Séance du 14 octobre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Contestation de l'élection de sénateurs (p. 1 ).

3. Modification de l'ordre du jour (p. 2 ).

4. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes (p. 3 ).

5. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 4 ).

6. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 5 ).

7. Démission de membres de commissions et candidatures (p. 6 ).

8. Candidatures à des délégations parlementaires et à un office parlementaire (p. 7 ).

9. Réformes annoncées de l'éducation. - Discussion d'une question orale avec débat (p. 8 ).
MM. Adrien Gouteyron, auteur de la question ; Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; le président.
MM. Jean-Louis Carrère, André Maman, James Bordas.

10. Nomination des membres de délégations parlementaires et d'un office parlementaire (p. 9 ).

11. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 10 ).

12. Nomination de membres de commissions (p. 11 ).

13. Réformes annoncées de l'éducation. - Suite de la discussion d'une question orale avec débat (p. 12 ).
MM. Bernard Joly, Xavier Darcos, Mme Nicole Borvo, MM. Serge Lagauche, Jean-Claude Carle, Jacques Legendre, Pierre Martin.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

M. le président, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Clôture du débat.

14. Dépôt de projets de loi (p. 14 ).

15. Transmission d'un projet de loi (p. 15 ).

16. Dépôt de propositions de loi (p. 16 ).

17. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 17 ).

18. Dépôt de rapports (p. 18 ).

19. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 7 octobre 1998 (p. 19 ).

20. Ordre du jour (p. 20 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

CONTESTATION DE L'ÉLECTION
DE SÉNATEURS

M. le président. En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, j'ai été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi :
- le 6 octobre 1998, d'une requête contre l'élection de deux sénateurs le 27 septembre 1998 dans le département des Côtes-d'Armor et d'une requête tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 27 septembre 1998 pour la désignation de quatre sénateurs représentant les Français établis hors de France ;
- le 7 octobre 1998, de deux requêtes contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998, respectivement dans le département du Gers et dans le département des Bouches-du-Rhône ;
- le 8 octobre 1998, d'une requête contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 en Polynésie française ;

- et, le 13 octobre 1998, d'une requête déposée à la préfecture de l'Aude le 6 octobre 1998 contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 dans le département de l'Aude et d'une requête, déposée le 6 octobre 1998 à l'administration supérieure de Wallis-et-Futuna, contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 à Wallis-et-Futuna.
Acte est donné de ces communications.

3

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'informe le Sénat que les questions orales sans débat :
- n° 326 de Mme Hélène Luc (transferts d'activités de l'aéroport d'Orly)
- n° 327 de M. Jacques Valade (développement et pérennité du programme Rafale)
- et n° 329 de M. Jean Bernard (travaux d'aménagement de la R.N. 4)
pourraient être inscrites à l'ordre du jour de la séance du mardi 20 octobre 1998.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT
DE LA COUR DES COMPTES

M. le président. J'ai reçu de M. le premier président de la Cour des comptes le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT


M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur le mode de fonctionnement des radio-télécommunications mobiles.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

6

CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'organismes extraparlementaires.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les candidatures de :
- MM. Jean-Léonce Dupont et René Trégouët pour siéger au sein du comité d'orientation des programmes de la société Télévision du savoir ;
- M. Jacques Valade pour siéger en qualité de titulaire au sein du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- MM. Daniel Eckenspieller et Roger Hesling pour siéger en qualité de titulaires, MM. Guy Poirieux et Ivan Renar pour siéger en qualité de suppléants au sein de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence ;
- M. Fernand Demilly pour siéger au sein du Conseil national des fondations ;
- M. André Maman pour siéger au sein du conseil de gestion du Fonds national pour le développement de la vie associative ;
- M. Michel Dreyfus-Schmidt pour siéger au sein du conseil d'administration de la société nationale de programmes Radio-France ;
- M. Philippe Nachbar pour siéger au sein du conseil d'administration de la société nationale de programmes France 2 ;
- et M. André Diligent pour siéger au sein du conseil d'administration de la société nationale de programmes France 3.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

7

DÉMISSION DE MEMBRES DE COMMISSIONS
ET CANDIDATURES

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de Mme Lucette Michaux-Chevry comme membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et celle de M. Paul Masson comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

8

CANDIDATURES
À DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
ET À UN OFFICE PARLEMENTAIRE

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres :
- de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
- de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques ;
- de la délégation du Sénat pour la planification ;
- de l'Office parlementaire d'évaluation de choix scientifiques et technologiques.
En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11, du règlement du Sénat, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées et les candidatures seront ratifiées s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure.
J'ai reçu avis de la démission de M. Simon Sutour comme membre de la commission des affaires sociales et de celle de M. Philippe Labeyrie comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
J'ai reçu avis de la démission de M. Philippe Marini comme membre de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

