Séance du 22 octobre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Participation de fonctionnaires à la création d'entreprises innovantes. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Adrien Gouteyron, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Pierre Laffitte, Franck Sérusclat, Jean-Louis Lorrain.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 2 )

MM. Lucien Lanier, Philippe Nogrix, James Bordas, Thierry Foucaud, Franck Sérusclat, le rapporteur, Pierre Laffitte.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.

3. Rappel au règlement (p. 3 ).
MM. Emmanuel Hamel, le président.

4. Ordre du jour (p. 4 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

PARTICIPATION DE FONCTIONNAIRES
À LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES

Adoption des conclusions du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 505, 1997-1998) de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des affaires culturelles, sur la proposition de loi (n° 98, 1997-1998) de M. Pierre Laffitte permettant à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Adrien Gouteyron, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voici une proposition de loi dont la commission des affaires culturelles s'est saisie avec beaucoup de bonheur et de conviction. Elle émane en effet de l'un de nos collègues qui, depuis longtemps, a fait de ce sujet l'une de ses grandes préoccupations, préoccupation que partage la commission des affaires culturelles.
Cette proposition de loi répond, en effet, à une nécessité économique.
On le sait, la France, depuis longtemps - j'allais dire depuis toujours ! - souffre d'une insuffisante valorisation des résultats de la recherche publique ; c'est là un constat unanimement partagé.
Dans le rapport qu'il a remis au printemps dernier, M. Henri Guillaume, ancien président de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, souligne une nouvelle fois le décalage qui existe entre les excellents résultats de notre pays dans le domaine de la recherche fondamentale et les résultats beaucoup moins satisfaisants, pour ne pas dire très faibles, dans le domaine de l'innovation technologique.
Les origines de ce déséquilibre sont dorénavant bien connues. Elles résident en particulier dans l'insuffisance de nos mécanismes de diffusion de l'innovation, dont un des indicateurs les plus significatifs est le faible nombre d'entreprises créées par des chercheurs issus des organismes publics de recherche pour exploiter les résultats de leurs travaux. Cette situation n'est pas satisfaisante et est à l'inverse de ce que l'on constate dans certains autres pays.
Les chercheurs, chez nous, sont par tradition peu enclins à opérer un tel transfert, et les organismes publics de recherche le sont peu également ; c'est regrettable.
Ces entreprises innovantes, dont nous voulons faciliter la création, sont susceptibles pourtant de se développer dans des secteurs où se joue l'avenir de notre compétitivité : le secteur des biotechnologies et celui des technologies nouvelles de l'information et de la communication.
De telles entreprises contribuent aussi fortement, on le sait, à la création d'emplois et peuvent dynamiser notre industrie, d'abord parce qu'elles ont un taux d'échec extrêmement faible, on le constate, ensuite, je l'ai dit, parce qu'elles se situent dans des créneaux - excusez le mot - qui correspondent aux évolutions technologiques prévisibles.
Ne traçons pas un tableau trop sombre de la situation de notre pays. Il y a déjà des organismes qui ont beaucoup fait pour faciliter la création de telles entreprises. Je pense, en particulier, à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, qui peut être pris en exemple et que nous avons d'ailleurs souvent eu à l'esprit lorsque nous avons élaboré les propositions qui vont vous être présentées, mes chers collègues.
Quels sont, chez nous, les obstacles à la création d'entreprises par des chercheurs ?
Il s'agit, en particulier, d'obstacles financiers et fiscaux, monsieur le secrétaire d'Etat. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire, même si des avancées significatives ont été accomplies, comme la création des fonds communs de placement dans l'innovation ou la mise en place du nouveau marché.
Par ailleurs, on déplore en France l'absence, au sein des organismes de recherche eux-mêmes, de structures capables d'apporter un soutien financier, ou plus simplement logistique, aux chercheurs désireux de créer une entreprise.
Les fonds d'amorçage que le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie veut encourager en sont encore, dans notre pays, à l'état de balbutiements.
Enfin, et c'est à cet obstacle que la proposition de loi a pour objet de remédier, les règles de la fonction publique, comme celles du code pénal, sanctionnant la prise illégale d'intérêts paraissent incompatibles avec la création de telles entreprises par des chercheurs à partir des résultats de leurs travaux. Ces règles comportent en effet des dispositions très restrictives concernant les liens qui peuvent s'établir entre un fonctionnaire et une entreprise.
Je ne reviens pas sur le contenu de ces règles ; elles figurent dans le rapport distribué. Je rappellerai seulement qu'elles visent à prévenir tout conflit d'intérêts entre le service public lui-même et les fonctionnaires.
Même si ces règles ont été assouplies par les statuts afin de tenir compte de la nécessité de faciliter la mobilité entre la recherche publique et les chercheurs, il y a lieu d'adopter - je rappelle que c'est l'objet de la proposition de loi - des dispositions nouvelles pour mettre notre pays en phase avec la réalité et les besoins d'aujourd'hui.
Les règles actuelles interdisent aux chercheurs d'appartenir au service public et, en même temps, de participer à la création d'une entreprise. Un fonctionnaire ne peut en principe créer une entreprise et partir y travailler dès lors que des collaborations se seraient établies entre cette entreprise et son laboratoire ou son établissement.
Quant à la négociation des contrats de collaboration ou de licence avec les organismes de recherche, elle ne devrait intervenir théoriquement qu'une fois le chercheur mis en disponibilité, ce qui implique que les fonctionnaires doivent, avant de négocier, « faire le grand saut » ; c'est là une des difficultés majeures.
Enfin, ces règles interdisent à un chercheur de posséder une part du capital d'une entreprise de valorisation lié par contrat au service public dont il relève. Or, cet apport en capital est souvent nécessaire et l'engagement financier du chercheur est souvent exigé par les autres investisseurs comme gage de sérieux du projet envisagé.
Les dispositions législatives en vigueur sont donc à l'évidence inadaptées, d'où la raison d'être du dispositif qu'a envisagé notre collègue M. Laffitte.
La proposition de loi qu'il a déposée vise à compléter par deux articles nouveaux la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche.
La commission vous proposera de reprendre ce dispositif sous réserve de quelques aménagements.
Avant de le présenter, je rappellerai qu'il s'inspire très largement d'un article du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, déposé par le précédent gouvernement en 1997.
Le texte proposé pour devenir l'article 25-1 de la loi de 1982 prévoit le cas de l'essaimage, c'est-à-dire le cas où un chercheur quitte son laboratoire pour l'entreprise en création et cesse toute activité au titre du service public de la recherche.
Ce texte précise donc les conditions de participation du chercheur en qualité d'associé à la création d'une entreprise innovante à partir des résultats des travaux de ses recherches.
La participation du fonctionnaire peut prendre la forme d'un apport en capital ou en industrie en qualité d'associé, d'administrateur ou de dirigeant. Elle est autorisée par l'autorité dont il relève, après avis de la commission de déontologie conformément à l'article 87 de la loi de 1993.
L'autorisation est délivrée pour une durée d'un an renouvelable quatre fois, ce qui représente une durée maximale de cinq ans. Durant cette période destinée à assurer le lancement de l'entreprise, le fonctionnaire est mis à disposition de l'entreprise ou détaché auprès d'elle ou, à défaut, auprès d'un organisme concourant à la valorisation de la recherche.
A l'issue de cette période, le chercheur doit opter entre l'entreprise et le service public.
S'il choisit la première, il est mis en disponibilité ou radié des cadres. S'il choisit le second, il réintègre son corps d'origine, en conservant toutefois la possibilité de bénéficier des dispositions d'un second article qui deviendrait l'article 25-2 de la loi.
Cet article fixerait les modalités selon lesquelles un chercheur peut être autorisé à apporter son concours scientifique à une entreprise de valorisation et, éventuellement, à prendre une participation dans le capital de celle-ci. Cette disposition est apparue particulièrement opportune dans la mesure où elle permet de prévoir une position intermédiaire entre la simple consultance et le départ du chercheur vers l'entreprise.
Dans cette hypothèse, en effet, le chercheur demeure au sein du service public de la recherche, le concours scientifique devant être pleinement compatible avec le plein exercice par ce fonctionnaire de l'emploi public qu'il a à assumer. L'autorisation est accordée au terme d'une procédure identique à celle que j'ai décrite tout à l'heure, c'est-à-dire après consultation de la commission de déontologie.
Les modalités du concours scientifique sont définies dans le cadre d'une convention conclue entre la personne publique dont relève le chercheur et l'entreprise. Cela permet tous les aménagements et la souplesse désirables.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les conclusions de la commission des affaires culturelles reprennent très largement le dispositif de la proposition de loi de Pierre Laffitte sous réserve de quelques aménagements.
Le premier d'entre eux vise à rendre plus opérationnelles les dispositions de l'article 25-1.
En effet, la commission des affaires culturelles vous propose, mes chers collègues, de prévoir que le chercheur pourra participer à la négociation du contrat conclu avec l'organisme de recherche, contrat qui devra fixer les modalités de valorisation de ses travaux, à condition, bien sûr, qu'il n'agisse pas pour le compte de la personne publique dont il relève.
Toujours dans le même esprit et avec le même objectif, la commission a précisé le dispositif de l'article 25-2 relatif au concours scientifique afin de mieux l'encadrer.
Elle a ainsi limité à 10 % la hauteur de la participation d'un chercheur qui resterait au sein du service public de la recherche et souhaiterait prendre part au capital d'une entreprise innovante.
Nous avons pensé en effet que l'objet du concours scientifique est de permettre à l'entreprise de bénéficier de compétences et non seulement d'assurer le financement de l'entreprise, la participation à ce financement n'étant, en quelque sorte, de la part du chercheur, que le signe de son engagement et de sa décision de mettre ses compétences au service d'une entreprise.
Par ailleurs, afin de prévoir le cas, fréquent dans la pratique, où plusieurs chercheurs appartenant à une même équipe de recherche apporteraient leur concours scientifique à une entreprise, la commission a proposé, sur la suggestion d'un certain nombre de ses interlocuteurs, que ces chercheurs ne puissent détenir ensemble plus de 30 % du capital de l'entreprise.
Afin de garantir le statut d'indépendance qui doit caractériser cette collaboration, la commission a précisé que le chercheur ne pourra exercer des fonctions d'administrateur ou de dirigeant au sein de l'entreprise ni être placé dans une situation hiérarchique.
Enfin, le texte que je vous soumets allège le dispositif proposé en renvoyant à des décrets en Conseil d'Etat ses modalités d'application.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lors des assises de l'innovation qui se sont réunies le 12 mai dernier à La Villette, le Premier ministre reconnaissait la nécessité de « multiplier les passerelles entre la recherche publique et le monde économique » et que, à cette fin, il était « d'abord nécessaire de lever les obstacles réglementaires et législatifs qui freinent aujourd'hui cette mobilité ».
Ces déclarations nous paraissent rejoindre les préoccupations de notre collègue M. Pierre Laffitte, reprises par la commission des affaires culturelles.
En ce domaine, il faut agir vite et notre séance de ce matin n'a d'autre but que d'y inciter le Gouvernement.
Notre projet nous paraît déterminant pour l'avenir et le dynamisme de notre industrie. Nous pensons qu'il peut aider notre pays à tirer parti du potentiel que représente notre recherche fondamentale, dont l'excellence est unanimement reconnue. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, en particulier au nom de M. Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, et de M. Strauss-Kahn, dont relève le ministère de l'industrie, je vais, en quelques mots très cursifs, dire tout le bien que nous pensons de cette proposition de loi, qui, comme beaucoup de celles qui émanent du même auteur, est d'une très grande qualité.
