les accompagner en ce sens en garantissant une rémunération de leur travail par les prix et, ensuite, soutenir les activités que le marché est incapable d'assimiler.
La mise en place du CTE est, par conséquent, indissociable d'une politique de soutien aux prix.
J'aurai l'occasion de revenir, lors de l'examen des articles, sur la question épineuse du mode de financement du CTE et - c'est à mon avis un élément essentiel pour sa réussite - sur la garantie pour l'exploitant souscrivant à un contrat d'y trouver son compte.
M. Hilaire Flandre. Vous croyez au père Noël !
M. Gérard Le Cam. Nous verrons bien !
Un autre point suscitera, je n'en doute pas, de longs débats parmi nous : c'est celui de la définition de l'activité agricole. Sans y insister dans le cadre de mon intervention, je tiens cependant à observer les incohérences - le mot est d'ailleurs faible - entre le discours des députés de droite et celui des membres de la majorité sénatoriale, les premiers estimant que la définition proposée initialement était trop large, et les seconds suggérant à l'inverse d'aller plus loin.
Notre groupe défendra une ligne claire et cohérente : les agriculteurs doivent avoir accès à la pluriactivité s'ils le désirent et là où cela peut effectivement être nécessaire, à la condition toutefois de ne pas porter ombrage au monde artisanal. Nous proposerons, à cet égard, quelques aménagements à l'article 6, afin de lever les dernières ambiguïtés sur ce sujet.
Le texte vise ensuite à renforcer et à clarifier la législation dans le domaine du contrôle des structures. Certains voudront voir dans ce dispositif une dérive vers la suradministration dans le transfert des exploitations. J'y vois, pour ma part, une démocratisation de l'accès au foncier dès lors que l'ensemble des organisations syndicales en est partie prenante, notamment à travers les CDOA, les commissions départementales d'orientation agricole.
Ce processus participe, en effet, d'une politique ambitieuse en faveur de l'installation des jeunes, qui reste par trop timorée : seulement un jeune sur deux bénéficie, à l'heure actuelle, d'un appui financier pour s'installer. Les industries situées en amont et en aval de la production devraient se mobiliser à cet égard ; de même, les banques devraient mettre à disposition des jeunes des prêts à taux très bonifiés.
La situation de précarité des agriculteurs sur le départ contraint, hélas ! le plus souvent ces derniers à céder leur exploitation à des groupements désireux de s'agrandir.
Ce constat me conduit directement à la question des retraites agricoles.
Le dernier débat budgétaire m'avait donné l'occasion de défendre, au nom de mon groupe, une revalorisation des retraites agricoles, à hauteur du minimum vieillesse dans l'immédiat pour atteindre progressivement l'objectif de 75 % du SMIC brut à la fin de la législature.
L'argument de la discrimination par rapport à certains salariés du régime général nous a alors été opposé : ces derniers, en cotisant davantage, bénéficieraient d'une pension moindre.
J'observe, d'une part, que le régime obligatoire n'a été créé qu'en 1952 et, d'autre part, que le déséquilibre entre actifs et retraités de l'agriculture est inverse à celui du régime général. On compte en effet 700 000 exploitants pour deux millions de retraités, soit un actif pour trois retraités, contre quatre pour un chez les salariés.
Enfin, peut-on, au nom de cette prétendue « inégalité », accepter que des femmes et des hommes ayant sacrifié leur vie, leur santé et leur jeunesse pour la terre vivent aujourd'hui avec moins de 3 000 francs par mois ? Et n'oublions pas que le niveau des cotisations versées était sans commune mesure avec la quantité de travail fourni chaque jour de l'année !
Si une étude différenciée des situations diverses des agriculteurs à la retraite est opportune, elle ne peut nous détourner des engagements pris à l'égard de cette population, dont le mécontentement va grandissant. J'aurai l'occasion de proposer à la Haute Assemblée deux mesures attendues par les retraités de l'agriculture : d'une part, la validation des annuités non cotisées d'avant 1952, date de la création du régime obligatoire, et d'autre part, la revalorisation de l'actif successoral, tant il est vrai que, aujourd'hui, de nombreux retraités préfèrent renoncer au minimum vieillesse auquel ils ont droit pour ne pas pénaliser leurs héritiers.
Ce texte prévoit, par ailleurs, la création d'un nouveau statut pour les conjoints. Cette disposition ne pourra que favoriser les agricultrices dans la conquête de leur autonomie juridique et financière, ce dont il faut se féliciter. Je proposerai d'ailleurs à la Haute Assemblée de permettre aux femmes de l'agriculture de bénéficier d'un congé de maternité d'une durée égale à celui des salariées. Cette mesure irait dans le sens de l'égalité et de la justice sociale.
J'en viens à l'autre versant de ce projet de loi, le renforcement du contrôle de l'Etat sur les organismes de la mutualité sociale agricole, la MSA. Ce renforcement ne peut, à lui seul, suffire à éviter les opérations douteuses et les malversations que la Cour des comptes a révélées en 1997. Le mode d'élection aux caisses de la MSA doit impérativement être révisé afin d'assurer le contrôle démocratique de la gestion des caisses locales. Nous ferons des propositions sur ce point.
Enfin, ce projet de loi innove dans le sens d'une meilleure maîtrise des prix, que ce soit dans le cadre d'un accord interprofessionnel ou en cas de crises conjoncturelles. La libéralisation des prix décidée, en 1986, par le gouvernement Chirac n'est à l'évidence pas adaptée à la réalité économique des producteurs, même si elle est conforme aux réglementations européennes.
J'observe, pour m'en réjouir, que l'idée d'un coefficient multiplicateur fait son chemin. Cette mesure, si elle était retenue, permettrait d'éviter les écarts abusifs observés aujourd'hui, notamment dans le secteur porcin ou dans celui des fruits et légumes, entre le prix à la production et le prix à la consommation.
Un tel dispositif présenterait trois avantages : tout d'abord, il aurait pour effet de mieux répartir la valeur ajoutée au sein de la filière entre production, transformation et distribution ; par ailleurs, il permettrait au consommateur de pouvoir profiter à son tour de la chute des cours, ce qui donnerait lieu à une augmentation de la demande et, indirectement, à une augmentation des prix à la production ; enfin, il inciterait les intermédiaires à acheter plus cher les produits aux exploitations pour accroître leur marge dans les mêmes proportions.
Ce mécanisme mérite, à mon avis, une réflexion plus globale à l'échelle européenne, afin de parvenir à plus de justice économique dans les situations exceptionnelles que l'on peut prévoir.
J'évoquerai, pour conclure, les dispositions en faveur de la qualité et de l'identification des produits, puis la question de l'enseignement agricole.
Tout d'abord, il faut apprécier la place que réserve ce texte aux associations de consommateurs, qui pourront désormais donner leur avis au sein des commissions consultatives au côté des représentants des organisations syndicales agricoles. Il y a là une évolution culturelle qui répond aux nouvelles exigences de nos concitoyens.
S'agissant des signes d'identification des produits, une bonne politique en la matière consisterait, selon nous, à valoriser les signes existants plutôt qu'ajouter à la confusion des consommateurs.
Nous préférons, pour notre part, une gestion de quelques signes fiables et crédibles pour le consommateur, plutôt que la multiplication de références parfois douteuses.
Ce texte mérite, me semble-t-il, d'être précisé, comme le souhaite d'ailleurs M. le rapporteur.
Enfin, le titre VI du projet de loi relatif à l'enseignement agricole, qui n'apporte pas de transformations majeures à la législation en vigueur, doit nous donner l'occasion de préserver les acquis de l'enseignement agricole public, lequel ne représente plus aujourd'hui que 40 % de l'enseignement agricole.
Nous demandons que les établissements publics puissent jouir de possibilités identiques à celles qui sont réservées à l'enseignement privé et qu'ils soient en mesure de mettre à la disposition des élèves les mêmes services que dans l'enseignement général.
Ce projet de loi d'orientation agricole, dont nous approuvons les grands axes, ne trouvera sa véritable efficacité que s'il s'articule avec une politique européenne rénovée et démocratique, à l'opposé des dogmes du libéralisme. En effet, une loi française, aussi ambitieuse et novatrice soit-elle, ne saurait être suffisante si les propositions de la Commission de Bruxelles aboutissaient en l'état.
Il ne peut y avoir, pour les communistes que nous sommes, de bonne gestion des dégâts du libéralisme. C'est dire si cette loi trouvera son salut, avant tout, hors de nos frontières.
C'est pourquoi, par nos propositions et par notre conception d'une agriculture durable, solidaire et humaine, nous voulons contribuer à améliorer, à consolider ce texte et, ainsi, à donner à la France les moyens de résister et de réorienter la politique agricole lors des grandes négociations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, mes chers collègues, je me bornerai, dans un propos très court, à évoquer les points essentiels de ce texte, mes collègues et moi-même nous proposant d'entrer dans le détail lors de la discussion des articles.
Nous abordons aujourd'hui la discussion d'un projet de loi majeur puisqu'il s'agit du troisième texte d'orientation agricole de la Ve République : l'enjeu est de taille, puisqu'il est question de tracer des pistes, de proposer des orientations pour l'avenir de notre agriculture.
Le monde agricole appelait ce texte de loi depuis de nombreuses années. M. le Premier ministre, lui-même, s'était engagé à le mettre en chantier lors de la déclaration de politique générale de son gouvernement, en juin 1997.
La lourde tâche de son élaboration en est revenue d'abord à notre nouveau collègue M. Louis le Pensec, qui, dans le contexte particulièrement difficile de la réforme de la politique agricole commune, a fait preuve d'une détermination que je tiens à saluer.
L'effort de concertation et la volonté de dialogue ont été poursuivis avec vous, monsieur le ministre. Sans préjuger le travail à venir, je tiens donc, au nom de mes collègues, à vous remercier pour la qualité des relations de travail que nous avons entretenues.
