SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'anciens sénateurs (p. 1 ).

3. Retrait de l'ordre du jour d'une question orale sans débat (p. 2 ).

4. Questions orales sans débat (p. 3 ).

CONDITIONS D'ATTRIBUTION
DE LA CARTE D'ANCIEN COMBATTANT (p. 4 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Mme Nicole Borvo.

AIDES À LA CONSTRUCTION
DES CASERNES DE GENDARMERIE (p. 5 )

Question de M. Joseph Ostermann. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Joseph Ostermann.

AVENIR DE LA PROFESSION DE SYNDIC
ET D'ADMINISTRATEUR DE BIENS (p. 6 )

Question de M. Gérard Delfau. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Gérard Delfau.

RÉGIME DE RETRAITE DES MAGISTRATS
RECRUTÉS À TITRE EXCEPTIONNEL (p. 7 )

Question de M. Jean-Paul Delevoye. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Paul Delevoye.

PROFESSION D'ERGOTHÉRAPEUTE ET EMPLOIS-JEUNES (p. 8 )

Question de M. Lucien Lanier. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Lucien Lanier.

CALCUL DU FINANCEMENT
DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ (p. 9 )

Question de M. Philippe Richert. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Philippe Richert.

CONGÉS BONIFIÉS POUR LES EMPLOYÉS
DES HÔPITAUX ORIGINAIRES DES DOM-TOM (p. 10 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

FINANCEMENT DE LA BIBLIOTHÈQUE RÉGIONALE
DE NICE (p. 11 )

Question de M. Pierre Laffitte. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Pierre Laffitte.

RESTAURATION DU CHÂTEAU DE VINCENNES (p. 12 )

Question de M. Jean Clouet. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Jean Clouet.

FERMETURE DE LA SUCCURSALE DE LA BANQUE DE FRANCE
DE NARBONNE (p. 13 )

Question de M. Roland Courteau. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Roland Courteau.

FISCALITÉ DES PLUS-VALUES LORS DE LA TRANSFORMATION
DU STATUT JURIDIQUE D'UNE SOCIÉTÉ (p. 14 )

Question de M. Bernard Plasait. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Bernard Plasait.

CONDITIONS ADMINISTRATIVES D'OUVERTURE
DES SURFACES COMMERCIALES (p. 15 )

Question de M. André Vallet. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. André Vallet.

FERMETURE DES BUREAUX DE POSTE EN MILIEU RURAL (p. 16 )

Question de M. Louis Souvet. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Louis Souvet.

PARUTION DES TEXTES D'APPLICATION DES LOIS
SUR L'ENVIRONNEMENT (p. 17 )

Question de M. Jacques Oudin. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jacques Oudin.

SUPPRESSION DE LA GARE DE CHÂTEAU-CHINON (p. 18 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; René-Pierre Signé.

EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT (p. 19 )

Question de M. François Autain. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; François Autain.

Suspension et reprise de la séance (p. 20 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

5. Conférence des présidents (p. 21 ).

6. Candidature à la délégation du Sénat pour l'Union européenne (p. 22 ).

7. Candidature à une commission (p. 23 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

8. Prévention et répression des infractions sexuelles. - Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 25 ).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois ; Guy Allouche, Mme Joëlle Dusseau, M. Robert Pagès.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 26 )

Article 131-36-1 du code pénal
(p. 27 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Joëlle Dusseau. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 131-36-1-1 du code précité (p. 28 )

Amendement n° 4 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 131-36-1-2 du code précité (p. 29 )

Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 131-36-2 du code précité (p. 30 )

Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Adoption de l'article 1er modifié.

Article 5 A (supprimé) (p. 31 )

Article 5 (p. 32 )

Article 763-5 du code de procédure pénale
(p. 33 )

Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 763-8 du code précité (p. 34 )

Amendement n° 8 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 763-9 du code précité (p. 35 )

Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Joëlle Dusseau, M. Robert Pagès. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 763-10 du code précité (p. 36 )

Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 (p. 37 )

Article L. 355-33 du code de la santé publique
(p. 38 )

Amendements identiques n°s 11 de la commission et 33 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, Guy Allouche, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 355-34 du code précité (p. 39 )

Amendement n° 34 rectifié de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Guy Allouche, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article L. 355-35 du code précité. - Adoption (p. 40 )

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7 A. - Adoption (p. 41 )

Article 7 (p. 42 )

Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Joëlle Dusseau. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 9 (p. 43 )

Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 10 (p. 44 )

Amendements n°s 15 de la commission et 37 de Mme Dusseau. - M. le rapporteur, Mmes Joëlle Dusseau, le garde des sceaux, M. Robert Pagès. - Adoption de l'amendement supprimant l'article, l'amendement n° 37 devenant sans objet.

Articles 12 et 12 bis . - Adoption (p. 45 )

Articles 12 ter et 14 bis (supprimés) (p. 46 )

Article 15. - Adoption (p. 47 )

Article 16 bis (supprimé) (p. 48 )

Article 18 A (p. 49 )

Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 38 de M. Darniche. - MM. Jacques Habert, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

Article 18 ter (p. 50 )

Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Joëlle Dusseau. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 18 quater (p. 51 )

Amendement n° 18 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 18 quinquies (p. 52 )

Amendement n° 19 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 19 (p. 53 )

Article 706-48-1 du code de procédure pénale
(supprimé) (p. 54 )

Article 706-49 du code précité. - Adoption

(p. 55 )

Article 706-50 du code précité
(p. 56 )

Amendement n° 20 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.

Articles 706-51 et 706-51-1
du code précité. - Adoption (p. 57 )

Article 706-52 du code précité
(p. 58 )

Amendement n° 21 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.

Article 706-53 du code précité (p. 59 )

Amendements n°s 22 à 27 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des six amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 706-54 et 706-55
du code précité. - Adoption (p. 60 )

Adoption de l'article 19 modifié.

Article 19 bis (p. 61 )

Amendement n° 28 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles 24 et 30 bis . - Adoption (p. 62 )

Article 31 bis (p. 63 )

Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 31 quater (p. 64 )

Amendements identiques n°s 30 de la commission et 35 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, Guy Allouche, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 32 bis (p. 65 )

Amendements identiques n°s 31 de la commission et 36 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, Guy Allouche, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 33 bis . - Adoption (p. 66 )

Vote sur l'ensemble (p. 67 )

M. Daniel Eckenspieller, Mme Joëlle Dusseau, M. Jacques Habert.
Adoption du projet de loi.

9. Nomination d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européennne (p. 68 ).

10. Nomination d'un membre d'une commission (p. 69 ).

11. Transmission d'un projet de loi (p. 70 ).

12. Dépôt d'une proposition de loi (p. 71 ).

13. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 72 ).

14. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 73 ).

15. Ordre du jour (p. 74 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Magdeleine Anglade, qui fut sénateur de Paris en 1994 et 1995.
J'ai également le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Claire Saunier, qui fut conseiller de la République de 1946 à 1948.

3

RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR
D'UNE QUESTION ORALE SANS DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 193 de M. Jean-Louis Lorrain a été retirée de l'ordre du jour de ce matin, à la demande de son auteur.

4

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

CONDITIONS D'ATTRIBUTION
DE LA CARTE D'ANCIEN COMBATTANT

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 160, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cinquante-trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale les « déportés du travail », comme les appelle le langage courant, restent les seuls, parmi les victimes de ce conflit, à ne pas être dotés d'un titre officiel qualifiant véritablement les épreuves qu'ils ont subi. Parmi eux se trouvent, évidemment, ceux qui ont été raflés par représailles et qui ont obtenu, après de multiples initiatives, une carte de patriote transféré en Allemagne.
Cette situation est injuste car ceux qui ont été victimes de la déportation du travail et emmenés de force en Allemagne ont été effectivement victimes du nazisme.
Depuis 1950, la discussion se poursuit sur le point de savoir comment ces personnes doivent être dénommées officiellement.
Pourtant, la déportation du travail est un phénomène historique. Elle engendra d'innombrables drames familiaux, sociaux et patriotiques. Elle s'inscrit dans les sombres pages de l'histoire de la France, nées de la défaite de 1940 et de l'occupation nazie qui s'ensuivit.
Les victimes de la déportation du travail ont payé un lourd tribut : 60 000 d'entre elles trouvèrent la mort dans le pays où elles furent déportées et 15 000 furent assassinées pour actes de résistance caractérisée. De surcroît, 50 000 de ces déportés du travail étaient minés par la turberculose. Aux intéressés eux-mêmes, il faut ajouter les veuves et les orphelins.
Pour toutes ces raisons, les parlementaires communistes déposent une proposition de loi qui tend à consacrer le titre de « victimes de la déportation du travail ».
D'ailleurs, les responsables de la déportation du travail ont été jugés très sévèrement par le tribunal de Nuremberg et le juge américain Jackson a parlé, à l'époque, de « ce qui a peut-être été l'entreprise d'esclavage la plus étendue et la plus terrible qui se soit jamais vue dans l'histoire ».
Je crois savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une commission d'histoire serait en train d'étudier cette question. Pourriez-vous me préciser quand elle sera susceptible de rendre ses conclusions ?
Par ailleurs, pourriez-vous m'indiquer si le Gouvernement compte mettre en discussion cette proposition de loi ou faire un geste envers ces personnes ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Madame le sénateur, la question que vous posez revient assez régulièrement depuis plus de cinquante ans. Elle n'est donc pas nouvelle ! Ne voyez pas là une critique mais un simple constat.
Cela signifie que, depuis cinquante ans, un certain nombre de dossiers sont ouverts entre le monde ancien combattant, en tout cas les ressortissants du département ministériel des anciens combattants, et les pouvoirs publics.
Vous évoquez le cas des « déportés du travail » en Allemagne. Deux catégories de nos compatriotes sont concernées par cette appellation : tout d'abord, ceux qui ont été requis dans le cadre du service obligatoire, le STO ; ensuite, ceux qui ont été victimes de rafles opérées par l'ennemi, notamment dans l'Est de la France, à l'automne 1944, du côté de Belfort, de la Haute-Saône et des Vosges.
S'agissant de cette dernière catégorie huit mille, personnes ont été raflées collectivement, conduites en Allemagne et contraintes à travailler dans des conditions souvent très pénibles. Elles ont obtenu, vous l'avez indiqué, une carte de patriote transféré en Allemagne. Il existe donc un statut qui reconnaît leur spécificité, notamment avec le concept de patriote, et leur donne un certain nombre de droits : d'abord, le droit à la reconnaissance, au travers de la délivrance d'une carte ; ensuite, le droit à réparation, puisque ces personnes ont droit à une pension si elles démontrent que leurs difficultés physiques résultent directement des conditions de travail subies à cette occasion. En outre, on tient compte du temps passé en Allemagne pour le calcul de la retraite.
Il reste la question des personnes qui ont été requises dans le cadre du STO. Vous avez évoqué l'appellation de « déportés du travail ». Cela a fait l'objet de contentieux. Des jugements ont été rendus par les plus hautes autorités judiciaires de notre pays et la justice française a considéré que les personnes qui avaient été requises dans le cadre du service du travail obligatoire ne pouvaient pas prétendre à l'appellation de « déportés du travail », le concept de « déporté » étant réservé aux déportés résistants et aux déportés politiques.
Honnêtement, il me paraît très difficile d'évoluer sur le champ de ce concept, car cela remettrait en cause l'équilibre de l'ensemble des statuts qui ont été élaborés depuis cinquante ans, notamment pour les personnes qui ont connu ces situations, qu'il sagisse des déportés résistants, des déportés politiques ou des déportés du travail obligatoire.
En revanche, comme vous l'avez indiqué, j'ai mis en place une commission de réflexion. En effet, puisque la question est posée, elle mérite nécessairement d'être étudiée. Je vous garantis que cette réflexion sera achevée pour le 15 mai prochain. Je ne peux pas vous dire encore à quoi elle va aboutir, d'abord parce que je suis tenu par le travail de cette commission, qui n'est pas terminé ; mais j'ai essayé d'établir un cadre dans lequel il faudra s'insérer.
Par conséquent, tant que cette commission n'aura pas rendu ses conclusions, je ne prendrai pas d'initiatives. Mais je vous promets que, à la date du 15 mai, date ultime à laquelle les conclusions de ses travaux devront m'être rendues, nous prendrons une décision. A ce moment-là, je vous en ferai part. Nous nous retrouverons peut-être autour d'une table de travail pour examiner cette question et déterminer s'il est possible de donner suite à l'initiative, notamment, des parlementaires communistes, et la façon dont nous pouvons y parvenir.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Si j'approuve en grande partie largement ce que vous avez dit, je remarque que, en Belgique, où la même question se pose, le titre de travailleurs déportés a été attribué. Par ailleurs, la Cour de cassation, qui a demandé la cassation des arrêts, a proposé qu'un débat sur ce sujet ait lieu au Parlement.
Par conséquent, j'espère qu'une fois rendues les conclusions de la commission, ce problème pourra être évoqué dans la sérénité et que l'on aboutira à une solution.

aides à la construction
des casernes de gendarmerie

M. le président. La parole est à M. Ostermann, auteur de la question n° 203, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur les conditions financières de subvention et de prise à bail par l'Etat des casernements de gendarmerie construits par des collectivités locales.
En effet, selon la circulaire du 28 janvier 1993, les collectivités territoriales qui assurent la maîtrise d'ouvrage d'un projet de construction de casernement de gendarmerie reçoivent une subvention de l'Etat fixée à 18 % du coût plafond des unités-logements ou à 20 % pour les communes de moins de 10 000 habitants qui ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs collectivités.
Une circulaire du 10 janvier 1995 est venue modifier celle de 1993 en assujettissant les travaux de construction de gendarmeries à la TVA, mais en compensant cette charge supplémentaire par un relèvement du montant des coûts plafonds de la construction, tout en maintenant la subvention étatique au même niveau.
Or, actuellement, compte tenu des contraintes budgéraires imposées au département de la défense, les montants de l'aide à l'investissement destinée aux collectivités territoriales sont limités, ce qui entraîne une importante réduction du nombre d'opérations immobilières dont la réalisation peut être autorisée.
Toutefois, le ministère a proposé aux collectivités qui le souhaitent, et pour les seuls projets urgents et prioritaires, de conduire ces opérations sans subvention de l'Etat, tout en maintenant la TVA au taux maximal et non récupérable.
Cette décision constituerait un transfert particulièrement inquiétant de charges de l'Etat vers les collectivités locales. Dans la situation actuelle et sans l'aide de l'Etat, celles-ci seraient conduites à augmenter leurs subventions, afin de permettre à l'Etat de récupérer 20 % en TVA. Cela me paraît totalement illogique !
Par conséquent, ne conviendrait-il pas de compenser ce transfert de charges par une réduction de TVA à 5,5 % sur ces opérations dites urgentes, ou encore de permettre aux collectivités de récupérer la TVA, comme le prévoyait la circulaire de 1993 ? Les collectivités locales pourraient ainsi faire face plus sereinement à ce surcoût, qu'il me paraît profondément injuste de leur faire supporter.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, M. Alain Richard, ministre de la défense, est absent ce matin ; il m'a prié de vous communiquer la réponse qu'il vous aurait faite sur l'importante question que vous venez de poser.
En faisant référence à la circulaire du 28 janvier 1993, vous avez vous-même décrit les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales en ce qui concerne la construction des casernements de gendarmerie.
Vous avez également souligné le contexte budgétaire qui s'impose aujourd'hui au ministère de la défense. Ce contexte ne permet pas, en effet, la prise en compte de l'ensemble des dossiers présentés. Les crédits de paiement qui étaient inscrits dans la loi de finances de 1996 s'élevaient à 45 millions de francs et ceux qui figuraient dans la loi de finances de 1997 à 30 millions de francs. Le Gouvernement a décidé de rétablir, pour 1998, les crédits de paiement à hauteur de ce qu'ils étaient en 1996, c'est-à-dire à 45 millions de francs.
Cela ne résout pas pour autant le problème que vous avez évoqué. C'est la raison pour laquelle le ministre de la défense a lancé une étude, qui vise à renforcer, dans ce domaine, le partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cette étude doit aboutir à l'élaboration d'un plan d'ensemble mais aussi, nous pouvons déjà le pressentir, à la refonte, totale ou partielle, de la réglementation en vigueur.
Nous ne connaissons pas encore les conclusions de cette étude. Elles seront, dans quelques mois, à la disposition du ministre de la défense, qui en tirera alors toutes les conséquences, notamment sur le plan de la réglementation.
La baisse du taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % que vous avez évoquée à la fin de votre intervention serait, à l'évidence, une bonne mesure, qui encouragerait la maîtrise d'ouvrage de la part des collectivités territoriales pour la réalisation des casernements de gendarmerie. Compte tenu des incidences financières de cette disposition, le ministre de la défense a demandé une étude à M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
Tels sont, monsieur Ostermann, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter ce matin.
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de la réponse que vous venez de me donner. Toutefois, elle ne me satisfait que très partiellement, voire pas du tout, puisque ces positions sont évoquées depuis bien longtemps.
Un certain nombre de régions et de départements sont prêts à s'engager dans la construction de casernements de gendarmerie. C'est une nécessité. Il y va de la synergie au sein de nos brigades de gendarmerie. Cependant, il me paraît inconséquent d'accorder une subvention qui compense de 20 % de la TVA encaissée par l'Etat.
Cela étant dit, je souhaiterais que l'étude à laquelle vous avez fait allusion aboutisse rapidement afin que ces opérations puissent être lancées en Alsace, où ce problème est étudié par le conseil général et par le conseil régional.

AVENIR DE LA PROFESSION DE SYNDIC
ET D'ADMINISTRATEUR DE BIENS

M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 202, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, je voudrais attirer votre attention sur la déplorable situation dans laquelle se trouve la profession de syndic et d'administrateur de biens.
Les révélations qui se succèdent sur des pratiques délictueuses, parfois, lit-on, cautionnées par les services fiscaux, et les mises en examen n'ont, à ma connaissance - mais peut-être suis-je mal informé - pour l'instant, pas conduit la Chancellerie à prendre des mesures de remise en ordre.
Or, cette situation, outre qu'elle est très préjudiciable à ceux qui en sont victimes, nuit gravement à tous ceux qui exercent honnêtement ce métier et qui, heureusement, sont nombreux.
Il est donc temps de réagir, d'autant que, comme j'ai pu le constater en examinant d'un peu plus près cette question, nombre de pratiques qui ne paraissent pas conformes à l'intérêt bien compris des deux parties sont permises par la réglementation actuelle. Au-delà des délits constitués, sur lesquels se penche la justice, il y a toute une zone d'habitudes, à la limite du droit, devant lesquelles le citoyen se trouve désarmé, tant le législateur s'est montré précautionneux par rapport à cette profession.
Madame le garde des sceaux, que comptez-vous faire pour remédier à cet état de fait ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu m'interroger sur les intentions du Gouvernement pour remédier aux pratiques contestables de certains syndics de copropriété.
Je rappelle tout d'abord que le droit positif comprend déjà des règles visant à protéger non les professionnels concernés, mais leur clientèle.
Ainsi, la réglementation à laquelle sont soumis les administrateurs de biens et les syndics de copropriété prévoit que chaque année, à l'occasion du renouvellement de leur carte professionnelle, le préfet vérifie le casier judiciaire des intéressés et s'assure que leurs activités sont couvertes par une assurance de responsabilité civile professionnelle et par une garantie financière suffisante pour assurer le remboursement des fonds détenus pour le compte d'autrui.
En outre, cette réglementation prévoit notamment que le « mandataire ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations dont il est chargé, que celles dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination, ni de personnes autres que celles qui y sont désignées. »
D'une manière plus générale, en cas de non-respect des obligations légales ou contractuelles qui leur incombent, ces professionnels engagent, sur les bases du droit commun, leur responsabilité civile et, le cas échéant, leur responsabilité pénale pour escroquerie, faux et usage de faux.
Les procédures qui sont en cours devant nos juridictions répressives, auxquelles vous avez fait allusion, monsieur le sénateur, montrent l'effectivité de notre droit positif.
Cependant, je crois, comme vous, qu'il faut agir aussi dans un souci de prévention et qu'il importe de compléter le dispositif existant, pour mettre un terme à certaines pratiques qui peuvent échapper à la loi pénale sans être pour autant satisfaisantes. C'est pourquoi une réflexion est en cours à la Chancellerie afin de réformer la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété. Cette réflexion, qui, dans une deuxième étape, associera tous les acteurs de la copropriété, a pour objet essentiel d'assurer une plus grande transparence, une meilleure lisibilité de la comptabilité des syndicats, un meilleur contrôle de la gestion des syndics, notamment lors de la passation des marchés de travaux et fournitures, car c'est là, en effet, qu'un certain nombre d'abus ont eu lieu.
Parallèlement, des actions pourront être menées avec les partenaires concernés, tendant à mieux informer et former les copropriétaires. Enfin, et sans exclure une réforme de loi Hoguet sur certains points, j'ai d'ores et déjà demandé à mes services de revoir les dispositions du décret concernant l'accès à la profession afin d'améliorer la compétence des professionnels de l'immobilier.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, qui est très complète.
Depuis quelque temps, la vérification annuelle à laquelle procèdent les préfets doit sans doute être plus méticuleuse, et c'est utile. Je suis bien sûr particulièrement satisfait d'apprendre qu'une réflexion est en cours pour réformer, le cas échéant, la loi de juillet 1965. C'est en effet le noeud du problème. Au-delà des dispositifs à mettre en place pour éviter que les pratiques ne deviennent délictueuses, une volonté politique s'impose. La profession doit avoir le sentiment que les règles de la morale ordinaire s'appliquent à tous, y compris dans ce secteur. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nombre de professionnels sont honnêtes et pâtissent des égarements de certains de leurs collègues.
Je voudrais prolonger cette réflexion en vous demandant d'examiner très rapidement la question, s'agissant toujours de la profession de syndic et d'administrateur de biens, des sinistres économiques. En effet, il règne, là aussi, une opacité quasi totale.
Sachez, madame la ministre, qu'en ma qualité de maire ou de parlementaire, lorsque je suis saisi par un chef d'entreprise en difficulté, il m'arrive de ne pas réussir à joindre au téléphone certains syndics de mon département, alors même que, parfois, l'argent de ma commune ou d'une autre collectivité peut être engagé.
J'ai en mémoire ce chiffre terrifiant selon lequel 80 % environ des plans de reprise aboutissent en fait à une liquidation d'entreprise.
Si ce second volet est apparemment distinct, il présente toutefois des analogies par l'esprit qui le régit et par le type de profession qu'il concerne. Il me paraît donc mériter aussi l'effort urgent de la Chancellerie. Je vous en remercie par avance de ce que vous entreprendrez.

RÉGIME DE RETRAITE DES MAGISTRATS
RECRUTÉS À TITRE EXCEPTIONNEL

M. le président. La parole est à M. Delevoye, auteur de la question n° 211, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Paul Delevoye. Madame le garde des sceaux, ayant souhaité que ce texte soit adopté rapidement, permettez-moi de me réjouir, avec mes collègues du Sénat et de l'Assemblée nationale de l'adoption du projet de loi organique permettant l'organisation de concours en vue de recruter cent magistrats en 1998 et cent autres en 1999. Cela correspond de votre part à une volonté et au souci de doter la justice de moyens supplémentaires.
C'est la raison pour laquelle, respectant cette volonté d'aller vite, je n'avais pas déposé d'amendement visant une situation un peu particulière qui découle de ces concours, situation au sujet de laquelle je me suis permis de vous écrire et de vous poser la présente question orale.
Parmi les magistrats qui ont été recrutés à l'occasion des concours exceptionnels de 1981, 1983 et 1991, on peut distinguer deux catégories professionnelles : d'un côté, les magistrats issus de la fonction publique, qui ne rencontrent pas de difficulté puisque le déroulement de leur carrière reste interne à celle-ci - ils changent simplement d'administration et de corps ; de l'autre côté, les magistrats issus du secteur privé, environ un tiers - soit 100 sur 300, au titre des quatre concours exceptionnels si on inclut les prévisions pour ceux de 1998 et 1999 - qui ne peuvent faire prendre en compte pour le calcul de leur pension les années d'activité accomplies antérieurement, même au prix du versement d'une contribution au titre de rachat.
Cette impossibilité découle directement du vide juridique créé par la loi organique du 29 octobre 1980, qui est muette sur ce point. Or, c'est sur le fondement de cette loi organique que furent organisés les concours de 1981, 1983 et 1991, et que seront probablement organisés ceux de 1998 et de 1999.
Dernièrement, le décret d'application du 24 septembre 1997 a permis aux avocats recrutés sur titre et sans concours, au titre de l'article 40 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, et aux personnes spécialement qualifiées, recrutées dans les mêmes conditions, en application des articles 22, 23 et 24 de ladite ordonnance, de procéder à la prise en compte des années d'activité profesionnelle antérieures à leur entrée dans la fonction publique judiciaire.
Ainsi, nous constatons une double inégalité : d'un côté, entre les magistrats recrutés par les mêmes concours, selon qu'ils proviennent ou non de la fonction publique ; de l'autre côté, entre des magistrats issus du secteur privé, selon qu'ils ont été recrutés par concours exceptionnel ou au titre de leur qualification professionnelle.
Madame le garde des sceaux, ma question a donc pour objet - et je mesure la difficulté de l'exercice - de vous saisir afin que vous mettiez un terme à cette inégalité.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogée, et je le comprends, sur le régime de retraite des magistrats recrutés par concours exceptionnel. Je vous en remercie car il s'agit, en effet, d'un sujet très préoccupant pour les intéressés. Je tiens donc à vous apporter un certain nombre d'éléments de réponse.
La loi organique portant statut de la magistrature ouvre, dans ses articles 25-4 et 40, la possibilité pour les personnes intégrées directement dans la magistrature, originaires du secteur privé ou d'une profession libérale, d'obtenir la prise en compte des années d'activité professionnelle accomplies par elles avant leur nomination comme magistrat pour la constitution de leur droit à pension de retraite de l'Etat ou pour le rachat d'annuités supplémentaires.
Ce dispositif de rachat est très dérogatoire au régime général du code des pensions, selon lequel la pension rémunère des services effectifs rendus à l'Etat, ou assimilables.
Son champ actuel se limite, par conséquent, au recrutement sur titres dans la magistrature, par la voie de l'intégration.
Se pose bien évidemment la question de son éventuelle extension aux recrutements par voie de concours, qu'il s'agisse des concours exceptionnels organisés antérieurement ou de ceux qui seront ouverts en 1998 et en 1999, ou encore du « troisième concours » d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, ouvert aux personnes issues du secteur privé. Cette question nécessite qu'une réflexion soit menée à l'échelon interministériel. Je ne peux pas préjuger le résultat de ces travaux, mais j'espère que nous aurons très prochainement l'occasion d'évoquer à nouveau ce sujet. Croyez bien, monsieur le sénateur, que je vous tiendrai informé de l'évolution de ce dossier, pour lequel vous venez de manifester un intérêt qui rejoint mes préoccupations.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je vous remercie, madame le garde des sceaux, d'avoir bien voulu prendre en considération ce problème, qui préoccupe douloureusement celles et ceux qui souhaitent s'engager dans la fonction publique.
Nous attendrons donc les conclusions de la réflexion interministérielle.

