Séance du 9 décembre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 1 ).

3. Modification de l'ordre du jour (p. 2 ).

4. Conseils régionaux. - Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p. 3 ).
Discussion générale : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim ; Paul Girod, rapporteur de la commission des lois ; Patrice Gélard, Michel Duffour, Guy Allouche, Jacques Larché, président de la commission des lois ; Daniel Hoeffel.

5. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 4 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

6. Conseils régionaux. - Suite de la discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p. 6 ).
Discussion générale (suite) : MM. Paul Masson, Jean-Paul Amoudry.
Clôture de la discussion générale.
MM. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement ; Paul Masson, Patrice Gélard.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

M. Patrice Gélard.

Article 1er (p. 8 )

M. Jean-Pierre Raffarin.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois ; le ministre, Jean-Pierre Raffarin, Patrice Gélard, Jean Arthuis, Daniel Hoeffel. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Demande de réserve (p. 9 )

Demande de réserve de l'article 2. - MM. le rapporteur, le ministre. - La réserve est ordonnée.

Article 3 (p. 10 )

MM. Serge Franchis, Jean-Pierre Raffarin, Patrice Gélard, Jean Arthuis.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Paul Amoudry, Jean-Pierre Raffarin. - Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean Arthuis, Patrice Gélard, Jean-Pierre Raffarin, Michel Duffour, Guy Allouche, Jacques Legendre. - Adoption.
M. le président.

7. Communication du Gouvernement (p. 11 ).
MM. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement ; le président, Jean Arthuis, Jacques Larché, président de la commission des lois.

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

MM. le président de la commission, le président, le ministre.

8. Conseils régionaux. - Suite de la discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p. 13 ).

Article 3 (suite) (p. 14 )

Amendement n° 10 de la commission. - MM. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois ; Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. - Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.

9. Transmission d'une proposition de loi (p. 15 ).

10. Dépôt de rapports (p. 16 ).

11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 17 ).

12. Ordre du jour (p. 18 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heurs trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission des affaires sociales propose les candidatures de M. Louis Boyer, en qualité de titulaire, de MM. Roger Lagorsse et Jacques Machet, en qualité de suppléants, pour siéger au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
Elle propose parallèlement la candidature de M. Roger Lagorsse pour siéger, en qualité de suppléant, au sein de la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation propose les candidatures de :
- M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de la commission centrale de classement des débits de tabac ;
- M. Joël Bourdin pour siéger, en qualité de titulaire, au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles et pour siéger, en qualité de titulaire, au sein de la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 367 de M. Francis Grignon est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du 15 décembre 1998.