9

RÉFORMES ANNONCÉES DE L'ÉDUCATION

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 7.
M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la confusion engendrée par les annonces successives de plans de réforme appelés à modifier en profondeur le fonctionnement de notre système éducatif, notamment de l'enseignement scolaire.
Afin de clarifier les intentions du Gouvernement en ce domaine, il demande au ministre de bien vouloir préciser ses priorités pour permettre à notre système scolaire de répondre aux défis qui lui sont lancés.
S'agissant de la réforme du lycée, il souhaiterait en particulier obtenir des précisions sur le calendrier de mise en oeuvre des mesures annoncées à partir des conclusions du rapport Meirieu, notamment concernant l'amélioration de la vie scolaire, la simplification des programmes et la définition de nouveaux enseignements, la réorganisation des filières, la réduction des horaires des lycéens et l'aménagement du service des enseignants.
Parmi ces mesures, quelles sont celles qui sont susceptibles d'entrer en vigueur au cours de la présente année scolaire et selon quel calendrier seront progammées les autres réformes annoncées ?
S'agissant de la réforme de l'école primaire annoncée à la suite de la publication de la « charte pour bâtir l'école du xxie siècle », au-delà du calendrier avancé pour l'expérimentation de certaines mesures et touchant notamment l'adaptation des programmes, les nouveaux rythmes scolaires, la formation des enseignants, il souhaiterait connaître les perspectives de mise en oeuvre généralisée d'une telle réforme.
Enfin, à l'exception d'une consultation à venir sur le collège et d'une évaluation de la réforme pédagogique en cours, il ne peut que s'étonner que des mesures d'urgence n'aient pas encore été proposées pour renforcer le maillon le plus faible qui concentre les principales difficultés de notre système éducatif.
La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, permettez-moi, avant de commencer mon propos, de dire tout l'honneur et tout le plaisir que j'ai à parler pour la première fois sous votre présidence. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Monsieur le ministre, madame le ministre, je veux d'abord vous remercier d'avoir accepté de venir devant le Sénat répondre à cette question orale et participer à ce débat.
La question avait été posée tout simplement pour faire le point : après une rentrée, au début d'une session parlementaire, cela paraissait normal sur un sujet aussi important. Et voilà que l'actualité nous rejoint ! On ne peut en effet pas oublier les revendications et les manifestations des lycéens. Aussi, vous me permettrez de commencer mon propos par là.
Que disent les lycéens ? Ce que l'on entend d'abord, c'est, il est vrai, ce qui est le plus facile à exprimer, c'est-à-dire des revendicaitons que je qualifierai de matérielles, ou de quantitatives.
Les lycéens se plaignent de classes surchargées, de locaux parfois inadaptés. On sait pourtant l'effort considérable qu'ont fait pour les lycées toutes les régions, quelle que soit leur direction.
M. Christian Bonnet. C'est exact !
M. Adrien Gouteyron. Les lycéens se plaignent du fait que des professeurs ne sont pas encore nommés, et nous vous rappelons, en les entendant, le malaise profond qui a secoué le département de la Seine-Saint-Denis il y a quelques mois.
M. Christian Demuynck. Et qui le secoue toujours.
M. Adrien Gouteyron. C'est exact : même si l'on en parle moins aujourd'hui, les problèmes ne sont pas résolus.
Voilà ce que l'on entend.
Mais, nous, nous savons que les effectifs dans les écoles, dans les collèges et dans les lycées ont baissé à la rentrée de 1998 et qu'ils baisseront encore, selon vos prévisions, à la rentrée de 1999, plus dans le primaire que dans le secondaire d'ailleurs, ai-je cru comprendre.
Nous savons que des efforts importants ont déjà été faits et que la loi de finances pour 1999 prévoit des créations d'emplois en nombre significatif : un peu plus de 3 000 emplois, ce qui n'est pas rien.
Nous savons également que, l'année dernière, vous avez pris la décision de maintenir en fonctions tous les maîtres auxiliaires.
Nous savons aussi, vous l'avez vous-même rappelé à l'Assemblée nationale et je l'ai lu dans la presse, que le rapport entre le nombre d'enseignants et le nombre d'élèves est de un enseignant pour onze élèves.
Nous savons tout cela. Peut-on, dans ces conditions, continuer à considérer que l'attribution de moyens supplémentaires est la solution à tous les problèmes ? Je ne le crois pas.
Vous-même d'ailleurs, monsieur le ministre, avez dit qu'il fallait mieux gérer les moyens disponibles. Tel est l'objet des décrets qui ont été approuvés aujourd'hui même en conseil des ministres, qui devraient paraître au Journal officiel très rapidement et dont vous allez sans doute nous parler tout à l'heure.
Je souhaite que ces décrets aménagent, arrangent les choses, mais je crains un peu, monsieur le ministre, qu'il ne s'agisse que d'aménagements qui, pour être intéressants, n'en soient pas moins techniques, ne changeant pas substantiellement la situation.
Ce que je voudrais dire à cette tribune, profitant de l'occasion de cette question orale avec débat, c'est qu'il me semble nécessaire que le Parlement - le Sénat en particulier - essaie d'y voir plus clair et suive, grâce aux moyens qui lui sont donnés, les problèmes que posent la gestion des emplois et la répartition de ceux-ci. On sait que le nombre considérable d'emplois de l'éducation nationale pose des problèmes particuliers et que l'ensemble est très lourd à gérer. Il est donc tout à fait naturel que les parlementaires que nous sommes regardent cela de près.
Il faudra que nous mettions au point des moyens d'investigation - moyens que nous donne déjà le règlement du Sénat - et que nous les utilisions !
Un sénateur du RPR. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Au-delà de ces problèmes matériels, au-delà des demandes des professeurs, si légitimes, commencent à sourdre des demandes que les lycéens ont plus de difficulté à formuler, monsieur le ministre.
Un proviseur les exprimait ce matin sur les ondes. Les lycéens - disait-il - veulent que les choses changent pour travailler mieux. Comment ne pas adhérer à cet objectif ?
Depuis que vous êtes à ce poste redoutable, vous avez annoncé beaucoup de choses, monsieur le ministre. Vous avez souvent eu les honneurs de la presse et, souvent, vos déclarations ont rencontré dans l'opinion publique, disons-le, une certaine sympathie parce qu'elles paraissaient frappées au coin du bon sens...
M. Emmanuel Hamel. Sympathie certaine !
M. Adrien Gouteyron. Mais, de plus en plus, on se demande - et pas uniquement parmi les enseignants - où vous voulez en venir, et les réactions expriment de plus en plus de perplexité.
Je commencerai par les lycées, monsieur le ministre.
Vous avez organisé une consultation des lycéens qui a connu un grand succès, vous l'avez dit vous-même, nous l'avons constaté par le nombre des réponses qui ont été dépouillées et par l'intérêt même de ces réponses.
Le professeur Philippe Meirieu avait retenu un certain nombre de principes. Vous-même en retenez onze, je crois. Pas question de les énumérer tous ici ; je ne mettrai l'accent que sur quelques points en vous demandant de répondre aux questions que je vais vous poser.
Vous avez cité - cela me paraît correspondre à certaines revendications lycéennes - et je lisais dans « un grand journal du soir », pour reprendre l'expression consacrée, les propos d'un lycéen qui déclarait - c'était, je crois, dans la bonne ville de Toulouse : « On nous trie, on nous entasse, on nous gave. »
S'agissant de la réforme des programmes, monsieur le ministre, vous avez annoncé une simplification. Vous avez même précisé qu'elle pourrait intervenir dès le début du mois de novembre et que seraient annoncés en janvier prochain les nouveaux programmes applicables à la rentrée 1999.
Etes-vous prêt à tenir cet engagement ? (M. le ministre opine.) Si oui, jusqu'où irez-vous ? Quels sont, dans ce domaine, vos objectifs ?
Vous avez annoncé la mise en place d'une sorte d'apprentissage de la citoyenneté dite « républicaine » au lycée. Nous ne pouvons qu'approuver un tel objectif, même si l'on peut s'étonner qu'on ait à faire cela au lycée. Nous pouvons admettre, en revanche, qu'après les exercices pratiques de l'école élémentaire et du collège, les lycéens soient amenés à réfléchir sur la pratique citoyenne, comme on dit maintenant, à théoriser, en quelque sorte. Cela, nous le comprenons.
Vous avez indiqué que cet enseignement pourrait être dispensé en classe de première par des professeurs de philosophie, ou par les professeurs d'autres disciplines, notamment d'histoire.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que cet apprentissage citoyen pourra être intégré dans les programmes ? Pensez-vous le faire tenir dans un horaire que vous entendez limiter, pour les formations générales, à vingt-six heures ? Comment arriverez-vous à atteindre un tel objectif ?
Dernier point, et je m'arrêterai là pour la réforme des lycées : vous avez parlé de redéfinir le service des enseignants. Il s'agirait de partager ce service entre l'enseignement de type traditionnel et une aide plus individualisée aux élèves, notamment à ceux qui connaissent les plus grandes difficultés.
Cette mesure, à n'en pas douter, est prioritaire - elle est peut-être même la plus urgente dans votre programme de réformes. Elle permettrait en effet d'établir de nouvelles relations entre l'enseignant et l'élève ou, en tout cas, faciliterait celles-ci.
Où en êtes-vous, monsieur le ministre ? Vous avez dû engager une concertation sur ce point. Si ce dossier est prioritaire pour vous, vous nous le confirmerez sans doute. Nous n'ignorons pas les difficultés auxquelles vous vous heurtez, certains syndicats n'étant pas, c'est le moins qu'on puisse dire, favorables à cette définition nouvelle du service des enseignants. Quelles sont vos intentions ? Tiendrez-vous non pas les engagements - l'expression ne serait pas bonne -, mais les objectifs que vous aviez annoncés ?
J'en viens à l'enseignement élémentaire - l'ordre n'est pas très rationnel, mais c'est celui que vous avez choisi et je m'y tiens.
Vous avez annoncé - c'est la « charte pour bâtir l'école du xxie siècle » ; avez-vous ainsi baptisé votre projet - votre intention d'adapter les programmes en les centrant sur l'apprentissage du langage, de la lecture, de l'écriture et du calcul, de mettre en place de nouveaux rythmes scolaires et de repenser le métier de professeur des écoles.
Je veux m'arrêter précisément sur le dernier point : qu'entendez-vous par « repenser le métier de professeur des écoles » ? S'agit-il de permettre aux enseignants de mieux travailler en équipe ? De faire assurer par des intervenants extérieurs des enseignements qui, jusqu'à présent, étaient dispensés par les professeurs des écoles ? A-t-on une idée précise du coût que cela peut représenter ?
Je terminerai mon propos relatif à l'école primaire - je veux être extrêmement rapide, même si le sujet est d'importance - en disant que nous sommes nombreux à considérer que, malgré la qualité des maîtres, l'école primaire n'assure plus de manière aussi satisfaisante que par le passé certaines des missions qui lui sont dévolues. Trop d'enfants en sortent, on le sait bien, sans être maîtres des principes fondamentaux, sans être capables, à l'entrée en sixième, de lire un texte. Jusqu'à présent, ce problème n'a pas été résolu.
Une véritable politique de la lecture doit donc être entreprise sur un plan général, plus spécialement peut-être et prioritairement dans les zones les plus défavorisées.
A ce propos, on ne fera croire à personne que toutes les méthodes d'apprentissage de la lecture se valent, que certaines ne sont pas plus efficaces que d'autres, notamment en ce qui concerne des élèves en grande difficulté. A ce sujet, l'heure des colloques, des assises devrait être terminée. Il faut maintenant que des directives claires et concrètes fournissent des cadres à nos enseignants, qui veulent savoir comment agir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur celles de l'Union centriste.)
J'en viens au collège.
Il y aurait tant à dire sur ce sujet !
On peut d'abord s'étonner que vous ne paraissiez vouloir vous en occuper qu'en fin de parcours, en quelque sorte. Le collège concentre aujourd'hui l'essentiel des difficultés de l'enseignement secondaire, qu'il s'agisse de la violence, qui continue de se développer au sein des établissements et des classes en dépit de votre plan, ou de l'échec scolaire.
Un audit a été fait par M. François Dubet, et vous avez annoncé qu'une procédure de consultation du type de celle qui a été réalisée dans les lycées pourrait être lancée dans les collèges ; nous attendons que vous nous en disiez un peu plus.
Je veux insister sur un rapport de l'inspection générale dont j'ai eu connaissance et qui me paraît faire le point sur les vraies difficultés du collège. Un inspecteur général, M. Alain Dulot, a enquêté dans un nombre très significatif d'établissements. Il a abouti à un constat sévère, pour ne pas dire alarmant.
Le principe même du collège unique, qui a pour objet de donner les mêmes chances à tous les élèves, est de plus en plus souvent battu en brèche. Cet inspecteur général constate - j'ose à peine le dire tellement c'est terrible - que des enseignants - et l'on sait à quel point les enseignants sont sourcilleux quand il s'agit d'égalité - en sont venus à se demander s'il n'était pas indispensable de mettre en place deux types de structures dans les établissements : l'une valorisante, l'autre qui serait une espèce de structure d'accueil, et l'on voit bien quel type d'élèves elle pourrait recevoir. On est vraiment très loin de l'égalité républicaine !
On sait que près de 80 % des collèges, de manière plus ou moins avouée ou sournoise, ont mis en place des classes de niveau pour affronter cette terrible réalité qu'est l'hétérogénéité des élèves. Je renvoie là à ce que je disais tout à l'heure sur les missions de l'école. Sur un plan plus général, monsieur le ministre, quels sont vos objectifs pour le collège ?
Au terme de mon propos, monsieur le ministre, j'exprimerai une crainte.
Je crains que vos intentions ne soient bonnes mais que nous n'ayez pas les moyens - j'entends non pas les moyens matériels d'abord, mais surtout les moyens politiques -...
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Adrien Gouteyron. ... qui vous permettraient d'atteindre vos objectifs. Monsieur le ministre, j'ai peur que votre ministère de la rue de Grenelle ne devienne en quelque sorte le grand cimetière national des réformes mort-nées ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de problèmes compliqués d'emploi du temps et, je l'avoue, d'une mauvaise coordination, dont je vous prie de m'excuser, avec mon collègue chargé des relations avec le Parlement (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.), nous avons néanmoins fait en sorte d'être présents pour ce débat. Je suis donc venu écouter votre question accompagné de Mme Royal, qui va rester jusqu'à la fin de la discussion.
Bien que j'aie comprimé un certain nombre de rendez-vous, je ne peux pas les comprimer tous. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je reviendrai donc tout à l'heure pour vous répondre.
Cela étant, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, sans vouloir entamer ce débat sous le signe de la polémique, puisque j'ai constaté dans vos propos une grande unité de vues avec notre action, je souhaite tout de même faire une remarque. Etant un scientifique, je me fonde sur des faits : cela fait vingt-cinq ans que l'on parle de la déconcentration dans l'éducation nationale. Je l'ai faite - le décret est paru aujourd'hui ! - alors qu'on m'avait dit qu'elle ne se ferait pas ! Alors, lorsque vous parlez de « cimetière de réformes », ce n'est pas à moi que ce discours s'adresse ! (Si ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
L'an prochain, la déconcentration de l'éducation nationale deviendra effective. Je vous en dirai plus tout à l'heure en vous donnant les détails du calendrier.
Nous devons donc nous fonder sur les faits et, les uns et les autres, convenir que le problème des moyens est certes important, mais que celui de leur utilisation pour nous tous dans cet hémicycle, qui sommes les garants du bon usage de l'argent de la République, constitue la priorité numéro un.
Nous ne mènerons pas à bien cette indispensable réforme de l'éducation nationale, cette déconcentration - sur laquelle nous sommes tous, je crois, profondément d'accord, et qui doit aboutir à ce que les besoins soient recensés et les réponses apportées dans la proximité - sans l'aide de tout le monde : de la représentation nationale, députés et sénateurs, de l'ensemble du corps enseignant, naturellement, qui sera le vecteur principal de cette réforme, et de l'administration.
Je vous demanderai donc vos suggestions, votre aide, mesdames, messieurs les sénateurs.
Mais je suis obligé de poser la question : pourquoi cette déconcentration s'est-elle arrêtée pendant quatre ans ?
Tout à l'heure, j'aurai l'occasion de répondre point par point à toutes vos interrogations. Je vous demande encore une fois, au nom du Gouvernement, d'excuser mon absence. Je suis prêt, vous le savez, à revenir quand vous le voudrez. L'année dernière, j'ai participé, autant qu'il a fallu, aux débats, et je le ferai de nouveau chaque fois que ce sera nécessaire.
M. le président. Monsieur le ministre, je comprends fort bien le caractère impératif des obligations qui s'imposent à vous et dont vous m'avez d'ailleurs fait part. Je regrette cependant, comprenez-le, que vous soyez contraint de nous quitter, d'autant que, lors de la conférence des présidents, je suis intervenu à deux reprises pour préciser que le débat devait durer trois heures et pour demander que l'on veuille bien vérifier que le ministre de l'éducation nationale serait présent. On nous a alors répondu positivement. Je regrette donc votre départ, monsieur le ministre.
Mais je me félicite, bien sûr, de la présence de Mme le ministre délégué, qui ne manquera pas de suivre attentivement nos travaux et de vous transmettre nos questions. J'ai toutefois noté avec satisfaction que vous serez de retour pour répondre aux intervenants, car c'est vous, ministre de l'éducation nationale, qui avez été interpellé - au bon sens du terme !
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants , 27 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 16 minutes.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les parents passent la semaine à l'école, les sénateurs - en assez grand nombre !- s'y rendent par procuration cet après-midi.
Les passerelles entre l'école et la société dans son ensemble sont, à mes yeux, une excellente chose, et je me réjouis que votre politique, madame la ministre, en prévoie une illustration concrète. Ainsi, je constate que les différentes réformes, entrées en application ou en cours d'élaboration, vont toutes dans le sens d'une plus grande ouverture des élèves, des enseignants et de l'école vers le monde extérieur et ses réalités.
Ouverture de l'école sur le monde et du monde sur l'école, tel est le thème que je vais m'appliquer à traiter dans mon propos.
Madame la ministre, dès le plus jeune âge, les enfants sont incités à regarder ce qui se passe autour d'eux.
Votre projet de « charte pour bâtir l'école du xxie siècle » s'inscrit dans cette démarche.
L'aménagement des rythmes de l'enfant que vous proposez constituera le premier signe d'ouverture : en laissant une marge importante aux établissements pour organiser, à partir du cahier des charges national, leurs propres rythmes et en faisant appel, avec discernement, à des intervenants extérieurs à l'école, on offrira aux jeunes enfants une éducation dépassant le cadre de l'école stricto sensu , ce qui leur permettra de découvrir de nouveaux centres d'intérêt. Je suis, tout comme vous, très attaché à ce que la maîtrise de l'organisation de la journée reste de la compétence des enseignants.
De la même manière, l'apprentissage précoce d'une langue étrangère - en CM2 et, l'an prochain, dès le CM1 - constituera l'une des multiples ouvertures sur le monde de l'école de la République. L'embauche d'étudiants étrangers permettra aux très jeunes enfants qui bénéficieront de leur enseignement de se familiariser avec de nouvelles cultures ; cela constituera aussi une avancée très positive.
L'évaluation systématique des connaissances en classe de sixième, qui répond à la demande formulée par M. Gouteyron, s'inscrit dans le même objectif de décloisonnement et d'inscription de chaque établissement dans la globalité du système éducatif puisque cette évaluation permettra de tirer des conséquences générales sur l'enseignement que reçoivent les élèves avant le collège.
Porter les résultats de ces évaluations à la connaissance de tous les partenaires de la communauté éducative - aux professeurs, mais aussi aux parents d'élèves et aux enfants eux-mêmes - est également très positif.
S'agissant des programmes, les choses bougent aussi, pour permettre aux jeunes de mieux appréhender le monde qui les entoure et pour les aider à faire face aux vicissitudes croissantes de notre société. Je me réjouis de voir que l'éducation civique fera désormais partie des matières prises en compte pour l'obtention du brevet des collèges.
L'éducation à la santé proposée en module sera la bienvenue, à condition, madame la ministre, que les cours soient réellement instructifs, simples et donc accessibles.
A propos des lycées, je constate la même volonté d'ouverture sur le monde : le recentrage des programmes, tout comme la réduction des horaires hebdomadaires devraient inciter les jeunes, grâce au temps ainsi dégagé, à développer la pratique d'activités parascolaires.
L'accent mis sur les langues étrangères, la culture juridique et politique, les nouvelles technologies de l'information et de la communication est extrêmement positif.
Enfin, la rénovation des instances des lycées, afin de permettre une meilleure participation des élèves et de leurs parents, en accentuant les liens entre l'école et la société, est d'une urgente nécessité - j'y reviendrai plus loin.
Cette plus grande perméabilité de l'école ne doit pas nous faire oublier le rôle social essentiel que doit tenir cette institution et que certains de vos prédécesseurs, madame la ministre, avaient quelque peu négligé.
Ainsi vous êtes, depuis un an et quelques mois, en train de nous dessiner une école socialement plus équitable.
Vous avez optimisé l'accueil des tout-petits en maternelle, relancé les ZEP en modernisant leur mode de fonctionnement grâce aux réseaux d'éducation prioritaires, créé des emplois d'aide-éducateur, rétabli les bourses de collège en créant, de surcroît, un nouveau taux plus élevé, mis en place le fonds social pour les cantines, pris de nombreuses mesures contre toute forme de violence - notamment contre la pédophilie, le bizutage et le racket - avec l'installation de classes-relais pour les adolescents en grande difficulté - ils sont malheureusement de plus en plus nombreux - ainsi que par la mise en place d'un numéro de téléphone azur : « SOS violence ».
Voilà des mesures concrètes très importantes, qui collent à la réalité.
Dans un autre registre, la refonte des manuels scolaires, tant au collège qu'au lycée, permettra d'en alléger le poids ainsi que le contenu. C'est du moins ce que l'on peut supposer à la suite de la divulgation du rapport Borne. Cela participera à la modernisation du système scolaire.
Cette modernisation est déjà une réalité si l'on s'en tient au domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les classes de collèges et de lycées qui bénéficient déjà du plan multimédia sont aujourd'hui majoritaires ; je crois, en revanche, que la mise en route de ce plan est un peu plus longue dans l'enseignement élémentaire bien que, ici ou là, les départements, alors que ce n'est pourtant pas de leur compétence, s'y investissent résolument.
Il reste cependant encore à faire ; les lycéens l'ont fait savoir et continuent de le faire savoir en demandant des emplois du temps moins lourds, des classes moins chargées, des professeurs effectivement présents. C'est du moins le motif officiellement avancé et réel, à mon avis, de leur mouvement.
Cela étant dit, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur les classes surchargées, notamment en langues vivantes.
J'ai reçu quelques lycéens de ma région voilà deux jours. J'ai rencontré des jeunes en grande détresse qui souffrent surtout de ne pas être informés et entendus par le monde d'adultes qui les entourent et font bloc au sein de l'éducation nationale. Ces jeunes dénoncent notamment l'absence de concertation préalable aux réunions de la part des deux tutelles : Etat - le recteur qui représente l'Etat et le proviseur. Ainsi, hors des conseils, les jeunes, qui ne se sentent pas soutenus, n'osent pas prendre la parole sur les questions qui les préoccupent mais qui ne correspondent pas nécessairement à l'ordre du jour ni aux soucis des adultes. Ces mêmes lycéens ont déploré le manque d'information sur ce qui vient des régions, en particulier sur les moyens financiers dont elles disposent pour leurs établissements, bien que des efforts très importants soient, à relever indiscutablement.
Je me félicitais tout à l'heure de votre réforme de la participation au sein des instances de l'éducation ; cela constitue un premier pas, mais je pense qu'il faudra faire davantage pour que les premiers concernés, les lycéens, y trouvent réellement toute leur place.
De la même façon, j'espère que l'évaluation sur la réforme des collèges de François Bayrou permettra de prendre les mesures qui s'imposent pour ces établissements, qui connaissent le même type de problèmes que les lycées.
Cela étant, madame la ministre, je sais que vous êtes au Gouvernement depuis un an et quelques mois, et non pas depuis cinq ans et demi. Je n'aurai donc pas l'outrecuidance de vous reprocher de ne pas avoir résolu tous les problèmes en si peu de temps.
Je souhaite, en revanche, que vous nous indiquiez quels seront le sens et le rythme de vos réformes.
Parmi les problèmes criants figure celui de l'insuffisance des personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service, les ATOS, dans les établissements du second degré. Je regrette le désengagement chronique de l'Etat envers ces personnels, dont vous n'êtes pas seule responsable : 616 postes au titre du projet de loi de finances pour 1999, est mieux mais c'est peu, et cela ne permettra pas de combler le retard accumulé. Ces personnels jouent pourtant un rôle essentiel, rôle qu'aucun autre type de personnel, titulaire ou non, n'est, à mes yeux, capable d'assumer. A l'heure où les régions ont fait, comme je le disais, un gros effort pour remettre en état les locaux, il serait bien dommage que l'entretien de ceux-ci ne soit plus assuré, faute de personnel.
Après ces deux réserves dans mon adhésion à votre politique, je tiens à vous féliciter sur votre nouveau dispositif pour la déconcentration du mouvement des enseignants. Les deux phases de décision successives, inter-académique et intra-académique, permettront de mieux prendre en compte les besoins, et donc, je l'espère, d'y répondre de manière positive.
J'espère que ce mouvement respectera réellement les équilibres entre les régions, compte tenu, notamment, des flux de populations, donc des flux d'élèves. Je souhaite que cela permette de répondre effectivement, et rapidement, aux revendications des lycéens et de résoudre les problèmes de concordance entre les postes d'enseignants sans affectation et les classes sans enseignants. Bien entendu, j'espère que les enseignants, premiers concernés, y trouveront leur compte, et ce d'autant plus que j'ai noté que vous prévoyiez une amélioration des délais et une meilleure information des intéressés.
Laissez-moi terminer mon propos par une marque d'étonnement :
Cet après-midi, et c'est tout à son honneur, mon collègue Adrien Gouteyron, de la majorité sénatoriale, revendiqua des réformes et des moyens supplémentaires pour l'éducation. Je souscris à cette démarche.
M. Adrien Gouteyron. Je n'ai pas dit cela !
M. Jean-Louis Carrère. Pourtant, j'ai un peu de mémoire, et je me souviens du vote de la loi de finances pour 1998, au cours duquel le même sénateur et ses collègues, MM. Lambert et Poncelet, alors respectivement rapporteur général du budget et président de la commission des finances, n'ont eu de cesse de réduire les crédits destinés à l'éducation nationale, notamment ceux de l'enseignement scolaire. J'ai sous les yeux leur amendement, qui prévoyait de réduire les crédits du titre IV de 252 millions de francs ! (M. Jean-Louis Carrère brandit le document en question.)