PROFESSION D'ERGOTHÉRAPEUTE ET EMPLOIS-JEUNES

M. le président. La parole est à M. Lanier, auteur de la question n° 215, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Lucien Lanier. La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes prévoit, entre autres, la création d'emplois dits d'« accompagnateurs de personnes dépendantes ». Leur mission est même définie : « faciliter la réinsertion lors de la sortie de l'hôpital en préparant le retour du patient à domicile, en l'aidant dans la réalisation de ses problèmes d'appareillage, de transports, etc. »
Cette mission ainsi définie correspond à peu près exactement à celle des actes professionnels des ergothérapeutes. Or la formation de ces derniers, bac + 3, comprend un enseignement pratique, un enseignement technique et un enseignement clinique de haut niveau, sanctionnés par un diplôme.
Actuellement, les jeunes ergothérapeutes diplômés trouvent avec difficulté un emploi correspondant à leurs capacités comme à leur formation. La création d'emplois-jeunes dans cette discipline soulève donc plusieurs problèmes.
Le premier est relatif à la qualité de l'aide apportée à des personnes dépendantes par des jeunes qui n'auraient pas la formation requise dans un secteur de soins particulièrement sensible.
Le deuxième est le risque éventuel, pour les titulaires de ces emplois-jeunes, d'être passibles de sanctions pénales pour exercice illégal de l'ergothérapie, exercice qui exige, je viens de le rappeler, un diplôme approprié.
Le troisième est le risque de concurrence illicite entre les titulaires de ces emplois-jeunes - emplois dont le principe est certes louable - et les diplômés, qui rencontrent déjà des difficultés à trouver place dans la profession qu'ils ont choisie et qu'ils ont mérité d'exercer.
Enfin, quel sera l'avenir de ces emplois-jeunes au bout de cinq années ?
En conséquence, monsieur le secrétaire d'Etat, puis-je me permettre de vous demander quelles mesures sont envisagées, d'abord pour garantir, avec les ergothérapeutes professionnels, la qualité des soins aux malades, ensuite pour assurer une certaine cohérence entre le plan emploi-jeunes et le bon fonctionnement et la sécurité des soins hospitaliers et extra-hospitaliers.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, j'ai écouté votre question avec beaucoup d'attention. Vous l'avez posée à propos des ergothérapeutes, mais elle recoupe nombre de préoccupations qui sont également les miennes.
Vous avez appelé l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences du programme « nouveaux services - nouveaux emplois » sur les activités de certains professionnels déjà en place, notamment les ergothérapeutes.
D'abord, permettez-moi de vous rappeller que nous avons indiqué avec force, dans la circulaire du 24 octobre 1997 relative à la mise en oeuvre du programme, que les emplois créés ne devaient en aucun cas se substituer à des emplois existants dans le secteur public ou le secteur privé. C'est un point sur lequel nous avons demandé aux préfets d'être particulièrement vigilants, car la question que vous soulevez est en effet tout à fait pertinente.
Cette exigence de non-substitution aux emplois existants, notamment aux emplois relevant des professions réglementées, a été rappelée, s'agissant des professions médicales et sociales, dans une autre circulaire du 12 février 1998, relative à la mise en place du programme « nouveaux services - nouveaux emplois » dans ces secteurs particuliers.
Le principe étant rappelé, j'en viens plus précisément, monsieur le sénateur, au cas que vous évoquez et qui concerne l'accompagnement de personnes dépendantes.
Je voudrais tout d'abord rappeler qu'il n'y a pas de liste officielle de métiers qui bénéficieraient de l'aide de l'Etat dans le cadre du dispositif emplois-jeunes. Les vingt-deux métiers repris au mois d'août par un quotidien du soir, Le Monde, pour ne pas le nommer, n'avaient de valeur que d'exemple.
L'objectif est bien de répondre aux vrais besoins de nos concitoyens, là où ils s'expriment. Parfois, ces besoins sont pris en compte ; parfois, ils ne le sont pas. Il appartiendra donc aux préfets, dans le cadre des instructions qui leur sont données, de valider les projets.
L'activité en question vise à répondre aux besoins importants d'accompagnement des personnes dépendantes, notamment après une hospitalisation. Il s'agit d'organiser leur retour dans de bonnes conditions, de préparer leur domicile, de prendre des rendez-vous avec des professionnels qualifiés, de prendre en compte les besoins de transports, enfin de résoudre des problèmes matériels, administratifs et sociaux.
Dans notre esprit, cette activité est donc complémentaire du travail social, elle n'interfère pas avec des professions de santé réglementées, comme celle d'ergothérapeute, qui exigent pour leur exercice la possession d'un diplôme approprié, comme vous l'avez d'ailleurs souligné.
Il n'y a donc, pour ces emplois qui se situent bien dans l'esprit du programme - à notre avis, mais cela peut être démenti par les faits - aucun risque de concurrence illicite. Ce serait d'ailleurs tout à fait dommageable.
Je suis, pour ma part, tout à fait confiant quant à l'avenir de ces emplois. Qu'en sera-t-il dans cinq ans, me demandez-vous ? Si ces emplois satisfont de réels besoins d'utilité sociale, non pris en compte à ce jour, le confort ainsi procuré devra se traduire par une prise en charge différente qui, évidemment, ne sera pas celle de l'Etat. Ce sera, en quelque sorte, la loi du marché - même si celui de l'utilité sociale est un marché un peu particulier - qui prévaudra : c'est à la demande précise de personnes plus ou moins dépendantes que nous devrons la pérennité de ces emplois.
Quoi qu'il en soit, ce programme a déjà permis l'embauche de 50 000 jeunes, contribuant ainsi fortement à l'amélioration de la qualité de vie des personnes aidées, malgré, je vous l'accorde, des chevauchements dont il nous faudra naturellement tenir compte.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous étiez d'ailleurs probablement le mieux à même de me répondre, car vous êtes par nature, par essence et de par vos responsabilités, le défenseur de certaines professions, dont celle d'ergothérapeute.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Bien sûr !
M. Lucien Lanier. Vous avez reconnu que les ergothérapeutes sont titulaires d'un diplôme et que, en conséquence, leur profession est réglementée et mérite d'être protégée.
En réalité, ce n'est pas le corporatisme que vous devez protéger, mais bien les malades eux-mêmes, et c'est sur ce point que votre réponse me laisse un peu sur ma faim, dans la mesure où vous laissez au temps le soin de juger des délimitations respectives de l'emploi des jeunes, d'une part, et de la profession d'ergothérapeute, d'autre part.
Une telle situation n'est pas satisfaisante, d'abord pour les jeunes à qui l'on confiera un emploi : vous avez dit que les préfets seront juges, mais comment voulez-vous qu'un préfet - je connais le métier, puisque je l'ai pratiqué - puisse savoir si tel jeune, à qui l'on demandera d'aider un vieillard ou une personne handicapée en poussant sa chaise ou en préparant ses repas n'ira pas jusqu'à lui donner en même temps les soins nécessaires, prenant ainsi la place d'un ergothérapeute diplômé ?
Vous devrez étudier la question de près avec votre collègue chargée de l'emploi, car de deux choses l'une : soit il n'y aura pas d'emplois-jeunes dans ce secteur - c'est un peu secrètement ce que vous souhaiteriez pour simplifier le problème, mais je ne veux pas vous le faire dire - soit les emplois-jeunes ainsi créés provoqueront une concurrence illicite entre des gens qui ont travaillé pour être ergothérapeute et des jeunes dont, au bout de cinq ans, on ne saura pas très bien quoi faire. Et je ne veux pas évoquer ici l'exercice illégal de la profession !
Tout cela mérite, monsieur le secrétaire d'Etat, reconnaissez-le, que la question vous soit reposée, dans six mois par exemple, pour savoir si vous être parvenu à quelque conclusion.

CALCUL DU FINANCEMENT
DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 167, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Philippe Richert. Je voudrais attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les calculs des points « ISA » - indice synthétique d'activités - dans le cadre du « PMSI », le programme de médicalisation des systèmes d'information, et leurs répercussions sur le financement par dotation globale des établissements de santé.
En effet, les points ISA servent actuellement de support au processus d'allocation des ressources pour les établissements d'hospitalisation comportant au moins cent lits de court séjour, dont certains, au fil des années, restent manifestement sous-dotés, malgré les efforts de péréquation mis en place par le PMSI.
Le rapport détaillé du PMSI de 1996 pour ce qui est de la valeur des points ISA de tous les hôpitaux de France, annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, répertorie six établissements dont la valeur des points ISA est inférieure à 10. Le département du Bas-Rhin s'illustre en ayant sur son territoire l'établissement le plus sous-doté de France : l'hôpital de Neuenberg affiche une sous-dotation de près de 50 %.
Sans remettre en cause l'ensemble du dispositif, je souhaite connaître le procédé par lequel vous envisagez de pallier les sous-dotations constatées par le PMSI. Envisagez-vous, en particulier, monsieur le secrétaire d'Etat, des mesures incitatrices auprès des agences régionales de l'hospitalisation afin que les inégalités de traitement soient corrigées ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat. M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, vous posez une question d'ordre général, que vous illustrez par un cas particulier.
Je commencerai par le cas particulier : l'hôpital de Neuenberg, établissement privé participant au service hospitalier, est bien connu de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Alsace. Le directeur de cette agence s'est d'ailleurs rendu sur place au début du mois de février pour examiner le dossier, qui présente en effet, vous avez raison de le souligner, certaines particularités.
Vous avez évoqué le PMSI et les points ISA Avec le PMSI, il s'agit, comme vous le savez, de mettre en parallèle le coût par pathologie, de savoir quelle est globalement l'activité d'un établissement. Avec les points ISA, l'analyse de cette activité est théoriquement plus fine. Par rapport à la situation antérieure, c'est un progrès indéniable.
Mais les points ISA ne sont qu'un élément d'appréciation parmi d'autres pour l'allocation des ressources d'un établissement. Il ne peuvent résumer ni l'activité d'un établissement ni le contexte dans lequel celle-ci se situe. Nous devrons donc - c'est d'ailleurs le rôle des directeurs d'agence régionale - trouver une manière plus équitable non seulement de fixer les attributions, mais aussi de juger les établissements.
Il appartient aux agences et aux directeurs de retenir l'ensemble de ces éléments au moment de fixer la dotation budgétaire de chaque établissement, la correction des inégalités de ressources ne pouvant être mise en oeuvre que progressivement, dans le respect du montant de la dotation régionale limitative.
Pour l'hôpital de Neuerberg, cette correction est engagée puisque le taux de progression du budget primitif pour 1998 sera supérieur au taux de progression des établissements de la région d'Alsace, ce qui lui permettra de disposer, au-delà des crédits consacrés à la seule reconduction de ses moyens, de crédits ciblés pour accompagner l'évolution de son activité, de son programme médical et hospitalier. Ultérieurement, des crédits supplémentaires pourront lui être attribués en fonction des orientations de son projet.
Mais, en général, monsieur Richert, nous avons été confrontés, Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité et moi-même, à un calcul des enveloppes extraordinairement administratif.
Certes, les agences ne sont pas en place depuis longtemps et la dotation régionale est une nouveauté. Je la crois cependant juste parce que la région est l'unité naturelle pour que les établissements puissent être mis en concordance, en complémentarité, en harmonie.
Je reconnais que le système est opaque, et la direction des hôpitaux tatonne ; elle tente de lui donner plus de rigueur scientifique. Les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation ont un rôle majeur à jouer dans la répartition des enveloppes entre les établissements. Nous nous efforçons de donner plus de clarté au système, surtout pour être en concordance avec le projet.
L'agence d'accréditation et d'évaluation commence à travailler ; elle procédera, à leur demande, à l'accréditation des établissements, et ce dès le mois de juin et après les vacances d'été.
Quant au projet en général, il sera examiné dans le cadre des nouveaux schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, que nous avons à nouveau mis en place. Ainsi, nous y verrons plus clair.
S'agissant de l'hôpital de Neuenberg, je le répète en conclusion, le dossier est suivi ; éventuellement, en fonction du projet, des efforts pourraient être consentis en sa faveur.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, pour votre réponse en ce qui concerne le problème général que j'ai évoqué et, plus particulièrement, s'agissant de la situation de l'hôpital de Neuenberg.
S'il est vrai que le PMSI et les points ISA ne donnent qu'une image partielle du problème, ils sont néanmoins un bon indicateur qui permet de visualiser effectivement la situation des établissements.
Je vous remercie également d'avoir confirmé que le rattrapage est en cours et qu'il va sans doute - c'est ce que je souhaiterais - être accéléré. Certes, je comprends bien qu'il faille procéder de façon progressive. Néanmoins, lorsqu'un établissement est sous-doté à 50 % et que l'on me répond que le rattrapage sera de 1 %, je ne trouve pas cela satisfaisant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faudrait peut-être, s'agissant des agences régionales de l'hospitalisation, non pas leur donner des directives, mais les inciter à accélérer ce rattrapage.
Cette situation me suggère une image. Pensez à un poisson dans un bocal auquel vous supprimez progressivement l'oxygène contenue dans l'eau ; vous constatez rapidement que le poisson a du mal à survivre. Il ne faut pas s'étonner, quelques années plus tard, s'agissant de ces établissements, que vous ayez du mal à les maintenir en vie, en bon état, comme nous le souhaiterions. Il ne faut pas commencer par les mettre en situation d'asphyxie pour ensuite déplorer qu'ils aient du mal à survivre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien compris que vous êtes en plein dans ce sujet, que vous connaissez bien l'établissement auquel j'ai fait référence et que vous allez sans doute faire en sorte que le rattrapage soit plus rapide. C'est en tout cas le voeu que je formule et je vous en remercie par avance.

CONGÉS BONIFIÉS POUR LES EMPLOYÉS DES HÔPITAUX
ORIGINAIRES DES DOM-TOM

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 191, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question comporte en fait trois volets.
Premier volet : le congé bonifié a été accordé à tout agent hospitalier comme à tout employé de la fonction publique originaire des départements ou territoires d'outre-mer exerçant sur le sol métropolitain. Cette disposition a été appliquée sans trop de difficulté à l'origine.
Deuxième volet : depuis juillet 1987, des clauses restrictives ont été apportées, limitant le droit aux congés bonifiés. Des administrations exigent que l'agent apporte la preuve de sa résidence habituelle dans un département ou territoire d'outre-mer entendu comme celui où se trouve le « centre des intérêts matériels et moraux de l'agent ». Des interprétations très restrictives et diverses sont alors apportées, les situations personnelles étant différentes.
Troisième volet : complétant ces interprétations, les réductions des crédits d'Etat, notamment ceux qui sont destinés aux hôpitaux, conduisent les administrations dans un souci d'économies à remettre en cause un certain nombre d'acquis et de droits des personnels et, en premier lieu, les congés bonifiés. C'est le cas dans la plupart des centres hospitaliers du Val-d'Oise, mais aussi du Val-de-Marne, notamment à Créteil, et dans les Yvelines à Versailles.
Aujourd'hui, est remise en cause la destination du lieu où le fonctionnaire a le centre de ses intérêts matériels et moraux. Dans certains cas, plus aucun congé bonifié n'est accordé.
Cette situation n'est pas admissible car elle entraîne, vous le comprendrez, l'existence de zones de non-droits.
Cette remise en cause est injuste. Un droit est contesté alors qu'il trouve son origine dans des batailles syndicales de 1946, puis dans les accords et les lois ayant défini un droit à réparation pour un habitant des départements et territoires d'outre-mer quittant son département ou son territoire d'origine situé à dix mille kilomètres de la métropole pour travailler et servir l'Etat français.
Le Gouvernement s'était engagé. Il n'est que, en 1980, M. Papon, alors ministre du budget, pour avoir le premier osé définir de façon restrictive et défavorable les notions de résidence et, par là-même, de congé bonifié.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de redéfinir ce droit et de lever toutes les interdictions, les interprétations, les restrictions.
La quasi-unanimité des salariés originaires des DOM-TOM conservent domicile, famille, attaches au pays. Cessons de donner des interprétations administratives aux réalités humaines que personne ne conteste. La meilleure preuve est qu'à l'heure de la retraite ces travailleurs venus en métropole retournent dans leur pays, c'est-à-dire là où sont leurs racines, leur famille et, dans bien des cas, leurs biens, même s'ils sont modestes.
Je vous demande également, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, de définir des moyens financiers pour apporter une aide exceptionnelle aux hôpitaux devant appliquer les congés bonifiés.
N'oubliez pas que nombre de centres hospitaliers ne fonctionnent que grâce à la présence de nombreux employés originaires des DOM-TOM, représentant dans certains cas 10 % du personnel.
Le jour où, lors de la discussion d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre financier, le 27 décembre 1994, M. Hoeffel, alors ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales, a pris la responsabilité de soustraire au Centre national de la fonction publique territoriale la gestion des congés bonifiés pour les agents communaux, un processus de transfert s'est effectivement engagé.
Accompagné de budgets difficiles en constante régression et en fragile équilibre, le transfert compromet l'existence et la réalisation d'un droit. N'était-ce pas là aussi une préfiguration de ce que représentent la remise en cause des statuts et l'abolition des conventions collectives ?
Aujourd'hui, face à une déferlante de remis en cause, il faut trancher. Envisagez-vous de réaffirmer le droit au congé bonifié ? Envisagez-vous d'abandonner les restrictions, les malentendus et je dirai les faux prétextes avancés contre les démarches déposées ? Pourquoi refusez-vous la proposition de création d'un fonds spécial géré paritairement avec les salariés originaires des DOM-TOM ?
Si vous acceptiez cela, le droit, je crois, serait garanti.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Madame le sénateur, vous m'avez posé une question technique, je vous répondrai techniquement. Mais comme vous n'avez pas dit que cela, je vous répondrai auparavant que le Gouvernement est très conscient de l'apport que représentent les travailleurs originaires des DOM-TOM dans notre tissu hospitalier. Vous avez eu raison de le souligner, le nombre est souvent considérable de ces employés, de ces travailleurs qui participent à la vie et à l'organisation de nos hôpitaux.
Je vous répondrai aussi qu'un emploi dans les DOM-TOM en général, et dans les départements d'outre-mer en particulier, n'est pas facile à trouver. Cette offre hospitalière en métropole représente donc pour de nombreuses familles un apport tout à fait particulier et très notable.
Sur le plan technique, le décret n° 87-482 du 1er juillet 1987 fixe les conditions d'attribution des congés bonifiés aux fonctionnaires hospitaliers qui, exerçant leurs fonctions sur le territoire européen de la France, ont leur résidence habituelle dans un département d'outre-mer. Le lieu de la résidence habituelle est celui où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'agent. Cette réglementation ne s'applique pas aux fonctionnaires des territoires d'outre-mer.
Concernant le financement de ces congés, des crédits supplémentaires nécessaires ont été attribués en 1987 aux établissements, notamment à ceux qui sont susceptibles d'être concernés par un fort taux d'octroi de congés bonifiés. Ce sont souvent ceux de la région parisienne. Ces crédits sont actuellement toujours dans les bases budgétaires de ces établissements.
S'agissant de la législation ou de la réglementation en vigueur concernant les congés bonifiés accordés dans les trois fonctions publiques - car il ne s'agit pas seulement de la fonction publique hospitalière, madame le sénateur, vous le savez - aucune modification n'est actuellement envisagée, j'ai le regret de vous le dire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Sur le plan politique, je me permettrai d'ajouter que, en plus d'un droit, le congé bonifié est une reconnaissance de la situation de ces travailleurs exilés beaucoup plus victimes que les autres du chômage et des bas salaires, car ils sont bien souvent plus exploités, ils effectuent des travaux pénibles et contraignants, n'ayant pas pu trouver d'emploi dans leur département d'origine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question et le débat de ce matin étaient très attendus par les agents hospitaliers. Il est vrai que les congés bonifiés ne concernent pas que les agents hospitaliers mais, pour le moment, aucune collectivité territoriale ne les a remis en cause ; je pense aux collectivités locales, principalement les communes, ce problème n'existe que dans les hôpitaux.
Je peux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre réponse de ce matin était très attendue. Ainsi, dans mon département, par exemple, au centre hospitalier de Montmorency-Eaubonne, une trentaine de congés bonifiés ont été refusés. Certains, au cours d'un débat, ont même établi une comparaison entre cette remise en cause des congés bonifiés et le fait que le Gouvernement, estiment-ils, a déjà « lésiné » sur la célébration du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage. (M. le secrétaire d'Etat sourit.) Eh oui, monsieur le secrétaire d'Etat, vous voyez comment les choses sont ressenties dans les hôpitaux !
Le congé bonifié, c'est, encore plus qu'un droit aux vacances, un droit au pays. C'est aussi, pour celui qui est venu travailler en métropole pour l'Etat, un témoignage de respect de la dignité de sa culture et de son identité, un moyen d'entreprendre une formation nouvelle permettant d'accéder à des emplois qualifiés ; c'est une organisation du travail et des congés qui valorise l'apport culturel et le savoir des agents, qu'ils viennent de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, voire de la Corrèze ou du Midi.
Nous estimons donc, avec les agents hospitaliers, que la République doit reconnaître le droit aux congés bonifiés. Mais ce droit, pour s'exprimer, a besoin de spécificités. La loi du 9 janvier 1986 allait dans le bon sens, mais elle doit être confirmée, et il faut surtout prévoir des moyens en vue de son application.