4

CONSEILS RÉGIONAUX

Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 81, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux. [Rapport n° 95 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous présenter de manière succincte un projet de loi dont j'ai déjà eu l'occasion d'exposer devant vous les grands traits. En effet, l'adoption par le Sénat d'une question préalable en première lecture n'a pas permis l'échange de vues nécessaire entre les deux assemblées ni l'examen par l'Assemblée nationale des amendements issus du travail effectué par votre commission des lois.
C'est donc, par la force des choses, un texte très proche de celui que j'avais déjà été amené à vous présenter qui est soumis à votre examen en nouvelle lecture.
La modernisation de notre vie publique, généralement considérée comme nécessaire, comme l'a rappelé le Président de la République le 4 décembre dernier à Rennes, a conduit le Gouvernement à proposer une réforme du mode de scrutin régional.
Critiqué de toutes parts, le système actuel, fondé sur la proportionnelle intégrale, mérite à coup sûr d'être réformé. Ses résultats sont malheureusement connus : majorités relatives, instabilité, alliances contestées ; les régions en sont les premières victimes et les citoyens ne se reconnaissent plus dans leur représentation. Le Président de la République le soulignait il y a quelques jours : « Il faut d'abord que les régions soient gouvernables. »
Le débat sur le contenu de cette réforme est légitime et nécessaire ; mais le rejet préalable exprimé par le Sénat le 21 octobre n'était en rien conforme au souhait souvent exprimé d'une clarification des règles de la vie publique.
Les travaux de votre commission des lois et de votre rapporteur, M. Girod, méritent le plus grand intérêt. Je souhaiterais donc m'y reporter précisément.
Deux motions d'irrecevabilité visent à écarter le principe de parité dans l'établissement des listes. Ce principe a été adopté par l'Assemblée nationale, anticipant ainsi l'application de la réforme constitutionnelle portant sur l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats.
Vous rappelez que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 novembre 1982, avait considéré que l'institution d'un système de quota n'était pas conforme au texte de la Constitution. Mais peut-on considérer que, après le vote explicite par la représentation nationale, au moins en première lecture, de la réforme constitutionnelle, les choses resteront en l'état où elles étaient en 1982 ?
Le législateur n'est-il pas fondé à faire preuve d'anticipation, au moment où il adopte une réforme de notre texte fondamental visant à faciliter l'accès des femmes aux mandats électifs, et à en tirer les conséquences dès lors qu'un projet de mode de scrutin régional lui est soumis ? On ne peut, à mes yeux, souhaiter la modernisation de la vie politique et ne pas s'en donner les moyens !
La réforme constitutionnelle en cours ne conduit nullement à modifier les modes de scrutin existants, mais, lorsqu'un scrutin de liste est déjà établi, il est légitime de prendre en compte cette réforme. C'est d'ailleurs le propos qu'a tenu M. le Premier ministre il y a quelques minutes à l'Assemblée nationale : répondant au président du groupe Démocratie libérale, M. José Rossi, il lui a indiqué que nous devions aller dans le sens de la parité, mais que cela ne signifiait pas une modification du mode de scrutin et qu'il n'y avait pas d'arrière-pensées dans le projet de loi constitutionnelle.
Voilà pour les deux premières motions d'irrecevabilité.
Une troisième motion d'irrecevabilité concerne l'article 21 du projet de loi, qui définit une procédure dérogatoire d'adoption des budgets régionaux.
Pourtant, vous le savez, du fait de l'actuel mode de scrutin, de nombreux conseils régionaux sont dotés d'une simple majorité relative, qui rend leur gestion - et plus spécialement l'adoption de leur budget - très problématique.
Certes, la réponse à ces situations réside, à terme, dans le changement de mode de scrutin. Mais, en attendant, peut-on laisser ces régions à la merci des crises sans porter atteinte à l'institution régionale, sans la fragiliser dangereusement ?
Peut-on, en cas de difficulté majeure, faire du préfet l'arbitre de l'impuissance des assemblées régionales ? Vous évoquez à bon droit le principe de la libre administration des collectivités locales par des conseils élus. Mais si, dans de nombreuses régions, demain, le représentant de l'Etat devait arrêter les budgets, aurions-nous rempli nos obligations ?
Cette procédure dérogatoire s'éteindra d'elle-même dès que le nouveau mode de scrutin permettra de former des majorités de gestion stables. Mais elle est à présent urgente et nécessaire.
Je voudrais aborder maintenant les modifications substantielles que votre rapporteur propose quant au mode de scrutin.
Il s'agirait, en premier lieu, comme le souhaite le Gouvernement, d'instaurer un scrutin à deux tours, fondé sur la proportionnelle avec prime majoritaire. Il s'agit bien d'adapter le mode de scrutin municipal, qui a fait ses preuves. Mais les listes régionales seraient constituées de sections départementales, de sorte que le scrutin demeurerait départemental, tandis que la prime serait calculée au niveau régional.
L'intérêt d'un tel dispositif serait de garantir une représentation plus juste, notamment pour les départements à faible démographie. Mais convenez que sa complexité est immense ! De plus, la répartition des sièges gagnés du fait de la prime conduirait, dans certains départements, des listes minoritaires en voix à devenir majoritaires en sièges.
Définir un cadre régional pour des élections régionales me paraît plus simple et plus sage. La juste représentation de tous les départements me paraît pouvoir être obtenue par le simple bon sens des formations politiques, qui auront tout intérêt à veiller à l'équilibre géographique des candidatures.
Enfin, il convient de noter que, si l'on veut que la région s'affirme dans les domaines de l'aménagement du territoire et du développement économique, il est légitime que la circonscription électorale où s'expriment les suffrages de nos concitoyens soit bien la circonscription régionale.
J'ai bien noté aussi le désaccord formel qui se manifeste entre l'Assemblée nationale et le Sénat à propos des seuils nécessaires, d'abord pour qu'une liste puisse fusionner entre les deux tours, ensuite pour qu'une liste puisse se présenter au second tour, enfin pour qu'une liste puisse participer à la répartition des sièges.
M. le rapporteur rappelle mes propos à ce sujet : dans un domaine qui concerne aussi étroitement les règles de notre politique, le Parlement doit avoir le dernier mot.
Mais si la sagesse du Parlement doit prévaloir en matière de mode de scrutin, il m'incombait d'éclairer avec franchise le choix de l'Assemblée et de préciser les risques que comporterait, à mes yeux, un abaissement excessif des seuils. L'Assemblée nationale a ensuite pris sa décision.
Nous devons trouver le juste équilibre entre, d'une part, la représentation des diversités et des sensibilités politiques et, d'autre part, la définition de majorités stables.
L'existence d'une prime majoritaire éclaire la question d'un jour particulier puisqu'elle garantit qu'une majorité absolue pourra se dessiner dans les conseils régionaux. Cette situation autorise sans aucun doute une plus grande latitude pour la définition des seuils, mais avec le risque, là aussi, d'émiettement du suffrage. Toutefois, je le rappelle, le Parlement doit juger en pleine connaissance de cause.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi s'inscrit dans un ensemble de propositions visant à moderniser notre vie publique. Avec la réforme du cumul des mandats, la réforme constitutionnelle favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, avec le changement de mode de scrutin régional, si longtemps attendu, nous voici à pied d'oeuvre.
Cette réforme appelle évidemment un débat. Celui-ci est engagé devant le Parlement depuis le 23 juin dernier. Je ne suis pas sûr que l'adoption de la question préalable en première lecture ait permis au Sénat d'y contribuer pleinement.
En tout cas, je peux affirmer que le Gouvernement a pris ses responsabilités pour affronter les difficultés nées de la situation actuelle dans nos régions et pour les résoudre.
Le dispositif qui est présenté aujourd'hui est en mesure de rendre les régions gouvernables, de représenter justement tous les courants politiques, de dessiner des majorités de gestion et, dans la période transitoire, de permettre l'adoption des budgets ou les clarifications rendues nécessaires. A ce titre, il peut donner un nouveau souffle à la démocratie locale.
Tel est l'esprit du projet de loi soumis à votre examen en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés, dans le processus parlementaire, à la dernière lecture au Sénat d'un texte qui était promis, parfois attendu ou redouté et qui, en tout cas, laisse perplexes bon nombre de législateurs, en particulier de membres de la commission des lois.
Je ne referai pas l'exégèse de tout ce processus. Je rappellerai seulement qu'en 1996, si mes souvenirs sont exacts, un groupe de travail du Sénat avait procédé, à la demande de la commission des lois, à toute une série d'auditions, à de longues délibérations et qu'il avait adopté, à l'unanimité de ses membres - j'ai eu l'occasion de le rappeler quelquefois cruellement à tel ou tel ! - la position selon laquelle il n'était pas opportun de changer le mode d'élection à l'époque : nous étions à deux ans des élections régionales.
Parmi les arguments avancés - je me permets de le souligner devant le Sénat - il en est un qui avait été assez largement utilisé sur toutes les travées, et qui était que, au fond, une modification était hasardeuse parce qu'on ne savait pas à qui elle profiterait. Je l'ai encore dans les oreilles.
Cela signifie que, si tout le monde s'est rallié au statu quo , c'est non pas pour des motifs majeurs mais pour des motifs mineurs et qu'après tout le Gouverment de l'époque, prenant acte de cette situation, n'a peut-être pas été aussi condamnable qu'on le dit maintenant de n'avoir point bougé en la matière. S'il avait bougé, il aurait été en effet immédiatement soupçonné de chercher à porter atteinte aux intérêts électoraux des uns ou des autres, dans une période qui était sensible, et qui s'est avérée d'autant plus sensible qu'il y a eu une dissolution de l'Assemblée nationale et un changement de majorité.
Peut-être est-ce d'ailleurs ce même sentiment d'incertitude quant aux profits éventuels des uns et des autres qui a prévalu dans les délibérations internes du nouveau gouvernement et qui l'a amené à ne point présenter un nouveau mode d'élection des conseils régionaux, tout en se drapant de la vertu qui veut que l'on ne modifie pas les règles du jeu à moins d'un an de l'élection, sauf consensus général, qui, dans le traumatisme de l'instant, était a priori évidemment impossible.
Le Gouvernement, c'est vrai - il faut lui en donner acte - avait pris l'engagement de déposer, sitôt les élections passées, un projet de mode d'élection rénové à la lumière de l'expérience qui serait née de l'élection de 1998.
Les élections régionales ont eu lieu, et nul ne peut dénier au Gouvernement le fait que, sur ce point précis, il a tenu parole. Au lendemain des élections, ou très peu de temps après, il a en effet déposé un texte de réforme des élections des conseils régionaux.
Seulement voilà, ce texte, qui est à l'évidence un texte de fond, qui s'inscrit dans une démarche complexe englobant à la fois la répartition des pouvoirs entre les différents niveaux de l'administration territoriale de la République et la rénovation souhaitée, parfois caricaturée, de notre vie publique et du rôle de nos élus dans l'administration de notre pays, ce texte, dis-je, qui demande à la fois réflexion et prudence, qui demande à être inscrit dans un contexte général, a été assorti, au moment de son dépôt, d'une déclaration d'urgence, déclaration que rien ne justifie puisque, de toute façon, dans l'état actuel du droit, sauf dissolution générale prononcée par une loi, tous les conseils généraux ont leur vie fixée jusqu'à l'année 2004.
Si mes souvenirs sont encore exacts, nous sommes en 1998. Par conséquent, nous avons du temps avant que tombe le couperet de la dernière année avant l'élection, époque à laquelle la bienséance veut que l'on ne modifie pas le scrutin à venir.
M. Michel Caldaguès. Oui, mais il y a un truc !
M. Paul Girod, rapporteur. Cinq ans ! Pourtant, urgence déclarée en juin et délibération au forceps à tout prix pour en terminer avant le 31 décembre ! Nous sommes loin de la sérénité !
C'est un premier aspect des choses.
Mais à cela, il y a une raison, nous dit-on : il y a, dans le texte, une deuxième partie - je vous ai bien écouté, monsieur le ministre - destinée à faire en sorte que les préfets ne règlent point les budgets des conseils régionaux. Monsieur le ministre, c'est faux, totalement faux !
A en effet été promulguée le 7 mars dernier - si je me souviens bien - une loi, d'ailleurs validée extrêmement rapidement par le Conseil constitutionnel, qui prévoit tous les dispositifs nécessaires pour que les préfets n'aient pas leur mot à dire dans l'adoption des budgets régionaux. Nous ne sommes donc plus dans la situation que l'on invoquait l'année dernière, à savoir le risque d'une intrusion des préfets.
Le texte existe. Il n'a pas donné les résultats - il aurait peut-être fallu les définir un peu mieux , ces résultats ! - que certains espéraient. C'est vrai, en tout cas, dans deux régions parce que les présidents des régions concernés - ce n'est pas ma faute s'ils sont de vos amis, monsieur le ministre - ont totalement méconnu et le texte et l'esprit, ce qui fait que, c'est vrai, il y a eu intrusion du préfet.
Ce n'est donc pas une question de droit. C'est le fait de deux personnes. Et l'on vient nous dire, alors, que les conseils régionaux sont d'avance bloqués pour l'avenir parce que deux personnes, dans un passé proche, ont méconnu une loi que l'on venait de voter !
Admettez, monsieur le ministre, que la commission des lois s'interroge - c'est le moins que l'on puisse dire ! - sur la manière dont on conçoit l'administration de notre pays et sur la conception que l'on a aujourd'hui de la loi au niveau gouvernemental !
Par conséquent, le moins que l'on puisse dire également, c'est que l'urgence sur la deuxième partie du texte ne se justifie pas plus que sur la première. Il est en effet anormal de considérer une loi, dont on a dit à quel point elle était merveilleuse, extraordinaire, et qui a été validée par le Conseil constitutionnel malgré certaines réticences, comme morte quand on ne l'a pas fait vivre, de vouloir, dès lors, en imposer une autre et de se servir de cette autre pour justifier une urgence dans un domaine électoral qui ne la justifie en rien !
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure le dépôt de la question préalable au Sénat. Je veux, à cet égard, vous rappeler tout de même un certain nombre de choses.
La décision n'a été prise ni spontanément ni à l'avance.
En tant que rapporteur de la commission des lois - je parle sous le contrôle de son président - j'avais, en présentant mon rapport devant elle, fait remarquer que la déclaration d'urgence posait le problème d'une éventuelle question préalable, que je n'y étais, pour ma part, pas favorable à ce stade du débat et que je préférais proposer à la commission un certain nombre d'amendements, majeurs d'ailleurs, au texte qui nous venait de l'Assemblée nationale. La commission de lois m'avait suivi.
C'est le débat en séance publique lors de la discussion générale, c'est en particulier - permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre -, certaines de vos réponses qui ont amené certains de nos collègues aux responsabilités éminentes dans cette assemblée, c'est-à-dire les présidents de groupe,...
M. Henri de Raincourt. Merci pour eux !
M. Paul Girod, rapporteur ... à déposer une question préalable que le ton de la discussion justifiait et que, du coup, la commission des lois, prenant elle-même en considération les échanges qui avaient eu lieu en cette enceinte, a été amenée à accepter et, ensuite, à faire adopter.
Par conséquent, c'est non pas une volonté de blocage du Sénat mais la nature même du débat sur le projet qui a conduit au dépôt de la question préalable. Il faut que cela soit clairement établi.
M. Robert Bret. Ça c'est clair !
M. Paul Girod, rapporteur. Je vous remercie de le dire.
Alors, nous revient maintenant de l'Assemblée nationale, après l'échec prévisible d'une commission mixte paritaire engagée dans de telles conditions, un texte dont vous nous avez dit il y a quelques instants, monsieur le ministre, qu'il est à fort peu de choses près identique au premier texte de l'Assemblée nationale.
Le « fort peu de choses » n'est pas rien ! Le « fort peu de choses » est même fondamental.
Il y a deux parties dans le texte. Avec votre permission, mes chers collègues, je traiterai d'abord de la seconde, qui, à la limite, est la plus simple ; parce qu'elle est celle qui pose le plus de problèmes de principe, et au sein de laquelle, je serai amené à soulever une exception d'irrecevabilité constitutionnelle sur un article - c'est une procédure assez peu fréquente ! - qui entérine la prééminence exagérée des pouvoirs du président sur son propre conseil à travers cette nouvelle procédure d'adoption de trois documents budgétaires dans l'année.
Cette partie comporte un certain nombre d'anomalies, en particulier cette prééminence majeure du président du conseil régional sur le conseil, constitutionnellement seul responsable de la libre administration de la collectivité territoriale dont il est la représentation.
Je signale d'ailleurs au passage, monsieur le ministre, que, si la Constitution a prévu pour le Gouvernement, devant le Parlement, la procédure que l'on appelle le « 49-3 », elle l'a spécifiquement réservée au Gouvernement devant l'Assemblée nationale, ce qui exclut qu'elle puisse être appliquée par tout autre exécutif à toute autre assemblée délibérante. Sur ce point, nous verrons bien ce que décidera le Conseil constitutionnel.
Maintiendra-t-il la position qu'il a adoptée lorsqu'il a été saisi de la première loi, considérant que le système de la double délibération, de la motion de renvoi, qui était contenu dans cette loi et dont l'objet était d'éviter l'intrusion du préfet venant régler tout seul le budget de la région, était un progrès dans la responsabilité de l'assemblée délibérante ? Considérera-t-il que l'intrusion du président, piétinant allégrement un vote acquis de l'assemblée pour imposer autre chose, ressort de la libre administration des collectivités territoriales par un conseil librement élu ?
Cela fait partie des inconnues, pour le moins majeures, du texte que nous avons à examiner.
Restent d'autres dispositions variées.
L'une d'entre elles me paraît particulièrement contestable : le caractère public des délibérations des commissions permanentes.
Monsieur le ministre, il faut vraiment ignorer ce qu'est une commission permanente de collectivité territoriale pour envisager qu'elle puisse - sauf exception, bien entendu, qui attirera immédiatement l'attention - siéger en présence de la presse, alors qu'il s'agit de décisions ponctuelles qui ne sont que l'habilitation donnée au président d'appliquer les politiques librement - s'il y a encore une liberté en cette matière - définies par le conseil régional tout entier.
La seconde partie du texte comporte donc quelques anomalies de ce genre ; mais le Sénat essaiera d'y remédier.
J'en viens à la fameuse « affaire » du code électoral.
Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur un point précis de la procédure parlementaire afin que vous mesuriez bien quels sont, en cet instant du débat, notre pouvoir et nos capacités d'influence pour la suite.
Deux délibérations, une à l'Assemblée nationale et une au Sénat, se sont déroulées dans le cadre de la procédure d'urgence. Nous savons à quoi elles ont abouti : commission mixte paritaire et échec de celle-ci, c'était prévisible ; rétablissement par l'Assemblée nationale - avec les différences dont je viens de parler - de son texte d'origine ; aujourd'hui, nouvelle et dernière lecture au Sénat.
J'imagine, monsieur le ministre, que, si le Sénat n'est pas complètement d'accord avec l'Assemblée nationale, le Gouvernement va prendre la décision de faire délibérer celle-ci en dernier ressort. Cette prévision me semble assortie d'un certain coefficient de probabilités positives. Mais je ne suis pas Mme Soleil...
L'Assemblée nationale aura uniquement le choix - car elle ne délibère plus souverainement ; elle est complètement coincée - entre soit reprendre intégralement son propre texte soit reprendre son propre texte en acceptant un certain nombre d'amendements adoptés par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a retenu une démarche à la fois prudente et, espère-t-elle, constructive, qui consiste à ne pas rebouleverser complètement le texte de l'Assemblée nationale en reprenant ses propres positions de première lecture. Ce faisant, la commission ne renonce pas pour autant aux positions de fond qu'elle a prises en première lecture, il faut que ce soit clair.
J'ai eu le sentiment que peu de membres de la commission des lois acceptaient de bon coeur l'idée d'abandonner, même pour des motifs tactiques - et il s'agit bien de motifs tactiques - la référence au scrutin départemental.
Mais si nous voulons que l'Assemblée nationale puisse tenir compte de certaines de nos objections, il faut les exprimer par des amendements ponctuels sur des points choisis, afin de lui permettre de se poser un certain nombre de questions.
Quels sont les points ponctuels qu'a retenus la commission des lois ?
La commission des lois n'a pas cédé à la tentation du scrutin à un tour. Si elle a accepté le scrutin à deux tours, je le répète, c'est dans le cadre de cette délibération qui n'est destinée qu'à encadrer les marges de manoeuvre de l'Assemblée nationale en dernière lecture.
Accepter le scrutin à deux tours...
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est déjà trop !
M. Paul Girod, rapporteur. Mon cher collègue, vous m'avez interrompu, je vous réponds tout de suite : si nous retenons le scrutin à un tour, ce n'est même pas la peine d'espérer que l'Assemblée nationale regarde quoi que ce soit ; d'avance, elle serait déliée de toute espèce de nécessité d'étudier ce que nous avons fait par le fait même que, dès le départ, nous aurions pris une position totalement différente de la sienne.
Le problème de la commission des lois est d'essayer d'amener l'Assemblée nationale à délibérer sur des points précis.
Nous avons donc accepté le scrutin à deux tours - avec tous les inconvénients que nous ne nous dissimulons pas - et le cadre régional du scrutin.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez parlé de scrutin départemental. Non ! la liste sera régionale. Mais elle doit comporter un nombre normal de représentants par département pour éviter que les départements peu peuplés ne soient écrasés par le département le plus peuplé.
Demain, nous aurons ici un débat sur l'aménagement du territoire. J'entends demander à votre collègue ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire, qui, je crois, représentera le Gouvernement, s'il existe encore en France des territoires non urbains susceptibles de recueillir un peu d'attention de la part du Gouvernement...
Avec un système régional sans sectionnement départemental, que va-t-il se passer ?
Bien entendu, en région Picardie, qui est la mienne, cela ne posera pas de problème majeur. Mais en Rhône-Alpes, en Ile-de-France, en Midi-Pyrénées, en Aquitaine, dans les régions où la métropole régionale est majeure, que va-t-il se passer pour les départements les moins peuplés ?
Nous voyons très bien ce qui se profile, et, par conséquent, sur ce point précis, nous demandons que les départements les moins peuplés ne soient pas sous-représentés.
La deuxième série d'amendements a trait à ces fameux seuils, à propos desquels, monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale est à peu près identique à celui que nous avons examiné en première lecture.
Je m'inscris en faux contre cette affirmation, monsieur le ministre. Vous ne pouvez décemment pas soutenir que l'abaissement des seuils à 5 % pour se maintenir au second tour, à 3 % pour participer à la répartition des sièges et à 3 % pour fusionner les listes, assorti d'une prime limitée à 25 % pour la liste arrivée en tête, permet d'assurer les majorités dans les régions.
Ce n'est pas vrai, et votre seul objectif est en réalité de faire plaisir à certains de vos alliés de la majorité dite plurielle,...
M. Michel Duffour. Et alors, ce n'est pas un crime !
M. Paul Girod, rapporteur. ... qui, autant que je sache, ont prononcé quelques oukases à cet égard. Cela a d'ailleurs été dit sans fard à l'Assemblée nationale par le rapporteur du projet de loi, qui a bien expliqué qu'il s'agissait d'un texte élaboré en fonction de préoccupations politiques et qu'il n'était pas motivé par un souci de bonne administration. Par conséquent, il s'agit en réalité d'une manoeuvre purement qualifiée.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que ce projet tient debout, dans la mesure où, en réalité, vous savez très bien qu'il s'agit pour vous d'essayer d'enfermer vos adversaires dans un piège, et non pas d'assurer aux régions une majorité stable.
L'objectif est bel et bien de mettre en place une majorité que vous avez choisie d'avance.
A cet égard, je me permettrai simplement de citer quelqu'un que, j'imagine, vous ne récuserez pas, à savoir le président Mitterrand. Il a dit, si ma mémoire est bonne - et je crois que j'étais présent - que les réformes électorales étaient des choses à manipuler avec précaution, parce qu'en général cela se retournait contre ceux qui les faisaient. Or je ne suis pas certain que, en l'occurrence, vous n'aboutissiez pas à une déconvenue, d'autant, monsieur le ministre - et je reviens là aux discussions de la première lecture - qu'il était ressorti très clairement de tous les débats que nous avons eus le sentiment général que l'on allait prendre prétexte de la deuxième partie du texte pour expliquer l'urgence, mais l'appliquer à la première partie, c'est-à-dire à la réforme électorale, avec l'espoir que l'on aurait à s'en servir prochainement.
Au reste, et j'attire votre attention sur ce point, je ne suis pas certain qu'il soit constitutionnel d'avoir des assemblées de même nature et fonctionnant en même temps mais élues selon des modes de scrutin différents. D'ailleurs, la commission des lois vous proposera - encore un point d'application d'une réforme électorale - d'exprimer clairement que tout ce dispositif ne s'applique qu'à compter des élections de 2004, et pas avant.
M. Michel Duffour. A tort !
M. Paul Girod, rapporteur. Nous verrons bien si c'est à tort, mon cher collègue.
Donc, pas avant 2004, et ce quelles que soient les manipulations sur le fonctionnement des conseils régionaux qui pourraient éventuellement être validées avant...
Mais, monsieur le ministre, à force de tirer sur les ficelles, il arrive qu'on les casse et, dans cette affaire, je crains que le Gouvernement, à force de vouloir tirer sur les ficelles, ne soit en train de créer une mécanique qui ne fera que plonger un peu plus les régions dans l'incertitude.
Dissoudre un conseil régional à la faveur d'un traquenard, cela peut s'expliquer. On peut aller à la chasse et espérer rapporter un gros gibier. (Sourires.) Mais, parfois, on est un peu étonné de n'avoir tiré qu'une grenouille ! (Nouveaux sourires.) J'ai connu cela, j'étais moi-même un peu chasseur dans le temps... encore que je n'aie jamais réussi à tuer une grenouille avec un plomb, car ce n'est pas une cible facile à toucher ! Reste que c'est de la manipulation, monsieur le ministre, de la manipulation !
Ce n'est pas grandir une institution que de s'en servir pour des démonstrations de second ordre.
La réalité, c'est que nous avons besoin de régions stables. Vous l'avez dit et tout le monde partage ce sentiment.
Vous avez évoqué la déclaration de Rennes ; je ne suis pas sûr que vous l'ayez très bien lue.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Si !
M. Paul Girod, rapporteur. Vous en avez tiré ce qui vous arrange et rejeté ce qui vous arrange moins !
M. Claude Estier. Il y avait tout et le contraire de tout dans cette déclaration !
M. Paul Girod, rapporteur. Il y avait un appel à la morale publique, un appel au sérieux pour traiter des rapports entre notre peuple, ses collectivités locales, de leur nécessaire évolution et de la réalité de la vie républicaine et de ses principes de base.
Or, monsieur le ministre, d'une certaine manière, le texte qui nous arrive de l'Assemblée nationale transgresse certains de ces principes de base.
C'est la raison de fond, mes chers collègues, des amendements qui vous seront présentés par la commission des lois et que, j'espère, le Sénat retiendra. J'espère surtout que, dans un ultime sursaut vers le sérieux, l'Assemblée nationale s'en saisira, les étudiera un par un, sans être obligée de se renier sur l'ensemble de ses positions.
Qu'elle revienne au sérieux dans l'affaire ! Qu'on n'ait pas un émiettement de la représentation par l'introduction du majoritaire dans le proportionnel. Qu'on évite les manipulations politiciennes.
Monsieur le ministre, j'ai été un peu dur à cette tribune, je ne l'ai pas été beaucoup moins dans mon rapport écrit.
Mes chers collègues, je crois que nous devons prendre conscience à la fois de la responsabilité qui est la nôtre en cet instant et de nos limites d'action. Telle est encore une fois la raison de ces amendements ciblés. Je reconnais qu'ils ne reflètent pas totalement notre sentiment sur le fond. Toutefois, dans la technique législative d'instruction des textes et dans la situation juridique dans laquelle se trouve l'Assemblée nationale, ils constituent pour le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, le dernier moyen d'appeler au sérieux, à l'abandon des petites manoeuvres, à une réalité qui s'impose à nous tous, celle de la libre administration de nos collectivités territoriales, de leur solidité, de leur sérieux et de leur fidélité aux principes républicains. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. J'ai bien apprécié les propos de M. le ministre au début de son intervention.
