SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un sénateur (p. 1 ).

3. Remplacement d'un sénateur décédé (p. 2 ).

4. Commission mixte paritaire (p. 3 ).

5. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 4 ).

6. Candidature à une commission (p. 5 ).

7. Questions orales sans débat (p. 6 ).
M. le président.

CONDITIONS D'HÉBERGEMENT DES HANDICAPÉS
DANS DES FAMILLES D'ACCUEIL (p. 7 )

Question de M. Bernard Fournier. - M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

VENTE DE L'ANCIEN SIÈGE DE LA CPAM DE PARIS (p. 8 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Mme Nicole Borvo.

OCTROI D'UNE INDEMNITÉ DE RÉSIDENCE AUX AGENTSHOSPITALIERS DE L'HÔPITAL DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE GEORGES-CLEMENCEAU DE CHAMPCUEIL (ESSONNE) (p. 9 )
Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Jean-Jacques Robert.

RECHERCHE ET EXPLOITATION DES GISEMENTS SOUS-MARINS
À PROXIMITÉ DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON (p. 10 )

Question de M. Victor Reux. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Victor Reux.

Suspension et reprise de la séance (p. 11 )

DIFFICULTÉS DU COLLÈGE VICTOR-HUGO
DE NOISY-LE-GRAND (p. 12 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Christian Demuynck.

AVENIR DES ÉCOLES PRIVÉES
SOUS CONTRAT D'INGÉNIEURS EN AGRICULTURE (p. 13 )

Question de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean-Paul Delevoye.

RÉFORME DE L'ORGANISATION COMMUNE
DU MARCHÉ DU VIN (p. 14 )

Question de M. Roland Courteau. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Roland Courteau.

AGRÉMENT SANITAIRE DES ÉTABLISSEMENTS
DE PRODUCTION FERMIÈRE DE MOYENNE MONTAGNE (p. 15 )

Question de Mme Janine Bardou. - M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Mme Janine Bardou.

PÊCHE AU MÉROU (p. 16 )

Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Franck Sérusclat.

SITUATION FISCALE DES STRUCTURES CULTURELLES (p. 17 )

Question de M. Ivan Renar. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Ivan Renar.

DROIT DE PRÊT À LA CHARGE DES BIBLIOTHÈQUES (p. 18 )

Question de M. Jean-Louis Lorrain. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Jean-Louis Lorrain.

PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT
DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE L'IMAGE (p. 19 )

Question de M. Philippe Arnaud. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Philippe Arnaud.

DROIT DE PRÊT
DANS LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES (p. 20 )

Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Jean-Claude Peyronnet.

SOUS-EFFECTIF DE FONCTIONNAIRES DE POLICE
DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD (p. 21 )

Question de M. Alfred Foy. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Alfred Foy.

8. Modification de l'ordre du jour (p. 22 ).

9. Nomination d'un membre d'une commission (suspension et reprise de la séance (p. 23 ).

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

10. Décès d'un ancien sénateur (p. 24 ).

11. Diverses mesures relatives à la sécurité routière. - Adoption d'un projet de loi (p. 25 ).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Plasait, Jacques Mahéas, Mme Joëlle Dusseau, MM. Pierre Lefebvre, Jacques Oudin, Pierre Hérisson, Mme Janine Bardou, M. Jacques Bimbenet.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

Intitulé de la section 1 et article 1er (p. 27 )

Amendement n° 1 de la commission. - Réserve.
Amendements n°s 2 de la commission et 42 rectifié de M. Mahéas. - MM. le rapporteur, Jacques Mahéas, le ministre, Pierre Lefebvre. - Adoption de l'amendement n° 2 ; retrait de l'amendement n° 42 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 1 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Article 2 (p. 28 )

MM. François Lesein, Jacques Mahéas.

Article L. 29 du code de la route. - Adoption (p. 29 )

Article L. 29-1 du code précité
(p. 30 )

Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 29-2 du code précité. - Adoption (p. 31 )

Article L. 29-3 du code précité
(p. 32 )

Amendements n°s 4 à 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 29-4 du code précité. - Adoption (p. 33 )

Article L. 29-5 du code précité (réserve)
(p. 34 )

Amendement n° 43 de M. Mahéas. - MM. Jacques Mahéas, le rapporteur, le ministre. - Réserve.
Réserve de l'article du code.

Article L. 29-6 du code précité (p. 35 )

Amendement n° 8 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 29-7 du code précité (p. 36 )

Amendement n° 9 de la commission et sous-amendement n° 37 rectifié de M. Hoeffel. - MM. le rapporteur, Daniel Hoeffel, le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article du code.

Article L. 29-5 du code précité (suite) (p. 37 )

Amendement n° 43 (précédemment réservé) de M. Mahéas et sous-amendement n° 47 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, Jacques Mahéas. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 29-8 du code précité. - Adoption (p. 38 )

Article L. 29-9 du code précité
(p. 39 )

Amendements n°s 10 et 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 29-10 du code précité (p. 40 )

Amendements n°s 12 à 14 de la commission. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 29-11 du code précité (p. 41 )

Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3. - Adoption (p. 42 )

Article 4 (p. 43 )

M. Jacques Mahéas.
Amendements identiques n°s 21 de M. Hérisson et 31 de M. Lesein ; amendement n° 16 rectifié de la commission. - MM. Pierre Hérisson, François Lesein, le rapporteur, le ministre, Mme Joëlle Dusseau, MM. Philippe Arnaud, Jacques Mahéas. - Rejet des amendements n°s 21 et 31 ; adoption de l'amendement n° 16 rectifié.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 5 (p. 44 )

Amendement n° 38 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 5 (p. 45 )

M. Jacques Mahéas.
Amendements identiques n°s 22 de M. Hérisson, 25 de M. Plasait et 32 de M. Lesein ; amendements n°s 39 de Mme Dusseau et 26 de M. Plasait. - MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Plasait, François Lesein, Mme Joëlle Dusseau, MM. le rapporteur, le ministre, Louis Moinard.

Suspension et reprise de la séance (p. 46 )

Amendement n° 48 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, François Lesein, Philippe Arnaud, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Plasait. - Demande de priorité de l'amendement n° 48 ; retrait des amendements n°s 22 et 25 ; adoption de l'amendement n° 48, les amendements n°s 32, 39 et 26 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 6 (p. 47 )

Amendements n°s 33 de M. Lesein, 17 de la commission et 23 de M. Hérisson. - Adoption de l'amendement n° 17, les amendements n°s 33 et 23 étant devenus sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 7 (p. 48 )

Amendement n° 40 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 7 (p. 49 )

MM. Jacques Bimbenet, François Lesein, Guy Fischer, Jacques Mahéas.
Amendement n° 34 de M. Bimbenet. - MM. Jacques Bimbenet, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendements n°s 41 de Mme Dusseau et 30 de M. Sérusclat. - Mme Joëlle Dusseau, MM. Franck Sérusclat, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 18 de la commission et sous-amendement n° 35 de M. Bimbenet. - MM. le rapporteur, Jacques Bimbenet, le ministre, Guy Fischer, Jacques Mahéas, Mme Joëlle Dusseau, M. Franck Sérusclat. - Retrait du sous-amendement, rejet de l'amendement.
Amendement n° 19 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 8 (p. 50 )

Amendement n° 36 de M. Bimbenet. - MM. Jacques Bimbenet, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 8 (p. 51 )

Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Articles additionnels après l'article 8 (p. 52 )

Amendement n° 29 rectifié de M. Pépin. - Mme Janine Bardou, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 46 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s 44 et 45 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption des amendements insérant deux articles additionnels.

Vote sur l'ensemble (p. 53 )

MM. Alain Gérard, François Lesein, Jacques Mahéas, Pierre Lefebvre, Mme Joëlle Dusseau, MM. Jacques Machet, Pierre Hérisson, Mme Janine Bardou, M. le ministre.
Adoption du projet de loi.

12. Communication de l'adoption de propositions d'acte communautaire (p. 54 ).

13. Transmission d'un projet de loi (p. 55 ).

14. Dépôt d'une proposition de loi (p. 56 ).

15. Transmission de propositions de loi (p. 57 ).

16. Retrait de propositions de loi (p. 58 ).

17. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 59 ).

18. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 60 ).

19. Dépôt d'un rapport (p. 61 ).

20. Dépôt d'un rapport d'information (p. 62 ).

21. Ordre du jour (p. 63 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu le 5 avril 1998, de notre collègue Sosefo Makapé Papilio, sénateur des îles Wallis-et-Futuna.

3

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ

M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. Basile Tui est appelé à remplacer, en qualité de sénateur des îles Wallis-et-Futuna, M. Sosefo Makapé Papilio, décédé le 5 avril 1998.

4

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Signé : LIONEL JOSPIN. »

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel d'information sur la protection et le contrôle des matières nucléaires pour l'année 1996, établi en application de l'article 10 de la loi n° 80-572 du 25 juillet 1980.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

6

CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par M. Henri Le Breton, démissionnaire.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

7

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
J'ai le plaisir d'accueillir, pour sa première intervention devant le Sénat, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
Pour celui qui préside la séance ce matin, la ville est un sujet particulièrement sensible, auquel il est attentif. Je vous souhaite, monsieur le ministre, une pleine réussite dans vos nouvelles fonctions ministérielles.

CONDITIONS D'HÉBERGEMENT DES HANDICAPÉS
DANS DES FAMILLES D'ACCUEIL

M. le président. La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 205, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Fournier. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des personnes handicapées qui ne sont pas visées par l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale et qui ne bénéficient pas de l'allocation compensatrice.
Ces personnes supportent les charges relatives à leur logement et doivent, au surplus, rémunérer la famille accueillante.
Dans sa réponse à la question écrite n° 4454 à l'Assemblée nationale, Mme la ministre a précisé qu'il est possible d'ouvrir une exonération des charges sociales et patronales à l'ensemble des personnes hébergées à titre onéreux dans les familles d'accueil.
Cependant, aucune indication de délai n'était portée et la situation de ces personnes est souvent précaire. Aussi, je souhaite connaître l'état d'avancement de la réflexion ministérielle.
Par ailleurs, aucun contrat de travail n'existe entre la famille d'accueil et la personne accueillie. La rémunération est fondée sur un minimum garanti. La dignité des handicapés et des familles d'accueil commande qu'il soit établi un véritable contrat de travail avec une base de rémunération autre que ce minimum garanti et avec le versement annuel d'une indemnité de congés payés. Ces dispositions permettraient la création d'un statut de la famille d'accueil qui, s'entendant avec une revalorisation des revenus de la personne handicapée, tendrait à renforcer cette indispensable dignité de la personne handicapée et de ses accueillants. Aussi, je remercie Mme la ministre de bien vouloir m'indiquer ses intentions en ce qui concerne la révision de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos mots d'accueil. Je sais quelle passion vous accordez à la ville et je suis sûr que nous aurons l'occasion, tant dans l'enceinte de la Haute Assemblée qu'à l'extérieur, de réfléchir et de travailler ensemble sur ce secteur aussi important dans notre société.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur Fournier, c'est une première pour moi comme pour vous dans cet hémicycle, puisque, selon les informations qui m'ont été communiquées, vous venez d'arriver au Sénat et il s'agit aujourd'hui de votre première question orale sans débat. Aussi, nous serons liés dans l'histoire s'agissant de cette première question et de cette première réponse que je vais avoir l'occasion d'apporter, au nom de Mme Martine Aubry. Celle-ci, qui est retenue par une réunion importante, vous prie de bien vouloir l'excuser de ne pouvoir répondre en personne.
Vous demandez, monsieur le sénateur, dans quel délai il serait possible d'accorder une exonération des charges sociales et patronales à l'ensemble des personnes handicapées hébergées à titre onéreux dans les familles d'accueil.
En effet, seules les personnes hébergées à titre onéreux chez des particuliers qui sont visés par les dispositions de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale sont susceptibles de bénéficier de ces exonérations.
Monsieur le sénateur, vous faites référence, dans votre question, à une réponse récente du Gouvernement à une question écrite posée par un député sur ce sujet. Toutefois, contrairement à ce que vous semblez indiquer, le Gouvernement, sans exclure une exonération des charges sociales et patronales pour l'ensemble des personnes hébergées à titre onéreux dans les familles d'accueil, n'a pas pour autant autorisé une telle exonération.
Néanmoins, je vous confirme que le Gouvernement étudie bien cette possibilité d'exonération, puisqu'une mission a été chargée d'élaborer des propositions concernant l'ensemble des aides au maintien à domicile des personnes âgées et des personnes handicapées. La question que vous soulevez n'est pas sans lien avec ce sujet très général et elle sera examinée, notamment, à la lumière des conclusions de cette mission qui seront remises très prochainement à M. Martine Aubry.
Par ailleurs, vous appelez l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés rencontrées par les particuliers qui accueillent à leur domicile à titre onéreux des personnes handicapées, notamment en termes de rémunération et de congés, car ces particuliers ne bénéficient pas d'un véritable statut de salarié pour la totalité de leur rémunération.
Ainsi, bien que leur régime d'assurances sociales et leur régime fiscal soient partiellement calqués sur ceux des salariés qui relèvent du régime général de la sécurité sociale, la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 et ses décrets d'application n°s 90-503 et 90-504 du 22 juin 1990 ne leur permettent pas de conclure un contrat de travail.
Compte tenu de ces difficultés, le Gouvernement souhaite être en mesure d'apporter des améliorations sensibles à cette situation.
Je vous rappelle qu'un groupe de travail a été mis en place en 1997 et qu'il étudie les modalités d'application de la loi du 10 juillet 1989. Il associe aux services centraux et déconcentrés du ministère des représentants de l'assemblée des présidents de conseils généraux. Afin de recueillir leurs observations sur ce dispositif, il a consulté les principaux organismes et associations concernés par l'accueil à domicile.
Ce groupe a, dans un premier temps, réalisé un bilan de la mise en oeuvre de la loi de 1989 au terme d'une enquête menée auprès de l'ensemble des départements et dont les résultats sont sur le point d'être diffusés.
Sur la base de cette évaluation, préalable indispensable à toute réforme éventuelle de la loi de 1989, le groupe de travail proposera les aménagements législatifs et réglementaires qui lui paraîtront nécessaires pour améliorer le dispositif en vigueur. C'est donc dans ce cadre que les mesures que vous proposez seront examinées.
M. Lucien Neuwirth. Il y a là un vrai problème !
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Effectivement !

VENTE DE L'ANCIEN SIÈGE DE LA CPAM DE PARIS

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 212, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Nicole Borvo. A la suite du transfert de ses services dans le xixe arrondissement, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, la CPAM, met en vente l'immeuble qu'elle occupait jusqu'à présent rue de Dunkerque.
Dans cette perspective, la CPAM de Paris a lancé un appel d'offres en juillet 1997.
Plusieurs acquéreurs ont fait des offres d'achat, parmi lesquels le centre hospitalier Maison-Blanche, qui propose la réalisation d'une unité de soins psychiatriques, et la SAGI, une société d'économie mixte dont 40 % du capital est détenu par la ville de Paris qui souhaite réaliser des logements sociaux dans cet immeuble.
Pourtant, lors de sa réunion du 26 février, le conseil d'administration de la CPAM a préféré retenir comme acquéreur le groupe privé Paris-Ouest Immobilier. Si cette décision avait été appliquée, ce groupe aurait pu acheter pour 28,1 millions de francs ce patrimoine public évalué à quelque 64 millions de francs par l'administration des domaines.
Fort heureusement, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales vient, en raison du montant de la transaction notamment, de suspendre la délibération par laquelle le conseil d'administration de la CPAM avait préféré un acquéreur privé. Elle a demandé une nouvelle évaluation de l'immeuble de la rue de Dunkerque par les services des domaines.
Quel que soit le résultat de cette nouvelle étude, le patrimoine public ne doit pas être bradé à des fins de spéculation.
A Paris, le manque de logements sociaux, comme chacun le sait, est criant, et un grand besoin en équipements publics, en structures sociales et de soins se fait sentir.
D'ailleurs, les élus communistes de Paris ont demandé au maire de Paris d'exercer le droit de préemption de la ville afin de favoriser d'autres alternatives que celle qui avait été retenue par la CPAM.
Le maire de Paris fait pour l'instant la sourde oreille. C'est d'autant moins compréhensible que les propositions de la SAGI et du groupe hospitalier Maison Blanche vont dans le sens d'un nécessaire développement du logement social et d'équipements publics de qualité, et que les offres présentées sont sensiblement les mêmes que celle du groupe Paris-Ouest Immobilier.
Telles sont les différentes raisons pour lesquelles je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour intervenir dans l'intérêt général et donc pour refuser toute nouvelle cession aux groupes privés. Favorisera-t-il une solution qui réponde aux besoins des Parisiens en équipements publics et en logements sociaux ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Madame la sénateur, Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, partage vos préoccupations concernant le projet actuel de vente de l'ancien siège de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Permettez-moi de rappeler brièvement les faits.
Le conseil d'administration de la CPAM de Paris a, par délibération du 25 février 1998, décidé de vendre son ancien siège social, immeuble vétuste et peu fonctionnel - vous l'avez fait remarquer - situé rue de Dunkerque, dans le ixe arrondissement, à la société Paris-Ouest Immobilier, pour une somme de 28,1 millions de francs.
En août 1997, la caisse avait lancé par voie expresse un appel à la concurrence pour la vente de cet immeuble. Cinq sociétés ont fait des offres d'achat portant sur la valeur nue du terrain pour des sommes variant entre 18 millions de francs et 28,1 millions de francs.
Parallèlement, la direction des services fonciers de Paris a procédé à une évaluation du site et a estimé sa valeur vénale à 63,5 millions de francs, y compris l'immeuble lui-même.
Comme vous, Mme Aubry a souhaité prendre le temps de comprendre l'avis de l'administration des domaines et les offres d'achat. Elle a donc demandé à ses services de suspendre la décision de vente - cela a été fait par lettre du 17 mars au président du conseil d'administration de la CPAM de Paris - et de lui apporter des explications supplémentaires.
Une fois ces explications obtenues, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité fera connaître son avis. Nous verrons alors, madame la sénateur, si l'une des pistes que vous avez exposées dans votre question peut le cas échéant être envisagée.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J'espère que les choix gouvernementaux iront effectivement dans le sens que j'ai préconisé.
A l'approche de la discussion du projet de loi sur l'exclusion, il me paraît indispensable que vous interveniez, dans ce cas précis, en faveur du développement des services publics, tellement nécessaires à la capitale, et que vous vous opposiez à toute tentative de vente à des groupes privés.

OCTROI D'UNE INDEMNITÉ DE RÉSIDENCE AUX AGENTS
HOSPITALIERS DE L'HÔPITAL DE L'ASSISTANCE
PUBLIQUE GEORGES-CLEMENCEAU DE CHAMPCUEIL
(ESSONNE)

M. le président. La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 189, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre délégué à la ville, j'espère que vous serez un bon ambassadeur contre l'injustice dont je veux vous entretenir.
L'inégalité de traitement subie par les personnels hospitaliers de l'hôpital de l'Assistance publique Georges-Clemenceau de Champcueil porte sur une indemnité de résidence à laquelle l'ensemble des personnels ont droit, excepté eux.
L'indemnité de résidence a été instituée à la fin de la guerre en vue de tenir compte de l'inégalité dans le mode de vie et les besoins d'existence entre les villes urbaines et la province. La réglementation à cet égard fixe le taux de cette indemnité en fonction des zones territoriales d'abattement de salaires, déterminées par l'article 3 du décret du 30 octobre 1962. La population du département de l'Essonne étant passée de 300 000 habitants à 1 100 000 habitants, nous pouvons, dans l'esprit de ce texte, prétendre intégrer la zone ouvrant droit au versement de l'indemnité de résidence.
Or, compte tenu de cette réglementation ancienne, les agents hospitaliers de l'hôpital de l'Assistance publique Georges-Clemenceau de Champcueil ne bénéficie que d'une indemnité d'affectation de 1 % du traitement de base alors que, traités à égalité avec les autres personnels, ils pourraient obtenir une indemnité de résidence de 3 %.
L'hôpital Georges-Clemenceau est le seul établissement hospitalier de la région parisienne dont le personnel ne bénéficie pas de l'égalité de traitement au regard de l'indemnité de résidence. Seuls trois hôpitaux en France - les hôpitaux de Hendaye et de Berck et l'hôpital San-Salvadour, à Hyères - sont dans le même cas. C'est dire que ce dossier mérite que l'on se batte et que l'on fasse preuve de la volonté nécessaire. Je m'en remets donc à vous, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, j'aurais aimé, pour notre premier échange, pouvoir vous répondre de manière positive. Mais c'est plutôt un mode d'emploi que je vais vous donner.
L'indemnité de résidence est versée aux fonctionnaires et agents de la fonction publique hospitalière selon les mêmes modalités et conditions que pour les agents de la fonction publique de l'Etat, en fonction de la commune correspondant à leur affectation administrative.
Ce n'est donc pas la commune siège de l'établissement employeur qui est prise en compte pour examiner les droits à recevoir cette indemnité.
Ainsi, la commune de Champcueil étant classée actuellement dans la zone 3, au taux de 0 % de l'indemnité de résidence, les agents qui y sont affectés ne perçoivent aucune indemnité de résidence. Ils ne pourraient bénéficier de cet avantage qu'en cas de reclassement de cette ville dans une autre zone d'indemnité de résidence.
Cette procédure relève des services de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de ceux de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à prendre l'attache de ces deux collègues et de leurs administrations pour voir dans quelle mesure il est possible de changer de zone la commune que vous avez bien voulu évoquer.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Il y aura donc toujours Bercy entre nous ! J'ai bon espoir cependant que cette forteresse puisse être atteinte puisqu'elle l'a déjà été dans le passé : en 1991, en effet, la ville de Fontenay-le-Vicomte, qui compte moins de 1 000 habitants et qui n'est qu'à un kilomètre des limites de Champcueil, a été reclassée, de même que, de l'autre côté de la Seine, Morsang-sur-Seine, dont la population est aussi inférieure à 1 000 habitants.
Les agents de l'Assistance publique exerçant dans l'ensemble des communes entourant Champcueil bénéficient donc de l'indemnité de résidence au taux de 3 %, et Champcueil, avec un taux de 0 %, apparaît comme un îlot. Malgré cela, nous ne parvenons pas à obtenir une décision favorable.
Pourtant, un reclassement dans une zone plus favorable est intervenue postérieurement à la circulaire ministérielle de 1991 : les deux départements de Corse ont ainsi obtenu, en 1995, de passer progressivement en deux ans du statut de 1 % à celui de 3 %. Or nous valons bien la Corse !
Je pense donc qu'une volonté suffit et que la voie est ouverte. Je vais par conséquent suivre votre conseil, monsieur le ministre, mais je compte sur vous pour m'aider.

RECHERCHE ET EXPLOITATION
DES GISEMENTS SOUS-MARINS
À PROXIMITÉ DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

M. le président. La parole est à M. Reux, auteur de la question n° 220, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Victor Reux. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble de la région maritime de l'Atlantique Nord-Ouest voit se préciser depuis plusieurs années sa richesse en gisements sous-marins de pétrole et de gaz dont l'exploitation se poursuit à l'est des provinces canadiennes de Terre-Neuve et de Nouvelle Ecosse, c'est-à-dire de part et d'autre de la zone économique exclusive française au sud de Saint-Pierre-et-Miquelon.
D'énormes enjeux économiques, au dire des experts, vont marquer toute cette région géographique durant les trente années à venir, ce qui a conduit trois compagnies pétrolières nord-américaines à se porter candidates auprès du gouvernement français pour l'obtention d'un permis de recherche dans notre zone économique.
Le ministère de l'industrie privilégie la compagnie Gulf Canada, qui bénéficierait d'un permis exclusif de recherche, lequel, compte tenu de l'article 26 de la loi du 15 juillet 1994, serait automatiquement générateur d'un droit d'exploitation.
Or il semble bien que le Gouvernement n'ait pas entrepris au préalable d'évoquer ou de négocier avec la société susvisée d'éventuelles contreparties financières ou économiques en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui se trouve tributaire de la solidarité nationale depuis l'éradication de son industrie traditionnelle de pêche en 1992 et l'arbitrage catastrophique, la même année, de la frontière maritime en ses alentours.
J'ai peine à imaginer que, dans une démarche gouvernementale solitaire, sans consultation ni du président du conseil général ni des parlementaires de l'archipel, les intérêts économiques et stratégiques de la France, pour l'avenir, dans cette partie du monde et à Saint-Pierre-et-Miquelon, puissent n'être ni assurés ni même mentionnés dans cette affaire, qui a normalement suscité bien des espoirs dans l'archipel depuis qu'elle s'est précisée.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment à ce sujet ainsi que la manière dont a été reçue par le Gouvernement la proposition en date du 20 mars dernier de création d'une commission préconisée par les représentants de l'archipel, en vue d'une négociation avec la compagnie Gulf Canada, avant toute attribution officielle d'un permis de recherche dans notre zone économique exclusive.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, votre question rejoint les légitimes préoccupations qui avaient déjà été soulevées, voilà quelques semaines, à l'Assemblée nationale, par M. Gérard Grignon. J'avais d'ailleurs eu l'occasion d'apporter à ce dernier quelques éléments de réponse que je vais largement compléter et préciser en réponse à votre interrogation.
Je veux tout d'abord vous confirmer que le Gouvernement est parfaitement conscient de l'enjeu que peuvent représenter, en termes de retombées économiques sur l'archipel, les activités d'exploitation pétrolière qui doivent être entreprises sur le plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Avant de prendre la décision d'accorder un permis de recherches d'hydrocarbures à la société Gulf Canada, le Gouvernement a été amené à concilier des impératifs juridiques, géologiques et techniques.
La procédure d'attribution du permis de recherches pétrolières de Saint-Pierre-et-Miquelon a été menée par les services compétents du secrétariat d'Etat à l'industrie dans le strict respect de la loi, et notamment du code minier.
Permettez-moi de vous en rappeler les principales étapes : mise en concurrence de la demande initiale, déposée par Gulf Canada, consultation de l'ensemble des services administratifs locaux concernés, processus d'arbitrage entre les trois sociétés pétitionnaires, à savoir Gulf Canada, Mobil Canada et Tatham Canada, avis du préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon le 7 janvier 1998, réunion d'une conférence interministérielle le 9 janvier 1998 et, enfin, examen par le conseil général des mines le 9 février 1998.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, il s'agit non pas d'une « demande gouvernementale solitaire », mais d'une instruction ayant associé l'ensemble des services locaux intéressés et, au niveau central, pas moins de sept départements ministériels.
Je me permets de souligner que l'instruction de ce dossier particulièrement complexe a été menée avec diligence, la demande de permis initiale ayant été déposée en mai 1997. Il importe en effet que les travaux qui doivent être exécutés sur ce permis puissent aboutir dans les meilleurs délais à la découverte éventuelle d'un gisement, ce que chacun souhaite. Or en matière pétrolière comme dans bien d'autres domaines, il faut chercher, parfois longtemps, avant de découvrir. Et le succès n'est jamais garanti !
Ainsi que vous l'indiquez, monsieur le sénateur, la zone marine placée sous la souveraineté canadienne est immense et possède un potentiel pétrolier et gazier d'ores et déjà prouvé. A l'inverse, les rares travaux d'exploration entrepris à ce jour dans la zone française n'ont pas encore permis de mettre en évidence un gisement.
Les travaux prévus par Gulf Canada auront précisément pour objet de confirmer le potentiel pétrolier que nos experts géologues pressentent sur la zone économique située au large de l'archipel. Toutefois, seul un forage pourra confirmer ce qui n'est, pour l'instant, qu'une hypothèse.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a négocié et obtenu auprès de la compagnie canadienne qu'elle exécute ce forage dès la première période de validité de trois ans du permis. Les travaux de prospection doivent débuter dès cet été, avec l'exécution d'une campagne géophysique destinée à localiser les zones les plus prometteuses.
En cas de découverte, il est exact que le code minier prévoit que le titulaire d'un permis de recherche a droit à l'obtention d'une concession sur le gisement ainsi mis en évidence. Cette automaticité, vous le savez, constitue l'un des fondements essentiels du droit minier français. Elle apparaît légitime, sauf à estimer qu'une compagnie pétrolière qui a fait la preuve de ses compétences en découvrant un gisement et qui a investi pour cela n'a pas le droit de détenir le titre juridique lui permettant de l'exploiter.
Toutefois, monsieur le sénateur, l'Etat n'est pas désarmé, loin de là, dans l'hypothèse de l'attribution d'une concession.
Tout d'abord, en application de notre législation minière, une nouvelle procédure sera lancée qui comportera une enquête publique ainsi qu'une large consultation des services administratifs locaux.
Par ailleurs, les municipalités concernées seront également consultées.
En outre, afin d'assurer l'exploitation optimale du gisement, et dans le respect des contraintes de sécurité et de protection de l'environnement, les pouvoirs publics disposent d'une large marge de manoeuvre pour imposer à l'exploitant toute une série de conditions sur les trois paramètres suivants : la durée de la concession, qui pourra être comprise entre cinq et cinquante ans ; la superficie, qui devra correspondre aux limites du gisement exploitable ; enfin, l'exécution de travaux d'exploration complémentaires.
De son côté, le préfet se voit reconnu par les textes un large pouvoir pour apprécier les programmes de travaux que le concessionnaire doit lui communiquer à l'avance.
D'ici là, soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que les travaux de recherche entraînent des retombées économiques - ce qui est notre objectif commun - sur l'archipel.
Je ne doute pas que les acteurs économiques de Saint-Pierre-et-Miquelon sauront profiter de leur situation géographique privilégiée et de la qualité de leurs prestations, pour devenir les prestataires de services prioritaires de Gulf Canada.
C'est d'ailleurs l'objectif des rencontres qui ont eu lieu au cours de la semaine du 23 au 27 mars dernier que d'anticiper conjointement et dès maintenant la coopération future dans ce domaine et la préparation de l'île à l'offre de ce nouveau type de prestations.
Je me félicite donc que ces rencontres aient pu avoir lieu. Le protocole d'accord signé entre la compagnie Gulf Canada et le conseil général de Saint-Pierre, qui en a été l'aboutissement, me paraît augurer d'une coopération positive entre la compagnie et les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, de nature à procurer les retombées économiques les plus larges possible à l'archipel.
M. Victor Reux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions nombreuses et rassurantes que vous venez de nous donner.
Lorsque je parlais de démarche solitaire, je visais simplement l'absence de concertation avec le président du conseil général et les parlementaires de l'archipel.
Les textes auxquels vous faites allusion, notamment le code minier, ne me sont pas étrangers. Nous avons largement évoqué la question, d'ailleurs, avec votre collègue chargé de l'outre-mer, et vous avez eu raison de souligner les contraintes législatives, économiques et techniques auxquelles nous devons faire face.
En ce qui concerne les contraintes législatives, si nous souhaitons une modification du code minier, nous souhaitons surtout que l'article 27 du statut spécial de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon soit appliqué, le décret en Conseil d'Etat prévu par la loi de 1993 modifiant cet article et devant nous donner compétence sur la zone économique exclusive au large de l'archipel en matière d'exploitation des eaux et des fonds sous-marins n'ayant toujours pas été pris.
Si le Gouvernement pouvait nous aider à accélérer le processus en la matière, nous en serions fort satisfaits.
M. le président. Mes chers collègues, l'auteur de la question n° 224, inscrite maintenant à notre ordre du jour, n'a pas encore rejoint l'hémicycle, et M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui doit répondre à M. Delevoye, auteur de la question suivante, est sur le chemin entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Dans ces conditions, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

DIFFICULTÉS DU COLLÈGE VICTOR-HUGO
DE NOISY-LE-GRAND

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 224, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, les collèges de Seine-Saint-Denis connaissent, depuis près d'un mois, un fort mouvement de grève, déclenché à la suite de l'annonce hâtive par Claude Allègre et Ségolène Royal, à quelques jours des élections régionales et cantonales, du plan de rattrapage pour ce département.
Malgré les quelque soixante-dix nouveaux postes annoncés voilà quelques jours, enseignants, collégiens mais aussi parents d'élèves ont manifesté vendredi dernier pour la sixième fois à Paris, pour demander des mesures à la hauteur de leurs espoirs.
La Seine-Saint-Denis, dois-je le rappeler, n'est pas un département comme les autres. Elle accumule tous les handicaps, avec de nombreuses cités dégradées où misère sociale, retards scolaires et insécurité deviennent très préoccupants.
Ma question portera plus particulièrement sur le collège Victor-Hugo de Noisy-le-Grand, situé en zone urbaine sensible, dans le quartier du Pavé-Neuf. Un reportage télévisé sur le thème du partenariat entre le collège et la police y a été réalisé, et diffusé au mois de novembre. Les élèves, qui avaient été présentés comme une « horde sauvage », avaient alors vivement réagi, en se mettant en grève et en refusant de suivre les cours.
Afin de ramener le calme, l'inspecteur d'académie avait fait fermer cet établissement de 860 élèves pendant quelques jours, avant Noël. Il s'était alors engagé, au nom du ministre et après l'avoir consulté, à faire classer ce collège en zone d'éducation prioritaire, ou ZEP, en septembre 1998 et à y créer un poste d'instituteur spécialisé pour encadrer les emplois-jeunes dès la rentrée de janvier dernier.
Quelle ne fut pas la surprise des enseignants lorsqu'ils constatèrent que leur collège ne figurait pas sur la liste des établissements éligibles en ZEP dans le plan de rattrapage ministériel du 2 mars !
Depuis le 12 mars, le collège Victor-Hugo est en grève et les cours ne sont plus assurés. Elèves et professeurs doivent d'ailleurs participer à une nouvelle manifestation cet après-midi, dans les rues de Paris.
Le classement de cet établissement en zone d'éducation prioritaire serait d'autant plus justifié que plus des deux tiers des élèves, même s'ils sont Français pour la plupart, sont d'origine étrangère. Leurs parents ne parlent pas notre langue, et l'intégration de ces familles est particulièrement difficile.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-on faire en sorte que soit significativement augmenté le nombre d'établissements de Seine-Saint-Denis inscrits en zone d'éducation prioritaire et, notamment, que le collège Victor-Hugo de Noisy-le-Grand, où les professeurs sont particulièrement motivés - comme d'ailleurs tous les professeurs du département - obtienne ce classement dès la rentrée prochaine ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, que je remercie d'avoir bien voulu attendre l'arrivée de l'auteur de la question.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. M. Claude Allègre, qui ne peut être présent à cette heure, m'a prié de bien vouloir répondre à cette très importante question.
Monsieur le sénateur, la situation grave de la Seine-Saint-Denis - grave aux yeux des élèves, des parents, des enseignants - n'a, bien évidemment, pas échappé à la vigilance du Gouvernement, dont la volonté d'action est manifeste.
Cette situation est marquée par des difficultés qui ont conduit le ministre de l'éducation nationale à réexaminer de manière approfondie les dotations en emplois de la prochaine rentrée dans le cadre d'un plan d'ensemble d'amélioration quantitative et qualitative.
Dans le même temps, un redécoupage des zones d'éducation prioritaire s'avère nécessaire, qui devrait entraîner le classement de nouveaux collèges.
Le recteur de l'académie de Créteil a ainsi été amené à annoncer, le 2 avril dernier, un ensemble de mesures complémentaires venant en appui du plan d'urgence décidé le 3 mars et dont vous avez eu connaissance. Cette annonce d'un plan complémentaire a été faite à l'occasion d'une table ronde réunie sur l'initiative de M. Robert Clément, président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, et en présence de M. Bodin, vice-président du conseil régional. Les représentants de ces deux collectivités territoriales ont fait part de leur engagement prioritaire en faveur, respectivement, des collèges et des lycées de la Seine-Saint-Denis.
D'autres réunions doivent avoir lieu. Ainsi, des réunions de travail à l'échelon académique ou départemental ont commencé hier, lundi, et il vous sera fait part, ainsi qu'aux autres élus du département, des avancées qui auront pu être faites.
En tout cas, soyez assuré que M. Allègre est particulièrement vigilant et actif, au nom de tout le Gouvernement, face à la situation difficile, préoccupante, des collèges et lycées en Seine-Saint-Denis, que tout sera fait pour que cette situation s'améliore rapidement et pour que, notamment, lors de la prochaine rentrée scolaire, on puisse prendre des mesures particulières, reconnaissant ainsi - c'était le sens de votre question - la spécificité du département.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux d'abord vous remercier, à mon tour, d'avoir bien voulu attendre les quelques instants qui m'ont été nécessaires pour parvenir, non sans mal, jusqu'à cette honorable assemblée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que vous avez entendu les revendications des enseignants, des parents d'élèves et des élèves eux-mêmes du département de la Seine-Saint-Denis.
J'ai souhaité poser cette question parce qu'il y a urgence, le cas du collège Victor-Hugo n'étant malheureusement pas isolé. Il est donc nécessaire que vous annonciez très rapidement des mesures permettant que la Seine-Saint-Denis redevienne un département comme les autres.

AVENIR DES ÉCOLES PRIVÉES SOUS CONTRAT
D'INGÉNIEURS EN AGRICULTURE

M. le président. La parole est à M. Delevoye, auteur de la question n° 1, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le ministre, je sais le souci que vous avez du développement de l'agriculture française. Or, l'une des clés de ce développement réside dans la formation des cadres des industries agroalimentaires et des fermes agricoles. La question du développement des écoles privées, notamment pour la formation des ingénieurs en agriculture, est donc primordiale pour l'avenir de notre agriculture.
Par la loi du 31 décembre 1984 a été reconnue aux établissements privés sous contrat de l'enseignement supérieur agricole la mission de service public de l'enseignement supérieur. Puis, par deux décrets successifs, en date du 31 octobre 1986 et du 28 mars 1993, l'Etat a reconnu l'insuffisance du soutien public et, au cours d'une négociation sur la préparation des futurs contrats quinquennaux, le financement de 43 000 francs par étudiant et par an, qui correspond à la moitié du coût de la formation des ingénieurs dans les écoles publiques, a été reconnu comme un besoin incompressible des écoles par le ministère de l'agriculture. Je relève d'ailleurs que ce besoin a été reconnu en 1991 comme en 1996, c'est-à-dire sous des gouvernements différents.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, il semble important de faire le point : y a-t-il un reliquat qu'il serait nécessaire de débloquer au titre de l'année 1997 ? En outre, dans la préparation du nouveau contrat quinquennal 1998-2002, il apparaît primordial, pour la pérennité de cet enseignement et pour éviter que celui-ci ne se dégrade, qu'un protocole puisse être conclu.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que le sait fort bien M. Delevoye, si le ministère de l'agriculture et de la pêche est particulièrement attentif, depuis de nombreuses années, aux formations dispensées par les écoles privées d'enseignement supérieur agricole, il l'est aussi à leur place dans le développement du secteur agronomique et agroalimentaire.
Ainsi, la loi du 31 décembre 1984, que M. Delevoye a évoquée, leur permet de recevoir des concours publics du fait qu'elles participent à la mission de service public d'éducation et de formation. Ces concours financiers sont fixés par des contrats quinquennaux. Ainsi qu'il le disait, les derniers contrats couvraient la période 1993-1997.
Les prochains doivent couvrir la période 1998-2002. A l'occasion de ce renouvellement, les écoles concernées ont émis, ce qui est légitime, des revendications qui tendent à augmenter le montant de leurs subventions de plus de 60 millions de francs, soit de près de 60 % par rapport au montant des crédits inscrits en loi de finances.
Les négociations engagées s'inscrivent toutefois dans le cadre de la contrainte d'une croissance maîtrisée du budget dont j'ai la responsabilité.
Dans ce contexte, je veux d'abord rassurer M. Delevoye : il n'est aucunement question de bouleverser le dispositif d'ensemble de notre enseignement supérieur privé, qui a fait ses preuves et dont tous les partenaires peuvent se féliciter, comme je l'ai dit dernièrement devant le congrès annuel de l'enseignement agricole privé.
Ainsi, les nouveaux contrats étant en cours de négociation, les dispositions des précédents ont été reconduites afin de ne pas provoquer une rupture dans le versement de l'aide publique apportée à ces écoles.
Je peux également indiquer que les discussions techniques qui viennent de s'engager sont extrêmement ouvertes.
En outre, je tiens à rappeler que ce dispositif législatif et réglementaire est unique dans le système d'enseignement supérieur français.
Si les moyens financiers qui sont attribués aux écoles privées d'ingénieurs en agriculture peuvent paraître limités au regard des charges auxquelles ces écoles doivent faire face, il n'en demeure pas moins que l'effort réalisé reste très sensiblement supérieur à ceux que reflètent les autres dispositifs nationaux de financement des établissements d'enseignement supérieur privés.
L'Etat a déjà amélioré, lors de chaque renouvellement des contrats quinquennaux, en 1986 puis en 1993, sa participation au financement de ces établissements. Les crédits annuels consacrés aux écoles privées d'enseignement supérieur agricole sont ainsi passés de 42,6 millions de francs en 1986 à 97,6 millions de francs en 1997.
Enfin, en ce qui concerne le reliquat de crédits auquel a fait référence M. Delevoye, je dois préciser qu'il n'est pas « dû » aux écoles privées. M. Delevoye ne l'a d'ailleurs pas dit. Ce reliquat est le résultat de la différence cumulée, d'année en année, entre le montant, légèrement surévalué, des crédits inscrits en loi de finances et la simple application des dispositions réglementaires de calcul des subventions prévues par les décrets d'application de la loi.
En conclusion, j'ai soigneusement noté les propos qu'à tenus M. Delevoye. Je puis l'assurer que, dans les discussions qui sont en cours, j'entends non seulement respecter entièrement l'esprit de la loi de 1984, mais également, dans toute la mesure possible, compte tenu des contraintes budgétaires, faire écho aux demandes formulées.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de votre souci de préserver la qualité de l'enseignement supérieur. Je partage tout à fait votre analyse : dans la compétition à laquelle est aujourd'hui confrontée notre économie, il est évident qu'une des clés de la réussite passera par le niveau intellectuel de celles et de ceux qui seront à sa tête.
Le second aspect de la question qui peut donner lieu à débat est la maîtrise des dépenses publiques. Chacun admet qu'il convient, aujourd'hui, de limiter les prélèvements obligatoires. Mais, à l'intérieur des dépenses publiques, il y en a qui peuvent être considérées comme actives, qui garantissent un meilleur devenir - c'est l'investissement dans la recherche, dans la formation, dans l'enseignement supérieur - et d'autres qui sont plutôt passives - ce sont, bien évidemment, les dépenses de retraite et le règlement du redoutable problème de la dette.
Au vu de votre réponse, j'espère, monsieur le ministre, que vous ferez en sorte que l'enseignement supérieur agricole, qui, par son histoire, est en majorité privé, puisse garder toute son efficacité, sa pertinence et sa qualité, afin que l'agriculture française reste l'une des plus performantes au monde et que, dans le contrat quinquennal 1998-2002, les moyens lui soient donnés de cette ambition.

RÉFORME DE L'ORGANISATION COMMUNE
DU MARCHÉ DU VIN

M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 204, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'agissant de la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole, il semblerait que l'Union européenne ait compris à temps l'erreur gravissime qu'elle avait failli commettre, en 1994, en faisant de la destruction du potentiel de production l'essentiel de l'architecture de son projet de réforme.
Nous avions donc eu raison lorsque, ici même, à cette époque, nous avions relevé que les folles et dévastatrices propositions de la Commission reposaient sur une très mauvaise analyse de la situation.
Trois ou quatre ans plus tard, la Commission de Bruxelles, mieux éclairée peut-être par le Gouvernement, la profession ou les élus, paraît avoir totalement changé de cap - et c'est tant mieux !
Que souhaitent donc les viticulteurs ? Ils attendent essentiellement que le Gouvernement imprime sa marque dans les discussions communautaires sur plusieurs points, et, d'abord, qu'il affirme la nécessité première de préserver le potentiel de production et d'accélérer la rénovation du vignoble. Ils espèrent voir se concrétiser, enfin, cette volonté de mieux affronter, avec les moyens conséquents, la concurrence mondiale par une politique véritablement promotionnelle. Ils considèrent comme une marque de confiance en l'avenir le fait que la Communauté puisse leur donner les moyens de poursuivre leurs efforts d'investissement tant dans les vignobles que dans les entreprises.
En effet, l'ouverture du marché mondial, l'augmentation des échanges, et donc des compétitions, imposent que la France se modernise et accroisse ses débouchés.
Alors, qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, de la restauration du budget viticole européen ? Ira-t-on vers la recherche d'une solution permettant d'encourager le transfert des vignes de viticulteurs âgés vers de jeunes producteurs ? Tiendra-t-on compte de cette autre priorité qu'est l'installation des jeunes par l'octroi de contingents plus substantiels de plantations nouvelles ? Cette demande est également formulée par les producteurs, qui souhaitent accroître leurs débouchés.
Quelle sera la réponse apportée à la question des plantations anticipées par rapport à l'arrachage et qu'en sera-t-il de la refonte des mesures de gestion du marché, sans oublier, le problème est vaste, l'alimentation du marché des brandys ou des alcools de bouche ?
Se pose également la question de l'enrichissement ou de la nécessaire harmonisation des réglementations nationales en matière de publicité sur les boissons alcooliques.
Sachez également, monsieur le ministre, que la confédération nationale des producteurs à appellations d'origine insiste notamment sur la reconnaissance des syndicats professionnels de producteurs et attend que l'Union européenne se dote des moyens d'assurer la protection de la propriété intellectuelle des appellations tant en Europe que dans les pays tiers.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, les viticulteurs sont prêts à faire face à leurs responsabilités - ils l'ont démontré par le passé - en matière de qualité et de gestion de l'espace. Cela signifie donc que les moyens communautaires consacrés à la viticulture devront être conformes à la place de la viticulture dans l'économie européenne et à son rôle essentiel en matière d'occupation de l'espace et d'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé, à juste titre, en quoi les conditions dans lesquelles se prépare aujourd'hui la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole sont effectivement différentes de celles qui avaient présidé à l'élaboration du précédent projet. En effet, la situation économique du secteur se caractérise depuis peu par un relatif équilibre du marché du vin, tant au plan national qu'au plan communautaire.
Ce nouveau contexte, qu'on peut espérer durable, au-delà des aléas climatiques sur les récoltes, nécessite de rectifier plusieurs dispositions de l'actuelle organisation commune du marché, conçues à un moment où le potentiel viticole communautaire était structurellement excédentaire.
C'est en ce sens que j'ai présenté aux représentants de la filière viticole des propositions de réforme et que je les ai ensuite transmises, sous la forme d'un mémorandum, à la Commission européenne et aux Etats membres de l'Union.
La proposition française visant à amender certaines dispositions de l'OCM repose sur trois priorités : maintenir et rénover le potentiel viticole de l'Union, améliorer la qualité des vins et la compétitivité des exploitations et promouvoir l'organisation économique des filières.
Dans ces conditions, l'OCM doit comporter un volet structurel articulé autour de la reprise d'un soutien communautaire à la restructuration du vignoble et d'un assouplissement du dispositif relatif aux arrachages et aux plantations de vignes.
La France souhaite par ailleurs simplifier les mesures de gestion du marché, afin de tenir compte de la diversité des situations dans les différentes régions viticoles, et de les appuyer sur une refonte de la distillation volontaire ; celle-ci doit être plus incitative en début de campagne.
C'est dans ce cadre qu'il devra être explicitement tenu compte de la nécessité d'assurer l'approvisionnement des débouchés non viticoles du secteur, notamment celui de l'alcool de bouche auquel vous avez fait référence, monsieur le sénateur.
La proposition française met l'accent sur l'urgence de mettre en place, dans un contexte où la concurrence des pays tiers est de plus en plus vive et la demande des consommateurs de plus en plus exigeante, des aides à la modernisation des entreprises vitivinicoles et un soutien du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, aux programmes de promotion.
Enfin, dans l'attente des conclusions de la négociation qui doit s'ouvrir prochainement, le Gouvernement français mettra tout en oeuvre pour que des mesures concervatoires soient décidées dans le cadre du paquet-prix 1998-1999 dont vous savez qu'il arrive en négociation dans les tout prochains mois. La discussion est déjà ouverte. Nous serons particulièrement vigilants s'agissant de tout ce qui concerne les plantations nouvelles.
Je crois avoir fait écho à la majeure partie des thèmes sous-tendus par votre question, qui était vaste.
Sachez que, comme je l'ai dit aux professionnels, nous assurerons un suivi particulièrement attentif de ce dossier lors de ces négociations de réforme de l'organisation commune des marchés.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions et, surtout, d'avoir affirmé votre volonté sans faille de soutenir notre viticulture.
Il est vrai que la réforme de l'organisation commune du marché du vin devrait constituer un point d'appui très fort dans le cadre des négociations de l'organisation mondiale du commerce.
Il appartiendra à l'Europe de relever des défis qui seront décisifs pour l'avenir de sa viticulture et, donc, pour l'avenir de notre viticulture méridionale.
Comment l'Europe, qui représente 80 % des échanges mondiaux et 50 % de la production, pourrait-elle ne pas être intransigeante ?
La fermeté s'impose car l'Europe, qui a su construire à travers son histoire des règles de production qualitative et des règles oenologiques, doit aujourd'hui faire face à de nouveaux pays producteurs sans état d'âme en ce qui concerne le respect de ces règles. Leurs préoccupations mercantiles l'emportent sur d'autres considérations et c'est la définition même du vin qui risque de céder la place à des produits de type industriel.
De ces deux conceptions, laquelle l'emportera, monsieur le ministre ? L'avenir de la viticulture européenne dépendra de cette partie de bras de fer au sein de l'OMC.
Comme le disait justement le président des vignerons-coopérateurs audois, notre viticulture ne doit en aucun cas céder la place à cette économie venue d'ailleurs et, pour cela, l'Europe devra être plus forte encore dans les négociations au sein de l'OMC.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais faire écho à cette dernière remarque. Il est bien évident que nous ne nous engageons dans les négociations de l'organisation commune des marchés qu'en prenant en compte les échéances décisives, même pour la viticulture, de l'OMC.
M. Roland Courteau. Je vous remercie, monsieur le ministre.