FINANCEMENT
DE LA BIBLIOTHÈQUE RÉGIONALE DE NICE

M. le président. La parole est à M. Laffitte, auteur de la question n° 196, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication. M. Pierre Laffitte. La bibliothèque régionale de Nice a été décidée comme deuxième bibliothèque de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ce n'est que justice, car Nice est la cinquième ville de France et il est normal que celle qui s'enorgueillit de compter, notamment, le quai des Etats-Unis, le boulevard Tzarévitch, la Promenade des Anglais et, désormais, une Promenade des Arts, où se succèdent un musée d'art contemporain, un théâtre, un palais des congrès et un palais des expositions, ait un emplacement réservé pour une grande bibliothèque-médiathèque à vocation régionale.
La Côte d'Azur est un haut lieu du tourisme en France. Elle accueille de nombreuses personnalités internationales. Une bibliothèque-médiathèque moderne et innovante, reliée par un réseau à grand débit multimédia à Sophia Antipolis grâce à un programme mis en place à Sophia Antipolis, le programme MEDSAT, à l'ensemble des capitales, universités et bibliothèques de la Méditerranée et de l'Europe augmentera l'attractivité de la France et de la culture française.
L'Etat a passé une convention de développement du patrimoine culturel avec le département des Alpes-Maritimes. Il est évident qu'il doit aider en la matière la Côte d'Azur dans des conditions comparables à celles qui prévalent dans d'autres régions de France.
Je sais que depuis le dépôt de cette question orale le principe en est acquis, et je voudrais en remercier Mme la ministre de la culture et de la communication. Je vous fais confiance, monsieur le secrétaire d'Etat, pour lui transmettre ces remerciements.
Si le principe est acquis, des investissements spécifiques complémentaires sont nécessaires, notamment concernant la mise en place de réseaux performants, soit par voie satellitaire, soit par voie filaire.
Je voudrais donc savoir si l'Etat envisage de participer aussi à ces dépenses complémentaires d'investissement dans ces autoroutes de l'information qui doivent désormais relier toute grande bibliothèque à son environnement et local et national et international.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Sans prétendre me substituer à elle, je vais répondre à la place de Mme Trautmann, qui est tout à fait consciente de l'importance, que vous avez excellement rappelée, monsieur le sénateur, de la bibliothèque de Nice et qui m'a chargé de vous transmettre un certain nombre de précisions.
La loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 a créé la troisième part du concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation, dispositif spécifique et temporaire destiné à aider les communes à construire des bibliothèques d'envergure dénommées « bibliothèques municipales à vocation régionale ».
Le décret d'application n° 93-174 du 5 février 1993 a précisé la nature des pièces constitutives du dossier de demande de subvention que les collectivités concernées avaient la possibilité de déposer auprès de l'Etat afin de bénéficier d'une subvention susceptible d'atteindre 40 % du coût hors taxe subventionnable de l'ensemble de l'opération - travaux liés au bâtiment, équipement mobilier et à informatique - qui vous intéresse ici.
La ville de Nice, qui a remis la totalité des documents exigibles concernant un projet de bibliothèque municipale à vocation régionale sur la Promenade des Arts, que vous avez si joliment décrite, avant le 31 décembre 1997, date limite fixée par l'article 60-4 de la loi du 13 juillet 1992, s'inscrit pleinement dans le cadre de ce programme.
L'arrêté interministériel notifiant à la ville le montant de la subvention versée en faveur de cet investissement pour la partie relevant des travaux interviendra lorsque les devis des entreprises retenues seront présentés.
Le deuxième projet de bibliothèque municipale à vocation régionale lancé dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, très précisément à Marseille, répond aux mêmes critères d'éligibilité et sera instruit dans des conditions identiques, comme tous les projets de ce type, quelle que soit leur implantation sur le territoire.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je remercie M. le secrétaire d'Etat et Mme la ministre chargée de la culture et de la communication, qui vient de rejoindre l'hémicycle, pour ces éléments de réponse.
Je veux insister à nouveau sur le caractère moderne que nous souhaiterions très vivement donner à cette bibliothèque à vocation régionale de Nice. En effet, une bibliothèque doit désormais être un outil du développement culturel, un centre de ressources accessible non seulement aux personnes qui fréquenteront la bibliothèque mais aussi aux habitants des zones rurales ou des zones urbaines sensibles, qui seront reliés à la bibliothèque par des réseaux à grand débit grâce à des points d'accès publics.
La bibliothèque doit être reliée aux médiathèques de l'ensemble du tissu éducatif : aux écoles, aux collèges et aux lycées.
De plus, grâce au projet MEDSAT, cette bibliothèque doit avoir un rayonnement international en étant en liaison avec toute une série de lieux publics - universités, écoles, médiathèques et bibliothèques - de l'ensemble des pays circumméditeranéens, pour lesquels un grand projet est en cours.
Il me semble, en outre, qu'une liaison systématique entre les grandes bibliothèques régionales et les bibliothèques nationales, ainsi qu'avec la Cité des sciences, le Futuroscope et les parcs scientifiques, serait une avancée considérable vers les autoroutes de l'information à la française et conduirait à un développement considérable de la culture et de la communication françaises.

RESTAURATION DU CHÂTEAU DE VINCENNES

M. le président. La parole est à M. Clouet auteur de la question n° 206, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean Clouet. Madame le ministre, le château de Vincennes, ensemble domanial classé au titre des monuments historiques, est occupé conjointement par des services dépendant du ministère de la culture et de la communication et du ministère de la défense, notamment par les services historiques des armées. Cette dualité a conduit, en 1988, à la création d'une commission interministérielle - sous la présidence de M. Jean-Philippe Lecat, l'un de vos prédécesseurs, madame le ministre - chargée d'assurer la gestion du site, de conduire les travaux de restauration, de favoriser son animation ainsi que sa mise en valeur.
Depuis 1988, près de 100 millions de francs, provenant pour les deux tiers de la culture et pour un tiers de la défense, ont été dégagés mais ce sont plus de 300 millions de francs qu'il faudrait encore y consacrer, selon les dernières estimations de l'architecte en chef des monuments historiques.
Le donjon a été fermé au mois de septembre 1996 et son accès au public sera interdit au moins pour cinq années encore si les travaux se déroulent au rythme actuel et s'il n'y a aucune mauvaise surprise.
J'observe que, dans l'hypothèse d'une simple reconduction de la dotation annuelle actuelle, il faudrait plus de trente ans pour finir les travaux, sans tenir compte de l'oeuvre du temps, qui imposera de nouvelles interventions sur certaines parties du monument.
Ainsi M. Jean-Philippe Lecat pouvait-il écrire en 1993 : « Croit-on que si le Royaume-Uni, la Russie ou l'Allemagne possédaient, aux portes de leur capitale, un ensemble monumental témoin de leur histoire nationale et de la naissance de l'Etat qui fonda leur rang parmi les nations, ils hésiteraient à faire de sa renaissance le grand projet de la décennie à venir ? »
Est-il raisonnable de se résigner à voir le château de Vincennes, présent dans l'imaginaire de chaque Français en raison, notamment, du souvenir qui l'associe à Saint Louis, rester indéfiniment délaissé, masqué par d'éternels échafaudages et soustrait à la fréquentation du public ?
Je persiste à croire que non.
C'est pourquoi je vous demande, madame le ministre, si cet admirable ensemble monumental qu'est le château de Vincennes ne pourrait pas se voir affecter une dotation budgétaire augmentée, en vue d'une accélération des travaux, ou, mieux encore, faire l'objet d'un « grand projet » doté d'un financement approprié dont les bases seraient éventuellement élargies.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je partage, monsieur le sénateur, votre sentiment sur la place qu'occupe le château de Vincennes au premier rang du patrimoine historique et architectural de la France.
Cette conviction, qui est également celle du ministre de la défense, exige de parvenir à une gestion coordonnée du château, permettant à chacun d'exercer sa mission dans de bonnes conditions. En témoignent les décisions récemment prises par la commission interministérielle du château de Vincennes, consistant à compléter la protection de l'ensemble au titre des monuments historiques, le château ne bénéficiant aujourd'hui que de protections partielles, et à redéfinir la situation domaniale de chacun des éléments du château.
Parallèlement, et depuis plusieurs années, un effort est mené par nos deux ministères pour développer la fréquentation du monument et sa présentation au public : fouilles archéologiques du manoir capétien, journées du patrimoine, expositions organisées par le ministère de la défense, visites gérées par la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, concerts, projet de nouvelle mise en lumière de la sainte-chapelle et de la tour du village, participent de cette préoccupation majeure. La ville de Vincennes s'associe d'ailleurs à ces opérations, avec les « fêtes du château ».
La restauration du château bénéficie également d'un effort conjoint de nos deux administrations. Ainsi, en raison de l'importance majeure de ce monument, le ministère de la culture cofinance, à titre très exceptionnel, les travaux de restauration des parties classées du château qui sont affectées au ministère de la défense.
Pour autant, cette restauration doit être menée progressivement. Si les besoins globaux en travaux ont été estimés à 300 millions de francs - je confirme le chiffre que vous citez, monsieur le sénateur - tous ne présentent pas le même degré d'urgence.
Dans l'idéal, plusieurs monuments insignes exigeraient eux aussi la mise en oeuvre rapide de crédits considérables. Il convient cependant de répartir, en fonction des besoins les plus pressants, une enveloppe donnée entre ces édifices et la grande majorité des monuments classés, appartenant ou non à l'Etat, dont la conservation doit également être assurée.
Pour ce qui concerne spécifiquement le donjon de Vincennes, élément phare du monument avec la sainte-chapelle, l'opération de restauration devait en effet demander cinq années. Cette contrainte assez lourde, mais que la Caisse nationale des monuments historiques et des sites tente de compenser partiellement par une information extérieure des visiteurs sur l'édifice et le chantier, ne pourrait être levée par la seule multiplication des crédits. Il convient en effet de consacrer le temps nécessaire aux phases d'études préalables et de mener les travaux selon une progression précise, élaborée en fonction des données structurelles déterminées par ces études.
Vous avez rappelé, monsieur le sénateur, que 100 millions de francs ont été consacrés à la restauration du château de Vincennes depuis dix ans et que ces crédits provenaient pour les deux tiers du ministère de la culture. L'enveloppe prévue par ce département pour le château s'élève en 1998 à 13,27 millions de francs, grâce à la restauration des crédits liés au patrimoine, auxquels il convient d'ajouter les sommes consacrées à l'entretien et les investissements de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites. L'effort sera poursuivi dans les années à venir, principalement sur le donjon, puis en fonction des besoins qui apparaîtront par ailleurs et de la programmation des travaux que nous pourrons dégager des études que j'évoquais précédemment.
M. Jean Clouet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Madame le ministre, après vous avoir remerciée de votre réponse courtoisement circonspecte, permettez-moi de vous remettre en mémoire que tous les rois de France, jusqu'à Louis XV inclus, ont résidé au château de Vincennes, et que le général de Gaulle avait envisagé de le faire.
Sans aller jusque-là, peut-être pourriez-vous, madame le ministre, vous y rendre quelques instants, si vous ne l'avez déjà fait. Je suis sûr que vous ne regretterez pas cette visite. (Sourires.)

FERMETURE DE LA SUCCURSALE
DE LA BANQUE DE FRANCE DE NARBONNE

M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 185, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, la restructuration autoritaire pensé par le gouverneur de la Banque de France va mobiliser ce matin même, au Palais du Luxembourg, de nombreux maires et élus parfaitement déterminés à s'opposer à ce projet.
Leur réaction, madame le secrétaire d'Etat, est à la mesure de l'ampleur des menaces qui pèsent sur l'institution, avec l'abandon de certaines activités et la fermeture de quelque 92 caisses de succursale.
Le projet est ancien, et M. Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et des finances, en réponse à l'une de mes interventions, confirmait bien, et même justifiait, « cette réorganisation interne annoncée par le Gouvernement ». Il estimait par ailleurs que cette réorganisation interne n'entrait pas dans le cadre de la loi d'orientation, pour l'aménagement et le développement du territoire, ce qui m'avait beaucoup surpris.
Madame le secrétaire d'Etat, nous contestons cette position. Je ne donnerai pas lecture de l'article 29 de cette loi, chacun ici le connaît, mais nous considérons que la fermeture de nombreuses caisses viserait directement la mission de service public.
De surcroît, et quoi qu'en dise M. le gouverneur, les syndicats et les élus, instruits par un passé plutôt douloureux, affirment que les fermetures de caisses peuvent, à terme, déboucher sur des fermetures de succursales. C'est dire si l'impact immédiat ou à moyen terme de cette restructuration risque d'être dévastateur en matière de service public et d'aménagement du territoire.
L'enjeu est donc d'importance, et je ne peux que regretter plus fortement encore, jusqu'à ce jour du moins, la mise entre parenthèses de tout véritable dialogue social au sein de l'entreprise. Le fait, notamment, que la pratique de ce dialogue social se soit déplacée vers le nouveau ministre est assurément très révélateur.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai relevé, et je m'en réjouis, le constat de désaccord formulé très récemment par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie quant à ce déficit de dialogue social dans l'entreprise.
J'ai bien noté également la fermeté du ministre dès lors qu'il s'agit de faire respecter des garanties aussi essentielles que l'emploi, la qualité du service public et l'aménagement du territoire.
Si des évolutions s'imposent, il convient à mon avis de les rechercher dans le sens du renforcement des missions du service public.
La réforme des dispositions concernant le surendettement ou le passage à l'euro ou encore les problèmes liés à l'exclusion bancaire devrait permettre de renforcer ces missions de service public d'une manière plus générale.
Enfin, pour en venir au plan local - je veux parler de la Banque de France de Narbonne - il y a là sûrement nécessité de tenir compte de la situation économique s'agissant d'un arrondissement dont la population ne cesse de progresser et pour laquelle les statistiques établies par l'INSEE font état d'une augmentation de quelque 14 % à l'horizon 2010.
Je veux également signaler - autre paradoxe - les menaces qui pèsent sur la recette des finances de Narbonne. Là encore, l'administration semble persister dans l'erreur, cela depuis plusieurs années. Il importe, madame le secrétaire d'Etat, de réexaminer ce dossier et de réorienter la manoeuvre.
Je reviens, pour terminer, à la Banque de France.
Madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement entend-il peser de tout son poids sur les décisions de la Banque de France et de son gouverneur ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, il est vrai que la Banque de France examine actuellement une réorganisation interne de l'activité de caisse de certaines succursales.
Compte tenu de l'importance de ces évolutions, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a précisé d'emblée qu'aucune décision ne devait être prise avant qu'un dialogue social approfondi sur les fonctions des services de caisse des succursales dans le contexte du système européen de banques centrales ait eu lieu. Selon les informations dont nous disposons, le gouverneur a engagé cette phase de concertation.
Il faut qu'elle se poursuive afin de dégager des solutions adaptées dans le respect de trois objectifs fondamentaux que vous avez eu raison de rappeler : l'emploi, ce qui exclut tout licenciement qu'il s'agisse du personnel statutaire ou contractuel - M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'avait rappelé dès le départ ; l'aménagement du territoire - vous avez raison égaglement sur ce point - qui exige qu'aucune succursale de la Banque de France ne soit fermée ; la qualité du service public - notamment en matière de sécurité et de circulation fiduciaire - le réclame.
Ce n'est qu'à l'issue de cette phase de dialogue social, et dans le respect de ces principes, que le conseil général de la Banque de France sera appelé à se prononcer sur ce projet, ou sur des projets.
Parallèlement, vous avez raison de souligner aussi que la réforme des procédures de surendettement - à laquelle je suis très attachée, monsieur le sénateur - contribuera à renforcer le rôle des succursales de la Banque de France dans le traitement des cas de détresse sociale. C'est une mission essentielle qu'il nous appartient de mettre à nouveau sur le chantier. Je tiens à préciser que les personnels la remplissent de façon très correcte, et très sociale, au sens vrai du terme.
Le Gouvernement est donc très attaché à ce que, par une discussion constructive avec les partenaires sociaux et avec les élus, une solution adéquate soit trouvée à ce dossier, en particulier lorsqu'il s'agit de Narbonne. M. Dominique Strauss-Kahn l'a clairement indiqué aux partenaires sociaux et aux élus lorsqu'il les a reçus récemment.
Nous ne pouvons admettre que l'impact d'une décision de ce type sur une ville, où qu'elle soit sur notre territoire, ne soit pas pris en compte. Vous avez raison de parler de la loi sur l'aménagement du territoire : nous avons rappelé que nous étions, bien évidemment, profondément attachés à ce que toute évolution du service public soit accompagnée d'une réelle étude d'impact. Nous ne pouvons donc pas accepter qu'une telle étude ne soit pas faite.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Vous avez parlé de la recette des finances, monsieur le sénateur. Il est vrai qu'à ce jour, et simplement sur une orientation générale, les directeurs départementaux doivent soumettre un certain nombre d'évolutions en la matière, davantage en fonction des réorganisations que nous leur demandons - en ce qui concerne l'informatique, par exemple - qu'en fonction de suppressions ou d'ouvertures, qui, bien que malheureusement rares, seraient possibles dans certains quartiers. Nous avons effectivement demandé que le service public des finances soit présent dans certaines grandes banlieues d'où il est absent. Forts de cette orientation, certains directeurs départementaux ont effectivement annoncé que des recettes devaient disparaître.
Je ne connais pas suffisamment le point où en est le dossier dont vous parlez, mais je pense qu'à ce jour aucune proposition de fermeture n'a été acceptée, monsieur le sénateur. Je vous demanderai donc de bien vouloir nous faire parvenir des éléments d'information supplémentaires sur ce point particulier, car nous sommes très vigilants sur tout service public, a fortiori lorsqu'il dépend du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces propos, que je qualifierai d'encourageants.
Certes, nous savons que, conformément au traité sur l'Union européenne et à la loi du 4 août 1993, la Banque de France est devenue indépendante, indépendance qui ne s'applique toutefois qu'à la politique monétaire afin d'assurer la stabilité des prix, ce qui nous permet d'admettre la compétence du conseil général s'agissant des mesures relatives à la circulation fiduciaire, sans omettre le rôle important du censeur, nommé d'ailleurs par le ministre.
Je crois qu'il y a là, madame le secrétaire d'Etat, un moyen de peser sur certaines orientations, puisque les décisions du conseil général de la Banque de France sont définitives, à moins que le censeur n'y fasse opposition.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roland Courteau. Autre remarque : pour justifier ces fermetures, le gouverneur met en avant la fragilité du compte d'exploitation due, paraît-il, à la baisse des taux d'intérêt. Cette remarque avait été formulée par M. Jean Arthuis voilà un an ou deux.
Je crois savoir que l'entreprise a dégagé dans une période plutôt difficile quelque deux milliards de francs de bénéfice net. Je crois savoir aussi que, selon les experts, les revenus de la Banque de France seront plus importants encore avec la mise en place de la Banque centrale européenne.
Enfin, que penser de cette obstination à vouloir restructurer, réorganiser, c'est-à-dire à fermer des caisses, au moment où chacun convient ici qu'il faudrait rendre ces dernières plus aptes encore à faire face aux exigences de la mise en place de l'euro ?
Bref, il s'agit selon nous, et mon collègue Gérard Delfau s'associe à ma démarche,...
M. Gérard Delfau. Tout à fait !
M. Roland Courteau. ... de nourrir le travail de la Banque de France et de conforter les activités du métier.
Et pourquoi ne pas évoquer, dans mon propos, une autre mission de service public mise en avant par les syndicats et par vous-même, madame le secrétaire d'Etat, voilà quelques instants, et qui relève de la solidarité nationale ?
En effet, la multiplicité des accidents de la vie - chômage, divorce, maladie - a engendré une précarité extrême. Il faut donc revoir le dispositif relatif au surendettement et écouter ceux des personnels de la Banque de France qui savent de quoi ils parlent, comme vous l'avez souligné à juste titre, et qui ont des propositions à faire en matière d'information, de médiation, d'élargissement du droit au compte, d'utilisation de certains moyens de paiement en toute gratuité et d'accompagnement social, toutes propositions dont la mise en oeuvre nécessite, il est vrai, que la Banque de France dispose de moyens humains et financiers plus importants, et non le contraire ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)

FISCALITÉ DES PLUS-VALUES
LORS DE LA TRANSFORMATION
DU STATUT JURIDIQUE D'UNE SOCIÉTÉ

M. le président. La parole est à M. Plasait, auteur de la question n° 200, adressée à M. le secrétaire d'Etat au budget.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question concerne l'imposition des sociétés non soumises à l'impôt sur les sociétés, telles que les sociétés en nom collectif et les sociétés civiles, notamment, qui pose de nombreuses questions imparfaitement traitées dans le code général des impôts. En particulier, les conséquences fiscales à l'échelon des associés, de leur transformation en sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ne sont pas traitées du tout.
L'administration fiscale a précisé par voie d'instructions - n° 5B-21-94 du 26 octobre 1994 et n° 5G-15-94 du 27 octobre 1994 - que la transformation d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés en une société soumise à l'impôt sur les sociétés, ou son option à l'impôt sur les sociétés, n'entraîne pas la constatation d'une plus-value au niveau des associés personnes physiques de ladite société.
Cette règle a été donnée au regard de celles qui régissent l'imposition des plus-values des particuliers, qui sont prévues aux articles 160, 92B 92J et 92K du code général des impôts. La transformation - ou l'option - est alors neutre fiscalement pour l'associé, sous réserve des deux exceptions suivantes : lorsque la transformation s'accompagne de la création d'une personne morale nouvelle - cas relativement rare - et lorsque l'associé est une personne physique qui exerce son activité professionnelle au sein de la société.
J'attire donc l'attention de M. le secrétaire d'Etat au budget sur cette question et lui demande s'il peut me confirmer que ce principe de neutralité est également applicable aux associés qui sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, que les sociétés concernées soient des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ou qu'il s'agisse de sociétés de personnes, elles-mêmes détenues par une société soumise à l'impôt sur les sociétés.
En effet, sous réserve, encore une fois, qu'elle ne donne pas lieu à la création d'une personne morale nouvelle, la transformation ne devrait pas entraîner la constatation d'une plus-value au niveau desdits associés au regard des articles 38 et 39 duedecies du code général des impôts.
De même, les ajustements fiscaux cités dans les arrêts du Conseil d'Etat du 4 novembre 1970 - n° 77.667 - et du 17 avril 1991 - arrêt Lanadan, n° 62.001 - en cas de cession de parts de sociétés de personnes, ne devraient pas s'appliquer.
Je lui demande de bien vouloir lui confirmer ces deux points - neutralité et absence d'ajustements fiscaux - qui facilitent l'adaptation des sociétés à un environnement économique changeant.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, votre question est intéressante parce que, si nous ne trouvons pas de solution sur tous les points, nous mettrons en oeuvre une procédure législative, à laquelle, bien évidemment, vous serez associé.
Conformément aux dispositions du code civil et de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales, la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas, vous l'avez rappelé, la création d'une personne morale nouvelle.
Néanmoins, la transformation d'une société de personnes, soumise ou non à l'impôt sur les sociétés, en une société de capitaux se traduit par l'entrée, à la date de l'opération, de droits nouveaux à l'actif immobilisé du bilan des associés personnes morales ou personnes physiques dans le cadre de leur activité professionnelle. En effet, elle modifie de façon substantielle les droits et les obligations de ces derniers, en particulier au regard de leur engagement au passif social. Ainsi, l'associé d'une société à responsabilité illimitée transformée en société à responsabilité limitée ne répond pas, au-delà de son apport, des dettes sociales nées postérieurement à la publication de la transformation mais reste tenu au passif antérieur.
Dès lors, en l'état actuel du droit, une telle transformation doit s'analyser, pour les associés en question, en un échange de titres dont le résultat constitue un élément du bénéfice imposable, en application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, qui peut, le cas échéant, bénéficier du régime des plus ou moins-values à long terme mentionné à l'article 39 duodecies du même code. Que tout cela est plein de poésie, monsieur le sénateur !
La plus ou moins-value ainsi dégagée lors de la transformation de la société de personnes est déterminée dans les conditions prévues par la jurisprudence du Conseil d'Etat, dont l'objectif est d'éliminer le double emploi consécutif à l'imposition du résultat au stade de sa réalisation par la société de personnes, puis à une nouvelle prise en compte de ce résultat dans la plus ou moins-value de cession de parts, lorsque ce résultat est resté, économiquement, dans l'entreprise.
Il ne m'est donc pas possible, monsieur le sénateur, de donner une réponse positive à votre question même si nous partageons votre souci d'assurer la continuité économique des entreprises qui doivent, comme c'est souhaitable, adapter leur structure juridique en fonction de leur environnement.
Au demeurant, la mise en place d'un sursis d'imposition qui conduirait à n'imposer la plus ou moins-value qu'à l'occasion de la cession des titres de la société de capitaux issue de la transformation se révélerait particulièrement complexe.
En effet, les modalités de calcul du résultat de cession devraient tenir compte d'ajustements fiscaux inhérents à la situation fiscale antérieure de la société concernée. Or ni la loi ni la jurisprudence ne permettent de déterminer avec précision la nature et le montant des ajustements à effectuer dans ces circonstances.
Dans ces conditions, l'adoption d'un texte précisant les modalités de calcul du résultat de cession de titres de sociétés soumis ou ayant été soumis au régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts me paraît être un préalable indispensable à un aménagement visant à assurer une plus grande neutralité fiscale pour les opérations en cause.
J'ai donc demandé à mes services de procéder à un examen approfondi de ce problème qui, en tout état de cause, ne pourrait être réglé que par la voie législative. J'espère que vous pourrez prendre rapidement connaissance du texte que nous soumettons au Parlement.
M. Bernard Plasait. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Votre réponse, dont je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, manque effectivement de poésie, mais je conviens que ma question en était également dépourvue. (Sourires.)
J'examinerai effectivement avec attention le plus rapidement possible, en tous cas dès qu'il nous sera communiqué, le texte auquel vous faites allusion et qui doit permettre de sortir de l'ambiguïté qui prévaut actuellement.

