Séance du 16 novembre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 1 ).

3. Retrait d'une question orale avec débat (p. 2 ).

4. Candidature à une commission (p. 3 ).

5. Financement de la sécurité sociale pour 1999 . - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 4 ).

Article 1er (et rapport annexé) précédemment réservé

Articles additionnels avant l'article 2 (p. 5 )

Amendement n° 75 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. - Rejet.
Amendement n° 76 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur ; Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jean-Louis Lorrain. - Rejet.
Amendement n° 77 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.

Article 2 (p. 6 )

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Louis Lorrain, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre.
Amendements n°s 40 à 43 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre, MM. Alain Vasselle, rapporteur ; Dominique Leclerc, Claude Huriet, Claude Domeizel, Guy Fischer. - Adoption des quatre amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 2 (p. 7 )

Amendement n° 49 de M. Arthuis. - MM. Jean-Louis Lorrain, Charles Descours, rapporteur. - Retrait.
Mme le ministre.

Article 2 bis (p. 8 )

M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. Adoption de l'article.

Article 3. - Adoption (p. 9 )

Article 3 bis (p. 10 )

Amendements n°s 44 de la commission et 91 du Gouvernement. - M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme le ministre, M. Charles Descours, rapporteur ; Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption de l'amendement n° 44 supprimant l'article, l'amendement n° 91 devenant sans objet.

Article 3 ter (p. 11 )

Amendement n° 1 rectifié de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre, MM. Jacques Oudin, au nom de la commission des finances ; Dominique Leclerc, Jacques Oudin. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3 ter (p. 12 )

Amendement n° 60 de M. Louis Boyer. - MM. Louis Boyer, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4 (p. 13 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre, M. Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 14 )

M. Charles Descours, rapporteur.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 5 (p. 15 )

Amendement n° 4 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 86 rectifié de M. Trégouët. - MM. Dominique Leclerc, Charles Descours, rapporteur. - Retrait.

Article 6 (p. 16 )

M. Jacques Machet.
Amendements n°s 5 de la commission et 93 du Gouvernement. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait de l'amendement n° 5 ; adoption de l'amendement n° 93.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 17 )

Amendement n° 6 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 8 (p. 18 )

M. Charles Descours, rapporteur.
Adoption de l'article.

Article 9 (p. 19 )

Amendement n° 94 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. Charles Descours, rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 9 (p. 20 )

Amendement n° 53 de M. Arnaud. - MM. Philippe Arnaud, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 54 de M. Arnaud. - MM. Philippe Arnaud, Charles Descours, rapporteur ; Mme la ministre, M. Jean Chérioux. - Rejet.

Article 10. - Adoption (p. 21 )

Article 11 (p. 22 )

M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre.
Adoption de l'article.

Article 11 bis (p. 23 )

Amendement n° 7 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Jacques Oudin, Jean-Louis Lorrain, Claude Huriet, François Autain. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 11 ter (p. 24 )

M. Claude Huriet.
Amendement n° 8 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre, M. Claude Huriet. - Adoption.
Amendement n° 92 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 11 quater (p. 25 )

Amendement n° 9 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article additionnel avant l'article 12 (p. 26 )

Amendement n° 10 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 12 (p. 27 )

Amendement n° 11 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 12 (p. 28 )

Amendement n° 85 rectifié de M. Bernard. - MM. Jean Bernard, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.

Article 13 (p. 29 )

M. Guy Fischer.
Amendement n° 78 rectifié de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 13 (p. 30 )

Amendements identiques n°s 46 de la commission et 50 de M. Jean-Louis Lorrain. - MM. Charles Descours, rapporteur ; Jean-Louis Lorrain, Mme le ministre ; MM. Gilbert Chabroux, Jacques Machet. - Retrait de l'amendement n° 50 ; adoption de l'amendement n° 46 insérant un article additionnel.
Amendement n° 79 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.

Article 14 (p. 31 )

M. Claude Huriet, Mmes Marie-Claude Beaudeau, le ministre, M. Charles Descours, rapporteur.
Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 15 (p. 32 )

Amendement n° 80 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
M. le président.

6. Nomination d'un membre d'une commission (p. 33 ).


Suspension et reprise de la séance (p. 34 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

7. Financement de la sécurité sociale pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 35 ).

Article 15 (p. 36 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
Adoption de l'article.

Article 16 (p. 37 )

Mme Nicole Borvo.
Amendement n° 12 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 64 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 17 (p. 38 )

Mme Nicole Borvo, M. le secrétaire d'Etat.
Amendement n° 14 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, François Autain, Dominique Leclerc. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 18 (p. 39 )

Amendement n° 15 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Claude Huriet. - Adoption.
Amendement n° 16 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Claude Huriet, François Autain. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 19 (p. 40 )

Amendement n° 58 de M. Bernard. - MM. Jean Bernard, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 59 de M. Bernard. - Adoption.
Amendement n° 17 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Article 20 (p. 41 )

Amendements n°s 18 à 20 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 21 (p. 42 )

Amendements n°s 21 de la commission, 88 et 89 de M. Autain. - MM. Charles Descours, rapporteur ; François Autain, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Claude Huriet. - Adoption de l'amendement n° 21 rédigeant l'article, les amendements n°s 88 et 89 devenant sans objet.

Article 22 (p. 43 )

Amendement n° 22 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 22 bis (p. 44 )

Amendement n° 23 rectifié de la commission et sous-amendement n° 95 de M. Bernard ; amendements n°s 61 rectifié de M. Leclerc, 51 de M. Baudot et 55 de Mme Dieulangard. - MM. Charles Descours, rapporteur ; Jean Bernard, Dominique Leclerc, Jean-Louis Lorrain, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre, M. le secrétaire d'Etat. - Retrait du sous-amendement n° 95 ; adoption des amendements identiques n°s 23 rectifié et 61 rectifié, les amendements n°s 51 et 55 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 23 (p. 45 )

Mme Nicole Borvo, MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat.
Amendement n° 65 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Dominique Leclerc, François Autain, Mme Marie-Claude Beaudeau. - Adoption.
Amendement n° 66 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 52 de M. Leclerc. - MM. Dominique Leclerc, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 67 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dépôt d'un rapport d'information (p. 46 ).

9. Ordre du jour (p. 47 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- en application de l'article 20 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, le rapport sur la situation économique et financière du secteur public ;
- en application de l'article 24 de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993, le rapport annuel sur la mise en oeuvre des opérations de transfert au secteur privé d'entreprises publiques, de cession de participations minoritaires de l'Etat et d'ouverture du capital d'entreprises publiques.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

3

RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que M. Ivan Renar a fait connaître qu'il retire la question orale avec débat n° 1 qu'il avait posée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
Cette question avait été communiquée au Sénat le 24 février 1998.
Acte est donné de ce retrait.

4

CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires sociales en remplacement de Roger Mazars, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

5

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 50, 1998-1999) de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 58 (1998-1999) et avis n° 56 (1998-1999).]
La discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

ORIENTATIONS ET OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE

Article 1er (et rapport annexé)
(réservé)

M. le président. Je rappelle qu'a été ordonnée la réserve de l'article 1er et du rapport annexé jusqu'après la discussion de l'article 36.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Articles additionnels avant l'article 2



M. le président.
Par amendement n° 75, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1999, il est mis en oeuvre une réforme du mode de calcul des cotisations dues en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
« Les entreprises seront catégoriées en fonction de leur secteur d'activité.
« Les cotisations seront modulées selon l'évolution du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée globale tel que ressortant de l'analyse des comptes sociaux de chaque entreprise au dernier exercice clos avant le 1er janvier 1999. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement a trait à l'une des questions essentielles qui nous sont posées quant au devenir de la protection sociale : celle de la définition des meilleurs outils de financement de notre régime général de sécurité sociale.
Comment ne pas souligner que cette donnée essentielle fait encore défaut dans le projet de loi de financement qui nous est soumis et que la nécessaire réforme des cotisations sociales acquittées par les entreprises n'est évoquée que dans le rapport annexé au présent texte ?
Le débat reste, à ce sujet, tout à fait ouvert, et cela indépendamment du constat de la situation actuelle, caractérisée par la fragilité de l'équilibre retrouvé des comptes sociaux. Cet équilibre n'est que la traduction de la pleine application des mesures de fiscalisation de la protection sociale qui ont été prises par le passé.
Le mode actuel de calcul des cotisations n'est rien moins que satisfaisant, même s'il n'est pas, à nos yeux, opportun d'y renoncer sous prétexte de modernité.
Selon nous, le financement de la protection sociale doit essentiellement reposer sur l'utilisation de la richesse créée dans les entreprises. Autrement dit, nous devons réaffirmer que le lieu naturel de financement est le lieu de travail et d'activité.
Cette remarque préliminaire conserve d'autant plus sa portée que le processus de fiscalisation entamé voilà plusieurs années ne peut suffire à assurer le financement de cette importante fonction collective qu'est la protection sociale.
Devons-nous nous satisfaire d'une démarche qui laisserait entendre que la contribution des entreprises ne peut être accrue sans risque pour l'emploi, avec tout ce que cela peut impliquer comme coûts sociaux ?
On dit ici et là que le travail serait trop taxé. Peut-être, mais c'est en comparaison du traitement dont bénéficient les comportements de gestion d'entreprise qui ignorent la rémunération du travail au profit de la recherche de la rentabilité financière ou des gains de productivité par substitution du capital au travail.
Faut-il pour autant se contenter de concevoir une taxation de la valeur ajoutée au titre de la protection sociale ? Dieu merci, avec un taux normal de 20,6 %, cette valeur ajoutée est déjà largement mise à contribution !
Cela étant, le nécessaire développement de la solidarité entre les générations implique de ne pas perdre de vue que les conditions de la production de biens et de services ont profondément changé depuis la naissance de la sécurité sociale : les solutions durables et équilibrées de financement de la protection sociale doivent en tenir compte.
Notre démarche est relativement simple.
On ne peut, objectivement, maintenir les choses en l'état, attendu que la perspective est, qu'on le veuille ou non, celle d'une réduction progressive des garanties proposées par le régime général ou, à défaut, d'un accroissement de la charge du financement pour les ménages et les salariés.
Il nous semble donc nécessaire d'opter pour un financement de la protection sociale qui interpelle la gestion d'entreprise et pénalise des choix aujourd'hui encore trop souvent opérés contre l'emploi.
Nous proposons de maintenir la retenue sur rémunérations comme socle de financement de la protection sociale et de procéder à une répartition équilibrée de la charge du financement, prenant en compte les spécificités des différents secteurs d'activité économique.
La contribution des entreprises serait alors profondément modifiée, selon leurs choix de gestion. Ainsi, la cotisation due serait majorée dès lors que seraient privilégiés les investissements spéculatifs ou l'utilisation de la richesse créée par le travail à des placements financiers divers, au détriment de l'emploi et des salaires, c'est-à-dire de la base naturelle du financement de la protection sociale.
Nous proposons par ailleurs de retenir une conception élargie de la valeur ajoutée au regard de celle qui ressort des déclarations de TVA des entreprises, la valeur ajoutée devant notamment intégrer le produit d'une utilisation strictement financière des richesses créées.
En cela, nous sommes relativement proches de la conception défendue l'an dernier par M. Chadelat dans son rapport sur le devenir de la protection sociale. Nous reconnaissons être, en revanche, un peu éloignés des conclusion de M. Malinvaud.
En fait, nous sommes plutôt partisans d'une modulation traitant la valeur ajoutée comme une variable d'ajustement de la contribution des entreprises.
Cette proposition est à verser au débat sur le devenir de la protection sociale. Elle constitue en quelque sorte notre apport à ce débat, que la nation entière doit mener et qui s'ouvrira, madame la ministre, au cours du premier semestre 1999.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Cet amendement vise à mettre en oeuvre une réforme de l'application des règles du financement de la sécurité sociale en ce qui concerne les entreprises.
Sur le fond, la réforme de l'assiette des cotisations patronales est légitime. On en parle depuis longtemps. Deux rapports ont été consacrés à ce sujet, celui de M. Chadelat et celui de M. Malinvaud, que nous avons tous deux entendus en commission.
Toutefois, d'après ce que j'ai lu dans la presse, cette réforme de l'assiette des cotisations patronales semble avoir donné lieu à un débat au sein du Gouvernement. J'imagine qu'il en a été de même au sein de la majorité plurielle. Dès lors, les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont effectivement plutôt mieux placés que nous pour obtenir de telles modifications dans le projet de loi. (Sourires.)
Lorsque la réforme de l'assiette des cotisations patronales nous sera présentée par le Gouvernement, nous dirons ce que nous en pensons. Je note simplement, monsieur Fischer que vous faites des reproches à un gouvernement que vous soutenez par ailleurs.
J'en viens à la forme. A cet égard, le dispositif que vous proposez est techniquement complexe et pratiquement inapplicable. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Effectivement, monsieur le rapporteur, le groupe communiste républicain et citoyen est mieux placé pour influencer le Gouvernement que vous-même. Mais nous serions tout de même ravis de trouver un large accord sur une réforme des cotisations patronales.
Comme j'ai été amenée à le dire dans mon intervention liminaire, nous devons procéder à cette réforme des cotisations patronales, et y procéder promptement, non seulement parce qu'il faut asseoir la sécurité sociale sur une base pérenne plus juste, mais aussi parce que c'est un élément essentiel pour favoriser l'emploi dans notre pays.
Il est clair que la question d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée fait partie du débat, même si, après le rapport Malinvaud, beaucoup s'accordent à considérer qu'un abandon total de l'assiette salaires au profit d'une assiette valeur ajoutée poserait des problèmes ou aurait des effets pervers. Ce n'est d'ailleurs pas ce vous proposez aujourd'hui, monsieur Fischer. Vous optez pour une formule assez proche de ce que suggérait M. Chadelat.
Celle-ci pose toutefois deux types de problèmes, ce qui ne veut pas dire que l'idée qui la sous-tend doive être écartée d'emblée.
Tout d'abord, elle fixe des taux de cotisation différents selon le rapport entre masse salariale et valeur ajoutée. Or la Commission européenne considère, semble-t-il, que cela entraîne des aides différenciées selon les secteurs, ce qui produirait les mêmes difficultés que celles que nous avons rencontrées avec l'aide au secteur textile.
Ensuite, cette formule prend en compte l'évolution de la valeur ajoutée ; or c'est un élément que nous ne connaissons que très tardivement.
Bien sûr, la valeur ajoutée est l'ensemble des éléments sur lesquels repose la richesse de l'entreprise. Par conséquent, c'est sans doute un des critères susceptibles d'être pris en compte. Toutefois, je ne suis pas sûre que ce soit exactement cette formule qu'il faille retenir.
Quoi qu'il en soit, nous y réfléchissons et nous y travaillons. Le Gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi au premier semestre 1999, car cette réforme doit s'intégrer dans l'ensemble de nos dispositifs visant à rendre la croissance plus riche en emplois. Nous devrions, à ce moment-là, parvenir à un accord sur les modalités, étant donné que nous sommes d'accord sur le fond.
Dans ces conditions, monsieur Fischer, je serais heureuse que vous acceptiez de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 75.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous sommes particulièrement attachés à un certain nombre d'amendements de fond que nous avons déposés au fil du texte et qui visent à conforter d'éventuelles décisions que Mme la ministre pourrait prendre au cours des prochains mois. Certes, nous ne demandons pas à la majorité du Sénat de nous appuyer - nous sommes sans illusions - mais nous souhaitons que le Parlement se fasse aujourd'hui l'écho des problèmes posés par le devenir de notre régime de protection sociale. C'est pourquoi nous entendons débattre et poursuivre le dialogue.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur Fischer, n'interpellez pas la majorité du Sénat : c'est le Gouvernement qui s'oppose à votre amendement !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais nous sommes ici au Parlement, et dans notre rôle de parlementaires !
M. Charles Descours, rapporteur. Et puisque, comme vous l'avez déclaré, il s'agit pour vous d'un amendement de fond, qui ne reçoit pas le soutien du Gouvernement, j'espère que vous ne voterez pas le projet de loi !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous verrez en temps voulu ce que nous ferons !
M. Alain Gournac. On vous attend, les communistes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce qui est sûr, c'est que nous ne voterons pas le texte de la majorité sénatoriale !
M. Guy Fischer. Nous ne nous faisons pas d'illusions à votre égard !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 76, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du I de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est complété in fine par les mots : "ainsi qu'à l'exception des revenus d'activité et de remplacement des travailleurs frontaliers, conformément à l'article 13, chapitre 2, du règlement de la CEE 1408/71".
« II. - Le taux de la contribution visée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les travailleurs frontaliers non soumis à la législation relative au financement de la sécurité sociale française sont tout de même assujettis à la contribution au remboursement de la dette sociale prévue par la loi du 24 janvier 1996. En les exonérant de ce prélèvement, notre amendement mettrait fin à une situation injuste et juridiquement contraire à la législation européenne.
En effet, selon le règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté européenne, la contribution au remboursement de la dette sociale doit être considérée comme une cotisation sociale et non comme un impôt.
L'article 13 du deuxième paragraphe du règlement précité dispose qu'elle ne peut être prélevée sur les revenus d'activité ou de remplacement des travailleurs qui échappent à la législation française relative au financement de la sécurité sociale.
Nous avions déjà déposé cet amendement ; si nous le présentons de nouveau, c'est afin que, au-delà des divergences de points de vue, le débat puisse être définitivement clos sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Une fois n'est pas coutume, les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont les plus européens de cet hémicycle ! (Sourires.) Nous en prenons acte.
Sur le fond, et pour éviter tout contresens, rappelons que la contribution au remboursement de la dette sociale, qui est un impôt, n'est pas appelée à financer les régimes de sécurité sociale. Son produit est en effet affecté à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, qui est non pas un organisme de sécurité sociale - elle ne sert donc aucune prestation - mais un établissement public chargé d'apurer la dette sociale en émettant des emprunts sur les marchés financiers. On ne voit donc pas très bien comment, d'exonération en exonération, la CADES pourra finalement rembourser les emprunts qu'elle lève sur les marchés.
En conséquence, nous ne partageons pas l'analyse de la Commission européenne, qui assimile ce prélèvement fiscal à une cotisation de sécurité sociale relevant du champ matériel du règlement CEE n° 1408/71.
La CRDS est un impôt auquel sont assujetties, notamment sur leur revenu d'activité et de remplacement, et indépendamment de leur qualité éventuelle d'assuré social, les personnes domiciliées fiscalement en France, le cas échéant en application de conventions fiscales. C'est normalement le cas des travailleurs frontaliers considérés comme fiscalement domiciliés dans l'Etat de résidence et non dans l'Etat d'emploi, qui se trouvent donc redevables de cette contribution.
Par ailleurs, le gage proposé n'est pas pertinent dans la mesure où il tendrait à faire croire que la CRDS est une contribution sociale. Or, il est important d'insister sur ce point : son produit est affecté non pas aux régimes sociaux mais à la CADES.
L'amendement n'est pas plus acceptable sur le fond, puisque sa mise en oeuvre tendrait à alourdir le taux de la CSG pesant sur les revenus du patrimoine.
Pour ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de rejeter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je sais qu'un différend nous oppose à la Commission européenne sur ce sujet, mais je partage l'avis de M. le rapporteur : il s'agit là d'un impôt et non d'une cotisation. Ce différend pourra nous amener devant la Cour de justice des Communautés européennes mais, en tout état de cause, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 76.
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Mon collègue Guy Fischer a posé un vrai problème. Nous comprenons que le sujet n'a pas à entrer en ligne de compte dans la discussion, puisqu'il s'agit effectivement d'un impôt, mais le flou persistant et suscitant d'incessants conflits entre Paris et Bruxelles, il serait nécessaire que nos travailleurs frontaliers soient intégralement et définitivement informés sur leurs droits et devoirs.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 76, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 77, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, il est créé une section 3 bis ainsi rédigée :
« Section 3 bis.
« De la contribution sociale sur les revenus du patrimoine et de placement des entreprises.
« Art. L. 136-7 bis I. - Les produits de placement et les revenus du patrimoine des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés sont soumis à une contribution sociale.
« II. - L'assiette de cette contribution est constituée par l'ensemble des revenus fonciers, des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, des gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'investissements financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables.
« Elle est également constituée par l'ensemble des revenus tirés de placements sur les marchés obligataires et sur les titres inscrits à la cote officielle des bourses de valeurs.
« II. - Dans le I de l'article L. 136-8 du même code, après la référence : "L. 136-7" est insérée la référence : ", L. 136-7 bis ". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La mise en oeuvre de la réforme du financement de la protection sociale ne peut être considérée comme achevée et le débat qui est ouvert, notamment sur la réforme des cotisations patronales, en est l'illustration.
De la même façon que nous ne pouvons considérer comme clos le débat sur la participation des salariés et des ménages au financement de la protection sociale, au travers notamment de l'extension de la contribution sociale généralisée, nous ne pouvons considérer comme entièrement bouclé le débat sur la participation des entreprises au financement de la protection sociale.
Nous avons eu l'occasion de souligner à quel point il nous paraissait regrettable que la mise en oeuvre de la réforme des cotisations patronales soit en quelque sorte reportée.
Nous avons même un peu l'impression que l'apparence du redressement des comptes sociaux que laisse transparaître l'article d'équilibre du présent projet de loi de financement pourrait servir à justifier ce léger retard.
Nous sommes donc en quelque sorte contraints de rappeler quelques données fondamentales.
En l'état actuel de la législation fiscale et sociale, nous sommes en effet confrontés à quelques incohérences relatives.
S'agissant des ménages, ils sont aujourd'hui soumis à l'impôt sur le revenu, selon les formes que nous lui connaissons, notamment moyennant une large exonération des revenus non salariaux et, singulièrement, des revenus du capital et du patrimoine.
On sait en effet que la part relative des salaires, des traitements, des pensions et retraites dans l'assiette de l'impôt sur le revenu est plus importante qu'elle ne l'est en réalité dans le revenu moyen.
Cette égalité de traitement n'est d'ailleurs que dégagée imparfaitement dans le cadre de l'application de la contribution sociale généralisée, dont il convient d'observer qu'elle est aujourd'hui d'un rapport plus important que l'impôt sur le revenu, ce qui ne peut manquer de soulever des interrogations quant aux caractères de la redistribution à partir d'un impôt proportionnel...
S'agissant des entreprises, force est de constater que l'essentiel des prélèvements fiscaux et sociaux qui les concernent sont assis sur les salaires.
Les salaires, en l'occurrence, servent de référence pour le calcul des cotisations sociales, tandis que c'est l'activité elle-même de l'entreprise qui est prise en compte pour définir tant le résultat fiscal imposable au titre de l'impôt sur les sociétés que le montant de TVA collectée, comme de la TVA déductible.
La référence au salaire pour la définition des cotisations sociales a l'incontestable mérite de la lisibilité, y compris pour le salarié.
Elle a, certes, un défaut, bien connu, celui de laisser croire que l'augmentation éventuelle des effectifs ou des rémunérations engendre naturellement une hausse des cotisations sociales des entreprises. Comme si, de manière à la fois proche et lointaine, cette augmentation des salaires et/ou des effectifs n'était pas productrice de valeur ajoutée complémentaire pour une entreprise. Proche, parce que cela motive une augmentation de la capacité de développement de l'entreprise, et lointaine, parce que cela participe du développement des débouchés de l'activité économique.
Il n'en demeure pas moins que les choix de gestion qui ont été faits, et ceux qui peuvent l'être encore aujourd'hui ou demain, par les entreprises, en faveur à la fois de la substitution du capital au travail ou de l'utilisation strictement financière de la valeur ajoutée créée par le travail, ne sont aujourd'hui pas le moins du monde pénalisés.
Combien d'entreprises ont pu, dans les années quatre-vingt et depuis le début des années quatre-vingt-dix, opter pour une majoration de leurs placements financiers, en vue d'équilibrer leurs propres comptes financiers et de dégager, notamment, les plus-values indispensables pour bonifier les emprunts contractés ?
De tels choix, dès lors que rien ne vient en dissuader ceux qui les font, peuvent continuer à peser dans la gestion et à s'imputer, en toute logique, sur le financement de la protection sociale.
Nous proposons donc que soit mise en oeuvre une contribution sociale des revenus du patrimoine et de placement des entreprises, contribution dont l'un des objectifs est de permettre un financement de la protection sociale et de dégager, notamment, des marges de manoeuvre nouvelles en faveur de l'emploi ou de l'allégement des cotisations assises sur le travail.
C'est le sens de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Nous n'avons pas encore commencé l'examen des articles du projet de loi présenté par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale que le groupe communiste vient de faire part, à deux reprises, de son désaccord fondamental sur ce texte.
M. Guy Fischer. Non, c'est le point qui est fondamental !
M. Charles Descours, rapporteur. Le groupe communiste ayant déposé le même amendement à l'Assemblée nationale, mes chers collègues, je vais utiliser l'argumentaire que le rapporteur socialiste de l'Assemblée nationale a développé pour le rejeter.
Premièrement, la CSG est assise sur les personnes et non sur les entreprises.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Charles Descours, rapporteur. Deuxièmement, les revenus financiers des entreprises sont déjà pris en compte dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
Troisièmement, la réforme des cotisations patronales ne peut aboutir dans le cadre d'un accroissement des prélèvements sur les entreprises, c'est-à-dire des prélèvements obligatoires.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. Alain Gournac. Bien !
M. Charles Descours, rapporteur. J'insiste sur le fait que le parti communiste, depuis vingt minutes, manifeste son total désaccord sur un projet de loi élaboré par un gouvernement qu'il soutient ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est de la « politicaillerie » qui ne répond en rien sur le fond !
M. le président. Monsieur le rapporteur, il s'agit au Sénat du groupe communiste républicain et indépendant et non pas du parti communiste !
M. Charles Descours, rapporteur. Je n'ai toujours pas vu la différence !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, ne prenez pas vos désirs pour des réalités ! Vous verrez que nous sommes d'accord sur l'essentiel. Je constate que le groupe communiste républicain et citoyen se réfère au rapporteur socialiste de l'Assemblée nationale, preuve que tout cela évolue dans le bon sens !
Le problème de la taxation des dividendes et du patrimoine est bien évidemment l'un des éléments qui doivent s'inscrire dans la réflexion sur la réforme des cotisations patronales. L'année dernière, la réforme des cotisations salariales et le 1 % « allocations familiales » ont permis de prélever environ 48 milliards de francs sur les revenus de capitaux, dont 23 milliards de francs d'augmentation nette par le biais du transfert des cotisations sociales sur la CSG. Nous devons poursuivre, comme je l'ai dit tout à l'heure, la concertation et la réflexion avant de nous mettre d'accord sur un dispositif définitif, dont nous débattrons lors de l'examen du projet de loi qui sera déposé au premier semestre 1999.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables au solde cumulé du produit de la contribution sociale de solidarité résultant de l'application du premier alinéa dudit article, constaté au 31 décembre 1998.
« II. - Un prélèvement d'un milliard de francs est opéré en 1999 sur le produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles.
« Les dispositions du b du 2° de l'article L. 139-2 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables, pour l'exercice 1999, au régime des exploitants agricoles.
« III. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 651-1, les références : "aux articles L. 621-3, L. 721-1 et L. 723-1," sont remplacées par les mots : "aux 1° et 2° de l'article L. 621-3, ainsi qu'au profit du Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1," ;
« 2° L'article L. 651-2-1 est ainsi modifié :
« a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le cas échéant, le solde du produit de la contribution résultant de l'application des dispositions de l'alinéa précédent est versé au Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1. » ;
« b) La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : "et le Fonds de solidarité vieillesse" ;
« 3° Le premier alinéa de l'article L. 135-3 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1. »
« Les dispositions du présent III entrent en vigueur à compter de l'exercice 1999.
« IV. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 135-1 est ainsi modifié :
« a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds a également pour mission de gérer un fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse visés à l'article L. 222-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 621-3. »,
« a bis) Au deuxième alinéa, les mots : "qui est assisté d'un comité de surveillance composé notamment de membres du Parlement" sont remplacés par les mots : "qui est assisté dans les missions mentionnées aux premier et deuxième alinéas d'un comité de surveillance composé notamment de membres du Parlement, de représentants des assurés sociaux désignés par les organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national ainsi que de représentants des employeurs et travailleurs indépendants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs indépendants représentatives", »
« b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opérations du Fonds de solidarité vieillesse correspondant à chacune des missions respectivement mentionnées au premier et au deuxième alinéa du présent article sont retracées en deux sections distinctes. » ;
« 2° Au premier alinéa de l'article L. 135-2, les mots : "Les dépenses prises en charge par le fonds visé à l'article L. 135-1 sont les suivantes" sont remplacés par les mots : "Les dépenses prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse au titre du premier alinéa de l'article L. 135-1 sont les suivantes" ; »
« 3° L'article L. 135-3 est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, les mots : "Les recettes du fonds sont constituées par" sont remplacés par les mots : "Les recettes du fonds affectées au financement des dépenses mentionnées à l'article L. 135-2 sont constituées par", »
« b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les recettes et les dépenses du fonds de la première section doivent être équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. » ;
« 4° Les articles L. 135-4, L. 135-5 et L. 135-6 deviennent respectivement les articles L. 135-1-1, L. 135-4 et L. 135-5 ;
« 5° Après l'article L. 135-1-1, il est créé une section 1 intitulée : "Opérations de solidarité" et comprenant les articles L. 135-2 à L. 135-5 ;
« 6° Après l'article L. 135-5, il est inséré une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Fonds de réserve