Plusieurs sénateurs socialistes. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Et ce au nom d'un fallacieux prétexte, celui du pseudo-principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
Cet amendement, la quasi-totalité de la majorité sénatoriale l'avait alors voté. Je crois que certains d'entre nous devraient avoir davantage de suite dans les idées !
Cela dit, je me félicité de la recrudescence d'intérêt de mes collègues pour le secteur de l'éducation nationale et de l'enseignement scolaire.
Quoi qu'il en soit, l'éducation est plus que jamais - et grâce à vous, madame la ministre, ainsi qu'à M. le ministre - un secteur qui bouge et qui va dans le bon sens : celui de davantage de justice, d'équité sociale, d'intégration de tous dans la société dans sa globalité, de participation de ses différents acteurs et, par conséquent de responsabilisation de tous les partenaires de la vie éducative.
Vous pouvez donc être assurée de mon soutien vigilant aux réformes que, avec M. le ministre de l'éducation nationale, vous menez et que vous entreprendrez dans le futur ; vous disant cela, je crois exprimer la pensée de l'ensemble de mes collègues du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Arthuis et Arnaud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, monsieur le ministre in abstentia (Sourires) , madame la ministre, mes chers collègues, que pouvons-nous dire des mouvements de lycéens en colère qui s'étendent à toute la France ? S'agit-il de délicats ajustements de rentrée ? Ou bien assistons-nous à un mouvement plus profond !? Tels sont aujourd'hui les termes de la question que tout le monde se pose.
Depuis le début du mois de septembre, les troubles ne cessent de se multiplier : classes sans professeur, mots d'ordre de grève, lycéens dans la rue, recrudescence de la violence dans les établissements. Voilà bien de quoi être inquiet !
Et, comme vous le faites à chaque rentrée, monsieur le ministre, madame la ministre, vous soulevez quelques lièvres tels que les heures supplémentaires et les manuels scolaires. Beau tableau de chasse ! Qui pourrait se plaindre d'un tel désir de faire évoluer une institution quelque peu résistante au changement ?
Cependant, votre méthode est risquée ; jusqu'où, en effet, pourrez-vous allez sans rien casser ?
S'agissant des heures supplémentaires, leur suppression correspond, selon les enseignants, à la première baisse de rémunération des fonctionnaires depuis la Libération.
M. Jean-Louis Carrère. Ça, c'est de la démagogie !
M. André Maman. Sans juger de l'opportunité de la mesure, il me semble que la justification que vous donnez porte en elle les ferments d'une crise profonde chez les enseignants ...
M. Jean-Louis Carrère. Oh là là !
M. André Maman. ... notamment chez ceux des classes préparatoires, plus touchés que ceux du secondaire.
Concrètement, vous allez financer des emplois-jeunes sur le dos des professeurs titulaires. Leur cohabitation dans les établissements a de beaux jours devant elle !
Il reste toutefois deux questions en suspens : comment comptez-vous pérenniser ces emplois et comment allez-vous rémunérer les 20 000 jeunes supplémentaires que vous comptez recruter ?
De la même façon, votre attaque contre les manuels scolaires, si elle peut être justifiée, aura certainement des conséquences sur les relations avec votre administration et, notamment, avec les inspecteurs d'académie, c'est-à-dire ceux-là mêmes qui devront mettre en application la réforme que vous appelez de vos voeux.
Là encore, votre méthode déroute, pour dire le moins.
Vous avez annoncé à plusieurs reprises que vous voudriez bâtir l'école du xxie siècle. Cet objectif est aussi le nôtre, il ne doit y avoir aucun doute à cet égard.
La charte que vous avez rédigée cet été s'articule autour de trois axes : élaborer de nouveaux programmes, centrés sur l'acquisition des savoirs fondamentaux ; mettre progressivement en place des rythmes scolaires adaptés à ceux de l'enfant ; enfin, repenser le métier de professeur d'école, en permettant plus d'autonomie et en intégrant le travail en équipe. C'est là, en somme, la reprise de quelques-unes des propositions avancées par la commission Fauroux. Il vous reste à définir les moyens de la mise en oeuvre de ces principes.
En ce qui concerne le recentrage des programmes, je remarque que la charte ne mentionne ni l'instruction civique ni l'apprentissage des langues étrangères. J'attends que, sur ce point, auquel vous teniez beaucoup, vous nous apportiez quelques éclaircissements.
Je salue votre volonté de faire évoluer les rythmes scolaires. Je pense qu'une telle évolution est effectivement nécessaire. Cependant, je note que l'on en parle depuis longtemps mais que nous sommes toujours dans une phase expérimentale. A chaque changement de gouvernement, le nouveau ministre de l'éducation nationale met en place des expérimentations de rythmes scolaires, si bien que leur généralisation est toujours impossible.
Quelles sont vos intentions en la matière ? Quelle est cette troisième voie que vous suggérez, entre matinée de travail et après-midi sans cartable ? Je vous rappelle que nos compatriotes veulent - les sondages le révèlent très clairement - une semaine de cinq jours avec moins d'heures de cours par jour et des vacances plus courtes.
Aujourd'hui, ce sont d'abord les écoles publiques qui s'attachent au mercredi libre. La raison est toute simple : les associations sportives récupèrent ainsi une « clientèle » importante et les mairies économisent une journée de cantine par semaine.
Espérons que votre liberté de ton aura, pour une fois, un effet positif pour faire évoluer cette situation.
Enfin, j'approuve votre souhait d'aller vers une nouvelle conception du métier de professeur d'école.
Je tiens ici à bien insister sur le fait que nos enseignants, en grande majorité, sont excellents. On note chez eux une grogne générale parce que vous les avez attaqués et même, dirai-je, parfois insultés dans vos propos. Ils ne méritent pas d'être ainsi traités.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. André Maman. Une réforme de l'école primaire ne peut réussir que si les enseignants ont les moyens de la mettre en pratique sur le terrain. Il faut leur faire confiance ; il faut leur donner les moyens d'atteindre les objectifs qui leur sont indiqués.
M. Jean-Louis Carrère. En réduisant le budget ?
M. André Maman. Pour cela, il est primordial d'approfondir la formation continue des professeurs : formation aux nouvelles technologies, formation aux langues vivantes. Il est également essentiel de développer le travail en équipe, notamment avec les aides éducateurs, afin de mettre en place des formules d'aide aux enfants en difficultés.
Ces trois grands objectifs, dont je ne conteste pas le bien-fondé, suscitent cependant une grande inquiétude : comment allez-vous financer toutes les mesures que vous souhaitez mettre en oeuvre ?
Fidèle à votre méthode consistant à ouvrir des chantiers partout, à peine avez-vous annoncé la réforme de l'école primaire que vous vous attaquez au lycée, avant de vous en prendre au collège. Au moins, on ne pourra pas vous reprocher d'avoir perdu du temps !
Pour le lycée du xxie siècle, vous affichez une grande ambition, qui se concrétisera progressivement. Votre volonté est de diminuer l'horaire hebdomadaire des élèves et de leur fournir une aide personnalisée. Nous sommes très favorables à ces deux actions.
En somme, vous reprenez l'idée d'un de vos prédécesseurs, M. Lionel Jospin, qui estimait que la lourdeur des horaires était source d'échec scolaire.
Mais comment passer d'une semaine de plus de trente heures à une semaine réduite à vingt-six heures, sachant qu'il faudra approfondir les langues vivantes, se former à l'utilisation des nouvelles technologies et recevoir un enseignement civique, juridique et politique ?
Par ailleurs, en tant que sénateur des Français établis hors de France, c'est-à-dire 1 800 000 personnes, j'aurais aimé qu'on apprenne à nos jeunes gens à se tourner vers l'étranger le plus tôt possible, en pensant à l'expatriation. Ils devraient bien connaître le monde tel qu'il est au-delà de nos frontières, ainsi que les possibilités de carrière qu'il offre.
Cette orientation ne peut que vous conduire à jongler habilement entre les options facultatives ou obligatoires.
Reste le délicat problème du soutien scolaire, de l'aide personnalisée.
Sa solution passe sans doute par la fin du règne du cours magistral. Cette idée, sur laquelle tout le monde semble aujourd'hui d'accord, butte sur la question du temps de travail des enseignants. L'enseignement individualisé requiert soit des heures supplémentaires, aujourd'hui réduites, soit des enseignants en plus grand nombre. Alors, où est l'issue ?
Les lycéens se plaignent des classes surchargées, de la mauvaise organisation des emplois du temps et des difficiles conditions de travail ; ce sont les trois points qu'ils mettent actuellement en avant. Ils manifestent depuis plusieurs jours pour demander plus de professeurs, des moyens supplémentaires et une garantie de sécurité.
Ces jeunes nous font bien comprendre qu'ils veulent travailler et réussir : il faut leur en donner les moyens. N'est-ce pas là le signe d'un désenchantement après la vaste consultation organisée par M. Philippe Méirieu au printemps dernier dans les lycées ?
Ce sont peut-être ces espoirs déçus qui se trouvent à l'origine du mouvement lycéen actuel. Ce n'est pas en débloquant quelques postes de professeurs de plus que vous pourrez mettre un terme à la contestation. Il vous faudrait plutôt mettre en oeuvre, et le plus rapidement possible, les pistes esquissées par les lycéens eux-mêmes lors de la consultation nationale : réduction des horaires, aide personnalisée, système de tutorat, mais aussi prise en compte de la parole lycéenne, meilleure préparation à la vie professionnelle.
Nous devons les écouter, leur accorder toute notre attention, afin de savoir ce qu'ils veulent, et ne pas prendre de décisions sur lesquelles ils n'auraient pas été préalablement consultés.
Sur ces attentes des lycéens, là encore, le rapport Fauroux avançait des propositions très pertinentes.
Une autre source de propositions en matière de sécurité dans les écoles, les collèges et les lycées se situe dans l'excellent rapport de mon collègue Jean-Louis Lorrain. Selon lui, la violence dans les établissements scolaires n'est pas une fatalité. Dans ce rapport, il a avancé plusieurs solutions, passant notamment par une redéfinition des fonctions des personnels d'encadrement, par l'établissement d'un code parental, par une meilleure prise en charge des adolescents à problèmes, par une refonte de la carte scolaire ou encore par la création d'un carnet de comportement pour chaque élève.
C'est en appliquant ces mesures que vous pourrez faire de l'école une véritable école républicaine.
Toujours sur votre lancée, vous avez récemment dévoilé vos plans pour l'université du troisième millénaire. Je n'évoquerai ce point que brièvement, tant il est vrai que tout se tient : si nos jeunes gens sont dans la rue, c'est parce qu'ils pensent non seulement au baccalauréat, mais aussi à l'université et à leur carrière future.
M. Jean-Louis Carrère. Et, pour certains d'entre eux, au Sénat ! (Sourires.)
M. André Maman. Pas tous ! Seulement les meilleurs ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Maman. Vous seul avez la parole.
M. André Maman. Votre orientation se résume, selon vos propres termes, par « plus de matière grise que de béton, plus de fibres optiques que d'amphithéâtres ». Après « Université 2000 », voici venu « U3M », c'est-à-dire l'université du troisième millénaire. Après le plan de rénovation des locaux et équipements, la priorité est donnée à l'innovation et à la recherche, avec le développement des nouvelles technologies.
Vous accordez également une attention particulière au plan social étudiant. Pourtant, un véritable statut social de l'étudiant devrait passer, selon moi, par une réforme de la fiscalité et de l'aide sociale au logement étudiant. Au lieu de cela, vous avez choisi d'augmenter le nombre et le montant des aides accordées par l'Etat sur des critères sociaux et universitaires.
En ce qui concerne les filières d'excellence et les pôles européens, les propositions du rapport Attali ont apporté de l'eau à votre moulin. Pour ma part, j'approuve vos décisions en matière d'harmonisation des diplômes et de renforcement des échanges d'étudiants et de professeurs.
Cependant, le rapprochement entre les universités et les grandes écoles, proposition sortie tout droit du rapport Attali, risque à mes yeux de briser l'originalité de ces deux structures. Je crois qu'il faut veiller à exalter leur complémentarité, celle-ci étant une composante essentielle du modèle français d'éducation.
Sachons transformer les rivalités en saine émulation. Nos grandes écoles ne sont pas rivales des universités. Elles représentent, à certains titres, un moteur pour notre enseignement supérieur. A d'autres égards, ce sont les universités qui jouent ce rôle.
Les grandes écoles se veulent exemplaires pour ce qui est de l'ancrage dans les entreprises, point très important, et la relation avec le monde de la recherche, relation que vous préconisez avec beaucoup de force. Les échanges entre écoles et universités se multiplient. A partir du moment où il y a respect réciproque et intérêt mutuel, cela se fait tout naturellement sur le terrain.
Pour le reste, vos intentions sont obscures. Qu'en est-il de l'organisation des cursus des premier et second cycles, du tutorat et, enfin, de la « coéducation », qu'évoquait notamment le rapport Fauroux ?
L'insertion des jeunes dans le monde professionnel est sans doute la question la plus importante, j'insiste sur ce point, et l'orientation doit, du collège à l'université, tenir une place primordiale. Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre position sur ce point.
La politique, c'est choisir. Choisir l'intérêt général, choisir de faire bouger les choses sans brusquer les gens, et c'est souvent faire des sacrifices. Malheureusement, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas en faire parce que vous naviguez à vue.
Nous pouvons vous aider à y voir plus clair, en particulier dans la gestion de vos personnels.
Dès votre prise de fonctions, vous avez annoncé votre volonté de déconcentrer la gestion de vos effectifs et le système centralisé des mutations.
Plusieurs sénateurs du groupe de l'Union centriste. Très bien !
M. André Maman. Or cette volonté n'a pas été accompagnée d'une approche réfléchie et concertée.
M. Jean-Louis Carrère. Ah bon ?
M. André Maman. Naturellement, les syndicats ont crié au scandale. Et vous vous trouvez aujourd'hui dans une situation quelque peu inconfortable.
Le groupe de l'Union centriste a pris l'initiative de déposer une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sur les situations et la gestion des personnels enseignants et non enseignants de l'éducation nationale.
M. Jean Arthuis. Bravo !
M. André Maman. A travers cette initiative, il invite le Sénat à tenter de faire la lumière sur la gestion opaque de l'ensemble des personnels de votre administration. Ainsi, dans le cadre de ses prérogatives de contrôle, la Haute Assemblée pourra chercher à savoir quels sont réellement les effectifs enseignants et non enseignants de l'éducation nationale, quels sont les effectifs payés et éventuellement inemployés.
M. Jean-Louis Carrère. C'est sans doute pour les aider ?
M. André Maman. En somme, elle pourra vérifier l'adéquation entre, d'une part, les moyens humains mis en oeuvre par le ministère de l'éducation nationale et, d'autre part, les objectifs pédagogiques du système éducatif. La constitution de cette commission vous déchargera d'un travail fastidieux tout en vous préservant sans aucun doute d'une nouvelle fronde des syndicats.
Tel est, brièvement résumé, mon sentiment sur les réformes que vous souhaitez conduire. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, examen qui promet, d'ores et déjà, un débat animé.
Dès votre arrivée rue de Grenelle, nous avions estimé que votre politique était, non pas condamnable, mais dangereuse. Vous aviez amené un souffle et un esprit nouveaux qui nous laissaient espérer des résultats plus tangibles. A trop vouloir en faire, vous allez, monsieur le ministre, au-devant des échecs. En ignorant le dialogue et la concertation, vous poussez les acteurs du monde éducatif à la contestation. Les lycéens qui défilent ces jours-ci dans la rue en sont la meilleure illustration. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je tiens à saluer l'initiative de M. Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, qui nous permet de faire le point sur les réformes annoncées depuis seize mois à l'école primaire, au collège et au lycée.
M. le ministre est venu le 1er juillet dernier présenter sa réforme du lycée devant la commission des affaires culturelles.
Parallèlement, de nombreuses annonces ont été faites et plusieurs campagnes de nature très diverse ont été lancées.
Il convient aujourd'hui de mesurer le chemin parcouru et de dégager une ligne directrice qui, il faut bien l'avouer, reste un peu confuse.
Considérons tout d'abord l'enseignement primaire.
La charte présentée par M. le ministre le 28 août dernier vient à peine d'être adressée par les inspecteurs de l'éducation nationale aux directeurs d'école avec, en objet : « Expérience relative à la charte pour bâtir l'école du xxie siècle ».
Personnellement, j'approuve à la fois l'élaboration progressive et collective de nouveaux programmes et la mise en place de rythmes scolaires adaptés à l'enfant.
En tant que libéral, je suis également favorable à une plus grande autonomie du professeur d'école dans les choix pédagogiques.
En ce qui concerne les rythmes scolaires, j'ai noté votre volonté de privilégier la présence de l'acte éducatif tout au long de la journée.
Permettez-moi cependant de vous interroger sur la dimension hebdomadaire de l'aménagement des rythmes scolaires. Faute de vous avoir entendu évoquer les nombreuses expériences menées dans ce cadre depuis 1996, je voudrais connaître votre position à leur égard.
Sur un plan plus général, je m'inquiète des conséquences que pourraient avoir sur le terrain certaines bonnes intentions inscrites dans la charte.
Pour avoir souvent l'occasion de dialoguer dans mon département avec les enseignants et les chefs d'établissement, je sais que leur tâche est déjà bien compliquée. Je m'interroge donc sur les conséquences pratiques de votre volonté d'associer enseignants, aides-éducateurs, intervenants extérieurs et parents d'élèves.
L'instauration dès cette année de l'enseignement d'une langue vivante étrangère au CM2 nous démontre comment peut évoluer une mesure annoncée mais dépourvue de véritable suivi. Sur le terrain, ce sont les maîtres qui, lorsqu'ils le peuvent, doivent assurer l'heure et demie d'enseignement hebdomadaire exigée par le ministère.
Autre effet d'annonce : l'éventuelle instauration d'un brevet des écoles à l'issue du CM2, pour procéder à l'évaluation des élèves sur l'ensemble des disciplines.
Que penser d'une telle disposition, que vous avez récemment évoquée dans les médias, madame le ministre ? J'ajoute qu'elle résulte d'un rapport sur l'amélioration de l'efficacité des écoles primaires qui, il faut le souligner, n'a pas encore été transmis aux parlementaires.
Dans le même ordre d'idée, vous connaissez, madame le ministre, l'importance que le Sénat attache aux collectivités locales et à l'aménagement du territoire.
Je souhaiterais donc que vous nous disiez si vous comptez remettre en cause le moratoire Balladur de 1993, qui était destiné à surseoir à la fermeture de petites écoles de campagne comportant souvent une classe unique.
Nous sommes unanimes pour considérer que le collège, maillon le plus faible du système éducatif, concentre les principales difficultés de ce dernier. La comparaison avec les chantiers ouverts à l'école et au lycée fait pourtant apparaître le collège comme le grand oublié de la politique du Gouvernement.
Vous vous êtes contentés, semble-t-il, de commander un audit, d'annoncer une consultation sur le modèle de celle qui a eu lieu pour les lycées et de proposer une évaluation de la réforme engagée par votre prédécesseur. Les deux seules nouveautés sont la mise en place d'un module d'éducation à la santé en classe de 4e et la création d'une épreuve d'éducation civique au prochain brevet des collèges.
Je sais bien que Paris ne s'est pas fait en un jour, mais permettez-moi, là encore, de me faire l'écho des enseignants et des chefs d'établissement que j'ai rencontrés. Puisque c'est au collège que sont concentrées les difficultés les plus importantes, des mesures urgentes s'imposent.
M. Michel Barnier. Absolument !
M. James Bordas. En effet, grand est le désarroi des acteurs locaux, qui critiquent l'absence de pilotage et de cadrage, l'avalanche de circulaires adressées par les deux ministres de tutelle, la répartition parfois incompréhensible des emplois-jeunes entre les collèges, mais aussi les crédits insuffisants pour assurer le renouvellement des livres scolaires à l'occasion du changement de programme en classe de 4e.
Même le rétablissement des bourses des collèges, que personne ne conteste dans son principe, a eu lieu de manière précipitée et désorganisée, ce qui provoque des différences d'un collège à l'autre, voire des réactions variées sur le plan comptable. Il serait bon que le Gouvernement prenne en compte les conséquences de sa politique sur le terrain.
Je souhaiterais maintenant parler du lycée.
Le projet de réforme de M. le ministre s'inspire de la consultation nationale menée par M. Philippe Meirieu. Il retient dix « exigences indissociables » qui pourraient susciter un large consensus.
Toutefois, il faut là encore prendre garde à ne pas être en décalage avec la réalité et à ne pas faire des promesses que l'on n'est pas sûr de tenir.
J'ai cru comprendre, par exemple que, loin de faire l'objet d'un enseignement spécifique, l'éducation civique et l'enseignement des sciences politiques et économiques dans le cursus des lycéens seraient intégrés dans d'autres matières.
De même, pour l'informatique, ce sont les professeurs de mathématiques qui pourraient être sollicités.
Quant à l'allégement des programmes, promis pour bientôt, il serait remis à plus tard.
Mes chers collègues, la multiplication et l'ampleur des manifestations lycéennes depuis le début du mois d'octobre nous interpellent directement. Elles illustrent à mon sens le décalage entre le discours gouvernemental et la réalité.
La consultation nationale a laissé beaucoup espérer aux lycéens. Aujourd'hui, malgré les communiqués officiels annonçant une rentrée scolaire sans problème, enseignants, lycéens et parents d'élèves constatent l'absence de progrès significatifs.
La seule innovation prévue dès cette année est l'instauration d'un conseil de la vie lycéenne. C'est très insuffisant pour les lycéens qui manifestent en nombre un peu partout en France. Nous devons répondre à leurs préoccupations de manière directe et ne pas nous voiler la face en refusant de voir les vrais problèmes.
Cela m'amène à évoquer plusieurs dossiers sensibles et, en premier lieu, la violence à l'école.
Depuis le début de l'année, un plan de lutte contre ce fléau est expérimenté sur dix sites. Le premier bilan officiel ne devrait pas être connu avant le mois de décembre prochain.
Pourtant, certaines informations font état d'une situation inquiétante : d'une manière générale, les observateurs notent une forte aggravation des tensions et des violences scolaires.
Le plan anti-violence semble mal connu sur le terrain. Hormis la présence des emplois-jeunes, qui fait l'objet d'une appréciation plutôt positive, les mesures concernant notamment le règlement intérieur et la punition ne sont pas appliquées.
Madame le ministre, il s'agit là d'un sujet grave, qui touche directement nos enfants ou nos petits-enfants. Je pense que nous pouvons en parler hors de toute polémique. En effet, personne ne peut se réjouir de constater qu'une politique destinée à lutter contre la violence rencontre des difficultés, surtout dans les lycées et dans les collèges.
Est-il vrai que vos services ont constaté l'inefficacité de votre plan dans certaines zones et que vous comptez le renforcer ? Si tel était le cas, je souhaiterais que vous nous précisiez les modalités de votre action.
Le malaise des enseignants constitue le deuxième dossier sensible.
La déconcentration des mutations et le dossier des heures supplémentaires ont compromis le dialogue social au sein de l'éducation nationale. Au-delà des réformes, qui suscitent toujours des réactions, je regrette le climat de méfiance qui s'est installé entre les enseignants et leur ministère de tutelle.
Jusqu'à présent les intéressés n'ont pas réussi à exprimer leur malaise. Néanmoins, ce malaise, qui existe bel et bien, retarde l'avancement de dossiers importants tels que ceux de la formation continue ou de la validation des acquis professionnels.
En attendant, de jeunes professeurs doivent souvent affronter sur le terrain des situations conflictuelles auxquelles ils n'ont pas été préparés.
Permettez-moi maintenant d'évoquer le désarroi des chefs d'établissement.
On parle en effet beaucoup moins d'eux que des enseignants. Pourtant, ils subissent un accroissement de leurs responsabilités personnelles sans pouvoir s'appuyer sur une politique cohérente et sur des moyens d'action clairement définis. Un grand nombre de postes sont actuellement vacants. On cite le chiffre de 950 ! La fonction subit une véritable crise de vocation. Il faut, à mon sens, qu'elle soit repensée dans sa globalité.
Un autre dossier sensible concerne les emplois-jeunes.
L'absence de véritable politique de gestion du personnel les concernant provoque de nombreux problèmes. Le rôle de l'aide-éducateur se rapproche parfois de celui de l'enseignant. La recherche de la frontière entre enseignement et animation constitue une tâche difficile que toutes les équipes pédagogiques ne maîtrisent pas encore.
Par ailleurs, la création d'emplois-jeunes en grand nombre a fortement perturbé la mise en place de la formation des jeunes concernés, laquelle a également pris beaucoup de retard.
Enfin, leur avenir à l'issue de leur contrat de cinq ans n'est toujours pas réglé, bien que les spécialistes considèrent que l'on s'achemine inévitablement vers leur titularisation, à l'image de ce qui se passe pour les maîtres-auxiliaires.
M. Jean-Louis Carrère. Où seraient-ils sans les emplois-jeunes ?
M. James Bordas. Je voudrais que M. le ministre nous réponde franchement sur ce point.
Les titulaires d'emplois-jeunes seront-ils les maîtres auxiliaires III et les maîtres auxiliaires IV du xxie siècle ? Allons-nous nous heurter aux mêmes problèmes d'intégration ?
M. Jean-Louis Carrère. Oh !
M. James Bordas. Plus généralement, je tiens à souligner que les emplois-jeunes ne pourront améliorer que très provisoirement le fonctionnement de l'éducation nationale si celle-ci ne conduit pas en parallèle une réflexion fondamentale sur ses missions et, dans cette optique, sur le métier d'enseignant.
En conclusion, je veux mettre l'accent sur les difficultés pour parvenir à discerner une ligne de force dans les différentes réformes qui nous sont annoncées.
Après seize mois d'action gouvernementale, les commentaires que nous entendons dans les écoles, les collèges et les lycées sont toujours les mêmes : multiplication et juxtaposition d'injonctions et de circulaires, absence de cadre cohérent, de direction claire.
Et je ne peux passer sous silence le trouble que provoquent les campagnes médiatiques à répétition sur la violence, le poids des cartables, les manuels scolaires, la semaine des parents, le racket, l'illettrisme... que sais-je encore ? A tel point, madame le ministre, que certains chefs d'établissement demandent à quand la semaine de l'éducation ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) Là encore, il s'agit à mon sens d'un problème de méthode. Occuper les ondes n'est pas occuper le terrain !
M. Jean-Louis Carrère. Démagogie !
M. James Bordas. Non, je suis moi aussi sur le terrain !
Rien n'est pire que les annonces de programmes non finalisés, qui voient leur mise en place retardée, leur ambition révisée à la baisse ou qui se réduisent à l'envoi de circulaires aux professeurs et de brochures aux élèves.
Les campagnes médiatiques ne font pas une politique, je le dis de manière totalement dépassionnée, madame le ministre, et M. le ministre le sait, car il nous arrive d'être d'accord sur certains de ses principes.
M. Jean-Louis Carrère. En privé !
M. James Bordas. Non, ici aussi ! Mais beaucoup de vos promesses ont suscité de réels espoirs. A terme, et je crains que nous n'y soyons déjà, elles risquent de décevoir. A trop prendre l'opinion à témoin, notamment contre les enseignants, il est à craindre que celle-ci ne demande un jour des comptes ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Laffitte applaudit également.)