CONDITIONS ADMINISTRATIVES D'OUVERTURE
DES SURFACES COMMERCIALES

M. le président. La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 198, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. André Vallet. Madame le secrétaire d'Etat, je tiens à attirer votre attention sur les autorisations d'ouverture des grandes surfaces commerciales qui sont délivrées.
Le précédent gouvernement ayant gelé ces autorisations pour un temps, j'aimerais savoir si vous envisagez aujourd'hui d'autoriser à nouveau de telles ouvertures.
Que comptez-vous faire, notamment, pour la région que je représente, la région PACA, qui, sur les cinq millions de mètres carrés que représente la surface totale des centres commerciaux en France, compte 1,5 million de mètres carrés de grande surface, alors que, bien évidemment, sa population est loin d'atteindre le tiers de la population de notre pays.
Vous n'ignorez pas, madame le secrétaire d'Etat, les conséquences très graves qu'une telle politique entraîne sur nos centres villes. C'est la raison pour laquelle l'ensemble des élus de la région, et notamment ceux du département des Bouches-du-Rhône, poussent un cri d'alarme et demandent que des dispositions soient prises afin que des autorisations de ce type ne soient plus accordées.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, le droit d'exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail, instauré par la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, a été assez profondément modifié par la loi du 5 juillet 1996.
Ces nouvelles dispositions ont été précisées par un décret et un arrêté du 26 novembre 1996. Dans l'attente de l'entrée en vigueur des textes d'application, les commissions départementales d'équipement commercial ont été amenées à suspendre leurs travaux pendant le second semestre de l'année 1996.
Les premiers mois d'application de ces nouvelles dispositions n'ont pas semblé se traduire, dans la pratique des commissions d'équipement commercial, par une motivation plus complète et argumentée de leurs décisions.
Nous venons de faire le même type de constat en analysant les autorisations qui ont été données depuis cette époque.
C'est pourquoi, par un arrêté du 12 décembre 1997, qui a abrogé et qui remplace l'arrêté du 26 novembre 1996 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail, le Gouvernement a entendu renforcer la consistance de l'étude d'impact et assurer une meilleure transparence des projets au regard, notamment, de l'aménagement du territoire, de la qualité de l'urbanisme, ainsi que de leurs conséquences sur l'emploi et donc de la prise de décision des commissions d'équipement commercial.
Dans la nouvelle circulaire que j'ai eu l'occasion de signer et de transmettre aux préfets, j'ai bien insisté sur le fait que les conséquences des projets sur l'emploi ne se mesurent pas simplement en termes de créations mais également en termes de suppressions. J'espère que les préfets n'accepteront les dossiers que lorsque ceux-ci prendront en compte cette donnée.
Par cette circulaire du 19 décembre 1997, nous avons donc invité tous les préfets à tirer l'ensemble des conséquences de ces nouvelles dispositions en matière d'instruction des dossiers de demande d'autorisation, de conduite des réunions des commissions départementales d'équipement commercial et de motivation de leurs décisions, mais aussi à organiser les études d'impact dont il a si souvent été question mais qui n'ont pas été engagées.
Vous le savez, monsieur le sénateur, dans de nombreux cas, les participants aux commissions départementales d'équipement commercial font état de la grande difficulté qu'il y a à faire la part des choses dans des dossiers si épais et qui ne brillent pas par la transparence. Dans la majorité des cas, ce sont les mêmes bureaux d'études qui interviennent pour l'ensemble des demandeurs. J'espère que, grâce à la nouvelle circulaire, nous pourrons avoir plus de précision sur les différents dossiers.
En 1997, vingt-sept projets ont été autorisés par la commission départementale d'équipement commercial des Bouches-du-Rhône : neuf ont été adoptés à l'unanimité des six membres présents et huit l'ont été par cinq voix sur six, alors que la loi n'exige que quatre voix pour. Je ne puis donc que prendre acte du fait que la quasi-unanimité des projets ont recueilli un très large consensus. Aussi, lorsque la circulaire a été distribuée à l'ensemble des préfets, j'ai dit que j'étais obligée de faire confiance à l'ensemble des participants locaux. Lorsque cinq ou six membres sur six votent un projet, je ne vois pas au nom de quoi je demanderais aux préfets d'introduire un recours.
Le problème est donc extrêmement délicat.
Pendant la même période, six projets ont été refusés, avec une répartition nettement plus partagée des votes.
Qu'allons-nous faire maintenant ? Nous allons d'abord analyser très précisément le bilan global de l'année 1997 sur le plan national pour avoir une juste vision des choses. Nous voulons savoir si nous devons aller plus loin dans la mise en place de nouvelles mesures d'adaptation du régime applicable aux créations de magasin de commerce de détail.
En tout cas, lorsque, selon le système mis en place par mon prédécesseur, l'ensemble des élus locaux, les représentants des organismes consulaires se réunissent autour d'une table avec les consommateurs pour mettre en place les schémas d'équipement commercial, peu de dossiers prennent un tour litigieux.
Je reste persuadée que le schéma d'équipement commercial ne doit pas être un plan d'occupation des sols en mètres carrés commerciaux. Il ne ferait qu'ajouter une surcharge à la législation foncière et n'aurait pas d'impact.
Je pense que le schéma d'équipement commercial doit être l'occasion, pour l'ensemble des partenaires économiques concernés par ces projets qui mettent en danger la vie de nos centres-villes ou de nos centres-bourgs, de faire une analyse approfondie du système commercial dans la zone de chalandise, en considérant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C'est uniquement s'il existe un manque que la commission d'équipement commercial pourrait être amenée à le combler. C'est ainsi que nous devons voir les choses. C'est un travail difficile.
Je ne suis pas persuadée que cela demande un moratoire, mais je reste ouverte à l'ensemble des suggestions, celles des parlementaires en particulier.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Madame la secrétaire d'Etat, puisque vous faites appel à nos suggestions, je me permets de vous demander d'organiser le plus rapidement possible un débat sur les centres-villes.
Je peux vous assurer que, dans un département comme le mien, où les surfaces commerciales ont tout envahi, il n'est plus possible de maintenir la vie dans nos centres-villes. Peu à peu, dans toutes les communes des Bouches-du-Rhône, des magasins ferment alors que les supermarchés fleurissent.
Pour ma part, je pense que la composition des commissions d'équipement commercial devraient être revue.
Il est exact que bon nombre d'élus locaux donnent des autorisations et sont favorables à des implantations sur leur commune. C'est pourquoi la représentativité de ces commissions réduite à l'arrondissement n'est pas assez large.
Permettez-moi de donner un exemple. Je suis maire de Salon-de-Provence. Or, à cinq kilomètres du centre-ville, dans un autre arrondissement, va se construire un centre commercial énorme, et je n'aurai pas un mot à dire. Ce n'est pas normal. Aussi, madame la secrétaire d'Etat, j'aimerais que vous considériez le problème très sérieusement.

FERMETURE DES BUREAUX DE POSTE EN MILIEU RURAL

M. le président. La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 180, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Louis Souvet. Le bureau de poste constitue souvent le dernier service public fonctionnel dans de nombreux villages ruraux, en particulier en zone de montagne, alors même que sont mis en place les regroupements pédagogiques et que les derniers commerces de proximité ont baissé leur rideaux depuis malheureusement quelques années.
Il est de notoriété publique qu'il est de plus en plus question, à des fins de rentabilité et de productivité, d'aménager les heures d'ouverture de ces bureaux de poste, dans le meilleur cas, voire, en dépit de toutes les assurances ministérielles, de fermer tel ou tel bureau. Pour les personnes âgées, qui souvent ne disposent pas de véhicule personnel ou se déplacent difficilement, les bureaux permettent d'avoir accès aux service de base de La Poste, qu'il s'agisse de retraits en numéraire, de placements ou d'expéditions.
Le président de La Poste a été très clair sur ce point : le moratoire relatif à la fermeture des bureaux de poste s'est achevé avec le contrat de plan, soit le 31 décembre 1997.
Les élus locaux dans leur ensemble peuvent légitimement être inquiets quant au contenu du futur contrat de plan qui devrait être dévoilé prochainement.
Ce contrat de plan, document générique par excellence, ne mentionnera peut-être pas de façon explicite cette logique de rentabilité et de fermeture, mais, madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous me garantir de façon formelle que les directives et autres instructions qui accompagneront ce document n'en seront pas les dépositaires, à moins que la direction de La Poste n'ait anticipé le contrat de plan et que des instructions de fermeture soient déjà élaborées par les services centraux compétents.
Ces réaménagements horaires sont effectués dans un souci d'économie. La logique purement économique l'emporte sur les considérations d'aménagement du territoire, les paramètres sociaux et la notion de service public.
Mais, dans le même temps, pour sacrifier aux objectifs du plan « nouveaux services - nouveaux emplois », La Poste est priée de procéder à la création de 5 000 emplois-jeunes. Il n'est pas inutile de rappeler que, dans les conditions d'accès au dispositif imposées aux utilisateurs des emplois-jeunes, « sont exclues les activités correspondant à leurs compétences traditionnelles ».
Sans pousser la caricature jusqu'à évoquer la tâche de certains employés japonais de grandes surfaces ou des liftiers dans les ascenseurs, qui se contentent à longueur de journée d'ouvrir et de fermer les portes en disant bonjour, on peut s'interroger sur le contenu des emplois-jeunes dans les bureaux de poste.
Ou bien les jeunes rempliront des tâches utiles et, dans ce cas-là, ces emplois seront en contradiction avec le dispositif et les recommandations gouvernementales, car ils correspondent à des compétences traditionnelles - envoi de mandats ou de lettres recommandées - ou bien les jeunes n'apporteront pas un réel service aux usagers. L'inutilité pour les usagers se conjuguera alors avec l'absence de motivation des intéressés. Je me demande, dès lors, comment et selon quels critères ces jeunes seront un jour titularisés.
Il n'est pas logique, d'un côté, de supprimer ou du moins de restreindre le service public postal en milieu rural et, de l'autre, de procéder à des embauches dont l'utilité reste à démontrer. Les économies réalisées au détriment des usagers n'étaient certainement pas destinées à couvrir ces embauches. D'ailleurs, le permettront-elles ?
Pour ma part, je vois là une incohérence manifeste.
Madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire, d'une part, à combien se montera pour La Poste le budget nécessaire à ces embauches et, d'autre part, à combien vous estimez les économies que réalisera La Poste du fait des restructurations prévues, en contradiction complète avec la logique de solidarité et d'aménagement de l'espace rural affichée par le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, La Poste a effectivement reçu, par la loi du 2 juillet 1990, mission de contribuer à l'aménagement du territoire, et je suis heureuse de vous répondre en présence du ministre qui a la charge de l'aménagement du territoire.
Avec 17 000 points de contact - soit, en moyenne, un pour 3 500 habitants - La Poste est présente sur l'ensemble du territoire et constitue l'un des services publics les mieux implantés.
Dans le cadre du contrat d'objectifs et de progrès portant contrat de plan de La Poste, actuellement en cours de discussion, le Gouvernement donnera des orientations qui marqueront clairement le rôle fondamental du réseau postal comme élément pivot de la présence et de la permanence du service public de proximité, ce que citoyens et élus locaux rappellent chaque jour.
Compte tenu de l'importance légitimement accordée par les maires et les élus locaux - dont vous vous faites ici le porte-parole - à la présence postale, une consultation est engagée auprès des associations qui les représentent. Elle concerne les principes d'évolution possible de la présence postale, thème sous-jacent de votre question. Ces principes sont au nombre de trois.
Premier principe : conforter le service public dans les zones rurales fragiles. La Poste, dans le cadre de l'autonomie de gestion que lui confère la loi, devra chercher, avec les collectivités locales qui le souhaiteront et d'autres services publics, à mettre en oeuvre des partenariats équilibrés et équitables et explorer toutes les possibilités offertes par les nouvelles techniques de l'information pour enrichir le service offert.
Deuxième principe : renforcer la présence postale dans les zones urbaines sensibles, en créant de nouveaux points de contact, de manière à y offrir les mêmes services que sur le reste du territoire.
Sans même parler de « zones urbaines sensibles », force est de constater que beaucoup de quartiers nouveaux n'ont pas de service public postal parce que l'Etat n'a pas toujours suivi l'urbanisation des périphéries de ville.
Le réseau postal s'est ainsi insuffisamment adapté aux évolutions démographiques et économiques : 60 % des bureaux sont situés dans des communes de moins de 2 000 habitants et desservent le quart de la population. En revanche, on constate un certain sous-équipement des villes et, surtout, des banlieues ; certains quartiers comptant jusqu'à 100 000 habitants n'ont pas de bureau de poste !
Le Gouvernement, par cette orientation donnée à La Poste, entend inscrire clairement le service public dans ses missions de contribution à la solidarité et à l'équitésociale.
Troisième principe : faire en sorte que la concertation soit l'instrument privilégié de la politique de La Poste dans l'exercice de ses responsabilités en matière d'aménagement du territoire.
Dans cet esprit, le Gouvernement a demandé au président de La Poste que toutes les évolutions projetées soient, toujours et partout, précédées d'une concertation avec les élus, les associations d'usagers et les partenaires sociaux, pour aboutir à un vrai consensus.
La Poste s'est engagée dans le plan « emploi-jeunes », qui lui permettra de recruter 5 000 jeunes d'ici à la fin de 1998, sur des activités en émergence non encore exercées par l'exploitant public. Il s'agit de répondre à des besoins en matière d'accueil, d'information, d'orientation et de conseil et de contribuer ainsi à la réduction de l'attente. Plus de 2 000 recrutements ont déjà été effectués à ce titre.
Il s'agit également pour La Poste de renforcer son action de service public au profit de la solidarité et de la cohésion sociale : des expériences concrètes vont être engagées avec ces jeunes, telles que la médiation sociale ou l'accompagnement des agents de distribution dans les quartiers en difficulté. Vous savez que quelques cas d'arrêt de travail ont été enregistrés à la suite de problèmes liés à ce que j'appellerai de « mauvaises relations sociales ».
Il s'agit enfin de développer des activités intégrant les nouvelles technologies de l'information et de la communication, avec l'installation d'accès à Internet dans les bureaux de poste, par exemple. Ces accès à Internet répondent non seulement à un souci de mettre à la disposition de tous cet outil de communication, mais aussi à la volonté d'offrir une possibilité d'apprentissage de l'utilisation d'Internet : le bureau de poste peut-être un lieu ou l'on apprend à se servir des nouvelles technologies.
La Poste bénéficie, pour mettre en oeuvre ce programme, des aides de l'Etat dans les conditions de droit commun. Aussi, loin d'être un handicap, est-ce une opportunité exceptionnelle pour cette entreprise d'explorer des voies nouvelles et de développer le service public.
Avec la concertation que j'ai évoquée, ces emplois-jeunes nous permettront de savoir si, dans tel ou tel type de fonction - en particulier lorsque plusieurs services publics seront rassemblés en un même lieu, ce que nous espérons, dans certaines zones où ils ne sont plus présents - les emplois-jeunes débouchent sur de nouveaux emplois, que ce soit dans les quartiers urbains ou dans les zones rurales.
Il faudra tirer toute les leçons de cette expérience. Elle ne peut être qu'enrichissante à la fois pour le service public et pour les jeunes, qui pourront ainsi non seulement mettre en oeuvre leurs connaissances technologiques, mais encore faire l'apprentissage des relations sociales dans toute leur complexité. Ces jeunes disposeront alors d'un bagage suffisant pour se lancer dans la vie.
M. Louis Souvet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie des réponses que vous avez bien voulu m'apporter. Si je suis ici un porte-parole, c'est celui des maires de collectivités de montagne isolées - que connaît bien Mme Voynet, d'ailleurs - dans lesquelles il n'y a presque plus rien, plutôt que des maires de cités nouvelles, où, j'imagine, on a tout de même su, en général, prévoir à temps l'implantation d'un bureau de poste.
L'une de vos phrases a particulièrement retenu mon attention. Vous avez dit que, en vue de conforter le service public, partenariat équilibré et équitable avec les collectivités locales serait recherché.
D'abord, je ne souhaite pas voir encore de nouvelles charges peser sur les collectivités locales, alors même que les missions en question ne relèvent pas vraiment de leurs responsabilités, mais surtout, s'agissant de toutes petites collectivités, je ne crois pas que ce soit de cette manière qu'une solution puisse être trouvée.
Vous affirmez que les décisions, notamment en matière d'aménagement du territoire, seront prises en concertation avec les élus, les associations d'usagers et les partenaires sociaux. J'en prends acte. Mais je me permets de faire observer que, jusqu'à présent, avec La Poste, la concertation n'a pas toujours très bien fonctionné.
En tout cas, je n'ai pas été totalement convaincu par votre réponse. Je partage l'inquiétude de mes nombreux collègues maires de communes rurales quant au devenir des bureaux de poste, et je serais désolé que la nécessité de tenir un engagement électoral, quelles qu'en soient les conséquences pour le pays et la vie de nos concitoyens, se traduise par une accélération de la désertification, alors que, dans le même temps, des emplois peu qualifiants permettront aux services de tourner malgré une situation de sous-effectifs.
Je souhaite revenir quelques instants sur les emplois-jeunes dans les bureaux de poste.
Je connais de nombreux cas où les intéressés se demandent vraiment à quoi ils servent : accueillir quelqu'un pour lui dire où s'adresser pour envoyer une lettre recommandée alors que la marche à suivre est déjà affichée, cela ne rime certes pas à grand-chose, à moins d'avoir affaire à des gens qui ne savent pas lire !
Vous nous expliquez que certains de ces jeunes seront là pour apprendre à tout le monde à se servir d'Internet. On met vraiment Internet à toutes les sauces ! Tout le monde n'a pas besoin d'utiliser Internet ! Vous savez, dans les villages de montagne, Internet n'est pas la préoccupation essentielle des habitants ! (Sourires.)
Quant à la médiation sociale, vous me permettrez de douter que, compte tenu de leur âge, les titulaires des emplois-jeunes puissent être capables de remplir véritablement une telle mission.
Vis-à-vis non seulement de nos concitoyens mais aussi des employés de La Poste, une situation aussi paradoxale devrait, selon moi, être dénoncée. L'usager veut, et à juste raison, disposer d'un réel service postal de proximité. Or les nouveaux emplois ne répondent pas à cette légitime exigence, au contraire, et leur coût financier obligera La Poste à accélérer des restructurations pénalisantes, me semble-t-il, pour de nombreux usagers.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je comprends parfaitement votre argumentation. Ma région, sans être de montagne - en Bretagne, nos montagnes culminent à 350 mètres ! - compte tout de même des communes qui, parce qu'elles ont une population comprise entre 200 et 1 000 habitants, connaissent aussi ce type de problèmes.
Si nous parlons de partenariats équilibrés et équitables, c'est parce que, dans de telles communes, on constate que des bureaux de poste sont nécessaires, y compris pour ce qui est des services publics territoriaux. Bien sûr, on peut, par exemple, prévoir d'embaucher une personne à mi-temps pour le service scolaire et, pour le reste du temps, l'utiliser à d'autres tâches. Mais 99 % des maires que je rencontre ne veulent pas prendre en charge le service de l'Etat, et je pense qu'ils ont parfaitement raison.
Par ailleurs, pour m'occuper des petites et moyennes entreprises ainsi que du commerce et de l'artisanat, je rencontre beaucoup de commerçants, d'artisans et de responsables de PME qui souhaitent, avant d'être obligés de recourir à Internet, disposer d'un lieu où apprendre à s'en servir.
Mme Voynet me glissait tout à l'heure à l'oreille que, autrefois, à la campagne, il n'y avait que le téléphone de la mairie ou de la poste pour se familiariser avec cet appareil.
M. Louis Souvet. Mais, dans la journée, les gens travaillent !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Bien sûr, mais même des chefs d'entreprise peuvent se rendre à la poste dans la journée, parce qu'ils savent que ces technologies nouvelles sont susceptibles de leur rendre des services.
Un certain nombre d'évolutions doivent donc être conduites, et cela correspond à une très forte demande. Je reste persuadée que les emplois-jeunes doivent nous permettre de tester la nature exacte des besoins sur les différents points du territoire.
Je suis, comme vous, monsieur le sénateur, profondément attachée au maintien de services publics en milieu rural, mais je puis vous assurer que les services publics font également parfois défaut dans certains quartiers urbains : c'est le cas dans la ville où j'habite.
Quoi qu'il en soit, si nous voulons que la ruralité vive, il faut un minimum de services, à défaut desquels aucune entreprise ne peut demeurer ou s'implanter.
C'est un débat difficile parce qu'il touche à la mobilisation de l'argent public, mais ce débat reste ouvert et je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de l'aborder ce matin.

PARUTION DES TEXTES D'APPLICATION
DES LOIS SUR L'ENVIRONNEMENT

M. le président. La parole est à M. Oudin, auteur de la question n° 207, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jacques Oudin. Madame le ministre, un principe de base de notre démocratie veut que, lorsqu'une loi est votée par le Parlement, elle soit mise en oeuvre par le Gouvernement et, bien sûr, respectée par les administrations comme par l'ensemble des citoyens.
Aussi bien le précédent Président de la République que l'actuel ont régulièrement insisté auprès des gouvernements successifs pour qu'ils fassent en sorte que les textes votés par le Parlement soient appliqués rapidement. D'ailleurs, cela allait de pair avec le souci affiché de revaloriser le rôle du Parlement.
Le Sénat a un défaut : il a la mémoire longue. Voyant passer les années, il s'étonne parfois du non-respect de certaines dispositions législatives. Je citerai trois exemples qui se trouvent concerner le ministère de l'environnement.
Tout d'abord, l'article 41 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur du littoral prévoit le dépôt sur le bureau des assemblées d'un rapport annuel analysant l'application de la loi. Or, entre 1986 et 1998, malgré de nombreux rappels émanant de parlementaires, jamais le rapport en question n'a été remis au Parlement.
Ensuite, un décret en Conseil d'Etat est prévu par l'article 22 de la loi n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, qui n'a jamais été appliqué à ce jour. Cet article concerne la composition de la commission départementale des sites, perspectives et paysages et rend cette instance paritaire entre les représentants des élus et ceux de l'administration et des associations.
Enfin, troisième exemple, un décret en Conseil d'Etat est prévu par l'article 9 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Il devait avoir pour objet de modifier la composition du conseil départemental de l'environnement. Ce décret n'est pas paru.
Bien entendu, depuis sept ans, je rappelle le Gouvernement à ses obligations. En 1991, j'avais posé à peu près les mêmes questions. Je n'avais pas reçu de réponses sur deux d'entre elles. Il m'avait toutefois été répondu, le 25 juin 1992, que le rapport prévu par l'article 41 de la loi de 1986 devait paraître dans les semaines à venir.
J'ai recommencé à interroger le Gouvernement en septembre 1996 - voyez que peu importe le gouvernement - s'agissant de la parution des textes, mais je n'ai pas obtenu de réponse.
A l'occasion d'une autre question posée en septembre 1996, il m'a été indiqué que le décret en Conseil d'Etat serait prochainement publié. Quant aux autres questions, je n'ai pas reçu de réponse.
J'ai interrogé de nouveau le Gouvernement en juillet 1997. Il m'a été répondu, par deux fois, dans deux réponses successives, que ces textes allaient paraître rapidement.
Madame le ministre, cela ne me paraît pas raisonnable. Il n'est pas bon pour notre démocratie qu'un Gouvernement ne mette pas en application les lois votées par le Parlement, lois qui sont d'ailleurs proposées par ledit Gouvernement. Il est de votre devoir - je dirai presque de votre honneur - de faire cesser de telles pratiques !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, autant le dire en un mot : vous avez parfaitement raison !
L'explication de la situation que vous venez de décrire est simple. Au départ, ce ministère a été conçu comme un tout petit ministère, un ministère de mission, chargé de faire travailler les autres ministères et d'être, en quelque sorte, la mouche du coche. Il est devenu, après quelques années, un ministère régalien, chargé de très lourdes responsabilités, notamment en ce qui concerne la transposition de directives communautaires, d'une part, et l'application d'une réglementation en matière d'environnement de plus en plus importante, d'autre part, alors que ses moyens n'ont jamais suivi. C'est ainsi, vous devez le savoir, que la mission juridique du ministère est assurée par un juriste mis à disposition par un autre ministère.
Ce ministère est conduit à faire face à un contentieux communautaire de plus en plus lourd et à engager des concertations approfondies avec certaines associations d'élus, ou certains industriels. Or il dispose souvent de moyens très inférieurs à ceux de ses interlocuteurs. Il m'arrive de rêver des moyens dont disposent certains conseils régionaux et certaines associations d'élus, telle l'Association des maires de France, pour faire face à mes missions.
Cela dit, monsieur le sénateur, je vais tenter de vous répondre de façon plus précise en ce qui concerne les trois exemples que vous avez cités.
Je mets de côté le problème de la parution du rapport annuel prévu par l'article 41 de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. En effet, l'application de cette loi relève, plus précisément, de mon collègue Jean-Claude Gayssot. Je ne doute pas qu'il voudra bien vous transmettre les éléments d'information qui vous sont nécessaires.
En ce qui concerne le décret prévu par l'article 22 de la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, une expertise juridique a été engagée dès ma prise de fonctions, afin que des mesures relatives à la composition des commissions départementales des sites, perspectives et paysages soient prises. Nous avons souhaité, je peux vous l'assurer, que la proportion des élus au sein de ces commissions, précisée à l'article 22 de la loi, soit conservée.
Vous avez eu raison de m'alerter sur la durée anormale de cette expertise. Je m'assurerai personnellement de la mise en oeuvre très rapide des mesures qui nous seront proposées pour, enfin, faire aboutir ce dossier. Cinq ans pour prendre ce décret, c'est effectivement trop long.
S'agissant du décret relatif à la composition du conseil départemental de l'environnement, prévu par l'article 9 de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, il est indiqué par cet article que le conseil départemental de l'environnement doit être composé, notamment, de membres de la commission des sites, perspectives et paysages, du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage, de la commission départementale des carrières, du conseil départemental d'hygiène, représentant de façon équilibrée et en tenant compte de leur représentativité les différents intérêts en présence.
Le problème posé est double : il s'agit, d'une part, d'éviter qu'une composition trop étendue du conseil départemental de l'environnement ne paralyse son fonctionnement et, d'autre part, et surtout, de s'assurer que ce conseil joue un rôle substantiel ne faisant pas double emploi avec bon nombre d'autres instances existantes. Nous avons, là encore, relancé une concertation, qui devrait être relativement brève, pour permettre la publication prochaine du décret prévoyant la mise en place de ce conseil départemental de l'environnement.
Je souhaite éviter, monsieur Oudin, d'être exposée à une prochaine question orale sans débat sur le même sujet, où j'aurais vraiment honte de répondre à vos interpellations.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Permettez-moi d'abord, madame le ministre, de vous remercier de votre franchise. Mais je vais vous décevoir, car je vous reposerai, ainsi qu'à M. Gayssot, cette question dans trois mois.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne veux pas m'y exposer !
M. Jacques Oudin. Il est toujours un peu troublant d'entendre rappeler l'unicité du Gouvernement et de voir les ministres se renvoyer la balle l'un à l'autre. Si le Gouvernement est unique et solidaire, au moins doit-il prendre ses responsabilités quant à la parution des textes. Songez au parlementaire qui s'intéresse à ce sujet et qui, chaque année, pendant douze ans, a demandé si le rapport allait lui être présenté ! Des parlementaires en mission ont rédigé des rapports, comme M. Yvon Bonnot sur la loi sur le littoral. Un groupe de travail a été créé par votre prédécesseur, qui a remis en janvier dernier ses conclusions. Or le Gouvernement n'est pas en mesure de rendre ce rapport !
Dans les réponses extrêmement précises que vous avez bien voulu m'apporter, madame le ministre, vous avez indiqué que la concertation avait été relancée sur tel ou tel article. Permettez-moi de vous dire qu'il est curieux que cette concertation soit engagée après l'adoption de la loi. On aurait pu penser que les consultations préalables au vote du texte par le Parlement avaient été suffisamment nombreuses. Des débats en commission, puis dans l'hémicycle ont eu lieu, un vote est intervenu, et l'on s'aperçoit ensuite qu'il faut lancer une nouvelle concertation pour déterminer si le texte peut être appliqué ! Notre République ne peut pas fonctionner si l'on procède de cette façon !
Pour en revenir à mon propos initial, il y va de l'honneur de la démocratie que le Gouvernement et le Parlement travaillent à l'unisson pour faire paraître les textes, que l'on demande ensuite aux citoyens de respecter scrupuleusement. Il existe là une iniquité qui fausse le contenu de la démocratie. Je tenais à vous le rappeler au travers des exemples concrets. De tels exemples sont trop nombreux pour que le Parlement ne s'en soucie pas !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, votre réponse appelle de ma part deux remarques.
Tout d'abord, j'aimerais, effectivement, que la concertation soit menée à chaque étape de l'élaboration de l'outil législatif. Malheureusement, vous le savez bien, ce n'est pas toujours possible. Il arrive que des amendements adoptés dans les dernières minutes d'un débat parlementaire viennent ruiner cette belle logique.
En ce qui concerne le conseil départemental de l'environnement, la liste de ses missions est suffisamment floue pour qu'il soit nécessaire de préciser de nouveau ce qui relève de cette nouvelle instance et ce qui appartient de façon exclusive à d'autres organismes préexistants.
La deuxième remarque est une invitation à relayer les efforts désespérés de la ministre de l'environnement lors de chaque exercice budgétaire. Il me semble, en effet, que ce ministère ne dispose pas des moyens lui permettant de faire face, de façon responsable, à l'ensemble de ses missions. Il s'agit là non pas d'un exercice budgétaire traditionnel, où l'on négocierait une petite augmentation de 0,5 % du budget, mais d'un nécessaire saut qualitatif et quantitatif donnant à ce ministère la possibilité de faire face à ses nouvelles missions, qui en font un ministère régalien à part entière.