AGRÉMENT SANITAIRE DES ÉTABLISSEMENTS
DE PRODUCTION FERMIÈRE DE MOYENNE MONTAGNE

M. le président. La parole est à Mme Bardou, auteur de la question n° 214, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mme Janine Bardou. Monsieur le ministre, les productions fermières et l'agrotourisme ont été, depuis plusieurs décennies, des voies intéressantes de développement pour les agriculteurs de la Lozère. Elles permettent, en effet, de dégager plus de valeur ajoutée dans les territoires difficiles de moyenne montagne.
La plupart de ces établissements isolés ne peuvent bénéficier du service public d'eau potable et ont recours à des réseaux privés.
L'obtention et le renouvellement des agréments sanitaires européens des établissements concernés nécessitent la mise aux normes des installations, y compris pour la potabilité de l'eau. L'application de la réglementation en matière de protection des captages - analyses d'eau, expertise par un hydrogéologue, mise en place de périmètres de protection, travaux - se heurte à des difficultés de plusieurs ordres.
Il s'agit d'abord de difficultés juridiques, car l'agriculteur n'a généralement pas la maîtrise foncière des terrains jouxtant le captage, voire du captage lui-même.
Les difficultés sont ensuite d'ordre technique, du fait de la difficulté à réaliser certains travaux sur les ouvrages dans des reliefs difficiles.
Elles sont enfin d'ordre financier, puisque les dépenses relatives aux études et travaux sont élevées au regard des revenus dégagés.
Ces difficultés risquent de décourager bon nombre de producteurs et d'aboutir, ainsi, à la désertification des zones concernées et à la disparition de productions de qualité appréciées des consommateurs.
Sans remettre en cause l'esprit de la mise aux normes, monsieur le ministre, il serait essentiel de mettre en oeuvre une procédure simplifiée pour ces captages privés à faible production d'eau.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame le sénateur, ainsi que vous l'avez rappelé, conformément aux exigences du code de la santé publique, d'une part, et à celles du décret du 3 janvier 1989 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales naturellles, d'autre part, les eaux utilisées dans les entreprises alimentaires - même lorsqu'il s'agit de producteurs fermiers - à fins de fabrication, de traitement, de conservation ou de mise sur le marché de produits ou substances destinés à être consommés par l'homme, doivent bien évidemment satisfaire à une qualité définie, ce que vous n'avez pas contesté.
Dans le cas de l'utilisation d'une ressource privée, la procédure permettant d'utiliser l'eau pour la préparation de denrées est néanmoins simplifiée pour les producteurs fermiers, en comparaison avec les collectivités publiques, les mesures de protection n'étant pas déclarées d'utilité publique.
La possibilité d'utiliser cette ressource peut être accordée par autorisation préfectorale selon une procédure déconcentrée dont les modalités seront, je crois utile de le préciser, prochainement rappelées par une instruction interministérielle associant le ministère de l'agriculture et de la pêche et le secrétariat d'Etat à la santé.
Il importe d'être vigilant quant à la qualité de ces eaux de captage privé dans la mesure où de nombreux producteurs fermiers préparent des denrées d'origine animale, comme des fromages au lait cru ou des produits à base de viandes, qui sont susceptibles d'être contaminés par des germes tels que des salmonelles ou des listerias de plus en plus fréquemment identifiés dans ces eaux et pouvant être responsables de toxi-infections alimentaires graves.
En conséquence, tout en ayant conscience de la charge financière que représentent l'intervention d'un hydrogéologue agréé et la réalisation d'analyses d'eaux régulières, il ne m'apparaît pas envisageable de délivrer un agrément vétérinaire pour des établissements fermiers utilisant une eau de ressource privée dont la potabilité et la vérification régulière ne sont pas assurées.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le ministre, je regrette un peu cette position. Je ne conteste pas la nécessité de procéder à des analyses de l'eau par des techniciens agréés. Mais les frais que cela représente pour de petites exploitations sont considérables comparés à leur chiffre d'affaires. Ce qu'elles demandent surtout, c'est un allégement des procédures qui sont quelquefois extrêmement contraignantes, monsieur le ministre.
Une réflexion doit être engagée en ce sens. Ces exploitations ne sont pas très nombreuses et des dérogations pourraient être accordées, s'agissant de ces analyses très encadrées et d'un coût élevé, sans que cela nuise, bien entendu, à la qualité des produits.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame le sénateur, je conçois que vous puissiez être déçue. Je vous invite à être consciente de la difficulté de cette question, de l'exigence croissante des consommateurs et de l'impératif de sécurité sanitaire auquel nous sommes attachés. Cela étant, le ministère reste ouvert à toute réflexion sur ce sujet difficile.

PÊCHE AU MÉROU

M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 223, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le ministre, j'ai grand plaisir à vous voir à nouveau à ce banc, d'autant que, lorsque vous aviez précédemment occupé ces fonctions, je vous avais déjà posé une question sur le mérou brun de la Méditerranée. Les circonstances n'avaient pas permis que le débat aille à son terme. J'espère qu'il n'en ira pas de même cette fois.
Le mérou brun de la Méditerranée est un poisson un peu mythique, ne serait-ce que parce qu'il regarde avec ses deux yeux, ce qui lui donne un visage presque humain. Le commandant Cousteau avait fait d'un mérou une mascotte... « Jojo le mérou ». Je ne sais pas d'ailleurs si ce surnom lui avait été attribué par le commandant Cousteau ou par celui qui avait apprivoisé le mérou.
Bref, ce poisson a des particularités, mais je ne vais pas les énumérer. Il me suffit de rappeler que cet hermaphrodite successif connaît une phase juvénile d'une particulière vulnérabilité.
En réalité, mon propos concerne la pêche sous-marine de toutes les espèces, notamment celle qui est pratiquée avec un fusil ou une arbalète.
Dans ce domaine de la chasse sous-marine, il est nécessaire d'apporter quelques précisions. D'ailleurs, le moment est propice à la réflexion, puisqu'un moratoire a été décidé. Cela étant, un moratoire n'est pas fait pour attendre que le temps passe, il doit être mis à profit pour engager la réflexion et la faire aboutir.
Ici, à mon avis, la conclusion est claire pour ce qui est de la chasse sous-marine : il y a urgence. Ces temps derniers, en effet, il y a eu une telle destruction de poissons juvéniles que des auteurs comme M. Steven Weinberg ont envisagé la disparition progressive du mérou.
Il est nécessaire soit par un décret ministériel ou interministériel avec le ministère de la jeunesse et des sports, soit, encore mieux, par une loi, de définir les conditions d'exercice du droit de pêche au fusil ou à l'arbalète.
Il y a, en la matière, une référence facile, à savoir le permis de chasse, pour l'attribution duquel on exige aujourd'hui une formation. Je crois qu'en matière de pêche sous-marine il serait bon d'exiger des pêcheurs qu'ils suivent une formation leur permettant d'acquérir une connaissance de la flore et de la faune. Trop de pêcheurs inexpérimentés, jeunes ou moins jeunes, tuent sans savoir quels poissons ils tuent. Comme ils peuvent aller les chercher dans les lieux les plus divers, surtout ceux où ils se cachent et assurent leur reproduction, la destruction est inutile, bête et dangereuse.
A cela s'ajoute une autre cause de destruction : le mérou, comme d'autres poissons, a une chair délicate, il peut peser quelque quinze kilos, parfois plus, et son prix de vente n'est pas négligeable. On prétend que ceux qu'on consomme dans nos restaurants viennent de Tunisie, mais beaucoup proviennent, en fait, du braconnage local.
Il serait donc souhaitable de retenir l'option de la formation : les pêcheurs sous-marins devraient apprendre à connaître la flore, la faune, leurs habitudes de vie.
Par ailleurs, il faudrait limiter l'utilisation des fusils sous-marins et des arbalètes. Dans notre pays, en effet, les enfants de moins de quinze ans - ils sont de plus en plus précoces, et ce dans tous domaines - possèdent de telles armes - car il s'agit bel et bien d'armes - et ils détruisent la faune encore plus bêtement que les adultes.
Il serait bon d'envisager une telle formation, que je ne souhaite pas décrire dans le détail maintenant.
Je ferai cependant référence à un article qui est paru dans le numéro 97 d' Apnéade. Si, en règle générale, je me méfie des initiatives américaines dans tous les domaines, notamment avec les McDonald's pour ce qui est de la nourriture, il semble que le dispositif retenu en Floride soit fortement incitatif et très précis : les pêcheurs sous-marins ont une grande liberté, mais ils doivent détenir un permis. Une taxe est perçue sur le permis et sur le matériel. Une surveillance est organisée et la sanction pour braconnage peut atteindre jusqu'à six mois de prison. Certes, il faut aussi des garde-côtes.
Ce dispositif permettrait d'assurer de meilleures conditions de surveillance de ces poissons. Les recettes permettraient de créer aussi, par le biais de la formation, des emplois de formateurs et d'accompagnateurs, ce qui n'est pas négligeable aujourd'hui. Ainsi une autre dimension serait donnée à ce sport, qui, pour l'heure, est souvent aveuglément destructeur.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous engagiez une réflexion sur ce thème, sachant qu'elle pourrait déboucher bientôt soit sur un projet de loi, soit sur une proposition de loi recueillant votre acceptation de principe.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, j'ai été sensible aux propos que vous avez tenus à mon égard. Je vous connais depuis des décennies, mais j'ignorais l'intérêt marqué que vous portiez au mérou. Il s'agit cependant d'un sujet qui mérite notre attention, j'en traiterai néanmoins avec moins de lyrisme que vous.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le mérou est une espèce appréciée par les consommateurs pour la qualité de sa chair, mais c'est aussi une espèce fragile et en danger de « surpêche ».
La pratique de la pêche sous-marine, qui est la plus fréquente, est difficilement contrôlable. Aussi, conscient de la nécessité d'établir une protection particulière du mérou, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur a, par arrêté, interdit la pêche sous-marine de cette espèce. Cette interdiction, d'une durée de cinq ans, est en place jusqu'en 2003.
Vous pouvez être persuadé que le ministre de l'agriculture et de la pêche veillera particulièrement au respect de cette interdiction et que des instructions seront données en ce sens au directeur régional des affaires maritimes chargé notamment de la mise en oeuvre et du suivi de cette disposition.
La modification de la législation relative à la pêche sous-marine que vous proposez afin d'instaurer un permis pour exercer une telle activité nécessite une réflexion qui dépasse la seule espèce que vous avez évoquée.
En tout état de cause, un décret concernant la pêche de loisir est en préparation. Il modifie le décret n° 90-618 et améliore le dispositif existant. Il prévoit en effet, par le biais d'une affiliation des personnes exerçant la pêche sous-marine à une fédération agréée, un encadrement de cette activité reposant notamment sur un thème qui vous tient particulièrement à coeur, la formation à la sécurité et à la connaissance du milieu marin et des espèces, éléments sur lesquels vous avez insisté avec pertinence.
Ce décret est en cours d'examen au Conseil d'Etat et il devrait être publié dans les tout prochains mois.
Sur ces sujets en permanence en évolution, vous aurez l'occasion de faire valoir à différents stades vos suggestions afin qu'elles puissent être prises en compte. Je constate d'ailleurs qu'elles rejoignent mes préoccupations.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le ministre, je retiens de vos propos un point particulier : j'aurai l'occasion, avec vous je pense, d'étudier d'aussi près que possible vos propositions.
Dans votre réponse, vous avez manifesté une certaine réticence à envisager autre chose que l'adhésion des pêcheurs sous-marins à une fédération. Or, il conviendrait d'aller au-delà.
Par ailleurs, il est bien évident que le mérou n'est pas la seule espèce qu'il faut avoir en point de mire. Le mérou, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est pour moi une référence quelque peu mythique, d'autant que je ne suis pas pêcheur.
Je suis cependant attentif aux préoccupations de ceux qui tiennent à protéger la faune et la pêche sous-marines. C'est sous cet angle qu'il faut considérer ma question. C'est donc avec une certaine impatience que j'attends de participer, avec vous et avec vos collaborateurs, à la réalisation des premiers textes. Je vous remercie de votre proposition.

SITUATION FISCALE DES STRUCTURES CULTURELLES

M. le président. La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 109, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la fiscalisation des structures organisées en associations de type loi 1901 est un des principaux sujets d'inquiétude de la vie associative. Le domaine culturel n'y échappe malheureusement pas, nombre de structures étant sujettes à des redressements fiscaux importants, leur activité étant jugée lucrative par certains services fiscaux et donc assujettie aux taxes commerciales : TVA, impôts sur les sociétés, taxe d'apprentissage...
J'exerce des responsabilités - vous les connaissez, madame la ministre - dans plusieurs domaines de la vie culturelle. Je peux par exemple témoigner, en tant que président de la Conférence permanente des orchestres français, de l'extrême gravité de cette situation, des menaces et des incertitudes qui pèsent sur l'avenir, bon nombre d'associations ne devant leur salut qu'à la décision du Gouvernement de geler les redressements et les poursuites en cours.
C'est une fort bonne chose, mais les délais sont brefs et cette suspension s'arrête le 1er juillet 1998.
J'en arrive à la raison précise de ma question : la seconde disposition prise par le Gouvernement a été la nomination d'un expert, le conseiller d'Etat M. Guillaume Goulard, chargé d'une mission de clarification de ces règles fiscales sur la base de critères simples et précis.
Ce rapport est achevé. Il a été remis au Premier ministre. Je n'en connais pas la teneur précise et je regrette d'ailleurs que les parlementaires concernés et intéressés n'aient pas été entendus, contrairement à ce que m'avait annoncé M. le secrétaire d'Etat au budget.
Les quelques informations que j'ai pu recueillir ou lire, en particulier dans le numéro 13 de la revue Arguments, porte-parole du Gouvernement, ne calment pas toutes mes craintes.
Ainsi, le rapport préconiserait le recours aux correspondants des associations en place dans les administrations fiscales qui auraient à charge de déterminer le statut fiscal des structures associatives. Cela permettrait effectivement de mieux clarifier le statut de chaque association selon sa matière : but lucratif ou non lucratif.
Je le répète, je ne connais pas la teneur complète du rapport. Mais si les propositions essentielles se limitent à cela, le problème reste presque entier : c'est celui du statut des associations culturelles, donc de la notion même de culture. Je rappelle que des structures subissent en effet un redressement fiscal, étant jugées à but lucratif par le seul fait qu'elles vendent des places de concert ou éditent du matériel promotionnel. Qu'entend-on très précisément par lucratif ?
L'avancée est donc minime à moins, madame la ministre, que vous n'apportiez des précisions ou des propositions concrètes qui tiennent compte de la spécificité de la création et de la diffusion culturelles.
Ces spécificités ne doivent-elles pas, au fond, vous inciter à déterminer un nouveau statut, notamment sur le plan fiscal, plus adapté à la réalité de la vie culturelle, par exemple en autorisant la création d'établissements publics à vocation culturelle ? En effet, je n'insisterai jamais suffisamment sur le fait essentiel que la culture est un domaine particulier qu'il convient de protéger et qui ne peut en aucun cas être assimilé à une quelconque activité lucrative, même si ces structures travaillent dans un univers concurrentiel.
Cette spécificité, que nous appelons aussi « exceptionnalité » française et qui repose sur la subvention publique, a été jusqu'à présent le garant de l'existence, de la vitalité de notre culture et du maintien de son lien avec la société. Les remettre en cause un tant soit peu équivaudrait à un appauvrissement généralisé.
Je comprends bien le souci de clarification fiscale, tout le monde y a intérêt. Je souhaite seulement que les mesures soient prises dans le respect de la spécificité de la vie culturelle et, plus largement, de la vie associative, le rôle citoyen apparaissant de plus en plus évident dans l'actualité et dans certains débats que notre pays traverse.
Madame la ministre, les précision que vous allez nous apporter, et, peut-être, vos propositions, sont attendues avec intérêt et impatience.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, le régime fiscal des associations de la loi de 1901 a été défini par la loi de 1976. Le législateur a alors mis en place un dispositif qui différencie les associations dont la gestion est réellement non lucrative et sont seulement assujetties à la taxe sur les salaires, et les associations qui exercent une activité lucrative et qui sont imposables aux mêmes impôts que ceux auxquels sont soumis les entreprises commerciales.
Ce régime devait permettre à l'époque de tenir compte de la spécificité des associations, notamment de leur rôle fondamental sur les plans culturel et social, tout en évitant des distorsions de concurrence lorsque ces associations exercent des activités selon des modalités comparables à celles des entreprises.
Cependant, depuis cette date, l'activité et le financement des associations ont beaucoup évolué, ce qui rend nécessaire l'adaptation des règles fiscales à cette situation nouvelle.
Ainsi, un important travail de concertation entre les représentants du monde associatif et les administrations concernées avait été entrepris par le précédent gouvernement, sous l'égide du Conseil national de la vie associative, sans qu'il ait pu aboutir à un compromis acceptable par tous.
La situation était donc devenue préoccupante pour les associations culturelles qui étaient confrontées à des redressements fiscaux menaçant leur existence et suscitant leur incompréhension. C'est pourquoi M. le Premier ministre a demandé à M. Goulard, maître des requêtes au Conseil d'Etat, un rapport sur le régime fiscal des associations.
Dans ce rapport, qui lui a été remis récemment, il est proposé des critères objectifs qui permettent d'apprécier dans quelles conditions l'activité d'une association peut être qualifiée de lucrative.
Une instruction qui sera publiée très prochainement au Bulletin officiel des impôts tirera les conclusions de ce rapport. Elle permettra de clarifier et de stabiliser la situation fiscale des associations.
Cette démarche traduit la volonté du Gouvernement d'établir des relations de confiance entre le monde associatif et l'administration fiscale.
A cette fin, l'instruction sera appliquée aux dossiers en instance et se traduira par un réexamen des redressements en cours. De même, la situation des associations de bonne foi qui saisiront l'administration fiscale sur le caractère lucratif ou non de leur activité sera examinée, pour le passé, avec bienveillance.
Je tenais, monsieur le sénateur, à vous faire part de ces informations qui répondent en l'état aux préoccupations que vous avez exprimées.
Il reste néanmoins un certain nombre de décisions à prendre. Je souhaite pour ma part qu'en ce qui concerne la taxe professionnelle et le calendrier des décisions relatives à l'établissement public local culturel, nous parvenions à une cohérence de vues. En même temps, il me paraît important d'être en mesure d'offrir des perspectives aux collectivités territoriales et à l'Etat, lui-même souvent partenaire et trésorier de ces institutions, tout en restant naturellement acteur de la culture.
M. Christian Poncelet. Comme les collectivités locales !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Nous sommes donc en train d'examiner les conclusions de ce rapport Goulard. Dans quelques heures, j'aurai une réunion de travail avec mon collègue M. Sautter sur tous les aspects qui concernent les associations culturelles.
Voilà où nous en sommes.
Il est clair que, s'agissant de la question des redressements, le Gouvernement est très attentif à ce que les associations culturelles ne soient pas pénalisées dans leurs activités dès lors que nous procédons à la révision de leur régime fiscal.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J'espère qu'elle apportera quelque apaisement aux inquiétudes qui sont celles d'un certain nombre de structures.
J'espère aussi que les directions des services fiscaux recevront des consignes de bienveillance pour étudier tous les cas en cours, car, vous le savez, les redressements ont été suspendus, mais non pas stoppés.
Il existe, dans toutes ces associations, des gens qui ne pourront pas payer, sauf à réduire leurs activités, voire à subir une liquidation judiciaire pour certaines associations. Peut-être faudrait-il passer l'éponge. Vous savez bien que les économies sur la culture ne sont pas sans danger, surtout à notre époque.
Dans les jours et les semaines qui viennent, tous ensemble - et je sais que vous êtes préoccupée par ces questions et que vous vous battez vous-même, madame la ministre - nous devrons traiter le fond, c'est-à-dire la conception de la culture et la préservation de ce qu'on peut appeler un modèle français.
Vous le savez bien, la culture est menacée de toutes parts. On l'a vu au cours de la dernière campagne des élections régionales, des attaques inommables ont été proférées contre les activités des fonds régionaux d'art contemporain.
On a vu cette fameuse déclaration de Nîmes qui mettait en cause toute l'indépendance et toute l'activité des créateurs.
On sait encore les inquiétudes que l'on peut avoir sur des accords internationaux tels que l'accord multilatéral sur les investissements, l'AMI, qui transforme en quelque sorte l'oeuvre et le créateur en marchandises.
Actuellement, on le sent bien, en cette fin de siècle et au début du xxie siècle, c'est le statut de l'esprit qui est posé dans le monde, et en particulier dans un pays comme le nôtre.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et du combat que vous menez. Vous savez bien que vous êtes soutenue dans un tel combat, et j'espère que ce problème sera réglé de la meilleure façon pour les structures et les artistes.

DROIT DE PRÊT À LA CHARGE DES BIBLIOTHÈQUES

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, auteur de la question n° 192, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'application d'un droit de prêt prévue par la directive européenne n° 92-100 de la CEE du 19 novembre 1992 est sollicitée par le syndicat national de l'édition.
Outre la complexité du calcul des recettes sur les prêts d'ouvrages et les lourdeurs de redistribution aux auteurs concernés, ce nouveau prélèvement pèserait davantage sur les finances locales impliquées dans les frais de fonctionnement des bibliothèques publiques.
Prétendre que les bibliothèques font du tort aux auteurs et aux éditeurs est erroné, et l'Observatoire de l'économie du livre a procédé à une enquête en 1995 qui a établi que les bibliothèques municipales ont dépensé 466 millions de francs en achats de livres, et les bibliothèques départementales 114 millions de francs.
Par ailleurs, bon nombre de petites communes n'assurent la présence du livre que par le biais de la bibliothèque locale et du bibliobus.
Ma question vise donc à savoir, madame le ministre, s'il est envisageable d'adopter la dérogation prévue à l'article 5 de la directive européenne précitée.
Sans vouloir abuser de l'intérêt que vous portez à ma question, vous serait-il possible de nous exposer la politique que vous envisagez de mener en matière de lecture publique ?
Vous savez l'importance que nous attachons au développement de cette politique en milieux rural et urbain. La lecture dans la rue est un moyen de lutter contre l'exclusion.
Pourriez-vous également nous informer sur la coordination que vous envisagez avec le ministre de l'éducation nationale pour lutter en particulier contre l'illettrisme en développant précisément la lecture publique ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, la directive européenne du 19 novembre 1992 a reconnu le droit exclusif pour un auteur, un artiste-interprète, un producteur de phonogrammes ou un producteur d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles d'autoriser ou d'interdire le prêt de son oeuvre et de percevoir, le cas échéant, une rémunération au titre de cette utilisation, le prêt n'englobant pas, au sens de ce texte, la mise à disposition de documents à des fins de consultation sur place.
Sous la forme du droit de destination, qui permet aux ayants droit de céder autant de droits qu'il y a de modes d'utilisation d'un support d'information, le droit français de la propriété intellectuelle s'est avéré sur ce point être d'ores et déjà en pleine conformité avec la directive européenne.
Si l'existence et la légitimité du droit de prêt ne sont pas contestables sur le plan juridique, il n'en est pas moins vrai que la question de son application par l'ensemble des organismes de prêt, particulièrement les bibliothèques publiques, est demeurée entière.
Quoi qu'il en soit, je tiens à dire de la manière la plus nette que l'application du droit de prêt ne saurait en aucun cas, dans l'esprit du Gouvernement, freiner l'essor de la lecture publique, qui est constamment encouragée par l'Etat, ni faire obstacle à l'action que mènent les bibliothèques pour un égal accès de tous au livre.
Ce souci doit d'autant plus prévaloir que les études menées par mon ministère, en association avec les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires, n'ont pas fait apparaître que l'emprunt en bibliothèque concurrence ou décourage de manière significative l'achat de livres en librairie.
Attentif aux souhaits des ayants droit et aux préoccupations des libraires comme aux enjeux de lecture publique portés par les élus et les professionnels des bibliothèques, le Gouvernement a choisi de conditionner l'examen des modalités d'application du droit de prêt à un consensus entre les uns et les autres.
En vue de favoriser ce consensus et de permettre une étude sereine - car le débat est vif - et approfondie de cette question du droit de prêt en bibliothèque, j'ai confié à M. Jean-Marie Borzeix une mission de réflexion et de concertation, dont les conclusions devraient être connues d'ici à la fin du premier semestre.
J'ai souhaité que cette étude soit conduite car elle permettra non seulement d'élargir l'appréciation et l'analyse à l'application de la directive, à un établissement éventuel du droit du prêt proprement dit, mais aussi de comprendre comment se posent aujourd'hui les problèmes liés à la filière du livre, problèmes inclus dans les efforts que l'Etat fournit, aux côtés des collectivités territoriales, pour développer la lecture publique.
Voilà quelques mois déjà, j'ai présenté en conseil des ministres une communication sur la politique de lecture publique. Je pourrai vous en faire parvenir le texte.
Nous poursuivons les efforts entrepris et nous les développons, en particulier pour permettre aux bibliothèques-médiathèques d'être des lieux de ressources d'informations, notamment grâce au multimédia, avec la mise en réseau des bibliothèques, non seulement les bibliothèques régionales, mais aussi celles qui sont installées en zones plus rurales.
Le développement de ce tissu de bibliothèques et des services rendus, qu'il convient de considérer également comme le pivot des réseaux culturels qui desservent l'intégralité du territoire, est évidemment l'un des axes forts de la politique que je conduis.
Nous allons poursuivre des investissements importants dans la réalisation de prochains projets, de même que nous avons déjà signé avec des collectivités territoriales plusieurs contrats ville-lecture.
Nous travaillons également à réaménager « le Temps des livres » qui nous permettrait d'avoir en fait une manifestation plus ramassée dans le temps, mais avec des rebondissements dans l'année afin de maintenir l'attraction que peut représenter le livre, qu'il soit offert à la lecture en bibliothèque ou qu'il soit proposé à l'achat en librairie.
Nous souhaitons également bien lier et développer entre l'éducation nationale et le ministère de la culture tous les supports et tous les moyens susceptibles de développer la lecture. Je pense aux livres scolaires, à toute la littérature, avec, par exemple, des perspectives pour soutenir la poésie, ainsi qu'à la presse écrite et aux projets relatifs à son accès ou à son usage dans le cadre pédagogique.
Par ailleurs, nous observons avec beaucoup d'intérêt, et nous les soutenons, les initiatives qui visent, dans le cadre de la Banque de programmes et de services, la BPS, qui dépend de La Cinquième, chaîne pédagogique, à soutenir l'accès à la connaissance au travers de la lecture de textes, en liaison aussi avec l'audiovisuel.
Je ne vous indique pas la totalité des actions entreprises, m'en tenant aux plus significatives et, peut-être, aux plus originales. Ces actions montrent que nos efforts en faveur du développement de la lecture publique sont constants. Ils font suite à l'effort considérable déjà consenti dans le passé en France au travers du lancement des bibliothèques de prêt départementales et tous les relais de lecture publique, qu'ils soient fixes - dans les bibliothèques - ou mobiles - par exemple dans les bus - ou qu'ils concernent encore les prisons ou les hôpitaux, car il y a aussi un travail de lecture publique dans les milieux carcéral et hospitalier.
Nous souhaitons d'autant plus poursuivre et augmenter encore cet accès au livre que si nous laissons une partie de la population coupée de l'accès à la culture par manque de « savoir-lire », par illettrisme ou par manque de connaissance de l'usage des nouveaux supports et de la place qu'y tient l'image, nous aurons une société à deux vitesses.
Pour pouvoir utiliser un ordinateur et être tout à fait en phase avec le développement de la société de l'information, il faut savoir lire. Cela reste un enjeu premier pour l'ensemble du Gouvernement.
M. Jean-Louis Lorrain. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse et je tiens à vous assurer que nous serons très attentifs à la part que vous prendrez dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi relative à l'exclusion ; cette part devrait, selon nous, être très importante.

PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT
DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE L'IMAGE

M. le président. La parole est à M. Arnaud, auteur de la question n° 208, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication. M. Philippe Arnaud. Madame la ministre, ma question exprime une inquiétude sur le devenir de l'Ecole européenne supérieure des arts et technologies de l'image, dont la création résulte de la volonté conjointe de l'Etat, de la région Poitou-Charentes et des villes de Poitiers et d'Angoulême. Cette école constitue, je le rappelle, un élément majeur de la stratégie de développement de Poitou-Charentes, fondée sur les nouvelles technologies et l'image.
Dans le Journal officiel du 17 janvier dernier, était publié un arrêté portant annulation de crédits, pour un montant de un milliard de francs, afin de financer le fonds d'urgence sociale en faveur des chômeurs, ainsi que l'avait annoncé M. le Premier ministre.
A ce titre, figurent 60 millions de francs de crédits de paiement concernant le ministère de la culture, dont 21 150 000 francs pour les interventions culturelles déconcentrées.
Parmi les actions conduites en partenariat avec les collectivités territoriales, on trouve notamment l'Ecole européenne supérieure des arts et technologies de l'image en Poitou-Charentes, inscrite au contrat de plan Etat-Région.
Une convention signée avec le ministre de la culture le 5 mai 1995 prévoit l'augmentation de la dotation de l'Etat pour la prise en charge du corps enseignant de l'école, qui vient, avec l'accord de l'inspection générale du ministère, de se doter d'enseignants spécialistes des nouvelles technologies de l'image.
C'est donc un crédit de 8 074 000 de francs qui est attendu de l'Etat en 1998 ; il est inférieur à ce que prévoyait la convention, mais en augmentation de un million de francs par rapport à 1997. Le directeur régional des affaires culturelles a été chargé de préparer l'avenant à la convention.
Je vous prie donc, madame la ministre, de bien vouloir me préciser si la direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes disposera des moyens financiers nécessaires pour satisfaire aux engagements de l'Etat. Si tel n'était pas le cas, outre qu'un désengagement remettrait en cause l'Ecole supérieure de l'image, inscrite de façon cohérente dans le développement de la région Poitou-Charentes, les enseignants qui viennent d'être recrutés ne pourraient être payés.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, les crédits déconcentrés de mon ministère ont effectivement contribué au financement du fonds d'urgence sociale pour 21 150 000 francs, au titre IV, chapitre 43-30, ce qui représente 1,2 % du montant total alloué aux DRAC - directions régionales des affaires culturelles - lequel s'élève à 1,7 milliard de francs.
Les directeurs régionaux des affaires culturelles ont, à ma demande, réparti équitablement ces économies en sauvegardant tout particulièrement l'enseignement artistique spécialisé.
La convention signée le 5 mai 1995 entre l'Etat, le ministère de la culture et de la communication et les collectivités territoriales concernées, c'est-à-dire le conseil régional de Poitou-Charentes et les villes d'Angoulême et de Poitiers, arrive à échéance le 5 mai 1998.
J'ai proposé, à titre exceptionnel, et pour permettre aux partenaires de négocier dans la durée, de proroger, par un avenant de six mois, l'actuelle convention.
L'engagement de l'Etat pour 1998 porte sur la somme de 8 millions de francs. Une première tranche de 7 millions de francs a été déconcentrée au bénéfice de la DRAC de Poitou-Charentes. Elle sera complétée en deuxième délégation de crédits.
Je rappelle qu'en raison de l'augmentation importante du nombre de boursiers pour cette année universitaire - elle est de 5 % par rapport à l'an dernier - les mesures nouvelles prévues pour le fonctionnement de l'école ont été consacrées en priorité aux allocations des boursiers.
Le rapport d'étape de la commission nationale sur les enseignements artistiques que vient de me transmettre son président, M. Jacques Imbert, montre à l'évidence la nécessité de conforter les établissements d'enseignement supérieur spécialisés tels que l'Ecole de l'image.
Cet équipement joue un rôle primordial pour l'Etat et les collectivités associées dans le domaine de la formation et de l'aménagement du territoire régional. C'est la raison pour laquelle je suis très attachée à ce que l'Etat respecte sa parole.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je vous remercie, madame la ministre, des éléments rassurants que vous venez de nous communiquer. Vous avez pris des dispositions immédiates, et l'avenant à la convention, qui permet une prorogation de six mois, est effectivement de nature à lever l'inquiétude que j'exprimais tout à l'heure.
Toutefois, il conviendrait, compte tenu de l'intérêt majeur que revêt l'Ecole supérieure de l'image pour la région Poitou-Charentes et pour l'Etat, d'assurer, à l'avenir, la pérennité de cet établissement.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je suis en mesure de vous rassurer : bien entendu, le contrat de plan Etat-région comportera les mesures pluriannuelles qui permettront de garantir le développement de cette école.

DROIT DE PRÊT
DANS LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES

M. le président. La parole est à M. Peyronnet, auteur de la question n° 218, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, je souhaite vous interroger à mon tour, après mon collègue Jean-Louis Lorrain, sur le problème du droit de prêt. Je vois d'ailleurs dans cette instance à soulever cette question le signe d'une inquiétude manifeste.
La directive européenne 92/100 du 19 novembre 1992 vise globalement à protéger les droits d'auteurs - louable intention - et prévoit que, à cette fin, les bibliothèques doivent s'acquitter d'un droit de prêt.
En France cette directive n'est pas appliquée aux bibliothèques publiques, car le Centre national du livre, créé en 1946, aide les auteurs et les éditeurs depuis 1976 à publier dans des conditions économiquement acceptables.
Or, récemment, le président du Syndicat national de l'édition, dans un courrier adressé à l'ensemble des maires de communes de plus de 10 000 habitants a demandé que les bibliothèques publiques s'acquittent d'un droit de prêt, avançait le chiffre de 5 francs par prêt. La question qui se pose est évidemment de savoir qui doit prendre ce droit en charge : la collectivité locale ou le lecteur ?
Selon le président du Syndicat national de l'édition, le prêt gratuit pénalise la création et l'édition littéraires. Mais on peut retourner l'argument et dire que les prêts gratuits constituent une incitation à la lecture et donc, probablement, à l'achat de livres.
En tout état de cause, l'application d'un tel droit du prêt engendrerait un coût important.
Si c'est le lecteur qui doit payer, on peut considérer qu'il y aurait remise en cause de cette sorte de droit acquis qu'est le prêt gratuit. Et je ne fais qu'évoquer la complexité extraordinaire d'un tel système.
Si c'est la collectivité, ce sera pour elle une charge non négligeable. Ainsi, pour prendre un exemple que je connais bien, sachant que la bibliothèque centrale de prêts de la Haute-Vienne prête environ 100 000 ouvrages chaque année, sur la base de 5 francs par prêt, c'est une somme totale de 500 000 francs qui devrait être déboursée, soit plus de la moitié du budget annuel d'achat d'ouvrages ; à n'en pas douter, cela grèverait lourdement les finances du département.
Madame la ministre, la réponse que vous avez faite tout à l'heure à M. Jean-Louis Lorrain ne me satisfait guère, je l'avoue. Je vois mal, en effet, comment on peut espérer concilier des intérêts en fin de compte assez divergents : ceux des éditeurs, d'un côté, ceux des bibliothèques et des collectivités, de l'autre. Je ne suis pas sûr qu'il soit possible d'obtenir une solution consensuelle telle que ni les lecteurs, ni les collectivités ne seraient pénalisés.
Je préférerais, pour ma part, que le Gouvernement s'appuie sur les possibilités offertes par la directive, qui prévoit dans son article 5 que les Etats membres peuvent exempter certains établissements de ce droit.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, l'inquiétude qui s'exprime ce matin au Sénat s'est déjà manifesté à l'Assemblée nationale ainsi qu'au sein de différentes associations d'élus.
Je puis vous indiquer que nous entretenons, sur cette question, des contacts réguliers non seulement avec la mission qui est conduite par M. Borzex mais aussi avec les différentes instances représentant les professionnels et avec les associations d'élus.
Il ne s'agit pas, pour le Gouvernement, de faire droit, purement et simplement, à la demande du Syndicat national de l'édition. Celui-ci a suggéré qu'un droit de prêt de 5 francs soit systématiquement acquitté, et cela relève de sa seule responsabilité.
Certes, la directive ouvre cette possibilité et va d'ailleurs, d'une certaine façon, jusqu'à recommander d'en user. Mais elle prévoit aussi une dérogation, que nous pourrions éventuellement invoquer.
Les travaux menés jusqu'à présent par la mission Borzeix montrent que, si le question est tranchée dans le sens de la gratuité s'agissant des bibliothèques départementales de prêt, elle prend un tour beaucoup plus complexe en ce qui concerne les bibliothèques publiques.
Aujourd'hui, une participation financière est demandée à l'usager, donc au lecteur, soit sous forme d'abonnement à la bibliothèque soit par l'accès payant à un certain nombre de services. Autrement dit, on ne peut parler de gratuité acquise d'emblée pour le lecteur.
Bien entendu, on ne saurait remettre en question la libre décision des collectivités territoriales concernant un équipement dont elles ont la responsabilité. Il s'agit simplement de faire en sorte que la filière du livre, qui comprend les auteurs, les éditeurs, les bibliothèques et les libraires, soit aussi créative et dynamique que possible.
Nous tenons absolument à préserver cette mission d'encouragement et de développement de la lecture publique que remplissent des bibliothèques, qu'il s'agisse des bibliothèques centrales de prêt ou de la Bibliothèque nationale de France, que l'ensemble des parlementaires ont bien voulu doter de crédits significatifs pour en assurer la plus large ouverture au public.
La Bibliothèque nationale de France a aujourd'hui les moyens de mener des actions de coopération avec les bibliothèques régionales, en particulier. Nous sommes dans une phase de développement très fort des bibliothèques et de la lecture publique, y compris en zone rurale.
Dans le même temps, nous devons assurer la pérennité de la place du livre et nous attacher à favoriser la diffusion des auteurs français sur le marché international.
Dans cette perspective, il est indispensable de garantir à nos éditeurs et à nos libraires une viabilité économique. Or, aujourd'hui, la concurrence est rude et le développement de la lecture n'est pas tel que les Français décident de se constituer chez eux des bibliothèques très fournies. Bien sûr, cela ne signifie nullement que les bibliothèques publiques soient accusées d'empêcher le développement du livre. Les deux modes d'accès au livre, par les bibliothèques et par les libraires, doivent être soutenus parallèlement.
Ainsi, avec ma collègue Mme Lebranchu, je travaille sur les possibilités d'encourager l'installation de librairies dans les centres-villes, où cette installation est parfois extrêmement coûteuse.
Autrement dit, nous souhaitons étudier toute mesure susceptible de favoriser le contact entre le livre et le public, que ce soit en bibliothèque ou en librairie.
De ce point de vue, sont analysés aujourd'hui l'ensemble de la filière de distribution, les tarifs pratiqués dans les collectivités et l'impact que représenterait l'existence d'un droit de presse sur les finances des collectivités territoriales ou sur le budget familial. Au vu de l'ensemble de ces paramètres, nous pourrons travailler sur des données objectives, et pas simplement à partir de positions de principe.
La mission Borzeix permettra précisément d'avoir un point de vue le plus large possible, afin que, les uns et les autres, nous comprenions mieux la préoccupation de chacun. Nous verrons bien si, à l'issue de cette mission et au vu des recommandations et propositions qui seront faites, nous pouvons mettre en oeuvre une ou plusieurs mesures visant à aider le développement du livre et de la lecture, sans pour autant les rendre contradictoires. Tel est mon souci. Voilà pourquoi j'ai parlé de consensus. Il ne s'agit, pour nous, en aucun cas de revenir sur ce qui est un droit fondamental, à savoir l'accès à la lecture, et nous voulons le réaffirmer clairement.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, j'ai bien compris votre préoccupation et je voudrais attirer votre attention sur deux points.
Le premier concerne l'effort particulier fait par les collectivités locales dans le domaine de la lecture publique, effort que vous connaissez bien puisque vous l'avez effectué vous-même dans la ville que vous administriez encore récemment.
A cet égard, je connais, bien sûr, la situation qui prévaut dans le département de la Haute-Vienne et les efforts que nous faisons en ville, pour aider la bibliothèque multimédia de Limoges. Je connais aussi les efforts considérables accomplis par les conseils généraux pour le développement de la lecture publique en milieu rural. Il s'agit non seulement d'investissements d'acquisition, mais aussi d'aides aux communes, qui sont importantes, afin de créer, suivant un plan de lecture publique, un véritable réseau de bibliothèques avec des dépôts, des bibliothèques municipales et des bibliothèques intercommunales. Ce réseau est renforcé par une informatisation qui permet un fonctionnement efficace. Cela s'est traduit par un véritable engouement pour la lecture publique, en tout cas dans mon département.
Le second point que je souhaitais évoquer concerne le transfert de compétences du département en matière de lecture publique, réalisé en 1986. Celui-ci est intervenu sur la base de la gratuité du prêt. Si les conditions devaient changer, il est évident que certains conseils généraux - je ne pense pas au mien - ne manqueraient pas de saisir la commission d'évaluation des charges pour voir s'il n'y a pas là une certaine dérive et un possible transfert de charges.

SOUS-EFFECTIF DE FONCTIONNAIRES DE POLICE
DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD

M. le président. La parole et à M. Foy, auteur de la question n° 194, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alfred Foy. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur la situation des effectifs de police dans le département du Nord. Celui-ci a un ratio police-population moins élevé que la moyenne nationale. En effet, on compte un fonctionnaire de police pour 477 habitants du Nord résidant en zone étatisée, contre un pour 435 habitants sur le plan national.
Cette réalité est pour le moins paradoxale dans la mesure où le Nord est le premier département de France pour le nombre de délits et de crimes. Il concentre, à lui seul, 10 % des délits nationaux, dus en grande partie à la drogue. D'ailleurs, l'année 1997 aura été marquée par une augmentation de la délinquance générale de 1,6 % par rapport à 1996.
Certes, des efforts ont été accomplis entre janvier 1993 et janvier 1998. Ainsi, les effectifs ont augmenté durant cette période de 194 fonctionnaires et de 117 policiers auxiliaires, auxquels s'ajoutent des adjoints de sécurité recrutés depuis novembre 1997. Il est prévu l'affectation de 546 adjoints de sécurité pour 1998, un grand nombre d'entre eux étant plus spécifiquement chargé de la surveillance des transports en commun de l'agglomération lilloise.
Il n'en demeure pas moins que ces efforts restent insuffisants pour deux raisons. D'abord, la mission des adjoints de sécurité ne peut se comparer à celle des fonctionnaires de police, qui disposent d'une formation et de pouvoirs différents. Ensuite, l'augmentation des effectifs profite essentiellement aux circonscriptions de Lille-Roubaix-Tourcoing-Armentières, qui doivent faire face, il est vrai, à une forte délinquance. Cette hausse des effectifs en fonctionnaires de police doit être poursuivie, en faveur non seulement du district de Lille, mais aussi des autres districts du département, car on constate un glissement de la délinquance de l'agglomération lilloise vers les autres secteurs, notamment celui de Flandre-Lys. Certaines circonscriptions sont largement en état de sous-effectif. A titre d'exemple, la circonscription d'Hazebrouck dispose d'un policier pour 571 habitants, ce qui la situe nettement en dessous de la moyenne départementale. Il est donc important de pallier l'insuffisance du nombre de policiers.
Par ailleurs, la carte des circonscriptions policières ne correspond plus à celle des délits. Comme l'a signalé M. André Ventre, secrétaire général des commissaires et hauts fonctionnaires, il y a autant de policiers dans le Jura que dans les Alpes-Maritimes et pourtant, dans ce dernier département, le taux de criminalité est trois fois plus élevé que dans le Jura.
La solution consisterait, d'une part, à effectuer un redéploiement très important des forces de police en fonction d'une géographie prioritaire - solution d'ailleurs préconisée par le député-maire d'Epinay-sur-Seine, dans son rapport du mois de septembre 1997 - dans lequel le Nord doit figurer en première place. Elle consisterait, d'autre part, à affecter massivement dans ce département de jeunes gardiens de la paix sortis des écoles de police nationale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, j'ai écouté votre question avec attention. Je veille à faire en sorte que les effectifs des services de police soient en effet répartis au mieux des besoins. Cela n'est pas facile. En effet, les policiers sont des fonctionnaires qui ont un conjoint et des attaches locales. Naturellement, toute une politique doit être mise en oeuvre pour mettre à profit, notamment, les départs en retraite. Ceux-ci s'élèveront à 25 000 au cours des six prochaines années. J'ai obtenu des recrutements par anticipation. Tout cela permettra des redéploiements, qui sont nécessaires.
Dans le même temps, il sera utile de revoir la répartition des zones entre la police nationale et la gendarmerie. C'est l'objet, vous le savez, d'une mission parlementaire qui a été confiée conjointement à un sénateur, M. Hyest, et à un député, M. Carraz. Tout cela est en cours, mais nécessite bien sûr un peu de temps.
Vous m'avez d'abord interrogé sur le département du Nord, qui est sans doute votre principale préoccupation. Si j'ai bien compris votre exposé, vous êtes plus particulièrement préoccupé par la circonscription d'Hazebrouck. Je vais donc essayer de vous répondre sur ces deux points particuliers.
Le 1er janvier 1998, les effectifs de police de sécurité publique affectés dans le département du Nord étaient de 4 081 fonctionnaires. Ce chiffre est supérieur de 4,78 % à celui du 1er janvier 1993, soit 3 895 fonctionnaires. Pour la même période de référence, le potentiel en gradés et en gardiens de la paix a été augmenté de 115 fonctionnaires et le nombre de policiers auxiliaires est passé de 161 à 278.
Comme vous l'avez vous-même relevé, le département du Nord bénéficiera en 1998 de l'affectation de 531 adjoints de sécurité, ce qui représente, vous me l'accorderez, monsieur le sénateur, une augmentation sensible de potentiel par rapport au nombre des fonctionnaires actifs que je viens d'évoquer, à savoir 4 081.
Ce n'est pas pour rien que le Nord figure au nombre des vingt-six départements prioritaires, qui vont recevoir 80 % de la ressource nouvelle sous forme d'adjoints de sécurité.
L'apport de cette nouvelle catégorie de personnels, s'il ne remplace pas les actifs, permet un redéploiement des fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application sur la voie publique, et le renforcement de la police de proximité, dont le développement est la priorité du Gouvernement.
Les adjoints de sécurité participent également aux divers dispositifs mis en place dans les transports en commun et dans les gares, vous l'avez évoqué, dans cette grande agglomération de Lille-Roubaix-Tourcoing qui représente la moitié de la population du département du Nord.
Ils doivent aussi intervenir en complément de l'activité déployée par les agents locaux de médiation sociale, qui doivent être recrutés dans le cadre des contrats locaux de sécurité par les sociétés de transport en commun, par les bailleurs sociaux et par les municipalités. J'attends naturellement des collectivités locales qu'elles prennent aussi leurs responsabilités puisque le Gouvernement a annoncé que, sur 35 000 emplois-jeunes qu'il allait créer au titre de la sécurité, 20 000 le seraient sous forme d'agents de sécurité et 15 000 sous forme d'agents locaux de médiation sociale.
Dans le cadre des mesures de renforcement de la capacité opérationnelle du Nord et du redéploiement en faveur des zones sensibles, objectif affirmé du Gouvernement, des mesures immédiates vont intervenir ou sont intervenues voilà peu. Ainsi, trois gardiens de la paix stagiaires, issus de la 146e promotion, ont été affectés à compter du 5 janvier 1998 à Lille, deux à Tourcoing, trois à Valenciennes ; trente et un gardiens de la paix ont été affectés sur le plan départemental dans le cadre du mouvement ponctuel de mutation de gardiens de la paix avec prise de poste le 2 février 1998. Je ne citerai pas toutes les affectations qui sont prises mois après mois et qui visent à renforcer les effectifs dans le département du Nord.
Pour ce qui concerne la circonscription de sécurité publique de Hazebrouck, elle a enregistré un gain de trois fonctionnaires entre le 1er janvier 1993 et le 1er janvier 1998, les effectifs étant passés de trente-six à trente-neuf. Cette circonscription va, elle aussi, obtenir des postes d'adjoints de sécurité.
Par ailleurs, des unités départementales et des brigades spécialisées ont été développées, qui interviennent sur l'ensemble des communes du département, y compris la vôtre. De plus, les effectifs en fonction dans chaque circonscription bénéficient du soutien de forces mobiles. A ce titre, en 1997, les compagnies républicaines de sécurité ont accompli 295 jours de mission de sécurisation, et, depuis le 1er janvier 1998, une compagnie républicaine de sécurité, soit 80 fonctionnaires, est en permanence en mission de sécurisation dans le département du Nord.
Bien évidemment, je m'en suis tenu jusqu'à présent aux moyens, mais tout n'est pas seulement une question de moyens, monsieur le sénateur. Il faut aussi agir au niveau des contrats locaux de sécurité. Je pense, par exemple, à celui que je suis allé signer à Tourcoing. D'autres sont en cours d'élaboration à Roubaix, à Lille, à Armentières et, je l'espère, à Hazebrouck. Si je puis vous donner un conseil, je vous suggère de faire un bon diagnostic des problèmes de l'insécurité dans la circonscription d'Hazebrouck afin de définir clairement les priorités. Ainsi pourront être mis en oeuvre les moyens adaptés tels que le partenariat, l'explication, l'action coordonnée entre la police, le cas échéant la gendarmerie, et la justice.
Bref, compte tenu de la situation qui prévaut dans le Nord, mon attention est en permanence requise. Ce département, par sa taille et sa population - il compte 2 500 000 habitants - mérite une attention toute particulière. Elle n'a pas fait défaut, croyez-le, dans les choix qui sont intervenus jusqu'à présent et qui interviendront encore. Je pense, en effet, que nous allons créer l'année prochaine plus de 10 000 emplois d'adjoints de sécurité. Cela se traduira aussi dans le Nord et dans la circonscription de police qui vous intéresse tout particulièrement, et c'est fort légitime.
M. Alfred Foy. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy. Je voudrais tout simplement vous remercier, monsieur le ministre, de vos propos. J'ai bien noté que le département du Nord, plus particulièrement la circonscription d'Hazebrouck, était l'objet d'une certaine sollicitude de votre part.

8

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Le Gouvernement vient de m'informer qu'il demandait, en accord avec la commission des lois, que la séance d'aujourd'hui se prolonge le soir.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
L'ordre du jour de la suite de notre séance est donc le suivant :
A seize heures et le soir : discussion du projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière.

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NOMINATION
D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par M. Henri Le Breton, démissionnaire.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Lylian Payet membre de la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par M. Henri Le Breton, démissionnaire.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. René Monory).

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.
Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir, même si c'est avec un peu de retard, ce dont vous êtes bien évidemment pardonné.

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DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-Paul de Rocca Serra, qui fut sénateur de la Corse de 1955 à 1962.