Elle concerne un sujet essentiel pour le dynamisme de l'économie française. Chacun le sait, et vous l'avez rappelé, monsieur Gouteyron, le secteur des technologies modernes est en effet un important gisement d'emplois et occupe une part de plus en plus conséquente dans la croissance économique de notre pays.
Nous disposons par ailleurs, et je suis très heureux que vous ayez cité le rapport Guillaume, d'un fort potentiel en matière d'innovation, qui n'est toutefois pas assez développé et exploité en France.
Pour faire bénéficier l'ensemble de la société de ces atouts, il est important de favoriser la coopéation entre la recherche publique et le monde économique. La voie a déjà été tracée par le Gouvernement dès la fin de 1997 avec la création du réseau national de recherche en télécommunication, le RNRT, qui lie la recherche publique - j'évoquerai dans un instant un certain nombre d'instituts qui participent à cette recherche - la recherche privée, les laboratoires privés et les entreprises dans une convergence d'efforts au profit de notre économie et des entreprises.
Il faut certainement, vous le soulignez à juste titre, plus que par le passé permettre aux chercheurs de créer une entreprise à partir de leurs propres travaux ; il faut même les inciter à le faire.
Or la création d'entreprises par les chercheurs, par les enseignants-chercheurs et par l'ensemble des personnels de recherche en général reste aujourd'hui très insuffisante en France si on dresse la comparaison avec les Etats-Unis.
Le rapport Guillaume a confirmé ce diagnostic bien connu des spécialistes en le portant cette fois à la connaissance du grand public.
Deux chiffres éclairent les propos que nous tenons : le nombre moyen de créations d'entreprises par an et pour 1 000 chercheurs est de 0,8 ; depuis dix ans - ce chiffre peut être considéré comme dramatique - cinquante entreprises seulement ont été créées par des chercheurs en provenance du CNRS, de l'INSERM, de l'INRIA et de l'INRA.
Rappelons que les entreprises « d'essaimage » créées sur l'initiative des chercheurs connaissent un taux d'échec très bas - un cas sur six seulement - alors que, dans le secteur des industries et des services, une entreprise sur deux disparaît dans les cinq ans.
Rappelons aussi que les entreprises créées sur l'initiative des chercheurs sont en moyenne trois fois plus créatrices d'emplois que les autres, avec un effectif moyen de onze salariés quelques années après leur création.
La proposition de loi dont nous discutons lève un certain nombre de freins qui paralysent la création d'entreprises innovantes.
Analysons, là aussi de manière cursive, les causes principales du retard de la France en matière de création d'entreprises.
Les premières sont d'ordre financier.
Le capital-risque et, plus encore, le capital d'amorçage, qui participe, chacun le sait, au premier tour de table des entreprises très innovantes, n'est pas assez développé en France. Par rapport à ce qu'il est en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, le capital-risque est dans une situation que l'on peut qualifier d'indigente.
Le Gouvernement a donc voulu d'emblée lutter contre cette situation. Pour ce faire, il a créé, en mai dernier, un fonds public de 600 millions de francs destinés à abonder les fonds de capital-risque, et ce dans une démarche entrepreneuriale et non pas selon une mécanique bureaucratique, qui ne serait pas de mise en l'occurrence.
Pour 1999, 200 millions de francs sont dégagés dans le projet de loi de finances initial en faveur des fonds d'amorçage, 100 millions provenant du chapitre 66-01 affecté à mon ministère et consacré à l'innovation dans les entreprises et plus particulièrement dans les PMI - je souhaite en effet réorienter les crédits de ce chapitre ; nous aurons l'occasion d'en parler prochainement, lors de la discussion budgétaire - et 100 millions de francs étant inscrits au compte d'affectation spéciale dédié à ces fonds d'amorçage.
Les secondes causes sont d'ordre culturel.
Le monde de l'entreprise et le monde de l'enseignement, voire le monde des chercheurs et des étudiants, sont séparés. Culturellement, l'aventure entrepreneuriale n'est pas suffisamment vécue comme positive par le monde des chercheurs et par le monde de l'enseignement.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, les assises de l'innovation. Lors de ces assises, il a été décidé de développer les modules de formation à la vie de l'entreprise dans les écoles d'ingénieurs et dans les universités. J'ai, par exemple, demandé que le projet personnel de chacun des étudiants des écoles des mines et des écoles des télécommunications qui dépendent du ministère de l'industrie soit systématiquement orienté, au moins de manière informative, vers la possibilité qu'ils ont de créer leur propre entreprise. Mon collègue Claude Allègre adopte la même démarche à l'égard des autres filières de formation qui dépendent du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il existe également des causes juridiques au retard de notre pays en matière de création d'entreprises. Les règles statutaires de la fonction publique ainsi que les dispositions du code pénal sur la prise illégale d'intérêt - vous le disiez tout à l'heure avec force, monsieur le rapporteur - rendent très difficile la création d'entreprises par les personnels de recherche, alors même que ces entreprises valorisent leurs travaux et ceux de l'équipe à laquelle ils appartiennent.
Je ne rappellerai pas le détail de ces règles, qui portent sur l'obligation, d'une part, de désintéressement et, d'autre part, d'exclusivité professionnelle des fonctionnaires, ainsi que sur l'interdiction d'avoir des intérêts dans une entreprise qui a des relations avec son organisme d'origine. J'évoquerai simplement les difficultés que crée l'application de ces règles au regard des impératifs que j'ai mentionnés plus haut.
En pratique, les personnels de recherche doivent être placés en position de disponibilité avant de créer leur entreprise et de négocier les contrats de collaboration avec leur organisme de recherche. Cette contrainte est très dissuasive et elle est en fait impossible à respecter dans la phase de création de l'entreprise.
C'est à ce problème que la proposition de loi en discussion s'attaque à juste titre.
Je n'insisterai pas sur le détail juridique et technique de cette proposition, qui reprend d'ailleurs en grande partie les dispositions de l'avant-projet de loi qu'avait préparé M. d'Aubert, sous la précédente majorité.
Je dirai seulement que le Gouvernement partage le point de vue de MM. Laffitte et Gouteyron et qu'il souhaite, comme eux, concilier les obligations résultant des règles de la fonction publique et la nécessaire participation des chercheurs au développement des entreprises de valorisation.
Le Gouvernement souhaite également expliciter, pour les chercheurs devant collaborer à des entreprises destinées à valoriser leurs travaux, les contours de l'article 432-13 du code pénal définissant la prise illégale d'intérêts, qui est objectivement aujourd'hui un élément bloquant, sur le plan juridique, de la situation que nous cherchons précisément à faire évoluer.
Il s'agit d'encadrer la prise d'intérêts des chercheurs dans des entreprises qui vont avoir ou qui ont eu des liens avec le laboratoire dans lequel ils continuent d'exercer.
J'ajoute que des dispositions analogues seront incluses dans le projet de loi sur l'innovation et la recherche que M. Claude Allègre présentera en conseil des ministres et qui sera certainement déposé au Parlement avant la fin de l'année.
Le principe comme l'économie générale des dispositions que vous avez tout à l'heure présentées, monsieur le rapporteur, ne soulèvent donc aucune objection de la part de M. Allègre, de moi-même et du Gouvernement dans son ensemble.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Sur des points de détail, quelques remarques peuvent être cependant formulées à l'encontre de cette excellente proposition de loi.
Comme je l'ai indiqué, le futur projet de loi sur l'innovation et la recherche contiendra des dispositions voisines de celles qui sont aujourd'hui débattues, mais il convient de relever un certain nombre de différences.
Concernant tout d'abord l'article 25-1 qu'il est proposé d'insérer dans la loi du 15 juillet 1982, la proposition de loi donne la possibilité aux personnels de recherche de participer en tant qu'associé administrateur ou dirigeant à la création d'une entreprise qui valorise leurs travaux et qui a des relations contractuelles avec leur organisme d'origine. Dans l'avant-projet de loi, il est spécifié que l'apport de l'associé peut se faire en capital, en nature ou en industrie, pour couvrir tous les cas de figures possibles.
De même, aux termes de la proposition de loi, l'autorisation est donnée par une commission de déontologie afin de garantir l'indépendance et la neutralité du service public. Dans l'avant-projet de loi, un avis consultatif de l'organisme de recherche est également sollicité dans un souci de transparence.
Toujours à l'article 25-1, selon le texte en discussion, à compter de la date d'autorisation, la personne est mise à disposition de l'entreprise ou placée en position de détachement ; elle cesse toute participation au service public. Dans l'avant-projet, elle peut continuer à exercer des activités d'enseignement.
Je pense que, sur ce point, l'avant-projet de loi est meilleur que la proposition de loi mais qu'il ne devrait pas être très difficile de rapprocher nos points de vue.
Autre différence : dans la proposition de loi, l'autorisation est donnée pour un an et renouvelable quatre fois, soit pour cinq ans au total. Dans l'avant-projet, elle est accordée pour une durée de deux ans renouvelable deux fois, soit six ans au total, de façon que, tous les deux ans, un point puisse être fait sur l'avancement du projet et que le créateur d'entreprise puisse éventuellement être aidé.
Là aussi, parce que la philosophie est commune, je pense que l'on peut dégager une forte convergence entre la proposition de loi et l'avant-projet.
Au terme de l'autorisation qu'il a obtenue, le chercheur créateur d'entreprise doit choisir entre la mise en disponibilité et le retour au service public, auquel cas il met fin à sa collaboration avec l'entreprise dans les six mois - c'est le délai prévu par la proposition de loi - qui suivent son retour dans le service public. A cet égard, l'avant-projet prévoit quant à lui un délai d'un an, ce qui laisse plus de temps au chercheur pour se retourner et introduit une plus grande souplesse. En tout cas, cela va dans le sens de la philosophie de la proposition de loi.
J'en viens maintenant au texte de l'article 25-2 qu'il est proposé d'insérer dans la loi de 1982.
La proposition de loi donne la possibilité aux personnels de recherche d'apporter leur concours scientifique et leur capital à une entreprise qui valorise leurs travaux.
S'agissant du concours scientifique, il doit être prévu par une convention conclue entre la personne publique qui emploie la personne intéressée, d'une part, et l'entreprise, d'autre part. Dans l'avant-projet du Gouvernement, cette rémunération est plafonnée, car il ne s'agit pas d'autoriser le fonctionnaire à faire de la consultance plus d'un jour par semaine.
S'agissant du concours financier, il est limité, dans la proposition de loi, à 10 % par personne et ne peut dépasser 30 % pour l'ensemble des fonctionnaires d'un même organisme. Dans l'avant-projet, le seuil est de 15 % par personne, car c'est seulement au-delà de ce seuil qu'il y a un véritable risque juridique au regard du code pénal. Il n'y a en outre pas de seuil global, car cela rendrait plus difficile la collecte de fonds par les créateurs d'entreprise.
L'avant-projet est donc, là encore, plutôt plus souple quant à la philosophie générale de la participation des chercheurs à la vie économique.
Enfin, l'avant-projet du Gouvernement se distingue de la proposition de loi par deux dispositions importantes.
Nous prévoyons d'abord une meilleure articulation par rapport au code pénal. L'avant-projet interdit toute participation dans une entreprise avec laquelle le chercheur a négocié durant les cinq dernières années.
Cette disposition est destinée non pas à ralentir le processus, mais à protéger le chercheur contre d'éventuelles poursuites judiciaires, afin qu'il dispose de toute la sécurité nécessaire au moment où il s'engage dans une entreprise.
Nous envisageons en outre un champ d'application plus large. L'avant-projet gouvernemental concerne également des contractuels comme les ATER - les attachés temporaires d'enseignement et de recherche - ou les jeunes docteurs non titulaires, et non pas seulement les fonctionnaires. En effet, c'est aussi ce public qui créera des entreprises.
Nous pensons ainsi fertiliser le système d'enseignement en matière de création d'entreprises, et donc d'emplois.
Mon dernier point concernera les compléments qu'apportera le projet de loi sur l'innovation et sur la recherche par rapport au sujet qui est spécifiquement visé par la présente proposition de loi.