Il nous a d'abord dit qu'il y avait un réel problème de fond, et j'ai cru un instant qu'il allait nous écouter avec beaucoup d'attention et qu'il se ferait, devant l'Assemblée nationale, l'avocat des propositions honnêtes et intelligentes que le Sénat va adopter. Mais après l'avoir entendu jusqu'au bout, il me semble bien que c'est tout autre chose qui nous attend.
Monsieur le ministre, je tiens à vous rappeler que, si nous avons voté la question préalable en première lecture, c'est parce que, à l'issue de la discussion générale, vous nous avez dit que vous ne tiendriez compte d'aucun de nos amendements.
Vous aviez eu l'air d'estimer que le Sénat ne servait à rien dans cette affaire et que les dés étaient jetés.
Nous avons donc fait un effort méritoire, comme l'a dit M. le rapporteur, dont je salue le travail tout à fait remarquable. Pourtant, vous êtes allé encore plus loin dans votre déclaration liminaire aujourd'hui. Peut-être est-ce une manoeuvre délibérée de votre part ? Vous avez en effet justifié une atteinte évidente à la Constitution et à la décision du Conseil constitutionnel selon laquelle il est impossible de fixer des quotas en affirmant que l'Assemblée nationale a voté et que, par conséquent, il n'y a pas de raison de ne pas l'inscrire dans la loi.
Je vous rappelle à ce propos que le seul chef de gouvernement qui ait tenu dans le passé le même raisonnement que vous, c'est Staline. (Rires et exclamations sur les travées communistes.) Selon lui, il était possible de modifier la Constitution par une loi ordinaire. Il n'y a pas d'autres précédents historiques !
M. Guy Allouche. Queyranne égale Staline !
M. Patrice Gélard. Je trouve que vous allez un peu loin, monsieur le ministre. Il me semble que vous avez un peu oublié le contenu de la Constitution et son article 89, selon lequel, en matière de révision constitutionnelle, le Sénat a des droits égaux à ceux de l'Assemblée nationale.
Je vous renvoie également à un excellent article paru dans Le Monde d'avant-hier et signé de M. le doyen Vedel, pour qui le texte tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale ne signifie pas, en l'état, qu'il doive y avoir des quotas.
Pourtant, en l'occurrence, prévoir 50 % d'un sexe et 50 % de l'autre, cela veut bien dire que nous sommes en face de quotas.
Vous avez donc ôté le masque : en fait, vous voulez qu'il y ait des quotas !
On en discutera, mais je ne suis pas du tout convaincu que le Sénat puisse vous suivre dans cette voie car, si nous sommes pour la parité entre hommes et femmes, nous ne sommes pas pour autant partisans des formules qui ont apporté partout la preuve de leur effet néfaste.
Je ferme la parenthèse et j'en reviens au fond du texte qui nous est transmis de l'Assemblée nationale.
Il y a un vrai problème régional, nous en sommes tous convaincus. Ce problème mérite des solutions et nous avons, au sein du Sénat, constitué un groupe de travail sur cette question. Nous n'avons pas pu aboutir, on s'en souvient. Nous avions alors le temps devant nous. Rien ne justifiait l'urgence, on l'a déjà dit et je le répète, car je crois qu'il faut parfois enfoncer les clous.
Que dire à propos du texte que vous nous proposez ?
Il était certes nécessaire de réviser le mode de scrutin régional pour aboutir à une majorité stable et faire en sorte que les régions atteignent enfin le seuil de crédibilité qu'elles ont du mal à obtenir aux yeux de nos concitoyens.
Je reprocherai toutefois à ce projet de loi de n'être ni assez moderne ni assez audacieux en matière électorale. Vous reprenez en effet les modes de scrutin anciens, que vous aménagez comme vous pouvez.
En matière de mode d'élection aux conseils régionaux, on pouvait innover, on pouvait proposer un système à l'allemande, par exemple.
Il n'en est rien et l'on conserve le scrutin proportionnel, qui n'est pas un mode de scrutin très intéressant pour les électeurs puisqu'ils ne connaissent pas les candidats qui se présentent.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est exact !
M. Patrice Gélard. Dans une région, constituée de cinq départements parfois très éloignés les uns des autres, comment voulez-vous que l'électeur s'y retrouve ? Il ne connaîtra pas les candidats ; peut-être reconnaîtra-t-il un nom, même s'il est placé en dix-septième position sur la liste. Il ira alors pêcher à la ligne plutôt que de participer au scrutin.
Ce processus, on le connaît déjà, monsieur le ministre, malheureusement, pour les élections européennes. Les élections européennes ne sont qu'une lointaine préoccupation des Français parce que les électeurs ne connaissent pas les candidats qui se présentent.
On va pourtant faire la même chose avec le scrutin régional.
Je vous avoue que ma préférence pour les élections régionales aurait été un scrutin majoritaire pour la moitié des sièges et un scrutin à la proportionnelle pour l'autre moitié, soit un mode de scrutin que le parti socialiste lui-même avait envisagé à une époque.
Je regrette qu'on ne soit pas allé au bout du processus. Cela vous aurait peut-être permis d'éviter ce débat un peu stérile, où nous jouons les défenseurs de positions d'arrière-garde.
Selon moi, seul un mode de scrutin différent nous aurait permis d'approfondir réellement la réflexion.
Le scrutin proportionnel est un mode de scrutin qui fait courir le risque de l'émiettement, avez-vous dit au début de votre intervention, et c'est exact. Mais je déplore que vous n'ayez pas souligné devant l'Assemblée nationale que l'abaissement des seuils conduit à rendre le scrutin proportionnel totalement inutilisable.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Patrice Gélard. A la limite, on aurait pu retenir la proportionnelle intégrale sans aucun seuil ! On en connaît pourtant le résultat ! Les Polonais, qui l'ont essayé récemment, ont vu arriver quarante-huit partis au Parlement, dont certains aussi folkloriques que « Les Amis de la bière », dont le seul programme était la détaxation du demi de bière. (Sourires.)
On risque d'aboutir à ce résultat-là, vous le savez aussi bien que moi ! Le seuil à 5 %, même s'il n'est pas excellent, a maintenant plus de cinquante ans d'existence dans notre pratique électorale. En effet, en 1946 déjà, au moment du scrutin proportionnel, ce seuil était fixé à 5 %. Il est alors apparu insuffisant et il a fallu voter la malheureuse loi de 1950 sur les apparentements, qui n'était pas une merveille. Il n'en demeure pas moins que le seuil à 5 % fait partie de notre tradition.
Modifier le seuil traditionnel pour le ramener à 3 %, c'est porter un mauvais coup à la proportionnelle. Cela revient, plus précisément, à la discréditer.
Comme M. le rapporteur l'a excellemment dit, le fait de ramener le maintien au second tour de 10 % à 5 % va conduire à un résultat parfaitement prévisible : au second tour, ce ne sont pas deux listes qui subsisteront, mais trois, quatre, voire cinq listes qui se maintiendront. Cela permettra par ailleurs à ces listes de décider dans l'ombre, en dehors de l'électeur, quelles alliances - contre nature ou pas - elles concluront une fois le résultat acquis.
Je ne suis donc absolument pas satisfait du travail de l'Assemblée nationale en ce qui concerne le mode de scrutin.
Permettez-moi maintenant d'en venir à quelques interrogations quant à la constitutionnalité de certaines dispositions du texte que vous présentez, monsieur le ministre.
Le droit n'est pas fait pour être tordu. Le droit est droit, il n'est pas courbe. Or, on a l'impression avec ce texte que les possibilités juridiques ont été tordues au maximum, non pour atteindre un objectif net et clair - la bonne administration de la région - mais pour répondre à des préoccupations politiques mal avouées.
Pourquoi avoir décidé que, dorénavant, la primauté n'irait plus au doyen d'âge mais au benjamin, que ce soit pour la présidence des séances ou en cas d'égalité des voix ? C'est complètement ridicule, parce que vous touchez là à une tradition républicaine qui remonte au tout début de la République : l'institution du doyen d'âge remonte en effet à la Révolution française.
A mon avis, il s'agit là d'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et vous le remettez en cause. On peut le faire. Il faut certes que la loi évolue avec les moeurs. Mais, à ce moment-là, il faut modifier la Constitution et non la loi !
En l'occurrence, il s'agit d'une pure déclaration démagogique. On met le plus jeune à la place du plus vieux pour faire plaisir à quelques électeurs de plus. Et je ne suis même pas convaincu que cela leur fera plaisir !
Cette mesure relève de la simple démagogie et non de la volonté pourtant affirmée d'un bon fonctionnement des régions.
J'évoquerai également - mais M. le rapporteur en a déjà parlé - la durée du mandat régional, qui est ramenée à cinq ans sans étude préalable, sans discussion préalable, sans motif valable.
Cette disposition aurait pu répondre à une raison, monsieur le ministre : faire coïncider la durée du mandat régional avec celle du contrat de plan Etat-région. Alors, à la limite, j'aurais pu accepter votre choix. Un contrat de plan Etat-région de cinq ans correspondant à la durée du mandat régional, ce n'était pas idiot du tout, cela se justifiait.
Mais, puisque les contrats de plan Etat-région durent désormais non plus cinq ans, mais six à sept ans, vous ne permettrez donc même pas à un conseil régional de mener à terme le contrat Etat-région qu'il aura négocié. Au bout de cinq ans, ce sera terminé ! Les conseillers régionaux seront obligés de se représenter devant les électeurs !
Il n'y aura donc pas de lien logique entre les engagements pris à un moment donné et leur réalisation.
Là encore, il aurait fallu prendre le temps, réfléchir. Pourquoi pas cinq ans, disais-je, si cela se justifie ? Cela aurait été acceptable à cette condition.
Mais chacun d'entre nous sait bien qu'aujourd'hui cinq ans est un minimum, et que six ans, c'est mieux pour mener à bien une politique qu'on a lancée.
J'en reviens aux quelques motifs d'inconstitutionnalité que j'ai cru pouvoir relever.
Pour ce qui est de la parité hommes-femmes, l'inconstitutionnalité est manifeste.
Pour ce qui est de la primauté du benjamin sur le doyen d'âge, l'inconstitutionnalité est réelle, j'en suis convaincu.
Mais j'ai relevé d'autres irrégularités.
Qu'en est-il des sections départementales ? Je ne suis en effet pas du tout convaincu qu'il soit constitutionnel de faire en sorte que les électeurs sénatoriaux n'aient aucun rapport avec le département dans lequel ils seront appelés à voter.
Il est prévu par ailleurs prévu de rendre publiques les réunions des commissions permanentes. Cela me paraît relever de la pure démagogie. On ne réunira plus les commissions permanentes que pour la façade, les véritables décisions se prenant ailleurs.
Est-il conforme à la Constitution d'adopter un tel dispositif ? Ne revient-il pas aux collectivités locales de régler elles-mêmes un problème de cet ordre, sans que la loi intervienne ?
En outre, avec un tel système, M. le rapporteur l'a bien souligné, le président de la région peut se transformer en un dictateur régional, passer outre les décisions du conseil.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne pas se lancer dans une autre expérience l'élection du président du conseil régional au suffrage universel direct, par exemple ? Seule une telle élection justifierait les pouvoirs que la loi va lui reconnaître.
Monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui et que nous avons tenté d'améliorer pour inciter l'Assemblée nationale à suivre certaines de nos recommandations est tellement tordu que le remède choisi risque d'entraîner l'aggravation du mal. Je crains que les conseils régionaux n'en sortent plus amoindris, plus malades qu'avant, moins crédibles au regard de l'opinion publique, parce que la loi n'est pas bonne.
Je me demande même si, par machiavélisme, vous n'avez pas voulu en fait que l'on saisisse le Conseil constitutionnel, et si, dès le départ, vous n'avez pas accepté un certain nombre de dispositions tout à fait invraisemblables pour que le Conseil constitutionnel les refuse.
Je me demande aussi dans quelle mesure vous n'avez pas été soumis dans cette affaire, d'abord et avant tout, à des pressions politiques pour que les conseils régionaux soient les plus proches possible de la représentation idéale de votre majorité plurielle.
Nous ne pouvons pas accepter qu'une loi soit faite en fonction des circonstances. Elle est faite pour l'avenir, pour le futur. C'est la raison pour laquelle je crois que nous avons fait un travail solide en proposant des amendements qui valent ce qu'ils valent, mais dont nous espérons qu'ils seront suivis par l'Assemblée nationale, faute de quoi je crains - je le dis franchement - que la loi qui sera votée par l'Assemblée nationale en dernière lecture ne soit tellement mauvaise dans la pratique, qu'elle doit, tôt au tard, revenir devant le Sénat. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Duffour. M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de la première lecture de ce texte au Sénat, le 20 octobre dernier, j'avais indiqué au nom de mon groupe les aspects que nous jugions positifs ou nécessaires, ainsi que ceux que nous estimions négatifs et sur lesquels nous émettions certaines réserves.
Au premier rang de nos critiques figuraient, dans le projet de loi, des seuils que nous considérions comme trop élevés pour la participation au second tour ou le bénéfice de la répartition des sièges. Je constate que vous revenez, monsieur le ministre, avec un texte nettement meilleur, et notre attitude va s'en ressentir sur les plans tant du débat que de nos appréciations.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tiens ! Tiens !
M. Michel Duffour. C'était pour nous une question importante. Nous nous sommes en effet beaucoup interrogés sur le fait de savoir si l'objet de tels seuils était le bon fonctionnement des conseils régionaux. De toute évidence, non, puisque les dispositions prévues pour favoriser l'émergence d'une majorité stable, avec notamment l'octroi d'une prime significative à la liste arrivée en tête, permettaient cette stabilité.
Notre crainte était alors - je n'y reviendrai pas - le franchissement d'une étape supplémentaire dans une bipolarisation de la vie politique que nous estimons mauvaise pour la vie citoyenne de notre pays. En effet, la conséquence essentielle d'un seuil trop élevé est de priver de toute réprésentation des courants minoritaires qui, pourtant, rassemblent une part importante de l'électorat et méritent donc d'être représentés.
Nous estimons que la démocratie ne peut se satisfaire d'une restriction du débat d'idées, car c'est dans la diversité et dans le pluralisme qu'elle puise sa vitalité.
La région est un échelon suffisamment important pour que le débat y prenne une dimension politique marquante.
La discussion que nous avons eue sur la question des seuils - je respecte les arguments qui ont été avancés par le Gouvernement - a, je le constate, porté ses fruits, et nous nous en félicitons.
La majorité des députés, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, a décidé la réduction significative des seuils. Il s'agit d'un geste politique important que nous approuvons pleinement.
M. le rapporteur et l'orateur précédent ont fantasmé sur d'éventuelles magouilles au sein de la majorité. Il faut vous y faire, messieurs. La majorité plurielle fait preuve de sa vitalité et de son sens du dialogue. Des désaccords nous opposent sur certains sujets. Nous les exprimons avec beaucoup de franchise.
A la différence de la droite, que nous avons vue pendant des années paralysée par des divisions internes - M. le rapporteur a fait l'historique à sa façon de la non-publication d'un texte au cours des dernières années -, qui est complètement empêtrée dans ses contradictions et qui n'a pas le courage de dépasser ses désaccords, et cela au grand jour, la majorié de la gauche plurielle a tout simplement réussi à se mettre d'accord et a faire converger ses différents points de vue.
Cette évolution, sur un point que nous estimons essentiel, nous conduit aujourd'hui, dans un esprit constructif et pour permettre aux régions de fonctionner dans de meilleures conditions, à approuver ce texte.
L'attitude de la majorité de droite, qui souhaite restaurer des seuils plus élevés, voire aller beaucoup plus loin que le texte initial comme elle le propose dans certains amendements, cette attitude ne nous surprend pas.
Que la droite sénatoriale veuille faire barrage à la reconnaissance du pluralisme politique à l'échelon régional ne nous étonne nullement, car la déformation du suffrage universel a malheureusement toujours été une constante de la droite française ! Il suffit de regarder le mode de scrutin sénatorial, ses aspects antidémocratiques évidents - mais qui ne le constate aujourd'hui ? - pour refuser à la majorité sénatoriale, qui défend bec et ongles ce mode de scrutin, de donner ici des leçons de démocratie !
Nous voterons donc contre les dispositions présentées par la commission des lois pour restaurer les seuils, que l'Assemblée nationale a réduits.
Nous nous opposons aussi - je le dis d'emblée, car nous n'interviendrons pas fréquemment dans cette discussion - à la volonté de la majorité sénatoriale de ralentir la discussion. Il aurait tout de même été beaucoup plus sain et productif...
M. Paul Girod, rapporteur. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Duffour ?
M. Michel Duffour. Très volontiers, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod, rapporteur. Très honnêtement, mon cher collègue, si nous avions vraiment voulu ralentir les débats, je vais vous dire ce que j'aurais pu être amené à faire, car c'était mon devoir de rapporteur : j'aurais pu demander à rencontrer M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur, et demander les résultats des simulations relatives aux abaissements de seuils.
Nous ne l'avons pas fait. Nous avons accepté d'entrer dans le jeu et de nous en tenir au calendrier qui nous était fixé. Mais nous n'avons pas cherché à ralentir le débat. Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous somme blancs comme neige !
M. Henri de Raincourt. Clean !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Duffour.
M. Michel Duffour. Nous allons voir si ce souci d'avoir une discussion productive et rapide...
M. Jacques Larché. président de la commission des lois. Productive et rapide, c'est incompatible !
M. Michel Duffour. ... va finalement se confirmer dans les heures qui viennent !
M. Paul Girod, rapporteur. Ce n'est pas moi qui ai prévu pour cet après-midi la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme !
M. Michel Duffour. En tout cas, pour ce qui est de la productivité, il est sûr que notre débat en première lecture n'aurait pas été conclu comme il l'a été et, s'agissant de la réforme du mode de scrutin régional, le Sénat aurait pu apporter sa pierre ! Je constate qu'il ne l'a pas fait. Notre Haute Assemblée avait pourtant besoin d'un débat utile.
Mais je pense que celui-ci est quelque peu biaisé en raison de la contradiction que je constate dans vos propos lorsque j'entends, d'un côté, des orateurs de la majorité sénatoriale défendre bec et ongles la circonscription départementale - que j'avais par ailleurs défendue moi-même - et, de l'autre, l'ancien Premier ministre, M. Juppé, « exécuter » les départements, voilà quelques jours ! J'attends donc les remarques que feront tout à l'heure les orateurs appartenant au même parti que M. Juppé,...
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Vous avez une conception monolithique du parti !
M. Michel Duffour. ... pour voir quels sont véritablement les fondements de leur démarche !
S'agissant de la parité entre les hommes et les femmes, je m'étonne, alors que M. le Président de la République parle de modernité, d'entendre M. Gélard aborder le problème de manière extrêmement restrictive, sans trouver le souffle nécessaire pour accueillir favorablement le texte gouvernemental !
Je considère enfin, lorsque j'entends M. Gélard, déclarer que le scrutin proportionnel à l'allemande a son intérêt - ce dont je ne disconviens pas - alors que nous n'en avons jamais parlé au cours des deux derniers mois et qu'aucun amendement n'a été déposé à l'appui de cette affirmation, que les propos tenus manquent d'un certain sérieux ! Voilà ce que nous voulions dire dans ce débat.
Je tiens à rappeler les réserves que nous avions émises sur certains aspects du projet de loi et qui demeurent aujourd'hui.
La proportionnelle, je l'ai indiqué lors de la première lecture de ce texte, est source de démocratie, et non le contraire.
Nous maintenons également nos réserves sur la réduction de l'effet proportionnel dans le scrutin régional.
Nous reconnaissons cependant l'urgence qu'il y a à mettre en place des règles de fonctionnement pour les régions.
Enfin, tout en étant pleinement conscients des nécessités de l'heure, nous alertons le Sénat sur les risques d'enfermement dans un système s'apparentant au vote bloqué parlementaire - je n'en veux pas spécialement à M. Gélard ! - mais sans les excès qui ont été évoqués quant au danger d'un pouvoir dictatorial des présidents. Je ne pense pas que l'on puisse faire de telles remarques à propos de ce projet de loi.
Il sera important pour nous, à l'avenir, de faire le bilan d'un système qui est transitoire et d'en tirer les conclusions.
La volonté affichée par le Gouvernement et la majorité plurielle de l'Assemblée nationale de garantir la représentation des minorités mérite d'être soutenue. Nous défendrons donc le texte tel qu'il a été initialement proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, cher rapporteur, mes chers collègues, refusant de mettre rapidement un terme aux situations de blocage vécues par certains conseils régionaux du fait de l'absence de majorité stable, prétextant de l'utilisation de la procédure d'urgence et regrettant que la réforme du fonctionnement des conseils régionaux ne soit pas disjointe de la réforme du scrutin, le Sénat a rejeté le texte en première lecture après adoption d'une question préalable.
Réunie le 28 octobre dernier, la commission mixte paritaire a bien évidemment échoué. Conformément à l'article 45 de la Constitution, il était normal que l'Assemblée nationale reprenne le projet qu'elle avait précédemment adopté.
Ultime lecture, semble-t-il, que celle que nous avons aujourd'hui ! Séance de pure forme, car il est très peu probable que le Gouvernement suive la majorité sénatoriale dans ce qu'elle propose et que nos collègues députés acceptent la moindre proposition sénatoriale.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il ne faut pas désespérer du Palais du Luxembourg ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. Malgré les efforts de M. le rapporteur, la réflexion n'a guère progressé. En revanche, les conclusions de la commission des lois ont gagné en confusion et en contradictions ; je m'en expliquerai.
A l'occasion de cette discussion générale, je veux m'attarder sur les explications et motivations développées par M. le rapporteur dans la première partie de son rapport écrit, sur les critiques qu'elles m'inspirent, car, à l'appel des articles, peut-être aurai-je l'occasion d'expliquer les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à ce que vous proposez.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de préciser, compte tenu des sentiments de confraternité et des liens qui nous unissent, qu'à travers vous je m'adresse également à la majorité sénatoriale. N'y voyez donc aucune attaque d'ordre personnel.
M. Paul Girod, rapporteur. Je n'aurais jamais pensé une seule seconde qu'une telle tactique puisse vous inspirer !
M. Guy Allouche. Je vous en remercie.
Pour ne pas trop étaler ses divisions et pour faire taire ses profondes divergences, la majorité sénatoriale a préféré adopter une question préalable en première lecture. Cher rapporteur, nous avons une profonde divergence sur l'interprétation de cette question préalable.
Je prétends que si elle est intervenue, aux termes du règlement, à la fin de la discussion générale, nous avions connaissance de son dépôt à l'ouverture de la séance,...
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Et alors ?
M. Paul Girod, rapporteur. Vous aviez de meilleurs « espions » que moi !
M. Guy Allouche. ... tant et si bien que mes amis m'ont demandé de répondre également à la question préalable.
Par conséquent, ce n'est pas après la réponse du ministre que la majorité sénatoriale a décidé de déposer cette motion de procédure. C'est avant même que le débat s'ouvre. Il suffit de consulter l'heure à laquelle la motion a été déposée pour s'en rendre compte ! Monsieur Larché, je dis cela pour remettre les choses dans l'ordre chronologique. Ce n'est pas à la fin de la discussion générale que MM. de Raincourt, de Rohan et Arthuis ont pensé à la question préalable. Non ! c'était avant et c'était leur droit.
M. Henri de Raincourt. C'était une précaution que nous avions prise !
M. Guy Allouche. Merci de le préciser ! Par conséquent, cela infirme ce qu'a dit notre rapporteur.
M. Henri de Raincourt. Non !
M. Paul Girod, rapporteur. Absolument pas !
M. Guy Allouche. M. le rapporteur a bien précisé que c'était à la suite de la non-prise en considération par le ministre de ce qui avait été dit dans la discussion générale...
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Guy Allouche. Comment M. le ministre pouvait-il prétendre connaître vos remarques avant que le débat commence ?
M. Henri de Raincourt. Nous avons plusieurs cordes à notre arc !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur Allouche, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Guy Allouche. Je vous en prie, monsieur Larché.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je m'étonne toujours de la conception que nos collègues socialistes ont du débat parlementaire.
Comme l'a parfaitement dit le président de notre groupe, vous connaissant et connaissant votre entêtement sur les positions que vous prenez, il n'était pas du tout illégitime que nous prenions quelque précaution. Cette précaution, c'était la rédaction d'une question préalable.
Vous êtes trop respectueux de la procédure parlementaire pour ne pas vous souvenir qu'il a fallu réunir la commission des lois après la discussion générale et vous connaissez suffisamment la liberté de ton et d'opinion qui règne au sein de la commission des lois pour savoir que l'on ne pouvait pas du tout préjuger le sort qui serait réservé à cette question préalable.
La question préalable n'a donc pris une existence juridique qu'à partir du moment où, faisant ce qu'elle croyait être bon - mais elle aurait pu faire autrement -, la commission des lois a décidé de l'approuver.
Votre chronologie n'apporte absolument rien au débat ; elle montre simplement que vous avez été un peu dépités de la manoeuvre.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche. Je disais donc que, pour ne pas trop étaler ses divisions et faire taire ses profondes divergences, la majorité sénatoriale a préféré adopter une question préalable en première lecture.
Aujourd'hui, rappelée certainement à l'ordre par le Président de la République, qui a déclaré nécessaire de rendre gouvernables les régions précisément par une réforme du mode de scrutin, elle semble avoir pris conscience de ses erreurs, de ses incohérences et de ses inconséquences.
M. Hubert Haenel. Ce n'est pas le cas du Gouvernement !
M. Guy Allouche. Elle tente à présent d'y remédier, en acceptant de débattre, mais un peu tard.
Les arguments avancés par notre rapporteur ne résistent pas longtemps à l'analyse. Tous les reproches faits au Gouvernement et à la majorité de l'Assemblée nationale n'arriveront jamais à masquer un tant soit peu les profondes divergences que nous avons constatées depuis cinq ans, au sein de la droite, sur cette question. Vous tentez de faire diversion avec une proposition de dernière minute. Nul n'est dupe de la manoeuvre, et j'oserai employer une expression quelque peu familière : « il n'est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre. »
Dès l'instant où le Sénat a considéré qu'il n'y avait pas lieu de délibérer, pourquoi faire reproche à l'Assemblée nationale de ne débattre que de ses proppres propositions. Que pouvait-elle faire d'autre ? Vous contestez l'urgence. Moi aussi, j'ai souvent contesté les déclarations d'urgence, et vous le savez.
M. Paul Girod, rapporteur. Vous avez là une belle occasion de déployer vos talents !
M. Guy Allouche. Vous contestez l'urgence déclarée qui interdirait à l'Assemblée nationale d'examiner les propositions du Sénat. Il aurait été préférable, mes chers collègues, que la Haute Assemblée les formule et les adopte en première lecture. Tel n'a pas été le cas. Et je vous renvoie à la conclusion de mon intervention contre la question préalable, dans laquelle je vous disais mot pour mot : « Vous laissez à nos amis de l'Assemblée nationale le soin de traiter de cette question. Ils ne s'en priveront pas. » N'est-ce pas, monsieur le président de Raincourt ? (M. de Raincourt acquiesce.)
Vous vous le rappelez. Donc, pourquoi faire reproche à l'Assemblée nationale de reprendre son travail.
Et que dire de l'argument savoureux utilisé par le rapporteur lorsqu'il écrit : « Le ministre se refusant à prendre en considération les propositions de votre commission des lois, le Sénat a finalement décidé, avec l'avis favorable de la commission des lois, d'adopter une question préalable. » C'est ce que vous avez écrit, monsieur le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Oui, c'est vrai !
M. Guy Allouche. Cependant, comme il est très peu probable que le Gouvernement vous suive aujourd'hui, qu'il accepte ce que j'ai appelé, vous me le pardonnerez, l'« usine à gaz » que vous avez proposée, est-ce à dire que nous serons saisis d'une deuxième question préalable à la fin de cette discussion générale ?
M. Henri de Raincourt. Vous verrez bien !
M. Guy Allouche. Si chaque fois que le Gouvernement s'exprime en contradiction profonde avec le Sénat, si chaque fois qu'il refuse les propositions sénatoriales, la droite sénatoriale adopte une question préalable, mes chers collègues, il n'y a plus de débat possible dans cette assemblée ! Cette autocensure joue contre vous - et contre nous tous - et c'est vous qui en quelque sorte portez atteinte à l'institution à laquelle vous et nous sommes attachés !