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DIVERSES MESURES RELATIVES
À LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 302, 1997-1998) portant diverses mesures relatives à la sécurité routière. [Rapport n° 358 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser mon léger retard dû à la séance de questions au Gouvernement se déroulant à l'Assemblée nationale. Cette séance s'étant achevée à seize heures, il m'a fallu aller assez vite pour être au Sénat à cette heure, tout en prenant garde de ne pas commettre d'excès de vitesse. (Sourires.)
Chaque année, 8 000 personnes sont tuées sur les routes de France et notre pays se situe loin derrière les autres pays européens qui réussissent le mieux en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Le risque d'être tué sur les routes, en France, est deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves. Chaque jour, 22 personnes sont tuées et près de 460 sont blessées, dont près d'une centaine gravement, lors des accidents de la route.
Il ne s'agit pas là, à mon avis, d'une fatalité, et c'est peut-être la question essentielle qui nous est posée.
C'est vrai que, depuis vingt-cinq ans, des progrès importants ont été accomplis dans notre pays, puisque le nombre de victimes a été divisé par deux alors que la circulation a pratiquement doublé.
Mais il ne faut pas se satisfaire de cette évolution. Depuis quelques années, la progression de la réduction s'est ralentie et nous constatons même aujourd'hui une stagnation, voire, dans certains départements de France, une inversion de tendance.
Les derniers chiffres portés à ma connaissance sont particulièrement préoccupants : en janvier 1998, il y a eu encore 9 532 accidents sérieux, graves, à la suite desquels 647 personnes ont été tuées et 12 625 personnes ont été blessées.
Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur de ce fléau national dès son entrée en fonctions, et la décision de réunir un comité interministériel de la sécurité routière a été adoptée en conseil des ministres, sur ma proposition, le 25 juin 1997.
Lors du comité interministériel de la sécurité routière qui s'est réuni le 26 novembre 1997, le Gouvernement s'est fixé comme objectif de diviser par deux le nombre de personnes tuées au terme des cinq prochaines années.
Il s'agit, je le sais, d'un objectif très ambitieux ; mais c'est sur ce dernier que travaillent également les ministres des transports de l'Union européenne. Certains pays, comme le Royaume-Uni, se fixent même des objectifs encore plus bas.
Au-delà de l'objectif national, et y compris pour atteindre ce dernier, il nous faut créer les conditions pour que des entreprises, des communes, des départements, des agglomérations se fixent des objectifs de zéro mort autour de telle école, de tel village, de tel quartier, sur telle section de route ou d'autoroute. Je suis convaincu que nous devons nous engager dans cette voie pour que cette utopie prenne progressivement corps.
Si la demande sociale de sécurité s'est considérablement renforcée ces dernières années dans tous les domaines, notamment dans celui de la sécurité routière, elle a également qualitativement évolué. Les associations de victimes et de familles de victimes, qui se trouvaient à la pointe d'un combat digne et juste, sont aujourd'hui relayées par l'ensemble de l'opinion publique qui n'admet pas la fatalité des accidents dans les entreprises, dans les quartiers, dans les villes et les villages. Chacun connaît, dans sa famille ou dans son entourage, les souffrances terribles que causent ces accidents.
La mobilisation de l'opinion publique est d'ailleurs d'autant plus forte que la plupart des accidents se produisent tout près du domicile des victimes, en agglomération, sur des trajets familiers parce que souvent empruntés.
Les différentes catégories d'usagers expriment des exigences claires en matière de sécurité routière.
Tout d'abord, les chauffeurs routiers souhaitent un respect plus rigoureux des conditions de travail et de circulation, qui sont essentielles pour leur sécurité et celle des autres usagers. La loi sur l'amélioration des conditions d'exercice de la profession des transporteurs routiers du 6 février 1998, adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale, permettra des améliorations notables. Je vous proposerai d'y apporter par amendement gouvernemental deux précisions de manière à recouvrir sans ambiguïté le transport des personnes comme le transport des marchandises et à prévoir des sanctions de même nature tant pour l'absence de limiteurs de vitesse et de chronotachygraphes que pour leur falsification.
Par ailleurs, les automobilistes prennent désormais plus conscience du fait que la pratique exige une éducation, un apprentissage sérieux, une formation permanente, un certain comportement, dirai-je même. Nombre d'entreprises et d'administrations commencent d'ailleurs, en s'appuyant sur l'esprit de responsabilité de leurs salariés, à mettre en place des plans de prévention spécifiques, 55 % des 1 300 tués par accidents du travail enregistrés chaque année étant, en fait, des victimes d'accidents de la route.
En outre, les utilisateurs de deux-roues, motorisés ou non, soucieux de la qualité de la vie dans nos villes et de la sécurité des déplacements, sont aujourd'hui des partenaires à part entière des pouvoirs publics, à l'échelon national et local, pour tendre à une conduite apaisée - voilà un maître mot de la démarche - et à une harmonieuse coexistence des différentes catégories d'usagers.
Enfin, les piétons aspirent à une approche renouvelée des politiques de circulation en ville, prenant en compte un meilleur équilibre entre les différents modes de déplacement. Ces attentes appellent une politique novatrice et dynamique. Une meilleure mobilisation des compétences et des moyens existants est indispensable pour redresser la situation qui est la nôtre et nécessaire si nous voulons atteindre l'objectif qui consiste à réduire de moitié, en cinq ans, le nombre de tués sur la route.
Il s'agit tout d'abord - mais cette démarche mérite un véritable débat - de prendre appui sur les jeunes et leur capacité à promouvoir de nouveaux comportements.
Piétons, conducteurs de deux-roues ou de quatre-roues, automobilistes ou passagers, les jeunes sont les premières victimes de l'insécurité routière. Plus de 28 % des tués ont moins de vingt-cinq ans. Chaque jour, plus de six enfants et jeunes de moins de vingt-cinq ans meurent sur la route.
Les actions de prévention, de sensibilisation et de formation constituent l'axe majeur de la politique du Gouvernement : de victimes, les jeunes peuvent devenir prescripteurs.
Il s'agit, ensuite, de se donner les moyens de répondre à la forte demande sociale de sécurité.
Le Gouvernement entend, à cet égard, mobiliser l'ensemble des acteurs sociaux, les services de l'Etat, bien entendu, mais aussi les entreprises, les associations, les collectivités territoriales, les sociétés et les mutuelles d'assurance. Une mobilisation consciente et active de tous ces partenaires nationaux et locaux autour d'objectifs clairs et partagés est indispensable pour permettre de réels progrès qualitatifs et quantitatifs.
Il s'agit, enfin, de garantir la liberté de circuler en sécurité.
La conduite est, certes, un acte privé, mais c'est aussi - et j'ai envie de dire avant tout - un acte social qui doit prendre en compte les valeurs civiques de base que sont le respect de l'autre et la liberté d'aller et de venir en sécurité. Cela implique des règles simples, claires et intangibles.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, contient six mesures nécessaires à la politique de lutte contre l'insécurité routière.
La première vise à instaurer l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices, c'est-à-dire pour ceux qui sont titulaires du permis de conduire depuis moins de deux ans, qui ont commis une infraction grave.
On estime que, chaque année, 15 000 à 20 000 conducteurs novices commettent une infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points sur le permis de conduire.
Il faut prévenir le sur-risque que supportent ces conducteurs novices : ceux-ci ont, en effet, une probabilité d'être tués dans un accident de la route trois fois plus élevée que la moyenne des conducteurs. Il est donc indispensable de les aider et de les responsabiliser avant et après le permis de conduire, grâce à trois dispositions spécifiques.
Il est vrai que deux de ces dispositions ne sont pas d'ordre législatif.
Il s'agit, tout d'abord, d'inciter les conducteurs novices à suivre un rendez-vous d'évaluation avec un enseignant agréé dans le douzième mois qui suit l'obtention du permis de conduire. Ce stage ne doit pas induire de dépenses supplémentaires pour les jeunes, j'ai pris en ce sens des contacts, notamment avec les assureurs, pour le financement de cette formation.
Je pense aussi à la possibilité de passer l'épreuve théorique - le code - de l'examen du permis de conduire dès l'âge de seize ans. Le contenu de cette épreuve sera révisé et le chantier plus global de la réforme de l'apprentissage de la conduite et de l'examen du permis de conduire est ouvert.
Ces dispositions constituent un ensemble cohérent, proche dans sa forme de ce que nombre de pays ont mis en place sous l'appellation de « permis probatoire ».
La proposition du Gouvernement s'en distingue par une approche plus pédagogique et plus éducative. Ainsi, l'action en faveur des conducteurs novices s'inscrit bien dans la priorité du Gouvernement, qui est d'éduquer et de former, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie du conducteur. Bien avant le permis, c'est-à-dire dès la maternelle, des actions de formation seront engagées sous l'impulsion de Ségolène Royal, de Claude Allègre et de Marie-George Buffet, en milieu scolaire comme en milieu extrascolaire.
En outre, pour tous les conducteurs volontaires, un rendez-vous de perfectionnement dix ans après l'obtention du permis de conduire, qui s'apparentera à une formation continue, sera expérimenté dans certains départements, avec des opérateurs volontaires eux aussi.
La deuxième partie du projet de loi, la plus substantielle, vise à assainir le fonctionnement des établissements d'enseignement de la conduite et à améliorer la qualité de leurs prestations.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France compte environ 15 000 établissements d'enseignement de la conduite, qui dispensent une formation au permis de conduire à près d'un million de candidats chaque année à titre onéreux, dans le cadre de prestations de services de nature commerciale.
Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multiplication des créations d'établissements à l'existence souvent éphémère. Il en résulte une concurrence très vive, marquée par une guerre tarifaire et par l'apparition d'offres anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur conducteur. En outre, de nombreuses affaires d'escroquerie ont entamé la crédibilité et le capital de confiance qui sont indispensables à toute activité d'enseignement.
A la demande insistante non seulement des représentants de la profession, mais aussi des associations de consommateurs, qui souhaitent ensemble des mesures de moralisation et d'assainissement, le Gouvernement propose de consacrer dans la loi plusieurs règles existantes.
Premièrement, les enseignants devront être titulaires du BEPECASER, le brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière, ou d'un diplôme dont l'équivalence est reconnue.
Deuxièmement, l'enseignement dispensé devra être conforme au programme national de formation.
Troisièmement, l'enseignement ne pourra être dispensé que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par le préfet, après avis de la commission départementale de sécurité routière.
Nous vous proposons ensuite d'y ajouter trois éléments qui me semblent particulièrement importants : un contrat écrit devra être élaboré entre le candidat et l'établissement, portant sur les conditions et les modalités de l'enseignement et de la préparation au permis de conduire ; un contrat d'application du programme d'information sera mis en place ; enfin, les sanctions en cas de non-respect de ces dispositions fixées par la loi seront sensiblement renforcées.
Il ne s'agit pas, vous le comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, d'instaurer un quelconque numerus clausus, mais de fiabiliser l'ensemble du système de formation. Nous avons en effet besoin d'un système de formation fiable et reconnu.
Cet article du projet de loi a fait l'objet d'une concertation approfondie avec l'ensemble de la profession, dont je comprends et partage les attentes. Par ailleurs, la réflexion et la concertation nécessaires pour une labellisation correcte des formations sont d'ores et déjà engagées par la délégation interministérielle. Enfin, au-delà de ce projet de loi, le Gouvernement examine les dispositions utiles à l'ensemble des structures et associations qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité routière. Celles-ci réalisent des formations très variées, qui englobent parfois l'apprentissage de la conduite. Je sais que ces associations sont indispensables et qu'elles font du très bon travail, notamment dans les quartiers défavorisés.
Avant d'envisager de légiférer dans ce domaine si cela s'avérait nécessaire, il faut prendre le temps, au préalable, de mener une concertation approfondie.
Les associations mobilisent énormément de bonnes volontés. Elles peuvent être amenées à se développer en créant de nouveaux emplois pour répondre à de nouveaux besoins.
La troisième partie de ce texte vise à créer une responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules. Je sais que ce point a fait l'objet de discussions. Qu'en est-il exactement ?
Le respect de la réglementation est une condition essentielle de l'efficacité en matière de sécurité routière. Or notre système de contrôle et de sanction souffre de nombreux dysfonctionnements aujourd'hui bien identifiés qui en altèrent la crédibilité.
Il me faut ici citer la très faible efficacité des contrôles automatiques sans interception. Cette faiblesse tient essentiellement à l'obstacle juridique que représente l'absence de responsabilité du titulaire de la carte grise. Les actions de contrôle sont ainsi notoirement affaiblies.
Enfin, ce qui est grave, de nombreux contrevenants échappent aux sanctions, l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas toujours respectée.
La responsabilité du propriétaire du véhicule, déjà adoptée dans plusieurs autres pays voisins européens sous diverses formes - souvent très strictes, d'ailleurs - est indispensable pour rétablir en la matière un Etat de droit.
Il vous est donc proposé d'étendre celle qui existe déjà depuis 1972 pour le stationnement à trois autres infractions : l'excès de vitesse, le franchissement de feux rouges et le franchissement de panneaux « stop ». Cette extension constitue la réponse technique pour crédibiliser les contrôles. Elle aura un impact positif sur les résultats de sécurité routière à très court terme.
La démonstration de l'efficacité d'un tel dispositif dans les pays qui l'ont adopté est de nature à lever les quelques réserves que certains ont pu légitimement exprimer sur cette mesure ; mais nous reviendrons certainement sur les précisions à apporter, lors de la discussion des articles, afin d'éviter toute dérive.
La quatrième partie du projet de loi tend à instaurer un délit, en cas de récidive dans l'année, pour un excès de vitesse de cinquante kilomètres-heure ou plus au-delà de la vitesse maximale autorisée.
On constate aujourd'hui que les vitesses pratiquées sur les différentes catégories du réseau routier sont élevées, voire souvent bien supérieures aux limites réglementaires. Or la vitesse excessive ou inappropriée est à la fois à l'origine de nombreux accidents et facteur de gravité. Elle est en cause dans près d'un accident mortel sur deux. Il est donc essentiel de réduire cette dérive inacceptable des comportements, en ville comme sur les liaisons interurbaines.
A la suite des travaux réalisés sous l'impulsion de M. Robert Namias, le précédent gouvernement avait envisagé de créer un délit de grande vitesse, mais ce n'est pas ce dispositif que nous avons retenu.
Nous pensons, pour notre part, qu'il est préférable d'amener les conducteurs à réfléchir à leurs actes. Ainsi, les grands excès de vitesse seront passibles d'une contravention qui a été alourdie et la mesure législative qui vous est proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste simplement à considérer la récidive de grand excès de vitesse dans l'année comme un délit.
Ce dispositif a un caractère hautement pédagogique. Il reprend la logique des propositions de M. Namias et répond, sans démagogie, à une attente forte des associations de victimes de la route. Il devrait se révéler efficace pour inciter à l'abaissement de l'ensemble des vitesses pratiquées et au respect des vitesses maximales autorisées : trente, cinquante ou soixante-dix kilomètres-heure en ville ; quatre-vingt-dix, cent dix ou cent trente kilomètres-heure sur route et sur autoroute.
J'ai beaucoup discuté, beaucoup consulté, y compris des spécialistes de la vitesse, des sportifs et des professionnels de la prise de risque maîtrisée. Le respect des vitesses maximales autorisées appelle, à l'évidence, un effort sans précédent de la part des différents maîtres d'ouvrage de la voirie - communes, départements et Etat - pour remettre en ordre, quand cela n'a pas encore été fait, la signalisation.
A ce propos, je veux redire, parce que la question est revenue souvent dans le débat, que pour le Gouvernement et pour moi, il s'agit non pas de piéger les automobilistes, de les piéger pour les piéger, mais de favoriser une conduite apaisée tenant réellement compte de l'environnement social.
La cinquième partie du projet de loi vise à instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel.
La conduite automobile est une activité qui exige, naturellement, une vigilance de tous les instants.
La relation entre le médicament, la drogue et la sécurité routière a fait l'objet d'un rapport établi, sous la présidence du professeur Lagier, par des personnalités éminentes du milieu médical. Ce rapport avait d'ailleurs été demandé par le précédent gouvernement en 1994. Ma proposition s'appuie sur les conclusions de ces travaux, publiés en 1995.
La mesure proposée est pragmatique. En l'absence de données statistiques permettant d'apprécier sérieusement le phénomène, elle permettra de recueillir dans les deux ou trois ans à venir des indications épidémiologiques précises en la matière, ce qui me semble devoir être un préalable absolu pour fonder une législation spécifique sur la drogue et la conduite automobile.
La dernière conférence européenne des ministres des transports, qui s'est tenue le 3 mars dernier, a permis de faire le point sur la situation dans les autres pays européens. Le centre d'études et de recherches en médecine du trafic a montré que le lien d'implication entre prise de drogue et accident mortel est réel et qu'il est même significatif par rapport à d'autres facteurs d'accident.
L'obligation de dépistage de la drogue lors des accidents mortels répond donc à un souci de sérieux, d'une part, pour connaître et analyser le phénomène, d'autre part, pour étudier, valider et mettre en place rationnellement, avec le secrétariat d'Etat à la santé et l'Agence du médicament, le dispositif technique de prélèvement et d'analyse qui, aujourd'hui, n'existe pas.
A ce stade et en l'état actuel de notre législation en matière pénale, il n'y a pas lieu de fixer dans le code de la route - je dis bien « dans le code de la route » - une sanction spécifique en cas de dépistage positif.
S'agissant d'homicides, une instruction est obligatoirement ouverte puisque nous sommes dans le cas d'accidents mortels, et le juge pourra, bien sûr, tenir compte des résultats des analyses dans la sanction qu'il prononcera. Il dispose pour cela de l'arsenal juridique nécessaire dans le code pénal et dans le code de la santé publique.
La répression est loin d'être la panacée, en la matière. La prévention, l'éducation et la formation sont primordiales. C'est pourquoi un pictogramme spécifique sera imprimé sur toutes les boîtes de médicaments contenant des substances susceptibles d'entraîner des effets négatifs pour la conduite automobile. Des actions de communication et de sensibilisation du public, d'information et de formation des médecins et des pharmaciens, dont la responsabilité peut être mise en cause, seront engagées dès cette année.
La sixième partie du projet de loi tend à autoriser la suspension judiciaire du permis de conduire en cas de condamnation pour modification du dispositif de limitation de vitesse par construction. Une telle disposition s'applique déjà en cas d'alcoolémie, d'entrave ou de gêne à la circulation, de fausse immatriculation, de conduite sans permis. Elle complète la sanction de manipulation de l'appareil, instaurée par la loi du 1er février 1995 portant diverses dispositions en matière de transports routiers.
Afin d'éviter de laisser une faille dans le dispositif juridique actuel, je proposerai, par amendement, de faire en sorte que l'absence de limiteur de vitesse soit sanctionnée comme sa falsification.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a souhaité vous présenter un projet de loi exclusivement consacré à la sécurité routière. Ce projet, largement fondé sur le rapport qui m'a été remis dès mon arrivé par M. Verré, président de la table ronde voulue par mon prédécesseur, constitue la partie législative de la politique ambitieuse et globale que nous avons engagée.
J'ai eu l'occasion, au cours de ces derniers mois, de beaucoup consulter des élus nationaux et locaux, des représentants des organisations professionnelles, associatives et syndicales, des personnalités du monde du sport et de la presse. Je tiens à témoigner de la qualité et du caractère constructif de ces échanges. De nombreuses propositions m'ont été faites. Elles ne sont, bien sûr, pas toutes - heureusement, dirai-je ! - d'ordre législatif. Nombre d'entre elles peuvent être mises en oeuvre et contribuer à des progrès concrets.
Si, en matière de sécurité routière, l'essentiel tient à des actions locales, les mesures du présent projet de loi sont cependant nécessaires. Elles ne sont, bien sûr, pas suffisantes - j'y insiste - pour tendre vers l'objectif quantifié que nous avons fixé. Il importera d'assurer la publication rapide des textes réglementaires. J'y veillerai, car l'enjeu, c'est une meilleure prise en compte, sur le terrain, dans les entreprises, dans les écoles, collèges et lycées, dans les communes et les départements, de toutes les questions d'éducation, de prévention et de formation.
Réaliser des progrès en matière de sécurité routière, c'est - ne l'oublions pas - réaliser des progrès dans les rapports humains, les rapports sociaux. Une conduite apaisée, adaptée à l'environnement, c'est une meilleure qualité de vie dans les quartiers, les villes et les villages.
Le Gouvernement a décidé de se donner les moyens d'assurer la mise en oeuvre de cette politique et d'en suivre les résultats au plus près du terrain, de manière à permettre aux autorités locales de prendre les dispositions adaptées pour progresser.
Sur le plan national - c'est aussi, dans une certaine mesure, un événement - le comité interministériel de la sécurité routière se réunira désormais chaque année sous la présidence du Premier ministre. Ce sera l'occasion de dresser un constat public de l'évolution de la sécurité routière, d'apprécier les avancées vers une meilleure harmonisation de la réglementation européenne, d'analyser les différences de résultats sur le plan territorial et de décider, le cas échéant, les mesures législatives ou réglementaires qui pourront s'avérer indispensables.
Le Gouvernement reste, bien évidemment, ouvert aux propositions des parlementaires, aux vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, comme à celles des députés, car, dans le domaine de la sécurité routière, les progrès que nous devons réaliser sont immenses. La sagesse de votre assemblée permettra, j'en suis convaincu, de forger dans la plus grande sérénité un texte qui confortera l'action de toutes celles et de tous ceux qui oeuvrent quotidiennement, sur le terrain, avec les moyens qui sont les leurs, pour faire reculer l'insécurité routière dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous avons applaudi le ministre, vous n'applaudissez pas le rapporteur !
Mme Joëlle Dusseau. Nous attendons qu'il ait fini de parler !
Un sénateur socialiste. On l'applaudira s'il le mérite !
M. Robert Pagès. Voilà !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. On ne va pas l'applaudir avant !
M. Charles Pasqua. Question de confiance ! (Sourires.)
M. Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 7 989 personnes tuées, en 1997, pour cause d'insécurité routière ! Je dis bien 7 989, car la dernière vaut autant que les 7 988 qui la précèdent.
Dans ce chiffre sont compris 2 061 jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, soit le quart du nombre des victimes, alors que ces jeunes ne représentent que 14 % de notre population, dont ils sont cependant l'espoir et l'avenir.
Tels sont les chiffres, dont la sécheresse, dépourvue d'états d'âme, nous révèle crûment la vérité. Ils suscitent notre réflexion, motivent notre conscience autant que notre responsabilité, et ce plus encore si l'on prend en compte les 125 406 accidents corporels recensés en 1996, parmi lesquels on dénombre en moyenne cent blessés graves ou très graves par jour. En effet, la dureté des chiffres n'évalue pas les dramatiques conséquences que cache le fléau. Elles hypothèquent une part de la vie sociale de la nation. Elles influent profondément sur l'existence morale et matérielle des familles des victimes, profondément destabilisées. Elles pèsent ainsi sur la société française tout entière.
Nous ne pouvons continuer d'admettre que le risque routier demeure en France deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni, en Suède ou aux Pays-Bas et que notre pays soit parmi les derniers de l'Union européenne à cet égard, et ce quelles qu'en soient les raisons.
Quelque chose ne va donc pas ! Pourtant, depuis des années, le pouvoir législatif autant que le pouvoir exécutif, par des mesures qui sont certes de plus en plus contraignantes, se sont inquiétés de l'insécurité routière.
Bien des faits en sont la cause : l'intensification du trafic routier, la multiplication des conducteurs, la puissance et la disparité des véhicules, la diversité croissante des moyens de transport routier, la configuration des infractructures, la pluralité des réseaux, etc. Tout cela a, au fil des années, influé sur la sécurité routière, en la rendant plus complexe et plus menacée, et donc d'autant plus difficile à maintenir et à parfaire.
Tous ces faits ont considérablement modifié l'aptitude à conduire un véhicule quel qu'il soit. La conduite est aujourd'hui devenue affaire de vie en société ; elle concerne le comportement mental de l'individu autant que ses réflexes physiques ou techniques. On ne conduit plus seulement son véhicule, on le dirige au milieu des autres. C'est bien pourquoi la compréhension de la sécurité routière doit commencer dès l'école.
Une loi de juillet 1957 le prévoit ; elle a cependant besoin d'être repensée et adaptée à son temps.
L'adaptation indispensable des dispositions existantes a fait l'objet de réflexions récentes, approfondies, émanant tant du législatif, de l'exécutif que de spécialistes du sujet. Ces réflexions ont le mérite d'exister, même si elles ne recouvrent pas tous les aspects de cet immense sujet.
Elles se concentrent, en effet, sur trois points principaux : la formation des usagers et des conducteurs ; le dépistage de la drogue et des stupéfiants ; la répression des excès de vitesse, décelés comme facteur premier des accidents.
La formation des usagers et des conducteurs, d'abord, a fait l'objet d'un excellent rapport, demandé, en 1996, par le ministre des transports de l'époque, M. Bernard Pons. Ce rapport privilégie trois actions : la mise en place d'une chaîne éducative continue pendant la scolarité ; la mise en ordre d'un véritable apprentissage de la conduite comprenant, entre autres, rendez-vous d'évaluation, recyclage des novices en cas d'infraction et seuil d'alcoolémie zéro pour les novices de la conduite pendant deux ou trois ans ; l'amélioration de la formation des adultes par une remise en ordre urgente.
Le dépistage des drogues et stupéfiants a fait l'objet de nombreuses initiatives ministérielles ou parlementaires, donnant lieu à un livre blanc remis au Premier ministre en 1995, et le projet de loi qui nous est soumis en tient compte, y compris la proposition de loi de notre excellent collègue Edouard Le Jeune, jointe au présent rapport.
Enfin, la répression accentuée des excès de vitesse est une idée cent fois reprise, mais à l'évidence très impopulaire, et toujours actuellement en perce.
Tirant parti de ces réflexions et de ces études, tenant compte de la situation actuelle, le Gouvernement a fixé un objectif certes ambitieux, trop ambitieux disent certains - mais sans doute faut-il l'être trop pour l'être suffisamment - à savoir réduire de moitié dans un délai de cinq ans le nombre de tués par l'insécurité routière. Qui ne pourrait souhaiter le succès d'une telle ambition ?
Le projet de loi qui nous est soumis constitue donc un complément utile, voire indispensable au droit existant. Il en est même une adaptation pour mieux circonscrire les problèmes nombreux de la sécurité routière.
Les très larges auditions auxquelles nous avons procédé prouvent que ce projet fait l'objet d'un consensus concernant ses principales dispositions. Certains, cependant, et particulièrement au sein des médias de la presse automobile, ont soulevé de sérieuses objections concernant la répression accentuée des excès de vitesse. Cela a fait l'objet d'une attention soutenue de la commission des lois.
Disons nettement que le présent projet de loi cherche à redresser une situation fâcheuse, sans prétendre apporter de solutions définitives. Son objet, encore limité, ce que nous regrettons, reste d'améliorer le droit actuel.
Quel est-il ? Il comprend à la fois des éléments de répression et des éléments de prévention.
Le dispositif répressif s'est, à l'évidence, peu à peu alourdi au sein du code de la route, d'abord par le nombre des infractions retenues, dont certaines constituent des délits passibles d'emprisonnement - tel le taux d'alcool dans le sang supérieur à 0,8 grammes, ou le délit de fuite, mais également par le nombre des infractions passibles des amendes prévues pour les contraventions de quatrième et cinquième classe - limitation de vitesse, respect des signalisations, etc.
Mais, au-delà des infractions proprement dites, le dispositif répressif fait référence au code pénal pour homicides ou blessures, mais aussi aux comportements mettant en danger la vie d'autrui. S'ajoutent enfin de graves peines complémentaires, telle l'annulation du permis de conduire, qui est de plein droit en cas de récidive d'état alcoolique.
Cet arsenal répressif a été complété en 1992 par la création du permis à points avec une modulation des retraits de points proportionnelle à la gravité de l'infraction : 4 points pour un excès de vitesse supérieur à 40 kilomètres à l'heure, 3 points pour 30 kilomètres à l'heure et, 2 pour 20 kilomètres à l'heure.
La politique préventive apparaît donc, dans le droit actuel, comme un complément indispensable. Elle porte essentiellement sur la formation des conducteurs et sur leur préparation à l'examen du permis de conduire. Elle propose deux types de formation, l'une antérieure, l'autre ultérieure à l'obtention du permis à l'âge de dix-huit ans. L'apprentissage anticipé de la conduite dès l'âge de seize ans n'intéresse, hélas ! que moins de 15 % des futurs candidats, essentiellement parce qu'elle est facultative et onéreuse.
Il en est de même de la formation postérieure au permis. Elle est proposée en cas de retrait des points, suite à une infraction, avec restitution partielle des points si le conducteur se soumet à une éducation spécifique, mais elle est aussi facultative et onéreuse.
La politique préventive est donc loin d'être négligeable. Elle se heurte cependant aux frais qu'elle entraîne, et nous touchons là à l'un des sujets déterminants de la sécurité routière, à savoir l'organisation actuellement mal adaptée de la profession d'enseignant de conduite par la disparité des établissements d'enseignement, qui entraîne la disparité des coûts et du sérieux des formations, et quelquefois, il faut le dire, « l'arnaque » des candidats.
Certes, les efforts législatifs ou réglementaires consentis depuis vingt ans ont porté leurs fruits. En parant au plus pressé, ils ont probablement évité le pire. Le nombre des accidents mortels ou corporels, vous l'avez dit, monsieur le ministre, a substantiellement diminué.
Il n'en reste pas moins considérable - je le disais au début de mon intervention - et il appert des statistiques les plus récentes que la diminution de l'ampleur du fléau, qui a atteint 3,9 % entre 1995 et 1996, s'est limitée à 1,1 % entre 1996 et 1997 s'agissant du nombre d'accidents mortels. Nous constatons donc quasiment une reprise du nombre des accidents et un nouveau redressement de la courbe.
Comment considérer, dès lors, que les dispositifs préventifs ou répressifs donnent pour l'heure entière satisfaction ? Les premiers manquent de cohésion, les seconds sont bloqués car on ne peut, dans plus d'un tiers des cas, identifier le conducteur fautif.
Il était donc urgent d'agir, ce à quoi vise ce projet de loi, qui reprend d'ailleurs nombre des mesures prévues par des propositions de loi antérieures. La teneur du texte ne permettra pas de dominer l'ampleur du problème. Il s'agit d'un élément complémentaire en droit existant, complément nécessaire et non définitif pour tenter de réduire de moitié en cinq ans le nombre des tués sur les routes. Il tend à renforcer les mesures de prévention, et, même s'il aggrave sensiblement la répression des récidives, il met l'accent autant sur la notion que sur le sens de la responsabilité personnelle.
Le projet de loi comprend cinq dispositions essentielles.
La première, contenue dans la section 1, article 1er, du texte, rend obligatoire un stage de formation spécifique pour les conducteurs novices ayant obtenu le permis depuis moins de deux ans et ayant commis une infraction passible d'un retrait de quatre points - alcoolémie, non-respect des signaux, etc.
Ce stage obligatoire, d'une durée minimale de seize heures, se veut avant tout pédagogique, afin de prévenir les récidives. La commission des lois proposera un amendement tendant à rendre passibles de ce stage les auteurs d'une ou plusieurs infractions totalisant un retrait de quatre points.
La section 2 du projet de loi a pour objet de renforcer les garanties exigées pour l'exercice de la profession d'enseignant de conduite et pour l'exploitation des établissements d'enseignement.
Précisons bien qu'elle ne concerne que la formation à titre onéreux, c'est-à-dire environ 14 000 établissements dispensant une formation à un million de candidats chaque année, ce qui est considérable.
De quoi s'agit-il, en l'occurrence ?
Il s'agit d'éviter, tout d'abord, la multiplication d'établissements à l'existence éphémère, fauteurs d'une guerre des tarifs, d'une formation au rabais et parfois même sources d'arnaques par d'intempestives cessations d'activité à caractère d'escroquerie.
Il s'agit, ensuite, d'imposer un contrat écrit entre les établissements et leurs clients, de renforcer les garanties indispensables pour l'accès de la profession et pour son exercice et, surtout, de permettre un contrôle efficace.
Bref, il s'agit de moraliser autant que d'assainir une profession qui en a besoin, en établissant, par la loi, les conditions de l'exercice professionnel.
Notons bien que l'article 2 de cette section 2 ne s'applique qu'aux établissements exerçant « à titre onéreux », et non pas aux associations dont l'objet n'est pas de tirer profit de cet enseignement.
Cela doit être clairement précisé, et je vous demande instamment, monsieur le ministre, d'avoir l'obligeance de nous le dire formellement. C'est un souhait unanime des membres de la commission des lois.
Sur l'article 2, la commission proposera un amendement renvoyant au décret en Conseil d'Etat la liste des condamnations interdisant l'accès à la profession ainsi qu'un autre amendement visant à imposer une condition d'aptitude professionnelle pour diriger une auto-école.
La section 3 du projet de loi élargit la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, déjà prévue en cas d'infraction au stationnement, d'infraction sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des véhicules.
Cette disposition est due au fait qu'actuellement plus du tiers des infractions ne peuvent être poursuivies, je l'ai dit, faute d'identification du conducteur. La portée des sanctions s'en trouve réduite et, surtout, l'égalité du citoyen devant la loi est mise en cause. D'aucuns en profitent indûment et, parfois, dangereusement.
Mais cette disposition, selon certains, déroge au principe du droit pénal selon lequel « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». C'est pourquoi la commission proposera un amendement marquant clairement que le propriétaire du véhicule ne saurait être pénalement responsable si l'infraction n'est pas de son fait.
La section 4, par les articles 5 et 6, crée un délit en cas de récidive, en moins d'un an, de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure, après condamnation définitive pour la même infraction.
Ce délit est passible de six mois de prison et de 50 000 francs d'amende et d'un retrait de six points du permis.
Il s'agit certes là d'une aggravation sensible de la répression. Certains y voient de profondes objections et s'interrogent, d'abord, sur l'opportunité d'un nouveau délit, estimant le dispositif actuel suffisant, ensuite sur l'opportunité d'une graduation des sanctions prévues, enfin sur la difficile mise en oeuvre de cette disposition. Monsieur le ministre, nous en reparlerons au moment de la discussion des articles, lorsque certains vous feront des propositions.
Les auteurs du projet de loi souhaitent viser la grande vitesse, objet de la plus forte indiscipline et cause d'une grande partie des accidents graves.
A titre d'exemple, les statistiques indiquent qu'un conducteur sur trois dépasse la vitesse réglementée sur autoroute ; qu'un conducteur sur deux la dépasse en ville et sur les routes nationales, et que trois conducteurs sur cinq la dépassent sur les routes départementales.
Paradoxe, le bon état de notre réseau routier départemental et national est tel que les conducteurs se croient sur des autoroutes ! Dans des pays où les routes, plus petites et plus sinueuses, exigent une vitesse réduite, les accidents de la circulation sont moins graves.
La section 5 du projet de loi instaure un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Si le dépistage se révèle positif, des analyses plus précises doivent établir si le conducteur était sous influence de drogue, afin de mieux éclairer le juge.
Le projet de loi, en revanche, ne contient aucun dispositif répressif spécifique à ce sujet. Vous l'avez bien précisé, monsieur le ministre, et vous avez donné vos raisons.
La commission des lois proposera un amendement tendant à instaurer, pour l'usage de stupéfiants, les mêmes peines que celles qui sont prévues pour l'alcoolémie. Elle a suivi en cela certaines propositions précédentes émanant tant de l'Assemblée nationale - je pense, entre autres, au rapport de M. Dell'Agnola - que du Sénat, à travers la proposition de loi de notre excellent collègue Edouard Le Jeune, que la commission des lois a jointe au présent rapport, ainsi que j'ai pu l'indiquer.
En conclusion, nous restons plus que jamais convaincus que l'ampleur du problème de la sécurité routière mérite une réflexion plus générale, se situant probablement dans le cadre européen. Il convient, en effet, d'aboutir, dès que possible, à mieux coordonner les nombreuses mesures déjà existantes, car elles sont trop disparates, et à tenir davantage compte de l'ensemble des questions en cause, qu'elles concernent les individus, les véhicules, les infrastructures.
La répression n'est pas une fin en soi ; elle a ses limites au-delà desquelles elle perd toute efficacité. Mais la liberté individuelle ne signifie pas licence si l'on veut vivre en société, et le laxisme du « laissez-faire, laissez-passer » n'est pas plus de mise pour résoudre les problèmes de la sécurité routière !
C'est davantage la prévention qui peut apporter les solutions les plus efficaces, à condition qu'elle porte sur la formation autant morale que physique des conducteurs et tende - pourquoi pas ? - vers la conception d'une éthique de la conduite adaptée à son temps, en songeant que l'accident n'est pas toujours le fait des autres.
Le projet de loi qui nous est soumis est très loin de répondre à l'ampleur du problème ; il tend cependant à améliorer un dispositif aujourd'hui insuffisant. Il insiste sur la notion de la responsabilité individuelle qu'il faudra bien conjuguer, un jour, avec le respect de la liberté personnelle.
Nous sommes pour notre part aujourd'hui en face de notre propre responsabilité. Ne rien faire serait blâmable quand il est urgent d'agir contre un fléau qui n'est pas inéluctable.
C'est pourquoi, et sous réserve des amendements que nous allons étudier, votre commission des lois vous propose d'adopter le projet qui vous est soumis. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RDSE ainsi que sur les travées socialistes.)