Il est, je le répète, tout à fait opportun de prévoir la participation de fonctionnaires à la création d'entreprises innovantes, mais ce n'est pas suffisant. Le futur projet de loi contiendra donc d'autres dispositions tendant à favoriser la collaboration entre la recherche et les entreprises, car c'est bien cette collaboration qui permettra la création d'entreprises innovantes.
Sans dévoiler, à ce stade, le contenu de ce projet, je citerai quatre axes essentiels.
Le premier est l'allégement des formalités administratives pour la création par les établissements de recherche et d'enseignement supérieur de groupements d'intérêt public ou de structures privées de coopération avec les entreprises.
Dans tous les domaines, le Gouvernement s'efforce d'alléger les contraintes administratives, beaucoup trop lourdes. C'est l'excellent travail que ma collègue Marylise Lebranchu a déjà réalisé dans le domaine des entreprises, en liaison avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il s'agit, pour Claude Allègre, de promouvoir le même état d'esprit d'allégement et de souplesse administrative pour les établissements de recherche et d'enseignement supérieur.
Le deuxième axe a trait à la contractualisation entre l'Etat et les organismes de recherche afin de faire apparaître des objectifs en matière de transferts de technologie. Le système contractuel est au fond le meilleur, car chacun défend à la fois son identité et son projet, et la convergence des deux interlocuteurs peut se révéler fertile pour la recherche et la création d'activités économiques.
Le troisième axe concerne la clarification des modalités d'indemnisation pour perte d'emploi des personnels contractuels embauchés pour effectuer des travaux de recherche en collaboration avec une entreprise. Il s'agira de mettre fin, dans ce domaine, à la pratique des associations par lesquelles passent trop souvent, pour des raisons de commodité, les universités et les établissements de recherche.
Enfin, le quatrième axe complémentaire vise la possibilité, pour les universités et les établissements de recherche, de créer des « incubateurs », qui apporteront une aide à de très jeunes entreprises de haute technologie, moyennant rémunération.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je répète que le Gouvernement approuve l'économie globale de la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise. Vous aurez certainement noté que les quelques remarques que j'ai formulées vont dans le même sens que cette proposition de loi et qu'elles éclairent la volonté du Gouvernement de s'engager résolument dans la voie qui est ainsi ouverte.
L'esprit de cette proposition de loi est donc totalement rejoint par le projet de loi qui est actuellement en cours d'élaboration et qui sera d'ailleurs bientôt soumis au Conseil d'Etat, ce qui témoigne de l'imminence de son dépôt au Parlement.
Nous considérons qu'il vaut mieux engager la discussion sur un projet de loi global comprenant un ensemble cohérent de dispositions lorsque nous aurons achevé la consultation des différents partenaires concernés. La procédure du projet de loi sur l'innovation et la recherche va donc se poursuivre et le Parlement sera saisi de ce texte au plus tard au début de l'année 1999.
Je veux dire à nouveau la satisfaction du Gouvernement de voir avec quelle profondeur, une fois de plus, le Sénat a abordé un sujet majeur au regard de l'avenir économique et social de notre pays, ainsi que de la création d'emplois et d'entreprises. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est pour moi un grand plaisir de voir aboutir cette proposition de loi, qui n'est ni de droite ni de gauche, qui est d'avenir.
Je suis également très heureux de la part qu'a prise dans ce processus la commission des affaires culturelles du Sénat, présidée par mon ami Adrien Gouteyron.
Il s'agit d'un sujet qui est au coeur de mon activité professionnelle depuis plus de trente ans. Voilà en effet plus de trente ans que j'ai créé au sein de l'Ecole nationale supérieure des mines de Paris une dynamique de liaison entre la recherche publique et la recherche privée. Bien entendu, comme tout le monde, je suis passé par le système des associations.
Toutefois, cette structure est celle d'une association véritable, dotée d'un statut du personnel, de délégués du personnel, reconnue d'ailleurs comme telle à différentes reprises par la Cour des comptes, qui, sur ce point, est très sourcilleuse.
Aujourd'hui, l'association Armines gère des milliers de contrats passés entre la recherche publique et la recherche privée pour le compte d'un certain nombre d'opérateurs, tels que les écoles des mines de Paris, de Saint-Etienne, de Nancy, d'Alès, de Douai, de Nantes et d'Albi, mais aussi l'Ecole polytechnique, ainsi que d'autres grandes écoles et universités.
Par conséquent, la démonstration est faite que la création de telles structures est techniquement possible. C'est délicat car il subsiste toujours le soupçon d'une éventuelle prise illégale d'intérêts de la part de fonctionnaires ou d'agents de l'Etat. Aussi des problèmes spécifiques me paraissent-ils subsister, comme l'ont souligné M. le secrétaire d'Etat et mon ami Adrien Gouteyron.
Ces problèmes sont, d'abord, de nature culturelle. Traditionnellement, dans l'université française, dans les centres de recherche français, il était d'usage de considérer que tout ce qui touchait à l'utilisation pratique de la science avait un mauvais renom et sentait un peu le soufre. Cela sentait l'industrie et, l'industrie, pensait-on, c'était le profit, donc c'était mauvais. Telle était l'opinion partagée par certains !
Je suis heureux que nous puissions parler au passé, du moins au niveau politique supérieur. Je suis heureux qu'il soit actuellement reconnu que nous ne saurions nous passer de l'industrie, de l'économie au sens large, ne serait-ce que pour garantir le fonctionnement des services publics et la rémunération des fonctionnaires.
Un grand progrès a été accompli et je m'en réjouis. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que ce problème dépasse les clivages politiques. J'en veux pour preuve le fait qu'à l'heure actuelle, l'ensemble du Gouvernement, notamment Claude Allègre, Dominique Strauss-Kahn et vous, Christian Pierret, considère qu'il faut en France développer les créations d'entreprises, surtout de celles qui sont fondées sur l'innovation.
Nous venons de loin, mais nous n'avons pas encore atteint le but fixé parce qu'il subsiste toujours, venant du passé, des adhérences - en général, les adhérences, du point de vue médical, ce n'est pas très bon - qui correspondent à l'état actuel de notre droit.
Il est certain qu'il nous faudra régler des problèmes juridiques importants. Et il conviendrait de modifier certaines pratiques internes au système de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Je pense en particulier à la grande différence entre le fonctionnement de certaines des meilleures universités américaines et celui de nos établissements d'enseignement supérieur. Dans une université américaine, il existe un ensemble de services qui, en matière de propriété industrielle, sont comparables à ceux d'une grande firme. Or je ne connais pas d'université française ou de grande école française qui soit pourvue d'un service comparable, capable de gérer une politique de protection intellectuelle et industrielle : brevets, licences, gestion dynamique des droits et devoirs liés à la valorisation du produit des recherches. C'est un simple exemple. En matière de transfert de technologie et de valorisation, nous sommes en retard.
Pourtant, s'agissant du pourcentage du produit intérieur brut consacré à la recherche publique, nous sommes le numéro un mondial. Je m'en réjouis parce que, grâce à la recherche publique, nous pouvons envisager l'avenir lointain en intégrant un certain nombre de paramètres qui ne sont pas pilotés par le court terme. On ne peut toutefois s'en réjouir que dans la mesure où plus d'efforts seraient consentis pour que le transfert de compétences vers l'utilisation par l'économie, par les forces vives de la nation, soit effectivement réalisé ; malheureusement, malgré les progrès accomplis, ce n'est pas le cas.
D'autres préoccupations, au premier rang desquelles se situent celles qui sont d'ordre financier, doivent être prises en compte. Je me félicite de fait que, sur ce point aussi, le Sénat s'en soit inquiété. En effet, c'est par l'intermédiaire du groupe « Innovation et entreprise », créé sur l'initiative de la commission des affaires culturelles, groupe que j'ai l'honneur de présider, qu'a été lancé le mouvement tendant à la création du « nouveau marché ».
Ce dernier constitue une structure qui permet enfin aux sociétés de capital-risque de trouver une possibilité de sortie grâce au marché boursier pour les capitaux qu'elles ont investis dans les entreprises innovantes et d'avoir donc des liquidités qu'elles peuvent réinvestir. Cela existait dans les pays anglo-saxons, notamment outre-Atlantique.
Le nouveau marché, innovation en Europe, a été suivi par une opération analogue en Allemagne avec le Neuer Markt et en Belgique. A l'ensemble coordonné sous le nom d'Euro NM s'ajoute un équivalent potentiel du NASDAQ américain.
Pour progresser dans cette voie, sans doute faudra-t-il promouvoir une meilleure coordination des législations en Europe : il n'existe pas actuellement d'entreprises de droit européen.
Certes, un GIE européen, sur l'initiative de la France, existe, mais il n'y a pas encore de sociétés européennes. Si cette question peut sembler quelque peu marginale, il n'en demeure pas moins que le financement correspondant revêt un caractère tout à fait essentiel.
Le Sénat a également renforcé la possibilité d'investissement sous forme de fonds communs de placement innovation. Nous saisirons, monsieur le secrétaire d'Etat, l'occasion du débat budgétaire pour conforter le système des stocks options, indispensable au fonctionnement d'une économie moderne qui se doit de s'appuyer sur les sociétés innovantes.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui témoigne parfaitement de cet état d'esprit. Il a été rappelé que ce n'était pas une innovation puisque, sous le précédent gouvernement, un projet analogue avait déjà été élaboré.
Pour ma part, en 1980, j'avais été nommé président du comité de la recherche du VIIIe Plan par MM. Raymond Barre et Valéry Giscard d'Estaing. A cette époque qui n'est donc pas toute récente, j'avais insisté sur la nécessité de modifications juridiques en vue de faciliter la mobilité des chercheurs, source d'un transfert phénoménal de compétences et de savoir-faire vers le monde économique.
La possibilité pour les chercheurs fonctionnaires de créer des entreprises a été évoquée ici au Sénat lors d'un débat budgétaire à l'occasion duquel j'avais déposé un amendement. M. Sautter m'avait alors conseillé d'attendre les assises de l'innovation. Elles nous ont effectivement permis de constater que la volonté gouvernementale est forte ; M. le secrétaire d'Etat et M. Gouteyron l'ont rappelé. Aujourd'hui, nous recommençons. La persévérance est une vertu, lorsqu'il s'agit de l'intérêt général.
Vous venez, monsieur le secrétaire d'Etat, de mentionner l'accord du Gouvernement sur le fond de notre proposition de loi telle que modifiée par la commission. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec M. Claude Allègre, qui m'a indiqué que son accord était d'autant plus fort que, selon ses termes, notre proposition de loi représentait 30 % du projet de loi d'innovation qu'il allait bientôt présenter.
Pour ma part, je ne souhaite pas que l'adoption de cette proposition de loi soit à nouveau retardée, sous prétexte qu'il existe un projet de loi analogue.
Je suis, en revanche, extrêmement sensible, monsieur le secrétaire d'Etat, à vos propos s'agissant de modifications éventuelles. Je vais même jusqu'à me demander - voyez jusqu'où va mon outrecuidance - si vous ne pourriez pas nous proposer quelques amendements qui permettraient de prendre d'ores et déjà en compte les desiderata gouvernementaux dans cette proposition de loi, soit maintenant, soit au cours de la navette parlementaire.
Je partage tout à fait votre opinion quant au seuil : vous avez parfaitement raison de juger préférable de fixer celui-ci à 15 % plutôt qu'à 10 %, voire d'envisager de retenir un seuil global qui serait défendable s'il arrivait qu'une équipe de six ou sept chercheurs quitte le service public pour fonder une entreprise.
Je pense à ce propos à la création récente, à Sophia-Antipolis, d'une entreprise appelée Realize. Fondée sur l'initiative de chercheurs de l'INRIA - l'Institut national de recherche en informatique et en automatique - cette entreprise deviendra probablement l'une des majors à l'échelon mondial, en particulier en matière d'images de synthèse et d'images virtuelles, en tout cas, une entreprise à croissance très rapide. En effet, elle est en train de conquérir le marché mondial, et elle a déjà obtenu, après seulement quelques mois d'existence, des contrats avec les grands de Hollywood.