Je saluerai également l'importance du travail méticuleux et de longue haleine mené par M. Michel Souplet, rapporteur, travail marqué par le dialogue et les échanges, même si quelques divergences d'importance sont parfois apparues.
Je ne voudrais pas non plus oublier nos collègues rapporteurs pour avis de la commission des affaires sociales, dont les contributions permettent une avancée réelle de ce projet de loi.
Je ferai quelques réflexions générales sur l'ensemble du texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale, laissant le soin à mes collègues ayant étudié plus précisément les différents titres de s'exprimer à cet égard après moi.
Au terme de nombreuses auditions, la mission sociale économique et environnementale de notre agriculture apparaît avec force. Permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques remarques à cet égard.
Premièrement, le Gouvernement et l'Assemblée nationale, oubliant un peu qu'il s'agissait d'un projet de loi d'orientation, c'est-à-dire d'un projet de loi-cadre, ont cédé à la tentation d'entrer par trop dans le détail, au point que le texte a parfois un peu perdu en lisibilité.
Deuxièmement, l'article 40, traitant de la description des critères de qualité, est illisible, ce qui nous obligera à revenir sur ce point.
Troisièmement, les CTE, innovation majeure du texte sur laquelle mon collègue André Lejeune reviendra plus en détail, ont suscité un véritable engouement : plus de quatre-vingts départements, avec des expériences diverses, y travaillent de pied ferme. Je pense, monsieur le ministre, que, sitôt le débat sur la PAC achevé, il conviendra de préciser le cadre général dans lequel les gens pourront s'engager, s'agissant des CTE.
Quatrièmement, enfin, j'ai noté des difficultés d'appréciation - cela a d'ailleurs été soulevé à cette tribune - sur la définition de l'agriculteur.
Tout en favorisant la multifonctionnalité de l'agriculteur et de l'agriculture, il conviendra de travailler sur la question de l'équilibre avec les autres partenaires du monde rural que sont les artisans et les commerçants.
La commission des affaires économiques a déposé divers amendements visant à améliorer le texte adopté par l'Assemblée nationale, et nous voterons - je tiens à le préciser - une grande partie d'entre eux. Mais nous serons également conduits à défendre un certain nombre d'amendements.
Il en sera notamment ainsi s'agissant du statut de l'employé rural, simple adaptation entre la mutualité sociale agricole, la MSA, et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, afin de faire évoluer les groupements d'employeurs ouverts aux petites communes.
Nous souhaitons éviter que cette loi ne soit fermée, afin qu'elle puisse rebondir et trouver un prolongement sur des questions, soulevées à cette tribune, qui ne peuvent trouver réponse dans un seul texte de loi : il s'agit de l'évolution de la fiscalité agricole, de la gestion et plus particulièrement des droits à produire, de la transmission du patrimoine ; il s'agit également de revenir sur des équilibres économiques entre le producteur, le transformateur, le consommateur et le distributeur autour de la gestion des critères de qualité et du développement des plus-values qui sont associées à ces derniers, de se pencher sur l'intégration agricole et la régulation des marchés, enfin de mieux apprécier les équilibres nécessaires, pour un monde rural plus harmonieux, avec les artisans et les commerçants.
Ce vaste chantier ne peut être réglé par une simple loi d'orientation ou loi-cadre. Il convient de l'aborder dans le temps, dans la sérénité et en dehors de toutes les pressions qui peuvent exister ici ou là, tant les incidences peuvent être déterminantes.
Aussi, monsieur le ministre, nous vous proposerons que la loi qui sera adoptée soit prolongée par un rapport parlementaire, élaboré en concertation avec l'ensemble des partenaires concernés - une date butoir serait bien sûr prévue - afin que des textes puissent ensuite préciser un certain nombre d'éléments capitaux pour notre agriculture et notre ruralité.
M. André Lejeune. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Ce texte pourrait aussi trouver un prolongement dynamique autour du cadrage des CTE, car il est nécessaire que le Parlement s'attache à rendre transparent cet acte économique et fiscal.
M. Bernard Piras. Absolument !
M. Jean-Marc Pastor. A cet égard, les journées à venir seront déterminantes et elles nous permettront certainement de préciser l'ensemble de ce cadre.
La réforme de la politique agricole commune et la discussion de ce projet de loi d'orientation agricole vont nous permettre d'accompagner l'évolution de notre agriculture afin de préserver l'avenir de la ruralité et d'éviter les profonds déséquilibres et les inégalités que nous connaissons dans l'octroi des soutiens publics, enjeu des CTE.
Enfin, je partage les propos de Mme Lambert sur la mission économique, sociale, territoriale et environnementale de l'agriculture. Voilà qui justifiait sans doute une loi préservant la transparence et l'efficacité des soutiens à notre agriculture !
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Respectueuse de la condition humaine de l'agriculture, respectueuse des nouveaux équilibres territoriaux, cette loi devra, dans son application, moraliser l'intervention publique. Le contrat entre la société et l'agriculture est un vaste pari qui devra valoriser nos territoires et nos savoir-faire, spécificité purement française, contre la mondialisation.
La logique des projets est de nature à redonner toutes ses lettres de noblesse à notre agriculture, qui est confrontée aujourd'hui à un choix décisif et qui représente un grand espoir pour l'emploi, pour la gestion de l'espace, pour la protection de l'environnement. Une ère nouvelle germe aujourd'hui, celle, enfin, de la réconciliation entre l'agriculture et la société.
Notre assemblée vous proposera, monsieur le ministre, plusieurs amendements, dont l'essentiel n'aura d'autre objet que de bonifier le texte. Notre groupe s'y associera, dans l'intérêt du monde agricole et du monde rural. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel. Vive le Tarn ! (Sourires.)
M. Hilaire Flandre. Une fois que M. Pastor aura accepté le bénéfice réel, ça ira !
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur du Conseil économique et social et chère compatriote, mes chers collègues, depuis 1960, plusieurs lois ont guidé notre agriculture. Le résultat a été bon, j'en suis le témoin et j'en ai été l'acteur : pendant plus de trente ans, j'ai pratiqué la polyculture et l'élevage dans une exploitation de dimension modeste ; j'ai vécu le progrès sous toutes ses formes : l'arrivée de la mécanisation, l'emploi raisonnable des engrais, l'utilisation des semences sélectionnées, l'amélioration de la voirie et de l'habitation.
Tout cet effort constructif, celui de l'exploitant, des organisations professionnelles, de l'Etat, des collectivités locales, a fait que notre agriculture, qui, en 1950, n'arrivait pas à nourrir le peuple de France, nous a permis, trente ans plus tard, de nous ranger parmi les grands pays agricoles du monde et d'alimenter les bons résultats de la balance commerciale en exportant ce que nous produisons, après satisfaction de nos propres besoins.
Les rendements ont largement augmenté, ils ont triplé pour le lait et pour le blé. En outre, des méthodes quasi industrielles ont généré une production hors sol importante.
Cette évolution mérite le respect. Aussi ajouterai-je, à l'intention particulière de mon ami M. Le Cam, que je n'ai pas reconnu dans ce productivisme la situation et l'atmosphère dantesques qu'il a décrites. Je l'invite à venir sur le terrain, chez moi. Il verra que ce n'est pas Verdun, et que les choses ne se passent pas si mal.
M. Gérard Le Cam. Ce n'est pas pareil partout !
M. Jean Huchon. Cette évolution a aussi permis de rendre acceptable le coût du panier de la ménagère et les Français ont pu se nourrir à bas prix, tout au moins en ce qui concerne les produits basiques de l'alimentation.
Certes, des abus et des problèmes de pollution ou d'agression de l'environnement se sont produits, mais, globalement, le bilan est positif.
Bref, parlons maintenant de l'avenir.
Nous avons à débattre de ce qui s'est passé depuis l'adoption d'une loi d'orientation vieille de quarante ans. Beaucoup de choses ont changé, il faut s'adapter. A cet effet, votre projet de loi comporte plusieurs volets, monsieur le ministre.
Dans mon court propos, j'évoquerai rapidement quelques aspects de ce texte.
Tout d'abord, s'agissant de la définition générale des objectifs, monsieur le ministre, nous pensons que vos propos sont quelque peu restrictifs. J'ai évoqué tout à l'heure le rôle exportateur de notre agriculture : cette possibilité doit quand même lui être conservée, faute de quoi nous devrons nous résoudre à laisser une grande partie de notre territoire en friche.
Nos exploitants et les entreprises - je dis bien les entreprises - agroalimentaires qui constituent les filières ont déjà obtenu des succès importants. Au moment où la faim dans le monde est encore une réalité, au moment où de nombreux pays souvent surpeuplés s'ouvrent au progrès, nous avons à jouer la carte des produits agricoles et agroalimentaires. Or nous estimons que votre texte est un peu timide dans ce domaine. Il a, certes, déjà été amendé par l'Assemblée nationale, et nous allons poursuivre dans ce sens.
La pièce maîtresse de votre dispositif - tout le monde le reconnaît et beaucoup s'en inquiètent - est indiscutablement le contrat territorial d'exploitation, nouvelle méthode de répartition des aides présentée comme l'innovation majeure de la loi d'orientation agricole.
Cette mesure, qui vise à inscrire l'exploitation agricole dans une démarche contractuelle et à rétribuer d'autres fonctions que la production, suscite un enthousiasme mitigé.
Le texte est un peu imprécis et les moyens financiers ridiculement insuffisants. De plus, ils sont le résultat d'un redéploiement interne du budget de l'agriculture. Bref, un sentiment de doute est largement partagé par la profession et l'on parle des CTE comme de la meilleure ou de la pire des choses.
Le CTE, contrat individuel, doit néanmoins s'insérer dans une action positive. Son objectif, s'il peut comporter un volet lié à l'environnement ou à l'entretien de la nature, doit également être dirigé vers la production et la valeur ajoutée. Les agriculteurs sont des entrepreneurs, ils ont la charge d'une entreprise et ils doivent avoir à coeur de la faire fonctionner. C'est un métier qui doit les faire vivre.