« Art. L. 135-6 . - Les recettes du fonds affectées aux missions définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par :
« 1° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1 ;
« 2° Tout ou partie du résultat excédentaire de la première section, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ;
« 3° Toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions législatives. »
Sur l'article, la parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Madame la ministre nous a annoncé que le Gouvernement subordonnait toute réforme des régimes de retraite au diagnostic sur les retraites demandé au Commissariat général du plan.
Je réitère la question que j'ai posée lors de la discussion générale : était-il véritablement nécessaire d'établir un nouveau rapport sur les retraites, trois ans à peine après la publication de l'étude du Commissariat général du plan consacrée aux « perspectives à long terme des retraites », dont les enseignements étaient suffisamment éloquents, pour engager sans tarder les réformes nécessaires ?
Ce rapport de 1995 a mis en lumière l'ampleur des déséquilibres futurs de nos régimes de retraite.
Il évalue ainsi les besoins de financement annuels du seul régime général à 107 milliards de francs en 2015. Si l'on additionne les besoins de financement annuels en 2015 des différents régimes étudiés par ce rapport, on obtient un total de 330 milliards de francs par an. Et encore ce rapport n'a-t-il étudié qu'une partie des régimes de salariés : les besoins de financement totaux de l'ensemble des régimes de retraite en 2015 seront donc supérieurs à ce chiffre.
Face à ces difficultés prévisibles, le Gouvernement propose d'ores et déjà, sans attendre les conclusions du nouveau diagnostic, de créer un fonds de réserve pour les retraites, dont la finalité et les modalités de financement restent particulièrement floues.
En annonçant la constitution d'un tel fonds de réserve, le Gouvernement semble faire le choix de la « répartition provisionnée » préconisée par M. Olivier Davanne dans son rapport au Conseil d'analyse économique. La répartition provisionnée désigne la constitution de réserves au sein des régimes de répartition.
Dans un système de répartition provisionnée, les régimes de retraite se concentrent sur leur rôle « d'assureurs intergénérationnels » et gèrent des réserves financières importantes. Les jeunes générations héritent ainsi en contrepartie de la dette implicite laissée par leurs parents d'un patrimoine, productif de revenus, qui allège le poids des cotisations retraite payées par les actifs.
La constitution de réserves peut avoir deux objectifs. Ou bien un simple lissage : les sommes accumulées sont dépensées au moment où les besoins de financement l'exigent, jusqu'à la disparition totale du fonds. Ou bien la constitution d'un fonds durable et permanent dont les revenus financiers permettent de faire face aux besoins de financement.
Selon que l'on choisit l'une ou l'autre des deux options, les montants nécessaires sont très différents. Ils sont naturellement beaucoup plus élevés dans l'hypothèse de la création d'un fonds permanent.
A ce jour, le Gouvernement n'a pas encore indiqué quelle serait véritablement la finalité du fonds de réserve ainsi créé.
En outre, les dotations financières affectées à ce fonds de réserve ne semblent pas à la hauteur des enjeux.
Le fonds de réserve devrait en effet, dans l'immédiat, être alimenté à hauteur de 2 milliards de francs par un prélèvement sur les excédents d'une taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises, créée pour alimenter les régimes de sécurité sociale des personnes non salariées. Cette somme - il faut le souligner - correspond à un jour de versement de prestations vieillesse de notre pays.
MM. Alain Gournac et Jean Chérioux. Eh oui, un jour !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme la réforme Balladur !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Gouvernement a également évoqué - mais sans s'engager formellement - une éventuelle affectation des fonds propres des caisses d'épargne, pour un montant de 15 milliards de francs environ.
Or pour que le fonds de réserve apporte, par les revenus financiers qu'il dégagera, une réponse crédible aux besoins futurs, il faudrait en réalité atteindre très rapidement un montant d'encours colossal, évalué, selon les hypothèses, qui font apparaître, il est vrai, des différences importantes, entre 4 000 et 9 000 milliards de francs. Je signale au passage que 4 000 milliards de francs, c'est plus de deux fois le budget de l'Etat.
L'éventualité d'une surcotisation pour alimenter ce fonds n'a pas été exclue par le Gouvernement.
La commission des affaires sociales se demande toutefois si les actifs - j'imagine que le Gouvernement doit se poser la question également - accepteront de bonne grâce cette surcotisation qui constitue indéniablement une augmentation des prélèvements obligatoires.
Cette question est qualifiée par les économistes de « problème de la transition » qui fait référence au fardeau que doivent subir les générations actuelles de travailleurs contraints de financer aussi bien leur propre compte de retraite que les pensions des retraités actuels ou des travailleurs plus âgés.
Par la création de ce fonds de réserve, le Gouvernement prend le risque de susciter des espoirs qui seront vite déçus. Il y aurait, en effet, un grand péril si nos compatriotes étaient amenés à considérer que ce fonds permettra de résoudre les difficultés futures des régimes de retraite. A l'évidence, ce fonds de réserve, dont la dotation est très faible, ne peut constituer à lui seul une solution réaliste aux déséquilibres futurs de nos régimes de retraite. Tant que nous n'obtiendrons pas des précisions en ce qui concerne son avenir, son montant et ses dotations, la manière dont il sera géré et ses modalités de contrôle, il nous paraîtra sage de ne pas aller plus loin.
M. le président. Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 2 du présent projet de loi concerne le financement des retraites du régime général.
Il crée, de manière tout à fait concrète, un fonds de réserves pour pallier les insuffisances éventuelles de financement de ces retraites.
Pour l'année 1999, le fonds sera alimenté par un versement d'un milliard de francs en provenance de la contribution sociale de solidarité des sociétés, versement qui pourrait, les années ultérieures, être couplé avec d'autres ressources qui seront définies par la voie législative.
Madame la ministre, la question du financement des retraites doit, selon nous, être replacée dans un cadre beaucoup plus large.
Le véritable problème qui est posé n'est pas en effet celui de la réponse conjoncturelle aux besoins de financement, mais celui de la définition de solutions durables pour un financement stable.
En l'espèce, nous ne pouvons évidemment omettre d'évoquer le problème de la démographie, que d'aucuns ont posé et mis en exergue.
La fin de la période d'activité professionnelle des classes d'âge du baby-boom produirait, si l'on en croit certains, un effet sur le ratio actifs-retraités tel que l'équilibre du régime par répartition ne serait plus assuré avec la même certitude.
Nous devons nous poser la question : à qui fera-t-on croire que cette voie constitue la source de toutes nos difficultés ?
Cette appréciation de la situation démographique pose naturellement les véritables interrogations et nous savons, madame la ministre, que vous vous les êtes posées.
Il s'agit notamment de savoir quel est l'impact de la précarisation des conditions de travail et de la persistance d'un niveau de chômage élevé sur le niveau des recettes des régimes de retraite.
Il est tout de même significatif que, dans notre pays, les régimes de retraite soient entrés en zone de turbulence, si l'on peut dire, dès lors que le chômage s'est massifié et que la précarité s'est développée.
Aujourd'hui, on compte quatre fois plus de travailleurs précaires que voilà quinze ans.
Cela ne peut manquer d'avoir des conséquences sur le financement des régimes de retraite, comme d'ailleurs sur l'ensemble des comptes sociaux. Cela peut aussi avoir à long terme des conséquences pour les travailleurs eux-mêmes, au regard de la consistance de leurs droits à pension.
On ne peut aussi manquer de souligner en termes de recettes des régimes de retraite que, de façon globale, la contribution des entreprises au financement des retraites s'est trouvée réduite ces dernières années, alors même que les prélèvements effectués sur les salariés et les ménages connaissaient pourtant une hausse assez régulière.
Au cours des années quatre-vingt, on a ainsi assez largement fiscalisé les recettes du régime d'assurance vieillesse, sans que cela produise d'effet positif durable sur sa situation financière. C'est un constat.
Le mouvement s'est d'ailleurs poursuivi avec la réforme de 1993 qui n'a pas résolu, loin s'en faut, les difficultés de l'assurance vieillesse et dont les effets pèsent en revanche lourdement sur le pouvoir d'achat des retraités et des pensionnés.
La constitution d'un fonds de réserve ne doit donc pas faire oublier la nécessité, dans ce domaine de l'assurance vieillesse comme en d'autres, d'une profonde réforme des cotisations sociales des entreprises et des modalités de financement du régime général de protection sociale.
Là est sans doute la véritable solution aux problèmes posés, madame la ministre.
Quelques mots, pour terminer, sur la question de la retraite par capitalisation, ce que l'on appelle communément « les fonds de pension ».
Nous nous félicitons que les principes ayant guidé l'élaboration de la loi Thomas soient aujourd'hui abandonnés.
Permettez-moi d'ailleurs d'observer que ce texte était sans doute très mauvais et très mal conçu puisque le gouvernement de l'époque n'avait pas osé le présenter lui-même et avait demandé à un député de la majorité d'alors de le proposer.
MM. Charles Descours, rapporteur, et Alain Gournac et Jean Chérioux. Comme pour le PACS ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Aucune comparaison, mes chers collègues !
Nous doutons de la capacité des fonds de pension à répondre aux besoins de financement des retraites.
L'une des raisons de ce doute est que le financement, par voie de cotisations, desdits fonds pèsera naturellement sur les recettes normales du régime par répartition, et singulièrement sur les salaires.
Quant au remplacement d'un prélèvement dit obligatoire par un prélèvement facultatif qui aura vite un caractère d'obligation, nous ne voyons pas là, malheureusement, de différence sensible.
Il faut que l'on cesse de tromper les gens : les fonds de pension ont vocation non pas à répondre à des inquiétudes, même légitimes, mais plutôt à livrer à la spéculation boursière des sommes chaque fois plus importantes et consacrées à de nouveaux et spectaculaires gâchis de ressources.
Ce sont là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques observations que nous voulions faire sur cet article 2.
M. Jean Chérioux. Vive les prélèvements obligatoires !
M. le président. Sur l'article, la parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Le registre de mon intervention sera différent, mais le sujet est le même.
L'ensemble des experts sont d'accord pour reconnaître que, en 2005-2010, les régimes de retraite de base et les régimes complémentaires connaîtront un déséquilibre chronique.
Ainsi, M. Raoul Briet, dans son rapport relatif aux perspectives à long terme des retraites, analyse avec précision la situation de chaque régime. Le régime des retraites complémentaires des salariés du secteur privé, l'ARRCO, devrait normalement rester excédentaire jusqu'en 2010, au prix d'une hausse progressive des cotisations. Rappelons, par ailleurs, que l'ARRCO ne liquide les pensions à taux plein qu'à soixante-cinq ans, le surcoût de la retraite à soixante ans pour ces régimes étant assuré par une structure spécifique, créée en 1983.
Mais, comme l'AGIRC, l'ARRCO risque de connaître de graves problèmes financiers dès 2015. A ce moment-là, tous régimes confondus, le besoin de financement pourrait atteindre près de 400 milliards de francs.
Quant aux causes de cette situation, elles suscitent de vifs débats entre responsables politiques et partenaires sociaux. Ces derniers, les syndicats de salariés en fait, insistent sur l'influence du chômage sur les difficultés présentes et futures des régimes de retraite. Nul ne peut nier, en effet, les méfaits de la crise économique, et du problème plus précis de la diminution de la durée de la carrière des actifs, sur la situation financière de la protection sociale.
Par ailleurs, comment ignorer l'impact de la dénatalité, du vieillissement de la population française ? Un taux de natalité de 1,6 ou 1,7 est manifestement insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Le rapport cotisants-retraités risque donc de se dégrader encore dans l'ensemble des régimes, en particulier dans le secteur public. C'est pourquoi il est plus que jamais nécessaire de mener une politique familiale plus ambitieuse. S'agissant de la dénatalité, il n'y a pas de fatalité : l'exemple de la Suède, voilà quelques années, l'a démontré.
En attendant de connaître les conclusions de la mission Charpin, on peut s'interroger sur l'efficacité du dispositif que le présent projet de loi tend à instituer avec le fonds de garantie des régimes de retraite par répartition. L'idée est louable, certes, mais les modalités sont critiquables ; cela a déjà été dit.
Le montant, tout d'abord, est dérisoire. Quant au fait d'affecter à ce fonds, à terme, une partie des fonds propres des caisses d'épargne et des recettes de privatisation, cela demande un examen plus approfondi et devrait faire l'objet d'un projet de loi spécifique.
S'agissant des recettes de privatisation, rappelons que c'est le gouvernement précédent qui, en 1995, a décidé de les imputer sur un compte d'affectation spéciale concourant au désendettement de l'Etat. Il s'agissait d'une mesure particulièrement courageuse, prise dans un souci de transparence budgétaire et d'assainissement financier.
Modifier l'affectation de ces fonds pose donc un problème plus large. La réduction de la dette par habitant, qui atteint à présent 192 000 francs, doit rester notre priorité. Mais est-ce-vraiment à l'Etat et à la communauté nationale d'assurer continuellement le renflouement des régimes de retraite dont certains sont structurellement déficitaires ?
La question du maintien du pouvoir d'achat des retraites appelle une réponse volontariste et innovante : la création d'un nouvel étage de retraite complémentaire par capitalisation, alors que la loi de 1997 devrait être prochainement abrogée. Ce sera l'objet d'un amendement de mon groupe parlementaire lors de cette discussion.
M. Jacques Machet. Très bien ! M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Avant d'aborder les amendements qui ont été déposés sur cet article important créant le fonds de retraite, je voudrais avoir l'avis de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur une information parue tout à l'heure dans un grand journal du soir : le président de la caisse régionale d'assurance maladie du Sud-Est laisse entendre que des pensions sont versées à des morts à l'étranger, du fait d'« un système de contrôle fort vulnérable et désuet ».
La Caisse nationale d'assurance vieillesse répond que, « si les fraudes existent, elles ne peuvent être que ponctuelles et en aucun cas représenter des surcoûts de dépenses massifs ».
Ce n'est pas, loin s'en faut, une réponse très satisfaisante. J'aimerais donc connaître sur ce point l'avis du ministre de tutelle. (M. Machet applaudit.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, vous savez comme moi que la CNAM ne dépend pas l'Etat. Je ne me permettrai pas de vouloir étatiser la CNAM, comme cela m'a d'ailleurs été reproché par certains de vos collègues.
Si les faits que vous évoquez étaient avérés, je serais la première à exprimer à la CNAM le souhait du Gouvernement de voir effectuer les contrôles les plus appropriés possible. Mais nous sommes, je le répète, dans un domaine relevant des partenaires sociaux, et je me garderai bien d'intervenir à cet égard.
Pour le reste, je rappellerai rapidement certaines choses.
M. Vasselle déclare que tout était déjà dans le rapport de 1995 sur les retraites. Pourquoi, par conséquent, n'avoir rien fait entre 1995 et 1997 pour régler définitivement ce problème ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, vous me demandez pourquoi nous faisons établir un nouveau rapport. Je crois l'avoir déjà dit très clairement : on ne peut considérer savoir ce qui se passe s'agissant des retraites en se contentant de comparer le montant final des retraites au montant des salaires, sans étudier quelles ont été les contributions des salariés et quel était le contenu du contrat social que ceux-ci avaient passé avec leur entreprise. C'est la raison pour laquelle nous avons effectivement souhaité qu'un rapport plus complet soit élaboré par le commissariat général du Plan.
Vous nous reprochez de tarder ; mais quand nous ne tardons pas et que nous créons un fonds de réserve, vous nous demandez pourquoi nous agissons si vite ! Là aussi, il faudrait savoir ! Eh bien nous créons ce fonds dès maintenant car il n'y a pas de temps à perdre pour trouver les moyens d'alimenter un fonds pour les retraites.
En revanche, il nous semble que, sur un sujet d'une importance aussi cruciale pour notre société - je rejoins là les propos de Mme Beaudeau -, il est utile d'instaurer un grand débat public. Nous l'engagerons et, je le dis devant cette assemblée, j'espère qu'il réunira l'ensemble des partis politiques de notre pays, car ce problème, qui se pose à nous sur le moyen et le long termes, imposera qu'un certain consensus se dégage quant à la façon de le traiter...
M. Jacques Machet. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... dès lors que nous sommes d'accord sur les prémisses, à savoir défendre et conforter nos régimes de retraite par répartition et mettre en place une épargne retraite à long terme dont tous nos concitoyens puissent bénéficier et qui soit comme le troisième étage, si je puis dire, d'une fusée comportant en outre le régime général et les régimes complémentaires.
Le Gouvernement a donc souhaité, pour montrer sa volonté de conforter les régimes de retraite par répartition, verser à ce fonds de retraite les 2 milliards de francs d'excédents qu'il était possible de dégager.
Comme vous l'avez dit vous-même, d'autres sources permettront par ailleurs de l'alimenter. Je pense qu'il s'agit d'une sage précaution.
Pour le reste, il vaut mieux, à mon avis, attendre d'avoir engagé ce débat public et de nous être mis d'accord pour que ce fonds de réserve devienne éventuellement autonome et soit doté d'un conseil particulier. Nous définirons alors ensemble la façon dont ces fonds seront gérés et utilisés. Je crois que cela participe aussi de notre souci de concertation, et c'est la raison pour laquelle nous avons mis de l'argent de côté quelques mois, avant de décider, tous ensemble je l'espère, de son emploi.
M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi de quatre amendements, déposés par MM. Descours et Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 40 tend, à la fin du texte proposé par le a) du 1° du IV de l'article 2 pour être inséré après le premier alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, à supprimer les mots : « visés à l'article L. 222-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 621-3 ».
L'amendement n° 41 vise à supprimer le a bis) du 1° du IV de l'article 2.
L'amendement n° 42 a pour objet de rédiger ainsi le texte présenté par le 6° du IV de l'article 2 pour l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 135-6. - Les recettes du fonds affectées aux missions définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par toute ressource affectée en vertu de dispositions législatives. »
L'amendement n° 43 tend à compléter l'article 2 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« V. - Les missions, les statuts et les ressources du fonds de réserve mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale sont déterminés par une loi tendant à assurer l'équilibre à long terme des régimes d'assurance vieillesse, portant réforme des régimes spéciaux de retraite et instituant un régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre ces quatres amendements.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, j'ai bien écouté votre intervention. Je me réjouis de constater que vous faites appel à un consensus. S'agissant du fonds de réserve, nous sommes d'accord sur le principe, mais pas sur la forme. En revanche, l'intervention de Mme Beaudeau me laisse à penser que le consensus sur le troisième étage de l'épargne retraite fait l'objet, au sein de la majorité, de quelques difficultés. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'en viens maintenant aux quatre amendements déposés par la commission des affaires sociales sur le fonds de réserve.
La décision de créer ce fonds de réserve soulève un certain nombre d'interrogations que vient de rappeler Alain Vasselle et qui n'ont pas reçu de réponse.
Je constate en outre que rien n'est dit sur les modalités de gestion de ce fonds : quel sera l'horizon de placement et, par conséquent, les supports financiers de ce fonds ? Qui sera chargé de la gestion du fonds ? Quelles seront les modalités de contrôle ? Et ce que je viens d'indiquer sur la CNAV nous fait dire que les modalités de contrôle ne sont pas neutres. Le projet de loi est muet sur tous ces points.
En réponse à nos questions, vous avez indiqué, madame le ministre, que ce fonds devait être géré de manière collective selon des modalités qui seront définies après une large concertation au vu des conclusions du rapport du commissariat général du Plan.
Je souhaite que vous ne soyez pas déçue, et que les choses ne se terminent pas comme dans la pièce En attendant Godot : ils attendent toujours ! J'espère donc que M. Charpin ne sera pas Godot ! Enfin, nous verrons !
Les décisions concrètes sont donc renvoyées, une fois de plus, à des textes ultérieurs.
La décision de créer ce fonds de réserve revêt une dimension essentiellement symbolique et politique. Le Gouvernement craignait manifestement de se faire accuser d'attentisme sur la question des retraites ; il a souhaité prendre une initiative à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Ce contexte explique le caractère un peu précipité de cette décision.
Les objectifs de ce fonds de réserve sont flous, les modalités de financement apparaissent dérisoires par rapport aux besoins futurs - M. Vasselle vient de le dire - et les modalités de gestion restent à définir.
Aujourd'hui, nous considérons que le Gouvernement ne présente pas un dispositif cohérent et crédible, et que le projet de loi est très inachevé. Vous avez d'ailleurs vous-même évoqué, madame le ministre, le caractère de « solution transitoire » du dispositif que vous présentez.
La commission des affaires sociales aurait pu proposer la suppression de ce fonds de réserve. Mais sans nul doute, et avec un peu de mauvaise foi, vous l'auriez accusée de vouloir s'opposer à la pérennisation des retraites par répartition. Elle n'ira donc pas dans ce sens pour vous éviter d'avancer cet argument. De plus, elle a considéré que la suppression de cette mesure symbolique aurait une valeur qu'elle ne souhaite pas donner à la suppression du fonds de réserve.
Ayant pris acte de la mesure « symbolique » - je reprends votre terme - que constitue la création de ce fonds de réserve, la commission a cependant jugé inutile de faire semblant d'attribuer à ce fonds un embryon de ressources, de peaufiner la composition d'un comité de surveillance ou de préciser les régimes bénéficiaires.
De telles dispositions semblent déplacées alors même que restent parfaitement indéterminés la nature des « vraies » ressources qui alimenteront le fonds et qui, de toute façon, devront se chiffrer en centaines de milliards de francs alors que nous en sommes à 2 milliards de francs, l'affectation de ces ressources, leur mode et leur horizon de placement ou, enfin, les modalités de gestion.
En réalité, les différentes dispositions relatives au fonds de réserve forment un tout dont il n'est pas possible de dissocier certains éléments.
La commission considère que la mise en place d'un tel fonds de réserve relève, à l'évidence, d'un texte d'ensemble cohérent et complet incluant des mesures permettant de faire cesser les déficits actuels, de clarifier la situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.
La commission propose donc quatre amendements.
Tout d'abord, l'amendement n° 40 vise à supprimer la liste des régimes bénéficiaires du fonds de réserve - il n'y a pas de raison que des régimes en soient bénéficiaires alors que d'autres en sont exclus, et l'on ne voit d'ailleurs pas très bien en fonction de quoi.
Ensuite, l'amendement n° 41 tend à supprimer les modifications de la composition du comité de surveillance du FSV, le fonds de solidarité vieillesse.
Quant à l'amendement n° 42, il a pour objet de supprimer le circuit complexe permettant d'affecter au fonds de réserve une ressource symbolique. Avouez que le cheminement de la C3S jusqu'à ce fonds de réserve est difficile à suivre et qu'il s'apparente même à un véritable jeu de piste !
Enfin, l'amendement n° 43 prévoit que les missions, statuts et ressources du fonds de réserve seront déterminés par une loi tendant à assurer l'équilibre à long terme des régimes d'assurance vieillesse, portant réforme des régimes spéciaux de retraite et instituant un régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat.
Nous souhaiterions le dépôt, au cours des six prochains mois, d'un projet de loi concernant l'ensemble des retraites - non seulement celles des salariés mais aussi celles des fonctionnaires de l'Etat - ce qui nous permettrait de débattre sereinement d'un problème qui intéresse l'ensemble de notre pays.
Je suis heureux, madame le ministre, que vous ayez indiqué que cette question transcendait les gouvernements ; mais je ne l'ai pas toujours entendu dire par vos amis quand M. Balladur a réformé les régimes de retraite en 1993 ! Peut-être aurons-nous avancé dans la compréhension de ce problème lorsque vous présenterez votre propre programme de réforme.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 40 à 43 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, nous arriverons à nous mettre d'accord pour l'avenir si nous abordons le sujet sans a priori.
Pour ma part, je ne considère pas a priori que les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des fonctionnaires, sont vraiment plus favorables. Je le répète, il y a un contrat social général et, si nous nous amusons à comparer les salaires versés, le niveau de retraite et les contributions, nous aurons sans doute des surprises. C'est pourquoi le rapport du commissariat général du Plan peut être utile. Nous ne parviendrons à mon avis à traiter ce problème difficile que si nous l'abordons sans a priori - j'insiste sur ce point - et en ne montrant pas du doigt certaines catégories ; c'est en tout cas le schéma du Gouvernement.
Par ailleurs, l'un de vos arguments essentiels est de dire que le fonds de réserve ne sera doté que de 2 milliards de francs, somme symbolique que vous refusez donc.
Or, la réforme de M. Balladur, qui avait d'ailleurs été largement préparée par le travail de Michel Rocard, a apporté 2 milliards de francs par an, et vos amis l'ont considérée comme une très grande réforme.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ah oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit du même montant. On ne peut donc considérer que 2 milliards de francs, d'un côté, sont à l'origine d'une importante réforme et, de l'autre, ne sont que symboliques et méritent d'être rejetés, comme vous le faites de manière un peu rapide, me semble-t-il.
S'agissant des divers amendements, vous comprendrez que je ne puisse les accepter.
Tout d'abord, en première intention - tout cela pourra être discuté - le Gouvernement souhaite limiter le champ du fonds de réserve au régime général et à certains régimes alignés de non-salariés, ce qui est cohérent avec une alimentation par la C3S dont vous nous avez parlé par ailleurs et avec l'effort de rééquilibrage financier qui est entamé dans ces régimes.
Je voudrais redire devant le Sénat que, si nous ne prenions pas ces 2 milliards de francs d'excédents de la C3S, qui, je vous le rappelle, est constituée d'une taxe pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs, cette somme serait versée au budget annexe des prestations agricoles, le BAPSA, c'est-à-dire au budget de l'Etat. Il me paraît donc préférable d'affecter cette somme au financement de la sécurité sociale plutôt qu'au budget de l'Etat.
Je suis d'autant plus étonnée que vous ne soyez pas favorable au maintien pérenne de l'affectation des excédents de la C3S au budget de la sécurité sociale que votre position n'a pas été partagée, à l'Assemblée nationale, par les groupes que vous représentez. Pour ma part, je considère que c'est une bonne mesure qui permet aux grandes entreprises de contribuer au financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 40.
De même, vous souhaitez que le FSV, dont vous regrettez par ailleurs que son conseil de surveillance soit étendu aux partenaires sociaux, soit géré par ces mêmes partenaires sociaux. Nous ne l'avions pas prévu au départ, considérant que ce fonds ne resterait au sein du FSV que pendant quelques mois ; mais, pour que chacun soit rassuré, nous avons accepté de modifier la composition du conseil de surveillance. Le Gouvernement est donc également défavorable à l'amendement n° 41.
Il en est de même s'agissant des amendements n°s 42 et 43, qui rejoignent ce que j'ai dit à propos de la dotation initiale. Si ces 2 milliards de francs ne règlent pas la totalité du problème - personne ne le dit d'ailleurs - les parts sociales des caisses d'épargne qui viendront abonder ce fonds représentent 12 à 15 milliards de francs, ce qui est loin d'être négligeable. Et nous trouverons sans doute d'autres ressources.
Tout cela montre la volonté du Gouvernement d'engager sans tarder la consolidation de nos régimes par répartition. C'est là toute l'importance de l'article 2. Le Gouvernement ne peut donc être que défavorable à l'ensemble de ces amendements.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai bien écouté vos arguments, madame le ministre. Je crois pour ma part que l'excédent de la C3S peut rester au sein du FSV et donc dans les régimes de sécurité sociale. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que cet excédent ne doit pas repartir dans le budget de l'Etat. Nous sommes d'ailleurs très sensibles à ce genre de choses.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans le cadre des explications de vote sur l'amendement n° 40, qui vient d'être défendu avec pertinence par notre collègue M. Descours, permettez-moi, madame la ministre, de relever les observations que vous avez formulées en réponse à mon intervention sur l'article 2.
Vous avez commencé par indiquer que les gouvernements qui vous avaient précédé, tant celui de M. Juppé que celui de M. Balladur, avaient peu fait ou n'avaient rien fait et que les réformes engagées par M. Balladur ne représentaient qu'une recette annuelle de 2 milliards de francs.
Mes chers collègues, il m'apparaît nécessaire d'apporter quelques précisions, car on ne peut pas laisser dire que rien n'a été fait avant que le gouvernement socialiste assume les responsabilités du pouvoir au plan national !
Il faut rappeler qu'en 1993 les mesures législatives et réglementaires qui ont été prises par M. Balladur et par Mme Veil ont eu pour objet de jouer sur la durée des cotisations et sur la prise en considération des meilleures années pour le calcul du montant de la retraite. Elles ont eu pour effet de représenter une économie, par rapport au déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale, de l'ordre de 2,5 milliards de francs.
Quand M. Balladur a proposé cette réforme, il se projetait sur les besoins de la branche vieillesse à l'horizon 2000-2005. Or nous savons qu'à partir de l'an 2000 et jusqu'en 2005, ce sont les générations creuses qui vont faire valoir leur droit à la retraite, et qu'elles pèseront moins sur le déficit de la branche vieillesse, puisque les chiffres nous montrent qu'en 2001 le déficit de la branche vieillesse - si la situation reste la même sur le plan conjoncturel - ne serait que l'ordre de 2 milliards de francs, l'équilibre pouvant être atteint autour de 2002. C'est bien dans cette perspective que la réforme Balladur a été mise en place !
Mais M. Balladur avait également mis en place d'autres éléments de réforme. Il faut savoir qu'avant 1993 l'ensemble du non-contributif était supporté par la branche vieillesse et que cela représentait une somme d'au moins 60 milliards de francs par an.
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le gouvernement de M. Balladur a donc eu le courage d'engager une réforme se traduisant par une augmentation des recettes au profit du non-contributif - qui doit être financé par le produit de la solidarité nationale - avec un accroissement de la CSG de 1,3 point...
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... et une augmentation des droits sur les alcools, qui sont venus alimenter le fonds de solidarité vieillesse, mais également avec une disposition sur la prévoyance qui a servi à alimenter ce fonds.
Tout cela a permis, depuis 1993, d'améliorer la situation de la branche vieillesse de 60 milliards de francs par an. Cinq ans plus tard, cela représente donc une somme de 300 milliards de francs, ce qui n'est tout de même pas nul.
Que l'on ne nous dise donc pas aujourd'hui que ni M. Balladur ni M. Juppé n'ont rien fait sur le sujet ! Lorsque M. Juppé a pris ses fonctions en 1995, la réforme de 1993 commençait à produire ses effets. Il est vrai qu'il a pris peu de temps après une initiative qui n'a pas été bien ressentie par une partie des « bénéficiaires » - ce terme doit sans doute être relativisé, ainsi que Mme la ministre l'a fait remarquer à M. Descours - des régimes spéciaux. Et vous vous souvenez sans doute de ce qui s'est passé lorsqu'on a voulu s'attaquer aux régimes spéciaux des cheminots : force est de constater que les négociations se sont traduites par un échec.
Mais, que je sache, depuis 1997, il s'est écoulé maintenant plus d'une année, et je n'ai pas vu, de la part du Gouvernement, une initiative structurelle forte en faveur de la branche vieillesse. Vous n'avez pas réuni les responsables des ces régimes pour étudier comment on pouvait s'attaquer à la situation d'un certain nombre de régimes spéciaux, pour engager une réforme structurelle à ce niveau. Evidemment, c'est un domaine très sensible et, quand on y touche, c'est douloureux.
M'exprimant ainsi, je ne vise pas spécifiquement les fonctionnaires, mais je n'oublie pas la CNRACL et ce qui a été fait à ce sujet par les gouvernements successifs : comme nous l'avons reconnu avec M. Domeizel, alors qu'il y avait un excédent annuel de 17 milliards de francs, on a fait jouer la compensation démographique - comme pour d'autres régimes - mais la surcompensation a placé la CNRACL dans une situation particulièrement délicate et difficile aujourd'hui.
Enfin, s'agissant de l'excédent généré par la C3S, je confirme ce qu'a dit M. Descours tout à l'heure : si notre amendement est adopté, les 2 milliards de francs qui n'iront pas au fonds de réserve resteront cependant dans le fonds de solidarité vieillesse.
Antérieurement, les excédents éventuels de la C3S étaient affectés au BAPSA, de sorte que cet argent n'était pas perdu : il était destiné à alimenter les besoins de la sécurité sociale, soit directement au profit du régime général, soit au profit de régimes alignés comme ceux des agriculteurs ou des artisans.
Voilà les précisions que je tenais à apporter pour que l'on cesse de penser que rien n'avait été fait auparavant et qu'il a fallu attendre l'arrivée au pouvoir de M. Jospin pour qu'enfin, en 1998, on s'attaque à des réformes structurelles concernant la branche vieillesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Après avoir écouté avec attention les intervenants successifs, notamment M. Vasselle, je considère que les propos qui ont été tenus après ceux de Mme le ministre sont significatifs.
Comment peut-on dire que rien n'a été fait ?
Cela étant, qu'il s'agisse de la durée des cotisations - quarante ans - ou du calcul de référence - les vingt-cinq meilleures années - ces mesures ne s'appliquent qu'aux assujettis au régime général. C'est une injustice par rapport aux personnes qui relèvent des régimes spéciaux. Je m'étonne qu'au-delà des chiffres on ne le signale pas ! Nos concitoyens sont donc soumis à un double traitement, et il en va de même pour les pensions de réversion.
L'équité et la justice entre les Français doivent être recherchées dans l'application de toutes ces mesures et je considère qu'il est très réducteur de cantonner le débat aux seuls chiffres. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'abord, je ne peux pas laisser dire que j'aurais dit que rien n'a été fait. Je ne l'ai pas dit, c'est M. Vasselle qui l'a laissé entendre.
Ensuite, ce n'est pas moi qui cantonne le débat aux chiffres : vous venez d'expliquer pendant un certain temps, monsieur Vasselle, qu'un fonds de réserve de 2 milliards de francs était négligeable. Je souhaiterais élever quelque peu le débat, et permettez-moi de vous dire, monsieur le sénateur, que je partage votre point de vue.
En tout état de cause, je ne me suis pas permis de dire que rien n'avait été fait.
M. Jacques Oudin. C'est pourtant ce que nous avons entendu !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Grâce aux services des comptes rendus, nous saurons quels ont été réellement mes propos à la lecture du Journal officiel !
J'ai simplement constaté qu'à vous entendre les 2 milliards de francs de M. Balladur représentaient une grande réforme alors que les 2 milliards de francs du fonds de réserve n'étaient rien. Voilà ce que j'ai dit ! Mais peut-être ne m'avez-vous pas écoutée... (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR.)
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je croyais avoir compris, grâce aux explications très claires de M. Vasselle, qu'aucun rapprochement ne pouvait être établi entre 2 milliards de francs d'un côté et 2 milliards de francs de l'autre. En quelque sorte, les 2 milliards de francs du fonds de réserve sont conjoncturels et représentent l'utilisation logique des excédents. Ils ne sont cependant pas du tout comparables à des mesures structurelles prises par le gouvernement Balladur, qui, comme nombre de mesures structurelles, sont souvent impopulaires, surtout quand l'opposition en conteste le principe même.
Voilà ce que j'avais retenu des explications de M. Vasselle, et je crois, madame la ministre, que vous devriez nous en donner acte. Non, on ne peut pas comparer les 2 milliards de francs Aubry et les 2 milliards de francs Balladur !
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah non, ce n'est pas la même chose, c'est clair !
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, de donner notre sentiment sur la création des fonds de réserve, démarche que nous approuvons.
Par-delà toutes les critiques qui peuvent être formulées ici ou là - et elles ont été nombreuses cet après-midi - ayons tous l'honnêteté de reconnaître qu'avec la création de ce fonds un nouveau virage est amorcé : le Gouvernement abandonne enfin une gestion à courte vue qui risquait de compromettre le système par répartition.
S'agissant du rattachement de ce fonds au fonds de solidarité de vieillesse, j'ai compris que Mme la ministre avait été sensible à l'idée consistant à séparer plus nettement les différents fonds pour éviter, à terme, toute confusion.
Un dispositif mieux élaboré, instaurant un fonds distinct et indépendant du FSV, sera, je l'espère, mis à l'étude pour l'année prochaine.
Quoi qu'il en soit, nous voterons contre tout amendement qui remettrait en cause ou qui fragiliserait la mise en oeuvre d'un fonds de réserve qui est, à nos yeux, indispensable et judicieux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 41.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. La rédaction proposée pour le paragraphe a bis de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale. Il s'agit de mettre en place, comme nous le souhaitions, un comité de surveillance composé de parlementaires, de représentants des assurés, des employeurs et des travailleurs sociaux.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 41, qui tend à supprimer cette disposition.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à l'heure, Mme la ministre avait le sentiment que nous étions fondamentalement opposés à l'association de l'ensemble des partenaires sociaux à la gestion du fonds parce que nous avions déposé un amendement de suppression.
Il convient de replacer cet amendement dans le contexte de la démarche de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que nous ne sommes pas opposés par principe à la création du fonds de réserve. Par conséquent, ne nous faites pas dire, madame la ministre, ce que nous n'avons pas dit : nous disons simplement qu'alimenter ce fonds de 2 milliards de francs est vraiment trop symbolique par rapport à l'ensemble des besoins. Ces 2 milliards de francs, de toute façon, resteraient en réserve et ne seraient pas utilisés à d'autres fins, on les laisserait dans le fonds de solidarité vieillesse.
Pour le reste, nous ne savons pas s'il sera alimenté de façon pérenne ni à quelle hauteur,...
M. Alain Gournac. On ne sait rien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... ni comment il sera géré, puisque le Gouvernement n'a pas formulé de propositions sur ce point.
Cette disposition n'est que le résultat d'un amendement déposé par le groupe communiste à l'Assemblée nationale et nous ne savons pas comment les fonds seront gérés, ni ce qu'ils vont dégager comme produit financier à terme pour assurer les dépenses futures. Comme nous ne connaissons pas non plus les mesures de contrôle qui vont être prises, tout cela est beaucoup trop flou.
Le groupe communiste républicain et citoyen n'a d'ailleurs pas manqué de le rappeler au cours de la discussion générale, et M. Fischer a bien dit que ce fonds de réserve soulevait de nombreux problèmes. Cette question se pose donc au sein de tous les groupes de la Haute Assemblée, hormis le groupe socialiste qui, par solidarité vis-à-vis du Gouvernement, adopte une attitude d'approbation aveugle sur ce dossier.
M. Claude Estier. Non, pas aveugle !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est par conviction !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En ce qui concerne la participation des partenaires sociaux à la gestion de ce fonds, nous n'avons pas d'opposition de principe. C'est par cohérence avec l'amendement précédent que la commission a déposé l'amendement n° 41. Ne nous faites donc pas dire ce que nous n'avons pas dit, et ne nous prêtez pas des intentions que nous n'avons pas.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je crois décidément que je m'exprime mal !
J'ai dit tout à l'heure que je ne comprenais pas que vous demandiez à la fois que les partenaires sociaux ne participent pas au conseil de surveillance du fonds, alors que vous souhaitiez par ailleurs qu'ils gèrent ledit fonds.
Je ne vous ai pas soupçonné de vouloir écarter les partenaires sociaux : je vous ai demandé pourquoi vous vouliez les supprimer alors que vous souhaitiez leur participation !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je n'ai pas dit cela, madame la ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, soit je m'exprime mal, soit j'articule mal. J'aimerais en tout cas que l'on ne m'impute pas des critiques que je n'ai pas portées. Seule la contradiction entre vos propos m'avait étonnée, et je ne comprends pas cette contradiction.
Je le redis pour que vous ne croyiez surtout pas que j'imagine qu'un jour vous puissiez ne pas souhaiter que les partenaires sociaux gèrent les fonds de retraite ! Nous y reviendrons lorsque nous parlerons du système définitif l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Pour que tout soit clair, madame le ministre, si vous nous proposez un amendement ainsi rédigé : « Il est créé un fonds de réserve dont les modalités d'alimentation, de gestion et de contrôle seront définies par une loi déposée avant juin 1999 »,...
M. Alain Gournac. Là, d'accord !
M. Charles Descours, rapporteur. ... nous le voterons.
Vous avez la chance de pouvoir amender le texte jusqu'au dernier moment. Saisissez cette chance, et nous vous suivrons !
M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission a également le droit d'amender en séance, et ce jusqu'à la fin du débat.
M. Charles Descours,. rapporteur. En l'espèce, le Gouvernement a ce droit !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Sa simple lecture ainsi que les observations de M. le rapporteur sur ses objectifs ne peuvent que justifier notre opposition à cet amendement de la commission.
L'une des données essentielles de ce projet de loi est en effet de revenir sur la question du financement des retraites.
C'est peu dire qu'un débat pour le moins controversé s'est ouvert sur ce sujet dans l'opinion publique, voire au sein des associations, des organisations syndicales, des partis politiques et des assemblées parlementaires.
On nous présente comme inéluctable une détérioration de nos régimes de retraite due au « basculement démographique » des tranches d'âge du baby-boom, du statut d'actif à celui d'inactif.
Une telle présentation de la situation appelle plusieurs observations fondamentales.
Cette manière de présenter le devenir de nos régimes de retraite est à la base d'une vaste campagne d'intoxication destinée à justifier la mise en place de régimes de retraite par capitalisation, dont le moins que l'on puisse dire est que la finalité est non pas de fournir un revenu aux salariés, mais plutôt de distraire de la masse salariale des éléments de plus en plus importants tirés de la richesse créée par le travail pour les réinjecter dans les circuits financiers.
Cette présentation de la situation nous semble fallacieuse à deux titres au moins.
En premier lieu, on fait rapidement l'économie d'un élément clé dans toute analyse de l'avenir de la protection sociale, à savoir le niveau et la qualité de l'emploi.
Je vous invite, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, à vous demander pourquoi l'aggravation de la situation des comptes sociaux, comme des comptes publics de façon générale, d'ailleurs, est allée de pair avec le développement du chômage et le maintien de celui-ci à un niveau particulièrement préoccupant, avec le développement de la précarisation du travail - on compte aujourd'hui quatre fois plus de salariés précaires dans ce pays qu'il y a quinze ans - et avec un raccourcissement de la période d'activité effective de chaque salarié.
Comment réfléchir au devenir de la protection sociale sans mettre en question toutes les politiques qui, sous prétexte d'alléger le coût du travail - rappelez-vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, avec quelle frénésie vous avez pu amender la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, en ce sens, ou encore accepter les règles de la loi Robien ! - n'ont, en fait, conduit qu'à rendre toujours plus défavorable à l'emploi le partage de la richesse créée par le travail ?
Dois-je vous rappeler, une fois de plus, comme pour enfoncer un clou déjà bien martelé, que la part des salaires dans la richesse créée dans notre pays est aujourd'hui inférieure à ce qu'elle était en 1970, époque où le secrétaire d'Etat à l'emploi, un certain Jacques Chirac, multipliait les initiatives pour éviter que le chômage ne dépassât la barre des 500 000 victimes ?
Dois-je vous rappeler que le prélèvement des dividendes versés aux actionnaires par nos entreprises a progressé deux fois plus vite que le niveau général de la production depuis cette même année 1970 ?
On ne peut non plus oublier que cette logique de réduction du coût du travail a été, contre toute logique, jusqu'à la réduction pure et simple du niveau de la contribution des entreprises au financement de la protection sociale, singulièrement du régime vieillesse.
Eh oui ! ne l'oublions pas, les régimes de retraite, avec leurs difficultés structurelles dont on nous rebat les oreilles, sont aujourd'hui victimes, entre autres, de la réduction de la contribution des entreprises à leur financement.
La commission des affaires sociales - on s'en serait un peu douté ! - n'a pas d'objections majeures à opposer à la constitution d'un fonds de réserve pour le financement des retraites.
Mais, pour le coup, elle ne ferme pas la porte, si l'on peut dire, à toute utilisation éventuelle des excédents de telle ou telle branche de la protection sociale pour alimenter et pérenniser les ressources du fonds.
En quelque sorte, c'est un peu le retour de la compensation entre branches que vous nous proposez ! Mais, dans ce cas - je suis désolé de vous le dire - il n'aurait pas fallu, un beau jour de 1994, voter la séparation des branches ! Nous pourrions nous dispenser de tels artifices législatifs, si l'on avait maintenu les règles jusqu'alors en vigueur.
Et comme si cela ne suffisait pas, la commission nous ressert finalement le plat de l'application des règles propres au régime général de retraite aux régimes dits « spéciaux ».
Reconnaissons là à la majorité de la commission une certaines constance !
Elle a défendu, en son temps, la réforme des retraites Balladur, allongeant la durée de cotisations et remettant en cause le droit à la retraite à soixante ans à taux plein, et cette position est, certes, logique.
Elle est aussi logique au regard du coup de force pratiqué, sous la pression des événements et du gouvernement de M. Juppé, largement contesté dans le pays, un beau jour de décembre 1995, pour faire passer coûte que coûte le plan Juppé et ses ordonnances, dont le contenu est encore aujourd'hui pour le moins discutable.
Le voeu des auteurs de cet amendement est clair : après avoir réduit les garanties offertes aux salariés du régime général, il s'agit de s'attaquer au niveau des retraites des salariés des régimes spéciaux.
Nous ne pouvons les suivre dans cette voie.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, raporteur. A l'occasion de l'examen d'un amendement relativement anodin, nous avons eu droit à un survol de la situation de l'emploi dans notre pays depuis dix-sept ans.
Puis-je simplement rappeler à M. Fischer que, au cours de ces dix-sept années qui nous séparent de 1981, il a été plus souvent dans la majorité que moi : onze ans contre six ? Si, donc, il y a eu au cours de cette période une augmentation de l'emploi précaire, c'est au moins autant à lui et à ses amis qu'on le doit qu'aux miens !
M. Alain Gournac. C'est clair !
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne comprends donc pas qu'on puisse nous donner des leçons à cet égard. A moins que vous n'ayez envie, monsieur Fischer, de faire un acte de contrition et que vous vous repentiez d'avoir soutenu et de soutenir encore un gouvernement !
M. Guy Fischer. M. Huriet nous a déjà demandé tout à l'heure de faire repentance. Pas deux fois !
M. Jean Chérioux. Il faut leur parler d'autocritique ; c'est le langage qu'ils connaissent !
M. Charles Descours, rapporteur. J'avais cru comprendre que, depuis le XXIIe Congrès, il n'y avait plus d'autocritique ! Mais si elle est maintenue, je vous invite à en faire une, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Reportez-vous aux travaux du comité national d'aujourd'hui, vous verrez !
M. Charles Descours, rapporteur. L'augmentation du nombre des emplois précaires, elle a eu lieu sous tous les gouvernements. Ceux que vous avez soutenus ont eu le pouvoir onze ans, ceux que nous avons soutenus, six ans : vous êtes donc deux fois plus responsables que nous. (Sourires.)
M. Guy Fischer. Vous, vous avez vraiment mis le paquet !
M. Charles Descours, rapporteur. Et puisque vous avez fait allusion à Jacques Chirac et au seuil des 500 000 chômeurs, il me souvient que M. Mitterrand avait dit que la barre des deux millions de chômeurs ne serait jamais franchie !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela n'a rien à voir avec le débat sur le fond !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article additionnel après l'article 2



M. le président.
Par amendement n° 49, MM. Arthuis, Lorrain et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Tout salarié lié par un contrat de travail de droit privé et établi en France ou hors de France peut souscrire dans le cadre de son entreprise ou directement auprès d'un établissement financier un plan d'épargne retraite qui ouvre droit au paiement d'une rente viagère à compter de la date de cessation d'activité, rente soumise au droit commun des pensions.
« A cette date, les adhérents ont également la possibilité d'opter pour un versement unique qui ne peut excéder 20 % de la prévision mathématique représentative des droits de l'adhérent, sans que le montant de ce versement puisse excéder 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
« La souscription aux plans d'épargne retraite peut s'effectuer en vertu d'un accord collectif d'entreprise, d'un accord de branche professionnel ou interprofessionnel conclu à un échelon national, régional ou départemental.
« Un groupement visé à l'article 41 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle peut également souscrire des plans d'épargne retraite dans les conditions fixées par le présent article, afin de les proposer à l'adhésion de ses membres.
« Les employeurs peuvent abonder les plans d'épargne de leurs propres salariés dans la limite de 30 % du plafond annuel de la sécurité sociale. L'abondement est déductible du bénéfice imposable et il est exonéré de cotisations sociales dans la limite de 85 % du même plafond. Il ne peut excéder le quadruple des versements des salariés.
« Les versements du souscripteur sont déductibles du revenu imposable dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale.
« Les versements de l'adhérent et l'abondement de l'employeur sont facultatifs. Ils peuvent être suspendus ou repris sans pénalité dans des conditions fixées soit par les accords collectifs, s'ils existent, soit, à défaut, par décret.
« Pour la gestion des plans d'épargne et afin d'assurer la couverture des engagements, des fonds d'épargne sont créés sous la forme d'une société anonyme d'assurance, d'une société d'assurance mutuelle, d'une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, ou d'un organisme mutualiste du code de la mutualité.
« Les adhérents et les employeurs sont représentés au sein du conseil d'administration des fonds d'épargne. La présidence du conseil d'administration des fonds d'épargne est assurée alternativement par un représentant des adhérents et par un représentant des employeurs pour une période d'un an.
« La commission des opérations de bourse, la commission bancaire, la commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle mentionnée à l'article L. 95-1 du code de la sécurité sociale assurent le contrôle des fonds d'épargne et veillent au respect des règles prudentielles.
« II. - La perte des recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et pour les régimes de sécurité sociale par la création de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du CGI. »
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Comme il n'est jamais trop tard, surtout en période automnale, pour creuser des sillons, je continue, dans le prolongement de mon intervention précédente, à dire que, parmi les pays industrialisés, seule la France ne dispose pas, à ce jour, d'un système de supplément de retraite par capitalisation, si ce n'est sous forme fragmentaire.
Le présent amendement tend à consolider les régimes par répartition, qui font partie de notre pacte social, en les complétant par un système facultatif de retraite supplémentaire constituée sur la base d'une épargne volontaire, tout en renforçant le potentiel de croissance de l'économie.
Le nouveau plan d'épargne retraite, PER, aurait trois spécificités fondamentales.
D'abord, un supplément de retraite pour tous, étant entendu que les compléments de retraite existent déjà au profit de certaines catégories de Français, notamment les fonctionnaires, avec la PREFON et les exploitants agricoles, avec le COREVA.
Il est proposé d'ouvrir l'accès des plans d'épargne retraite à l'ensemble des salariés établis en France et hors de France, ainsi qu'aux non-salariés à travers les groupements constitués par la loi Madelin.
L'adhésion au PER pourrait donc être collective, à travers un contrat de groupe, ou individuelle, auprès d'un établissement financier.
Les abondements effectués par l'employeur, dans le premier cas, seraient exonérés de cotisations sociales dans certaines limites et déductibles des bénéfices imposables. En revanche, ils devraient être assujettis à la CGS et à la CRDS au premier franc.
Quant aux versements de l'ensemble des adhérents, ils seraient déductibles du revenu imposable.
Deuxième spécificité : assurer la sécurité des bénéficiaires. S'agissant d'un placement inscrit, par définition, sur le long terme, il est fondamental que les salariés et les employeurs disposent de garanties particulières. Il s'agit, notamment, de l'application des dispositions prudentielles du code des assurances et du contrôle des fonds de retraite par les organismes compétents en matière bancaire et d'assurance.
Enfin, troisième spécificité : contribuer directement au financement de l'économie.
Les systèmes par répartition n'exercent aucun effet favorable sur l'investissement et sur le renforcement des fonds propres des entreprises puisqu'ils n'exigent aucune épargne préalable.
Come le démontrent les expériences étrangères, l'épargne retraite aurait, au contraire, tendance à se porter prioritairement vers les placements en actions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement reprend les principaux éléments de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite « loi Thomas ». Il apporte cependant une modification importante au dispositif de cette loi en ouvrant les plans d'épargne retraite à l'ensemble des salariés ainsi qu'aux non-salariés, à travers les groupements constitués par la loi Madelin.
Cet amendement soulève de manière très opportune la question du devenir de la loi Thomas, qui avait déjà été évoqué lors de la discussion à l'Assemblée nationale.
Chacun sait que le Gouvernement s'est refusé à faire paraître les décrets d'application nécessaires à l'entrée en vigueur effective de cette loi. Il a même annoncé, pour faire plaisir à l'aile gauche de sa majorité, à l'Assemblée nationale, à l'occasion du débat sur le présent projet de loi, l'abrogation prochaine de la loi.
Mais, parallèlement, le Gouvernement, uni, a également fait savoir qu'il déposerait en 1999 un projet de loi instituant un nouveau dispositif d'épargne retraite par capitalisation qui semble s'apparenter fortement aux fonds de pension que l'actuelle majorité refusait il y a peu, au vocabulaire près.
Le Gouvernement reconnaît, enfin, aujourd'hui la nécessité d'un complément de retraite par capitalisation, sous la forme de fonds d'épargne retraite. Nous ne pouvons que nous en féliciter, sauf à déplorer que deux années aient d'ores et déjà été perdues. En effet, chacun le sait, la capitalisation exige du temps.
Cet amendement rappelle donc de manière très pertinente qu'existent déjà, grâce à la loi Thomas, les bases législatives d'un dispositif d'épargne retraite susceptible d'apporter une réponse cohérente et crédible aux déséquilibres futurs de nos régimes de retraite.
Si certaines dispositions de la loi Thomas méritaient d'être améliorées, il était possible d'amender la loi, à l'instar de la démarche proposée par cet amendement.
Sur le fond, la commission ne peut donc qu'être très favorable à l'esprit de cet amendement.
Cet amendement soulève cependant deux problèmes de forme.
D'une part, il est incompatible avec le dispositif instauré par la loi Thomas. En effet, même si le Gouvernement en a manifesté l'intention, cette loi n'est pas abolie. Elle existe, et on ne peut donc la réintroduire par le biais d'un amendement.
D'autre part, aux yeux du rapporteur, cet amendement n'a pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale dans la mesure où il n'affecte pas l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement, tout en approuvant l'esprit qui les anime, de bien vouloir le retirer, quitte à le présenter à nouveau lorsque nous sera soumis le projet de loi destiné à financer le dispositif d'épargne retraite annoncé à l'Assemblée nationale par M. le ministre de l'économie et des finances.
M. le président. Monsieur Jean-Louis Lorrain, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lorrain. Je n'ai pas beaucoup de chance... Et je n'ai pas un tempérament agressif. Mais, déjà, Mme la ministre ne m'a pas répondu ni même cité dans sa réponse aux orateurs qui sont intervenus sur l'article 2.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vais vous répondre !
M. Jean-Louis Lorrain. Peut-être est-elle d'accord avec moi. Ou peut-être est-ce justement en raison de mon manque d'agressivité...
Notre approche nous paraît cependant très importante.
Je vais dans le sens de M. Descours : le dispositif que nous proposons n'a pas d'effet sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Notre groupe est prêt, si le Gouvernement tarde trop, à déposer une proposition de loi reprenant le dispositif que nous préconisons, qui est très différent de celui de la loi Thomas. Je suis d'ailleurs prêt à accepter l'abrogation de cette dernière : la majorité a changé, je respecte la souveraineté du législateur.
En revanche, ce que je comprends moins bien, c'est que, pour ne pas appliquer cette loi, en attendant son abrogation, le Gouvernement ne publie pas les décrets. Cette façon de faire n'est d'ailleurs pas propre à ce gouvernement, d'autres l'ont fait avant lui. Pour le législateur, cette méthode est insupportable.
J'en reviens à l'amendement. J'insiste sur le bien-fondé de nos propositions, qui préconisent une approche collective, englobant aussi les non-salariés.
Cela étant dit, monsieur le président, je retire l'amendement n° 49.
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne voudrais surtout pas laisser croire à M. Lorrain que je boycotte ses interventions. Je ne l'avais effectivement pas cité, tout en essayant de répondre à son interrogation tout à l'heure. Alors, même s'il a retiré son amendement, je ferai quelques commentaires sur ses propositions, en précisant par là même la position du Gouvernement.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, lorsqu'on n'est pas d'accord avec un texte, mieux vaut l'abroger plutôt que, comme vous le dites, ne pas sortir les décrets. C'est la raison pour laquelle nous avons annoncé l'abrogation de la loi Thomas.
En effet, si nous croyons nécessaire une épargne-retraite à long terme, nous considérons qu'elle ne peut être qu'un complément et non pas un dispositif concurrent du régime de retraite par répartition. Or le risque, avec la loi Thomas, est que le système de retraite par capitalisation ne remplace à terme le régime par répartition.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite d'abord conforter le régime de retraite par répartition, avant de mettre en place un système d'épargne ouvert à tous à long terme.
Sur ce terrain, le texte que vous aviez déposé avec M. Arthuis constituait, certes, une amélioration par rapport à la loi Thomas puisqu'il était très clairement indiqué que le chef d'entreprise ne pouvait plus mettre en place unilatéralement les fonds de pension.
Il subsistait cependant, à mon avis, un certain nombre de difficultés.
Vous savez que les plans d'épargne-retraite sur lesquels nous sommes en train de travailler s'inspirent de trois principes.
Premièrement, ces plans devraient s'effectuer dans un cadre collectif et être rendus réellement accessibles à l'ensemble des salariés et non pas uniquement à ceux qui en ont les moyens.
Deuxièmement, les avantages dont ils bénéficieraient devraient profiter aussi à l'ensemble des salariés sans fragiliser les comptes de la sécurité sociale. Or nous savons qu'avec un système réservé aux cadres nous courrions le risque d'un transfert d'une partie des salaires vers ces fonds de retraite et, donc, d'une ponction sur la sécurité sociale.
Troisièmement, nous pensons que, comme je l'ai déjà dit, les partenaires sociaux devront être étroitement associés à la mise en oeuvre et à la gestion de ces fonds.
Tous ces points ne sont pas traités - et je le comprends - dans un amendement qui ne saurait constituer à lui tout seul un projet de loi.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, votre proposition, qui constituait, j'en conviens, une avancée par rapport à la loi Thomas, ne va cependant pas assez loin. Mieux vaut abroger un texte qui ne va pas dans le sens que nous souhaitons et, comme vous l'avez dit, élaborer un nouveau texte qui ne générera en aucun cas un système de substitution, mais constituera le troisième étage de notre système de retraite.

Article 2 bis



M. le président.
« Art. 2 bis . - Le dernier alinéa de l'article L. 131-7-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces taux particuliers sont également applicables aux assurés d'un régime français d'assurance maladie, exonérés d'impôts directs en application d'une convention ou d'un accord international. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Introduit par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, cet article 2 bis tend à prévoir le paiement des cotisations maladie pour les fonctionnaires internationaux de nationalité française travaillant et vivant en France.
Madame la ministre, je prends la parole sur cet article pour attirer l'attention sur le fait qu'il a pour objectif de remédier au dysfonctionnement résultant de la substitution de la cotisation sociale généralisée aux cotisations d'assurance maladie.
Du fait du transfert de la majeure partie des cotisations d'assurance maladie vers la CSG, décidé par la loi de financement pour 1998, les fonctionnaires internationaux de nationalité française, travaillant et vivant en France, ne paient désormais plus qu'une cotisation maladie très réduite. Or ils ne paient pas non plus ni d'impôt direct, ni de CSG, du fait d'accords - dits de siège - conclus entre les organismes internationaux et la France.
L'article vise à rétablir des taux particuliers de cotisations d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, taux prévus à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
J'avais souligné, lors du débat portant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, les complexités entraînées par ce basculement massif des cotisations d'assurance maladie vers la CSG.
Je constate que nous devons réparer - aujourd'hui pour la première fois - dans le projet de loi de financement pour 1999 - c'est également valable pour l'article 10 relatif à la cotisation sur les contrats d'assurance automobile - les conséquences de cette mesure mise en place trop hâtivement, conséquences qui n'avaient pas été appréciées de façon exhaustive, et nous l'avions souligné à l'époque.
Je profite de cette occasion, madame la ministre, pour effectuer un rapide bilan de la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie.
Je ne suis pas persuadé que les intérêts des non-salariés aient été aussi bien défendus que ceux des salariés.
Le cas des fonctionnaires est en outre particulièrement significatif, puisque l'on a compensé la perte de pouvoir d'achat résultant de l'assujettissement à la CSG de leurs primes.
Toutefois, je voudrais insister sur le fait - les responsables des collectivités locales ne me démentiront pas - qu'une décision de l'Etat qui compense pour ses fonctionnaires une perte de pouvoir d'achat prévisible entraîne un surcoût financier pour les collectivités locales et pour les hôpitaux.
Pourrions-nous connaître le coût de cette mesure de compensation à la fois pour le budget de l'Etat et pour ceux des collectivités locales et des hôpitaux ?
En ce qui concerne la CSG sur les revenus de remplacement, les règles complexes d'exonération donnent des résultats curieux. Les effets de seuil sont très importants. Je cite l'exemple, dans mon rapport écrit, des titulaires de pensions civiles d'invalidité : leur CSG est passée de 3,4 % à 6,2 %, sans baisse de cotisations maladie, puisqu'il n'y en a pas sur ces prestations. Je sais bien que les plus modestes ne sont pas touchés, car ils ne sont pas imposables, mais je crois qu'il y a quand même là un problème. S'agissant des prélèvements sociaux sur l'épargne, tout le monde se rend compte qu'une taxation à 10 % n'a pas le même sens - c'est une évidence ! - qu'une taxation à un taux plus bas.
En outre, sur l'aspect financier, la substitution était censée rapporter 4,6 milliards de francs en 1998. Vous pouvez lire dans mon rapport écrit que nous avons estimé ce gain à environ - je dis bien « environ », parce que les chiffres ne sont pas clairs - seulement 1 milliard de francs. Si nous avons tort, il faut que vous nous le disiez, madame la ministre, et, bien sûr, nous ferons amende honorable.
Nous n'avons pas présenté, madame la ministre, d'amendement visant à prendre en compte telle ou telle catégorie. En effet, après le basculement massif de 1998, il faut, dans ce domaine, la paix législative et réglementaire. Il importe que nous apprécions, calmement, avec les chiffres définitifs de 1998, les gains et les pertes des pouvoirs d'achat des uns et des autres.
Je pense qu'il sera nécessaire - je le dis sans passion - dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 de réparer des erreurs, ou des inconséquences, résultant de ce basculement massif.
Les coûts doivent être des coûts réels et nous devons savoir, catégorie par catégorie, ce que cela a coûté aux uns et aux autres.
Je l'avais dit l'année dernière dans mon rapport et je le redis cette année : la substitution aux cotisations d'assurance maladie de la CSG à 7,5 % n'est pas neutre pour toutes les catégories ; j'y reviendrai tout à l'heure en défendant un amendement. Aujourd'hui, des retraités non imposables paient 4 000 francs de CSG !
Un bilan s'impose. Il est peut-être trop tôt pour le dresser aujourd'hui, mais je souhaiterais vivement qu'il soit fait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, afin que nous n'ayons plus à connaître de chiffres aussi disparates que 4,6 milliards de francs de gain prévisionnel et 1 milliard de francs de gain réalisé.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je vais vous apporter quelques précisions chiffrées.
Tout d'abord, s'agissant du coût de la compensation pour les fonctionnaires de la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie, il est, pour les hôpitaux - je peux vous citer le chiffre avec certitude puisqu'il relève de mon ministère - de 330 millions de francs. Nous l'avions d'ailleurs annoncé l'année dernière ; il était inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour la fonction publique d'Etat - j'en demanderai confirmation au ministère du budget - il doit être de quelque 900 millions de francs ; je l'avais également annoncé l'année dernière.
Malheureusement, je ne dispose pas ici des chiffres pour les collectivités locales.
A propos de la question que vous avez posée sur la CSG sur le patrimoine, sur les revenus des retraités non imposables, etc., je voudrais vous rappeler les principes qui fondent notre action.
Tout d'abord, la CSG est un impôt à assiette large, et c'est tout son intérêt. D'aucuns ont déclaré que des retraités ou des personnes touchant des pensions d'invalidité ont dû acquitter la CSG alors qu'ils ne s'y attendaient pas. Mais tout salarié paie une CSG dès le premier franc, même un travailleur à temps partiel gagnant entre 1 500 francs et 2 000 francs par mois ! Tout l'intérêt de cette cotisation réside dans l'étendue de son assiette, car elle prend en compte l'ensemble des éléments de revenus.
Les personnes qui sont non imposables au titre de leur retraite, ou au titre de pensions diverses et variées, ne paient pas la CSG sur ces revenus.
Les chiffres qui viennent d'être publiés sur les revenus généraux en France, notamment sur ceux des professions libérales, montrent que certains retraités ayant exercé une activité libérale perçoivent des retraites extrêmement faibles - ce qui est lié au fait que les régimes n'existaient pas précédemment - mais qu'ils disposent d'un patrimoine important et de revenus tirés de ce patrimoine qui sont élevés. Cela entraîne un paiement de la CSG, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Aussi, cette année, un certain nombre de personnes paient une CSG alors même que leurs retraites sont faibles. Mais il convient de considérer l'ensemble des revenus de la personne, et pas seulement le montant de la retraite ou de la pension d'invalidité.
Très franchement, la substitution aux cotisations d'assurance maladie de la CSG est, à cet égard, une juste mesure : elle exonère ceux qui perçoivent de modestes retraites ou pensions d'invalidité, mais elle frappe les détenteurs d'un patrimoine important. Il n'y a rien là que de très normal, dès lors que les salariés - j'insiste sur ce point - dès le premier franc perçu, acquittent la CSG.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter en l'instant.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 bis.