Son innovation, qui permet de diminuer très fortement le temps nécessaire pour réaliser des images virtuelles, engendre, par conséquent, une très importante diminution des coûts de ces applications particulières. On connaît les budgets de films tels Jurassic Park ou Titanic et l'on voit qu'il s'agit de conséquences financières non négligeables.
Il y a ici, indiscutablement, urgence. Il faut bien reconnaître que les quelques centaines de chercheurs qui participent actuellement à la préparation de ce type de société travaillent à la limite de la légalité. Bien des travaux qu'ils réalisent en la matière pourraient, sous l'effet d'un juridisme excessif, les rendre passibles des tribunaux. Le monde de la recherche, le monde de l'innovation, bref le monde de tous ceux qui construisent une part considérable de notre avenir économique seraient conduits à abandonner ou à émigrer.
Par conséquent, il est urgent d'agir. Vous nous avez parlé de la présentation d'un projet de loi devant le Parlement avant la fin de la session. Je crains toutefois, et je vous prie de m'excuser de cette réticence, que les consultations encore nécessaires ne soient pas aussi aisées que nous l'espérons tous, je pense, sur ces bancs. Des retards ne sont pas à exclure. Evitons-les ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, même si je reconnais tout l'intérêt du texte présenté par M. Laffitte, mon propos sera légèrement moins enthousiaste que le sien.
Il ne saurait s'en étonner car il sait que les socialistes sont attachés, de façon peut-être trop consubstantielle, au service public pour ne pas manifester quelques réticences à l'égard de ce mouvement de rapprochement du service public et du secteur privé dans de nombreux domaines.
Il n'empêche que ce texte est d'importance, même s'il subsiste quelques incertitudes, voire quelques inquiétudes quant à son devenir et à ses conséquences.
Tout le monde l'a dit mais je le répète, il est issu du travail qui avait été fait par Alain Juppé dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, ainsi que du travail qui avait été fait par M. d'Aubert.
C'est un précédent dans la mesure où il pourrait constituer la matrice d'un projet de loi dont la présentation nous a été annoncée tout à l'heure.
Il s'inscrit tout à fait dans le mouvement d'ouverture du service public dont, dès son arrivée au Gouvernement, M. Lionel Jospin a reconnu l'intérêt.
Lors de sa prise de fonctions, le Premier ministre a dit qu'il fallait savoir « cultiver le goût du risque et le désir d'entreprendre ».
C'est peut-être un moyen indirect pour dire qu'il faut savoir oser quitter la tranquillité et la sécurtié du service public.
M. Pierre Laffitte. Très juste !
M. Franck Sérusclat. Pour sa part, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, M. Claude Allègre, a indiqué qu'il fallait favoriser la création d'entreprises innovantes par des chercheurs issus de la recherche publique. Quant à M. le secrétaire d'Etat, il vient de présenter tout ce que le Gouvernement prévoyait d'entreprendre en ce domaine. Il s'agit de mesures d'essaimage, peut-être avec l'intention, non dite, d'atténuer les charges de l'Etat dans d'autres domaines du service public. Il s'agit aussi de la mise en place d'un fonds d'amorçage pour la création d'entreprises, d'une orientation de la recherche publique sur l'innovation technologique et d'une utilisation de l'ANVAR - Agence nationale de valorisation de la recherche - et des fonds consacrés à la recherche technologique.
Cependant, selon moi, à travers les propos tenus par M. Philippe Lazar en 1993, une difficulté essentielle demeure, à savoir concilier, sans les altérer, la logique de la recherche du service public, qui vise à découvrir des connaissances pour les mettre à disposition d'autres personnes, et la logique de l'entreprise privée, qui a pour objet de produire un bien commercialisable.
Il est bien évident qu'il faut concilier ces deux logiques, c'est-à-dire faire en sorte qu'elles se supportent et se complètent. C'est le pari qui sous-tend la présente proposition de loi.
Comme vous l'avez indiqué clairement, monsieur le secrétaire d'Etat, celle-ci aura des incidences sur les textes en vigueur, en particulier l'article 25 du code de la fonction publique, qui interdit à tout fonctionnaire d'exercer une activité privée, et les articles 432-12 et 432-13 du code pénal, qui prévoient une sanction en cas de prise illégale d'intérêts.
Tout cela montre que, si l'intention peut être considérée comme positive, des difficultés sont à vaincre pour que cette proposition de loi entre dans la vie pratique tant des chercheurs du service public que des entreprises privées.
Je ne reviendrai pas sur les différences entre ce texte et le projet de loi, car vous l'avez fait très largement et de façon très claire, monsieur le secrétaire d'Etat. Je ne reviendrai pas non plus sur tout ce qu'a dit M. Laffitte, qui a détaillé, mieux que je n'aurais pu le faire moi-même, le contenu de l'article unique de cette proposition de loi.
Si ce texte suscite quelques réserves de notre part, nous sommes tout à fait conscients que les expériences de partenariat, qui sont menées actuellement, en particulier avec Rhône-Poulenc - Rorer, dans le cadre du CNRS et d'autres organismes d'Etat, présentent un réel intérêt tant pour les chercheurs qui sont parvenus à des résultats que pour ceux qui utilisent ensuite ceux-ci dans le secteur privé.
Ce texte ne constitue pas, pour nous, un danger pour l'évolution de la société, même si, personnellement je suis très inquiet devant une trop grande référence au modèle américain. En effet, les Américains ne font pas passer le respect de l'individu avant le désir de faire du profit. Certes, je ne voudrais pas comparer cette situation à la tentative de McDonald's visant à modifier complètement les conceptions de la nutrition en France. C'est son pari. Je crains que, comme l'a écrit Paul Virilio, auteur connu dans le domaine de l'informatique et qui vient de publier La Bombe informatique, les Etats-Unis ne mènent un combat pour s'imposer par l'informatique, où il n'y a plus d'attente et où tout est immédiat. Ainsi, l'idée qui sous-tend l'AMI, l'accord multilatéral sur l'investissement, n'est pas de nature à nous rassénérer sur les bonnes intentions des Etats-Unis.
Certes, il convient sans doute de se référer à ce pays, comme vous le disiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il ne faut pas déférer à ses oukases.
En conclusion, je m'inscris dans ce que l'on peut sans doute déjà considérer comme une démarche du passé, à savoir l'attachement presque consubstantiel des élus socialistes au service public.
Pendant longtemps, le service public a été indispensable au développement d'un pays qui d'analphabète est devenu majeur et qui a pris, notamment dans le domaine de l'enseignement, une part déterminante dans la formation de nos concitoyens. Par conséquent, les socialistes sont attachés à la protection du service public afin qu'il n'éclate pas et que tout ne devienne pas privé, peut-être aussi par crainte des Etats-Unis.
Aussi est-il inconcevable que le groupe socialiste vote contre ce texte, mais il hésite à voter pour, ...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur. Allez-y !
M. Franck Sérusclat. ... car il donne tout de même priorité au projet de loi qui nous sera soumis prochainement.
M. Philippe Nogrix. Cessez d'hésiter !
M. Franck Sérusclat. Aussi, notre groupe s'abstiendra.
M. Pierre Laffitte. Encore un petit effort ! (Sourires.)
M. Franck Sérusclat. Je rappelle que cette proposition de loi a de grandes qualités. En effet, elle a permis de déblayer le terrain, de mener une réflexion et elle a donné au Gouvernement, j'en suis persuadé, des idées pour parfaire son propre texte. Monsieur Laffitte, vous aurez au moins eu le mérite, en ce domaine comme en tant d'autres, d'avoir été un pionnier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bravo !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a un objet bien précis : elle vise à faciliter la création et le développement d'entreprises par des chercheurs. Son auteur, M. Pierre Laffitte, qui connaît parfaitement ce secteur, affirme que les entreprises créées sur l'initiative des chercheurs et des professeurs des grandes écoles ou d'universités ont un taux d'échec remarquablement faible et sont, en moyenne, trois fois plus créatrices d'emplois que les autres. Dès lors, pourquoi ne pas encourager la valorisation des résultats de la recherche publique dans le secteur privé ?
Nul n'ignore la qualité de nos chercheurs. Ils sont souvent montrés en exemple dans le monde entier pour leurs travaux scientifiques. Les prix Nobel attribués à Jean-Marie Lehn, à Pierre-Gilles de Gennes ou à Georges Charpak témoignent de la vivacité et de l'excellence de la recherche française. M. Allègre lui-même n'est-il pas l'un des meilleurs représentants de la communauté scientifique ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que vous trouverez dans l'initiative de M. Pierre Laffitte une solution pour que le secteur de la recherche, dont on a souvent dit qu'il était renfermé sur lui-même, valorise ses résultats dans des applications commerciales pas nécessairement capitalistiques et participe au développement de notre pays.
J'estime, pour ma part, que cette proposition de loi, en mettant en oeuvre des dispositions simples et équilibrées, est de nature à donner une bouffée d'oxygène à l'innovation. Elle tend à encourager toutes les audaces technologiques, tous les talents qui peuplent nos laboratoires. Elle peut également être un moyen d'éviter la fuite de matière grise vers l'étranger.
Vous connaissez mieux que moi, monsieur le secrétaire d'Etat, l'univers hypercompétitif mais extrêmement stimulant de la recherche aux Etats-Unis, même si cela ne doit pas être, j'en conviens, notre seul credo. Ainsi, les professeurs de Stamford financent eux-mêmes leurs travaux grâce au capital-risque. Dès lors, il n'est pas étonnant que les résultats de ces travaux soient immédiatement utilisés dans des applications commerciales. L'utilisation des protocoles de transferts de données sur Internet a, par exemple, suivi cette voie.
Pour autant, les chercheurs français du Centre national d'études des télécommunications, le CNET, ou de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, l'INRIA, ne sont pas moins en avance que leurs homologues américains. C'est là que la vocation ou l'esprit positif doit nous animer, car nous ne devons pas avoir de complexe vis-à-vis de nos homologues américains. Le seul handicap de nos chercheurs résidait jusqu'à présent dans la difficulté à valoriser leurs travaux.
La proposition de loi tend à remédier à cet inconvénient en assouplissant, sous certaines conditions, les règles statutaires de la fonction publique, dont je ne vois pas la mise en danger immédiate.
Dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les perspectives de valorisation sont considérables. Les Français, vous le savez, possèdent des atouts potentiels pour faire émerger leurs technologies de l'Internet. C'est d'ailleurs l'un de nos compatriotes qui a été nommé en 1996 à la tête du World Wide Web Consortium, l'organisme chargé de piloter les évolutions de « la toile » dans le monde entier.
Alors que toutes les technologies clés pour l'Internet sont aujourd'hui disponibles, il faut sans plus attendre permettre à nos chercheurs de valoriser leurs travaux sur le marché. Cela aura des répercussions en matière de stimulation de l'innovation et, surtout, en matière d'emplois. Aujourd'hui, la maîtrise des innovations est aussi stratégique que la création des contenus ou le partage des connaissances. A quoi sert un nouveau procédé de transfert de données s'il reste au stade expérimental dans un laboratoire ? Il est impératif que les chercheurs puissent le développer, le commercialiser en participant à la création d'une entreprise, en y apportant leur soutien scientifique. C'est le seul moyen de faire face à la concurrence, notamment américaine.
L'initiative de M. Pierre Laffitte constitue une passerelle entre deux mondes qui, trop souvent, s'ignorent : celui de la recherche scientifique et celui de l'entreprise. Pour autant, il ne faut pas que le marché soit le seul régulateur des choix technologiques. Le soutien public à la recherche fondamentale - j'insiste sur ce point - doit demeurer une priorité nationale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis un peu inquiet du parcours parlementaire de la proposition de loi de M. Laffitte. Cependant, je suis heureux, pour lui et pour nous, de votre volonté de prendre à bras-le-corps le problème en proposant une réforme de notre approche de l'innovation et de la recherche.
Je me permets d'insister - nous y reviendrons sans doute plus tard - sur le statut des chercheurs dont la fonction d'enseignant doit être valorisée. Il ne doit plus s'agir d'une obligation ; ces chercheurs ne devraient pas être soumis en permanence à la notion de publication. Il faudrait aussi résoudre le problème de leur parcours. Mais ils doivent être aussi, comme ils peuvent être au service de l'entreprise, au service de l'étudiant et de sa formation. Nous serons donc attentifs au fait que les propositions de M. Laffitte puissent bénéficier du transfert idées-actions.