M. Gérard César. Très juste !
M. Jean Huchon. Je me dois d'évoquer l'inquiétude que suscite la mise en place des CTE. S'agit-il de l'instauration d'une agriculture supercontrôlée et superadministrée ? Serait-ce l'avènement d'une activité économique totalement bureaucratique ?
Bien sûr, je ne le souhaite pas, mais je dois vous faire part, monsieur le ministre, d'informations qui me sont parvenues aujourd'hui : alors que la loi n'est pas encore votée - elle est examinée en première lecture par le Sénat et les décrets d'application sont loin d'être publiés - les organisations parapubliques et paraprofessionnelles effectuent déjà sur le terrain des démarches pour établir des CTE. Cette action me paraît particulièrement déplacée et choquante : on se demande un peu à quoi servent les parlementaires si on commence à appliquer les lois avant qu'elles soient votées. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Par ailleurs, la loi s'appuie beaucoup sur la CDOA, institution qui prend auprès des professionnels un relent un peu collectiviste qui n'est pas forcément signe d'efficacité et de confiance. Je pense néanmoins qu'elle est nécessaire et que le mouvement des structures doit être contrôlé : sinon, nous assisterions à un dépeçage systématique lors des transmissions et à la quasi-impossibilité pour les jeunes de trouver des terres et de s'installer.
J'espère cependant que des mesures réglementaires seront prises pour que ces commissions travaillent dans la transparence la plus totale. Il est indispensable que leur fonctionnement soit connu et reconnu comme juste et impartial.
Je voudrais évoquer rapidement le douloureux problème des retraites des exploitants. C'est un sujet qui ne peut qu'inspirer la gêne à l'ensemble du monde politique. N'oublions pas que de nombreux retraités agricoles - je pense aux veuves d'exploitants - perçoivent souvent une pension inférieure au RMI ! Les présidents de la République successifs ont fait des promesses spectaculaires - 75 % du SMIC - mais, hélas ! nos retraités sont silencieux, ils n'empêchent pas les trains de rouler, ils ne troublent pas la quiétude des Français. On ne les écoute donc pas et on les laisse croupir dans la quasi-misère. De grâce, monsieur le ministre, poursuivez votre action dans ce domaine. Il faut parvenir à ces fameux 75 % du SMIC, qui constituent un bon minimum.
Je souhaiterais également parler de l'article 6, de la multiactivité et de la plurifonctionnalité des agriculteurs. Les dispositions prévues dans cet article ayant provoqué une très vive émotion dans le monde de l'artisanat, du commerce et des PME, la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat a supprimé cet article. Nous pouvons en être satisfaits. La loi prévoit d'ailleurs d'autres dispositions à cet égard.
La partie fiscale du texte nous laisse sur notre faim. Quand verrons-nous apparaître une fiscalité favorisant les installations de jeunes susceptible, par sa simplicité, d'être comprise par tous et appliquée au service de l'économie ? Il faut éviter les pièges permanents sur lesquels trébuchent ceux qui travaillent et qui produisent !
De même, sur le plan social, il y aurait beaucoup à faire. Le système de protection sociale agricole présente une caractéristique particulière, M. Leclerc en a longuement parlé tout à l'heure. Ce système est complètement déséquilibré par une démographie spécifique - peu de cotisants et beaucoup de retraités - et, depuis toujours, en raison de l'exode rural, la MSA a financé les enfants des familles agricoles qui sont ensuite partis cotiser dans d'autres régimes. Une remise à plat paraît donc nécessaire, mais elle ne figure pas dans le texte que nous examinons aujourd'hui et nous le regrettons.
Une longue partie du projet de loi est consacrée à la reconnaissance de la qualité et à la traçabilité. Cela suppose une identification simple des produits, compréhensible par les consommateurs. C'est un sujet d'actualité, mais c'est aussi un sujet compliqué.
Le projet de loi d'orientation aurait dû renforcer les dispositifs existants, en s'appuyant sur les labels et sur les AOC. Mais vous avez apporté une nouvelle caractéristique, l'IGP, l'indication géographique protégée. Si l'on pense aussi à l'agriculture biologique, on parvient à un empilement de grades, de qualités, dans lesquels les consommateurs ont parfois du mal à se retrouver.
J'en viens à l'enseignement agricole, qui relève de votre administration, monsieur le ministre. Elle s'en tire d'ailleurs très bien !
Il faut conforter l'enseignement agricole dans ce qui fait son originalité et son succès, qui se traduisent par un taux de placement élevé des élèves sur le marché du travail et par l'existence de liens forts et constants avec les professionnels : que ces élèves soient de niveau universitaire dans les écoles supérieures ou qu'ils suivent un enseignement par alternance dans des organismes sociaux, les résultats sont satisfaisants et ils permettent aux jeunes d'assurer leur avenir.
Avant de terminer, monsieur le ministre, je ne peux manquer d'évoquer un sujet complètement passé sous silence dans votre texte, à savoir le volet économique et le volet revenus.
L'agriculture est une profession indispensable, puisqu'elle est chargée de produire la nourriture des hommes. Rien n'est donc plus normal que cette profession - noble entre toutes - procure un revenu décent à ceux qui l'exercent. Hélas ! ce n'est pas le cas.
Parce que nous vivons dans une économie mondialisée, nous avons à subir les cours du marché mondial. Or ceux-ci n'ont rien à voir avec les prix de revient, ils ne sont que le résultat des grands marchés mondiaux.
Monsieur le ministre, vous pouvez élaborer et faire voter la plus brillante des lois d'orientation, l'avenir de l'agriculture sera compromis si le Gouvernement n'assume pas son rôle de force d'équilibre dans l'économie française. Je pense notamment à la grande distribution et à la réforme de la PAC.
L'influence et l'activité de la grande distribution sont en progrès constant. La force de discussion des professionnels agricoles est souvent sommaire, ces derniers étant assujettis à des charges fiscales, sociales et salariales trente fois plus élevées que celles qui sont pratiquées dans des pays concurrents. Cela nous met perpétuellement en position difficile. Or nous avons la preuve qu'il entre en France des produits - de la viande, notamment - qui ne subissent ni les mêmes tests ni les mêmes contrôles et qui ne se conforment pas aux mêmes exigences que les produits nationaux. Nous ne demandons pas des contrôles laxistes pour les producteurs français, mais nous voulons que les produits d'importation soient traités avec la même rigueur que les produits français.
M. Hilaire Flandre. Et les mêmes garanties !
M. Jean Huchon. Ce sont là, monsieur le ministre, des situations que nous vivons douloureusement sur le terrain, surtout en un moment où la crise du porc conduit à une panique et à une détresse sur laquelle je ne m'étendrai pas. Mais, là encore, nous détenons la preuve que, dans un marché qui croule sous la quantité, arrivent toujours des camions étrangers chargés de produits achetés à des cours encore plus bas.
Quant à la réforme de la PAC, vous en avez longuement parlé et nous avons apprécié votre détermination. Dans ces conditions, je n'insisterai pas davantage sur ce sujet. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour défendre l'intérêt de la France et de ses agriculteurs.
Après avoir été littéralement assommée par l'annonce de l'Agenda 2000 et du projet Santer, l'agriculture prend conscience de ce qui la menace et compte sur le pouvoir pour prendre en compte ses intérêts vitaux.
En conclusion, monsieur le ministre, nous commençons l'examen d'un projet de loi qui n'a d'intérêt ou de justification que s'il marque une volonté politique forte. L'agriculture de notre pays mérite cette volonté politique. Elle est productive et performante, c'est une valeur économique dont nous devons tirer parti. S'il faut reconnaître son rôle de valorisation du territoire et de protection de l'environnement, c'est avant tout l'exercice d'un métier et la gestion d'une entreprise rentable.
Le projet de loi qui nous est présenté exprime de bonnes intentions, mais le débat que nous allons avoir doit nous apporter des précisions que, pour l'instant, nous n'avons pas obtenues. Sous l'impulsion de leurs excellents rapporteurs, nos commissions ont déjà amendé un texte que nous voulons encore enrichir. Sous réserve de la prise en compte d'un certain nombre de ces amendements, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'aube du XXIe siècle, la France peut envisager favorablement une loi d'orientation agricole qui laisse espérer une agriculture remplissant sa fonction primaire : produire, tout en préservant l'environnement, et sans oublier les marchés mondiaux et la modernisation technique, qui se développe tous les jours.
Sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, il me semble que nous pouvons partager ce constat.
Préparer un projet de loi qui permette à l'agriculture française de relever les grands défis du siècle prochain fut une des priorités du gouvernement d'Alain Juppé. Il était aussi question de redéfinir un « contrat » entre les agriculteurs et la société.
C'est pourquoi Philippe Vasseur, alors ministre de l'agriculture, au nom du gouvernement de l'époque, a déposé, le 6 mai 1997, un projet de loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Le titre, à lui seul, traçait des perspectives différentes de celles que trace votre texte, monsieur le ministre. Son ambition était plus large, et son angle d'attaque plus productif.
Je ne fais pas ce rappel par hasard. Nous étions confrontés à la même problématique globale.
Il convenait, et il convient toujours, de donner à notre pays de bons arguments pour les discussions sur la réforme de la politique agricole commune et pour les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce. C'est pourquoi rien - et surtout aucun dispositif nouveau - ne doit être laissé au hasard.
Il convenait, et il convient toujours, de renouveler le contrat entre la nation et son agriculture. C'est la raison pour laquelle Philippe Vasseur avait été conduit à proposer le « plan de gestion durable », et pour laquelle le « contrat territorial d'exploitation » est maintenant proposé. Ces deux cadres sont cependant différents dans leurs conceptions juridiques, je dirai même politiques.