(L'article 2 bis est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Le montant des sommes correspondant à la prise en compte, par le régime d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, des périodes pendant lesquelles les assurés des départements d'outre-mer ont, en 1994, 1995 et 1996, bénéficié des allocations mentionnées aux articles L. 322-3, L. 351-3, L. 351-9 et L. 351-10 du code du travail, des allocations spéciales mentionnées au 2° de l'article L. 322-4 du même code et de l'allocation de préparation à la retraite mentionnée à l'article 125 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991), ainsi que des périodes de chômage non indemnisé visées au 3° de l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, dont la prise en charge incombe au Fonds de solidarité vieillesse en application du premier alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, est arrêté à 2,9 milliards de francs. » - (Adopté.)

Article 3 bis



M. le président.
« Art. 3 bis . - I. - L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "la rémunération d'une aide à domicile est exonérée totalement des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales" sont remplacés par les mots : "la rémunération d'une aide à domicile est exonérée des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales" ;
« 2° Le deuxième alinéa ( a ) est complété par les mots : "et dans la limite, par foyer, d'un plafond de rémunération déterminé par décret" ;
« 3° Au quatrième alinéa, après les mots : "vivant seules,", sont insérés les mots : "remplissant la condition de degré de dépendance prévue à l'article 2 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance ou" ;
« 4° Au dernier alinéa :
« a) Après le mot : "employées", sont insérés les mots : "sous contrat à durée indéterminée" ;
« b) Les mots : "les associations agréées au titre de l'article L. 129-1 du code du travail" sont remplacés par les mots : "les associations admises, en application de l'article L. 129-1 du code du travail, à exercer les activités concernant la garde d'enfant ou l'assistance aux personnes âgées ou handicapées" ;
« c) Après les mots : "des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales", sont ajoutés les mots : "pour la fraction versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées chez les personnes visées aux b, c et d ou bénéficiaires de l'aide ménagère au titre de l'aide sociale légale ou dans le cadre d'une convention conclue entre ces associations ou organismes et un organisme de sécurité sociale" ;
« 5° Il est ajouté quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un décret détermine les conditions d'application de l'exonération prévue par l'alinéa ci-dessus et notamment :
« - les informations et pièces que les associations et les organismes visés au quinzième alinéa doivent produire auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général ;
« - les modalités selon lesquelles les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général vérifient auprès des organismes servant les prestations mentionnées aux b, c et d ou les prestations d'aide ménagère visées au quinzième alinéa que les personnes au titre desquelles cette exonération a été appliquée ont la qualité des bénéficiaires desdites prestations.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du présent code, l'exonération prévue au quinzième alinéa n'est pas compensée par le budget de l'Etat.
« II. - Les caisses de sécurité sociale procèdent dans des conditions déterminées par décret au contrôle des organismes chargés de l'exécution des prestations à caractère familial ou domestique dont elles assurent, en tout ou partie, le financement, afin de s'assurer de la régularité des opérations financières et comptables et d'apprécier la qualité des prestations servies.
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables aux périodes d'emploi postérieures au 31 décembre 1998, à l'exception de celles du 2° du I, applicables aux périodes d'emploi postérieures au 31 mars 1999. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 44, MM. Descours et Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 91, le Gouvernement propose de compléter le 3° du I de cet article par les mots suivants : « et après les mots : "pour accomplir les actes ordinaires de la vie", sont insérés les mots : "dans des conditions définies par décret". »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 44.
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'article 3 bis modifie de manière très importante les conditions d'exonération de cotisations sociales patronales pour l'emploi d'une aide à domicile.
Je rappelle qu'il est le complément de l'article 3 ter, qui vise à accorder une exonération à 100 % des cotisations sociales patronales aux associations prestataires de services à domicile. Je tiens à préciser tout de suite que nous sommes favorables à l'article 3 ter, et ce d'autant plus que la Haute Assemblée, à plusieurs reprises, avait fait des propositions en ce sens.
La commission des affaires sociales est consciente des difficultés auxquelles sont aujourd'hui confrontées ces associations. Madame le ministre, le 15 octobre dernier, je vous avais d'ailleurs interrogée sur ce point lors des questions d'actualité au Gouvernement. A l'occasion de l'examen par la Haute Assemblée du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, nous avions en outre décidé de porter de 30 % à 60 % le taux d'exonération des charges sociales dont les associations peuvent bénéficier et cette disposition, qui allait dans le sens de l'amendement, n'avait cependant finalement pas été retenue par celle-ci.
La commission des affaires sociales accueille donc très favorablement l'article 3 ter.
En revanche, nous ne pouvons accepter l'article 3 bis dans sa rédaction actuelle. En effet, cet article comporte une disposition à notre sens très critiquable et parfaitement injstifiée, qui est le plafonnement drastique à soixante heures par mois payées au SMIC des services d'aide à domicile pouvant faire l'objet d'une exonération des cotisations sociales quand l'employeur est une personne âgée de plus de soixante-dix ans.
Soucieuse de rétablir l'équité entre l'emploi direct, dit de « gré à gré », et le recours à des associations prestataires de services, la commission des affaires sociales est favorable à l'exonération totale des cotisations sociales pour les associations.. Elle ne peut cependant accepter que l'on réduise parallèlement les avantages accordés à l'emploi direct.
Certes, il est vrai que les associations souffraient antérieurement de la concurrence du gré à gré, dont le coût s'avérait plus compétitif pour les employeurs. Mais il ne faudrait pas pour autant, à notre sens, qu'elles soient placées aujourd'hui dans une position qui les avantagerait sensiblement par rapport à l'emploi direct.
Il faut trouver une solution d'équilibre, et la commission des affaires sociales approuve à cet égard les conclusions du rapport Hespel-Thierry relatif aux aides à domicile auquel Mme le ministre a bien voulu faire référence à plusieurs reprises, à l'occasion de réponses à des questions d'actualité, de réunions de la commission des affaires sociales ou de la discussion générale.
Selon ce rapport, il convient de préserver la liberté de choix des employeurs entre l'embauche de gré à gré et le recours à des prestataires de services, sauf en cas de dépendance extrême. Ce texte n'émet qu'une seule réserve, qui concerne les personnes âgées les plus dépendantes.
Le rapport Hespel-Thierry propose ainsi d'instituer une exonération uniforme de 100 % des cotisations patronales afférentes aux emplois à domicile. Elle serait prise en charge par l'Etat et accordée à l'ensemble des emplois patronaux ouvrant droit actuellement à la réduction fiscale pour emplois familiaux, qu'il s'agisse d'employeurs de gré à gré, d'employeurs prestataires, d'associations ou d'entreprises.
Le rapport préconise non seulement d'augmenter le taux et le champ des exonérations consenties aux employeurs prestataires, mais aussi d'élargir le champ des exonérations consenties aux employeurs de plus de soixante-dix ans recourant au gré à gré, c'est-à-dire qu'il va encore plus loin !
La réforme proposée par le Gouvernement prend par conséquent, pour les personnes de plus de soixante-dix ans, l'exact contrepried des recommandations du rapport Hespel-Thierry dont vous avez prétendu à plusieurs reprises, madame le ministre, vous inspirer.
J'ajoute enfin que cette réforme présente un risque, le développement du travail clandestin, qu'on ne saurait sous-estimer.
La seule véritable justification du plafonnement introduit dans l'article 3 bis est d'ordre financier : il s'agit de compenser partiellement la coût de l'adoption de l'article 3 ter, soit 670 millions de francs, une économie de 420 millions de francs, réalisée en plafonnant l'exonération accordée aux personnes de plus de soixante-dix ans.
Les autres dispositions de l'article 3 bis fixent les conditions - contrat à durée indéterminée, exonération sur une fraction des rémunérations, modalités de contrôle des exonérations - auxquelles serait soumise l'exonération totale de cotisationss sociales dont bénéficieraient les associations. Elles mettent en place un système complexe reposant sur des procédures lourdes dont il est très difficile de mesurer aujourd'hui, dans un délai aussi bref, la portée et les conséquences.
La commission des affaires sociales ne peut donc que regretter - je l'ai dit et je le répète - la précipitation qui a caractérisé la démarche du Gouvernement.
En effet, est-il raisonnable de faire adopter une réforme d'une telle portée par le biais d'un amendement de séance déposé le jour même de son examen et qui n'a donc pu être étudié par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ? Il est vrai que Mme le ministre l'a regretté, mais il reste que l'amendement a tout de même été déposé et voté par l'Assemblée nationale.
Cette précipitation prive le législateur du délai nécessaire à un examen attentif et à une évaluation approfondie au travers, notamment, d'une concertation avec les différentes parties intéressées.
Enfin, la commission des affaires sociales refuse très fermement la non-compensation par le budget de l'Etat de l'exonération de cotisations sociales accordée aux associations à l'article 3 ter. Cette non-compensation, qui est en contradiction totale - M. Charles Descours ne manquera d'ailleurs pas de le rappeler - avec l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, est affirmée de manière explicite dans l'article 3 bis.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose d'adopter un amendement de suppression de l'article 3 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dois dire que, là non plus, je ne comprends pas la position du Sénat.
On ne peut à la fois nous reprocher de nous précipiter et nous dire qu'il faut traiter un problème. Ce problème, il se pose depuis des années et, si nous avons demandé un rapport, c'est bien parce qu'il n'avait pas été traité.
On ne peut pas non plus dire une chose et son contraire, monsieur le rapporteur : souhaiter que les personnes âgées restent à domicile et ne pas accepter les mesures qui leur permettraient de le faire.
Il y a un vrai désaccord entre nous, et autant mettre vraiment le doigt sur ce désaccord.
La réponse que nous apportons correspond, en fait, à trois objectifs.
Premièrement, quand nous établissons une comparaison internationale, le rapport Hespel-Thierry le montre bien, nous constatons qu'en France les personnes âgées comme les personnes handicapées sont trop souvent placées en établissement alors qu'elles souhaiteraient rester à domicile. Nous souhaitons donc, chaque fois que c'est possible, notamment par un plan d'aide à domicile, leur permettre de rester chez elles. Nous savons en effet que le placement en établissement, notamment pour les personnes âgées, entraîne très rapidement une déchéance psychologique, morale, quand ce n'est pas physique. Nous devons donc réserver les placements en établissement quand l'état médical ou de dépendance le nécessite absolument.
Deuxièmement, nous souhaitons faire en sorte que les métiers liés à la dépendance soient pris en charge par de vrais professionnels et, au fur et à mesure de l'avancée de cette question, contribuer à professionnaliser les personnels qui viennent en aide aux personnes âgées ou aux personnes handicapées.
Nous savons bien que cela passe, non seulement pour ces personnels, mais également pour la personne âgée ou handicapée, par des associations d'aide à domicile. Ces dernières permettront de remédier aux désagréments ou aux mauvaises relations individuelles, mais aussi de vérifier les capactités des personnels à répondre aux problèmes spécifiques de chaque personne âgée ou de chaque personne handicapée.
Troisièmement - c'est là que nous nous séparons -, nous considérons que l'Etat n'a pas vocation à aider de la même manière l'ensemble des personnes âgées dépendantes et qu'il convient de prendre en compte deux critères : le niveau de la dépendance physique, psychologique et morale et le niveau de la dépendance financière. C'est en prenant en compte ces deux critères que nous abordons cette question.
Pour dire les choses telles qu'elles sont, je citerai un exemple : récemment, un ancien président d'une grande société de notre pays s'étonnait - à juste titre ! -, de bénéficier d'une exonération à 100 % des cotisations sociales patronales alors qu'il disposait de revenus suffisants pour payer les trois personnes travaillant à son domicile.
C'est très exactement la question qui se pose aujourd'hui. Il n'est pas possible de prétendre rechercher la rigueur pour la sécurité sociale et une meilleure prise en charge de tout le monde sans souhaiter trouver les financements.
Je vous dirai les choses très simplement : nous avons souhaité exonérer de charges sociales les associations d'aide à domicile et nous les aiderons à mettre en place de vrais métiers spécialisés dans la prise en charge de la dépendance ; mais nous avons souhaité en même temps limiter les aides à domicile pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans à quinze heures par semaine et par foyer.
Je rappelle sur ce point précis que seuls 10 % des employeurs de plus de soixante-dix ans utilisent un nombre d'heures supérieur à ce plafond. Mais cela représente près de 50 % des heures exonérées ! Voilà qui montre déjà de qui il s'agit !
Je tiens par ailleurs à préciser, parce que vous ne l'avez peut-être pas vu dans le projet de loi, que nous maintenons l'exonération à 100 % pour tous ceux qui touchent la PSD ou l'allocation aux adultes handicapés, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants à charge. Les personnes lourdement handicapées continuent donc à être prises en charge à 100 %. Celles, en revanche, qui n'ont pas un haut niveau de handicap ou de dépendance et qui, tout simplement, emploient une aide à domicile, doivent payer, au-delà de quinze heures par semaine, les cotisations sociales patronales.
Je vous rappelle que l'exonération actuelle cumulée avec les emplois familiaux a réduit à moins de vingt-cinq francs le coût horaire d'une aide à domicile pour ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés et qui peuvent faire jouer à fond le plafond des allocations familiales.
Sur le chantage au travail noir, je vais clairement dire ce que je pense.
Il n'est pas acceptable que, dans notre pays et dans une assemblée comme celle-ci, on soutienne ceux qui ont de l'argent et qui, dès qu'on leur demande de remplir leurs obligations sociales en versant des cotisations sociales, font du chantage au non-paiement. A un moment donné, il faut que les groupes politiques reconnaissent que ce n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Il n'est pas acceptable, lorsque l'on a de l'argent, d'aller le placer aux frontières, en Belgique ou en Suisse, et, lorsqu'on doit payer des cotisations sociales, de menacer de recourir au travail noir !
Si un consensus ne se dégage pas sur ce point sur l'ensemble des bancs des assemblées de notre pays, si chacun d'entre vous n'ose pas dire cela, nous n'avancerons pas ! (MM. Jacques Machet et Jean Chérioux applaudissent. Applaudissements sur les travées socialistes également.)
Je considère que ceux qui, aujourd'hui, soutiennent que le SMIC est trop élevé et vont embaucher au noir leur employé à domicile ne sont pas dignes de nous tenir des discours sur la démocratie et sur la République ! Je le dis comme je le pense. Certains tiennent parfois un discours et son contraire, et ce n'est pas acceptable !
D'ailleurs, si ces personnes mettaient leur chantage à exécution, elles ne bénéficieraient plus de leur déduction au titre des emplois familiaux. Mais comme elles sont bien informées et ont de bons conseillers fiscaux, elles s'en gardent bien.
Je souhaiterais donc que de tels chantages prennent un peu moins de place dans une instance démocratique comme celle où nous siégeons aujourd'hui.
Monsieur Descours, si l'amendement de suppression est voté, j'en serai navrée, mais vous ne pourrez pas supprimer les 420 millions de francs que nous dégageons grâce au plafonnement et maintenir l'exonération à 100 % des charges sociales patronales pour tous...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... car, alors, l'article 40 de la Constitution serait applicable.
M. le président. Madame le ministre, je vous invite maintenant à présenter l'amendement n° 91, qui est en discussion commune.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut être précis si l'on ne veut pas voir une disposition annulée un jour ou l'autre. J'aurais peut-être dû être précise du premier coup. Je fais amende honorable en présentant cet amendement, qui vise à améliorer encore mon texte.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, vous avez été très véhémente. Mais peut-être ai-je mal entendu ou peut-être vous êtes vous mal exprimée, comme vous l'avez dit à plusieurs reprises.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, j'ai effectivement été très véhémente.
M. Charles Descours, rapporteur. Vous avez fait une sorte d'amalgame, donnant à penser que M. Vasselle et le parti auquel il appartient soutenaient le travail au noir.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, pas du tout. J'ai parlé de « chantage au travail au noir », ce qui est différent.
M. Charles Descours, rapporteur. Tout d'abord, il n'y a pas de classe spéficique qui défende le travail au noir.
M. François Autain. Si, les riches !
M. Jean Chérioux. Cela s'est généralisé !
M. Charles Descours, rapporteur. Des ouvriers maçons qui veulent travailler au noir, le samedi ou le dimanche, que celui d'entre vous qui n'en connaît pas me le dise ! Il n'y a pas de complexe de classe à avoir sur ce point. Le travail au noir est un fléau de notre pays...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il ne faut pas l'organiser !
M. Charles Descours, rapporteur. ... qui sévit dans toutes les classes de la société.
Le Gouvernement que j'ai soutenu a pris des textes contre le travail au noir, comme l'ont fait d'autres gouvernements. Il s'agit d'un phénomène complètement transversal.
La lutte contre le travail au noir, nous en sommes d'accord, nous devons tous la soutenir. Ce n'est l'apanage ni de tel ou tel parti, ni de tel ou tel gouvernement. Nous sommes tous contre le travail au noir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 91 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous comprendrez que, à partir du moment où la commission a déposé un amendement visant à supprimer l'article 3 bis, elle émette un avis défavorable, par cohérence, sur l'amendement n° 91 du Gouvernement.
Après les remarques toujours pertinentes présentées par notre rapporteur M. Descours, vous me permettrez, madame le ministre, d'ajouter que, sur les trois points que vous avez évoqués, deux font l'objet, je pense, d'un consensus général à la fois entre la Haute Assemblée et le Gouvernement.
Sur le maintien à domicile tout d'abord, tous les gouvernements qui se sont succédé et tous les parlementaires qui les ont soutenus ont apporté la preuve de leur volonté de favoriser la politique de maintien à domicile.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il suffit de regarder les différents textes législatifs et mesures réglementaires pris depuis une décennie au moins pour le constater. Ne laissons donc pas accroire que la majorité actuelle du Sénat est opposée à toute initiative qui serait prise dans ce sens. Je tiens à le dire avec la plus grande netteté.
Ensuite, s'agissant des employés à domicile, vous souhaitez que ce soient de véritables professionnels qui interviennent ; nous partageons également votre point de vue.
Toutefois, il ne faudrait pas laisser penser que seules les associations ont l'apanage de faire intervenir à domicile de véritables professionnels. Dans nos départements, les syndicats d'employeurs privés qui mettent en liaison des personnes âgées de plus de soixante-dix ans et des salariés pour un recrutement direct de gré à gré font également intervenir à domicile de véritables professionnels !
S'il est vrai que nous connaissons les uns et les autres, chez des personnes âgées de plus de soixante-dix ans et employeurs directs, des exemples de salariés qui interviennent à domicile et qui manquent de ce professionnalisme dont d'autres font preuve, gardons-nous toutefois de généraliser à partir de ces quelques cas particuliers et d'en conclure que le gré à gré se traduit par une absence de professionnalisme chez les salariés qui interviennent au domicile des personnes de plus de soixante-dix ans employeurs.
Ce serait un affront vis-à-vis de ces salariés, car cela reviendrait à dire qu'ils sont incapables sur le plan professionnel et que, pour acquérir une véritable compétence leur permettant d'être recrutés et d'intervenir chez des personnes de plus de soixante-dix ans, il faudrait qu'ils soient formés par des associations !
S'agissant de la formation du personnel, j'ajoute enfin que nous avions introduit dans le texte de loi sur la prestation spécifique dépendance, qui a été déposé par le Sénat et dont M. Fourcade et moi-même étions les deux premiers signataires, un article qui, précisément, renvoyait à un décret la formation des personnels intervenant à domicile. J'espère que ce décret, qui n'a été pris ni par le gouvernement précédent ni par le gouvernement actuel, paraîtra un jour ou l'autre !
Je voudrais ajouter deux remarques à celles de M. Descours.
L'argumentaire de notre amendement repose sur deux points.
D'abord, nous n'avons rien inventé. C'est le rapport Hespel-Thierry...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est pas la Bible !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... qui préconise un traitement équivalent pour le gré à gré et pour les associations prestataires de services employeurs !
Or, madame la ministre, vous l'avez dit à plusieurs reprises, le Gouvernement lui-même s'est inspiré de ce rapport pour la politique relative aux emplois à domicile. Nous nous sommes également fondés sur ce rapport. Encore une fois, nous n'avons rien inventé, et nous n'avons pas l'intention de mettre en difficulté le Gouvernement sur ce point.
Enfin - ce sera mon dernier argument -, n'oublions pas dans quel contexte cette mesure d'exonération avait été prise en 1987 - je crois savoir que d'autres mesures équivalentes, même si elles n'étaient pas complètement identiques, ont été prises en d'autres temps par des gouvernements socialistes.
A l'époque, compte tenu de la crise de l'emploi - qui sévit toujours aujourd'hui, même si un léger tassement par rapport à ce qu'on a connu a été enregistré ; mais personne ne sait ce qu'il adviendra à l'avenir - des mesures de cette nature avaient été prises pour favoriser les emplois à domicile, et cela même chez des personnes qui étaient relativement aisées.
Cette mesure devait permettre qu'un certain nombre de personnes ne travaillent plus au noir.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Même si l'on peut condamner avec vous, madame la ministre, le fait que des personnes très aisées profitent de cette situation et s'exonèrent du paiement des cotisations de sécurité sociale que leurs revenus leur permettraient pourtant d'assumer,...
M. Alain Gournac. Il a raison !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... il s'agit d'une mesure pour l'emploi. C'est la raison pour laquelle la Haute Assemblée a fait ces remarques sur cette disposition, comme elle l'avait fait en leur temps pour les emplois familiaux avec l'AGED.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut replacer toutes ces mesures dans leur contexte et non les examiner sous un angle particulier destiné à faire croire que la Haute Assemblée n'a, en définitive, qu'une seule préoccupation : favoriser les classes aisées sans se préoccuper des autres. C'est totalement faux ! Je le souligne avec la plus grande clarté, la plus grande fermeté et, je l'espère, avec pertinence. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 44.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera contre cet amendement de suppression d'un article important, qui vise à rationaliser et à rééquilibrer l'organisation des exonérations de charges sociales dès lors que l'on a recours à une aide à domicile.
Cet amendement fragilise, de toute évidence, et risque de remettre en question l'article 3 ter , qui prévoit une exonération à 100 % des charges patronales pour les associations intervenant au domicile des personnes qui ne peuvent pas ou plus assumer les gestes de la vie quotidienne.
Cette loi est l'occasion pour le Gouvernement et le Parlement de mettre un peu d'ordre dans un système devenu inadapté au regard des priorités qui se font jour.
L'évolution des réflexions sur la prise en charge de la dépendance, quelle qu'en soit la source, a fait apparaître très clairement la place du maintien à domicile dans les aspirations des personnes ayant perdu leur autonomie et la nécessaire rationalisation de nos dépenses pour le secteur médico-social.
Le tissu associatif à but non lucratif s'est très rapidement investi dans ce champ, en proposant des réponses adaptées et de qualité en termes de professionnalisme, de proximité et d'encadrement des salariés.
Il a permis, par ailleurs, de mettre en place un statut pour ces personnels, de leur assurer un emploi moins précaire que dans le cadre du gré à gré et de proposer des contrats mieux encadrés auxquels s'appliquent les conventions collectives.
Mes chers collègues, rappelez-vous que, lors du débat sur la prestation spécifique dépendance, M. Barrot reconnaissait les imperfections du système de gré à gré et avait même envisagé de mieux définir les profils professionnels des personnes ainsi employées.
Il convenait donc de reconnaître ce secteur associatif à sa juste valeur et de lui faciliter l'exercice de son activité dans des conditions au moins équivalentes à celles des employeurs directs, notamment en termes de charges patronales.
Nous demandions cet aménagement depuis fort longtemps et nous nous réjouissons que le Gouvernement nous le propose à l'occasion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous ferons tout pour préserver ce dispositif contenu dans l'article 3 ter .
Si l'amendement de suppression était adopté - ce qui serait regrettable - on verrait disparaître les garanties supplémentaires apportées par l'article 3 bis dans le cadre du recours à des associations, par exemple la nature du contrat à durée indéterminée, le contrôle de ces structures bénéficiant ainsi d'un soutien important de l'Etat.
Par ailleurs, nous ne pensons pas que le plafonnement des exonérations dans les limites de 180 heures par trimestre - cela correspond à quinze heures par semaine - soit si pénalisant pour les personnes âgées, puisque 90 % d'entre elles font appel à ce système dans un contingent inférieur à quinze heures. Elles bénéficient par ailleurs et parallèlement des déductions fiscales liées aux emplois familiaux.
Certes, cette disposition ne règlera pas l'intégralité des problèmes liés au maintien à domicile. Il est clair que nous devrons aborder d'une manière plus globale tout ce qui a trait à la prise en charge de la dépendance, et notamment celle des personnes âgées, véritable problème de société qui ne peut que prendre de l'ampleur.
Cela passera par une remise à plat et une définition des métiers concernant cette prise en charge. C'est un vaste chantier qui nécessite que se poursuive sans délai la concertation avec l'ensemble des acteurs.
En attendant, madame la ministre, dès aujourd'hui vous nous proposez une véritable mesure de rééquilibrage et de moralisation à laquelle nous souscrivons totalement.
En conséquence, nous voterons contre l'amendement n° 44. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est supprimé et l'amendement n° 91 n'a plus d'objet.

Article 3 ter



M. le président.
« Art. 3 ter. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "100 %". »
Par amendement n° 1, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - De compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à la majoration de l'exonération prévue au I. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement se réfère à la loi du 25 juillet, à laquelle nous tenons, particulièrement à l'article L. 131-7, selon lequel « toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi... donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. »
Cette disposition doit naturellement être appliquée à la majoration du taux d'exonération, porté de 30 % à 100 %, des cotisations sociales patronales accordées aux associations prestataires de services à domicile par le présent article.
La commission considère en effet que le fait de ne pas prévoir une telle compensation irait à l'encontre de la loi du 25 juillet 1994. Le Gouvernement a d'ailleurs eu la même interprétation puisqu'il a ajouté, à l'article 3 bis , un alinéa portant dérogation exceptionnelle.
Nous refusons cette logique. Nous observons à cet égard que l'argumentation sur la non-compensation partielle des exonérations de charges dans l'optique des 35 heures a brisé un tabou. Mais vous nous avez dit que ce n'était pas le sujet et que, s'agissant des 35 heures, l'exonération serait compensée.
Le principe de la compensation permet, à mon sens, de clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Il s'agit d'une bonne gestion des caisses. On ne peut pas charger la sécurité sociale de mesures décidées par d'autres et, ensuite, se gausser d'un éventuel « trou » de la sécurité sociale !
Cet amendement a donc pour objet de compenser cette majoration du taux d'exonération, c'est-à-dire de 30 % à 100 %. Pour les premiers 30 %, c'est effectivement passé par profits et pertes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Tout d'abord, monsieur le rapporteur, quand vous avez fait voter la loi de 1994, vous n'avez pas « rattrapé », si je puis dire, tous les textes précédents - ce qui représente entre 12 milliards de francs et 15 milliards de francs non remboursés par le budget de l'Etat à la sécurité sociale. Si vraiment vous aviez voulu le faire, vous en auriez d'ailleurs eu la possibilité pour ces 30 %. Vous ne l'avez pas fait à l'époque car cela vous a sans doute paru d'un coût trop élevé pour l'Etat, et je le comprends fort bien.
Dès lors qu'aujourd'hui vous proposez que ce relèvement de 30 % à 100 % soit totalement financé par le budget de l'Etat - ce qui, encore une fois, n'était pas le cas pour les 30 % mis en place avant la loi de 1994 -, je me demande si l'article 40 ne s'oppose pas à cet amendement. Je ne sais pas, monsieur le président, si la commission des finances sera d'accord avec moi. Mais je ne peux pas accepter qu'une charge complémentaire soit mise sur le budget de l'Etat de cette manière, alors même que vous venez de refuser un amendement permettant de financer en grande partie cette charge complémentaire que constitue le passage de 30 % à 100 % de l'exonération.
M. le président. Madame la ministre, invoquez-vous l'article 40 de la Constitution ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Oudin, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Oudin, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Non, monsieur le président, il n'est pas applicable.
M. le président. L'amendement n° 1 est donc recevable.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Puis-je avoir des explications sur l'avis de la commission des finances, monsieur le président, ou cela ne se fait-il pas ?
J'aimerais en obtenir, au moins pour ma propre gouverne, afin que je comprenne pourquoi, quand on accroît de plus de 10 milliards de francs les charges de l'Etat, l'article 40 n'est pas applicable !
M. le président. La commission des finances n'a pas à motiver son avis, madame la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah bon ? Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà, madame ! Le Gouvernement n'a pas toujours raison !
M. Jean Chérioux. C'est le règlement !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, ne soyez pas de mauvaise foi ! Je n'ai jamais demandé que l'on compense les 30 %. La loi de 1994, qui passait par pertes et profits les dispositifs d'exonération antérieurs, portait sur des dispositifs en voie d'extinction. Aujourd'hui, on relance et on multiplie ces dispositifs. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler. Vous nous reprochez de proposer un amendement qui tend à accroître les charges de l'Etat ; mais si cet amendement n'était pas voté, ce sont les charges supportées par la sécurité sociale qui s'en trouveraient alourdies.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non !
M. Charles Descours, rapporteur. Allons donc !
Aujourd'hui, 70 % des charges sont acquittées. Vous proposez de les exonérer à 100 % : ce sont bien des rentrées en moins pour la sécurité sociale qui ne seront pas compensées.
Que vous préfériez creuser le trou de la sécurité sociale plutôt qu'accroître le déficit de l'Etat, c'est un choix politique ; mais nous, nous sommes là pour défendre la sécurité sociale, et nous disons : « Il faut compenser pour ne pas faire supporter à la sécurité sociale des exonérations qui sont décidées par l'Etat. »
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je veux bien que l'on ne nous donne pas d'explications, mais encore faudrait-il que l'on ne dise pas n'importe quoi.
Vous dites que vous ne demandez pas que les 30 % antérieurs soient compensés par le budget de l'Etat. Mais 100 %, c'est 30 % plus 70 % : demander que 100 % soient compensés, c'est demander de facto que les 30 % qui, antérieurement ne l'étaient pas, le soient désormais. Ou alors votre amendement n'est pas complet.
M. Charles Descours, rapporteur. Mais l'exonération des 70 % est instaurée par le présent projet de loi !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Excusez-moi d'insister, mais, tel qu'il est rédigé, votre texte s'applique aux 100 %, puisque les 30 % n'existeront plus et seront remplacés par 100 %.
M. Charles Descours, rapporteur. Permettez-moi de redonner lecture du texte de mon amendement : « L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à la majoration de l'exonération prévue au I. » Il précise bien : « à la majoration de l'exonération ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Charles Descours, rapporteur. Cela veut dire que seule la majoration est concernée.
M. le président. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous faire remarquer que, aux termes de l'article 3 ter, dans l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, le taux « 30 % » sera remplacé par le taux « 100 % ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Voilà !
Le code de la sécurité sociale ne fera pas mention d'une majoration ; y sera inscrit : « 100 » à la place de « 30 ». Par conséquent, que signifierait cette expression : « L'article L. 131-7 est applicable à la majoration de l'exonération prévue au I » ?
Pour le moins votre article est donc mal rédigé.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est l'article 3 ter qui est mal rédigé.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président de la commission, c'est vous qui amendez le texte du Gouvernement. Vous n'allez tout de même pas me demander de modifier mon texte pour qu'il soit en cohérence avec des amendements que vous avez décidé ultérieurement de lui appliquer !
Je le répète, il n'est pas question de majoration dans le texte du Gouvernement. Si, intellectuellement, je comprends bien à quoi vous faites allusion, juridiquement votre formule ne tient pas.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, j'aimerais bien que nous soyons tous de bonne foi !
M. Charles Descours, rapporteur. Tout arrive !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ne dites pas que je veux alourdir les charges de la sécurité sociale alors que vous venez de prendre la défense de ceux qui jouissent des plus gros revenus dans notre pays et qui bénéficient d'exonérations sans être ni dépendants ni handicapés, puisqu'ils ne touchent ni la PSD, ni l'AAH !
Pour ma part, j'ai cherché à compenser aux trois quarts le coût induit pour la sécurité sociale par ce dispositif en plafonnant les exonérations prévues à l'article 3 bis. Or vous, vous venez de supprimer cet article 3 bis. S'il y a quelqu'un qui institue deux poids deux mesures vis-à-vis de la sécurité sociale, c'est bien vous !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, sur la deuxième partie de votre intervention, je vous donne acte de votre aveu, à savoir que l'article 3 bis n'avait pour objet que de trouver de l'argent pour financer l'article 3 ter.
Je me réjouis que l'Etat soit généreux avec l'argent des autres, en décidant des exonérations pour les uns et en prenant dans la poche des autres. Parfait !
Par ailleurs, si cela peut faciliter le débat, monsieur le président, je souhaite rectifier le texte de l'amendement n° 1, pour qu'il se lise ainsi : « II. - L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à 70 % de l'exonération prévue au I. »
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il y avait donc bien une erreur ! Je vous sais gré de cet aveu, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Voyez comme je vous écoute, madame la ministre !
M. le président. Il s'agit de l'amendement n° 1 rectifié.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Je voudrais revenir sur la non-compensation par le budget de l'Etat d'exonérations de cotisations sociales.
Que cette exonération porte sur 30 % ou sur 70 % peu importe, c'est une question de principe alors que toute la politique de santé vise à obtenir des partenaires qu'ils dépensent moins pour une qualité au moins équivalente à celle que nous connaissons aujourd'hui.
Or, comment voulez-vous que ces partenaires adhérent à une telle démarche quand il est question d'obtenir l'équilibre des comptes sociaux par des non-compensations successives, qui sont, à mon avis, très perverses. Et l'adhésion des partenaires du système de santé, vous le savez tous, est indispensable à la réussite de notre politique.
Alors, halte aux non-compensations, qu'elles aggravent la situation du budget de l'Etat ou celle des comptes sociaux !
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Ce débat fort intéressant justifie, quatre ans après, les importantes mesures que le Parlement, et donc le Sénat - car ces dispositions sont issues d'amendements déposés devant la Haute Assemblée - avait adoptées, à savoir : le contrôle par la Cour des comptes, la légalisation du secrétariat de la commission des comptes de la sécurité sociale et l'amorce de la réforme constitutionnelle qui a été adoptée l'année suivante et qui a instauré le principe de la loi de financement de la sécurité sociale. La loi du 25 juillet 1994 avait en effet pour objet de clarifier les comptes de la sécurité sociale, et nous sommes aujourd'hui au coeur d'un débat qui s'était déjà engagé la nuit où nous avons adopté cette loi.
M. Descours a rappelé tout à l'heure les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, qui dispose : « Toute mesure d'exonération, totale ou partielle de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. » Le dernier alinéa de ce même article éclaire le débat puisqu'il précise : « Cette compensation s'effectue sans préjudice des compensations appliquées à la date d'entrée en vigueur de ladite loi. »
Le débat qui s'est engagé à l'instant doit prendre en compte les intentions du législateur : si le Gouvernement impose des exonérations, il doit les compenser.
A mon sens, cette clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale a constitué un véritable progrès. Il importe d'en appliquer les principes de la manière la plus rigoureuse. C'est ce que nous propose la commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle, avec les membres de mon groupe, je voterai cet amendement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, qu'en 1994 on n'avait pas appliqué la compensation à certaines exonérations parce qu'elles allaient tomber en désuétude ou s'éteindre progressivement. Cela signifie-t-il que le gouvernement précédent pensait que l'aide à la création d'entreprise pour les chômeurs indemnisés devait s'éteindre, tout comme l'aide à domicile pour une personne âgée ou valide, les contrats emploi-solidarité, les contrats d'orientation, les associations intermédiaires, les contrats emploi consolidé, l'abattement pour temps partiel, les entreprises d'insertion, les contrats d'insertion ? La liste pourrait être longue !
Aujourd'hui, 17 milliards de francs de cotisations ne sont pas compensés. En 1994, vous n'avez pas prévu de compensation dans bien des domaines qui n'étaient pas en voie d'extinction. C'est sans doute parce que vous avez cru, et je peux le comprendre, que vous ne pouviez pas imputer les charges en cause sur le budget de l'Etat.
Je terminerai en relevant un dernier paradoxe.
Nous, nous préférons financer une exonération à 100 % au profit des associations d'aide à domicile en revenant sur une partie de l'exonération attribuée à ceux qui ont de gros moyens. Vous, vous préférez obtenir le même résultat en recourant à l'impôt, c'est-à-dire en impliquant tout le monde. Telle est la différence entre nous ; je crois qu'il fallait le noter.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. La commission des affaires sociales et la majorité du Sénat sont pour l'application de la loi de 1994 telle que l'a rappelée M. Oudin. C'est tout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dommage que vous ne l'ayez pas appliquée !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3 ter , ainsi modifié.

(L'article 3 ter est adopté.)