Au fait, qui décide au Sénat ? Est-ce le Gouvernement de la gauche plurielle ou est-ce la majorité sénatoriale ?
Si vous aviez réellement voulu que l'Assemblée nationale étudie et prenne éventuellement en considération les propositions alternatives du Sénat - à supposer qu'elles existent - il aurait fallu les formuler et les adopter.
Représentant des collectivités territoriales, le Sénat a en quelque sorte démissionné et laissé le soin à l'Assemblée nationale de définir l'avenir des conseils régionaux. C'est vous qui avez choisi de tronquer le débat. Telle est la réalité !
Je suis au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que, malgré vous, vous avez été l'otage de votre propre majorité. En commission des lois, puis en séance publique le 20 octobre dernier - vous l'avez redit tout à l'heure - vous aviez rejeté le principe de la question préalable au motif que cela serait mal interprété et qu'elle constituerait une réaction excessive.
M. Robert Bret. C'est vrai !
M. Guy Allouche. Vous l'avez dit en commission et à la tribune, vous l'avez écrit, vous l'avez répété tout à l'heure.
Pour autant et dans un second temps, face aux divergences clairement exprimées en séance, la commission des lois, qui s'est réunie à la fin de la discussion générale, a voté en faveur de cette question préalable. Non seulement vous ne vous êtes pas abstenu, monsieur le rapporteur, mais vous l'avez soutenue.
Vous n'avez de cesse de critiquer l'urgence. Mais il faut être sourd et aveugle pour ne pas s'apercevoir que, déjà, des conseils régionaux élus il y a à peine six mois ne fonctionnent pas et que d'autres, demain ou d'ici à 2004, risquent de connaître la même situation. Tout gouvernement qui laisserait se dégrader une telle situation serait à mes yeux irresponsable et coupable.
Oui, il y a urgence à sortir ces conseils régionaux des difficultés qu'ils rencontrent.
Oui, il y a urgence à préserver d'autres assemblées régionales de ces mêmes maux.
Oui, il y a urgence à changer de mode de scrutin, quand on sait, d'évidence, que l'actuel mode de scrutin ne répond plus ou ne répond pas au mal qui se développe.
M. le rapporteur a fait état du groupe de travail de la commission mis en place par la commission des lois en 1996. Pour y avoir participé assez activement, je puis attester que, effectivement, l'unanimité s'est faite, compte tenu des divergences qui existaient entre nous tous, sur l'idée qu'il ne fallait pas changer de mode de scrutin ; c'est exact.
Mais il y a eu l'alternance en 1997, et vous avez rappelé l'engagement du Premier ministre - ce dont vous lui avez donné acte, monsieur le rapporteur - de ne pas modifier les choses immédiatement. Dans la mesure où il n'y avait pas de consensus avant l'élection régionale, il a fallu attendre que celle-ci se déroule - on a vu avec quels résultats ! - pour que le Gouvernement prenne ses responsabilités.
M. Paul Girod, rapporteur. Très bien ! Parfait !
M. Guy Allouche. Il a pris ses responsabilités, le Parlement en débat.
M. Paul Girod, rapporteur. Personne ne conteste cela, monsieur Allouche, c'est l'urgence qui est contestée.
M. Guy Allouche. Je suis quand même étonné de voir, depuis quelques semaines, le nombre de propositions de mode de scrutin qui surgissent tout à coup ! Je ne veux pas les énumérer car ce serait trop long. Mais pourquoi cela n'a-t-il pas été fait avant, de 1993 à 1997 ?
Notre excellent collègue M. Gélard, dont on connaît la science constitutionnelle, vient de nous faire l'apologie du système allemand, rappelé par notre collègue M. Duffour. Or, voilà à peine quelques heures, dans l'enceinte de la commission des lois, j'ai entendu le même M. Gélard dire qu'en aucun cas le système français ne pouvait être comparé au système allemand, l'Allemagne étant un Etat fédéral.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Allons, allons, son propos portait sur un autre point !
M. Guy Allouche. Peut-être, mais en tout cas, le mode de scrutin utilisé dans un système fédéral ne peut s'appliquer dans un système centralisé comme le nôtre ! Il faut savoir choisir ses exemples !
Vous n'avez donc pas réussi à faire cette modification en quatre ans. Le Premier ministre a pris un engagement devant la représentation nationale, il l'a dit ici même au Sénat. Ce projet de loi concrétise cet engagement.
Je suis obligé de constater - et je ne suis pas le seul - que la droite oppose toujours des préalables aux projets du Gouvernement : il faut approfondir la décentralisation et adopter un statut de l'élu avant de parler du non-cumul des mandats ; il faut procéder à l'examen des autres volets de la réforme de la justice avant de ratifier la révision constitutionnelle sur l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature ; il faut redéfinir l'avenir des régions avant de modifier le mode de scrutin régional, etc., etc. Je pourrais multiplier les exemples !
Vous soulignez, pour aussitôt les stigmatiser, « les considérations politiques à l'origine de cette modification ». Oui, pourquoi ne pas le reconnaître ? Il est exact que cela a fait l'objet de négociations au sein de la gauche plurielle ! Et alors ? En quoi la concertation des composantes de la majorité est-elle condamnable ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Parce qu'elle est exclusive !
M. Guy Allouche. Cher monsieur Raffarin, n'y a-t-il pas concertation de la majorité sénatoriale ?
M. Henri de Raincourt. Si !
M. Guy Allouche. Celle-ci ne se réunit-elle pas pratiquement chaque semaine ?
M. Henri de Raincourt. Si !
M. Robert Bret. Cela n'a pas l'air de fonctionner !
M. Guy Allouche. Ne décide-t-elle pas pour l'ensemble de la majorité ?
M. Henri de Raincourt. Pas toujours.
M. Guy Allouche. Mais souvent ! Est-ce qu'on vous en fait le reproche ? Non. Alors !
Si, au sein de la gauche plurielle, les composantes politiques qui soutiennent le Gouvernement en place n'engageaient pas des discussions et des négociations, ce ne serait plus une gauche plurielle.
M. Michel Duffour. Très bien !
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, oui, il y a eu des discussions, il y a eu des négociations, C'est la loi du genre et je ne pense pas qu'il faille balayer d'un revers de main ce genre de contacts qui existent entre formations politiques.
Comment ne pas être choqué par le comportement de la majorité sénatoriale, qui refuse de remédier aux dysfonctionnements de certains conseils régionaux en adoptant un amendement qui supprime tout le titre III ? Tout le travail de la commission a été focalisé, selon vos propres termes, sur la question des seuils, donc du mode de scrutin, alors qu'elle admet que l'urgence n'aurait dû porter que sur le seul fonctionnement des conseils régionaux.
M. Paul Girod, rapporteur. On ne peut pas admettre des mesures anticonstitutionnelles.
M. Guy Allouche. Que de contradictions, monsieur le rapporteur ! Vous auriez dû proposer, en toute logique - si tant est que la logique et la politique aillent de pair...
M. Henri de Raincourt. Pas toujours !
M. Guy Allouche. ... vous auriez dû proposer, dis-je, des amendements qui suppriment tous les articles relatifs au mode de scrutin pour présenter des articles alternatifs relatifs au fonctionnement des conseils régionaux. Vous avez fait l'inverse : vous supprimez les articles concernant les dysfonctionnement et vous n'amendez que ceux qui visent le mode de scrutin. Voilà la contradiction ! Voilà l'incohérence et l'inconséquence de votre attitude ! Je ne pouvais pas ne pas vous le faire remarquer.
Vous avez avancé un autre argument, monsieur le rapporteur : « Le choix de la circonscription électorale contribue à une politisation accrue des élections », écrivez-vous. Mais cet argument consiste tout simplement à vouloir nier le rôle politique des conseils régionaux, au niveau tant de leurs acteurs que de leurs compétences. Qu'il s'agisse de listes régionales ou de listes régionales à sections départementales, pour reprendre votre proposition, elles sont toutes présentées par des formations politiques. S'il est une assemblée territoriale qui a une fonction éminemment politique...
M. Jean-Pierre Raffarin. Politique ne veut pas dire partisane ! (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Estier. Ça vous va bien !
M. Guy Allouche. Monsieur Raffarin, je ne m'attendais pas à ce que ce soit vous qui disiez cela !
Enfin, la critique des seuils est pour vous sans appel. Vous affirmez que le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale a changé de nature et que l'abaissement proposé faciliterait la représentation des extrêmes.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est vrai !
M. Guy Allouche. Mais, mes chers collègues, n'avez-vous pas encore remarqué que les extrêmes dont vous parlez sont déjà représentés dans les conseils régionaux et que leurs scores électoraux dépassent de très loin le seuil proposé ?
M. Henri de Raincourt. Hélas !
M. Henri de Richemont. Grâce à vous ! Vous avez tout fait pour !
M. Paul Girod, rapporteur. C'est bien pour cette raison qu'il faut le remonter !
M. Guy Allouche. Tiens, c'est bizarre... Nous n'avons pas changé le mode de scrutin ! Et c'est à cause de nous que les dysfonctionnements se produisent ! On veut le changer, et c'est encore à cause de nous que cela ne va pas marcher ! Dans tous les cas de figure, nous sommes coupables !
M. Henri de Richemont. Ben oui !
M. Guy Allouche. Ce n'est pas nous qui avons pactisé avec l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Henri de Richemont. Nous non plus !
M. Guy Allouche. Je ne mets pas tous les élus du RPR et de l'UDF dans le « même sac », si je puis dire !
M. Henri de Raincourt. Merci !
M. Guy Allouche. Parmi eux, je connais d'éminents républicains. Mais j'en connais d'autres qui n'hésitent pas et qui veulent continuer à pactiser avec l'extrême droite !
M. Henri de Richemont. Moi, j'en connais qui ont tout fait pour pousser l'extrême droite.
M. Guy Allouche. Depuis quarante-huit heures, certains de vos amis ouvrent les bras...
M. Dominique Leclerc. Assez d'hypocrisie.
M. Henri de Richemont. Avant 1981, il n'y avait pas d'extrême droite !
M. Guy Allouche. ... à une formation politique que j'exècre et que j'ai toujours combattue. Eux sont prêts à l'accepter comme si elle était blanchie.
En fait, le nouveau texte approfondit l'esprit de la réforme. Il s'agit d'un mode de scrutin proportionnel à deux tours, qui est désormais conforme à la tradition française où la diversité s'exprime avant que les rassemblements nécessaires à l'existence d'une majorité stable s'opèrent dans la clarté, la transparence. Ainsi, l'électeur peut choisir en connaissance de cause.
L'objectif que l'on cherche à atteindre par ce projet de loi est respecté : il s'agit de donner une meilleure légitimité aux régions, de garantir des majorités stables au sein des assemblées, tout en préservant la représentation des minorités, d'assurer une véritable lisibilité et une transparence pour le citoyen.
M. Henri de Richemont. Des mots !
M. Guy Allouche. En quoi l'assouplissement des seuils contredirait-il l'objectif de transparence ? C'est justement parce que tout sera clair pour le deuxième tour - soit le maintien, soit la fusion - que la transparence sera assurée sans attendre les manoeuvres, manoeuvres honteuses... (M. Dominique Leclerc s'esclaffe) connues de tous et que nous ne cesserons jamais de condamner.
N'est-ce pas le président du RPR, M. Philippe Séguin, qui, déplorant cette « honteuse exception française »...
M. Henri de Richemont. Les modes de scrutin ?
M. Guy Allouche. Il parlait des alliances.
M. Séguin a déclaré, voilà quelques jours, dans un hebdomadaire qui paraît le jeudi et qui ferait l'événement de ce jour...
M. Paul Girod, rapporteur. On se demande quel peut être cet hebdomadaire ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. Voilà le document ! Il est daté du 19 au 25 novembre 1998 ! (M. Allouche présente un document à ses collègues.)
Je vous cite le président Séguin.
M. Hubert Haenel. Bonne lecture !
M. Guy Allouche. « Un accord entre élus, ça ne peut se prendre que devant les électeurs. Donc avant l'élection. Si on le passe après, sans avoir prévenu préalablement, il y a tromperie sur la marchandise. » Sur ce point précis, M. Séguin parle d'or.
M. Henri de Richemont. Toujours !
M. Guy Allouche. Pour moi, sur ce point précis !
En quoi l'assouplissement des seuils affecterait-il le fonctionnement des conseils généraux, dès l'instant où une majorité stable s'est dégagée grâce à la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête ?
M. le rapporteur n'hésite pas à affirmer que le projet de loi dont le Sénat est saisi en nouvelle lecture apparaît comme une « machine de guerre » politique et électoraliste, susceptible de déboucher sur des compromissions, de favoriser les intérêts de la majorité de l'Assemblée nationale et de constituer un obstacle sérieux à l'alternance régionale. Voilà ce que vous écrivez, monsieur le rapporteur ! Rien de moins que cela !
Une réflexion approfondie vous aurait conduit à constater que, contrairement à ce que vous affirmez, en abaissant les seuils, le Gouvernement n'oblige personne - j'y insiste - et en tout cas pas les composantes de sa majorité, à s'unir au second tour. Il respecte leur autonomie de décision, puisqu'elles pourront se maintenir, ce qui ne permettra pas, éventuellement, à la gauche dite « plurielle » d'arriver en tête et de bénéficier de la prime lui assurant une majorité stable.
M. Henri de Richemont. C'est généreux ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. La parcellisation que vous redoutez est un « plus » démocratique à partir du moment où une majorité politique cohérente et stable s'est dégagée.
M. Henri de Richemont. Le tout, c'est de nous empêcher d'avoir la majorité !
M. Guy Allouche. Si la gauche se parcellise, la droite devrait s'en réjouir, elle dont nous savons tous, et depuis longtemps, qu'elle est parfaitement unie au sein de l'Alliance, dont les partenaires sont d'accord sur tout et en tous domaines, au point de ne jamais rien négocier.
Pour ce qui est des compromissions que vous craignez, certains de vos amis politiques n'ont pas attendu la réforme du mode de scrutin pour passer à l'acte. Votre région, monsieur le rapporteur - j'en suis désolé, et je suppose que vous le regrettez comme moi - est un triste exemple à cet égard. Nous verrons d'ailleurs ce que feront les élus du RPR, de l'UDF et de Démocratie libérale, dont la collusion avec le Front national est patente, lors des votes des budgets des conseils régionaux. Ce qui s'est passé en Languedoc-Roussillon n'est pas de très bon augure sur ce plan.
Si nous savons depuis longtemps que l'on ne combat pas l'extrême droite avec le code électoral, il est tout aussi évident que ce n'est pas en pactisant avec elle ou en reprenant ses thèses racistes et xénophobes qu'elle reculera.
Quant au mode de scrutin que vous proposez, et que je qualifierai une nouvelle fois d'« usine à gaz », il est complexe et peu lisible. J'en veux pour preuve la mixité du cadre électoral ; le fait qu'une liste minoritaire dans un département puisse néanmoins se voir attribuer la majorité des sièges ; l'instauration d'un double seuil pour le maintien au second tour, à savoir 5 % à l'échelon départemental et 10 % à l'échelon régional. C'est vraiment très difficile à comprendre, et j'avoue que je n'ai pas compris !
M. Henri de Richemont. Vous ?
M. Guy Allouche. Moi, je n'ai pas compris, mon cher collègue, et comme je pense être à l'image du Français moyen...
M. Henri de Richemont. Mais non ! (Sourires.)
M. Hubert Haenel. Vous êtes mieux que cela !
M. Paul Girod, rapporteur. Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Guy Allouche. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod, rapporteur. Je suis navré de devoir vous interrompre, monsieur Allouche, mais vous savez qu'en matière électorale les mathématiques sont une chose et les préoccupations politiciennes une autre.
Vous dites que vous n'avez pas compris. Je crains que vous n'ayez tout simplement pas trouvé la manoeuvre politique qu'il y avait derrière la fixation de certains seuils.
M. Guy Allouche. Non.
M. Paul Girod, rapporteur. En fait de manoeuvre, il y a la déclinaison d'un principe simple : on ne peut pas représenter le peuple si l'on ne représente rien ! Telle est la réalité ! En vérité, dans cette affaire, en tout cas au niveau du rapporteur - et je vous prie, monsieur Allouche, de m'en donner acte - il y a jamais eu de conception partisane du système des seuils. Ce système, tel qu'il est conçu, se veut le reflet de la représentativité républicaine.
Puisque vous avez cité ma région, je souhaite que vous me donniez acte d'autre chose : dans mon département, où la majorité a changé dans un canton pour sept suffrages, les choses se sont passées de manière telle que, même à l'échelon national, nous avons été salués comme étant des républicains conséquents. Je ne voudrais donc pas que quiconque lisant les débats qui se tiennent ce soir au Sénat puisse déduire des propos que vous avez tenus sur ma région quoi que ce soit concernant mon honneur. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le rapporteur, je vous en donne acte, bien entendu ! Pour le cas où j'aurais été mal compris, j'indique qu'en aucun cas vous ni vos amis dans votre département ne pouvez être mis en cause. Que les choses soient claires : j'ai parlé de certains de vos amis politiques dans votre région.
Le système que vous proposez est difficile à comprendre. Il y avait plus simple à proposer pour veiller à la juste représentation des départements. Nous aussi nous sommes soucieux de voir les départements bien représentés ! Vous auriez pu suggérer, par exemple, l'obligation pour chaque liste régionale de respecter le nombre de candidats affectés à chaque département. Il est impensable, en effet, qu'un département soit totalement absent d'une assemblée régionale ; il y va de l'intérêt politique et électoral de chaque liste. En réalité, votre système exprime la crainte de ceux qui sont atteints - j'emploierai un néologisme - de « départementalite aiguë », et qui voient d'un oeil sombre l'émergence croissante des régions.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Guy Allouche. Monsieur le rapporteur, vous qui reprochiez au Gouvernement, avec l'ensemble de la droite, de ne pas avoir engagé une large concertation en vue de définir un mode de scrutin acceptable par l'ensemble des formations politiques républicaines, puis-je vous demander avec qui vous vous êtes concerté ?
Vos amis de la majorité sénatoriale ont découvert, comme nous-mêmes en commission, votre proposition, et vous ne pouvez pas dire que vous avez été unanimement suivi par les vôtres !
M. Jean-Pierre Raffarin. Pourquoi ne serions-nous pas pluriels, nous aussi ? (Sourires.)
M. Guy Allouche. Certes, il est du rôle du rapporteur de formuler des propositions, mais, en la circonstance, vous nous avez sorti ce mode de scrutin comme un magicien sort une colombe de son chapeau !
M. Paul Girod, rapporteur. Cela prouve que j'ai quelque talent !
M. Hubert Haenel. Généralement, c'est un lapin que l'on sort du chapeau ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. Je préfère la colombe, monsieur Haenel, c'est plus symbolique, et c'est la paix !
En ce qui concerne le second volet du projet de loi, selon vous, l'institution du vote bloqué à l'article 21 serait contraire à la libre administration des collectivités territoriales, au motif qu'il dessaisit l'assemblée délibérante en matière de vote du budget.
Vous feignez de ne pas comprendre que cette procédure n'intervient qu'à l'issue d'un premier rejet du budget, donc après une première délibération. Le nouveau budget proposé par le président ne peut être modifié que par des amendements soutenus en première lecture et qui ne sont présentés qu'avec l'accord du bureau. Le président qui est élu par l'assemblée délibérante, je le rappelle, n'a donc pas un pouvoir absolu. Tout à l'heure, notre collègue Patrice Gélard a employé le terme de « dictateur », me semble-t-il, en parlant du président.
M. Paul Girod, rapporteur. Nous en parlerons lors de la discussion des articles, car ce n'est pas du tout cela ! C'est même le contraire !
M. Guy Allouche. Oui, nous en discuterons à l'occasion de l'examen dudit article.
M. Paul Girod, rapporteur. Il s'agit de l'ancienne loi !
M. Guy Allouche. Ce dispositif permet à la majorité sortie des urnes d'appliquer un budget qui est conforme aux engagements pris devant les électeurs.
Le système est équilibré. Un ultime recours est prévu : si une majorité absolue se dégage au sein de l'assemblée délibérante, elle a la possibilité de présenter un budget alternatif, avec un accord sur celui, ou celle, qui sera appelé à exercer la présidence.
Il ne suffit pas de se prononcer contre un budget. Encore faut-il être en mesure d'en proposer un autre qui recueille l'assentiment de la majorité absolue ! Il appartiendra alors au nouveau président d'assurer la bonne marche de l'assemblée régionale, le tout s'effectuant dans la clarté et la transparence grâce aux dispositions nouvelles.
Pour conclure mon propos, mes chers collègues, je dirai que le groupe socialiste, qui approuve non pas le texte issu des travaux de la commission des lois, mais le projet de loi, se félicite du fait que les conseils régionaux pourront disposer de moyens juridiques leur assurant un fonctionnement rationalisé.
La majorité sénatoriale, une fois encore, n'arrive pas à masquer ses divergences et ses incohérences, tant il est vrai que l'on ne peut, dans le même temps, dénoncer le malaise et les dysfonctionnements des conseils régionaux et plaider pour l'immobilisme en condamnant, notamment, l'urgence.
Le nouveau mode de scrutin régional, qui s'inspire largement du scrutin municipal, si décrié à l'époque et apprécié par tous aujourd'hui, adapté à la situation politique des régions, est parfaitement conforme à la tradition française. Il permettra l'expression des sensibilités politiques du pays, tout en dégageant une majorité stable. C'est ce compromis entre deux exigences démocratiques que nous approuvons. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Hubert Haenel. Allouche est un bon avocat !
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce soir est intéressant et important, car nous savons tous qu'à l'arrière-plan de cette discussion sur le mode de scrutin régional et sur le fonctionnement des conseils régionaux trois questions de principe se profilent.
La première concerne l'avenir de la collectivité régionale, son efficacité et la place qu'elle doit prendre dans le paysage institutionnel français.
La deuxième a trait à l'éternel débat sur le mode de scrutin le meilleur,...
M. Hubert Haenel. Les deux sont liées !
M. Daniel Hoeffel. ... et la tentation est grande, à ce propos, d'ouvrir le débat sur la justice et l'efficacité qui peuvent se dégager de tel ou tel mode de scrutin et sur la difficulté qu'il y a à concilier justice et efficacité.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les intervenants précédents et l'évocation, par certains d'entre eux, de modes de scrutin en vigueur dans d'autres pays européens. J'ajouterai à ce propos que chaque pays a sa mentalité et qu'à cette mentalité correspond une certaine conception des modes de scrutin. Il y a toujours quelque risque à vouloir transposer chez nous ce qui peut être valable à l'étranger compte tenu de notre mentalité latine quelque peu particulière.
M. Guy Allouche. Très juste !
M. Daniel Hoeffel. Par ailleurs, nous avons expérimenté en France, tout au long de nos républiques, quasiment tous les modes de scrutin possibles et imaginables. Nous avons même expérimenté, sous la IVe République, un mode de scrutin qui permettait aux candidats ayant recueilli le moins de voix d'être élus !
La troisième question de principe qui se profile derrière ce débat est celle du mode de fonctionnement des conseils régionaux et, d'une manière générale, de toute assemblée élue.
C'est dans ce contexte que nous abordons ce débat.
Je tiens à dire d'emblée qu'il convient d'exprimer notre reconnaissance au rapporteur de la commission des lois, M. Paul Girod.
M. Hubert Haenel. C'est vrai.
M. Daniel Hoeffel. Sur ces sujets ô combien délicats, qu'il est nécessaire de dépassionner au maximum - et nous avons pu constater, à travers les interventions que nous venons d'entendre, que cet exercice est difficile - il s'est livré à un travail sérieux, en ayant constamment la volonté d'être objectif et efficace. Vous ne serez donc pas surpris, monsieur le ministre, qu'après avoir exprimé, en première lecture, des positions quelque peu divergentes le groupe de l'Union centriste approuve aujourd'hui pleinement les conclusions qu'il a présentées.
En première lecture - j'y reviendrai rapidement car je ne veux pas prolonger inutilement ce débat - j'avais exprimé une double position.
En premier lieu, il me paraissait logique que la circonscription régionale soit la circonscription à l'intérieur de laquelle devaient se dérouler les élections régionales, tant il est vrai qu'il est toujours difficile d'expliquer à l'électeur de base que, pour l'élection régionale, c'est la circonscription départementale qui est choisie.
En second lieu, nous avions exprimé notre préférence pour un scrutin à un tour et nous vous avions mis en garde contre toutes les difficultés, toutes les sombres tractations et les manoeuvres complexes qui apparaissent nécessairement entre les deux tours d'une élection, quelle qu'elle soit.
Le choix de la circonscription régionale et d'un scrutin à un tour me paraissait être un gage d'efficacité et une garantie pour l'émergence de la collectivité régionale, à laquelle, personnellement, je crois profondément.
M. Auguste Cazalet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Cela ne signifie pas pour autant - je veux, d'emblée, rassurer M. le président de la commission des lois - qu'il convienne de jeter l'opprobre sur la collectivité départementale, à laquelle notre pays doit beaucoup...
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. ... et qui doit continuer à jouer son rôle.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Néanmoins, regardons l'avenir en face : l'émergence de la région est un phénomène inévitable, irréversible, et j'y crois.
M. Jean-Pierre Bel. Nous aussi !
M. Daniel Hoeffel. Tels sont les arguments qui étayaient notre position lors de la première lecture.
Mais nous en sommes, ce soir, à la nouvelle lecture et, je le répète, nous pensons que l'idéal est un objectif auquel il convient de ne jamais renoncer. Ce mode de scrutin idéal est encore lointain cependant il ne pourra être atteint que par étapes.
Je salue, à cet égard, les avancées positives qui ont été faites par notre rapporteur et qui vont incontestablement dans la bonne direction puisque, en l'occurrence, c'est la circonscription régionale qui est choisie dans son principe, les sections départementales étant néanmoins préservées. Ainsi, la circonscription régionale est reconnue mais elle s'accompagne d'une répartition équitable des sièges département par département. Concilier ces deux exigences était un exercice difficile. C'est donc un pas qui va dans la bonne direction.
L'autre élément du mode de scrutin régional - et nous pouvons le regretter, compte tenu des propos exprimés lors de la première lecture - c'est le maintien des deux tours. Mais, pour des raisons tout simplement réalistes, il fallait en passer par là. En effet, la représentation proportionnelle étant maintenue, tout le problème consistait à parvenir à une répartition juste des sièges, tout en évitant les excès d'une proportionnelle poussée à l'extrême. En effet, la proportionnelle n'est à la fois juste et efficace que dans la mesure où elle est encadrée et où l'on en évite les à-coups. Tel est l'objet de l'opportune proposition de la commission des lois.
En accordant une prime égale au quart des sièges à la liste arrivée en tête, la proposition s'inspire du mode de scrutin qui est en vigueur dans les grandes villes, tout en évitant le caractère pénalisant d'une prime trop forte, qui irait en fin de compte à l'encontre d'une répartition équitable des sièges.
En préconisant de maintenir à 5 % des suffrages exprimés le seuil permettant à une liste de fusionner avec une autre liste au deuxième tour, de fixer à 10 % le minimum pour le maintien d'une liste au deuxième tour et à 5 % le seuil permettant de participer à la répartition de sièges, M. le rapporteur évite les listes marginales et donc une dispersion de la représentation qui irait à l'encontre de l'objectif recherché. Compte tenu des progrès significatifs intervenus entre la première et la deuxième lecture, je suis persuadé que la commission et le Sénat contribueront à renforcer l'esprit régional et la collectivité régionale.
S'agissant du second volet du texte qui nous est soumis et qui concerne le fonctionnement des conseils régionaux, les choses me paraissent très claires : dès lors que le mode de scrutin permet de dégager une majorité, il est inutile de recourir à toute sorte d'artifices pour essayer de trouver des solutions aux dysfonctionnements.
Le mode de scrutin tel qu'il est présenté permet incontestablement, dans l'immense majorité des cas, de dégager spontanément une majorité. Dès lors, il est inutile de recourir à un vote bloqué, voire à l'adoption sans vote du budget de la région, ou de rendre publiques les réunions des commissions permanentes.
Nous sommes pour une région par adhésion et non pour une région par défaut.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Auguste Cazalet. C'est le bon sens !
M. Daniel Hoeffel. Voilà pourquoi il était nécessaire que, en toute clarté, la commission des lois et son rapporteur nous proposent de ne pas adopter toutes les dispositions concernant le fonctionnement des conseils régionaux. Cette seconde partie du texte tombera d'elle-même dès lors que nous nous serons efforcés, dans la première partie, de trouver une réponse claire pour le mode de scrutin.
M. Guy Allouche. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. C'est pourquoi, mes chers collègues, après mûre réflexion, après avoir lu attentivement les conclusions présentées par M. le rapporteur, après avoir écouté les prises de position en faveur de ce texte ou contre celui-ci, nous soutiendrons, en toute objectivité et d'une manière dépassionnée, les conclusions de la commission des lois du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) 5

NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales et la commission des finances ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Auguste Cazalet membre de la commission centrale de classement des débits de tabac ;
- MM. Joël Bourdin et Louis Boyer membres titulaires, MM. Roger Lagorsse et Jacques Machet membres suppléants du conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
Au sein de cet organisme extraparlementaire, je proclame en outre M. Joël Bourdin membre titulaire et M. Roger Lagorsse membre suppléant de la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Mes chers collègues, M. le ministre m'ayant fait part d'un impératif, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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CONSEILS RÉGIONAUX

Suite de la discussion d'un projet de loi
en nouvelle lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, devant cette assemblée composée de gens avertis, je donnerai mon sentiment sur le texte qui nous est présenté. Je dirai sur le ton de la confidence, monsieur le ministre, que nous allons pouvoir échanger quelques vérités. Cela ne fait de mal à personne que de dire franchement ce que l'on pense, et je m'efforcerai donc de le faire avec sincérité.
Il y a beaucoup à dire sur les régions, et l'on n'a guère réfléchi sur leur fonctionnement, sur le passé, sur le petit miracle quotidien qui permettait que l'on assumât la continuité des budgets et des programmes malgré les majorités relatives issues d'un scrutin à la proportionnelle intégrale.
Il y a tant à dire sur le comportement de ces majorités relatives qui les portèrent à bout de bras pendant dix ans que je suis, ce soir, confondu devant la faiblesse du texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale et triste de voir ravalé un tel débat au rang d'une médiocre opération où le cynisme et l'hypocrisie affleurent.
Le discours lui-même est désinvolte et malhabile ; il est insupportable pour ceux qui croient à la sincérité des échanges et qui n'admettent pas que l'on prenne l'opposition pour un rassemblement de personnes qui ne comprennent pas ou qui sont un peu demeurées.
Certes, chacun sait qu'aucun gouvernement ne propose innocemment une réforme électorale : il ne s'agit pas, quand on réforme la loi électorale - et cela vaut pour tous les gouvernements - de renforcer le camp de ses adversaires ! Certes, la loi électorale a toujours été l'instrument du pouvoir en place ; mais, jusqu'ici, les gouvernements y mettaient les formes. Certains ministres de l'intérieur assortissaient même le découpage qu'ils proposaient de telles précautions que certains de leurs adversaires, certains élus de l'opposition d'alors y trouvaient leur compte et une aisance nouvelle.
Aujourd'hui on ne peut pas dire, chers collègues, que le Gouvernement mette des gants pour tenter de faire tomber dans la corbeille socialiste la quasi-totalité des régions françaises lors de la prochaine consultation !
Je vous l'avoue, je suis étonné de cette méthode qui relève plus de la stratégie guerrière que des concertations tant prônées et du système dans lequel nous avons eu les uns et les autres l'habitude de nous mouvoir.
Je sais la gauche plurielle tellement attentive au message moral qu'elle veut transmettre dans une démocratie transparente que je suis un peu étonné de trouver dans ce texte des mesures relevant plus du bétonnage d'un pouvoir peu assuré de sa pérennité que des leçons de civisme généreusement distribuées dans les discours destinés à l'information générale de l'opinion !
Pourquoi ne pas dire que les dispositions qui nous viennent de l'Assemblée nationale révèlent une désinvolture qui frise l'insolence ? Si le Gouvernement devait cautionner définitivement une telle méthode, qu'il n'a d'ailleurs pas approuvée dans son intégralité - je vous en donne acte, monsieur le ministre - ainsi que de telles propositions, il apporterait une preuve du peu de considération qu'il porte à l'expression du suffrage.
Dans la démocratie - vous le savez très bien - l'expression la plus parfaite du suffrage tient dans la loi du nombre. Les Britanniques l'ont bien compris qui, en un tour, font émerger le meilleur, c'est-à-dire celui qui a le plus de voix.
Nous avions au moins la chance, dans le statut régional, qu'il n'y ait qu'un tour. Et un certain souci de clarté, semble-t-il, comme le dit excellemment notre collègue Guy Allouche, nous a conduits à retrouver pour ce scrutin les vertus des deux tours, sans doute parce que le deuxième tour favorise les mariages de raison et les rapprochements d'opportunité. Soit ! Mais pourquoi faut-il ajouter à ces considérations qui entrent dans notre jeu démocratique cette dose de cynisme qui conduit à favoriser la multiplication des appétits pour ensuite se mieux répartir les plats ?
M. Auguste Cazalet. Bravo !
M. Paul Masson. Orienter le suffrage en sollicitant l'arithmétique électorale afin de fabriquer des majorités minoritaires laisse toujours des traces. Rappelez-vous, monsieur le ministre, les apparentements dont parlait tout à l'heure notre éminent collègue Daniel Hoeffel, apparentements qui étaient chers aux majorités de la IVe République. Il s'agissait alors de restreindre, à gauche comme à droite, l'influence de certains courants populaires qui dérangeaient les pouvoirs installés. Il s'agissait aussi de conforter ces vieux partis qui rassemblaient, dans le pluriel de leurs intérêts, leurs forces affaiblies pour partager les moyens d'un pouvoir immobile.
On arrivait alors à proclamer élus des battus du suffrage universel : merveilleuse alchimie qui laissait le peuple pantois, pantois jusqu'à l'écoeurement.
Vous savez ce qu'il advint de ce système. Il y eut déjà, alors, l'émergence d'un extrémisme dur, qui contestait le fondement républicain de notre démocratie ; il y eut, finalement, l'effondrement du système dans l'impuissance et le discrédit.
D'abord, pouquoi l'urgence sur un texte qui n'en comporte aucune, puisque l'élection prochaine aura lieu dans six ans ? N'allez pas nous dire que le système qui a été inventé il y a dix mois empêche les exécutifs locaux de fonctionner !
Certes, le budget d'une région - une région que je connais bien, monsieur le ministre - a été établi par le préfet. Mais chacun sait que la censure de la chambre régionale des comptes, dont cette majorité nouvelle fit les frais, est due à une mauvaise utilisation du texte et à une maladresse de l'exécutif.
Le Gouvernement est-il donc si pressé de redresser un texte à peine vieux de dix mois et de bétonner encore, à cette occasion, le dispositif resserré dans lequel il enferme et sa majorité et ses oppositions ?
Sur cette affaire, le Gouvernement aurait pu laisser entre les deux assemblées une fructueuse concertation s'instaurer. Il aurait fallu pour cela qu'il n'y ait pas l'urgence, et je suis certain que nous serions arrivés alors à un accord : nous sommes habitués à ce genre d'exercice et nous avons donné, dans le passé, des dizaines de preuves du bien-fondé de cette procédure. Pourquoi ne pas l'avoir utilisée ?
Pourquoi avoir voulu renforcer ce que l'on appelle le « 49-3 », qui n'est pas conforme, M. le rapporteur le dit excellemment depuis longtemps, aux principes régissant les collectivités, des collectivités qui, vous l'avez rappelé et je me dois de le faire à mon tour, sont librement administrées par des conseils élus ? Le Conseil constitutionnel aura d'ailleurs, à un moment ou à un autre, à dire si vraiment cet article 49-3 est compatible avec la libre expression des conseils élus par le suffrage universel.
Fallait-il, neuf mois après, renforcer ce dispositif, le bétonner un peu plus par un article 21 qui permet d'imposer non seulement le budget mais aussi deux collectifs à l'assemblée ?
Le pouvoir régional en place se sentirait-il si fragile ? Craignez-vous, dans les années à venir, que tous ces courants de pensée divergents ne risquent, à la fin, de s'écarter du gros de la troupe - tout du moins une de ses composantes - parce qu'il faudra bien, à un moment ou à un autre, que les exécutifs gèrent, qu'ils parlent des programmes, des projets, des plans, qu'ils sortent de la logomachie pour en arriver aux faits ?
Les citoyens des régions n'ont pas élu leur majorité pour entendre des discours et il faudra bien, à un moment ou à un autre, parler réalité ! Est-ce à ce moment-là que certains craignent de voir s'écarter du troupeau tel ou tel de ceux qui se sont rassemblés à un moment déterminé pour s'emparer du pouvoir ?
Faut-il donc qu'il y ait un dispositif resserré pour rester dans ce pouvoir et le consolider ? Faudra-t-il, par le jeu de « 49-3 » à répétition, que soient gelées à l'avenir toutes les positions pour éviter la libre expression des votes ?
Comment ont fait, pendant dix ans, les majorités relatives issues de cette loi à la proportionnelle qui n'a pas été modifiée depuis que le Président de la République d'alors, François Mitterrand, l'a imposée en 1986 ?
N'ont-elles pas accepté, ces majorités relatives d'alors, les alliances d'un soir contre elles, les votes de circonstance où Front national, socialistes et communistes ont mêlé leurs voix ? (M. le ministre proteste.)
Si, monsieur le ministre ! Je vous vois faire des signes de dénégation muette, mais je vous précise qu'à vingt-deux reprises - je les ai inventoriées ! -, dans la région Centre, socialistes, communistes et Front national ont mêlé leurs voix pour battre la majorité relative, qui n'en a pas fait pour cela un drame et qui n'a pas rempli les journaux de ses protestations ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Henri de Richemont. Il a raison !
M. Paul Masson. Il faut dire les choses honnêtement !
Je ne suis pas flatté d'avoir à révéler ce qui paraît être une surprise pour vous, et vous pourrez vérifier. Mais j'aurais préféré que ce constat vint de ceux qui passent aujourd'hui tant d'heures à la télévision pour dénoncer ces alliances hypocrites ou contre nature...
C'est vrai, nous avons accepté d'être battus par des votes de rencontre, mais nous en avons fait notre affaire et nous avons mis sur le métier d'autres procédures, nous avons joué le jeu. C'était difficile, c'était ingrat, mais il n'y avait pas là matière à bouleverser un système et à imposer finalement à la majorité et à l'opposition un corset sous lequel, effectivement, il n'y a plus rien d'autre à faire sauf à admettre que, pendant six ans, il n'y aura plus de vraie expression de la libre volonté de la gestion des collectivités par elles-mêmes.
Je crois qu'il faut réformer la loi électorale, je crois qu'il faut corriger les effets de la proportionnelle intégrale qui a été voulue par un gouvernement socialiste. Il faut trouver des majorités vraies pour donner aux régions à la fois leurs assises et leur vocation.
Mais l'Assemblée nationale a « bricolé » un dispositif cynique et dont les effets attendus n'honorent pas ceux qui le préconisent. Ce projet est partisan. Ce projet accentue le fossé entre l'électeur et l'élu.
M. Henri de Richemont. C'est très vrai !
M. Paul Masson. En abaissant de 5 % à 3 % le seuil d'admission à la répartition des sièges, et de 10 % à 5 % le seuil d'accès au deuxième tour, votre majorité n'a eu d'autre objectif que de multiplier l'apparition de listes sectorielles et de favoriser au deuxième tour les triangulaires, voire les quadrangulaires.
Le Gouvernement a laissé faire cette manipulation.
Chacun comprend que, derrière cette astuce, il y a le souci de fournir à vos partenaires le ciment du pouvoir. Pour obtenir un siège régional, il faudra demain adhérer à cette « société à responsabilité limitée » qui regroupera les contraires. L'essentiel sera de se trouver autour de la table.
Vous aurez rassemblé ainsi ceux qui veulent les routes et ceux qui veulent les trains, ceux qui espèrent réguler les fleuves et ceux qui les aiment sauvages. Pour quelques sièges, vous aurez donné des voix à certains défenseurs des produits du terroir ou encore, pourquoi pas, aux indépendantistes marginaux de nos provinces frontières.
Peu importe le contenu, pourvu qu'on ait le flacon !
Mais prenez garde : six ans, en politique, c'est long ! Sur votre chemin, vous aurez aussi, monsieur le ministre, je vous le dis, vos catégoriels. J'en vois, à la veille de ces fêtes, quelques-uns qui se préparent et qui pourraient sans doute, en exploitant les veines inépuisables du populisme, provoquer dans vos rangs quelques surprises.
Cependant, en tout état de cause, vous aurez réussi à multiplier les triangulaires, fidèle en cela à l'héritage de M. François Mitterrand. Vous poursuivrez ainsi vos rapports ambigus avec le Front national.
M. Henri de Richemont. Bravo !
M. Paul Masson. Vous savez que 71 triangulaires au deuxième tour des élections législatives de 1997 vous ont permis d'obtenir la majorité des sièges à l'Assemblée nationale, et donc le gouvernement.
Vous voulez reproduire et amplifier, aux prochaines élections régionales, cette situation qui vous a si bien servis. Pourquoi ne pas le dire dans la sérénité de ce débat de ce soir, votre majorité a fait, en cette matière, la preuve - je le répète - de son incroyable cynisme en creusant ainsi le lit de l'extrême droite.
Cela ne l'empêche pas de proposer à la minorité nationale ce qu'elle appelle « l'arc républicain » lors de chaque confrontation avec le Front national.
Vous multipliez - et il est là, votre cynisme - les occasions pour le Front de s'affirmer dans toutes les élections et vous lancez, comme M. Hollande l'a encore proposé il y a quelques jours, des appels au RPR ou à l'UDF pour que nos élus votent avec la gauche afin de repousser les budgets de quatre régions où la droite et le Front national votent ensemble.
M. Hollande déclare que nous « blessons la République ». Mais qui blesse la République,...
M. Henri de Richemont. Eux !
M. Paul Masson. ... sinon ceux qui multiplient les occasions pour le Front d'être représentatif et qui diversifient son influence même là où il recueille peu de voix ?
Vous aurez alors dans chaque conseil régional des frontistes, et vous aurez ensuite dans les conseils d'administration des lycées des chahuts organisés par ceux qui protestent contre leur présence.
Il y a, derrière ce texte, un calcul : vous spéculez sur les tentations locales de rapprochement entre la droite républicaine et le Front à l'occasion des prochaines élections. Vous maintenez ainsi le Front en position d'arbitre, tout cela en proclamant qu'il faut réduire son impact.
L'Assemblée nationale avait une excellente occasion de prouver la sincérité de vos déclarations et de vos intentions.
En agissant à l'inverse de vos déclarations, vous laissez une fois de plus se dévoiler votre stratégie.
Ainsi se met en place un système dans lequel tout pouvoir sera à gauche, parce que vous savez notre attachement à l'expression républicaine de notre démocratie et que vous spéculez bien sur cette division, que vous voulez longue, certaine, appuyée, de ceux qui ne votent pas à gauche.
Eparpiller les voix, favoriser les compromis autour du pouvoir, pérenniser l'extrême droite, tout cela n'a d'autre finalité que de rendre plus difficile le combat électoral de demain. Vous fabriquez des ressentiments. On ne peut pas tromper tous les électeurs tout le temps !
J'ajoute que votre projet creuse inutilement le fossé entre l'électeur et l'élu. Vous prévoyez une circonscription électorale agrandie, vous veillez à séparer les conseils généraux et les conseils régionaux. Je crois que vous normalisez les excès auxquels vous nous proposez d'adhérer.
Quand vous aurez fait la démonstration de cette hypocrisie, vous aurez, je crois, réussi clairement à montrer à l'opinion les limites de votre sincérité.
Je n'impute pas au Gouvernement la totalité de ces excès ; les propositions initiales du projet de loi étaient différentes. Vous avez émis des réserves sur certaines des dispositions qu'il contient. Si vous ne voulez pas que ce texte passe à la postérité comme une machine de guerre montée contre la démocratie authentique, il vous est encore possible de faire revenir votre majorité à des pourcentages plus proches de l'objectivité.
La concertation, la recherche permanente des grands compromis, ceux qui rassemblent les démocrates sincères, sont, je crois, un des fondements de la politique que M. le Premier ministre exprime à de nombreuses occasions. Il y a là, monsieur le ministre, une belle occasion de prouver cette volonté gouvernementale en dehors des mots. Il vous reste encore la chance du retour à l'Assemblée nationale de ce texte après le refus qui y sera opposé par la majorité du Sénat, et il vous restera une occasion de retrouver une relative mesure dans l'excès auquel nous sommes confrontés.
Je vous prie, monsieur le ministre, de saisir cette occasion. Nous serons peut-être plus convaincus de la véracité des déclarations du Gouvernement lorsqu'il convie à la concertation. Ce texte, c'est le contraire de la concertation. C'est imposer une volonté cassante, brutale, désinvolte, à une minorité nationale, qui a toute sa place dans le débat et qui ne comprend pas qu'on veuille ainsi la marginaliser, la cantonner dans un rôle de prête-nom et dans un dispositif statique.
Lorsque M. le président de la République déclarait à Rennes la semaine dernière : « La démocratie n'a plus de sens quand l'imbrication des pouvoirs rend impossible l'identification des responsables... Les Français aspirent à plus de visibilité. Ils veulent savoir où sont prises les décisions qui les concernent, comment sont dépensés les prélèvements dont ils s'acquittent. Ils veulent savoir à qui demander des comptes. »
Dans le système qui est proposé, et qui risque de s'imposer pendant six ans dans les régions, les Français y verront encore moins clair, les cartes seront encore un peu plus brouillées, les pouvoirs seront plus lointains et anonymes. Les régions n'auront pour le peuple qu'une signification technocratique. Les appareils politiques distribueront les fauteuils aux militants les plus engagés.
Bref, cette loi intrinsèquement perverse aura à cet égard les effets tant redoutés d'une opinion qui se détache de la démocratie, de notre République, et qui ne considérera pas que son devoir de citoyen est de faire un choix lorsqu'il y a une élection. L'abstention s'accroîtra, avec tout ce qu'elle porte en elle de menaces pour l'avenir.
Monsieur le ministre, tout n'est pas encore joué. Il vous reste, à l'Assemblée nationale, à imposer à votre majorité - si vous le voulez - plus de modération dans la prise du pouvoir régional.
Un réflexe de sagesse, de mesure, de pondération vous conduira à ne pas laisser le Gouvernement s'enferrer dans des choix partiaux et sectaires que pourrait vous imposer votre majorité plurielle.
Demain, nous tirerons la leçon de ce que nous aurons à mesurer dans les jours qui viennent. L'urgence nous frappe dans son injuste privilège qui conduit l'Assemblée nationale à éviter d'ébaucher les contours d'une négociation avec le Sénat. Si, par surcroît, le Gouvernement couvrait de son accord la partialité des pourcentages, je crois qu'alors nous aurions compris qu'entre les mots et les faits il y a, pour le Gouvernement comme pour sa majorité, le fossé considérable qui sépare l'apparence de la réalité.
Nous voterons contre ce projet de loi, monsieur le ministre, nous voterons pour le rapport, et j'en profite, mes chers collègues, pour remercier ici notre collègue Paul Girod de la persévérance avec laquelle il a porté, depuis des mois, ce dossier pénible, insupportable et même désagréable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il devait en l'état acquérir force de loi, le texte gouvernemental tendant à la modification du scrutin pour l'élection des conseillers régionaux amènerait inévitablement une forte régression de la représentation des parties de territoires régionaux moins peuplées que les grands centres urbains. Chacune et chacun ici l'admettra, je pense. Je constate d'ailleurs que tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune et qui ont évoqué la question n'ont pas démenti cette évidence.
C'est précisément pour remédier à ce grave inconvénient que le rapporteur de la commission des lois, auquel je tiens à rendre hommage, pour la qualité du travail accompli, a bâti une proposition fondée sur l'idée de sections départementales.
Je souhaite évidemment que cette proposition devienne loi, mais, si tel n'était pas le cas, alors, en Rhône-Alpes, par exemple, le déséquilibre entre, d'une part, des secteurs périphériques tels les deux départements savoyards et, d'autre part, les grandes agglomérations de Lyon, de Saint-Etienne ou de Grenoble serait aggravé.
Comme l'a fort justement annoncé tout à l'heure M. le rapporteur, Rhône-Alpes serait l'une de ces circonscriptions où votre réforme, monsieur le ministre, aurait les plus profondes répercussions sur la cohésion régionale.
Le déséquilibre que je viens d'évoquer entre grandes agglomérations et départements périphériques est, hélas, dans l'ordre des choses dans cette région Rhône-Alpes, qui, par son étendue et la diversité de ses territoires, ne permet pas autant que nous le voudrions la prise en compte des problèmes spécifiques d'une région frontalière et montagneuse.
Faut-il le rappeler, l'engagement comme la qualité du travail des élus des deux départements pour la région ne sont, bien évidemment, pas en cause ?
On avait bien pressenti ce déséquilibre dès l'origine puisque, en 1972, l'opportunité de créer une région Savoie avait été envisagée.
L'Entente régionale, qui associe les conseils généraux des deux départements, s'est prononcée favorablement, au cours de la réunion de son conseil d'administration du 23 juin 1997, sur la nécessité de créer une région dans le cas où les conseillers régionaux seraient élus dans le cadre d'une circonscription régionale unique.
Ce lundi 23 novembre, le conseil général de la Haute-Savoie - au sein duquel j'ai l'honneur de siéger - a pris position pour que, en cas de changement de mode de scrutin, et dès lors que la représentation de ce département ne serait plus suffisamment assurée en Rhône-Alpes, soit ouvert un débat sur l'opportunité de créer une région Savoie.
Je voudrais, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, répondre à la Haute Assemblée, comme aux membres du Gouvernement, qui pourraient légitimement s'interroger sur la pertinence de ce redécoupage régional.
A l'origine, la Haute-Savoie a accepté d'être intégrée dans le vaste ensemble rhônalpin - qui ne correspond à aucune logique historique, culturelle ou économique - parce que sa représentation y était assurée.
Tel ne sera, hélas, pas le cas demain si le Parlement adopte la réforme gouvernementale.
Aujourd'hui, les départements savoyards comptent un peu plus d'un million d'habitants, c'est-à-dire plus que la Corse et le Limousin, et autant que la Franche-Comté, autre région frontalière, dont le découpage respecte, lui, les réalités historiques et géographiques. J'ajoute qu'une région Savoie compterait autant de départements que la région Alsace ou la région Nord - Pas-de-Calais.
A ceux qui objecteront que nos régions doivent atteindre une dimension minimum, qui soit, comme l'on dit, « à l'échelle européenne », je répondrai que les régions françaises, quelle que soit leur taille, ne peuvent être comparées à celles des Etats fédéraux voisins, car, précisément, leurs compétences respectives ne sont pas comparables ; j'ajouterai que notre pays n'a jamais choisi entre grandes et petites régions et que, enfin, la Sarre, Brême, le Val d'Aoste, le Trentin et le Frioul sont moins peuplés que les deux départements savoyards réunis.
Ceux-ci éprouvent précisément le besoin de développer des partenariats avec les régions italiennes du Piémont et du Val d'Aoste, ainsi qu'avec les cantons suisses, partenariats nécessaires pour surmonter les handicaps liés aux particularismes de la montagne, comme pour gérer les échanges transfrontaliers et les spécificités touristiques et agricoles, environnementales, universitaires et culturelles de cette région alpine.
Or, à l'évidence, Rhône-Alpes, dont le centre de gravité est à Lyon,...
M. Michel Mercier. Ça, c'est vrai !
M. Jean-Paul Amoudry. ... dont les objectifs sont orientés sur le rayonnement européen de cette grande métropole et dont les yeux sont tournés vers la Catalogne, la Lombardie ou encore le Bade-Wurtemberg, n'a pas naturellement vocation à encourager ces partenariats de voisinage.
L'amendement déposé par nos collègues députés savoyards et haut-savoyards tendant à créer une région Savoie n'a pu être examiné en raison d'une interprétation stricte de l'article 40 de la Constitution ; le Parlement se voit du même coup, sur un tel sujet, privé non seulement de la possibilité de légiférer sur l'organisation administrative du pays, mais encore de la simple faculté d'ouvrir le débat sur cette question !
Il appartient dès lors au Gouvernement de prendre l'initiative, ce que, monsieur le ministre, j'ai l'honneur de vous demander, en vous priant, si le texte sénatorial n'était pas adopté, de bien vouloir engager la procédure de consultation préalable au redécoupage régional en Rhône-Alpes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai pris connaissance des interventions qui ont été prononcées cet après-midi et j'ai écouté attentivement celles de ce soir.
En premier lieu, je voudrais répondre à M. Gélard pour lui indiquer que, si le Gouvernement a déclaré l'urgence, le débat est entamé devant le Parlement depuis le mois de juin dernier ; si l'Assemblée nationale n'a pu examiner les propositions du Sénat, ce n'est pas de son fait, ni le fait du Gouvernement.
Il ne m'appartient pas de juger de l'opportunité de la question préalable que le Sénat a choisi d'adopter, alors que la commission des lois du Sénat avait pourtant beaucoup travaillé sur ce texte. Mais le Gouvernement n'est pas comptable du choix arrêté alors par le Sénat.
M. Patrice Gélard. Si !
M. Paul Masson. Il est comptable de l'urgence !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Vous avez évoqué la question des seuils retenus par l'Assemblée nationale pour le mode de scrutin.
M. Hoeffel, se rapportant à la grande tradition du droit électoral, rappelait qu'il faut toujours concilier la justice et l'efficacité. L'efficacité sera atteinte par la prime majoritaire, qui permettra de définir des majorités de gestion.
A partir de là, l'Assemblée nationale a estimé qu'une plus grande latitude était permise pour faire place à la justice dans la représentation des suffrages. Il n'est pas choquant à mes yeux que le Parlement ait le dernier mot en matière de mode de scrutin.
M. Hoeffel a également soutenu le principe proposé par M. le rapporteur du Sénat de listes régionales avec sections départementales. Je ne puis que rappeler la grande complexité du système proposé. De plus, il aboutirait à permettre à des listes minoritaires en voix de devenir, dans tel département, majoritaires en sièges.
M. Henri de Raincourt. Comme à Marseille, aux dernières municipales !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. L'objectif poursuivi, à savoir la représentation de tous les départements, y compris de ceux dont la population est faible, sera atteint tout simplement parce que les élections se gagnent souvent en fonction de la valeur ajoutée marginale.
Faisons confiance aux formations politiques pour constituer des listes équilibrées. Sinon, la sanction du suffrage universel serait rapide, n'en doutons pas.
L'Assemblée nationale a souhaité faire une application anticipée de la réforme constitutionnelle portant sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.
Il me semble qu'après le débat national sur cette question et l'évolution des esprits, après le vote en première lecture par l'Assemblée nationale de la réforme constitutionnelle, les choses ne seront plus comme elles étaient en 1982.
Enfin, l'opportunité de définir une procédure dérogatoire budgétaire a été contestée.
Observez à ce propos le nombre de conseils régionaux ne disposant que d'une majorité relative.
M. Paul Masson. Ce n'est pas nouveau !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. L'expérience montre que la loi du 7 mars 1998 n'est pas totalement satisfaisante. Tirons-en les leçons ! Ce ne serait l'intérêt de personne que de laisser fragiliser les régions.
Cette procédure écrite, précisée, mieux définie est nécessaire et urgente.
Je vous ai enfin entendu, monsieur Masson, dans un propos assez « musclé », parler d'insolence, de cynisme. Cela me conduit quand même à vous rappeler qu'un texte, selon vous plus acceptable, a été rejeté d'un simple revers de la main par la majorité du Sénat. Pourtant, la question des seuils que vous évoquez n'était point posée dans les mêmes termes.
Par ailleurs, vous évoquez l'hypothèse d'un accord possible entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
M. Paul Masson. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Masson, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Paul Masson. Monsieur le ministre, vous refaites l'histoire récente et vous nous dites : « Si vous avez ces pourcentages qui vous paraissent insupportables, vous ne le devez qu'à vous ! »
Monsieur le ministre, dois-je rappeler que la loi qui nous préoccupe, et qui vous amène à constater que les exécutifs régionaux sont fragiles, est issue d'une majorité socialiste.
Pourquoi dire aujourd'hui : « Vous avez ce que vous méritez ? » alors que, pendant dix ans, nous nous sommes acharnés à faire fonctionner un système difficile et que, vous constatez aujourd'hui, parce que vous venez de prendre possession de deux ou trois exécutifs supplémentaires, que ce qui était possible du temps de la majorité d'alors devient radicalement impossible du temps où la gauche s'empare du pouvoir.
Est-ce une prémonition, monsieur le ministre, ou bien simplement une absence de mémoire ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je ne vais ni dialoguer, ni polémiquer.
Certes, le mode de scrutin, non pas de 1983, mais de 1985, qui a instauré la proportionnelle intégrale départementale, dans une situation politique qui n'était pas tout à fait la même que celle que nous vivons aujourd'hui...
M. Paul Masson. Ah bon ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Messieurs les sénateurs, je n'en veux pour preuve que le fait que les problèmes qui se posent aujourd'hui ne se posaient pas alors, y compris quand vos amis dirigeaient - je ne dis pas « possédaient » parce que nous sommes en République - l'intégralité des exécutifs régionaux.
Je me permets d'ajouter, monsieur Masson, que la majorité précédente, que vous étiez censé soutenir, a essayé de changer le mode de scrutin et qu'elle n'est même pas parvenue à dégager, en son sein, un accord pour le faire. Je rappelle aussi que ce n'est pas si ancien !
Qu'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur ce sujet n'ait pas été possible à l'époque, que votre majorité de l'époque n'ait pas pu trouver les voies et moyens pour changer un mode de scrutin qu'elle contestait, fournit, je pense, la démonstration que, dans ces matières, les accords ne sont pas simples à trouver.
Je veux aussi répondre, vraiment sans aucun esprit polémique, à un autre de vos propos qui étaient tout de même, sinon musclés, comme je le disais tout à l'heure, tout au moins francs. Il n'y a jamais eu collusion entre la gauche et l'extrême droite.
M. Auguste Cazalet. Allons ! A d'autres !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. ... pour faire élire un président de gauche contre une majorité relative de droite. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Et M. Soisson ?
M. Henri de Richemont. Ce n'est pas vrai !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Aux dernières élections régionales, la gauche n'a pas présenté de candidat à la présidence d'une région quand la droite avait la majorité relative.
M. Michel Duffour. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. La réciproque ne fut pas vérifiée, à tel point que certains de vos amis ont dû courageusement, notamment dans la région Centre, démissionner, quand d'autres se sont égarés et disqualifiés définitivement dans quatre régions.
M. Guy Allouche. Monsieur le ministre, il faut souligner le courage de notre collègue M. Humbert, qui a fait ce qu'il fallait. (M. Bret applaudit.)
M. Jean-François Humbert. Merci.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Effectivement, dans la région Franche-Comté, la gauche ne s'est pas compromise, elle, avec l'extrême droite...
Je remercie maintenant MM. Duffour et Allouche d'avoir souligné qu'il y a intérêt à trouver des solutions pour que la loi soit plus précise et mieux écrite. Je leur sais gré du soutien qu'ils apportent au projet de loi.
Des régions gouvernables, des majorités de gestion clairement dessinées, la juste représentation des courants politiques... tel est le seul objet de la réforme du mode de scrutin. Et, en attendant qu'il prévale, un mécanisme simple permettra d'adopter les budgets dans les conseils régionaux en difficulté. De tout cela ne peut sortir qu'un renforcement de la démocratie et des régions. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Au nom du groupe du RPR, je demande une suspension de séance d'une dizaine de minutes, en raison de certains propos que vient de tenir M. le ministre.
M. le président. Le Sénat va faire droit à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, pendant la suspension de séance, nous avons examiné la déclaration qu'a faite M. le ministre.
Cette déclaration est inquiétante pour plusieurs raisons.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Patrice Gélard. D'abord, c'est la première fois qu'un ministre se permet délibérément d'affirmer que l'on peut passer outre à l'Etat de droit et à la supériorité de la Constitution. (Protestations sur les travées socialistes.)
C'est la première fois qu'un ministre estime que le texte constitutionnel tel qu'il est examiné par l'Assemblée nationale est d'ores et déjà définitif. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
C'est la première fois qu'un ministre se permet de passer ainsi outre aux droits du Sénat en matière de révision constitutionnelle, tels qu'ils sont prévus par l'article 89 de la Constitution, et qu'il estime que le texte constitutionnel passe après la volonté politique du Gouvernement !
Je trouve que ce comportement n'est pas conforme à l'Etat de droit. Il n'est pas conforme à notre démocratie. Il n'est pas conforme aux règles de la souveraineté nationale. Il n'est tout simplement pas conforme à la tradition républicaine !
M. Paul Masson. Très bien !
M. Patrice Gélard. En conséquence, je demande que le ministre retire ce qu'il a dit tout à l'heure, sinon je ferai maintenir l'intégralité de ma déclaration au procès-verbal. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Mon cher collègue, votre déclaration figurera de toute façon au Journal officiel.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU MODE D'ÉLECTION
DES CONSEILLERS RÉGIONAUX ET DES CONSEILLERS
À L'ASSEMBLÉE DE CORSE