Nos visions de l'agriculture demeurent opposées, monsieur le ministre. Les projets de loi qui les matérialisent suivent deux logiques contraires. L'une est entrepreneuriale, et c'est celle qui a la préférence du Sénat ; l'autre est administrée et, comme nous allons le voir avec le CTE, donne prise à des éléments pouvant s'adapter à une renationalisation de la PAC. C'est de cette « renationalisation insidideuse » que nous ne voulons pas.
Ce risque est regrettable pour l'Union européenne agricole, dont nous considérons indispensable de poursuivre l'édification. Comme l'a rappelé le Conseil économique et social dans son rapport, qu'a fort bien exposé Mme Christiane Lambert, l'Agenda 2000 poursuit la logique néfaste engagée depuis la réforme de la PAC de 1992. L'attitude de la Commission européenne est en partie dictée par des exigences libérales extérieures.
Elle est toutefois contraire à la nécessaire harmonisation des règles de concurrence d'un marché unique qu'il convient pourtant de parachever. Cela peut conduire à un démantèlement inacceptable de la seule politique véritablement intégrée de l'Union européenne. A l'heure de la création de la monnaie unique, nous ne devons pas accepter un tel affaiblissement des ferments d'une politique économique européenne dynamique.
La mission sénatoriale sur la PAC, à laquelle j'avais eu l'honneur de participer, avait tracé des perspectives intéressantes, qui ont d'ailleurs été reprises avec détermination dans une résolution du Sénat au mois de décembre dernier. C'est la position collective de la majorité sénatoriale, et nous nous y tenons avec fermeté.
Notre vision de l'agriculture a été bien rappelée par le Président de la République, à Aurillac, en octobre 1998 : « Economique et territoriale, entrepreneuriale et humaine, productive et sociale ». Donner vie à ces qualificatifs est un peu le fil conducteur du travail que nous pouvons faire ici, au sein de notre Haute Assemblée. C'est en tout cas ce que le groupe des Républicains et Indépendants envisage d'effectuer.
Je souhaite rendre hommage au travail considérable qu'a accompli notre collègue Michel Souplet, au nom de la commission des affaires économiques. Sa tâche n'était pas aisée.
Le projet de loi qui nous est proposé, excepté le fait qui consiste à fournir des produits de qualité, ce qui paraît bien naturel pour répondre à l'attente des consommateurs, accentue en effet les contraintes.
Plus qu'une orientation, il nous propose une « réorientation » de notre agriculture. Il néglige trop sa vocation productrice pour en affirmer les débouchés externes. L'exposé des motifs du texte ne fait-il pas état d'« agriculteurs producteurs de services et de paysage » ?
M. René-Pierre Signé. Et alors ?
M. Jean-Paul Emorine. Tel est le cas, en premier lieu, du contrat territorial d'exploitation. Selon nous, celui-ci fait entrer l'agriculture dans une logique trop administrative, en raison de la manière dont est conçue sa mise en oeuvre.
Un secteur d'activité qui procède à une « étatisation » de la rétribution de produits ou de services est-il encore un secteur économique à proprement parler ? Or tel sera le cas de l'agriculteur qui contractera avec l'Etat dans le cadre du CTE.
La diversification éventuelle de son activité professionnelle sera contrôlée par l'Etat. Le respect de l'environnement agricole départemental sera contrôlé par l'Etat. Il s'agit non plus, en l'occurrence, d'une politique publique mais d'une fonctionnarisation des agriculteurs.
Est-ce la manière que nous choisissons pour nous attaquer aux marchés agricoles mondiaux ? Est-ce la méthode adéquate pour relever le défi de la nécessaire augmentation, demain, de la production agricole probablement par le recours aux biotechnologies ?
Selon le vice-président de la Banque mondiale, il y aura trois milliards d'individus supplémentaires dans le monde avant que la population ne se stabilise. Les enjeux industriels sont énormes pour l'agrochimie.
Les partenariats entre recherche privée et recherche publique sont déjà engagés et sont encore à développer. Le CTE n'est-il pas dérisoire, dans un tel contexte ?
Le CTE n'est pourtant pas contesté, dans son principe, par la majorité des organisations professionnelles. Les plus fortes interrogations portent sur les moyens financiers qui lui sont consacrés.
M. Jean Bizet. Bravo !
M. Jean-Paul Emorine. Nous en avons longuement parlé au cours de la discussion de la loi de finances pour 1999 ; je n'y reviens donc pas. L'avenir est, en résumé, loin d'être garanti pour ce qui est du financement du CTE !
Le Gouvernement français acceptera-t-il la baisse de certaines aides directes européennes, comme vous l'avez dit publiquement tout à l'heure, monsieur le ministre ?
Qu'adviendra-t-il alors de la place du CTE dans le financement de l'agriculture ? Ne donnera-t-il pas prise à une forme de « renationalisation » de la PAC ?
Les modifications tendant à extraire les aides européennes délivrées dans le cadre des organisations communes de marché ou à prévoir l'information du propriétaire sont intéressantes. Mais ne faut-il pas encore mieux faire ressortir la priorité productive qui est la nôtre ?
Je souhaite que vous puissiez nous éclairer sur le résultat des préfigurations réalisées dans plus de quatre-vingts départements concernant le contenu du CTE. Comment les futurs contrats s'articuleront-ils concrètement avec les contrats de plan Etat-régions ? N'y a-t-il pas, pour nos collectivités locales, un fort risque de contribution financière supplémentaire ?
Un autre exemple de la « réorientation » de l'agriculture est la composition du Conseil supérieur d'orientation et la possible évolution de la composition des commissions départementales d'orientation de l'agriculture.
Le conseil sera désormais ouvert aux représentants des associations agréées de protection de l'environnement. Sans contester le rôle que ces associations peuvent jouer dans l'évolution positive de nos politiques publiques touchant à l'environnement, il ne faudrait pas que nous tombions dans le travers consistant à placer des écologistes « alibi » partout. Laissons l'agriculture à ses professionnels !
M. Gérard César. Très bien !
M. Jean-Paul Emorine. Dans ce texte, il est important que la notion d'entreprise puisse être développée. Notre commission des affaires économiques y veille, avec un titre consacré à l'entreprise agricole.
Certains de nos collègues souhaitent lui donner une substance juridique plus solide, notamment en proposant un amendement sur la création du fonds agricole.
Le niveau de formation des jeunes agriculteurs permet d'affirmer la réalité de l'entreprise agricole. Nous nous félicitons que le volet relatif à l'enseignement permette de conforter ce niveau et nous remercions notre commission des affaires culturelles d'avoir veillé à garantir les réussites obtenues par la loi de 1984, tout en défendant une égalité de moyens entre les deux secteurs, public et privé.
L'organisation professionnelle et l'interprofession doivent s'engager sur la qualité des produits, sur leur valorisation et sur les indispensables relations avec la filière. Les modifications proposées par les différents groupes de notre assemblée permettront de mieux préciser les choses.
Il faut, en particulier, parvenir à une bonne solution concernant les interprofessions nationales spécifiques. Nous espérons que, sur ce volet, un bon dialogue s'engagera avec vous, monsieur le ministre.
L'interprofession et les organisations professionnelles doivent avoir également à l'esprit la notion de responsabilité entre la production et la consommation. La mise en place d'un comité de biovigilance peut être le garant de la bonne utilisation de l'ensemble des produits à usage agricole. Il convient de clarifier les conditions de contrôle en distinguant bien les organismes génétiquement modifiés.
Notre groupe a également souhaité apporter sa contribution aux réflexions en cours sur deux sujets majeurs pour les agriculteurs.
Il s'agit, d'une part, de la revalorisation des retraites ; à cet égard, nous nous situons au-delà des perspectives tracées par la commission des affaires sociales, puisque nous proposons comme objectif 80 % du SMIC.
Il s'agit, d'autre part, de la mise en place de l'assurance récolte. Il faut, sur ce dossier, accélérer le calendrier de mise en oeuvre et permettre l'adoption d'un dispositif dès la loi de finances pour l'an 2000. Il faut pouvoir l'adosser au fonds des calamités existant, en améliorant son fonctionnement et son abondement par l'Etat. Nombre de nos partenaires, européens mais aussi américains, ont fait ce choix de l'engagement des fonds publics sur cette affaire. Il en va de l'intérêt de notre pays, et même de l'Europe, dans les négociations internationales à venir, comme le rappelle justement le rapport du Conseil économique et social sur le sujet.
Mettre en place un système d'assurance récolte peut permettre de pallier les inconvénients de certaines restrictions internationales envisagées.
Afin de promouvoir l'installation, nous soutenons, bien entendu, l'amendement proposé par la commission des affaires économiques sur la préretraite. Il est le fruit d'une bonne collaboration entre nous. Je suggérerai simplement une modification pour affirmer encore plus explicitement la destination des terres et des bâtiments à un jeune.
Sur la qualité, nous avons tenu à proposer une définition du label « fermier », et à clarifier l'article concernant les AOC viticoles.
Nous proposerons de faciliter l'accès à la certification des produits des petites entreprises, en élargissant la simplification des procédures de contrôle auxquelles elles doivent faire face et en en allégeant le coût.
Nous soulèverons, enfin, la question de l'autorisation préalable du bailleur pour l'épandage des boues des stations d'épuration sur les sols agricoles. Nous savons qu'il s'agit d'une question délicate. Nous serons très attentifs à la réponse du Gouvernement sur ce point.
Nous espérons ainsi modifier ce texte afin de donner à notre agriculture les moyens de prendre toute sa place dans la nouvelle politique commune. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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DÉPO^T D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
PORTANT SUR DES SUJETS EUROPÉENS