Article additionnel après l'article 3 ter



M. le président.
Par amendement n° 60, M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Après l'article 1031-3, il est inséré dans le code rural, un article ainsi rédigé :
« Art... . - I. - Les dispositions du quinzième alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales, dues par les associations et organismes sur les rémunérations des salariés affiliés au régime de protection sociale agricole, dans les conditions mentionnées audit alinéa.
« II. - Les dipositions du I sont applicables aux gains et rémunérations versés postérieurement au 31 décembre 1998. »
« B. - Les droits de consommation sur les tabacs prévus à l'article 575 A du code général des impôts sont majorés à due concurrence de la perte de recettes résultant du A. »
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. L'objet de cet amendement est de mettre à parité les associations prestataires d'aides ménagères affiliées au régime agricole avec celles qui relèvent du régime général et d'être ainsi cohérent avec les dispositions de l'article 3 ter.
Les associations d'aide ménagère en milieu rural créées sur l'initiative de la mutualité sociale agricole, dont les prestations s'adressent majoritairement aux agriculteurs âgés ou handicapés et à leur famille, et qui relèvent de la protection sociale agricole, n'ont pas été visées par les procédures d'exonération précedemment mises en place.
Cet amendement rétablit l'égalité de traitement entre les salariés, quel que soit le régime dont ils relèvent, et garantit la cohérence des dispositifs relatifs aux exonérations de charges et à la professionnalisation des différents acteurs de l'aide à domicile. Je pense qu'il s'agissait d'un simple oubli.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission considère qu'il s'agit d'un dispositif d'équité : elle y est très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit non pas d'un dispositif d'équité, mais d'un dispositif illégal.
Lorsque des employés de maison travaillent à domicile, que ce soit chez des retraités du régime agricole ou chez des retraités du régime général, ils sont toujours employés de maison.
On n'adhère pas à un régime en fonction de la personne chez qui on travaille. Aussi, depuis quelque temps, nous insistons auprès d'un certain nombre d'associations d'aide à domicile pour qu'elles se réfèrent à la convention collective adéquate, qui est la convention collective des gens de maison, laquelle se rattache au régime général.
Il ne devrait pas exister d'associations d'aide à domicile relevant du régime agricole. Elles sont en pleine illégalité. D'ailleurs, les associations de ce type sont de moins en moins nombreuses grâce aux contrôles qui sont effectués.
Dès lors, je serais tout à fait navrée que nous étendions à des associations qui se trouvent actuellement dans une situation d'illégalité des dispositions auxquelles elles peuvent tout à fait prétendre, dès lors qu'elles s'affilient à la bonne convention collective.
Je le répète, je suis comme vous tout à fait favorable au fait que les retraités du régime agricole ou les personnes handicapées du régime agricole bénéficient de ces dispositions. Encore faut-il que leurs associations appliquent la loi, c'est-à-dire qu'elles s'affilient au bon régime comme la plupart. Dans ce cas, elles pourront, bien évidemment, bénéficier des exonérations.
M. Marcel Debarge. Très bien !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours. rapporteur. Madame la ministre, la mutualité sociale agricole a une tutelle : le ministère de l'agriculture et de la pêche. Alors, pourquoi le ministre de l'agriculture ne dit-il pas à la mutualité sociale agricole de ne pas prendre en compte ces salariés ? Qu'il le dise et nous verrons !
Aujourd'hui, ces salariés sont inscrits à la mutualité sociale agricole. Personne n'a formé de recours contre leur inscription. Ils travaillent chez des personnes âgées qui disposent souvent de très petits moyens, et je considère que, tant que l'on n'a pas interdit leur inscription, ils font l'objet d'une discrimination. Tout à l'heure, vous avez eu de belles envolées pour nous montrer que vous défendiez les pauvres et que nous, bien sûr, nous défendions les riches. Eh bien, nous, nous considérons que les pauvres paysans ont autant de droits que les pauvres citadins !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 ter.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - I. - Le premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social est complété par les mots : ", afférentes à une fraction de la rémunération égale au salaire minimum de croissance, par heure rémunérée dans la limite de la durée légale ou conventionnelle du travail".
« II. - L'article 6-2 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1998" sont remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2001" ;
« 2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il ne peut être cumulé avec le bénéfice d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations. »
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux embauches réalisées à compter du 1er janvier 1999. »
Par amendement n° 2, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le paragraphe I de cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement reprend un amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Gérard Bapt, mais qui fut retiré en séance. Il a pour objet d'écarter le plafonnement au niveau du SMIC de l'exonération au titre du premier salarié. Ce plafonnement pénaliserait en effet les entreprises innovantes.
Selon une étude récente, environ 38 % des personnes concernées par l'exonération au titre du premier salarié ont le niveau baccalauréat ou ont suivi des études supérieures. Il est évident que, aujourd'hui, les entreprises high tech - pardon à M. Chérioux, qui déteste ce terme - créent un certain nombre d'emplois destinés à des personnes qui ont atteint un tel niveau d'études.
Par ailleurs, la part des entreprises individuelles dans le total des entreprises bénéficiaires diminue d'année en année et le secteur des services est largement majoritaire parmi les acteurs de l'économie ayant recours à ce dispositif.
La commission a considéré que la restriction de ce dispositif ne paraissait pas fondé, alors que le Gouvernement n'a pas encore présenté son plan de réforme des cotisations patronales et n'a pas précisé ses intentions quant à la suite qu'il entend donner au rapport Malinvaud, notamment.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Au-delà du point précis en cause, cet amendement porte sur la question fondamentale des exonérations de cotisations sociales des entreprises.
En l'occurrence, il s'agit, avec l'article 4, de proroger le dispositif de réduction de cotisations pour l'embauche du premier salarié, dispositif qui devrait venir à expiration au 31 décembre de cette année.
Ce dispositif d'exonération « accompagne » les mesures, prises dans le cadre de la loi de finances, tendant à relever le seuil d'application du régime des micro-entreprises et à pratiquer un abattement sur la base « salaires » de la taxe professionnelle.
Indépendamment des conditions de sa prorogation, le dispositif se situe dans un cadre de réduction globale des prélèvements touchant les petites et moyennes entreprises.
L'article 4 tend donc à proroger un dispositif en en limitant l'application aux cotisations correspondant au SMIC, afin d'en réduire le coût pour la sécurité sociale.
Une telle orientation est évidemment absente des préoccupations de la commission des affaires sociales, qui nous invite à faire « sauter » ce seuil et à faire assumer le coût de cette suppression par l'Etat, au travers de la stricte application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, article dont l'auteur est encore parmi nous et qui, à peine voté, fut déjà contourné dans le projet de loi portant diverses mesures d'ordre social adopté à la fin de l'année 1994.
Je me permettrai de faire part à nouveau de notre grande circonspection devant les dispositifs d'allégement des cotisations.
On ne peut en effet oublier que, pour alléger la contribution des entreprises au financement de la protection sociale, on a, ces dernières années, augmenté le taux de CSG appliqué aux salaires et qu'un beau jour de juillet 1995, pour financer entre autres la ristourne dégressive, on a cru bon de majorer de deux points le taux normal de la TVA.
A force d'engager ainsi toujours plus les finances publiques à prendre en charge, en lieu et place des entreprises, le financement de la protection sociale, on a fini par majorer les prélèvements obligatoires et par rigidifier une part toujours plus grande des dépenses publiques, conduisant à une diminution des possibilités de réduction des impôts et des prélèvements.
Le dispositif que prévoit l'article 4 tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale nous semble tout à fait équilibré. Tout au plus nécessiterait-il, de notre point de vue, d'être soumis à une analyse critique quant à sa portée et à son efficacité sociale et économique.
Voilà pourquoi nous voterons contre l'amendement de la commission des affaires sociales.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Les sénateurs socialistes voteront contre cet amendement, qui vise notamment à remettre en cause le plafonnement au niveau d'un SMIC de l'exonération consentie pour l'embauche d'un premier salarié, plafonnement prévu à l'article 4.
M. le rapporteur nous le rappelait : il s'agit d'un système qui bénéficie, presque par définition, aux entreprises artisanales, de commerce et de services. Or ce sont des secteurs dans lesquels, ne nous leurrons pas, les salaires avoisinent souvent le SMIC.
Il est donc faux de dire que le plafonnement est en contradiction avec le souci du Gouvernement de ne pas encourager des systèmes d'exonération qui seraient des « trappes » à bas salaires.
Par ailleurs, pour beaucoup d'entreprises, l'embauche d'un premier salarié est programmée, qu'il y ait ou non exonération. De plus, nous semble-t-il, pour les entreprises de haute technologie, la question des charges ne se pose pas avec la même acuité.
Les discussion autour de cet article ainsi que la question récurrente de la compensation démontrent la nécessité d'une remise à plat des multiples exonérations de charges et d'une évaluation de leur impact réel sur l'emploi.
Par ailleurs, elles mettent en évidence l'urgence qu'il y a à poursuivre, par une réforme des cotisations patronales, la réforme structurelle du financement de notre protection sociale, engagée l'année dernière grâce au transfert à la CSG des cotisations maladie.
Aujourd'hui, force est de constater que les mutations profondes de notre économie et les conséquences de l'évolution technologique n'ont pas encore été intégrées dans le mode de financement de la sécurité sociale.
Les opinions divergent sur le contenu de cette réforme, y compris parmi les experts qui, à la demande des gouvernements successifs, ont été chargés d'éclairer notre réflexion. Faut-il ou non transférer l'assiette de la masse salariale à la valeur ajoutée ? Faut-il procéder à des exonérations sur les bas salaires en se rattrapant sur d'autres catégories salariales, au risque d'encourager un nivellement par le bas ?
Sur un sujet aussi sensible, le Gouvernement entend organiser une consultation aussi large que possible. Celle-ci est incontestablement nécessaire.
Pourtant, madame la ministre, nous espérons pouvoir aborder le plus rapidement possible cette question de la réforme des cotisations patronales.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je voudrais simplement rappeler qu'un tel amendement avait été déposé à l'Assemblée nationale - avant d'être retiré en séance - par M. Gérard Bapt, qui est socialiste - nul n'est parfait ! - mais surtout député de la région de Toulouse. Or cette région compte nombre de jeunes petites sociétés high tech, que ce plafonnement gêne lorsqu'elles embauchent leur premier salarié.
La commission des affaires sociales et son rapporteur veulent bien se charger de tous les péchés d'Israël, mais chacun doit admettre que ce fardeau est aussi porté par un certain nombre de députés de la majorité !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je note simplement que ceux qui souhaitent la diminution des prélèvements obligatoires, et notamment des impôts, les accroissent au fur et à mesure des articles.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après le paragraphe II de l'article 4, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II bis. - Les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale s'appliquent à la prorogation, au-delà du 31 décembre 1998, du dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'embauche d'un premier salarié résultant du paragraphe II. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit toujours du même problème, et la même remarque pourrait être faite à tous les gouvernements.
Cet amendement a pour objet de prévoir explicitement la compensation intégrale, au bénéfice de la sécurité sociale, du dispositif dont il vient d'être question et qui a coûté 2,8 milliards de francs en 1998.
On ne peut pas se gausser du trou de la sécurité sociale et prendre des mesures qui le perpétuent ou qui l'aggravent.
L'article 4, dans sa rédaction actuelle, prévoit une prorogation, pour trois années supplémentaires, d'un dispositif d'ailleurs antérieur à la loi de 1994 puisqu'il avait été créé par la loi du 13 janvier 1989.
Quoi qu'il en soit, la prorogation n'était évidemment pas prévue en 1994, et la commission estime que, dès lors, il doit y avoir une compensation.
Si l'on suivait l'interprétation que semble faire le Gouvernement, il suffirait qu'un dispositif d'exonération soit étendu à l'occasion d'une mesure de prorogation pour que l'Etat puisse réaliser d'importantes économies au détriment de l'équilibre des régimes sociaux. Ou encore il suffirait que l'Etat, plutôt que de mettre en place un nouveau dispositif qu'il devrait compenser intégralement, décide de s'emparer d'un dispositif existant, de le vider de son contenu, de le définir autrement et de considérer qu'il ne doit pas être compensé au motif que le dispositif originel est antérieur.
Je pense qu'il ne faut pas, en l'occurrence - mais personne n'a cette idée en tête, et vous moins que quiconque, madame la ministre - vider de son sens la loi du 25 juillet 1994.
Considérer que la prorogation - accompagnée, en l'espèce, d'une modification du dispositif - constitue une novation juridique et que, en conséquence, le dispositif doit être compensé intégralement s'inscrit parfaitement dans la lettre et l'esprit de la loi du 25 juillet 1994.
Une telle interprétation est en outre incitatrice, car elle conduit l'Etat à mieux apprécier l'intérêt d'un dispositif d'exonération avant d'en décider la prorogation puisqu'il en supporte le coût.
La palette des différents dispositifs d'exonération de charges sociales est particulièrement riche et complexe puisqu'il en existe trente - vous en avez évoqué sept ou huit, tout à l'heure, madame la ministre - qui ont donné lieu à cent cinquante-sept textes d'application. Un rapport de mai 1998 de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur la branche du recouvrement a rappelé que la difficulté de gestion de ces dispositifs était due à leur multiplicité. Une simplification et une compensation s'imposent donc, ainsi que l'ACOSS l'a souligné à de très nombreuses reprises, pour l'équilibre des branches de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Après le deuxième alinéa de l'article L. 131-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également pris en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, les revenus tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de commerce, d'un établissement artisanal, ou d'un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location, dans ce dernier cas, comprenne ou non tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie, lorsque ces revenus sont perçus par une personne qui réalise des actes de commerce au titre de l'entreprise louée ou y exerce une activité. » ;
« 2° L'article L. 242-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également pris en compte, dans les conditions prévues à l'article L. 242-11, les revenus tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de commerce, d'un établissement artisanal, ou d'un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location, dans ce dernier cas, comprenne ou non tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie, lorsque ces revenus sont perçus par une personne qui réalise des actes de commerce au titre de l'entreprise louée ou y exerce une activité. » ;
« 3° Le troisième alinéa de l'article L. 136-3 est supprimé ;
« 4° Le f du I de l'article L. 136-6 est ainsi rédigé :
« f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles au sens du code général des impôts, à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 ; » ;
« 5° Le g du I de l'article L. 136-6 est abrogé. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article vise notamment à éliminer une forme d'évasion sociale, celle qui a été immortalisée par la « coiffeuse de Valence ». Nous ne pouvons donc pas y être défavorables.
Il reste que ces montages destinés à éviter le paiement des charges sociales sont révélateurs d'une forme d'intolérance à leur poids trop lourd. Cet aspect ne peut pas être négligé par les pouvoirs publics, qui devraient mieux prendre en compte les intérêts spécifiques des travailleurs non salariés des professions non agricoles. Le système de cotisations professionnelles pévu par l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale n'est sans doute pas satisfaisant.
Nous pensons qu'une telle question mérite que soit engagée une réflexion allant au-delà d'une simple réponse législative, surtout lorsque celle-ci accentue la complexité de notre réglementation.
Nous souhaitons que le Gouvernement nous apporte des réponses à l'occasion de l'examen d'un prochain DMOS ou du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Après le basculement massif des cotisations maladie vers la CSG, une certaine paix législative s'impose dans ce domaine, afin que nous puissions y voir plus clair. Le bilan du basculemment doit pouvoir être fait aussi complètement et précisément que possible.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 5



M. le président.
Par amendement n° 4, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception."
« II. - Les droits de consommation sur les tabacs prévus à l'article 575 A du code général des impôts sont majorés à due concurrence de la perte de recettes résultant du I. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer les frais d'assiette et de recouvrement que prélèvent les services fiscaux sur le produit de la CSG affectant les revenus du patrimoine.
Chacun le sait, la CSG est un impôt qui rentre une fois par an et qui est prélevé par les services fiscaux, et non par les URSSAF. Au motif qu'ils accomplissent cette tâche, les services fiscaux font acquitter des frais d'assiette et de recouvrement que nous considérons comme élevés.
La commission ne souhaite pas entrer dans un débat sur la question de principe d'une rémunération d'un service public par un autre service public. Elle se borne à constater que ces frais paraissent injustifiés à partir du moment où l'Etat ne paie quasiment aucune participation à la sécurité sociale pour les prestations versées en son nom par les caisses : revenu minimum d'insertion, allocation aux adultes handicapés, majoration d'allocation de rentrée scolaire. Cette gestion peut être pourtant autrement complexe ! Seule l'ALS - allocation de logement à caractère social - fait l'objet d'une participation, au demeurant modique : moins de 2 % !
Pour ne pas être accusé d'avoir des a priori, je précise qu'un amendement identique avait été présenté à l'Assemblée nationale par M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre financier général. Après l'avoir adopté, l'Assemblée nationale l'a finalement repoussé lors d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement.
J'ajoute que, non seulement ces frais d'assiette et de recouvrement demandés par les services fiscaux nous semblent hautement discutables, mais ils représentent globalement un montant assez modeste.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Par amendement n° 86 rectifié, MM. Trégouët et Leclerc proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est modifié comme suit :
« 1. La première phrase est abrogée.
« 2. Au début de la seconde phrase, le mot « Toutefois » est supprimé.
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement tend à abroger l'assujettissement aux cotisations sociales des options de souscription ou d'achat d'actions, lorsque le délai d'indisponibilité fiscale de cinq ans n'est pas respecté, car cet assujettissement, qui a été voté en 1997, est, naturellement, contestable sur le plan des principes, puisqu'il assimile à une rémunération une plus-value sur titres qui, par définition, reste aléatoire.
Par ailleurs, il est également contestable en pratique, car il contraint la société attribuant les options à provisionner la charge des cotisations sociales patronales qui peut résulter pour elle d'une cession de titres par le bénéficiaire avant le délai de cinq ans.
Enfin, le coût et la complexité de gestion des options de souscription ou d'achat d'actions se sont trouvés ainsi considérablement alourdis, alors qu'il s'agit - nous le savons tous - d'un instrument d'intéressement et de motivation d'un personnel irremplaçable pour les entreprises en développement, notamment pour les entreprises innovantes opérant dans le champ des technologies nouvelles.
Nous proposons donc de compenser la perte de recettes résultant du paragraphe I par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. L'amendement présenté par M. Leclerc vise à exonérer de cotisations sociales les options de souscription ou d'achat d'actions, lorsque le délai d'indisponibilité de cinq ans n'est pas respecté. Seul le « rabais » accordé par la société au salarié - c'est-à-dire la différence entre le prix public de l'action et le prix consenti au salarié - resterait soumis à cotisations sociales.
Cet amendement, j'en connais l'origine : l'assujettissement aux cotisations sociales des stock options , en cas de cession avant un délai de cinq ans, a été introduit par la commission des affaires sociales du Sénat, dont j'étais le rapporteur lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997. L'adoption de ce dispositif, à l'époque, tenait compte de la situation décrite en mai 1995 dans le rapport de nos collègues MM. Jean Arthuis, Paul Loridant et Philippe Marini, à savoir un régime fiscal très favorable et une exonération totale de cotisations sociales.
Cependant, j'y insiste, si nous avions proposé et voté cet amendement c'est parce qu'il s'agissait pour nous d'assurer le « bouclage » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 tel qu'adopté par le Sénat et qui prévoyait une provision, au sein de l'enveloppe des dépenses d'assurance maladie, destinée à faire face à la mise en oeuvre de certaines thérapeutiques ou à la mise en place d'opérations de santé publique nouvelles.
Il convient cependant de reconnaître que le système d'assujettissement des stock options aux cotisations sociales n'est pas satisfaisant. En effet, il contraint la société attribuant les options à provisionner la charge des cotisations sociales patronales qui peut résulter pour elle d'une cession des titres par le bénéficiaire avant le délai de cinq ans.
A l'occasion de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, l'Assemblée nationale, sans revenir sur le principe de l'assujettissement des stock options aux charges sociales, avait supprimé le caractère rétroactif du dispositif pour les sociétés de moins de quinze ans à la date d'attribution des options.
Une des dispositions du projet de loi de finances pour 1999 étend aux sociétés âgées entre sept ans et quinze ans le dispositif avantageux, adopté dans la loi de finances pour 1998, des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise.
Mme Martine Aubry s'était prononcée dans la presse en faveur d'une réforme de l'assujettissement aux cotisations sociales des stock options, sans qu'une mesure figure en ce sens dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le projet de loi sur l'innovation, que devrait déposer le Gouvernement, serait le support législatif tout désigné pour remédier aux inconvénients actuels résultant de l'assujettissement aux cotisations sociales des stock options.
Pour l'heure, l'amendement me semble aller trop loin en ce qu'il exonère de toute cotisation sociale les plus-values réalisées par les détenteurs de stock options. C'est pour cette raison que je demande à ses auteurs, nos collègues René Trégouët et Dominique Leclerc, de bien vouloir le retirer.
M. Guy Fischer. Heureusement !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 86 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Il eût été intéressant de connaître l'avis de la commission des finances sur cette question.
M. le président. Il eût été... mais ce n'est pas possible.
M. Jean Chévioux. Il y a un règlement !
M. Dominique Leclerc. Alors, par fidélité, j'accède à la demande de la commission et je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié est retiré.

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - I. - L'intitulé de la section 5 du chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : "Encaissement des cotisations, contributions et taxes sociales recouvrées par les organismes visés à l'article L. 213-1".
« II. - Il est rétabli, dans cette section 5, un article L. 243-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 243-14 . - I. - Les entreprises ou les établissements d'une même entreprise, redevables de cotisations, contributions et taxes d'un montant supérieur à 6 millions de francs au titre d'une année civile, sont tenus de régler par virement les sommes dont ils sont redevables l'année suivante sur le compte spécial d'encaissement de l'organisme de recouvrement dont ils relèvent.
« II. - Les entreprises autorisées à verser pour l'ensemble ou une partie de leurs établissements les cotisations dues à un organisme de recouvrement autre que celui ou ceux dans la circonscription desquels ces établissements se trouvent situés sont soumises à la même obligation.
« III. - Le non-respect de l'obligation prévue au I entraîne l'application d'une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement.
« IV. - Les règles et les garanties et sanctions attachées au recouvrement des cotisations de sécurité sociale sont applicables à la majoration prévue au III.
« Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin, fixées par décret en Conseil d'Etat.
« III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er avril 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Madame la ministre, l'application du système de virement automatique aux entreprises dont le montant annuel de cotisations sociales est supérieur à 6 millions de francs est préconisée par la Cour des comptes. Le paiement par chèque crée actuellement de graves difficultés de gestion aux URSSAF - 60 000 chèques sont reçus, chaque semestre, par l'URSSAF de Paris - et à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Ainsi, du côté des entreprises existe une crainte légitime de voir apparaître des charges indues, compte tenu de la possible anticipation de la date de valeur par les banques.
Chez les établissements financiers, de possibles difficultés peuvent surgir pour assurer le traitement, sur un petit nombre de jours, de trop nombreux virements. Par ailleurs, seraient nécessaires des développements informatiques complémentaires qui ne sont pas prioritaires par rapport à l'euro ou à l'an 2000.
Sous réserve de ces remarques et dans l'attente d'éventuelles compléments d'information de la part du Gouvernement, le groupe de l'Union centriste votera l'article 6 du projet de loi tel qu'amendé par la commission des affaires sociales.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 5, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter le texte présenté par le paragraphe I de l'article 6 pour l'intitulé de la section 5 du chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale par les mots : « et à l'article L. 651-4 ».
Par amendement n° 93, le Gouvernement propose d'insérer, après le paragraphe II de l'article 6, un paragraphe ainsi rédigé :
« A l'article L.651-7 du code de la sécurité sociale, les mots : "de l'article L. 243-14" sont insérés après les mots : "du premier alinéa de l'article L. 243-6," .»
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement - technique - vise à inclure l'ORGANIC, l'Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce, dans les organismes qui bénéficieront du paiement par virement des cotisations et contributions acquittées par les entreprises et d'un montant de plus de 6 millions de francs par an.
Cependant, comme le Gouvernement vient de déposer un amendement allant dans le même sens et dont la rédaction me semble meilleure, je retire celui de la commission au profit du texte gouvernemental.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 93.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sur le fond, cet amendement est identique à celui de la commission, mais il s'agit de l'insérer à un endroit plus pertinent dans le texte, c'est-à-dire après les dispositions du code de la sécurité sociale concernant la C3S.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - I. - Le III de l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "dont sont retranchées les charges comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche afférentes aux spécialités pharmaceutiques éligibles au crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts" sont supprimés ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le taux de cette contribution est fixé à 1,47 %. »
« II. - Les sommes dues par les entreprises au titre des contributions prévues à l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée, modifiée par le I du présent article, s'imputent sur les sommes acquittées par les entreprises au titre desdites contributions en application dudit article 12, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.
« L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, selon le cas, recouvre ou reverse le solde. Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont inférieures aux sommes acquittées au titre des contributions instituées par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, la différence donne lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement et ne sont pas capitalisés.
« Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont supérieures aux sommes déjà acquittées, un décret fixe les modalités de versement de ces sommes par les entreprises redevables. »
Par amendement n° 6, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 7 a pour objet de réviser les dispositions de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 afin de prévenir un risque d'annulation contentieuse d'une contribution de l'industrie pharmaceutique.
En effet, afin d'éviter tout risque d'annulation, avec les conséquences financières pour la sécurité sociale d'un remboursement de la taxe exceptionnelle instituée par l'ordonnance du 24 janvier 1996, le Gouvernement a décidé de modifier les règles relatives à cette taxe en supprimant la déductibilité des frais engagés au titre de recherches réalisées en France. C'est-à-dire que de nombreux laboratoires français qui font leurs recherches en France vont se trouver pénalisés et des laboratoires étrangers n'ayant pas réalisé de recherches en France verront au contraire leur impôt maintenu ou allégé. On parle d'un transfert de 66 millions de francs - mais je parle sous votre contrôle, madame le ministre - somme qui sera ainsi versée par des laboratoires français, puis attribuée à des laboratoires étrangers !
En opportunité, il est regrettable que le Gouvernement, en présentant cet article, donne des arguments aux partisans de l'annulation de la taxe et aussi aux juges communautaires, alors que les questions de droit posées n'appellent pas de réponses évidentes.
De surcroît, non plus en opportunité mais, cette fois, sur le terrain du droit, il est choquant que les règles relatives à un impôt déjà réglé - je rappelle que cette contribution a déjà été acquittée par les entreprises - soient ainsi modifiées a posteriori.
Certes, le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité des lois fiscales - et, parlant de rétroactivité, je sais que je suis en pleine actualité ! Mais il s'agit ici d'une rétroactivité un peu particulière, dont n'a jamais eu à connaître le Conseil constitutionnel. En effet, cet article n'institue pas une contribution nouvelle qui s'appliquerait à une matière fiscale jusqu'ici exonérée, il modifie les règles d'un impôt déjà acquitté par les sociétés. Il vient donc bouleverser une situation déjà soldée.
En outre, la solution retenue par le Gouvernement porte atteinte de manière très grave au principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit communautaire et, au-delà, à la confiance des laboratoires qui souhaitent s'installer en France et qui ont horreur de cette insécurité juridique permanente.
Ainsi, pour régulariser au regard du droit communautaire une contribution qui n'a pas encore été déclarée contraire à ce droit - la décision n'a pas encore été prise - le Gouvernement retient une solution qui est très contestable au regard non seulement des principes constitutionnels mais aussi du droit communautaire lui-même.
Je vous propose donc, au nom de la commission, la suppression de cet article.
Je rappelle que cette suppression est financièrement neutre, puisque les 66 millions de francs en question vont être pris dans la poche des laboratoires français pour être donnés à des laboratoires étrangers qui n'ont pas fait de recherches en France. Il y a là quelque chose qui est plus qu'agaçant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce que je trouve plus qu'agaçant, pour ma part, c'est qu'on ait pu faire voter des lois contraires à nos engagements communautaires ! Nous avons déjà vécu une situation identique pour le textile et l'habillement, et nous en supportons aujourd'hui les conséquences. Heureusement, le Gouvernement a su trouver dans la loi sur la durée du travail des réponses appropriées.
Quand, dans trois mois - parce que nous savons que la décision est imminente, une décision de même nature ayant déjà été prise à l'échelon européen - la sécurité sociale perdra 1,2 milliard de francs de prélèvement sur l'industrie pharmaceutique, parce que le gouvernement de M. Juppé a pris une disposition dont une partie était non conforme à nos engagements européens, eh bien ! c'est 1,2 milliard de francs qui manqueront dans les caisses de la sécurité sociale !
Croyez-le bien, si je n'avais pas su cette annulation inéluctable, je n'aurais pas déposé cet amendement pour corriger un texte que le gouvernement précédent avait fait voter.
Nous ne reprenons pas un franc supplémentaire par rapport au dispositif mis en place.
S'il s'agit effectivement de 66 millions de francs, cela ne touchera pas les seuls laboratoires français car, heureusement pour nous, il y a des laboratoires étrangers qui font de la recherche en France.
M. Charles Descours, rapporteur. Il n'en feront pas longtemps !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne vois pas pourquoi !
Le tout est de savoir si on veut ou non respecter les règles européennes.
Le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité de la loi fiscale dans de nombreux cas, et, en l'occurrence, rétroactive elle l'est à l'évidence, puisque la contribution n'a pas cessé de produire ses effets juridiques : la prescription court en effet jusqu'au 31 août 1999. Au-delà, en revanche, je ne suis pas certaine que nous n'aurons pas des difficultés.
Donc, pour des raisons de sécurité juridique, pour l'équilibre de la sécurité sociale, auquel vous nous avez dit il y a quelques instants être extrêmement attaché, monsieur le rapporteur, je crois utile de corriger un texte que la majorité à laquelle vous apparteniez avait fait adopter précédemment.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, je ne suis pas spécialiste en comptabilité des entreprises, mais je sais que, pour 1997, la comptabilité a d'ores et déjà été approuvée. Les bilans de toutes ces entreprises deviendraient-ils faux tout d'un coup ? Songez qu'il s'agit ni plus ni moins de reprendre des sommes payées à certains laboratoires pour les reverser à d'autres !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les bilans n'étaient pas faux au moment où les entreprises les ont présentés. S'il existe une disposition complémentaire, elle sera applicable à l'année en cours, donc appliquée aux bilans de cette année-là.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est supprimé.

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - Au 2° de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, la référence : "406 A," est supprimée. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 32 du projet de loi de finances pour 1999 supprime les droits de fabrication sur les produits de parfumerie et de toilette, les produits à base d'alcool ayant un caractère exclusivement médicamenteux ou impropres à la consommation de bouche, les alcools, boissons alcooliques et produits à base d'alcool contenus dans les produits alimentaires.
L'article 8 du présent projet de loi se borne, quant à lui, à tirer les conséquences de cette abrogation : il supprime ce droit de fabrication dans les recettes du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.
Cet article étant une simple disposition de coordination avec la suppression du droit de fabrication sur les alcools prévu par l'article 32 du projet de loi de finances pour 1999, la commission des affaires sociales ne peut que prendre acte de cette suppression. Je rappelle que l'article 32 du projet de loi de finances n'est pas encore voté.
Je tiens cependant à souligner que la suppression de ces droits prive - sans compensation aucune - le FSV d'une recette d'un montant non négligeable : 322 millions de francs en 1997.
Cet article soulève, en outre, la question de l'articulation entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant d'une recette affectée intégralement au FSV, la commission des affaires sociales considère que la suppression de l'article 406 A du code général des impôts aurait probablement dû figurer plutôt dans la loi de financement de la sécurité sociale qu'en loi de finances.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - I. - L'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 (n° 96-1160 du 27 décembre 1996) est ainsi rédigé :
« Art. 29 . - I. - Les boissons constituées par un mélange préalable de boissons ayant un titre alcoométrique n'excédant pas 1,2 % vol. et de boissons alcooliques passibles d'un droit mentionné aux articles 402 bis, 403, 438, 520 A ( a du I) du code général des impôts, lorsqu'elles sont conditionnées pour la vente au détail en récipients de moins de 60 centilitres, font l'objet d'une taxe perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés dès lors que le mélange ainsi obtenu titre plus de 1,2 % vol.
« Les boissons alcooliques passibles d'un des droits mentionnés à l'alinéa ci-dessus, lorsqu'elles sont additionnées exclusivement d'eau, ne sont pas soumises à la taxe.
« II. - Le montant de la taxe est fixé à 15 centimes par degré de boisson alcoolique incorporée au mélange.
« III. - La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons résultant d'un mélange mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les marchands en gros, les importateurs, les personnes qui réalisent l'acquisition intracommunautaire de ces boissons ou par les personnes visées au b du II de l'article 302 D du code général des impôts.
« IV. - Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions indirectes.
« V. - Le produit de cette taxe est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. »
« I bis. - Les pertes de recettes éventuelles résultant du V de l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 (n° 96-1160 du 27 décembre 1996) sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1999. »
Par amendement n° 94, le Gouvernement propose :
A. - De rédiger ainsi le II du texte proposé par le I de l'article 9 pour l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 (n° 96-1160 du 27 décembre 1996) :
« II. - Le tarif de la taxe mentionnée au I est fixé à 36,4 francs par décilitre d'alcool pur. »
B. - De supprimer le I bis de l'article 9.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit de récrire une disposition qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui ne paraît pas conforme à la manière dont on rédige habituellement les textes relatifs aux taxes sur les alcools.
La rédaction adoptée en première lecture se réfère en effet au degré d'alcool de la boisson incorporée au mélange. Or une telle information ne figure pas sur les étiquettes des boissons. En outre, le texte voté ne fait pas non plus référence à la quantité de boisson servant de base de calcul à la taxe, ce qui le rend pour partie inapplicable.
Le présent amendement vise à améliorer la rédaction tout en aboutissant au même niveau de taxation : une taxe égale à environ 6 francs pour une canette de premix de 33 centilitres titrant 5 degrés d'alcool. Il ne modifie donc en rien le fond de la disposition qui avait été adoptée au Palais-Bourbon.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Charles Descours, rapporteur. Nous n'avons pas déposé d'amendement sur cet article car nous sommes favorables à la taxation sur les premix qui sont une incitation à l'alcoolisme pour les jeunes.
L'amendement n° 94 a été déposé à l'instant par le Gouvernement. Aussi, la commission n'a pu l'examiner. Cependant, il ne modifie pas l'esprit de la taxation et apporte une simple précision. A titre personnel, je suis favorable à cette disposition.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 9



M. le président.
Par amendement n° 53, MM. Arnaud, Belot, Dulait, Doublet, Raffarin, de Richemont et Souplet proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au 1° du I de l'article 403 du code général des impôts, le tarif : "5 474 francs" est remplacé par le tarif : "5 450 francs".
« - Au 2° du I du même article, le tarif : "9 510 francs" est remplacé par le tarif : "9 467 francs".
« II. - Au a) du I de l'article 520 A du même code, le tarif : "17 francs" est remplacé par le tarif : "14,50 francs".
« III. - Au 2° de l'article 438 du même code, le tarif : "22 francs" est remplacé par le tarif : "29,60 francs".
« - Au 3° du même article, le tarif : "7,60 francs" est remplacé par le tarif : "10 francs". »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement tend à permettre une répartition solidaire de l'effort demandé dans la lutte contre l'alcoolisme entre les différents secteurs de la production d'alcool concernés.
Il s'agit d'une mesure d'équité. Il est, en effet, paradoxal que, en parlant d'alcoolisme, on ne vise que les spiritueux à 40 degrés, qui tous confondus ne représentent que 5,6 % de la consommation d'alcool pur, et les bières à 5,5 degrés, qui représentent 18 % de cette consommation, en ignorant les vins à 11,5 degrés, qui représentent 60 % de la consommation d'alcool.
La fiscalité des alcools appliquée en France est non seulement inéquitable et discriminatoire, mais elle contribue à fragiliser des secteurs de production qui souffrent actuellement d'une crise sans précédent.
Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil des conclusions des travaux de la commission Jacquat, qui n'ont pas été publiés du fait de la dissolution. Cette commission concluait à l'existence d'une discrimination non fondée dans le traitement des taxes sur les alcools. Elle estimait impératif de tendre vers une harmonisation et d'appliquer la tarification en fonction du degré-volumique. Tel est aussi l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Depuis le temps que je suis le rapporteur de cette commission, je ne peux pas ne pas connaître le débat permanent que suscite la taxation sur les alcools selon qu'il s'agit des alcools forts, de la bière ou du vin.
Les différentes taxes en vigueur étant le fruit d'arbitrages très subtils, je ne souhaite pas revenir sur ce point.
Je constate, par ailleurs, que le Gouvernement a élaboré un plan visant à aider les producteurs de cognac et que celui-ci semble donner satisfaction.
Aussi, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Négatif !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 53.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Bien sûr, je maintiens cet amendement.
Mon cher collègue Descours, les arbitrages qui ont été rendus sont non pas subtils mais grossiers. Autorisez-moi à les qualifier ainsi compte tenu de la discrimination à laquelle nous avons abouti, et sur laquelle je ne reviens pas car j'en ai débattu l'année dernière et voilà deux ans.
Chacun sait qu'il existe des situations tout à fait inexplicables, et ceux qui ont sérieusement étudié ce dossier se sont accordés à reconnaître qu'il est désormais important de tendre vers une plus grande harmonisation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 54, MM. Arnaud, de Richemont et Raffarin proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 406 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« 7 ° les alcools mis à la disposition de chaque viticulteur exploitant dans la limite de 10 litres d'alcool pur par an. »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. En l'occurrence, je ferai référence à un problème que M. le rapporteur a bien voulu rappeler tout à l'heure, à savoir la situation tout à fait exceptionnelle que connaît la région de production du cognac, alors que, dans l'amendement précédent, j'évoquais non pas ce problème spécifique, mais celui, plus général, de l'équité de la taxation sur les alcools.
Le Gouvernement a adopté, après que Matignon eut arbitré entre le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'agriculture, un plan d'adaptation du vignoble de la région délimitée « Cognac ». Parmi les mesures proposées et vivement soutenues par le Gouvernement figurent des actions de promotion du cognac, notamment sur le marché intérieur.
Pour accompagner ces mesures, il conviendrait d'accorder à chaque viticulteur la possibilité de disposer en franchise de droits et de taxes de dix litres d'alcool pur par an, soit environ vingt-cinq bouteilles. Il faut donc introduire une nouvelle exonération des droits de consommation.
Il ne s'agit pas d'une mesure nouvelle puisque, dans les départements et les territoires d'outre-mer, dont la situation économique est difficile, les producteurs de rhum bénéficient déjà d'une telle exonération pour dix litres d'alcool pur par an, afin de permettre la promotion de ce produit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je comprends bien la situation délicate dans laquelle se trouve actuellement la région de Cognac, et je la déplore. Je souhaite que ses exportations reprennent, y compris en direction de l'Asie, après la fin de la crise monétaire, et que la région de Cognac retrouve une meilleure situation économique.
Cependant, la commission des affaires sociales du Sénat a toujours considéré que le privilège des bouilleurs de cru favorisait l'alcoolisme. Elle ne peut donc accepter cette franchise de droits pour dix litres d'alcool pur par an, soit vingt-cinq bouteilles. Aussi, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les bouilleurs de cru avaient disparu de l'Assemblée nationale et du Sénat depuis trente-huit ans ; nous nous en réjouissons tous, je crois. Aussi, le Gouvernement préfère ne pas les voir revenir par ce biais. C'est pourquoi il émet un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 54.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Comme viennent de le dire M. le rapporteur et Mme la ministre, il serait, à l'évidence, inconvenant de rétablir, par ce biais, le privilège des bouilleurs de cru.
J'ajouterai simplement deux arguments.
D'abord, ce rétablissement serait inéquitable. En effet, pourquoi privilégier les producteurs de cognac plutôt que les producteurs d'eau-de-vie de quetsches ou autres ?
Ensuite, entre la proposition qui est formulée et le problème à résoudre, à savoir les difficultés rencontrées par les producteurs de cognac, il y a quelque chose de contradictoire. En effet, en accordant le privilège de bouilleur de cru, vous allez mettre sur le marché de l'alcool produit par de petits viticulteurs et qui sera vendu dans des conditions qui seront ce qu'elles seront, ce qui compliquera encore la situation des producteurs qui, eux, sont essentiellement des exportateurs.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je ne prolongerai pas le débat sur ce point qui, à l'évidence, ne semble pas mobiliser.
En l'occurrence, il ne s'agit pas du problème des bouilleurs de cru.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah bon ?
M. Philippe Arnaud. S'y référer, c'est un peu rapide.
Le problème soulevé, c'est la promotion des produits locaux. Par conséquent, je veux bien me rallier à la position de la commission et à celle du Gouvernement, mais à condition - et je souhaite obtenir une réponse sur ce point - que l'équité soit respectée. C'est pourquoi, dans l'esprit des propos qui ont été tenus voilà quelques instants, je demande la suppression de l'exonération de droits concernant les dix litres d'alcool pur par an pour les producteurs de rhum.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adpoté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - L'article L. 213-1 du code des assurances est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "d'ayant droit d'affilié", sont insérés les mots : ", ou acquitte la contribution sociale généralisée sur un revenu d'activité ou de remplacement" ;
« 2° Au troisième alinéa, après les mots : "ayants droit", sont insérés les mots : "ou qui n'acquittent pas la contribution sociale généralisée sur un revenu d'activité ou de remplacement". »
« Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998. » - (Adopté.)

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - Pour l'application du 2° de l'article L. 139-2 et de l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale, les déficits pris en compte pour les exercices 1998 et 1999 sont établis sur la base des dépenses et des recettes exécutées au cours de l'exercice considéré. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Les lois de financement dont nous discutons sont toujours en encaissements-décaissements. Il convient donc d'en tirer les conséquences, si nous voulons que les votes du Parlement soient cohérents.
Je voudrais, à l'occasion de cet article, intervenir sur un sujet technique, que le président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, que je suis, considère comme étant d'une importance capitale pour l'équilibre des caisses : les droits constatés.
L'application des droits constatés, réforme courageuse qui a été entreprise dans les organismes de sécurité sociale sous plusieurs gouvernements successifs, permet de parvenir à une comptabilité de « créances » et de « dettes », et de ne plus raisonner en « encaissements - décaissements », c'est-à-dire une comptabilité de trésorerie.
Même si l'application de la réforme n'a pas posé de problèmes majeurs, ses effets bénéfiques ne se font pas encore sentir. Nous devrions disposer des comptes beaucoup plus tôt ; ce n'est pas le cas. Nous devrions disposer d'informations infra-annuelles ; ce n'est pas possible. Tout cela est analysé par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. La comptabilité des organismes de sécurité sociale ne permet pas ainsi de mettre en évidence des opérations réciproques entre les organismes et de procéder à leur élimination. La comptabilisation des transferts entre régimes n'est pas effectuée de manière homogène.
Les comptes en droits constatés donneraient des résultats profondément différents des encaissements-décaissements. Le déficit du régime général, en 1997, serait ainsi non pas de 33 milliards de francs, mais de 24 milliards de francs, soit 9 milliards de francs d'écart.
Il est urgent de relancer la réforme comptable, madame le ministre. Il faut réfléchir à l'harmonisation des plans comptables des organismes, à l'unification des pratiques comptables. Il est nécessaire de lier plus étroitement systèmes comptables et systèmes d'information. Une comptabilité n'a plus seulement aujourd'hui pour objet de décrire des opérations de gestion administrative, elle doit donner des informations nécessaires et suffisantes sur les recettes et les dépenses. Il convient notamment de clarifier les relations financières entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale. A cet égard, il est étonnant que la seule collectivité publique n'ayant pas engagé de réforme comptable, malgré les efforts de notre collègue Jean Arthuis lors de son passage au ministère de l'économie et des finances, soit l'Etat.
Madame le ministre, vous nous promettez depuis six mois une mission interministérielle sur le sujet. Si ses axes de travail semblent aller dans le bon sens, ce dont nous nous réjouissons, cette mission n'est cependant toujours pas en place.
Il reste pourtant moins d'un an avant l'élaboration du prochain projet de loi de financement, qui doit être en droits constatés. Pouvez-vous nous dire que cette mission interministérielle sera opérationnelle d'ici à l'année prochaine - il faudrait, pour que cela soit efficace, que cela se fasse très rapidement - afin que le prochain projet de loi de financement soit effectivement en droits constatés ? Le débat y gagnera en clarté.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En réponse à la question de M. le rapporteur, je précise que la mission interministérielle est en train de se mettre en place, avec deux comités.
Tout d'abord, un comité de pilotage, présidé par M. Nasse, secrétaire général de la commission des comptes, sera composé de représentants des organismes nationaux de sécurité sociale et des administrations concernées de l'économie et des finances, de l'industrie, de l'agriculture et de la pêche ainsi que de la direction de la sécurité sociale : en charge du suivi de cette mission, il aura à valider et à suivre les travaux du comité de projet, afin de parvenir à un plan de comptes normalisé et unique. Je me propose de l'installer dans les prochains jours et je peux vous dire que les choses sont très avancées.
Par ailleurs, un comité de projet est en cours de constitution. Présidé par M. Deniel, conseiller maître à la Cour des comptes, ce comité sera composé de représentants des organismes de sécurité sociale, des services déconcentrés du Trésor public, de l'INSEE, de la direction de la sécurité sociale. Il sera l'organe opérationnel de la mise en oeuvre de la réforme puisque les comptes se font déjà dans des régimes de droits constatés et que nous souhaitons pouvoir présenter les comptes en droits constatés en l'an 2000, ce qui nécessite une véritable harmonisation. Ce comité de projet devra déposer pour le premier semestre 1999 un rapport qui constituera la base de travail de la deuxième phase de la réforme de l'organisation comptable des divers organismes de sécurité sociale.
J'espère donc pouvoir utiliser ces travaux pour l'an 2000. Mais tant qu'ils ne sont pas terminés, je ne peux pas m'y engager à 100 %.
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 11 bis



M. le président.
« Art. 11 bis . - I. - L'article 575 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Dans la deuxième ligne du tableau, le taux : "58,30" est remplacé par le taux : "59,9" ;
« 2° Dans l'avant-dernier alinéa, la somme : "230 francs" est remplacée par la somme : "345 francs".
« II. - Au dernier alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, les mots : "et par la loi de finances pour 1998" sont remplacés par les mots : ", la loi de finances pour 1998 et la loi de finances pour 1999". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 57, M. Charasse propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 7, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Après l'article L. 245-12 du code de la sécurité sociale, il est rétabli une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Taxe de santé publique sur les tabacs
« Art. L. 245-13. - Il est créé au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés une taxe de santé publique de 2,5 %, sur les tabacs fabriqués en France et sur les tabacs importés ou faisant l'objet d'une acquisition intra-communautaire et une taxe additionnelle de 7 % sur les tabacs à fine coupe destinés à rouler les cigarettes. Ces taxes sont assises et perçues sous les mêmes règles que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget pris après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés fixe les conditions d'application de ces taxes aux actions de prévention et notamment de lutte contre le tabagisme. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er janvier 1999. »
L'amendement n° 57 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement tend à remplacer une hausse générale des droits sur le tabac, proposée par l'Assemblée nationale, par la création d'une taxe additionnelle de santé publique.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous allez voir que j'essaie d'aller dans le sens des départements ministériels dont vous avez la responsabilité.
Il s'agit exactement du même dispositif que celui qui avait été adopté par l'Assemblée nationale et par le Sénat lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Si les sénateurs avaient émis des réserves quant à sa conformité au droit communautaire, M. le secrétaire d'Etat avait su les rassurer. Puis cette taxe avait été malheureusement écartée par le Gouvernement en nouvelle lecture.
Nous reprenons donc ce dispositif parce que la hausse générale des droits sur le tabac figurant dans le texte adopté par l'Assemblée nationale n'a pas un grand intérêt sanitaire : elle ne rapporte en effet que 100 millions de francs à l'assurance maladie pour 900 millions de francs au budget général de l'Etat.
Par conséquent, l'instauration dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale d'une taxe dont les neuf dixièmes tombent dans le budget général de l'Etat est vraiment un faux semblant !
Il est donc nécessaire de prévoir une taxe spécifique affectée entièrement à la sécurité sociale. Cela fera certes une taxe de plus, mais la transparence y gagnera.
Le système actuel n'est pas satisfaisant. Il serait plus clair de prévoir deux taxes : une pour l'Etat - il faut bien qu'il vive - et une pour la sécurité sociale. Trop de droits ont été perçus sur le tabac sans que la principale victime financière de ses ravages, l'assurance maladie, puisse en profiter.
Je lisais tout à l'heure, dans le quotidien Le Monde paru cet après-midi - il est décidément très instructif ! - que, aux Etats-Unis, les fabricants de tabac allaient verser 300 milliards de dollars pour éviter les poursuites judiciaires. Nous n'en sommes pas encore là en France. Mais il faut arrêter de verser des taxes sur le tabac et sur les alcools, dont les répartitions sont mesurées au trébuchet et qui ne sont connues que de certains spécialistes. Je me rappelle en avoir discuté avec M. Chadelat lorsqu'il était président du Fonds de solidarité vieillesse. Il n'y avait guère que lui pour savoir quel centième de pourcentage était versé plutôt à l'assurance maladie qu'au budget général de l'Etat !
Je vous propose donc, sans revenir sur l'augmentation du tabac décidée par l'Assemblée nationale, de substituer à une taxe traditionnelle sur les tabacs, qui est en fait un impôt déguisé destiné à alimenter le budget général de l'Etat et qui n'a quasiment rien à voir avec la santé, une taxe de santé publique qui donnerait 1,4 milliard de francs à l'assurance maladie et qui paierait les dégâts occasionnés par le tabac, responsable, je le rappelle, de 60 000 morts par an.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous donnons acte à M. le secrétaire d'Etat à la santé de sa solidarité gouvernementale !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Pour ma part, je n'ai aucune affection particulière pour l'industrie du tabac. Cela étant dit, je souhaite exprimer mon point de vue quant à l'inadaptation de la façon dont l'Assemblée nationale a voté cette taxe, avec de bons sentiments mais peut-être de mauvaises conséquences.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues n'a pu défendre un amendement, mais l'exposé des motifs de ce dernier me paraissait tout à fait juste.
La lutte contre le tabagisme est en effet une priorité de santé publique, et nous sommes tous d'accord sur ce point.
Mais l'article 11 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra-t-il d'atteindre cet objectif ? Pour ma part, je ne le crois pas.
En effet, en augmentant brutalement la fiscalité des cigarettes, l'article 11 bis risque de créer les conditions d'une guerre des prix entre fabricants, guerre des prix dont on a pu mesurer, en 1993, les effets profondément déstabilisants en termes de santé publique.
Il faut en effet rappeler que, dans la structure fiscale actuelle, qui est presque exclusivement proportionnelle - le montant des taxes est un pourcentage du prix de vente au détail des produits - plus la taxe est élevée, plus les fabricants arrivent à faire supporter par l'Etat les effets d'une baisse des prix éventuelle : si la proportion des taxes sur le tabac représente aujourd'hui près de 80 % de leur prix de vente, il en résulte que l'Etat finance en fait près de 80 % de toute baisse des prix !
Par ailleurs, la guerre des prix se traduit historiquement par une augmentation de la consommation du tabac des plus jeunes, pour qui le prix du tabac est un facteur discriminant important.
C'est pourquoi cet article me semble avoir été voté hâtivement par l'Assemblée nationale. Une véritable politique de prévention passerait plutôt par une information et une éducation des jeunes gens et des jeunes filles, pour lesquels un effort particulier doit être consenti.
En outre, sur le principe qui consiste à voter des taxes de santé publique sur des produits nocifs, je me permets une mise en garde : si nous nous engageons dans cette voie, nous allons voter des taxes de santé publique sur les alcools bien qu'il existe déjà des droits sur les alcools ; nous allons voter des taxes sur le tabac, bien qu'il existe déjà des droits sur le tabac ; nous ferons cela également pour le sucre, au nom du risque du diabète, bien entendu,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... pour l'amiante...
M. Jacques Oudin. ... et nous pourrons continuer longtemps ainsi.
J'en viens enfin à la portée de cet article.
Tout d'abord, je ne suis pas persuadé qu'on ait analysé à fond les conséquences de l'instauration de cette taxe par rapport au droit communautaire.
Par ailleurs, dans l'espace ouvert qu'est l'Europe, avec Internet de surcroît, n'importe qui peut maintenant commander dans un autre pays européen des tabacs à un prix inférieur à celui qui est pratiqué en France et se les faire livrer quasiment gratuitement.
Je demande donc à nos amis de la commission des affaires sociales de bien réfléchir : les bons sentiments peuvent avoir des conséquences tout à fait détestables en termes financiers.
Voilà pourquoi je m'abstiendrai.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Si j'ai répondu brièvement tout à l'heure, je ne peux pas laisser passer le propos tenu à l'instant par M. Oudin.
Tout d'abord, son raisonnement sur l'augmentation du prix du tabac - tabac dont je tiens à rappeler le caractère nocif et les 60 000 décès par an, en France, qui lui sont directement imputables - n'est pas acceptable. De la même manière, le discours selon lequel la hausse des prix provoquera la contrebande, n'est pas davantage acceptable. En effet, la contrebande, qui est un argument extrêmement souvent employé, n'existe que dans des pays où, en effet, les prix sont les plus bas ; mais c'est simplement que l'accès au territoire est plus facile.
En outre, monsieur le sénateur, dans six des quinze pays de l'Union européenne, les prix des cigarettes sont infiniment plus élevés qu'en France : ainsi, en Grande-Bretagne, ils le sont deux fois plus.
J'ajoute que la commande par Internet, qui, permettez-moi de le dire, comporte certains frais de livraison, ne se fait pas aussi facilement qu'on le pense et ne concerne pas le même public.
Notre objectif est que la consommation du tabac baisse chez les jeunes. L'année dernière, nous avons augmenté le prix du tabac à rouler. Eh bien, monsieur le sénateur, il en est résulté une diminution de moitié de la consommation du tabac à rouler dans notre pays, chez ces jeunes justement. Nous savons très bien, et nous l'avons démontré plusieurs fois - c'est prouvé dans tous les pays, et il n'est pas acceptable en termes scientifiques et en termes de santé publique de dire le contraire - que l'augmentation des prix entraîne une baisse de la consommation, singulièrement chez le public que nous visons, c'est-à-dire les jeunes.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Il est extrêmement délicat, surtout lorsque l'on fait partie de la commission de contrôle de la loi Evin, d'aller à son encontre et de défendre la consommation de tabac, ce qui d'ailleurs n'est absolument pas mon cas.
On se retrouve, s'agissant du tabac, avec les mêmes états d'âme que pour les problèmes de l'armement. Lorsque, dans une ville, les ateliers d'armement ferment, tout le monde descend alors dans la rue ! Récemment, des mouvements ont eu lieu, à Morlaix et à Tonneins, à l'occasion de la restructuration de la SEITA. Par conséquent, les choses ne sont pas aussi simples que cela.
Il serait souhaitable que les prélèvements effectués soient clairement identifiés et explicitement attribués à des secteurs de prévention. Lorsqu'il existera une parfaite identification de l'action de prévention et du prélèvement, les choses seront alors beaucoup plus claires.
J'en viens aux prix : malheureusement, le tabac est toujours associé aux situations d'exclusion - la toxicomanie, par exemple - et le coût des prélèvements pèse donc particulièrement sur les plus démunis. La solution consisterait à développer une véritable politique de prévention, dotée de moyens suffisants.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je voterai l'amendement de la commission des affaires sociales.
Je tiens à dire à M. le secrétaire d'Etat que je partage son analyse quant au ciblage de ces dispositions sur les jeunes. De telles dispositions ne peuvent toutefois pas - chacun en est bien d'accord - résumer une politique de lutte contre le tabagisme.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Bien sûr !
M. Claude Huriet. C'est évident ! C'est dès la jeunesse que le consommateur va prendre un certain nombre d'habitudes en s'imaginant, contrairement à toutes les expériences dont on peut se prévaloir, qu'il pourra échapper à la dépendance. Or c'est précisément la dépendance qui fait du tabagisme un fléau !
S'il pouvait y avoir consommation épisodique, pourquoi ne pas accorder à ceux qui le souhaiteraient le plaisir de fumer une cigarette ? Mais on sait - c'est un fait sur lequel le Haut comité de la santé publique a mis l'accent à de nombreuses reprises - que le danger du tabagisme, c'est l'accoutumance et, ensuite, la dépendance.
Nous aurons d'autres occasions de discuter du développement de la lutte contre le tabagisme, même si, depuis des années, cette politique est progressivement mise en place. Mais gardons à l'esprit le fait que ce sont les jeunes fumeurs qui, insidieusement, passent du plaisir à la dépendance. A un moment donné, nous devrons donc débattre d'autres dispositions, concernant par exemple le développement de la tabacologie et la prise en charge de médicaments qui, c'est désormais prouvé, peuvent aider ceux qui le souhaitent - et ils sont nombreux - à sortir de cette situation de dépendance.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Nous voterons, bien sûr... - pardonnez-moi : nous ne voterons pas (Sourires) - cet amendement.
M. Alain Gournac. Lapsus révélateur !
M. François Autain. En fait, nous sommes un peu embarrassés car, effectivement, nous pensons que cet amendement va tout de même dans le bon sens.
Quoi qu'il en soit, je voudrais vous faire part de mon souhait qu'à l'avenir une plus grande part, pour ne pas dire la totalité, de cette augmentation soit affectée au budget de l'assurance maladie. En effet - et j'approuve là les propos de certains des intervenants qui m'ont précédé - compte tenu des conséquences que peut avoir l'utilisation du tabac sur la santé de nos concitoyens, il est tout à fait normal que la sécurité sociale puisse bénéficier de ces fonds pour pouvoir faire face au surcroît de dépenses occasionné par l'utiliation du tabac.
Nous voterons... - pardon : nous ne voterons pas (Sourires) - l'amendement, je le répète, mais nous souhaitons qu'une évolution intervienne dans l'affectation de ces recettes l'année prochaine.
M. Jean Chérioux. Votez l'amendement, allez jusqu'au bout !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis est ainsi rédigé.