C'est pourquoi le groupe de l'Union centriste votera cette proposition de loi telle qu'elle a été en partie réécrite par la commission des affaires culturelles, car elle apporte un nouveau souffle à l'initiative privée et encourage les talents. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Laffitte applaudit également.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat permet de mesurer l'ampleur du chemin parcouru dans la société française. M. Laffitte a rappelé tout à l'heure que ces sujets avaient déjà été abordés voilà dix ou quinze ans. Aujourd'hui, nous les abordons dans un esprit constructif, dynamique, qui converge avec ce que M. le Premier ministre a souhaité impulser au sein de la société française lorsque, en organisant les assises de l'innovation, il a donné à ce dernier mot une sorte de contenu, d'impératif catégorique pour l'évolution de l'économie et de la société de notre pays. Le chemin parcouru est gigantesque.
Je voudrais, en trois points extrêmement brefs, réaffirmer à la suite de M. Sérusclat que nous n'avons pas à suivre de modèle étranger pour notre marche en avant s'agissant de la création d'entreprises, de la création d'activités, de valeurs et d'emplois. Ce n'est pas le modèle américain que nous suivons, et M. Sérusclat a tout à fait raison sur ce point ; c'est un modèle que nous créons nous-mêmes, qui témoigne de la richesse de la capacité française à créer ses propres voies. Ce modèle est le modèle français de créations d'entreprises par l'innovation.
Il s'agit donc bien de s'inspirer de notre tradition, de notre système d'enseignement et de notre relation à l'entreprise. Réaffirmons ici de manière très nette qu'il s'agit d'un modèle français (M. Sérusclat applaudit) auquel chacun des orateurs a contribué dépuis des années et qui, aujourd'hui, doit s'imposer à nous comme étant une ligne autonome, indépendante, originalement française.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'en viens à ma deuxième idée : je ne pense pas que ce dont nous discutons met en cause le service public. L'esprit du service public - et je relie cela à ma première proposition qui visait le modèle français - peut être parfaitement servi par l'idée que peuvent naître au sein de celui-ci suffisamment d'esprit de créativité, de responsabilités et d'initiatives pour nourrir, par des voies originelles, l'esprit d'entreprise et la responsabilité de la création de valeurs à partir de ses membres.
Nous devons donc veiller, comme l'a indiqué tout à l'heure M. Sérusclat, à ce que ces valeurs-là, auxquelles nous sommes fondamentalement attachés, puissent constituer le socle d'un nouveau départ, un tremplin en quelque sorte vers l'esprit d'entreprise. Il n'y a pas opposition entre service public et esprit d'entreprise.
J'en viens à ma troisième et dernière remarque. Ce qui est en jeu, aujourd'hui, s'étend à mon avis bien au-delà de la recherche et de l'entreprise. C'est une conception de la société, une conception de l'économie que nous défendons les uns et les autres, à savoir une économie fondée sur l'initiative, sur la création d'entreprises et sur la responsabilité de celui qui assume le risque.
Comme l'a souligné mon collègue Claude Allègre, lors des assises de l'innovation, comme je l'avais moi-même indiqué lors de ces mêmes assises et comme M. Dominique Strauss-Kahn le confirme très souvent, notamment au Sénat, nous sommes des partisans résolus d'une bonne assomption du risque dans la société. Quel plus bel exemple pourrait-on trouver que celui d'hommes et de femmes issus du système d'enseignement et de la recherche assumant pour eux-mêmes, en vue de créer de la valeur dans la société, donc, en fin de compte, pour créer de l'emploi, le risque de la création d'entreprise ?
Tel est l'objet de notre débat d'aujourd'hui. Et c'est à mon avis le message que nous devons donner aux jeunes chercheurs, qui, parce qu'ils sont jeunes, sont souvent plus productifs que d'autres dans l'acte de recherche, aux jeunes élèves de nos écoles d'ingénieurs, entre autres, et aux jeunes fréquentant l'université : assumons pour la société, pour l'emploi, pour l'économie, donc pour la croissance, le risque de la création d'entreprise.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Faisons-le en préservant nos valeurs, qui sont celles de la société française et qui répondent de manière très intime et très dynamique au modèle français de développement et d'innovation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Il est inséré après l'article 25 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France deux articles nouveaux ainsi rédigés :
« Art. 25-1 . - Les fonctionnaires civils des services publics définis à l'article 14 peuvent être autorisés à participer, en qualité d'associé, d'administrateur ou de dirigeant, à la création d'une entreprise dont l'objet est d'assurer, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique, la valorisation des travaux de recherche qu'ils ont réalisés dans l'exercice de leurs fonctions.
« L'autorisation doit être demandée préalablement à la négociation du contrat prévu au premier alinéa et au plus tard trois mois avant l'immatriculation de l'entreprise au registre du commerce et des sociétés. Le fonctionnaire intéressé ne peut participer à l'élaboration ni à la passation du contrat pour le compte de la personne publique avec laquelle il est conclu.
« L'autorisation est accordée, après avis de la commission prévue par l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, pour une période d'un an renouvelable quatre fois.
« A compter de la date d'effet de l'autorisation, l'intéressé est, soit détaché dans l'entreprise, soit mis à disposition de celle-ci ou d'un organisme qui concourt à la valorisation de la recherche. Il cesse toute activité au sein du service public de la recherche.
« Au terme de l'autorisation, le fonctionnaire peut :
« - être, à sa demande, placé en position de disponibilité ou radié des cadres s'il souhaite conserver des intérêts dans l'entreprise ;
« - être réintégré au sein de son corps d'origine. Dans ce cas, il cède ses droits sociaux et met fin à sa collaboration avec l'entreprise dans un délai de six mois. Il peut toutefois être autorisé à apporter son concours scientifique à l'entreprise et à conserver une participation dans le capital de celle-ci dans les conditions prévues à l'article 25-2.
« L'autorisation peut être retirée ou non renouvelée si les conditions qui ont permis sa délivrance ne sont plus remplies. Dans ce cas, le fonctionnaire ne peut poursuivre son activité dans l'entreprise que dans les conditions prévues à l'article 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. S'il ne peut conserver d'intérêts dans l'entreprise, il dispose du délai prévu au septième alinéa pour y renoncer.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. Il précise les conditions d'octroi, de renouvellement et de retrait de l'autorisation, qui ne peut porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche. Il fixe également les conditions dans lesquelles la commission mentionnée au troisième alinéa est tenue informée, pendant la durée de l'autorisation et durant cinq ans à compter de son expiration ou de son retrait, des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche.
« Art. 25-2 . - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa de l'article 25-1 peuvent être autorisés à apporter leur concours scientifique à une entreprise qui assure, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique, la valorisation des travaux de recherche qu'ils ont réalisés dans l'exercice de leurs fonctions.
« Les conditions dans lesquelles le fonctionnaire intéressé apporte son concours scientifique à l'entreprise sont définies par une convention conclue entre l'entreprise et la personne publique mentionnée au premier alinéa. Elles doivent être compatibles avec le plein exercice par le fonctionnaire de son emploi public.
« Le fonctionnaire peut également être autorisé à prendre une participation dans le capital social de l'entreprise, dans la limite de 10 % de celui-ci. Lorsque plusieurs fonctionnaires relevant de la personne publique mentionnée au premier alinéa apportent leur concours scientifique à l'entreprise, la totalité des participations qu'ils détiennent dans son capital ne peut excéder 30 % de celui-ci.
« Le fonctionnaire ne peut participer à l'élaboration ni à la passation des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. Il ne peut, au sein de l'entreprise, exercer des fonctions d'administrateur ou de dirigeant, ni être placé dans une situation hiérarchique.
« L'autorisation est délivrée après avis de la commission mentionnée au troisième alinéa de l'article 25-1. Elle est retirée si les conditions qui avaient permis sa délivrance ne sont plus remplies ou si le fonctionnaire méconnaît les dispositions du présent article. En cas de retrait de l'autorisation, le fonctionnaire dispose d'un délai de six mois pour céder ses droits sociaux. Il ne peut poursuivre son activité au sein de l'entreprise que dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 25-1.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. Ce décret précise les conditions d'octroi et de retrait de l'autorisation, qui ne peut porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche. Il fixe les conditions dans lesquelles l'autorité dont relève le fonctionnaire est tenue informée des revenus qu'il perçoit à raison de sa participation au capital de l'entreprise, des cessions de titres auxquelles il procède ainsi que des compléments de rémunération prévus, le cas échéant, par la convention visée au deuxième alinéa. Il détermine également les modalités selon lesquelles, pendant la durée de l'autorisation, la commission mentionnée au troisième alinéa de l'article 25-1 est tenue informée des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. »
Je vais mettre aux voix les conclusions de la commission des affaires culturelles.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, force est de constater le décalage existant entre la situation satisfaisante de la recherche fondamentale française et la faiblesse évidente de la technologie. En effet, évaluée à partir des brevets, la position technologique française est faible.
Les principales faiblesses s'observent dans les technologies de la santé et de ce qu'il est convenu d'appeler, d'un terme que je n'aime guère, le « vivant », d'une part, de l'information et de la communication, d'autre part. Or, ce sont des domaines dans lesquels les technologies considérées comme importantes sont probablement les plus nombreuses.
Seul le domaine de l'énergie présente une position générale que l'on peut considérer comme relativement satisfaisante.
Cette faiblesse laisse suggérer que la recherche française aurait du mal à transformer les acquis scientifiques ou, du moins, à afficher ses droits en matière de propriété industrielle.
Cela rejoint les constatations déjà faites sur les difficultés des relations entre les entreprises et les laboratoires publics.
Il convient donc d'apporter des remèdes à cette situation.
La proposition de loi de M. Laffitte, que nous venons d'examiner, tend à lever l'un des freins au développement des relations entre la recherche publique et les entreprises.
En proposant de modifier le statut du chercheur afin de faciliter la création d'entreprises innovantes, ce texte devrait permettre de créer des liens meilleurs et, en tout cas, des liens véritables entre le monde de la recherche, celui de la finance et celui de l'entreprise.
Deux solutions sont aussi proposées aux chercheurs. La première, la plus novatrice, facilite la création d'entreprises innovantes en prévoyant la participation du fonctionnaire en qualité d'associé à cette création. La seconde solution permet à un fonctionnaire d'apporter un concours scientifique à une entreprise assurant, en vertu d'un contrat conclu avec la personne publique dont il relève, la valorisation des travaux qu'il a réalisés dans l'exercice même de ses fonctions.
L'excellent président de la commission des affaires culturelles, M. Adrien Gouteyron, nous a présenté un très bon rapport et proposé quelques aménagements en accord avec l'auteur de la proposition de loi, M. Pierre Laffitte.
Ces sages propositions réjouissent - permettez-moi de le dire - l'ancien secrétaire général de la délégation à la recherche scientifique que j'ai eu l'honneur d'être.
Le groupe du RPR du Sénat votera cette proposition de loi.
Il me reste, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous demander que le meilleur sort soit réservé à ce texte, s'agissant notamment des délais d'application. En effet, ce texte pourra, à mon avis, améliorer sensiblement et durablement la valorisation des résultats de la recherche publique française. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il me paraît nécessaire d'insister sur le facteur temps, qui est aujourd'hui primordial dans le gain des parts de marché, et ce d'autant plus que la durée de vie des produits sortant aujourd'hui de nos laboratoires et mis au point par les entreprises est de plus en plus courte. Il faut donc pouvoir maîtriser rapidement les technologies permettant de les élaborer, car, chaque jour, des places sont prises par d'autres.