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NOMINATION DES MEMBRES
DE DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
ET D'UN OFFICE PARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que les listes des candidats à quatre délégations parlementaires ont été affichées et n'ont fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, ces listes sont ratifiées et je proclame :
- MM. Nicolas About, Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Michel Barnier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, James Bordas, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Hubert Durand-Chastel, Jean-Paul Emin, Claude Estier, Pierre Fauchon, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, Paul Masson, Aymeri de Montesquiou, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. André Rouvière, Simon Sutour, René Trégouët, Xavier de Villepin et Henri Weber membres de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;
- Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Jean-Claude Carle, Jean Chérioux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Serge Franchis, Francis Giraud et Paul Vergès membres de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques ;
- M. Pierre André, Mme Janine Bardou, MM. Joël Bourdin, Michel Charzat, Roger Husson, Patrick Lassourd, Henri Le Breton, Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Georges Mouly, Daniel Percheron, Jean-Pierre Plancade, Roger Rinchet, Mme Odette Terrade et M. Alain Vasselle membres de la délégation du Sénat pour la planification ;
- MM. Marcel Deneux, Charles Descours, Pierre Laffitte, Gérard Miquel, Henri Revol, Franck Sérusclat, René Trégouët et Jacques Valade membres titulaires et, respectivement pour chaque titulaire, MM. Claude Huriet, Jean Bizet, Jean-Marie Rausch, Ivan Renar, Louis Boyer, Claude Saunier, Paul Blanc et Guy Lemaire membres suppléants de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

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NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour des organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- MM. Jean-Léonce Dupont et René Trégouët membres du comité d'orientation des programmes de la société Télévision du savoir ;
- M. Jacques Valade membre titulaire du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- MM. Daniel Eckenspieller et Roger Hesling membres titulaires, MM. Guy Poirieux et Ivan Renar membres suppléants de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence ;
- M. Fernand Demilly membre du Conseil national des fondations ;
- M. André Maman membre du conseil de gestion du Fonds national pour le développement de la vie associative ;
- M. Michel Dreyfus-Schmidt membre du conseil d'administration de la société nationale de programmes Radio-France ;
- M. Philippe Nachbar membre du conseil d'administration de la société nationale de programmes France 2 ;
- et M. André Diligent membre du conseil d'administration de la société nationale de programmes France 3.

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NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté des candidatures pour la commission des affaires sociales et pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. Philippe Labeyrie membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Simon Sutour, démissionnaire ;
- M. Simon Sutour membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Philippe Labeyrie, démissionnaire.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a présenté des candidatures pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La président n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. Paul Masson membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de Mme Lucette Michaux-Chevry, démissionnaire ;
- Mme Lucette Michaux-Chevry membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Paul Masson, démissionnaire.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Yann Gaillard membre de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes, en remplacement de M. Philippe Marini, démissionnaire.

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RÉFORMES ANNONCÉES DE L'ÉDUCATION