Article 11 ter



M. le président.
« Art. 11 ter . - I. - L'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 21° ainsi rédigé :
« 21° Les personnes qui exercent à titre occasionnel pour le compte de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un de leurs établissements publics administratifs, ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public à caractère administratif, une activité dont la rémunération est fixée par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice. Un décret précise les types d'activités et de rémunérations en cause.
« Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables :
« - aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat et agents permanents des collectivités locales ne relevant pas au titre de leur activité principale des dispositions du livre IV du présent code ;
« - sur leur demande, dans des conditions fixées par décret, aux personnes exerçant à titre principal une des professions visées à l'article L. 621-3, lorsque les activités occasionnelles visées ci-dessus en sont le prolongement. »
« II. - Les dispositions du I sont sans effet sur le droit applicable au lien existant entre les personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et les administrations, établissements ou organismes concernés.
« III. - Nonobstant toutes dispositions contraires, et sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont prescrites les créances relatives aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées aux personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et qui n'ont pas été réglées à la date d'entrée en vigueur des décrets prévus au I du présent article.
Sur l'article, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. C'est avec satisfaction que j'ai accueilli cet article, car il comporte des dispositions qui apportent enfin une réponse aux nombreux médecins siégeant dans des commissions administratives - commission du permis de conduire ou COTOREP, par exemple - sans se voir reconnaître par l'Etat la qualité de salarié, alors même que nombre de décisions de justice rendues par les tribunaux administratifs, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation avaient clairement affirmé que ces médecins devaient être des salariés de l'Etat. Les actions contentieuses, nombreuses, se sont accumulées pendant des années à ce sujet et, aujourd'hui, la loi apporte enfin une réponse claire qui était très attendue.
Toutefois, madame la ministre, la rédaction de cet article me paraît, à moi qui ne suis pas juriste, assez confuse.
Pourriez-vous nous préciser si les médecins qui ont engagé des actions en justice verront leurs droits reconnus par les tribunaux ? A ce jour, la jurisprudence est en effet constante sur ce point. Les dispositions que nous allons adopter interrompent-elles - ou non - les procédures en cours ?
M. le président. Par amendement n° 8, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le troisième alinéa du texte présenté par le I de l'article 11 ter pour le 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Après M. Huriet, je me réjouis des dispositions prises à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, concernant le travail au noir des médecins. Cela prouve que même les gouvernements, depuis dix ans et malgré les avis contraires des plus hautes juridictions de notre pays, continuaient à ne pas payer de cotisations pour leurs collaborateurs occasionnels.
Cet article vise tous les collaborateurs occasionnels du service public et pas seulement les médecins, même si ce sont eux qui ont été sans doute le plus victimes de cette affaire. Ils nous ont d'ailleurs sollicités depuis plusieurs mois, et notre collègue Claude Huriet avait posé une question d'actualité au Gouvernement à ce sujet voilà quelques semaines.
Si la commission se réjouit de l'introduction de cet article, elle vous propose cependant, par cet amendement, de supprimer le troisième alinéa du texte tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, dans la mesure où il exonérerait définitivement de cotisations sociales les rémunérations perçues par les fonctionnaires dans le cadre d'activités annexes.
Si ce paragraphe était maintenu, une personne du secteur privé membre d'un jury de concours, pour prendre un exemple, devrait ainsi payer des cotisations sociales sur ses indemnités, alors qu'un fonctionnaire membre du même jury en serait dispensé. Les fonctionnaires peuvent, en effet exercer des activités « annexes », qui donnent droit à rémunération : ils sont ainsi des collaborateurs occasionnels du service public, disposant par ailleurs d'un statut de droit public.
Il ne serait, bien sûr, pas souhaitable, pour des raisons de simplicité de gestion, de les assujettir au régime général, mais il faut que l'employeur public ait la possibilité de prélever des cotisations sur ces rémunérations. Notre amendement ne lui en ferait pas obligation.
Chacun sait que les modes de rémunération sont complexes et que les différentes primes perçues par les fonctionnaires échappent en général à cotisation, mais maintenir l'alinéa incriminé reviendrait à reconnaître qu'il s'agit là d'une situation normale.
La commission ne peut pas l'accepter, et elle vous propose, en conséquence, de le supprimer, afin que tous les collaborateurs occasionnels du service public soient traités sur un pied d'égalité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je voterai, bien sûr, l'amendement de la commission des affaires sociales.
Je ne pense pas qu'il soit de la compétence de M. le rapporteur d'apporter une réponse à la question que j'ai posée, mais je souhaiterais quand même qu'il me soit répondu.
La rédaction du paragraphe III de l'article 11 ter est, à mon sens, assez confuse :
« Nonobstant toutes dispositions contraires, et sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont prescrites les créances relatives aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées aux personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et qui n'ont pas été réglées à la date d'entrée en vigueur des décrets prévus au I du présent article. »
Ces dispositions signifient-elles que les médecins qui ont engagé des actions contentieuses pourront obtenir satisfaction ? Mettent-elles un terme à tout recours ? C'est une question d'une très grande importance !
Quand bien même Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat ne pourraient pas me répondre, ce que je comprendrais puisque cela ne relève pas de leur domaine de compétence, j'aimerais cependant obtenir des éclaircissements puisque cette question est à l'étude depuis trois ou quatre ans. On ne peut pas laisser dans le flou un point de droit qui peut revêtir pour bon nombre de médecins une importance considérable !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Le paragraphe III de l'article 11 ter me paraissait répondre à la question de M. Huriet, mais je constate que ce n'est pas le cas. Je comprends bien son inquiétude et je crois qu'il serait bon, madame la ministre, que, soit dans l'immédiat, soit dans un avenir proche, vous leviez cette incertitude pour éviter d'éventuels contentieux.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'article 11 ter et l'amendement n° 8 auront effectivement pour conséquence qu'à l'avenir de tels cas ne se reproduiront pas. En revanche, pour le passé, dès lors qu'il n'y avait pas d'assujettissement, les dispositions ne s'appliquent pas.
M. Huriet peut en tout cas rassurer les médecins pour l'avenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 92, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le paragraphe III de l'article 11 ter, de remplacer les mots : « sont prescrites les créances relatives aux cotisations sociales dues » par les mots : « sont annulées les créances relatives aux cotisations sociales et, le cas échéant, aux majorations de retard et frais de justice dus ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement devrait répondre à la question qu'a posée M. Huriet voilà un instant.
En effet, le paragraphe III de l'article 11 ter tend à prescrire les cotisations sociales dues au titre des rémunérations des collaborateurs occasionnels du service public, nonobstant toutes dispositions contraires et sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée à compter de la date d'entrée en vigueur des décrets précisant les types d'activités et de rémunérations en cause.
Il nous semble que cette rédaction contraindrait les organismes sociaux à maintenir dans leurs comptes des créances sans pouvoir les recouvrer. Il est donc préférable, selon nous, de les déclarer annulées plutôt que prescrites.
Par ailleurs, il convient que puissent également être annulés les majorations de retard et les frais de justice qui découlent directement de la créance en principal, afin d'apurer parfaitement les comptes passés. Je tenais à apporter cette précision car, tel qu'il est rédigé, le texte annule, certes, les créances, mais pas forcément les majorations de retard et les frais de justice.
La commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui aura le mérite de simplifier les comptes des organismes sociaux et de les clarifier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 92, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11 ter, modifié.

(L'article 11 ter est adopté.)

Article 11 quater



M. le président.
« Art. 11 quater . I. - Il est effectué, au profit du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement sur le fonds pour l'emploi hospitalier égal au montant des sommes nécessaires à l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre, d'une part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour la fonction publique hospitalière et, d'autre part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour les deux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ce prélèvement, qui est opéré par arrêté, peut faire l'objet d'acomptes provisionnels.
« II. - Il est effectué, également au profit du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement sur le fonds de compensation des cessations progressives d'activité égal au montant des sommes nécessaires à l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre, d'une part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour la fonction publique territoriale et, d'autre part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour les deux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ce prélèvement, qui est opéré par arrêté, peut faire l'objet d'acomptes provisionnels.
« III. - Dans le dernier alinéa de l'article 45 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, les mots : "qui interviendra au plus tard le 31 décembre de l'an 2000," sont supprimés. »
Par amendement n° 9, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 11 quater résulte d'un amendement du Gouvernement qui tend à assurer le financement pour 1999 du congé de fin d'activité pour la fonction publique territoriale et hospitalière.
Le congé de fin d'activité est financé par le fonds de compensation de congé de fin d'activité, lui-même alimenté par le fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales, le fameux FATIACL. Il était doté de 500 millions de francs en 1997 et de 467 millions de francs en 1998. Or le FATIACL risque de manquer de 300 millions de francs en 1999 du fait du versement de ses réserves financières - pour 4,5 milliards de francs - à la CNRACL en 1997.
Le dispositif que propose le Gouvernement revient à effectuer deux prélèvements sur deux fonds différents, pour alimenter un troisième fonds qui en alimente un quatrième. Si vous n'avez pas compris, je peux répéter ! (Sourires.)
Ces deux prélèvements concernent le fonds de compensation des cessations progressives d'activité, spécifique aux agents territoriaux, et le fonds pour l'emploi hospitalier, propre aux agents hospitaliers.
Le fonds pour l'emploi hospitalier connaît un déficit cumulé, au titre de l'exercice 1997, de 79,9 millions de francs. Il est alimenté par une contribution obligatoire des établissements hospitaliers, sociaux et médico-sociaux publics et assise sur le montant des rémunérations soumises à pension. Il « suffirait » donc d'augmenter le taux de cette contribution pour permettre le financement de ces congés de fin d'activité dans la fonction publique hospitalière. A nos yeux, c'est là une contrainte financière supplémentaire dont peut se passer l'hôpital !
La commission des affaires sociales a considéré que cette « usine à gaz » relevait de la politique du sapeur Camember : creuser deux trous pour en combler un troisième.
Le Gouvernement, par la voix de M. Zuccarelli, a affirmé que « le congé de fin d'activité était le pendant du dispositif ARPE - allocation de remplacement pour l'emploi - dans le secteur privé ». Mais les règles de départ à la retraite et de son calcul sont bien différentes selon qu'il s'agit du secteur public ou du secteur privé.
En outre, le troisième paragraphe de l'article 11 quater prévoit la pérennisation du fonds de compensation du congé de fin d'activité, alors qu'il devait être dissous au 31 décembre 2000. Cette disposition ne relève pas d'une loi de financement de la sécurité sociale.
Pour l'ensemble de ces raisons, que j'espère claires, la commission propose au Sénat d'adopter l'amendement de suppression de l'article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 quater est supprimé.

Article additionnel avant l'article 12



M. le président.
Par amendement n° 10, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale s'appliquent aux exonérations de charges sociales prévues par la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement participe encore de notre souci de compenser intégralement les exonérations de charges sociales, cette fois au regard de l'application des 35 heures.
Nous vous avions déjà posé une question à ce sujet en commission, madame le ministre, mais, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, si deux présidents de caisse nous ont dit que les exonérations de charges sociales étaient intégralement compensées, deux autres nous ont affirmé le contraire.
La commission des comptes de la sécurité sociale, partant de l'hypothèse d'une compensation partielle, a neutralisé les effets des 35 heures sur l'évolution des cotisations : « Il a été fait l'hypothèse pour ce compte que les suppléments de recettes engendrés en 1999 par les emplois créés neutraliseraient les pertes de cotisations nettes des compensations prévues par l'Etat. »
Vous nous avez dit en commission que, dans la mesure où il n'y avait pas dérogation à la loi de 1994 pour les 35 heures, celle-ci s'appliquait et qu'il y avait donc compensation intégrale par l'Etat.
La précision qu'introduit cet article additionnel est peut-être redondante, mais mieux vaut que tout cela soit clair.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai effectivement dit que, pour l'instant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comportait pas de dispositions visant à ne compenser que partiellement l'exonération de cotisations sociales liée à la réduction du temps de travail.
Mais j'ai dit aussi que nous ferions un bilan en milieu d'année avec les partenaires sociaux et qu'alors nous prendrions éventuellement des dispositions.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 12.

Article 12



M. le président.
« Art. 12. - Pour 1999, les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement sont fixées aux montants suivants :

(En milliards
de francs)

Cotisations effectives 1 062,9 Cotisations fictives 194,8 Contributions publiques 63,8 Impôts et taxes affectés 438,7 Transferts reçus 5,2 Revenus des capitaux 1,4 Autres ressources 32,6

Total des recettes 1 799,4 Par amendement n° 11, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - A la première ligne (cotisations effectives) du tableau figurant à cet article, de remplacer la somme : « 1 062,9 » par la somme : « 1 068,6 ».
B. - A la quatrième ligne (impôts et taxes) dudit tableau, de remplacer la somme : « 438,7 » par la somme : « 440 ».
C. - A la cinquième ligne (transferts reçus) dudit tableau, de remplacer la somme : « 5,2 » par la somme : « 4,9 ».
D. - En conséquence, à la dernière ligne (total des recettes) dudit tableau, de remplacer la somme « 1 799,4 » par la somme « 1 806,2 ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement de coordination traduit dans les prévisions de recettes l'adoption d'un certain nombre d'amendements précédents.
Compte tenu de ces votes, je tiens à le dire, l'impact de la compensation est neutre quant au déficit des administrations publiques au sens de Maastricht et, en outre, ces recettes supplémentaires pour la sécurité sociale ne sont pas utilisées pour financer des dépenses supplémentaires. Ce qui apparaît comme des dépenses supplémentaires du budget de l'Etat correspond à des recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article additionnel après l'article 12



M. le président.
Par amendement n° 85 rectifié, M. Bernard propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est institué un remboursement de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale et du prélèvement social en faveur de la caisse nationale des allocations familiales et de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés en faveur des ménages non imposables titulaires de revenus de placement. »
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Cet amendement se justifie par son texte même.
Les personnes non imposables sont exonérées de la contribution sociale généralisée. Il est proposé par cet amendement d'instituer un remboursement de la CSG, de la CRDS et du prélèvement social dus par ces personnes sur les revenus de leurs placements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement, on vient de le dire, tend à rembourser la CSG, le CRDS et le prélèvement social de 2 % prélevés sur les revenus des placements aux ménages non imposables.
Il est effectivement des personnes vivant tout à fait chichement qui se retrouvent, du fait qu'elles ont accumulé tout au long de leur vie un peu d'épargne, taxées à 10 % dès le premier franc sur les revenus de leurs placements, alors qu'elles ne sont par ailleurs pas imposables en raison de la modicité des pensions ou des pensions de réversion qu'elles touchent.
Je rappelle d'abord que la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de foyers fiscaux exonérés - onze millions.
Mais il est vrai que, au cours des dernières semaines, les Français ont pris conscience, avec l'envoi des rôles émis par l'administration fiscale, de l'importance des prélèvements sociaux sur l'épargne : 7,5 % de CSG, 0,5 % de CRDS et 2 % de « prélèvement social » affecté à la CNAF et à la CNAVTS.
La commission des affaires sociales, je le rappelle, n'avait pas été favorable, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, à un transfert aussi important de la CSG, même si elle n'était pas hostile au principe d'un rééquilibrage des prélèvements sociaux entre revenus du travail et revenus du capital. Elle avait déploré l'alourdissement considérable, en une seule année, des prélèvements sur l'épargne et elle avait proposé d'exclure les primes des comptes et plans d'épargne logement, qu'elle considérait comme un placement social, ainsi que les produits d'assurance vie de l'assiette du nouveau prélèvement social.
L'Assemblée nationale n'avait pas retenu cette exonération, qui visait à limiter les effets de cette fiscalité accrue sur les classes moyennes.
D'après la loi de financement de l'année dernière, restent exclus des prélèvements, au titre de la CSG, du RDS et du prélèvement social, les intérêts des livrets A, des CODEVI et des livrets d'épargne populaire.
Cependant, il convient de rappeler que la CSG sur les revenus d'activité s'applique aux personnes touchant le SMIC.
En outre, le dispositif proposé par M. Bernard a l'inconvénient du système des « exonérations en cascade » : une personne tout juste imposable devra payer les prélèvements sociaux sur les revenus de ses placements, tandis qu'une personne se trouvant en dessous du seuil d'imposition sera remboursée.
Je comprends l'inquiétude de M. Bernard.
Ces dernières semaines, nous avons vu des retraités non imposables manifester après avoir reçu un avis leur demandant de payer 4 000 francs au titre de la CSG et des autres prélèvements sociaux. C'est donc une vraie question.
Peut-être faudrait-il prévoir un taux réduit pour les personnes non imposables. Peut-être aussi faudrait-il prévoir un paiement en trois fois pour éviter ce prélèvement-couperet en fin d'année, ce qui aurait d'ailleurs l'avantage de soulager la trésorerie de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui, en l'état, n'encaisse le fruit de la CSG qu'en fin d'année.
En tout cas, je ne suis pas sûr que la solution proposée par M. Bernard soit la bonne, et c'est pourquoi je lui demande de retirer l'amendement.
M. le président. Répondez-vous à l'invitation de M. le rapporteur, monsieur Bernard ?
M. Jean Bernard. Je remercie M. le rapporteur d'avoir ouvert de nouvelles voies d'approche, ou de recherche, sur cette question.
Je vais retirer l'amendement parce que je fais confiance à Mme le ministre et à la commission pour trouver des solutions.
Il m'est apparu que la discussion de ce projet était l'occasion de faire part des difficultés de certains, notamment de certains retraités des régimes agricoles qui, devenus veufs ou veuves, après une vie de labeur leur ayant permis d'accumuler un patrimoine modeste qu'ils mettent en location, se voient obligés de payer ces prélèvements.
Je retire également l'amendement parce que je préjuge votre réponse, madame la ministre, pour avoir vu le sort qui a été réservé, à l'Assemblée nationale, à l'amendement de même nature présenté par M. de Courson.
Il n'empêche, il faut rechercher des solutions : peut-être faudrait-il solder cette imposition en trois fois, peut-être la moduler en fonction des ressources réelles des contribuables.
M. le président. L'amendement n° 85 rectifié est retiré.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien que M. Bernard ait retiré son amendement, je veux apporter quelques informations complémentaires - car nous en avons déjà parlé.
Je rappelle que la CSG s'applique au premier franc pour n'importe quel salarié, y compris celui qui travaille à temps partiel et qui gagne 2 000 francs par mois.
Je fais par ailleurs observer que, dans notre pays, on peut être non imposable et avoir un patrimoine important, du fait de réductions d'impôts qui peuvent représenter des montants élevés, et du fait que les revenus de capitaux sont soumis non pas à l'impôt sur le revenu mais au prélèvement libératoire - je pense aux intérêts de l'assurance-vie ou aux intérêts d'obligations - voire ne sont soumis à aucun prélèvement fiscal, comme le plan d'épargne en actions, le PEA. Aujourd'hui, un ménage peut avoir un PEA représentant 1,2 million de francs et ne payer aucun impôt, alors que la personne qui, elle, gagne 2 000 francs par mois, payera la CSG !
Je suis toujours prête à envisager la situation de ceux qui rencontrent des difficultés pour essayer d'apporter des solutions. En l'occurrence, tel ne me paraît pas être le cas.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le cas d'une personne qui doit payer 4 000 francs de CSG alors qu'elle n'en payait pas auparavant. Qu'est-ce que 4 000 francs de CSG ? C'est 50 000 francs de revenus de capital, soit un patrimoine de 1,5 million de francs environ. Est-il anormal qu'une personne qui possède un patrimoine de 1,5 million de francs paie la CSG, alors que, encore une fois, la vendeuse à temps partiel au supermarché va la payer ? Personnellement, je ne le crois pas et je garde mon émotion pour des cas qui le méritent véritablement.
M. Jean Bernard. Et il y en a !

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES
AUX DÉPENSES ET À LA TRÉSORERIE

Section 1

Branche famille

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - I. - L'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Les allocations familiales sont dues à partir du deuxième enfant à charge. »
« II. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 755-11 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
« III. - Pour la détermination des droits, les dispositions des I et II entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Profondément attachés au principe d'universalité, principe originel prévalant en 1945 lors de la mise en place de la sécurité sociale, nous nous étions, l'an dernier, farouchement opposés à la mise sous condition de ressources des allocations familiales, mesure transitoire mais néanmoins très discutable.
Aujourd'hui, je note avec satisfaction que l'article 13 rétablit les allocations familiales pour toutes les familles à partir du deuxième enfant et que, corrélativement, prenant en compte une proposition largement partagée par le milieu associatif, le Gouvernement a ramené le plafond de l'avantage fiscal du quotient familial à 11 000 francs.
Contrairement à vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, nous estimons que la révision du quotient familial est une solution juste et équitable. Elle apporte un bémol à la situation actuelle, qui privilégie les seules familles bénéficiant de hauts revenus.
L'une des finalités de la politique familiale étant de contribuer à compenser les charges que supportent les familles pour éduquer, entretenir leurs enfants, il apparaît primordial d'adapter les droits aux évolutions de la société et de les renforcer en vue d'une efficacité optimale.
Des facteurs importants tels que, d'une part, la montée en charge du chômage, de la précarité, appauvrissant les familles, notamment les familles monoparentales ou nombreuses, et, d'autre part, la mutation, la recomposition ou l'émergence de nouvelles formes de cellules familiales doivent guider la mise en oeuvre d'une politique d'aide aux familles plus juste et plus ambitieuse.
Pour rénover la politique familiale, des mesures positives ont été annoncées le 12 juin dernier lors de la conférence de la famille. Elles sont reprises pour l'essentiel dans le rapport annexé. Ainsi, l'allocation de rentrée scolaire sera désormais versée à toutes les familles comptant un enfant. L'âge limite pour bénéficier des allocations familiales est porté à vingt ans pour les enfants inactifs ; les titulaires du RMI pourront désormais se prévaloir des majorations pour âge.
Malheureusement, faute d'engagement conséquent des employeurs pour financer la branche famille, les avancées évoquées précédemment doivent être relativisées.
En effet, ces majorations par tranche d'âge sont reportées d'un an - dix à onze ans, et quinze à seize ans. Aucune revalorisation significative des prestations familiales - 0,7 % - n'est envisagée, pas plus que le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Nous le regrettons. Ce sera l'objet des amendements que nous défendrons.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, madame la ministre, avec Mme Gillot, vous avez beaucoup insisté sur le travail en cours au sein de la délégation interministérielle à la famille concernant l'harmonisation nécessaire des prestations et la solution à apporter aux jeunes adultes qui, bien souvent, ne perçoivent aucune aide. Il est urgent que les réflexions aboutissent ; il ne faut pas se contenter d'assister les familles les plus défavorisées, il faut mettre les partenaires responsables, notamment l'UNEDIC, devant leur responsabilité.
Enfin, autre objectif louable, le Gouvernement veut concilier harmonieusement vie familiale et vie professionnelle.
Jusqu'à présent, les mesures développées par la loi Veil de 1994, que ce soit l'allocation parentale d'éducation ou les diversifications des modes de garde - crèche ou AGED - n'ont donné que très peu satisfaction.
Pour preuve, alors que le nombre des bénéficiaires de l'APE n'a eu de cesse d'augmenter - 75 % - le taux d'activité des mères de deux enfants baisse. Outre son coût - 18 milliards de francs - les effets pervers de cette prestation sont indéniables. Elle renforce selon nous les inégalités dans la sphère du travail entre hommes et femmes ; elle favorise le retour à la division des tâches dans la sphère domestique ; elle participe à l'encouragement du temps partiel pour les femmes et, plus grave, l'APE ne favorise pas le retour à l'emploi qualifié des mères de famille.
Il conviendrait de revoir cette prestation tout en développant substantiellement les modes d'accueil et de garde pour les jeunes enfants. Les besoins sont énormes : un enfant sur deux est gardé par sa mère.
Madame la ministre, vous proposez, d'une part, de diversifier les modes de garde en généralisant les schémas locaux d'équipement et, d'autre part, d'abaisser ou de relever le financement des CAF au fonctionnement des crèches en fonction des capacités contributives des parents. Pouvez-vous nous préciser le contenu des dispositions à l'étude et nous assurer que le Gouvernement s'engage dans le sens d'un plus grand service d'accueil du jeune enfant ?
M. le président. Par amendement n° 78 rectifié, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 13 pour l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, de remplacer les mots : « deuxième enfant », par les mots : « premier enfant ».
II. - En conséquence, de compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Le taux de la contribution visée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Pour donner toute son efficacité au principe d'universalité, mais aussi pour assurer la dignité de l'enfant, son développement harmonieux, nous proposons de verser les allocations familiales dès le premier enfant.
Il est primordial que toute femme reste libre de décider du moment de sa maternité, de son mode de vie.
Cette aide à la famille que nous appelons de nos voeux n'a pas pour objet d'inciter à la natalité ou à la normalité. Nous souhaitons seulement que le Gouvernement marque son intérêt pour l'enfant en tant que tel, qu'il reconnaisse des situations familiales en soutenant le début de la constitution de la cellule familiale.
Personne ne peut contester ici que l'arrivée de l'enfant au sein du foyer engendre des charges nouvelles, contraint les parents, la mère le plus souvent, à s'éloigner momentanément ou durablement, faute de modes de garde appropriés, de son emploi. Pour faire face à ce coût, la famille est en droit d'attendre certaines compensations. C'est d'ailleurs la raison d'être des prestations familiales.
Le coût de la mesure que je vous soumets est évalué à 14 ou 15 milliards de francs. Ce n'est rien, si j'ose dire, au regard du montant des exonérations de cotisations patronales non compensées, qui conduisent au désengagement des employeurs du financement de la politique familiale.
Pour conclure, je tiens à rappeler à la majorité sénatoriale que, en plaçant l'allocation pour jeune enfant sous condition de ressources, elle a contribué à affaiblir la politique familiale.
Il est temps que le Gouvernement envisage de revenir sur certaines mesures et aille de l'avant en attribuant notamment les allocations familiales dès le premier enfant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Devant cet amendement de 14 milliards de francs et face à cette majorité sénatoriale qui, chacun le sait, n'a pas de coeur...
M. Alain Gournac. Aucun !
M. Charles Descours, rapporteur. ... quand il s'agit de la famille, je voudrais d'abord entendre l'avis du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'oserais pas invoquer l'article 40 à propos de cet amendement, puisque j'ai cru comprendre qu'il s'appliquait assez rarement. (Rires sur les travées du RPR.)
Je répondrai donc sur le fond, pour indiquer que autant je comprends les préoccupations soulevées par le groupe communiste républicain et citoyen, autant je ne comprenais pas, tout à l'heure, ceux qui ne voulaient pas supprimer une exonération dont les bénéficiaires sont les personnes qui disposent des revenus les plus élevés dans notre pays !
M. Charles Descours, rapporteur. Deux poids, deux mesures !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le versement des allocations familiales aux familles comptant un seul enfant entraînerait en effet une dépense d'un peu plus de 10 milliards de francs. Ces familles peuvent d'ores et déjà bénéficier d'un certain nombre de prestations : l'allocation pour jeune enfant, l'allocation de soutien familial, l'allocation de parent isolé pour les familles monoparentales ou les aides personnalisées au logement, destinées tout particulièrement aux familles modestes.
En outre, aux termes du projet de loi que nous examinons actuellement, l'allocation de rentrée scolaire sera acquise pour l'ensemble des familles comptant un enfant même si elles ne touchent pas d'autres prestations familiales ; je rappelle que cela concerne 350 000 familles.
Cela étant, je crois que nous n'avons effectivement pas fait le tour des problèmes financiers que pose l'arrivée d'un enfant pour certaines familles. D'ailleurs, c'est l'un des sujets, vous le savez, qui est à l'ordre du jour de la préparation de la conférence de la famille de l'année prochaine.
Nous aurons, bien évidemment, à faire des choix. Plusieurs sujets importants sont sur la table : les problèmes des jeunes adultes, le problème du premier enfant, le problème de la transparence et de la cohérence données à l'ensemble des aides, l'adéquation entre l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle et une meilleure analyse de l'ensemble des modes de garde.
Sur tous ces sujets qui ont été retenus avec l'ensemble des associations familiales et avec les organisations syndicales, nous devrons faire des choix lors de la prochaine conférence de la famille afin d'avancer encore dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière de politique familiale.
Je souhaite que l'on traite ces sujets dans le cadre de cette concertation et c'est pourquoi je demande à M. Fischer de bien vouloir accepter de retirer son amendement, dès lors que j'ai entendu ses demandes.
M. le président. Monsieur Fischer, que répondez-vous à l'invite de Mme la ministre ?
M. Guy Fischer. Je ne peux pas toujours tout lui refuser ! (Rires) .
Nous avons entamé le débat sur une tonalité différente, mais elle était nécessaire et justifiée. Maintenant, je retire cet amendement, convaincu que nous ferons, lors de la conférence de la famille de l'année prochaine, un pas de plus vers la famille, qui aura sa traduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié est retiré,
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 13



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Descours et Machet, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 50 est déposé par M. Lorrain et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Chacun des enfants à charge, à l'exception du plus âgé, ouvre droit à partir de l'âge de dix ans et de quinze ans à une majoration des allocations familiales. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 46. M. Charles Descours, rapporteur. En application de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont majorées de 191 francs par mois au titre des enfants âgés entre dix et quinze ans, et de 339 francs pour les enfants à compter de quinze ans et jusqu'à la fin du droit.
Le Gouvernement a annoncé, lors de la conférence de la famille du 12 juin 1998, que ces majorations pour âge seraient reportées de dix à onze ans et de quinze à seize ans pour les enfants atteignant leur dixième et leur quinzième anniversaires après le 1er janvier 1999.
Comme l'a montré M. Jacques Machet, notre excellent rapporteur pour la famille, lors de la discussion générale, cette mesure très critiquable concernera un nombre important de familles.
La seule finalité de cette mesure semble financière : le recul de l'âge des majorations permettra d'économiser 870 millions de francs en 1999 et 1,8 milliard de francs en année pleine, à partir de 2000.
La commission des affaires sociales vous propose en conséquence, mes chers collègues, de vous opposer à cette mesure défavorable, qui ne répond à aucune raison de fond et n'apparaît pas justifiée au moment où la branche famille est précisément excédentaire de 4 milliards de francs.
Nous ne comprenons pas - pas plus, je pense, que les auteurs de l'amendement précédent, dont le coût était de 14 milliards de francs ; le coût du nôtre est de 870 millions de francs, c'est plus modeste - nous ne comprenons pas, dis-je, qu'avec une branche famille excédentaire de près de 4 milliards de francs on présente une mesure tendant à économiser 870 millions de francs en 1999 et 1,8 milliard de francs en année pleine.
La commission propose donc un amendement inscrivant dans le code de la sécurité sociale que les majorations pour âge sont versées à partir de l'âge de dix ans et de quinze ans. Un telle disposition empêchera le Gouvernement de reporter d'un an ces majorations. Elle ne se traduira par aucune dépense nouvelle pour la branche famille, puisqu'elle ne fait que confirmer le droit existant.
Notre proposition n'a rien d'exorbitant. Il s'agit de maintenir l'ouverture des droits à une majoration des allocations familiales à partir de dix ans et de quinze ans et de ne pas la reporter à onze ans et à seize ans ; cela serait très mal perçu par les familles et, je le crois, à très juste raison.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Jean-Louis Lorrain. M. le rapporteur ayant présenté un amendement identique au nom de la commission, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 46 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 46.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 46 vise à fixer à dix ans au lieu de onze ans, et à quinze ans au lieu de seize ans, l'âge ouvrant droit à une majoration des allocations familiales.
L'argument développé par M. Descours est purement financier : la branche famille dégage un excédent, il faut l'utiliser ainsi qu'il nous le propose.
Il faut d'abord se réjouir de cet excédent après les années difficiles que nous avons traversées. Certains ici ont déjà oublié que, depuis 1994, les déficits n'ont cessé de se creuser, alors que, avant, la branche famille avait, pendant longtemps et traditionnellement, été excédentaire. Il faut rappeler que ces déficits sont dus, pour une large part, aux dépenses générées par la loi relative à la famille du 25 juillet 1994, dépenses qui n'avaient pas été entièrement financées. Il faut donc se réjouir de cette évolution positive.
En 1998, nous avons pratiquement atteint l'équilibre, et pour 1999 le résultat devrait être excédentaire.
Le Gouvernement propose des mesures qui vont dans le bon sens et qui correspondent au cycle de développement de l'enfant et de l'adolescent, en particulier au déroulement de la scolarité. L'âge de onze ans, et non de dix ans, correspond à la fin du cycle scolaire à l'école primaire et à l'entrée au collège, qui génère des besoins nouveaux. L'âge de seize ans, et non de quinze ans, correspond à la fin du cycle des études au collège et à l'entrée au lycée, qui génère également des besoins nouveaux.
Il ne faut pas oublier par ailleurs que l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales passe de dix-neuf à vingt ans pour les jeunes encore à la charge de leur famille.
Cette mesure répond à des besoins réels. Cette nouvelle avancée, après celle de l'année dernière, concernera 600 000 familles supplémentaires.
N'oublions pas également - Mme la ministre l'a rappelé - l'extension de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles ayant un enfant qui remplissent les conditions de ressources. Cette mesure va dans le sens d'une plus grande justice et profitera à 350 000 familles supplémentaires.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs socialistes ne pourront pas voter l'amendement n° 46.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur Chabroux, si la branche famille est en excédent, c'est parce que, l'année dernière, le Gouvernement a décidé la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, ce qui a généré une économie de 3,8 milliards de francs !
Par ailleurs, avec l'amendement n° 46, nous ne demandons pas la reconnaissance d'un droit nouveau, nous réclamons le maintien des droits actuels.
Si notre amendement n'est pas adopté, je le dis très solennellement non seulement au Gouvernement et à sa majorité, mais aussi aux associations familiales, cette loi de financement de la sécurité sociale instaurera un recul de la politique familiale.
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je m'associe aux propos que vient de tenir M. Descours et je voterai des deux mains cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13.
Par amendement n° 79, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Ces bases mensuelles de calcul évoluent en fonction de la progression générale des salaires moyens ou du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
« II. - Le taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Notre amendement vise à modifier la référence pour l'évolution des bases mensuelles de calcul des prestations familiales.
Actuellement, l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale fait de l'augmentation des prix hors tabac le critère essentiel de la revalorisation de ces bases mensuelles. Quant à nous, nous proposons qu'un autre critère, celui de l'évolution du salaire horaire, soit retenu.
De nombreuses études témoignent de l'écart important existant entre le coût réel de l'enfant et le montant des allocations. La comparaison entre le pouvoir d'achat ouvert par la perception des allocations familiales et celui du SMIC témoigne bien d'un tassement au détriment des prestations familiales.
Pour 1999, madame la ministre, vous avez annoncé une revalorisation de 0,7 %. C'est loin d'être suffisant pour répondre aux attentes et aux priorités des familles.
Je suis quelque peu surpris de l'attitude de notre commission des affaires sociales qui, par la voix de son rapporteur, reproche au Gouvernement « cette revalorisation modeste ». Toutefois, messieurs les élus de la majorité sénatoriale, vous oubliez un peu vite que, lorsque vous étiez aux commandes, rien de substantiel n'a été entrepris pour améliorer le niveau des prestations familiales. Bien au contraire !
En janvier 1996, par exemple, n'est-ce pas un gouvernement de droite qui a mis sous conditions de ressources l'allocation pour jeune enfant ?
Cette même année, aucune revalorisation des prestations ou des plafonds de ressources n'avait été consentie.
Vous aviez même intégré dans l'assiette de la CRDS les aides personnalisées au logement !
La liste des mesures conduisant à la rationalisation des bases de ressources et, de fait, à la stagnation du montant des prestations servies est longue, mais je m'en tiendrai là.
Messieurs de la majorité sénatoriale, vous opposez les familles aux retraités, qui, cette année, bénéficieront d'un « petit coup de pouce » qui leur permettra de préserver en partie leur pouvoir d'achat. Mais les retraités ne sont en rien des privilégiés et la droite n'a pas le monopole de la famille !
Au lieu de s'opposer, le groupe communiste républicain et citoyen a fait le choix de proposer, d'associer les familles aux progrès de l'économie en indexant les bases mensuelles sur l'évolution des salaires, c'est là une condition de progression de la plupart des prestations familiales et un gage de progression du pouvoir d'achat des ménages, donc de croissance.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. A l'argument selon lequel la droite ne fait rien pour la famille, je rappelle que nous avons voté, en 1994, une loi sur la famille...
M. Jacques Machet. C'est vrai !
M. Charles Descours, rapporteur. ... qui nous a longtemps été reprochée parce qu'elle était trop favorable et...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... pas assez financée !
M. Charles Descours, rapporteur. ... pas assez financée, comme vous venez de le dire, madame le ministre.
Je le répète : certains estimaient que cette loi était trop favorable à la famille !
M. Jean Chérioux. A cause de son efficacité !
M. Charles Descours, rapporteur. Pour ce qui est de la question de la base de calcul des allocations familiales, je considère qu'il s'agit d'un problème d'interprétation d'une loi et je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je veux d'abord rappeler que la loi de 1994 s'applique jusqu'au 31 décembre 1999 et qu'elle vise à revaloriser la base mensuelle de calcul des allocations familiales conformément à l'évolution des prix, hors tabac, de l'année en cours.
Comme M. Fischer l'a rappelé, en 1994 et en 1995 le Gouvernement a omis d'appliquer la loi.
Dans le premier cas, il n'a pas procédé à l'augmentation prévue. (Mme Marie-Claude Beaudeau approuve.)
Dans le second cas, il a insuffisamment augmenté la base de calcul, ce qui nous a contraints, l'année dernière, à rattraper le retard.
Pour un Gouvernement qui aurait défendu la famille autant que vous le dites, n'avoir même pas appliqué la loi ne me paraît pas très positif !
Cette loi de 1994, nous l'avons appliquée de manière rétroactive l'année dernière pour ne pas léser les familles, et cela a coûté quelque 150 millions de francs à la sécurité sociale !
Cette année, en application de cette loi, nous prévoyons une revalorisation de 0,71 %, qui maintient le pouvoir d'achat lié aux prestations familiales.
Par ailleurs, puisque cette loi est applicable jusqu'en 1999, nous comptons retravailler sur le mode de revalorisation des prestations familiales avec les associations familiales et les partenaires sociaux.
Je préférerais donc, puisque le sujet n'est pas encore d'actualité, que M. Fischer retire son amendement.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. J'aimerais savoir si M. Fischer retire son amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 79 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je le retire.
Plus nous approchons de la suspension de séance, plus je deviens consentant ! (Sourires.)
Il fallait poser le problème et Mme la ministre a répondu. C'est cela le débat parlementaire : poser les problèmes, échanger les points de vue. Et puis, l'action fait le reste.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.
Par amendement n° 84, M. Nogrix propose d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le versement des allocations familiales est conditionné par le respect d'un contrat entre les prestataires et leur caisse d'allocations familiales. Ce contrat porte sur le rôle éducatif des parents par rapport aux jeunes enfants mineurs. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Guy Fischer. Il vaut mieux !