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Au premier alinéa de l'article L. 336 du code électoral, les mots : "pour six ans" sont remplacés par les mots : "pour cinq ans". »
Sur l'article, la parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Un empêchement majeur ne m'a pas permis d'être parmi vous tout à l'heure. J'ai néanmoins suivi les propos du ministre et je voudrais faire part de mon grand étonnement devant l'attitude qui nous a été exposée tout à l'heure, s'agissant notamment de l'article 1er.
Monsieur le ministre, on nous dit qu'on veut renforcer les régions, que celles-ci correspondent à un échelon de décision important pour régler les problèmes qui sont posés au pays. M. le Président de la République l'a confirmé dans un excellent discours, à Rennes, un discours fort, donc qui a été entendu.
Partout se développe dans l'idée selon laquelle la région est finalement au coeur d'un partenariat important, notamment en matière de contractualisation.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. La région va donc être, avec les départements, les communautés de communes, l'Etat, l'Europe, un acteur majeur de la contractualisation jusqu'en 2006.
Au moment où l'on allonge la période de travail fixée par cet acte majeur pour l'action régionale qu'est le contrat de plan, on réduirait la responsabilité des élus en ne leur accordant qu'un mandat de cinq ans ?
Aujourd'hui, dans une région française moyenne, savez-vous, monsieur le ministre, que la contractualisation représente pratiquement 40 % du budget annuel si l'on prend en compte et l'Etat et la région ? Comment voulez-vous que, pour un acte majeur de la sorte, les élus engagent leur responsabilité sur cinq ans pour un travail planifié sur six ou sept ans ?
Il faut choisir ! Si vous laissez des mandats régionaux de six ans, alignez les contrats sur la même période, ou réduisez les deux à cinq ans. Mais vous ne pouvez pas ne pas harmoniser cet acte majeur pour une collectivité que constitue la contractualisation avec la durée des mandats ! Sinon, je me pose la question : dans ce projet de loi, la volonté du Gouvernement de renforcer l'échelon régional est-elle sincère ? J'ai vraiment le sentiment que tel n'est pas le cas. D'un côté, il dit « oui » à la région, mais, de l'autre côté, il la fragilise en n'accordant pas aux élus un mandat leur permettant d'assumer leur responsabilité première qui est celle de la contractualisation. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois. Notre collègue Raffarin vient de dire, avec toute son expérience de président de région et de président de l'Assemblée des présidents de conseils régionaux, à quel point il était incohérent d'avoir deux timing - excusez-moi pour l'anglicisme - disons deux cadences...
M. Jacques Legendre. Oui, c'est mieux !
M. Paul Girod. ... différentes pour la durée du mandat et pour celle de la contractualisation.
Il sait mieux que personne ce qu'est la réalité de la vie d'un président de région, qui a à préparer, à contractualiser, à exécuter et, en plus, à surveiller que l'Etat tient sa parole par rapport aux engagements financiers qu'il a pris ce qui n'est pas toujours le cas !
Pour être honnête, quel que soit le gouvernement, il arrive que des dérapages se produisent ici ou là et que, par suite d'ennuis, les contrats de plan s'exécutent moins vite qu'on ne l'aurait voulu. En tout cas, au moins faut-il qu'il y ait un minimum d'harmonie entre la durée du mandat et celle des contrats.
Ce premier aspect des choses relativise la seconde partie du texte ! Quand nous aborderons cette dernière, nous devrons garder à l'esprit qu'une grande partie, voire l'essentiel des budgets régionaux est tenue par des engagements pluriannuels, certains vis-à-vis de l'Etat, d'autres vis-à-vis des collectivités locales.
Je prie M. Allouche de m'excuser, mais en réalité il n'y a non pas un seul texte, mais deux textes. La commission des lois a d'ailleurs dû adopter deux approches différentes pour traiter la partie relative aux élections et celle qui concerne le fonctionnement.
M. Allouche a dit que puisque nous rejetions le volet traitant des élections, c'est sur celui-ci que devaient porter nos amendements de suppression, et qu'il convenait, en revanche, d'améliorer la partie du texte relative au fonctionnement. Or cette dernière a déjà été améliorée, et nous avons admis d'entrer dans le débat sur la partie relative aux élections, mais pas n'importe comment. Ce n'est pas la même chose !
J'en viens maintenant à l'affaire des mandats. En réalité, nous voyons bien que celle-ci découle d'une déclaration qui, si je ne m'abuse, est la déclaration de politique générale faite un certain jour de 1997 et qui a lancé ce slogan : « On va réduire la durée de tous les mandats à cinq ans. » Pas si simple !
Pour l'Assemblée nationale, c'est déjà fait, puisque le mandat est de cinq ans au plus, tout le monde le sait. Pour les conseils municipaux, c'est six ans. Pour les conseils généraux, c'est six ans. Pour les conseils régionaux, c'est six ans. Pour le Sénat, c'est neuf ans.
M. Henri de Raincourt. Neuf ans, c'est court ! (Sourires.)
M. Paul Girod, rapporteur. Pour la présidence de la République, c'est sept ans. Vous ne pouvez pas toucher comme cela au mandat présidentiel.
Alors vous commencez par les régions. Très bien, mais ne vaudrait-il pas mieux ouvrir un débat de fond sur ce qu'est la démocratie locale, voire la démocratie tout court ? On pourrait éventuellement moderniser, peut-être s'adapter aux contraintes du monde moderne, qui va plus vite qu'autrefois.
Autrefois, c'est vrai, entre le moment où le canon de 75 a été conçu et le moment où il est arrivé dans nos arsenaux, il s'est écoulé un temps plus long que celui qui a séparé la conception du Rafale de sa mise sur le marché. D'accord !
Mais, tout de même, ne vaut-il pas mieux - d'autant que cela ne s'appliquera qu'à partir de 2004, et pour les seuls conseils régionaux élus à cette période - attendre pour ouvrir un débat général sur la durée des mandats locaux, voire sur la durée de la totalité des mandats, plutôt qu'agir au détour d'une loi, avec un article 1er tombant, là, comme un cheveu sur la soupe ? Est-il vraiment utile d'ouvrir le débat du raccourcissement de la durée du seul mandat des conseillers régionaux à cinq ans ? Je ne le pense pas, pour les raisons d'opportunité, de technique et de bonne gestion qu'a rappelées M. Raffarin et aussi pour des raisons tenant à l'organisation générale de notre démocratie auxquelles je viens de faire allusion.
Telle est la raison de l'amendement de la commission des lois, qui recommande au Sénat de ne pas accepter cette réduction ciblée et ponctuelle de la durée d'un seul mandat local.
M. Michel Mercier. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je voudrais dire, d'abord, que la cohérence entre la contractualisation et la durée du mandat n'est pas un élément déterminant, puisque les contrats de plan ne commencent pas au début des mandats des conseillers régionaux en raison, notamment, du décalage introduit par le gouvernement précédent.
M. Jean-Pierre Raffarin. Décalage que vous avez confirmé !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. De toute façon, il y aura un débat sur l'aménagement du territoire et, à cette occasion, ce point pourra être évoqué.
J'en viens à l'amendement n° 4.
Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, M. le Premier ministre a fait de l'harmonisation des mandats électifs sur une base de cinq ans un élément clé de la modernisation de notre démocratie.
Cette périodicité qui prévaut pour les mandats de députés et de représentants au Parlement européen est généralement considérée comme la plus satisfaisante s'agissant d'un mandat d'une assemblée délibérante. Elle correspond en outre à ce qui se passe dans la plupart des autres pays démocratiques.
D'autres réformes compléteront celle que le Gouvernement vous soumet afin d'harmoniser la durée des différents mandats et de permettre le regroupement de plusieurs scrutins le même jour.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 4.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Le dernier argument de M. le ministre me laisse pantois parce que si, actuellement, le mandat est de six ans, c'est justement pour permettre le regroupement des scrutins le même jour.
Nous venons d'ailleurs de sortir d'une expérience dans laquelle les conseils généraux ont, pour moitié, été renouvelés le même jour que les conseils régionaux. Dans trois ans viendront les municipales, avec la deuxième partie des conseils généraux et, dans six ans, les conseils régionaux, avec la première partie des conseils généraux. Le regroupement est déjà amorcé. Avec le système à cinq ans, on casse le regroupement. Dès lors, je ne comprends plus, monsieur le ministre, sauf à ouvrir un débat d'ensemble sur la réduction de l'ensemble des mandats locaux. Or ce n'est pas le cas.
L'argument qui consiste à dire que l'abaissement à cinq ans permet la coïncidence me laisse un peu perplexe, dans la mesure où il me semble me rappeler qu'entre le chiffre cinq et le chiffre six il y a une différence de un, et, en l'espèce, cela fait douze mois.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne puis laisser passer un argument avancé par M. le ministre qui consisterait à dire que le gouvernement précédent aurait commis une erreur. D'ailleurs, on voit aujourd'hui que la décision qu'il a prise a eu des répercussions positives pour les finances publiques. De toute façon, cela ne légitime en aucune manière de passer de six ans à cinq ans, et ce, notamment, monsieur le ministre, sur un plan très précis : je veux parler du partenariat entre la région, le département, instance évidemment essentielle, qui, comme l'a dit récemment M. le Président de la République, a tout son avenir,...
M. Henri de Raincourt. Il avait raison !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... les communes, et notamment les communautés de communes.
Il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, qu'à l'heure actuelle, se développent de nombreuses contractualisations de pays sous des formes diverses, contractualisations qui portent souvent sur trois ans, ce qui permet, pendant la durée d'un mandat, d'en mettre en oeuvre deux.
Ainsi, au regard de ce travail avec les départements, avec les villes, avec la région, tout le monde étant sur des rythmes de six ans, le rythme de trois ans est un rythme suffisamment long pour être stratégique et suffisamment court pour être opérationnel.
Ce rythme des contrats infra-régionaux de trois ans est donc très important. Si l'on réduit le mandat régional à cinq ans, on rend le système bancal.
Si tout devait être aligné sur cinq ans, si les contrats, eux aussi, devaient être noués pour cinq ans, pourquoi pas ? Mais, alors, pourquoi commencer par la collectivité territoriale qui a un rôle de coordination en matière d'aménagement du territoire, car, dès lors qu'elle joue ce rôle, ses politiques imposent leur rythme aux autres.
Par conséquent, gardons ce rythme de six ans, qui permet une contractualisation infra-régionale de trois ans.
Pour toutes ces raisons, j'approuve entièrement l'amendement n° 4 présenté par notre rapporteur.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. La France détient le record du pays où l'on vote le plus souvent, en raison des élections municipales, cantonales, régionales, européennes, nationales, présidentielles et, accessoirement, référendaires.
Certes, dans certains pays, la durée des mandats est plus courte, mais il y a moins d'élections.
En ce qui me concerne, je suis l'auteur d'une proposition de loi qui vise à décaler les élections, car organiser des élections le même jour est un mauvais système, qui aboutit à la confusion entre différents scrutins qui n'ont rien en commun.
C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas que l'on ait voulu ramener la durée du mandat de six ans à cinq ans. A moins que ce ne soit dans une volonté politicienne. Il n'y a, en effet, aucun fondement logique à vouloir modifier la durée actuelle des mandats.
M. Raffarin l'a bien démontré, il n'y aura plus de synchronisation avec le contrat de plan Etat-région, ni avec la contractualisation qui lie les départements, les régions, les communes ou les collectivités de communes.
C'est la raison pour laquelle je me rallie, naturellement, à l'amendement n° 4 de la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Notre démocratie a besoin de lisibilité et de stabilité, et toute modification apportée à la durée des mandats me paraît de nature à égarer nos concitoyens. Je crois, en effet, que c'est troubler les esprits que de raccourcir ainsi la durée des mandats.
Je voudrais dire également combien j'ai été peiné d'entendre M. le ministre mettre en cause l'allongement des contrats de plan. Je rappelle qu'en 1993, à l'occasion de l'alternance, le gouvernement nouvellement désigné s'est trouvé dans l'obligation d'assumer le legs empoisonné laissé par le gouvernement socialiste, qui avait tout à la fois signé l'accord de Maastricht engageant la France à entrer dans l'union économique et monétaire et à abaisser son déficit en deçà de 3 % du PIB et abandonné le pouvoir avec un déficit de 6 %. Il fallait rendre possible le passage à la monnaie unique dans des conditions extrêmement délicates.
C'est du fait de cette gestion qui avait réhabilité la dépense publique, laissé « filer » le déficit tout en prônant le franc fort, que les gouvernements Balladur et Juppé ont été dans l'obligation d'allonger la durée d'exécution des contrats de plan, et ce dans des circonstances particulièrement douloureuses.
Je pense que, si la croissance a été aussi vive en 1997 et 1998, c'est parce que les gouvernements précédents ont eu cette sagesse.
En tout cas, aucun motif ne saurait justifier la remise en cause de la durée des mandats des conseillers régionaux. S'il s'agit d'une généralisation de cette durée à cinq ans, monsieur le ministre, puis-je vous demander si c'est l'annonce d'une remise en cause du mode d'élection des conseillers régionaux ?
Un sénateur sur les travées des Républicains et Indépendants. Et des maires !
M. Jean Arthuis. Les conseils régionaux se renouvellent par moitié. Est-il envisageable de fractionner cette période de cinq ans en deux ? J'aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce point particulier.
Pour ma part, je voterai, bien sûr, l'amendement n° 4 de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je sais bien qu'il y a une thèse selon laquelle, pour commencer à avoir fait quelque chose, il faut avoir tout fait ; c'est dans l'air du temps. Il en est une autre, plus modeste, qui veut que pour faire quelque chose, il faut commencer par quelque chose.
Le Gouvernement a souhaité que la durée du mandat des conseillers régionaux soit ramenée de six ans à cinq ans, ce qui ne préjuge pas la durée d'autres mandats,...
M. Henri de Richemont. Cela n'a aucun sens alors !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. ... même si, je le répète, le Premier ministre s'est exprimé dans le sens d'une harmonisation générale. Cette idée doit être poursuivie pour les mandats des assemblées délibérantes ; je vous le confirme.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explications de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je suis favorable à l'amendement n° 4, parce que je crois justement qu'il est risqué de vouloir commencer par faire quelque chose, alors que nous sommes dans un domaine où une très grande cohérence est indispensable. Cette cohérence me paraît nécessaire sur deux plans : d'une part, en ce qui concerne les collectivités territoriales et, d'autre part, à propos des contrats de plan Etat-régions.
Nous sommes à la veille, en raison d'initiatives du Gouvernement, de grands débats sur l'aménagement du territoire, sur l'intercommunalité, qui risquent de remettre en cause un certain nombre de structures existant actuellement. Il me paraît nécessaire de ne pas risquer d'aborder un thème comme celui de la durée des mandats électoraux sans connaître le contexte général des réformes qui sont devant nous parce que rien ne serait plus préjudiciable que de préjuger un certain nombre d'orientations.
J'en viens au second point, celui des contrats.
Quelqu'un évoquait tout à l'heure la liaison qu'il convenait de faire entre la durée des mandats des conseillers régionaux et la durée des contrats de plan Etat-régions.
Nous abordons là un domaine infiniment plus complexe. Il faudrait plutôt harmoniser la durée des fonds structurels européens, la durée des contrats Etat-régions, la durée des contrats de villes, la durée des contrats de pays.
Plusieurs sénateurs de l'Union centriste. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Je crains qu'en partant en ordre dispersé nous n'en arrivions à créer une situation anarchique.
Donc, pour le moment, voyons venir les différentes réformes et, au vu d'un contexte stabilisé, nous aurons encore le temps d'aborder l'éventuel harmonisation des mandats électoraux. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le ministre, vous avez dit à l'instant : « Il faut commencer par faire quelque chose. » D'où mon appel à la prudence ! En effet, nous connaissons bien le raisonnement qui consiste à dire : vous avez accepté cela, donc il faut accepter le reste après. C'est un paquet cadeau complet !
Il s'agit d'une affaire trop sérieuse ; l'harmonisation des mandats locaux est quelque chose d'important.
Inscrire, au détour d'une disposition de détail sur un texte particulier, une mesure qu'on nous opposera après pour nous en faire accepter d'autres, c'est un peu excessif ! (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé.