(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité routière intéresse tous les Français, elle fait partie de notre vie quotidienne. Rares sont les familles qui n'ont eu à déplorer des morts, des blessés graves, des vies bouleversées par suite d'accidents de la circulation.
Le texte qui nous est proposé sera donc examiné par le Sénat avec une attention particulière.
Quand vous nous dites, monsieur le ministre, que 8 000 morts par an c'est un chiffre énorme, nous sommes d'accord ; quand vous nous dites que la France a le triste privilège d'avoir l'un des taux de mortalité et d'accidents graves les plus élevés d'Europe, nous sommes en harmonie avec vos propos ; quand vous présentez un texte qui tend à réduire de tels chiffres, comment ne pourrions-nous pas être d'accord ?
Vous projet de loi comporte diverses dispositions permettant, selon vous, de réduire de façon considérable le nombre des accidents de la route.
La première proposition porte sur la formation des conducteurs novices auteurs d'infractions graves. Je la trouve judicieuse. Il est vrai que les jeunes conducteurs représentent un facteur de risque tant pour eux-mêmes que pour les autres automobilistes ou piétons, beaucoup plus considérable que des conducteurs expérimentés et d'âge plus mûrs. Je voterai donc l'article 1er que vous nous proposez.
La deuxième disposition vise l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière. Ces dispositions que vous nous présentez tant pour l'enseignement à titre onéreux que pour les établissements d'enseignement à titre onéreux me paraissent bonnes. Il était souhaitable de mettre un peu d'ordre et de moraliser, pour certains, cette profession.
L'article 3 de votre texte concerne des dispositions relatives à la responsabilité des propriétaires de véhicules. Si les premières propositions de votre texte avait un effet incitatif éducatif et moralisateur, cet article change de registre puisqu'il entend rendre responsables les propriétaires dont les véhicules auraient été l'objet d'un contrôle et dont le conducteur n'aurait pas été identifié. Sauf cas de force majeure, le propriétaire du véhicule aura donc deux possibilités : soit dénoncer le conducteur de son véhicule contrôlé, soit être tenu comme responsable s'il ne connaît pas ce dernier, cas de figure tout à fait possible, ou s'il refuse la délation.
Avez-vous réfléchi, monsieur le ministre, en présentant cet article, à la situation d'un responsable d'entreprise ou de collectivité disposant de plusieurs véhicules, avec de nombreux utilisateurs, qui va devoir faire une enquête de police pour trouver le responsable s'il veut éviter d'être condamné ?
Avez-vous pensé aux familles nombreuses dans lesquelles un véhicule est utilisé par plusieurs personnes ? Bravo pour l'ambiance familiale quand le titulaire de la carte grise va convoquer le conseil de famille !
Les forces de police et de gendarmerie ont les moyens d'intercepter les contrevenants ; ils le font régulièrement ; le délit est constaté.
Je ne voterai donc pas cet article dont la validité constitutionnelle me paraît douteuse, et qui crée une incitation à la délation. D'autres moyens sont possibles. Revoyez votre copie sur ce point.
L'article 5 de votre projet de loi traite des dispositions relatives à la création d'un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure.
Nous abordons là le point central de votre projet de loi et nous constatons que vous avez sorti la grosse matraque et que vous frappez fort les automobilistes.
Sur la forme, vous avez publié, voilà quelques jours, un décret requalifiant l'excès de vitesse en contravention de cinquième classe. Voilà un procédé nouveau. Vous présentez un projet de loi au Parlement et, préalablement, dans une intention précise, vous publiez un décret pour forcer la main au législateur. Mes collègues apprécieront la délicatesse du procédé et le respect que vous avez des élus du peuple !
Sur le fond, le délit proposé - six mois de prison et 50 000 francs d'amende en cas de récidive - paraît très excessif compte tenu de la faute commise, classant le conducteur parmi les délinquants sérieux.
Soyons clairs : monsieur le ministre, plusieurs fois par jour, des milliers d'automobilistes dépassent pour un moment de 50 kilomètres à l'heure la vitesse permise. Des files entières de véhicules le font. Je n'approuve pas ces excès de vitesse. Mais vous allez mettre en prison des milliers de conducteurs.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non !
M. Jean-Pierre Cantegrit. C'est dérisoire ! Talleyrand disait : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Votre article, par son excès, est insignifiant. C'est une agression contre les automobilistes qui vont se voir plus lourdement condamnés pour un excès de vitesse que les dizaines de milliers de voleurs de voitures, que ceux qui brûlent les véhicules dans nos banlieues, que ceux qui font des rodéos nocturnes en Seine-Saint-Denis, monsieur le ministre. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
Ah oui ! Je le sais bien, il est plus facile d'arrêter l'automobiliste qui commet un dépassement de vitesse que les jeunes qui se livrent à de graves exactions dans des banlieues chaudes ; ce sera plus confortable pour nos forces de police et de gendarmerie.
L'article 7 porte sur l'instauration d'un dépistage systématique de stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Je ne peux qu'approuver cette idée, d'autant que j'ai moi-même posé une question écrite sur ce sujet au ministre de l'intérieur, le 15 mai 1986. Mais, dans ma question, j'étais plus ambitieux que vous ne l'êtes dans votre article, monsieur le ministre.
En effet, si je comprends bien, vous pouvez, sous l'emprise de stupéfiants, causer un accident grave, et ne pas subir de contrôle s'il n'y a pas de morts. Votre texte est donc restrictif. En fait, les contrôles doivent être systématiques pour déterminer le taux d'alcoolémie et l'usage des stupéfiants.
Votre démonstration sur ce point ne me convainc pas ; la réponse à ma question écrite était beaucoup plus satisfaisante que votre projet de loi. J'en déduis que vous jugez qu'il est moins grave de consommer du cannabis, de l'ecstasy, de la cocaïne, que de boire du vin ou un autre alcool.
Monsieur le ministre, votre texte ne tient pas compte d'un certain nombre d'infractions graves que commettent tous les jours des milliers d'automobilistes et qui sont la cause d'accidents mortels.
Pourquoi n'envisagez-vous pas le cas des automobilistes qui doublent à droite sur les autoroutes ou sur les voies à grande circulation pour se rabattre ensuite sur la file de gauche afin de gagner dérisoirement quelques dizaines de mètres ? En réduisant les marges de sécurité, ils sont la cause de ces carambolages impliquant des dizaines de véhicules, avec les conséquences dramatiques que l'on sait.
Pourquoi n'abordez-vous pas le cas de ces automobilistes qui suivent à quelques mètres le véhicule qui les précède, les mettant à la merci d'un coup de frein ? Vous savez les conséquences de ce grave comportement en cas de brouillard ou de fort ralentissement. De nombreux accidents mortels sont la conséquence de tels agissements.
Pourquoi ne traitez-vous pas du cas des automobilistes qui n'entretiennent pas leurs véhicules ? Et ce ne sont pas les contrôles techniques - ils sont nécessaires, et je les approuve - qui feront que certains automobilistes gonfleront les pneus de leurs voitures. Certains roulent donc avec des pneus sous-gonflés. Ils sont ainsi de véritables dangers publics et ils causent de graves accidents.
Pourquoi n'abordez-vous pas, dans votre texte, le cas de certains établissements de contrôle technique - j'ai bien dit certains - qui, pour différentes raisons, montrent un laxisme coupable et permettent à des véhicules de rouler alors que des réparations urgentes sont à faire ?
Qu'attendez-vous, monsieur le ministre, pour moderniser le service des mines, qui est un des plus rétrogrades d'Europe et qui a à son palmarès d'avoir retardé la ceinture à enrouleur, le feu stop sur la vitre arrière, entre autres. Pourtant, beaucoup de mesures innovantes permettraient d'améliorer la sécurité des véhicules.
Pour conclure, je dirai, monsieur le ministre, qu'une fois de plus, dans ce texte, on considère les automobilistes comme des délinquants en puissance et que plutôt que d'améliorer la prévention, l'information, le sens de la responsabilité, vous appliquez une répression excessive et choquante.
Je ne crois pas que nous ayons la même conception de l'automobile, monsieur le ministre. Pour moi, ce qui compte, c'est le progrès technique, la sécurité renforcée et toutes les innovations en ce domaine ; ce sont des automobilistes responsabilisés et sensibilisés. J'imagine, en revanche, que votre rêve à vous, ce sont des petites voitures qui rouleraient toutes à 100 kilomètres à l'heure sur les autoroutes, à l'exception quand même de quelques Safrane qui les dépasseraient à grande vitesse pour les ministres pressés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Mahéas proteste.)
M. Pierre Lefebvre. Et pour quelques sénateurs !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh oui ! J'en connais !
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le ministre, « réduire de moitié en cinq ans le nombre de morts sur la route », telle est votre ambition et tel est l'objet de ce projet de loi. Autant le dire tout de suite : nous ne pouvons que souscrire à cette ambition tant les routes sont meurtrières dans notre pays.
Plus de 8 000 vies ont été fauchées en 1996. De plus, on recense actuellement 340 accidents de la circulation par jour, qui causent 22 tués et 485 blessés, dont 98 graves. Qui plus est, notre jeunesse paie un lourd tribut : la tranche d'âge des quinze-vingt-quatre ans, qui représente 14 % de la population, représente en effet le quart des tués sur la route.
Ces vies perdues, ces espérances brisées, toutes ces souffrances sont inacceptables.
Et il faut ajouter à ce coût humain un coût économique que vous évaluez à 200 milliards de francs par an, monsieur le ministre.
Oui, bien sûr, nous partageons votre objectif, encore faut-il s'en donner les moyens, les bons moyens.
Je le rappelle : on dénombrait 17 000 tués dans des accidents de la route en 1972. Il a donc fallu un quart de siècle pour diviser ce chiffre tragique par deux et ce, grâce à l'effet cumulé de mesures préventives et de mesures répressives. Cela nous montre le chemin à parcourir...
Votre texte, monsieur le ministre, contient donc indiscutablement des mesures positives que le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue, M. Lucien Lanier, a très justement analysées et sur lesquelles je ne m'étendrai pas, qu'il s'agisse du renforcement de la formation ou de l'accroissement des garanties de la qualité de celle-ci.
Cependant, vous mettez encore et toujours l'accent sur la répression, sous prétexte d'accroître la sécurité.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non !
M. Bernard Plasait. Eh bien, monsieur le ministre, je serais heureux que vous me démontriez le contraire !
Vous proposez d'étendre aux contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des véhicules la présomption de responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, qui est déjà applicable aux infractions en matière de stationnement. Soit !
Une telle mesure aura-t-elle toutefois un effet concret sur la sécurité routière ? Vous me permettrez d'en douter, tant il est peu commun d'emprunter le véhicule d'un tiers avec l'intention de commettre une infraction. En revanche, il est certain qu'ainsi la rentabilité des radars et autres appareils photos sera mieux assurée, ce dont l'Etat ne peut évidemment que se réjouir.
Il n'en demeure pas moins qu'une telle disposition recèle des effets pervers, au premier rang desquels une incitation à la délation que vous me permettrez de déplorer très profondément.
Enfin, je partage pleinement la proposition de la commission des lois pour que le titulaire de la carte grise - qui n'a pas commis l'infraction - ne subisse pas un retrait de points et les rigueurs pénales, même si je considère que la situation des loueurs professionnels de véhicules mérite d'être éclairée.
Cela dit, encore plus symbolique est la création d'un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 40 kilomètres à l'heure.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. 50 kilomètres à l'heure !
M. Bernard Plasait. La résurgence d'une telle disposition, assortie de la récidive - ce qui est encore moins compréhensible -, nous démontre bel et bien que, si « les gouvernements passent, les administrations restent ». Et la mesure est toujours aussi aveugle car, reposant sur un barème unique, elle entretient l'amalgame entre les conducteurs rapides et les conducteurs dangereux, ce qui n'est pas exactement la même chose !
Pire, elle fait de l'automobiliste un délinquant, et cela sans discernement.
Peut-on raisonnablement considérer que rouler à plus de 180 kilomètres à l'heure sur une autoroute dégagée avec une bonne visibilité et un bon véhicule - ce qui n'est pas bien, évidemment, et mérite d'être sanctionné - équivaut à débouler à 100 kilomètres à l'heure à quelques encablures d'ici, par exemple rue Danton ? Dans ce cas, un dépassement de 50 kilomètres à l'heure, soit une vitesse de 100 kilomètres à l'heure rue Danton, est proprement criminel, alors que le premier type de grand excès de vitesse, qui ne représente que moins de 5 % des infractions constatées, ne concerne qu'une poignée de « privilégiés », certes, qui disposent d'une bonne voiture et qui sont bien souvent des professionnels de la route !
Alors, je le sais bien, on ne va pas faire de distinction pour quelques-uns ; on va appliquer sans mesure une logique que je trouve collectiviste !
Eh bien, monsieur le ministre, cette logique n'est pas la mienne, car elle va à l'encontre même de la sécurité routière.
« Tous à la même vitesse, et il n'y aura plus d'accident. » Il suffirait d'y croire pour le faire, d'autant plus que cela est techniquement tout à fait réalisable.
Mais ce serait justement, je crois, la garantie d'un accroissement de l'insécurité routière. Car le secret de la sécurité routière - et les spécialistes sont unanimes sur ce point -, c'est un état permanent de vigilance afin d'adapter sa conduite aux conditions de circulation.
Il s'agit donc bel et bien d'une logique de responsabilité individuelle.
La responsabilité classique de l'automobiliste, c'est le bonus à l'assurance. Et, dans cette logique, il est grand temps de développer une notion de responsabilité par rapport à l'accident.
Il faut, en effet, en finir avec cet exemple caricatural, mais bien réel, de l'automobiliste qui, après cinquante ans de conduite sans accident, s'est vu décerner les palmes de la sécurité routière pour être, quelques mois après, traduit comme un délinquant devant un tribunal pour un banal excès de vitesse.
Aussi, monsieur le ministre, pourquoi ne pas réfléchir à la constitution d'un fichier national des automobilistes ayant causé un accident - dont la gravité serait à apprécier - et sur lesquels serait concentré un effort particulier de sensibilisation et de formation ?
C'est au prix de la responsabilisation de tous, je ne trouve pas d'autres mots, que le défi de la sécurité routière sera relevé. Je suis convaincu qu'une répression toujours plus draconienne et toujours plus aveugle ne résoudra rien.
Il est tout aussi évident qu'un effort particulier doit être fait concernant les infrastructures, leur mise en sécurité - je pense en particulier à l'extension du réseau autoroutier - et l'adaptation de la signalisation, notamment l'implantation des panneaux indicateurs de vitesse qui rend trop fréquemment la répression aisée, mais difficilement compréhensible, et qui transforme trop souvent la route en véritable piège. En tout cas, c'est ainsi que le ressent l'automobiliste.
Il est enfin un autre aspect essentiel de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui constitue une véritable lacune.
Il s'agit de la disposition contenue à l'article 7 par laquelle est institué un dépistage des produits stupéfiants, mais uniquement en cas d'accident mortel.
Or, selon certaines statistiques, 10 % des conducteurs impliqués chaque année dans les accidents de la circulation sont sous l'emprise de produits psychotropes.
Dès lors, sauf à être une occasion manquée, votre texte doit clairement afficher la volonté d'engager efficacement la lutte contre la conduite sous l'emprise de stupéfiants, en rendant le dépistage systématique quelle que soit la nature de l'accident. N'attendons pas que l'accident soit mortel. Sinon, mes chers collègues, avec ce texte, mieux vaudra dans l'avenir être drogué au volant que récidiviste de la grande vitesse.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, si nous partageons l'objectif de votre texte, il est indispensable d'en améliorer les dispositions sur la base des propositions de la commission, mais aussi au-delà afin de dépasser les seuls effets d'annonce et d'ouvrir enfin une grande réflexion sur la sécurité routière en partenariat avec tous les professionnels et spécialistes concernés, démarche qui, je le crois, aurait dû présider à l'élaboration de ce texte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. D'emblée, je tiens à souligner l'opportunité de votre projet de loi, monsieur le ministre. Il arrive « à point », si j'ose dire.
En effet, vous nous le présentez au moment où le Parlement européen vient d'adopter - c'était le 10 mars dernier - le rapport de M. Cornelissen sur la promotion de la sécurité routière et au lendemain du sondage IFOP de février qui révèle que la lutte contre l'insécurité routière répond aux préoccupations quotidiennes des Français et que les mesures que vous envisagez de prendre correspondent à leur attente.
Monsieur le ministre, vous avez donc eu raison de nous soumettre ce texte. La sécurité routière nous interpelle tous. C'est un bien collectif qui nous concerne tous dans la vie de tous les jours.
Chaque année, en Europe, 50 000 personnes sont tuées et 150 000 autres sont handicapées à vie à la suite d'un accident de la route.
Avec 8 000 morts par an sur les routes, 100 personnes grièvement blessées dans un accident de la circulation par jour, la France se situe au bas de la liste des pays européens en matière de sécurité routière. Il faut le dire à l'opinion publique, et mes collègues ne manqueront pas d'y revenir.
Le bilan est particulièrement lourd pour les jeunes de quinze à vingt-quatre ans avec 2 061 tués en 1997, soit une augmentation de 1,7 %. La route reste la première cause de mortalité des jeunes. Les utilisateurs de deux-roues paient un lourd tribut. L'an dernier, 329 cyclistes ont été tués, soit une hausse de 9,7 %, et 831 motards ont trouvé la mort, soit une augmentation de 12,1 %. Face à un bilan aussi lourd en vies humaines, il était temps, avouons-le, que la France s'aligne sur ses partenaires européens. Le Parlement européen souhaite, à juste titre, que tous les Etats membres prennent des dispositions radicales afin de réduire le nombre d'accidents, adoptent leurs propres programmes de sécurité routière, et que l'Union européenne établisse un objectif chiffré en termes de réduction du nombre annuel de décès.
Monsieur le ministre, votre projet de loi non seulement constitue une nécessité, mais s'insère parfaitement dans les perspectives du programme d'action 1997-2001 pour la sécurité routière adopté par la Commission européenne depuis avril 1997 et réaffirmé le mois dernier. Il est impératif de prendre d'urgence des mesures visant à réduire de manière drastique le nombre annuel des accidents de la route. Tout ce qui peut améliorer la sécurité routière et favoriser une mobilisation accrue de tous les efforts ne peut que recevoir l'assentiment du législateur.
L'objectif que vous vous fixez de réduire de moitié le nombre de tués sur les routes d'ici à cinq ans est d'autant plus ambitieux et louable qu'il constitue la ligne directrice d'un plan d'action global de lutte contre l'insécurité routière.
Il va effectivement de soi que ce projet de loi ne peut qu'être une infime composante de la politique générale menée par le Gouvernement en matière de transports, d'aménagement du territoire, d'éducation et de santé. Dans le cadre de cette approche intégrée, il ne doit représenter qu'une simple étape, qu'un premier pas dans le processus d'amélioration de la sécurité routière.
Toute politique de sécurité routière digne de ce nom passe non seulement par l'éducation, la formation, l'information, la sensibilisation, mais aussi par un contrôle efficace et des sanctions. Telle est la philosophie dont s'inspire le présent projet de loi.
Néanmoins, la politique du Gouvernement en ce domaine ne saurait se résumer à son seul contenu. Nous devons le replacer dans la cohérence d'une stratégie d'ensemble qui vise à développer et à rééquilibrer les modes de transport, à les moderniser et à veiller à la sécurité des infrastructures, en y impliquant tous les partenaires et acteurs de le « société civile ». C'est bien dans les perspectives du comité interministériel de sécurité routière du 26 novembre 1997 que s'inscrit le projet de loi que nous examinons.
De toute évidence, la lutte contre l'insécurité routière fait appel à des responsabilités partagées. Les collectivités locales - communes, groupements de communes ou conseils généraux - assurent la gestion de la voirie et s'associent à l'Etat pour mener des actions d'éducation, de formation et de communication dans le cadre des plans départementaux d'actions de sécurité routière.
Mais cette tâche n'incombe pas aux seules autorités. Rendre la route plus sûre, réduire le risque d'accident, former à la conduite et responsabiliser les conducteurs relèvent de la société tout entière.
L'acquisition du permis de conduire s'effectue généralement, à notre époque, vers l'âge de dix-huit ans, et ce permis de conduire reste valable toute une vie. Cependant, ce n'est pas un acquis. Le retrait de points en cas d'infraction contribue à fragiliser le permis. C'est pourquoi il importe de prévoir un volet préventif et pédagogique si l'on souhaite modifier les attitudes et les comportements dangereux des usagers des routes.
Prévention des accidents et répression des comportements générateurs d'insécurité sur la route ne peuvent pas être envisagées séparément. Il faut, certes, sanctionner les infractions au code de la route, mais il faut surtout favoriser l'éducation à la sécurité routière dès la plus tendre enfance, assurer une formation continue de la conduite par des campagnes de communication et d'information bien ciblées, et responsabiliser les conducteurs.
Les usagers de la route doivent savoir qu'ils risquent de se faire prendre s'ils commettent une infraction. Ils doivent être conscients des dangers que comporte la conduite d'un véhicule. Rappelons que les premières cause d'accidents mortels dont sont victimes en priorité les jeunes de quinze à vingt-quatre ans sont liées à l'inaptitude à la conduite, au goût du risque et au manque d'anticipation et d'appréciation des dangers auxquels ils s'exposent.
D'où la nécessité de la formation et des contrôles pour influencer le comportement au volant.
D'où l'intérêt de la législation que vous nous proposez, monsieur le ministre. D'une part, son objet correspond à une exigence globale de l'opinion ; d'autre part, il est considéré par les professionnels du secteur auto-école comme un instrument déterminant pour une meilleure formation des conducteurs.
Ce texte fixe, en effet, un début de cadre à l'exercice d'une profession qui, curieusement, n'est régi par aucun statut juridique alors qu'elle compte environ 14 000 établissements d'enseignement de la conduite qui dispensent à titre onéreux une formation à plus d'un million de candidats au permis de conduire chaque année. Ici encore, les dispositions envisagées constituent une amorce de réponse aux aspirations des acteurs du secteur auto-école.
Je reviendrai ultérieurement sur ce point car certains partenaires semblent d'office exclus.
Dans ce contexte consensuel, comment ne pas approuver votre démarche ?
Un projet de loi, dont l'objectif consiste à protéger par une réglementation plus contraignante, à réduire l'exposition au risque et à améliorer les compétences ne peut qu'obtenir notre assentiment. Toutefois, ses cinq dispositions principales - stage de sensibilisation, principe du propriétaire-payeur, assainissement et moralisation de la profession, création d'un délit de récidive, dépistage de l'usage de drogues illicites - suscitent quelques interrogations.
Mes remarques et les questions qui les accompagnent s'articulent autour de trois grands axes.
Concernant la responsabilisation des usagers de la route, monsieur le ministre, vous vous préoccupez en priorité des jeunes. Votre volonté d'éradiquer le sur-risque des conducteurs novices et d'éviter la récidive ne peut que nous réjouir.
En effet, les conducteurs novices sont considérés comme plus « accidentogènes » que les autres eu égard à leur inexpérience. Chacun sait que les 10 000 à 20 000 premiers kilomètres constituent pour les débutants une phase critique. Aussi est-il impératif d'aider le jeune conducteur pendant la période critique de la pratique initiale de la conduite.
De la même façon, n'est-il pas incohérent de les laisser conduire n'importe quelle cylindrée ? Ne serait-il pas souhaitable de mieux adapter les véhicules à leurs utilisateurs et surtout de se prémunir contre le sur-risque - risque multiplié par 3,5 - des jeunes conduisant les véhicules dits « à caractère sportif » ? Je déposerai un amendement en ce sens.
Au regard de ces paramètres, l'article 1er du présent projet de loi instaure un stage obligatoire pour les conducteurs novices commettant une infraction grave dans les deux premières années de conduite, infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points du permis. Ce stage de deux jours, à la charge de l'intéressé, est identique à celui qui a été institué par la loi de 1989 sur le permis à points pour récupérer ces derniers.
Cette formation complémentaire est, sans doute, de nature à susciter un infléchissement de comportement, mais cette sanction aux frais de l'auteur de l'infraction ne risque-t-elle pas de pénaliser davantage les jeunes d'origine sociale modeste ? De surcroît, si, comme le propose la commission des lois, on renforce le dispositif en prenant en compte le retrait cumulé de quatre points, on uniformise les infractions. L'accumulation de petites infractions entraînera donc la même sanction qu'une infraction dont la gravité n'est pas comparable. Cet assimilation me paraît excessive.
Autre sujet de controverse, s'agissant toujours de la responsabilisation des individus : l'extension du principe du « propriétaire-payeur » prévu à l'article 4. Déjà en vigueur pour les infractions de stationnement depuis la loi du 3 janvier 1972, il concernerait les franchissements de stops, de feux rouges, et les excès de vitesse constatés par les appareils automatiques.
Même si le véhicule n'est pas intercepté, même si le titulaire de la carte grise n'était pas au volant, il devra payer l'amende. N'est-ce pas contraire au principe de l'individualité des peines inscrit dans notre droit pénal ? Nul n'est responsable que de son propre fait. Certes, il ne s'agit que d'une responsabilité pécuniaire qui risque de dissuader beaucoup de conducteurs de prêter leur véhicule. Mais peut-on instituer une présomption de responsabilité du propriétaire du véhicule ?
J'en viens aux dispositions de la section 2 du projet de loi relative à l'enseignement de la conduite. Elle visent à assainir et à moraliser une profession qui, sur le plan réglementaire, est principalement régie par les articles R. 244 et R. 247 du code de la route, précisés par un arrêté et une circulaire ministériels du 5 mars 1991.
Ce texte tend à instaurer des règles d'organisation d'un secteur, à vrai dire complètement désorganisé. Il lui confère donc un cadre juridique, renforce les conditions d'accès et d'exercice de la profession et accroît les contrôles.
Il est tout à fait indispensable de prendre des mesures de nature législative pour réguler cette profession. De trop nombreuses pratiques répréhensibles en matière de gestion d'entreprise et du personnel, l'existence d'affaires d'escroquerie ou de corruption l'exigeaient pour garantir la qualité des prestations.
Par ailleurs, la protection des intérêts des candidats à l'examen du permis est assurée par la signature entre les auto-écoles et leurs clients d'un contrat écrit dont les clauses devront respecter les règles fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, en effet, nécessaire de clarifier les rapports entre les établissements et les candidats. Nous ne pouvons qu'être favorables à l'introduction de cette importante garantie qui évitera notamment d'éventuelles mauvaises surprises financières au candidat à la fin de son stage.
Nous ne pouvons qu'approuver les dispositions permettant de s'assurer d'un niveau maximum de bonne moralité, de compétences techniques et pédagogiques des acteurs de la sécurité routière.
S'il s'avère indispensable de fixer un cadre à l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite, il semble également important de définir, par voie réglementaire, une durée minimale de la pratique de la conduite. Nous avons affaire à une formation particulièrement courte par rapport aux autres systèmes de formation en général.
Hormis les conditions de diplômes, il conviendrait d'exiger une expérience de la conduite ne pouvant être inférieure à trois ans pour devenir moniteur. Or ce texte n'aborde pas la formation des moniteurs et n'apporte aucune précision sur les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière dont le recyclage et la formation pourraient être envisagés.
Par ailleurs, ce projet de loi ne prend pas en considération les auto-écoles associatives. Une centaine d'associations oeuvrent en matière de sécurité routière, à titre principal ou accessoire. Nombreuses sont celles qui utilisent l'apprentissage de la conduite comme élément d'insertion sociale ou professionnelle. Elles dispensent un enseignement de la conduite mieux adapté aux particularités de leurs candidats. Il s'agit en général de jeunes en situation d'échec, pour qui l'obtention du permis de conduire est une possibilité de reconnaissance sociale. C'est parfois le premier diplôme obtenu, le premier élément de remobilisation vers un processus de formation.
Nées d'un constat de carence dans la capacité des circuits commerciaux à prendre en charge des publics spécifiques, les auto-écoles associatives participent à la lutte contre l'insécurité routière chez les jeunes de seize à vingt-cinq ans et développent des actions de préparation au permis, comme vecteur privilégié d'insertion professionnelle. Qu'envisagez-vous, monsieur le ministre, à leur sujet ?
Eu égard à l'utilité sociale de ce secteur, confirmée au fil des années, je déposerai un amendement allant dans le sens de la connaissance des compétences de ces auto-écoles en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Rappelons que naguère un certain nombre de jeunes étaient formés à la conduite automobile lors de leur service militaire. Ceux qui auraient pu être dans ce cas se trouveront donc pénalisés dorénavant. Aussi je pense que les autos-écoles associatives auraient tout lieu d'augmenter le nombre de leurs prestations.
J'insisterai enfin sur deux dispositions importantes du projet de loi touchant à la répression et au renforcement des contrôles.
Je commencerai par le délit de récidive.
L'article 5 du présent texte crée un délit en cas de récidive d'un grand excès de vitesse - dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure. Ce délit sera passible d'une amende de 50 000 francs et d'une peine de six mois de prison.
Cette disposition se justifie car l'excès de vitesse est un facteur très aggravant du risque de provoquer des accidents de la route : 80 % des usagers de la route estiment qu'une lutte plus rigoureuse contre les grands excès de vitesse permettrait de réduire le nombre et la gravité des accidents de façon importante.
En ce sens, le renforcement de la répression sera accueilli favorablement par l'opinion, qui juge très sévèremen les comportements irresponsables des chauffards.
Je regrette, en revanche, que la répression pénale soit la seule solution. N'y aurait-il pas d'autres solutions pour dissuader les récidivistes ?
Par ailleurs, les grands excès de vitesse sont désormais sanctionnés par une contravention de cinquième classe, quel que soit le réseau considéré - 10 000 francs d'amende, retrait de quatre points du permis de conduire, suspension du permis de trois mois. Ne faudrait-il pas commencer par réviser la réglementation de la vitesse ? La limitation de la vitesse à 30 kilmomètres à l'heure dans certaines zones n'est-elle pas inadaptée à la réalité de la conduite ?
Puisque j'aborde les limites de la réglementation existante, j'en soulignerai également les lacunes.
Nous sommes actuellement confrontés à une situation quasi anarchique dans les villes quant à la circulation des deux-roues, des multi-roues. Non seulement les motocyclettes, les vélos ne sont pas immatriculés, mais l'utilisation des patins à roulettes et des rollers aussi bien sur les trottoirs que sur la voie publique constitue un danger réel. Le développement de ces pratiques comporte d'autant plus de risques de chocs dangereux que leurs utilisateurs ne respectent aucune norme de circulation. Au vu des incidents et accidents qu'ils provoquent, une réglementation adaptée s'impose. Envisagez-vous, monsieur le ministre, d'en adopter une ? De même, dans les milieux urbains denses, ne peut-on pas concevoir un couloir spécifique, matérialisé sur les bandes d'arrêt d'urgence pour les motos ? J'en terminerai par le dépistage de l'absorption de stupéfiants.
L'article 7 du projet de loi instaure un dépistage systématique de drogues illicites en cas d'accidents mortels. Ce dépistage ne donnera pas lieu à une sanction spécifique, mais les résultats seront communiqués au juge, qui pourra en tenir compte.
Le dépistage systématique, les analyses et examens médicaux, chimiques et biologiques qui en résulteront permettront de mieux connaître les effets des stupéfiants sur la conduite. C'est dans cet état d'esprit que vous proposez cette mesure.
Or la commission des lois, s'inspirant de la proposition de loi de M. Edouard Le Jeune, veut rendre immédiate la portée de cette disposition en l'assortissant d'une sanction. Encore faudrait-il préalablement définir les substances susceptibles d'influencer le comportement sur la route, dont l'éventail s'étend des médicaments dangereux aux drogues illégales classiques. Encore faudrait-il, à partir de cette définition, informer les prescripteurs-pharmaciens et médecins ainsi que les patients quant aux effets néfastes de la consommation de certains produits sur le comportement en situation de conduite. Ce serait d'autant plus nécessaire que la France est l'un des plus grands consommateurs européens de tranquillisants, produits qui affecte la conduite. Il est préférable de s'en tenir au texte gouvernemental, qui a pour objet d'améliorer les connaissances, pour que, le moment venu, des mesures adaptées d'interdiction et de répression spécifiques soient prises.
En conclusion, monsieur le ministre, malgré les réserves que j'ai énoncées et les interrogations, auxquelles vous ne manquerez pas de répondre, je tiens à vous dire que le groupe socialiste et apparentés vous apporte son soutien. Ce texte, qui répond incontestablement à une attente, est globalement satisfaisant, d'autant qu'il ne constitue, répétons-le, qu'une infime étape dans le processus de lutte contre l'insécurité routière que vous avez engagé. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu moins de 8 000 morts sur les routes en 1997, ce qui représente tout de même vingt-deux morts par jour, la France continue d'occuper les plus mauvais rangs européens : douzième sur quinze par rapport au nombre d'habitants et, pis encore, quatorzième sur quinze par rapport au nombre de kilomètres parcourus.
Sans doute peut-on éprouver une certaine satisfaction à constater l'évolution positive enregistrée ces dernières années, qui ont vu la France passer de manière durable sous la barre des dix mille morts par an, et cela malgré l'augmentation du parc automobile.
Pour autant, nul ne peut se satisfaire de la situation actuelle : le nombre annuel de morts sur la route reste, dans notre pays, près de deux fois supérieur à la moyenne européenne ; et, à ces morts, s'ajoute un nombre important de personnes handicapées à vie, parfois très lourdement.
Il convient d'observer en outre que les accidents de la route touchent particulièrement les jeunes hommes, à la fois souvent auteurs et victimes des accidents. Outre le caractère tragique d'un tel fait, il en résulte une surmortalité masculine qui accentue de manière sensible le déséquilibre démographique entre hommes et femmes.
Chacun est bien conscient que ces mots et ces chiffres dissimulent des vies brisées à jamais : celles des victimes, disparues ou handicapées à vie, celles des proches, des parents, qui doivent vivre avec ce deuil terrible, insupportable, ou qui trouvent handicapés lourdement sur le plan physique ou psychique un être cher qui respirait jusqu'alors la joie de vivre. Laissez-moi avoir un instant une pensée pour ces veuves, pour ces mères qui portent à jamais le deuil de celui qu'elles aimaient et qui a disparu.
Je suis depuis longtemps attentive à cette question. J'avais déposé en 1995 une proposition de loi tendant à créer un délit de grand excès de vitesse. Il me semblait alors et il me semble toujours qu'il est nécessaire d'agir sur les comportements par une répression accrue et par la création, à la forte portée symbolique, d'un délit là où il y a simplement infraction.
C'est dire à quel point, monsieur le ministre, j'ai suivi avec intérêt l'annonce de votre projet de loi, qui va dans le sens des préoccupations d'un grand nombre de nos concitoyens, car l'opinion publique est heureusement en train de changer sur cette question.
J'aurais, certes, souhaité que ce projet de loi aille plus loin, mais j'en approuve les grandes lignes.
Oui au stage de sensibilisation des jeunes conducteurs ayant commis une infraction grave. Encore que l'on puisse se demander s'il ne conviendrait pas qu'il soit également rendu obligatoire pour des conducteurs non novices mais qui peuvent être aussi dangereux.
Oui à l'inscription dans le texte de la loi des conditions requises pour être exploitant d'une auto-école ou enseignant dans une auto-école. Il est nécessaire d'exercer un contrôle accru sur ces entreprises très particulières, chargées d'une formation dont nous connaissons tous l'importance. Je suis d'ailleurs favorable à l'amendement de la commission des lois tendant à introduire une condition d'aptitude professionnelle pour les candidats à l'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite.
L'attention des médias a été, à juste titre, focalisée sur la création du délit de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure.
Pour être brève, je dirai sur ce point que j'aurais préféré la création d'un délit dès le premier grand dépassement de vitesse, alors que vous proposez simplement à cet égard, monsieur le ministre, l'institution par décret d'une infraction de cinquième catégorie. Je ne sous-estime pas la portée de cette mesure mais il me semble que, si l'on veut avoir un véritable impact sur l'opinion publique et donc sur les conduites - car c'est de cela qu'il s'agit - il faut créer un délit dès la première infraction.
Qu'on me permette de relever au passage que ces excès de vitesse, ces conduites dangereuses sont essentiellement le fait d'hommes. (Murmures sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Hilaire Flandre. De machos !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Mais c'est vrai !
Mme Joëlle Dusseau. J'en suis désolée, mais il est exact qu'il y a, dans notre pays, une manière de conduire que l'on peut qualifier de « machiste » et que les grands excès de vitesse sont, à 95 %, le fait d'hommes ! Chacun le sait, une grande partie des accidents mortels sont le fait d'hommes. Il y a là un fait social qu'il faut déplorer mais qu'on ne peut nier. Je suis sûre qu'il peut être combattu par la promotion de ce que M. le ministre appelle très justement une « conduite apaisée ».
En tout cas, j'ai toujours considéré que, moins dans une perspective strictement répressive que dans le souci de frapper l'opinion publique et de modifier les conduites au volant, il fallait créer ce délit dès la première infraction. Nul ne s'étonnera que j'aie déposé un amendement allant dans ce sens.
En matière de récidive, monsieur le ministre, vous proposez un délai d'un an. Il me paraît trop court. Un délai de trois ans, qui est par ailleurs le délai nécessaire pour récupérer les points de permis de conduire, me paraît plus raisonnable si l'on veut que la loi ait un minimum d'efficacité.
Enfin, en ce qui concerne l'article 7, relatif en dépistage de substances ou plantes classées comme stupéfiants en cas d'accident mortel, j'aurais souhaité que soit également abordée la question des médicaments : calmants, euphorisants, etc.
Notre pays détient en effet le triste record non seulement de consommation d'alcool et mais aussi d'usage de psychotropes ; or cet usage a des conséquences importantes en termes de perte de vigilance. J'ai lu le livre blanc sur l'influence des drogues et des médicaments sur la sécurité routière et je suis consciente des difficultés que soulève l'application de toute mesure prise à cet égard, qu'il s'agisse des seuils ou de la mise en oeuvre des analyses. Il n'empêche qu'il y a là une lacune qu'il faudra bien combler un jour.
En tout état de cause, je propose l'apposition d'un pictogramme spécial sur l'emballage des médicaments. Vous venez d'indiquer, monsieur le ministre, que votre propre cheminement allait dans ce sens, et je m'en félicite.
Je propose aussi que médecins et pharmaciens informent effectivement la personne à qui est prescrit le médicament de ses éventuelles conséquences sur la vigilance.
Monsieur le ministre, vous l'avez certainement compris, au-delà de ces quelques remarques, je considère que votre projet de loi représente une avancée nécessaire. Votre préoccupation est partagée par les radicaux de gauche, au nom desquels je m'exprime ici : ils soutiennent pleinement votre démarche et voteront votre texte. (Mme Maryse Bergé-Lavigne applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité routière est l'affaire de tous. En légiférant dans un domaine qui concerne le quotidien de chacun d'entre nous et qui est un fait de société, nous devons impérativement mettre de côté toute considération catégorielle pour avoir uniquement le souci de l'intérêt général.
L'annonce des dispositions contenues dans le projet loi qu'il nous revient d'examiner aujourd'hui a donné lieu à un débat public ; ce débat fut utile, même si l'on peut penser qu'il fut parfois excessif.
Nous devons prendre garde à ne pas isoler ce texte des autres dispositions annoncées par le Gouvernement en matière de sécurité routière, à l'issue du comité interministériel du 26 novembre 1997. Il faut le juger dans son ensemble, en cohérence avec une politique globale dont l'objectif est clair et ambitieux : réduire de moitié, dans les cinq ans à venir, le nombre de tués sur les routes de notre pays.
C'est dans cet esprit que le groupe communiste républicain et citoyen entend contribuer au débat.
D'aucuns fustigent le caractère répressif de votre action, monsieur le ministre. Certes, plusieurs des mesures contenues dans votre projet de loi ont effectivement un tel caractère, mais on ne peut ignorer l'importance d'autres dispositions qui ont pour objet la formation, l'éducation et la prévention.
Ainsi, nous soutenons fermement les mesures visant les jeunes automobilistes, principales victimes de la route.
N'oublions pas non plus l'augmentation sensible du budget de la sécurité routière ainsi que celle des crédits destinés à l'entretien du patrimoine routier, même s'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Il ne s'agit pas, pour autant, d'opposer une violence d'Etat à la violence routière, mais nous devons user de tous les moyens propres à limiter les risques d'accident de la route, tout en garantissant la liberté de circuler.
Il me semble qu'il nous faut avant tout responsabiliser les conducteurs. Conduire un véhicule, quelle que soit sa catégorie, n'est pas simplement un acte individuel, isolé ; c'est un acte social fort, qui peut mettre en danger la vie d'autrui.
On a trop longtemps considéré l'automobile comme étant exclusivement un moyen d'évasion, de vitesse et d'épanouissement familial. Force est de constater qu'elle peut être aussi un instrument de mort.
Dès lors, il est du devoir de tout gouvernement responsable d'intervenir et de mettre en oeuvre les moyens dont il dispose pour assurer la sécurité de tous les usagers de la route.
Les facteurs intervenant dans les accidents mortels sont connus : ce sont essentiellement la vitesse et l'alcool ; c'est donc sur ces deux points qu'il faut agir.
Cependant, notre réflexion devrait davantage porter sur l'origine de ces fléaux. L'insécurité routière, au même titre que l'insécurité en général, est en étroite corrélation avec les contraintes économiques et sociales qui oppriment chaque individu. N'est-on pas en droit de penser que des conducteurs ont l'illusion de trouver dans leur véhicule un espace de liberté et d'indépendance qui leur fait défaut dans la société ?
Toute mesure de sécurité routière, si elle veut réussir à long terme, est indissociable d'une politique de tranformation des mécanismes pervers de nos sociétés. C'est le message que nous avions tous retenus lors du dernier conflit des chauffeurs routiers.
Certes, aucun comportement criminel n'est excusable, mais il serait réducteur de le considérer comme un fait de nature. Je suis loin d'être convaincu que les Français sont intrinsèquement plus indisciplinés que d'autres.
Du reste, les résultats obtenus depuis vingt ans prouvent que des progrès sont possibles et qu'il n'y a pas, en la matière, de fatalité.
J'en viens plus précisément au projet de loi. Les cinq dispositions proposées ont le mérite d'être équilibrées, pédagogiques et dissuasives.
La formation offerte aux jeunes conducteurs auteurs d'une infraction grave doit leur permettre, dans leur propre intérêt, d'éviter la récidive.
Généraliser cette mesure, comme le suggère la commission des lois, en l'élargissant aux infractions moins graves, pourrait conduire à la banaliser et à en atténuer la vertu dissuasive.
De la même façon, le dispositif visant à assainir et à mieux réglementer la profession d'enseignant de la conduite et de la sécurité routière permettra d'améliorer la formation des candidats au permis de conduire et de sécuriser le consommateur. Le contrat écrit liant le candidat et l'auto-école, qui fixe les modalités et les conditions de cet enseignement, constitue une garantie contre les excès en ce domaine. Certaines pratiques actuellement observées ne sont pas acceptables, et la profession elle-même en souffre.
L'égalité des citoyens devant l'enseignement de la sécurité routière est loin d'être assurée. La nouvelle écriture du titre VII du code de la route permet de mieux contrôler l'accès à cette profession et de mieux sanctionner les abus.
Cepedant, le durcissement des conditions d'entrée dans la profession au fil des années, tel que le permettrait la nouvelle rédaction de l'article L. 29-7 proposée par la commission, serait de nature à introduire un numerus clausus dans ce secteur et à interdire, de fait, l'installation des jeunes. Aussi, nous invitons le Gouvernement à être vigilant sur ce point. L'équilibre trouvé dans le texte aujourd'hui pourrait s'en trouver menacé à l'avenir puisqu'un simple décret suffirait à rétablir un système d'autocontrôle avec les conséquences que l'on peut imaginer.
La troisième mesure concerne la responsabilité pécuniaire du propriétaire de véhicule. Les inconvénients du principe « propriétaire-payeur » sont, selon nous, réduits au regard des avantages attendus : améliorer l'efficacité et la sécurité des contrôles et assurer l'égalité des conducteurs devant la sanction. Nous le savons tous, une règle est mieux respectée lorsque la sanction s'applique à tous de la même façon.
S'agissant, ensuite, du délit de récidive de « grand excès de vitesse », notre position est claire : tout conducteur ayant dépassé la vitesse maximale autorisée de plus de 50 kilomètres à l'heure doit être mis devant ses propres responsabilités envers la société.
Non seulement cette disposition permettra de maîtriser l'infime minorité de personnes qui menacent la sécurité des usagers, mais, de surcroît, grâce à l'impact psychologique qu'elle a déjà créé dans l'opinion, elle conduira à une prise de conscience générale sur le niveau trop élevé des vitesses moyennes pratiquées sur tous les réseaux, sans exception. Cela est dissuasif pour les conducteurs qui seront concernés et pédagogique pour tous les autres.
Ainsi, ce processus en deux étapes - contravention de cinquième classe, puis peine délictuelle en cas de récidive - nous dote d'un dispositif incitatif, pédagogique et répressif seulement à la marge.
Enfin, la volonté du Gouvernement de s'attaquer au tabou de l'effet de la drogue sur la conduite doit être saluée. La rédaction proposée devra cependant être améliorée afin de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles.
A ce titre, notre groupe émet un avis défavorable sur l'amendement n° 18 proposé par M. le rapporteur, au nom de la commission des lois. Cet amendement tend à introduire une règle uniforme et exclusivement sécuritaire, alors que les connaissances scientifiques sur l'influence des drogues illicites sont, pour le moins, imprécises ; tout le monde le reconnaît.
Nous pensons, quant à nous, que cette question mérite un autre débat, qui relève avant toute chose de la santé publique. L'aborder ainsi sous l'angle sécuritaire et répressif contribue, d'une part, à détourner le sujet de la sécurité routière de ses véritables enjeux et, d'autre part, à caricaturer le débat nécessaire autour de la législation de la drogue.
Je terminerai mon propos en faisant quelques observations à M. le ministre.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite vivement que l'infléchissement budgétaire opéré lors de la loi de finances pour 1998 soit confirmé et amplifié pour 1999. Je pense ici à des efforts supplémentaires en faveur de l'entretien des routes et de la qualité de nos infrastructures. Nous saluons, à cet égard, la relance du programme de suppression et d'aménagement des passages à niveau.
Par ailleurs, afin de limiter les facteurs de risques liés à la circulation de grands transports routiers, nous devons aider davantage au développement des transports collectifs, qu'ils soient urbains ou interurbains, et promouvoir l'utilisation des chemins de fer et des voies navigables dans le transport des marchandises.
Enfin, nous vous proposons, monsieur le ministre, que soit conduite une réflexion sur deux pistes jusqu'ici délaissées, semble-t-il.
La première d'entre elles concerne le bridage des moteurs. Nous ne méconnaissons pas l'existence d'un débat sur cette question. Il me paraît possible, aujourd'hui, de dépasser l'hostilité des constructeurs automobiles. Nous aimerions connaître, monsieur le ministre, l'état de votre réflexion sur ce point.
La seconde piste a trait aux prix parfois trop élevés des accessoires de sécurité.
Par exemple, baisser le taux de TVA sur certains produits essentiels pour la protection des victimes - je pense en particulier au casque pour les motards - ...
Mme Hélène Luc. Ce serait une bonne chose !
M. Pierre Lefebvre ... contribuerait, sans pour autant creuser les déficits publics outre mesure, à sauver des vies humaines, notamment parmi les motocyclistes.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera ce texte dans l'espoir que l'équilibre trouvé par son rédacteur ne soit pas mis à mal par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons écouté avec attention l'excellent rapport présenté par Lucien Lanier, au nom de la commission des lois. M. le rapporteur et les différents orateurs l'ont souligné avant moi : la sécurité routière est, bien entendu, l'affaire de tous, qu'il s'agisse de la vie privée ou de la vie publique.
Nous devons constater que, depuis vingt-cinq ans, une politique coordonnée, cohérente, permanente a été menée par tous les gouvernements successifs en matière de sécurité routière. Ce texte n'est donc, monsieur le ministre, qu'un maillon d'une longue chaîne sécuritaire que nous cherchons en permanence à renforcer, afin de diminuer le nombre des accidents.
Je dresserai trois constats.
Le premier constat est que nous vivons dans une société de plus en plus motorisée, et nous n'y pouvons rien. Le taux d'équipement des ménages s'accroît en permanence. On compte au moins 25 millions de véhicules - parfois deux à trois par famille - et 86 % des Français déclarent ne plus pouvoir se passer de leur véhicule.
Le trafic augmente sous l'effet de nombreux phénomènes, tels les déplacements entre le domicile et le lieu de travail - 63 % des Français utilisent leur véhicule pour se rendre à leur travail - et l'accroissement des déplacements de loisirs, qui sont de plus en plus fractionnés, donc de plus en plus fréquents. Et la loi sur les 35 heures ne fera qu'accroître ce phénomène !
En outre, les modes de production et de commercialisation de nos entreprises se transforment. Les entreprises travaillent de plus en plus à flux tendus, en limitant leurs stocks. La circulation des produits accroît d'autant letrafic.
N'oublions pas que la France - vous devez le savoir, monsieur le ministre ! - est la plaque tournante routière et autoroutière de l'Europe.
Le trafic entre le Benelux et la presqu'île ibérique, par exemple, s'est accru de 87 % en cinq ans. De 1989 à 1995, le nombre des véhicules qui transitent par la France a augmenté, en moyenne, de 60 % et l'ouverture de l'Europe ne fera qu'accroître ce phénomène !
De 1972 à 1980, pendant la crise pétrolière, le trafic a augmenté de 26 %. De 1980 à 1996, il s'est accru de 44 % et, actuellement, il progresse de 1 à 3 % par an. Bref, on constate une augmentation constante du trafic !
Le deuxième constat concerne l'amélioration de la sécurité sur nos routes.
En 1972, époque à laquelle j'étais conseiller auprès de l'un de vos prédécesseurs, M. Olivier Guichard, on comptait seize mille morts par an. On en dénombre aujourd'hui huit mille, soit deux fois moins. Mais c'est encore trop, chacun le reconnaît.
Cette amélioration de la sécurité routière n'est pas le fruit du hasard. Elle est due, je le répète, à la politique cohérente, coordonnée qui a été conduite en la matière sur le long terme.
Tout d'abord, des lois de plus en plus complexes et sévères ont été élaborées. N'oublions pas que nous avons instauré le port de la ceinture de sécurité obligatoire, la limitation de vitesse et le permis à points. Toutes ces mesures se sont ajoutées au fil des années.
Ensuite, la sécurité des véhicules s'est améliorée. Le progrès technique est considérable en matière de tenue de route, de freinage, de conception même des véhicules. Le contrôle technique est maintenant obligatoire.
Enfin, les infrastructures routières sont meilleures. Nous avons tous vu se multiplier dans nos campagnes les sens giratoires, qui sont des éléments de sécurité. Dans mon département - mais vous pouvez dresser le même constat dans les vôtres, mes chers collègues - un sens giratoire remplaçant une intersection, parfois frontale, a pu améliorer la sécurité jusqu'à un coefficient de seize.
Nous avons assisté également à des déviations d'agglomération. Il est vrai que c'est en agglomération que se produit une grande partie des accidents.
La décentralisation qui est intervenue dans le milieu des années soixante-dix - soixante-dix mille kilomètres de routes nationales ont alors été transférées aux départements - a permis aux départements de procéder à des investissements massifs.
J'ai entendu un orateur soutenir que nos routes départementales étaient peut-être trop bonnes. Je ne le crois pas, tant il est vrai que les infrastructures routières de qualité sont des éléments de sécurité.
Les régions interviennent également de façon importante dans les contrats de plan Etat-région, ainsi que dans les liaisons interdépartementales.
Enfin, la France a mis au point, de façon peut-être tardive mais avec beaucoup d'efficacité, un système autoroutier qui nous place encore au neuvième rang en Europe. C'est un système récent, géré de manière efficace par des concessionnaires. N'oublions pas que, lorsqu'il a été lancé, dans le milieu des années soixante-dix, ce sont jusqu'à 500 kilomètres d'autoroutes qui ont été mis en oeuvre. Cette année, on devrait compter 300 kilomètres d'autoroutes supplémentaires, mais je crains que l'avenir ne soit pas aussi rose.
Quoi qu'il en soit, cette politique autoroutière a été le fruit d'actions engagées sous la présidence de Georges Pompidou, développées sous celle de M. Giscard d'Estaing, puis accentuées sous le gouvernement de M. Jacques Chirac. Mais c'est surtout la réforme d'Edouard Balladur qui, dans les années 1993-1994, a accéléré le processus, avec le regroupement des sociétés d'autoroutes et la conduite d'une nouvelle politique de péage permettant une meilleure péréquation entre les sections rentables et les sections non rentables.
Bref, si l'on constate que le trafic a été multiplié par deux et que, dans le même temps, le nombre de morts a été divisé par deux, on peut en déduire logiquement que le coefficient de sécurité sur nos routes a été multiplié par quatre.
J'en arrive au troisième constat. Malgré tous ces progrès, les insuffisances sont flagrantes et ce projet de loi vient apporter sa pierre à l'édifice.
Certes le nombre de morts sur nos routes est toujours trop important et le comportement des automobilistes est souvent en cause. Mais des questions peuvent se poser. La loi est-elle toujours appliquée ? Est-il nécessaire d'élaborer de nouvelles lois si l'on n'applique pas de façon efficace celles qui sont en vigueur ? En zone urbaine, notamment, ne constate-t-on pas en permanence des feux rouges grillés, des stops non respectés, des stationnements irréguliers ?
Par ailleurs, comment appliquer la loi si des véhicules à moteur ne peuvent pas être repérés parce qu'ils ne sont pas immatriculés ? Ne conviendrait-il pas d'envisager une immatriculation systématique de tous les véhicules à moteur ?
L'autre problème concerne les jeunes. Tous les orateurs l'ont souligné : 25 % des morts sont des jeunes, alors que ceux-ci ne représentent que 14 % de la population. Les morts du samedi soir sont une tragédie permanente dans notre société.
Les deux-roues constituent également un danger certain. Un orateur précédent a cité les chiffres : plus de 800 motards et 300 cyclistes décédés par an. C'est beaucoup trop !
A cet égard, une question se pose, monsieur le ministre. Le permis de conduire « voiture » actuel n'est pas adapté à tous les types de véhicules. Or il permet au jeune qui l'a obtenu de conduire une motocyclette de 125 centimètres cubes de cylindrée. Est-ce raisonnable ?
En tout cas, le projet de loi apporte des réponses à au moins deux problèmes : il prévoit le dépistage des drogues, après celui de l'alcool - je crois que c'était nécessaire - et il vise à remédier aux insuffisances de la formation.
Peut-être pouvons-nous également, à l'instar d'un orateur précédent, nous interroger sur les problèmes de l'harmonisation des dispositifs de sécurité en Europe.
Comme l'a dit M. le rapporteur, ce projet de loi apporte des améliorations au dispositif actuel. Mais, monsieur le ministre, vous pensez bien que je ne vais pas m'en tenir à ce constat de satisfaction. Je crois, en effet, que votre politique est néanmoins critiquable. Ainsi, il aurait fallu, au moins sur un point, conduire une politique cohérente d'infrastructure routière et autoroutière. Or tel n'a pas été le cas.
Je voudrais insister sur le problème autoroutier car l'autoroute est la voie routière de l'avenir, c'est la voie à grand trafic, c'est la voie de grande sécurité et c'est également la voie de l'aménagement du territoire.
D'abord, une autoroute est cinq fois plus sûre qu'une route nationale. Sur nos autoroutes, il y a 429 morts sur les quelque 8 000 qui sont dénombrés sur l'ensemble du réseau. Cela signifie que ce réseau autoroutier, qui draine plus de 20 % du trafic, engendre à peine plus de 5 % des morts.
Ensuite, l'autoroute incite moins au dépassement de la vitesse. Comme l'a précisé M. le rapporteur - vous avez sûrement retenu les chiffres qu'il a cités, monsieur le ministre - un conducteur sur trois dépasse la vitesse autorisée sur autoroute, contre un sur deux sur les voies nationales ou en agglomération et trois sur cinq sur les routes départementales. Cela signifie que l'autoroute, par sa conception, génère un comportement plus sécuritaire.
Enfin, l'autoroute permet de canaliser le trafic poids lourds, qui est particulièrement dangereux sur nos routes nationales et dans la traversée de nos petites agglomérations.
L'autoroute est donc un facteur de sécurité. Or, vous avez, monsieur le ministre, une politique autoroutière critiquable sous l'angle de son développement économique, je vous l'ai déjà dit, mais, surtout, au regard de la sécurité routière.
Je souhaite vous donner lecture de la liste de toutes les sections d'autoroute qui ont été remises en cause ou gelées depuis que le Gouvernement auquel vous appartenez a pris ses fonctions. Cela représente près de 1 500 kilomètres.
Il s'agit, d'abord, d'autoroutes retirées des conventions avec les sociétés d'autoroutes : l'autoroute A 28 entre Alençon et Rouen, 120 kilomètres ; l'autoroute A 51 entre le col du Fau et la Saulce, 70 kilomètres ;...
M. Louis Moinard. Eh oui !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 749 contournant Valence par l'Est, 30 kilomètres ; l'autoroute A 86 entre Versailles et Rueil-Malmaison, 12 kilomètres ; l'autoroute A 89 entre Lyon et Balbigny, 60 kilomètres.
Il s'agit, ensuite, d'autres autoroutes menacées ou différées, par divers procédés, mais la menace existe.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La A 86 !
M. Jacques Oudin. Je citerai tout d'abord celles qui étaient inscrites au schéma directeur : l'autoroute A 103 entre Noisy-le-Grand et Rosny-sous-Bois, 20 kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas. Heureusement ! C'est une décision intelligente !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 150 entre Barentin et Yvetot, 15 kilomètres ; l'autoroute A 16 entre l'Isle-Adam et La Courneuve, 25 kilomètres ;...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous n'en voulez pas !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 19 entre Artenay et Courtenay, 100 kilomètres ; l'autoroute A 24 entre Amiens et Lille, 100 kilomètres ; l'autoroute A 26 entre Auxerre et Troyes, 60 kilomètres ; l'autoroute A 31 bis entre Nancy et Metz, 50 kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas. Ce sont les élus du RPR qui n'en veulent pas !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon, 40 kilomètres ; l'autoroute A 45 entre Lyon et Saint-Etienne, 50 kilomètres ; l'autoroute A 48 entre Ambérieu et Bourgoin, 50 kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas. Il veut des autoroutes en milieu urbain !
Mme Joëlle Dusseau. C'est clair : les autoroutes dans les villes sont bonnes pour la sécurité ! M. Jacques Oudin. Ces citations vous gêneraient-elles ?
Mme Joëlle Dusseau. Nullement ! Vous êtes hors sujet !
M. Jacques Oudin. Compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, madame Dusseau, un kilomètre d'autoroute en moins, c'est souvent un mort en plus ! Il faut le dire !
Mme Joëlle Dusseau. Dans ce cas, faites des autoroutes sur toutes les départementales !
M. Jacques Oudin. Comme il n'y a jamais eu de débat sur le secteur autoroutier dans cet hémicycle, je poursuis mon énumération : l'autoroute A 510 entre Cadarache et Saint-Maximin, 30 kilomètres ; l'autoroute A 58 - doublement de l'A 8 - 100 kilomètres ; l'autoroute A 585 entre Digne et l'A 51, 25 kilomètres ; l'autoroute A 63 - doublement de la RN 10, la route la plus meurtrière de France - 90 kilomètres ; l'autoroute A 640 entre Pau et Oloron, 30 kilomètres ; l'autoroute A 88 entre Falaise et Sées, 50 kilomètres.
Viennent ensuite les autoroutes envisagées, dont les études avaient commencé et pour lesquelles la concertation avait débuté : l'A 65 entre Bordeaux et Pau, 150 kilomètres ; l'autoroute A 831 entre Fontenay-le-Comte et Rochefort, 60 kilomètres.
Mme Joëlle Dusseau. Je ne savais pas que M. le ministre avait une telle responsabilité !
M. Jacques Oudin. ... l'autoroute entre Poitiers et Limoges, 100 kilomètres ; l'autoroute entre Langres et Montbéliard, 140 kilomètres ; enfin, l'autoroute entre Tarbes et Lourdes, 20 kilomètres.
Mme Joëlle Dusseau. C'est fini ? Vous avez dû en oublier, monsieur Oudin !
M. Jacques Oudin. Je le répète : cela représente quelque 1 500 kilomètres.
Aussi, les regrets que vous avez exprimés s'agissant du nombre de tués doivent être encore plus grands compte tenu de l'énumération à laquelle je viens de procéder, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas raisonnable !
Mme Joëlle Dusseau. C'est n'importe quoi !
M. Jacques Oudin. Ce bilan est catastrophique, monsieur le ministre. Il risque de s'alourdir si vous persistez dans vos décisions.
Mme Joëlle Dusseau. Cela ne relève pas le niveau du débat !
M. Jacques Oudin. En outre, aucun orateur ne l'a encore dit jusqu'à présent, vous avez réduit les crédits de la sécurité routière dans votre budget pour cette année. Vous n'êtes pas en mesure d'honorer les engagements de l'Etat au titre des contrats Etat-région ; ces engagements seront différés d'un an.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas possible !
M. Jacques Oudin. Comme je l'ai dit, tout ce qui ira à l'encontre du développement du secteur autoroutier aura un effet négatif sur la sécurité routière, donc sur le nombre de victimes de la route.
Mme Joëlle Dusseau. Quelle honte !
M. Jacques Oudin. Au regard de l'histoire, votre responsabilité sera lourde, monsieur le ministre. Vous serez, je crois, jugé à la fois responsable et coupable.
Mme Joëlle Dusseau. Oh là là ! Tout de même !
M. Jacques Oudin. Compte tenu des enjeux, ce projet de loi est certes utile, comme l'a dit M. le rapporteur, mais votre politique routière et autoroutière aura, au regard de la sécurité routière, des effets autrement négatifs. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de la loi du 30 mai 1851 sur la police du roulage et des messageries publiques jusqu'au code de la route actuellement en vigueur, la réglementation a certainement perdu en efficacité. On est passé de 35 articles à sept volumes. Notre code de la route compte aujourd'hui 42 articles de loi et plus de 300 articles issus de décrets en Conseil d'Etat. En outre, ces dispositions doivent, pour la plupart, être rapprochées de celles qui sont contenues dans le code pénal, le code de procédure pénale, le code civil et le code des assurances. Autrement dit, il est quasiment impossible de s'y retrouver dans ce maquis législatif et réglementaire de plus de 900 pages. Nous attendons, avec une impatience non dissimulée, la publication des travaux de la commission supérieure de codification, qui doit mettre un peu d'ordre dans des textes très complexes.
Par ailleurs, on constate, depuis quelques années, une répression croissante des infractions au code de la route. Ainsi, la loi du 20 juillet 1989 a institué le permis à point et la loi du 16 décembre 1992 a augmenté le taux des amendes. Dans le nouveau code pénal a été introduite une nouvelle catégorie de délit : la mise en danger de la personne d'autrui.
Aujourd'hui, vous souhaitez, monsieur le ministre, durcir le dispositif répressif en instaurant le délit de grande vitesse et une responsabilité pécuniaire étendue au titulaire de la carte grise pour toute infraction aux règles sur la vitesse ou à la signalisation qui impose l'arrêt du véhicule.
A la sévérité des lois et règlements s'ajoute la sévérité de la jurisprudence de la Cour de cassation. Je rappellerai que les tribunaux correctionnels se montrent parfois plus nuancés et manifestent souvent des résistances à l'égard des positions qui sont adoptées par la juridiction suprême.
Tout cela entretient dans l'opinion un sentiment de malaise. Le commentateur de l'édition Litec du code de la route écrit à cet égard que « la justice n'est pas toujours au rendez-vous, en particulier en matière d'amendes forfaitaires ou pénales, dont le montant est parfois disproportionné avec l'infraction commise ».
L'action conjuguée des services de l'Etat, des collectivités locales et des associations d'usagers a mis vingt ans pour améliorer les statistiques en matière d'accidents, pour que le nombre annuel de tués passe de 16 000 à 8 000. Monsieur le ministre, vous souhaitez diviser ce chiffre par deux. C'est un objectif louable. Cependant, un tel objectif ne se décrète pas. Surtout, il ne résultera pas de mesures de répression dont l'impact réel reste à prouver. La sécurité passe par la répression, certes, mais aussi par la prévention, l'éducation, la formation et l'amélioration des infrastructures ; je reviendrai sur ce point. Il est certain que 8 000 morts sur nos routes, ce seront toujours 8 000 morts de trop.
Faire une lecture comptable des statistiques de mortalité routière pour justifier de mesures uniquement répressives me semble véritablement incomplet. A ce point de mon intervention, je voudrais, à mon tour, rendre hommage aux familles des victimes et à tous ceux qui militent pour combattre ce fléau de notre société mécanisée.
Monsieur le ministre, en concentrant l'essentiel de votre dispositif sur l'excès de vitesse, vous occultez une analyse plus précise des causes d'accidents et vous négligez de développer les actions de formation, les initiatives de prévention des forces de l'ordre et l'amélioration des infrastructures.
La sécurité de nos concitoyens est un ensemble dans lequel on trouve, bien sûr, des mesures répressives, mais également des mesures concernant les infrastructures routières et autoroutières, ainsi que des mesures de prévention et de formation.
Vous avez choisi la facilité budgétaire. En effet, modifier le code de la route, cela coûte moins cher que de supprimer un passage à niveau, refaire le bas-côté d'une route nationale, renforcer la sécurité d'un carrefour, éclairer les autoroutes et les voies rapides urbaines. A ce sujet, j'attire votre attention sur la non-application de la circulaire de 1974 aux termes de laquelle toute autoroute ou voie rapide urbaine dont le trafic est supérieur à 50 000 véhicules par jour doit être systématiquement éclairée. Qu'en est-il d'une rumeur persistante, reprise par un grand quotidien du soir, concernant votre volonté de modifier cette circulaire afin que ses conditions d'application soient moins draconiennes ?
A ce jour, 1 200 kilomètres de bitume seraient toujours plongés dans le noir, contrairement à ce qui était prévu. Pis encore, sur certaines sections autoroutières déjà équipées les lampadaires ont été éteints. Pourquoi constate-t-on ces carences ? Peut-être tout simplement pour des raisons qui sont purement financières.
Monsieur le ministre, cette nouvelle philosophie est-elle acceptable du point de vue de la sécurité routière ? Les élus de notre pays ne tarderont pas à s'insurger contre les carences et la défaillance de l'Etat et contre les retards accumulés en matière de travaux d'amélioration des infrastructures routières, plus particulièrement sur le réseau des routes nationales qui relève directement de votre responsabilité. S'agissant de la sécurité dans ce domaine, on glisse malheureusement d'un contrat de plan à l'autre, à tel point que, dans certains secteurs, nous sommes passés de la génération des projets à la génération des études - quand celles-ci ne sont pas seulement paysagères - qui ne débouchent souvent sur rien et sont très coûteuses. J'attire solennellement votre attention, en tant que parlementaire et comme élu local, sur la nécessité de redonner aux directions départementales de l'équipement les moyens financiers indispensables à la modernisation de nos routes nationales.
Il est indéniable que l'amélioration des infrastructures, leur éclairage et l'aménagement des routes contribuent réellement à la sécurité routière. Les Français le savent et attendent des mesures fortes dans ce domaine. Le délit d'excès de vitesse et la responsabilité pécuniaire du propriétaire d'un véhicule paraissent insuffisants.
En effet, la première mesure fait davantage figure d'un effet d'annonce. Le dispositif en vigueur me semble suffisamment répressif, surtout depuis que vous avez pris le décret du 24 mars 1998 faisant de l'excès de vitesse à partir de 50 kilomètres à l'heure au-delà de la vitesse autorisée une contravention de cinquième classe, et donc passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 francs. Cette disposition me paraît suffisante, même si la méthode est critiquable. En outre, rien n'indique que votre dispositif donnera les résultats attendus ; il convient, en effet, de ne pas assimiler excès de vitesse, c'est-à-dire dépassement des maxima autorisés, et vitesse excessive, c'est-à-dire inadaptation à l'environnement. Gardons-nous de l'amalgame entre rouler à 80 kilomètres à l'heure sur une route sinueuse où la vitesse est limitée à 90 kilomètres à l'heure et rouler à 180 kilomètres à l'heure sur une autoroute presque déserte où la vitesse est limitée à 130 kilomètres à l'heure.
Parmi les accidents mortels sur autoroute, 13 % sont imputables à des excès de vitesse, 22 % à des vitesses excessives - sans dépassement du maximum autorisé - et 28 % sont dues à l'inattention, à la fatigue ou à l'assoupissement.
La seconde mesure - je ne vois pas vraiment quel rapport elle a avec la sécurité routière - constitue, selon moi, une atteinte au droit du propriétaire du véhicule. Elle méconnaît la présomption d'innoncence, pourtant garantie d'une façon générale par notre droit. En outre, elle incite à la délation, au mépris du droit. Amende ou délation, il faudra choisir.
Par ailleurs, que dire des hypothèses de prêt de volant lorsque la verbalisation arrive plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, après les faits ? De même, qu'en est-il d'une erreur éventuelle d'identification d'un véhicule par les forces de l'ordre ? Avec votre dispositif, la tenue d'un carnet de bord d'utilisation de tout véhicule s'imposera à terme. Vous allez donner, monsieur le ministre, à la voiture les attributs d'un objet très personnel, c'est-à-dire d'un objet qui ne se prête pas !
Mon collègue M. Jean-Pierre Cantegrit et moi-même présenterons tout à l'heure deux amendements visant à empêcher de telles dispositions.
Cela étant dit, certaines mesures de votre projet de loi vont largement dans le bon sens. Ainsi, les dispositions relatives à la formation des conducteurs novices auteurs d'infractions graves ou celles qui concernent l'enseignement de la conduite et de la sécurité contribuent à l'objectif que vous vous êtes fixé.
De même, j'approuve votre volonté d'instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs qui sont impliqués dans un accident mortel. Cependant, il faudrait aller plus loin sur ce point. Mon collègue M. Edouard Le Jeune a d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à réprimer la conduite automobile sous l'empire de produits stupéfiants. Pourquoi ne pas procéder à des contrôles de routine, au moyen d'un détecteur spécial, du type de ceux dont les forces de l'ordre sont dotés pour l'alcoolémie ?
Quoi qu'il en soit, le présent projet de loi ne contient pas les mesures qui sont susceptibles d'améliorer sensiblement la sécurité routière. En axant l'essentiel de votre dispositif sur la répression, vous négligez l'urgence de l'amélioration des infrastructures et le renforcement de la prévention et de la formation.
Cependant, si vous vous engagiez sur la globalité des mesures et si vous teniez le plus grand compte de nos deux amendements, nous pourrions voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous, un jour ou l'autre, confrontés à l'insécurité routière et à ses ravages, même si nous constatons depuis quelques années, grâce aux dispositions qui ont été prises, notamment l'abaissement du taux d'alcoolémie, le port de la ceinture de sécurité, le permis à points, les limitations de vitesse, une nette diminution des accidents mortels. En effet, comme d'autres orateurs l'ont souligné, le nombre de tués a été réduit de moitié depuis 1973 alors que l'indice de la circulation doublait dans le même temps. Il n'en reste pas moins affligeant et inacceptable que, avec 8 000 tués, auxquels nous nous devons d'ajouter les 35 000 blessés graves dont nombre restent handicapés à vie, notre pays figure en ce domaine parmi les derniers, après la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et même l'Autriche, qui, je crois a devancé la France en 1996.
Nous ne pouvons donc qu'adhérer à l'objectif que vous vous proposez d'atteindre, monsieur le ministre, celui de réduire par deux en cinq ans le nombre de tués, objectif sans doute ambitieux mais que, très sincèrement, nous espérons voir se réaliser.
Je ne reprendrai pas toutes les dispositions du projet de loi soumis à la Haute Assemblée et les mesures préconisées par le comité interministériel de sécurité routière, mais je soulignerai quelques points particuliers.
J'aborderai tout d'abord la question de la formation des usagers de la route.
Pour les jeunes sous obligation scolaire, l'apprentissage et la formation sur ce sujet relèvent de l'éducation nationale, en vertu de la loi du 26 juillet 1957 et du décret d'application du 12 février 1993 concernant les écoles primaires et les collèges, et la place du système éducatif dans la formation des usagers de la route et du conducteur est celle d'un passage nécessaire : il a une part prépondérante dans la formation.
Mais le vrai problème se trouve dans une prise de conscience collective des dangers que nous courons en tant qu'usagers de la route. La première sensibilisation, à mon sens, doit intervenir le plus tôt possible, à l'âge où l'on est le plus réceptif, c'est-à-dire bien avant l'âge du permis de conduire, étant entendu que les jeunes constituent la catégorie la plus exposée aux dangers de la route.
Si la conduite est un acte social, elle est aussi affaire de comportement, et ce dernier doit être déterminé très tôt. Cette éducation routière, qui se fait dans le cadre de l'école au même titre que l'instruction civique, doit être particulièrement suivie et dispensée en étroite collaboration avec les familles, l'acquisition des réflexes ne s'arrêtant pas devant la porte de la maison ou de l'école. C'est donc un projet collectif que nous devons mettre en place.
J'en viens aux délits de vitesse excessive.
Sachant que la vitesse est aujourd'hui le premier facteur de mortalité routière en France - elle est en effet en cause dans 48 % des accidents - et que le simple respect des limitations de vitesse permettrait de sauver, chaque année, 3 300 vies, comment ne pas justifier la disposition du projet de loi prévoyant un délit en cas de récidive, dans un délai d'un an, de dépassement de la vitesse autorisée égal ou supérieur à cinquante kilomètres à l'heure, infraction passible d'une amende de 50 000 francs et d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à six mois ?
Mme Joëlle Dusseau. Très bien !
Mme Janine Bardou. Je regrette cependant qu'aucune modulation ne soit prévue dans ce type d'infraction dans la mesure où un dépassement de cinquante kilomètres à l'heure semble beaucoup plus grave en ville que sur autoroute, même s'il faut bien admettre que l'instauration d'une règle générale pour tous les réseaux est plus simple à appliquer et à contrôler. Mais un tel dépassement en ville, comme dans la traversée d'agglomérations, est non plus délictuel, mais véritablement criminel !
Mme Joëlle Dusseau. Très bien !
Mme Janine Bardou. Cette mesure est sans doute symbolique, peu de conducteurs étant concernés par cette disposition : en ville, c'est seulement 0,1 % des conducteurs qui dépasse de plus de 50 kilomètres à l'heure la vitesse limite, tandis que le pourcentage est de moins de 1,1 % sur les routes et de moins de 0,8 % sur les autoroutes.
Toutefois, la gravité de cette sanction fera, nous l'espérons, réellement prendre conscience du danger mortel que représente l'excès de vitesse.
Mme Joëlle Dusseau. Très bien !
Mme Janine Bardou. Je traiterai maintenant des infrastructures routières.
Si la sécurité routière dépend en grande partie du comportement des usagers de la route, elle dépend aussi du niveau de qualité des réseaux routiers.
Il n'est, pour s'en convaincre, que de rappeler le lien existant entre la qualité du réseau et le nombre d'accidents, les autoroutes restant le moyen le plus sûr puisque leur part dans le total des accidents corporels est de 5,3 %, contre 28,5 % pour les routes nationales et 51,2 % pour les routes départementales ; le plus grand nombre d'accidents a lieu en rase campagne, et les autoroutes, qui supportent 18 % de la circulation, ne comptent que 4,5 % des accidents et des victimes.
Cela nous donne à réfléchir sur la nécessité de maintenir un haut niveau de qualité de nos infrastructures, et notamment de ne pas freiner la construction d'autoroutes, lesquelles assurent tout de même la survie de nombreux usagers de la route.
La sécurité routière dépend aussi de l'état du réseau routier lui-même.
M. Jacques Oudin. Très vrai ! Mme Janine Bardou. Il y a dans ce réseau des « points noirs » identifiés par des analyses techniques ou par des statistiques d'accidents. Ils sont connus, et nous en avons tous dans nos communes et dans nos départements. Lorsqu'un accident mortel se produit en un tel endroit, il fait la « Une » des journaux. On parle alors de solutions ; mais le plus souvent, les choses demeurent ensuite en l'état pour des raisons financières, techniques ou réglementaires. Les morts s'ajoutant aux morts, l'opinion, à juste titre, s'en émeut, car rien ne bouge. Pourtant, dans la majorité des cas, il existe des solutions simples, telles que la mise en place d'un miroir de sécurité ou tout autre dispositif ne nécessitant pas de gros investissements ; souvent, une simple adaptation de la réglementation suffirait, mais c'est fréquemment le plus difficile à obtenir, monsieur le ministre !
Si, comme vous l'avez dit, il faut réduire progressivement puis supprimer totalement les passages à niveaux dangereux, il faut aussi se préoccuper de faire disparaître les « points noirs ».
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais vous soumettre deux réflexions rapides.
La première concerne la promotion du vélo en milieu urbain, idée qui me paraît séduisante. Cependant, le fait d'ouvrir aux vélos les zones piétonnières et d'autoriser les enfants de moins de huit ans, dont nous connaissons tous la vitalité, à circuler sur les trottoirs ne paraît pas sans danger pour les piétons. En effet, le vélo peut aussi être un facteur de risques. Il serait dommage d'être obligé de créer dans l'avenir des pistes pour piétons ! Il faudrait donc, à mon avis, mener une réflexion plus approfondie en ce domaine et mettre en place une nouvelle organisation.
Ma seconde réflexion porte sur l'instauration d'un audit de sécurité pour les projets routiers. Je croyais sincèrement, monsieur le ministre, que cela faisait déjà partie des éléments prioritaires de l'étude de tout projet d'infrastructure routière, et cela me semblait aller de soi. Mais peut-être souhaitiez-vous simplement le rappeler dans le projet de loi.
Si ce projet de loi traduit une volonté réelle de voir réduire le nombre de morts sur nos routes, l'insécurité routière reste encore un véritable fléau de notre société devant lequel nous nous sentons tous profondément désarmés.
Le problème de fond en effet demeure : il faut responsabiliser les conducteurs et, à cet égard, la meilleure voie possible reste encore, me semble-t-il, la prévention, à condition d'en avoir la volonté et d'y affecter des moyens suffisants. Je souhaite que notre discussion engage en ce domaine la réflexion nécessaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'accueille ce projet de loi. Il est en effet inacceptable de voir figurer la France dans les derniers rangs européens en matière de sécurité routière. Si nos alliés européens ont réussi à réduire considérablement cette cause de mortalité, nous pouvons, nous devons y parvenir également.
L'objectif de diminution de moitié du nombre de personnes tuées, que le Gouvernement s'est fixé en rouvrant le débat sur cette question, doit être atteint et même dépassé.
Cela devrait être relativement facile puisque, s'il existe un fléau dont on connaît les causes, c'est bien les accidents de la route. Il convient donc - c'est une évidence ! - de s'attaquer à ces causes.
Au risque de paraître sévère, je regrette que les dispositions du projet de loi, dont je salue pourtant le caractère efficace, ne soient pas plus nombreuses et plus fermes.
Je sais pertinemment que, parmi nos concitoyens, des voix s'élèveront à l'encontre de certaines des dispositions de ce texte. Je voudrais rétorquer par avance qu'il n'existe pas de façon plus stupide de perdre la vie que de mourir au volant, comme passager d'un véhicule ou comme piéton.
C'est pourquoi toutes les mesures dont l'effet est de réduire le nombre des accidents de la circulation doivent être adoptées.
Monsieur le ministre, je souhaite apporter une modeste contribution à ce débat en abordant non seulement certains des thèmes du projet de loi auxquels j'ai été sensible, mais également d'autres sujets qui, à mon sens, devraient aussi faire l'objet de dispositions particulières.
Le premier concerne la sécurité du transport des enfants. En 1995, j'avais présenté une proposition de loi sur ce thème, lequel appartient, hélas ! au domaine réglementaire, ce qui a empêché la poursuite de l'examen de ce texte. L'objet de ce dernier était essentiellement d'attirer l'attention sur un facteur d'accident qui peut être éradiqué aisément.
Chaque année, on déplore un nombre important d'accidents dont sont victimes les enfants à la montée ou à la descente d'un véhicule de transport en commun, notamment de transport scolaire. En effet, ces véhicules ne bénéficient pas d'une priorité particulière. Ils peuvent donc, lorsqu'ils sont à l'arrêt, être dépassés ou croisés par d'autres véhicules.
C'est ainsi que des enfants ont été renversés, en traversant la chaussée, par des véhicules qui doublaient ou croisaient leur autocar arrêté.
Reconnaissez, monsieur le ministre, qu'il existe une solution simple, que certains pays ont d'ailleurs adoptée : il s'agirait d'obliger les automobilistes à s'arrêter lorsqu'ils sont derrière un autocar ou qu'ils s'apprêtent à croiser un autocar à l'arrêt alors que des enfants en descendent ou y montent.
Le principe est exactement le même que lorsque des agents municipaux arrêtent la circulation urbaine pour laisser les enfants traverser. Aucun motif ne saurait justifier une différence de traitement hors des villes, surtout lorsque des solutions existent.
Le Sénat n'a pas le pouvoir de préciser les conditions dans lesquelles une telle mesure pourrait être appliquée. En revanche, j'ai tenu à déposer un amendement afin que le principe soit inscrit dans le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
En second lieu, il me paraît prioritaire de placer également la vitesse au coeur du débat.
Je crois qu'il s'agit ici non pas de déterminer si les limitations actuelles sont adaptées ou non, mais plutôt de faire en sorte qu'elles soient, dans un premier temps, respectées.
Monsieur le ministre, je relève avec stupéfaction que, selon les statistiques communiquées par la sécurité routière, la vitesse moyenne des automobilistes est, dans de nombreux cas, supérieure à la vitesse maximale autorisée.
Pour 1996, les chiffres sont édifiants : 64 kilomètres à l'heure de moyenne en agglomération, soit bien plus que la vitesse maximale autorisée ; 111 kilomètres à l'heure sur les voies limitées à 110 kilomètres à l'heure et 93 kilomètres à l'heure sur les routes départementales limitées à 90 kilomètres à l'heure. Sachant qu'il s'agit de moyennes, on imagine aisément l'importance des dépassements qui ont pu être relevés !
Aussi, le Gouvernement doit prendre rapidement les mesures qui s'imposent pour que ces comportements ne se reproduisent plus. Ces mesures sont notamment comprises dans l'article 4 du projet de loi, mais elles doivent également être appliquées sur le terrain, ce qui impose un renforcement en moyens humains et matériels.
Enfin, j'ai été particulièrement satisfait de relever la naissance d'un consensus autour du problème lié à l'usage des stupéfiants.
Je reviendrai plus précisément sur cette question à l'occasion de l'examen de l'article 7, en abordant les difficultés invoquées qui empêchent qu'il soit procédé au dépistage des produits stupéfiants dans des conditions juridiques analogues à celles que l'on rencontre pour les contrôles d'alcoolémie.
D'ores et déjà, je vous indique, monsieur le ministre, que la solution préconisée, qui consiste à opérer une distinction entre les accidents mortels et les autres, ne me semble pas satisfaisante. Je sais que la commission a déjà ouvert ce débat lors de l'examen du rapport de notre excellent collègue M. Lanier. Je souhaiterais qu'il soit poursuivi tout à l'heure, notamment à l'occasion de l'examen des amendements que je vous soumettrai.
En conclusion, je me félicite de ce qu'un débat national se poursuive sur le thème de la sécurité routière. Je suis en effet convaincu que, grâce à notre réflexion, des progrès considérables pourront être accomplis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.) M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant la discussion des articles, je tiens à répondre aux différents orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
M. Hérisson a fait état d'un projet dont l'objectif serait essentiellement la répression. Je veux insister à nouveau devant vous - mais je suis sûr que vous le savez - et vous rappeler que c'est dans un dispositif plus vaste que s'inscrit le projet de loi : je veux parler des vingt-cinq mesures prises par le Gouvernement lors du comité interministériel sur la sécurité routière. L'essentiel de notre démarche consiste à s'attaquer vraiment au problème de la formation, de l'éducation et de la maîtrise des comportements. Ne voir dans ce projet de loi que le volet répressif de notre dispositif, c'est passer à côté de la réalité, permettez-moi de le dire avec force et d'insister sur ce point.
Je tiens à remercier la commission des lois du travail sérieux qu'elle a accompli, de la réflexion qu'elle a conduite et des propositions qu'elle a présentées. Je remercie également les différents orateurs, même si j'ai beaucoup à dire sur certaines interventions.
M. le rapporteur et les différents orateurs ont, dans l'ensemble, fait part de leur soutien à l'objectif de fond du Gouvernement. Cela me paraît très important.
Comment réduire de moitié le nombre de tués et de blessés sur nos routes ? Je ne doute pas que l'examen des articles de ce projet de loi nous permettra d'apporter les éclaircissements et les améliorations souhaitables pour y parvenir, c'est en tout cas mon voeu le plus cher.
Vous avez considéré, monsieur le rapporteur, que l'adjonction de quelques mesures dans une matière où les dispositions législatives et réglementaires se sont multipliées au cours de ces dernières années n'était sûrement pas suffisante pour améliorer de manière significative la sécurité dans notre pays. Je partage totalement cette approche, et je considère que nous devons sans cesse remettre sur le métier bien des questions ayant des incidences sur la sécurité routière. Il convient également de prendre en considération - nombre d'entre vous l'ont souligné à juste titre - la question des infrastructures, y compris dans certains aspects spécifiques : je pense à la sécurité des motards, à la question des passages à niveau, au problème des contrôles techniques.
En ce qui concerne l'éclairage de certaines autoroutes, je veux dire à M. Hérisson que la rumeur dont il a fait état est totalement infondée. Il le sait fort bien, d'ailleurs ! Si vous ne vous limitiez pas à la lecture d'un article de presse et si vous vous intéressiez également aux communiqués ministériels, monsieur Hérisson, vous constateriez que cette rumeur n'a absolument aucun fondement.
A ce propos, je tiens à souligner - et je m'adresse ici plus particulièrement à M. Oudin - que, lors de ma prise de fonctions, non seulement de nombreuses autoroutes et avenues n'étaient pas éclairées - et ce depuis des années - mais les moyens budgétaires étaient totalement insuffisants pour en assurer l'entretien, y compris pour la sécurité. Quant à la politique de suppression des passages à niveau, elle était notoirement insuffisante.
S'agissant de l'inventaire des autoroutes dont la construction serait remise en cause, permettez-moi, monsieur Oudin, de vous dire qu'il ressemble à une liste à la Prévert. Vous avez même cité des opérations qui n'ont jamais été inscrites au schéma directeur ! Dans ces conditions, vous pouvez en ajouter à loisir ! Vous avez par ailleurs cité des autoroutes- je pense en particulier à l'autoroute A 400 - dont la réalisation avait été contestée par le Conseil d'Etat, sous le gouvernement de M. Juppé, que vous souteniez. A ce sujet, j'ai d'ailleurs discuté avec M. Mazeaud pour apprécier la manière dont nous pourrions tenir compte du problème de l'enclavement. Mais le Conseil d'Etat a considéré qu'il n'était pas raisonnable d'envisager la réalisation de cette autoroute, parce que c'était un gaspillage d'argent public.
M. Jacques Oudin. Qui détermine la politique ? Le Conseil d'Etat ou le Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je parle de ce qui s'est passé sous le gouvernement de M. Juppé !
Vous avez ajouté à votre inventaire des autoroutes à construire, comme celle qui relierait Tarbes à Lourdes. J'ai examiné cette question de près. Eh bien, figurez-vous que j'ai constaté que avec moins d'argent public qu'il n'en aurait fallu pour construire une autoroute entre ces deux villes, il était possible de réaliser une route à deux fois deux voies qui remplirait les mêmes fonctions et qui serait de surcroît moins coûteuse pour les contribuables et apporterait autant de sécurité aux utilisateurs. Nous avons pris la décision d'avancer dans cette direction et de réaliser cette liaison à deux fois deux voies.
Quant à des autoroutes comme l'A58 ou l'A51, elles font l'objet de controverses considérables, y compris avec les élus des deux régions concernées. Il s'agit de répondre aux besoins de fluidité de la circulation sans mettre en cause la préservation de l'environnement dans la traversée de l'arc alpin.
M. Lefebvre a dit que le projet de loi était à la fois équilibré, dissuasif et pédagogique. Je crois que notre démarche est la bonne, dans la mesure où nous ne nous engageons non pas dans une voie polémique et politicienne, les questions de sécurité routière étant trop graves et trop sérieuses. Au demeurant, peut-être vais-je choquer la Haute Assemblée, dans laquelle siège une majorité d'hommes, si je dis que je considère que les deux femmes sénateurs qui sont intervenues dans la discussion générale l'ont fait de la manière la plus raisonnable et la plus responsable qui soit. Je pense que cela méritait d'être souligné, et je les en félicite.
Certes, le Gouvernement a sûrement sa part de responsabilité dans le domaine de la sécurité routière, et je revendique la mienne ; mais je vous demande, messieurs de la majorité sénatoriale, de prendre la vôtre en reconnaissant aussi celle des précédents gouvernements !
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur des aspects qui relèvent non pas du domaine législatif, mais du sens à donner à notre action. M. Oudin a ainsi souligné l'importance primordiale qu'il faut attacher à l'éducation des jeunes, qui sont aujourd'hui parmi les principales victimes des accidents de la route.
L'action que nous avons engagée est essentiellement pédagogique, orientée vers l'éducation et la formation à toutes les étapes de la vie : je rappelle que l'attestation scolaire de sécurité routière concerne, dès la classe de cinquième, 800 000 jeunes par an et, à partir de la classe de troisième, 750 000 jeunes. Bien sûr, ces mesures ne figurent pas dans le projet de loi, car elles ne sont pas de nature législative. Cependant, elles existent et il faut les intégrer dans notre réflexion. Elles concourent à améliorer notre système de formation.
Des retards importants ont été pris, il est vrai, ces dernières années dans la réalisation du programme autoroutier, essentiellement d'ailleurs en milieu urbain. J'entends « corriger le tir » et faire en sorte que nos autoroutes urbaines bénéficient des moyens nécessaires en termes d'investissement, d'entretien et d'exploitation et en matière d'aménagements de sécurité.
Pour ce qui est des autoroutes interurbaines, vous n'avez cité que les chiffres qui vous arrangeaient, Monsieur Oudin, mais il faut être objectif et constater avec moi que les dernières statistiques font état d'une aggravation du nombre des accidents plutôt que d'accuser le ministre d'avoir « du sang sur les mains », si j'ai bien entendu vos propos,...
M. Jacques Oudin. Je n'ai pas dit cela de cette façon. Mais ce n'est pas loin !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ce qui est quand même, reconnaissez-le, un peu excessif. Je pense que de telles affirmations ne correspondent pas au sérieux et au sens des responsabilités qui doivent prévaloir dans nos débats.
Les statistisques montrent en tout cas, pour l'année passée, une recrudescence des accidents sur les autoroutes.
En ce qui concerne la construction de nouvelles autoroutes, vous savez que le système de l'adossement n'a plus cours. S'agissant de l'A 28 et des autres autoroutes, un appel d'offres sera donc lancé tout à fait normalement, comme l'exige désormais la loi. Vous savez d'ailleurs ce qu'il est advenu quand certains ont pensé que l'on pouvait contourner la procédure légale. Je pense en particulier aux décisions prises au sujet de l'A 86 : les deux décrets pris par le précédent gouvernement ont été annulés par le Conseil d'Etat. Par conséquent, soyez, là aussi, raisonnables et responsables sans vous croire obligés de reprocher au gouvernement actuel des décisions qui relèvent malheureusement du précédent. Et je suis d'ailleurs le premier à regretter que nos prédécesseurs n'aient pas anticipé l'application des règles qui prévalent aujourd'hui, car cela aurait permis d'éviter le problème que j'évoque.
Par ailleurs, en arrivant au ministère, j'ai trouvé un système autoroutier endetté à hauteur de 120 milliards de francs.
M. Jacques Oudin Ce sont des emprunts normaux, destinés à financer des équipements !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui, mais vous savez ce que signifie une telle dette si l'on fait preuve de laxisme ! Là encore, il faut être raisonnable.
Mon budget est en baisse, avez-vous dit. Là encore, c'est une contrevérité !
M. Jacques Oudin. Les crédits inscrits au titre de la sécurité routière ont diminué !
M. Jean-Claude Gayssot ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non ! Ils sont en augmentation de 5 % en autorisations de programme et de 10 % en crédits de paiement, et le programme autoroutier s'élèvera, lui, à 18 milliards de francs.
M. Lanier ainsi que M. Mahéas ont souligné l'intérêt d'une harmonisation européenne. Celle-ci est tout à fait justifiée. Ce sont des questions qui, en effet, doivent être menées à ce niveau, et j'entends préparer, à l'issue de ce débat, une initiative française, en agissant d'abord sur l'harmonisation des taux d'alcoolémie.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais il s'agira alors d'une harmonisation par le bas ! En effet, nous sommes à 0,5 gramme par litre, tandis que les Anglais sont à 0,8 grammes par litre et d'autres à moins encore, et c'est dans ce sens-là qu'il faut aller.
Nous devrons agir ensuite sur l'harmonisation des vitesses et, enfin, sur un certain nombre d'aspects techniques que je ne développe pas. M. Mahéas a également insisté sur cette dimension et il a eu raison, car nous avons des retards à rattraper.
M. Cantegrit a appelé notre attention sur la gestion de la flotte des entreprises. Je ne partage pas son approche, mais je suis, comme lui, préoccupé par l'importance des accidents du travail, dont 55 % sont des accidents survenus sur le trajet, donc des accidents de la route.
Cela étant, je pense que tout ce qui est excessif est insignifiant. Non, la disposition proposée dans le projet de loi que nous examinons n'incite pas à la délation ! Je souhaite vraiment bannir d'emblée de notre débat l'idée que le présent projet de loi contiendrait une quelconque mesure incitant à la délation.
Nous mettons en place, je le répète, une contravention assortie d'une sanction pécuniaire qui, en tout état de cause, frappera le propriétaire du véhicule. Inutile, dès lors, de savoir qui était au volant ! D'ailleurs, la formule s'applique aujourd'hui en matière de stationnement, et qui peut prétendre qu'elle pousse à la délation ? Personne ! Si vous prêtez votre voiture à un copain et qu'il est « flashé », c'est vous qui paierez l'amende. Si votre copain est « sympa », il vous remboursera. Sinon, vous ne lui prêterez plus votre voiture ! (Sourires.)
Et les entreprises, me direz-vous ? Eh bien, les entreprises doivent, elles aussi, être responsabilisées ! Pourquoi, sous prétexte qu'une voiture appartiendrait à une entreprise, la laisserait-on conduire n'importe comment et par n'importe qui, sans respecter le code de la route ? Or de quoi s'agit-il ici ? D'excès de vitesse, de stops ou de feux rouges brûlés ! Ce sont bien les comportements graves dont vous avez dit les uns et les autres qu'ils étaient la cause des plus graves accidents !
La mesure que nous proposons est donc tout à fait raisonnable, elle responsabilise tout le monde. Personne ne pourra plus échapper, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, à ses responsabilités. En disant qu'il ne fallait pas laisser place aux injustices dans ce domaine, M. Lefebvre a eu tout à fait raison.
MM. Plasait et Hérisson ont souligné le retard de notre pays en matière d'infrastructures. Comme je l'ai dit, en particulier en agglomération et notamment pour ce qui est de la signalisation, j'attache la plus grande attention à la qualité des infrastructures, qu'elles soient nationales, départementales ou communales.
Sur le réseau national routier et autoroutier, j'ai procédé à quelques redéploiements de crédits et j'affirme clairement devant vous, qui avez souhaité que je m'engage sur ce point, monsieur Hérisson, que mon intention ainsi que celle du Gouvernement est de faire de la sécurité un critère majeur de décision publique en matière d'infrastructures.
Mme Dusseau a rappelé, avec le ton et la force justes, que l'opinion publique a aujourd'hui conscience de la nécessité d'une démarche collective pour faire reculer les grands excès de vitesse. Je partage son point de vue, notamment lorsqu'elle rappelle que les femmes peuvent jouer un rôle essentiel dans notre pays pour obtenir de tous une conduite apaisée. Il est important que tout le monde suive cette démarche.
Vous le savez - vous l'avez dit, les uns et les autres - les grands excès de vitesse concernent peut-être 2 % ou 3 % des automobilistes. Défendre les automobilistes, c'est aussi défendre les 97 % ou 98 % restants contre les risques qu'une minorité infime peut faire peser sur eux.
Certains me disent parfois comprendre les mesures que je propose lorsqu'il s'agit de la traversée des villes ou de la circulation sur les routes départementales et nationales ; mais suggèrent aussitôt de fermer les yeux pour les excès de vitesses commis sur les autoroutes. Au nom de quoi ? Mon propos est de sanctionner la récidive de grand excès de vitesse dans l'année, le grand excès de vitesse étant compris comme le dépassement de 50 kilomètres à l'heure des limites autorisées. C'est clair. Il importe que la proposition soit lisible pour tout le monde, qu'elle retienne l'attention des automobilistes. L'objectif, c'est non pas de faire de la répression, puisque n'est visée que la récidive, mais d'appeler les contrevenants à la réflexion, à la responsabilisation, ce que vous semblez tous et toutes souhaiter.
M. Bimbenet a évoqué le problème de la sécurité des transports scolaires. J'y suis particulièrement sensible. Même si la réponse n'est probablement pas de nature législative - il l'a dit lui-même - j'ouvrirai cependant un chantier de réflexion sur ce sujet avec les collectivités locales organisatrices des transports scolaires.
Mme Bardou suggère - je l'en remercie - de moduler la qualification de grand excès de vitesse entre les sections de route situées en agglomération et les autres. L'idée paraît séduisante, et je ne cache pas qu'elle a fait partie de notre rélexion. Mais, je le répète, si jamais le dispositif n'est pas suffisamment clair, suffisamment lisible, il perdra de son efficacité. Voilà pourquoi on a finalement choisi 50 kilomètres à l'heure au-dessus de toutes les vitesses limites autorisées, et voilà pourquoi il faut éviter de fractionner la mesure.
Je fais d'ailleurs observer qu'il n'est pas fait mention, dans mon dispositif, de la possibilité d'immobilisation des poids lourds lorsqu'ils dépassent de 20 kilomètres à l'heure la vitesse prévue, que le Sénat a récemment adoptée à l'unanimité. Cela concerne les transports routiers, et, là encore, j'ai voulu que la loi qui sera adoptée soit d'une totale lisibilité.
L'excès de vitesse est dangereux. Conduisons donc de manière apaisée. Et si quelqu'un se fait prendre deux fois dans l'année pour grand excès de vitesse, c'est que vraiment il ne fait pas preuve de responsabilité, et son acte peut, dès lors, être qualifié de délit parce qu'il est dangereux.
M. Lefebvre a proposé d'ouvrir une réflexion sur la fiscalité applicable aux éléments de sécurité, en évoquant notamment les casques de moto et les sièges d'enfants. C'est une proposition très intéressante qu'il vous appartiendra d'examiner à l'automne, lorsque vous aurez à revoir la question de la TVA, au moment de l'examen du prochain projet de loi de finances.
M. Mahéas a souligné la nécessité d'une bonne signalisation dans les agglomérations. Il a par ailleurs exprimé le souci que l'on ne piège pas les usagers. Je peux vous assurer que ce souci a été le mien au cours des discussions et des réflexions qui ont été menées dans le cadre de la préparation de ce texte.
Je me suis promis de le dire devant votre assemblée : l'objectif n'est pas de piéger, de mettre l'appareil à l'endroit où l'on suppose que le plus grand nombre d'automobilistes se trouvent en infraction.
La démarche du Gouvernement consiste à réduire de moitié le nombre de tués sur nos routes d'ici à cinq ans.
Je reviendrai d'ailleurs sur cet aspect des choses prochainement en m'adressant successivement à l'Association des maires de France et aux préfets. Je vous le confirme donc, l'objectif est non pas de piéger l'automobiliste, mais de réduire le nombre d'accidents.
M. Mahéas a également évoqué la protection des piétons. J'ai engagé la concertation nécessaire pour rechercher les moyens de diminuer tous les accidents qui peuvent se produire en patins à roulettes - en rollers ! - tant il est vrai qu'il faut améliorer la sécurité.
Voilà les quelques éléments de réponse que je voulais vous apporter à cet instant du débat. L'examen des articles me permettra de revenir de manière plus précise sur certains points.
Le débat est ouvert. J'ai d'ailleurs confié à Mme Isabelle Massin une mission sur la sécurité routière.
Je termine en évoquant un fait qui, à mon avis, me doit jamais être perdu de vue au cours de notre discussion : le Gouvernement a décidé de réunir le comité interministériel sur la sécurité routière, qui ne s'était plus réuni depuis 1994.
Au cours de ce comité, nous avons pris la très importante décision de nous réunir chaque année. Ainsi, en novembre prochain, nous nous réunirons pour voir où nous en sommes et pour travailler aux voies permettant d'aller plus loin.
Nous aurons donc l'occasion, chaque année, de vérifier les conséquences des décisions que nous avons prises, d'améliorer, d'aménager, d'informer, voire de rectifier ce qu'il sera nécessaire de rectifier. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière.
Nous passons à la discussion des articles.