Suite de la discussion d'une question orale avec débat

M. le président. Nous reprenons la discussion de la question orale avec débat n° 7 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les réformes annoncées de l'éducation.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, point n'est besoin d'atteindre et d'attendre la majorité légale pour infléchir son destin. Espérons que cette volonté d'agir sur le cours des choses se traduira aussi, demain, par une participation aux scrutins électoraux.
Les parties en présence, hier et demain, sont constituées d'une fraction de la population et de l'Etat. Depuis plusieurs décennies, cette population veut être, également, acteur de son sort. Aussi, chaque gouvernement initie sa propre enquête afin de bâtir sa propre réforme. Si bien que les mesures fondées sur les réponses obtenues restent la plupart du temps au stade de l'énoncé ou au mieux reçoivent un début d'application. Rarement, pour ne pas dire jamais, une réflexion sur les effets n'a lieu puisque le nouvel exécutif n'a qu'une idée, imprimer sa marque au système.
Il conviendrait, dans l'intérêt général, d'agir avec un peu plus d'humilité et de cohérence. L'éducation nationale n'est pas un champ d'expérience à l'usage des politiques, les élèves des cobayes et les parents d'élèves des mutants car lorsqu'ils ont quatre ou cinq enfants, ils ont eu toutes les variantes possibles.
Je souhaite donc qu'avant de faire table rase de ce qui a été arrêté et de ce qui a été mis en place on en tire un enseignement. De plus, comme tout changement a un coût, il serait opportun de ne le faire qu'à bon escient. On pourrait calmer le jeu à ce niveau-là.
Puisqu'il y a eu consultation en vue d'une réflexion sur une réforme des lycées parlons-en.
Selon un document établi par vos services, madame le ministre, vous avez engagé « une consultation de très grande ampleur organisée par M. Philippe Meirieu, professeur d'université, sur les enseignements en lycée afin de les adapter aux exigences de notre temps. Celle-ci a concerné l'ensemble des acteurs du système éducatif : élèves, enseignants, chefs d'établissement, qui ont été consultés sous forme de questionnaires diffusés à des millions d'exemplaires. » Lui a fait suite un colloque national en avril dernier.
Toujours dans ce même document, il est précisé qu'« aucun aménagement des structures d'enseignement en lycée n'interviendra à la rentrée 1998 ». Et c'est là que le bât blesse !
L'effet d'annonce et la communication sur l'événement ont été tels que les attentes sont allées crescendo. Les jeunes, aujourd'hui, ont l'impression d'avoir été floués. Les adolescents ne tolèrent ni l'injustice, ni le manquement de parole venant des adultes, même si eux-mêmes n'honorent pas toujours leurs promesses ! Or le temps de réponse ne leur a pas été indiqué clairement. Conclusion : c'est tout et maintenant !
Ainsi, des solutions vont être trouvées dans l'urgence. Permettez-moi de douter que ce soient les meilleures en ce qui concerne tant la qualité que le coût.
Précipitation et imminence ne riment pas avec ajustement et durée. Ce sera forcément encore une occasion de ratée car pour faire rentrer les élèves dans leurs lycées, il va bien falloir colmater les brèches, donc faire du provisoire.
En effet, ou bien il était possible de mettre les mesures nécessaires en place pour la rentrée 1998 - et alors pourquoi cela n'a-t-il pas été fait ? - ou ce n'était matériellement pas réalisable, et ça ne l'est pas plus aujourd'hui, c'est-à-dire un mois après. La réponse apportée ne sera donc pas adéquate ; elle calmera momentanément.
Une double erreur a été commise. D'une part, l'information n'a pas été délivrée entièrement et l'un des acteurs a été méconnu dans sa capacité de partenaire responsable ; d'autre part, l'appréciation des paramètres saisis a été mauvaise puisque n'a pas été perçu l'impératif de ne pas reporter le traitement des dysfonctionnements.
Cet état de chose tient, aussi, au mode d'administration trop centralisé.
Si le mouvement des lycéens a débuté à Nîmes et à Montpellier, c'est bien parce que l'acuité des carences y était plus forte qu'ailleurs. Les problèmes gagneraient à être traités et les solutions trouvées et mises en place par une autorité de proximité. Meilleure identification, plus rapide aussi, facilité d'échanges, opportunité de traitement, ajustement possible : tout est optimisé.
Pourtant, il aura fallu attendre dix ans après les lois de décentralisation pour qu'un texte législatif mette en place une gestion déconcentrée des affectations des personnels pour la rentrée scolaire 1999. Le processus prévoit une phase nationale interacadémique où l'administration centrale procède à l'examen des demandes de changement d'académie et une phase intra-académique gérée par le rectorat pour les personnels déjà en exercice dans l'académie et ceux qui y arrivent. Il était temps ! Trois enseignants haut-saônois ont mis plusieurs années à permuter entre eux alors qu'ils avaient la même spécialité, que les chefs d'établissement étaient d'accord et qu'ils satisfaisaient aux critères des nouvelles affectations demandées. La limpidité de la chose ne s'imposait pas à Paris.
Les collectivités locales - communes, départements, régions - ont en charge, respectivement, les immobiliers de l'enseignement primaire, du premier cycle du secondaire et du second cycle du même secondaire. La cohérence et l'efficacité voudraient qu'elles aient, avec les services déconcentrés de l'Etat, également la gestion de l'ensemble, des ouvertures ou des fermetures de classe, des personnels, du choix des langues, des options et des rythmes scolaires. On en arrive à énoncer des lapalissades car il est évident que l'ensoleillement n'est pas le même à Lille et à Marseille et que les horaires scolaires pourraient être modulés en fonction des conditions climatiques sans que la souveraineté nationale soit en péril. Ainsi, le modeste département rural de la Haute-Saône, que j'ai l'honneur de représenter dans cet hémicycle et que vous connaissez, a été choisi pour expérimenter de nouveaux rythmes scolaires aménagés. Je suis convaincu que l'inspecteur d'académie, les chefs d'établissement, les représentants des parents d'élèves et ceux des scolaires auraient été tout à fait capables d'apprécier et de décider ce qui était le plus approprié pour eux.
La possibilité de création de filières novatrices et spécifiques devrait également être donnée dans l'enseignement supérieur aux entités régionales et aux antennes départementales. Là encore, la saisie de proximité permet d'apporter des réponses totalement adaptées aux besoins.
L'IUT de Vesoul, en partenariat avec les entreprises locales, a des formations dont les diplômés sont attendus par l'environnement économique. Ce passeport pour l'emploi en fait une structure recherchée. Pourtant, c'est un bras de fer permanent pour obtenir ou conserver des enseignants, pour mettre en place le bouclage d'un cycle, pour obtenir des crédits de laboratoire ou d'atelier.
Bien qu'il ait été admis que le chômage était combattu plus efficacement quand il était appréhendé à travers les bassins d'emploi, l'éducation nationale ne met pas tout en oeuvre pour que les moyens soient donnés. La responsabilité est lourde. Chacun connaît la fragilité des grands groupes, plus exposés aux fluctuations des monnaies et de l'économie internationale. Dès que leurs résultats fléchissent, les conséquences s'en font sentir dans l'Hexagone et la précarité s'installe dans des milliers de familles. La force d'aujourd'hui réside dans la vitalité et le développement des PME et des PMI. Dans des structures régionales, elles sont associées aux collectivités locales et aux services déconcentrés de l'Etat pour mettre en place des réponses personnalisées qui construisent l'avenir. C'est ce pari qu'il faut soutenir car si l'éducation nationale ne sert pas à entrer dans la vie avec le plus d'atouts possible, je ne vois pas où est sa mission.
Relativement à cela, je me demande s'il n'y a pas dilution de cette vocation : apprendre à apprendre et transmettre le savoir. L'assignation nouvelle de tâches visant à relayer, notamment, le milieu familial défaillant revient plus à traiter les effets que les causes.
Prenons le racket. Les psychologues s'accordent pour dire que ce ne sont pas obligatoirement les milieux défavorisés, où il y a manque, qui génèrent les racketteurs et qu'il n'y a pas de victime type. L'enfant qui rackette serait celui à qui les parents n'ont pas su ou n'ont pas voulu dire non. Ainsi le désir de posséder ce qu'il n'a pas doit-il être immédiatement satisfait. Il prend là où se trouve l'objet.
Bien sûr, il est nécessaire de réagir, d'avertir et d'éduquer pour que ces violences soient non pas subies mais dénoncées. Mais la racine du mal est ailleurs, dans le manque de repères et l'absence de structuration. La cellule familiale, fondement du système social, mérite une politique toute particulière de soutien et d'accompagnement. Or, depuis plusieurs mois, elle subit des mauvais coups.
Lors de votre dernier passage en Haute-Saône, madame le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire, vous vous êtes félicitée, lors d'une interview, que « l'école ait réussi la massification ». Si l'on entend par là arriver au niveau zéro d'illettrisme et à l'accès pour tous à la culture, qui, on le sait, est un héritage mal réparti, bravo ! Mais je crains une dérive d'une autre nature que l'on trouve dans la formule « une classe d'âge bachelière ».
Outre le fait que cette proposition semble résulter d'une mauvaise traduction de propos entendus à l'étranger, avant d'être séduit et d'adhérer séance tenante à la gageure, il aurait fallu mener une réflexion qualitative. Le pari ayant été tenu, examinons les effets.
Le niveau de connaissances des bacheliers a baissé ; le diplôme s'est dévalorisé. Les premières années de faculté connaissent une surpopulation et les écumages se situent lors des DEUG. Des jeunes arrivent ainsi régulièrement sur le marché du travail en n'ayant aucune qualification.
Je ne vois aucune connotation discriminatoire à dire que tous les élèves ne sont pas aptes à suivre un enseignement général et que l'entêtement mis à y propulser le maximum d'effectifs est irresponsable. Le marché du travail se chargera de sanctionner le laxisme qui aura prévalu au cours d'une scolarité parce qu'on n'aura pas voulu, au nom d'un égalitarisme pénalisant à terme, orienter différemment.
M. André Maman. Très bien !
M. Bernard Joly. Finalement, celui qui sera puni ce n'est pas celui qui aura commis l'erreur, mais celui qui l'aura subie. Cela n'est pas admissible.
Avec cette politique, les effectifs des lycées et des universités ont grossi et les effets de la baisse de la natalité ont été comblés. Il apparaît aujourd'hui clairement que le corps enseignant n'a pas été renforcé en conséquence. La marmite explose.
M. André Maman. Bien sûr !
M. Bernard Joly. A côté de moyens à mettre en oeuvre, il convient de réfléchir sur une redistribution des responsabilités.
A l'aube du xxie siècle, il est anachronique que des entités administratives territoriales dotées d'un exécutif et d'un budget, bénéficiant de transferts de compétences et de crédits de la part de l'Etat, continuent, dans leur propre champ de capacité affectée, à être partiellement dirigées par la capitale. C'est totalement obsolète. Les habitudes doivent être modifiées.
Si telle est votre conviction, je gage que vous y parviendrez, madame le ministre, et vous trouverez alors le soutien de la représentation nationale, constituée en majorité d'élus locaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Monsieur le président, mes chers collègues, à diverses reprises, Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire et M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ont présenté devant la commission des affaires culturelles les priorités du Gouvernement sur une question essentielle et au fond récurrente : les réformes - pour ne pas dire la réforme - du système éducatif français.
Or, depuis 1988, une seule question orale avec débat a été posée au ministre de l'éducation nationale par la Haute Assemblée. C'est dire l'importance du débat d'aujourd'hui dont l'heureuse initiative revient à M. Adrien Gouteyron et qui coïncide avec un moment de fièvre lycéenne dont je n'exagérerai cependant pas l'importance pour avoir connu de tels moments à peu près tous les ans à l'occasion de mes fonctions précédentes. Ayant travaillé au sein du ministère de l'éducation nationale jusqu'à ces dernières années, je connais la complexité, la lourdeur des problèmes, et j'aurai garde de ne jeter la pierre à qui que ce soit en parlant de questions aussi centrales.
Je souhaiterais donc, madame la ministre, vous poser sans la moindre polémique plusieurs questions en vue d'éclairer le Sénat sur les réformes qui ont été successivement annoncées et qui ont été parfois évoquées soit dans cet hémicycle soit devant la commission des affaires culturelles du Sénat. La dernière audition de M. le ministre de l'éducation nationale par cette commission, dont j'ai lu le compte rendu, ouvrait ainsi des perspectives très nombreuses.
J'aborderai tout d'abord le thème de la violence et de l'insécurité, exemple typique de sujet récurrent. Si ce sujet est toujours d'actualité, il a cependant déjà fait l'objet de rapports approfondis, de commissions, de réunions d'urgence, de réunions interministérielles, et, naguère, d'une réunion à Matignon. Mais il a aussi été examiné par M. Jean-Louis Lorrain dans son rapport intitulé « Violences scolaires : ni fatalité, ni impuissance ». Ainsi, notre collègue a présenté le 24 juin dernier une série de propositions de grande qualité visant à la redéfinition des fonctions du personnel éducatif d'encadrement et à l'institution d'un code de déontologie pour l'an 2000, afin de rétablir à la fois l'autorité dans le sanctuaire de l'école, l'autorité et la responsabilité des parents, et, tout simplement, la discipline des enfants.
Ces propositions complétaient ou renforçaient les mesures qui avaient été annoncées le 2 juillet 1997 devant la commission des affaires culturelles du Sénat. Un plan de lutte contre la violence scolaire a été mis en place sur neuf sites dans six académies, mais force est de constater - et ce n'est pas surprenant - qu'il porte pour l'instant inégalement ses fruits. Il serait néanmoins intéressant d'avoir un premier bilan. Les recensements effectués trimestriellement depuis la rentrée scolaire 1996 révèlent en effet une hausse systématique des phénomènes de violence enregistrés dans les établissements publics. La question que je souhaite poser est donc précise et simple : quelles solutions concrètes le Gouvernement envisage-t-il de prendre immédiatement pour garantir dans tous les établissements le respect de la loi, celui de la sécurité des personnes et des biens, le temps, le calme pour enseigner ?
Ma deuxième question porte sur la réforme interne du ministère de l'éducation nationale.
M. Allègre avait exprimé d'emblée, dans des termes forts et extrêmement imagés, sa volonté de « dégraisser » de lourdes structures - il avait même cité un animal préhistorique ! - et, concrétisant cette volonté, les directions de son ministère sont passées de dix-neuf à dix.
Simultanément, le recteur Claude Pair a proposé, dans un rapport de soixante-quatorze pages commandé en septembre 1997 et publié au mois de février dernier, toute une série de mesures destinées à repenser l'organisation des services extérieurs du ministère de l'éducation nationale.
Là encore, ma question est simple : quelle suite le Gouvernement compte-t-il réserver aux propositions pertinentes du rapport Pair, dont le fil conducteur - « Responsabilité et démocratie » - était vaste mais intéressant ?
Dans un entretien publié le 10 octobre dernier dans un grand quotidien régional, M. Allègre a annoncé qu'il prendrait des mesures de déconcentration après la Toussaint, et cela a été confirmé ce matin. Mais le rapport Pair allait beaucoup plus loin que la simple déconcentration des affectations des enseignants.
Pourriez-vous donc préciser où en est ce projet et quelle est la teneur de vos intentions ? Pourriez-vous également éclairer le Sénat sur les moyens et les compétences qui vont être attribués aux régions et aux rectorats chargés en particulier de gérer ce nouveau mode d'affectation des personnels enseignants ?
Je souhaite ensuite poser une série de questions plus circonscrites mais propres également à nous éclairer sur vos intentions concernant le système éducatif.
La première porte sur le taux trop élevé d'absentéisme des enseignants, problème évoqué le 9 octobre 1997 par M. le ministre de l'éducation nationale devant la commission des affaires culturelles : 85 000 élèves, disait M. Allègre, sont touchés chaque jour par cet absentéisme. Ce chiffre est effrayant. S'il est réel, sans doute avez-vous prévu que chaque congé de formation soit subordonné au remplacement effectif de l'enseignant concerné. Là encore, cette intention est-elle suivie d'effet ? Où en sommes-nous ?
Enfin, madame la ministre, vous aviez, pour votre part, insisté sur l'aspect humain du personnel éducatif d'encadrement et aviez estimé à juste titre, le 2 juillet 1997, devant la commission des affaires culturelles, que « la revalorisation du métier d'enseignant et de chef d'établissement était indispensable pour restaurer la dignité de ces personnels ».
Plusieurs des orateurs précédents ont insisté sur le besoin de remobiliser l'élite de nos enseignants pour qu'ils se présentent au concours de chef d'établissement. On observe en effet aujourd'hui une pénurie de personnel de qualité pour accéder à ces fonctions. Que comptez-vous faire à cet égard ? Alors que les fonctions de principaux de collèges et de proviseurs attirent de moins en moins, quelles mesures envisagez-vous pour répondre à cette difficulté ?
Enfin, le 13 mai 1998, M. Philippe Meirieu, président du comité d'organisation de la consultation nationale sur l'avenir des lycées, a présenté un rapport assez vaste qui, certes, vient après tant d'autres - les rapports de MM. Prost, Bourdieu, Fauroux - mais qui a cependant l'avantage de présenter des suggestions concrètes destinées à améliorer notre système d'enseignement : rédéfinition de la mission du service des enseignants, autonomie des équipes pédagogiques, accompagnement des élèves par le soutien scolaire, bilan en fin de classe de première, expression artistique développée, éducation civique et juridique, etc. Ce rapport est intervenu après une consultation immense, notamment des lycéens. Il serait dramatique que ces derniers voient leurs espérances déçues.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur les priorités à court terme et sur les actions à moyen ou à long terme que vous avez retenues dans les propositions de M. Meirieu ?
Je voudrais également attirer votre attention sur un thème que le président René Monory a souvent défendu avec la conviction que chacun lui connaît : le lycée ne doit pas être une forteresse coupée des réalités de la vie quotidienne, mais doit être inséré dans son environnement, notamment régional, au sein des bassins de formation. Cet aspect pratique de l'enseignement ne doit pas être dissocié de la réalisation, d'une part, du plan informatique annoncé devant la commission des affaires culturelles, et, d'autre part, de la mise en conformité du parc des machines des lycées professionnels, qui représente pour nos régions une charge trop lourde.
Le 2 juillet 1997 encore, madame la ministre, vous aviez émis devant la commission des affaires culturelles l'idée d'une péréquation entre les régions pour régler cette question cruciale. Où en sommes-nous ?
Mme Hélène Luc. Vous devriez nous parler un peu de ce que vous avez fait quand vous étiez au pouvoir !
M. le président. Seul M. Darcos a la parole !
Mme Hélène Luc. Oui, mais on dirait que ses amis n'ont jamais gouverné !
M. Xavier Darcos. S'agissant du plan informatique, est-il exact que certaines filières de sciences et technologies tertiaires n'ont pas toujours d'ordinateurs à leur disposition ?
Enfin, je voudrais terminer mon propos par deux questions essentielles : les rythmes scolaires et l'apprentissage des langues vivantes.
S'agissant des rythmes scolaires, qui, précisément, furent préparés par M. Bayrou, M. Allègre a formulé le 1er juillet dernier, devant la commission des affaires culturelles, une série de propositions exprimant des préoccupations identiques à celles qui avaient été émises précédemment par les ministres concernés. Ont été annoncées la réduction des horaires d'enseignement, en concertation avec les organisations syndicales, et une plus grande ouverture des établissements scolaires sur la cité. Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, les axes de priorité qui ont été retenus à ce jour par votre département ministériel ?
En ce qui concerne l'apprentissage des langues vivantes dans l'enseignement primaire, mesure également engagée par M. Bayrou, vous avez constaté à deux reprises devant la commission des affaires culturelles, le 2 juillet et le 9 octobre 1997, que notre pays connaissait un retard dans ce domaine par rapport à de nombreux pays étrangers, ce que chacun s'accorde à reconnaître. Vous avez donc formulé le souhait d'une extension à l'école maternelle de l'apprentissage des langues vivantes.
A ce jour, la situation a-t-elle évolué ? Cet apprentissage des langues vivantes ne doit d'ailleurs pas exclure la diffusion de notre propre langue dans les écoles et dans les lycées des pays francophones. Vous connaissez mieux que personne, madame la ministre, la situation du français et de la lecture dans les classes de sixième.
Le 9 octobre 1997, enfin, M. Allègre insistait devant la commission des affaires culturelles sur la nécessité de renforcer l'enseignement du français dans les pays francophones par l'utilisation de satellites. Il évoquait également l'élaboration d'une charte d'études françaises dans plusieurs universités américaines, déclarant que : « la défense de la langue française passe par une politique offensive ».
Cette question, si elle peut sembler ne pas s'inscrire au coeur même du débat d'aujourd'hui, a cependant son importance, en tout cas à mes yeux, et ne doit pas être perdue de vue.
Comme nous le savons tous, les études, les colloques, les rapports officiels, les lois de programmation n'ont pas manqué.
M. Adrien Gouteyron. Oh non !
M. Xavier Darcos. Ils ont la réputation d'être régulièrement commandés par le ministère de l'éducation nationale, mais chacun craint que leur destin ordinaire ne soit d'être enterrés.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que le Sénat soit informé des suites concrètes que le Gouvernement envisage de donner à tous ces rapports et ces intentions.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Xavier Darcos. L'école a besoin de se conduire de façon pédagogique c'est-à-dire de se concentrer sur l'essentiel, d'expliquer clairement les intentions et les objectifs, d'agir concrètement. Comment les jeunes feraient-ils confiance aux gestionnaires du système éducatif si nous dispersons les pistes, si nous mobilisons sans cesse l'opinion, si nous accumulons les rapports et les réflexions sans jamais conclure vraiment ? Or, vous le savez, conclure, c'est agir ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est vraiment touchant d'entendre le mea culpa de certains de nos collègues de la majorité sénatoriale, lesquels expliquent tout ce qu'il faut faire, alors qu'ils ne l'ont pas fait quand ils étaient au pouvoir !
M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
M. Paul Blanc. Vive la FEN !
Mme Nicole Borvo. Le débat de cet après-midi tombe évidemment à point nommé - tout le monde en a d'ailleurs conscience - alors que, dans tout le pays, des lycéens de toutes les grandes villes de France, dont Toulouse, Montpellier et Bordeaux, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de l'Essonne, de Seine-et-Marne, en passant par Paris,...
M. Ivan Renar. Et le Nord - Pas-de-Calais !
Mme Nicole Borvo. ... demandent par dizaines de milliers, voire par centaines de milliers, aux responsables politiques de se préoccuper de leur avenir.
Qu'expriment ces lycéens ? Le malaise de la jeunesse devant l'avenir ? Sans doute ! Mais justement, madame la ministre, ce malaise nous interpelle. En même temps, ces lycéens expriment des aspirations précises, fortes, à des changements tangibles dans la construction de cet avenir, ce qui concerne en premier lieu le système éducatif.
Il ressort des paroles lycéennes deux choses : d'une part, la volonté de réussir des études de qualité et qualifiantes, donc d'étudier dans de bonnes conditions, et de pouvoir bien travailler ; d'autre part, le souhait d'une démocratie accrue.
Ce sont là deux grandes questions largement exprimées par les lycéens qui ont répondu au questionnaire que le Gouvernement leur avait soumis l'année dernière. Ces aspirations sont légitimes, comme l'a dit lui-même M. le ministre. Le Gouvernement doit y répondre et ne pas décevoir.
Se posent alors, bien évidemment, les vraies questions. En se concentrant sur l'essentiel, elles sont, me semble-t-il, au nombre de trois.
La première question est celle de l'égalité devant l'école. Tout le monde sait qu'elle n'est pas réalisée. Sans aucun doute, le service public de l'enseignement n'a pas démérité, et les acquis et le mérite de notre enseignement, à savoir le service public national et la qualité des personnels, ne sont pas en cause. Ils ont résisté à l'offensive libérale et aux politiques de restriction des dépenses publiques, mais ils doivent être confortés. Ils justifient l'attachement de la population à son école publique nationale.
Le service de l'éducation a permis que la quasi-totalité des élèves accède à l'enseignement secondaire, que plus de 60 % des jeunes obtiennent le baccalauréat et qu'un jeune sur deux fréquente un établissement d'enseignement supérieur.
Pour autant, chacun le sait, il n'y a pas eu de véritable démocratisation du système. L'école reproduit la hiérarchie des origines sociales. La ségrégation se perpétue selon des formes nouvelles. Plus grave, le système semble grippé : depuis quelques années, le taux de réussite au baccalauréat et le pourcentage d'élèves accédant à l'enseignement supérieur stagnent, lorsqu'ils ne régressent pas.
Je ne partage pas l'opinion selon laquelle, s'agissant de l'enseignement, la question du quantitatif serait réglée.
Pourquoi faudrait-il accepter comme une fatalité que quatre jeunes sur dix n'obtiennent pas le baccalauréat et que seulement un sur deux accède à l'enseignement supérieur ?
Faudrait-il penser que l'objectif de 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat soit inaccessible, alors que l'évolution des connaissances et le développement de l'information requièrent plus de travail qualifié, plus de culture, plus de citoyenneté pour tous ?
Apprendre tout au long de sa vie, ce à quoi les jeunes sont invités, implique que le socle de base des connaissances soit élevé et solide.
La deuxième question est celle du contenu de cette école. Au travers des différents chantiers entrepris, le gouvernement actuel a posé de vraies questions ; reste à trouver ensemble de vraies réponses.
Prenons garde de ne pas répondre hâtivement aux problèmes qui se posent dans les lycées. Il faut tenir compte des exigences de transformation moderne.
La baisse des horaires des cours au lycée à vingt-six heures par semaine dans l'enseignement général, à trente heures dans l'enseignement technologique et professionnel résulte pour une large part de la réforme des lycées que vous avez engagée. Est-on pour autant assuré que cela ne sera pas sans conséquence négative sur les enseignements ? Ne faudrait-il pas se donner encore le temps de réfléchir sur les contenus ? Alléger les programmes d'ici aux vacances de la Toussaint, n'est-ce pas un peu hâtif au regard des enjeux concernés ?
Nous avons à faire face à l'arrivée de nouvelles connaissances, de nouvelles technologies qui appellent une réflexion d'ensemble sur ce qu'il convient d'enseigner et sur la manière de le faire.
Des milliers de jeunes défilent et dénoncent les sureffectifs dans les classes, réclament davantage de professeurs, réclament de meilleures conditions de travail dans des locaux adaptés. Ils ne trouveront pas de réponse satisfaisante si l'on n'accorde pas au service public d'enseignement des moyens conséquents. C'est le cas, pour ne prendre que ces exemples, de la transformation des heures supplémentaires en postes et du recrutement d'enseignants.
La modernité ne passe pas forcément par faire « moins d'école » - peut-être même faudrait-il en faire davantage - et le problème est de faire mieux l'école.
Ces revendications rencontrent celles qu'expriment de façon constante les enseignants et les parents d'élèves ainsi que les chefs d'établissement, auxquels on demande de résoudre tant de problèmes.
La démocratie revendiquée par les lycées doit être effective pour eux, et d'ailleurs pour tous les acteurs du système éducatif. Elle ne peut qu'être bénéfique pour dynamiser notre école.
L'éducation à la citoyenneté, oui, mais aussi, en même temps, l'exercice de la citoyenneté dans l'école et dans la société. Outre des moyens et des postes supplémentaires d'enseignants, les jeunes attendent des locaux mieux adaptés et en nombre suffisant. Certaines collectivités territoriales s'engagent. C'est le cas de la région d'Ile-de-France, et personne ne comprendrait que l'Etat ne prenne pas les responsabilités qui sont les siennes.
Avec la « Charte pour l'école du xxie siècle », vous amorcez le débat sur la transformation de l'école élémentaire.
Je considère comme positif que ce débat puisse avoir lieu. L'école maternelle, l'école élémentaire comme le collège et le lycée méritent d'être transformés. Le travail en équipe, en relation avec la recherche pédagogique, l'amélioration de la formation continue sont incontestablement des orientations positives. Mais, là encore, comment avancer à moyens constants ?
Les aides éducateurs dans les établissements font oeuvre utile. Leur travail, complémentaire de celui des enseignants, ne saurait cependant se substituer au leur.
La concertation entre les différents partenaires, le temps pour la formation impliquent la constitution de véritables équipes pédagogiques et non pas moins, mais davantage de professeurs d'école.
Les méthodes d'enseignement, les contenus disciplinaires, la formation des enseignants doivent être évalués et modifiés, mais pas en mettant en cause le niveau de recrutement des enseignants. Ce travail nécessite plus de collaboration entre les scientifiques et les enseignants, plus de démocratie.
Traversée par les mêmes questions que l'ensemble de la société, l'école, avec ses personnels, doit faire face à des phénomènes relativement nouveaux tels que la violence ou encore la malnutrition.
Face à ces problèmes, elle ne peut pas tout, mais elle doit contribuer à apporter des réponses.
L'amélioration de l'accès à la restauration scolaire, à laquelle vous êtes attachée, madame la ministre, la présence d'adultes dans les établissements, l'aide aux enfants particulièrement démunis sont incontournables.
La médecine scolaire est sinistrée. De premiers efforts ont été faits, mais nous constatons bien l'ampleur du problème ! L'éducation à la santé, oui, mais elle doit aller de pair avec la compétence sanitaire pour prévenir et orienter la prise en charge pour la santé. Les enfants eux-mêmes ne revendiquent-ils pas la présence d'infirmières scolaires dans les établissements pour pallier les petits et les grands maux dont ils souffrent ? Permettez-moi un mot sur le plan « Université du troisième millénaire », que M. le ministre de l'éducation nationale vient de mettre en chantier.
Réfléchir à l'université pour le xxie siècle ne peut se faire sans prendre en compte l'extraordinaire progrès des connaissances qui caractérise notre époque et l'élévation du niveau de formation que cela implique.
Dans un avenir proche, l'essentiel des formations comportera un passage obligé par l'enseignement supérieur. Cela suppose que le nombre d'étudiants continue de s'accroître de manière importante. De ce point de vue, l'ambition ne peut être, à mon sens, comme cela semble ressortir du plan, dans des effectifs en stagnation, voire en régression.
D'autre part, le plan « Université du troisième millénaire » s'appuyant sur un fort engagement des régions, le risque est grand de voir s'aggraver encore les inégalités à l'intérieur du pays. Là encore, l'investissement éducatif s'impose, tant du point de vue de la rénovation et de la construction d'établissements que du recrutement de personnels enseignants et IATOS, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service.
En troisième lieu, je l'ai évoqué implicitement mais je veux le dire nettement, il est impossible de s'engager dans des réformes positives du système éducatif sans y consacrer les moyens nécessaires.
Dans cet hémicycle, la majorité sénatoriale vous demande de faire beaucoup, de faire, en fait, tout ce que la droite n'a pas voulu faire...
M. Paul Blanc. Ce qu'elle n'a pas pu faire, à cause de la FEN !
Mme Nicole Borvo. ... sans y consacrer un sou de plus. Ce n'est pas sérieux ! Conforter notre système d'enseignement, c'est répondre aux besoins d'aujourd'hui et non aux besoins d'hier !
En ce qui concerne le nombre d'élèves par enseignant dans le secondaire, le chiffre de onze correspond à peu près à la moyenne mondiale, mais il se situe derrière l'Allemagne, l'Espagne, la Turquie. Par ailleurs, notre pays se situe au huitième rang mondial pour ce qui est de la dépense publique directe pour les établissements, et au quatrième rang de l'Union européenne.
Lutter contre les gâchis, oui, mais parler de moyens constants et de redéploiements internes n'est pas la solution.
Elue d'un département trop facilement considéré comme bien doté, je constate que le nombre d'enfants scolarisés en maternelle à Paris régresse, que le remplacement des enseignants absents n'est pas assuré de façon satisfaisante, que l'enseignement spécialisé est en voie de disparition. En réalité, s'il n'y a pas assez de postes globalement, comment répondre aux besoins localement ? La déconcentration ne saurait y remédier.
Certains départements ont particulièrement souffert des politiques d'austérité antérieures que vous avez menées, messieurs de la majorité sénatoriale. La Seine-Saint-Denis a mis ce problème sur le devant de la scène, mais, dans chaque département, il y a des points noirs, et force est de constater que l'insuffisance globale accumulée depuis des années ne permet pas d'apporter des réponses durables, ni là ni ailleurs.