SUPPRESSION DE LA GARE DE CHÂTEAU-CHINON

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 197, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, la question que je vous pose est d'ordre local : mais c'est le propre des questions orales sans débat ! Elle concerne la menace de suppression de la gare de Château-Chinon.
Cette gare, unique desserte ferroviaire du massif du Morvan, joue un rôle primordial dans le transport du bois extrait de la forêt morvandelle. Le trafic y est en progression constante et cette progression devrait se poursuivre. Il s'agit donc d'un outil moderne et indispensable au commerce local.
La SNCF a diminué le coût d'embarquement dans les gares périphériques, rendant ainsi le chargement plus onéreux à Château-Chinon. L'augmentation des coûts de transport entraînera - à coup sûr et à court terme - la désaffection de la gare et sa suppression.
Il en résultera inéluctablement dans le Morvan une baisse de l'activité forestière, donc de l'activité économique. Le préjudice sera considérable dans une région déjà fort déshéritée.
Pour ces raisons, et quelques autres qui tiennent à l'aménagement du territoire et aux risques encourus sur le réseau routier par le camionnage souvent en surcharge, ne serait-il pas envisageable, monsieur le ministre, d'intervenir auprès de la SNCF afin qu'elle participe à la couverture du surcoût, sans intégrer seulement dans sa réflexion les notions de rentabilité et d'équilibre budgétaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à vous rassurer en vous confirmant qu'il n'est pas envisagé de supprimer la gare de Château-Chinon. Cette gare sera bien maintenue dans sa fonction actuelle de « gare bois » qui permet le chargement des produits forestiers.
Vous savez que je suis attaché au développement du transport par fer, qui peut constituer une bonne réponse à la fois pour notre économie et pour l'environnement. Je crois, en effet, que le transport du bois doit être l'un des secteurs de développement du transport ferroviaire. Cela prouve que votre question n'est pas seulement d'ordre local.
Comme à vous, il m'apparaît que la gare de Château-Chinon occupe une position géographique privilégiée au regard des massifs forestiers de la région. Cela doit permettre d'apprécier la compétitivité du site sur le coût complet d'acheminement par fer et par route, et non pas sur la seule composante ferroviaire.
Pour acheminer leurs chargements de bois vers les gares de Corbigny ou de Cercy-la-Tour, que je connais bien, les exploitants forestiers devraient intégrer le prix du transport par route dans leurs coûts. Même avec la diminution du coût d'embarquement pratiqué par la SNCF dans ces deux gares, l'utilisation de la gare de Château-Chinon reste donc plus économique pour eux.
Les discussions se poursuivent entre les papetiers, la SNCF et la CFTA, la gare de Château-Chinon se situant sur un réseau secondaire affermé à cette société.
La CFTA, qui est une filiale de la Compagnie générale des eaux, exploite la ligne de Château-Chinon et y réalise en général des bénéfices non négligeables.
La SNCF, qui a son autonomie de gestion, à laquelle je tiens, comme vous le savez, mène actuellement des discussions commerciales normales avec la CFTA et les papetiers. Il est nécessaire d'examiner toutes les possibilités et de voir, notamment, si des engagements fermes de la clientèle sur les tonnages transportés sont envisageables.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que je peux apporter à votre question précise.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, malgré vos propos rassurants, je reste un peu inquiet. Si je note que, en 1995, 26 000 tonnes ont été transportées et, en 1996, 36 000 tonnes, en 1997 le chiffre tombe à 15 000 tonnes et, depuis le mois de mai, les camionneurs n'apportent plus leurs chargements à Château-Chinon.
Vous me dites qu'il est plus onéreux d'aller porter les chargements à Corbigny ou à Cergy-la-Tour que de les embarquer à Château-Chinon. Eux prétendent, au contraire, que le surcoût de la SNCF est plus important que celui qui est lié à l'allongement du transport. Il y a donc là une discordance.
Je tiens quand même à vous faire remarquer, monsieur le ministre, que les quantités de bois transportées depuis Château-Chinon ont été régulièrement en augmentation - de 20 à 30 % tous les ans - et que cette situation perdurera si la SNCF ne majore pas ses coûts.
Je peux vous dire, pour les avoir rencontrés, que les professionnels fournissant le bois à Allicel, à la Chapelle d'Albray et à Stora s'engagent - cela demande bien sûr confirmation - à approvisionner la gare de Château-Chinon en y amenant de 35 000 à 40 000 tonnes par an et qu'ils sont prêts à assurer un trafic régulier.
La SNCF pourrait donc revoir sa position et réduire son surcoût puisqu'elle est certaine que des milliers de tonnes transiteront chaque année par cette gare et que le trafic progressera constamment. Aussi, une réflexion nouvelle mérite d'être engagée sur ce point. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous vous y emploierez.

EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT

M. le président. La parole est à M. Autain, auteur de la question n° 201, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. François Autain. En vous posant cette question, monsieur le ministre, je crois me faire l'interprète des nombreux agents de votre ministère qui, depuis plusieurs années, constatent avec inquiétude une diminution continuelle des effectifs, notamment dans les services déconcentrés. Pourtant, avec 100 000 agents, monsieur le ministre, vous disposez d'un outil irremplaçable pour la mise en oeuvre de l'aménagement du territoire, grâce à ces nombreux atouts que sont un réseau scientifique et technique d'appui, une pratique de la décentralisation s'appuyant sur le respect des partenaires institutionnels et une forte présence territoriale à l'échelon local le plus petit.
Dans ces conditions, on comprendrait difficilement que de nouvelles suppressions d'emplois soient envisagées, notamment, si ce que l'on m'a dit est exact, au sein de la Fédération de l'équipement, des transports et des services. On le comprendrait d'autant moins que le Gouvernement mène une politique de création d'emplois pour les jeunes très appréciée par la population et que, dans le même temps, vous vous apprêtez, à ce que l'on m'a dit, à supprimer des emplois dans les départements et dans les cantons.
Pourtant, vous le savez, monsieur le ministre, le rôle que les services de l'équipement jouent, notamment dans les régions rurales, est indispensable et particulièrement apprécié. Je ne développe pas davantage car nous sommes tous d'accord sur ce point.
A force de diminuer les effectifs, ne sommes-nous pas en train d'affaiblir un service public et, à terme, de menacer son existence même ? N'est-il pas temps de réagir et, au moins, d'arrêter de supprimer des emplois ? Telle est ma première question.
Parallèlement aux suppressions d'emplois, des réflexions sur des transformations éventuelles des structures financières et statutaires sont menées et elles inquiètent les agents de la Fédération de l'équipement, des transports et des services.
Ainsi, une décision du directeur général de Voies navigables de France, qui s'appuie sur une réglementation européenne en cours, à savoir la directive sur les marchés publics de services, enjoint les directions régionales et les représentants locaux de cet établissement public de mettre en concurrence les centres d'études techniques de l'équipement avec le secteur privé pour tous services d'étude ou d'assistance à maîtrise d'oeuvre pour le compte de Voies navigables de France et de n'avoir recours aux services techniques de l'Etat que si aucune entreprise privée ne paraît susceptible d'accomplir la mission demandée.
C'est évidemment conforme à un libéralisme avec lequel je ne suis pas sûr que vous soyez totalement d'accord. En tout cas, c'est profondément dommageable pour l'existence et la survie de nos services publics, auxquels les Français sont particulièrement attachés.
Monsieur le ministre, souscrivez-vous à cette démarche, qui porte atteinte au service public ? Les syndicats - vous devez d'ailleurs le savoir - sont très inquiets et attendent une réponse claire sur le projet de transformation en établissement public des centres d'études techniques de l'équipement. Pouvez-vous nous donner une réponse sur ce point aujourd'hui même ?
Telles sont, monsieur le ministre, les deux questions que souhaitais vous poser.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai tout d'abord une remarque que j'ai déjà faite dans des circonstances analogues.
Il existe un principe selon lequel on énonce sa question sans en ajouter une autre. En effet, il ne m'est pas possible, monsieur le sénateur, de répondre de manière impromptue et sur le champ à la seconde partie de votre question, qui n'était pas prévue, car elle nécessiterait au préalable une étude très précise de la situation dont vous me faites part.
S'agissant de la première partie de votre question, vous connaissez la détermination du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage. Faire de la question de l'emploi la première des priorités en traquant le chômage sous tous ses aspects, c'est une politique que nous avons engagée voilà dix mois et que nous entendons poursuivre.
A cet égard, vous connaissez tout particulièrement mon profond attachement au service public et à sa modernisation. Depuis ma prise de fonctions au ministère de l'équipement, des transports et du logement, je m'emploie au développement du service public en général et de celui de l'équipement en particulier.
Je me suis rendu à de multiples reprises sur le terrain, dans plusieurs régions françaises, pour y rencontrer ceux qui font la réalité de l'action quotidienne de ce ministère, en milieu urbain comme en milieu rural, au service de la population et des agents économiques du pays.
J'ai pu, personnellement, mesurer la valeur et la compétence des agents de l'équipement et la qualité des services rendus, souvent d'ailleurs dans des conditions difficiles.
Cependant, il est clair que, sous les gouvernements précédents, les effectifs des services de l'équipement ont subi une diminution considérable, proportionnellement plus importante que dans les services des autres grands ministères qui structurent l'administration territoriale de notre pays.
Dès la préparation de la loi de finances pour 1998, j'ai commencé à infléchir la politique de réduction des effectifs, programmée à un haut niveau par mon prédécesseur. J'ai ainsi pu préserver, voire améliorer, la situation dans certains domaines précis, le contrôle des transports terrestres, avec, vous vous en souvenez, les engagements pris par le Gouvernement au moment du conflit des routiers, et la sécurité en mer. Vous n'avez pas évoqué ce dernier point, mais c'est l'un des aspects importants de l'activité du ministère, et donc des services et des agents. Par ailleurs, j'ai commencé à procéder à quelques réformes statutaires dont certaines étaient promises depuis près de dix ans.
Actuellement, je m'emploie, avec le même souci que vous, monsieur le sénateur, à faire en sorte que cette inflexion soit poursuivie et amplifiée dans le projet de loi de finances pour 1999 et dans les suivants.
S'agissant de la réduction des effectifs, j'ai reçu des dizaines d'interventions de parlementaires, sénateurs ou députés, qui, comme vous, considèrent comme impératif le maintien à un bon niveau du potentiel de l'administration de l'équipement.
Cette perspective nécessite une bonne appréhension de ce que doit être aujourd'hui le service public, à la fois par domaine d'intervention et par territoire. Des adaptations sont, à l'évidence, nécessaires pour assurer l'évolution des métiers et des organisations correspondantes. Elles nécessitent une vision claire sur plusieurs années. Je m'y attache, dans les différents secteurs qui relèvent de ma responsabilité.
Vous avez souhaité, à juste titre, monsieur le sénateur, que les organisations syndicales représentatives soient informées. Je puis vous assurer que pour mener à bien les évolutions dont je viens de parler, je suis déterminé à associer sous diverses formes les syndicats à la réflexion. Ce processus est d'ailleurs engagé à travers la conférence nationale sur l'exploitation et l'entretien routier qui se déroule depuis le mois de janvier 1998 et se poursuivra.
En ce qui concerne les problèmes statutaires que vous avez évoqués, je peux vous dire également que les moyens d'une nouvelle orientation ont également été dégagés dans le budget voté pour 1998. Ainsi, 92 recrutements supplémentaires sur des emplois spécifiques ont été obtenus et 120 postes ont pu être créés dans le cadre de la résorption de l'emploi précaire.
Je veux ajouter, pour que l'on intègre cette dimension, que, en même temps, des mesures ont été prises en faveur de la promotion des personnels. En effet, 1 250 postes ont été ouverts au concours spécial organisé dès la fin de 1997 pour permettre l'accès des agents de premier niveau de catégorie C au corps supérieur.
Je compte bien entendu poursuivre dans ce sens, afin que les services départementaux de l'équipement soient dotés des moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de leur mission de service public, à laquelle, comme vous, je suis très attaché.
M. François Autain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le ministre, je suis très satisfait de votre réponse et je vous prie de bien vouloir m'excuser d'avoir ajouté une question.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'y répondrai tout de même !
M. François Autain. Ayant appris que c'était vous en personne qui veniez répondre à ma question, j'ai peut-être abusé de la situation en pensant que je pouvais vous poser une question supplémentaire. Je la transformerai en question écrite et vous aurez alors tout le temps d'y répondre.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.
A. - Mercredi 1er avril 1998 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
1° Eventuellement, suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs (n° 234, 1997-1998).
2° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (n° 324, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mardi 31 mars 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
B. - Jeudi 2 avril 1998 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente et, éventuellement, à quinze heures :
1° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (n° 236, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
2° Projet de loi relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural (n° 397, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
C. - Mardi 7 avril 1998 :
A neuf heures trente :
1° Quatorze questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- N° 1 de M. Jean-Paul Delevoye à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (avenir des écoles privées sous contrat d'ingénieurs en agriculture) ;
- N° 109 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication (situation fiscale des structures culturelles) ;
- N° 189 de M. Jean-Jacques Robert transmise à M. le secrétaire d'Etat à la santé (octroi d'une indemnité de résidence aux agents hospitaliers de l'hôpital de l'assistance publique Georges-Clemenceau de Champcueil [Essonne]) ;
- N° 192 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme le ministre de la culture et de la communication (droit de prêt à la charge des bibliothèques) ;
- N° 194 de M. Alfred Foy à M. le ministre de l'intérieur (sous-effectif de fonctionnaires de police dans le département du Nord) ;
- N° 204 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (réforme de l'organisation commune du marché du vin) ;
- N° 205 de M. Bernard Fournier à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (conditions d'hébergement des handicapés dans des familles d'accueil) ;
- N° 208 de M. Philippe Arnaud à Mme le ministre de la culture et de la communication (participation de l'Etat au financement de l'Ecole supérieure de l'image) ;
- N° 212 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (vente de l'ancien siège de la CPAM de Paris) ;
- N° 214 de Mme Janine Bardou transmise à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (agrément sanitaire des établissements de production fermière de moyenne montagne) ;
- N° 218 de M. Jean-Claude Peyronnet à Mme le ministre de la culture et de la communication (droit de prêt dans les bibliothèques publiques) ;
- N° 220 de M. Victor Reux à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (recherche et exploitation des gisements sous-marins à proximité de Saint-Pierre-et-Miquelon) ;
- N° 223 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (pêche au mérou) ;
- N° 224 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (difficultés du collège Victor-Hugo de Noisy-le-Grand).
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (n° 302, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 6 avril 1998.
D. - Mercredi 8 avril 1998, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Nomination d'un membre de la délégation de la planification, en remplacement de M. Bernard Barbier et d'un membre de la délégation pour l'Union européenne, en remplacement de M. Pierre Lagourgue.

Ordre du jour prioritaire

2° Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (AN, n° 765).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 7 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 7 avril 1998.
E. - Jeudi 9 avril 1998 :
A dix heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse (n° 341, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 8 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant extension partielle et adaptation du code minier aux départements d'outre-mer (n° 296, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 8 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
A quinze heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.
4° Question orale avec débat n° 5 de M. Christian Poncelet à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les incertitudes liées au financement de la liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg.
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 8 avril 1998.
F. - Mardi 21 avril 1998, à seize heures :
1° Eloge funèbre de M. Maurice Schumann.

Ordre du jour prioritaire

2° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux (n° 360, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n° 336, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
4° Troisième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 (n° 208, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi organique.
G. - Mercredi 22 avril 1998 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au système européen de banques centrales (urgence déclarée).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 21 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront êtres faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 21 avril 1998.
H. - Jeudi 23 avril 1998 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à compléter l'article L. 30 du code électoral relatif à l'inscription sur les listes électorales en dehors des périodes de révision (n° 311, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Guy Allouche, Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à préciser le mode de calcul de la durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de procédure pénale (n° 312, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
3° Question orale avec débat n° 2 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'accord multilatéral sur l'investissement.
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 22 avril 1998.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

5° Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
6° Eventuellement, résolution de la commission des finances sur la monnaie unique européenne.
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 22 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 22 avril 1998.
I. - Mardi 28 avril 1998 :
A neuf heures trente :
1° Questions orales sans débat.
A seize heures :
2° Hommage solennel à Victor Schoelcher.
A la suite de M. René Monory, président du Sénat, pourront intervenir M. Gérard Larcher, président du comité de parrainage de la commémoration, pour dix minutes, un orateur pour chaque groupe et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, pour dix minutes, et le représentant du Gouvernement.
A l'issue de la séance, la plaque commémorative à la mémoire du président Gaston Monnerville sera dévoilée dans l'hémicycle.
J. - Mercredi 29 avril 1998 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant à l'enfant orphelin de participer au conseil de famille (n° 99, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (n° 344, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (n° 343, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
4° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural (n° 332, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au système européen de banques centrales.
Par ailleurs, les éloges funèbres de MM. Pierre Lagourgue et Bernard Barbier seront prononcés respectivement les mardi 5 et 26 mai 1998.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.