Section 1

Disposition relative à la formation
des conducteurs novices auteurs d'infractions graves

M. le président. Par amendement n° 1, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet intitulé : « Disposition relative à la formation des conducteurs novices auteurs d'infractions ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement étant un amendement de coordination avec l'amendement n° 2 à l'article 1er, j'en demande la réserve jusqu'après l'examen dudit article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Le deuxième alinéa de l'article L. 11-6 du code de la route est complété ainsi qu'il suit :
« Lorsqu'il est titulaire du permis de conduire depuis moins de deux ans, l'auteur d'une infraction ayant donné lieu à une perte de points égale ou supérieure au tiers du nombre de points initial doit se soumettre à cette formation spécifique, sauf s'il l'a déjà suivie précédemment. »
Par amendement n° 2, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour compléter le deuxième alinéa de l'article L. 11-6 du code de la route :
« Lorsqu'il est titulaire du permis de conduire depuis moins de deux ans, l'auteur d'une ou plusieurs infractions ayant donné lieu à une perte de points au totale égale ou supérieure au tiers du nombre de points initial doit se soumettre à cette formation spécifique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission souhaite étendre l'obligation de la formation spécifique aux conducteurs novices ayant subi une perte de points au total égale à quatre à la suite d'une ou plusieurs infractions successives, et non pas seulement aux conducteurs auteurs d'une seule infraction ayant entraîné la perte de quatre points.
Pourquoi imposer une formation au seul conducteur novice qui perd quatre points pour une seule infraction, sans rien prévoir pour celui qui commettrait plusieurs infractions successives, ce qui est au moins aussi grave, entraînant chacune le retrait de deux ou trois points ?
Je rappelle d'ailleurs que, parmi les infractions punies d'un retrait de trois points, figurent notamment le franchissement d'une ligne continue, la circulation sur la partie gauche de la chaussée et le dépassement dangereux qui est une des causes principales d'accident. Ce ne sont pas là de petites infractions !
Selon la commission, il faut responsabiliser les conducteurs et tout particulièrement les plus jeunes. La mesure proposée dans l'article 1er va dans le bons sens, car il s'agit d'une formation et non pas d'une simple amende. Notre amendement tend donc à lui donner une plus grande cohérence.
Par ailleurs, je vois mal pourquoi celui qui a déjà suivi une formation serait dispensé d'en suivre une nouvelle s'il continue à avoir un comportement répréhensible qui le conduit à perdre des points. C'est pourquoi nous proposons de supprimer la mention : « sauf s'il l'a déjà suivie précédemment ». Nous pensons que cela lui fera le plus grand bien de suivre à nouveau, cette formation, car son comportement prouve qu'il a pas profité de sa première formation.
M. le président. Par amendement n° 42 rectifié, M. Mahéas et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - De compléter in fine l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - L'article L. 11-6 du code de la route est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Le titulaire d'un permis de conduire depuis moins de deux ans ne peut conduire un véhicule dont la puissance est supérieure à 75 kw/t et d'un poids inférieur à une tonne ».
B. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « I. »
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Il apparaît que la conjugaison « jeunes de moins de vingt-cinq-trente ans » et la conduite d'un véhicule dit à caractère sportif, c'est-à-dire de petite cylindrée dotée d'une capacité de grande vitesse, multiplie le risque d'accident corporel par 3,5.
L'interaction de l'inexpérimentation des jeunes conducteurs liée à une vitesse excessive entraîne souvent la perte de contrôle du véhicule, causant ainsi des accidents corporels graves, voire mortels. Ce sont les fameux « bals du samedi soir », hélas bien connus de l'hôpital de Garches en particulier.
Je suis convaincu que l'interdiction de conduire des véhicules à caractère sportif pour les titulaires d'un permis de conduire de moins de deux ans aurait un effet positif sur la réduction du nombre d'accidents de la route, sans compter un impact psychologique et symbolique non négligeable.
Je voudrais également attirer l'attention de M. le ministre sur les vélomoteurs et la vente quasi libre d'ailleurs de kits de débridage. Il est en effet bien évident que le débridage d'une motocyclette permet à celle-ci d'atteindre une vitesse de 80, voire de 100 kilomètres à l'heure, vitesses excessives bien évidemment.
Tel est l'objet de mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La démarche du Gouvernement consiste à privilégier la prévention et l'éducation, je ne me lasserai pas de le répéter.
Je comprends le souci de la commission qui veut rendre obligatoire la formation proposée par le Gouvernement non plus aux seuls conducteurs novices, auteurs d'une infraction grave, mais à tous les conducteurs novices auteurs d'infractions de première et de deuxième catégorie.
Si je suivais à la lettre l'idée exprimée dans l'amendement de la commission, cela signifierait que le défaut du port de la ceinture représentant une perte d'un point, cette infraction réitérée quatre fois entraînerait l'obligation de suivre ce stage.
Il est à craindre que l'extension proposée ne banalise la formation complémentaire en la faisant porter sur un nombre beaucoup plus grand de conducteurs novices, soit 40 000 d'après une évaluation au lieu de 15 000 par an. Cette formation risque fort d'avoir l'image d'une obligation pour tous sans discernement, en faisant peser, de plus une charge financière sur les jeunes.
Il apparaît au Gouvernement préférable d'établir une distinction comme cela a été prévu, à savoir que ce stage n'est obligatoire que pour les conducteurs auteurs d'une infraction grave. Cela permettra de mettre en oeuvre une pédagogie adaptée.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 2 ainsi que, par voie de conséquence, à l'amendement n° 1, qui porte sur l'intitulé de la section 1.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Monsieur le ministre, la commission insiste sur cet amendement n° 2. Il s'agit non pas de sanctionner, mais de former, et c'est tout l'objet de votre texte.
Un conducteur novice qui a perdu quatre points en une seule infraction doit effectivement suivre une nouvelle formation, car son comportement prouve qu'il n'a pas profité de sa formation initiale. Le conducteur novice qui commet successivement plusieurs infractions, peut-être moins graves, mais dont la récidive prouve son inadaptation à la conduite, doit également, selon vous, suivre une nouvelle formation.
Monsieur le ministre, si vous proposez cette formation, c'est précisément pour redonner aux jeunes conducteurs un sens de la conduite, une mentalité de vrai conducteur. Or, si vous écartez les uns en retenant les autres, j'avoue que je ne comprends plus très bien parce que, précisément, on est là au coeur de la prévention.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je comprends l'insistance de M. le rapporteur. Nous avons le même objectif : imposer une nouvelle formation aux conducteurs novices auteurs d'infractions.
Additionner les infractions donnant lieu au retrait d'un point de permis pour imposer le stage donnerait l'impression que nous voulons sanctionner tous les conducteurs novices, souvent des jeunes, ce qui n'est pas l'objectif du projet de loi.
J'ajouterai un élément important, monsieur le rapporteur. Certes, je l'ai dit tout à l'heure, il y a ce texte, mais il y a également dix-neuf autres mesures, parmi lesquelles un stage de formation au bénéfice de tous les jeunes, sur la base du volontariat, après une année de pratique. Cela permettra d'apprécier les capacités du conducteur. J'ai demandé aux assureurs de réduire la prime de sur-risque en fonction des résultats de ce stage.
Je le répète à nouveau, notre démarche ne se veut pas répressive vis-à-vis des jeunes conducteurs.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier. rapporteur. Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre position. Vous affaiblissez singulièrement la part de la formation. Finalement, votre loi sera répressive.
Je dis, au contraire, que nous devons donner plus de force à la formation des jeunes s'ils en ont besoin. Si c'est une question de gros sous, je suis désolé, monsieur le ministre, mais il faut exclure toute formation.
Il est indispensable pour un jeune conducteur qui, par son comportement, a fait la preuve qu'il n'était pas mûr pour conduire d'être formé à nouveau. C'est la logique de votre proposition. Ne l'affaiblissez donc pas. C'est la raison pour laquelle je maintiens l'amendement n° 2.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.

M. Jacques Mahéas. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Comme je l'ai déjà dit lors de la discussion générale, l'article 1er a deux objectifs : l'un est d'éviter la récidive, l'autre est d'ordre pédagogique.
La rédaction de cet article telle qu'elle est proposée par le projet de loi s'inscrit parfaitement dans la logique voulue du permis de conduire « fragilisé ». Celle-ci me semble équilibrée et de nature à permettre d'atteindre ces objectifs.
De même, l'article 1er me paraît équilibré et pédagogique. Il est équilibré, car les infractions entraînant le retrait de quatre points sont des infractions graves. Il est pédagogique, car l'obligation de stage à la charge du contrevenant est dissuasive pour les jeunes.
En revanche, je m'interroge à propos de l'amendement présenté par la commission des lois. Il me paraît trop répressif et mal adapté à la catégorie de population visée. Il faut savoir garder un juste équilibre entre sécurité, donc protection des jeunes, et répression. En effet, j'attire votre attention sur le fait qu'à trop vouloir bien faire on risque de mal faire et de manquer le but.
Je suis parfaitement conscient du fait qu'il faut sanctionner les infractions quelle que soit leur nature, mais il me semble excessif et peu approprié de mettre sur le même plan des infractions sanctionnées par le retrait, par exemple d'un point, même s'il peut y avoir cumul, et celles, plus graves, qui se traduisent par le retrait de quatre points. La hiérarchie des infractions et des peines les sanctionnant doit être préservée si l'on veut que ces sanctions soient crédibles et acceptées.
Une graduation s'impose. Or l'amendement de la commission des lois n'en tient pas compte. Un excès de sévérité peut avoir des effets pervers. En toute chose mesure est bonne. Il me paraît important, en la matière, de bien réfléchir et de peser le pour et le contre.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'ajouter que, lors du dernier comité interministériel de la sécurité routière, que vous venez d'invoquer, il a été proposé un autre stage facultatif de remise à niveau, pratique et théorique, qui, lui, ne devrait pas être à la charge de ces conducteurs novices dans la mesure où « la surprime jeune conducteur devrait être réduite d'un montant au moins équivalent ».
Pourriez-vous nous préciser où en sont les négociations avec les assurances sur ce point et, plus particulièrement, si une réflexion d'ensemble est envisagée sur le financement global de la formation à la conduite et à la sécurité routière ?
Par ailleurs est-il envisagé, à terme, de rendre ce stage facultatif obligatoire ?
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Les deux amendements proposés par le rapporteur de la commission des lois tendent à rendre obligatoire une formation spécifique pour tout jeune conducteur ayant perdu quatre points minimum au cours des deux premières années après l'obtention de son permis de conduire, et ce quelle que soit la gravité des infractions commises.
Le texte du projet de loi avait, nous semble-t-il, le mérite d'être équilibré et en harmonie avec l'article L. 11-6 du code de la route.
En effet, le conducteur pouvait suivre cette formation spécifique s'il voulait obtenir la reconstitution du nombre de points perdus avant le délai de trois ans, délai pendant lequel, je le précise, aucune nouvelle infraction ne doit apparaître.
Le Gouvernement propose de rendre ce stage obligatoire dans le cas d'infraction grave - c'est-à-dire pour quatre points retirés. Pour une infraction moins grave, le stage resterait facultatif.
Ainsi, l'idée initiale du législateur d'inciter le conducteur à effectuer lui-même une démarche volontaire pour suivre une formation était confortée par l'article 1er tel qu'il est rédigé.
L'amendement de la commission des lois casse cet équilibre et renforce le caractère répressif et contraignant d'une formation initialement présentée comme pédagogique.
Parce que les amendements n°s 1 et 2 ne tiennent pas compte de l'échelle de gravité des infractions et parce qu'ils transforment en obligation ce qui était une proposition réparatrice et formatrice, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Pardonnez-moi d'insister. Ce n'est pas du tout de l'entêtement de ma part, mais je voudrais expliquer la logique de la commission des lois dans cette affaire.
Si nous vous suivons, monsieur le ministre, et que l'amendement n° 2 n'est pas adopté, nous allons nous trouver dans la situation suivante : le conducteur qui aura commis une infraction donnant lieu à un retrait de quatre points sera obligatoirement tenu de suivre le stage - qui est une excellente solution, car il s'agit vraiment de prévention - alors que celui qui aura commis plusieurs infractions donnant lieu au retrait de trois points - à savoir, notamment, le dépassement de la vitesse autorisée, le franchissement d'une ligne continue ou la circulation sur la partie gauche de la chaussée ainsi que le dépassement dangereux ne serait pas soumis à une telle obligation et passerait donc entre les mailles du filet ! Je ne comprends plus ! Il faut une logique dans cette affaire !
Cela est d'autant moins cohérent qu'il s'agit de reformer les conducteurs. Précisément, un conducteur qui récidive trois fois, et pour des fautes graves, a vraiment besoin de suivre une formation spécifique !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, permettez-moi de souligner que nous sommes au tout début de la discussion d'un texte qui comporte 46 amendements et que nous devons aller jusqu'au bout. Pour ne pas terminer à quatre heures du matin, je fais un appel à la concision !
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il ne s'agit pas non plus d'entêtement de ma part ; je peux vous renvoyer le compliment !
Monsieur le rapporteur, un jeune qui perd trois fois trois points...
M. Gérard Braun. Cela fait neuf points !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je m'apprêtais à le dire, monsieur le sénateur !
Ce jeune a donc perdu neuf points. Cela veut dire qu'il ne lui reste plus que trois points pour continuer à conduire. Il est proposé, pour que ce conducteur récupère ses points perdus - Pierre Lefebvre vient de le dire - de lui faire suivre un stage : il s'agit d'une pédagogie de responsabilisation et pas du tout de répression. Pour une infraction grave - quatre points - ce stage est obligatoire. Dans le cas de plusieurs infractions sanctionnées chacune d'un point ou de trois points, comme il ne reste presque plus de points pour conduire, un stage sera proposé pour permettre de récupérer les points perdus.
Il me semble donc qu'étant d'accord sur l'objectif à atteindre, nous pouvons nous retrouver sur la démarche !
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais je ne suis pas d'accord avec vous sur l'objectif !
Un conducteur qui commet trois fautes graves la même année est plus dangereux qu'un conducteur qui commet un infraction entraînant une perte de quatre points. Il s'agit non pas de hiérarchie des fautes, mais de l'acculumation de fautes graves selon cette même hiérarchie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 42 rectifié ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. J'ai beaucoup apprécié, monsieur Mahéas, la façon dont vous avez exposé votre point de vue en commission des lois, mais trop de réglementation tue la réglementation.
La disposition tendant à interdire à un titulaire du permis de conduire depuis moins de deux ans de conduire un véhicule dont la puissance est supérieure à 75 kilowatts à la tonne, c'est-à-dire un véhicule de quelque 100 chevaux, ce qui est déjà un véhicule puissant, ne sera pas appliquée.
En effet, elle revient, par exemple, à interdire à un jeune conducteur qui ne peut s'offrir une voiture de conduire celle de ses parents, si cette dernière à une puissance supérieure à 75 kilowatts à la tonne. Finalement, il passera outre, et sera répréhensible.
Il faut être simple, supprimer cette réglementation, faire confiance aux jeunes conducteurs et ne pas systématiquement leur imposer d'utiliser des trotinettes pendant deux ans (Sourires), ce qui d'ailleurs ne leur apprendrait pas la bonne conduite !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Depuis l'entrée en vigueur, le 4 juillet 1996, de la directive européenne de 1991 relative au permis de conduire, aucune restriction ne peut être prise par un Etat pour des véhicules de moins de 3,5 tonnes. La directive prévoit des restrictions pour les véhicules lourds et pour les motos. Le décret du 4 juillet 1996 a entamé la transposition de la directive européenne.
L'acquisition d'une expérience de conduire de deux ans de motos de moyenne cylindrée est requise pour conduire des motos plus puissantes. Après ce délai, le titulaire du permis a donc accès à toutes les catégories.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement n° 42 rectifié. C'est par la prévention et la formation que nous devons satisfaire la préoccupation exprimée par M. Mahéas.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42 rectifié.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Mon intention, en déposant cet amendement, était d'attirer l'attention sur une anomalie assez grave : alors qu'on veut que les jeunes respectent la limitation de vitesse, on permet que des conducteurs novices - pas seulement, j'entends bien - conduisent des petits bolides : GT, GTI, etc. !
De même ont été souvent critiquées les publicités pour les voitures atteignant 180 kilomètres à l'heure alors que la vitesse sur les routes est limitée à 130 kilomètres à l'heure !
A l'occasion d'une réflexion qui dépasse le cadre hexagonal - j'ai bien compris, monsieur le ministre - je voulais donc attirer l'attention sur ce qui constitue là manifestement une anomalie. Si j'ai été entendu, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Nous revenons à l'amendement n° 1, précédemment réservé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la section I est ainsi rédigé.

Section 2

Dispositions relatives à l'enseignement de la conduite
et de la sécurité routière

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Le titre VII du code de la route (partie législative) est remplacé par les dispositions suivantes :

« TITRE VII

« ENSEIGNEMENT DE LA CONDUITE
DES VÉHICULES TERRESTRES À MOTEUR
ET DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

« Chapitre Ier

« Enseignement à titre onéreux

« Art. L. 29. - L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière est subordonné à la délivrance d'une autorisation administrative.
« Art. L. 29-1. - Nul ne peut être autorisé à enseigner, à titre onéreux, la conduite des véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée et la sécurité routière, s'il ne satisfait aux conditions suivantes :
« 1° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation :
« - soit à une peine criminelle,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction contraire à la probité ou aux bonnes moeurs ou portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction au présent code figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.
« 2° Etre titulaire du permis de conduire, en cours de validité, valable pour la ou les catégories de véhicules considérés ;
« 3° Etre titulaire de l'un des titres ou diplômes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ;
« 4° Remplir les conditions d'âge, d'ancienneté du permis de conduire et d'aptitude physique fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 29-2. - Dans l'hypothèse où les conditions prévues à l'article L. 29-1 cessent d'être remplies, il est mis fin à l'autorisation prévue à l'article L. 29. En cas d'urgence justifiée par des faits contraires à la probité, aux bonnes moeurs ou à la sécurité des personnes ou méconnaissant les dispositions législatives du présent code, l'autorité administrative peut, après avoir mis l'intéressé en mesure de présenter ses observations, suspendre, pour une durée maximale de six mois, une autorisation délivrée en application de l'article L. 29.
« Lorsque sont établis des procès-verbaux d'infractions correspondant à des faits mentionnés à l'alinéa précédent commises par des bénéficiaires d'autorisations délivrées en application de l'article L. 29, copie en est transmise par le procureur de la République à l'autorité administrative.
« La mesure de suspension provisoire cesse de plein droit dès que l'autorité judiciaire s'est prononcée.
« Art. L. 29-3. - Le fait d'enseigner la conduite des véhicules terrestres à moteur sans être titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 29 est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.
« Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue à l'alinéa précédent encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal ;
« 2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.
« Art. L. 29-4. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent chapitre.