Article 14



M. le président.
« Art. 14. - I. - L'article L. 543-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 543-1 . - Une allocation de rentrée scolaire est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond variable en fonction du nombre des enfants à charge, pour chaque enfant inscrit en exécution de l'obligation scolaire dans un établissement ou organisme d'enseignement public ou privé.
« Elle est également attribuée, pour chaque enfant d'un âge inférieur à un âge déterminé, et dont la rémunération n'excède pas le plafond mentionné au 2° de l'article L. 512-3, qui poursuit des études ou qui est placé en apprentissage.
« Le niveau du plafond de ressources varie conformément à l'évolution des prix à la consommation des ménages hors les prix du tabac, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Son montant est fixé par décret et revalorisé par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture.
« II. - L'article L. 543-2 du code de la sécurité sociale est abrogé.
« III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur pour l'allocation due à compter de la rentrée 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je m'exprime en tant que président du conseil de surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales.
Madame la ministre, vous avez reçu voilà quelques semaines l'avis rendu par cet organisme. Ce rapport traduisait une certaine satisfaction quant aux conditions d'application de la convention d'objectifs et de gestion.
Le conseil de surveillance avait cependant émis un souhait en matière d'accessibilité au droit des allocataires et le rapport insiste sur « le développement de la prospection des droits, la recherche des facteurs explicatifs du non-recours à certaines prestations ».
Madame la ministre, mon interrogation porte sur les conditions d'application des nouvelles mesures inscrites dans ce projet de loi. En effet, les caisses d'allocations familiales ne connaissent pas tous les bénéficiaires potentiels de ces mesures nouvelles.
Comment faire en sorte que des bénéficiaires potentiels, qui n'apparaissent pas dans les fichiers des caisses d'allocations familiales, soient informés et puissent accéder à ces nouveaux droits ? Ce n'est pas facile, puisque seuls les allocataires actuels figurent dans les fichiers.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien que je ne dispose pas d'éléments extrêmement précis, je souhaite répondre à M. Huriet, qui a posé une vraie question.
Pour l'instant, nous ouvrons un droit : chaque famille qui est au-dessous du plafond de ressources sait qu'elle peut avoir droit à cette allocation de rentrée scolaire ; mais nous ne connaissons pas le nombre des personnes concernées.
Nous étudierons avec la Caisse nationale des allocations familiales les moyens d'informer les familles car certaines d'entre elles ne sont pas connues actuellement - par définition d'ailleurs - et ne figurent pas dans les fichiers de la caisse.
Nous allons travailler avec la CNAF pour faire connaître leurs droits aux familles et afin qu'elles puissent se présenter à leur caisse habituelle pour effectuer les démarches qui leur permettront de recevoir cette allocation de rentrée scolaire dès l'année prochaine.
Certains avaient compris que ces dispositions s'appliquaient dès cette année et s'étaient déjà précipités vers leur caisse. Avec un petit effort d'information complémentaire, nous devrions parvenir à toucher toutes les familles !
M. le président. Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Conçue pour couvrir en partie les frais de rentrée scolaire qui pèsent très lourdement - tout le monde le sait - sur le budget des familles, l'allocation de rentrée scolaire versée sous conditions, notamment de ressources et de bénéfice d'une autre prestation familiale, a été attribuée cette année à un peu plus de 3 millions de familles.
A de nombreuses occasions, les parlementaires communistes ont dénoncé le fait que les conditions d'attribution restrictives excluaient du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire de nombreuses familles.
L'article 14 nous donne en partie satisfaction, puisqu'il étend l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles n'ayant qu'un enfant à charge, soit 350 000 familles supplémentaires.
Nous voterons donc cet article. Toutefois, je tiens à rappeler que la question des plafonds de ressources reste en suspens.
De plus, chaque année, les associations, les syndicats et les familles souhaiteraient connaître le montant de l'allocation et sa date de versement.
Versée par les caisses d'allocations familiales sur une base de 420 francs, l'allocation fait l'objet, chaque année, d'une majoration importante de l'Etat dite allocation de rentrée exceptionnelle.
Je rappelle que celle-ci a été portée à 1 500 francs en 1993 par le gouvernement de M. Balladur, qu'elle a été reconduite à cette hauteur en 1994 et en 1995, puis ramenée à 1 000 francs en 1996 par le gouvernement de M. Juppé, et qu'elle s'élève aujourd'hui à 1 600 francs.
Madame la ministre, pourquoi ne pas avoir majoré la partie institutionnelle de cette allocation, ou tout simplement prévu la budgétisation de l'allocation de rentrée scolaire au sein du budget de la Caisse nationale des allocations familiales ? Cela aurait permis de lever les incertitudes qui pèsent chaque année sur le montant de la prestation.
Notre collègue M. Oudin, dans son rapport fait au nom de la commission des finances de la Haute Assemblée, rappelle que cette majoration exceptionnelle, d'un coût de 6,3 milliards de francs, a été versée - les familles qui l'ont perçue le savent bien - le 25 août de cette année. Mais qu'en sera-t-il l'année prochaine, madame la ministre ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Effectivement, la décision n'est pas encore prise pour la rentrée 1999. Cela dit, l'allocation de rentrée scolaire sera versée à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre au plus tard.
Je dois ajouter que l'allocation de rentrée scolaire est financée par la sécurité sociale alors que c'est le budget de l'Etat, vous le savez, qui prend en charge l'allocation exceptionnelle, qui a été revalorisée ces deux dernières années.
Rien ne permet aujourd'hui de dire qu'elle ne sera pas à nouveau revalorisée l'année prochaine. Vous comprendrez toutefois que cette décision appartient au Gouvernement, qu'elle requiert des garanties budgétaires et que je ne peux donc pas vous répondre aujourd'hui.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je soutiens la position de Mme Beaudeau, qui vous a interrogée non sur le montant de l'allocation de rentrée scolaire, mais sur les problèmes de trésorerie. En effet - et sur ce point je suis d'accord avec le conseil de surveillance de l'ACOSS - l'Etat compense avec retard les 6,3 milliards de francs engagés pour financer l'allocation de rentrée scolaire.
Dans la mesure où cette allocation est une dépense prévisible, elle devrait être provisionnée dans un article de la loi de finances. Cela permettrait de rembourser la Caisse nationale des allocations familiales sans attendre quatre mois au moins.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Section 2

Branche maladie

Article additionnel avant l'article 15



M. le président.
Par amendement n° 80, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 15, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : "et des bénéficiaires de l'allocation mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale".
« II. - le taux de la contribution visé à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Clé de voûte de notre système de santé, porte d'entrée pour l'accès à l'ensemble des soins, l'hôpital joue un rôle primordial tant médical que social.
Une enquête récente réalisée par le CSA pour l'agence régionale d'hospitalisation d'Ile-de-France témoigne de l'attachement des Français à leur hôpital de proximité, ainsi qu'à la qualité des soins prodigués.
La majorité d'entre eux réclament une meilleure information et plus de dialogue avec les praticiens et les personnels hospitaliers.
Les Français se plaignent des délais trop longs dans lesquels sont obtenus des consultations hospitalières. Ils s'inquiètent des déplacements lointains qu'engendrent le manque de services d'urgence, de maternité, ou les éventuelles restrictions de choix pour tel ou tel établissement en fonction de leur pathologie.
En fin de compte, tous se demandent si la réorganisation hospitalière conjuguée le plus souvent avec des transferts de service et des fermetures de lits se soldera de façon positive pour les patients, si l'hôpital y gagnera en efficacité.
Vous connaissez notre position sur la réforme hospitalière entreprise, sur les enveloppes nationales de dépenses prédéfinies, qui conduisent à faire des choix étrangers aux réels besoins.
Nous combattons cette logique de rationnement financier qui conduit à déstructurer notre service public hospitalier. L'état sanitaire de la population française ne justifie pas, à notre sens, des restrictions ; il faut au contraire que des moyens importants soient mis en oeuvre pour permettre à chacun d'accéder aux soins et aux progrès médicaux et scientifiques.
Le Gouvernement s'est notamment fixé pour objectif d'assurer l'accès de tous aux soins. Si le rapport annexé contient effectivement un certain nombre de bonnes intentions en vue de donner du corps à ce principe, la suppression des obstacles financiers limitant l'accès de tous à l'hôpital n'est pas envisagée.
Nous regrettons qu'a aucun moment le Gouvernement n'envisage la suppression du forfait hospitalier et que l'on ne s'interroge pas sur le montant prohibitif de ce dernier.
Notre amendement, en attirant l'attention sur le cas des personnes titulaires de l'allocation aux adultes handicapées - mais les personnes bénéficiant des minima sociaux sont dans la même situation - confrontées au coût du séjour hospitalier, vise à poser plus globalement la question du montant du forfait hospitalier.
Fréquemment hospitalisé, les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapées doivent s'acquitter du forfait journalier, ainsi que d'une contribution minimale aux frais d'hébergement et d'entretien.
Or, en raison du faible montant de leur allocation, rares sont les intéressés cotisant au titre d'un régime complémentaire. De plus, après deux mois d'hospitalisation, ils voient leur allocation réduite. Pour toutes ces raisons, il leur est très difficile d'acquitter le forfait hospitalier et de continuer à faire face aux charges de logement. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d'exonérer du paiement du forfait hospitalier ces personnes handicapées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Avant de se prononcer, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur cet excellent amendement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Tout cela, bien évidemment, mérite réflexion.
Comme M. Fischer le sait, nous avons engagé notre action dans deux directions.
La première, c'est l'institution de la couverture maladie universelle, et je ne reprendrai pas tous les arguments invoqués pour sa défense, qui montraient combien, dans certains cas, l'accès de l'hôpital est très difficile aux plus démunis. Elle vous sera soumise le plus rapidement possible.
La seconde direction concerne l'ensemble des prestations qui font problèmes, et notamment la prise en charge du ticket modérateur et du forfait hospitalier pour les handicapés, mais aussi pour d'autres catégories défavorisées que vous avez évoquées.
Il n'est donc pas possible de légiférer tout de suite puisque nous allons traiter le problème dans les prochains mois.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Dans l'attente du projet de loi qui doit nous être soumis prochainement, j'émets également un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 80.
M. Guy Fischer. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux.
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

6

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :
M. Roger Lagorsse membre de la commission des affaires sociales en remplacement de Roger Mazars, décédé.
Nous reprendrons nos travaux à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'article 15.

Article 15



M. le président.
« Art. 15. - I. - L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au 1°, après les mots : ", des frais d'analyses et d'examens de laboratoire,", sont insérés les mots : "y compris la couverture des frais relatifs aux actes d'investigation individuels," ; »
« 2° Après le 7°, il est ajouté un 8° ainsi rédigé :
« 8° La couverture des frais relatifs aux examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes arrêtés en application des dispositions de l'article L. 55 du code de la santé publique. »
« II. - L'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 16° Pour les frais d'examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes mentionnés au 8° de l'article L. 321 1. »
« III. - L'article L. 615-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Il est inséré, après le douzième alinéa (11°), un alinéa ainsi rédigé :
« 12° Des frais relatifs aux actes d'investigation exécutés ou réalisés à des fins de dépistage. » ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 5° La couverture des frais relatifs aux examens de dépistage effectués dans le cadre de programmes arrêtés en application des dispositions de l'article L. 55 du code de la santé publique. »
« IV. - A l'article L. 615-18 du code de la sécurité sociale, les mots : "des 10°, 11° et 12° de l'article L. 322-3" sont remplacés par les mots : "des 10°, 11°, 12° et 16° de l'article L. 322-3". »
« V. - Après le titre II du livre Ier du code de la santé publique, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

« TITRE II BIS

« LUTTE CONTRE LES MALADIES
AUX CONSÉQUENCES MORTELLES ÉVITABLES

« Art. L. 55 . - Au vu des conclusions de la conférence nationale de santé, des programmes de dépistage organisé de maladies aux conséquences mortelles évitables sont mis en oeuvre dans des conditions fixées par voie réglementaire, sans préjudice de l'application de l'article 68 de la loi de finances pour 1964 (n° 63-1241 du 19 décembre 1963).
« La liste de ces programmes est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
« Les professionnels et organismes qui souhaitent participer à la réalisation des programmes susmentionnés s'engagent contractuellement auprès des organismes d'assurance maladie, sur la base d'une convention type fixée par arrêté interministériel pris après avis de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, à respecter les conditions de mise en oeuvre de ces programmes. Celles-ci concernent notamment l'information du patient, la qualité des examens, des actes et soins complémentaires, le suivi des personnes et la transmission des informations nécessaires à l'évaluation des programmes de dépistage dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« La médecine du travail peut accompagner par des actions de prévention les programmes de dépistage visant à réduire les risques de maladies aux conséquences mortelles évitables par des actions de sensibilisation collectives ou individuelles.
« Un décret fixe la liste des examens et tests de dépistage qui ne peuvent être réalisés que par des professionnels et des organismes ayant souscrit à la convention type mentionnée à l'alinéa précédent.
« L'Etat participe aux actions d'accompagnement, de suivi et d'évaluation de ces programmes. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je voudrais aborder, à l'occassion de la discussion de l'article 15, qui tend notamment à insérer dans le code de la santé publique un titre intitulé : « Lutte contre les maladies aux conséquences mortelles évitables », la question de la santé dans son rapport dialectique fondamental avec le travail.
Le corps et le cerveau du travailleur sont engagés huit heures par jour dans l'effort plus ou moins violent de la production, exposés à la pression psychologique, au froid et à la chaleur, à l'usure physique, à des produits dangereux.
L'inégalité sociale à cet égard est terriblement accusatrice pour notre société : les ouvriers meurent huit à neuf ans plus tôt que les membres des professions libérales, et l'écart grandit d'année en année. Cette inégalité de la durée de vie nous semble cristalliser l'ensemble des inégalités. Ainsi, les ouvriers meurent trois fois plus de cancer que les personnes exerçant une profession libérale, ce qui s'explique : ils y sont trois fois plus exposés.
Selon une enquête de la DARES, la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, un million de salariés sont exposés à des produits cancérogènes. Parmi eux, sont plus particulièrement menacés les mécaniciens automobiles, les ouvriers du bois, les ouvriers d'entretien en mécanique, les salariés du bâtiment et des travaux publics ainsi que ceux de la métallurgie.
Le travail répétitif sous contrainte de temps, à l'origine de 7 000 cas de lésions par efforts répétés ou troubles musculo-squelettiques, est aussi l'une des causes de la montée des souffrances psychologiques, base de la surconsommation des antidépresseurs en France. Il explique également le développement inégalitaire des suicides, les ouvriers se suicidant cinq à six fois plus que les professions libérales entre vingt-cinq et quarante-neuf ans.
Je citerai encore l'exemple - je pourrais en évoquer bien d'autres - des 200 000 soudeurs de notre pays parmi lesquels les victimes de troubles respiratoires aigus sont de 30 % à 40 % plus nombreux que dans l'ensemble de la population.
L'état sanitaire de la France est donc déterminé essentiellement par le travail et reproduit fidèlement les inégalités de classes. L'article 15 de ce projet de loi de financement constitue de la sorte, avec l'article 31, un enjeu primordial au regard de la politique sanitaire.
Je souhaite que le Gouvernement prenne l'engagement d'ouvrir rapidement un débat sur ce sujet.
Accidents et maladies professionnels ne devraient pas faire l'objet de mesures parcellaires, et donc forcément tardives, visant à rouvrir des dossiers quand des milliers de travailleurs sont condamnés, sinon déjà morts.
Nous savons tous que c'est la prévention qui doit être privilégiée, mais je ne suis pas sûre que nous parlions tous de la même chose lorsque nous évoquons la prévention. Celle-ci consiste à empêcher l'apparition des maladies en en supprimant les causes. Il est cruel, pour les travailleurs malades, d'entendre sans cesse mentionner seulement le tabagisme et l'alcoolisme. Les causes majeures des cancers et de presque tous les maux sont inscrites dans le travail, et c'est le travail qu'il faut « soigner » pour soigner la maladie.
Une mesure est prise, cette année, concernant l'indemnisation des cancers causés par exposition à l'amiante, à la suite d'une importante couverture médiatique de certains scandales. Dans le même temps, des milliers de salariés travaillent quotidiennement en contact avec des éthers de glycol, reconnus toxiques et tératogènes depuis 1979, interdits dans les médicaments et les cosmétiques par des arrêtés de janvier 1998, mais autorisés à des doses fortes dans l'industrie.
D'une manière générale, 30 % des salariés sont exposés à des substances chimiques dont on ne connaît pas toutes les conséquences.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons que la prévention, au plein sens du terme, soit au centre des prochains états généraux de la santé, que des moyens nouveaux soient rapidement dégagés et qu'une autre législation, permettant d'améliorer notre système de médecine du travail, soit non moins rapidement adoptée.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Madame le sénateur, vous avez évidemment raison sur le fond.
L'attention du Gouvernement, des parlementaires et des médecins est depuis longtemps attirée sur les conséquences sanitaires de certaines tâches et sur les facteurs de risques que vous avez évoqués.
Très récemment encore, nous avons porté au problème de l'amiante une considération dont on n'avait pas suffisamment su faire preuve dans notre pays.
Bien sûr, il existe d'autres substances cancérigènes. Bien sûr, il faut aussi s'intéresser à certaines corrélations entre travail et accidents cardiaques, suicides ou usage de psychotropes, et nous le faisons.
Il reste que le travail n'apparaît pas comme le premier facteur de cancer.
Pour prendre l'exemple des trois principaux cancers dans notre pays, que le présent projet de loi va d'ailleurs permettre de dépister de manière beaucoup plus systématique, à savoir le cancer du col de l'utérus, le cancer du sein et le cancer colorectal, je ne pense pas qu'ils trouvent leur origine dans les facteurs de risques que vous avez cités.
Je partage totalement votre analyse sur la nécessité d'un effort en matière de prévention, mais cet effort doit porter en priorité, s'agissant des cancers, sur ceux qui sont le plus largement destructeurs.
Je n'en disconviens pas, l'amiante a causé les ravages que nous savons, mais le tabac existe aussi, et ce n'est pas parce qu'il est à l'abri de l'amiante qu'un fumeur ne développera pas un cancer du poumon. Les 60 000 morts que cause le tabac dans notre pays chaque année ne sont pas des victimes de la lutte des classes ! Ce sont les victimes d'une pathologie dont il faut absolument dénoncer la cause et contre laquelle il est impératif de lutter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - I. - Dans le code de la sécurité sociale, sont insérés les articles L. 161-28-1 à L. 161-28-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 161-28-1. - Il est créé un système national d'information interrégimes de l'assurance maladie qui contribue :
« 1° A la connaissance des dépenses de l'ensemble des régimes d'assurance maladie par circonscription géographique, par nature de dépenses, par catégorie de professionnels responsables de ces dépenses et par professionnel ou établissement ;
« 2° A la transmission en retour aux prestataires de soins d'informations pertinentes relatives à leur activité et leurs recettes, et s'il y a lieu à leurs prescriptions.
« Le système national d'information interrégimes est mis en place par les organismes gérant un régime de base d'assurance maladie. Ces derniers transmettent au système national d'information interrégimes de l'assurance maladie les données nécessaires.
« Les modalités de gestion et de renseignement du système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, définies conjointement par protocole passé entre au moins la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés, sont approuvées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
« Cet arrêté, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, tient lieu d'acte réglementaire des organismes d'assurance maladie au sens du premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Les données reçues et traitées par le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie préservent l'anonymat des personnes ayant bénéficié des prestations de soins.
« Art. L. 161-28-2 . - Afin de garantir la qualité du recueil et du traitement des données relatives aux dépenses d'assurance maladie, il est créé auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie.
« Ce conseil est composé du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant, du président de la commission des affaires sociales du Sénat ou son représentant, du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, de représentants des caisses nationales d'assurance maladie, des professions de santé et de personnalités qualifiées dans les domaines de l'information de santé ou des statistiques.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret.
« Art. L. 161-28-3 . - Le Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie est chargé :
« 1° De veiller à la qualité du recueil et du traitement des informations statistiques produites par l'assurance maladie relatives aux soins de ville ;
« 2° De donner un avis sur la qualité des informations statistiques produites par les organismes d'assurance maladie dans le domaine des soins de ville et de contribuer par ses avis à définir la nature et les destinataires des productions statistiques dans le domaine des soins de ville, utiles à la connaissance des pratiques de soins et des dépenses de santé ;
« 3° Supprimé .
« Le conseil établit, chaque année, un rapport aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Pour l'information du Parlement, ce rapport est rattaché à l'annexe visée au b du II de l'article L.O. 111-4.
« Art. L. 161-28-4 . - Les organismes d'assurance maladie communiquent au Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie la description précise des traitements des informations statistiques relatives aux soins de ville qu'ils mettent en oeuvre ainsi que les informations statistiques qu'ils produisent dans le domaine des soins de ville.
« II et III. - Supprimés . »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je consacrerai cette intervention à l'informatisation de la sécurité sociale et au codage des pathologies.
Dans ma question orale du 20 octobre dernier, je soulevais les problèmes que ne manque pas de susciter ce processus, dans l'état actuel des choses, tant du point de vue médical que sur le plan des libertés.
Je rappelais qu'il serait utile de développer les études statistiques et épidémiologiques, dont le nombre est actuellement insuffisant, avec une méthodologie d'enquête stricte, pour rendre efficace une démarche d'évaluation et d'analyse de l'état de santé des populations que le codage systématique et obligatoire des pathologies ne peut permettre de réaliser de manière satisfaisante. En effet, le codage conduira probablement, dans bien des cas, à des déviations, tant au regard des informations médicales transmises que sur le plan des libertés.
Dans le même ordre d'idées, j'ai souligné la nécessité de rendre anonymes les données utilisées à des fins statistiques et transmises aux organismes de protection sociale, avec déconnexion entre ces données et celles qui sont liées aux remboursements, nécessairement nominatives.
A ce sujet, il est à noter que même le rapport présenté à l'Assemblée nationale sur le volet santé du budget de la santé et de la solidarité relève que « la nécessité du secret présente encore des difficultés aussi bien chez le médecin, s'agissant de l'accès aux fichiers nominatifs, que dans les échanges de données, s'agissant de l'interception des messages ».
J'ai noté avec satisfaction que le Gouvernement était attentif au problème des libertés. La création d'un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie est positive, et il serait souhaitable que les mutuelles soient représentées au sein de ce conseil.
D'ailleurs, le projet de loi prévoit que ce conseil sera chargé, entre autres missions, de donner un avis sur la mise en oeuvre du codage des pathologies.
Aujourd'hui, le codage exhaustif et permanent nous paraît ignorer la complexité des relations entre le médecin et le patient et entraîner des risques pour le respect des libertés individuelles qu'aucune protection légale ne peut pallier totalement.
Je ne peux donc que réitérer mon souhait de voir lancer, sur ces questions, un débat parlementaire et, plus largement, un débat qui soit accessible à l'ensemble des citoyens.
Concernant plus précisément le codage des pathologies, il serait indispensable qu'une véritable expertise publique précède toute mise en oeuvre de celui-ci.
Autant les doutes concernant une véritable efficacité médicale sont nombreux, autant la crainte de voir ce dispositif devenir un instrument de maîtrise comptable aux mains des assurances, comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis, par exemple, paraît fondée.
Compte tenu de ces éléments, je ne peux partager l'enthousiasme dont vous faites preuve, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, quant à l'accélération de la mise en oeuvre d'un processus n'ayant pas fait l'objet d'expertises et de débats sérieux, mais qui va comme un gant à ceux qui veulent privatiser la sécurité sociale.
L'introduction de l'industrie pharmaceutique dans le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, voulue par la droite, me paraît aller en ce sens.
C'est pourquoi je serai amenée à voter contre l'article 16 s'il est modifié comme le propose la commission.
M. le président. Par amendement n° 12, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - Dans le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 16 pour l'article L. 161-28-2 du code de la sécurité sociale, de supprimer les mots : « du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant, du président de la commission des affaires sociales du Sénat ou son représentant, ».
B. - Dans le même alinéa du même texte, après les mots : « des professions de santé », d'insérer les mots : « , des établissements de santé publics et privés, des établissements médico-sociaux, des industries fabriquant des biens remboursables par l'assurance maladie ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement est relatif à la composition du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, dont je salue la création.
Il est effectivement très important que nous soyons d'accord au moins sur les statistiques. Cela permettra ensuite d'aborder les réformes d'une façon plus consensuelle.
Cela étant, je propose de supprimer la participation des présidents des commissions concernées de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie est chargé de conseiller le ministre ; or le rôle du Parlement n'est pas de conseiller le ministre, du moins à titre officiel.
Par ailleurs, je suggère d'élargir la représentation des professionnels de santé à des représentants des cliniques, des hôpitaux et de l'industrie pharmaceutique. En effet, cet élargissement de la composition du conseil est cohérent avec l'élargissement de ses compétences à l'ensemble des dépenses de l'assurance maladie que nous proposons par l'amendement n° 13.
Les dépenses d'assurance maladie donnent lieu, dans leur globalité, à une partie de ping-pong permanente entre les dépenses hospitalières et les dépenses ambulatoires, chacun accusant l'autre de transférer les dépenses qu'il devrait assumer sur la partie de l'enveloppe qui lui est étrangère.
Par conséquent, s'il restait ainsi « dichotomisé », le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie ne correspondrait pas à son objet, qui est pourtant tout à fait intéressant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, d'autant que c'est la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale qui nous avait demandé que les représentants des commissions parlementaires compétentes siègent au sein de ce conseil.
M. Charles Descours, rapporteur. Constitutionnellement, le rôle du Parlement est de voter les lois et de contrôler le Gouvernement, pas de le conseiller !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - A la fin du deuxième alinéa (1°) du texte présenté par le paragraphe I de l'article 16 pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, de supprimer les mots : « relatives aux soins de ville » ;
B. - Dans le troisième alinéa (2°) du même texte, de supprimer deux fois les mots : « dans le domaine des soins de ville » ;
C. - Dans le texte présenté par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 161-28-4 du même code, de supprimer les mots : « relatives aux soins de ville » et les mots : « dans le domaine des soins de ville ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'élargir à l'ensemble des postes de dépenses d'assurance maladie - soins de ville, médicaments, hôpitaux, cliniques - les compétences du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie.
En effet, actuellement, les frontières entre les dépenses de soins de ville et les dépenses hospitalières ne sont ni stables ni toujours très bien définies : les médecins libéraux accusent les hôpitaux d'« externaliser » un certain nombre de leurs dépenses ; les hôpitaux accusent en retour les médecins de ville de ne pas être suffisamment présents au moment des gardes et de surcharger les urgences.
Bref, si son champ de compétence n'est pas élargi à l'ensemble des dépenses de santé, le conseil ne servira à rien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Monsieur le rapporteur, ce sont les médecins libéraux, les médecins de ville, qui ont sollicité cette disposition.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.) M. le président. Par amendement n° 64, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, avant le dernier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, un alinéa ainsi rédigé :
« ... De donner un avis sur le périmètre des différents postes de dépenses pris en considération dans la détermination et le contrôle du respect des objectifs définis à la suite du vote du Parlement pour les soins de ville, la pharmacie et les établissements. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, l'organisation d'un système de maîtrise des dépenses comportant des objectifs de dépenses opposables aux professionnels suppose, notamment, que ceux-ci ne voient pas les règles du jeu changer en cours d'année sous l'effet de décisions des pouvoirs publics qui modifieraient les périmètres respectifs de ces objectifs.
Par cet amendement, il est proposé que le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie puisse donner un avis sur la manière dont ces changements de périmètres sont pris en considération.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement, dont l'objet lui semble tout à fait légitime.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
La mission du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, monsieur le sénateur, n'est pas de se substituer aux autorités qui déterminent le périmètre des objectifs de dépenses, qui sont fixés en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM.
Les transferts de financement entre les différentes enveloppes sont nécessaires. Ce sont eux qui permettent d'assurer la fongibilité des dépenses au sein de l'ONDAM. Ces transferts se font dans la plus grande transparence. Je vous rappelle que l'objectif des dépenses de soins de ville est déterminé dans l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAM, et que les transferts opérés sont discutés dans ce cadre.
Pour ce qui est du médicament, tous les transferts de financement donnent lieu aux rectifications d'enveloppe correspondantes. Ainsi le transfert du financement des médicaments anti-rétroviraux de la dotation globale hospitalière sur les soins de ville a-t-il entraîné une révision à la baisse du budget des hôpitaux et une augmentation équivalente de l'enveloppe des soins en ville.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17



M. le président.
« Art. 17. - I A. - Après le cinquième alinéa (2°) de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2° bis. Le cas échéant, les conditions tendant à éviter à l'assuré social de payer directement les honoraires aux médecins ; ».
« I. - B. - Après le sixième alinéa (3°) de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° bis. Le cas échéant, les conditions de promotion des actions d'évaluation des pratiques professionnelles individuelles ou collectives ; »
« I. - Après le 11° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 12° et un 13° ainsi rédigés :
« 12° Le cas échéant,
« a) Les conditions particulières d'exercice propres à favoriser la coordination des soins par un médecin généraliste choisi par le patient, et les modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, y afférents,
« b) Les conditions particulières d'exercice permettant la prise en charge globale de patients dans le cadre de réseaux de soins, et les modes de rémunération des médecins participant à ces réseaux,
« c) Les droits et obligations respectifs des médecins, des patients et des caisses, ainsi que des modalités d'évaluation associées aux formes d'exercice et modes de rémunération mentionnés aux a et b ci dessus ;
« 13° Le cas échéant, les modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, des activités de soins ainsi que les modes de rémunération des activités non curatives des médecins, et notamment de prévention, d'éducation pour la santé, de formation, d'évaluation, d'études de santé publique, de veille sanitaire, prévus par des contrats passés entre les médecins concernés et les organismes d'assurance maladie et définissant les obligations relatives aux conditions d'exercice qui en résultent pour les intéressés. »
« II. - L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la mise en oeuvre des 12° et 13° , il peut être fait application des dérogations mentionnées au II de l'article L. 162-31-1. »
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 3 juillet 1998. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. L'article 17 a pour objet d'élargir le champ conventionnel en donnant aux partenaires de santé la possibilité de mettre en oeuvre des outils nouveaux d'exercice de la médecine libérale propres à moderniser notre système de soins.
Il est indéniable que les interventions de divers professionnels de santé des secteurs ambulatoire ou hospitalier sont actuellement cloisonnées.
Pour le bien-être des patients, le suivi de pathologies complexes ou la prise en charge des personnes défavorisées et des personnes âgées, il convient d'assurer une meilleure coordination des soins.
Pour autant, la mise en place de filières de soins ou de réseaux telle qu'elle était envisagée jusqu'à présent est peu satisfaisante. L'objectif est, à terme, de mieux maîtriser sur le plan comptable les dépenses de santé sans que pour autant le malade, subissant certaines contraintes, bénéficie d'une nette amélioration de la qualité des soins.
Prévues à titre expérimental par les ordonnances Juppé, intégrées dans la convention médicale annulée depuis par le Conseil d'Etat, de nouveau envisagées dans le protocole d'accord négocié entre la CNAM et MG-France, les filières de soins, et en particulier la notion de « médecin référent », sont en passe d'être légalisées par le biais de cet article.
Cette perspective est peu satisfaisante.
Lié par contrat à son médecin généraliste, l'assuré ne peut accéder aux soins spécialisés ou à l'hôpital que sur prescription de son généraliste, qui assure ainsi un suivi médical à la fois global et économique.
Remarquons que la filière de soins est gérée par un organisme - groupement de médecins, laboratoires, mutuelles ou compagnies d'assurances - et qu'elle est, elle-même, tenue de respecter le contenu de son accord avec la sécurité sociale.
En contrepartie de son adhésion à la filière de soins, le patient bénéficie, bien entendu, de certains avantages, notamment la dispense d'avance de frais. Cependant, il renonce dans le même temps au libre choix de son médecin généraliste et au libre accès au spécialiste ou à l'hôpital. Renoncements dangereux !
De plus, ce système des filières de soins favorisera à terme la privatisation de la santé. Les assureurs privés ne manqueront pas d'investir le secteur de la santé, sélectionnant les patients, s'occupant en priorité des plus solvables. Autant de considérations étrangères à la santé du malade !
Il est très significatif que, parmi les premiers projets acceptés par la commission Soubie, chargée de délivrer des avis sur de tels projets d'expérimentation, figure le projet de l'assureur Groupama !
En aucun cas je ne veux cautionner un dispositif qui permettra aux assurances de conquérir le domaine de la protection mutualiste et, au-delà, celui de notre protection sociale.
Je sais que les tentations sont fortes de voir banalisée la mutualité, de voir disparaître les principes de solidarité et de non-discrimination.
J'espère que le Gouvernement ne cédera pas aux injonctions de Bruxelles et qu'il réaffirmera ainsi sans équivoque que tout oppose assurances et mutuelles.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je ne comprends pas ce que Bruxelles vient faire ici. Je ne vois pas en quoi les syndicats qui ont expérimenté ce mode de prise en charge des malades et cette filière de soins obéissent à Bruxelles. Je ne comprends pas davantage cette crainte de l'intrusion de l'assurance privée dans une organisation qui au contraire, nous permet de garantir que notre système à la française - que tout le monde nous envie, notamment les ministres de la santé de l'Union européenne que nous avons encore rencontrés la semaine dernière - restera très performant et demeurera à l'abri de la tentation évoquée. En tout cas, c'est ce que pense le Gouvernement.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 14, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer l'article 17.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 17 du projet de loi prévoit d'élargir le champ de compétence des partenaires conventionnels. Il fait suite à l'annulation par le Conseil d'Etat de la convention nationale des médecins généralistes signée par MG-France.
Le 3 juillet dernier, le Conseil d'Etat a estimé que les syndicats et les caisses d'assurance maladie n'avaient pas compétence pour instituer par voie conventionnelle des filières de soins ; il s'agit de l'option dite du « médecin référent ».
En effet, l'ordonnance du 24 avril 1996 dispose que les projets de filières et de réseaux de soins ne peuvent être engagés qu'à titre expérimental, pendant une durée de cinq ans, s'ils ont été agréés par l'Etat après avis d'un conseil d'orientation ad hoc. Il s'agit de la commission Soubie, à laquelle faisait référence tout à l'heure Mme Borvo.
Si l'article 17 était adopté, les partenaires conventionnels pourraient déroger, à titre permanent et sans l'avis du Parlement, à des dispositions essentielles de la législation sur la sécurité sociale, qu'il s'agisse du ticket modérateur, du tiers payant, ou des tarifs et honoraires des médecins.
Sans qu'il soit besoin d'examiner cet article en opportunité, nous estimons qu'il n'est pas conforme aux textes constitutionnels, que le Parlement se dessaisisse ainsi de sa compétence en permettant aux partenaires conventionnels de déroger à titre permanent, et pour l'ensemble des médecins, à la loi de la République.
Si la loi de la République est mauvaise, il faut la changer ! Si la loi est imparfaite, le Parlement peut, comme l'ont fait les ordonnances, prévoir des expérimentations localisées et temporaires impliquant une dérogation aux textes législatifs.
Je vous saurais gré, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous dire quel est le bilan de la commission Soubie.
Je voudrais, par ailleurs, revenir sur le projet préparé par Groupama et la Mutualité sociale agricole, la MSA, qu'a évoqué Mme Borvo. Je croyais que c'était un grand projet très révolutionnaire, mais, après avoir auditionné ses auteurs, j'ai constaté qu'il s'agissait simplement d'un projet d'autorisation de tiers payant pour le complémentaire. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi le Gouvernement ne l'a pas encore accepté, puisque la commission Soubie a donné un avis favorable. De toute manière, ce projet ne met absolument pas en jeu le monopole de la sécurité sociale et ne conduit aucunement à une privatisation de la sécurité sociale.
Dans ces conditions, pour des raisons juridiques, je vous propose de supprimer cet article. Au cas où je ne serais pas suivi, je crains que d'autres que nous ne s'en chargent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La convention qui a été passée entre un syndicat médical et la caisse d'assurance maladie va, et sur une période de temps qui n'a rien à voir avec cinq ans, porter ses fruits pour le plus grand bénéfice des malades. Si d'autres veulent passer des conventions, libre à eux !
Quant au bilan de la commission Soubie - je vois bien le rapport, monsieur le rapporteur, que vous entretenez avec cette expérimentation - avec, en un an, un dossier agréé et deux dossiers à l'étude ayant reçu un avis favorable de la commission, je le trouve assez faible. A ce rythme, cela ne va pas transformer l'atmosphère !
J'espère, en revanche, que les rapprochements entre les partenaires conventionnels vont en effet nous permettre d'apporter des soins de bonne qualité aux citoyens qui le demandent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. François Autain. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Le groupe socialiste votera, bien sûr, contre l'amendement n° 14.
Cet amendement semble être la parfaite défense et illustration de la médecine libérale et du refus de toute évolution. Particulièrement conservateur à mes yeux, il doit à ce titre être écarté.
Il dénote dans le même temps de la part de son auteur et de la majorité sénatoriale qui le soutient un bien subit attachement à la loi, d'autant plus curieux de la part d'un groupe qui prétend attacher tant d'importance, on le verra peut-être par la suite, à la liberté conventionnelle.
Le texte du Gouvernement arrive à point nommé : il est temps de permettre que soit défini autrement, dans l'intérêt des patients, de l'assurance maladie et des professions de santé, le mode de rémunération des médecins. C'est à ce prix que nous arriverons à sortir des difficultés dans lesquelles se trouve actuellement le système de distribution de soins, notamment ambulatoires.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Contrairement à mon collègue M. François Autain, je ne suis pas sûr que, par le rejet de cette disposition, nous allions à l'encontre de l'intérêt des malades et des acteurs de santé.
Il faut le dire : l'article 17 vise à modifier totalement le système.
D'abord, il n'est pas bon de généraliser le tiers payant, tout au moins de l'institutionnaliser de la sorte.
Ensuite, tout placer sur le plan conventionnel alors que, à l'heure actuelle, l'accord n'est intervenu qu'avec une minorité de praticiens qui ne représentent pas suffisamment la profession constitue un obstacle à la transparence et à l'efficacité que nous recherchons pour le système de santé.
Enfin, affirmer que la négociation se déroule librement, c'est tout de même oublier les pressions grossières de la part des autres partenaires à l'égard de certaines personnes qui ont du mal à s'y retrouver dans le système que nous souhaitons instaurer. Je ne suis pas sûr que l'intérêt des patients soit aujourd'hui la première préoccupation.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je veux bien tout ce qu'on veut, mais c'est le Conseil d'Etat qui a annulé la convention. Sans doute est-il hyperconservateur ! C'est lui qui a dit que les syndicats et les caisses n'avaient pas compétence pour instituer, par voie conventionnelle, des filières de soins, et non pas la majorité du Sénat, qui serait conservatrice.
Le Conseil d'Etat s'est prononcé en droit. Si certains veulent aller au-delà du droit, nous verrons bien ce qu'il en adviendra.
Je maintiens bien sûr l'amendement.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Cette convention a été annulée par le Conseil d'Etat pour défaut de base légale. Or nous sommes en train de lui en donner une. Lorsque celle-ci existera, il n 'y aura plus de motif à annulation.
De plus, pardonnez-moi, rien n'est obligatoire ! N'exagérez pas l'emprise de la filière de soins. Le mot lui-même pourrait d'ailleurs être matière à débat. Comme vous le savez, cette filière est bien « douce ».
Par ailleurs, lorsqu'un patient ne s'insère pas dans ce système, c'est-à-dire quand il est un patient comme les autres, qui n'a pas choisi de recourir à un médecin référent, il peut se rendre chez un autre médecin, et la situation ne change pas. Il ne s'agit donc pas d'une révolution !
Les propos de M. Autain me paraissent importants. Comme je l'ai souligné dans mon bref discours liminaire, l'expérimentation de mise en réseau et de forfait par pathologie ou en fonction d'un aspect particulier d'une pathologie, à côté du paiement à l'acte et non pour remplacer celui-ci, me semble très prometteur pour le malade. Voilà ce que j'ai dit. Cette expérimentation sur la douleur, sur le diabète, sur les soins d'accompagnement... et peut-être même - pourquoi pas ? - sur la toxicomanie portera certainement ses fruits, à côté du paiement à l'acte.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je persiste à affirmer que, par la loi, le Parlement ne peut pas se dessaisir de ses compétences.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé.