6

CANDIDATURE À LA DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. L'ordre du jour appelle la désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. Marcel Vidal, démissionnaire.
Le groupe socialiste m'a fait connaître qu'il présentait la candidature de M. Bernard Angels.
Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

7

CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires sociales en remplacement de M. Serge Mathieu, démissionnaire.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, en attendant l'arrivée de Mme le garde des sceaux, nous allons suspendre la séance pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

8

prévention et répression
des infractions sexuelles

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 234, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. [Rapport n° 265 (1997-1998).]
Dans la dicusion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour une discussion qui m'apparaît avoir évolué considérablement depuis le dépôt par le Gouvernement, au mois de septembre 1997, du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.
C'est une nouvelle occasion pour moi de constater avec plaisir, comme l'a fait votre rapporteur, l'entente générale entre les deux assemblées sur le principe même de ce texte et sur la majorité de ses dispositions.
Permettez-moi de dire ici que le mérite en revient pour une grande part au rapporteur de votre commission des lois, dont le travail et le véritable souci d'ouverture ont permis de pousser la réflexion et l'élaboration du texte à un niveau remarquable. Je l'en remercie tout particulièrement.
Les débats ne concernent plus désormais qu'un nombre limité de dispositions et, parmi celles qui restent en lecture - et qui sont certes d'importance - je note qu'il ne s'agit le plus souvent que de trouver de simples ajustements.
Je ne voudrais pas prolonger inutilement la discussion générale, puisque tout me semble avoir déjà été dit. Je souhaite seulement donner la vision qui est la mienne à ce stade de la procédure.
En réalité, trois séries de dispositions restent maintenant à adopter selon que l'on examine la portée des divergences de vue soit entre les deux assemblées, soit avec le Gouvernement.
D'abord, une première série de dispositions, très significatives par leur implication sociale, ont déjà catalysé le débat en opposant l'Assemblée nationale à votre Haute Assemblée : il s'agit de l'article 7, concernant l'harmonisation des textes du code pénal et du code du travail en matière de harcèlement sexuel ; il s'agit, ensuite, de l'institution, dans l'article 10, du délit dit de « bizutage » ; il s'agit, enfin, du problème très important posé par la création, dans l'article 32 bis, de la nouvelle commission de levée des hospitalisations d'office intervenues après une décision judiciaire reconnaissant l'irresponsabilité pénale de l'auteur d'une infraction.
Sur cette dernière question, les positions du Gouvernement et du Sénat sont, vous le savez, identiques. Entièrement convaincue par l'avis donné par votre commission des affaires sociales, j'ai eu l'occasion de me prononcer longuement devant vous en première lecture, puis d'y revenir en détail devant les députés pour exprimer le souhait que cette disposition soit retirée et fasse l'objet d'un examen dans le cadre plus adapté du projet de réforme qui devra suivre l'évaluation de la loi du 27 juin 1990. Je ne pense donc pas que cette question mérite de plus longs développements.
En ce qui concerne le harcèlement sexuel et le bizutage, je reviendrai plus précisément sur l'enjeu de ces dispositions dans le courant des débats, mais je suis certaine qu'un terrain d'entente peut être trouvé, à l'aune de ce qui avait été envisagé au cours des échanges particulièrement denses qui ont eu lieu ici même en première lecture. J'ai d'ailleurs noté, en ce qui concerne le bizutage, que les députés n'avaient pas été insensibles à la présentation des pistes explorées par votre assemblée. A ce titre - je crois que cela doit être noté - la nouvelle rédaction de l'article 225-16-1 doit largement aux observations faites par votre collègue M. Dreyfus-Schmidt dans cet hémicycle.
Ensuite, une deuxième série de désaccords subsistent entre vos deux assemblées. S'ils révèlent, certes, pour certains, un enjeu d'une importance évidente, ils me semblent cependant de nature à trouver une issue satisfaisante pour tous.
Je pense notamment à la question de la durée de la mesure de suivi socio-judiciaire et à la sanction prévue pour sa violation, ou encore au régime particulier des décisions de classement sans suite.
Sur ces questions, les débats en première lecture ayant permis à chacun de faire valoir ses arguments, je ne pense pas qu'il soit très utile que les débats se prolongent, et je m'en remettrai à la sagesse de votre assemblée.
Enfin, je serai plus précise au cours de l'examen des articles sur la troisième série de désaccords qui subsistent entre le Sénat et le Gouvernement.
Je crois devoir revenir, en effet, sur trois dispositions qui me paraissent importantes pour la cohérence du texte, notamment pour compléter le corpus des règles destinées plus spécifiquement à la protection des mineurs.
Je veux parler de la circonstance de minorité pour la mise en oeuvre de la circonstance aggravante d'utilisation des réseaux de télécommunications, de la prescription exceptionnelle de dix ans prévue dans deux catégories de cas en matière correctionnelle, et de la modification de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, trois dispositions sur lesquelles votre commission des lois vous propose de ne pas suivre les députés.
C'est ainsi, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'aborde la discussion de ce texte, consciente du chemin déjà parcouru et confiante, je dois le dire, dans la sérénité et l'esprit constructif qui ont animé les débats jusqu'à présent.
Permettez-moi de terminer mon propos sur le fichier national automatisé des empreintes génétiques, visé désormais à l'article 19 du projet de loi.
Ce fichier se trouve, depuis la semaine dernière, sous les projecteurs de l'actualité, après les développements d'une procédure criminelle récente.
Le principe de ce fichier, qui s'inscrit dans le cadre de la recommandation du Comité des ministres de l'Union européenne du 10 février 1992 et de la résolution du 9 juin 1997, a été adopté à l'Assemblée nationale en première lecture. Le Sénat a consacré cette création tout en améliorant considérablement la rédaction du texte.
Ce fichier représente un outil d'une importance considérable pour la justice. Il est destiné à recueillir, d'une part, les empreintes génétiques des condamnés pour toutes les infractions sexuelles - à l'exception du harcèlement sexuel - et, d'autre part, les traces de produits biologiques de toute nature découvertes sur les lieux où a été commise l'une de ces infractions.
Qu'il s'agisse de traces ou d'empreintes, les fiches intégrées dans l'ordinateur seront une retranscription numérisée, sous forme de code chiffré, du code génétique obtenu après leur analyse.
Le but de ce fichier est de permettre un rapprochement rapide, grâce à l'informatique, de toutes les traces ou empreintes attribuées à un même individu.
Après la commission d'un crime ou d'un délit, et dans la mesure où un prélèvement aura pu être effectué sur les lieux, l'ordinateur central déterminera deux hypothèses possibles : soit la trace relevée est déjà connue pour avoir été relevée dans d'autres affaires non résolues, et les enquêteurs disposeront alors de la preuve que les différents faits ont été commis par une seule et même personne ; soit la trace sera identique à l'empreinte d'une personne identifiée et déjà condamnée pour une infraction sexuelle, ce qui permettra sans aucune possibilité d'erreur de lui attribuer la nouvelle infraction.
Depuis le 20 janvier dernier, sans attendre l'adoption définitive de la loi, j'ai demandé à mes services de préparer un avant-projet de décret. Cet avant-projet, rédigé conjointement avec les services du ministère de l'intérieur, a été soumis pour avis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, puis au Conseil d'Etat, dans les meilleurs délais.
La mise en place de ce fichier national, dans le respect des droits des personnes, aura sans nul doute un impact important dans la poursuite des procédures judiciaires futures mais également de celles qui sont en cours aujourd'hui. Je suis certaine qu'il s'agit d'une avancée considérable de notre procédure pénale.
Voilà ce que je voulais dire, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au début de cette nouvelle discussion. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Hoeffel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du réglement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cinq mois se sont écoulés depuis que notre assemblée a adopté à l'unanimité le projet de loi qui nous revient aujourd'hui en deuxième lecture. Ce texte est très important. Il vise à apporter de nouvelles solutions à un problème d'une gravité exceptionnelle. Chacun d'entre nous est sensible à ce problème, qui dépasse les clivages politiques. L'objectif est la protection des mineurs, notamment des enfants victimes de sévices sexuels.
Ces solutions, je les ai classées en trois catégories.
Il s'agit tout d'abord de créer une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire qui serait encourue par les auteurs d'infractions sexuelles, que la victime soit majeure ou mineure.
Il s'agit ensuite de renforcer l'efficacité du dispositif répressif en créant de nouvelles infractions, en aggravant les peines encourues pour certains faits, en créant un fichier des empreintes génétiques ou en modifiant les règles de prescription.
Enfin, le projet de loi vise à mettre en place un statut du mineur victime afin de renforcer la défense de ses intérêts dans le cadre d'une procédure pénale. A cette fin, le texte prévoit notamment l'enregistrement de l'audition de l'enfant victime d'une infraction sexuelle afin d'éviter, dans la mesure du possible, la multiplication des dépositions, qui sont, dans la plupart des cas, traumatisantes pour lui.
Dès la première lecture, les deux assemblées ont approuvé dans leur principe ces trois orientations.
D'ores et déjà, de nombreux articles ont été votés dans les mêmes termes. Je peux notamment à ceux qui concernent le champ du suivi socio-judiciaire, principale innovation du texte, la création d'une peine d'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact avec des mineurs, et à ceux qui sont relatifs à la répression du tourisme sexuel ou à la prise en charge des soins dispensés aux mineurs maltraités.
Je tenais à insister sur tous les points pour lesquels des accords sont intervenus, car il ne faudrait surtout pas que le nombre élevé d'articles qui restent en discussion aujourd'hui conduise, par un effet d'optique trompeur, à conclure qu'il existe un conflit entre les deux assemblées sur un projet de loi qui, par son objet même, doit être véritablement consensuel.
Je rappelle à cet égard que nous nous étions tous félicités de l'accueil qu'avait reçu le nouveau code pénal au sein des deux assemblées. Or ce texte doit précisément s'insérer dans ce nouveau code pénal.
Il y a bien un accord sur les grandes lignes de ce texte. Les points demeurant en discussion portent soit sur des éléments de détail, soit sur des dispositions plus substantielles mais qui ne sauraient occulter cet accord de principe.
Bien entendu, certains de ces points ont fait couler beaucoup d'encre.
Je pense notamment à l'article 10, créant un délit spécial de bizutage, que la commission des lois proposera une nouvelle fois de supprimer.
Mais il s'agit plus d'une divergence dans la méthode que d'un désaccord sur le fond, car, je l'ai dit et je ne le répéterai jamais assez, nous sommes tout à fait hostiles aux dérives du bizutage et nous souhaitons une répression effective et efficace des abus en la matière.
Nous estimons cependant que, dans la mesure où le droit actuel permet déjà de réprimer ces abus, la création d'un délit spécifique serait un aveu de faiblesse. La solution ne passe pas par une réforme législative mais par des exemples disciplinaires bien ciblés. Que les responsables d'établissement, comme le leur impose le code de procédure pénale, saisissent le parquet, qu'ils prononcent des sanctions disciplinaires, et l'électrochoc sera bien plus salutaire ! Il y a un arsenal de textes qui permettent déjà d'agir, utilisons-les.
Nous aurons l'occasion de débattre de ce problème lors de la discussion des amendements.
Pour être bref, je dirai que, sur plusieurs points, nos collègues députés ont soit su trouver une argumentation qui a convaincu la commission des lois, soit adopté une solution de compromis satisfaisante. Dans ces cas, nous nous sommes empressés de nous ranger à leurs observations.
Sur d'autres points, l'Assemblée nationale n'a pas véritablement modifié son texte de première lecture, pour la bonne et simple raison que les problèmes en question appellent une solution tranchée ne pouvant donner lieu à un compromis.
Doit-on, oui ou non, allonger la durée du suivi socio-judiciaire en la portant de cinq à dix en cas de délit et de dix à vingt ans en cas de crime ? Nous disons oui, nos collègues députés disent non.
Doit-on, oui ou non, modifier les délais de prescription de l'action publique en cas de délit sexuel sur un mineur ? Nous ne le pensons pas, contrairement à l'Assemblée nationale.
Doit-on, oui ou non, modifier, dans le cadre du présent projet, les conditions de sortie d'un établissement psychiatrique de l'auteur d'une infraction déclarée pénalement irresponsable en raison de son état de démence ? Nous ne le pensons pas, contrairement à nos collègues députés.
Nous aurons également l'occasion de discuter de ces questions lors de l'examen des amendements.
Dans la mesure où, sur tous ces points appelant une réponse tranchée, la commission des lois propose de revenir au texte adopté en première lecture par le Sénat, dans la mesure où la première lecture avait dégagé un véritable consensus au sein de notre assemblée, j'ai bon espoir, mes chers collègues, que les propositions de la commission des lois vous apparaîtront une nouvelle fois dignes d'être retenues. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les débats qui ont eu lieu tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat montrent la volonté unanime du Parlement d'améliorer les dispositions législatives pour lutter contre la récidive des agressions sexuelles sur les enfants.
Sans revenir dans le détail sur les dispositions de ce projet de loi, je rappellerai les trois principaux objectifs de ce texte.
Celui-ci vise tout d'abord à créer une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, qui serait encourue par les auteurs d'infractions sexuelles. A cet égard, nous partageons la satisfaction des professionnels concernés, qui ont accueilli favorablement les modifications que vous avez apportées à ce texte, madame la ministre, par rapport à la version de votre prédécesseur. Ainsi, ce suivi socio-judiciaire, qui consiste à soumettre le condamné à des mesures destinées à prévenir la récidive et qui pourra comprendre une injonction de soins, devrait participer à la prévention et à la limitation de la récidive en matière d'agressions sexuelles.
Nous nous réjouissons du bien-fondé de ce dispositif, qui permettra aux auteurs de tels actes d'être soignés, non seulement à l'expiration de leur peine, mais aussi pendant la durée de leur incarcération.
Le deuxième objectif de ce projet de loi consiste à renforcer la répression des atteintes à la dignité humaine et des infractions mettant en péril les mineurs. Il nous paraît essentiel de considérer comme une circonstance aggravante le fait de recourir à un réseau de télécommunications, comme le Minitel ou Internet, pour commettre certaines infractions telles que le proxénétisme, la corruption de mineurs ou les atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans.
Quant à l'aggravation des sanctions de certaines infractions commises en milieu scolaire ou aux abords des établissements scolaires à l'égard des mineurs, elle reçoit notre totale approbation.
S'agissant du bizutage, si, en droit, au regard des textes existants, ce nouveau délit ne paraît pas absolument indispensable, nous croyons que, symboliquement, il est souhaitable, comme l'a été, en son temps, le délit de harcèlement sexuel. Il aura très certainement un effet dissuasif sur ceux qui sont tentés par une dérive perverse du bizutage que l'on pourrait qualifier de « bon enfant ».
Je souhaite, sur ce point, que la majorité sénatoriale contribue activement à la rédaction de cette nouvelle incrimination.
S'agissant de ce que l'on appelle communément le « tourisme sexuel », nous nous félicitions que le projet de loi ait élargi la compétence des juridictions françaises afin de leur donner la possibilité de poursuivre des Français ou des résidents français qui auraient commis des infractions sexuelles contre des mineurs à l'étranger.
Une telle extension devrait permettre de réprimer beaucoup plus souvent que notre droit actuel ne nous le permet ces infractions. Nous nous félicitons de la disposition adoptée à l'Assemblée nationale qui prévoit que, lorsque les faits sont commis à l'étranger et qu'il est fait application des nouvelles dispositions du code pénal étendant l'application dans l'espace de la loi française, aucun accord ni du mineur ni de ses représentants légaux n'est nécessaire pour que les associations de lutte contre les violences sexuelles puissent se constituer partie civile.
Le troisième volet du projet de loi tend à renforcer la protection et la défense des mineurs victimes d'infractions sexuelles. Il marque, sans aucun doute, une innovation dans notre droit et traduit la volonté de mieux protéger les intérêts des enfants.
Qu'il s'agisse des modifications de la prescription de crimes et délits, de l'obligation d'une expertise médico-psychologique des mineurs victimes d'abus sexuels ou de la désignation d'un administrateur ad hoc lorsque les représentants légaux ne sont pas en mesure d'assurer la protection des intérêts de leurs enfants victimes d'infractions sexuelles, ces dispositions traduisent la volonté commune de renforcer la défense des mineurs.
Je ne saurais terminer mon intervention sans me féliciter de la création du fichier national automatisé destiné à centraliser les traces génétiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour des infractions sexuelles. L'actualité récente a montré l'importance des empreintes d'ADN pour confondre les malfaiteurs ainsi que pour disculper des innocents.
Je voudrais enfin rappeler que les humiliations endurées par des mineurs victimes d'infractions sexuelles peuvent être à l'origine de comportements asociaux et déviants et que, en tout état de cause, ces humiliations constituent de telles blessures qu'elles entravent gravement le passage de l'enfance à l'âge adulte.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste accueille favorablement l'ensemble des mesures proposées et souhaite que le débat qui s'ouvre aujourd'hui puisse les enrichir encore. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat en deuxième lecture va nous permettre d'affiner le texte sur la question du suivi socio-judiciaire et de nous expliquer à nouveau sur les questions du harcèlement sexuel et du bizutage, puisque l'Assemblée nationale a adopté sur ces deux points une position différente de celle du Sénat.
Je voudrais, pour ma part, insister sur quelques éléments que nous devons avoir présents à l'esprit pour mener notre réflexion.
Tout d'abord, s'agissant des crimes et délits sexuels, j'ai été frappée par l'évolution quantitative des plaintes pour viol ou agression sexuelle, évolution qui me paraît particulièrement significative.
En effet, le nombre des plaintes pour viol est passé de 2 823 pour l'année 1985 à 8 200 en 1997, selon un rapport du ministère de l'intérieur, qui note par ailleurs une progression de 15 % des plaintes entre 1996 et 1997. L'évolution est du même ordre en ce qui concerne les agressions sexuelles.
C'est dire à quel point la parole des victimes, libérée par les modifications législatives et par l'évolution de l'opinion publique, révèle ce qui était jusque-là honteux et caché, car c'est bien ainsi qu'il faut lire ces chiffres.
Nous vivons un moment significatif, où s'accroît numériquement non pas le nombre des délits ou des crimes, mais celui des plaintes, un moment où ce qui était tu est enfin dénoncé.
Cette évolution illustre surtout un fait sur lequel je voudrais attirer votre attention, madame le garde des sceaux, à savoir que la plupart des délits et des crimes de cet ordre restent encore aujourd'hui dans l'ombre. Cela est vrai encore pour les adultes, mais c'est surtout vrai pour les enfants.
La prise de conscience de ce phénomène qui, au départ, était extrêmement périphérique semble donc s'orienter vers le coeur du problème. Mais nous en sommes encore loin, y compris avec ce projet de loi.
Nous sommes passés - c'était encore le cas entre 1970 et 1980 - de l'individu monstrueux, et donc rare, qui enlève l'enfant, lui fait subir des sévices, le viole, le tue, et porte toute l'horreur d'un acte barbare et singulier, à des situations plus quotidiennes et dont on constate aujourd'hui la fréquence.
La dénonciation de ces comportements a été rendue possible du fait de la libération de la parole des enfants devenus adultes et grâce à l'allongement du délai de prescription. Ce phénomène touche essentiellement aujourd'hui des personnes exerçant une activité professionnelle en rapport avec des enfants : les éducateurs, les moniteurs, les prêtres,... et concerne surtout, on l'aura remarqué, une pédophilie homosexuelle.
Toute notre discussion sur le suivi socio-judiciaire, notamment les mesures concernant les interdictions professionnelles, vise essentiellement ces cas périphériques-là. Il s'agit certes d'un phénomène important, numériquement parlant et quant aux séquelles pour les victimes - comment en douter ? - mais qui n'est que marginal par rapport à la réalité.
En effet, la réalité, tant par son ampleur numérique que par l'importance des traumatismes, concerne essentiellement les filles, notamment les petites filles, et elle se situe au coeur de la famille.
En 1992, parmi les femmes de dix-huit à trente-quatre ans qui avaient porté plainte pour rapport sexuel imposé - puisque vous savez que dans les rapports adultes-enfants, dans le cadre familial, il n'y a jamais de viol pratiquement - 25 % déclaraient que ce rapport leur avait été imposé alors qu'elles avaient moins de douze ans et 42 % alors qu'elles avaient entre douze ans et moins de quinze ans. Les trois quarts des rapports sexuels imposés à des femmes, qui sont de loin les plus nombreux, le sont en fait à des petites filles.
Et quand on sait que celui qui impose les rapports est dans 50 % des cas le père et dans 35 % des cas le beau-père ou l'oncle, on mesure à quel point les mesures de suivi socio-judiciaire ou d'interdiction professionnelle sont en décalage avec la réalité.
J'estime bien sûr que ces mesures sont nécessaires. Mais je ne voudrais pas qu'en jetant un éclairage fort sur un phénomène important mais marginal sur le plan numérique - je ne me prononcerai pas sur les conséquences externes des traumatismes - on occulte la réalité qui est peut-être la plus abominable, celle qui est notamment vécue par des milliers de petites filles que, du coup, l'on empêche de s'exprimer.
De ce fait, tout en comprenant les réticences de la commission des lois à propos de l'allongement de la durée de prescription en ce qui concerne les délits, j'avoue être personnellement assez favorable à une telle disposition.
S'agissant du harcèlement sexuel - je l'ai dit en première lecture et je le répéterai dans la discussion des amendements - je suis hostile à la position de la commission des lois et favorable au texte gouvernemental, qui ajoute aux notions d'ordre, de menace ou de contrainte celle de pression.
Même si ce dernier terme peut paraître trop vague, il me semble être nécessaire et mieux correspondre à la réalité vécue. En effet, si le texte restait en l'état, le harcèlement sexuel n'existerait que dans les cas où il y aurait ordre, menace ou contrainte.
Or, dans la réalité, il s'agit de rapports de force et de violence entre des hommes - puisqu'il s'agit d'hommes qui sont chefs de service, cadres, supérieurs hiérarchiques - et des femmes - puisqu'il s'agit de femmes en situation subalterne, de femmes fragilisées aujourd'hui encore plus qu'hier par la crainte de perdre leur emploi.
Mais ce rapport de force s'exprime rarement par l'ordre ou par la menace directe. Les hommes sont, en effet, sinon plus subtils, du moins plus prudents, plus orgueilleux. Le fait est que, dans les cas dont j'ai eu connaissance, le terme de « pression » correspondait infiniment mieux à la réalité.
De même, je ne partage pas le point de vue de la majorité sénatoriale et de la commission des lois sur la création d'un délit de bizutage. Je crois qu'il est nécessaire d'instaurer ce délit et je suis satisfaite du texte adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, sur initiative sénatoriale, qui correspond mieux aux faits.
Il y a là une étape importante et nécessaire à franchir. Je me félicite de ce que je considère comme un progrès, car même si le rapporteur estime que les faits de bizutage sont déjà réprimés par le code pénal, il faut rappeler qu'un certain nombre d'entre eux ne sont pas incriminés, notamment ce que l'on pourrait appeler les auto-punitions sous la pression du groupe, et, surtout, que les rares plaintes jusqu'ici déposées ont toutes été classées. Cela illustre bien la nécessité, pour les auteurs de ces actes, pour les victimes, mais aussi pour l'opinion publique, de créer un délit de ce type.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée est saisie, en seconde lecture, du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. Il s'agit d'un texte important et très attendu.
Ce texte est important en ce qu'il montre la volonté du Gouvernement de faire des droits de l'enfant, plus spécialement de la protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, un véritable engagement politique.
Ce texte est également important parce qu'il prévoit une innovation notable de notre droit pénal en intégrant une dimension psychologique, médicale et sociale dans la répression pénale, et en permettant de briser enfin le silence.
Par ailleurs, ce texte est très attendu.
Il est attendu par les victimes elles-mêmes, bien évidemment, par leur famille proche, mais aussi par les professionnels de la santé qui sont chargés du suivi socio-judiciaire des délinquants sexuels et par le traitement thérapeutique des victimes, ainsi que par les professionnels de la justice.
Enfin, c'est la société tout entière qui attend des mesures concrètes en la matière.
En première lecture, notre groupe avait voté pour ce texte, le considérant comme un signal fort de la part du Gouvernement, et ce, malgré des modifications apportées par la majorité sénatoriale, modifications qui ne nous semblaient pas absolument nécessaires.
C'est donc avec raison, selon nous, que les députés de la majorité plurielle ont rétabli certaines dispositions supprimées par la majorité sénatoriale, ou en ont supprimé d'autres ajoutées par cette dernière.
Je pense en particulier aux dispositions sur la notification par écrit des décisions de classement sans suite et sur leur motivation, aux précisions apportées à la notion de harcèlement sexuel dans notre code pénal et enfin à la création d'un délit spécifique de bizutage, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir lors de la discussion des articles.
La commission des lois du Sénat et son rapporteur, M. Jolibois, restent sur leur position et nous proposent de nouveau, pour une large part, les mêmes amendements que lors de la première lecture.
Il reste à espérer que, sur les points de divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat, un juste équilibre soit rapidement trouvé afin que la loi puisse entrer en application le plus rapidement possible.
Les débats qui ont eu lieu dans les deux chambres ont montré combien tous les élus ont à coeur de prendre toutes les dispositions législatives nécessaires au renforcement de la protection des enfants et à la prévention de la récidive en matière d'infractions sexuelles, dont les enfants sont, hélas ! les premières victimes.
Sans revenir dans le détail sur les dispositions contenues dans le projet de loi, je ferai simplement quelques observations d'ordre général.
Concernant la peine complémentaire du suivi socio-judiciaire, nous apprécions que le projet de loi privilégie le contrôle socio-judiciaire par rapport au traitement médical seul et que le juge de l'application des peines puisse décider directement de la mise à exécution de cette peine. Cette disposition répond à un souci d'efficacité et de rapidité et elle permet que tout ne reste pas figé au jour de la condamnation.
Nous restons par ailleurs attachés à la souplesse qui caractérise le dispositif proposé par opposition à toutes contraintes et obligations systématiques.
Ce système permet en effet aux auteurs de tels actes d'être soignés non seulement à l'expiration d'une peine d'emprisonnement, mais aussi pendant la durée de leur incarcération.
C'est ainsi que l'injonction de soins suppose le consentement du condamné, car il s'agit d'inciter ce dernier à se soigner plutôt que de l'y obliger. On sait que l'obligation n'est pas la meilleure des thérapies.
C'est pourquoi le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit, à juste titre, que le juge de l'application des peines propose tous les six mois aux délinquants sexuels de suivre un traitement.
La commission des lois du Sénat a réduit l'offre de soins en prison, en précisant que le juge de l'application des peines n'informerait le condamné de la possibilité d'entreprendre un traitement en prison qu'une fois par an et non plus tous les six mois. Or nous considérons indispensable que le détenu soit régulièrement et souvent incité à se soigner.
Bien évidemment, chacun convient que la réussite d'une telle politique d'incitation nécessite le développement de moyens importants en termes de personnels formés ainsi que des locaux adaptés aux besoins de soins et d'encadrement.
Par ailleurs, en instituant un statut des mineurs victimes, le projet de loi permet la protection des mineurs victimes non seulement au cours de l'enquête et de la procédure, mais également ultérieurement, par leur prise en charge notamment thérapeutique.
Il en est ainsi des modalités de prescription des crimes et délits, de la prise en charge des soins dispensés aux mineurs de quinze ans, de l'obligation d'une expertise médico-psychologique des victimes, de la représentation des victimes par un administrateur ad hoc au cours de la procédure, de l'enregistrement audiovisuel des auditions des mineurs victimes.
C'est donc favorablement que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen accueillent les mesures prescrites dans le projet de loi, telles qu'elles nous reviennent de l'Assemblée nationale et qui contribueront, nous l'espérons vivement, à faire que l'actualité ne soit plus le théâtre de faits divers aussi horribles que nous connaissons trop.
Il nous faut maintenant veiller à ce que les politiques pénitentiaires et sanitaires répondent aux différents besoins que le projet de loi instaure, en donnant notamment aux administrations concernées les moyens financiers suffisants, en budgétisant, à brève échéance, tous les postes de juges de l'application des peines, en créant de nouveaux postes dans certains tribunaux et en doublant - je crois que c'est nécessaire - les effectifs de travailleurs sociaux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ Il est inséré, après l'article 131-36 du code pénal, une sous-section 6 ainsi rédigée :