« Chapitre II

« Etablissements d'enseignement à titre onéreux

« Art. L. 29-5. - L'enseignement à titre onéreux de la conduite des véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière ne peut être dispensé que dans le cadre d'un établissement d'enseignement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité administrative, après avis d'une commission.
« La formation, à titre onéreux, des candidats à l'un des titres ou diplômes exigés pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite des véhicules terrestres à moteur et de la sécurité routière ne peut être dispensée que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité administrative, après avis d'une commission.
« Art. L. 29-6. - Les conditions et les modalités de l'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules terrestres à moteur et de la sécurité routière font l'objet d'un contrat écrit entre le candidat et l'établissement.
« Les conditions et les modalités de la formation à titre onéreux des candidats à l'un des titres ou diplômes exigés pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite des véhicules terrestres à moteur et de la sécurité routière font l'objet d'un contrat écrit entre le candidat et l'établissement.
« Art. L. 29-7. - Nul ne peut exploiter, à titre individuel, ou être dirigeant ou gérant de droit ou de fait d'un des établissements mentionnés à l'article L. 29-5, s'il a fait l'objet d'une condamnation :
« - soit à une peine criminelle,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction contraire à la probité ou aux bonnes moeurs ou portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction au présent code figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 29-8. - L'enseignement dispensé dans les établissements mentionnés à l'article L. 29-5 doit être conforme au programme de formation défini par l'autorité administrative qui en contrôle l'application.
« Art. L. 29-9. - Dans l'hypothèse où les conditions prévues aux articles L. 29-7 et L. 29-8 cessent d'être remplies ou en cas de cessation définitive d'activité de l'établissement, il est mis fin aux agréments prévus à l'article L. 29-5.
« En cas d'urgence justifiée par des faits contraires à la probité ou aux bonnes moeurs ou méconnaissant les dispositions législatives du code de la route, ou mettant en cause la sécurité des personnes, l'autorité administrative, après avoir mis l'intéressé en mesure de présenter ses observations et recueilli l'avis de la commission mentionnée à l'article L. 29-5, peut suspendre, pour une durée maximale de six mois, l'agrément délivré en application de l'article L. 29-5.
« Lorsque sont établis des procès-verbaux d'infractions correspondant à des faits mentionnés à l'alinéa précédent commises par des bénéficiaires d'autorisations délivrées en application de l'article L. 29-5, copie en est transmise par le procureur de la République à l'autorité administrative.
« La mesure de suspension provisoire cesse de plein droit dès que l'autorité judiciaire s'est prononcée.
« Après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, une mesure de suspension provisoire pour une durée n'excédant pas six mois peut également être prononcée par l'autorité administrative, en cas de refus de se soumettre au contrôle prévu à l'article L. 29-8, de non-respect du programme de formation défini par l'autorité administrative ou pour méconnaissance des dispositions de l'article L. 29-6.
« Art. L. 29-10. - I. - Le fait d'exploiter un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur sans avoir obtenu l'agrément prévu à l'article L. 29-5 est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.
« Est puni des mêmes peines le fait d'employer un enseignant qui n'est pas titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 29.
« II. - Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues à l'alinéa précédent encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus de l'un, de plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise appartenant à la personne condamnée ;
« 2° L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-247 du code pénal ;
« 3° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.
« III. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues au I du présent article.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus de l'un, de plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise appartenant à la personne condamnée ;
« 3° L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-39 du code pénal ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre infraction ou de la chose qui en est le produit.
« Art. L. 29-11. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent chapitre. Il détermine notamment :
« 1° Les conditions de délivrance, compte tenu de la qualité et de la sécurité de la formation délivrée par l'établissement considéré, des agréments prévus à l'article L. 29-5, ainsi que la composition et les attributions de la commission mentionnée à cet article ;
« 2° Les règles concernant les modalités d'information des clients sur les tarifs, la durée et les conditions de déroulement de l'enseignement et de la formation, mentionnées à l'article L. 29-6 ainsi que les conditions de paiement et de résiliation des contrats prévus par cet article. »
Sur l'article, la parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Sur l'enseignement, beaucoup de choses ont été dites cet après-midi, et de bonnes choses, notamment par notre rapporteur, M. Lanier.
Il me reste une question à poser à M. le ministre.
Il est précisé dans le projet de loi que « les pouvoirs du préfet sont renforcés pour que celui-ci puisse, en cas de poursuite pénale, suspendre immédiatement et jusqu'à ce que la justice se soit prononcée, les agréments ou les autorisations d'enseignement ». Il s'agit bien sûr des établissements d'enseignement à la conduite. Mais que deviendront les personnes dont la formation est en cours, qui ont payé et qui ne pourront pas récupérer leur argent ? Une mesure est-elle prévue pour qu'elles puissent continuer ?
Monsieur le ministre, si elles abandonnent leur formation, comme ceux à qui on retirera le permis s'ils perdent plus de quatre points pour une infraction, si elles n'ont pas les moyens de payer, vous savez bien ce qui se passera. Ces personnes conduiront sans permis et les choses seront encore plus graves.
Vous avez également parlé, monsieur le ministre, de l'émergence de nouveaux comportements chez les jeunes, de l'existence d'une forte demande de sécurité à laquelle il fallait répondre par une mobilisation de tous les partenaires, des associations notamment.
Pour ma part, je suis assez opposé au renforcement de la répression, à la répression à tout crin. Je crois beaucoup plus à la formation et à la pédagogie. J'aimerais à cet égard que vous nous disiez ce qui est prévu pour éduquer les piétons. Vous nous avez parlé d'une telle éducation à l'école. Vous la souhaitez, mais dans votre projet de loi je n'ai lu aucune disposition d'ordre budgétaire susceptible de la rendre possible.
Pour les cyclistes, c'est la même chose. A Paris par exemple, les cyclistes ont peur de circuler parce qu'ils redoutent les voitures, mais également parce qu'on ne leur a pas appris à circuler à vélo.
En ce qui concerne la moto, l'obligation de passer un petit examen faite aux jeunes de quatorze à seize ans constitue un progrès.
Voici donc la question que je souhaite vous poser, monsieur le ministre : quels moyens financiers au service d'une réelle volonté éducative le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour former les conducteurs de l'avenir ?
Ceux qui trichent depuis des dizaines d'années auront certes un peu peur de la répression, mais vous ne les corrigerez pas, monsieur le ministre. C'est sur l'avenir qu'il importe d'intervenir, et l'action doit commencer à l'école primaire, dès le cours préparatoire.
C'est en ce sens que je souhaite voir introduire des modifications dans notre législation.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. S'agissant des auto-écoles, compte tenu de la situation de la profession, on ne peut que se féliciter du dispositif qui nous est proposé pour l'assainir.
L'obligation d'un contrat écrit - et je souhaiterais d'ailleurs que M. le ministre nous indique si un contrat-type sera établi par le ministère - entre l'auto-école et le candidat, ainsi que l'accroissement des pouvoirs des préfets en matière de suspension de l'agrément et de l'autorisation de l'enseignement sont deux éléments essentiels.
Si la moralisation s'impose, elle ne constitue qu'une première étape. En effet, compte tenu des dysfonctionnements constatés, il importe d'agir comme le prévoit le projet de loi. Mais il convient d'aller encore plus loin et de doter cette profession d'un véritable statut.
L'amendement de la commission des lois s'inscrit dans cette perspective : la nécessité de justifier de son aptitude professionnelle paraît tout à fait évidente, d'autant que cette justification est exigée pour d'autres professions telles que les chauffeurs de taxis, les coiffeurs, etc.
La garantie d'une capacité à gérer va dans le sens d'une plus grande fiabilité de ces établissements. Pour ce qui concerne l'exploitant, le fait de pouvoir enseigner ne me paraît pas suffisant : une formation professionnelle ou un stage de gestion me semble en effet indispensable.
En ce qui concerne la formation des enseignants, l'obligation du diplôme d'enseignant est tout à fait essentielle et doit même être approfondie. Une expérience minimale de la conduite de trois ou quatre ans me paraîtrait une bonne chose, en conformité avec l'esprit du projet de loi, qui prévoit un stage obligatoire pour le conducteur novice passible d'une infraction sanctionnée par le retrait de quatre points.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point et nous dire si vous envisagez, dans un avenir proche, d'aller plus avant dans l'organisation de la profession, dans la mesure où il peut paraître paradoxal de vouloir moraliser le secteur sans donner à cette profession un statut à l'image de celui d'autres professions ?
Enfin, j'aimerais que vous nous éclairiez sur la composition et le rôle de la commission qui devrait se substituer à la commission départementale chargée de donner un avis au préfet.
En ce qui concerne l'absence de prise en considération des auto-écoles associatives, je me réserve de revenir sur le sujet à l'occasion de la discussion d'un amendement que je présenterai tout à l'heure.
M. le président. Sur les articles L. 29 à L. 29-11 du code de la route, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.

ARTICLE L. 29 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 29 du code de la route, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-1 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Par amendement n° 3, M. Lanier, au nom de la commission, propose de remplacer les quatrième et cinquème alinéas du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-1 du code de la route par un alinéa ainsi rédigé :
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Dans le projet de loi est énumérée une liste de peines auxquelles ne doit pas avoir été condamnée une personne désirant accéder à la profession d'enseignant de la conduite. Parmi elles figure une peine ainsi libellée : « une peine correctionnelle prononcée pour une infraction contraire à la probité et aux bonnes moeurs ou portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens ». Cette formule est d'une telle imprécision qu'elle laisse toute latitude pour les jugements à venir. Il me paraît donc préférable de renvoyer simplement à une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.
Actuellement, la liste qui figure à l'article R. 244 du code pénal comporte en particulier les délits de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, d'homicide, de blessures involontaires, ainsi que certaines infractions aux dispositions sur la détention d'armes et, naturellement, les infractions au code de la route. Le Conseil d'Etat est le mieux habilité à définir par un décret cette liste d'infractions qui n'a pas à figurer dans la loi elle-même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Conseil d'Etat a donné son aval, si je puis dire, sur le projet de loi qui vous est soumis, mais je comprends le souci de M. le rapporteur.
Par conséquent, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-1 du code de la route.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-2 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 29-2 du code de la route, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-3 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Par amendement n° 4, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-3 du code de la route, après les mots : « Le fait d'enseigner », d'insérer les mots : « , à titre onéreux, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-3 du code de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur », d'insérer les mots : « d'une catégorie donnée et la sécurité routière ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de précision. En effet, un souci de cohérence nous oblige à indiquer dans l'ensemble du projet de loi qu'on vise l'enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière. En effet, tous les établissements n'enseignent pas la conduite des véhicules de toutes les catégories.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-3 du code de la route, après les mots : « à l'article L. 29 », d'insérer les mots : « ou en violation d'une mesure de suspension provisoire de celle-ci ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il est nécessaire d'empêcher l'exercice de la profession, non seulement en l'absence d'autorisation, ce qui va de soi, mais également lorsque cette autorisation a fait l'objet d'une mesure de suspension, ne serait-ce que provisoire, de la part du préfet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-3 du code de la route.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-4 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 29-4 du code de la route, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ? ...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-5 DU CODE DE LA ROUTE (réserve)

M. le président. Par amendement n° 43, M. Mahéas et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-5 du code de la route, deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les organismes sans but lucratif régis par la loi de 1901, qui exercent leur activité dans le champ de l'insertion ou de la réinsertion sociale et professionnelle, l'agrément est délivré par l'autorité administrative sous réserve que les conditions prévues aux articles L. 29-7 et L. 29-8 soient remplies.
« Un décret détermine les caractéristiques de ces associations. »
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Pour tous les jeunes, l'accès au permis de conduire est une ouverture vers l'indépendance. Pour les jeunes en situation d'échec, il peut en outre constituer un passeport professionnel, une porte ouverte vers un processus de formation. Non seulement c'est parfois leur premier diplôme, mais c'est aussi une possibilité de reconnaissance sociale.
Or les établissements d'enseignement de la conduite à titre onéreux ne s'adressent pas nécessairement à ce type de public.
D'une part, les tarifs qu'ils pratiquent sont souvent prohibitifs pour ces jeunes, même s'ils ne le sont pas dans l'absolu.
D'autre part, nous avons affaire à des jeunes qui, après un parcours scolaire difficile, rejettent les modes d'enseignement traditionnels. De ce fait, ils sont inaptes à profiter des formations à la conduite et à la sécurité routière dispensées par les circuits commerciaux, d'où l'utilité, voire la nécessité des auto-écoles associatives, qui disposent d'équipes pluridisciplinaires aux compétences éducatives et techniques validées. Leur rôle social est fondamental. Elles travaillent en étroite collaboration avec les institutions sociales et les instances qui interviennent dans le champ de la sécurité routière. Non seulement leur approche est conforme aux exigences du programme national de formation, mais en outre elles dispensent une formation adaptée, avec des moyens pédagogiques adéquats, destinée à favoriser la réinsertion professionnelle de personnes en difficulté.
Il suffit de souligner que le nombre d'heures consacrées à l'apprentissage du code de la route peut aller jusqu'à soixante et que le temps alloué à la formation à la conduite peut dépasser quarante ou cinquante heures, pour apprécier l'effort d'adaptation. Dans la mesure où ces auto-écoles participent pleinement à la lutte contre l'insécurité routière et développent à cet effet des actions de préparation au permis en tant que vecteur privilégié d'insertion professionnelle, elles méritent d'être reconnues comme partenaires à part entière. Leur objectif, qui consiste à faciliter l'insertion par la sécurité et par l'obtention du permis de conduire en contribuant à créer de nouveaux comportements chez les conducteurs débutants, s'inscrit parfaitement dans la philosophie du présent projet de loi.
J'ajoute que ces jeunes avait souvent, à l'occasion de leur service militaire, la faculté de passer à la fois leur permis « transport en commun » et leur permis « poids lourd ». C'était un « plus » qui leur était apporté, mais cette possibilité va disparaître pour beaucoup avec la réforme du service militaire, et le relais ne pourra à mon avis qu'être pris par ces auto-écoles associatives.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission des lois a étudié longuement cet amendement. J'avoue que je n'en comprends pas très bien la finalité. En effet, si une chose a été clairement dite en commission des lois, c'est que toutes les associations régies par la loi de 1901 qui délivrent des formations à la conduite sans aucun but lucratif - et ces associations sont nécessaires, sans aucun doute - doivent être dégagées d'un certain nombre d'obligations auxquelles sont soumis les établissements d'enseignement à titre onéreux tels que l'on vient de les préciser à l'amendement précédent.
Le projet de loi s'applique aux établissements à titre onéreux. Vous étiez présent, monsieur Mahéas, en commission des lois, quand il a été décidé de faire préciser à M. le ministre que les associations sans but lucratif n'étaient pas assujetties à toutes les contraintes administratives que l'on impose aux établissements d'enseignement à titre onéreux.
Cet amendement risque donc, sauf erreur de compréhension de ma part, d'aller à l'encontre du texte.
J'en profite pour demander à nouveau à M. le ministre, mais il m'a déjà en partie répondu dans la discussion générale, de bien nous préciser que les associations sans but lucratif restent en dehors du dispositif contraignant que l'on impose aux établissements d'enseignement à titre onéreux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai indiqué, dans mon exposé liminaire, l'importance que j'attache au secteur associatif, qui représente une grande diversité. Il faut poursuivre les concertations indispensables pour progresser sur cette question.
J'émets donc quelques réserves sur l'amendement n° 43. Cependant, il me semble qu'il pourrait être retenu s'il était assorti d'un sous-amendement. Par conséquent, je vous propose de réserver l'article L. 29-5 jusqu'après l'examen de l'article L. 29-7. Je présenterai alors un sous-amendement tendant à mentionner que l'agrément est délivré sous réserve que les conditions prévues au 1° de l'article L. 29-7-1 et de l'article L. 29-8 soient remplies.
Le Gouvernement serait alors favorable à l'amendement n° 43.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

ARTICLE L. 29-6 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Par amendement n° 8, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-6 du code de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur », d'insérer les mots : « d'une catégorie donnée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-6 du code de la route.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-7 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Par amendement n° 9, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-7 du code de la route :
« Art. L. 29-7. - Nul ne peut exploiter, à titre individuel, ou être dirigeant ou gérant de droit ou de fait d'un des établissements mentionnés à l'article L. 29-5, s'il ne satisfait pas aux conditions suivantes :
« 1° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation :
« - soit à une peine criminelle,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ;
« 2° Justifier de son aptitude professionnelle. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Hoeffel et Cantegrit, et tendant à compléter in fine le dernier alinéa (2°) du texte proposé par l'amendement n° 9 pour l'article L. 29-7 à insérer dans le code de la route par les mots : « ainsi que de la capacité de gérer et de l'expérience de l'enseignement de la conduite. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même : la commission souhaite que l'enseignant n'ait pas fait l'objet d'une condamnation et qu'il puisse justifier de son aptitude professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel, pour défendre le sous-amendement n° 37 rectifié. M. Daniel Hoeffel. Il nous paraît utile de préciser l'aptitude professionnelle requise, en particulier que l'exploitation d'une auto-école nécessite une expérience suffisante de l'enseignement de la conduite.
Cet après-midi, dans votre intervention liminaire, vous affirmiez, à juste titre, monsieur le ministre, que les concurrences tarifaires dans la profession se faisaient parfois au détriment de la qualité, que la moralisation et l'assainissement de la profession étaient nécessaires, qu'il fallait obtenir une formation fiable et que la profession d'auto-école devait être revalorisée.
Nous savons - cela a été rappelé tout au long du débat - que la formation est un élément fondamental de la politique de prévention dans ce domaine. Elle ne doit pas être destinée à la seule obtention du permis de conduire. Il s'agit aussi, et surtout, d'une éducation aux réflexes, au comportement responsable des conducteurs.
C'est la raison pour laquelle notre sous-amendement tend à renforcer les dispositions qui sont prévues dans l'amendement n° 9 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 37 rectifié ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ce sous-amendement.
Permettez-moi d'ajouter qu'il serait souhaitable, monsieur le ministre, que les décrets d'application soient pris dans des délais raisonnables, de façon que les auto-écoles puissent travailler dans de bonnes conditions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 et sur le sous-amendement n° 37 rectifié ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 9.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 37 rectifié, je vous précise, monsieur le rapporteur, que le décret d'application, qui est d'ores et déjà en préparation, prévoit l'exigence d'une expérience professionnelle de deux ans et une formation à la gestion similaire à celle qui a été adoptée en matière de transport routier.
S'agissant d'une question de nature plus réglementaire que législative, le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 37 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 29-7 du code de la route est ainsi rédigé.

ARTICLE L. 29-5 DU CODE DE LA ROUTE (suite)

M. le président. Nous en revenons à l'article L. 29-5 du code de la route, précédemment réservé.
Par amendement n° 43, M. Mahéas et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-5 du code de la route, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les organismes sans but lucratif régis par la loi de 1901, qui exercent leur activité dans le champ de l'insertion ou de la réinsertion sociale et professionnelle, l'agrément est délivré par l'autorité administrative sous réserve que les conditions prévues aux articles L. 29-7 et L. 29-8 soient remplies.
« Un décret détermine les caractéristiques de ces associations. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 47, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 43 pour être inséré après le premier alinéa de l'article L. 29-5 du code de la route, à remplacer les mots : « aux articles L. 29-7 et » par les mots : « au 1° de l'article L. 29-7 et à l'article ».
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 47 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission n'a pas pu délibérer sur ce point. Cela dit, j'estime que le sous-amendement présenté par le Gouvernement complète, à juste titre, l'amendement déposé par M. Mahéas.
En conséquence, je m'en remets à la sagesse du Sénat, avec un avis plutôt favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 47.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition du Gouvernement de bien distinguer l'enseignement à titre onéreux et la formation sans but lucratif.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 47, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 43, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-5 du code de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur », d'insérer les mots : « d'une catégorie donnée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-5 du code de la route.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-8 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 29-8 du code de la route, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-9 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Par amendement n° 10, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-9 du code de la route, de remplacer les mots : « code de la route » par les mots : « présent code ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 11, M. Lanier, au nom de la commission, propose :
I. - De compléter in fine le texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-9 du code de la route par un alinéa ainsi rédigé :
« La mesure de suspension provisoire cesse de plein droit dès que l'autorité judiciaire s'est prononcée. »
II. - En conséquence, de supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 29-9 du code de la route.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. L'article L. 29-9 du code de la route prévoit deux séries de cas qui peuvent donner lieu à une suspension de l'agrément par le préfet. Il est nécessaire que, dans tous les cas, cette suspension cesse lorsque l'autorité judiciaire s'est prononcée. Cela me paraît l'évidence même. Ainsi, si l'obligation relative à la nécessité d'un contrat entre les élèves et l'établissement n'est pas respectée, une mesure de suspension est possible ; elle doit naturellement cesser lorsque l'autorité judiciaire s'est prononcée.
Notre amendement tend à déplacer un alinéa, afin de couvrir tous les cas envisageables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-9 du code de la route.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-10 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Par amendement n° 12, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-10 du code de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur », d'insérer les mots : « d'une catégorie donnée et de la sécurité routière ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-10 du code de la route, après les mots : « à l'article L. 29-5 », d'insérer les mots : « ou en violation d'une mesure de suspension provisoire de celui-ci ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 14, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du paragraphe II du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-10 du code de la route, de remplacer les mots : « à l'alinéa précédent », par les mots : « au I du présent article ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-10 du code de la route.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 29-11 DU CODE DE LA ROUTE

M. le président. Par amendement n° 15, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-11 du code de la route :
« Art. L. 29-11 . - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent chapitre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. L'amendement n° 15 tend à prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application du présent chapitre. En effet, il est apparu à la commission des lois qu'il était dépourvu d'intérêt d'inscrire dans la loi ce que prévoira notamment le décret d'application. Il ne faut pas, c'est l'avis constant de la commission, surcharger les lois de mentions inutiles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Puisque nous arrivons au terme de l'examen de l'article 2, je souhaite attirer l'attention du Sénat sur la modernisation que j'entends engager en matière de fonctionnement de l'administration.
Les agents des services de répartition et les inspecteurs du permis de conduire sont des agents de l'Etat. Malheureusement, ils travaillent souvent dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. Il importe donc d'améliorer le fonctionnement des services afin de rendre un meilleur service à l'usager.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article L. 29-11 du code de la route est ainsi rédigé.
Pesronne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Le cinquième alinéa de l'article L. 211-1 du code des assurances est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les membres de la famille du conducteur ou de l'assuré, ainsi que les élèves d'un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur agréé, en cours de formation ou d'examen, sont considérés comme des tiers au sens du premier alinéa du présent article. » - (Adopté.)

Section 3

Dispositions relatives à la responsabilité
des propriétaires de véhicules

Article 4



M. le président.
« Art. 4 - Au premier alinéa de l'article L. 21-1 du code de la route, les mots : "est responsable pécuniairement des infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules pour lesquelles seule une peine d'amende est encourue," sont remplacés par les mots : "est responsable pécuniairement des contraventions à la réglementation sur le stationnement des véhicules, sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des véhicules,". »
Sur l'article, la parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je souhaite rappeler qu'au rang des principes supérieurs du droit pénal figure celui de la responsabilité personnelle, inscrit à l'article 121-1 du code pénal : « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». Ce principe est rappelé par l'article L. 21, alinéa 1, du code de la route, en vertu duquel le conducteur est seul pénalement responsable des infractions commises dans la conduite du véhicule et peut seul être poursuivi pour ces faits.
Afin de trancher des difficultés de preuves délicates, la loi du 3 janvier 1972 a dérogé à cette règle en faisant peser sur le propriétaire du véhicule la responsabilité pécuniaire des infractions de stationnement, à charge pour lui d'établir d'existence d'une force majeure ou d'indiquer l'identité du véritable auteur de l'infraction.
Monsieur le ministre, l'article 4 du présent projet de loi étend le principe de la responsabilité pécuniaire du titulaire de la carte grise, instauré par la loi du 3 janvier 1972 pour les infractions au stationnement, aux excès de vitesse et au franchissement d'une ligne blanche continue, d'un feu rouge ou d'un stop.
Votre volonté est de contourner la jurisprudence en matière de délit de grande vitesse, selon laquelle il est indispensable de rapporter la preuve de l'identité du conducteur pour le condamner, les infractions de conduite pesant seulement sur ce dernier. Je suis parfaitement conscient des difficultés que rencontrent les forces de police et de gendarmerie pour identifier les conducteurs et, de ce fait, de l'impossibilité de les sanctionner. Je pense notamment aux motards, aux conducteurs de poids lourds ou aux conducteurs de véhicules dotés d'un pare-brise fumé ; dans cette enceinte, nous sommes quelques-uns à posséder un véhicule de ce type.
Je reconnais donc volontiers l'intérêt pratique de cette mesure. Toutefois, elle n'est pas sans soulever des problèmes de philosophie juridique, que le Conseil constitutionnel, s'il était saisi, pourrait lever.
Les amendements de la commission lèvent en partie l'ambiguïté de cette disposition en précisant qu'il s'agit d'une responsabilité pécuniaire, et non d'une responsabilité pénale, et que cette condamnation ne peut faire l'objet d'une inscription au casier judiciaire, ce qui améliore bien sûr le texte.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par MM. Hérisson et Cantegrit.
L'amendement n° 31 est proposé par M. Lesein.
Tous deux tendent à supprimer l'article 4.
Par amendement n° 16 rectifié, M. Lanier, au nom de la commission, propose :
A. - De compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. - Le même article est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« La personne déclarée responsable en application des dispositions du présent article n'est pas responsable pénalement de l'infraction. L'application du présent article ne donne lieu à aucune inscription au casier judiciaire et ne peut être prise en compte pour l'application des règles sur la récidive. Elle n'entraîne pas retrait des points affectés au permis de conduire. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Pierre Hérisson. Cet article est condamnable tant du point de vue juridique que sur le plan moral.
D'un strict point de vue juridique, il convient de s'interroger sur la nature de la responsabilité pécuniaire du titulaire de la carte grise. Il n'existe, dans notre droit, qu'une responsabilité pénale, civile ou administrative. Or ce que le Gouvernement appelle responsabilité pécuniaire n'est, en réalité, qu'un aspect de la responsabilité pénale. Il sera extrêmement difficile d'éviter que le juge ne déclare pas pénalement responsable le propriétaire du véhicule dans le cas d'un excès de vitesse commis par le conducteur, malgré les aménagements qui sont proposés par la commission.
Rappelons que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, ce qui interdit toute responsabilité pénale du fait d'autrui, identifié ou non. Il s'agit là d'un principe général du nouveau code pénal, repris dans l'article L. 21 du code de la route. L'argument selon lequel il existerait, dans le droit du travail, une responsabilité pour fait commis par autrui est inexact, dans la mesure où une faute personnelle est nécessaire. Comment prétendre transposer ce principe exceptionnel de la responsabilité pour autrui aux infractions routières ? On peut même ajouter que le nouveau code pénal rend caduque la disposition dérogatoire de l'article L. 21-1 du code de la route, que le Gouvernement souhaite modifier aujourd'hui. Nous maintenons que vous ne pouvez pas prétendre introduire une nouvelle incrimination pour le fait d'autrui.
Autre argument juridique de poids : le dispositif proposé impose un traitement différent aux contraventions d'une même classe. En effet, dans le texte de l'article, une seule sanction pourra être prononcée : la peine d'amende. Rappelons que pour les contraventions de la cinquième classe, l'excès de vitesse par exemple, le juge peut prononcer soit une peine d'amende, soit une peine restrictive de droit à laquelle peut s'ajouter une peine complémentaire. Ce système porte atteinte au principe de la personnalisation des peines et constitue une entrave évidente au pouvoir du juge et à sa liberté d'appréciation. La validité constitutionnelle du dispositif proposé par le Gouvernement nous paraît même douteuse.
Au mépris du droit, le Gouvernement ajoute la démagogie : que dire de l'alternative devant laquelle se trouvera le propriétaire d'un véhicule, à savoir accepter d'être le coupable d'office ou rechercher lui-même le coupable et le dénoncer ? Nous considérons que l'amélioration de la sécurité routière ne peut passer par une forme d'incitation à la délation.
M. le président. La parole est à M. Lesein, pour défendre l'amendement n° 31.
M. François Lesein. Il me paraît inconcevable d'envisager qu'une quelconque responsabilité, même uniquement pécuniaire, soit mise à la charge du propriétaire du véhicule.
En premier lieu, en dépit de toutes les précautions qui pourront être prises pour qu'il n'en paraisse pas ainsi, ce mécanisme est, comme cela vient d'être dit, en parfaite contradiction avec l'un des fondements du droit pénal français. L'article 121-1 du code pénal dispose en effet que « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». La création d'une responsabilité pécuniaire distincte de la responsabilité pénale permet, certes, de contourner la règle édictée par cet article, mais il n'en demeure pas moins qu'elle est contraire au principe même de cet article.
De plus, la Cour de cassation rappelle fréquemment que « nul n'est punissable qu'en raison de son propre fait ». Or, même si la responsabilité pénale du propriétaire n'est pas engagée, le simple fait de régler l'amende est bel et bien constitutif d'une punition. L'article 4 est donc contraire au principe de la personnalité des peines.
En second lieu, cet article, en prévoyant que le conducteur peut dégager sa responsabilité pécuniaire en permettant d'identifier le conducteur, incite purement et simplement à la délation, ce qui n'est pas acceptable.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, M. le ministre précise : « L'utilisation des moyens automatiques de contrôle s'étendra inéluctablement car elle permet, notamment en matière de vitesse, de contrôler aux endroits effectivement les plus dangereux ou dans des conditions de circulation difficiles où les contrôles avec interception sont pratiquement impossibles. Cette mesure est la seule qui permette la réalisation, dans ces conditions, de contrôles garantissant la sécurité des conducteurs, des usagers et des forces de l'ordre. »
C'est faux. En effet, je roule très souvent sur autoroute, comme nombre d'entre vous sans doute, et la plupart du temps les véhicules de gendarmerie sont cachés là où il y a une sortie d'autoroute ou une bretelle de service. Les gendarmes ne vous interpellent pas ; ils font simplement une photographie qu'ils vous envoient. Selon moi, ils ne font pas leur travail. Ils devraient intercepter les contrevenants, afin que ceux-ci soient au moins prévenus. Je ne vous lirai pas ce que j'avais écrit parce que j'étais fâché. (Sourires.) Il n'est pas normal que les gendarmes se cachent. Or votre prédécesseur, M. Pons, avait fait paraître une note selon laquelle ils ne devaient plus se cacher.
Cela traduit peut-être un manque de moyens, mais, surtout, un manque de courage.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 16 rectifié et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 21 et 31.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Compte tenu de l'amitié que je porte aux auteurs des amendements n°s 21 et 31, je regrette de leur dire que la commission a émis un avis défavorable. Elle en a longuement discuté, à deux reprises. Par conséquent, on ne peut pas dire que ces amendements fort importants, qui sont au coeur du dispositif qui nous est proposé, ont été étudiés à la légère.
M. François Lesein. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. Lucien Lanier, rapporteur. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Hérisson, aucun fait juridique ne permet de condamner cet article. Il s'agit d'un simple aménagement du principe de la personnalité des peines qui existe déjà pour les infractions au stationnement.
Il faut savoir ce que l'on veut. Acceptez-vous que l'égalité des citoyens devant la loi soit bafouée - et elle l'est à l'heure actuelle - par un tiers des personnes qui ont commis une infraction ? En effet, on ne peut identifier le conducteur s'il est protégé par un casque intégral ou s'il est assis dans une cabine dont la hauteur ne permet pas d'apercevoir l'occupant, qui lui-même est protégé par un pare-brise teinté. Un tiers environ des conducteurs échappent à l'identification. Ils le savent et ils en profitent.
C'est donc pour les protéger d'eux-mêmes que nous ne sommes pas favorables à ces amendements.
Au-delà de toutes les questions juridiques qui ont été évoquées et que la commission n'a pas retenues, il s'agit d'un problème moral. En effet, la commission considère que l'on doit être responsable de son véhicule, et un exemple lui a été cité à ce propos. Autrefois, le propriétaire d'un cheval qui laissait échapper celui-ci...
M. Hilaire Flandre. Il n'avait pas de plaque d'immatriculation ! (Sourires.)
M. Lucien Lanier, rapporteur. ... de son enclos était civilement responsable de l'accident éventuellement provoqué et payait les amendes qui en découlaient. Je pense pour ma part que, aujourd'hui, la situation est identique quand vous êtes propriétaire de chevaux-vapeur, c'est-à-dire d'un véhicule qui roule et qui peut provoquer des accidents, par exemple dans le cas où, par une erreur, ce qui peut arriver à tout le monde, ou simplement à la suite d'une défaillance mécanique, son frein à main lâche alors qu'il était garé sur un emplacement prévu à cet effet dans une rue en pente. On ne vous recommande d'ailleurs pas, dans le code de la route, de passer la première.
Cela n'est pas arrivé, mais j'ai été le témoin d'une telle situation. Une voiture avait commencé à dévaler la rue François-Ier. Etant à cent mètres de là, j'ai poussé des hurlements pour attirer l'attention d'un groupe de passants qui allaient se faire écraser par la voiture qui prenait de la vitesse. Le groupe s'est heureusement écarté rapidement et la voiture a terminé sa course dans d'autres véhicules. Le propriétaire du véhicule est responsable du fait que son frein a cédé, je regrette de devoir le dire.
Dans une affaire comme celle-là, certains conducteurs profiteraient d'une totale impunité, et d'ailleurs tout à fait scandaleuse au regard de l'égalité des citoyens devant la loi.
Par ailleurs, on n'est effectivement responsable que de son propre fait. C'est précisément la raison pour laquelle la commission, d'ailleurs sur ma proposition, a adopté l'amendement n° 16 rectifié, que j'ai même marqué de cinq étoiles. (Sourires.) Il vise à préciser clairement que la responsabilité pécuniaire du propriétaire ne porte en aucune façon atteinte au principe du droit pénal selon lequel nul n'est responsable pénalement que de son propre fait. En effet, le propriétaire du véhicule pourra être tenu de payer une amende, sauf bien entendu s'il est lui-même le conducteur du véhicule et responsable de l'infraction. Mais, s'il n'est pas dans le véhicule, il ne sera en aucune façon responsable pénalement et il n'y aura, bien sûr, aucune mention au casier judiciaire ni retrait de points. Cela allait peut-être sans le dire, mais nous avons préféré l'inscrire dans la loi.
M. Jacques Mahéas. C'est mieux !
M. Lucien Lanier, rapporteur. Le texte ne comportait pas cette précision. En réalité, il n'était pas utile qu'il le comportât. Malheureusement, nous avons dû un peu surcharger la loi car il fallait que cela soit dit légalement, de façon à préserver les propriétaires d'une responsabilité pénale. Parler de délation, comme certains l'ont fait, c'est employer un bien grand mot. En effet, le propriétaire qui n'était pas dans son véhicule peut dire que celui-ci a été volé, à condition qu'il ait fait une déclaration de vol. A ce moment-là, il n'encourra aucune amende. Si c'est son fils qui conduisait le véhicule, il sera en face de sa propre conscience. Il ne révéléra pas que c'était son fils qui conduisait le véhicule - il aurait tort de le faire - car cela protégera peut-être le fils ultérieurement. Il assumera la charge de père de famille.
Si le véhicule a été confié à un étranger, la situation est la même. Ou bien le propriétaire protégera l'étranger mais en paiera le prix, ou bien il ne le fera pas. Je ne vois pas en quoi il y a volonté de délation.
Cet amendement aurait été proposé pour les entreprises, m'a-t-on dit. En l'occurrence, le sens moral de mon propos éclate au grand jour. Une entreprise doit savoir à qui elle confie ses véhicules. Elle embauche des conducteurs qu'elle rémunère. Ils doivent donc observer le code de la route, sinon ils mettent l'entreprise en difficulté. Par ailleurs, le chauffeur est responsable du véhicule à partir du moment où il le conduit.
Aussi, je ne vois pas en quoi les entreprises pourraient être lésées. En effet, une entreprise qui est bien organisée sait que tel véhicule a été confié tel jour à M. Untel, et donc qui le conduisait et a commis l'infraction.
Je ne vois pas comment un chef d'entreprise pourrait permettre à n'importe qui de prendre à sa guise n'importe quel véhicule pour aller courir la prétantaine ! Il s'agit là, selon moi, d'une sécurité qu'il faut également donner aux entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons voulu marquer clairement qu'il n'y avait pas de responsabilité pénale du conducteur, mais que le propriétaire du véhicule avait toutefois la responsabilité des amendes. Je rappelle qu'un tiers des infractions échappe actuellement à toute sanction et que seule l'immatriculation du véhicule peut apporter la preuve.
Tout cela explique pourquoi la commission des lois se prononce contre les amendements n°s 21 et 31, souhaitant aménager le texte du Gouvernement en protégeant le propriétaire de toute pénalité ultérieure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 21, 31 et 16 rectifié ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 16 rectifié, qui vise à préciser le sens et les conséquences de l'article et donc à améliorer la lisibilité du texte.
J'en viens aux amendements n°s 21 et 31, sur lesquels bien des choses viennent d'être dites par M. le rapporteur, ce qui me dispensera de longs développements.
Le dispositif proposé figure depuis 1972 à l'article L. 21-1 du code de la route. J'ajoute, monsieur Hérisson, que le Conseil d'Etat a approuvé les textes qui vous sont soumis.
Mme Joëlle Dusseau. Tout à fait !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Actuellement, les infractions au stationnement sont sanctionnées sans que l'autorité administrative ait besoin de rechercher quel conducteur a commis l'infraction. Il s'agit donc d'étendre cette disposition à trois infractions précises : les excès de vitesse, le non-respect d'un feu rouge et le non-respect d'un stop. Cette disposition permettra de faire respecter, ainsi que l'a dit M. le rapporteur, l'égalité devant la loi, ce qui est très important dans ce domaine comme d'ailleurs dans tous les autres domaines. En effet, aujourd'hui, près de 40 % des conducteurs commettant des infractions échappent aux sanctions.
Le projet que nous vous présentons n'a rien à voir avec celui qui avait été proposé sur le même sujet par un précédent gouvernement.
Certains orateurs ont évoqué la délation. Mais ce texte tend exactement au contraire, puisqu'il vise justement à décourager la délation. En aucun cas, en effet, les services de police et de gendarmerie n'auront à rechercher le conducteur. Et le fait pour le propriétaire de dénoncer le conducteur à qui il a prêté la voiture ne servira à rien, car c'est lui qui, de toute façon, comme pour les infractions au stationnement, recevra le procès-verbal et devra payer l'amende. A lui de juger ensuite s'il doit ou non se faire rembourser par son ami ou par son fils !
En tout état de cause, je confirme que le propriétaire condamné à payer l'amende ne sera pas responsable pénalement, que la condamnation ne sera pas inscrite à son casier judiciaire et n'entraînera pas de perte de points affectés au permis de conduire. Comme en matière de stationnement, le propriétaire qui apportera la preuve que son véhicule lui a été dérobé ne sera pas passible de l'amende.
Le dispositif est donc simple ; il est le contraire de la délation et il vise à l'égalité de tous devant la loi et la justice.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 21 et 31.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Mes chers collègues, je suis hostile à ces amendements de suppression.
Depuis 1972, le propriétaire d'un véhicule est responsable pécuniairement en cas de stationnement interdit.
MM. Jean-Pierre Cantegrit et Pierre Hérisson. Cela n'a rien à voir !
Mme Joëlle Dusseau. Mais si ! Si le stationnement interdit cause rarement des accidents, les excès de vitesse, le franchissement des feux rouges et des stops est autrement plus grave.
Cette disposition de la loi de 1972 n'a jamais été remise en cause. Le Gouvernement propose donc une extension dans le cas d'excès de vitesse et de refus de signalisation.
Actuellement, dans près de 40 % des cas, selon M. le ministre, les conducteurs commettant des excès de vitesse, grillant des feux rouges ou brûlant des stops ne peuvent pas être identifiés en raison notamment des glaces teintées ou des conditions de circulation sur les périphériques, qui interdisent souvent d'arrêter les voitures ; par conséquent, ces conducteurs ne peuvent être poursuivis.
Je suis gênée, mes chers collègues, quand j'entends certains d'entre vous, sûrement un peu emportés par des passions qu'ils nont pas vraiment dominées encore ou ayant subi récemment un contrôle de police un peu inopiné, soutenir que, trop souvent, les policiers se cachent pour effectuer leurs contrôles et qu'ils manquent donc de courage. Je suis gênée quand j'entends parler de « mépris du droit », de « délation » - M. le ministre a fait justice de cette accusation - et quand j'entends évoquer la « philosophie juridique » : mes chers collègues, avec tous ces mots, vous protégez des personnes qui, si elles n'ont sans doute pas le mépris du droit - elles savent sûrement s'en servir - ont en tout cas le mépris de la vie. Or, c'est cette dernière qui importe avant tout.
Il faut replacer cette disposition dans le cadre actuel de la législation. Nous voulons tous - aucun intervenant dans la discussion générale n'a dit le contraire - faire baisser de manière significative, drastique, diviser par deux le nombre d'accidents mortels dans les cinq ans à venir. Nous savons à quel point certains conducteurs ont des pratiques dangereuses. La disposition qui nous est soumise par le Gouvernement et que l'amendement n° 16 rectifié vise à améliorer vise simplement à étendre la responsabilité pécuniaire du propriétaire.
Je demande donc vraiment aux auteurs des amendements de suppression de bien réfléchir aux conséquences psychologiques qu'aurait l'adoption de ces textes : cela aboutirait, à mon avis, à donner une espèce de licence aux conducteurs pour continuer à rouler en excès de vitesse, à griller des feux rouges ou à brûler des stops, alors qu'un tiers d'entre eux échappe déjà actuellement aux contrôles.
Est-ce vraiment ce message que les parlementaires que nous sommes veulent donner à ces conducteurs ?
L'argument de M. le rapporteur sur la responsabilité du propriétaire d'un véhicule à l'arrêt dont le frein cède, par exemple, est très juste, et il nous faut y réfléchir.
M. le président. Je vous demande de conclure, madame le sénateur.
Mme Joëlle Dusseau. Je vous rappelle aussi que, en matière de droit du travail, le chef d'entreprise est personnellement responsable des actes de ses salariés.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande très sincèrement de ne pas conforter les comportements dangereux et de veiller vraiment au respect de la vie.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je commençais à me poser un certain nombre de questions après avoir entendu les explications de M. le rapporteur, n'ayant pas été convaincu par l'illustration parfaite du cheval ou du véhicule en stationnement dont le frein cède dans la mesure où, dans ces deux cas, aucune action humaine n'entraîne une infraction.
Si, après les explications de M. le ministre, je m'interrogeais encore sur la pertinence de maintenir ou non cet article, je suis résolument favorable aux amendements n° 21 et 31, et donc à la suppression de l'article 4 après la plaidoirie de Mme Dusseau.
Madame Dusseau, vous justifiez votre demande de retrait de ces amendements tout simplement par le fait qu'un tiers des infractions ne peut être verbalisé faute de possibilité d'identifier les conducteurs. Vous évoquez notamment, comme motif de cette absence d'identification, les vitres teintées. La commodité vous conduit à souhaiter verbaliser tout de suite le propriétaire.
Continuons dans cette voie et, dans six mois au maximum, tous les véhicules, en France, seront équipés de vitres teintées ! Tout le monde profitera de la situation puisque seul le propriétaire sera automatiquement verbalisé et puisqu'il n'y aura pas de responsabilité pénale, pas d'inscription au casier judiciaire et pas de retrait des points affectés au permis de conduire. En conséquence, je voterai les amendements n°s 21 et 31 visant à la suppression de l'article 4.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Rien n'est parfait en la matière, et il nous faut, à mon avis, adopter l'attitude la plus pragmatique.
Pour ma part, j'ai attiré l'attention du Gouvernement sur l'aspect constitutionnel du problème. Pardonnez-moi, madame Dusseau, d'avoir prononcé le mot de « philosophie ». En réalité, chacun voit bien que cette mesure est imparfaite ; mais si nous voulons être efficaces, il n'y a pas d'autre mesure envisageable.
Cela étant, j'attire tout de même l'attention sur le fait que les véhicules de société, qui, comme l'a indiqué M. le rapporteur, devraient être parfaitement répertoriés à tout moment de la journée, ne le seront peut-être pas aussi facilement que cela. Aux termes de l'article 5, tout conducteur de véhicule à moteur qui aura été condamné pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure et qui récidive se verra automatiquement puni d'une amende de 50 000 francs. Pour certaines sociétés, cela posera des problèmes extrêmement importants.
Ce côté pénalisant me paraît en revanche logique par rapport à l'enjeu qui concerne effectivement souvent des vies humaines. En effet, une grosse infraction peut entraîner mort d'homme.
Par conséquent, nous voterons ce texte, même s'il est imparfait, et nous nous prononcerons contre les amendements n°s 21 et 31.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Mes chers collègues, je poserai simplement trois questions : voulez-vous conforter des comportements à risques ? Voulez-vous conforter des comportements à risques sans les sanctionner ?
M. Philippe Arnaud. Non !
Mme Joëlle Dusseau. Voulez-vous protéger des gens dangereux ?
M. Philippe Arnaud. Non !
Mme Joëlle Dusseau. Si la réponse est « oui », je ne peux que vous inviter à voter les amendements de suppression ! (Protestations sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 21 et 31, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Section 4

Dispositions relatives à la création d'un délit
en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale
autorisée, égal ou supérieur à 50 km/h