Le développement de l'emploi à l'école n'a rien perdu de son actualité. Aussi, le budget de l'éducation nationale devrait concourir plus qu'il ne le fait à la création d'emplois stables. Lever le gel de l'emploi public, créer 2 000 emplois de certifiés stagiaires dès la rentrée 1999 coûterait quelque 85 millions de francs ; en outre, le fait de financer par des créations d'emplois les engagements pour la Seine-Saint-Denis nécessiterait 126 millions de francs de crédits nouveaux. Qu'est-ce en comparaison de l'exonération de la taxe professionnelle, dont nous ne sommes pas même certains qu'elle se traduise par des créations d'emplois ?
Certes, le ministère de l'éducation nationale a inversé le processus entamé par le précédent gouvernement, qui prévoyait la suppression de 5 000 postes ; c'est évidemment positif, mais il nous faut aller plus loin encore et vous pourrez compter, pour ce faire, sur la détermination de l'ensemble de notre groupe à faire prévaloir des choix de progrès et de justice pour l'école.
Cette question des moyens touche plus fondamentalement aux réformes à entreprendre pour que la politique de gauche réponde aux attentes populaires.
Ce sera l'objet du débat budgétaire. Pour nous, contrairement à la droite, il ne s'agit pas de réduire les dépenses publiques, mais au contraire d'en faire le levier du développement de la croissance, comme souhaite le faire le Premier ministre.
Débattre en si peu de temps de l'école est une gageure qui laisse de côté bien des aspects. Ainsi n'ai-je pas abordé le développement au sein du système éducatif des emplois-jeunes, la formation absolument nécessaire de ceux qui ont été recrutés, la transformation de ces emplois en emplois durables, les questions relatives à la recherche, indissociables de la réflexion sur l'université, l'adaptation de la formation des maîtres. Mais nous y reviendrons à l'occasion de l'examen du budget et à d'autres moments encore, j'en suis certaine.
L'ensemble de la communauté éducative, les parents et les jeunes attendent de vous, madame la ministre, attendent de nous, la majorité aujourd'hui en France, des signes forts qui donnent son sens à une politique éducative synonyme de progrès pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre système éducatif est en pleine mutation : « Charte pour bâtir l'école du xxie siècle », suite de la consultation « Quels savoirs enseigner dans les lycées », réflexion sur le collège, mise en place des contrats éducatifs locaux...
Ce programme ambitieux et plus que nécessaire implique la réelle démocratisation de l'école en termes d'objectifs, de contenus, de programmes, de rythmes et de méthodes.
Il implique aussi une gestion administrative et technique déconcentrée au plus près des établissements : il faudrait faciliter la prise de décision dans un meilleur rapport avec les collectivités locales.
Plus généralement, l'école, qui supporte une charge très lourde - l'apprentissage des savoirs et de la citoyenneté - ne peut assumer seule l'adaptation à son environnement.
Quant à l'éducation à la citoyenneté, elle n'est plus la mission propre de l'école, mais le rôle de l'ensemble des adultes. Il ne doit pas y avoir de fossé entre l'éducation civique à l'école et la réalité des comportements. Elle nécessite donc une mobilisation forte de tous.
Déjà, de très nombreuses associations telles la Ligue de l'enseignement, la Fédération des oeuvres laïques ou l'Union sportive de l'enseignement du premier degré, pour ne citer qu'elles, participent sur le terrain à la réalisation de « l'école pour tous ». Les associations, dans leur ensemble, mènent de nombreuses actions éducatives, en particulier dans le domaine de l'accompagnement scolaire et de l'apprentissage de la citoyenneté.
D'ailleurs, les contrats de réussite mis en place dans le cadre de la relance des ZEP donnent une place substantielle aux associations intervenant dans les domaines de la santé, de l'aide sociale à l'enfance, de la prévention de la délinquance et de la violence ainsi que dans les secteurs socioculturels, artistiques ou sportifs.
Puisque le rôle des associations est reconnu, ne faudrait-il pas leur donner plus de moyens, notamment à travers la relance des postes FONJEP détachés de l'éducation nationale vers l'éducation populaire ?
Les expériences des associations locales sont un filon d'innovation, de participation et de démocratisation qu'il faut non pas négliger mais au contraire faire connaître et encourager au maximum.
M. Jean-Louis Carrère. Je préfère ce discours à celui de tout à l'heure !
M. Serge Lagauche. Seul un partenariat actif et durable de tous les acteurs de l'éducation est à même de faire de l'école le lieu privilégié, avec les familles, de l'apprentissage de la citoyenneté.
« L'école de tous » doit non seulement développer ce partenariat, mais aussi s'ouvrir plus largement aux parents. En ce sens, la « semaine des parents » est une excellente initiative. Mais, dans les faits, et malgré la campagne d'affichage et de radio, certains établissements restent réticents pour associer les parents à l'école de leurs enfants. On leur reproche souvent leurs interventions déplacées, leur comportement utilitariste ou uniquement critique vis-à-vis de l'école.
Que dire alors d'une école où le bureau de vote pour l'élection des représentants des parents d'élèves est ouvert pendant moins de trois heures, alors même que les instructions mentionnent une durée d'ouverture du bureau de vote pendant quatre heures, ou bien qui refuse l'affichage sous prétexte que la campagne nationale d'information n'est d'aucune utilité ?
Au-delà, comment faire pour que la participation parentale ne se limite pas à quelques jours dans l'année scolaire ou à une réunion parents-enseignants... quand celle-ci a lieu ? Comment donner de manière efficace leur place aux parents dans le projet d'école ou d'établissement ?
Le slogan de la campagne nationale « Parents, vous avez besoin de l'école, l'école a besoin de vous » est on ne peut plus juste, puisque près de sept parents sur dix se disent prêts à participer à la vie des établissements scolaires. Et quel thème mobilise le plus les parents, avant même la réussite scolaire de leurs enfants ? Les questions de société, avec comme priorité la lutte contre la violence. Ainsi, un réel partenariat avec les parents dans l'apprentissage de la citoyenneté doit s'engager, afin de répondre à leurs attentes de participation.
Malheureusement, outre la réserve et la méfiance de certains enseignants envers les parents d'élèves, se pose le problème de la distance de certains parents envers le système scolaire.
A l'inverse de ceux qui en connaissent tous les arcanes et sont organisés en associations ou fédérations, il y a ceux qui se sentent éloignés du système et ne participent pas aux réunions, car ils ne s'estiment pas en capacité de se retrouver face à l'enseignant. Ce sont souvent des parents issus des catégories sociales les moins favorisées, ce qui contribue à accentuer les inégalités : en se mettant à l'écart de l'école, ils s'interdisent la connaissance du système scolaire indispensable à la réussite de leurs enfants.
Comment faire, donc, pour que ce ne soient pas seulement les parents intégrés dans les associations ou les fédérations de parents d'élèves qui participent au système éducatif ?
La fédération des oeuvres laïques du Calvados a tenté d'apporter une réponse. Ainsi a-t-elle organisé, dans une zone d'éducation prioritaire de Caen, en plus d'une visite d'établissement pour les familles, des rencontres avec les parents ciblées sur les questions concrètes qu'ils se posent, à savoir comment aider l'enfant à gérer son emploi du temps, à faire ses devoirs, c'est-à-dire des questions très simples.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Serge Lagauche. La démocratisation du système éducatif passe donc avant tout par une meilleure information, un meilleur rapport entre les familles et l'école.
Les acteurs du système éducatif ont leur propre réseau d'informations : le bulletin officiel de l'éducation nationale, les instructions officielles.
Pour les parents, hormis le cahier de correspondance, c'est le néant. Pourquoi ne pas imaginer la création d'un journal par académie en direction des élèves et des parents pour faire connaître la vie des établissements, informer concrètement des initiatives, des expériences nouvelles dans le système éducatif ?
Dans cette même perspective, et malgré les difficultés de mise en pratique des comités locaux d'éducation instaurant plus de transparence et de concertation dans le fonctionnement des services de l'éducation nationale, ne conviendrait-il pas de diffuser largement auprès des parents les comptes rendus des comités locaux d'éducation existants ?
Si l'école doit favoriser la participation de tous les acteurs, en particulier parents et associations partenaires, elle doit aussi faire vivre de manière effective la démocratie et la citoyenneté dans ses propres murs.
En effet, l'éducation à la citoyenneté ne se résume pas à une citoyenneté passive faite d'enseignement civique et juridique.
Apprendre la citoyenneté, c'est aussi et surtout apprendre le dialogue, la contradiction, l'argumentation autant que l'écoute, la compréhension autant que l'esprit critique. D'ailleurs, faire du lycée un lieu de confrontation des idées, de débat, constitue une exigence des lycéens.
Et pour que cette citoyenneté soit effective, les élèves doivent être en mesure de vivre autant leurs droits que leurs devoirs, de participer à la vie de la cité, et en premier lieu à la vie de l'école. Or, bien souvent, les élèves élus ne servent à rien, sauf à faire de la figuration, puisque leur parole n'est pas entendue.
Cette citoyenneté effective passe donc - c'est l'essentiel - par une responsabilisation des élèves, en favorisant tout particulièrement l'esprit d'initiative, l'élaboration de projets. La prise de responsabilités est, sinon la meilleure, du moins la plus concrète des méthodes d'apprentissage de la citoyenneté.
Dans les faits, elle peut être développée autour de la formation des élèves délégués aux exigences de la démocratie participative. De même, la gestion des maisons des lycéens par des associations d'élèves, l'élaboration d'une charte de la vie scolaire, initiatives qui ont déjà été prises mais dans trop peu d'établissements, doivent être généralisées.
Avec la consultation des lycées, le ministre de l'éducation nationale a montré non seulement la faculté de participation et de proposition des lycéens, mais aussi que les réformes ne pouvaient plus se faire par le haut sans prendre en considération l'avis et les demandes des principaux intéressés.
Cependant, cette méthode participative est loin de faire l'unanimité, alors même que le préalable à une réelle participation des élèves à la vie de leur établissement réside dans l'acceptation du dialogue, du débat, et donc de la critique.
Malheureusement, on connaît l'opposition de certains syndicats à toute critique. Ils refusent déjà une plus forte participation des parents, souvent par peur de l'empiètement dans le domaine strictement scolaire.
Alors, associer les lycéens à la gestion de leur établissement et à la mise en oeuvre des activités inscrites au projet de ce dernier, tenir compte de leurs propositions, par exemple pour l'élaboration des emplois du temps, souvent aberrants, leur semble être une menace d'autant plus forte !
M. Paul Blanc. Ça, c'est vrai !
M. Serge Lagauche. Une des revendications essentielles du mouvement lycéen repose pourtant sur la volonté de changement dans la vie lycéenne, changement inscrit dans vos réformes, madame la ministre, avec, notamment, la mise en place des « conseils de la vie lycéenne ».
Constitués pour moitié d'adultes et pour moitié de représentants des élèves, les conseils de la vie lycéenne auront un triple rôle : rôle de proposition d'organisation et d'activités au conseil d'administration ; rôle d'impulsion d'actions en faveur de l'apprentissage de la démocratie et de la citoyenneté ; rôle de gestion des « lieux-ressources » favorisant l'ouverture de l'établissement sur son environnement extérieur.
L'ensemble de ces réflexions a pour principal objectif de démontrer que « l'école du xxie siècle » ne pourra être qu'une école ouverte sur son environnement, une école autour de laquelle gravitera tout un réseau de partenaires coordonnés dans un projet commun. C'est ce que sous-tend l'ensemble des réformes engagées.
Votre volontarisme ne peut être mis en doute, mais notre rôle de parlementaire est d'être vigilant à l'application de ces réformes. Or, je ne suis pas sûr que les inspections académiques se sentent très mobilisées : elles jouent parfois le rôle de simple boîte aux lettres, peut-être faute de moyens.
De même, la réunion des recteurs en pleine crise lycéenne est caractéristique du manque d'implication sur le terrain.
Pourtant, je reste convaincu que bon nombre d'élèves, de parents et, bien sûr, d'enseignants, conscients de la nécessaire adaptation du système éducatif, approuvent les projets de réforme et sont prêts à s'impliquer dans ce travail considérable de transformations que vous lancez.
Le chemin à parcourir pour réaliser « l'école du xxie siècle » sera long et périlleux, mais il faut y arriver coûte que coûte et le plus rapidement possible.
Madame la ministre, cela n'étonnera personne : le groupe socialiste vous renouvelle toute sa confiance. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Le 22 octobre 1997, il y a presque un an jour pour jour, vous veniez, madame la ministre, avec M. le ministre, débattre devant notre assemblée d'un domaine qualifié de prioritaire : l'éducation.
A cette tribune, vous confirmiez votre volonté de « remettre l'élève et l'étudiant au coeur de toutes les priorités ».
Vous nous aviez alors promis de grandes initiatives allant du « dégraissage du mammouth » au « zéro défaut », en passant par une remise en ordre du système éducatif, autant de propositions ou de propos intéressants que je partage. Je vous en avais d'ailleurs fait part, madame la ministre, à cette même tribune.
Je concluais alors mon intervention en vous disant : « C'est sur votre volonté, votre engagement sur les délais, que mon groupe et moi-même formulerons notre jugement. »
Un an plus tard, qu'en est-il de ces affirmations ? Vos discours sont-ils devenus des actes ? Hélas non !
Aussi, permettez-moi, mes chers collègues, de remercier M. Gouteyron, d'avoir pris l'initiative de ce débat. Sa question est plus que jamais d'actualité.
Force est de constater, madame la ministre, qu'il s'agisse du lycée, du collège ou d'autres segments de notre système éducatif, que peu de choses ont été engagées ou réalisées.
Certes, je vous l'ai dit il y a un an, les corporatismes et les conservatismes de tous bords sont pesants, et nombre de vos prédécesseurs en ont fait l'amère expérience.
Mais j'étais alors convaincu que le formidable agitateur d'idées qu'est M. Allègre obtiendrait, un an plus tard, un tout autre résultat que la seule agitation dans les lycées.
En effet, où en sommes-nous de ce que d'aucuns ont appelé « les douze travaux d'Allègre » ? Je n'en reprendrai que quelques-uns.
S'agissant de ce fameux dégraissage du mammouth, vous annonciez une baisse des effectifs d'environ trois mille. Malgré le réel bouleversement de l'administration centrale, vous n'avez réussi à supprimer qu'une centaine de postes.
La déconcentration des mutations est repoussée - vous nous l'avez dit - à la rentrée de 1999. Il est vrai que vous trouvez sur votre chemin l'opposition du principal syndicat. « Sans être au SNES, il est difficile d'obtenir sa mutation », relève fort justement dans la presse un professeur !
L'absentéisme des enseignants était l'une de vos priorités, priorité partagée par 76 % des Français. Où en sommes-nous, comme l'a demandé notre collègue M. Darcos ?
J'en viens aux deux réformes tant attendues, celle du lycée et celle du collège.
Pour ce qui concerne le lycée, vous avez confié une mission à M. Philippe Meirieu, auteur d'un excellent rapport qu'il est venu détailler devant notre commission. Ce rapport montre que, grâce à la diversification et à la décentralisation, nous avons réussi depuis trente ans la démocratisation de l'accès au lycée mais non pas sa socialisation. La mobilité sociale est faible. « Les enseignants se reproduisent entre eux », pour reprendre les termes du rapporteur, qui ajoute la nécessité de s'impliquer aujourd'hui dans l'accès à la réussite en sollicitant les partenaires de l'Etat, la région, le Parlement, afin de ne pas réduire le problème à une partie de bras de fer entre l'administration centrale et les centrales syndicales.
« C'est à la nation de dire ce qu'elle attend des enseignants », a affirmé M. Meirieu devant notre commission. Qu'advient-il de cette affirmation, à laquelle je souscris ?
Et qu'en est-il pour le collège, madame la ministre, ce maillon faible, mais pourtant prioritaire, où se dessinent les pré-choix de l'enfant ?
Vous nous promettiez, si j'en crois la presse, un audit. Un de plus, diront certains ! Mais pourquoi pas ? Car il est vrai que toute réforme sérieuse doit s'appuyer sur un état précis de la situation et ne pourra se faire sans concertation.
Voilà beaucoup d'idées exposées, madame la ministre, mais bien peu de résultats, si ce n'est l'agitation, spontanée ou provoquée, des lycéens, qui vous réclament plus de moyens !
Or, dans ce domaine comme dans d'autres, ce ne sont pas les moyens qui font le plus défaut. Je rappelle simplement qu'en cinq ans la dépense globale en matière d'éducation a augmenté de 150 milliards de francs, passant de 445 milliards de francs en 1990 à 588 milliards de francs en 1995. Cette augmentation a essentiellement été réservée à la revalorisation des salaires des enseignants.
Permettez-moi, madame la ministre, de vous dire mon étonnement et mon indignation lorsque j'entends M. Allègre se défausser sur les régions en expliquant aux lycéens que ces dernières n'ont pas - ou pas suffisamment - accompli leur mission. C'est particulièrement cavalier !
Je ne vous citerai qu'un exemple, celui de ma propre région. En dix ans, nous avons investi 17 milliards de francs dans les établissements dont nous avons la responsabilité. Sur ces 17 milliards de francs, 11 milliards l'ont été sur nos fonds propres. Cet investissement est trois fois supérieur à la dotation que l'Etat nous accorde pour assumer cette compétence. Chaque jour qui passe, nous engageons 10 millions de francs pour la formation des Rhônalpins. Nous n'avons donc, en ce domaine, aucune leçon à recevoir, et surtout pas de l'Etat.
M. Paul Girod. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. La majorité de nos concitoyens pensent d'ailleurs que les difficultés que connaît notre système éducatif sont dues plus à une mauvaise utilisation de ces moyens qu'à un manque de moyens.
Le véritable problème, vous le savez, madame la ministre, est ailleurs. M. Allègre a d'ailleurs déclaré le 18 septembre 1997, dans les colonnes de Paris-Match : « Avec ses syndicats, ses confédérations, l'éducation nationale s'est trop isolée du pays. »
Madame la ministre, il est temps de sortir de cet isolement. Cela devrait être relativement facile, si j'en crois toujours les propos de M. Allègre du 4 février dernier rapportés par Le Parisien : « J'ai la confiance de 60 % à 70 % des enseignants. C'est beaucoup plus important que les 30 % qui font grève. Si ça gêne certains appareils syndicaux ou l'administration centrale qui perd une partie de son pouvoir, ce n'est pas ce qui m'arrêtera. »
Alors, ne vous arrêtez pas, madame la ministre, n'attendez plus, car, comme le rappelle très justement M. Christian Janet, président de la PEEP : « Il est inacceptable que les élèves fassent encore une fois les frais du bras de fer qui oppose les syndicats enseignants et leur ministre. »
Madame la ministre, appuyez-vous sur les 70 % d'enseignants qui vous suivent pour engager ces réformes, d'autant plus que 70 % de nos concitoyens reconnaissent leur compétence et leur amour du métier.
Appuyez-vous sur les collectivités pour faire des établissements scolaires de véritables centres de ressources ouverts 365 jours par an. Faites entrer dans les établissements un peu d'air extérieur en y associant les professions, les parents et les représentants du monde associatif. Dans ce domaine comme dans d'autres, la consanguinité est la première menace de l'espèce. Soyez plus jacobine sur les fins et moins sur les moyens, comme le dit encore M. Meirieu.
La nation doit se réapproprier son système éducatif. C'est la meilleure manière pour qu'il redevienne « le coeur de la République », pour reprendre les termes de la circulaire que vous avez adressée aux enseignants le 5 juin dernier.
Madame la ministre, il ne suffit pas de le dire, il faut le faire. L'avenir de nos enfants est plus important pour la nation que le comportement égoïste, voire rétrograde, de ceux qui campent sur leurs acquis et leurs privilèges. C'est sur vos actes que nous vous jugerons. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Mes chers collègues, comme nombre d'entre vous, sans doute, j'ai été interpellé à la fin de la semaine dernière, et encore ce lundi, par des lycéens qui cherchaient des interlocuteurs et qui, dans un certain désarroi, se demandaient finalement qui portait la responsabilité de l'enseignement dans notre pays.
Bien sûr, ils savent qu'il y a un ministre, qu'il y a un ministère ! Mais ils ont l'impression aussi que c'est une affaire d'adultes, que c'est un jeu de pouvoir.
Ils entendaient être reçus, être écoutés, ce qui, bien évidemment, a été fait dans la ville où j'ai quelque responsabilité.
Madame le ministre, je voudrais porter ici, à la tribune du Sénat, et maintenant, la parole de certains de ces lycéens, non pas pour tout reprendre systématiquement à mon compte, mais parce que je crois qu'il est important que nous sachions les écouter et que nous puissions comprendre ce que sont leurs aspirations profondes.
M. Jean-Louis Carrère. C'est bien que vous soyez le porte-parole des lycéens au Sénat !
M. Jacques Legendre. Ils disaient, par exemple, et j'ai sous les yeux le journal qui rapporte leurs propos : « Ce qu'on veut, c'est qu'Allègre tienne ses promesses ! On est quand même l'avenir de la France. »
M. Jean-Louis Carrère. Qui vous l'a dit ? Le journal ou les lycéens ?
M. Jacques Legendre. J'ai entendu les lycéens, monsieur Carrère, et je lis leurs propos.
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne devez pas les recevoir souvent !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Carrère, seul M. Legendre a la parole !
M. Jacques Legendre. Ce qui, je crois, est important dans cette formule, c'est la phrase : « On est quand même l'avenir de la France. » Elle témoigne de l'importance qu'ils attachent à leur destin, pour eux mais aussi pour leur pays, et peut-être du sentiment qu'ils éprouvent de n'être pas suffisamment considérés. Cela m'a frappé lors de l'entretien que je leur ai accordé et au cours des échanges que nous avons eus.
Ils se plaignent peut-être de certaines difficultés à mettre en route les institutions qui doivent normalement leur permettre de s'exprimer dans leurs lycées. Dans un établissement, les élections des délégués de classe n'avaient pas encore été organisées sept semaines après la rentrée, et cela pouvait peut-être poser problème.
Je crois que, au-delà de ce qui est fait ou de ce qui pourrait être fait pour une pleine concertation au sein d'un établissement, il y a chez ces jeunes le sentiment que les adultes et les responsables de ce pays ne sont pas suffisamment respectueux de ce qu'ils ont à leur dire.
Voilà pourquoi j'éviterai aujourd'hui le jeu, un peu facile, que j'aurais peut-être envie de jouer et qui consisterait à sourire de l'embarras de la majorité de gauche communiste et socialiste confrontée à une fronde lycéenne, elle qui, en d'autres temps, a souri - et même bien davantage - de l'embarras de majorités de droite confrontées à cette même fronde lycéenne.
M. Adrien Gouteyron. Certes !
M. Jacques Legendre. Quand ces événements se produisent, il faut en chercher les causes et apporter des réponses. J'estime que les élèves, les jeunes de ce pays, méritent mieux qu'un sempiternel débat politicien entre nous. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Carrère. C'est vrai que vous êtes attristé... (Sourires.)
M. Jacques Legendre. Mais, dans cette affaire, il faut prendre très au sérieux l'attente de ces jeunes. Pourquoi disent-ils : « Ce qu'on veut, c'est qu'Allègre tienne ses promesses » ? C'est qu'une consultation a été lancée et qu'ils y ont participé de bonne foi. Or ils ont le sentiment de n'avoir pas eu, en quelque sorte, le compte rendu de l'ensemble de ces travaux, qu'ils n'ont eu ni retour, ni décisions. Et maintenant, le tremps presse.
Puisque nous les avons interrogés, les jeunes sont en droit de savoir ce que nous avons retiré de leurs propos, de leurs remarques, et pas seulement ce que nous en avons retiré, mais aussi, madame la ministre - et cela est de votre responsabilité - quelles décisions vous prenez pour en tenir compte.
Alors, mes chers collègues, sachons-le, ce qui est exprimé en ce moment, c'est d'abord une exigence de la génération actuellement lycéenne et bientôt étudiante d'être traitée avec respect, d'être prise au sérieux. Je crois qu'il est bon qu'aujourd'hui le Sénat tout entier les écoute et leur dise que nous serons attentifs à ce qu'ils nous diront et que nous voulons que le Gouvernement respecte cette génération.
Les jeunes m'ont parlé bien évidemment de problèmes matériels ; ils ont évoqué certains bâtiments qui ne sont pas toujours dans l'état où ils souhaiteraient qu'ils soient. La vérité, l'honnêteté et le courage amènent à dire à cette génération que les adultes ont fait depuis quelques années, dans des régions et sous des gouvernements de droite ou de gauche, un effort très important pour mettre à leur disposition des bâtiments dont la qualité s'est sensiblement améliorée. Mais il est vrai aussi que l'on ne peut pas tout faire la même année.
Je crois donc qu'il est inutile sur ce point de s'opposer en se renvoyant tel ou tel exemple. Tous les départements, toutes les régions consentent actuellement de gros efforts.
Il convient aussi de ne pas oublier le plan Université 2000 et ce qui doit suivre pour répondre à cette nécessité, que les lycéens ressentent aussi, qu'est l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur. En effet, après la démocratisation de l'enseignement secondaire, il y a la nécessaire démocratisation de l'enseignement supérieur, qui n'est pas achevée ; il y a toujours ceux qui connaissent les bonnes filières, celles qui permettent encore d'accéder à l'emploi, et ceux qui ne les connaissent pas ou qui les connaissent moins parce que leurs familles sont moins informées. C'est bien là une des principales inégalités à laquelle, dans un esprit républicain, nous devons nous attacher à apporter des réponses.
Qu'il me soit permis, madame le ministre, de dire quand même qu'à l'occasion de ces manifestations j'ai été étonné par le nombre des témoignages apportés sur des classes de première ou de terminale très chargées.
Beaucoup plus de classes que je ne l'aurais cru - je n'ai peut-être pas assez bien regardé - sont à la limite du dédoublement. On a limité bien sûr, pour ne pas procéder à ces dédoublements. Mais des classes de première ou de terminale comptant 38 ou 39 élèves, dans des lycées accueillant souvent une population scolaire de milieux défavorisés ne permettent pas de dispenser le meilleur enseignement. C'est un problème.
Je sais bien que les effectifs vont décroître ; je sais bien qu'il vous faut gérer tout cela. Je me demande simplement - peut-être convient-il d'appronfondir la réflexion - s'il n'est pas quelque peu paradoxal de maintenir des maîtres auxiliaires, rémunérés, en réserve alors que des classes, avec un titulaire en poste, sont à ce point surchargées. Ne faudrait-il pas - c'est une suggestion - introduire un peu de souplesse ?
Effectifs pléthoriques, programmes chargés, les lycéens ont beaucoup insisté sur ces points. Ils attendaient les réponses du ministre sur le poids des programmes dont l'allégement ne doit pas être synonyme de diminution de la qualité de l'enseignement.
J'aborderai maintenant un sujet qui m'est cher et qui pose également des problèmes : l'enseignement des langues.
Nous avons entrepris de développer l'enseignement des langues, y compris un enseignement précoce de celles-ci. Vous savez que nous avons ici au Sénat - un rapport adopté à l'unanimité en fait foi - une préoccupation, celle de maintenir une véritable diversification des langues enseignées. Nous l'avons affirmé à maintes reprises. J'ai eu la satisfaction de faire reprendre ce rapport du Sénat et de le faire adopter comme un document européen, à l'unanimité, par le Conseil de l'Europe, voilà quinze jours à Strasbourg.
Je sais que nous avons un affichage de diversité linguistique dans l'école française. Mais, dans la pratique, on va vers le monopole de l'anglais, accompagné d'une ou deux autres langues importantes, tel l'espagnol ; pour le reste, on ne s'oriente pas vers cette diversification pourtant nécessaire.
Je souhaiterais que M. le ministre nous rappelle - cela lui a été demandé à plusieurs reprises, mais jamais les rendez-vous prévus ne nous ont été accordés - quelle est véritablement sa politique sur ce point.
Je voudrais maintenant parler de ceux qui sont aujourd'hui moins au coeur de l'actualité mais dont le rôle est capital : le bruit que font les lycéens dans la rue empêche peut-être de savoir vraiment ce que pensent les enseignants.
On a parlé de tel pourcentage d'enseignants qui aimeraient leur ministre et de tel pourcentage d'enseignants qui ne l'aimeraient pas. Je ne veux pas entrer dans ce débat, le lieu ne se prêtant pas aux sondages !
Ce qui me frappe, quand je lis les publications et quand je rencontre des enseignants - l'ayant été moi-même pendant très longtemps, j'ai gardé de nombreux collègues et amis dans les lycées - c'est l'irritation, pour employer un terme modeste, de nombre d'enseignants à l'égard d'un ministre qui, ont-ils l'impression, les traite avec désinvolture.
Certes, il faut savoir, à certains moments, faire avancer, bousculer les choses, en parlant clair, en parlant franchement. Mais il ne faut pas donner l'impression qu'il s'agit là d'une attitude systématique, destinée finalement à cacher sinon un certain mépris du moins un certain manque de considération pour des personnes dont la tâche est chaque année plus difficile.
Je voudrais dire, à cet égard, que si les enseignants ont le sentiment qu'ils ne rencontrent pas auprès de leur ministre la considération à laquelle ils ont droit eux aussi, ils ne seront sans doute pas poussés à faire plus d'efforts. Or, sans leur coopération, sans eux, nous le savons bien, nous ne pourrons procéder aux changements qui sont pourtant nécessaires dans l'éducation.
En résumé, ce que je voulais dire à la tribune du Sénat, c'est que les événements que nous vivons nous imposent, certes, d'être très respectueux et très attentifs à l'égard des jeunes, mais, nous obligent aussi à faire bien comprendre l'effort que nous demandons aux enseignants, sans lesquels aucun changement réel dans l'éducation de ce pays ne sera possible, changement qui, pourtant, nous le savons, est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, maniant le verbe avec une adresse volontairement provocatrice, M. le ministre a acquis une certaine popularité, et il a, depuis dix-huit mois, au travers d'un torrent bouillonnant de paroles et de projets, ouvert de nombreux chantiers.
Avec habileté, il a su médiatiser ses priorités ; il a ainsi pu, à sa manière, s'attirer les faveurs de nombreux parents.
Acquisition de savoirs fondamentaux, amélioration de l'apprentissage de la lecture, réinstauration de la morale abandonnée depuis 1969, allégement des horaires et des programmes, accès pour tous à la cantine, relance des zones d'éducation prioritaires - nous en reparlerons - généralisation de l'usage des nouvelles technologies, prévention de la violence en milieu scolaire, réflexion sur une réforme des lycées, organisation de la présence et du remplacement des enseignants, gestion déconcentrée des personnels vers les académies, politique de recrutement des emplois-jeunes, cet impressionnant catalogue passe en revue vos priorités, mais souligne aussi, madame le ministre, les maux qui rongent le système éducatif français.
Après avoir vécu votre deuxième rentrée, jugée sans problème, mais agitée, semble-t-il, depuis quelques jours, je voudrais savoir, madame le ministre, si la situation et les résultats du terrain sont, selon vous, à la hauteur des ambitions que vous affichiez initialement.
Je vous le concède, votre rôle n'est pas aisé à la tête de ce grand ministère ! A partir de paramètres difficilement conciliables, l'enjeu est de taille : offrir à l'enfant - car c'est bien de lui qu'il s'agit - un enseignement de qualité, pour lui donner les meilleures chances de s'intégrer dans une société où rien n'est facile.
Tous les partenaires concernés - enseignants, parents, élus - ont le devoir de concentrer leur efforts et leurs volontés pour parvenir à cet objectif permanent.
Si, dès le primaire, l'école de la République n'inculque pas les savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter - elle risque de générer les ingrédients pour une véritable bombe sociale, de former le lit de l'exclusion, c'est-à-dire les sans-emploi de demain.
Il ne peut y avoir de bonne qualité de l'éducation de nos jeunes sans une bonne qualité de l'enseignement. Ce postulat ne semble pas toujours respecté.
En premier lieu, comment comprendre le maintien du moratoire, sur lequel je suis intervenu le 19 mai dernier, lors d'une question orale sans débat ?
Comme vous en êtes convenue dans votre réponse, madame le ministre, « le moratoire se retourne parfois contre l'intérêt de l'élève ».
M. Jean-Louis Carrère. Et voilà !
M. Pierre Martin. La baisse démographique régulière - 40 000 écoliers de moins à la rentrée 1998 - va conduire à terme vers des classes réduites, trop réduites pour garantir un bon fonctionnement.
Seule une volonté courageuse de rééquilibrage des effectifs corrigera ces inégalités pour offrir des chances identiques à tous les enfants.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut le dire aux RI !
M. Pierre Martin. Est-il raisonnable que cinq écoles, dans mon département de la Somme, accueillent moins de dix enfants ? Les enfants sont en moyenne sept par classe.
En tant qu'élu local et national, j'ai la conviction que le « maintien à tout prix de la dernière classe » n'est pas de nature à enrayer la désertification rurale ; le système éducatif doit prendre en compte les nouvelles technologies, considérer la démographie et l'espace territoire pour s'adapter à notre temps.
L'intercommunalité, l'imagination et la volonté sont les bases indispensables à la revitalisation de nos écoles rurales.