« Sous-section 6

« Du suivi socio-judiciaire

« Art. 131-36-1 . _ Dans les cas prévus par la loi, la juridiction de jugement peut ordonner un suivi socio-judiciaire.
« Le suivi socio-judiciaire emporte, pour le condamné, l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive. La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder cinq ans en cas de condamnation pour délit ou dix ans en cas de condamnation pour crime.
« La décision de condamnation fixe également la durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations qui lui sont imposées. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans en cas de condamnation pour délit et cinq ans en cas de condamnation pour crime. Les conditions dans lesquelles le juge de l'application des peines peut ordonner, en tout ou partie, l'exécution de l'emprisonnement sont fixées par le code de procédure pénale.
« Le président de la juridiction, après le prononcé de la décision, avertit le condamné des obligations qui en résultent et des conséquences qu'entraînerait leur inobservation.
« Art. 131-36-1-1 . _ Les mesures de surveillance applicables à la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire sont celles prévues à l'article 132-44.
« Le condamné peut aussi être soumis par la décision de condamnation ou par le juge de l'application des peines aux obligations prévues à l'article 132-45. Il peut également être soumis à une ou plusieurs obligations suivantes :
« 1° S'abstenir de paraître en tout lieu ou toute catégorie de lieux spécialement désigné, et notamment les lieux accueillant habituellement des mineurs ;
« 2° S'abstenir de fréquenter ou d'entrer en relation avec certaines personnes ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ;
« 3° Ne pas exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
« Art. 131-36-1-2 . _ Les mesures d'assistance auxquelles est soumise la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire ont pour objet de seconder ses efforts en vue de sa réinsertion sociale.
« Art. 131-36-2 . _ Le suivi socio-judiciaire peut comprendre une injonction de soins.
« Cette injonction peut être prononcée par la juridiction de jugement s'il est établi après une expertise médicale, ordonnée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, que la personne poursuivie est susceptible de faire l'objet d'un traitement. Cette expertise est réalisée par deux experts en cas de poursuites pour meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie. L'expertise est également réalisée par deux experts lorsque les circonstances de l'affaire ou la personnalité de la personne poursuivie le justifient. Le président avertit alors le condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que s'il refuse les soins qui lui seront proposés, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 pourra être mis à exécution.
« Lorsque la juridiction de jugement prononce une injonction de soins et que la personne a été également condamnée à une peine privative de liberté non assortie du sursis, le président informe le condamné qu'il aura la possibilité de commencer un traitement pendant l'exécution de cette peine. »
« Art. 131-36-3, 131-36-4, 131-36-4-1 et 131-36-5. _ Non modifiés. »

ARTICLE 131-36-1 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 1, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 131-36-1 du code pénal, de remplacer les mots : « de surveillance et d'assistance » par les mots : « de contrôle et d'aide ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a souhaité utiliser les mots « surveillance » et « assistance », alors que nous avions, pour notre part, préféré les mots « contrôle » et « aide », car ce sont ceux du code pénal.
La cohérence des termes employés pour désigner la même chose étant préférable, nous vous demandons de nouveau à chaque fois, de remplacer les mots « surveillance » et « assistance » par les mots « contrôle » et « aide ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit d'une question de rédaction pour laquelle je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1 du code pénal :
« La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en cas de condamnation pour délit ou vingt ans en cas de condamnation pour crime. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 2 est un amendement de fond.
Le Sénat a opté pour que le tribunal ou la cour ait la possibilité d'édicter une durée de suivi socio-judiciaire de dix ans en cas de condamnation pour délit et de vingt ans en cas de condamnation pour crime.
L'Assemblée nationale, elle, est revenue à son texte de première lecture, soit cinq ans pour les délits et dix ans pour les crimes.
Pourquoi la commission des lois a-t-elle voulu augmenter ces peines ?
D'abord parce que, hélas ! l'actualité nous donne souvent des exemples de gens qui réitèrent systématiquement leurs actes répréhensibles. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'est créé le suivi socio-judiciaire.
Ensuite, pour avoir entendu beaucoup de médecins et de psychiatres, nous savons que, malheureusement, les traitements ne sont pas curatifs et que, après leur arrêt, le risque de récidive existe. Cela a été maintes fois souligné, y compris lors d'une audition publique qui a été tenue par la commission des lois.
Par conséquent, nous pensons qu'il est plus prudent et plus sage de prévoir un suivi de dix ans ou de vingt ans, d'autant qu'il sera toujours possible d'en raccourcir la durée ; ainsi, au cours du suivi socio-judiciaire, si la juridiction s'aperçoit qu'il y a véritablement lieu de raccourcir la peine, elle pourra le faire. Mais, à l'inverse, il ne sera pas possible de l'allonger.
En revanche, il vaut mieux faire en sorte que quelqu'un ne puisse pas commettre de nouveau un acte tragique, d'autant qu'un délit ou un crime aussi terrible aurait peut-être pu être évité si la durée de la peine avait été plus longue.
Enfin, à partir du moment où la durée du suivi socio-judiciaire sera plus importante, vous obtiendrez une appréciation plus juste de la peine par les tribunaux, parce que l'optique sera différente. En effet, si une juridiction sait qu'elle peut mettre quelqu'un sous l'ombrelle pénale du suivi socio-judiciaire pendant dix ans, elle ne choisira pas une peine plus longue que ne le méritent les faits.
On évitera peut-être ainsi que des peines de prison de longueur injustifiée soient instituées uniquement en vue d'une protection, alors que la véritable protection est constituée par la peine plus le suivi socio-judiciaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a pensé qu'elle devait vous demander d'en revenir à ce que vous aviez accepté lors de la première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, j'ai eu l'occasion de dire, lors de la première lecture, que je n'étais pas hostile au principe même d'une augmentation de la durée du suivi socio-judiciaire. Je pense toutefois que des durées de dix et vingt ans poseraient un problème de proportionnalité des peines, et je vais vous donner un exemple.
En matière délictuelle, il faut avoir à l'esprit que certaines infractions sexuelles, même si elles reflètent un comportement inquiétant, sont pénalement d'une gravité relative dans la hiérarchie des peines ; je pense à l'exhibition sexuelle, qui n'est passible que d'un an d'emprisonnement et qui n'est que très rarement sanctionnée d'une peine ferme. Il semble exorbitant, dans ce cas, que cette peine puisse être accompagnée d'un suivi de dix ans, lui-même susceptible d'entraîner une réincarcération de deux ans, voire de cinq ans, comme le suggère la commission des lois.
Telle est la nature de mon interrogation.
C'est la raison pour laquelle je reste, comme en première lecture, défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis hostile à cet amendement pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il vise à porter la durée du suivi socio-judiciaire à dix ans en cas de délit et à vingt ans en cas de crime. Il faut bien avoir à l'esprit qu'en cas de crime on condamne pratiquement l'auteur à un suivi socio-judiciaire à vie !
S'agissant des délits, je reprendrai, après Mme la ministre, l'exemple des exhibitionnistes. La commission propose qu'il y ait un suivi de dix ans...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Non ! Qu'il puisse y avoir...
Mme Joëlle Dusseau. Soit.
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est différent.
Mme Joëlle Dusseau. ... donc, qu'il y ait un suivi de dix ans !
Mais il existe d'autres types de délits : les attouchements, la corruption de mineurs ou la diffusion d'affiches à caractère pédophile.
Il faut, et je reprends le mot de Mme la ministre, distinguer la représentation mentale de cette catégorie de délits et de crimes de la réalité de certains faits qui n'ont pas forcément la gravité que l'on croit.
Ma deuxième remarque porte sur le traitement médical, possibilité que nous avons instituée. L'amendement consiste à le prolonger.
Sur le plan du principe, c'est excellent. Sur le plan de l'efficacité, c'est autre chose !
Je n'ai pas lu tous les comptes rendus des auditions de psychiatres auxquelles vous avez procédé, mais j'ai lu un certain nombre de documents concernant notamment des expériences au Canada. Il ressort bien qu'un certain nombre d'interrogations se posent - c'est le moins que l'on puisse dire - sur l'efficacité d'un tel traitement ! C'est la deuxième raison pour laquelle, a priori , la prolongation me paraît une erreur.
La troisième raison est d'ordre quantitatif. Contrairement à notre collègue Robert Pagès, je suis sûre que le nombre d'affaires va croître et se développer.
En effet, nous commençons à libérer la parole. Des centaines et des milliers de plaintes vont donc être déposées, car ce qui paraissait bénin à un certain nombre d'adultes va devenir insupportable pour les enfants, et ceux-ci vont dénoncer les faits.
Quand vous aurez à faire face à un nombre considérable de plaintes, et donc de condamnations, il vous faudra, pour assurer le suivi, un grand nombre de « suiveurs ». Or, je ne suis par sûre que vous pourrez assumer financièrement une telle situation.
M. Daniel Eckenspieller. Il faut savoir ce que l'on veut !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Allouche. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, à la fin de la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1 du code pénal, de remplacer les mots : « deux ans en cas de condamnation pour délit et cinq ans en cas de condamnation pour crime » par les mots : « cinq ans ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit, pour assurer l'application effective du suivi socio-judiciaire, d'accroître la durée de la peine lorsque la personne qui a reçu l'injonction de se soumettre à un suivi socio-judiciaire ne s'y plie pas.
Nous proposons que, dans une telle hypothèse, une durée de cinq ans d'emprisonnement au maximum puisse être infligée, que la personne soit condamnée pour un crime ou pour un délit.
J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un maximum : la peine de cinq ans n'est donc pas obligatoirement prononcée.
Cependant, si l'on ne prévoit pas cinq ans, c'est-à-dire une durée relativement longue, on risque de voir des gens opter systématiquement pour la prison, afin de se libérer du suivi socio-judiciaire, qui est plus long.
Dans la mesure où nous venons d'allonger la durée du suivi socio-judiciaire, il convient, pour assurer la cohérence du dispositif, de porter le maximum de la durée d'emprisonnement de deux ans à cinq ans, dans tous les cas, pour la personne qui ne se plie pas au suivi socio-judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons que j'ai exposées précédemment.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 131-36-1 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 131-36-1-1 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 4, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1-1 du code pénal, de remplacer le mot : « surveillance » par le mot : « contrôle ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 131-36-1-1 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 131-36-1-2 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 5, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-1-2 du code pénal, de remplacer les mots : « d'assistance » par les mots : « d'aide ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit encore d'une substitution de mots.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 131-36-1-2 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 131-36-2 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 6, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer la troisième phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 131-36-2 du code pénal.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit ici, à la vérité, d'un toilettage du texte.
L'Assemblée nationale y a en effet ajouté une précision inutile en rappelant que le juge peut faire réaliser une expertise par deux experts, « lorsque les circonstances de l'affaire ou la personnalité de la personne poursuivie le justifient ».
Or il n'est pas besoin d'introduire dans ce texte particulier une disposition qui figure déjà expressément à l'article 159 du code de procédure pénale.
Je rappelle que, pour le reste du texte proposé pour l'article 131-36-2 du code pénal, nous sommes en harmonie avec ce qu'a proposé l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il est vrai que cette disposition est déjà incrite à l'article 159 du code de procédure pénale. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 131-36-2 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 5 A



M. le président.
L'article 5 A a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 5



M. le président.
« Art. 5. _ Il est créé, au livre V du code de procédure pénale, un titre VII bis ainsi rédigé :

« TITRE VII bis

« DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE

« Art. 763-1 . _ Non modifié .
« Art. 763-2 et 763-3 . _ Supprimés .
« Art. 763-4 . _ Non modifié .
« Art. 763-5 . _ Pendant la durée du suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines peut, après audition du condamné et avis du procureur de la République, modifier ou compléter les mesures prévues aux articles 131-36-1-1 et 131-36-1-2 du code pénal.
« Sa décision est exécutoire par provision. Elle peut être soumise à l'examen du tribunal correctionnel par le condamné ou le procureur de la République dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article 739. Le juge de l'application des peines ne peut, à peine de nullité, siéger au sein du tribunal saisi de l'une de ses décisions.
« Le juge de l'application des peines peut également, s'il est établi après une expertise médicale ordonnée postérieurement à la décision de condamnation que la personne astreinte à un suivi socio-judiciaire est susceptible de faire l'objet d'un traitement, prononcer une injonction de soins. Cette expertise est réalisée par deux experts en cas de condamnation pour meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie. L'expertise est également réalisée par deux experts lorsque les circonstances de l'affaire ou la personnalité du condamné le justifient. Le juge de l'application des peines avertit le condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement mais que, s'il refuse les soins qui lui seront proposés, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution. Les dispositions de l'alinéa précédent sont alors applicables.
« Art. 763-6 et 763-7 . _ Non modifiés .
« Art. 763-8 . _ Toute personne condamnée à un suivi socio-judiciaire peut demander à la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, à la dernière juridiction qui a statué de la relever de cette mesure. Si la condamnation a été prononcée par une cour d'assises, la juridiction compétente pour statuer sur la demande est la chambre d'accusation dans le ressort de laquelle la cour d'assises a son siège.
« La demande ne peut être portée devant la juridiction compétente qu'à l'issue d'un délai d'un an à compter de la décision de condamnation. En cas de refus opposé à cette première demande, une autre demande ne peut être présentée qu'une année après cette décision de refus. Il en est de même, éventuellement, des demandes ultérieures.
« La demande de relèvement est adressée au juge de l'application des peines, qui ordonne une expertise médicale et la transmet à la juridiction compétente avec les conclusions de l'expert ainsi que son avis motivé.
« L'expertise est réalisée par deux experts en cas de condamnation pour meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie. L'expertise est également réalisée par deux experts lorsque les circonstances de l'affaire ou la personnalité du condamné le justifient.
« La juridiction statue dans les conditions prévues par les troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 703.
« La juridiction peut décider de relever le condamné d'une partie seulement de ses obligations.
« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le suivi socio-judiciaire est prononcé comme peine principale.
« Art. 763-9 . _ Lorsqu'une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit subir une peine privative de liberté, elle exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire prévu par le second alinéa de l'article 718 et permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté.
« Elle est immédiatement informée par le juge de l'application des peines de la possibilité d'entreprendre un traitement. Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les six mois.
« En cas de suspension ou de fractionnement de la peine, de placement à l'extérieur sans surveillance ou de mesure de semi-liberté, les obligations résultant du suivi socio-judiciaire sont applicables.
« Art. 763-10 . _ Lorsque le suivi socio-judiciaire est prononcé par une juridiction spéciale des mineurs, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la chambre spéciale des mineurs exercent les attributions dévolues par le présent titre au juge de l'application des peines, au tribunal correctionnel et à la chambre des appels correctionnels, jusqu'à ce que le condamné atteigne l'âge de vingt et un ans.
« Le juge des enfants désigne un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse pour veiller au respect des obligations imposées au condamné. Lorsque ce dernier a atteint l'âge de sa majorité, le juge des enfants peut désigner à cette fin le comité de probation et d'assistance aux libérés ; il peut également se dessaisir au profit du juge de l'application des peines.
« Art. 763-11 . _ Non modifié . »

ARTICLE 763-5 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 7, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer la troisième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 763-5 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, tendant à supprimer la précision inutile relative à l'expertise par deux experts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 763-5 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 763-8 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 8, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer la seconde phrase du quatrième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 763-8 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a le même objet que le précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 763-8 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 763-9 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 9, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, à la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 763-9 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « tous les six mois » par les mots : « une fois par an ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de revenir à une disposition que le Sénat avait adoptée en première lecture et qui visait à éviter de créer une inutile surcharge de travail pour le juge de l'application des peines : nous avions en effet décidé d'obliger ce dernier à ne rappeler qu'une fois par an, et non une fois par semestre, à la personne qui a refusé de suivre un traitement en prison qu'elle a cette possibilité de se faire soigner.
Il nous paraît inutile d'imposer aux juges de l'application des peines de délivrer cette information tous les six mois, d'autant que ces juges vont avoir, du fait de ce texte, beaucoup de travail supplémentaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis favorable à cet amendement. La durée d'un an étant un maximum, rien n'empêche le juge de l'application des peines de redonner plus tôt cette information, s'il l'estime nécessaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Il me semble que, même si cela représente une surcharge pour le juge, il est préférable que celui-ci ait l'obligation de revoir la personne emprisonnée au moins tous les six mois afin de lui proposer un traitement médical. Cela me paraît même tout à fait nécessaire.
M. le rapporteur a évoqué la surcharge de travail résultant de ce texte. Mais je crains que, précisément, du fait de cette surcharge, le lien entre le juge et la personne condamnée ne soit trop ténu et qu'une réelle information donnée seulement une fois par an ne permette pas une réelle prise de conscience de la part du condamné.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Je suis également contre l'amendement qui nous est proposé par la commission.
On ne peut, certes, nier la surcharge de travail résultant d'une obligation d'information tous les six mois. Cependant, on peut espérer que la majorité des personnes condamnées accepteront de recevoir des soins, ce qui réduit tout de même sensiblement la charge de travail en question.
Nous sommes tous convaincus, je crois, de la nécessité de privilégier le suivi et la thérapie. Dans la mesure où une information tous les six mois va dans ce sens, pour ma part, je voterai contre l'amendement n° 9.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte présenté pour l'article 763-9 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 763-10 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 10, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de compléter le premier alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 763-10 du code de procédure pénale, par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque le suivi socio-judiciaire doit arriver à son terme avant que le condamné atteigne l'âge de vingt-trois ans, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la chambre spéciale des mineurs continuent à exercer ces attributions, sauf si le juge des enfants se dessaisit au profit du juge de l'application des peines. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à revenir à une disposition qui avait été adoptée par le Sénat en première lecture, sur proposition de la commission, et qui nous avait été suggérée par des juges de l'application des peines que nous avions auditionnés.
Nous considérons que c'est le même juge et le même groupe de personnes qui doivent pouvoir assurer le suivi socio-judiciaire d'un jeune si ce suivi est sur le point de s'achever. Il serait vraiment regrettable que l'équipe qui suivait ce jeune change brusquement du seul fait que l'intéressé atteint l'âge de vingt et un ans.
Cela étant, nous prévoyons également que le juge des enfants peut se dessaisir au profit du juge de l'application des peines. Il y a là une souplesse qui nous paraît intéressante en ce qu'elle permet de s'adapter aux besoins de la personne qui fait l'objet du suivi socio-judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable à cette disposition, qui consiste à prolonger, dans certains cas, la compétence du juge des enfants. Cela me semble de nature à créer la confusion et à faire jouer de toute façon un effet de seuil, qui est simplement reporté à vingt-trois ans, au lieu de vingt et un ans.
Prenons l'exemple d'un mineur de dix-sept ans qui a été reconnu coupable d'une agression sexuelle, qui a subi deux années d'emprisonnement et qui, à sa sortie de prison, à l'âge de dix-neuf ans, entame un suivi socio-judiciaire de cinq ans. Dans ce cas précis, le juge des enfants, si l'on suit la proposition de la commission, devra de toute façon se dessaisir au bout de quatre ans au profit du juge de l'application des peines.
C'est la raison pour laquelle je crois qu'il n'existe pas de bonne solution. Je comprends l'inspiration de la proposition de la commission mais je crois qu'il est préférable de ne retenir qu'un seul seuil, celui du droit commun, c'est-à-dire le seuil de vingt et un ans.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 763-10 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. _ I. _ Il est créé, au livre III du code de la santé publique, un titre IX ainsi rédigé :

« TITRE IX

« DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE

« Art. L. 355-33 . _ Pour la mise en oeuvre de l'injonction de soins prévue par l'article 131-36-2 du code pénal, le juge de l'application des peines désigne, sur une liste de psychiatres, ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie et mise à jour annuellement par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, le territoire ou la collectivité, pris après avis du procureur de la République, un médecin coordonnateur qui est chargé :
« 1° D'inviter le condamné, au vu des expertises réalisées au cours de la procédure ainsi que, le cas échéant, au cours de l'exécution de la peine privative de liberté, à choisir un médecin traitant. Ce choix est soumis à l'accord du médecin coordonnateur ;
« 2° De conseiller le médecin traitant, si celui-ci en fait la demande ;
« 3° De transmettre au juge de l'application des peines ou à l'agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction de soins ;
« 4° D'informer, en liaison avec le médecin traitant, le condamné dont le suivi socio-judiciaire est arrivé à son terme, de la possibilité de poursuivre son traitement en l'absence de tout contrôle de l'autorité judiciaire et de lui indiquer les modalités et la durée qu'il estime nécessaires et raisonnables à raison notamment de l'évolution des soins en cours.
« Art. L. 355-34 . _ Les rapports des expertises médicales réalisées pendant l'enquête ou l'instruction ainsi que, le cas échéant, le réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt de mise en accusation et le jugement ou l'arrêt de condamnation sont communiqués, à sa demande, au médecin traitant, par l'intermédiaire du médecin coordonnateur. Il en est de même des rapports des expertises ordonnées par le juge de l'application des peines en cours d'exécution, éventuellement, de la peine privative de liberté ou du suivi socio-judiciaire.
« Le médecin traitant délivre des attestations de suivi du traitement à intervalles réguliers, afin de permettre au condamné de justifier auprès du juge de l'application des peines de l'accomplissement de son injonction de soins.
« Art. L. 355-35 . _ Le médecin traitant est habilité, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, à informer le juge de l'application des peines ou l'agent de probation de l'interruption du traitement. Lorsque le médecin traitant informe le juge ou l'agent de probation, il en avise immédiatement le médecin coordonnateur.
« Le médecin traitant peut également informer de toutes difficultés survenues dans l'exécution du traitement le médecin coordonnateur qui est habilité, dans les mêmes conditions qu'à l'alinéa précédent, à prévenir le juge de l'application des peines ou l'agent de probation.
« Le médecin traitant peut également proposer au juge de l'application des peines d'ordonner une expertise médicale.
« Art. L. 355-36 et L. 355-37 . _ Non modifiés .
« II. _ Supprimé . »

ARTICLE L. 355-33 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique, je suis d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission.
L'amendement n° 33 est déposé par MM. Dreyfus-Schmidt, Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa du texte proposé par le paragraphe I de l'article 6 pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique, à remplacer les mots : « établie et mise à jour annuellement par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, le territoire ou la collectivité, pris après avis du procureur de la République » par les mots « établie par le procureur de la République ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nos distingués collègues du groupe socialiste ayant déposé un amendement identique, je pense que nous allons parvenir, sur ce point, à un consensus.
Nous proposons en fait de revenir au texte adopté en première lecture en prévoyant que la liste des médecins coordonnateurs est établie par le procureur de la République et non par le préfet. Nous reprenons là ce qui est prévu à l'article 493-1 du code civil pour les médecins appelés à intervenir en matière de majeurs protégés.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Guy Allouche. Cet amendement, comme celui de la commission des lois, a pour objet de confier au procureur de la République le soin d'établir la liste sur laquelle sera choisi le médecin coordonnateur.
Cette disposition avait été adopté par le Sénat en première lecture mais elle a été remise en cause par nos collègues de l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Un système identique a déjà doublement fait ses preuves.
En effet, le législateur de 1967 a décidé que l'altération des facultés mentales ou corporelles d'un malade devait être constatée, lorsqu'il s'agit de prononcer l'ouverture d'une tutelle, par un médecin spécialiste choisi sur une liste établie par le procureur de la République ; c'est l'article 493-1 du code civil.
Par ailleurs, l'article L. 348-1 du code de la santé publique dispose qu'« il ne peut être mis fin aux hospitalisations d'office intervenues en application de l'article L. 348 que sur les décisions conformes de deux pyschiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la République ».
Ce dernier ayant l'habitude d'arrêter des listes de spécialistes désignés pour l'ouverture des tutelles et pour la fin des hospitalisations d'office, il nous paraît tout à fait logique qu'il arrête également la liste des médecins coordonnateurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 11 et 33 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je n'y suis pas favorable, monsieur le président.
Je pense tout d'abord qu'il n'y a pas lieu de comparer cette liste avec celle des médecins habilités à constater l'altération des facultés mentales ou avec celle des psychiatres pouvant autoriser la mainlevée d'un internement. Dans ces deux cas, les médecins interviennent de façon ponctuelle et leur rôle s'apparente à celui d'un expert.
Dans le cas qui nous occupe, l'action du médecin coordonateur s'inscrira dans la durée et aura une véritable dimension de santé publique. Il me paraît donc préférable que ce médecin figure sur une liste établie par les autorités sanitaires compétentes après, bien sûr, avoir recueilli l'avis du procureur de la République.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 11 et 33, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 12, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique : « En cas de désaccord persistant sur le choix effectué, le médecin est désigné par le juge de l'application des peines. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 6 prévoit la désignation par le juge de l'application des peines d'un médecin coordonnateur, lequel est chargé d'inviter le condamné à choisir un médecin traitant. Ce choix est soumis à l'accord du médecin coordonnateur. Il importe, en effet, que le médecin coordonnateur ait un droit de regard. Si le condamné qui est soumis au suivi socio-judiciaire choisit un médecin traitant qui n'est pas du tout compétent pour le guérir, ou du moins essayer de le soigner, le médecin coordonnateur doit pouvoir intervenir.
Cela étant, les médecins et surtout le Conseil national de l'ordre des médecins et les organisations de psychiatres se sont inquiétés du problème posé par le droit d'opposition que l'on veut donner au médecin coordonnateur.
Nous proposons donc de revenir à la solution qui avait été proposée par la commission des lois en première lecture, à savoir que, « en cas de désaccord persistant sur le choix effectué, le médecin est désigné par le juge de l'application des peines. »
Cette solution conduira en effet à un dialogue en cas de désaccord entre le patient et le médecin coordonnateur, le juge de l'application des peines n'intervenant qu'en dernier recours. Elle supprime le « droit de veto » du médecin coordonnateur, qui a tant inquiété les médecins, sans pour autant permettre au condamné de choisir n'importe qui.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends tout à fait la préoccupation de la commission et de son rapporteur. Toutefois, comme je l'ai indiqué en première lecture, il ne me semble pas possible de toucher à la liberté de choix du médecin traitant.
Il ne faut pas perdre de vue, bien entendu, qu'en cas de désaccord entre le médecin coordonnateur et le condamné sur le choix du médecin traitant, le juge de l'application des peines devra de toute façon intervenir. Mais son intervention est de l'ordre du rappel à la loi et ne peut concerner que la mesure judiciaire elle-même.
Ainsi, si le désaccord devait persister dans des conditions qui remettent en cause le principe même du suivi socio-judiciaire, la solution consisterait alors soit à mettre à exécution, en tout ou partie, la sanction pénale, soit, le cas échéant, à désaisir le médecin coordonnateur s'il était avéré que le blocage lui est imputable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 355-33 du code de la santé publique.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 355-34 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