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat portant sur des sujets européens suivante :
M. Michel Barnier attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne et ses perspectives d'avenir à la veille de la ratification, par la France, du traité d'Amsterdam. Ce texte comporte en effet plusieurs dispositions nouvelles et réalistes susceptibles de renforcer la présence de l'Union sur la scène internationale si les Etats membres en ont la volonté, notamment la création d'un haut représentant pour la PESC, qui devrait être prochainement nommé.
Il souhaite notamment connaître le sentiment du Gouvernement sur la nature des liens qui pourraient unir demain l'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale, ainsi que sur les conditions dans lesquelles l'identité européenne de sécurité et de défense pourrait s'affirmer au sein de l'Alliance atlantique (n° QE 4).
Conformément aux articles 79, 80 et 83 bis du règlement, cette question orale avec débat portant sur des sujets européens a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

11

DÉPO^T DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Neuwirth un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » (n° 142, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 154 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Vasselle un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Alain Vasselle, Michel Alloncle, Louis Althapé, Jean Bernard, Roger Besse, Paul Blanc, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Gérard César, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jean-Paul Delevoye, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Alain Joyandet, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Edmond Lauret, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Philippe Marini, Pierre Martin, Jacques de Menou, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Michel Rufin, Jean-Pierre Schosteck et René Trégouët relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer (n° 210, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 155 et distribué.

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DÉPO^TS RATTACHÉS POUR ORDRE AU PROCE`S-VERBAL DE LA SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

DÉPO^T DE PROJETS DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 7 janvier 1999 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et de Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la création de l'Université franco-allemande.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 148, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 7 janvier 1999 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la poursuite des fraudes douanières.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 149, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 7 janvier 1999 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 150, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 14 janvier 1999 de M. le Premier ministre un projet de loi sur l'innovation et la recherche.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 152, distribué et renvoyé à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, le 14 janvier 1999, de M. le Premier ministre un projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 153, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 23 décembre 1998, de MM. Serge Mathieu et Jean Boyer une proposition de loi tendant à autoriser la vente des boissons alcoolisées lors de certaines compétitions sportives et de manifestations à caractère agricole ou touristique.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 147, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 24 décembre 1998, de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil sur les arrangements monétaires relatifs aux collectivités territoriales françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le n° E-1195 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu, le 24 décembre 1998, de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion par la Communauté européenne de l'accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Commission européenne, la Communauté européenne du charbon et de l'acier et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Turkménistan, d'autre part. Projet de décision de la Commission relative à la conclusion de l'accord intérimaire au nom de la Communauté européenne du charbon et de l'acier et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Turkménistan, d'autre part.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le n° E-1196 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu, le 24 décembre 1998, de M. le Premier ministre, la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil relative à l'acceptation, par la Communauté européenne, de l'amendement au texte de l'accord de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée portant établissement d'un budget autonome pour ladite organisation.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le n° E-1197 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu, le 24 décembre 1998, de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE, EURATOM) du Conseil instituant un office européen d'enquêtes antifraude.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le n° E-1198 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu, le 6 janvier 1999, de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil autorisant la République française à appliquer ou à continuer à appliquer des réductions ou des exonérations concernant les droits d'accises sur les huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le n° E-1199 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu, le 11 janvier 1999, de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant l'instrument financier pour l'environnement (LIFE).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1200 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu, le 13 janvier 1999, de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Décision du Conseil autorisant certains Etats membres, conformément à la directive 92/81/CEE, à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales des réductions de taux d'accise ou des exonérations d'accises, et portant modification de la décision 97/425/CE.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1201 et distribuée.

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 12 janvier 1999, de M. Dominique Leclerc, un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).
Cet avis sera imprimé sous le numéro 151 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 20 janvier 1999, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 18, 1998-1999) d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Rapport (n° 129, 1998-1999) de M. Michel Souplet, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 132, 1998-1999) de M. Albert Vecten, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 151, 1998-1999) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement n'est plus recevable.
M. Pierre Joxe, premier président de la Cour des comptes, déposera, à dix-sept heures trente, sur le bureau du Sénat le rapport annuel de la Cour des comptes.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (n° 130, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 janvier 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 25 janvier 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (n° 133, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 26 janvier 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 502, 1997-1998) sur :
- la proposition de loi de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de dommages liés à leur activité minière (n° 220, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues complétant le code minier (n° 298 rectifié, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 229, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation minière (n° 235 rectifié, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière (n° 247, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 248, 1997-1998) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures ;
Question orale avec débat n° 8 de M. Paul Masson à M. le Premier ministre sur le redéploiement des forces de sécurité :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi de M. Alain Vasselle relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer (n° 210, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 19 janvier 1999
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 20 janvier 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).
M. Pierre Joxe, premier président de la Cour des comptes, déposera à 17 h 30, sur le bureau du Sénat, le rapport annuel de la Cour des comptes.

Jeudi 21 janvier 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).
A 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 26 janvier 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 16 heures :
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (n° 130, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 25 janvier 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi constitutionnelle ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 25 janvier 1999.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à un scrutin public à la tribune lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.)

Mercredi 27 janvier 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (n° 133, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 26 janvier 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
2° Suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).

Jeudi 28 janvier 1999 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 :
1° Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 502, 1997-1998) sur :
- la proposition de loi de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de dommages liés à leur activité minière (n° 220, 1996-1997) ;

- la proposition de loi de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues complétant le code minier (n° 298 rectifié, 1996-1997) ;

- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 229, 1997-1998) ;

- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation minière (n° 235 rectifié, 1997-1998) ;

- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière (n° 247, 1997-1998) ;

- la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 248, 1997-1998).

(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 27 janvier 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 27 janvier 1999).
A 15 heures :
2° Question orale avec débat n° 8 de M. Paul Masson à M. le Premier ministre sur le redéploiement des forces de sécurité.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 27 janvier 1999).
3° Proposition de loi de M. Alain Vasselle relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer (n° 210, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 27 janvier 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
Mardi 2 février 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 16 heures :
Suite du projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).

Mercredi 3 février 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
1° Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 146, 1998-1999) ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie (n° 145, 1998-1999).
(La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi.)
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 2 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 2 février 1999.)

Jeudi 4 février 1999 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (n° 512, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 3 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
A 15 heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans (n° 114, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 3 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 3 février 1999.)