En second lieu, j'aborderai l'expérience de l'aménagement des rythmes scolaires.
Vous décidez, sans concertation, d'abroger les dispositions prévues par la circulaire du 31 octobre 1995 à compter du 1er septembre 1999.
Lancée en 1995, l'allocation de rentrée scolaire, l'ARS, tentée par quelques collectivités locales, constitue une avancée pour l'épanouissement de l'enfant. Là où elle est appliquée, cette expérience moderne et réformiste se révèle largement positive. Elle permet une réelle avancée dans l'allégement du temps scolaire ; elle fait bénéficier gratuitement les enfants les plus défavorisés d'activités auxquelles ils n'auraient jamais eu accès.
Le contrat éducatif local que vous proposez et qui est censé organiser l'intervention des différents partenaires éducatifs autour d'une nouvelle forme d'aménagement du temps de l'enfant va mettre fin à l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune, l'ARVEJ. Comment va-t-il s'intégrer dans la « Charte pour bâtir l'école du xxie siècle » ?
A cet égard, permettez-moi de m'interroger, madame le ministre, sur le déroulement et la prise en charge des activités extrascolaires et périscolaires des enfants, sur le devenir des intervenants municipaux et sur les moyens financiers que vous affecterez pour remplacer les aides importantes octroyées, représentant le tiers du coût total pour chaque expérience menée dans le cadre de l'ARS.
J'en arrive maintenant aux emplois-jeunes, par lesquels vous avez fait naître un immense espoir, qui a beaucoup de mal à se concrétiser.
Vous avez fait de l'emploi l'une de vos priorités. En moins de cinq mois, 30 000 jeunes embauchés dans le cadre des emplois-jeunes par les services de l'éducation nationale ont trouvé des postes dans les écoles primaires et les collèges. Comment interviennent-ils sur le terrain ?
M. Jean-Louis Carrère. Bien !
M. Pierre Martin. Le projet, un peu sibyllin, relatif aux conditions d'emploi des aides éducateurs a été tardivement complété par une réglementation qui est loin d'être appliquée ! J'en veux pour preuve la différence de traitement réservé à cette catégorie de personnel, qui effectue souvent aux alentours de vingt-cinq heures de travail par semaine pour une rémunération basée sur trente-neuf heures hebdomadaires.
Par cette distinction arbitraire, vous créez des emplois-jeunes à deux vitesses et un contre-encouragement à travailler ; je le déplore.
En outre, je m'interroge sur l'organisation de la formation, annoncée initialement comme devant être dispensée par l'éducation nationale, destinée à ces jeunes gens embauchés pour cinq ans. Se déroule-t-elle vraiment et, si oui, comment ?
Quelle image déformée, au travers de promesses non tenues, l'éducation nationale va-t-elle envoyer d'elle-même à ses jeunes agents ?
Enfin, je voudrais vous livrer certaines réflexions inspirées par des situations existantes qui me sont signalées. Notons l'attribution de postes d'enseignants - des maîtres auxiliaires en l'occurrence - dans des établissements où leurs disciplines ne sont pas dispensées, l'inégalité de traitement entre les professeurs titulaires et les maîtres auxiliaires : les premiers touchent un salaire normal, les seconds perçoivent une rémunération complète pour une durée de travail à temps partiel qui n'excède pas un mi-temps.
Contrairement aux instructions demandant de les attribuer aux professeurs, employés à temps plein, les heures supplémentaires pourraient compléter logiquement ces temps partiels.
Relevons aussi la substitution des retraits de postes budgétaires à la limitation de fermetures de classes en milieu rural, qui est une façon larvée de réduire les moyens et d'entretenir une certaine confusion, et la disparité des situations entre les écoles pourvues en emplois-jeunes et les écoles « laissées pour compte », qui, déçues, font pression, par les enseignants, sur les élus locaux afin d'obtenir un recrutement d'aide éducateur dans le cadre du dispositif des emplois-jeunes ou des contrats emploi solidarité.
Je suppose que ces cas concrets dénonçant des anomalies inquiétantes feront réagir le scientifique rationnel qu'est M. le ministre.
Pour clore mon propos, madame le ministre, je dirai que la jeunesse est en droit de prétendre à un système éducatif de qualité.
Donnons des repères à cette jeunesse sans la sacrifier !
Ouvrons-lui le chemin de l'espoir, elle le demande !
Madame le ministre, ne décevez pas cette espérance par des annonces prometteuses que vous ne pourriez pas traduire concrètement avec sincérité !
La force de l'image que nous transmettons, que vous transmettez aujourd'hui, réfléchira sur les générations futures.
Soyons à la hauteur de nos ambitions pour garantir cette éducation de qualité à nos enfants. Ils la méritent. Ainsi seront-ils naturellement dans la classe et non dans la rue ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. Tous les orateurs inscrits se sont exprimés.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le président, M. le ministre de l'éducation nationale s'étant engagé à répondre lui-même aux questions qui lui ont été posées par les sénateurs, je souhaite que vous suspendiez la séance quelques instants pour lui laisser le temps de rejoindre l'hémicycle.
M. le président. Nous allons interrompre nos travaux une dizaine de minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je donne la parole à M. le ministre, qui va répondre à des questions qu'il n'a pas toutes directement entendues, mais dont la teneur lui aura, j'en suis sûr, été rapportée avec fidélité.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de nouveau de bien vouloir excuser mon aller et retour.
Je vais vous répondre en reprenant le plan de M. Adrien Gouteyron, en insérant les réponses aux interrogations ou aux remarques formulées par les différents intervenants.
Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure : la déconcentration se fera. Quoi que l'on ait pu dire, c'est une clef indispensable à la gestion de l'éducation nationale.
Tout d'abord, je souhaiterais revenir sur certains éléments fondamentaux de notre système éducatif qui ont été complètement oubliés.
Lorsque Jules Ferry et son directeur de cabinet, Ferdinand Buisson, futur prix Nobel de la paix, ont réformé l'école républicaine, il y avait en France le même nombre d'instituteurs qu'il y a aujourd'hui de professeurs agrégés.
Leur problème était de savoir si le recrutement des instituteurs serait national ou non. Ils ont opté sagement, et même génialement, pour la création d'écoles normales par département, ce qui a permis d'ancrer l'école républicaine dans le tissu local. La France s'est ainsi approprié complètement cette école républicaine et ceux qu'on a appelés « les hussards de la République ».
A cette époque, l'enseignement secondaire était extrêmement peu développé - il y avait un lycée à Lyon, un à Bordeaux... - il n'a donc pas fait l'objet d'une déconcentration. Et quand le nombre des établissements a augmenté on a continué à penser que la centralisation était synonyme d'égalité. Or - et je le dis d'expérience - la centralisation, c'est l'inégalité. C'est à cause de la centralisation qu'aujourd'hui, en certains endroits, on trouve des enseignants sans classe alors qu'en d'autres endroits ce sont les classes qui manquent d'enseignants. En effet, la gestion de ce système centralisé est complètement embouteillée.
La deuxième erreur commise a été de croire qu'il suffisait d'empiler des programmes de plus en plus lourds pour suivre la croissance des connaissances.
Par conséquent, les horaires et les programmes n'ont cessé de croître. Comme je l'ai dit l'autre jour devant les inspecteurs, je suis prêt à faire passer un examen à toutes les personnes qui ont rédigé les manuels de sciences naturelles : je les « collerai » tous, y compris ceux qui ont publié mes propres travaux... avec des erreurs ! C'est d'ailleurs ridicule de mettre ces travaux dans des manuels destinés à des lycéens.
On a ainsi transformé un enseignement scientifique fondé sur l'idée de faire comprendre la démarche suivie en un enseignement reposant uniquement sur la mémoire, dénaturant ainsi la formation. Ce mouvement a produit des élèves qui ne connaissent plus les fondamentaux, mais savent des détails par coeur.
Aujourd'hui, le point noir - tout le monde le sait puisque nous en vient l'écho dans la rue - ce sont les lycées.
En effet, la génération actuelle n'est plus celle des années cinquante, les méthodes d'enseignement doivent donc évoluer.
Les lycéens veulent être considérés comme des citoyens. Or la mise en place de cette citoyenneté au lycée se heurte encore aujourd'hui à des réticences, même si le ministre de l'éducation nationale entend la mettre en oeuvre prochainement dans tous les lycées de France, dans les académies et à l'échelon national.
La période transitoire entre la fin de l'enseignement obligatoire et le début de la vie universitaire ou de la vie civile constituait un point faible. Nous nous sommes donc attaqués d'abord à ce problème.
Nombre de nos concitoyens invoquent le manque de moyens. C'est très facile de s'en prendre aux moyens ! N'importe qui peut en réclamer davantage.
M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Cela ne demande aucune imagination. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Plus de moyens, cela change quand même quelque chose !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. L'Etat a accompli un effort considérable. En 1988, le budget de l'éducation nationale atteignait 198 milliards de francs. La semaine prochaine, je défendrai devant l'Assemblée nationale un budget de 345 milliards de francs. Cela représente un effort de l'ordre de 140 milliards de francs en dix ans !
Quant au taux d'encadrement, il est d'un enseignant pour vingt-six élèves dans l'école primaire, d'un enseignant pour vingt-quatre élèves dans l'enseignement supérieur et d'un enseignant pour onze élèves dans l'enseignement secondaire, ce qui constitue un record mondial.
On peut constater que, dans l'enseignement primaire et dans l'enseignement supérieur, qui sont déconcentrés, les tensions sont bien moindres que dans l'enseignement secondaire, qui connaît encore une gestion concentrée. Les chiffres le prouvent.
Mme Hélène Luc. Il y a tout de même des classes de trente-sept ou trente-huit élèves !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Madame, il y a actuellement à Paris des professeurs sans affectation qui demandent à enseigner en Seine-Saint-Denis. On leur répond qu'ils n'en n'ont pas le droit car ils n'ont pas été nommés dans ce département à l'issue du mouvement national des mutations. Je suis donc obligé de prendre une mesure exceptionnelle pour leur permettre d'enseigner en Seine-Saint-Denis ! Les services m'objectent qu'ils ne disposent pas des instruments de gestion adaptés. C'est un problème que M. Darcos connaît très bien ! (M. Darcos opine.)
Ainsi, je répète que la déconcentration est vraiment nécessaire. Elle ne rédoudra cependant pas tout : l'amélioration du système des affectations passe également par une meilleure gestion des concours de recrutement ; il faudra ainsi éviter les calculs automatiques qui font que l'on a trop de stagiaires à Paris et pas assez à Toulouse, par exemple. Car, c'est là le paradoxe, la centralisation a produit l'inégalité.
Je me sens comptable devant la représentation nationale et devant le pays du respect de l'égalité républicaine. Je tiens à ce qu'un enfant ait les mêmes chances partout, à Toulouse, à Bordeaux ou à Paris, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. M. Gouteyron m'a interrogé sur le calendrier des réformes. Je vais vous le communiquer, monsieur le sénateur.
Vous comprendrez que je ne veuille pas démanteler l'école de la République. On ne peut changer les programmes du jour au lendemain : un changement de programme implique une refonte des manuels, un renouvellement de leurs cours par les professeurs. Tout cela demande du temps.
Quelle est l'aspiration des lycéens ?
Lorsque nous avons débattu ici même, à l'occasion d'un colloque sur les lycées, certains - pas vous, monsieur le sénateur - m'ont demandé s'il était raisonnable de consulter les lycéens. Aujourd'hui, ils s'expriment dans la rue !
Dans les deux millions de questionnaires qui ont été dépouillés, les lycéens déclarent aspirer à plus de citoyenneté, ainsi qu'à des programmes allégés, et donc à des horaires moins lourds.
La semaine dernière, alors que je recevais un groupe de lycéens de l'enseignement technique, une jeune fille a réclamé non pas les trente-cinq heures, mais les trente-neuf heures ! Son emploi du temps s'étalant sur quarante-cinq heures hebdomadaires, il ne lui reste plus de temps à consacrer à sa vie personnelle. Est-ce raisonnable ? Mettons fin à cette frénésie des horaires.
Très vite seront mises en place des mesures touchant à l'organisation de la vie lycéenne : une heure hebdomadaire sera consacrée à l'exercice de la citoyenneté, un endroit sera affecté aux lycéens pour leur permettre de se rencontrer et de discuter.
Ensuite, les programmes seront allégés.
Actuellement, les programmes sont établis par le conseil national des programmes et par les commissions de spécialistes, qui regroupent des professeurs. Ces instances devront s'accorder sur un allégement des programmes.
Le plus difficile sera d'alléger les horaires de l'enseignement professionnel, c'est pourtant indispensable.
A cette fin, nous avons engagé des discussions avec les syndicats concernés. A l'heure où je vous parle, je puis vous dire franchement que j'ai obtenu un accord de principe, mais que je n'ai pas encore de solution pour cet enseignement.
Au mois de janvier, après discussion avec les principaux intéressés, c'est-à-dire les commissions de spécialistes et le conseil national des programmes, les nouveaux programmes seront établis.
Mais, dès cette année, nous souhaitons donner aux professeurs de français plus de liberté dans le choix des oeuvres à étudier et surtout plus de disponibilité pour aider les élèves. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.
L'enseignement à la citoyenneté a été évoqué.
Cet enseignement a été mis en place d'une manière plus discrète que prévu, parce que nous allions vers une réforme des programmes. Un enseignement à la citoyenneté sera instauré au lycée, non pas parce que celui qui existe à l'école primaire et au collège est menacé mais parce qu'il disparaît à l'échelon du lycée. Il sera assuré par les professeurs de philosophie, d'histoire - ceux-ci en ont fait la demande- et de français. Un certain nombre de programmes seront mis au point. Cette discipline sera obligatoire dans les IUFM ; par conséquent, tous les enseignants auront suivi au cours de leur formation une initiation à ce que j'appelle et continue d'appeler la morale civique, le mot « morale » ne me faisant pas peur !
Vous m'avez interrogé sur le service des enseignants.
Oui, les heures de cours des enseignants seront allégées, notamment celles des capésiens, et remplacées par des heures d'aide à l'élève. Cependant, s'agissant de cette aide à l'élève, je ne vais pas vous présenter une formule unique, car le dispositif sera extrêmement variable suivant les disciplines. Ainsi, les professeus de sciences naturelles veulent scinder leurs classes en petits groupes de travaux pratiques pour mieux s'occuper des élèves ; les professeurs de français, eux, souhaitent dispenser une aide à la rédaction, selon une autre formule ; quant aux professeurs de mathématiques, ils désirent encore autre chose.
Par conséquent, au dispositif qui sera modulé en fonction des disciplines, correspondra sans doute un allégement des heures de cours pour permettre d'aider l'élève.
Il faut savoir que la quasi-totalité des élèves qui sont aujourd'hui titulaires d'un baccalauréat avec mention soit sont des enfants d'enseignants du secondaire, soit ont pris de leçons particulières. Ces données, ces faits témoignent de la disparition de l'égalité républicaine. Il est donc important de la rétablir, notamment en aidant les élèves.
Soyez rassurés quant à l'évolution de la réforme du lycée : menée depuis le début de l'année scolaire avec les organisations syndicales, la discussion se déroule dans de bonnes conditions, sans aucune tension particulière. La réforme du lycée est donc en marche. Soyez sans crainte, monsieur Gouteyron : soucieux de son aboutissement, j'adopterai la même attitude que celle que j'ai choisie en matière de déconcentration.
En ce qui concerne le primaire, la charte du XXIe siècle a été signée et le comité de pilotage se met en place.
Cependant, alors que nous avions prévu de retenir 2000 écoles pour pratiquer l'expérimentation, nous avons reçu plus de 10 000 candidatures, ce qui ne manquera pas de poser un problème d'ajustement.
Quel est l'objet de cette charte ?
Elle vise d'abord à mettre en place la fameuse adaptation des rythmes scolaires, en recentrant l'enseignement sur les matières fondamentales. Il faut en effet revenir sur les fondamentaux à l'école primaire et ne pas disperser les enseignements.
Il ne faut pas en déduire que l'apprentissage de la géographie ou de l'histoire doit disparaître, mais que les exercices de calcul, de lecture, d'écriture et d'expression orale doivent tout autant avoir leur place. J'ai effectivement demandé qu'à l'école primaire, au fameux triptyque « lire, écrire et compter », soit ajouté « parler. »
Apprendre à parler, cela veut dire avoir l'occasion de dialoguer, dans les petites classes, avec son maître, puis parler devant ses camarades, avant de s'exprimer dans un cadre plus large, devant la classe.
Quand il apparaît qu'aujourd'hui encore 62 % des élèves sortant du lycée n'ont jamais fait un exposé devant leur classe, il est clair que la maîtrise de la parole, qui est la première des vertus pour exercer la citoyenneté, ne fait pas l'objet d'un enseignement suffisant. La maîtrise de la parole, qui est naturellement plus difficile encore à acquérir que celle de l'écriture et de la lecture, doit être enseignée, sans que ces dernières soient pour autant négligées.
Dans cette école du xxie siècle, tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale, pourront faire de la musique, du sport, s'initier aux nouvelles technologies, qui constituent, vous le savez, une grande priorité.
Sachez que je ne crois pas à l'après-midi sans cartable, à l'acte éducatif absent dans les activités dites d'éveil ou dans les activités artistiques. Pour moi, l'acte éducatif est présent toute la journée. Je pense en effet qu'on peut apprendre la citoyenneté aussi bien en suivant un cours d'éducation physique qu'en écoutant un cours de morale ou tout autre cours : en apprenant le respect de l'arbitre dans un sport, en se formant au travail en équipe. C'est pourquoi l'ensemble de ces activités sera coordonné par l'enseignant. Il faut que quelqu'un appréhende la totalité.
On parle toujours des fins de matinée, mais que se passera-t-il en fin de journée, moment très propice à l'exercice de la mémoire, comme le montrent toutes les études ? Eh bien, la fin de journée sera consacrée à l'étude, ce qu'on appelait autrefois les études surveillées. Il faut pratiquer l'aide systématique à l'étude pour permettre à tous les élèves de bénéficier du soutien des enseignants.
Telle sera l'école du xxie siècle.
Je saisis cette occasion pour vous faire remarquer qu'alors qu'il vous arrive de mettre en évidence des difficultés que je rencontrerais avec tel ou tel syndicat - avec un plus précisément - en l'espèce, s'agissant de la charte de l'école du XXIe siècle, tout le monde est d'accord. En effet, tout le monde a signé la charte : la totalité des syndicats et des associations de parents d'élèves. En outre, les collectivités territoriales ont d'ores et déjà fait savoir qu'elles voulaient participer à cette opération et qu'elles voulaient s'engager dans cette action.
Il s'agit là, je crois, d'une grande opération, destinée à redonner au maître de l'enseignement primaire son double rôle : de soliste - quand, dans sa classe, il enseigne les fondamentaux - et de chef d'orchestre, lorsqu'il coordonne l'ensemble des activités de l'enfant.
En ce qui concerne les problèmes liés à la lecture, nous ferons quelque chose de spécial, notamment en variant les méthodes. Alors que telle méthode serait, dit-on, supérieure à telle autre, il apparaît que, si certaines méthodes sont, certes, meilleures que d'autres, certains enfants rencontrent, des difficultés avec toutes les méthodes traditionnelles. Pour ceux-là, il faut en trouver de nouvelles.
C'est ce que nous ferons car nous ne devons pas nous enfermer dans un dogmatisme. N'arrive-t-il pas que nos intructeurs militaires réussissent fort bien dans l'apprentisage de la lecture, alors que toutes les méthodes traditionnelles ont échoué ?
Il s'agit donc là, à mes yeux, d'une priorité pour le Gouvernement, même si, monsieur Gouteyron, je ne puis, dans ce domaine, vous promettre des miracles. Tout le monde s'est déjà attaqué à ce problème, et, pour ma part, je vais essayer de faire le maximum.
Mon souhait est de privilégier l'idée que l'enseignement est obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans, ce que personne n'a vraiment intégré. En effet, on a continué à considérer qu'il y avait l'école primaire, puis le collège. Non ! L'enseignement est obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans ! Par conséquent, s'il n'est pas nécessaire de refaire les mêmes choses au cours des différentes étapes, il me paraît en revanche essentiel d'insister à l'école primaire sur les fondamentaux.
Nous allons faire un contrôle au cours moyen première et au cours moyen deuxième année pour éviter que, comme actuellement, certains élèves n'entrent au collège sans savoir lire. Ce contrôle permettra de prendre en considération les élèves qui ne savent pas lire, car les professeurs de collège estiment qu'ils n'ont pas vocation à combler ce type de lacune. A l'occasion de tests, on s'aperçoit que certains élèves ne font pas leurs problèmes de mathématiques faute d'avoir, en fait, compris l'énoncé.
Je vous dirai peu de choses sur la réforme des collèges, parce que ce n'est pas moi qui vais suivre ce dossier. Mme Royal se chargera de vous annoncer elle-même ce qu'il en est.
je vous dirai simplement que M. Bayrou a fait une réforme des collèges. Nous aurions eu une curieuse conception de la République si, en arrivant, et avant même d'avoir constaté les effets de cette réforme, nous avions décidé de l'annuler et d'en faire une nouvelle. De même qu'à l'université j'ai conservé le premier cycle tel qu'il est, j'ai considéré que la réforme de M. Bayrou devait être mise en place, évaluée, éventuellement améliorée, mais que l'ensemble ne serait pas chamboulé
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ainsi avons-nous agi, et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas commencé par le collège.
Je ne crois pas que l'opposition puisse être hostile à cette démarche de continuité républicaine. Les ministres se succèdent mais il faut préserver la continuité à l'intérieur du service public. Nous souhaitons cependant une accélération de la rénovation des collèges, dont je vais tout de même vous indiquer les deux points fondamentaux.
Nous élaborons un plan qui s'intitulera : « Nouvelle chance ». Son objectif est de repérer, d'orienter et de traiter ces fameux 50 000 élèves qui, tous les ans, sortent du système éducatif sans rien. Notre pays ne saurait admettre cette situation. Il n'est pas question de vous annoncer une solution-miracle, mais sachez que nous allons nous attaquer vraiment à ce problème, pour donner une nouvelle chance à ces élèves.
Tout d'abord, il faut les repérer plus tôt, puis leur permettre de sortir de l'école avec un métier.
L'orientation est l'autre grand problème. L'orientation ne saurait être pratiquée d'une manière mécanique. Actuellement, c'est ce domaine qui concentre la plus grande injustice sociale : les enfants issus d'un milieu instruit, qui sont aidés, peuvent être orientés correctement ; ceux qui viennent d'un milieu modeste sont orientés quasiment automatiquement d'après les jugements des enseignants.
Il y a là une profonde injustice à laquelle nous voulons nous attaquer. Telle sera la mission de Mme Royal dans les semaines à venir.
Bien que vous n'ayez pas abordé le sujet, je traiterai brièvement de l'enseignement professionnel, qui est l'un des grands chantiers que nous voulons lancer cette année et auquel je demanderai à tous, particulièrement aux élus, de participer.
A partir du mois de janvier, une grande campagne de réhabilitaiton de l'enseignement professionnel sera menée.
En même temps, nous sommes tombés d'accord avec l'ensemble des acteurs du système éducatif de ce secteur pour avancer hardiment dans la voie de l'alternance tout en respectant un certain nombre de règles républicaines. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit à la fois d'une formation et d'une prise en compte des réalités économiques.
Il existe en France une inadaptation entre la formation et l'emploi. Certaines zones géographiques accueillent des sections de BTS alors que les élèves ne peuvent effectuer de stages, faute d'entreprises correspondantes. En revanche, ailleurs, il y a des besoins, mais pas de formation correspondante ; c'est le cas pour l'hôtellerie. En visitant des lycées professionnels hôteliers, j'ai appris qu'avant même d'avoir obtenu leur baccalauréat les élèves sont embauchés. On pourrait même, me dit-on, doubler, voire tripler les promotions. Seulement, il n'y a pas de candidats !
M. Christian Bonnet. Il faut travailler le dimanche !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ainsi, dans le Midi, par exemple, on me demande de créer des IUT de génie mécanique alors que ne se profile aucune entreprise de mécanique à l'horizon et qu'il n'existe pas un seul BTS de tourisme dans cette région.
Pour cette raison, il a été décidé de mettre en place une structure qui va travailler non pas uniquement avec le ministère de l'éducation nationale, qui ne saurait pas traiter à lui seul tous les problèmes, mais en collaboration avec la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances, avec la direction des affaires sociales du ministère du travail, sans oublier les confédérations syndicales et le patronat. L'objectif est de répondre à un grand besoin : adapter les formations proposées à l'emploi.
Je terminerai en revenant sur le problème de la déconcentration, que j'ai évoqué dès le début de mon propos.
La déconcentration, c'est l'égalité républicaine. Dans ce pays, pendant très longtemps, certains ont fait une confusion entre égalité et égalitarisme.
L'égalité, c'est privilégier la diversité, permettre la reconnaissance des talents, divers et multiples, où qu'ils se trouvent. L'égalité ne consiste pas à décider que seules les mathématiques, à l'exclusion de toute autre discipline, permettent de juger un esprit. L'égalité ne consiste pas à décider de récompenser telle forme d'intelligence ou d'initiative en éliminant les autres.
De même manière, la déconcentration signifie adapter la réponse à la variété des situations.
Cette déconcentration va très loin.
Pour l'enseignement primaire, où la gestion est déjà déconcentrée, les négociations avec les organisations syndicales ont permis de faire une avancée extrêmement importante : désormais, le « qualitatif » entrera en compte dans les affectations. Cela permettra de ne pas affecter les enseignants débutants dans les quartiers les plus difficiles. (M. Carrère applaudit.) C'est une grande avancée de la déconcentration !
M. Adrien Gouteyron. Si vous y arrivez, oui !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En tout cas, c'est désormais accepté, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Dans l'enseignement secondaire, il y aura aussi déconcentration du mouvement. De plus, on affectera les moyens dans le cadre d'une gestion prévisionnelle de l'emploi.
Quel est le calendrier ?
Jusqu'à présent, les demandes étaient faites en décembre et en janvier et l'affectation était connue entre juillet et septembre. Cette année, des personnels ont été affectés le 4 septembre et les chefs d'établissement ont donc eu trois jours pour réagir ! Et on s'étonne qu'il y ait des manques de professeurs !
M. Paul Blanc. Bien sûr !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Dès l'an prochain, le calendrier sera le suivant : ceux qui veulent changer d'académie - car la liberté de changer d'académie reste intacte - feront leur demande en février ; ceux qui veulent muter à l'intérieur de l'académie, par exemple pour aller de Roubaix à Tourcoing, feront leur demande en avril. Tout le mouvement sera fini le 20 juin. Cela permettra aux concours de recrutement d'avoir lieu une fois le mouvement fait, et nous disposerons de trois mois pour procéder à des ajustements.
Par ailleurs, les recteurs seront maîtres de leurs postes à l'intérieur de l'académie, bien sûr dans le respect des règles républicaines, des décisions des commissions paritaires et conformément au statut de la fonction publique ; ils devront aussi envisager une gestion prévisionnelle. Nous ne connaîtrons plus cette situation dans laquelle des enseignants n'ont pas de poste et où le recteur dit : je ne peux rien faire puisque seule la rue de Châteaudun est autorisée à gérer. On pourra aller réellement vers une adaptation des moyens.
Point encore plus important, nous mettons en place à l'éducation nationale un service des relations humaines. En effet, le plus grand employeur public n'a pas encore découvert, ce qui me paraît surprenant, que les relations humaines sont essentielles, alors que la plupart des entreprises ont une direction des relations humaines.
Cela veut dire qu'il y aura, au niveau des académies, des départements et des établissements, des correspondants pour aider les enseignants à faire leur plan de carrière et discuter de ce qu'ils doivent faire. Bref, il s'agit de ne plus traiter les enseignants comme des numéros matricules par l'intermédiaire de questionnaires sur ordinateur, car c'est ainsi qu'ils sont gérés jusqu'à présent. C'est un changement considérable dans l'organisation de l'éducation nationale.
Dans le même temps, les rectorats doivent, eux aussi, devenir plus transparents et se déconcentrer. L'autonomie sera plus grande dans les départements. On descendra également au niveau des villes. En effet, à l'heure actuelle, entre le chef d'établissement et l'inspecteur d'académie, il n'y a rien. Or un inspecteur d'académie gère de deux cents à trois cents établissements. Autant dire que, dans ces conditions, il est très difficile pour un chef d'établissement de rencontrer l'inspecteur d'académie. Des échelons intermédiaires sont donc nécessaires, de manière à instaurer une coordination. Donc, nous avons la volonté de nous orienter de façon très progressive mais très déterminée vers la déconcentration.
S'agissant de l'enseignement supérieur, je souhaiterais dire quelques mots également sur la déconcentration.
L'année dernière, lorsque je suis venu présenter au Sénat le projet de budget, j'ai annoncé que je modifiais les règlements régissant les commissions de recrutement. Il y avait en effet des va-et-vient, et le système était bloqué. Les recrutements étaient inférieurs au nombre de postes inscrits au budget.
Cette année, le nouveau système a permis de recruter 5 000 enseignants du supérieur. Il a été ainsi mis fin à une situation qui était bloquée depuis trois ans. Autrement dit, ce système est efficace d'un point de vue fonctionnel, même si, ici ou là, il peut y avoir quelques particularités locales. En tout cas, le système a fonctionné au regard des postes à pourvoir.
L'an prochain, 4 000 ou 5 000 postes supplémentaires seront mis au concours. Ainsi, en deux ans, 9 000 enseignants auront été recrutés.
Cette déconcentration permettra également que, désormais, soient traités les dossiers des professeurs, non pas par la rue Dutot, mais par les établissements. Ainsi, lorsqu'une promotion interviendra, sa traduction financière appparaîtra sur le bulletin de paie dans les deux mois, et non pas un an et demi plus tard ! C'est un petit détail, me direz-vous, mais il ne réjouit pas mon collègue des finances.
M. Emmanuel Hamel. Réjouissez-vous de ne pas le réjouir ! (Sourires.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je m'en réjouis !
Ce sera bien pour les personnes concernées.
Je crois profondément dans l'école de la République.
M. Emmanuel Hamel. Nous aussi !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je crois que dans le monde moderne, où les empires s'effondrent en quelques semaines, où une multinationale tombe en quelques jours, où des pays voient leur économie mise à mal en quelques heures, il n'est pas possible qu'un système ait des temps de réponse de l'ordre de deux à trois ans.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous le constatez aujourd'hui avec les lycéens. Ils ont participé à une consultation et on leur a dit que l'on allait réformer le lycée. Maintenant, on est obligé de leur demander de patienter parce qu'on ne peut pas faire les choses tout de suite. Or, ils considèrent que c'est possible aujourd'hui et ne veulent pas attendre. Ils ne veulent pas que cette réforme intervienne lorsqu'ils ne seront plus au lycée. C'est pourquoi ils nous disent : « Réagissez ! Réformez ! »
Si nous ne déconcentrons pas, si nous ne ramenons pas les décisions près des gens, l'école de la République se dissoudra, au profit de l'école privée - on le voit déjà ici ou là - qui se fera sur un autre mode, qui réagira en temps réel, puisqu'elle n'aura pas de règles ; elle se substituera petit à petit à l'école de la République.
Je ne veux pas de cela. Je suis attaché à l'école laïque, à l'école de l'égalité des chances. C'est pourquoi ce que nous avons entrepris me paraît essentiel pour l'adapter aux temps modernes.
Je vous rassure, mesdames, messieurs les sénateurs, particulièrement M. Gouteyron : les réformes se feront. Le décret de déconcentration est rédigé et - c'est un détail technique - les logiciels sont réalisés. Les personnels sont prêts dans les rectorats.
Vous le verrez, l'éducation nationale répondra à ce défi plus rapidement que n'importe qui, comme cela a été le cas pour les emplois-jeunes.
Nous avons procédé à la consultation lycéenne. Tous les instituts de sondages nous affirmaient que nous ne pourrions dépouiller deux millions de questionnaires. Or, des professeurs, 50 000 personnes volontaires, l'on fait.
S'agissant de la déconcentration, l'éducation nationale montrera, dans sa dimension, avec son dynamisme et ses méthodes, qu'elle est capable de répondre à ce grand défi du siècle qui est le défi de l'école de la République. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Vive l'école de la République !
M. le président. Conformément à l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