Article 18



M. le président.
« Art. 18. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les sections constituant les unions des médecins exerçant à titre libéral contribuent, en liaison avec l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, à l'information des médecins libéraux sur les pratiques professionnelles individuelles et collectives. Elles organisent des actions d'évaluation des pratiques de ces médecins et contribuent à la diffusion des méthodes et référentiels d'évaluation.
« Pour l'exercice de cette mission, les sections constituant les unions ont recours à des médecins habilités à cet effet par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et notamment à des experts mentionnés à l'article L. 791-4 du code de la santé publique. Les médecins habilités qui exercent parallèlement une activité médicale procèdent, à la demande des médecins libéraux intéressés, à des évaluations individuelles ou collectives des pratiques.
« Les sections constituant les unions établissent chaque trimestre, avec le concours de l'union régionale des caisses d'assurance maladie, une analyse de l'évolution des dépenses médicales et communiquent les conclusions à l'ensemble des médecins libéraux de leur ressort ainsi qu'à l'Etat, qui en assure la synthèse et la diffusion à toutes fins utiles.
« Les modalités de mise en oeuvre des présentes dispositions sont fixées par voie réglementaire. »
« II. - L'article L. 791-2 du code de la santé publique est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° D'apporter son concours à la mise en oeuvre d'actions d'évaluation des soins et pratiques professionnelles. »
Par amendement n° 15, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - Au début de la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 18 pour insérer quatre alinéas avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993, de remplacer les mots : « Les sections constituant les unions » par les mots : « Les unions » ;
B. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du même texte, de supprimer les mots : « les sections constituant » ;
C. - De rédiger comme suit le début du troisième alinéa du même texte : « En utilisant les données transmises par les médecins mentionnées au présent article, les unions établissent... »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l'article 18. Celui-ci donne de nouvelles compétences d'évaluation des pratiques médicales aux unions régionales de médecins. Nous nous en réjouissons. Nous considérons que ces unions sont des organes très importants dans la discussion qui est aujourd'hui engagée entre les caisses et les médecins.
D'abord, l'amendement vise à donner ces compétences aux unions, et non aux sections de généralistes et de spécialistes qui les composent. Le projet de loi initial prévoyait d'ailleurs cette solution. Nous revenons donc aux termes de ce texte.
Je me souviens des discussions qui ont eu lieu, lors de l'examen de loi de 1991, concernant la création de ces unions régionales. Il s'agissait alors de savoir si ces structures devaient être uniques ou si elles devaient faire une distinction entre spécialistes et généralistes. Le Parlement avait retenu des sections uniques. Il ne faut pas à nouveau les « sectionner », si je puis dire.
Par ailleurs, cet amendement vise à rappeler qu'aux termes de la loi instituant les unions celles-ci reçoivent, comme les caisses, les données informatisées transmises par les médecins. Cela nous semble très important.
Ce point aussi avait donné lieu à une discussion. Les médecins disaient qu'ils ne pouvaient accepter une discussion avec les caisses s'ils n'étaient pas informés en même temps et au même niveau que celles-ci.
Finalement, le texte avait été voté car il précisait que les unions auraient des informations en même temps que les caisses. Or le décret d'application qui devrait organiser cette transmission n'a toujours pas été publié.
Nous pensons que, en l'état actuel, les unions ne pourront pas exercer leur mission d'évaluation si elles ne disposent pas des informations nécessaires. Cela constituera une cause de blocage supplémentaire entre les caisses et les médecins. Aujourd'hui, il y a suffisamment de sources de blocage pour ne pas en ajouter ! Je souhaite donc que ces données informatisées soient transmises simultanément aux caisses et aux unions régionales. C'est très important sur le plan psychologique comme sur le plan technique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi de vous rappeler - mais c'était sans doute une erreur de votre part - que la loi que vous évoquez a été votée non pas en 1991, mais en 1993. A cette époque, déjà, je faisais partie du Gouvernement, en tant que ministre de la santé : grandeur et décadence... (Rires.)
M. Jacques Oudin. Surtout décadence !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. René Teulade et moi-même étions déjà en faveur des sections, mais nous n'avons pas été suivis. Le gouvernement de l'époque préférait les sections aux unions.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de rappeler que la situation est suffisamment bloquée. Imaginez-vous, dans la situation actuelle, des généralistes qui jugeraient les dépenses des spécialistes ?
J'aimerais bien qu'il en soit ainsi car, d'une certaine manière, ce blocage et cette division du corps médical ne me plaisent pas. Mais c'est inimaginable.
C'est pourquoi nous avons accepté un amendement à l'Assemblée nationale en faveur des sections. En effet, nous considérons que les généralistes doivent juger des dépenses des généralistes et que les spécialistes doivent juger des dépenses des spécialistes.
M. François Autain. Cela paraît être le bon sens !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons tous les deux une certaine durée de vie politique...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Moi, c'est étonnant ! (Sourires.)
M. Charles Descours, rapporteur. A l'époque, le Parlement avait estimé que les unions régionales étaient préférables aux sections. Je souhaite qu'il maintienne la position qu'il avait défendue en 1993, dans le même rapport de forces politiques.
Je maintiens donc l'amendement visant à substituer les unions aux sections.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Belle obstination !
M. Charles Descours, rapporteur. Je maintiens également la disposition concernant la transmission des données. Il s'agit d'un point capital, sans lequel les unions régionales ne serviront à rien et il y aura de nouveau blocage avec les médecins.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je soutiens l'amendement de la commission car les arguments que M. le secrétaire d'Etat a développés voilà un instant tiennent compte d'une opposition, il est vrai très rude à l'heure actuelle, entre les différents modes d'exercice de la médecine, suivant qu'il s'agit de généralistes ou de spécialistes. Mais M. le secrétaire d'Etat semble penser qu'une telle situation d'incompréhension et d'affrontement doit perdurer. Si tel était le cas, ce n'est pas en structurant les unions régionales à travers des sections, sans aucune possibilité de se rencontrer et de se comprendre, que nous pourrions remédier à ces incompréhensions mutuelles.
A l'inverse, lorsque le Gouvernement propose de renforcer ces unions, c'est, je l'imagine, non pas pour instaurer une guerre de tranchées entre spécialistes et généralistes, mais bien pour « responsabiliser » les médecins, et Dieu sait si le terme est utilisé souvent dans ce genre de débat ! C'est plus par une connaissance mutuelle que l'on peut espérer une amélioration de ces relations. Laissons les unions se structurer comme elles l'entendent.
Dans un système avec des évolutions prévisibles, il me paraît tout à fait possible de retrouver une certaine cohésion du corps médical dans ses différents modes d'exercice, alors que la structure en sections reconnaît une sorte de situation d'échec qu'elle tend à pérenniser. C'est finalement sur un pari - la restauration de relations plus confraternelles entre les différents modes d'exercice des professions de santé - que je fonde mon soutien à l'amendement présenté par la commission des affaires sociales.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes assez proche de nous.
En effet, le 29 octobre 1998, à l'Assemblée nationale, M. Evin, rapporteur, disait : « L'amendement n° 52 confie aux sections de généralistes et de spécialistes le soin de procéder à des évaluations distinctes. » Et M. le secrétaire d'Etat, très prudent - le qualificatif est de moi, il ne figure pas au Journal officiel - de rétorquer : « Je ne suis pas trop favorable à de tels cloisonnements, mais je m'en remettrai à votre sagesse. »
M. François Autain. On évolue !
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous seriez donc plus sévère avec le Sénat qu'avec l'Assemblée nationale ? (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je reprendrai exactement les termes que vous me prêtez et qui ne peuvent qu'être exacts puisque le compte rendu intégral du Journal officiel en témoigne.
Comme je l'ai répété devant vous, monsieur le rapporteur, je ne suis pas favorable à ces cloisonnements. Je souhaiterais bien sûr plus d'unité dans le corps médical. Mais je constate que, pour le moment, ce processus n'est pas encore achevé et que cette unité n'est pas cimentée - c'est le moins que l'on puisse dire.
Je le répète : je préférerais dans bien des domaines, en particulier celui qui fait l'objet de la présente discussion, c'est-à-dire les unions, qu'il existât plus de résonance et de mise en commun des ressources et des réflexions. Mais, l'état actuel des choses - je serais heureux de changer d'avis, et si, plus tard, les unions peuvent faire ce travail, je serai satisfait - je pense que les généralistes doivent juger les généralistes et les spécialistes les spécialistes, même si cela ne me plaît pas.
M. Charles Descours, rapporteur. Ne serait-ce pas parce que c'est ce que veut MG-France ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 16, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 18 pour insérer quatre alinéas avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 : « ainsi qu'à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, qui en assure la synthèse et la diffusion ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement se situe dans la même logique que celui qui concerne la transmission des informations aux unions. En l'occurrence, nous ne voyons pas en quoi il est nécessaire que l'Etat soit destinataire des analyses réalisées par les unions. En revanche, il est légitime que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés les reçoive. C'est l'objet de cet amendement.
Le principe, puisque nous sommes dans une phase où il faudra discuter pour savoir comment l'ONDAM est respecté, est que les unions régionales, d'une part, et la CNAM, d'autre part, aient les mêmes informations, afin de pouvoir discuter, par exemple pour savoir si l'ONDAM a été respecté ou non.
Aujourd'hui, si la CNAM considère que l'ONDAM est dépassé, les médecins n'ont pas les moyens de savoir si c'est vrai.
Il faut mettre un terme à ce blocage. Aussi, il importe que les unions régionales reçoivent les informations en même temps que la CNAM. De plus, c'est la logique. De plus, cela permettra, je l'espère, le dialogue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Je considère que l'Etat doit faire son travail de synthèse et de diffusion, qu'il doit pouvoir juger, à partir de l'analyse établie par les unions, des dépenses de santé en général, et que la CNAM doit faire le sien.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne voudrais pas faire de procès d'intention, mais je ne vois pas ce que l'Etat a à faire dans l'évaluation des pratiques médicales. Tout à l'heure, on m'a reproché de vouloir étatiser la sécurité sociale ! L'évaluation des pratiques médicales concerne les partenaires conventionnels : d'une part, la CNAM et, d'autre part, les praticiens !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je comprends l'étonnement de M. Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement prétend vouloir instaurer un climat de confiance et une transparence. Ce point a été évoqué à plusieurs reprises, et il semblait que l'on soit d'accord.
Des dispositions comme celles que prévoit l'amendement n° 16 tendent à assurer la transparence et le partage des informations, à charge pour chacun, dans les discussions, dans les négociations, de les utiliser au mieux.
Toutefois, en émettant un avis défavorable sur cet amendement, qui pourrait apparaître comme tout à fait anodin, vous laissez entrevoir, monsieur le secrétaire d'Etat, l'existence d'une sorte de volonté de cacher un certain nombre d'informations. Je ne comprends pas cette attitude alors que, sur un point somme toute mineur,...
M. Charles Descours, rapporteur. Tout à fait mineur !
M. Claude Huriet. ... un avis favorable de votre part pourrait contribuer à une certaine détente que chacun semble souhaiter.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. J'aurais pu être d'accord sur l'amendement n° 16 si celui-ci n'avait pas - or c'est, me semble-t-il, le cas - exclu l'Etat de tout droit à toute information.
Si je peux admettre, à la limite, que l'on donne à l'Etat et aux caisses la possibilité de recevoir cette synthèse, je considère en revanche comme inacceptable que l'on exclue l'Etat de cette information.
C'est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19



M. le président.
« Art. 19. - I. - L'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : "avant le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "avant le 31 décembre 2004" ;
« 2° Il est inséré, après le premier alinéa du I, un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er juillet 1999, l'allocation peut n'être attribuée que pour certaines zones géographiques d'exercice, qualifications de généraliste ou de spécialiste, ou spécialités compte tenu des besoins, appréciés par zone, qualification ou spécialité ; elle peut être modulée selon les mêmes critères. » ;
« 3° Le dernier alinéa du III est ainsi rédigé :
« A défaut de convention conclue dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° du ), les dispositions nécessaires à l'application du présent article, à compter du 1er juillet 1999, sont fixées par décret.
« I bis. - Une évaluation du dispositif prévu au I sera annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
« II. - Au 7° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, après les mots : "la reconversion professionnelle des médecins exerçant à titre libéral et les conditions d'attribution d'une aide à la reconversion", sont insérés les mots : "dont le montant peut varier en fonction de la zone géographique et de l'exercice, par le médecin, d'une spécialité ou de la médecine générale". »
Par amendement n° 58, MM. Bernard, Taugourdeau et Leclerc proposent, dans le texte présenté par le 2° du I de cet article, pour insérer un alinéa après le premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988, de remplacer la date : « 1er juillet 1999 » par la date « 1er janvier 2000 ».
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Cet amendement vise à modifier la date butoir pour la mise en place du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, le MICA, pour les médecins.
Ce dispositif intéresse certains médecins, qui se sont fondés sur ce mécanisme pour prendre leur décision de cessation d'activité. Il serait préférable de reporter au 1er janvier 2000 l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles. Il faut en effet préparer sa cessation d'activité. C'est notamment vrai lorsque - et ce fut mon cas - on exerce dans un cabinet de groupe il faut alors trouver un remplaçant ou un suppléant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission émet un avis tout à fait favorable sur cet amendement.
Nous comprenons très bien le souci du Gouvernement de moduler le MICA. Toutefois, il n'est pas souhaitable, pour les médecins ayant décidé de cesser leur activité, que les règles du jeu soient modifiées en cours d'année. Un tel changement risque en effet de perturber leur plan de départ à la retraite, comme ils ont été nombreux, réellement inquiets, à nous l'écrire.
Vous avez indiqué à l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'Etat, que toutes les demandes déposées en 1999 seraient traitées selon les modalités antérieures, ce qui a incité la commission à retirer l'amendement, similaire à l'amendement n° 58, qu'elle avait présenté.
Toutefois, l'article 19 n'offre sur ce point aucune garantie aux médecins.
L'amendement n° 58 ne fait qu'harmoniser le texte du projet de loi avec vos déclarations rassurantes, monsieur le secrétaire d'Etat. Je pense donc que vous pourriez l'approuver.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Comme je l'ai déjà indiqué à l'Assemblée nationale, j'affirme que tous les dossiers déposés et examinés maintenant seront traités comme auparavant. Il ne faut pas inquiéter les médecins ! Par conséquent, je maintiens que les praticiens ayant choisi de partir à la retraite ou d'exercer une autre activité - c'est tout de même un luxe important dans notre pays - seront soumis au régime ceux qui les ont précédés.
Nous avons fixé une date, celle du 1er juillet 1999, qui ne sera nullement considérée comme un couperet. Il s'agit simplement d'un souci de régionalisation et non pas du tout d'une mesure économique, bien qu'il ait fallu renflouer les caisses vides pour le MICA.
Vous nous avez vous-mêmes reproché, mesdames, messieurs les sénateurs, la déshérance de certaines spécialités. Etant donné qu'il est des régions où certains spécialistes sont en nombre insuffisant, nous n'allons pas inciter ces praticiens à cesser leur activité ! Nous allons donc considérer à la fois la spécialité et la région.
Nous avons fixé la date au 1er juillet 1999. Nous aurions pu la prévoir au 1er janvier 2000. Bref, il fallait bien en fixer une. Mais vous pouvez nous faire confiance : nous ne ferons preuve d'aucun ostracisme.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 59, MM. Bernard, Taugourdeau et Leclerc proposent, dans le texte présenté par le 3° du paragraphe I de l'article 19, pour le dernier alinéa du paragraphe III de l'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988, de remplacer la date : « 1er juillet 1999 », par la date : « 1er janvier 2000 ».
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 17, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter l'article 19 par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Le nombre des étudiants de première année du premier cycle des études médicales autorisés à poursuivre leurs études en médecine à la suite des épreuves terminales de l'année universitaire 1998-1999 est fixé à 3 583. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. M. le secrétaire d'Etat vient de nous dire que le Gouvernement propose, par l'article 19 du projet de loi, de moduler le MICA en fonction des zones géographiques et des spécialités. Nous le félicitons de cette déclaration.
Toutefois, cette mesure nous semble incohérente avec la volonté affichée par le Gouvernement de relever parallèlement, comme on nous l'a annoncé, le numerus clausus . En effet, on ne peut à la fois favoriser le départ anticipé des médecins - certes, d'une façon modulée du point de vue tant de la géographie que des spécialités - et ouvrir les vannes à l'entrée en formant toujours plus de nouveaux médecins.
C'est pourquoi nous proposons au Sénat de compléter l'article 19 par un paragraphe additionnel fixant exceptionnellement dans la loi le numerus clausus à 3 583 étudiants pour 1999, soit le même chiffre que pour 1998.
Vous m'objecterez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le relèvement du numerus clausus a pour objet de permettre le recrutement de médecins dans trois spécialités déficitaires ; mais ne pourrait-on pas plutôt réduire le nombre des médecins formés dans les spécialités très largement représentées dans le corps médical et sur l'ensemble du territoire ? De même qu'il y a la veuve de Carpentras et la coiffeuse de Valence, il y a le dermatologue de Nice. Il y a trop de dermatologues à Nice ! Et je voudrais, à cet égard, vous lire un extrait d'une annexe aux orientations stratégiques de la CNAMTS adoptées par son conseil d'administration, il y a quelques semaines.
« Numerus clausus et démographie : ... il n'existe aucune "pénurie" à attendre dans les dix ans. (...) Tout au contraire, l'augmentation attendue de 12 000 médecins repousse à 2015 le retour aux effectifs existants et donc, si c'est l'objectif, à 2005 une hausse du numerus clausus.
« La hausse du numerus clausus annoncée - plus 200 l'an prochain et plus 400 en trois ans - met inévitablement en cause la cohérence des différentes actions publiques déjà entreprises ou envisagées :
« - compatibilité avec l'usage coûteux et le renforcement, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un MICA ;
« - développement de la coordination des soins ;
« - restructuration de l'offre hospitalière. »
Dans ces conditions, il me paraît bon de fixer par la loi le numerus clausus. On sait bien, en effet, que l'augmentation de ce dernier résulte de la pression exercée par les médecins hospitaliers, qui n'arrivent pas à faire tourner leur service hospitalier autrement qu'avec des médecins étrangers plus ou moins diplômés. Le numerus clausus est augmenté sans se préoccuper de ce qu'il adviendra ensuite de ces nouveaux médecins, lorsqu'ils seront amenés à quitter l'hôpital.
Il nous faut donc essayer, bien modestement, par cet amendement, de gérer la totalité de la carrière des médecins, depuis le début de leurs études jusqu'à la fin de leur carrière, avec le MICA, sans être poussés par une espèce d'urgence à augmenter le numerus clausus sans savoir ce qui se passera après : je me réfère à la CNAM, et M. Spaeth est un homme tout à fait compétent dans ce domaine.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, monsieur le président.
Tout d'abord, on ne fixe pas, selon lui, le chiffre du numerus clausus dans la loi.
M. Charles Descours, rapporteur. Je le sais bien !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Tel n'est pas son objectif, en effet. Par ailleurs, c'est évidemment évolutif, et c'est en discussion.
M. le rapporteur a cité la CNAM. Bien sûr, si l'on écoute la CNAM, moins il y a de médecins, moins il y a de dépenses, c'est vrai ! Simplement, il se trouve que, dans les hôpitaux, dont les uns et les autres, mesdames, messieurs les sénateurs - j'attire votre attention là-dessus - vous venez me parler un par un quand il s'agit de vos circonscriptions, il faut des médecins pour faire fonctionner les services !
Or les chiffres, monsieur le rapporteur, je les récuse. Ils ont été publiés très différemment dans deux séries, dont la dernière d'ailleurs dans un quotidien que vous connaissez, la semaine dernière. Ils sont extrêmement inquiétants dans les disciplines telles que l'anesthésie, la gynécologie-obstétrique, la cardiologie, etc.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous sommes d'accord sur ce point.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Il faut que les hôpitaux soient opérationnels. Evidemment, il y a aussi une bonne façon d'harmoniser les hôpitaux français : qu'ils ne puissent plus fonctionner quand il n'y aura plus de médecins !
M. Dominique Leclerc. Il a raison !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Article 20



M. le président.
« Art. 20. - I. - Il est créé, pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1999, au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, un fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Les professionnels de santé exerçant en ville sont associés à la gestion du fonds.
« II. - Le fonds finance des actions concourant à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville, par l'octroi d'aides à des professionnels de santé exerçant en ville ou à des regroupements de ces mêmes professionnels, et le cas échéant d'aides au développement de nouveaux modes d'exercice et de réseaux de soins liant des professionnels de santé exerçant en ville à des établissements de santé.
« III. - Les ressources du fonds sont constituées par une participation des régimes obligatoires d'assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, et pour 1999 à 500 millions de francs. La répartition entre les différents régimes est effectuée dans les conditions définies à l'article L. 722-4 du code de la sécurité sociale.
« IV. - L'attribution de certaines aides peut être déconcentrée, en étant confiée à des caisses locales ou des unions de caisses. Les modalités de déconcentration, de fonctionnement et de gestion du fonds, de participation des représentants des professionnels de santé exerçant en ville ainsi que les aides éligibles à un financement par le fonds sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 18, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, à la fin de la première phrase du paragraphe I de cet article, de remplacer les mots : « un fonds d'aide à la qualité des soins de ville », par les mots : « un fonds d'aide à la qualité des soins ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 20 institue au sein de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés un fonds d'aide à la qualité des soins de ville.
Personne ne peut s'opposer à ce que l'assurance maladie subventionne des actions tendant à améliorer la qualité des soins.
J'applaudis donc, mais je propose, au nom de la commission, d'élargir aux médecins exerçant dans des cliniques privées le bénéfice des aides attribuées par le fonds institué par le présent article. Il s'agit bien de soins de ville, et il importe que cette qualité de soins soit assurée dans les cliniques privées comme dans les autres secteurs de la médecine de ville.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Défavorable : c'est la qualité des soins en ville.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans la seconde phrase du paragraphe I de l'article 20, après les mots : « en ville », d'insérer les mots : « et ceux qui exercent dans les établissements de santé privés ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Avis également défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 20, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit le paragraphe II de l'article 20 :
« II. - Le fonds finance des actions concourant à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville ou dans les établissements de santé privés, par l'octroi d'aides à des professionnels de santé ou à leurs regroupements et, le cas échéant, d'aides au développement de nouveaux modes d'exercice et de réseaux de soins liant les professionnels de santé exerçant en ville à des établissements de santé. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article 21



M. le président.
« Art. 21. - I. - L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les dispositions permettant aux parties à la convention d'assurer un suivi périodique des dépenses médicales et de prendre toutes mesures, notamment d'ajustement des tarifs mentionnés à l'article L. 162-5-2, de nature à permettre le respect des objectifs prévus au même article ; »
« II. - L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-5-2 . - I. - Chaque année, compte tenu de l'objectif des dépenses de soins de ville, une annexe à la ou aux conventions prévues à l'article L. 162-5 fixe, pour les médecins généralistes conventionnés d'une part, pour les médecins spécialistes conventionnés d'autre part, l'objectif des dépenses d'honoraires, de rémunérations, de frais accessoires et de prescription. Cet objectif, dénommé "objectif des dépenses médicales", s'applique à compter du 1er janvier de l'année civile concernée. Il porte sur les dépenses remboursables par les régimes d'assurance maladie, maternité, invalidité et accidents du travail et permet d'établir le montant prévisionnel des dépenses médicales.
« L'annexe annuelle fixe également la décomposition de ce montant en :
« 1° Un montant prévisionnel des dépenses d'honoraires, rémunérations et frais accessoires des médecins ;
« 2° Un montant prévisionnel des dépenses de prescription des médecins, établi notamment au vu des orientations relatives au médicament.
« L'annexe annuelle détermine en outre, dans des limites définies par décret, l'écart entre le montant prévisionnel des dépenses médicales et le montant constaté à partir duquel il est fait application des dispositions des IV et V du présent article ou des II, III et IV de l'article L. 162-5-3.
« II. - L'annexe annuelle fixe les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux médecins par les assurés sociaux en dehors des cas de dépassement autorisés par la ou les conventions.
« L'objectif des dépenses médicales peut comprendre une provision pour revalorisation d'honoraires. Une revalorisation d'honoraires ne peut être accordée si elle n'a été préalablement provisionnée.
« III. - L'annexe annuelle établit le montant constaté des dépenses médicales des médecins conventionnés nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions des IV et V du présent article et de l'article L. 162-5-3. Ce montant est arrêté par les parties à la convention, dans les conditions prévues par l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion mentionné à l'article L. 227-1, et après avis du secrétaire général permanent de la Commission des comptes de la sécurité sociale prévue à l'article L. 114-1.
« IV. - Lorsque le montant constaté des dépenses médicales de l'année est inférieur à l'objectif mentionné au I, la différence est versée à un fonds de régulation, selon des modalités de calcul et dans les limites déterminées par décret en Conseil d'Etat, en fonction des dépenses constatées d'une part sur les honoraires, rémunérations et frais accessoires et d'autre part sur les prescriptions, et dans la limite du montant de la provision prévue au II.
« V. - Au vu du constat mentionné au III, l'annexe annuelle détermine :
« a) La part des sommes versées au fonds de régulation affectées au financement des actions non reconductibles de modernisation du système de soins, et notamment des actions mentionnées au 12° de l'article L. 162-5 ;
« b) Les honoraires, rémunérations et frais accessoires des médecins dont les tarifs seront revalorisés, ainsi que le niveau et la date d'effet de ces revalorisations, à concurrence du montant global résultant de l'application du IV.
« VI. - La charge des sommes versées au fonds de régulation est répartie entre les régimes d'assurance maladie qui financent le régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés prévu à l'article L. 722-4 selon les modalités fixées au titre du même exercice pour l'application du quatrième alinéa de l'article L. 722-4. »
« III. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-5-3 . - I. - Lorsque, à l'occasion du suivi des dépenses médicales prévu au 11° de l'article L. 162-5, les parties à la convention constatent que l'évolution de ces dépenses n'est pas compatible avec le respect de l'objectif fixé en application de l'article L. 162-5-2, elles déterminent les mesures de nature à garantir son respect. Elles procèdent à ce suivi une première fois au vu des résultats des quatre premiers mois de l'année et une seconde fois au vu des résultats des huit premiers mois de l'année. Elles décident, le cas échéant, des ajustements des tarifs nécessaires, sans que soit remis en cause le niveau de la prise en charge de la dépense des soins par l'assurance maladie, ainsi que la durée d'application de ces nouveaux tarifs qui ne saurait, sous réserve des dispositions du III de l'article L. 162-5-8, aller au delà du 31 décembre de l'année en cours.
« Les nouveaux tarifs établis en application de l'alinéa précédent sont mis en oeuvre par voie d'avenant à l'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2, transmis au plus tard respectivement les 30 juin et 30 octobre pour approbation. En l'absence de notification d'une opposition d'un des ministres compétents à l'avenant dans le délai de quinze jours après sa transmission par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, l'avenant est réputé approuvé.
« A défaut de constat établi ou de mesures proposées par les parties conventionnelles, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ou une autre caisse nationale signataire de la convention mentionnée à l'article L. 162-5 peut proposer, lorsque le montant des dépenses réalisées n'est manifestement pas de nature à permettre le respect de l'objectif des dépenses médicales, au plus tard respectivement les 15 juillet et 15 novembre, à l'Etat de modifier, par arrêté interministériel pris au plus tard respectivement les 31 juillet et 30 novembre, les tarifs mentionnés au premier alinéa et leur durée d'application.
« Lorsqu'il apparaît que les mesures proposées au titre des trois alinéas précédents ne sont manifestement pas de nature à permettre le respect de l'objectif des dépenses médicales, un arrêté interministériel fixe, au plus tard respectivement les 31 juillet et 30 novembre, après avis de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, les tarifs mentionnés au premier alinéa et leur durée d'application.
« II. - En cas de non respect de l'objectif des dépenses médicales par les médecins généralistes ou par les médecins spécialistes, les médecins conventionnés généralistes ou spécialistes sont redevables d'une contribution conventionnelle.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le montant exigible de l'ensemble des médecins conventionnés généralistes ou spécialistes, qui ne peut excéder le montant global du dépassement constaté, est calculé en fonction des honoraires perçus et des prescriptions réalisées.
« Les sommes affectées au fonds de régulation, à l'exception de la part mentionnée au a du V de l'article L. 162-5-2, sont, sans préjudice de l'application des III et IV du présent article, imputées sur la somme ainsi calculée.
« L'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2 fixe le montant global mis à la charge de l'ensemble des médecins conventionnés généralistes ou spécialistes.
« III. - La somme exigible est mise à la charge des médecins conventionnés dans les conditions ci après.
« La contribution conventionnelle est due par l'ensemble des médecins généralistes ou spécialistes adhérents à la convention ou au règlement conventionnel minimal prévu à l'article L. 162-5-9.
« La charge de cette contribution est répartie entre les médecins conventionnés en fonction des revenus au sens de l'article L. 131-6 qu'ils ont tirés de leurs activités professionnelles définies à l'article L. 722-1 au cours de l'année pour laquelle le dépassement est constaté.
« Les médecins qui, au 31 décembre de l'année pour laquelle le dépassement est constaté, justifient, depuis la date de leur première installation à titre libéral, d'un nombre d'années d'exercice libéral au plus égal à sept ans, sont exonérés de cette contribution. Toutefois, la ou les conventions prévues à l'article L. 162-5 peuvent déterminer un plafond des revenus au sens de l'alinéa précédent au delà duquel ils ne peuvent bénéficier de cette exonération.
« Le taux de la contribution conventionnelle est fixé par arrêté, au plus tard le 31 juillet de l'année civile suivant celle pour laquelle le dépassement est constaté, de telle façon que le produit global de la contribution représente une somme égale à celle définie au dernier alinéa du II du présent article.
« La ou les conventions prévues à l'article L. 162-5 peuvent déterminer les conditions dans lesquelles le taux de cette contribution est modulé en fonction du niveau des revenus et du choix du médecin d'appliquer des honoraires différents de ceux fixés par la convention, sous la réserve que le montant global de cette contribution soit inchangé.
« La contribution conventionnelle est déductible du bénéfice imposable.
« IV. - La contribution conventionnelle est recouvrée et contrôlée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations personnelles d'allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants.
« Les modalités de versement de la contribution sont fixées par décret. Elles peuvent prévoir le versement d'un acompte calculé, à titre provisionnel, sur la base des revenus afférents à l'avant dernière année, ou, le cas échéant, sur la base de revenus forfaitaires définis par décret.
« Le produit de la contribution conventionnelle est réparti entre les différents régimes d'assurance maladie qui financent le régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés prévu à l'article L. 722-4 selon les modalités fixées au titre du même exercice pour l'application du quatrième alinéa de l'article L. 722-4. »
« IV. - L'article L. 162-5-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-5-4 . - En cas de non-paiement, total ou partiel, par le médecin du montant de la contribution conventionnelle prévue à l'article L. 162-5-3 dans le délai de deux mois après sa date limite de paiement, les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général en informent, dans les deux mois qui suivent, la caisse primaire d'assurance maladie. Celle-ci peut, après que ce médecin a été mis en mesure de présenter ses observations, le placer hors de la convention ou du règlement conventionnel minimal, pour une durée de un à six mois. La caisse peut tenir compte, pour établir la durée du déconventionnement, du montant de la contribution conventionnelle. Les litiges relatifs à cette décision sont de la compétence des tribunaux administratifs. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 21, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le paragraphe I de l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à favoriser le respect de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses par l'ensemble des médecins conventionnés. »
« II. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 162-5-3. - I. - Lorsque, à l'occasion de l'analyse annuelle des résultats de l'exercice, les parties conventionnelles constatent un dépassement de l'objectif prévisionnel, elles recensent les postes de dépenses concernés et arrêtent, dans l'annexe annuelle mentionnée à l'article L. 162-5-2, la liste des contrats locaux d'objectifs et de moyens applicables à ces postes pour l'année suivante.
« Avant le 1er mars de l'exercice suivant, les contrats locaux d'objectifs et de moyens conclus dans chaque circonscription de caisse par les représentants des parties conventionnelles, fixent, pour chacun de ces postes, l'objectif d'activité à ne pas dépasser par chaque médecin conventionné au cours dudit exercice en fonction :
« 1° du respect des objectifs mentionnés aux troisième (1°) et quatrième (2°) alinéas de l'article L. 162-5-2 ;
« 2° de l'évolution, du niveau relatif et des caractéristiques de l'activité du médecin, notamment en ce qui concerne ses prescriptions ;
« 3° des évaluations réalisées par l'union des médecins exerçant à titre libéral et mentionnées à l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 ;
« 4° des actions de formation médicale continue visées à l'article L. 367-2 ;
« 5° de l'importance des dépassements d'honoraires ;
« 6° du respect des références médicales opposables.
« Chaque médecin est informé, dans un délai de huit jours, des éléments établis dans le contrat local d'objectifs et de moyens.
« En fin d'exercice, la progression moyenne de l'activité du médecin constatée au cours de cet exercice et du précédent est comparée à celle de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses médicales au titre de ces deux exercices. En cas de dépassement, le médecin est redevable, selon des modalités déterminées par décret, de l'intégralité du dépassement.
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles, en l'absence de dispositions conventionnelles prévues par le I ci-dessus ou en cas de carence des parties à la convention, les organismes du régime général de l'assurance maladie mettent en oeuvre les dispositions prévues par le présent article. »
Par amendement n° 88, MM. Autain, Estier, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le cinquième alinéa du paragraphe I du texte présenté par le paragraphe II de l'article 21 pour l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut prévoir l'adaptation, par spécialités médicales, des éléments qu'elle détermine. »
Par amendement n° 89, MM. Autain, Estier, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le début du IV du texte présenté par le II de l'article 21 pour l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale :
« Lorsque les montants constatés des dépenses des médecins généralistes ou des médecins spécialistes réalisées dans l'année sont inférieures à l'objectif mentionné au I, les différences observées sont versées à un fonds de régulation... »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Charles Descours, rapporteur. Les sanctions collectives imposées aux médecins depuis les ordonnances Juppé ont été l'un des points les plus « bloquants » du système, cela n'a échappé à personne. Or ce qui était vrai pour les ordonnances Juppé l'est aussi pour le projet de loi de financement qui nous est soumis aujourd'hui, puisque ce dernier prévoit également des sanctions collectives.
Je crois que rien ne peut se faire, dans le cadre d'une maîtrise médicalisée des dépenses de santé, sans les médecins. Il faut donc sortir de ce blocage, probablement excessif, dont les médecins voient l'origine dans les sanctions collectives.
Je vous propose donc de substituer au mécanisme prévu par le projet de loi, c'est-à-dire à la lettre clé flottante et au reversement, un autre dispositif de maîtrise des dépenses, qui est aussi efficace que celui du Gouvernement pour satisfaire l'objectif de dépenses médicales mais qui n'aura pas ses conséquences négatives et qui présente, en outre, l'avantage de faire appel à la responsabilité individuelle des médecins et de contribuer à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Rédigé à partir de l'ordonnance Juppé, dont il supprime les aspects comptables, il va au bout de la démarche d'individualisation à laquelle elle faisait aussi appel et des mécanismes de maîtrise médicalisée inscrits dans le droit de la sécurité sociale depuis la loi du 4 janvier 1993.
Il prévoit d'abord - tel est l'objet du pagraphe I de l'amendement n° 21 - l'organisation collective des moyens de la régulation médicalisée des dépenses, en inscrivant dans la loi que l'annexe annuelle à la convention met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à favoriser le respect de l'objectif prévisionnel des dépenses par l'ensemble des médecins conventionnés. Les échanges d'informations que nous souhaitions tout à l'heure entre les unions régionales et les caisses nationales faisaient d'ailleurs partie de ce dispositif.
Nous faisons appel, dans un premier temps, à la responsabilité professionnelle collective des médecins libéraux, qui est seule de nature à garantir durablement l'exercice d'une médecine de qualité au moindre coût.
Dans un deuxième temps - c'est le paragraphe II de l'amendement - le dispositif proposé par la commission prévoit la procédure applicable en cas de dérapage des dépenses, et seulement dans ce cas.
L'analyse des raisons de ce dérapage fait nécessairement apparaître les postes de dépenses qui ont dérivé par rapport à l'objectif. C'est pourquoi les échanges d'informations auxquels je faisais allusion tout à l'heure sont si importants : les unions régionales et les caisses doivent avoir accès aux mêmes informations afin qu'une analyse commune des raisons du dérapage puisse faire apparaître les postes qui ont dérivé par rapport à l'objectif fixé. Les partenaires conventionnels en dresseront alors la liste, qui correspondra à des contrats locaux d'objectifs et de moyens qui devront être conclus au niveau de chaque caisse primaire d'assurance maladie.
Aux termes de ces contrats seront fixés des objectifs individuels d'activité pour chaque médecin, tenant compte de plusieurs éléments dont la plupart figuraient déjà dans l'ordonnance Juppé : écart par rapport à l'objectif de dépenses, caractéristiques de l'activité du médecin et de ses prescriptions, résultats des évaluations individuelles réalisées par les unions régionales de médecins, participation aux actions de formation médicale, respect des références médicales opposables.
Une seconde chance est donc donnée aux médecins, en cas de dépassement de l'objectif, d'amender leur pratique individuelle au regard d'objectifs individuels d'activité.
En fin d'exercice, les résultats de l'activité de ces médecins, sur cet exercice et le précédent, seront comparés à la progression moyenne des objectifs de dépenses médicales pour ces deux exercices : en cas de dépassement, ils seront appelés à effectuer un reversement correspondant à la totalité du dépassement.
Le dispositif de maîtrise proposé par la commission présente un certain nombre de caractéristiques.
Il tire les leçons du passé, en enlevant au mécanisme prévu par l'ordonnance Juppé ce qui était critiquable et en allant jusqu'au bout des avantages de sa démarche d'individualisation de la responsabilité des médecins.
Il est simple : il se lit en une page, au lieu des quelque cinq pages du projet de loi utilisées pour décrire le mécanisme du Gouvernement.
Il est médicalisé, et présente donc l'avantage de contribuer à améliorer la qualité des soins tout en maîtrisant les dépenses.
Il est efficace, puisqu'il garantit le respect de l'objectif de dépenses.
Enfin, il donne une chance aux médecins d'amender individuellement leur pratique professionnelle, si les mécanismes collectifs de maîtrise médicalisée n'ont pas suffi à assurer le respect de l'objectif.
J'ai procédé à de nombreuses auditions et ce n'est pas à vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ni à mes collègues que je vais expliquer que nous devons résoudre le problème des reversements globaux.
Nous subissons actuellement un blocage absolument complet : je rappelle que le SML et la CSMF sont sortis du dispositif conventionnel, que seul MG-France a signé la convention et que les deux autres syndicats de spécialistes qui hésitent encore ne signeront que pour économiser les 20 000 francs de cotisations supplémentaires auxquelles ils sont soumis par le règlement conventionnel. C'est donc sinon devant le chantage, du moins sous la pression...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... du dispositif Juppé !
M. Charles Descours, rapporteur. Je viens de dire que je ne le reniais pas, mais que j'essayais de l'améliorer car j'ai cru comprendre qu'il avait entraîné des blocages : vous avez souvent dit, madame la ministre, que les professionnels de santé que vous aviez vus ne se parlaient plus. Mais je n'ai pas le sentiment qu'actuellement ils se parlent beaucoup et qu'entre le SML, la CSMF, les autres professionnels de santé et MG-France il y ait un dialogue très constructif !
Je crois en tout cas qu'il faut sortir de cet épisode des sanctions collectives. La commission vous propose donc un dispositif pour essayer de faire avancer ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Autain, pour défendre les amendements n°s 88 et 89.
M. François Autain. En rétablissant partiellement la législation en vigueur, l'amendement n° 88 tend à permettre d'adapter l'objectif prévisionnel des dépenses médicales par spécialité afin d'assurer une meilleure régulation de ces dépenses.
S'il apparaît aujourd'hui techniquement difficile de mettre effectivement en oeuvre ce dispositif, je pense néanmoins qu'il serait dommage de se priver de cette possibilité, qui pourrait se révéler utile, le cas échéant, lors de futures négociations, notamment avec les spécialistes.
Au demeurant, de telles mesures de régulation ont déjà été prises pour des spécialités médicales identifiables par la cotation de leurs actes : je pense essentiellement aux radiologues et à la cotation en lettre Z.
Quant à l'amendement n° 89, il est destiné à apporter une précision relative au fonds de régulation.
Il s'agit de clairement distinguer les sommes qui reviennent aux médecins généralistes de celles qui reviennent aux médecins spécialistes afin d'éviter toute confusion puisque, en pourcentage au moins, les dépassements ne sont pas toujours les mêmes : c'est notamment le cas cette année.
Je pense qu'il est préférable d'opérer cette distinction qui, si elles est certes implicite - c'est l'esprit du texte - gagnerait à être clairement inscrite dans le projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 88 et 89 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Si l'amendement n° 21 était adopté, l'amendement n° 88 serait satisfait.
Quant à l'amendement n° 89, la commission y est défavorable puisqu'il se situe dans la logique du projet de loi du Gouvernement alors que nous proposons un dispositif alternatif de régulation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 21, 88 et 89 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez-moi tout d'abord de rappeler quelques points sur le mécanisme de régulation économique que nous proposons.
A la différence - véritable, je crois - des ordonnances préparées par M. Juppé, les dispositions que nous envisageons ne sont que des serre-files ; ils ne sont absolument pas des mécanismes centraux dans le dispositif et nous ne pensons pas qu'à eux seuls ils modifieront le comportement des médecins.
Comme j'ai été amenée à le dire dans la discussion générale, nous pensons que ce sont les réformes structurelles - responsabilité individuelle des médecins, information, informatisation, formation, responsabilité collective, suivi par les unions régionales des médecins, démographie médicale - qui doivent amener notre système de santé à la fois à mieux soigner et à soigner à moindre coût par individu, c'est-à-dire, sachant que nous souhaitons toucher une population plus large, à mieux allouer nos ressources.
Aussi considérons-nous que cette clause - clause serre-file, encore une fois, qui ne fonctionne que si le reste n'a pas fonctionné - doit être transitoire pendant cette période où nous sommes en train de construire - le plus possible avec les médecins, nous l'espérons - un nouveau système de santé. Quand je dis le plus possible, je vise notamment, au-delà de la responsabilité individuelle et collective, la mise en réseau, la mise en filière autour d'un malade, autour d'une pathologie, pour mieux suivre les différents malades.
Mais nous considérons aussi que, pendant cette période, nous n'avons pas le droit de laisser dériver les dépenses de santé, car c'est la survie de la sécurité sociale - mais aussi celle des médecins, car nous savons bien que la sécurité sociale solvabilise les clients de ces mêmes médecins - qui est en cause.
Le mécanisme de régulation que nous prévoyons reconnaît cette responsabilité collective des médecins, qui bénéficient tous, je l'ai dit, de l'existence de la sécurité sociale. Il s'agit d'un mécanisme plus simple, me semble-t-il, que le précédent, puisqu'il est proportionnel aux revenus lorsqu'il s'agit de payer une contribution ; il est également plus souple puisque nous prévoyons un « tunnel » autour de l'ONDAM, dans lequel la contribution ne sera pas touchée ; il ne concerne pas uniquement les médecins puisqu'il s'appliquera également à l'industrie pharmaceutique ; c'est surtout un mécanisme de fin de course, car nous avons prévu deux rendez-vous - à quatre mois et à huit mois - qui doivent permettre aux partenaires conventionnels - je pense principalement à la CNAM - voire à l'Etat de faire des propositions pour « rentrer dans les clous » si des problèmes surviennent.
J'en viens à l'amendement n° 88.
Comme M. Autain et les rédacteurs de cet amendement, je pense que si nous étions capables, aujourd'hui, de fixer un objectif par spécialité, c'est-à-dire de connaître véritablement quels sont les besoins par spécialité, il faudrait le faire. Je crois cependant que nous n'en sommes pas capables, car nous n'avons pas une connaissance suffisante des besoins de santé. Mais cela doit être un objectif, j'en suis totalement convaincue.
En revanche, ce que nous pouvons faire - nous l'avons fait quasiment contraints et forcés cette année, puisque les conventions ont été annulées par le Conseil d'Etat - c'est demander aux partenaires conventionnels, lors de rendez-vous à quatre mois et à huit mois, d'observer quels sont les dérapages qui se produisent et de prendre des mesures pour les spécialités concernées. Peut-être aurions-nous, d'ailleurs, intérêt à le préciser dans le texte ! Je ne pense que nous puissions fixer un ONDAM par spécialité, mais nous pouvons prévoir des mesures par spécialité lors des rendez-vous infra-annuels.
Je ne suis donc pas favorable, aujourd'hui, à l'amendement n° 88, car je crois nous ne pourrions pas mettre en place le dispositif proposé. Mais je partage la philosophie de ses auteurs et nous pourrions peut-être, à l'occasion de la deuxième lecture, travailler sur la possibilité de prendre des décisions par spécialité au quatrième et au huitième mois.
Quoi qu'il en soit, pour en revenir à l'amendement de la commission, je le dis très simplement, comme je le pense, considérer qu'aujourd'hui ou demain nous pourrions établir le profil type d'un médecin relèverait soit du rêve soit du Gosplan. Peut-on demander à un médecin d'avoir un profil type alors qu'il peut exercer soit dans un quartier jeune où les gens n'ont pas de difficultés, soit dans un quartier plus difficile peuplé de nombreuses personnes âgées ? Peut-on comparer aujourd'hui un généraliste qui suit des malades atteints du sida et qui va rédiger des prescriptions très fortes - les trithérapies sont très lourdes - et un médecin qui exerce dans un village et qui voit tout à coup sa clientèle augmenter parce que son confrère parti à la retraite n'a pas été remplacé ? Vouloir établir un profil type par médecin n'a aucun sens !
Je ne souhaite pas que l'on s'oriente vers l'individualisation des sanctions, car ce serait aboutir véritablement à une contrainte pesant sur chaque médecin, laquelle ne prendrait pas en compte la réalité de sa clientèle, qu'on ne pourra jamais - heureusement - mettre en fiche ou sur ordinateur.
Je ne partage pas du tout la philosophie de l'amendement n° 21, j'y suis donc défavorable.
Je suis également défavorable, aujourd'hui, à l'amendement n° 88, mais je souhaite que l'on travaille sur l'idée qui le sous-tend et que l'on trouve une autre formulation.
Je suis en revanche favorable à l'amendement n° 89 de M. Autain, qui établit une distinction très claire entre médecins généralistes et médecins spécialistes et permet de définir des objectifs et des suivis différents.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 21.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je voudrais d'abord faire remarquer à Mme la ministre que les dispositions de régulation du plan Juppé, par ailleurs contraignant, se voulaient dissuasives. Cette volonté avait été exprimée à maintes reprises. Par ailleurs, ce mécanisme ne jouait pas dès la première année, encore moins dans un délai de quatre mois, mais intervenait l'année n + 1. En outre, des sanctions collectives pouvaient être prises en cas de dépassement des objectifs. Il s'agissait donc d'un mécanisme « serre-file », pour reprendre votre expression, madame la ministre.
Je souhaite que M. le rapporteur m'apporte un certain nombre d'éclaircissements sur plusieurs points qui suscitent chez moi des interrogations et quelques états d'âme.
Dans le texte du Gouvernement, auquel renvoie l'amendement de la commission, la référence se fait à l'année. Le texte du Gouvernement précise « chaque année ». Les déclarations de Mme la ministre, et cela a été évoqué lors de la discussion générale, laissent entrevoir des possibilités de réponse qui, aujourd'hui, ne peuvent pas être satisfaisantes. Elles sont pratiquement inenvisageables du fait de l'insuffisance des statistiques et de leur dimension pour l'instant exclusivement nationale. Certaines dispositions pourront donc être envisagées à une échéance que j'espère assez proche, mais elles ne sont pas applicables aujourd'hui.
Je regrette donc cette référence annuelle, alors que le débat n'est pas clos, chacun étant certain dans ce domaine de détenir la vérité, la solution absolue. La précision : « chaque année » donne le sentiment que, quel que soit le système, on envisage sa pérennisation.
Ma deuxième réflexion tient à l'absence dans les dispositions du Gouvernement et dans l'amendement de la commission de toute référence aux besoins de santé. Je sais que c'est un problème extrêmement difficile à résoudre. A maintes reprises, je me suis posé la question de savoir comment on pouvait appréhender les besoins de santé ; on peut cependant considérer que la définition d'objectifs de dépenses sans que l'on ait la moindre idée des priorités au plan national, et surtout régional, est une sorte de provocation.
Serait-il possible, dans l'amendement de la commission, de faire référence aux besoins de santé, ne serait-ce que pour insister sur l'insuffisance actuelle des éléments d'information ? Faire l'impasse sur ce concept de besoins de santé me paraît à la fois irréel et politiquement discutable.
Ma troisième réflexion concerne le rôle des unions. Nous venons de discuter de l'article 18. Une volonté commune vise à renforcer le rôle des unions, qu'elles soient instituées en sections ou qu'il s'agisse d'unions rassemblant les différents modes d'exercice de la médecine. Le rôle des unions doit être un élément auquel on doit se référer pour fixer les objectifs à ne pas dépasser.
Le dernier point, qui à mes yeux est essentiel, concerne la circonscription de référence, en l'occurrence la circonscription de caisse. Comment pourra-t-on analyser les objectifs individualisés à l'échelon des caisses ? En effet, on peut penser que ces circonscriptions sont très hétérogènes.
Je sais bien, monsieur le rapporteur, qu'il est extrêmement difficile d'apporter aujourd'hui des réponses, et je ne vous ferai pas grief de rester dans un flou artistique pour certaines d'entre elles. Cependant, je souhaiterais que la commission fasse apparaître de façon très claire qu'il s'agit de dispositions valables pour l'année qui vient mais n'engageant en aucun cas l'avenir.
Il faudra améliorer le dispositif, si possible d'un commun accord, afin de répondre aux préoccupations que j'ai souhaité évoquer devant le Sénat.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je dois d'abord dire globalement, en réponse à la fois à Mme le ministre et à M. Huriet, que je suis tout à fait humble en présentant ce dispositif. Je crois, en effet, que personne n'a la science infuse. Sinon nous n'aurions pas les difficultés que nous avons.
Vous avez dit, madame le ministre, et M. Huriet vient à l'instant de reprendre vos propos, que les sanctions collectives constituaient un dispositif « serre-file ». Il en allait de même, dans l'esprit, s'agissant des ordonnances Juppé. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer aux médecins, qui, je le sais, ne l'ont pas très bien compris - ils nous l'ont montré lors des élections qui ont suivi la dissolution de l'Assemblée nationale - et je crains qu'ils ne le comprennent pas non plus aujourd'hui.
En tout cas, quand je les ai rencontrés au cours des dernières semaines, ils ne m'ont pas dit qu'il s'agissait à leur yeux d'un dispositif « serre-file ». Je rappelle d'ailleurs que cette inquiétude à propos des sanctions collectives a été partagée par toutes les sensibilités politiques au sein de la commission ; elle n'est donc pas l'apanage ni de la majorité sénatoriale ni de l'opposition. Tout le monde est inquiet !
En revanche, madame le ministre, je ne vous suis pas sur les rendez-vous à quatre mois et à huit mois. Que signifient ces rendez-vous sinon l'instauration d'une lettre-clé flottante ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pas du tout !
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, si l'on procède à des vérifications à quatre mois et à huit mois et que l'on constate un dépassement, il faudra rentrer dans les clous, et on diminuera la lettre-clé ! Je ne fais aucun procès d'intention, mais je ne vois pas comment faire des vérifications à quatre mois et huit mois sans instaurer une lettre-clé flottante. En tout cas, je le répète, c'est ainsi que les médecins le perçoivent.
Si je n'ai pas toujours approuvé la réaction extrêmement vive des médecins face aux sanctions collectives, perçues comme une mesure coercitive, s'agissant des vérifications à quatre mois et à huit mois, je comprends fort bien leur inquiétude, et je ne vois pas très bien comment on peut s'en sortir.
S'agissant de l'annualité, je rappelle que l'ONDAM est déjà annuel : les hôpitaux ont des objectifs annuels. Un bilan annuel est donc concevable.
Quant à la difficulté d'évaluer les besoins de santé, c'est une objection majeure. Je crois néanmoins que l'ONDAM répond aux besoins puisque, au moins théoriquement, il se fonde sur des exigences, des besoins de santé définis d'abord par les conférences régionales puis par la conférence nationale, et portés enfin à la connaissance du Gouvernement, qui décide de l'ONDAM pour l'année.
Que le système soit perfectible, j'en suis intimement persuadé. La conférence nationale et les conférences régionales n'en sont qu'à leurs premiers balbutiements ; leurs travaux peuvent être améliorés pour permettre au Parlement et au Gouvernement de mieux définir les besoins de santé.
Dans le texte de l'amendement, nous avons retenu la caisse primaire, et donc le département, et non la région comme circonscription. Lorsque le dispositif aura été affiné, je ne serai pas opposé à ce que l'on retienne la région. Là encore, le dispositif est perfectible sur ce point et je partage les inquiétudes de M. Huriet.
Si, d'aventure, notre dispositif était à terme inscrit dans la loi, les négociations qui ne manqueraient pas d'avoir lieu entre les caisses nationales et les partenaires conventionnels devraient permettre d'apporter des précisions que, en l'état actuel des choses, je suis incapable de vous donner.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le système que nous préconisons n'a rien à voir avec les lettres clés flottantes. Il faut appeler les choses par leur nom ; une lettre clé flottante c'est une modification des tarifs qui se fait automatiquement : un dérapage est constaté, la lettre diminue automatiquement. C'est cela, la lettre clé flottante.
Selon notre système, à quatre mois et à huit mois les professionnels de santé rencontrent la CNAM et font un bilan. Souvenez-vous qu'au mois de juillet dernier nous sommes parvenus - pas avec les radiologues, mais avec six autres catégories de médecins spécialistes - à un accord sur des nomenclatures, sur des mécanismes d'information de la profession ; nous sommes convenus de regarder ce qui se passe, de faire des études, ou des contrôles sur certains postes de dépenses et de nous entendre pour revenir « dans les clous ».
Nous ne sommes pas là dans un système de lettre clé flottante ! On peut comprendre que les médecins soient inquiets quand ils entendent ce type de discours. Ce n'est pas du tout le sujet ! Ce que nous préconisons n'a rien à voir avec l'automatisme des lettres clés. Nous visons à ce que, peu à peu, une habitude s'instaure entre la CNAM et les médecins, et ce - je le souhaite - par spécialité. Je ne prendrai qu'un seul exemple : je ne souhaite pas que les pédiatres, qui restent strictement dans les clous et font très bien leur travail, paient pour les radiologues, qui en sortent.
Il nous faut prendre des décisions en milieu d'année, et ce de préférence par la voie conventionnelle et après des discussions entre les médecins et la caisse. C'est peut-être là qu'il nous faut chercher à bien préciser notre texte, pour répondre au souci de M. Autain, puisque nous ne savons pas, aujourd'hui, à partir des besoins de santé, définir des ONDAM par spécialité ; nous devons chercher à prendre des mesures spécialité par spécialité, en fonction des évolutions, pour éviter que ceux qui font leur travail tout en ne dépassant pas les objectifs généraux ne paient pour les autres.
Il s'agit tout simplement de mettre en place des mécanismes qui nous permettent de trouver, avec les professionnels de santé, les bonnes réponses. Alors, nous adapterons un certain nombre de pratiques, nous informerons mieux les médecins sur certaines pratiques et, quand cela n'ira pas, nous prendrons les mesures qui s'imposent, parce qu'il n'y a aucune raison que certains médecins paient pour tous les autres lorsqu'on peut l'éviter.
Les mesures que nous avons prises en juin et en juillet profiteront en définitive à ceux des médecins qui ont connu des évolutions tout à fait acceptables.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, je ne puis laisser dire que mes propos inquiètent les médecins. Ils sont sans doute stupides,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai jamais dit cela !
M. Charles Descours, rapporteur. ... et moi aussi sans doute ! Permettez-moi de donner lecture du texte proposé pour l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale : « Elles procèdent à ce suivi une première fois au vu des résultats des quatre premiers mois de l'année et une seconde fois au vu des résultats des huit premiers mois de l'année. Elles décident, le cas échéant, des ajustements des tarifs nécessaires... »
Peut-être me reprocherez-vous de faire du mauvais esprit, mais lorsque vous parlez d'« ajustements des tarifs nécessaires » et que ces tarifs sont fondés sur la lettre clé C, CS ou K, j'appelle cela une lettre clé flottante ! Et lorsque je lis dans le texte les mots « ajustements nécessaires », je comprends l'inquiétude des médecins. C'est pourquoi je ne peux pas vous suivre quand vous parlez de revoir à quatre et à huit mois l'objectif.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je vois bien l'avantage que peut présenter cet amendement pour l'ancienne majorité.
Il faut le reconnaître, messieurs, vous avez besoin de redorer votre image auprès des médecins, car elle a été profondément altérée par la mise en oeuvre du plan Juppé ! Vous l'évoquiez d'ailleurs tout à l'heure, monsieur Descours : cela a été douloureux, et je le comprends.
Néanmoins, je considère que le nouveau dispositif proposé par le Gouvernement, comme l'a très bien expliqué Mme la ministre, est beaucoup moins abrupt et plus souple que celui qui est encore en vigueur et qui est issu du plan Juppé.
Quant à l'amendement n° 21, il essaie de concilier l'inconciliable, c'est une véritable « usine à gaz » - fort heureusement, il ne sera pas appliqué ! En effet, comme sa mise en oeuvre s'étale sur trois exercices, plusieurs systèmes de distribution de soins s'appliqueraient en même temps, dans la confusion la plus complète.
Pour toutes ces raisons, il faut rejeter cet amendement et s'en tenir au texte gouvernemental, qui me semble respecter au mieux les intérêts des uns et des autres.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé, et les amendements n°s 88 et 89 deviennent sans objet.