Le service public doit être défendu, il est vrai ; mais il me semble que le service au public est primordial : c'est dans ce service au public que les entreprises sont présentes. Il faut donc que nous aidions ces dernières à conquérir les parts de marché qui seront créatrices d'emplois.
Par conséquent, comme l'orateur précédent, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de choisir la voie la plus rapide pour aboutir à un statut des chercheurs leur permettant d'être enfin des agents économiques. La proposition de loi de notre collègue Pierre Laffitte permettrait sans doute de donner des réponses rapides à cette attente que les entreprises, notamment agro-alimentaires - je suis Breton ! - attendent pour pouvoir conquérir des parts de marché. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. James Bordas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France souffre aujourd'hui d'une insuffisante valorisation de la recherche publique, notamment fondamentale.
Notre économie enregistre, ou peut enregistrer si l'on n'y prend garde, des retards importants dans certains secteurs porteurs d'avenir : technologies de l'information, communication, biotechnologies,...
L'enjeu des conclusions de la commission des affaires culturelles que nous examinons aujourd'hui est donc décisif.
Le dispositif proposé par notre éminent collègue Pierre Laffitte permet de remédier à l'inadaptation des règles de la fonction publique, souvent considérée comme l'un des plus importants obstacles à la création d'entreprises de haute technologie par les chercheurs publics.
Il permet de clarifier la situation statutaire du chercheur participant à la création d'une entreprise en évitant tout conflit d'intérêt entre l'intéressé et le service public dont il relève.
Bien entendu, le « privilège » offert aux chercheurs publics de préserver leur statut de fonctionnaire tout en participant au capital d'une entreprise, voire à sa création et à sa direction, peut susciter certaines « critiques ».
Bien sûr, l'inadaptation des règles de la fonction publique n'est pas le seul obstacle à la création d'entreprises de haute technologie par les chercheurs publics.
L'insuffisance du capital-risque en France, en partie liée à l'absence de véritables fonds de pension, en constitue un autre, tout aussi important.
Il en est de même des règles fiscales peu incitatives concernant la rémunération des créateurs d'entreprises, ou encore du manque de structures d'accompagnement capables de créer des liens entre le monde de la recherche, celui de la finance et celui de l'entreprise. Beaucoup reste à faire dans ces différents domaines, et nous en reparlerons certainement à l'occasion de la prochaine discussion budgétaire.
Néanmoins, compte tenu du retard accumulé par la France dans certains secteurs majeurs, la démarche qui nous est proposée s'impose comme une nécessité pour favoriser la valorisation de la recherche française et la création d'entreprises de haute technologie, sources d'emplois futurs. Elle devrait également éviter une fuite des cerveaux vers des pays où la réglementation et les structures économiques sont plus favorables.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants votera le texte tel qu'il résulte des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre vote et visant à permettre à des fonctionnaires de participer à des créations d'entreprises innovantes appelle plusieurs remarques de notre part.
S'agissant tout d'abord de la tenue de ce débat, nous savons qu'une réflexion actuellement en cours au ministère de l'éducation nationale et de la recherche doit aboutir très prochainement à un projet de loi.
Sur le fond, il convient peut-être de relativiser l'apport des secteurs de la recherche à l'innovation technologique. En l'état, en effet, bien des mythes subsistent quant à l'apport des laboratoires de recherche à l'innovation technologique. Ainsi, les conclusions d'une enquête internationale menée auprès de plusieurs milliers d'entreprises dites performantes nous révèlent que 6 % seulement des secteurs en croissance relèvent de la haute technologie.
Autrement plus important est l'apport des travailleurs privés d'emploi dans les secteurs de l'innovation.
Un autre mythe - et je dois dire que les mythes ont la peau dure, mais qu'ils s'appuient sur une réalité - est celui d'un modèle américain de croissance fondé sur une meilleure interaction entre les laboratoires de recherche fondamentale, les laboratoires de recherche appliquée et le monde de l'entreprise.
A cet égard, la situation de la France est connue de longue date : si la part de notre pays dans l'activité de la recherche fondamentale est bonne à l'échelle mondiale, l'exploitation des résultats au niveau industriel est insuffisante.
Dès lors vient une réponse toute faite : il faut faire comme dans la Silicon Valley. Que les chercheurs créent leurs entreprises, et on leur donnera du capital, des garanties, des subventions.
Le problème du mythe n'est pas tant qu'il répond à des questions fausses, mais qu'il apporte des réponses faciles à des problèmes réels.
Comment faire alors l'impasse, dans le décalage qui existe entre les activités de recherche fondamentale et les applications technologiques, sur la responsabilité propre des entreprises de notre pays ?
Ainsi, les sociétés multinationales d'origine française font moins qu'ailleurs le choix de l'investissement en recherche appliquée, lui préférant la financiarisation et l'investissement spéculatif.
Dès lors, pourquoi ne pas demander aux PME et aux chercheurs tentés par l'entreprise de prendre les risques de l'innovation ? Si des efforts peuvent être accomplis en ce sens, cette démarche en tant que telle nous semble louable.
En aucun cas cela ne saurait cependant se concevoir dans un contexte de fragilisation de la recherche publique dans notre pays. Or, tandis que l'on proclame les vertus de l'innovation technologique, que nous ne réfutons pas, dans le même temps, on diminue les moyens financiers des laboratoires publics et l'on se prive d'outils démocratiques d'évaluation de la recherche.
Ces raisons nous incitent à la plus extrême prudence, même si nous reconnaissons la nécessité de renforcer le lien entre recherche et croissance économique, non pas tant pour les besoins d'un marché se nourrissant de lui-même que pour répondre aux exigences d'un marché fondé sur les besoins de développement de notre pays.
Un autre argument nous incite à la réserve : c'est le nombre de jeunes chercheurs en quête d'un emploi. Que ne fait-on davantage appel à eux dans les entreprises pour favoriser l'innovation technologique !
Leurs pairs s'accordent d'ailleurs à reconnaître leurs compétences et leur excellence dans chacun de leurs domaines d'expertise, et les entreprises étrangères qui font, elles, le pari de l'investissement n'hésitent pas à les recruter.
Peut-on accepter, dans ce contexte, le départ de celles et de ceux qui construiront l'avenir de notre société ?
Ce sont là les questions que nous aimerions voir traitées et qui appellent, il est vrai, un réel débat dans notre pays sur le lien entre recherche et croissance économique de notre société.
En l'état, les propositions qui nous sont faites par la commission, tout en visant à apporter de vraies réponses, ne privilégient qu'un aspect de ce débat que nous appelons de nos voeux. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur les mesures proposées.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. J'indiquerai en quelques mots - pour la raison très simple que les lecteurs pressés ne lisent pas l'ensemble du débat et se reportent à l'explication de vote pour savoir quelle a été la position adoptée par les uns et par les autres - que le groupe socialiste s'abstient. Ainsi, ces lecteurs pressés ne perdront pas leur temps à faire des recherches dans le Journal officiel ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Les lecteurs vont le regretter ! (Nouveaux sourires.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous comprendrez que, à la fin de ce débat intéressant et éclairant, j'éprouve le besoin de faire le point et de reprendre certaines de vos remarques.
Vous avez constaté que nos objectifs et le fond de notre proposition de loi allaient dans le sens et de vos propres préoccupations et du projet de loi que vous allez déposer, nous l'espérons, prochainement. Je me réjouis de cette convergence.
Permettez-moi cependant quelques remarques sur ce que vous avez considéré comme des points de légère divergence entre nous. Je pense qu'il faut les relativiser !
En ce qui concerne la durée, par exemple, cinq ou six ans, vous avouerez que l'on peut en discuter et qu'il n'y a pas là de différence de fond.
Par ailleurs, je rappelle, pour éviter tout malentendu, que le plafonnement de la participation au capital d'une entreprise à 10 % ou à 30 % lorsqu'il s'agit d'une équipe ne concerne que les chercheurs qui restent dans les organismes publics. Il est évident que, dans le cas inverse, la règle du plafonnement ne s'applique pas. Je tenais à le préciser pour que cela soit clairement compris.
En ce qui concerne les précautions supplémentaires que vous voudriez prendre par rapport à notre texte, je tiens à dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur ce point, il n'y a pas entre nous de divergence, car l'article 432-13 du code pénal nous paraît suffisant pour répondre à vos craintes.
Qu'il me soit permis une dernière remarque après les explications de vote auxquelles il vient d'être procédé.
Vous avez bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, notre préoccupation. Notre collègue Pierre Laffitte vous a invité tout à l'heure, sur les quelques points à propos desquels la discussion est possible, à déposer des amendements. Mais j'ai cru comprendre que vous ne le feriez pas !
Enfin, même si elles sont sympathiques et si nous comprenons l'esprit dans lequel elles ont été faites, certaines des interventions que nous venons d'entendre avivent notre crainte. Et si, à la fin de la discussion générale, vous avez mis beaucoup de conviction dans votre propos - et ce propos était excellent, permettez-moi de le dire - je considère qu'il s'adressait beaucoup plus à ce côté-ci de l'hémicycle (M. le rapporteur désigne la gauche de l'hémicycle) qu'à celui-là (M. le rapporteur désigne la droite de l'hémicycle) : ce sont certains de vos amis que vous avez à convaincre !
Ce que nous craignons, c'est que, de consultation en consultation, de palabre en palabre, le dossier ne s'enlise. Certes, vous nous avez dit que vous alliez consulter le Conseil d'Etat très prochainement, vous avez annoncé le dépôt d'un texte avant la fin de l'année, et nous enregistrons cet engagement. Mais nous vous disons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez du travail à faire pour convaincre vos propres amis.
Nous non plus, je le dis tout de suite, nous n'érigeons pas le système américain en modèle. Mais, pour savoir si nous avançons au même rythme que les autres, il faut bien de temps en temps regarder les autres ! Nous n'allons pas pour autant construire un dispositif qui ferait table rase et de notre culture et de la situation de notre pays ! C'est à partir de cette culture et de cette situation que, en effet, nous voulons trouver des voies nouvelles.
La proposition de notre collègue Pierre Laffitte contribue à ouvrir de telles voies et nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur celle que nous vous proposons, vous ne trouviez pas trop d'obstacles, ou que vous ayez assez de détermination, si vous en trouvez, pour les surmonter. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Quelques mots simplement, en cette fin de débat.
Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, insister à noveau sur l'urgence dans laquelle nous sommes : il faut donner un signal fort à l'ensemble de la communauté scientifique française.
Le dispositif que vous nous proposez n'est que partiel par rapport au projet de loi sur l'innovation que vous nous avez annoncé, mais il est parfaitement cohérent et compatible. Je souhaiterais, pour ma part, que la communauté scientifique française, d'une part, et l'ensemble de la communauté juridique française, d'autre part, constatent qu'il y a une volonté quasi unanime du Parlement et du Gouvernement pour sortir d'un système qui, s'il a eu ses raisons logiques et compréhensibles, est désormais inadapté à la nouvelle donne de l'économie mondiale.
Il faut faciliter la création de richesses et d'emplois à partir des chercheurs et grâce à eux, c'est un objectif important de l'action de la recherche publique à côté de l'acquisition désintéressée de savoirs et de compétences.
Sur ce plan, un signal fort et rapide est nécessaire et je souhaite vivement que cette proposition de loi puisse le plus vite possible être transformée en loi et que s'instaure une navette parlementaire, où chacun aura la possibilité d'enrichir encore ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