14

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l'accord général sur le commerce des services.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 22, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 23, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 18, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Claude Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi portant modification de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 19, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Bret, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès une proposition de loi tendant à perpétuer le souvenir du drame de l'esclavage.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 20, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

17

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Consitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès à l'activité des institutions de monnaie électronique et son exercice, ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 77/780/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1158 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté, de la convention sur la Commission internationale pour la protection de l'Oder.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1159 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier minsitre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Demande du Royaume-Uni adressée à la Commission en vue de l'extension de la mesure dérogatoire de la TVA autorisant à exclure du droit à déduction 50 % de la TVA grevant la location ou le leasing de voitures automobiles, en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1997.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1160 et distribuée.

18

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Josselin de Rohan un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la création d'un office des produits de la mer et de l'aquaculture et étendant à la collectivité territoriale de Mayotte les offices d'intervention prévus au livre VI du code rural (n° 12, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 13 et distribué.
J'ai reçu de M. Claude Estier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif) (n° 395, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le n° 14 et distribué.
J'ai reçu de M. Guy Penne un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise (n° 560, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 15 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean Faure un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux personnels scientifiques de l'institut Max-von-Laue - Paul-Langevin (n° 446, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 16 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Girod un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 524, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 17 et distribué.
J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :
- sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe (n° 9, 1998-1999) ;
- et sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme (n° 10, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 21 et distribué.

19

DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1998

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 8 octobre 1998 de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à l'organisation de certains services au transport aérien.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 7, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 8 octobre 1998 de M. le Premier ministre un projet de loi portant création de l'autorité de contrôle technique de l'environnement sonore aéroportuaire.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 8, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 8 octobre 1998 de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 9, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 8 octobre 1998 de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 10, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président du Sénat a reçu le 9 octobre 1998 de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la création d'un office des produits de la mer et de l'aquaculture et étendant à la collectivité territoriale de Mayotte les offices d'intervention prévus au livre VI du code rural.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 12, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président du Sénat a reçu le 8 octobre 1998 un rapport déposé par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, sur l'efficacité des aides publiques en faveur du cinéma français, établi par M. Jean Cluzel, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 11 et distribué.

20

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 15 octobre 1998, à quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 524, 1997-1998) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 octobre 1998, à dix-sept heures ;
- délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 octobre 1998, à dix-sept heures ;
- conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi permettant à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes (n° 505, 1997-1998) ;
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 21 octobre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Lors de sa séance du 14 octobre 1998, le Sénat a désigné :
MM. Jean-Léonce Dupont et René Trégouët pour siéger au sein du comité d'orientation des programmes de la société Télévision du savoir ;
M. Jacques Valade pour siéger en qualité de titulaire au sein du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
MM. Daniel Eckenspieller et Roger Hesling pour siéger en qualité de titulaires, MM. Guy Poirieux et Ivan Renar pour siéger en qualité de suppléants au sein de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence ;
M. Fernand Demilly pour siéger au sein du Conseil national des fondations ;
M. André Maman pour siéger au sein du conseil de gestion du Fonds national pour le développement de la vie associative ;
M. Michel Dreyfus-Schmidt pour siéger au sein du conseil d'administration de la Société nationale de programmes Radio-France ;
M. Philippe Nachbar pour siéger au sein du conseil d'administration de la Société nationale de programmes France 2,
et M. André Diligent pour siéger au sein du conseil d'administration de la Société nationale de programme France 3.

MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE
ET SOCIAL EUROPÉEN
(21 membres au lieu de 22)

Supprimer le nom de M. Bernard Seillier.

SÉNATEURS NE FIGURANT
SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(7 au lieu de 6)

Ajouter le nom de M. Bernard Seillier.

REQUÊTES EN CONTESTATIONS
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES
Communications faites par le Conseil constitutionnel

En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel avait été saisi :
- le 6 octobre 1998 d'une requête contre l'élection de deux sénateurs le 27 septembre 1998, dans le département des Côtes d'Armor, et d'une requête tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 27 septembre 1998 pour la désignation de quatre sénateurs représentant les Français établis hors de France ;
- le 7 octobre 1998 d'une requête contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 dans le département du Gers et d'une requête contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 dans le département des Bouches-du-Rhône ;
- le 8 octobre 1998 d'une requête contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 en Polynésie française ;
- et le 13 octobre 1998 d'une requête déposée à la préfecture de l'Aude le 6 octobre 1998 contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 dans le département de l'Aude et d'une requête déposée le 6 octobre 1998 à l'administration supérieure de Wallis-et-Futuna contre les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 à Wallis-et-Futuna.

NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mercredi 14 octobre 1998, le Sénat a nommé :
M. Paul Masson membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de Mme Lucette Michaux-Chevry, démissionnaire ;
M. Philippe Labeyrie membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Simon Sutour, démissionnaire ;
Mme Lucette Michaux-Chevry membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Paul Masson, démissionnaire ;
M. Simon Sutour membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Philippe Labeyrie, démissionnaire.

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION SPÉCIALE

Dans sa séance du mercredi 14 octobre 1998, le Sénat a nommé :
M. Yann Gaillard membre de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes, en remplacement de M. Philippe Marini, démissionnaire.

DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES DU SÉNAT
DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE
(En application de l'ordonnance n° 58-1100
du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)

Lors de sa séance du mercredi 14 octobre 1998, le Sénat a nommé :
MM. Nicolas About, Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Michel Barnier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, James Bordas, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Hubert Durand-Chastel, Jean-Paul Emin, Claude Estier, Pierre Fauchon, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, Paul Masson, Aymeri de Montesquiou, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. André Rouvière, Simon Sutour, René Trégouët, Xavier de Villepin et Henri Weber membres de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
POUR LES PROBLÈMES DÉMOGRAPHIQUES
(En application de la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979)

Lors de sa séance du mercredi 14 octobre 1998, le Sénat a nommé :
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Jean-Claude Carle, Jean Chérioux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Serge Franchis, Francis Giraud et Paul Vergès membres de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques.

DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR LA PLANIFICATION
(En application de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982)

Lors de sa séance du mercredi 14 octobre 1998, le Sénat a nommé :
M. Pierre André, Mme Janine Bardou, MM. Joël Bourdin, Michel Charzat, Roger Husson, Patrick Lassourd, Henri Le Breton, Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Georges Mouly, Daniel Percheron, Jean-Pierre Plancade, Roger Rinchet, Mme Odette Terrade et M. Alain Vasselle membres de la délégation du Sénat pour la planification.

DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DÉNOMMÉE OFFICE
PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX
SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
(En application de la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983)

Lors de sa séance du mercredi 14 octobre 1998, le Sénat a nommé :
MM. Marcel Deneux, Charles Descours, Pierre Laffitte, Gérard Miquel, Henri Revol, Franck Sérusclat, René Trégouët et Jacques Valade membres titulaires ;
et, respectivement pour chaque titulaire, MM. Claude Huriet, Jean Bizet, Jean-Marie Rausch, Ivan Renar, Louis Boyer, Claude Saunier, Paul Blanc et Guy Lemaire membres suppléants de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Michel Souplet a été nommé rapporteur du projet de loi n° 18 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation agricole.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN

M. Josselin de Rohan a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 12 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la création d'un office des produits de la mer et de l'aquaculture et étendant à la collectivité territoriale de Mayotte les offices d'intervention prévus au livre VI du code rural.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Mme Danielle Bidard-Reydet a été nommée rapporteur du projet de loi n° 538 (1997-1998) autorisant la ratification de la convention pour la protection des droits de l'homme et la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine - convention sur les droits de l'homme et la biomédecine.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Michel Caldaguès a été nommé rapporteur du projet de loi n° 552 (1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil.
M. Michel Caldaguès a été nommé rapporteur du projet de loi n° 553 (1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil.
M. Daniel Goulet a été nommé rapporteur du projet de loi n° 559 (1997-1998) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan surla liberté de circulation.
M. Guy Penne a été nommé rapporteur du projet de loi n° 560 (1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. André Dulait a été nommé rapporteur du projet de loi n° 561 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part.
M. André Dulait a été nommé rapporteur du projet de loi n° 562 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part.
M. André Dulait a été nommé rapporteur du projet de loi n° 563 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part.
M. André Dulait a été nommé rapporteur du projet de loi n° 564 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 568 (1997-1998) autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République italienne, le Royaume d'Espagne, la République portugaise, la République hellénique, la République d'Autriche, le Royaume du Danemark, la République de Finlande, le Royaume de Suède, parties contractantes à l'accord et à la convention de Schengen, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège relatif à la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes (ensemble une annexe).
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 569 (1997-1998) autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion du Royaume du Danemark à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 570 (1997-1998) autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la République de Finlande à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 571 (1997-1998) autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion du Royaume de Suède à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.
M. André Rouvière a été nommé rapporteur du projet de loi n° 3 (1998-1999) autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le Mexique, d'autre part.
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 5 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces.
M. André Rouvière a été nommé rapporteur du projet de loi n° 4 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif.
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 10 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme.
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 9 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe.
Au cours de sa séance du mercredi 14 octobre 1998, la délégation parlementaire pour l'Union européenne a constitué son bureau, qui est ainsi composé :
Président : M. Michel Barnier.
Vice-présidents :
M. James Bordas ;
M. Claude Estier ;
M. Pierre Fauchon ;
M. Lucien Lanier.
Secrétaires :
M. Nicolas About ;
Mme Danielle Bidard-Reydet ;
M. Hubert Durand-Chastel ;
M. Emmanuel Hamel.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Aménagement de la RN 89

322. - 9 octobre 1998. - M. Marcel Bony attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la route nationale 89 entre l'échangeur de Saint-Julien-Puy-Lavèze et Clermont-Ferrand. Eu égard au décret du 9 janvier 1998 déclarant d'utilité publique la section autoroutière Saint-Julien-Puy-Lavèze - Combronde, il lui apparaissait qu'un aménagement lourd de la RN 89 était écarté à court terme. Or ni le phasage, ni la programmation des travaux sur cette section autoroutière n'ayant apparemment été arrêtés, il lui semble opportun de rappeler que la RN 89 est et demeurera l'itinéraire naturel pour rallier l'agglomération clermontoise ou le val d'Allier à partir de l'échangeur de Saint-Julien-Puy-Lavèze. Il est d'ailleurs si probable que le flux soit massif à la sortie de ce diffuseur que les projections faites à l'horizon 2015 aboutissent à un niveau de trafic absolument incompatible avec la configuration actuelle de la route nationale. Le niveau de trafic serait d'ailleurs sensiblement équivalent à celui de l'A 89 d'après le CETE de Bordeaux. Dans ces conditions, ne serait-ce qu'au regard de cet élément, c'est-à-dire sans même tenir compte des arguments liés au développement économique, au désenclavement, à la cohésion et à l'équilibre territoriaux qui plaident pourtant dans ce sens, l'utilité publique d'une modernisation de la RN 89 s'est avérée à ses yeux. En tout état de cause, il est impératif, précisément en raison de l'évolution du trafic à la sortie de l'échangeur précité et pour renforcer la sécurité, de procéder dans un premier temps à des aménagements substantiels de la RN 89 entre La Chabanne (commune de Laqueuille) et les Quatre-Routes de Nébouzat, c'est-à-dire sur environ 15 kilomètres. Il l'interroge donc sur ce qu'il envisage de faire à cet égard : doit-on espérer des crédits supplémentaires à ceux inscrits au contrat de plan, pour la programmation de travaux nécessaires ? qu'en est-il des 200 millions de francs qui devaient être affectés à l'aménagement de la RN 89 par la société concessionnaire de l'A 89 ?

Avenir du service d'oncologie pédiatrique
de l'hôpital Robert-Debré

323. - 9 octobre 1998. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur le fait que la décision de l'Assistance publique de fermer le service d'oncologie pédiatrique de l'hôpital Robert-Debré, à Paris, pose de nombreux problèmes. Ce service unique à l'AP-HP a un taux d'occupation proche de 100 %. Il donne satisfaction aux patients et à leurs familles. Il a, sur le plan national et international, une réputation scientifique qui le place au premier rang dans la recherche clinique et le traitement des tumeurs solides des os. La décision de fermeture met en cause son entité et les moyens qui lui sont alloués et provoque un tollé parmi les milieux médicaux et les familles des petits malades. Aucun argument ne peut justifier l'éclatement de ce service qui travaille dans un domaine aussi sensible. Changer d'équipe médicale représente un danger pour les enfants, tant sur le plan psychologique que sur le plan du suivi strictement médical, même en cas de transmission intégrale des données. Pourquoi d'ailleurs couper ce service en deux, alors que le cancer des os, s'il touche principalement les enfants, entraîne un contrôle long, qui peut se poursuivre pendant dix ans. La séparation des enfants et des parents n'induirait-elle pas fatalement un changement d'équipe médicale en cours de traitement, et probablement du traitement même, pour les enfants actuellement suivis à Robert-Debré ? Pour toutes ces raisons, elle lui demande quelles mesures il compte prendre afin de maintenir l'entité de ce service.

Situation dans les services d'archives départementales

324. - 9 octobre 1998. - M. Guy Cabanel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les difficultés que rencontrent les services d'archives départementales, notamment dans l'Isère, en l'absence de renouvellement des postes scientifiques et de documentation mis à la disposition de ces institutions culturelles par l'Etat. Les établissements concernés remplissent, dans ces conditions devenues difficiles, les missions de collecte, de conservation et de documentation qui leur sont confiées. Les personnels spécialement formés pour exercer ces activités dont le développement ne cesse de croître sont aujourd'hui en nombre insuffisant et ne parviennent plus à gérer efficacement les services dont ils ont la charge. S'il était difficile de procéder à une affectation de fonctionnaires de l'Etat, il serait en revanche envisageable d'opérer un transfert des crédits correspondant aux vacances d'emplois par le biais de la dotation générale de décentralisation. Il convient de préciser qu'une telle solution avait déjà été adoptée afin de mettre un terme aux difficultés analogues que rencontraient les bibliothèques départementales. Aussi, il lui demande de lui indiquer par quels moyens elle pense remédier à ces situations, et de bien vouloir lui faire connaître son opinion sur l'opportunité de renouveler une solution d'ores et déjà expérimentée.

Mise en oeuvre de l'accord de Karlsruhe
sur la coopération transfrontalière

325. - 9 octobre 1998. - M. Philippe Richert souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la mise en oeuvre de l'accord de Karlsruhe, signé le 23 janvier 1996 par la France, l'Allemagne, la Suisse et le Luxembourg, dont l'objectif est de favoriser et de faciliter la coopération décentralisée entre les collectivités des régions transfrontalières des pays signataires. La coopération transfrontalière, grâce notamment au programme communautaire Interreg, a en effet atteint un niveau de développement que seule l'application de cet accord, et les nouvelles structures de coopération qu'il propose, sont en mesure de faire progresser davantage. Or, en dépit de son approbation par la loi n° 97-102 du 5 février 1997, et de son entrée en vigueur le 1er septembre 1997, après achèvement des procédures internes propres à chaque partie, cet accord demeure pour l'instant inappliqué. Le décret d'application, paru le 22 août au Journal officiel, ne précise en effet, en aucune manière, ses modalités de mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne le régime juridique des groupements locaux de coopération transfrontalière. En raison de ce vide juridique, les collectivités territoriales se voient contraintes de solliciter les services de l'Etat, pour obtenir l'aval de ce dernier et conférer une existence légale aux groupements qu'elles envisagent de créer. La mise en oeuvre de nombreux projets s'en trouve, de ce fait, différée. Il lui demande donc s'il ne conviendrait pas d'élaborer au plus tôt les textes d'application de cet accord, et d'adresser aux collectivités une information complète sur les différents aspects techniques et juridiques du dispositif mis en place, voire même un cadre juridique précis, dans lequel des initiatives pourraient être prises, en toute connaissance de cause, par les collectivités.

Transferts d'activités de l'aéroport d'Orly

326. - 9 octobre 1998. - Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les projets annoncés de transfert ou de délocalisation d'un certain nombre d'activités existantes sur la plate-forme aéroportuaire d'Orly. Les conséquences de telles décisions, si elles devenaient effectives, seraient particulièrement préjudiciables au maintien de nombreux emplois directs et indirects générés par les agents économiques implantés sur l'aéroport. Un exemple en est la délocalisation évoquée d'Air France Industrie qui affaiblirait le potentiel économique et humain du Val-de-Marne, ce qui suscite une émotion compréhensible et une réprobation forte dans ce département. De nombreux élus estiment à juste titre qu'il faut que reste à Orly l'entretien des avions, activité des moins nuisantes au demeurant, et des plus utiles à l'économie locale. C'est pourquoi elle lui demande que soit conduite une large consultation avec tous les acteurs concernés, étudiant, comme le propose M. le président du conseil général du Val-de-Marne, toutes les coopérations possibles pour préserver et assurer le développement de cette entreprise et, plus généralement, de la plate-forme d'Orly. Elle lui demande donc de lui faire part de ses intentions en la matière.

Développement et pérennité du programme Rafale

327. - 12 octobre 1998. - M. Jacques Valade rappelle à M. le ministre de l'intérieur que, s'appuyant sur les avant-projets d'avions futurs étudiés chez Dassault depuis 1978, le programme Rafale a été officiellement lancé il y a dix ans, après que le démonstrateur Rafale A avait pris son envol deux ans auparavant. La réussite a été techniquement totale avec une démonstration éclatante de la maîtrise des technologies nouvelles et des concepts novateurs de pilotage et de navigation, tout en conservant une maîtrise des coûts de développement, une efficacité et une dynamique que nous envient nos concurrents. Il souligne que ces efforts et ces résultats n'ont de sens que si un programme de production est lancé. Or, de révisions budgétaires en révisions budgétaires, celui-ci a été largement étalé dans le temps. Le programme initial de 1990 prévoyait la sortie de trente-six Rafale avant l'an 2000. Aujourd'hui le programme « réactualisé » ne prévoit que deux appareils d'ici l'an 2000 sur un total de treize avions à produire d'ici fin 2003. Les phases de développement et d'industrialisation ont également subi d'importants retards budgétaires réduisant fortement notre avance technologique par rapport à la concurrence qui n'est pas restée inactive. L'absence de définition et de financement du standard Air-Sol qui correspond aux besoins de l'armée de l'air et doit servir de base technique de référence pour la version Export que Dassault Aviation veut développer est particulièrement préoccupante : il y a urgence à lancer ce développement pour être crédible sur les marchés à l'exportation qui commencent à douter de la poursuite du programme Rafale, avec pour effet de conforter nos concurrents. La meilleure preuve de la pérennité de ce programme vis-à-vis des marchés potentiels à l'exportation sera le lancement clair, effectif et irrévocable de la commande pluriannuelle nationale annoncée depuis longtemps et attendue par tous. En conséquence, il lui demande quelles sont les intentions réelles et à court terme du Gouvernement à cet égard ?

Nécessité de régularisation de la prolifération anarchique
des relais de téléphone mobile

328. - 12 octobre 1998. - M. Jacques Valade expose à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement que la diffusion des téléphones mobiles est devenue un véritable phénomène de société. La France est en train de rattraper le retard qui était le sien dans ce domaine. Ces développements nécessitent la mise en place de réémetteurs afin de couvrir correctement le territoire national. Le choix qui a été fait de plusieurs opérateurs concurrents entraîne la multiplication de ces relais. Or, France Télécom, SFR et Bouygues - seuls autorisés à exploiter ces réseaux en France - se livrent à une féroce compétition en matière d'implantation de relais qui se traduit par une floraison de pylônes et d'antennes de toute nature, de toute forme, de toute taille qui perturbe singulièrement le paysage tant urbain que rural. Il souligne que les lois et réglementations actuelles sont insuffisantes pour maîtriser cette prolifération. Les responsables des collectivités locales et les administrations de l'Etat sont à la fois sans moyens et sans directives pour concilier nécessité d'installations nouvelles et protection de l'environnement. En conséquence, il lui demande quelles mesures sont envisagées à très court terme pour éviter de tels excès.

Travaux d'aménagement de la RN 4

329. - 12 octobre 1998. - M. Jean Bernard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les demandes répétées des maires et des conseillers généraux représentant les territoires et localités traversées par la RN 4 entre Vitry-le-François et les limites du département de Seine-et-Marne. Cette route accueille un trafic extrêmement important, notamment en poids lourds, et se révèle particulièrement accidentogène comme le démontrent les statistiques de la gendarmerie nationale. Une programmation d'aménagements ponctuels, bien que définie depuis deux ans, notamment à la hauteur de Sézanne et de Haussimont, n'a pas, à ce jour, été concrétisée sur le terrain. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser dans quel délai l'aménagement à deux fois deux voies de cet itinéraire sera réalisé et si l'intention de la direction des routes de simplifier cet aménagement dans le but de modérer leur coût en fonction des capacités financières de l'Etat et des collectivités participant à leur financement sera appliquée en la matière. Dans le cadre du prochain contrat de plan Etat-région, est-il possible d'indiquer si les moyens financiers nécessaires à cette réalisation seront inscrits au budget de l'Etat ; les collectivités locales (départements - régions), conscientes de l'importance et de l'urgence de ces travaux, étant disposées à apporter leur contribution suivant les modalités habituelles de répartition.

Situation des centres de vacances et de loisirs

330. - 12 octobre 1998. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de Mme le ministre de la jeunesse et des sports sur la situation préoccupante des centres de vacances et de loisirs. En effet, de nombreux indices révèlent une baisse de leur fréquentation due, pour une bonne part, à l'inquiétude des parents eu égard à la sécurité (activités à risques, accent mis dans les médias sur certaines affaires de pédophilie, etc.). Ces centres de vacances et de loisirs étant un indéniable facteur de brassage, de cohésion sociale et d'ouverture, ne serait-il pas nécessaire, afin de mettre un terme à une certaine désaffection, d'engager une grande campagne d'information destinée à faire mieux connaître et à revaloriser les vacances et les loisirs éducatifs ?