Article 22



M. le président.
« Art. 22. - I. - Les objectifs des dépenses médicales et les provisions applicables aux médecins généralistes et aux médecins spécialistes pour l'année 1998 sont ceux fixés par l'annexe IV à l'arrêté du 10 juillet 1998 portant règlement conventionnel minimal applicable aux médecins en l'absence de convention médicale.
« II. - En cas de respect de l'objectif des dépenses médicales mentionné au I, et si l'écart entre cet objectif et le montant constaté des dépenses est supérieur à un taux fixé par décret, la différence constatée est versée, à due concurrence de la provision, au fonds de régulation mentionné au IV de l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale.
« III. - En cas de non respect de l'objectif des dépenses médicales mentionné au I, et si l'écart entre cet objectif et le montant constaté des dépenses est supérieur à un taux fixé par décret, le montant exigible de l'ensemble des médecins conventionnés, mentionné au II de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, est calculé, respectivement pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, en fonction des honoraires perçus et des prescriptions réalisées, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
« IV. - Les dispositions des articles L. 162-5-2, L. 162-5-3 et L. 162-5-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, cessent de produire effet au 3 juillet 1998.
« V. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 162-5-9 du code de la sécurité sociale est supprimée.
« Cette disposition prend effet au 3 juillet 1998. »
Par amendement n° 22, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. En l'absence de mécanisme de régulation des dépenses médicales, après l'annulation, par le Conseil d'Etat, des conventions nationales des médecins généralistes et des médecins spécialistes, cet article institue le principe d'une contribution des médecins en cas de dépassement des objectifs de dépenses pour 1998.
Sans doute me reprochera-t-on de faire preuve encore une fois de mauvais esprit, mais j'estime que le Gouvernement demande au Parlement, par la voie de cet article, de lui donner un blanc-seing pour sanctionner les médecins et déterminer par lui-même le montant de cette sanction et ses modalités de calcul.
L'article 22 ne prévoit en effet ni le seuil de déclenchement des sanctions, qui sera fixé par décret, ni le montant exigible des médecins. Je comprends donc l'inquiétude de ces derniers.
Si la commission estime qu'il est nécessaire d'instaurer un mécanisme de régulation des dépenses pour les soins de ville, elle ne peut accepter d'accorder un tel blanc-seing au Gouvernement. Elle vous propose donc de supprimer l'article 22.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis quelque peu étonnée que ceux qui nous ont reproché notre laxisme et qui nous ont expliqué que les dépenses de santé avaient dérapé depuis le début de l'année parce que nous n'avions pas dit avec suffisamment de force que nous maintiendrions la clause de reversement instaurée par M. Juppé, sous prétexte d'une absence de précision sur des points qui relèvent du décret - je ne fais là qu'appliquer la règle : la Constitution ! - souhaitent supprimer totalement cette clause de reversement pour les médecins.
Monsieur le rapporteur, si vous pensez qu'il ne doit plus y avoir de clause de régulation économique, dites-le clairement. Mais, alors, il ne faut pas vous étonner des dérapages !
En tout cas, vous ne pouvez pas adresser un tel reproche au Gouvernement.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, si, dans votre réponse, vous nous aviez rassurés sur le seuil de déclenchement des sanctions et sur le montant exigible de l'ensemble des médecins, j'aurais probablement retiré l'amendement n° 22. Puisque vous ne l'avez pas fait, je le maintiens.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quelle mauvaise foi !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 22 est supprimé.

Article 22 bis



M. le président.
« Art. 22 bis. - I. - Un rapport sur l'état de la santé bucco-dentaire de la population est joint à l'annexe a au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sur la base des informations recueillies en application de l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale, ce rapport fait état des dépenses supportées par les patients, de leur niveau de remboursement et du prix de revient des prothèses et autres appareils dentaires.
« II. - Après l'article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-1-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-9 . - Lorsqu'un chirurgien-dentiste ou un médecin fait appel à un fournisseur ou à un prestataire de services à l'occasion de la réalisation des actes pris en charge par les organismes d'assurance maladie, il est tenu de fournir au patient un devis préalablement à l'exécution de ces actes puis une facture lorsque ces actes ont été réalisés.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l'économie fixe le contenu des informations devant figurer sur le devis et la facture et, le cas échéant, les modalités particulières d'élaboration de ces pièces et de leur transmission aux patients.
« Les infractions aux dispositions du premier alinéa du présent article sont constatées et sanctionnées dans les mêmes conditions que les infractions aux arrêtés pris en application de l'article L. 162-38 du présent code.
« L'assuré communique à sa caisse, à l'occasion du remboursement, copie de la facture. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 23 rectifié est présenté par M. Descours au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 61 rectifié est déposé par MM. Leclerc, Gournac, Bernard, Vinçon, Courtois, Fournier, Larcher, de Broissia et Joyandet.
Les deux tendent à rédiger comme suit le paragraphe II de l'article 22 bis :
« II. - A. - Après l'article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-1-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-9. - Lorsqu'un professionnel de santé fait appel à un fournisseur ou à un prestataire de services à l'occasion de la réalisation des actes pris en charge par les organismes d'assurance maladie, il est tenu de fournir au patient un devis préalablement à l'exécution de ces actes puis une facture lorsque ces actes ont été réalisés.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l'économie fixe le contenu des informations devant figurer sur le devis et la facture et, le cas échéant, les modalités particulières d'élaboration de ces pièces et de leur transmission aux patients.
« Les infractions aux dispositions du premier alinéa du présent article sont constatées et sanctionnées dans les mêmes conditions que les infractions aux arrêtés pris en application de l'article L. 162-38 du présent code.
« L'assuré communique à sa caisse, à l'occasion du remboursement, copie de la facture. »
« B. - Les dispositions du A ci-dessus entrent en vigueur à compter de la date d'entrée en vigueur de la modification de l'article premier de la section 1 du chapitre VII du titre III de la nomenclature générale des actes professionnels telle qu'elle était prévue par l'arrêté du 30 mai 1997. »
L'amendement n° 23 rectifié est assorti d'un sous-amendement n° 95, présenté par M. Bernard, et tendant, dans le deuxième alinéa du texte présenté pour l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale, après les mots : « la facture », à insérer les mots : « à l'exception du prix d'achat de la prothèse et du nom du laboratoire ».
Par amendement n° 51, MM. Baudot, Lorrain et Machet proposent de supprimer le deuxième alinéa du texte présenté par le II de l'article 22 bis pour l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale.
Par amendement n° 55, Mme Dieulangard, MM. Estier, Domeizel, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 22 bis pour l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale, après le mot : « devis » d'insérer les mots : « du fournisseur ou du prestataire de services ».
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 23 rectifié.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement obéit à un souci de transparence : quand un professionnel de santé fait appel à un fournisseur ou à un prestataire de services, il devra désormais fournir un devis à son patient.
Cette disposition intéresse non pas exclusivement mais essentiellement les chirurgiens-dentistes, qui traversent une période extrêmement difficile.
La profession de chirurgien-dentiste a longtemps échappé à toute convention puisque, à deux ou trois reprises, le Conseil d'Etat a annulé la convention qui avait été signée par certains d'entre eux avec les caisses. Mais, miracle des miracles ! au mois de juin, les caisses et les syndicats de chirurgiens-dentistes se sont mis d'accord et ils ont signé une convention prévoyant un programme de prévention en matière de soins bucco-dentaires. C'est d'autant plus important que, chacun le sait, dans le domaine des soins bucco-dentaires, notre pays est particulièrement en retard.
Pourtant, alors que l'encre de cet accord était à peine sèche, le Gouvernement a décidé, pour des problèmes de dépassement, de pénaliser les chirurgiens-dentistes, qui ont réagi extrêmement vivement. Actuellement, la profession est dans un état d'esprit qui l'amène à considérer que l'Etat ne peut pas lui demander de fournir de légitimes efforts en matière de transparence s'il ne respecte pas les engagements pris à son égard.
L'amendement que nous vous soumettons lie l'entrée en vigueur des dispositions introduites par l'Assemblée nationale sur la transparence à l'application des mesures de nomenclature applicables aux chirurgiens-dentistes et que le Gouvernement a abrogées.
Par ailleurs, et pour éviter de désigner trop clairement une profession, nous élargissons cette mesure à l'ensemble des professionnels de santé. Pour autant, chacun sait que les chirurgiens-dentistes sont au coeur du dispositif qui est actuellement proposé.
M. le président. La parole est à M. Bernard, pour défendre le sous-amendement n° 95.
M. Jean Bernard. Ce sous-amendement se situe dans le droit-fil de l'exposé de M. le rapporteur.
Les professions libérales sont assujetties aux bénéfices non commerciaux. Or, cet article, en instituant une obligation légale de fournir la facture du laboratoire de prothèse, tend à assimiler cet acte à une revente, donc à un acte commercial et, par conséquent, à changer le statut des chirurgiens-dentistes, ceux-ci devront dès lors être assujetties aux bénéfices industriels et commerciaux.
Le secret professionnel qui régit la profession, leur impose de ne communiquer le nom de leurs patients à qui que ce soit, notamment au laboratoire qui exécute une prothèse selon les indications du chirurgien-dentiste. Comment, dans ces conditions, pourront-ils rédiger leur facture ?
Ces factures vont nécessairement faire connaître le nom du prothésite. Il sera désormais possible à tout patient en cas d'accident de son appareillage de passer directement par le prothésiste sans consulter son chirurgien-dentiste.
Comment seront définies, à ce moment-là, les responsabilités du praticien et sa prestation intellectuelle ? De plus, cela risque de développer un certain exercice illégal de la médecine et d'exposer les patients à des risques pour leur santé.
Cette disposition est jugée discriminatoire par les chirurgiens-dentistes, car aucune profession, pas même les professions commerciales, n'ont l'obligation de fournir le prix d'achat des matériaux qu'elles utilisent dans les devis et factures qu'elles adressent à leurs clients. Seules les professions de santé, notamment les chirurgiens-dentistes devraient donner le prix d'achat des matériaux qu'elles utilisent.
La directive 93/42 transcrite en droit français par la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 définit ce que doivent être la prothèse dentaire et les responsabilités des différents intervenants et exige que le dispositif médical sur mesure qu'est la prothèse dentaire fasse l'objet de documents concernant sa traçabilité. « Traçabilité ne signifie pas qu'il faille fournir le prix d'achat de ces matériaux et le nom de l'artisan qui les a fabriqués.
C'est pourquoi il semble souhaitable que la facture ne comporte pas le prix d'achat de la prothèse ni le nom du laboratoire.
M. le président. La parole est à M. Leclerc, pour défendre l'amendement n° 61 rectifié.
M. Dominique Leclerc. Je rejoins totalement les préoccupations exprimées par M. le rapporteur quant à la transparence et à l'ajustement de la nomenclature des chirurgiens-dentistes.
M. le président. La parole est à M. Lorrain, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Jean-Louis Lorrain. L'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale institué par l'article 22 bis tend à favoriser la transparence des prix pratiqués par les professionnels de santé dans l'exécution des actes de soins ; or il ne semble pas nécessaire de conditionner son application à un arrêté ministériel.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 55.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Compte tenu de l'objet du deuxième alinéa du texte proposé par le II de l'article 22 bis, nous pensons qu'il est utile de préciser que le devis fourni par le professionnel de santé faisant appel à un fournisseur ou à un prestataire de services est bien le devis du prestataire de services et du fournisseur et non pas un devis qu'aurait élaboré le chirurgien-dentiste ou le professionnel de santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 61 rectifié, le sous-amendement n° 95 et les amendements n°s 51 et 55 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Les amendements n°s 23 rectifié et 61 rectifié sont identiques. Ils visent à favoriser la transparence, le coeur du débat étant l'écart entre le coût de fabrication des prothèses et le prix facturé aux malades.
Instaurer une exception pour le prix d'achat des prothèses, comme le prévoit le sous-amendement n° 95, me semble quelque peu excessif, et je souhaiterais que l'auteur du sous- amendement le retire sinon, je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
Quant aux amendements n°s 51 et 55, ils n'auraient plus d'objet si l'amendement de la commission était adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite répondre à M. le rapporteur, car je ne peux pas lui laisser dire que le Gouvernement serait revenu sur une convention.
La convention qui a été signée au mois de juillet entre les dentistes et la CNAM prévoyait non pas, comme c'est l'objet habituel d'une convention, des changements de tarifs, mais des modifications de nomenclature.
Or la nomenclature relève, je le rappelle, des prérogatives de l'Etat et non pas de celles des partenaires conventionnels. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que des propositions nous soient soumises par la voie conventionnelle, mais il revient à l'Etat de fixer les changements de nomenclature.
Nous avons accepté les premières modifications de nomenclature et, il faut le rappeler, les dentistes ont bénéficié, dans les premiers mois de l'année, de 600 millions de francs complémentaires liés à l'application de cet accord. On ne peut donc pas prétendre que l'on s'est « assis » sur cet accord, qui touchait, je le répète, à des prérogatives de l'Etat.
Ce n'est que pour la troisième revalorisation de la nomenclature, et parce que, au-delà de ces 600 millions de francs, nous assistions à un dérapage évident, que nous avons décidé de reporter, et non pas d'annuler, cette troisième augmentation jusqu'à ce que l'on constate une évolution plus favorable des dépenses en dentisterie.
Je le redis devant le Sénat, notre porte est toujours ouverte et nous sommes prêts à en parler avec les représentants des dentistes s'ils le souhaitent.
Telles sont les précisions que je voulais rappeler avant de laisser M. Kouchner répondre sur les prothèses.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'ai entendu certaines remarques émises au cours des débats qui nous ont réunis - et pas toujours opposés - à propos des soins bucco-dentaires délivrés dans ce pays, qui sont l'objet - à l'instar de ce qui se passe pour les lunettes - d'une lacune essentielle de notre système de prise en charge, tout le monde le sait. Un des domaines dans lesquels l'accès aux soins peut s'avérer difficile, voire impossible, est précisément celui de la prothèse ; personne ne peut dire le contraire. L'amendement n° 55 étant de précision, nous y sommes favorables.
Pour le reste, je rappellerai simplement quelques chiffres qui sont très frappants, monsieur Bernard.
L'état bucco-dentaire de la population française exige une transparence des tarifs.
D'abord, la Cour des comptes a réclamé cette transparence dans son rapport sur la sécurité sociale. Elle a donné un exemple de marges égales à dix fois le coût d'achat ! Nous n'avons pas inventé ces chiffres : ils résultent d'une enquête assez précise.
Ensuite, je vous rappelle que 80 % des plaintes de patients à l'encontre de leur dentiste portent très précisément sur l'absence d'informations préalables quant à la qualité des prothèses.
L'ensemble de ces lacunes incite au moins 50 % de la population à se détourner des soins pour des raisons de coût.
Nous souhaitons qu'une facture détaillée des prothèses soit fournie pour que l'on se rende compte de la partie qui est fabriquée ailleurs. L'an prochain, j'en suis sûr, nous évoquerons la question dans des termes différents. Car, demain, les prothèses seront fabriquées par des machines à l'étranger : empreintes et prothèses seront envoyées par la poste ! Dans un avenir proche, ce commerce se fera sur Internet !
Soyons attentifs - nous avons trop attendu - à la situation des soins bucco-dentaires dans notre pays. Faisons en sorte que leur coût diminue et soit mieux pris en charge.
M. le président. Aurais-je dû comprendre que vous étiez défavorable à l'amendement de la commission, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'ai dit que j'étais favorable à l'amendement n° 55 seulement. Par là même, vous pouvez en inférer ma position. (Sourires.)
M. le président. Je travaillerai donc par déduction !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je veux simplement dire à M. Kouchner que je n'ai pas remis en cause la facturation des prothèses. J'ai seulement lié cette question au reste du dispositif conventionnel.
M. le président. Le sous-amendement n° 95 est-il maintenu, monsieur Bernard ?
M. Jean Bernard. Je ne suis pas un kamikaze, monsieur le président. (Sourires.)
M. le secrétaire d'Etat a dit que, parfois, le prix de la prothèse était multiplié par dix par le dentiste. Mais peut-on généraliser ? Il y a sans doute des excès, mais aussi il y a dentistes qui savent rester raisonnables.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ils sont peu nombreux !
M. Jean Bernard. Ah bon ?
Quoi qu'il en soit, puisque le Gouvernement et la commission sont opposés à mon sous-amendement, je le retire.
M. le président. Le sous-amendement n° 95 est retiré.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix les amendements identiques n°s 61 rectifié et 23 rectifié, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 51 et 55 n'ont plus d'objet.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Non, pas l'amendement n° 55, monsieur le président !
M. François Autain. Non, il ne tombe pas !
M. le président. Si : les amendements adoptés rédigeant le paragraphe II, les amendements n°s 51 et 55 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22 bis , ainsi modifié.

(L'article 22 bis est adopté.)

Article 23



M. le président.
« Art. 23. - I. - Il est inséré, après l'article L. 512-2 du code de la santé publique, un article L. 512-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-3 . - Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit qu'avec l'accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient.
« Toutefois, il peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique à condition que le prescripteur n'ait pas exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la prescription, et sous réserve, en ce qui concerne les spécialités figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, que cette substitution s'effectue dans les conditions prévues par l'article L. 162-16 de ce code.
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom du générique qu'il a délivré.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique est ainsi modifié :
« 1° A la première phrase, après les mots : "d'une autre spécialité", sont insérés les mots : ", appelée spécialité de référence," et les mots : "l'autre spécialité" sont remplacés par les mots : "la spécialité de référence ;
« 2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. »
« III. - L'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'infraction, dans les conditions prévues au b, n'est pas constituée en cas d'exercice par un pharmacien de la faculté de substitution prévue à l'article L. 512-3 du code de la santé publique. »
« IV. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :
« Lorsque le pharmacien d'officine délivre, en application du deuxième alinéa de l'article L. 512-3 du code de la santé publique, une spécialité figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 autre que celle qui a été prescrite, cette substitution ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour l'assurance maladie.
« En cas d'inobservation de cette condition, le pharmacien verse à l'organisme de prise en charge, après qu'il a été mis en mesure de présenter ses observations écrites et si, après réception de celles-ci, l'organisme maintient la demande, une somme correspondant à la dépense supplémentaire mentionnée à l'alinéa précédent, qui ne peut toutefois être inférieure à un montant forfaitaire défini par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et du budget.
« Pour son recouvrement, ce versement est assimilé à une cotisation de sécurité sociale. »
« V. - Les dispositions de l'article L. 365-1 du code de la santé publique sont également applicables aux pharmaciens. »
« VI. - 1. Le premier alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce plafond est porté à 10,74 % du prix fabricant hors taxes pour les spécialités génériques définies au premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique. »
« 2. Le deuxième alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles des sanctions pénales applicables aux infractions mentionnées à l'article L. 162-38. Les dispositions du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sont applicables à ces mêmes infractions. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne sommes pas hostiles au principe de la démarche gouvernementale tendant à favoriser la prescription du générique. Nous cherchons à nous assurer qu'à terme les changements imposés dans nos habitudes de consommation seront entourés de garanties suffisantes et qu'en rien ils n'induiront la banalisation du médicament, ouvrant ainsi une voie royale à l'automédication et au déremboursement.
La substitution envisagée ne devrait pas poser de problèmes majeurs pour le patient, à condition tout d'abord qu'il en soit correctement informé.
Je note que les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont permis d'apporter sur ce point un premier élément de réponse, le pharmacien devant inscrire le nom du générique délivré.
Toutefois, certains patients, je pense aux personnes âgées en particulier, habitués à tel produit pourraient être déstabilisés et préférer le médicament prescrit. Quelle serait alors la marge de manoeuvre du pharmacien ?
Des campagnes d'information, d'explication destinées aux patients et surtout aux médecins devront nécessairement être organisées. Par ailleurs, sommes-nous tout à fait certains qu'en termes de qualité et de sécurité les génériques soient équivalents aux molécules princeps ?
Pour que les pharmaciens puissent plus facilement se repérer, une liste de 459 spécialités avec leurs équivalents a été mise au point par l'agence du médicament. Mais d'un autre côté, la CNAM, quant à elle, diffuse sa liste des « équivalents thérapeutiques ». Quelle va être, monsieur le secrétaire d'Etat, la liste officielle ?
Enfin, le système proposé permet-il d'identifier clairement les responsabilités thérapeutiques de chacun des intervenants : médecins, pharmaciens, agence du médicament ?
Toutes ces interrogations nous conduisent à nous abstenir sur cet article.
De surcroît, nous restons très réservés sur les réelles motivations tant des pharmaciens que des groupes de l'industrie pharmaceutique, les contreparties escomptées risquant de contrebalancer en fin de compte l'économie attendue pour notre sécurité sociale et d'être préjudiciable au patient.
Si, enfin, le Gouvernement a réussi à vaincre la résistance des pharmaciens, c'est peut-être parce que ces derniers espèrent obtenir un mode de rémunération incitatif, des marges plus importantes sur les médicaments délivrables sans ordonnance, par exemple.
Pourquoi les laboratoires pharmaceutiques seraient-ils tout à coup très intéressés ?
L'enjeu pour eux est de taille, le marché des génériques devant représenter, en l'an 2000, 125 milliards de francs pour les dix pays les plus industrialisés.
Aussi, dès maintenant, les grands groupes ont-ils créé des filiales spécifiques pour produire à gros volume les génériques vendus à bas prix. Cependant, ils essaient parallèlement d'obtenir une augmentation des prix de nouveaux médicaments, médicaments innovants non remboursés, mais pourtant prescrits par le médecin.
Nous attendons qu'en la matière le Gouvernement assume pleinement ses responsabilités, qu'un débat ait lieu sur le prix des médicaments afin de combler l'écart entre le prix des spécialités remboursables ou non, que le déremboursement de certains médicaments cesse et que la recherche soit poussée, même pour les affections qui ne touchent pas prioritairement nos pays.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous avez pu le constater, la commission n'a pas déposé d'amendements sur cet article. Je crois cependant nécessaire d'ouvrir une discussion sur le grand problème des génériques et de la substitution de médicaments.
De l'intervention de Mme Borvo, je relève qu'une grande confusion entoure la notion de génériques, confusion largement entretenue par des organismes qui savent ce qu'ils font.
Je m'explique. Si des organismes internationaux ont donné une définition des génériques, parallèlement, comme l'a dit Mme Borvo, sont parus des fascicules présentant soit des équivalents thérapeutiques, soit des médicaments moins chers à même objet thérapeutique. Je le dis très clairement : c'est scandaleux, et j'invite le Gouvernement à donner à tous les pharmaciens une définition du médicament générique et à mettre en garde les organismes, y compris les organismes mutualistes, contre la confusion qui peut s'instaurer entre les médicaments génériques, les équivalents thérapeutiques et les médicaments moins chers à même objet thérapeutique. La confusion qui règne actuellement n'est pas tolérable.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je vais répondre malheureusement sommairement alors que nous pourrions débattre très longuement de ce sujet.
Il est vrai que règne une certaine confusion, en tout cas dans l'esprit du public, et peut-être même dans celui des professionnels puisqu'il y a, d'un côté, les médicaments génériques et, de l'autre, les médicaments équivalents. En effet, M. le rapporteur a tout à fait raison de dire qu'il ne s'agit pas du tout de la même chose.
Permettez-moi de rappeler la définition internationale des médicaments génériques. Il s'agit de médicaments ayant le même principe actif, le même dosage, la même présentation et la même biodisponibilité. Ils n'ont rien à voir avec les équivalents thérapeutiques, qui sont des médicaments voisins entraînant théoriquement les mêmes effets thérapeutiques mais n'ayant pas la même composition chimique. Il faut donc être très clair.
Le médicament générique doit être totalement substituable à une molécule princeps qui a été protégé par un brevet de trois, sept ou dix ans dans notre pays. Il en a le même dosage, la même présentation, la même biodisponibilité.
Dans Le Moniteur du pharmacien et des laboratoires, un sondage faisait apparaître que 97 % des pharmaciens étaient d'accord avec la manière dont sont traités dans la loi, grâce à vous, les génériques. Selon le même sondage, 56 % des médecins approuvaient ce principe de substitution, et j'ai eu connaissance de sondages réalisés au sein du corps médical qui faisaient état d'un taux plus élevé encore.
La résistance se réduit d'autant plus que, dans tous les pays du monde, en particulier dans les pays avancés, et surtout dans l'Union européenne, les génériques sont partout acceptés.
Je suis d'accord avec vous, madame Borvo, monsieur Descours : il faut en parler.
J'envisage d'envoyer une lettre très précise au corps médical et aux pharmaciens après le vote de ce projet de loi.
Quelles réticences avez-vous cru déceler chez certains ?
Elles concernent d'abord des personnes âgées, vous avez raison. Les personnes âgées sont en effet habituées à certains produits très particuliers, très souvent prescrits, voire trop souvent prescrits. Elles connaissent leur traitement par la couleur ou la forme des pilules et gélules. Il faudra donc agir avec précaution dans la substitution des génériques leur intention. Ce sera au médecin, à qui nous faisons toujours confiance, de mentionner à côté du princeps « NS » pour « non substituable ».
Pour le reste, les précautions d'information étant prises, j'espère qu'il y aura une disponibilité suffisante dans les officines, où se pose, vous le savez, un problème de place, que les pharmaciens mettent très souvent en avant.
S'agissant des dépenses pharmaceutiques, je vous rappelle, madame le sénateur, que nous escomptons de ce dispositif une économie, pour notre système d'assurance maladie, de 4 milliards de francs dans l'immédiat et, éventuellement, de 11 milliards de francs par la suite. N'oubliez pas que 50 % du « parc thérapeutique » de la France sont « généricables » dans les deux ans qui viennent.
Vous avez évoqué de possibles dérives ; nous y seront très attentifs, pour les génériques comme pour les princeps.
Reste une préoccupation essentielle : la venue sur le marché de médicaments extrêmement chers, dont on ne demande pas actuellement le remboursement, certes, mais qui peuvent être néanmoins, de toute façon, source de dépenses importantes, ne serait-ce qu'au niveau de la prescription puisque ces produits nouveaux sont prescrits par les médecins et que cette prescription s'accompagne généralement d'un certain nombre d'examens indispensables. C'est une dépense nouvelle qui se profile. Cela dit, il me paraît inéluctable qu'à un moment donné un mouvement se manifeste dans la société pour demander le remboursement de produits qui améliorent la qualité de la vie. Comment pourrait-on admettre que de tels produits soient plus ou moins accessibles selon les disponibilités financières de chacun ?
De tout cela nous aurons bien entendu à reparler dès l'an prochain. Je suis d'ailleurs très heureux que le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permette d'aller plus loin chaque année dans l'étude des dépenses de santé et je me félicite de l'attention qu'y portent en permanence nos concitoyens.
M. le président. Par amendement n° 65, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de rédiger comme suit le troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 23 pour l'article L. 512-3 du code de la santé publique :
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il fait mention expresse sur l'ordonnance du générique délivré, et appose son nom et sa signature. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Il s'agit de préciser la disposition adoptée par l'Assemblée nationale au terme de laquelle, « lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom du générique qu'il a délivré ».
L'amendement indique donc qu'en procédant à la substitution, acte qui engage la santé du patient, le pharmacien doit porter sur l'ordonnance le nom du médicament générique et y apposer son nom ainsi que sa signature. Ces indications permettront, en cas d'incident ou d'accident, l'identification du pharmacien qui a procédé à la substitution. Celui-ci voit ainsi sa responsabilité personnelle engagée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Il est en effet indispensable, d'abord, de compléter la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui n'indique pas que la substitution est mentionnée sur l'ordonnance.
Par ailleurs, dans la mesure où la question de la responsabilité - vous avez eu raison de poser le problème, madame Borvo - ne nous paraît pas suffisamment précisée dans le texte actuel, il importe effectivement de prévoir l'identification du pharmacien qui a procédé à la substitution.
J'avais d'ailleurs déposé en commission un amendement suivant la même inspiration que celui-ci mais qui, sans doute trop complexe dans son dispositif, n'a pas été retenu par elle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est très embarrassé.
En effet, si je comprends bien le souci de M. Huriet, il me semble que la signature du pharmacien est superflue. Celui-ci doit déjà apposer son cachet et mentionner la date ainsi que la quantité délivrée.
Il me semble, monsieur Huriet, que le cachet obligatoire du pharmacien répond à votre souhait.
M. Charles Descours, rapporteur. Et si c'est la femme de ménage qui l'appose ?...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous savez bien qu'il arrive que la femme de ménage délivre - de façon tout à fait illégale - les médicaments ! (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Charles Descours, rapporteur. Eh bien, je préférerais qu'elle ne délivre pas le générique !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 65.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le secrétaire d'Etat, il est vrai que chaque ordonnance comporte le cachet de la pharmacie. Mais vous savez bien que, dans une même officine, il y a généralement plusieurs pharmaciens nommément habilités à délivrer des médicaments.
Par conséquent, en prévoyant la signature, on individualise et donc responsabilise, au sein de la pharmacie, celui qui, associé ou assistant, a délivré le médicament générique. Car la responsabilité de la prescription et de la délivrance est un élément de l'acceptation d'une politique du médicament générique.
Voilà pourquoi je crois que la précision par M. Huriet est importante.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Le cachet n'est pas du tout une garantie. Le cachet mentionnera, par exemple, Pharmacie des Fleurs et le nom du patron de cette pharmacie. Mais, si cette officine emploie cinq pharmaciens, le fait que ce cachet ait été apposé ne signifiera nullement que c'est le propriétaire de la Pharmacie des Fleurs qui a délivré le médicament générique.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Cela est déjà vrai pour tous les médicaments !
M. Charles Descours, rapporteur. Certes, mais, là, nous parlons du cas où il y a substitution.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'a indiqué Mme Borvo tout à l'heure, tout cela peut faire naître une certaine inquiétude, notamment chez les personnes âgées. Cette inquiétude, il est indispensable de la lever. Nos concitoyens ont une grande confiance envers les pharmaciens, et je m'en réjouis. L'inquiétude ne sera dissipée que si l'on est sûr que le pharmacien a pris individuellement ses resposabilités.
C'est pourquoi la proposition de M. Huriet me paraît tout à fait justifiée.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je suis très partagé.
Je pense, comme vous tous, qu'il est nécessaire de bien situer les responsabilités, mais je me demande si ce luxe de précautions ne va pas décourager l'institution et, par conséquent, aller à l'encontre de l'objectif poursuivi.
Je me demande également si cette disposition est compatible avec l'informatisation de la gestion des officines.
Je comprends bien ce que souhaite M. Huriet mais, dans la pratique, tout cela ne va-t-il pas rendre encore plus difficile la substitution par des génériques ?
C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je crois que l'on est en train de compliquer, pour de bonnes raisons et avec de bons sentiments, un système qui a déjà mis du temps à s'installer dans notre pays et qui va - sans affecter le moins du monde la prise en charge des soins dans notre pays - permettre de réaliser de substantielles économies.
Si l'on demande au pharmacien de signer, de mettre son numéro de conseil de l'ordre, de sa carte d'identité ou je ne sais quoi, c'est évidemment plus compliqué !
Je comprends votre argument, monsieur Leclerc. D'ailleurs, on pourrait éventuellement demander à tous les pharmaciens qui travaillent dans une officine pendant un certain temps d'avoir leur propre cachet.
M. Dominique Leclerc. Oui !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. S'il s'agit d'un simple tampon portant leur nom, j'y serais favorable. Cela garantirait que le pharmacien a lui-même vu l'ordonnance.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. L'argument développé à l'instant par notre collègue François Autain m'inquiète et renforce ma détermination à demander à la Haute Assemblée d'adopter cet amendement.
Si l'on considère qu'il est compliqué et dissuasif pour la délivrance de génériques de demander au pharmacien d'apposer son nom et sa signature, je me demande vraiment ce qui se cache derrière ce désir de simplification. Pourrait-on concevoir qu'un médecin fasse une prescription sur une feuille d'ordonnance, où il y a un en-tête à son nom, et qu'il ne la signe pas ? Nous sommes là devant une situation en tous points comparable.
Je ne considère pas qu'il s'agit d'une complication administrative insupportable et dissuasive lorsqu'on demande au pharmacien qui prend la responsabilité de substituer un générique à un médicament prescrit d'apposer son nom et sa signature.
J'insiste donc pour que cet amendement soit adopté.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, plus la discussion de cet article avance, moins je comprends !
Je souhaite simplement poser une question : pourquoi n'est pas le médecin qui prescrit le médicament générique ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, si cela avait été si simple, nous n'aurions pas quinze ans de retard. Il a fallu se battre pendant des années pour que le même corps, avec la même présentation, la même biodisponibilité, le même dosage, mais 30 % à 40 % moins cher, puisse être prescrit dans notre pays.
Oui, il y a des blocages français ! Tout autour de nous, ces problèmes sont résolus depuis une dizaine d'années. C'est ainsi ! C'est le génie français !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 66, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de rédiger comme suit le paragraphe II de l'article 23 :
« La première phrase du premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle et commerciale, on entend par spécialité générique d'une autre spécialité autorisée depuis au moins dix ans en France ou dans un autre pays membre des Communautés européennes selon les dispositions communautaires en vigueur et commercialisée en France, appelée spécialité de référence, une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. L'article L. 601-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 avril 1996, a introduit en droit français la notion de spécialité générique.
Sa définition législative, pas plus que les textes réglementaires pris pour leur application, ne font référence à la protection de la propriété intellectuelle et commerciale du titulaire du produit originel. Elle ne tient pas compte non plus de la protection de dix ans des données de l'AMM, l'autorisation de mise sur le marché, prévue par le code de la santé publique pour favoriser l'innovation thérapeutique.
L'absence de prise en compte de la propriété industrielle et de la protection des données de l'AMM dans la définition du générique place la France dans une situation marginale en Europe et non conforme à l'esprit des textes communautaires.
A la lumière de l'expérience acquise depuis l'adoption de l'ordonnance du 24 avril 1996, il apparaît indispensable de compléter la définition de la spécialité générique afin de mieux assurer la protection de la propriété industrielle et de l'innovation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
En effet, la définition de la spécialité générique ne tient pas compte de la protection de dix ans des données de l'AMM, prévue par le code de la santé publique.
On comprend bien l'argumentation avancée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, argumentation selon laquelle il n'appartient pas à l'Agence du médicament de s'occuper du droit des brevets. En revanche, il me semble que l'Agence est bien chargée de vérifier l'application des dispositions du code de la santé publique concernant l'AMM.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 52, M. Leclerc propose :
A. - De compléter le deuxième alinéa du texte présenté par le IV de l'article 23 pour rédiger les deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 662-16 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'organisme peut décider, si la dépense supplémentaire est inférieure à un montant fixé dans les mêmes conditions, de ne pas procéder au recouvrement ».
B. - Après le IV de l'article 23, d'insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant du non recouvrement de la dépense supplémentaire visée au troisième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par une majoration de la contribution visée à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement est la reprise d'une disposition qui, après avoir été adoptée par l'Assemblée nationale, fut finalement repoussée lors d'une seconde délibération.
Je vise ici le cas où le générique prescrit n'étant pas disponible, le pharmacien y substitue un générique d'un prix légèrement supérieur. Je propose que, dans un tel cas, il n'y ait pas de pénalités.
Il s'agit, là encore, de ménager un espace de liberté pour la délivrance des génériques dans le cadre conventionnel.
Par ailleurs, je voudrais dire très amicalement à M. Autain que, personnellement, je tiens encore des gardes de nuit et certains dimanches. Quand je n'ai pas le médicament prescrit en stock - il en existe 30 000 : on ne peut pas les avoir tous ! - je joins le médecin et, si je n'y parviens pas, je procède à la substitution, j'indique précisément ce que j'ai délivré, en quelle quantité, et je signe. Je fais cela sans problème depuis des années.
Alors, de grâce, mon cher collègue, faites confiance aux professionnels. Ce ne sont pas des ânes !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je comprends très bien la position de M. Leclerc et la difficulté qu'il y a à gérer des stocks de médicaments innombrables, notamment de génériques, dont on nous a dit tout à l'heure qu'ils pouvaient être plusieurs dizaines pour un même médicament princeps, par exemple le clamoxyl.
Cependant, que l'on substitue au médicament prescrit par le médecin un générique plus cher me gêne : je n'y reconnais plus très bien la philosophie du texte. Je fais tout à fait confiance aux professionnels s'agissant de cas exceptionnels, mais inscrire cette disposition dans la loi m'ennuie un peu, et je souhaiterais que M. Leclerc retire son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je me range à l'avis de M. le rapporteur. (Rires.)
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 52 est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Les sommes en jeu sont très modestes, puisque, comme M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé, les médicaments génériques sont a priori 30 % moins chers que les produits princeps. Il est vrai que, pour certaines classes de médicaments, il existe des dizaines de produits génériques, et le pharmacien peut ne pas toujours avoir le moins cher.
Par ailleurs, Mme Beaudeau l'a dit, les médicaments génériques font aujourd'hui l'objet d'un marché tout de même très important. Des produits génériques un peu moins chers, il en apparaît tous les jours, et le pharmacien ne peut, là encore, les détenir tous.
De grâce, à quelques centimes près, faites confiance aux professionnels en les autorisant à délivrer un produit générique un peu plus cher que celui qui a été prescrit. C'est un espace de liberté conventionnelle.
En outre, les pharmaciens n'ont signé qu'un protocole d'accord, mais cette signature laisse espérer, aux termes de l'article 3 du protocole, la conclusion d'une convention tripartite entre l'Etat, la CNAM et la profession, et l'article 4 prévoit que les modalités de délivrance des médicaments génériques seront déterminées lors des discussions tripartites visant à établir cette convention.
En conclusion, je trouve mon amendement très bon, et je le maintiens. (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Dans ses conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Par amendement n° 67, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de compléter le paragraphe VI de l'article 23 par un alinéa ainsi rédigé :
« ... L'annexe prévue au b du paragraphe II de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale présente un bilan sommaire du contrôle de l'application des dispositions de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. A la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, le taux maximal des ristournes des officines a été fixé, pour les médicaments génériques, à 10,74 %. Deux taux de ristourne vont donc coexister : le taux de droit commun de 2,5 % et le taux applicable aux génériques, de 10,74 %. Il importe donc que le Gouvernement présente au Parlement, dans les annexes au projet de loi de financement, un bilan de l'application de ces dispositions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

8

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme (1998-2003).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 63 et distribué.

9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 17 novembre 1998, à neuf heures trente, à seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 50, 1998-1999) de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 58, 1998-1999) de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 56, 1998-1999) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif au Conseil supérieur de la magistrature (n° 6, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 novembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 17 novembre 1998, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 1999 est fixé au mercredi 18 novembre 1998, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 est fixé au jeudi 19 novembre 1998, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 17 novembre 1998, à zéro heure vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du lundi 16 novembre 1998, le Sénat a nommé :
M. Roger Lagorsse membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Roger Mazars, décédé.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Distorsions de concurrence dans le domaine des transports

372. - 16 novembre 1998. - M. Philippe Richert souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les importantes distorsions de concurrence existant au sein de l'Union européenne dans le domaine du transport de voyageurs, du fait des législations sociales, fiscales et techniques très disparates d'un pays de l'Union à l'autre. Ainsi, tandis qu'en France la journée de travail ne peut excéder douze heures, aucune limite de temps n'est prévue dans le règlement social européen. Dans un autre registre, la longueur maximale des véhicules en France est de douze mètres, alors qu'elle est de quinze mètres en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Enfin, les transporteurs français effectuant des voyages en Allemagne sont tenus d'acquitter une taxe sur la valeur ajoutée de 16 %, alors que les transporteurs allemands sont exonérés de la TVA française lors de leur passage sur notre territoire. Ces disparités, combinées à de nombreuses autres, pénalisent lourdement les transporteurs français par rapport à leurs homologues européens et, en particulier, les sociétés de transport des régions frontalières comme l'Alsace. Alors que le Marché unique en matière de transport routier est entré en vigueur le 1er juillet dernier, permettant aux transporteurs européens de répondre aux appels d'offres des collectivités partout au sein de l'Union européenne, les compagnies de transport de voyageurs allemandes peuvent proposer des prix très compétitifs par rapport à ceux pratiqués par leurs collègues français : 9 000 F par exemple, pour le transport de 90 personnes entre Strasbourg et Paris contre 15 000 F en France. Il leur est d'autant plus facile d'afficher des tarifs aussi bas, que le gouvernement allemand leur verse des subventions d'un montant de 160 000 DM (540 000 F) lorsqu'elles assurent des transports réguliers ou scolaires. Il lui demande si ces problèmes de distorsion de concurrence, spécifiques au transport routier de voyageurs dans les zones transfrontalières sont pris en compte dans le cadre des négociations menées actuellement au niveau communautaire, et visant à harmoniser les législations des pays de l'Union européenne en matière de transport routier ?