3

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, hier, M. le ministre de l'éducation nationale a honoré le Sénat de sa présence pour la présentation de son plan d'action en faveur des lycées.
Le mouvement lycéen interpelle la France tout entière et donc, en priorité, les parlementaires. Si certains d'entre nous n'ont pu être présents hier dans cet hémicycle - ce que la presse aurait pu relever - c'est parce que, à la même heure, des communications très importantes étaient présentées devant la commission des affaires étrangères, puisque s'est réunie la délégation du Sénat pour l'Union européenne, jusqu'à dix-neuf heures. Et, ancien membre de la commission des finances, je sais que cette dernière a également siégé tout l'après-midi.
Je vous présente donc une supplique, monsieur le président, afin que vous interveniez auprès du nouveau président du Sénat pour que, désormais, un effort soit véritablement accompli - et il peut l'être - et que cessent ces concomitances quasi permanentes entre la séance publique dans l'hémicycle et les séances de commissions, où nous sommes aussi tenus d'être présents. Cela risque, en effet, d'altérer l'image du Sénat : nous n'étions pas présents hier et les lycéens ont pu croire que c'était, de notre part, un manque d'intérêt pour les espoirs qu'ils expriment. Il y a véritablement là un problème civique important !
Dans le même esprit, monsieur le secrétaire d'Etat, je saisis l'occasion de votre prestigieuse présence dans cet hémicycle pour vous dire que, si nous sommes plusieurs collègues à ne vous y avoir rejoint qu'à onze heures cinquante-cinq, c'est que la commission des affaires étrangères avait l'honneur - et la chance, car elle est prestigieuse - d'écouter le ministre des affaires étrangères du Mexique. Nous ne pouvions pas en même temps écouter les aspirations du Mexique - et la France a tout un rôle à jouer en Amérique latine ! - et siéger ici. Où être ?
M. le président. Monsieur Hamel, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je transmettrai à M. le président du Sénat vos propos très pertinents.
M. Emmanuel Hamel. Il faut aller plus loin ! Il faut que cela change.

4

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 27 octobre 1998 :
A dix heures trente :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Franck Sérusclat interroge Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'interprétation qu'il convient de faire de l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale. Son manque de clarté sert de prétexte à des refus de réponse de la part de services administratifs aux demandes d'enfants adoptés.
Cet article a été modifié par la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption.
La demande de secret formulée par une mère au moment de son accouchement interdit-elle au service de l'aide sociale à l'enfance de la rechercher et de lui indiquer que son enfant voudrait connaître son identité ?
Par ailleurs, l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale a-t-il expressément prévu la possibilité de lever ce secret ?
Si oui, son application peut-elle s'étendre aux adoptions prononcées avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1996 ?
Pour que cette possibilité de levée du secret soit effective, la tâche n'en revient-elle pas à l'aide sociale à l'enfance ? Celle-ci n'a-t-elle pas l'obligation d'entreprendre les recherches quand la demande est formulée par l'enfant ? (N° 270.)
II. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur le fait que la décision de l'Assistance publique de fermer le service d'oncologie pédiatrique de l'hôpital Robert-Debré à Paris pose de nombreux problèmes.
Ce service unique à l'AP-HP a un taux d'occupation proche de 100 %. Il donne satisfaction aux patients et à leurs familles. Il a sur le plan national et international une réputation scientifique qui le place au premier rang dans la recherche clinique et le traitement des tumeurs solides des os.
La décision de fermeture met en cause son entité et les moyens qui lui sont alloués et provoque un tollé parmi les milieux médicaux et les familles des petits malades.
Aucun argument ne peut justifier l'éclatement de ce service qui travaille dans un domaine aussi sensible.
Changer d'équipe médicale représente un danger pour les enfants, tant sur le plan psychologique que sur le plan du suivi strictement médical, même en cas de transmission intégrale des données.
Pourquoi d'ailleurs couper ce service en deux alors que le cancer des os, s'il touche principalement les enfants, entraîne un contrôle long, qui peut se poursuivre pendant dix ans ? La séparation des enfants et des parents n'induirait-elle pas fatalement un changement d'équipe médicale en cours de traitement, et probablement du traitement même, pour les enfants actuellement suivis à Robert-Debré ?
Pour toutes ces raisons, elle lui demande quelles mesures il compte prendre afin de maintenir l'entité de ce service. (N° 323.)
III. - M. Jean Boyer attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conditions d'organisation de spectacles vivants faisant appel à des artistes étrangers en tournée en France.
Les producteurs établis hors de l'Union européenne, notamment dans des pays aux structures artistiques, sociales ou culturelles très différentes, sont souvent dans l'impossibilité de fournir toutes les pièces exigées en France au titre d'employeur.
L'inspection du travail, l'ASSEDIC et les caisses de retraite se retournent alors vers l'organisateur du spectacle en France, association ou commune, qui est présumé employeur de fait, en application de l'article L. 762-1 du code du travail. Dans ces conditions, l'organisateur français se trouve dans l'obligation, d'une part, d'effectuer les déclarations obligatoires liées à l'embauche et à l'emploi sous contrat à durée déterminée des artistes étrangers, sans souvent pouvoir obtenir les documents exigés, et, d'autre part, de verser l'ensemble des cotisations et contributions sociales à la place du producteur étranger. Cette situation pénalise financièrement les organisateurs français et entretient la suspicion à leur égard.
Il lui demande donc si, dans le cas des pays avec lesquels la France a signé des conventions particulières de sécurité sociale, elle ne pourrait pas envisager une simplification administrative qui éviterait que l'organisateur soit contraint de remplir les obligations qui relèvent du véritable employeur, c'est-à-dire du producteur étranger.
Il lui demande également quelles seront les conséquences, sur la présomption de salariat, de l'adoption du projet de loi portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles qui précise notamment que les producteurs de spectacles ont la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau technique. (N° 299.)
IV. - M. Guy Cabanel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les difficultés que rencontrent les services d'archives départementales, notamment dans l'Isère, en l'absence de renouvellement des postes scientifiques et de documentation mis à la disposition de ces institutions culturelles par l'Etat. Les établissements concernés remplissent, dans des conditions devenues difficiles, les missions de collecte, de conservation et de documentation qui leur sont confiées.
Les personnels spécialement formés pour exercer ces activités dont le développement ne cesse de croître, sont aujourd'hui en nombre insuffisant et ne parviennent plus à gérer efficacement les services dont ils ont la charge.
S'il était difficile de procéder à une affectation de fonctionnaires de l'Etat, il serait en revanche envisageable d'opérer un transfert des crédits correspondant aux vacances d'emplois par le biais de la dotation générale de décentralisation. Il convient de préciser qu'une telle solution avait déjà été adoptée afin de mettre un terme aux difficultés analogues que rencontraient les bibliothèques départementales.
Aussi, il lui demande de lui indiquer par quels moyens elle pense remédier à ces situations, et de bien vouloir lui faire connaître son opinion sur l'opportunité de renouveler une solution d'ores et déjà expérimentée. (N° 324.)
V. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences des réalisations de plus en plus fréquentes de forages individuels. En effet, bon nombre de personnes résidant dans des zones où la nappe phréatique est facilement accessible, réalisent, bien souvent par souci d'économie, des puits privés destinés à prélever directement l'eau nécessaire à la satisfaction de leurs besoins, plutôt que d'utiliser le réseau public de distribution d'eau potable. Le développement d'une telle démarche inquiète à juste titre les élus responsables des services de l'eau et de l'assainissement.
Outre les risques sanitaires pris par les usagers de ces forages individuels dont la qualité de l'eau n'est pas toujours contrôlée, ces derniers représentent également des risques pour les collectivités : risque notamment de mettre en péril l'équilibre financier des services des eaux et de l'assainissement, risque que les installations privées soient réalisées en contravention avec le règlement départemental.
Face à ce problème, il souhaiterait qu'il lui soit précisé les bases légales sur lesquelles les élus locaux peuvent s'appuyer pour opérer un recensement complet des puits privés, ainsi que les concours qu'ils peuvent attendre des services de l'Etat en la matière.
Il souhaiterait par ailleurs connaître les modalités pratiques d'application du décret n° 67-945 autorisant la taxation forfaitaire des particuliers s'approvisionnant totalement ou partiellement à une autre source que le réseau public, et savoir s'il est envisagé, le cas échéant, de préciser la réglementation actuellement en vigueur, afin d'arrêter le développement des pratiques évoquées ci-dessus. (N° 306.)
VI. - M. Jacques Valade expose à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement que la diffusion des téléphones mobiles est devenue un véritable phénomène de société. La France est en train de rattraper le retard qui était le sien dans ce domaine. Ces développements nécessitent la mise en place de réémetteurs afin de couvrir correctement le territoire national.
Le choix qui a été fait de plusieurs opérateurs concurrents entraîne la multiplication de ces relais. Or, France Télécom, SFR et Bouygues - seuls autorisés à exploiter ces réseaux en France - se livrent à une féroce compétition en matière d'implantation de relais qui se traduit par une floraison de pylônes et d'antennes de toute nature, de toute forme, de toute taille, qui perturbe singulièrement le paysage tant urbain que rural.
Il souligne que les lois et réglementations actuelles sont insuffisantes pour maîtriser cette prolifération.
Les responsables des collectivités locales et les administrations de l'Etat sont à la fois sans moyens et sans directives pour concilier nécessité d'installations nouvelles et protection de l'environnement.
En conséquence, il lui demande quelles mesures sont envisagées à très court terme pour éviter de tels excès. (N° 328.)
VII. - M. Jean Pépin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les importantes nuisances sonores que subissent les habitants de la commune de Grièges, riverains de la ligne SNCF Paris-Lyon, sur laquelle circulent les trains à grande vitesse.
La mise en place d'aménagements de type écrans anti-bruit permettrait d'atténuer de manière considérable ces incommodités.
En conséquence, il lui demande s'il entend proposer une adaptation en ce sens de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, sur le territoire de la commune de Grièges. (N° 298.)
VIII. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le devenir du projet de construction de l'autoroute A 16 en Seine-Saint-Denis et en Val-d'Oise.
Elle lui fait part de la nécessité, pour confirmer l'abandon du projet au-delà de la Francilienne, de lever toutes les emprises foncières existantes en Val-d'Oise et en Seine-Saint-Denis et lui demande si telle est bien sa position.
Elle lui demande également si le projet vieux de soixante-dix ans de déviation de la RD 370 peut être considéré comme désormais réalisable, tout comme la deuxième tranche de construction du BIP - boulevard interurbain du Parisis - reliant Gonesse à Sarcelles, et de lui préciser les dates de réalisation et les méthodes de financement envisagées. (N° 307.)
IX. - M. Josselin de Rohan demande à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement de lui apporter des précisions relatives au projet du TGV Bretagne-Pays de la Loire, et en particulier sur le choix du tracé. (N° 313.)
X. - M. Jean-Pierre Raffarin interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les innovations que peut proposer l'Etat aux régions pour faire face aux besoins de financement d'infrastructures routières et autoroutières. Retard des contrats de plan, délégation de maîtrise d'ouvrage, mobilisation des fonds européens, maîtrise des flux de fret ? (N° 316.)
XI. - M. Marcel Bony appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la RN 89 entre l'échangeur de Saint-Julien-Puy-Lavèze et Clermont-Ferrand.
Eu égard au décret du 9 janvier 1998 déclarant d'utilité publique la section autoroutière Saint-Julien-Puy-Lavèze - Combronde, il lui apparaissait qu'un aménagement lourd de la RN 89 était écarté à court terme.
Or, ni le phasage, ni la programmation des travaux sur cette section autoroutière n'ayant apparemment été arrêtés, il lui semble opportun de rappeler que la RN 89 est et demeurera l'itinéraire naturel pour rallier l'agglomération clermontoise ou le Val d'Allier à partir de l'échangeur de Saint-Julien-Puy-Lavèze.
Il est d'ailleurs si probable que le flux soit massif à la sortie de ce diffuseur que les projections faites à l'horizon 2015 aboutissent à un niveau de trafic absolument incompatible avec la configuration actuelle de la route nationale. Le niveau de trafic serait d'ailleurs sensiblement équivalent à celui de l'A 89 d'après le CETE de Bordeaux.
Dans ces conditions, ne serait-ce qu'au regard de cet élément, c'est-à-dire sans même tenir compte des arguments liés au développement économique, au désenclavement, à la cohésion et à l'équilibre territoriaux qui plaident pourtant dans ce sens, l'utilité publique d'une modernisation de la RN 89 est avérée à ses yeux.
En tout état de cause, il est impératif, précisément en raison de l'évolution du trafic à la sortie de l'échangeur précité et pour renforcer la sécurité, de procéder dans un premier temps à des aménagements substantiels de la RN 89 entre La Chabanne - commune de Laqueuille - et les quatre routes de Nébouzat, c'est-à-dire sur environ quinze kilomètres.
Il l'interroge donc sur ce qu'il envisage de faire à cet égard.
Doit-on espérer des crédits supplémentaires à ceux inscrits au contrat de plan, pour la programmation de travaux nécessaires ?
Qu'en est-il des 200 millions de francs qui devaient être affectés à l'aménagement de la RN 89 par la société concessionnaire de l'A 89 ? (N° 322.)
XII. - M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les dispositions de la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994, afin de permettre, à titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de décembre 1994, l'annualisation de la durée du service lorsque celui-ci est à temps non complet, à la demande de l'agent, ou en cas de nécessité certaine du service.
Tel pourrait être le cas, en particulier dans les petites communes, en ce qui concerne les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les ATSEM.
Pour que ces dispositions deviennent applicables, il est nécessaire que soit publié un décret d'application, après consultation des parties intéressées. Or ce décret n'a jamais été rédigé, non en raison de la complexité du problème, même si celle-ci est indéniable, mais bien, et de façon avouée, parce que l'administration est hostile au principe même de l'annualisation du temps de travail dans la fonction publique territoriale.
Cette situation inacceptable, emblématique des dérives de l'état de droit trop souvent observées dans notre pays, pose en premier lieu la question du rôle du Parlement.
Est-il bien utile qu'il légifère si la volonté du peuple, dont il est l'expression et le garant, peut-être tenue en échec par une sorte de droit de veto administratif ?
La seconde question est celle de l'avenir qui doit être réservé à ces dispositions qui ont été adoptées par la représentation nationale et qui ne peuvent plus être mises en oeuvre, le délai prévu par la loi étant forclos.
Il souhaite donc connaître très précisément les intentions du ministre en matière d'annualisation expérimentale du temps de service dans la fonction publique territoriale. (N° 310.)
XIII. - M. Marcel Deneux interroge M. le ministre de l'intérieur sur le stockage et la destruction des engins résiduels de guerre.
De nombreuses régions continuent de subir le lourd préjudice de la Première et de la Seconde Guerre mondiale en découvrant quasi quotidiennement des obus dans leur sous-sol.
Les maires sont les premiers à être sollicités pour déplacer, stocker en lieu sûr, et contacter les services compétents pour assurer la destruction de ces obus.
Ainsi, il nous est permis d'observer de nombreux tas d'obus sur le bas-côté de la route dans les communes. Des maires s'engagent également à stocker, y compris dans la cour de leur habitation, ces obus afin d'assurer la sécurité sur la voie publique.
Cette situation est la conséquence de l'absence de centre de stockage et de destruction, notamment dans le département de la Somme. Les 11 et 12 juillet 1916, un million cinq cent mille obus ont été tirés en trente-six heures dans la Somme. Et 10 % n'ont pas explosé !
Aujourd'hui, la seule solution qui est proposée aux maires est la destruction de ces obus sur le territoire de leurs communes, tout en convenant que la commune prenne en charge la dépense afférente.
Cette situation appelle des réponses sur les dispositifs de stockage et de destruction de ces obus ainsi que sur la responsabilité des maires. (N° 304.)
A seize heures :
2. Scrutins pour l'élection de douze juges titulaires et de six juges suppléants à la Haute Cour de justice.
3. Scrutins pour l'élection de six juges titulaires à la Cour de justice de la République et de leurs six suppléants.
Ces scrutins se dérouleront simultanément dans la salle des conférences ; les juges titulaires et les juges suppléants élus seront appelés, après le scrutin, à prêter le serment prévu par la loi organique.
4. Discussion du projet de loi organique (n° 463, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
5. Discussion du projet de loi (n° 464, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Rapport (n° 29, 1998-1999) de M. Jacques Larché, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces deux textes.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 26 octobre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi : lundi 26 octobre 1998, à dix-sept heures.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 1995 (n° 527, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 octobre 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblé nationale, portant règlement définitif du budget de 1996 (n° 528, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 octobre 1998, à dix-sept heures.
Débat consécutif à une déclaration du Gouvernement sur la décentralisation.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 2 novembre 1998, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale (n° 532, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 novembre 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits (n° 530, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 novembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 novembre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Situation des producteurs de peaux d'ovins