Article additionnel avant l'article 5



M. le président.
Par amendement n° 38, Mme Dusseau propose d'insérer, avant l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est ajouté au titre premier du code de la route (partie législative) après l'article L. 4, un article L. ... ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Est puni d'une peine d'amende de 25 000 francs tout conducteur d'un véhicule à moteur, lorsque la vitesse constatée de son véhicule dépasse de plus de 50 kilomètres-heure la vitesse maximale fixée par l'autorité compétente. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Tout d'abord, je voudrais féliciter l'ensemble du Sénat pour le vote qu'il vient d'émettre. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mes chers collègues, je comprends vos réactions, mais je vous assure que vous avez bien fait globalement de voter comme vous l'avez fait.
M. le président. Madame Dusseau, le vote a eu lieu. Présentez votre amendement n° 38, je vous prie.
M. Louis Moinard. Vous pourriez respecter les parlementaires, madame !
Mme Joëlle Dusseau. Je respecte tout le monde !
Par cet amendement n° 38, je propose que soit considéré comme délictuel le premier grand excès de vitesse dépassant de plus de cinquante kilomètres-heure la vitesse légale, passant ainsi de la notion de contravention, fût-elle de cinquième catégorie, à la notion de délit.
Comme je l'ai rappelé lors de la discussion générale, ce point a fait l'objet d'une proposition de loi que j'ai déposée en 1995.
Je propose que ce délit soit puni non de prison, mais de 25 000 francs d'amende.
Mes chers collègues, j'ai bien entendu la déclaration générale de M. le ministre, et je sens bien l'ambiance de notre Haute Assemblée. (Murmures sur les travées du RPR.) Si je présente malgré tout cet amendement, c'est parce qu'il me semble qu'en matière de conduite le symbole est important et peut jouer sur les comportements.
On publie régulièrement les statistiques faisant état du nombre de tués sur la route. Ce n'est pas ce qui fait baisser les chiffres ou qui modifie la conduite ! Si les gens étaient vraiment confrontés à l'idée que, s'ils commettent un grand excès de vitesse, il s'agit non plus d'une contravention mais d'un délit, cela pourrait, je pense, modifier en profondeur leur comportement dans la conduite automobile ou dans la conduite des deux-roues.
Voilà pourquoi je propose cet amendement, tout en étant bien consciente qu'il n'a pas une chance exceptionnelle d'être adopté par notre assemblée.
M. le président. Ne préjugez pas le vote du Sénat !
M. Jean-Pierre Cantegrit. L'automobiliste est un coupable qui s'ignore !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission des lois est formellement défavorable à cet amendement, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser, madame Dusseau.
En effet, cet amendement vise à faire du grand excès de vitesse, que nous avons maintes fois défini ici, un délit même en l'absence de récidive. Vous alourdissez ainsi, madame, la répression avec un marteau-pilon.
La commission des lois n'est pas favorable à la multiplication des mesures répressives. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire, nous devons travailler à la responsabilisation des individus. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'étais opposé tout à l'heure aux amendements n° 21 et 31.
Le texte du Gouvernement prévoit une sanction lourde - nous le verrons dans un instant - en cas de récidive de grand excès de vitesse. Il est inutile d'en rajouter !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Défavorable, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 38.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Un jour ou l'autre, notre pays sera amené à prendre ce genre de mesures.
J'ai enregistré avec satisfaction la décision de M. le ministre, qui nous a annoncé qu'il réunirait tous les ans le comité interministériel de sécurité routière. Ce dernier sera sûrement conduit à évaluer la politique mise en place, ce qui me paraît nécessaire. Je regrette d'ailleurs fortement que le principe de ces réunions annuelles ait été abandonné depuis 1994.
Cela dit, je maintiens cet amendement pour vous rappeler, mes chers collègues, que l'on compte actuellement 8 000 morts par an sur les routes de France et que, derrière ces chiffres, ce sont des vies brisées, notamment des vies de jeunes et des vies de parents qui ne pourront jamais se remettre de la mort de leur enfant. Il y a, derrière ces chiffres, tant de situations si injustes et si abominables à vivre que nous devrons bien un jour prendre des mesures fortes et symboliques.
Je ne suis pas obsédée par la répression,...
M. Hilaire Flandre. Supprimez les voitures !
Mme Joëlle Dusseau. ... mais je suis, je vous l'assure, obsédée par le fait qu'il faut impérativement transformer en profondeur la manière dont nos concitoyens conduisent leur voiture.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Il est ajouté au titre premier du code de la route (partie législative) un article L. 4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4-1. - Est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende tout conducteur d'un véhicule à moteur qui, déjà condamné définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure, commet la même infraction dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette condamnation est devenue définitive. »
Sur l'article, la parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet article 5 tend à créer un délit en cas de récidive de dépassement égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure de la vitesse maximale autorisée.
Des études effectuées au cours des vingt dernières années ont permis de cerner les principaux facteurs concourant à la fréquence des accidents de la route : dans 95 % des cas, ceux-ci trouvent leur origine dans le comportement des usagers de la route, 5 % étant dus à des défaillances techniques ou à des événements imprévisibles. En outre, la moitié des accidents mortels sont liés à une vitesse excessive ou inadaptée.
Aujourd'hui, si la gradation de la répression est réelle pour ce qui est de la suppression des points et de la suspension du permis de conduire, elle est, en revanche, inexistante en ce qui concerne la nature des infractions, puisque tous les excès de vitesse constituent des contraventions de quatrième classe.
Vous proposez donc, monsieur le ministre, d'instaurer cette gradation des infractions.
La première étape a été le décret du 26 mars dernier, qui prévoit de sanctionner par une contravention de cinquième classe tout dépassement de la vitesse autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure, quel que soit le réseau considéré.
A cette disposition réglementaire, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ajoute une disposition législative qui prévoit que, lorsque le dépassement est supérieur à 50 kilomètres à l'heure et qu'il y a récidive, le conducteur sera puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende.
Au passage, j'attire votre attention sur le fait que, effectivement, des propriétaires peuvent se trouver condamnés à des amendes d'un montant tout à fait extraordinaire, et ce même s'ils ne sont pas les conducteurs du véhicule.
J'accepte effectivement cette nouvelle mesure, mais j'insiste sur la nécessité de mettre en place des dispositifs de prévention et de réviser la réglementation de la vitesse autorisée sur bien des axes routiers de France. En effet, chacun de nous a pu le constater, il existe en France des routes nationales, départementales, mais aussi communales sur lesquelles la limitation de la vitesse est tout à fait drastique. De la sorte, quand survient un accident grave dans une commune, le maire est sollicité par ses concitoyens pour instaurer des zones de limitation de vitesse à 30 kilomètres à l'heure, sans même que soit prévue une consultation du directeur départemental de l'équipement ou du préfet, qui pourraient se prononcer sur le bien-fondé d'une telle limitation. L'élu n'étant pas en position de résister à l'élan populaire qui veut que l'on restreigne la vitesse, je demande que l'on fasse tout pour que ces réglementations de vitesse trop importantes soient revues dans bien des lieux de France.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par MM. Hérisson et Cantegrit.
L'amendement n° 25 est déposé par M. Plasait.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Lesein.
Tous trois tendent à supprimer l'article 5.
Par amendement n° 39, Mme Dusseau propose, dans le texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 4-1 du code de la route, de remplacer les mots : « d'un an » par les mots : « de trois ans ».
Par amendement n° 26, M. Plasait propose :
A. - De compléter in fine l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Dans le délai de dix-huit mois après promulgation de la présente loi, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport d'évaluation de l'application du délit créé au I, en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée, égal ou supérieur à 50 km/h, et formulera, le cas échéant, des propositions de modulation. »
B. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Cantegrit, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Point central du projet de loi, la disposition contenue dans l'article 5 est fortement critiquable, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, la procédure utilisée par le Gouvernement ne peut que choquer le législateur. En effet, il y a quelques jours, un décret a été publié afin de requalifier l'excès de vitesse en contravention de cinquième classe.
Quelle en est la raison ? Il s'agit tout simplement de rendre légal le dispositif de cet article, c'est-à-dire de faire bénéficier du régime de la récidive comme cause d'aggravation de la pénalité les excès de vitesse.
Cette méthode nous paraît tout à fait anormale, parce qu'elle intervient avant même la discussion du projet de loi par le Parlement. Le Gouvernement inaugure une méthode consistant à prendre des décrets avant le vote de la loi, décrets que l'on peut qualifier de textes d'opportunité. Comment ne pas y voir le signe que tout est joué d'avance ?
Sur le fond, le délit proposé en cas de récidive - six mois de prison et 50 000 francs d'amende - apparaît comme très excessif compte tenu de la faute commise et vise à classer le conducteur parmi les délinquants sérieux.
Après avoir requalifié l'excès de vitesse en contravention de cinquième classe, pourquoi ne pas respecter les prescriptions de l'article 132-11 du code pénal prévoyant qu'en cas de récidive le maximum de la peine d'amende est porté à 20 000 francs ? A la limite, ce maximum aurait pu être fixé à 50 000 francs, ce qui aurait été suffisamment dissuasif ! Cela aurait évité la qualification correctionnelle de l'excès de vitesse, c'est-à-dire la peine d'emprisonnement.
Rappelons que les cas dans lesquels une contravention se transforme en délit en cas de récidive sont excessivement rares. Le système proposé, en consacrant les « contraventions-délits », ajoutera à la complexité du régime des contraventions de cinquième classe par l'introduction d'une nouvelle dérogation au droit commun.
En outre, ce nouveau délit ne connaît aucune nuance. Il ne fait pas la différence, on l'a dit, entre l'excès de vitesse en milieu urbain et sur autoroute.
Pour toutes ces raisons, ainsi que pour celles qu'a évoquées la commission des lois, il convient donc de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Plasait, pour défendre l'amendement n° 25.
M. Bernard Plasait. Notre collègue M. Cantegrit ayant admirablement développé, à l'instant, les arguments que je voulais présenter, je n'ajouterai rien à son propos.
M. le président. La parole est à M. Lesein, pour défendre l'amendement n° 32.
M. François Lesein. Je propose, moi aussi, de supprimer l'article 5 parce que l'arsenal répressif aujourd'hui en vigueur me paraît suffisant pour éviter la réalisation de telles infractions.
L'introduction d'une disposition de cet ordre fausse le débat. Si l'intention des pouvoirs publics est réellement de limiter la vitesse et de faire respecter les limitations, la seule solution qui s'impose consiste alors à limiter la vitesse intrinsèque du véhicule, c'est-à-dire à limiter sa puissance !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non !
M. François Lesein. Enfin, nombreux sont les Français qui, parfois à juste titre, ont le sentiment que les infractions au code de la route sont sanctionnées plus sévèrement que les infractions de droit commun. Introduire un tel article ne ferait que renforcer ce sentiment.
Je ne voudrais pas que l'on imagine que je traite le problème par dessus la jambe. Ma carrière, vous le savez, m'a amené à « ramasser » des morts et des blessés graves sur la route, et je puis donc dire que ce que j'ai proposé tout à l'heure - ce sera ma conclusion en fin de séance - est le fruit d'une très longue expérience. Je crois beaucoup plus, je le répète encore, à la pédagogie qu'à la punition.
Dans l'exposé des motifs du projet, il est question de vitesse excessive ou inadaptée. La vitesse excessive, nous y reviendrons. Quant à la vitesse inadaptée, elle l'est peut-être aussi au regard de l'état des routes ; cela, on ne le dit jamais dans les comptes rendus de gendarmerie ! Elle l'est peut-être en raison de la marque du véhicule, qui n'est jamais signalée. On ne sait donc pas quels sont les véhicules les plus dangereux. Parce qu'il ne faut pas pénaliser nos industries, ce sont là autant de petits secrets qu'il serait bon de mettre sur la place publique.
J'en viens au dépassement de la vitesse autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure, en rappelant que, précisément, je n'ai pas voté, tout à l'heure, l'amendement n° 38.
Si donc dans un village, où la vitesse est limitée à 50 kilomètres à l'heure, vous roulez à 90 kilomètres à l'heure, on ne vous dira pas grand-chose. Mais vous savez tout comme moi que, dans un village, un gosse qui surgit derrière un véhicule en stationnement peut être tué par un véhicule roulant à 40 kilomètres à l'heure.
Qu'est-ce que cela signifie ? Ainsi, on va pouvoir rouler à 90 kilomètres à l'heure dans un village sans être sévèrement puni, alors qu'on le sera à 180 kilomètres à l'heure sur une autoroute où, dans bien des véhicules, à l'heure actuelle, on est plus en sécurité qu'avec une vieille 4L qui roule à 90 ou à 100 kilomètres à l'heure !
Tout cela, il faut le savoir. Moi, je ne suis pas d'accord, monsieur le ministre.
Une solution serait de ne plus construire de voitures aussi puissantes. Mais alors, que deviendrait la « vache à lait » de l'Etat ? Je pose tout de même la question parce qu'il ne faut pas être hypocrite. On construit des grosses voitures, on nous incite à les acheter, à payer des vignettes fort chères, des cartes grises onéreuses, à user beaucoup d'essence - on sait la proportion des taxes sur l'essence ! - et l'on ne veut peut plus qu'on roule ! Il faut être raisonnable !
Ou bien alors, qu'on me réponde que je dois rouler en 4 CV, comme tout un chacun ! Ainsi, tout le monde sera content.
Pourquoi payer une grosse vignette ? Il faut la même vignette pour tous puisque l'on ne pourra pas rouler au-dessus d'une vitesse donnée !
Certaines personnes n'ont jamais acheté d'appartement ou de maison parce qu'elles ont eu envie d'avoir une voiture puissante. C'est leur droit de se faire plaisir en achetant une telle voiture. Pourquoi les brimer ? Cela ne va plus du tout !
Monsieur le ministre, je sais quelles sont vos responsabilités et je comprends vos soucis. Mais je sais bien aussi que ceux qui préparent ces réglementations que vous nous proposez - M. Bérard, M. Gérondeau, d'autres aujourd'hui - ne conduisent plus depuis des années parce qu'ils ont un chauffeur. Ils ne savent donc plus de quoi il s'agit. Je regrette, notamment, qu'ils ne fassent pas la différence, on l'a dit, entre le grand excès de vitesse sur autoroute et le même grand excès dans un village, où c'est très dangereux.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 39.
Mme Joëlle Dusseau. Chacun aura compris que mon amendement va dans un sens légèrement différent de celui que vient de présenter l'honorable collègue de mon groupe.
Monsieur Lesein, je crois que vous n'avez pas étudié suffisamment à fond la question. Je suis sûre qu'en réfléchissant un peu...
M. le président. Je vous prie de ne pas interpeller vos collègues, madame.
Mme Joëlle Dusseau. ... vous devriez arriver à une position différente.
Le délai d'un an pour récidive me paraît un peu court. Je préférerais, pour ma part, que ce délai soit aligné sur la durée nécessaire, dans le code de la route, pour récupérer les points qui ont été retirés à la suite d'une infraction, c'est-à-dire trois ans.
M. le président. La parole est à M. Plasait, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Bernard Plasait. Le délit ainsi créé reposant sur un barème unique de 50 kilomètres à l'heure, il serait utile de pouvoir apprécier, au vu des premières données statistiques, son adéquation aux différentes situations rencontrées.
En effet, il y aura, me semble-t-il, une très grande différence selon que le grand excès de vitesse aura été constaté, par exemple, sur une autoroute très dégagée ou en zone habitée, ville ou village.
Il serait donc très utile de voir comment les choses se seront passées concrètement sur le terrain pendant une année afin d'envisager ensuite la modulation éventuelle du barème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 22, 25 et 32, ainsi que sur les amendements n°s 39 et 26 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Les amendements n°s 22, 25 et 32 visent, en fait, à supprimer ce qui est tout de même le coeur du dispositif législatif qui nous est proposé, à savoir la création d'un délit en cas de récidive de grand excès de vitesse.
La commission des lois, qui en a très longuement débattu, n'est pas favorable à ces amendements. Peut-être s'agit-il beaucoup plus d'une question de principe que d'un problème juridique.
En effet, ce que l'on peut attendre d'une telle mesure, c'est qu'elle ait un effet dissuasif sur certains conducteurs qui se laissent réellement griser par la vitesse. Oserai-je dire que je ne leur en veux pas ? Quel est celui d'entre nous qui n'a pas quelquefois été pris par la volonté de puissance du conducteur ou de son véhicule ? Il faut donc être modeste, dans cette affaire.
Il est exact que le Gouvernement a déjà publié le décret créant une contravention de cinquième classe en cas de grand excès de vitesse. Ce sont ses prérogatives ; nous ne pouvons que le constater.
L'auteur d'un des amendements regrette que l'on n'ait pas fait de distinction entre milieu urbain, autoroute, voire encore réseau départemental - que sais-je ? Il est certain que c'était tentant et qu'une telle distinction aurait pu se justifier, certains grands excès de vitesse étant plus dangereux que d'autres. Reste à savoir s'ils sont vraiment plus dangereux en ville que sur autoroute ! Je n'en sais rien. En effet, sur autoroute, ils provoquent parfois des carambolages de cinquante voitures, avec un incendie monstre, alors qu'en ville, c'est vrai, la circulation dense nous impose parfois de rouler à vingt kilomètres à l'heure. Cela m'arrive très souvent lorsque je rentre dans mon département à dix-huit heures trente.
En fait, si l'on acceptait une telle distinction, la mesure serait peu lisible et difficilement applicable.
Toutefois, la commission des lois n'a pas été sans ressentir qu'il y avait effectivement, comme l'a indiqué M. Cantegrit, quelque chose d'un peu excessif dans les pénalités qui sont proposées. Telle est la raison pour laquelle elle ne s'opposerait pas à ce qu'on demande à M. le ministre de diminuer les pénalités qui sont prévues au départ. Au cas où il l'accepterait, je demanderais à MM. Hérisson, Plasait et Lesein de retirer leurs amendements. La réponse est donc entre les mains de M. le ministre.
L'amendement n° 39 vise à fixer à trois ans la période durant laquelle s'apprécie la récidive du grand excès de vitesse. Mme Dusseau estime qu'il en résulterait une plus grande efficacité en termes de sécurité et une cohérence avec le fonctionnement du permis à points.
En réalité, l'amendement vise à durcir, et ce dans des proportions extrêmement importantes, les dispositions relatives au grand excès de vitesse.
Est-il véritablement opportun de développer, dès ce projet de loi, une politique du « tout-répressif », voire de brutalité répressive ?
Tel n'est pas l'avis de la commission des lois, qui préfère nettement mieux former les enfants, former les jeunes, les aider à avoir un comportement de citoyen responsable.
Durcir les textes entraînerait non seulement la peur du gendarme, mais également la peur que ressentirait finalement tout automobiliste dès qu'il prendrait le volant, ce qui pourrait être la cause d'une mauvaise conduite de sa part.
C'est donc à l'unanimité que la commission des lois s'est prononcée contre cet amendement.
L'amendement n° 26 vise à demander que, dans les dix-huit mois suivant la promulgation de cette loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation de l'application du délit que la loi tend précisément à créer.
La commission des lois n'est pas très favorable à la multiplication, qui se fait jour, des demandes de rapports d'évaluation au Gouvernement. Finalement, ces rapports d'évaluation sont un peu comme les réponses orales : on vous donne une belle réponse dans laquelle il n'y a pas grand-chose.
Faut-il, dès lors, surcharger l'exécutif en lui demandant encore des rapports d'évaluation ? Je ne peux, me faisant l'interprète de la commission, que traduire sa grande réserve sur l'intérêt de ces rapports sous lesquels nous avons un peu tendance à crouler et que très peu de gens lisent, en définitive, parce qu'ils n'en ont guère le temps.
Si de graves difficultés surgissent dans l'application de cette disposition, nous nous en rendrons compte, me semble-t-il, sans que le Gouvernement ait à nous soumettre un rapport qui risquerait, alors, d'être un rapport en défense.
S'agissant de la modulation du délit, l'idée est certes intéressante, mais elle rendrait la mesure peu lisible et difficilement applicable.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à l'amendement n° 26, et je demande à M. Plasait de bien vouloir le retirer si mes arguments l'ont convaincu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 22, 25, 32, 39 et 26 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je ne suis pas insensible à la proposition de M. le rapporteur, mais je demanderai au préalable aux auteurs des amendements identiques n°s 22, 25 et 32, visant à supprimer l'article 5, de bien vouloir les retirer.
M. le président. Monsieur Cantegrit, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, indubitablement mon collègue M. Hérisson et moi-même ne pouvons qu'être sensibles à l'appel que nous a lancé notre excellent rapporteur M. Lanier, qui considère que les peines prévues sont excessives. Il a repris mon propos et je l'en remercie.
Monsieur le ministre, nous vous demandons de faire un effort, car nous considérons que ces peines sont excessives. Des peines diminuées de moitié, soit 25 000 francs d'amende au lieu de 50 000 francs, et trois mois de prison au lieu de six mois de prison ne seraient-elles pas suffisamment dissuasives ? J'espère d'ailleurs que les juges accorderont le sursis, je le dis très nettement à mes collègues.
Si vous acceptiez notre proposition, monsieur le ministre, mon collègue M. Hérisson et moi-même serions prêts à retirer notre amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 25 est-il maintenu, monsieur Plasait ?
M. Bernard Plasait. Je ne suis pas convaincu par les arguments de notre excellent rapporteur, qui a d'ailleurs quelque peu ironisé sur les modulations qu'il faudrait introduire entre les chemins vicinaux ou départementaux et les voies urbaines.
Franchement, monsieur le rapporteur, je ne peux pas comprendre qu'on considère aussi grave de rouler à 180 kilomètres à l'heure en plein jour, dans d'excellentes conditions, sur une autoroute, et à 90 kilomètres à l'heure dans un village où un enfant peut surgir à tout instant derrière une voiture ou d'une ruelle. Cela n'a rien à voir. Je ne suis pas convaincu par ces arguments et je maintiens mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 32 est-il maintenu, monsieur Lesein ?
M. François Lesein. Au risque de faire beaucoup de peine à mon excellent ami M. Lanier, je maintiens mon amendement.
Le simple fait d'envisager une peine de prison parce qu'on a roulé un peu vite sans avoir eu d'accident n'est pas pensable. On a vu pire quand les gendarmes arrêtent un voleur de voiture, et qu'ils le présentent au procureur : le voleur est rentré chez lui avant les gendarmes !
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je voudrais apporter une précision. Il est bien certain que les pénalités évoquées, y compris d'ailleurs si elles étaient diminuées, sont des maxima qui ne sont pas applicables systématiquement. C'est une réponse que je voulais vous faire, monsieur Plasait.
Il serait bon que nous arrivions sur ce point à un accord, car la commission des lois croit que sa position est juste.
M. le président. Monsieur le ministre, les amendements de suppression étant maintenus, quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis bien évidemment défavorable à ces amendements. J'ai entendu de nombreux arguments et je répète qu'il s'agit, pour la lisibilité du texte, de considérer qu'un délit est constitué lorsqu'il y a récidive dans l'année d'un excès de grande vitesse, supérieur ou égal à 50 kilomètres à l'heure par rapport aux vitesses prescrites.
On me dit parfois : pourquoi ne demandez-vous pas que l'on bride les véhicules ? L'un des membres de cette assemblée avait l'air très compétent sur ce point, et j'aimerais qu'il m'indique comment il convient de brider les moteurs des véhicules pour la traversée des villages. Expliquez-moi combien de véhicules différents il faudrait mettre en circulation eu égard aux limitations de vitesse existantes ! La vitesse est limitée à 50 kilomètres à l'heure dans les villages ; 50 kilomètres à l'heure de plus, cela fait 100 kilomètres à l'heure. Avec un moteur bridé à 150 kilomètres à l'heure, sous prétexte de ne pas dépasser les 130 kilomètres à l'heure sur autoroute, vous pouvez traverser un village, rouler sur une départementale ou sur une nationale à une vitesse bien supérieure à celle qui est prescrite. Tout cela n'est pas raisonnable.
Nous proposons ici un dispositif simple, lisible, de surcroît pédagogique puisqu'il s'agit, comme le disait M. le rapporteur, non pas de frapper dur dès le premier dépassement de grande vitesse, mais d'alerter le conducteur du risque qu'il encourt s'il recommence dans l'année, et de lui faire prendre conscience qu'alors la nouvelle infraction se transformera en délit passible non seulement d'une amende, mais aussi d'une peine d'emprisonnement. Cela étant, vous avez l'air de penser, mesdames, messieurs les sénateurs, que les juges qui seront appelés à se prononcer vont systématiquement prononcer les maxima prévus dans la loi. Mais enfin ! cela ne se passe jamais ainsi !
C'est un signal d'alerte qui est donné, c'est une démarche qui est proposée pour s'attaquer à l'excès de grande vitesse, de sorte que l'on aille vers une conduite apaisée.
En ce qui concerne les rapports et tout ce qui devra être fait, au bout d'une année nous pourrons voir où nous en sommes et faire évoluer ce qu'il sera nécessaire de faire évoluer.
L'amendement n° 29 vise à alourdir fortement le caractère répressif de la disposition prévue par le Gouvernement. Je tiens à insister sur l'objectif, qui est essentiellement pédagogique. Il me semble donc suffisant de s'en tenir à la récidive dans l'année pour avoir un effet dissuasif. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
J'en arrive à l'amendement n° 26. Le Gouvernement a fixé un objectif quantifié, il évaluera l'évolution de la situation et les effets des différentes mesures qui ont été prises à l'occasion d'un comité interministériel qui se réunira chaque année sous la présidence du Premier ministre. L'évaluation demandée sera donc faite. Je laisse à la sagesse de la Haute Assemblée le soin de se déterminer sur cet amendement n° 26.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 22, 25 et 32.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je veux attirer l'attention sur la contradiction qu'il y a entre la volonté affirmée de faire baisser de manière significative le nombre de morts et de handicapés lourds déplorés chaque année à la suite d'accidents de la route et le fait de vider le texte de ce qui est, on le sait bien, peut-être son élément le plus important.
Si le texte était vidé de cet élément, que resterait-il ? Pas grand-chose : des stages pour les jeunes en cas d'infractions graves ; des dispositions relatives aux établissements d'enseignement de la conduite et de la sécurité routière.
Je voudrais insister aussi, mes chers collègues, sur le changement d'attitude de l'être humain, calme quand il se promène dans la rue, et empreint de violence et d'agressivité quand il prend le volant d'une voiture.
Je crois donc très fortement qu'au niveau de la symbolique - j'insiste bien sur ce terme - il est important que la récidive d'un excès de grande vitesse de plus de cinquante kilomètres à l'heure devienne effectivement dans notre droit un délit.
M. Louis Moinard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Comme tout un chacun, je déplore l'insécurité routière et le manque de civisme d'un certain nombre de conducteurs.
Vous présentez, monsieur le ministre, un projet de loi qui, dans l'ensemble, va, selon moi, dans le bon sens ; je n'en ai d'ailleurs rejeté qu'un seul article.
Formation des conducteurs, oui ; garanties exigées pour les professionnels des écoles de conduite, oui ; dans quelques instants, proposition d'un dépistage de la drogue chez les conducteurs en infraction, oui ; répression en cas d'infraction, oui.
Sachons cependant garder la mesure. Evitons, monsieur le ministre, les pièges à nos concitoyens. Combien de maires, sous la pression de leurs concitoyens, repoussent leurs panneaux de limitation de vitesse en agglomération pour faire plaisir à trois propriétaires isolés ? Les conducteurs doivent dans ces circonstances, sans présignalisation et alors qu'ils ne sont pas encore dans un bourg, passer de 90 kilomètres à l'heure à 50 kilomètres à l'heure ; et s'il y a une descente, un radar est placé juste derrière le panneau, le dépassement de vitesse est inévitablement sanctionné : 10 000 francs, 50 000 francs d'amende !
Qui va payer ? Certaines personnes insolvables s'en moqueront. Mais dans d'autres cas, comme les familles à revenus modestes, ce seront des enfants qui manqueront du nécessaire pour que les parents puissent payer de telles amendes, et je ne parle pas de l'emprisonnement.
Avertissement, amende, oui ; mais à la mesure de la faute. C'est pourquoi je voterai les amendements identiques n°s 22, 25 et 32.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques instants afin que nous remettions un peu d'ordre dans nos idées.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, j'allais formuler la même demande.
M. le président. Nous allons interrompre quelques instants nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Nous poursuivons la discussion du projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je dépose un amendement à l'article 5 pour modifier les peines maximales encourues afin de les porter à trois mois d'emprisonnement au lieu de six mois et à 25 000 francs d'amende au lieu de 50 000 francs. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 43, présenté par le Gouvernement et tendant à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 5 pour l'article L. 4-1 du code de la route :
« Art. L. 4-1. - Est puni de trois mois d'emprisonnement et de 25 000 francs d'amende tout conducteur d'un véhicule à moteur qui, déjà condamné définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure, commet la même infraction dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette condamnation est devenue définitive. »
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande que l'amendement n° 48 soit mis aux voix par priorité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 48 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
M. François Lesein. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Je ne suis pas d'accord avec cette façon de procéder. Cet amendement aurait été acceptable, monsieur le ministre, si vous aviez supprimé la peine de prison.
Prévoir une telle peine pour quelqu'un qui a bu, soit ! encore qu'il n'en existe même pas. Nous examinerons ce problème tout à l'heure pour les personnes qui sont sous neuroleptiques ! Mais pour quelqu'un qui a fait un excès de vitesse, fût-il récidiviste, non ! On ne met pas les gens en prison pour cela. Je trouve que c'est une atteinte à la liberté individuelle.
Le conducteur prend ses responsabilités. On peut décider, lors du procès, de lui retirer son permis pendant un an, deux ans même, si l'on veut, mais on ne peut pas mettre les gens en prison pour un excès de vitesse ! Cela paraît hors du commun !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Un peu pour les mêmes raisons que notre collègue M. Lesein, monsieur le ministre, je ne peux pas accepter cet amendement.
De surcroît, voter une disposition qui condamne les récidivistes d'excès de vitesse à une peine de prison à laquelle, nous, parlementaires échapperions du fait de notre immunité, ne me paraît pas tellement juste vis-à-vis de nos concitoyens.
Je préfère effectivement que nous adoptions purement et simplement des sanctions extrêmement fortes comme le retrait de permis de conduire pendant deux ans, trois ans, quatre ans et même cinq ans.
Plusieurs sénateurs du RPR. Du calme !
M. Philippe Arnaud. D'accord pour la symbolique que vous souhaitez, mais pas pour la prison.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, le ministre et le rapporteur ayant fait un effort important, mon collègue M. Hérisson et moi-même retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.
M. Bernard Plasait. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Je retire également l'amendement n° 25, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 32, 39 et 26 deviennent sans objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Les dispositions du a) du premier alinéa de l'article L. 11-1 du code de la route sont remplacées par les dispsitions suivantes :
« a) infractions prévues par les articles L. 1er à L. 4-1, L. 7, L. 9 et L. 19 du présent code ; ».
Je suis saisi de trois amendement qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 33, M. Lesein propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 17, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de l'article 6, après les mots : « dispositions du a » de supprimer les mots : « du premier alinéa ».
Enfin, par amendement n° 23, MM. Hérisson et Cantegrit proposent, dans le texte présenté par l'article 6 pour le a de l'article L. 11-1 du code de la route, de remplacer la référence : « L. 4-1 » par la référence : «L. 4 ».
La parole est à M. Lesein, pour présenter l'amendement n° 33.
M. François Lesein. Cet amendement de coordination tombe.
M. le président. L'amendement n° 33 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement vise à rectifier une erreur dans le décompte des alinéas.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, pour présenter l'amendement n° 23.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement tombe également.
M. le président. L'amendement n° 23 n'a plus d'objet.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 17 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Section 5

Dispositions relatives à l'instauration d'un dépistage
systématique des stupéfiants, pour les conducteurs
impliqués dans un accident mortel


Article additionnel avant l'article 7



M. le président.
Par amendement n° 40, Mme Dusseau propose, avant l'article 7, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé.
« A la section IV du titre II du livre V du code de la santé publique, il est inséré un article L. 593-2 ainsi rédigé :
« L. 593-2 . - Lorsqu'un médicament est susceptible de modifier l'aptitude à la conduite automobile, un pictogramme est placé directement sur son conditionnement.
« Le médecin qui le prescrit et le pharmacien qui le délivre doivent informer l'utilisateur des risques liés à la conduite. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement concerne les médicaments neuroleptiques ou anxiolytiques susceptibles de modifier le comportement des conducteurs.
Vous savez que la France est le premier pays utilisateur de ce type de médicaments dont il est actuellement difficile de mesurer de manière significative l'effet sur la conduite.
C'est pourquoi je propose un amendement qui, d'une part, vise à mettre en place directement sur le conditionnement un pictogramme indiquant que la conduite automobile peut être modifiée par l'usage du médicament.
L'amendement prévoit également que le médecin qui prescrit le médicament, ainsi que le pharmacien qui le délivre doivent informer l'utilisateur des risques liés à la conduite en cas d'usage de ce type de médicaments. Ainsi, deux avertissements successifs seraient émis par les professionnels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable.
Tout d'abord, la première partie de l'amendement, qui concerne le placement d'un pictogramme sur les emballages de médicaments, relève manifestement du domaine réglementaire. Le Gouvernement a d'ailleurs prévu de prendre une telle mesure par décret, comme il nous l'a annoncé tout à l'heure lors de la discussion générale.
Ensuite, la seconde partie de l'amendement risque de susciter de très graves difficultés concernant la responsabilité des médecins, qui sont déjà suffisamment sollicités.
Il me paraît préférable de faire confiance aux praticiens, qui ne manquent pas d'alerter leurs patients sur les risques qu'entraîne l'absorption de certains produits quand ils les recommandent et les prescrivent, je pense notamment aux neuroleptiques ou autres substances susceptibles d'entraîner l'endormissement au volant.
En tout cas, la commission des lois ne juge pas souhaitable d'inscrire cette disposition dans la loi, même si cet amendement a le mérite de souligner le rôle incontestable que les médecins et pharmaciens ont à jouer en la matière.
Votre amendement précise, madame Dusseau, que « le médecin qui le prescrit et le pharmacien qui le délivre doivent informer l'utilisateur des risques liés à la conduite. » C'est déjà une pratique courante chez les médecins et chez les pharmaciens.
Il est donc inutile de faire peser sur eux une nouvelle responsabilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je partage l'avis de M. le rapporteur pour les mêmes raisons que les siennes. La concertation menée avec la profession étant terminée, le décret est déjà en cours de préparation.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 40.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - Il est ajouté au titre premier du code de la route (partie législative) un article L. 3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3-1. - Les officiers ou agents de police judiciaire font procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident mortel de la circulation, à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles se révèlent positives ou sont impossibles, ou lorsque le conducteur refuse de les subir, à des analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants.
« Les résultats de ces analyses sont transmis au procureur de la République du lieu de l'accident.
« Toute personne qui aura refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le présent article sera punie des peines prévues au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 1er.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai souhaité intervenir à ce moment de notre discussion, c'est parce qu'il m'a semblé nécessaire de formuler une mise en garde à propos de notre perception de l'absorption de produits stupéfiants.
Le Sénat, à travers sa commission des lois, souhaite qu'à l'instar de ce qui se passe pour l'alcool la conduite sous l'empire de produits stupéfiants devienne, enfin, un délit. La mesure est essentielle et j'y souscris pleinement.
Si des difficultés apparaissent en cette matière, elles sont essentiellement d'ordre scientifique et technique. Alors que l'alcool est une substance unique, aisément détectable, les produits stupéfiants sont bien plus nombreux, ce qui rend leur dépistage plus délicat.
La commission relève que, compte tenu du faible état d'avancement des connaissances sur ce sujet, le Gouvernement n'a pas souhaité punir le délit qu'elle propose de créer. Il s'agit d'une première divergence d'opinion.
En revanche, la commission a reconnu que de nombreuses incertitudes subsistant, il n'était pas envisageable, à l'heure actuelle, de prévoir des dépistages systématiques de stupéfiants.
J'accepte de partager cette opinion, à la seule et unique condition que le Gouvernement nous assure que, dès l'apparition des progrès techniques permettant d'atteindre une certaine fiabilité, un nouveau texte sera voté, afin de permettre ces dépistages.
Je voudrais d'ores et déjà formuler, de manière assez ferme, une mise en garde à ce sujet. J'entends çà et là - la commission s'en est d'ailleurs fait l'écho dans son rapport - qu'il conviendrait sans doute, comme en matière d'alcool, de définir des seuils à partir desquels la conduite, sous l'empire de ces substances, serait considérée comme répréhensible.
Je rejette formellement cette approche. Les conséquences d'un tel raisonnement me semblent en effet désastreuses.
Si le code de la route est un jour modifié en ce sens, alors, nous assisterons, malgré nous et sans qu'un débat sur ce thème ait pris place, à la légalisation pure et simple de la consommation de stupéfiants.
De surcroît, de telles mesures auront pour effet immédiat d'anéantir tous les efforts entrepris en matière de prévention contre la drogue. Comment expliquerons-nous aux jeunes qui pourraient être tentés par l'expérience de la drogue qu'il s'agit d'un poison si, par ailleurs, le code de la route définit un seuil en deçà duquel ce poison n'est pas dangereux ?
L'article L. 628 du code de la santé publique dispose que « seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 25 000 francs (...) ceux qui auront, de manière illicite, fait usage de stupéfiants ». Comment osera-t-on, sans contrevenir à cet article, déterminer des seuils en deçà desquels la consommation de stupéfiants ne serait pas répréhensible ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il serait irresponsable de tenir deux discours différents dans ce domaine. Le premier, salutaire, qui vise à interdire toute consommation de drogue et le second, criminel, qui tolérerait la consommation limitée de ces produits.
Nous n'en sommes heureusement pas encore à ce stade. Aussi, pour ne jamais y parvenir, nous devons d'ores et déjà affirmer solennellement que, dès que la fiabilité des dépistages sera établie, le principe de condamnation des conducteurs ayant fait usage de stupéfiants sera adopté.
Ces condamnations devront alors intervenir sans conditions, quelle que soit la quantité de produits stupéfiants présente dans l'organisme du conducteur.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Dans son discours liminaire, M. le ministre a indiqué que le présent projet de loi se limite à prévoir, en cas d'accident mortel, un dépistage assorti d'analyses ou d'examens médicaux, cliniques et biologiques.
Je suis étonné que le contrôle ne soit pas prévu en dehors des accidents. Lorsqu'un procureur de la République demande à la gendarmerie de procéder à des contrôles d'alcoolémie de telle à telle heure, à tel ou tel endroit, ces contrôles ont lieu. A l'heure actuelle, on peut dépister, avec une simple analyse d'urine, la prise de stupéfiants ; ce n'est pas onéreux. On pratique de telles analyses chez les sportifs pour lutter contre le dopage. Il suffirait, dans l'optique de contrôles systématiques, de procéder à un examen qualitatif, l'aspect quantitatif n'étant pas opportun pour l'instant. En tout cas, je suis étonné que l'on ne se soit pas rapproché des médecins qui interviennent dans le milieu sportif pour savoir comment cela se passe.
Je voudrais aussi évoquer l'usage des neuroleptiques et même des psychotropes qui, combinés à l'alcool, peuvent plonger les conducteurs dans des états d'excitation qui les amènent à faire n'importe quoi et à provoquer des accidents. L'absence de détection de ces deux substances représente à mes yeux une lacune. Certes, ainsi qu'on nous l'a laissé entendre, le problème des médicaments est bien sûr plus difficile à régler. Quoi qu'il en soit, je souhaite ardemment que l'on se penche rapidement sur cette question, car j'ai le souvenir - beaucoup de médecins pourront vous dire la même chose - d'accidents apparemment inexplicables dont, après enquête, on s'est rendu compte qu'ils étaient dus à l'absorption de médicaments liée à la consommation d'un ou deux apéritifs.
Je souhaite donc vivement que vos services, monsieur le ministre, se rapprochent de ceux de Mme le ministre de la jeunesse et des sports. Ils vous expliqueront qu'il est assez facile de procéder à des examens en vue de la détection de stupéfiants. Pourquoi le procureur ne les demanderait-il pas systématiquement puisqu'ils sont, je vous l'assure, très simples à réaliser ? Vous affirmez qu'ils ne sont pas encore au point, mais je suis au regret de vous contredire. Je voulais vous sensibiliser à ce problème qui me paraît très grave. Ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, constitue un bon début mais reste, à mon avis, insuffisant.
M. le président. La parole est à M. Fischer. M. Guy Fischer. Nous comprenons le souci du Gouvernement, exprimé dans cet article, de donner aux scientifiques les moyens juridiques d'évaluer le rôle de la drogue dans l'insécurité routière.
Des interrogations demeurent néanmoins quant à la liberté d'appréciation laissée au juge dans la définition de la sanction à l'encontre du conducteur concerné.
Les résultats obtenus seront-ils suffisamment précis pour établir le lien de causalité entre l'usage de drogues illicites et une modification de comportement du conducteur ayant entraîné l'accident mortel ?
Ce lien peut-il être déterminé dès lors que nous ne pouvons pas, en l'état actuel de nos connaissances, connaître les délais écoulés entre l'usage d'une drogue et le moment du dépistage ?
Enfin et surtout, l'obligation de soumettre aux diverses épreuves tout conducteur impliqué dans un accident mortel doit être entourée de précautions.
Nous en appelons, à cet égard, à la vigilance du Gouvernement, mais, je suis sûr, monsieur le ministre, que vous partagez nos préoccupations.
Nous souhaitons, en conclusion, que les débats parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, permettent de placer des garde-fous juridiques et ainsi d'effacer les incertitudes quant à l'application de l'article 7 que notre groupe a relevées.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. A ce moment du débat, nous nous posons un certain nombre de questions.
En effet, par cet article 7, monsieur le ministre, vous proposez d'instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel de la circulation.
Il serait utile de savoir si ce dépistage est facile ou compliqué à pratiquer. Nous nous interrogeons sur ce point. Pour ma part, je ne suis pas assez compétent et j'ignore si l'état actuel de notre recherche scientifique nous permet, d'une façon aussi pratique que pour l'alcool, de dépister ceux qui présentent tel ou tel danger, compte tenu du volume et de la teneur de la substance illicite qu'ils ont ingérée.
Dès lors, on peut se poser la question : comment va-t-on faire pour dépister ? Nous savons fort bien que les analyses de sang sont fiables dans ce domaine, mais nous savons tout aussi bien que les analyses d'urine, de salive et de sueur peuvent donner des indications insuffisantes, qu'il faut compléter par une analyse de sang. Voilà ce que j'ai retenu de la lecture de différents articles de spécialistes en la matière.
Par conséquent, s'il s'agit, monsieur le ministre, d'un effet d'annonce, ce que je comprends bien étant donné qu'il est question d'accidents mortels, bien évidemment, nous vous suivrons.
En revanche, s'il s'agit d'adapter la législation sur les stupéfiants à celle qui existe actuellement en matière d'alcool au volant, à ce moment-là, nous nous trouvons confrontés à une impossibilité : autant on mesure assez facilement le degré d'alcool à ne pas dépasser pour être effectivement dans la norme d'une « conduite apaisée » comme vous l'avez dit - j'aime bien cette expression - autant la prise de stupéfiants étant, par essence, illicite, nous ne pourrons en aucun cas mesurer quoi que ce soit. Il nous faudrait d'abord élaborer une loi sur la dépénalisation de certaines drogues, avant, éventuellement, de traiter ce problème. Par conséquent, on ne peut pas calquer la législation sur les stupéfiants sur les dispositions qui existent en ce qui concerne l'alcool.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que notre assemblée se réfère uniquement au texte du projet de loi et que, dans un premier temps, cette détection n'intervienne qu'en cas d'accident mortel.
M. le président. Par amendement n° 34, M. Bimbenet propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 à insérer dans le code de la route, de remplacer le mot : « mortel » par le mot « corporel ».
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Il s'agit là d'un point de notre débat qui ne fait pas l'unanimité si j'en crois le nombre d'amendements déposés sur ce sujet, ainsi que le compte rendu des débats de la commission.
J'ai parfaitement entendu les arguments, tant scientifiques que financiers, qui s'opposent au dépistage systématique des stupéfiants. Pour les mêmes raisons, j'admets que ce dépistage ne puisse, en l'état actuel des connaissances, être opéré pour chaque accident de la circulation.
Un autre argument semble également s'opposer à une telle mesure : il s'agit simplement du fait que les forces de police ne peuvent pas intervenir à chaque accident matériel de la circulation.
En revanche, la distinction opérée, selon laquelle seuls les accidents mortels donneraient lieu à dépistage, me paraît particulièrement inopportune, ce pour de multiples raisons.
La première concerne le fond du débat. Ce que nous recherchons, c'est la diminution du nombre de tués sur les routes. Mais il ne faut pas prendre le problème à l'envers. Diminuer le nombre de tués, c'est inévitablement réduire le nombre d'accidents.
Ce n'est donc pas aux conséquences des comportements fautifs qu'il faut s'attacher pour déterminer si ceux-ci sont ou non répréhensibles. C'est le fait même de conduire sous l'emprise de la drogue qui est condamnable, qu'un accident intervienne ou non, puisque, en tout état de cause, la prise de stupéfiants augmente le « facteur accident ». Chaque accident de la circulation est susceptible d'être mortel. Il est effectivement évident que, au moment même du choc, nul n'est en mesure d'évaluer quelles pourront en être les suites. C'est pourtant à ce moment précis qu'il faut se placer pour savoir si la drogue a pu être la cause de l'accident, quel qu'il soit, exception faite des accidents matériels, pour les raisons que je viens d'indiquer.
La deuxième raison qui s'oppose à cette distinction est de nature pratique et, hélas ! particulièrement sinistre.
Il est assez rare que les victimes d'accident de la circulation soient tuées sur le coup. Bien souvent, le décès intervient dans les heures qui suivent l'accident, soit pendant le transfert à l'hôpital, soit lors de l'éventuelle intervention chirurgicale.
Est-il raisonnable de distinguer les accidents immédiatement mortels de ceux qui ne le seraient qu'ultérieurement ?
Plus complexes encore sont les cas où le décès n'intervient qu'un ou deux mois après l'accident. Il est bien évident que, passé ce délai, il est trop tard pour procéder à un dépistage. Pourtant, le résultat est identique puisque l'accident s'est soldé par la mort de la victime.
En outre, les victimes d'accident de la circulation ne sauraient admettre, me semble-t-il, que leur vie puisse être pour toujours gâchée par un handicap, sans que l'on ait jamais cherché à savoir si le conducteur fautif était ou non sous l'emprise de la drogue.
Enfin, si l'on opère cette distinction, cela signifie qu'il faut plus de sévérité dans le cadre de la lutte contre l'alcoolisme au volant, où le dépistage est systématique en cas d'accident corporel, que dans le cadre de la lutte contre la drogue. Pour ma part, je ne saurais me résoudre à cette éventualité.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je suis obligé de dire que la commission n'est pas favorable à cet amendement.
Un très long débat s'est engagé au sein de la commission à ce sujet. Initialement, la commission avait envisagé de proposer une mesure semblable à celle qu'a présentée M. Bimbenet, c'est-à-dire de prendre en compte tout accident corporel. Elle y a renoncé pour deux raisons. Un accident corporel peut se traduire par une égratignure, mais peut aussi, neuf jours après l'accident, entraîner la mort ou une infirmité très grave.
Il a fallu alors considérer la lourdeur du dispositif de dépistage. Certains collègues, tels mon ami François Lesein, mais aussi Franck Sérusclat qui a déposé un amendement, sont orfèvres en la matière.
Tout à l'heure, M. le ministre nous a dit que, si l'absorption d'alcool était relativement aisée à détecter, celle de stupéfiants était encore aléatoire. En effet, pour y parvenir, il est procédé à un prélèvement de salive ou d'urine. Si la présence de drogue est décelée, est-elle due à la prise de stupéfiants ou bien à l'absorption par le conducteur d'une bonne dose d'Ephédrine pour se dégager le nez afin de pouvoir conduire sans être larmoyant ?
Par conséquent, la mesure proposée est plus difficile à mettre en oeuvre, me semble-t-il, qu'en matière d'alcool.
En 1996, on a dénombré 125 406 accidents corporels. Procéder à 125 000 dépistages alors que tous les moyens ne sont pas encore au point apparaît complexe et délicat. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 34 et demande à son auteur de le retirer, car elle proposera tout à l'heure un amendement qui pourrait lui donner satisfaction.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je souhaite attirer l'attention du Sénat sur le fait que nous proposons, avec ce texte, de lever un interdit.
J'ai indiqué à votre assemblée - M. le rapporteur vient de le dire - que nous ne disposions pas, aujourd'hui, de connaissances suffisamment fiables sur le lien entre la consommation de drogue et l'aptitude à la conduite.
L'objectif du Gouvernement - qui suit les recommandations du Livre blanc déposé il y a déjà trois ans et celles du Centre d'études et de recherche de médecine du trafic - est, précisément, de combler cette lacune.
L'instauration d'un dépistage à l'occasion des accidents mortels constitue un échantillon suffisant, si je puis dire, pour obtenir des résultats scientifiquement valables. Ces résultats, que nous aurons rapidement, nous permettront de prendre alors des mesures plus appropriées.
Je ne crois pas que, au moment où nous faisons le premier pas, il faille procéder à marche forcée. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Bimbenet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet. J'ai bien entendu l'appel de M. le rapporteur et celui de M. le ministre. Dois-je en déduire, monsieur le ministre, que dès que les moyens techniques seront à la portée de tout le monde, le renforcement du contrôle des produits stupéfiants sera réellement poursuivi et intensifié ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pour l'instant, il nous faut établir, de manière sérieuse et responsable, les liens qui peuvent exister entre la consommation de drogue et l'aptitude à la conduite. Les chiffres dont nous disposons sont différents d'un pays à l'autre. Le Gouvernement suit, je le répète, les recommandations du Livre blanc et celui des experts du Centre d'études et de recherches de médecine du trafic qui viennent de se prononcer sur la manière d'agir en la matière.
En cas d'accident mortel, des prélèvements seront effectués. Nous pourrons ainsi mieux appréhender non seulement les effets des drogues illicites, mais également ceux des médicaments pris, le lien éventuel entre l'absorption de telles substances et la faute, le cas échéant, du conducteur qui est impliqué dans un accident mortel.
Le projet de loi tend, je le répète, à lever l'interdit qui existe à l'heure actuelle. Il faut le faire sans précipitation et avec sagesse, étant entendu, comme l'a dit M. le rapporteur, que, pour l'instant, nous ne disposons ni de certitudes scientifiques ni de moyens nous permettant de prendre en compte les conducteurs autres que ceux qui sont impliqués dans des accidents mortels.
D'ailleurs, avec M. le secrétaire d'Etat à la santé, nous avons demandé à l'Agence du médicament de s'assurer de la fiabilité des tests et des laboratoires. Il me paraît important de le souligner puisqu'il s'agit de l'un des points que vous avez évoqués, monsieur Mahéas.
M. le président. Monsieur Bimbenet, après avoir entendu M. le ministre, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet. Etant donné que le projet de loi prévoit que les épreuves de dépistage auront lieu en cas d'accidents mortels, je souhaite que les premières condamnations qui feront état d'absorption de stupéfiants aient valeur d'exemples.
Cela dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 41, Mme Dusseau propose, à la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route, de remplacer les mots : « classées comme stupéfiants » par les mots : « illicites ou détournées de leur usage capables de modifier l'aptitude à la conduite ».
Part amendement n° 30, M. Sérusclat propose de compléter in fine le premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route par les mots : « , ou de médicaments classés comme psychotropes et dont la notice d'utilisation avertit d'une influence sur la conduite automobile. »
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 41.
Mme Joëlle Dusseau. Nous nous situons dans une partie du débat qui est, me semble-t-il, fortement symbolique et qui, par son rôle d'effet d'annonce, tend à attirer l'attention sur des phénomènes susceptibles de modifier les comportements.
A ce titre, je serais profondément gênée si le texte conduisais à ne réprimer que l'usage des produits illicites, en sous-entendant que ces derniers sont forcément dangereux et que - ce qui est plus grave - les produits licites ne sont donc pas dangereux.
Or nous savons qu'il existe actuellement - tel était l'objet d'un amendement que j'ai présenté tout à l'heure - soit des produits médicamenteux, qui sont visés par l'amendement n° 30 de M. Sérusclat, soit des produits licites détournés de leur usage et capables de modifier l'aptitude à la conduite. Il n'y aura jamais de loi pour interdire les colles, les essences ou les médicaments. Nous savons pourtant que l'usage détourné ou non maîtrisé de ces produits peut entraîner des comportements dangereux.
Suivant l'une des recommandations inscrites dans le Livre blanc « Sécurité routière, drogues licites ou illicites et médicaments », mon amendement tend donc à étendre la notion de stupéfiants aux produits illicites ou détournés de leur usage capables de modifier l'aptitude à la conduite.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Franck Sérusclat. Cette discussion me paraît, à certains égards, ubuesque. En effet, un projet de loi concernant le dopage des sportifs nous sera soumis prochainement et nous devrons alors caractériser ces produits que certains disent non caractérisables aujourd'hui.
Hier, j'ai interrogé le directeur du laboratoire de police de Lyon, où j'ai occupé la fonction de directeur adjoint pendant une trentaine d'années. J'ai eu la responsabilité de mettre en route les dosages d'alcool dans le sang à une époque où certains continuaient à prétendre qu'on ne savait pas faire et qu'il serait impossible d'arriver à de bons résultats. Ce discours était généralement tenu par ceux qui souhaitaient vendre de l'alcool.
Ces dosages d'alcool dans le sang sont désormais devenus la routine. Grâce aux alcootests, on sait maintenant obtenir un taux d'alcool dans le sang quasi-correct à partir de l'analyse de l'air expiré, taux qui est bien sûr, si nécessaire, contrôlé ultérieurement par un examen sanguin.
Nous en sommes pratiquement au même point aujourd'hui. En effet, dans les laboratoires de police, le dépistage de stupéfiants fait partie de la routine, par chromatographie en phase gazeuse. En l'occurrence, le terrain est sûr. Vous l'avez sans doute considéré comme tel, monsieur le ministre, puisque vous avez prévu ce dispositif dans votre article. Toutefois, vous n'avez pas ajouté les psychotropes. Or, aujourd'hui, ils sont eux aussi décelables, soit par chromatographie en phase gazeuse, soit par spectrographie de masse, soit par les méthodes immuno-enzymatiques.
Si l'on pouvait dire qu'il n'y a pas trace de ces substances, ce serait déjà important. Le fait de dire qu'il en existe, c'est aussi significatif.
Je suis d'accord avec vous sur la difficulté de doser. Aujourd'hui, c'est faisable. Des professeurs de la faculté de Bordeaux avec lesquels j'ai pris contact ce matin m'ont confirmé que cela peut être fait, même si c'est plus long et plus difficile. Je regrette d'être en contradiction avec M. Mahéas, qui a, lui aussi, émis des doutes sur ce sujet.
Par ailleurs, je ne veux pas donner l'impression que, par mes relations scientifiques anciennes et en raison de ma formation professionnelle, j'en sais un peu plus que d'autres. En effet, j'ai moi aussi des hésitations. Cependant, on n'a pas le droit aujourd'hui d'affirmer que l'on ne sait pas caractériser ces substances, sinon cet argument sera repris lors de l'examen du projet de loi que j'ai évoqué à l'instant. Nous devrons alors trouver des solutions pour des situations plus difficiles, je pense, en particulier, à la nandrolone, dont vous avez entendu parler.
Aussi, j'insiste pour que, dans l'article 7, soient visés les médicaments classés comme psychotropes et dont la notice d'utilisation avertit d'une influence sur la conduite automobile. Par conséquent, on pourrait sérier davantage les initiatives à prendre. Je le répète : on ne peut pas dire que le dépistage de ces produits est aujourd'hui impossible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 41 et 30 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 41, car il n'apporte pas d'éléments supplémentaires. En cas de dépistage positif un médecin sera conduit à vérifier si le dépistage est positif à cause de l'absorption de substances prescrites sur ordonnance médicale ou s'il y a eu un usage de stupéfiants qui ne correspond pas à une prescription médicale.
Il n'est sans doute pas utile d'ajouter des termes qui peuvent être incertains. C'est le sens de ce que j'ai dit tout à l'heure. Je ne suis ni médecin ni pharmacien. Le préfet que j'ai été...
M. François Lesein. Un grand préfet !
M. Lucien Lanier, rapporteur. ... est, par essence, généraliste, mais pas dans le domaine médical, sauf quelquefois en matière de sauvetage. (Sourires.) Cela étant, l'ajout des mots « capable de modifier l'aptitude à la conduite » pourrait créer une incertitude. Ces termes sont effectivement importants, mais, en l'état actuel et d'après ce qui nous a été dit, à l'heure actuelle il ne serait pas possible de discerner les médicaments qui ont une influence sur la conduite automobile.
Il existe de nombreuses drogues pour lesquelles le dépistage est si évident que la question ne se pose même plus.
S'agissant de l'amendement n° 30, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer. En effet, M. le ministre semble avoir des notions précises sur les substances psychotropes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 41 et 30 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les notions précises que je peux avoir sont résumées dans le projet de loi qui vous est présenté. Le Gouvernement a fait un choix simple, en s'appuyant sur le code de la santé publique, afin de ne pas avoir des approches juridiques différentes dans des codes différents.
Pour cette raison et compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, je suis défavorable aux amendements n°s 30 et 41.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 30 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission partage l'avis du Gouvernement : elle émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix l'amendement n° 41, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je veux insister à nouveau sur le fait qu'il ne faut pas accréditer l'idée selon laquelle les produits illicites étant forcément dangereux, les produits licites ne le seraient pas. On constate en effet dans notre pays, qui occupe le premier rang mondial dans ce domaine, un usage massif et généralisé de calmants, de psychotropes et d'autres médicaments entraînant des conséquences lourdes pour le comportement en général et pour l'aptitude à la conduite en particulier. En l'occurence, il s'agit de l'effet réel de telle ou telle drogue sur la conduite automobile, et non pas de sa légalisation ou non. D'après le texte, le fait d'avoir consommé une drogue, quelle qu'elle soit, même si elle a un effet extrêmement faible sur la conduite ou pas d'effet du tout, sera poursuivi. En revanche, le fait pour un conducteur d'avoir avalé beaucoup de comprimés met en péril à la fois sa vie et celle des autres, ne sera pas puni dès lors qu'il s'agit de produits licites.
Il faut vraiment attirer l'attention des usagers de la route sur cette situation. Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, les médecins dans leur ensemble n'attirent pas l'attention de leurs patients sur les dangers de ces médicaments. Ces produits sont tellement banalisés que neuf médecins sur dix, et je dois être en deçà de la réalité, n'attirent jamais l'attention de leurs patients sur les conséquences de la consommation de tels médicaments.
Il faut vraiment que nous prenions conscience de ce problème et, surtout, que l'opinion publique en prenne conscience.
Aussi je soutiens l'amendement de notre collègue M. Sérusclat.
M. François Lesein. Moi aussi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 18, M. Lanier, au nom de la commission, propose d'insérer, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route, deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite, de substances ou plantes classées comme stupéfiants sera punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 F d'amende.
« Lorsqu'il y aura lieu à l'application des articles 221-6 et 222-19 du code pénal à l'encontre de l'auteur de l'infraction définie à l'alinéa précédent, les peines prévues par ces articles seront portées au double. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 35, présenté par M. Bimbenet, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour être inséré après le deuxième alinéa de l'article L. 3-1 du code de la route, à remplacer les mots : « deux ans » par les mots : « trois ans » et le montant : « 30 000 F » par le montant : « 50 000 F ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Madame Dusseau, les deux alinéas que la commission propose d'insérer vont sans doute vous donner satisfaction.
Nous avons mesuré l'influence exacte de la consommation de drogues sur la conduite, mais il est actuellement difficile de la déterminer avec autant de précision que pour l'alcool.
Cependant, il est invraisemblable, alors que l'on pénalise l'absorption d'alcool, que l'on donne l'impression de ne pas pénaliser l'absorption de drogue ; ce serait tout de même un comble. C'est la raison pour laquelle la commission a cherché à combler cette lacune. Il faut donc prévoir une sanction à l'encontre des personnes qui conduisent sous l'empire de stupéfiants. C'est d'ailleurs ce que notre collègue M. Edouard Le Jeune avait prévu dans une proposition de loi qui est jointe à notre rapport écrit.
Cet amendement précise que la conduite sous l'empire de stupéfiants doit subir les mêmes peines que celles qui sont prévues pour la conduite en état alcoolique. Il prévoit, en outre, que la consommation de stupéfiants est un facteur aggravant en cas de blessures ou d'homicide involontaire.
La consommation de drogue est un acte très grave, déjà puni par le code de la santé publique. Le projet de loi reportait toute punition, si j'ose m'exprimer ainsi, ou toute pénalité au code de la santé publique. La commission a estimé que c'était insuffisant. Elle a considéré qu'il est plus grave de prendre le volant après avoir consommé de la drogue et que, en conséquence, devaient figurer dans la loi les mêmes pénalités que pour la conduite sous l'empire de l'alcool, afin d'établir une analogie. Nous proposons donc de créer un délit spécifique réprimant la conduite sous l'empire de stupéfiants. Il paraît difficile de prévoir un dépistage de stupéfiant sans prévoir aucune sanction particulière.
M. le président. La parole est à M. Bimbenet, pour défendre le sous-amendement n° 35.
M. Jacques Bimbenet. Alors que le Gouvernement ne souhaitait pas punir la conduite sous l'influence de substances classées comme stupéfiants, la commission, fort heureusement, choisit d'agir ainsi en déposant l'amendement n° 18.
Au moment d'établir les maxima encourus, la commission a décidé de s'en référer à la législation en vigueur et, par analogie, de reprendre les peines qui sont prévues pour la conduite sous l'empire d'un état alcoolique.
Je regrette que la commission n'ait pas souhaité faire de distinction entre les deux types d'infraction, et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé ce sous-amendement.
Il s'agit en effet de dire que, si l'abus d'alcool est un fléau dont les conséquences peuvent se révéler désastreuses sur la route, on ne saurait néanmoins y assimiler la consommation de stupéfiants, et ce pour une raison simple : la consommation d'alcool est autorisée, dans une certaine mesure, alors que la consommation de stupéfiants est un délit.
Dans les faits, cela se traduit de la façon suivante.
Premièrement, en dehors des dispositions spécifiques du code de la route, la consommation d'alcool est autorisée, quelle qu'en soit la quantité ; la consommation de stupéfiants est interdite, et ce dès la première prise.
Deuxièmement, s'agissant des dispositions spécifiques du code de la route, la consommation d'alcool est autorisée, pourvu que la présence d'alcool dans le sang ne dépasse pas un certain taux ; la consommation de stupéfiants, elle, demeure interdite, et ce toujours dès la première prise.
Ainsi, la faute commise par celui qui aura conduit un véhicule tout en ayant fait usage de stupéfiants sera nécessairement plus lourde que celle qui a été commise par celui qui aura conduit sous l'empire d'un état alcoolique.
Cette faute est nécessairement plus lourde dans la mesure où elle s'inscrit d'emblée hors la loi, ce qui n'est pas le cas de la conduite après absorption du premier verre de vin ou de whisky. En revanche, la première prise de stupéfiant est intentionnellement délictuelle et donc parfaitement condamnable.
Une distinction de fait et de droit existe donc bel et bien. C'est cette distinction que je vous demande d'introduire au sein de l'amendement de la commission, en prévoyant des peines plus sévères pour la conduite sous l'emprise de la drogue, qui n'est tout de même pas la même chose que la conduite sous l'emprise de l'alcool.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 35 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Ce sous-amendement vise à alourdir encore les peines prévues pour le délit de conduite sous l'empire de stupéfiants, dont la commission des lois a proposé la création. La commission a souhaité établir un parallélisme avec l'alcool, non seulement pour que la drogue ne soit pas mieux traitée que l'alcool, mais aussi parce que la détection du stupéfiant - on me l'a dit de tous bords - est plus difficile que celle de l'alcool.
J'ajoute que la conduite sous l'empire de stupéfiants constitue une circonstance aggravante en cas d'homicide ou de blessure involontaire.
Est-il nécessaire d'aggraver les peines alors que l'on demandait tout à l'heure leur diminution ?
La commission des lois préfère donc son amendement, qui est plus clair et qui établit un parallélisme entre les deux fléaux. Aussi inviterai-je M. Bimbenet à retirer son sous-amendement n° 35.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 18 et sur le sous-amendement n° 35 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il n'existe pas à ce jour d'études scientifiques solides sur la drogue et la conduite automobile. Lors de la dernière conférence des ministres européens des transports, qui s'est tenue le 3 mars dernier, nous avons examiné le rapport du centre d'études et de recherches en médecine du trafic. Celui-ci a présenté la situation dans chaque pays européen et a recommandé aux différents gouvernements de mener des études de détection de drogue chez les conducteurs accidentés, d'évaluer les tests de dépistage sur le terrain, en particulier ceux qui sont réalisés à partir de la salive et de la sueur, d'évaluer les méthodes de confirmation des laboratoires, y compris pour le sang et les urines.
Les dispositions prises par le Gouvernement sont conformes à ces recommandations. Un certain retard a peut-être été pris en la matière. Il nous faut le rattraper pour avoir le plus rapidement possible les connaissances nécessaires à l'action publique.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de masquer le retard pris en faisant de la surenchère. Il n'est pas utile de créer une sanction nouvelle dans le code de la route. En l'état actuel de la législation française, les juges peuvent, dans le cadre des enquêtes ouvertes à la suite d'accidents mortels - une enquête est toujours ouverte en ce cas - poursuivre les faits incriminés et en tenir compte en s'appuyant sur le code pénal ou sur le code de la santé publique dans le prononcé de leur jugement.
Pour ces deux raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 18 et sur le sous-amendement n° 35.
M. le président. Monsieur Bimbenet, le sous-amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet. Je suis un peu navré que, ce soir, on fasse la part belle à la drogue. (M. le ministre proteste.)
Lorsque j'ai vu, sur un parking de l'autoroute que j'emprunte chaque jour, un jeune en train de chauffer avec son briquet un produit dans une cuillère et prendre la route ensuite, j'aurais sans doute dû le signaler aux gendarmes ; peut-être l'aurait-on empêché de poursuivre son voyage. Si on laisse les personnes se droguer et conduire sous l'emprise de stupéfiants, je ne suis plus d'accord !
De surcroît, monsieur le ministre, bien que n'étant pas médecin ou pharmacien, je suis persuadé, après avoir assisté à des auditions de sportifs entre autres, qu'il est bien facile de déceler la drogue dans le sang.
Mais je ne veux pas faire ma mauvaise tête et contredire notre si aimable rapporteur. Je retire mon sous-amendement, mais je resterai ferme quant à la surveillance de ce problème.
M. le président. Le sous-amendement n° 35 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Parce qu'il s'agit d'un terrain mal connu et difficile à appréhender, faute de données statistiques fiables et complètes, le Gouvernement proposait d'avancer de façon mesurée et pragmatique sur le problème des conséquences de l'utilisation de stupéfiants sur la conduite de véhicule.
Cette démarche était, du reste, celle qui était préconisée par les auteurs du Livre blanc sur les effets des médicaments et des drogues sur la sécurité routière.
L'article 7, ainsi rédigé, bien qu'imparfait à certains égards, pouvait faire l'objet d'un consensus sur ces bancs.
L'objectif du projet de loi est simple : améliorer nos connaissances scientifiques sur l'influence des drogues illicites sur la conduite.
A cette fin, il est proposé de soumettre tout conducteur impliqué dans un accident mortel à des analyses médicales.
La sanction porte uniquement sur le refus de se soumettre aux tests.
Certes, l'exposé des motifs précise que le juge peut tenir compte des résultats obtenus s'il y a homicide. Mais, en tout état de cause, il devra le faire à partir de la législation existante.
Or, l'amendement de la commission, faisant fi des précautions gouvernementales, pose une fois de plus le problème de la pénalisation renforcée de la drogue.
Sanctionner le consommateur de stupéfiants de façon unilatérale, alors que nous ignorons l'étendue des effets des drogues sur la conduite, relativement à leur nature et à leur condition d'utilisation, relève d'une interprétation discutable.
On tend ainsi à privilégier une logique sécuritaire et purement répressive sur une exigence de santé publique. (M. Eckenspieller proteste.)
Le débat sur la sécurité routière ne doit pas servir de « cheval de Troie » pour une répression accrue de l'usage de stupéfiants. Le problème est posé.
En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen refuse d'entrer dans le débat souhaité par la droite sur la pénalisation ou la dépénalisation de la drogue.
Ce débat sera nécessaire, le moment venu ; mais ce n'est certainement pas ici et maintenant que nous le réglerons.
Traiter de façon détournée et pernicieuse de questions aussi sensibles ne nous satisfait pas. Le problème est suffisamment grave pour qu'il soit traité autrement, dans d'autres conditions.
Monsieur le ministre, votre démarche, qui se souhaite consensuelle et progressive, se voit condamnée par cet amendement.
Notre groupe, bien évidemment, votera contre l'amendement n° 18 et souhaite que, s'il était adopté par le Sénat, l'Assemblée nationale le rejette lorsqu'elle aura à l'examiner.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. J'ai été pour ma part tout à fait convaincu par ce que vient d'affirmer M. le ministre : l'état actuel de nos recherches ne nous permet pas d'adopter la même attitude concernant l'alcool et la drogue.
A partir de ce moment, je trouve assez indécent - j'emploie à dessein un mot un peu provocateur - de nous faire, à la fin d'une séance de travail bien remplie, une proposition chère aux hommes de droite, qui se manifeste par des annonces tout à fait intempestives. Permettez-moi de dire que, quand on n'a pas les outils pour déceler quelque chose, on reste modeste et on s'interroge ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Je crois savoir que cela a été bien expliqué, dit et redit par les uns et les autres.
M. Alain Gérard. Demandez donc à M. Sérusclat.
M. Jacques Mahéas. Nous n'avons à aucun moment légiféré sur l'éventuelle dépénalisation des drogues. Par conséquent, à partir de quel degré de prise de drogue pourra-t-on prévoir une peine ?
Soyons directs : la consommation de drogues dures, considérée à juste titre par l'un de nos collègues comme un danger manifeste, sera-t-elle mise au même niveau que le joint fumé par un jeune ? On en est là ! Je crois donc que les instruments ne sont pas suffisamment fiables et que cet amendement est malvenu.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je regrette une chose due, peut-être à l'heure tardive, à la fatigue, ou à une certaine inconscience : alors que nous avions évité jusque-là de mêler les problèmes dont nous discutons, qui sont de première importance, du fait des 8 000 morts par an sur les routes et 125 000 accidents corporels, à des discussions politiques...
M. Alain Gérard. Absolument !
M. Lucien Lanier, rapporteur. ... vous mettez maintenant sur le dos de la droite je ne sais quelle prétention ! Je ne l'admets pas ! J'ajoute d'ailleurs que cela al'air de faire de la gauche le défenseur des drogués ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le rapporteur, je voudrais être bien sûre de comprendre le sens de cet amendement, qui porte sur l'article 7, lequel impose des analyses en cas d'accident mortel.
L'amendement n° 18 vise à ajouter deux alinéas.
Le premier est ainsi rédigé : « Toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite, de substances ou plantes classées comme stupéfiants sera punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 francs d'amende. »
A ma connaissance, nous nous situons là non pas dans le cas des accidents mortels mais dans le cas général.
Dans l'hypothèse d'un accident mortel, c'est l'alinéa suivant qui intervient : « Lorsqu'il y aura lieu à l'application des articles 221-6 et 222-19 du code pénal à l'encontre de l'auteur de l'infraction définie à l'alinéa précédent, les peines prévues par ces articles seront portées au double. »
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas juriste, mais je crois pouvoir déduire ceci de la lecture de votre amendement : la commission propose que, dans l'hypothèse d'un accident mortel et lorsque la présence d'une drogue, quels que soient sa nature et son degré, est décelée, les peines prévues au premier alinéa soient doublées, ce qui aboutirait à quatre ans d'emprisonnement et à 60 000 francs d'amende. En tout cas, je ne vois pas d'autre lecture possible des deux aspects de l'amendement que vous proposez au nom de la commission, monsieur le rapporteur.
Tout à l'heure, vous expliquiez longuement que les personnes qui s'étaient rendues coupables deux fois en un an d'un grand dépassement de vitesse ne pouvaient pas payer des amendes de 30 000 francs et qu'il fallait prévoir une amende inférieure !
Quant à envisager au maximum six mois d'emprisonnement, c'était impossible, sous peine de porter atteinte aux droits de l'homme !
M. Hilaire Flandre. Quel cinéma !
Mme Joëlle Dusseau C'est vous qui faites du cinéma !
Et maintenant, vous dites que toute personne qui aura conduit après usage de substances illicites sera passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 francs d'amende, et qu'en cas d'accident mortel, en dehors des conséquences légales de l'accident et de la cause de la mort, la peine sera doublée, soit 60 000 francs d'amende et quatre ans d'emprisonnement.
Mes chers collègues, je vous assure que vous n'avez pas vraiment pesé vos termes ! Faites attention de ne pas développer dans l'esprit des gens la confusion entre l'illicite et le dangereux et, ce qui est peut-être plus grave encore, entre le licite et le non-dangereux.
Je suis donc contre cet amendement, dont le deuxième paragraphe me paraît dangereux.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Aux termes du deuxième paragraphe de l'amendement n° 18, sera condamnée « toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite, de substances... ». Cela signifie-t-il que, si cette personne a fait usage de ces substances le mardi et qu'elle conduit le samedi, elle sera en faute ?
Mme Joëlle Dusseau. Les substances seront encore présentes dans les urines !
M. Franck Sérusclat. Non, peut-être pas, mais il y aura eu usage ! Par conséquent, le simple fait de faire usage rend fautif quel que soit le délai écoulé, même un mois après.
Il faut, par conséquent, que l'on puisse établir la présence du stupéfiant dans l'organisme, et donc effectivement le rechercher et le doser.
La rédaction de cet amendement en rend elle-même l'application impossible.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Aucun des arguments qui ont été invoqués ne m'ont convaincu.
C'est la raison pour laquelle je considère que la commission des lois a parfaitement raison de vous soumettre l'amendement n° 18, que je maintiens, bien entendu.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le troisième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route, de remplacer les mots : « vérifications prévues » par les mots : « analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques prévus ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement montre la volonté de la commission des lois d'établir un parallélisme entre la consommation d'alcool et la consommation de drogue s'agissant des vérifications opérées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Section 6