Demande de réserve



M. Paul Girod,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de l'article 2 jusqu'après l'examen de l'article 3.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Elle est logique : favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 338 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 338. - Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque liste.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »
Sur l'article, la parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révision du mode d'élection des conseillers régionaux tient à la nécessité de permettre aux assemblées régionales de disposer d'une majorité stable - je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point - d'où le projet d'attribuer à la liste qui recueille soit la majorité absolue au premier tour, soit le plus grand nombre de voix au second tour, un nombre de sièges supplémentaires que l'on appelle communément « la prime », égale au quart du nombre de sièges à pourvoir. Ce dispositif s'inspire du mode d'élection des conseillers municipaux.
Dans les régions, nous constatons volontiers de réelles difficultés pour réunir une majorité, mais nous relevons aussi des obstacles à la mise en oeuvre de ce qu'il est convenu d'appeler le pacte républicain.
Or les dispositions proposées dans le texte que nous examinons ce soir - et, plus particulièrement, dans l'article 3 - ne préservent pas des effets souvent dénoncés lors de triangulaires ou de quadrangulaires dans le cadre de l'organisation d'un scrutin à deux tours.
L'abaissement de 10 à 5 % du seuil d'accès au deuxième tour suscite plutôt l'émergence de listes susceptibles de représenter des extrêmes et tend à favoriser ces triangulaires ou ces quadrangulaires. Si ces dernières possèdent des vertus, eh bien ! il faut les reconnaître et il faut le dire.
A contrario, il est malvenu d'en condamner les effets pervers et de tout mettre en oeuvre pour en favoriser, pour en multiplier les occasions. La morale républicaine n'y trouve pas son compte.
En bonne logique, plutôt que d'abaisser le taux de 10 %, il serait plus radical de l'appliquer au nombre d'électeurs inscrits, de préférence à celui des suffrages exprimés.
L'exigence nécessaire à cet égard pourrait même consister à n'admettre au second tour que la présentation des deux listes arrivées en tête au premier tour. Après tout, les considérations qui prévalent pour le mode d'élection du Président de la République conservent toute leur valeur pour d'autres consultations électorales.
Dans un scrutin de liste comme celui des élections régionales, les électeurs expriment leur préférence politique. Au second tour, ils ont à désigner une équipe dirigeante.
La répartition des sièges à la proportionnelle, d'après les résultats du premier tour, pourrait ouvrir le champ à une stricte restriction du nombre de listes admises à participer au second tour.
Nous devons prendre conscience de l'enjeu.
La révision d'un mode d'élection ne doit pas être enfermée dans des pratiques obsolètes.
Tout en favorisant la plus large représentation démocratique, nous devons, à tout prix, nous opposer à ce qui peut concourir à déformer la réalité politique de la nation et à travestir la volonté du corps électoral. Or, compte tenu des conditions dans lesquelles nous sommes amenés à procéder à cette révision du mode de scrutin, nous ne pouvons qu'être réservés sur les conséquences qui en découleront pour la composition des prochaines assemblées régionales.
Telles sont les réserves que je tenais à exprimer. Je crois, en effet, que nous sommes engagés dans une voie que nous regretterons de voir se développer. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rejoins l'essentiel des propos qu'a tenus Serge Franchis ; il a parlé avec beaucoup de bon sens de ces questions.
Monsieur le ministre, l'article 3 est au coeur du débat. Je regrette vraiment qu'une concertation n'ait pas eu lieu sur ce sujet. Quand je pense que M. le Premier ministre, sur un texte comme celui-ci, a invité à Matignon les huits présidents de régions socialistes, excluant les autres, y compris les républicains ! Il nous demande de montrer que nous ne sommes pas liés au Front national, que nous sommes vraiment engagés pour défendre des idées républicaines, ce qui est le cas...
M. Jean Arthuis. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... et, quand il s'agit de se concerter, il n'invite que les membres de son parti ! S'il nous avait écoutés, il n'aurait pas commis les erreurs qui figurent dans cet article 3 !
Tout d'abord, s'agissant du mode de scrutin à deux tours, j'indique en préalable que j'approuve tout à fait les positions de la commission des lois, ainsi que les propos de M. le rapporteur. A ce stade de la discussion, nous n'en sommes plus à essayer de construire le mode de scrutin le plus efficace, le plus juste et le plus républicain. Il s'agit de placer l'Assemblée nationale devant le choix le plus clair possible.
Cette idée des deux tours, monsieur le ministre, démontre le manque de sincérité du Gouvernement sur le sujet.
M. Serge Franchis. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Il n'existe pas, dans le monde entier, de scrutin à la proportionnelle à deux tours, en dehors du scrutin municipal français. De deux choses l'une : ou bien l'on choisit un scrutin majoritaire, et là les deux tours sont nécessaires, ou bien l'on choisit un scrutin proportionnel, et un seul tour suffit. Le choix d'instaurer un scrutin proportionnel à deux tours est une manoeuvre.
M. Henri de Raincourt. Et voilà !
M. Michel Mercier. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin. Dans le discours de Rennes, le chef de l'Etat a exprimé une crainte eu égard à des arrière-pensées des auteurs de ce projet de loi au manque de sincérité de ce texte. M. Giscard-d'Estaing, dans un article important paru dans Le Monde, parlait d'immoralité. Cela devrait vous inviter à la réflexion, mes chers collègues !
Comment accepter aujourd'hui cette idée d'un scrutin à deux tours ? Elle est véritablement la marque d'un manque de sincérité du Gouvernement, donc, je le répète d'une manoeuvre.
Vous faites référence aux municipales ! Si cela est exact, monsieur le ministre, retenez au moins les seuils des municipales...
M. Henri de Raincourt. Eh bien voilà !
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... mais n'allez pas chercher ce seuil de 3 %, qui est fondamentalement révoltant. Pour quelqu'un qui est attaché à la vie régionale, il est inadmissible de donner des responsabilités à des ultra-minoritaires.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Croyez-vous que ce type de décision soit respectable ?
Je sais qu'aujourd'hui, dans la République citoyenne, on peut être ministre avec 6 ou 7 % des voix. Est-ce en faisant en sorte que quelqu'un qui pèse 3 % de voix puisse avoir accès à la représentation que nous amènerons le peuple à avoir confiance dans ses édiles, à respecter ses élus ? Est-ce cela la crédibilité du politique ?
Et on s'étonnera, après, que les jeunes sous-estiment, voire méprisent la fonction publique. A 3 % est-on démocratiquement crédible ?
M. Robert Bret. Oh !
M. Jean-Pierre Raffarin. Peut-on aujourd'hui, avec 3 % des voix - je le dis comme je le pense ! - jouer les rôles de charnière en permanence et sur tous les sujets ? On l'a vu encore aujourd'hui à propos d'une décision importante : M. le Premier ministre, des heures durant, s'est enfermé dans son cabinet pour le dossier des laboratoires souterrains pour les déchets nucléaires. Ces décisions sont stratégiques pour le pays ! Il est obligé de composer et d'arriver à une conclusion qui ne correspond pas à la loi Bataille, simplement parce que, à un moment ou à un autre, au lieu d'opérer des choix stratégiques dans l'intérêt du pays, on procède à des dosages politiques en donnant aux ultra-minoritaires des pouvoirs qu'ils n'ont pas gagnés dans les urnes.
Je suis vraiment révolté par le seuil de 3 % et la répartition qui figurent à l'article 3 !
Monsieur le ministre, il y a beaucoup de choses à dire sur ce scrutin à deux tours. J'approuve la position de la commission des lois, car il me paraît essentiel de retenir le texte qu'elle nous propose aujourd'hui. Mais, en fait, ces deux tours sont, je le répète, l'expression d'un manque de sincérité.
J'ai été, pendant dix années, le plus jeune des présidents de région. Faut-il vraiment donner à penser que la jeunesse doit prévaloir sur l'expérience ? Très franchement, prévoir dans cet article 3 que la moyenne d'âge la moins élevée doit être privilégiée est une erreur. J'ai renouvelé mes listes, et c'est sans doute ce qui m'a permis de gagner les élections régionales en Poitou-Charentes, mais je vois aujourd'hui que, suite à ce renouvellement, nous sommes souvent confrontés à un manque d'expérience face aux complexités de la vie publique et des responsabilités des élus.
La nouveauté doit-elle toujours être privilégiée ?
M. Guy Allouche. Le temps de parole sur un article est limité à cinq minutes, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Raffarin. J'en ai terminé, monsieur Allouche.
M. le président. C'est moi qui préside et qui décompte les temps de parole, monsieur Allouche !
M. Jean-Pierre Raffarin. En conclusion, nous sommes, bien sûr, pour l'expression de la jeunesse. Nous sommes bien sûr, favorables à la rénovation des institutions et à une plus large ouverture à la jeunesse des assemblées. Mais faut-il vraiment donner à l'inexpérience la prime sur l'expérience ? L'article 3 est particulièrement décevant sur ce point.
C'est la raison pour laquelle cet article me paraît le plus néfaste du projet de loi, et je le combattrai donc lors de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. On a voulu comparer le mode de scrutin proposé dans ce projet de loi au scrutin municipal. Or il n'y a rien de comparable ! Le mode de scrutin municipal est un scrutin intéressant : on l'a souligné tout à l'heure, il est unique en son genre dans notre pays, parce que, au second tour, il n'y a que deux listes en présence, exceptionnellement trois.
De même, il s'agit d'un scrutin unique, parce que les fusions de listes sont elles-mêmes exceptionnelles. En effet, il n'y a pratiquement que très peu de fusions entre le premier et le second tour, ce qui oblige les formations politiques qui se présentent aux élections municipales à faire preuve de maturité et à consentir un effort préalable, d'abord parce qu'il y a des seuils, ensuite parce qu'à l'échelon municipal il y a une personnalisation des listes autour du nom du futur maire.
Or rien de tel n'est prévu dans le scrutin régional que l'on nous propose.
Tout d'abord, il n'y a pas la prime de 50 % des sièges qui existe pour le conseil municipal : la prime est seulement du quart, soit 25 %. Comme l'a magnifiquement démontré notre rapporteur, nous pourrons, même avec cette prime, voir des formations minoritaires siéger au sein du conseil régional.
En outre, l'abaissement des seuils va permettre toutes les magouilles, en particulier celle, bien connue, qui consiste à faire se présenter une liste dissidente à la liste la plus dangereuse pour vous-même. Ainsi, on va créer une pseudo liste de gauche, une pseudo liste de Verts ou une pseudo liste d'extrême gauche qui va voler quelques voix à l'adversaire le plus important. Le système qui consiste à abaisser le seuil à 3 % incitera, naturellement, toutes les formations des plus folkloriques aux plus douteuses, à présenter des candidats.
En d'autres termes, nous sommes en face du plus mauvais exemple de mode de scrutin que l'on puisse trouver, surtout en raison de l'abaissement des seuils : il ne permet pas d'aboutir au résultat que vous-même, monsieur le ministre, avez fixé dès le départ, c'est-à-dire à une majorité stable à l'échelon local. Vous avez donc fait tout le contraire de ce qu'il fallait faire !
La commission des lois a essayé de remédier à ces difficultés, notamment avec le mode de scrutin à un seul tour. Elle a tenté de corriger les seuils aberrants fixés par l'Assemblée nationale, lesquels relèvent purement et simplement de la démagogie ou du calcul politique, mais absolument pas de l'efficacité régionale.
Enfin, je conclurai mon intervention en reprenant les propos tenus tout à l'heure par M. Raffarin. Le principe du privilège de l'âge remonte au tout début de la démocratie. Il prévalait déjà dans la Grèce antique ; il a été repris tout au long de l'histoire de la démocratie à laquelle il est indissolublement lié. Il figurait même dans nos constitutions révolutionnaires. Or il ne joue que dans certains cas en début de session ou à la marge.
A titre d'exemple, en Haute-Normandie, M. Laurent Fabius a été battu par M. Antoine Rufenacht à la présidence de région au bénéfice de l'âge. Je ne porterai pas de jugement sur M. Laurent Fabius, que j'apprécie tout particulièrement ; mais j'estime qu'il était plus normal, en l'espèce, que le plus âgé devienne président de la région. Il fallait, comme l'a souligné M. Raffarin tout à l'heure, un homme d'expérience à la tête de celle-ci.
En d'autres termes, cette proposition n'a pour objet que de toucher quelques électeurs indécis, que, de toute façon, vous ne rallierez pas - cela me fait penser au caramel que l'on tend à un gamin - cela ne va pas plus loin.
En fin de compte, je me demande si cette mesure n'est pas d'ordre constitutionnel et si elle ne relève pas des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, puisque les constitutions l'ont toutes admise dans le passé. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. L'article 3 se situe effectivement au coeur du dispositif proposé par le Gouvernement. Je veux rendre hommage à M. Gélard, qui vient de formuler une observation qui doit retenir toute notre attention car nous ne sommes pas à l'abri, si ce texte scélérat (Murmures sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen) devait être voté, d'un recours constitutionnel.
Nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par la stabilité des majorités dans les conseils régionaux. Or il est regrettable que vous ayez cru devoir rester ancré dans une logique proportionnelle. Pour ma part, je déplore que vous n'ayez pas cru devoir nous proposer un dispositif qui a permis de dégager des majorités stables. La démonstration en a été faite dans les conseils généraux, comme à l'Assemblée nationale : je veux parler du scrutin uninominal à deux tours.
C'est pourquoi, tout en reconnaissant le bien-fondé de l'amendement n° 6, j'aurais souhaité entendre le Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Par amendement n° 6, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral :
« Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région, par section départementale au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes régionales comportant des sections portant la même appellation dans chacun des départements de la région et présentant autant de candidats par département que de sièges à pourvoir dans le département, sans adjonction, ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Après avoir écouté les différents intervenants et compte tenu du fait que nous allons décortiquer l'article 3 puisqu'il comporte des dispositions très diverses, il me revient à l'esprit une chanson qui a été célèbre en son temps et qui commençait par les mots : « Je suis une bande de jeunes à moi tout seul ».
L'article 3 est une révolution culturelle à lui tout seul car il introduit de manière incidente et plus ou moins discrète toute une série de dispositions nouvelles et fort importantes dans notre vie publique. Il constitue, en quelque sorte, une loi électorale à lui tout seul.
Par amendement n° 6, la commission des lois accepte l'idée de la circonscription régionale tout en essayant d'en éviter certains inconvénients. Parmi ceux-ci, il en est un qui découle tout simplement de l'observation des chiffres, et j'en citerai deux concernant la région Midi-Pyrénées.
Il n'est pas possible d'aménager le territoire, rôle éminent des régions, sans se préoccuper des départements, si reculés soient-ils. Au recensement de 1990, le département de l'Ariège, par exemple, comptait 136 455 habitants et la ville de Toulouse 650 336 habitants, soit cinq fois plus...
M. Jean-Pierre Bel. Non ! il n'y en a pas 400 000 !
M. Paul Girod, rapporteur. Je parlais de l'agglomération toulousaine.
M. Michel Duffour. Si les chiffres ne sont pas bons...
M. Paul Girod, rapporteur. Il n'en demeure pas moins qu'une seule agglomération représente cinq départements. A qui fera-t-on croire qu'une liste, dont la clientèle électorale est, de surcroît, généralement locale, tiendra équitablement compte, dans sa composition, de telles disparités ? Elle mettra bien évidemment le maximum de candidats connus dans le secteur qu'elle recouvre.
Par ailleurs, le scrutin de liste sans rattachement des candidats à un département aboutit à une liste, en région parisienne, de 209 personnes et, en Rhône-Alpes, d'environ 150 personnes.
Imaginons un seul instant l'effarement de l'électeur de Brie-Comte-Robert - excusez-moi, monsieur le président de la commission, j'ai pris au hasard l'exemple de votre département.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il est très effaré !
M. Paul Girod, rapporteur. Cela tombe bien ! Je ne le savais pas, mais je le soupçonnais.
Imaginez donc l'effarement de l'électeur de Brie-Comte-Robert à qui sera soumise une liste de 209 personnes. Il lui faudra une loupe car les noms seront nécessairement écrits tout petit, sinon le bulletin n'entrera pas dans l'urne, pour retrouver les noms de personnalités qu'il pourrait éventuellement connaître et en qui il pourrait avoir confiance pour défendre le secteur dans lequel il vit. Il y a donc là un abus.
D'ailleurs, entre nous, le même problème se pose pour les élections européennes mais les pouvoirs de décision du Parlement européen n'ont rien à voir avec ceux d'un conseil régional. En conséquence, la retombée locale des décisions qui seront prises n'est pas du tout la même.
Il faudrait donc que les candidats soient identifiés par département et que celui-ci soit convenablement représenté.
Monsieur le ministre, vous avez employé tout à l'heure un argument qui m'a beaucoup surpris. Vous vous rendez compte, m'avez-vous dit, avec la section départementale, une liste minoritaire dans un département sera majoritaire en sièges dans le même département. Mais, avec votre système, c'est bien pire. Une liste qui aura obtenu un nombre réduit de suffrages dans un département risque de se retrouver majoritairement avec des représentants d'une tendance qu'elle a rejetée, issue du même département, tout simplement parce que ces candidats auront été placés dans la liste régionale et qu'ils auront été choisis par hasard.
L'argument que vous avez employé tout à l'heure peut être retourné avec une telle facilité que je n'ose même pas croire que vous aviez pensé aux contre-batteries possibles. C'est la raison pour laquelle la commission des lois, qui accepte, ce qui n'est pas si simple dans cette assemblée, l'idée d'un scrutin régional, affirme que celui-ci ne peut être mis en oeuvre sans un minimum d'attache départementale des candidats.
Tel est l'objet de l'amendement n° 6, que j'ai l'honneur de présenter au nom de la commission des lois en souhaitant que le Sénat, dans sa sagesse, l'adopte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Le mode de scrutin proposé par la commission des lois n'est pas dépourvu d'avantages. (Exclamations sur les travées de l'Union centriste.) Attendez la suite ! Il concilie en effet l'organisation de l'élection dans le cadre départemental et l'attribution d'une prime en sièges à l'échelon régional. Il assure une majorité régionale sans couper l'électeur du cadre départemental qui lui est, c'est vrai, familier. Il évite aussi d'avoir à prévoir un dispositif particulier pour rattacher ultérieurement les conseillers régionaux à chaque collège électoral sénatorial dans le département de la région.
Toutefois, le Gouvernement, qui avait étudié ce mode de scrutin, ne l'a en définitive pas retenu pour un certain nombre de raisons. Il lui apparaît très compliqué et serait sans doute mal compris de l'électeur...
M. Serge Franchis. Pal mal compris du tout !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. ... avec les effets négatifs qui peuvent en résulter sur la participation.
Dans certaines régions, composées de départements politiquement hétérogènes, il aurait pour conséquence qu'une liste minoritaire dans un département pourrait néanmoins s'y voir attribuer la majorité des sièges. En ce domaine, tout se retourne donc...
M. Guy Allouche. Tout est réversible !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Effectivement !
Vous avez évoqué tout à l'heure les élections européennes. Le Gouvernement avait justement formulé une proposition. Or les groupes appartenant à la majorité sénatoriale, ainsi d'ailleurs que certains à l'Assemblée nationale...
M. Jean Arthuis. La gauche plurielle !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. ... ne m'avaient pas semblé enthousiastes sur ce point. Comme quoi, tout se retourne !
Bref, la distorsion existant entre les sièges attribués par l'effet de la prime et les résultats comptabilisés dans les départements serait perçue comme une manoeuvre. C'est pourquoi, et vous n'en serez guère surpris, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 6.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Je ne suis pas certain que l'électeur préfère le brouillard aux repères. Les lignes blanches sur les routes ont été dessinées afin que les automobilistes ne se perdent pas quand il y a du brouillard. Si vous leur proposez une liste de 209 noms, ils sont dans le brouillard. Si vous mettez quelques lignes blanches qui leur permettent de savoir de qui il s'agit, c'est quand même un peu mieux. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Jean-Paul Amoudry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Reprenant les propos tenus par M. le rapporteur, je souhaite revenir sur le cas de la région Rhône-Alpes. J'avais, tout à l'heure, tenu à mettre en garde, à travers cet exemple concret, contre les répercussions profondes du projet de loi en l'absence de sections départementales.
Compte tenu de la perspective de voir fondre la représentation de certains départements, je me suis fait l'interprète de plusieurs élus pour demander au Gouvernement de se prononcer non pas sur l'opportunité de créer une région, mais simplement sur l'ouverture d'un débat sur la question. A cet égard, je serai reconnaissant à M. le ministre de m'indiquer la position du Gouvernement tout en exprimant le regret de ne pas l'avoir entendue tout à l'heure et d'être quelque peu contraint de la réclamer.
Est-il besoin, enfin, de souligner que ma démarche s'inscrit bien évidemment dans le plus pur esprit républicain et que le désintérêt avec lequel elle pourrait être accueillie ne ferait que renforcer des sentiments extrémistes et autonomistes, qu'elle a pour objectif de réduire ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Serge Franchis. C'est important !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je suis un peu embarrassé. En effet, je perçois bien l'intérêt de cet amendement, que je vais voter. Mais je vois aussi que finalement, par petites touches, on en arrive, à partir d'un texte dépourvu de cohérence, à laisser penser que c'est finalement notre vision qui est incohérente.
Je rejoins l'une des propositions formulées par les présidents des groupes de la majorité sénatoriale à l'appui de la question préalable déposée en première lecture : ils avaient annoncé qu'une proposition de loi serait inscrite dans le cadre de l'ordre du jour réservé à l'examen des textes d'initiative parlementaire. J'attire l'attention de tous, y compris celle de M. le président et de M. le rapporteur de la commission des lois, pour que nous travaillions ensemble dans un souci de concertation et sans exclusive, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche. Le Président de la République l'a fait à Rennes avec ses amis politiques !
M. Philippe Nogrix. Ils étaient tous présents !
M. Michel Duffour. Pourquoi n'avez-vous pas encore commencé ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Dans la ligne des propos tenus par M. le Président de la République, j'estime qu'il faut respecter les assemblées dans leur majorité et dans leur minorité. Le Président de la République a notamment déclaré qu'il fallait du temps pour bâtir un projet électoral qui soit partagé.
Une loi qui, dès le départ, est contestée, est fragile. Je crois qu'il nous faudra reprendre ce texte. Tout à l'heure, M. Arthuis parlait de circonscriptions pour scrutin majoritaire. C'est une idée. On a parlé du scrutin à un tour. C'est une autre idée. Il y a plusieurs idées. Confrontons-les au sein de la Haute Assemblée. Faisons-le avec cohérence et non en adoptant une série d'amendements sur un texte incohérent, car le résultat ne serait alors pas parfait.
Ce qui me paraît très important dans cet amendement et qui me convainc de le voter, monsieur le rapporteur, c'est cette idée de section départementale.
En effet, il ne sert, à mon avis, à rien d'opposer, dans notre démocratie, dans notre République, la région et le département.
M. Paul Girod, rapporteur. Voilà !
M. Jean-Pierre Raffarin. La décentralisation est forcément une dynamique unitaire. Si l'on veut le combat des institutions, on n'obtient que la paralysie. Les territoires divisés sont des territoires inactifs. Ce sont au contraire les territoires qui se rassemblent qui dégagent vraiment des capacités d'action.
Par conséquent, tout doit être fait pour qu'il y ait entente institutionnelle entre les départements et les régions. La section départementale permet de reconnaître aux départements ce rôle important d'espace politique essentiel dans le cadre duquel sont structurés beaucoup de nos échanges et notre organisation politique. Il est important de maintenir et l'ambition régionale et la section départementale.
Je voterai donc cet amendement. Ma réserve porte sur les deux tours ; mais il ne s'agit pas aujourd'hui de bâtir notre proposition de loi pour la Haute Assemblée : je souhaite que nous le fassions dans le cadre d'un travail réfléchi et concerté. Dans ce contexte-là, j'approuve tout à fait la proposition de M. le rapporteur. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de remplacer la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral par les dispositions suivantes :
« La répartition de cette prime en sièges s'opère entre les sections départementales de cette liste, en fonction des résultats obtenus par la liste dans chaque département, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Cette attribution réalisée, les autres sièges sont répartis dans chaque section départementale entre toutes les listes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Je voudrais attirer l'attention du Sénat, spécialement de nos collègues de l'opposition sénatoriale, et donc de la majorité nationale, sur le fait que cet amendement, qui est une conséquence de l'amendement n° 6, qui vient d'être adopté - il vise en effet la répartition de la prime entre les sections départementales - ne remet pas en cause le niveau de la prime telle qu'il a été accepté par l'Assemblée nationale. Nous en restons à 25 %. Nous verrons tout à l'heure que ces 25 % sont incompatibles avec les seuils qui viennent de nous être proposés.
M. Henri de Raincourt. C'est important !
M. Paul Girod, rapporteur. C'est l'un ou l'autre, mais ce n'est pas les deux ! Le dispositif doit être cohérent. Les lois électorales ne sont pas un buffet ouvert dans lequel on prend un petit sandwich par ci, un verre de champagne par là, un petit four, avant d'en revenir au salé !
M. Guy Allouche. Ce n'est pas désagréable !
M. Paul Girod, rapporteur. Ce n'est pas désagréable, mais ce n'est pas un menu ! Ce n'est pas un repas !
M. Michel Mercier. Ce n'est pas diététique ! (Sourires.)
M. Paul Girod, rapporteur. Nous acceptons le pourcentage adopté par l'Assemblée nationale parce que, dans un système dans lequel il est important que les minorités puissent s'exprimer 25 %, c'est peut-être bien. Encore faut-il que cela débouche quand même sur des majorités !
L'amendement n° 7 est la conséquence de l'amendement n° 6 qui vient d'être adopté, disais-je. Il vise à prévoir, dans le cadre de cette prime limitée - c'est donc non négligeable - la répartition des sièges au niveau de chaque section départementale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. C'est un amendement de conséquence, et l'avis du Gouvernement est donc identique à celui qui avait été émis sur l'amendement n° 6.
Je ne voudrais pas que M. Amoudry considère qu'il y a de la désinvolture de ma part. Simplement, je pensais que M. Jean-Jack Queyranne, qui vient d'arriver dans cet hémicycle, avait déjà largement répondu ; mais c'était peut-être à l'Assemblée nationale. De toute façon, M. Queyranne aura certainement l'occasion de s'exprimer.
En tout cas, des procédures existent, monsieur le sénateur : il faut que les collectivités locales prennent l'initiative, et il y a tout un système qui peut conduire à l'hypothèse que vous émettez. Pour l'instant, je dirai, sans émettre un avis sur le fond, que je n'ai pas vu ces procédures s'engager.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, après la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral, d'insérer une phrase ainsi rédigée :
« La répartition de cette prime en sièges s'opère entre les sections départementales de cette liste, en fonction des résultats obtenus par la liste dans chaque département, à la repésentation proportionnelle à la plus forte moyenne. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le président, cet amendement est similaire à l'amendement n° 7. Ce dernier traitait de l'attribution de la prime en cas de majorité absolue d'une liste au premier tour ; l'amendement n° 8 vise l'attribution de la prime en cas de majorité relative d'une liste au second tour.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Comme sur les précédents amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 9, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans la troisième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral, de remplacer le mot : « moins » par le mot : « plus ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le président, nous quittons les mathématiques pour entrer dans la poésie ;cette dernière n'est pas d'origine gouvernementale, si j'ai bien lu le compte rendu des débats. En effet, c'est l'Assemblée nationale, qui, emportée par sa jeunesse de mandat, se lance dans les aventures les plus invraisemblables et a introduit cette notion de « jeunisme » dont parlait tout à l'heure M. le professeur Gélard, avec toute l'autorité que lui confère sa grande connaissance des textes constitutionnels et de l'histoire de la démocratie. Cela fait plaisir, cela fait gentil, cela fait drôle, mais cela ne fait vraiment pas sérieux ! En effet, on commence par accepter cette notion sur un point précis, dans le cadre d'un scrutin de liste, en se disant que cela se noie dans la masse ; et on l'introduira ensuite s'agissant des scrutins uninominaux ! La pente sera inévitable.
Je vais vous dire ce que cela va donner, monsieur le ministre, car j'ai vécu cette situation ! J'ai en effet connu un conseil général sans majorité, avec une égalité absolue : vingt et un contre vingt et un ! L'élection a été faite au bénéfice de l'âge : nous avons élu le doyen, le vice-doyen étant du bord opposé, et, par conséquent, ce sont les deux personnes les plus âgées qui se sont présentées. Nous avons eu deux hommes d'expérience, et nous avons fait ainsi la décentralisation. Cela n'a pas été simple, mais cela s'est fait dans le consensus.
Peut-être n'était-il au fond pas si idiot que la loi confère à deux personnes d'expérience, assagies par le poids des ans et des épreuves, de mener une révolution aussi forte.
Si le bénéfice de l'âge avait été accordé au plus jeune, nous aurions alors présenté les deux personnes les plus jeunes ! Qu'on ne vienne pas me dire que c'est le plus vieux ou le plus jeune des deux candidats qui sera élu. En effet, pour être sûr d'emporter le morceau, on présenterait le plus jeune qui, par définition, est celui qui vient d'arriver, ou presque ! Il est rarissime que le plus jeune ait déjà six ans d'expérience.
Je vous laisse à penser ce qu'aurait été la décentralisation dans ces conditions-là !
M. Henri de Raincourt. Catastrophique !
M. Paul Girod, rapporteur. Cela aurait été un affrontement de deux jeunes loups frais émoulus d'une campagne électorale forcément dure - quand aucune majorité ne se dégage, c'est que cela ne s'est pas passé tout seul ! - et nous nous serions trouvés devant des difficultés inextricables !
Par conséquent, monsieur le ministre, il y a des notions qu'il faut toucher d'une main plus que tremblante, et ce n'est pas le bénéfice de l'âge qui me fait parler de main tremblante ! (Rires.)
M. Michel Duffour. Encore que... (Nouveaux rires.)
M. Paul Girod, rapporteur. Je n'en suis pas encore là, mais cela viendra sûrement ! Mais alors, je ne serai peut-être plus parlementaire !
C'est bien plutôt la prudence qui me fait parler ainsi : on n'introduit pas des révolutions de ce genre - car c'est bien plus grave que la question de la durée des mandats...
M. Michel Mercier. Oh oui !
M. Paul Girod, rapporteur. ... dans les moeurs politiques d'un pays comme la France, dont on disait, cet après-midi, le rôle qu'il a joué et joue encore dans les droits de l'homme et dans l'affermissement de la démocratie dans le monde, à l'occasion d'une disposition de détail inscrite dans un texte par ailleurs mal conçu, à notre avis. Il s'agit en tout cas d'une imprudence qui mériterait d'être pesée longuement.
Je suis persuadé que, de toute façon, ce texte sera étudié, pour une raison ou pour une autre, par le Conseil constitutionnel, qui même s'il n'est pas saisi à propos de ce point précis, sera amené à examiner la totalité de la loi. Je serais d'ailleurs étonné qu'il ne se saisisse pas lui-même, encore que certains lui montreront peut-être qu'il y a là une innovation et une imprudence telles qu'elles mettent en péril l'équilibre même de la démocratie dans un pays comme le nôtre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Imaginez, mes chers collègues, le cas de deux candidats à la présidence de la République ayant obtenu un nombre égal de suffrages : ce serait le plus jeune qui serait envoyé à l'Elysée !
M. Philippe Nogrix. Eh oui ! Bravo !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Cet amendement tend finalement à rétablir le texte dans sa rédaction initiale. Il vise le cas, dont la probabilité est faible, d'une stricte égalité des suffrages entre deux listes.
Sur cette modalité, qui ne concerne pas le coeur du texte, le Gouvernement ne peut que s'en remettre à la sagesse du Parlement, et donc, ce soir, à celle de la Haute Assemblée. (Exclamations sur les travées de l'Union centriste.)
M. Paul Girod, rapporteur. Ah ! notre cher et vieux Sénat !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. J'exprimerai un regret sur la formulation.
M. Philippe Nogrix. C'est le côté positif de la jeunesse !
M. Jean Arthuis. Il faut, en effet, une certaine jeunesse pour exprimer des convictions en politique, et ce n'est pas une question d'âge.
Je rejoins volontiers la formulation de M. le rapporteur, mais je pense qu'il aurait pu garder le mot « moins », et substituer le mot « jeune » au mot « âgé », M. le rapporteur pourrait-il nous dire pourquoi il n'est pas allé dans ce sens ?
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. La raison en est simple, monsieur Arthuis : c'est simplement la rédaction traditionnelle ! Nous aurions pu, il est vrai, innover, mais, entre nous, je crois que la fidélité aux textes fondamentaux de la République s'impose ici.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. J'ai utilisé tout à l'heure des arguments juridiques ; permettez-moi maintenant de recourir à des arguments biologiques.
Il est paru, voilà une vingtaine d'années, un excellent ouvrage de biologie, Le Singe nu, qui décrivait, pour la comparer aux sociétés humaines, la société des babouins.
Dans la société des babouins, le plus jeune fait d'abord ses armes auprès du plus vieux en apprenant à agresser les autres ; puis, petit à petit, il l'évince pour prendre sa place. Je crois que c'est un peu la raison pour laquelle, dans la vie politique, on a toujours choisi le plus âgé, jusqu'à ce que, n'étant plus capable de se défendre, il soit battu aux élections !
C'est cette simple donnée biologique, en dehors des arguments juridiques que j'ai pu évoquer tout à l'heure, qui s'impose ici. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Sur un plan plus politique, la démocratie mérite, à mon avis, que nous soyons les uns et les autres toujours vigilants pour la protéger. A la base de ce texte, il y a une conviction commune aux uns et aux autres : nous voulons éviter à notre pays le chemin de l'extrémisme. Tous les républicains souhaitent que notre loi électorale puisse faire en sorte que les extrêmes ne viennent pas déstabiliser le fait régional, en France. Il y a donc vraiment une volonté profonde de protéger la démocratie.
Très franchement, je crois que nous avons besoin d'expérience pour protéger la démocratie. Je préside très souvent une assemblée régionale et je vois parfois, chez de jeunes élus, un manque d'expérience qui peut conduire à des décisions très graves.
Je vous citerai tout à l'heure, messieurs les ministres, les « votes noirs » du parti socialiste depuis les dernières élections : à sept reprises, dans sept régions différentes, des républicains ont été mis en minorité sur des sujets stratégiques par des votes majoritaires avec le Front national !
Et très souvent, cela a été le fait d'élus manquant d'expérience, se faisant piéger et n'ayant pas forcément, à un moment ou à un autre, ce sens supérieur de la démocratie qui demande un peu de réflexion, de discernement et beaucoup de lucidité.
Voilà pourquoi il me paraît coupable, dans un texte qui veut éviter l'extrémisme, de donner, par démagogie, la priorité à l'inexpérience. On ne sauvera pas la démocratie en permanence menacée si on ne fait pas en sorte que l'expérience soit l'une des vertus de la conduite de cette démocratie ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Notre groupe n'aurait pas rédigé le texte de cette manière, mais nous ne voterons toutefois pas la proposition de M. le rapporteur, tant certains des arguments juridiques ou biologiques entendus ici nous laissent tout de même pantois !
Si M. Raffarin se plaint de l'inexpérience de ses colistiers, c'est peut-être non pas simplement une question d'âge, mais parce qu'il les a mal choisis ! (Protestations sur les travées de l'Union centriste.)
Quoi qu'il en soit, nous sommes aujourd'hui confrontés à des exigences émanant de la jeunesse elle-même, et il se fait jour dans ce pays une aspiration qu'il convient, selon moi, de ne pas décevoir au moment où la crise de la chose politique atteint les sommets que l'on sait. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. L'argumentation de notre excellent rapporteur est d'un poids considérable. Il a fait appel à l'expérience en citant des cas très précis, et il est vrai que sa propre expérience est bien connue et reconnue.
Toutefois, au-delà de l'argumentation forte qu'il a développée, je voudrais lui lancer un appel et, à travers lui, à la Haute Assemblée : je souhaite qu'un jour nous réfléchissions collectivement pour sortir de ce dilemme du choix entre le plus âgé et le plus jeune.
Le plus jeune, incontestablement, souffre d'un défaut d'expérience, c'est incontestable. Partout, l'apprentissage est nécessaire, y compris dans cette maison où, lorsqu'on arrive, il faut faire sa période d'initiation, d'apprentissage.
M. Jean Arthuis. En effet ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. N'est-ce pas, cher collègue Arthuis ? Nous en avons fait, des choses, dans cette maison, au nom de la jeunesse ! (Nouveaux sourires.)
A l'approche du troisième millénaire, il nous faudra bien trouver une solution pour que, systématiquement, on ne fasse plus appel au plus âgé, car l'expérience dont on parle tant est, pour reprendre l'image du philosophe, une lanterne que l'on porte dans son dos : elle n'éclaire pas forcément l'avenir. Avec l'âge, il est vrai, on acquiert de l'expérience, mais cela ne suffit pas forcément lorsqu'il s'agit de se projeter dans l'avenir, pour mille et une raisons que je ne veux pas développer parce qu'il ne s'agit ici que d'une explication de vote et que je ne veux pas être rappelé à l'ordre par notre éminent président.
Je souhaite en tout cas qu'un jour, nous réfléchissions afin de trouver un système - je n'ai pas la solution ce soir -, je l'avoue pour que, à défaut du moins jeune, on ne prenne pas le plus âgé, ou, à défaut du plus âgé, on ne prenne pas le plus jeune. Il y a là matière à réflexion pour que nos assemblées, qu'elles soient locales, départementales ou régionales, puissent trouver, en cas d'égalité des suffrages, une présidence qui rassemble l'expérience et la jeunesse, mais aussi la projection dans l'avenir.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Moi aussi, je voterai l'amendement de la commission.
M. le rapporteur vient de nous donnner un exemple concret inspiré par l'expérience, mais je veux à cette occasion exprimer le léger malaise que je ressens à voir identifier, en quelque sorte, jeunesse, inexpérience et risque de commettre un certain nombre d'erreurs.
MM. Michel Duffour et Robert Bret. Très bien !
M. Jacques Legendre. Je crois qu'il ne faudrait pas que le Sénat donne le sentiment que telle est son analyse !
Je rappelle que, dans notre pays, il est des lieux de pouvoir où les jeunes, voire les très jeunes, ont leur place : dans les cabinets ministériels, dans la haute administration, accèdent à des responsabilités importantes et sont conseillers du prince des personnes dont l'âge n'est pas toujours très élevé, et cela ne choque pas.
Peut-être est-ce parce que j'ai été par deux fois benjamin d'un gouvernement, toujours est-il que je ne souhaite pas que soient trop mis en avant ces critères de recrutement sur l'âge. Sur ce point, je ne suis donc pas éloigné de M. Allouche : il n'est pas de bon système, me semble-t-il, de vouloir recourir systématiquement au plus jeune et de céder à cette dérive en direction de ce que l'on appelle le « jeunisme ». Ce n'est probablement pas prudent !
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jacques Legendre. En même temps, je reconnais aussi que l'on ne peut pas systématiquement penser que la sagesse est toujours du côté du plus vieux ! (« Très bien ! » sur les travées de l'Union centriste.) N'oublions pas, à cet égard, cet exemple malheureux de l'histoire lorsque, en 1940, le choix du plus vieux n'a pas été le meilleur.
M. Guy Allouche. Très bien !
M. Jacques Legendre. Moi aussi, je souhaite donc que nous puissions un jour réfléchir sereinement à la mise en place d'un autre système d'arbitrage dans les cas dont nous débattons ce soir.
En attendant, je soutiendrai l'amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.) M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. M. Allouche a parlé de la période d'apprentissage que chacun connaît quand il entre dans une assemblée. Nous l'avons tous connue ! Je me rappelle ainsi, lorsque je suis arrivé au conseil général de l'Aisne et alors que je croyais avoir quelque expérience - je n'étais pas tout jeune, j'avais un peu de « bouteille » dans d'autres domaines et pas mal de responsabilités professionnelles qui n'étaient pas négligeables - je me rappelle, dis-je, avoir entendu un conseiller général un peu plus âgé me dire qu'il fallait que je fasse mes classes. Cela m'avait beaucoup choqué ! C'est pourtant lui qui avait raison et moi qui me laissais emballer par l'enthousiasme de ma nouvelle élection.
Que l'âge seul ne soit pas le meilleur critère, c'est probable ! Il a cependant l'avantage d'être simple et facile à expliquer, parce qu'il ne me paraît pas bon de commencer à trier dans les intelligences des uns par rapport aux autres, dans l'expérience des uns par rapport aux autres, en prenant par exemple la longueur du mandat : celui qui a exercé le mandat le plus long est quelquefois celui qui ne s'est pas fait d'ennemi, donc celui qui n'a rien fait !
Il faut donc trouver un système simple, facilement explicable. En tout cas, ce n'est pas au détour de l'examen d'un projet de loi que l'on va commencer à bouleverser tout cela.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de vous en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Guy Allouche. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Michel Duffour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que la conférence des présidents du mardi 8 décembre a décidé que nous arrêterions nos travaux à zéro heure. Or, je constate qu'il est déjà zéro heure cinq.
En vertu de cette décision, je lèverai la séance au plus tard entre zéro heure vingt-cinq et zéro heure vingt-neuf, afin que nous puissions reprendre nos travaux demain à neuf heures trente pour le débat sur l'aménagement du territoire, débat qui intéresse au premier chef le Sénat, représentant des collectivités territoriales.
Ce débat a été décidé dans le cadre de l'ordre du jour réservé, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, lequel dispose qu'« une séance par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée. »
Il ne serait pas acceptable, en effet, que l'ordre du jour de notre séance empiète sur celui de la séance mensuelle réservée, qui correspond à une priorité constitutionnelle pour le Sénat.
Il appartiendra donc au Gouvernement de proposer une autre date pour la suite de l'examen du projet de loi actuellement en discussion.