345. - 22 octobre 1998. - M. Bernard Murat attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur l'urgence de mettre en place une solution de prêts-relais, suite à la crise rencontrée en matière de production française de peaux d'ovins.

Carte hospitalière

344. - 22 octobre 1998. - M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur les conséquences des décrets parus au Journal officiel du 10 octobre 1998 relatifs aux maternités, notamment pour l'hôpital de La Réole en Gironde. Cet hôpital comprend une maternité qui assure, en toute sécurité, 250 accouchements en moyenne chaque année. La fermeture de la maternité aurait immanquablement des conséquences en chaîne dramatiques : il y aurait immédiatement une diminution d'utilisation du plateau technique pourtant très performant et, à terme, la présence de deux chirurgiens et des deux anesthésistes, qui permet un service d'urgence 24 heures sur 24, serait remise en question. L'existence même de cet hôpital de proximité serait alors probablement compromise. Etant donné qu'aucune enquête scientifique n'apporte la preuve que le taux de mortalité maternelle ou périnatale soit plus élevé dans les maternités pratiquant moins de 300 accouchements par an et que les problèmes se situent plutôt au niveau des pressions budgétaires énormes pour les contraindre à fermer, il lui demande de bien vouloir lui préciser s'il envisage d'intégrer dans les critères de dérogation à la fermeture des critères autres que géographiques, comme par exemple la spécificité sociale des bassins de vie concernés. Cela permettrait de poser la problématique dans une perspective plus large d'aménagement du territoire, en luttant contre toute désertification sanitaire.

Application de la loi relative au développement
et à la promotion du commerce et de l'artisanat

343. - 22 octobre 1998. - M. André Vallet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur l'application de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 dite loi Raffarin dans les Bouches-du-Rhône. Il lui rappelle que cette loi subordonne toute création de surface commerciale supérieure à 300 mètres carrés à l'obtention d'une autorisation administrative. Il lui indique cependant que, dans les Bouches-du-Rhône, pour la seule année 1997, vingt-sept projets ont été approuvés par la commission départementale de d'équipement commercial (CDEC), alors que seuls six dossiers étaient repoussés. Il lui indique également que cette pratique jurisprudentielle de modération de la CDEC est dramatique pour le centre des villes moyennes dont l'activité commerciale est gravement pénalisée par l'implantation sur le territoire d'une commune voisine d'un centre de vente d'une certaine ampleur. Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour assurer l'application de la loi Raffarin afin de structurer l'ensemble du tissu commercial.

Financement des associations d'aide à domicile
des personnes âgées handicapées

342. - 22 octobre 1998. - M. Martial Taugourdeau rappelle que Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que lors de la mise en place de l'aide à domicile aux personnes âgées handicapées, plusieurs communes ont fait le choix de confier cette tâche à des associations. Ces associations en statuant sur leurs comptes de 1997 ont fait connaître des pertes prévisionnelles importantes pour l'année 1998 (de l'ordre de 600 à 700 000 francs) en raison tout d'abord de la non-augmentation du prix forfaitaire de l'aide à domicile, inchangée depuis 1996, et ensuite du dispositif de la loi de finances n° 97-1269 du 31 décembre 1997 modifiant le dispositif de réduction dégressive des charges patronales sociales sur les bas salaires. Le Gouvernement s'était engagé l'année dernière pour qu'une somme totale de 30 millions de francs soit réservée aux associations en difficulté. D'après ses informations, il semblerait que la Caisse nationale d'assurance vieillesse aurait refusé d'accorder cette aide. Qu'en est-il ? D'autre part, les associations ont-elles été bien informées de ces possibilités ? De plus, des aménagements devaient être adoptés pour les délais de règlement de dettes fiscales et sociales en faveur des associations en difficulté de trésorerie. Enfin, des dispositions devaient également être prises dans la loi de financement de la sécurité sociale. Il constate qu'il n'en est rien. Il lui demande donc quelles sont les mesures envisagées pour remédier à ces carences.

Financement des structures d'aide à domicile

341. - 21 octobre 1998. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les engagements que le Gouvernement a pris à l'Assemblée nationale le 20 mai dernier, lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, et qui concernent les structures d'aide à domicile. En effet, le Gouvernement s'était engagé à aider les structures d'aide à domicile en difficultés financières en 1998. Aussi, il souhaiterait savoir si des réunions de concertations réunissant les différents partenaires intéressés sont envisagées ? De même, dans quel délai et avec quels moyens elle pense pouvoir répondre aux engagements pris par le secrétaire d'Etat au budget en séance à l'Assemblée nationale le 20 mai dernier et quelles seront les modalités concrètes et pratiques d'octroi de ces aides ?