Mardi 9 février 1999 :

A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 361 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Aménagement de la nationale 10 entre Rambouillet, Bel-Air et Ablis) ;

- n° 367 de M. Francis Grignon à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Législation relative à la prise illégale d'intérêts) ;

- n° 391 de M. Alain Gournac à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Dégradations dues aux graffitis) ;

- n° 394 de M. Dominique Leclerc à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Aménagement de la Loire et de ses affluents) ;

- n° 395 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Désamiantage de Jussieu) ;

- n° 397 de M. Bernard Fournier à M. le ministre chargé des affaires européennes (Importation et distribution de médicaments) ;

- n° 398 de M. Georges Othily à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Statut de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer) ;

- n° 399 de M. Bernard Joly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Majoration pour enfants servie aux veuves civiles) ;

- n° 400 de M. Michel Barnier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Liaisons transalpines pour les voyageurs et les marchandises) ;

- n° 403 de Mme Gisèle Printz à Mme le ministre délégué à l'enseignement scolaire (Organisation des voyages scolaires) ;

- n° 405 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Conditions d'installation de débits de tabac en zone de montagne) ;

- n° 406 de Mme Nelly Olin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Service public ferroviaire en Val-d'Oise) ;

- n° 408 de M. Pierre-Yvon Tremel à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Situation du CEVA, centre d'études et de valorisation des algues) ;

- n° 409 de M. Guy Vissac à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Plan d'aménagement de la Loire) ;

- n° 410 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Coût et conséquences du passsage informatique à l'an 2000) ;

- n° 411 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Restructuration de l'aéroport d'Orly) ;

- n° 413 de M. Jacques Peyrat à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Aménagement du territoire dans les Alpes-Maritimes) ;

- n° 414 de M. Charles Descours à M. le Premier ministre (Application de la loi sur la veille sanitaire).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale (AN, n° 998).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 8 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mercredi 10 février 1999 :
A 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (n° 118, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 9 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Jeudi 11 février 1999 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 :
1° Question orale européenne avec débat (n° QE 4) de M. Michel Barnier à M. le ministre des affaires étrangères, sur l'avenir de la politique étrangère et de sécurité commune.
(La discussion de cette question orale s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.)

A 15 heures :
2° Proposition de loi de M. Philippe Arnaud et plusieurs de ses collègues tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics (n° 491, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 10 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 février 1999.)
Mardi 16 février 1999 :
A 9 h 30 :
1° Questions orales sans débat.
A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la Nouvelle-Calédonie.
3° Projet de loi portant création de l'autorité de contrôle technique de l'environnement sonore aéroportuaire (n° 8, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 15 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile (n° 516, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 15 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mercredi 17 février 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux polices municipales (AN, n° 960).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 16 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 16 février 1999.)
Jeudi 18 février 1999 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Projet de loi sur l'innovation et la recherche (n° 152, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 17 février 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 17 février 1999.)
A 15 heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Louis Souvet a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 114 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Jean-Jacques Hyest a été nommé rapporteur du projet de loi n° 145 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la Nouvelle-Calédonie, dont la commission des lois est saisie au fond.

COMMISSION DES FINANCES

M. Philippe Marini a été nommé rapporteur du projet de loi n° 133 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance.

NOMINATION DU BUREAU
D'UNE MISSION COMMUNE D'INFORMATION

Dans sa séance du mardi 19 janvier 1999, la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales a procédé à la nomination de son bureau, qui est ainsi constitué :
Président : M. Jean-Paul Delevoye.
Vice-présidents :
M. Jacques Bellanger ;
M. Joël Bourdin ;
M. Paul Girod.
Secrétaires :
M. Robert Bret ;
M. Louis de Broissia ;
M. Jean-François Picheral ;
M. Lylian Payet.
Rapporteur :
M. Michel Mercier.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Plan d'aménagement de la Loire

409. - 17 décembre 1998. - M. Guy Vissac attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le problème de la mise en oeuvre du plan Loire Grandeur Nature à l'heure où sa pérennité semble compromise. Ce plan comprend notamment la réalisation d'une salmoniculture dans le Haut-Allier, dont l'objectif est la restauration du saumon dans l'Allier. Il lui indique que ce plan recèle une portée économique certaine tant pour les pêcheurs, les hôteliers que les professions du tourisme de l'axe Loire - Allier. Il lui rappelle que bien que l'Etat soit l'instigateur et le signataire du plan Loire, son opposition à la construction du barrage de Chambouchard a pour effet de bloquer les financements de l'Etablissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA) - dont ceux consacrés à la salmoniculture - et ce, à hauteur de 12 millions de francs. Il lui rappelle enfin que, sans le concours financier de l'EPALA ou sans la légitime compensation de l'Etat - étant donné son engagement -, le projet de salmoniculture semble, hélas, compromis. Il entend donc lui demander quelles mesures concrètes elle entend prendre afin, d'une part, de débloquer la situation et, d'autre part, d'assurer la viabilité et la réussite de ce plan.

Coût et conséquences du passage informatique à l'an 2000

410. - 23 décembre 1998. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le coût et les conséquences du passage informatique à l'an 2000. Pour l'Union européenne, les difficultés seront plus importantes encore : le passage à l'euro au 1er janvier constituera, en effet, le deuxième chantier informatique mondial le plus important après le passage à l'an 2000. Il lui rappelle à ce sujet qu'il n'y aura pas assez de programmeurs pour faire face à la fois à la conversion vers l'euro et au passage à l'an 2000. Il lui rappelle également que les conséquences éventuelles du passage informatique à l'an 2000 concernent tous les appareils dont le fonctionnement est assuré par des composants électroniques, et touche donc des secteurs tels que la fourniture de l'énergie électrique, les télécommunications ou les transactions financières. Il lui demande donc, d'une part - bien que le Gouvernement ait « décrété la mobilisation générale », sans vouloir « ni dramatiser ni banaliser » - pourquoi ce « bogue » de l'an 2000 n'est pas classé - comme c'est le cas aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne - au rang de « priorité nationale ». Il souhaite, d'autre part, savoir s'il envisage de dresser un état précis et chiffré des lieux, tant pour les PME que pour les administrations, afin de prendre des mesures concrètes allant au-delà des incitations et des incantations. Il lui demande, enfin, si le secteur de l'informatique n'a pas besoin rapidement d'une autorité de régulation pour éviter que des appareils estampillés « compatibles an 2000 » le soient sur la foi d'un test qui néglige le coeur du système, l'horloge en temps réel.

Restructuration de l'aéroport d'Orly

411. - 24 décembre 1998. - M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les projets de restructuration de l'aéroport d'Orly. La mobilisation des élus et des associations de riverains pour la défense de l'environnement autour de l'aéroport d'Orly a permis d'obtenir de sérieuses avancées telles que la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 sur la lutte contre le bruit, l'arrêté de 1994 instituant un plafond de 250 000 créneaux horaires annuels ou encore le décret du 27 mai 1997 instituant des sanctions administratives et portant organisation du contrôle et de la prévention des nuisances sonores liées aux aérodromes. Ces dispositifs constituent un acquis collectif que les habitants du Val-de-Marne ne souhaitent pas voir remettre en cause. L'évolution d'un transfert d'activités d'Air France et d'une modification de la répartition du trafic entre Orly et Roissy - Charles-de-Gaulle a récemment changé les perspectives. S'il est légitime de s'inquiéter pour l'emploi local et l'avenir des activités en cause, on peut s'interroger sur la récente montée en puissance des demandes de révision de l'actuel plafond d'exploitation de l'aéroport. En effet, à la faveur de la concertation prolongée qui a été ouverte, et sous le prétexte des progrès technologiques des appareils, plusieurs compagnies aériennes et la direction d'Aéroports de Paris entendent trouver une compensation dans les restructurations en obtenant l'aménagement de la réglementation et faire « sauter le verrou » des 250 000 créneaux horaires. On évoque ainsi la possibilité de mettre en place un nouveau système de plafond d'activité fondé sur une « enveloppe de bruit », sans dire que la plupart des compagnies ne seront pas en mesure de renouveler entièrement leur parc d'appareils avant de nombreuses années. Il est donc essentiel de mettre fin aux spéculations, en délivrant un message clair sur l'avenir de l'aéroport. Il souhaite en conséquence lui demander s'il entend ou non accéder à la requête des compagnies et autoriser l'attribution de créneaux horaires supplémentaires à Orly. Il lui demande en outre de lui préciser ses intentions en matière d'amélioration de la protection contre les nuisances sonores aéroportuaires en Val-de-Marne et notamment le rôle précis que remplirait la nouvelle autorité de contrôle de l'environnement sonore aéroportuaire (ACTESA) à ce niveau.

Réforme des fonds structurels
et avenirs des scieries

412. - 24 décembre 1998. - M. Maurice Blin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la réforme du régime de fonds structurels tendant à exclure de ses interventions les scieries agricoles. Les scieries sont parmi les premiers employeurs en milieu rural notamment dans les zones forestières qui couvrent aujourd'hui 27 % du territoire national. Elles mobilisent une ressource sylvicole abondante et renouvelable mise à la disposition de l'industrie du bois. Pour répondre aux perspectives ouvertes par le rapport Bianco qui pourraient permettre un fort développement de l'emploi en zone rurale, les scieries ont besoin de réaliser de forts investissements. Ceux-ci devraient être accompagnés par les aides, notamment communautaires et nationales, prévues dans les zones éligibles à ce type d'actions. Dans ces conditions, il est essentiel que la réforme annoncée du régime des Fonds structurels européens n'écarte pas du bénéfice de ses interventions, dans son volet sylvicole, les scieries implantées en milieu rural. Comment le ministre compte-t-il intervenir auprès des instances communautaires pour défendre et développer un facteur économique essentiel au développement rural.