7

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, vous savez à quel point le Gouvernement souhaite - et j'ai senti combien ce sentiment était partagé (Sourires) - que l'examen de ce texte aille à son terme dans les meilleurs délais.
M. Robert Bret. Il faut que vous soyez patient !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Mardi, en conférence des présidents, vous le savez, le Gouvernement a accepté, à la demande du président de la commission des lois et malgré l'avis du président de la commission des affaires culturelles, de déplacer la deuxième lecture du projet de loi renforçant la lutte contre le dopage, alors que ce texte avait été annoncé le 17 novembre dernier.
Ce faisant, nous pensions que le temps dont nous avons disposé aujourd'hui pour l'examen du projet de loi sur les conseils régionaux serait suffisant pour avancer davantage dans la discussion. Manifestement, ce n'est pas le cas, et j'ai le sentiment qu'il faudra encore un certain temps pour parvenir au terme de cet examen et pour obtenir un vote sur l'ensemble dudit projet de loi.
Le Gouvernement se voit donc contraint de modifer une nouvelle fois l'ordre du jour prioritaire du Sénat, en application de l'article 29, alinéa 5, du règlement du Sénat.
La suite de l'examen en nouvelle lecture du présent projet de loi est donc fixée au lundi 14 décembre, à dix heures trente, en lieu et place de l'examen du collectif budgétaire pour 1998, dont la discussion commencera à quinze heures.
Bien entendu, si, malgré cette nouvelle modification, le temps venait encore à manquer, je puis vous assurer que le Gouvernement veillerait à ce qu'il soit trouvé un nouveau créneau dans les meilleurs délais.
M. le président. Acte vous est donné de cette communication.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. S'il est un texte dont l'importance est capitale, c'est bien le projet de loi de finances rectificative ! Il arrive en effet que le Gouvernement résiste mal à la tentation d'insérer dans de tels projets, pour des motifs dits techniques, un certain nombre de dispositions tendant à la légalisation d'opérations qui ont été sanctionnées par des juridictions. Et il me semble que le texte qui doit venir en discussion au début de la semaine prochaine est assez riche de ce point de vue !
Je m'inquiète donc, dans ces conditions, de cette amputation du temps de discussion du projet de loi de finances rectificative. Je trouverais fâcheux que le Sénat manque de temps pour discuter comme il se doit du contenu de ce texte.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, avant que nous reprenions la discussion du projet de loi relatif aux conseils régionaux, je sollicite une brève suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va, naturellement, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 10 décembre 1998 à zéro heure dix, est reprise à zéro heure quinze.)

M. le président. La séance est reprise.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, nous avions appelé l'attention de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement sur la complexité de ce texte et sur le temps que nécessiterait son examen. Nos prévisions se sont avérées.
Pour autant, cela ne doit pas avoir pour conséquence de bouleverser l'ordre du jour de lundi prochain, et notamment de restreindre le temps dont devait disposer la commission des finances. Celle-ci n'est pas représentée ce soir, et je trouve un peu cavalier de prendre une telle décision en son absence et de la priver ainsi que le Sénat tout entier du temps nécessaire pour examiner un texte qui doit l'être inévitablement avant la fin de l'année.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas encore réussi - au fond de vous-même, vous en êtes bien persuadé - à nous convaincre de l'urgence de ce texte, que, je ne dirai pas par caprice gouvernemental mais par obstination, vous tentez de faire aboutir.
Il n'y a pourtant aucune urgence. Les régions sont là pour six ans. Si les présidents de région veulent bien appliquer les textes en vigueur, ils peuvent parfaitement faire fonctionner leur assemblée.
Si vous insistez, monsieur le ministre, vous ne pourrez que nous renforcer dans cette idée qui est sous-jacente à votre attitude : vous avez quelques intentions politiques très directement liées à ce texte ! Vous me permettrez de ne pas les partager.
M. le président de séance est resté dans son rôle quand il vous a donné acte de votre communication, ce qui, à nos yeux, ne vaut en aucune manière acceptation de votre proposition.
M. le président. Monsieur le président de la commission, l'interprétation que je fais de mes propres propos est identique à la vôtre. D'ailleurs, la lettre que nous a communiquée M. le ministre ne prévoit pas d'horaire, s'agissant des horaires ; il appartient au Sénat d'en décider. Nous verrons donc les suites qui seront données à cette communication du Gouvernement.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, je voudrais simplement faire remarquer que la conférence des présidents, à laquelle nous avons tous deux participé et qui fut assez longue, pour une fois au Sénat, a ouvert la journée du lundi 14 décembre sur l'examen du collectif budgétaire, dans le cadre de l'ordre du jour prioritaire.
Je crois savoir que, aux termes de l'article 48 de la Constitution, il revient au Gouvernement de fixer l'ordre du jour ; or celui-ci décide d'inscrire la suite de ce projet. Il n'y a pas d'interprétation autre que celle que je viens de donner concernant l'ordre dans lequel intervient l'examen des textes.
M. le président. Monsieur le ministre, la conférence des présidents a ouvert l'ordre du jour de lundi matin sur l'examen du collectif budgétaire.
Je confirme bien seulement qu'acte est donné de votre communication.

8

CONSEILS RÉGIONAUX

Suite de la discussion d'un projet de loi
en nouvelle lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

Article 3 (suite)



M. le président.
Dans la discussion de l'article 3, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 10.
Par amendement n° 10, M. Girod, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral : « Cette attribution réalisée, les autres sièges sont répartis dans chaque section départementale entre toutes les listes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement est la conséquence des amendements n°s 6 et 7.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à une séance ultérieure.

9

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 108, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Louis Souvet un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur :
La proposition de résolution (n° 87, 1998-1999) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. Michel Barnier sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E 1171).
Et la proposition de résolution (n° 98, 1998-1999) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. Guy Fischer, Mmes Nicole Borvo, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Robert Bret, Michel Duffour, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E 1171).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 100 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe François un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 448, 1997-1998) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par MM. Philippe François, Marcel Deneux, Jean-Paul Emorine, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Georges Berchet, Jean Bizet, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Mme Josette Durrieu, MM. Jean François-Poncet, Jean Huchon, Jacques de Menou, Louis Minetti, Louis Moinard, Jean-Marc Pastor, Bernard Piras, Paul Raoult, Charles Revet et Roger Rigaudière sur les propositions de règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune (n° E 1052).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 101 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles de législation du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution (n° 92, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 102 et distribué.
J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l'accord général sur le commerce des services (n° 22, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 103 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République italienne, le Royaume d'Espagne, la République portugaise, la République hellénique, la République d'Autriche, le Royaume de Danemark, la République de Finlande, le Royaume de Suède, parties contractantes à l'accord et à la convention de Schengen, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège relatif à la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes (ensemble une annexe) (n° 568, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion du Royaume de Danemark à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (n° 569, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la République de Finlande à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (n° 570, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion du Royaume de Suède à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (n° 571, 1997-1998) ;
Le rapport sera imprimé sous le numéro 104 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (n° 32, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 105 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (n° 33, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 106 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hongroise (n° 34, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 107 et distribué.

11

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union Européenne sur l'intégration de l'acquis de Schengen dans l'Union européenne.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 99 et distribué.

12



ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 10 décembre 1998 :
A neuf heures trente :
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur l'aménagement du territoire.
Aucune inscription de parole dans ce débat n'est plus recevable.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
4. Discussion des conclusions du rapport (n° 86, 1998-1999) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 24, 1998-1999) de M. Christian Bonnet et des membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à sanctionner de peines aggravées les infractions commises sur les agents des compagnies de transport collectif de voyageurs en contact avec le public.
Aucun amendement à ces conclusions n'est plus recevable.
5. Discussion des conclusions du rapport (n° 85, 1998-1999) de M. René-Georges Laurin, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 19, 1998-1999) de M. Claude Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés portant modification de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.
Aucun amendement à ces conclusions n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de finances rectificative pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 97, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 décembre 1998, à onze heures.
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 décembre 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution (n° 92, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 15 décembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 15 décembre 1998, à dix-sept heures.
Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 16 décembre 1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 1999 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 17 décembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 17 décembre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Lors de sa séance du mercredi 9 décembre 1998, le Sénat a désigné :
M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de la commission centrale de classement des débits de tabac ;
MM. Joël Bourdin et Louis Boyer pour siéger en qualité de titulaires, MM. Roger Lagorsse et Jacques Machet pour siéger en qualité de suppléants au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
Au sein de cet organisme extraparlementaire, M. Joël Bourdin a été désigné pour siéger en qualité de titulaire et M. Roger Lagorsse a été désigné pour siéger en qualité de suppléant dans la section de l'assurance des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Hubert Durand-Chastel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 72 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse suite au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève).
M. Hubert Durand-Chastel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 73 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Marcel Lesbros a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 82 (1998-1999) de M. Rémi Herment tendant à prendre en compte pour l'octroi d'une retraite anticipée aux anciens combattants d'Afrique du Nord la durée du temps passé au-delà de la durée légale du service militaire entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

COMMISSION DES FINANCES

M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 25 (1998-1999) de M. Bernard Joly visant à réformer le mode d'attribution de la dotation particulière élu local.
Mme Marie-Claude Beaudeau a été nommée rapporteur de la proposition de loi n° 83 (1998-1999) de Mme Marie-Claude Beaudeau et plusieurs de ses collègues relative aux ventes hors taxes.

DÉLAIS LIMITES POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS À DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

En application de l'article 73 bis, alinéa 7, du règlement, la commission des affaires sociales a fixé au mardi 15 décembre 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la communication de la Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E 1171).
Le rapport n° 100 (1998-1999) de M. Louis Souvet sera mis en distribution aujourd'hui, jeudi 10 décembre 1998.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission des affaires sociales et seront examinés par la commission lors de sa réunion du mercredi 16 décembre 1998, à 9 heures.
En application de l'article 73 bis, alinéa 7, du règlement, la commission des affaires sociales a fixé au lundi 14 décembre 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur les propositions de règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune (n° E 1052).
Le rapport n° 101 (1998-1999) de M. Philippe François sera mis en distribution aujourd'hui, jeudi 10 décembre 1998.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission des affaires économiques et du Plan et seront examinés par la commission lors de sa réunion du mardi 15 décembre 1998, au matin.

DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE
Composition du bureau

Au cours de sa séance du 8 décembre 1998, la délégation parlementaire pour l'Union européenne a procédé à l'élargissement de son bureau, qui est désormais ainsi composé :
Président :
Michel Barnier.
Vice-présidents :
Danielle Bidard-Reydet, James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou.
Secrétaires :
Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Importation et distribution de médicaments

397. - 9 décembre 1998. - M. Bernard Fournier demande à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes de bien vouloir lui préciser quelles sont les conditions d'application du décret n° 98-79 du 11 février 1998 au regard de la directive 92/25/CEE du 31 mars 1992. La directive CEE a proposé un cadre général pour l'activité de distribution en gros des médicaments à usage humain. Le décret ayant transposé ce texte en droit interne, semble beaucoup plus restrictif dans la détermination des activités, et conduit à de sérieuses difficultés d'importations parallèles de produits pharmaceutiques par un établissement autorisé et indépendant des fabricants. Dès lors que l'identité des spécialités à importer est établie, le bénéfice de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) délivré au fabricant ou à son représentant devrait être accordé à l'importateur : il semble que la pratique soit quelque peu différente, et que la Commission européenne puisse être amenée à se prononcer sur les restrictions apportées par la France à l'application de cette directive. Les articles 30 et 36 du traité de Rome instituaient la libre circulation des marchandises entre les Etats membres. S'agissant des médicaments, ces articles s'appliquent. Les écarts de prix au sein de l'Union pour un même produit variant de 20 à 50 %, les importations parallèles permettent de se procurer des médicaments à coût moindre, c'est-à-dire, d'influer de manière considérable sur les dépenses de santé. Les économies ainsi réalisées pourraient être substantielles, de l'ordre de 6 % des dépenses de santé. Des entreprises créatrices d'emploi se voient actuellement mises en danger par le blocage des autorités françaises à appliquer un texte européen, tandis que la jurisprudence, tant du Conseil d'Etat que de la Cour de justice des Communautés européennes est rigoureuse quand à l'applicabilité d'une directive par les Etats membres. Aussi, il le remercie de bien vouloir lui indiquer, d'une part, sur quels arguments le Gouvernement s'est fondé pour interpréter la directive 92/25 et ne pas en réaliser la transposition intégrale, et, d'autre part, si la France sera amenée à effectuer une nouvelle lecture de ce texte afin de l'appliquer plus exactement et de permettre ainsi directement la baisse des dépenses de santé.