Dispositions diverses

Article additionnel avant l'article 8



M. le président.
Par amendement n° 36, M. Bimbenet propose d'insérer, avant l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris au plus tard le 30 juin 1999, déterminera les règles de priorité dont bénéficient les véhicules de transport en commun d'enfants. »
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Je reviens ici sur un thème que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder au cours de la discussion générale, le transport en commun des enfants.
L'amendement que j'ai déposé sur ce sujet constitue, en réalité, un appel lancé au Gouvernement, le Parlement n'ayant, en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution, aucun pouvoir en ce domaine.
En 1995, j'avais déposé, je le rappelle, une proposition de loi visant à conférer aux autocars transportant des enfants une priorité particulière afin d'éviter des accidents malencontreux.
Le principe que je propose est simple. Sur les routes de campagne, les autocars s'arrêtent pour laisser les enfants monter ou descendre. Il arrive trop fréquemment que ces derniers cherchent à traverser la route alors que l'autocar n'a pas redémarré. C'est à ce moment que des accidents surviennent : en effet, les enfants peuvent être fauchés par des véhicules qui doublent ou croisent le car à l'arrêt. Cela s'est produit à deux reprises dans ma commune, et c'est sans doute pour cette raison que je suis sensibilisé à cette question.
Les conducteurs n'ont pas, en fait, la possibilité de voir les enfants traverser, puisque ceux-ci sont cachés par leur bus.
La solution que je propose est fort simple et constituerait, en fait, une adaptation des mesures de sécurité qui sont déjà appliquées dans les villes, où des personnels municipaux stoppent la circulation afin que les enfants puissent traverser.
On peut parfaitement imaginer qu'en province, comme cela se pratique dans d'autres pays du monde, ces autocars soient dotés, à l'avant et à l'arrière, d'un panneau « stop » lumineux. Le conducteur l'allumerait lorsqu'il arrête son véhicule, puis l'éteindrait au redémarrage, après s'être assuré que tous les enfants sont hors de danger.
Lorsque le panneau « stop » est allumé, il prend la valeur d'un panneau de signalisation classique, et interdiction est alors faite aux automobilistes, de croiser ou de doubler l'autocar.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, la mesure que je vous propose d'adopter est simple et de bon sens. Le précédent gouvernement m'avait fait connaître son intérêt pour celle-ci. Mais, depuis 1995, hélas ! rien ne s'est produit.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé aujourd'hui cet amendement, visant à ce que, d'ici à un an ou plus, le Gouvernement s'engage à mettre en place une mesure de cet ordre.
Toutefois, j'ai bien entendu la réponse que vous m'avez faite, monsieur le ministre, lors de la discussion générale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. M. Bimbenet a sensibilisé la commission aux préoccupations évoquées par son amendement et c'est la raison pour laquelle je souhaiterais que le Gouvernement nous indique ce qu'il envisage de faire en cette matière. En effet, il n'est pas tellement souhaitable, aux yeux de la commission, de surcharger la loi en y inscrivant des dispositions qui auraient davantage leur place dans divers règlements, même lorsque l'intention est aussi louable que celle-là, puisqu'il s'agit de protéger les enfants.
Aussi, monsieur Bimbenet, en fonction des réponses que vous fera le Gouvernement, peut-être serez-vous rassuré, et peut-être retirerez-vous votre amendement si M. le ministre vous confirme ce que vous souhaitez.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Chaque jour, quatre à cinq millions d'enfants empruntent les transports scolaires. La sécurité de ces transports est donc une préoccupation majeure des autorités organisatrices que sont les conseils généraux et certaines communes.
Cependant, nous déplorons, chaque année près de dix décès d'enfants, les accidents ayant le plus souvent lieu à la montée ou à la descente des véhicules.
Je sais que des mesures très strictes existent dans d'autres pays, notamment aux Etats-Unis et au Canada. Il s'agit, dans ces deux cas, d'une interdiction absolue de dépassement des véhicules spécifiquement affectés au transport scolaire, véhicules qui sont par ailleurs très facilement reconnaissables.
Je ne suis pas sûr qu'il soit aujourd'hui opportun de réglementer sans avoir préalablement engagé la concertation, notamment avec l'association des présidents de conseils généraux, puisque lesdits conseils sont les autorités organisatrices. Il me semble cependant indispensable que toutes les autorités concernées localement accentuent sans attendre leurs efforts d'aménagement et de signalisation des arrêts.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Bimbenet, mais il en mesure l'intérêt. Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que nous agirons dans le sens que vous souhaitez afin de réduire l'insécurité concernant les transports d'enfants.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Bimbenet ?
M. Jacques Bimbenet. Je remercie M. le ministre de ses propos. J'ai pris bonne note de son intention d'examiner ce dossier avec fermeté et je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 36 est retiré.

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - Le premier alinéa de l'article L. 14 du code de la route est modifié ainsi qu'il suit :
« I. - Les mots : "à l'occasion de la conduite d'un véhicule" sont supprimés.
« II. - Les dispositions du 1° sont remplacées par les dispositions suivantes :
« 1° Infractions prévues par les articles L. 1er à L. 4-1, L. 7, L. 9, L. 9-1 et L. 19. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 20, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 14 du code de la route est modifié ainsi qu'il suit :
« I. - Dans le premier alinéa, les mots : "à l'occasion de la conduite d'un véhicule" sont supprimés.
« II. - Les dispositions du 1° sont remplacées par les dispositions suivantes :
« 1° Infractions prévues par les articles L. 1er à L. 4-1, L. 7, L. 9, L. 9-1 et L. 19. »
Par amendement n° 24, MM. Hérisson et Cantegrit proposent, dans le texte présenté par le paragraphe II de l'article 8 pour le 1° de l'article L. 14 du code de la route, de remplacer la référence : « L. 4-1 » par la référence : « L. 4 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Lucien Lanier, rapporteur. L'amendement n° 20 vise à corriger une erreur dans le décompte des alinéas. Je ne pense pas que cette correction souffre de difficulté.
Quant à l'amendement n° 24, il n'a plus d'objet, me semble-t-il.
M. le président. L'amendement n° 24 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 20 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.

Articles additionnels après l'article 8



M. le président.
Par amendement n° 29 rectifié, M. Pépin et Mme Bardou proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° Le soin de contrôler la vitesse des véhicules circulant sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations ».
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Il existe un code de la route que les automobilistes sont tenus de respecter, mais, contrairement aux autres domaines, le maire n'a, en cette matière, aucun pouvoir de sanction en cas d'infraction, sauf celui de faire appel aux gendarmes qui, eux-mêmes, ne peuvent verbaliser qu'avec l'aide d'un cinémomètre. Or les gendarmes ne sont pas toujours présents dans la commune et, quand ils le sont, ils n'ont pas toujours un cinémomètre à leur disposition. Il en résulte donc, pour la très grande majorité des automobilistes, une grande liberté d'action, qui se traduit le plus souvent, sans que pour autant le maire puisse sévir, par un non-respect des panneaux de limitation de vitesse.
Certains moyens sont déjà mis à la disposition des maires pour réduire la vitesse des véhicules : création de carrefours, de ronds-points, de passages piétonniers surélevés, de zones « 30 ». Tout cela est certes nécessaire' malgré les frais importants qui en découlent pour la commune et les contribuables, mais ce n'est pas suffisant, car chacun sait que cela n'empêche pas les automobilistes qui le veulent de continuer à rouler à grande vitesse sur les autres secteurs de voies communales.
Il y a donc là un vide législatif très important qu'il paraît indispensable de combler, compte tenu des dangers très souvent mortels qui découlent de l'inconscience de certains conducteurs en mal de vitesse.
C'est pourquoi, au moment où un projet de loi axé sur la sécurité routière est présenté, il paraît opportun d'inclure, parmi toutes les mesures proposées en vue de l'améliorer, celle qui tend à donner aux maires des communes de France les moyens de réprimer les excès de vitesse dans la traversée des agglomérations, ce qui n'est pas le cas actuellement, loin s'en faut.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement vise, à l'évidence, à étendre les pouvoirs de la police municipale pour lui permettre de contrôler la vitesse des véhicules.
Actuellement, une loi est en préparation sur les attributions des polices municipales. Or, en l'état actuel des choses, les polices municipales, sur le statut desquelles j'ai personnellement eu l'occasion de réfléchir à plusieurs reprises au Sénat, comportent des différences considérables d'un point à un autre, d'une mairie à une autre.
Dès lors, est-il vraiment nécessaire d'augmenter ainsi les pouvoirs, non pas du maire, en l'occurrence, mais de polices municipales inégales d'une commune à l'autre en matière de polices, de la circulation et de stationnement, pouvoirs qui sont déjà étendus dans le cadre de la commune ?
Il n'est pas certain qu'il soit opportun de confier de telles prérogatives aux polices municipales sans qu'une réflexion préalable approfondie soit menée, ce qui sera le cas à l'occasion de l'examen du projet de loi qui vient d'être déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
C'est la raison pour laquelle, madame le sénateur, je vous demande - uniquement pour les arguments que j'invoque au nom de la commission des lois - de bien vouloir retirer votre amendement, dans l'attente de pouvoir le présenter ultérieurement lors du débat qui interviendra sur les polices municipales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le projet de loi relatif aux polices municipales a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale au début du mois d'avril. Il prévoit, en son article 1er, la modification de l'article L. 212-5 du code général des collectivités territoriales, qui devrait préciser que les agents des polices municipales « constatent par procès-verbaux les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ».
C'est donc à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, qui devrait intervenir très prochainement, que le Sénat pourra débattre de cette extension de la compétence des polices municipales et répondre ainsi au problème que vous posez, madame le sénateur.
Par conséquent, je souhaite, à mon tour, que vous puissiez retirer cet amendement afin de préserver la cohérence de la discussion sur un sujet qui nous préoccupe tous.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Bardou ?
Mme Janine Bardou. Compte tenu des précisions qui m'ont été données tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, je vais le retirer, non sans avoir relevé auparavant que, durant toute la soirée, nous avons beaucoup parlé des grands excès de vitesse et de l'égalité devant la loi, alors que, dans les petites communes, ce sont les excès de vitesse ordinaires, inférieurs de beaucoup aux premiers, qui gênent la vie des habitants, voire qui sont très dangereux pour eux. Or, ces infractions, nous n'avons pas les moyens de les réprimer, et c'est pourquoi les pouvoirs des maires et des polices municipales doivent pouvoir être accrus.
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
Par amendement n° 46, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les trois premiers alinéas de l'article 36 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs sont modifiés comme suit :
« a) Au premier alinéa, après les mots : "de transport routier public" sont insérés les mots : "de personnes ou" ;
« b) Au deuxième alinéa, après les mots : "dans les conditions prévues par" sont insérés les mots : "le règlement (CEE) n° 684/92 du Conseil du 16 mars 1992 pour le transport de personnes ou" ;
« c) Au troisième alinéa, après les mots : "inscrit au registre mentionné", sont insérés les mots : "à l'article 7 de la présente loi pour le transport de personnes ou" et, après les mots : "de toute entreprise de transport routier public", sont insérés les mots : "de personnes ou". »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement souhaite, par cet amendement, apporter une précision à la loi n° 98-69 du 6 février 1998, adoptée à l'unanimité par le Sénat, et qui est relative aux conditions d'exercice de la profession de transporteur routier.
Il s'agit d'étendre au transport routier de personnes le dispositif de sanctions administratives applicable au transport routier de marchandises.
Cela n'a pas été fait précédemment, car, si les mesures d'application du règlement du Conseil européen concernant le transport routier de marchandises datent du 26 mars 1992, celles qui concernent le transport routier de personnes n'ont été publiées que le 8 janvier 1998.
Ce complément est nécessaire pour éviter une faille juridique qui peut localement poser des problèmes sensibles, comme c'est d'ailleurs le cas, aujourd'hui, dans le département de la Martinique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l'article 36 de la loi d'orientation sur les transports intérieurs. Il prévoit que les activités de transport public routier de personnes s'effectuent sous le couvert d'une licence de transport intérieur ou d'une licence communautaire. Il vise donc, de façon utile, à prendre en compte une directive communautaire de décembre 1997 pour le transport public de personnes.
Le Gouvernement en a bien besoin pour régler une affaire qui est en train de grossir comme une montagne à la Martinique.
En l'espèce, on pourrait, certes, parler de « demi-cavalier ». Mais comme cette disposition est bien utile pour la nation, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
Je suis maintenant saisi de deux amendements.
Par amendement n° 44, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 3 de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958 concernant les conditions du travail dans les transports routiers publics et privés en vue d'assurer la sécurité de la circulation routière est modifié comme suit :
« I. - Dans le premier alinéa, après les mots : "La falsification des documents", sont ajoutés les mots : "la fourniture de faux renseignements, l'absence d'installation".
« II. - Dans le deuxième alinéa, après les mots : "jusqu'à ce qu'il ait été", sont ajoutés les mots : "mis en conformité ou". »
Par amendement n° 45, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 9-1 du code de la route est modifié comme suit :
« I. - Dans le premier alinéa, après les mots : "soumis à une obligation de vitesse par construction,", sont ajoutés les mots : "de ne pas respecter cette obligation,".
« II. - Dans le deuxième alinéa, après les mots : "jusqu'à ce qu'il ait été" sont ajoutés les mots : "mis en conformité ou". »
La parole est à M. le ministre, pour présenter ces deux amendements !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. L'amendement n° 45 vise à mettre en conformité la sanction prévue pour le délit d'absence de limiteur de vitesse avec celle qui est prévue pour le débridage de ce dispositif. Pour cela, il convient de modifier l'article L. 9-1 du code de la route.
L'amendement n° 44 est de même nature. Il s'agit de mettre en conformité la sanction prévue pour le délit d'absence de chronotachygraphe avec celle qui est prévue pour la falsification de ce dispositif. A cette fin, il convient de modifier l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958.
Dans les deux cas, débridage du limiteur de vitesse ou falsification du chronotachygraphe, la peine doit être dissuasive, afin d'empêcher des comportements intolérables eu égard à la sécurité routière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 44 et 45 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. L'amendement n° 44 est presque plus important que l'amendement n° 45 dans la mesure où le chronotachygraphe sert à mesurer la vitesse, à déterminer le périple du camion, les heures de repos et de travail, etc.
En effet, il s'avère que certains camions des pays de l'Union européenne ne sont pas munis de cet appareil. Il convient donc de le faire installer, car je ne vois pas pourquoi les étrangers seraient mieux traités que les Français en la circonstance. En l'espèce, le mot « étranger » n'a d'ailleurs rien de péjoratif, je m'empresse de le dire.
La commission a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 44.
La commission est également favorable à l'amendement n° 45. En effet, si le limiteur de vitesse par construction est l'objet d'un délit quand il est détérioré volontairement ou involontairement, en revanche, aucune peine n'est prévue quand il n'existe pas.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Gérard pour explication de vote.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que notre pays compte encore plus de 8 000 morts par an sur les routes et que 20 % des tués sur la route ont entre dix-huit et vingt-quatre ans, le texte dont nous terminons l'examen ne peut nous satisfaire pleinement, car il est à la fois incomplet et contradictoire.
Incomplet, tout d'abord, car le dispositif proposé ne va pas assez loin dans les domaines de la prévention, de la sensibilisation et de la formation des jeunes conducteurs d'automobile et surtout de moto, jeunes particulièrement exposés aux risques de la route. Les chiffres que je viens de citer le démontrent clairement.
Contradictoire, ensuite, car le dispositif proposé s'oppose à la politique budgétaire que vous menez, monsieur le ministre.
Vous souhaitez en effet, grâce à ce texte, lutter contre l'insécurité routière. Mais, dans le même temps, vous venez de procéder, le 16 janvier dernier, à une annulation des crédits affectés à l'investissement aux transports terrestres à une annulation des crédits alloués aux grosses réparations et aux aménagements de sécurité sur la voirie nationale. Ces annulations se montent au total à 61 millions de francs en autorisations de programme et à 45 millions de francs en crédit de paiement sur le budget de 1998.
Ce désintérêt de l'Etat vis-à-vis de la voirie nationale ne manquera pas d'avoir de graves répercussions sur le nombre d'accidents.
Néanmoins, je tiens, au nom de notre groupe, à rendre tout particulièrement hommage au rapporteur de la commission des lois, notre collègue Lucien Lanier, pour la qualité de son travail et la pertinence de ses propositions.
Il a su renforcer l'obligation de formation pour les conducteurs novices auteurs d'infraction, améliorer le dispositif tendant à assainir la profession d'enseignement de conduite et de sécurité routière, indiquer explicitement dans le dispositif que le propriétaire d'un véhicule déclaré pécuniairement responsable d'une infraction commise par un tiers n'est pas responsable pénalement et que la responsabilité pécuniaire n'entraîne ni inscription au casier judiciaire ni retrait de points.
En conséquence, le groupe du Rassemblement pour la République votera le texte tel qu'il a été amendé aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après ces longs débats, on sent bien que le problème de la conduite est très complexe et que nous n'avons pas trouvé la solution ce soir. En effet, la conduite est celle de tous, piétons, cyclistes, motocyclistes, alors que nous ne traitons pratiquement que de l'automobiliste, ce bon usager contribuable.
De la même façon - on vient de le dire - je n'ai pas obtenu l'assurance formelle d'une action pédagogique profonde, qui doit commencer dès le cours préparatoire. Or, devant la douleur des familles lors d'accidents mortels, il nous importe d'exiger les inscriptions budgétaires nécessaires à une autre culture de la conduite. Je l'ai déjà dit, je crois plus à la vertu éducative qu'à la répression, qui est trop inégalitaire.
Les problèmes nouveaux liés à l'usage des neuroleptiques compliquent notre action. Il faudra du courage pour les résoudre, mais il est grand temps de s'y atteler. Toute attente paraît coupable, à mes yeux.
Vous le comprenez, je ne suis pas satisfait, ce soir. De tous mes voeux, j'appelle un autre débat, plus large, mieux documenté scientifiquement et rappelant les devoirs de l'Etat. Je ne prendrai qu'un exemple, monsieur le ministre, celui de l'éclairage des autoroutes, qu'exige la circulaire du 24 avril 1974.
Très sincèrement, mon sentiment est que l'on se trompe de combat ou, en tout cas, que l'on est très incomplet.
Voilà pourquoi je ne voterai pas ce projet de loi. Je le regrette pour mon collègue et ami Lucien Lanier, qui a réalisé un excellent travail, dont je le félicite.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d'un long débat qui s'est voulu technique, par moment passionné, sous la responsabilité de notre rapporteur, nous avons examiné ce texte et, sur quelques points, nous l'avons amendé de façon très positive.
Je regrette cependant qu'une réflexion supplémentaire n'ait pas été engagée. Elle nous aurait permis, après l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, de l'améliorer encore au cours des navettes.
Nous avons fait des pas en avant, mais, s'agissant de la sécurité routière, ne faut-il pas vingt fois sur le métier remettre son ouvrage ? Dans ce domaine, l'évolution de la technique, l'évolution des comportements est rapide. Nous devons chaque fois - je l'ai bien compris et je suis d'accord avec bon nombre de mes collègues - ajouter au volet répressif nécessaire un volet éducatif.
Chaque Français, plus particulièrement chaque représentant du peuple, est responsable en ce domaine. Chacun d'entre nous, dans sa commune, son département et sa région, doit saisir les occasions offertes par le Gouvernement pour améliorer la sécurité routière.
Je voudrais donner l'exemple de la ville dont je suis le maire. Il existe une possibilité d'apporter un enseignement supplémentaire à nos jeunes grâce à la mise à disposition par le département des emplois-jeunes.
J'ai inauguré, voilà peu de temps, une piste de sécurité routière pour des enfants d'école maternelle. Cette piste est sous la responsabilité d'une personne qualifiée, qui a son diplôme de moniteur d'auto-école. Celle-ci s'efforcera, l'année durant, d'entrer en contact avec des enfants des écoles maternelles et primaires, ainsi que des collèges.
Nous travaillons aussi, bien évidemment, avec la sécurité routière, notamment grâce aux options du programme REAGIR. Bref, ce texte n'est qu'un aspect somme toute modeste de la sécurité routière.
Je pense que nous avons, ce soir, fait oeuvre utile. Des dispositions nouvelles devraient être mises en place rapidement. Mais des problèmes restent en suspens, notamment la question des stupéfiants. Sans doute, résoudrons-nous ces difficultés d'ici à quelques années.
En conclusion, même si le groupe socialiste espère qu'un amendement qui a été adopté sera revu et corrigé, il s'agit d'un texte somme toute positif. Pour cette raison, nous voterons ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les raisons essentielles qui nous ont fait soutenir le projet de loi qui nous a été soumis.
Des amendements à l'élaboration desquels nous avons participé ont été adoptés, et je veux souligner, à cette occasion, l'excellent travail accompli par la commission des lois et son rapporteur. En revanche, d'autres amendements n'ont pas recueilli notre approbation. Nous considérons que, dans une certaines mesure, ils altèrent le texte qui nous a été soumis. Pour autant, nous voulons retenir l'essentiel parce que nous souhaitons avant tout que soient mis en oeuvre les moyens d'améliorer la sécurité routière, ce qui nous permettra d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés, à savoir réduire de moitié le nombre des tués sur nos routes.
Nous voterons donc ce projet de loi, en souhaitant que l'Assemblée nationale l'améliore encore.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons de vivre un débat intéressant et important.
Je retiendrai, comme points extrêmement positifs de ce projet de loi, la moralisation nécessaire des écoles de conduite, l'extension de la responsabilité financière du propriétaire du véhicule en cas d'excès de vitesse et de non-respect de la signalisation imposant l'arrêt et, bien sûr, la création du délit de grande vitesse en cas de récidive dans un délai d'un an, qui me paraît extrêmement importante.
Chacun m'a entendue, j'aurais aimé, pour ma part, que le texte soit durci, non pas que j'aie un goût immodéré pour la répression, je ne l'ai jamais eu, mais parce qu'il me semble qu'il doit y avoir et qu'il devra y avoir dans l'avenir des mesures peut-être encore plus fortement symboliques. Si nous voulons vraiment diviser par deux dans les cinq ans à venir le nombre de tués sur les routes - par deux, mes chers collègues, et c'est un objectif nécessaires - si nous voulons également diminuer très fortement le nombre des handicapés - nous les avons parfois perdus de vue ce soir - car il y a les morts, certes, mais il y a aussi ceux qui sont handicapés à vie et qui vivent quotidiennement dans leur chair les conséquences des accidents, nous avons besoin de changer fondamentalement les attitudes des conducteurs et de bouleverser les mentalités et les pratiques.
C'est pourquoi nous avons fait ce soir, en discutant ce texte, un premier pas qui est tout à la fois nécessaire et symbolique et qui témoigne d'un progrès important.
Les radicaux de gauche et la totalité du groupe du RDSE, à l'exception, vous l'avez entendu, de M. Lesein, voteront donc ce texte.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le ministre, je voterai ce texte.
Ce débat m'a fort intéressé, faisant partie de ces parents que Mme Dusseau a plaints tout à l'heure, c'est dire mon émotion.
Quand on quitte des parents ou des amis, on dit souvent : « On va reprendre la route ; on s'en va. » Je voudrais simplement vous rappeler les mots que j'ai vu inscrits à la porte d'une église : « On ne prend pas la route, on la partage. » (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la discussion générale j'ai dit que je voterai ce texte sous réserve que les amendements que j'ai déposés soient acceptés et que M. le ministre s'engage sur un certain nombre de propositions concrètes concernant notamment l'amélioration du réseau des routes nationales.
Tout au long de cette discussion fort intéressante, et sous la conduite de notre excellent rapporteur, qui, comme à son habitude, a fait preuve d'un grand sang-froid, nous avons pu les uns et les autres débattre de sujets qui concernent la vie de tous nos concitoyens. Cela n'arrive pas qu'aux autres, nous pouvons tous être confrontés à un accident de la route.
Au terme de ce débat sérieux qui s'est instauré entre nous, je voudrais dire à Mme Dusseau, même si elle pense que nous, les hommes, sommes plus souvent responsables des excès de vitesse que les femmes, que son pouvoir de conviction - voire de séduction, pourquoi pas ? - (Sourires.) m'a convaincu d'un certain nombre d'avancées contenues dans ce texte.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement de poursuivre vos efforts en vue d'améliorer les infrastructures des routes nationales. A cet égard, je vous dirai que le département de la Haute-Savoie est à votre disposition pour vous montrer qu'il y a beaucoup de choses à faire concernant les routes nationales.
Ayant obtenu partiellement satisfaction grâce à l'adoption d'un amendement du Gouvernement qui atténue, dans des proportions importantes, les conséquences pécuniaires du délit en question - car je crois que l'ensemble de nos concitoyens ne sont pas à même de faire face à des amendes aussi importantes que celles qui sont prévues -, M. Cantegrit et moi-même ayant retiré notre amendement, je voterai votre projet de loi, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos débats ont bien fait ressortir que l'insécurité routière était une préoccupation de tous, un problème majeur de notre société dont l'aspect humain nous touche les uns et les autres profondément.
C'est pourquoi l'objectif de réduction de moitié du nombre de personnes tuées sur les routes en France a, me semble-t-il, reçu l'assentiment général.
Dans cette optique, le Gouvernement a présenté le présent projet de loi. Les mesures proposées seront-elles à la hauteur de l'ambition initiale ? La question reste posée, mais nous le souhaitons.
Tout en allant dans le bon sens, les dispositions du projet de loi demeurent limitées dans leur portée. J'aurais souhaité que les problèmes de prévention fussent mieux explorés. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine essentiel pour la sécurité routière.
Toutefois les amendements adoptés par la Haute Assemblée complètent et améliorent très utilement le dispositif prévu. Je tiens, à cet égard, à saluer le travail et les avis éclairés dont nous avons eu souvent besoin de notre excellent rapporteur, M. Lanier.
Nous avons tous conscience que l'insécurité routière n'est pas une fatalité, et tous nous voulons oeuvrer contre ce fléau.
C'est pourquoi, même s'il ne s'agit que d'une petite pierre à l'édifice, le groupe des Républicains et des Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je veux tout d'abord vous remercier, monsieur le rapporteur, et remercier aussi les membres de la commission des lois ainsi que tous ceux qui, depuis le début de l'après-midi, ont contribué à améliorer ce projet de loi.
Ce texte s'inscrit dans un ensemble de mesures. Comme cela a été dit fort justement, s'il n'y avait que ce texte, il pourrait y avoir sous-estimation d'une dimension très importante : la formation, l'éducation. Le changement des comportements auquel nous voulons parvenir doit s'apprendre dès l'école. Ces dispositions sont déterminantes et il est nécessaire de les poursuivre tout au long de la vie.
Il fallait aussi des mesures législatives. Vous les avez adoptées, et je vous en remercie.
Je vous remercie également du large consensus qui s'est dessiné, par-delà vos sensibilités, pour faire en sorte que tous les acteurs, le législateur, bien sûr, mais aussi ceux qui sont sur le terrain, à tous les niveaux, depuis l'éducation nationale jusqu'aux responsables locaux et d'entreprises, se mobilisent pour réduire de moitié le nombre des morts sur la route.
C'est un objectif ambitieux mais, après tout, il nous permettra d'être alors pratiquement au même niveau que les pays les plus avancés en matière de sécurité routière. Pour autant on n'aura pas achevé la bataille pour le droit à la sécurité, le droit de circuler en sécurité.
J'attire votre attention sur le fait que si conduire est un acte certes individuel, c'est aussi un acte social non seulement pour les enfants installés sur le siège arrière ou pour la personne assise à côté du conducteur, mais aussi pour les autres automobilistes, pour les cyclistes, pour les motards et pour les piétons.
Parvenir à une conduite apaisée est l'objectif que s'est fixé le Gouvernement. Nous y parviendrons, j'en suis sûr, à condition que toutes les volontés s'unissent avec la même détermination et que les moyens correspondants soient mis en oeuvre.
Je vous remercie encore, mesdames et messieurs les sénateurs, de votre travail et du vote positif que vous allez émettre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

12

COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 2 avril 1998, l'informant que :
La proposition d'acte communautaire E 804 - « proposition de décision du conseil concernant la conclusion par la Communauté européenne de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 et de l'accord du 28 juillet 1994 relatif à l'application de la partie XI de ladite convention (6459/97 LMARE2) » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 23 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 909 - « proposition de décision du conseil concernant la conclusion de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels » - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 23 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 921 - « proposition de décision du Parlement européen et du conseil modifiant la décision 92/481/CEE du 22 septembre 1992 portant adoption d'un plan d'action pour l'échange entre administrations des Etats membres de fonctionnaires nationaux chargés de la mise en oeuvre de la législation communautaire nécessaire à la réalisation du marché intérieur » - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 23 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 1003 - « proposition de règlement CE du Conseil portant adaptation des mesures autonomes et transitoires pour les accords d'échanges préférentiels conclus avec la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie en ce qui concerne certains produits agricoles transformés » - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 17 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 1038 - « proposition de règlement CE du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche » - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 30 mars 1998.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 2 avril 1998, l'informant que la partie de la proposition d'acte communautaire E 869 concernant la « proposition de décision du Conseil concernant la conclusion par la Communauté européenne du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, relatif à une nouvelle réduction des émissions de soufre » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 23 mars 1998.

13

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 373, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

14

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Christian Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin, Henri de Raincourt une proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas salaires.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 372, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter la détention provisoire.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 374, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 375, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

RETRAIT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu une lettre de M. Pierre Lefebvre par laquelle il déclare retirer la proposition de loi relative à la taxe professionnelle de La Poste et de France Télécom (n° 246, 1997-1998) qu'il avait déposée avec plusieurs de ses collègues au cours de la séance du 27 janvier 1998.
J'ai également reçu une lettre de M. Christian Poncelet par laquelle il déclare retirer la proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas salaires (n° 217, 1997-1998) qu'il avait déposée avec plusieurs de ses collègues au cours de la séance du 13 janvier 1998.
Acte est donné de ces retraits.

17

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Derian, Michel Duffor, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur EURO 1999 - 25 mars 1998 - Rapport sur l'état de la convergence et recommandation associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (partie 1 : recommandation - partie 2 : rapport) (n° E-1045).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 378, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

18

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la commission au Conseil et au Parlement européen sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1049 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'accord entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie sur le commerce des produits textiles paraphé à Bruxelles le 28 mars 1998.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1050 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à une aide communautaire à des mesures de préadhésion en faveur de l'agriculture et de développement rural dans les pays candidats d'Europe centrale et orientale, au cours de la période de préadhésion.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1051 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Propositions de règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune (cultures arables, viande bovine, lait et produits laitiers, développement rural, règlement financier, règlement et autres questions à caractère horizontal).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1052 et distribuée.

19

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture relative à la responsabilité du fait des produits défectueux (n° 360, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 377 et distribué.

20

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Xavier de Villepin, Guy Penne et Mme Paulette Brisepierre un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée au Cameroun et au Congo du 15 février 1998.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 376 et distribué.

21

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 8 avril 1998, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Nomination d'un membre de la délégation du Sénat pour la planification en remplacement de M. Bernard Barbier et de deux membres de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de MM. Pierre Lagourgue et Paul Loridant.
2° Discussion en deuxième lecture de projet de loi (n° 363, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.
Rapport (n° 365, 1997-1998) de M. Louis Souvet, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements

1° Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse (n° 341, 1997-1998) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 8 avril 1998, à dix-sept heures.
2° Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant extension partielle et adaptation du code minier aux départements d'outre-mer (n° 296, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 8 avril 1998, à dix-sept heures.
3° Question orale avec débat sur les incertitudes liées au financement de la liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 8 avril 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 8 avril 1998, à une heure quarante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. Sosefo Makapé Papilio, sénateur des îles Wallis-et-Futuna, survenu le 5 avril 1998.

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR

Conformément aux articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 319 du code électoral M. Basile Tui est appelé à remplacer, en qualité de sénateur des îles Wallis-et-Futuna, M. Sosefo Makapé Papilio, décédé le 5 avril 1998.

MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(86 membres au lieu de 87)

Supprimer le nom de M. Sosefo Makapé Papilio.

RÉUNION ADMINISTRATIVE DES SÉNATEURS
NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(10 au lieu de 9)

Ajouter le nom de M. Basile Tui.

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du mardi 7 avril 1998, le Sénat a nommé M. Lylian Payet membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Henri Le Breton, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Élimination des déchets plastiques à base de PEHD

232. - 6 avril 1998. - Mme Janine Bardou appelle l'attention de sur le problème de l'élimination des matériels en plastique à base de PEHD (polyéthylène haute densité) à usage unique, utilisés par tous les laboratoires départementaux et destinés principalement aux contrôles d'eau potable. Si pour les déchets chimiques et biologiques, une filière d'élimination existe bien, ce n'est absolument pas le cas pour les déchets à base de PEHD qui sont actuellement considérés comme des déchets ménagers et stockés dans les décharges. Pour le seul département de la Lozère, ce sont environ 5 000 flacons par an qui se retrouvent en décharge. Cela devient insuportable au moment où tant les villes que les départements font tout leur possible pour mettre en place un système d'élimination des déchets plus conforme à la loi et aux souhaits des usagers. C'est pourquoi elle lui demande quelle mesure elle envisage de prendre pour créer une filière d'élimination de ces déchets, et s'il ne serait pas possible d'obtenir des fabricants de plastique à base de PEHD - qui sont peu nombreux en France - qu'ils reprennent les emballages vides et en assurent la transformation.

Protection européenne
des marchés de fruits du printemps et de l'été

233. - 6 avril 1998. - M. Louis Minetti attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur les importations en provenance de l'hémisphère Sud et la concurrence qu'elles exercent sur la production de fruits de printemps et d'été. En effet, les produits importés circulent librement dans l'Union européenne, donc la France, venant concurrencer déloyalement nos productions à des prix cassés déstabilisant tout le marché des fruits et légumes. Il préconise de modifier la politique des autorités de Bruxelles, notamment : les pratiques des importateurs, exportateurs d'expéditions sans facture ni indication de prix de vente ni au départ, ni à l'arrivée ; la pratique de prix de référence trop bas pour l'établissement des tarifs douaniers, ainsi que les accords déjà conclu sur ces bases suicidaires pour les producteurs français et européens ; en combattant efficacement le dumping social imposé par ces pays tiers, en rétablissant une véritable préférence communautaire afin d'interdire de fait, la commercialisation des produits d'importation au moment de la montée en production européenne et française, et éventuellement, en retirant du marché sans compensation financière, tous les produits importés se trouvant sur le territoire européenne ; en régulant sur ces bases le marché français, notamment pour les brugnons, prunes, pêches, poires et pommes. Il lui demande s'il compte aller dans ce sens.

Mise en oeuvre des propositions
de la délégation sénatoriale sur les fruits et légumes

234. - 6 avril 1998. - M. Louis Minetti attire à nouveau l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des fruits et légumes. En juillet 1997, M. le ministre a accepté comme base de travail ses propositions, notamment la création d'un comité franco-espagnol sur ces questions. Depuis, il est allé deux fois en Espagne, le comité franco-espagnol s'est réuni trois fois. La délégation sénatoriale sur les fruits et légumes s'est rendue elle aussi en Espagne et a présenté plusieurs propositions. Ces principales propositions portent sur la mise en place d'une action commune sur les fruits et légumes qui pourrait devenir un front méditerranéen dans l'Europe et pour la modification de la politique agricole commune, la prise en compte commune du fait que l'Europe ne produit que 40 % des fruits et légumes qu'elle consomme, que les fruits et légumes représentent 25 % de la production européenne et ne participent qu'à hauteur de 4 % du budget européen, la mission confiée à la commission franco-espagnole de prévoir et de moduler les productions dans l'intérêt commun et de prévoir et gérer les crises, la responsabilisation des grands groupes, bancaires, commerciaux, de transports pour assurer un revenu décent aux agriculteurs, y compris en rétablissant les coefficients multiplicateurs, la négociation avec le Gouvernement espagnol pour l'égalisation des conditions salariales telles que sa signature à Luxembourg le prévoit pour une Europe sociale. Il désire connaître quelles mesures concrètes il compte prendre pour la mise en place de ces propositions et des développements qu'elles supposent.

Montant des cotisations d'accident du travail
appliqué aux aéroclubs

235. - 6 avril 1998. - M. Daniel Eckenspieller attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les problèmes rencontrés par les aéroclubs du fait de la modification de la codification du taux des cotisations d'accident du travail. La plupart de ces associations étaient affectées, jusque-là, au régime 80.4 AA Ecole de conduite au taux de 1,9 %. En 1997, une reclassification de leurs activités par la Caisse nationale d'assurance maladie en Sports aéronautiques au régime 92.6 CB a porté le taux de leurs cotisations Accident du travail à 22,30 %. C'est la raison pour laquelle il lui demande d'intervenir auprès de l'instance concernée, afin qu'elle accepte de reclasser, au regard du taux de cotisation accident du travail, l'ensemble des associations aéronautiques, comme elles l'étaient précédemment, à savoir comme Ecole de conduite. Il lui demande par ailleurs de bien vouloir lui indiquer quelles sont ses intentions à cet égard.