Aménagement du territoire dans les Alpes-Maritimes

413. - 5 janvier 1999. - M. Jacques Peyrat indique à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement qu'après avoir pris connaissance des conclusions du dernier comité interministériel de l'aménagement du territoire (CIADT) du 15 décembre dernier et du communiqué de presse conjoint du président de la région PACA, et de la présidente de la commission de l'aménagement du territoire de la région, qui se rejouissaient des nombreuses et importantes mesures prises pour l'agglomération marseillaise, les élus des Alpes-Maritimes souhaiteraient savoir s'il existe de la part du Gouvernement une volonté identique pour aider au développement de leur département. Il souhaiterait donc connaître de façon précise ses objectifs concernant les grands dossiers d'aménagement et de développement que les Alpes-Maritimes attendent depuis de trop nombreuses années : 1. le désenclavement de la région grâce au grand projet ouvrant l'accès vers l'Italie du Nord et améliorant les relations directes vers Rhône-Alpes via Digne et Grenoble. Ce projet permettrait ainsi aux deux grandes régions françaises que sont PACA et Rhône-Alpes de se rapprocher d'un bassin d'activités et d'emplois prospère de 11 millions d'habitants sur l'axe Milan-Turin ; 2. l'amélioration des dessertes autour de l'agglomération niçoise (RN 202 bis , A 58, TCSP, fin du doublement de l'AUS, construction d'un centre multimodal aux entrées est et ouest de la ville) ; 3. le développement économique (restructuration et modernisation du port, endiguement du Var pour permettre l'indispensable développement économique de la ville dans cette vallée). Il lui demande donc s'il est possible d'envisager l'inscription de ces projets vitaux pour le désenclavement et le développement du département azuréen dans le prochain contrat de plan Etat-région, comme le seront toutes les mesures prises en faveur de Marseille lors du dernier CIADT.

Application de la loi sur la veille sanitaire

414. - 6 janvier 1999. - M. Charles Descours attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'application de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. S'il s'adresse à lui c'est parce que ce domaine couvre plusieurs ministères et qu'il lui revient une position d'arbitrage. Il souhaiterait savoir où en sont les décrets d'application dont la sortie était prévue par la loi le 31 décembre (art. 29) et quelles sont les raisons de ce retard. Il souhaiterait également être rassuré sur la teneur de ces décrets et savoir s'ils seront bien le reflet de l'esprit de la loi. Deux questions essentielles restent en effet en suspens : la transparence des travaux des agences de sécurité sanitaire sera-t-elle assurée ? Son niveau d'expertise sera-t-il suffisant et contradictoire avec un niveau d'excellence permettant la reconnaissance européenne et internationale des avis formulés ?

Avenir des tribunaux de commerce

415. - 13 janvier 1999. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des tribunaux de commerce, dont la suppression d'un certain nombre serait préconisée par la mission ministérielle chargée de la réforme de la carte judiciaire. Il lui demande de bien vouloir lui préciser la position du Gouvernement sur cette question qui, par certains aspects, touche à l'aménagement du territoire.

Augmentation indispensable des effectifs de gendarmerie

416. - 13 janvier 1999. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les conséquences des conclusions du conseil de sécurité du 27 avril dernier décidant du redéploiement dans un délai de trois ans des effectifs de police et de gendarmerie. Face à la situation actuelle toujours plus inquiétante et où l'insécurité est partout, il ne suffit pas de redéployer les effectifs actuels déjà insuffisants, mais il faut les augmenter de façon importante pour que ce plan soit efficace sur le terrain.

Campagne de dépistage du cancer du sein
en Ile-de-France

417. - 14 janvier 1999. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur le fait que le cancer du sein tue 1 900 femmes par an en Ile-de-France. Il induit un taux de mortalité nettement supérieur à ce qu'il est dans les autres régions. En 1994 déjà, il a été prôné le lancement d'une campagne de dépistage systématique et gratuit du cancer du sein. L'actuel Gouvernement plaide en faveur d'une généralisation de ces campagnes qui ont déjà prouvé leur efficacité dans les départements où elles ont été lancées. A Paris, on dénombre 212 000 femmes âgées de cinquante à soixante-neuf ans susceptibles de bénéficier d'un tel dépistage financé à parité par la Caisse nationale d'assurance maladie et par le département. Lors du débat budgétaire des 14 et 15 décembre dernier au Conseil de Paris, il a été déposé un amendement visant à dégager les 32 MF nécessaires pour financer une telle mesure. Cet amendement a constitué la base d'un voeu adopté par l'Assemblée. Elle lui demande comment le Gouvernement compte participer à la mise en oeuvre d'une telle action qui peut réduire d'environ un tiers les décès dus au cancer du sein.

Aménagement de la ligne Paris-Bâle

418. - 14 janvier 1999. - M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le dossier de la ligne Paris-Bâle. Alors que l'annonce, il y a quelques semaines, de la mise en place d'un comité interrégional constitué d'élus avait fait naître un nouvel espoir chez les usagers qui réclament l'électrification de la ligne depuis fort longtemps, un problème de pollution dû aux locomotives Diesel vient compliquer ce dossier, voire menacer son avenir. Suite à l'incident survenu, fin 1998, dans une école du quartier de la Villette, à proximité du dépôt de locomotives Diesel - les élèves avaient été incommodés par les gaz d'échappement - et, après les interventions des riverains de la gare de l'Est, un expert a été désigné afin d'enquêter sur cette situation. Son rapport, remis en décembre dernier, propose d'interdire au diesel l'entrée de la capitale. Pour ce faire, l'une des solutions envisagée n'est autre que l'électrification de la ligne, ce qui recueille l'assentiment des populations, élus, usagers, syndicats et associations. Toutefois, une autre solution - de court terme - serait de transférer le dépôt de locomotives Diesel de la Villette à Gretz ou Noisy-le-Sec : les trains seraient tractés par des locomotives électrique de Paris-gare de l'Est jusqu'à Gretz ou Noisy. Si la SNCF devait opter pour cette solution, la perte de temps qu'elle occasionnerait pour les usagers serait considérable (dix à quinze minutes). L'électrification ne paraît-elle pas opportune même si les travaux ne sont pas réalisés à court terme ? Est-il, en effet, encore besoin de préciser que la ligne Paris-Bâle est la dernière grande ligne non électrifiée ! Il le remercie d'indiquer une bonne fois pour toutes quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier.

Avenir des GRETA

419. - 14 janvier 1999. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les difficultés que rencontrent les GRETA, groupements d'établissements de l'éducation nationale, chargés de la formation continue. Cette mission de service public leur a été conférée par la loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 instituant la formation professionnelle continue, et réaffirmée par la loi d'orientation sur l'éducation n° 89-486 du 10 juillet 1989. Ces lois font des GRETA un dispositif de formation continue original : ils tirent l'essentiel de leurs ressources de fonds publics (Etat et région) affectés à la fonction publique, ainsi que de fonds affectés par les entreprises à la formation de leurs personnels dans le cadre de leurs obligations. Exerçant une mission de service public, les GRETA fournissent notamment des services de formation de proximité par l'action de leurs réseaux d'établissements. Ils assurent de ce fait l'ensemble des contraintes du services public et ne peuvent limiter leurs activités aux seules actions de formation « rentables », entraînant ainsi une distorsion par rapport aux autres organismes chargés de formation. L'équilibre budgétaire des GRETA s'en trouve donc particulièrement affecté, une grande majorité d'entre eux connaissant des situations de déficit. Cela risque de compromettre leur avenir à moyen terme. C'est pourquoi, il souhaiterait savoir si des mesures réglementaires ne pourraient pas être prises en vue de préserver l'avenir des GRETA, ce qui paraît indispensable au maintien d'un rôle public fort dans le domaine de la formation continue.

Conséquences des faillites d'armateurs
sur la situation des marins

420. - 14 janvier 1999. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les situations inextricables que connaissent des marins étrangers, embarqués sur des navires appartenant à des armateurs en faillite, et qui sont actuellement bloqués dans des ports français. Si le mouvement associatif et les collectivités locales se mobilisent pour assurer le quotidien de ces marins, ces incidents se multiplient depuis plusieurs années sans qu'aucune solution durable ne semble envisagée, malgré la multiplication de conventions internationales et les initiatives suggérées par les syndicats internationaux de marins. Elle souhaiterait connaître les suites données au groupe de travail qui s'est réuni le 6 octobre dernier à l'intiative du ministre, ainsi que la position des autorités françaises sur la création d'une assurance mondiale obligatoire, proposition émise dans le cadre d'un groupe d'experts BIT-OMI (Bureau international du travail - Office des migrations internationales).

Equipement de radiocommunication mobile

421. - 14 janvier 1999. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les difficultés rencontrées par les consommateurs, à l'occasion de l'achat d'un téléphone mobile. Il lui demande, d'une part, de prendre les dispositions pour qu'une fois signé ce contrat d'achat l'acheteur dispose d'un délai de rétractation de sept jours, comme pratiqué pour d'autres biens d'équipement de consommation courante. D'autre part, afin de permettre une meilleure protection de ce consommateur, il est convaincu que devrait être sanctionné le caractère abusif de certaines clauses de ces contrats d'achat, notamment les clauses autorisant unilatéralement et au gré de l'opérateur la modification des conditions de facturation.

Médicaments génériques

422. - 14 janvier 1999. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le projet de protocole d'accord conclu avec les organisations professionnelles pharmaceutiques, à propos de médicaments génériques. Ce projet d'accord octroie aux pharmaciens d'officine le droit de substituer des médicaments génériques entre eux, et un médicament générique à un médicament de référence. Il n'est pas donné aux pharmaciens l'obligation de le faire, mais ils y sont incités par la possibilité d'accroître leurs marges. Faire faire des économies au régime d'assurance maladie par la délivrance de médicaments moins coûteux ne doit pas faire oublier le respect du libre choix du patient. C'est pourquoi il lui demande que ce droit de substitution accordé aux pharmaciens soit également assorti d'un droit pour le patient d'accepter ou de refuser cette substitution. Il ne saurait être question que cette substitution soit effectuée sans l'accord préalable du patient, maître de l'exécution de son ordonnance médicale prescrite par le praticien de son choix.

Réforme du système de mutation des enseignants

423. - 15 janvier 1999. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le projet de réforme du mouvement des enseignants du second degré, tel qu'il est prévu pour la rentrée 1999. En effet, dans le but de rapprocher l'éducation nationale de ses personnels et en particulier d'en humaniser la gestion, il est prévu de déconcentrer le mouvement national, qui se déroulerait en deux temps : une phase inter-académique, préparatoire, suivie d'une phase intra-académique, préparatoire, suivie d'une phase intra-académique, qui permettrait l'affectation définitive des personnels. Il est certes nécessaire de réviser les procédures actuellement en vigueur pour la mutation des enseignants : en effet, à l'heure actuelle, un enseignant qui souhaite muter d'un collège à un autre dans une ville doit participer au mouvement national qui est long (il dure plus de six mois) et complexe dans son organisation. De plus, sur 100 000 demandes annuelles de changements d'affectation, un tiers seulement concerne un changement d'académie, la majorité des candidats à la mutation effectuant des voeux internes à leur académie. C'est pourquoi les principes de la réforme projetée semblent aller dans le sens d'une accélération des procédures et d'une amélioration du service rendu aux enseignants. Toutefois des inquiétudes se font jour, notamment sur le déroulement de chaque phase : qui y participera ? Selon quels critères ? Comment et par qui seront prises les décisions au sein de chaque « étape » ? Qu'adviendra-t-il des barèmes ? Il le remercie de bien vouloir lui apporter toutes les précisions relatives à ce projet et de lui confirmer sa date de mise en oeuvre.

Fiscalité applicable en matière
de vente directe sur Internet

424. - 19 janvier 1999. - M. Ambroise Dupont attire l'attention M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conditions de vente directe par Internet au sein de l'Union européenne. Dans le cadre du régime transitoire de taxe sur la valeur ajoutée, les produits achetés sur Internet sont taxés dans le pays de destination car ils sont assimilés à des exportations. Les acheteurs européens de produits français doivent alors effectuer eux-mêmes les formalités douanières et acquitter la taxe sur la valeur ajoutée et les diverses autres taxes locales. Ces obligations sont compréhensibles lorsque le destinataire est une entreprise mais deviennent dissuasives lorsqu'il s'agit d'un particulier. En conséquence, elles pénalisent l'extension du commerce électronique européen en général et les petites et moyennes entreprises en particulier, celles-ci ne pouvant contourner la difficulté en implantant des filiales dans les différentss pays de l'Union européenne, au contraire des grands groupes internationaux. La Commission européenne a proposé, le 22 juillet 1996, un nouveau système de TVA dont l'un des principaux éléments était un lieu unique de taxation que les entreprises pouvaient déterminer librement. Cette proposition n'a cependant pas abouti en raison d'un risque de délocalisation des entreprises qui pouvaient dès lors choisir le pays offrant les meilleures conditions en matière de TVA. Néanmoins, au moment où se met en place la monnaie unique, il lui demande s'il compte proposer des solutions pour simplifier les démarches douanières et fiscales liées à la vente directe par Internet au sein de l'Union européenne. En effet, cette simplification ouvrirait de nouveaux débouchés aux petites entreprises françaises qui ne disposent pas de réseaux de distribution internationaux et, ainsi, favoriserait leur développement et la création d'emplois.

Travaux de déviation sur la RN 125

425. - 19 janvier 1999. - M. Bertrand Auban attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la nécessité de l'inscription au prochain contrat de plan entre l'Etat et la région Midi-Pyrénées de la réalisation des déviations de Saint-Béat, Arlos et Fos sur la RN 125. Il souligne que ces déviations constitueront le seul débouché de Midi-Pyrénées vers deux importantes régions espagnoles, la Catalogne et le Val-d'Aran. Il insiste particulièrement sur les nuisances et les dangers actuellement supportés par les populations des communes traversées par la RN 125. Il rappelle que le conseil général de Haute-Garonne a manifesté à de nombreuses reprises que la réalisation de ces déviations constituait pour lui une priorité du prochain contrat de plan. Il lui demande que l'Etat affirme sa volonté d'inscrire ces déviations au contrat de plan Etat - région Midi-Pyrénées.

Coût des fouilles archéologiques et politique du logement

426. - 19 janvier 1999. - M. Yann Gaillard attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les fouilles archéologiques et les difficultés financières qu'elles occasionnent aux petites communes, notamment dans le secteur du logement. Ainsi, le maire d'une commune, qui dépose une demande de lotir sur un terrain communal, peut voir apparaître des contraintes et des frais imprévus à la suite de la découverte de vestiges sur le chantier. En effet, le service régional de l'archéologie est parfois amené à prescrire des opérations de fouilles sur ces sites. Les travaux sont à la charge du maître d'ouvrage, c'est-à-dire, dans le cas précis, de la commune. Ces opérations, non seulement retardent l'avancement des travaux, mais peuvent également grever de façon substantielle le budget des petites communes. L'intervention d'archéologues pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, peut en effet rapidement faire monter la facture. S'il n'est pas question de remettre en cause le bien-fondé de telles recherches qui permettent de connaître chaque fois un peu mieux notre passé, il souligne que la prise en charge financière de telles opérations par les communes, et surtout par les plus petites d'entre elles, constitue un poids si lourd qu'il risque dans certains cas de stopper des projets de développement. A preuve, l'exemple d'un maire de département de l'Aube, ayant porté à sa connaissance le devis d'une campagne de fouilles sur un terrain communal où il envisageait de construire un lotissement ; ce devis se montait à plus de 130 000 francs TTC pour une commune de 380 habitants dont le budget, comme celui de la plupart des communes rurales, est serré. Le maire ne peut apparemment prétendre à aucune aide... Car s'il existe bien des aides éventuelles en matière de logement social, rien n'est prévu lorsqu'il s'agit de lotissements communaux. Si le coût supplémentaire lié aux fouilles lui était imposé, il abandonnerait tout bonnement son projet, ce qui est dommage pour le développement rural. Il lui demande s'il n'est pas possible, alors d'envisager la prise en charge intégrale de tels coûts par l'Etat, et ce, afin de laisser une chance au monde rural de se développer.

Fermeture du centre de prélèvement
de moelle osseuse de l'hôpital de Valence

427. - 19 janvier 1999. - M. Michel Teston attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur les conséquences de la fermeture du centre de prélèvement de moelle osseuse de l'hôpital de Valence. En effet, la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 a institué que seuls les établissements hospitaliers habilités à effectuer des greffes d'organes peuvent bénéficier du statut de « centre préleveur de moelle osseuse ». Si les motivations du législateur en la matière sont pertinentes, cela n'est pas sans avoir des conséquences importantes en ce qui concerne les départements de la Drôme et de l'Ardèche. La fermeture du centre de prélèvement de Valence impose aux donneurs volontaires de moelle osseuse de se déplacer jusqu'à Lyon ou Grenoble pour effectuer leur don. Les deux donneurs inscrits pour le début de l'année 1999 ont indiqué qu'ils renonceraient à leur don s'ils devaient se déplacer à plus de 150 kilomètres. Par ailleurs, le centre de Grenoble a déjà fait connaître qu'il se trouvait dans l'incapacité d'accueillir des donneurs supplémentaires, en raison de ses possibilités de prélèvements limitées. Or le centre de prélèvement de Valence bénéficie de toutes les garanties sanitaires. Le médecin responsable des prélèvements est d'ailleurs un médecin spécialiste exerçant à Lyon. Enfin, tous les acteurs du monde médical de la région s'accordent pour reconnaître les qualités d'accueil très attractives du centre de Valence. La fermeture de ce centre apparaît donc comme un véritable frein au recrutement de nouveaux volontaires et au développement du fichier national des donneurs, qui reste bien souvent la seule chance de survie offerte aux malades leucémiques n'ayant pas de donneurs compatibles dans leur fratrie. Tout le travail effectué par les associations de bénévoles oeuvrant pour le recrutement de nouveaux donneurs risque d'être ainsi rendu encore plus difficile qu'il ne l'est déjà. Aussi, il lui demande de bien vouloir prendre toutes les mesures dérogatoires possibles pour permettre le maintien de l'agrément du centre hospitalier de Valence comme centre préleveur de moelle osseuse.