M. le président. Par amendement n° 34 rectifié, MM. Dreyfus-Schmidt, Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 6 pour l'article L. 355-34 du code de la santé publique, après les mots : « arrêt de condamnation », d'insérer les mots : « et, s'il y a lieu, toute autre pièce du dossier ».
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Mon ami Michel Dreyfus-Schmidt s'est longuement expliqué sur cet article lors de la première lecture.
Sans répéter l'ensemble des arguments qu'il avait développés, je rappellerai succinctement que l'Assemblée nationale a supprimé l'adjonction qui avait été adoptée par le Sénat en première lecture et qui prévoyait que le médecin coordonnateur pourrait transmettre au médecin traitant, à la demande de ce dernier, toute pièce du dossier.
L'Assemblée nationale a préféré à cette formule large une énumération limitative des pièces du dossier, à savoir les rapports d'expertise, le réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi, l'arrêt de mise en accusation et la décision de condamnation.
Notre amendement n° 34 rectifié tend à rétablir le texte qui a été voté par le Sénat en première lecture et à autoriser la remise au médecin traitant de toutes les pièces du dossier pénal qui peuvent lui être utiles pour le suivi du condamné soumis à une obligation de soins.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement donne la mesure du consensus qui existe sur ce point puisqu'il tend à revenir au texte qui avait été proposé par la commission et voté par le Sénat en première lecture.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme j'ai eu l'occasion de le dire en première lecture, je ne suis pas favorable à cette disposition qui pose un problème de fond quant à la transmission au médecin traitant de pièces du dossier qui peuvent ne pas avoir de relation avec l'objet du traitement et notamment concerner des tiers.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 355-34 du code de la santé publique.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 355-35 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 355-35 du code de la santé publique, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7 A



M. le président.
« Art. 7 A. _ Il est inséré, après l'article 132-16 du code pénal, un article 132-16-1 ainsi rédigé :
« Art. 132-16-1 . _ Les délits d'agressions sexuelles et d'atteintes sexuelles sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. » - (Adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. _ A l'article 222-33 du code pénal, les mots : "en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes" sont remplacés par les mots : "en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions de toute nature" ».
Par amendement n° 13, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement concerne l'adjonction, pour la définition du harcèlement sexuel, des mots « pressions de toute nature ».
C'est le Sénat, je le rappelle, qui, lors de la rédaction du nouveau code pénal, texte dont j'étais le rapporteur, avait défini le délit de harcèlement sexuel. C'est notre assemblée, en effet, qui est à l'origine de la rédaction qui figure aujourd'hui dans le nouveau code pénal.
Il suffit de lire la jurisprudence, notamment un arrêt récent, pour constater que les tribunaux sont confrontés à une véritable difficulté : déterminer la limite entre ce qui est permis, ce qui relève de la camaraderie de bureau, et ce qui est effectivement exagéré.
Il ne me paraît pas judicieux, à titre personnel, à un moment où nous commençons à disposer d'un certain nombre de décisions qui frappent par leur modération, mais aussi par leur souci d'intervenir dans un domaine délicat où il est parfois véritablement nécessaire de marquer des limites, de vouloir introduire dans la loi une expression aussi vague, aussi curieuse que « pressions de toute nature » pour définir le délit de harcèlement sexuel.
Je me souviens parfaitement que, lors de la rédaction initiale du projet de nouveau code pénal, le Gouvernement avait tout simplement oublié d'y faire figurer les mots « harcèlement sexuel ». J'avais alors rappelé que cette expression, dont la définition figure dans les dictionnaires français, impliquait une exagération, une insistance coupable.
S'agissant du délit de harcèlement sexuel, dès lors que l'on parle d'ordres, de menaces ou de contraintes, on sait bien que la limite légitime a été franchie. Devant la notion de « pressions de toute nature », si j'étais magistrat, je serais quelque peu ennuyé pour déterminer ce que cela signifie.
Si nous ne sommes pas précis, nous tomberons dans un système qui n'est pas celui du code pénal français et nous nous mettrons complètement sous la coupe du magistrat, lequel décidera selon l'impression qu'il peut avoir ou la philosophie qui est la sienne.
C'est la raison pour laquelle il a paru plus sage à la commission de s'en tenir au texte que nous avions voté en première lecture, c'est-à-dire de refuser la notion de « pressions de toute nature ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Tout a déjà été dit sur cette question. C'est la raison pour laquelle je me contenterai d'insister sur l'harmonisation qui me semble souhaitable entre les rédactions du code pénal et du code du travail.
Je ne suis pas d'accord avec M. le rapporteur quand il semble assigner une mission différente à ces deux textes. Je crois, au contraire, qu'ils se rejoignent en ce qu'ils inscrivent tous les deux l'infraction dans un contexte, professionnel ou non, où existe une relation d'inégalité entre la victime et l'auteur. C'est bien ce lien de subordination qui soumet la victime aux pressions de son supérieur, ou l'abus que ce dernier fait de cette autorité que lui confère ses fonctions, qui est consubstantiel au harcèlement sexuel.
Etablir une différence entre les deux incriminations en fonction du lieu où se sont déroulés les faits, c'est méconnaître la spécificité du phénomène de harcèlement sexuel telle qu'elle avait été reconnue par le législateur de 1992.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Il est au moins un point sur lequel je suis d'accord avec M. le rapporteur : il faut marquer des limites ! Toutefois, M. Jolibois veut marquer des limites dans la loi, alors que je veux marquer des limites dans la réalité des faits.
Quand je l'entends parler de ce qui est de bon aloi dans le cadre d'une camaraderie de bureau, je lui réponds - hiérarchie, excès de pouvoir, chantage - : « C'est cela ou la porte ! »
Lorsqu'un chef de service, un cadre, un supérieur hiérarchique, un patron, a ce genre d'attitude, il est très rare, mes chers collègues, qu'il donne un ordre. Il donne l'ordre d'aller taper trois feuilles sur l'ordinateur, mais il ne donne pas l'ordre : « Couche-toi ! ». Pardonnez-moi, mais cela peut se passer ainsi. Il n'a pas recours, au sens littéral du terme, à une menace. Une menace, c'est très précis : « Ou tu te couches, ou c'est la porte ! »
Mes chers collègues, un supérieur hiérarchique, un patron ou un cadre tient, en général, des propos plus enveloppés, il est plus mesuré dans ses pratiques. Il ne donne pas d'ordre, ne profère pas de menace, n'impose pas de contraintes ; mais il use de pressions, discrètes, « habillées ».
Ce ne sont plus là des relations de camaraderie, mais des rapports de pouvoir entre un homme et une femme, entre un homme qui a de l'argent, une situation, et une femme qui lui est inférieure sur le plan hiérarchique, qui dépend de lui, qui est peut-être chef de famille et qui peut se retrouver demain au chômage.
Par conséquent, nous devons dépasser les notions d'ordres, de menaces et de contraintes et retenir le terme de « pressions », en sachant bien que le juge, dans sa grande sagesse, saura voir ce qui se cache derrière ces pressions.
En outre, il est extrêmement difficile, du moins dans les cas que j'ai pu suivre, de trouver des témoins. Tout d'abord, ces derniers refusent souvent de parler, notamment parce qu'il s'agit souvent de femmes qui craignent pour leur emploi. Ensuite, en cas d'ordres ou de menaces, il n'y a pas de témoin. En revanche, dans le cas de pressions, plus habiles, moins nettes, on peut trouver des témoins.
La réalité du harcèlement sexuel, je le répète, passe non pas par des ordres ou des menaces, au sens strict du terme, mais par des pressions. Certes, le mot est vague, mais je vous assure qu'il correspond à la réalité. Ou alors, nous ne donnons pas le même sens au terme « ordres » !
Par conséquent, il faut conserver le texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale, lequel prend en compte la notion de « pressions de toute nature ».
C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est supprimé.

Article 9



M. le président.
« Art. 9. _ I A. _ L'article 222-24 du code pénal est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
« I B. _ L'article 222-28 du code pénal est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
« I. _ Il est inséré, à l'article 225-7 du code pénal, un 10° ainsi rédigé :
« 10° Grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
« II. _ Non modifié .
« II bis. _ Supprimé .
« III. _ Non modifié . »
Par amendement n° 14, M. Jolibois, au nom de la commission, propose :
A. - Au début du texte présenté par le paragraphe I A de cet article pour le 8° de l'article 222-24 du code pénal, de remplacer les mots : « Lorsque la victime a été mise en contact » par les mots : « Lorsqu'il est commis sur un mineur âgé de plus de quinze ans et que celui-ci a été mis en contact ».
B. - Au début du texte présenté par le paragraphe I B de l'article 9 pour le 6° de l'article 222-28 du code pénal, de remplacer les mots : « Lorsque la victime a été mise en contact » par les mots : « Lorsqu'elle est commise sur un mineur âgé de plus de quinze ans et que celui-ci a été mis en contact ».
C. - De supprimer le paragraphe I de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le champ d'application de la nouvelle circonstance aggravante, à savoir le fait de recourir à un réseau de télécommunications, est limité aux infractions commises sur des mineurs.
Il s'agit de revenir au dispositif que nous avions adopté en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur ce point, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10



M. le président.
« Art. 10. _ Il est inséré, après l'article 225-16 du code pénal, une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis

« Du bizutage

« Art. 225-16-1 . _ Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, par contrainte ou pression de toute nature, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants, notamment lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif, est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende. »
« Art. 225-16-2 . _ L'infraction définie à l'article 225-16-1 est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende lorsqu'elle est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. »
« Art. 225-16-3 . _ Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions commises lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif prévues par les articles 225-16-1 et 225-16-2.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Les peines mentionnées aux 4° et 9° de l'article 131-39. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 15, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 37, Mme Dusseau propose, dans le texte présenté par l'article 10 pour l'article L. 225-16-1 du code pénal, après le mot : « sportif », d'insérer les mots : « militaire, professionnel ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Charles Jolibois, rapporteur. En l'occurrence, nous reprenons la discussion sur le bizutage.
Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, la commission des lois, comme d'ailleurs le Sénat en première lecture, est tout à fait opposée aux excès du bizutage, dont certaines dérives ne peuvent qu'inspirer l'horreur. Par conséquent, il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point.
Cependant, le Sénat a estimé que le code pénal comporte déjà de solides dispositions permettant de faire front et de sanctionner les dérives que l'on peut constater quand un bizutage tourne mal, donne lieu à des exagérations qui doivent être réprimées.
Au sein de la commission des lois, une quasi-unanimité s'était dégagée au début contre l'introduction d'un nouveau texte, au motif que le code pénal devait être un droit précis. J'avais même indiqué qu'il ne fallait pas transformer le code pénal en un code comportemental. La théorie pénaliste française veut que le juge soit lié par des éléments précis.
Si vous n'admettez plus cette théorie, vous aurez un droit pénal souple, à géométrie variable, au nom duquel des magistrats décideront dans un sens ou dans l'autre, au nom duquel des juridictions condamneront et d'autres ne condamneront pas. C'est là un autre type de code pénal. Le code pénal, le nôtre, ce sont des éléments précis de description du délit, c'est une définition précise des faits constituant des infractions.
Les personnes qui étaient favorables à la création du délit de bizutage nous ont dit qu'elles allaient nous proposer un texte qui répondrait à notre inquiétude en faisant précisément apparaître les éléments du délit.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui est très proche de celui qui avait été rédigé ici même par M. Dreyfus-Schmidt, est le suivant : « Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, par contrainte ou pression de toute nature » - nous retrouvons la fameuse notion de « pression de toute nature » - « à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants, notamment lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif, est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende. »
Il ne répond pas à notre inquiétude.
J'ai eu l'honneur d'exposer à la commission des lois que ce texte me paraissait inutile, voire, dans certains cas, dangereux.
Il est inutile parce que le code pénal comporte des dispositions pour condamner les dérives. Je rappellerai notamment la jurisprudence sur le choc émotif qui est celle de la Cour de cassation et qui est appliquée au bizutage. Quand une personne place une autre personne dans une situation telle qu'elle entraîne chez celle-ci un choc émotif, la Cour de cassation considère qu'il y a violence au sens du code pénal. Par conséquent, la Cour de cassation a résolu le problème.
Je ne reprendrai pas, comme je l'ai fait en première lecture, tous les textes du code pénal qui couvrent la dérive du bizutage.
Ce texte - cet aspect m'inquiète beaucoup plus - peut aussi être dangereux.
Imaginons que des extrémistes, de quelque bord que ce soit, accèdent au pouvoir et qu'ils veuillent réprimer certains rites associatifs pouvant par exemple se dérouler dans le cadre confessionnel. Ils qualifieraient ces rites, pourtant exécutés de plein gré, d'atteinte à la dignité de l'homme. Il y aurait alors des magistrats pour appliquer ce texte - dont on souhaite d'ailleurs étendre le champ d'application puisqu'un amendement, qui sera examiné dans un instant, tend à viser les milieux professionnel et militaire.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture était limité au milieu scolaire. La rédaction de deuxième lecture est extrêmement large puisqu'elle englobe les réunions se déroualnt en milieu scolaire, éducatif, sportif ou associatif, cette énumération n'étant d'ailleurs pas limitative. Le milieu associatif couvre toutes sortes d'associations. La vie associative est très variée. Toutes les associations pourront être visées par ce texte.
Le danger réside donc en particulier dans le champ d'application du nouveau délit. Dans un premier temps, on a essayé de le limiter au milieu scolaire. Désormais, il n'est plus limité à ce périmètre.
Le champ d'application de ce texte me paraît trop large et sa définition trop vague, puisqu'elle comporte de nouveau la notion de « pression de toute nature ».
Je comprends parfaitement que l'on veuille réprimer les abus du bizutage. Mais ce sont les recteurs, les autorités qui sont chargées du milieu scolaire ou universitaire, qui doivent intervenir. Il est dangereux de retenir un texte souple, vague, qui, je le crains, pourrait être utilisé dans des circonstances que vous n'auriez pas voulu viser.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a estimé qu'elle devait maintenir son point de vue et m'a chargé de vous demander, mes chers collègues, de supprimer ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 37.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le rapporteur, cet amendement étant identique à celui que j'avais déposé en première lecture, vous ne pouvez être réellement surpris.
Je suis bien sûr en désaccord avec vos propos, car il me paraît nécessaire de créer un délit pour les excès du bizutage. Je me rappelle très bien les circonstances dans lesquelles cette rédaction a été proposée en première lecture.
Elle comporte trois notions.
La première, c'est le fait que la personne agit contre son gré ou non. La deuxième idée, c'est la notion de « pression de toute nature. » Je sais à quel point elle vous chagrine, mais elle correspond à une réalité vécue et sociale. Aussi, il me semble bon qu'elle figure dans le texte de loi. La troisième idée concerne les différents milieux visés, à savoir les milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif.
Je propose d'y ajouter les milieux militaire et professionnel. Si je souhaite aussi viser le milieu professionnel, c'est parce que j'ai eu connaissance de cas très précis, s'agissant en particulier de CES embauchés par des collectivités locales, de phénomènes de bizutage qui, c'est le moins que l'on puisse dire, n'étaient pas « piqués des hannetons » !
Cela étant dit, je l'avoue, le fait de viser le milieu militaire me paraît le plus important. En effet, l'armée a été, est souvent encore, le lieu où, sous le prétexte de bizutage, un certain nombre d'actes extrêmement violents et dégradants sont commis. Aussi, il ne me paraît pas normal, dès lors que l'on crée un délit d'excès de bizutage, de laisser les actes perpétrés au sein de l'armée hors du champ d'application de la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 37 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Si des actes très violents et dégradants sont commis au sein des armées, l'autorité militaire doit intervenir. Par ailleurs, il y a la loi.
Vous ne souhaitez pas laisser ces actes hors du champ pénal, dites-vous. A l'heure actuelle, de tels actes sont-ils hors du champ pénal, alors même que le délit de bizutage n'existe pas encore ? Ils ne le sont pas. En effet, si de tels actes sont commis, le parquet peut d'ores et déjà poursuivre.
Je comprends très bien votre préoccupation, mais elle n'a pas besoin de votre amendement pour qu'il y soit répondu. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 15 et 37 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 15.
Je me suis longuement expliquée sur ce point en première lecture. Je redirai simplement que, selon nous, certains cas ne sont pas aujourd'hui couverts par le code pénal. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il faut créer un nouveau délit.
Lors de la première lecture au Sénat, j'ai cru que nous pourrions trouver un terrain d'entente à partir des suggestions de M. Dreyfus-Schmidt, que M. le rapporteur a rappelées. Chacun avait pu en effet exprimer sa volonté de lutter contre les excès du bizutage.
Nos avis divergent non pas sur les objectifs à atteindre, mais sur les moyens juridiques qui doivent permettre de le faire. Or, c'est bien sur ce point que les députés ont manifesté la volonté évidente de se rapprocher de certaines positions prises au sein de cette assemblée. La commission des lois de l'Assemblée nationale avait même proposé de modifier l'intitulé de cette nouvelle division du code pénal en ne retenant que les termes « des excès du bizutage ».
C'est la raison pour laquelle la nouvelle rédaction du texte issue des travaux de l'Assemblée nationale me paraît convenir parfaitement. Elle correspond en effet aux objectifs que s'était fixé le Gouvernement, en définissant avec plus de mesure les comportements inacceptables qui ne sont actuellement pas couverts par une autre incrimination.
S'agissant de l'amendement n° 37, je m'en remets à la sagesse du Sénat. Comme je l'ai dit lors de la première lecture, je ne suis pas opposée à ce que les dispositions relatives aux excès de bizutage couvrent plus généralement toutes les catégories de comportements adoptés au sein de communautés particulières, sans pour autant citer chacune de ces dernières.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. M. le rapporteur affirme que le dispositif législatif existant est suffisant pour réprimer les exactions commises dans l'armée.
Je lui ferai néanmoins remarquer que, s'agissant non pas de l'armée, mais de la police, la France vient d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour un fait commis en 1991 dans un commissariat ! Par conséquent, arsenal législatif ou non, nous savons bien qu'un certain nombre de faits extrêmement répréhensibles se déroulent également de manière régulière dans l'armée, sans que des poursuites soient engagées.
Je voterai donc l'amendement n° 15, car je suis favorable au texte issu des travaux en deuxième lecture de l'Assemblée nationale, laquelle s'est d'ailleurs inspirée des propositions de M. Dreyfus-Schmidt. En effet, dans l'état actuel des choses, tous les actes d'excès de bizutage ne sont pas couverts. De plus, la notion de victime consentante n'est pratiquement pas envisageable. De surcroît, la plupart des plaintes ne sont pas suivies d'effet. Surtout, je crois que, comme pour le harcèlement sexuel, il faut parvenir à une prise de conscience de l'opinion publique, des auteurs de bizutage et des victimes des excès de bizutage. Ce texte me paraît nécessaire pour hâter cette dernière.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de texte.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Nous nous trouvons dans une situation un peu étrange : alors que nous sommes tous favorables à la disparition rapide de tout excès de bizutage, nous ne sommes pas parvenus, malgré de longs débats, à un accord global au sein de notre assemblée. Au terme de la discussion, il nous faut cependant trancher maintenant.
Notre désaccord porte sur la forme : M. le rapporteur nous dit que tous ces cas sont déjà couverts par le dispositif législatif et qu'il n'est donc pas nécessaire d'y faire référence explicitement, alors que Mme le garde des sceaux affirme le contraire.
Pour ma part, je crains, s'agissant de situations toujours blessantes pour les victimes, que des brèches ne permettent à certains individus peu intéressants de poursuivre leurs agissements.
Par conséquent, faute d'avoir la certitude que tous les cas sont couverts, je préférerais que nous nous en tenions au texte adopté par l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je voterai contre l'amendement n° 15.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Allouche. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est supprimé et l'amendement n° 37 n'a plus d'objet.

Articles 12 et 12 bis



M. le président.
« Art. 12. _ I A. _ Non modifié .
« I. _ Il est inséré, au deuxième alinéa des articles 227-18, 227-18-1, 227-19 et 227-21 du code pénal, après les mots : "lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans", les mots : "ou que les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement". »
« II. _ La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 227-22 du code pénal est complétée par les mots : "ou que les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement". » - (Adopté.)
« Art. 12 bis. _ L'article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 227-23 . _ Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende.
« Le fait de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines.
« Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 F d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de télécommunications.
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l'enregistrement de son image. » - (Adopté.)

Articles 12 ter et 14 bis



M. le président.
Les articles 12 ter et 14 bis ont été supprimés par l'Assemblée nationale.

Article 15



M. le président.
« Art. 15. _ Il est inséré, après l'article 227-28 du code pénal, un article 227-28-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-28-1 . _ Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions prévues par les articles 227-18 à 227-26.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Les peines mentionnées aux 2° , 3° , 4° , 5° , 7° , 8° et 9° de l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
« Dans le cas prévu par le 4° de l'article 227-26, la peine mentionnée au 1° de l'article 131-39 est également encourue. » - (Adopté.)

Article 16 bis



M. le président.
L'article 16 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 18 A



M. le président.
« Art. 18 A. _ I. _ Dans la deuxième phrase de l'article 2-2 du code de procédure pénale, après les mots : "si celle-ci est mineure", sont insérés les mots : "âgée de moins de treize ans".
« II. _ Le même article est complété par les mots : "ou, à défaut celui du juge des tutelles saisi en application de l'article 389-3 du code civil. Cette condition n'est toutefois pas exigée lorsque les faits ont été commis à l'étranger et qu'il est fait application des dispositions des articles 222-22 (deuxième alinéa) et 227-27-1 du code pénal". »
Par amendement n° 16, M. Jolibois, au nom de la commission, propose :
A. - De supprimer le paragraphe I de cet article.
B. - En conséquence, au début du paragraphe II, de remplacer les mots : « II. - Le même article » par les mots : « L'article 2-2 du code de procédure pénale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 2-2 du code de procédure pénale permet aux associations de lutte contre les violences sexuelles de se constituer partie civile mais exige, lorsque la victime est mineure, l'accord de son représentant légal.
Le paragraphe I de l'article 18 A, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, substitue à cet accord celui du mineur lui-même dès lors que ce dernier est âgé de plus de treize ans.
La commission des lois m'a chargé de vous exposer les deux objections à laquelle se heurte, selon elle, cette modification.
Tout d'abord, l'accord du mineur, lorsqu'on le demande, remet en cause les fondements mêmes du droit civil des mineurs, qui sont, dans leur propre intérêt, juridiquement incapables.
Par ailleurs, le mineur pourrait, dans certains cas, être l'objet de pressions en vue d'obtenir son accord.
Nous avons introduit dans le texte un statut très protecteur des mineurs, avec la possibilité de nommer des tuteurs ad hoc dans certains cas. Restons prudents dans ce domaine extrêmement délicat et n'introduisons pas la possibilité de l'accord d'un mineur de plus de treize ans pour des cas aussi difficiles que ceux-là.
La commission des lois demande donc au Sénat d'en revenir au texte classique : c'est le représentant légal du mineur qui donne son accord.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 38,MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Eckenspieller, Habert, Joly, Moinard, Maman et Turk proposent de compléter l'article 18 A par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré dans le même code, après l'article 2-16 un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les associations familiales telles que définies par l'article 1er du code de la famille et de l'aide sociale régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions mentionnées aux articles 225-1 à 225-18 et 227 à 227-27 du code pénal.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, celui du titulaire de l'exercice de l'autorité parentale ou du représentant légal. Cette condition n'est pas applicable lorsque la victime n'est pas identifiée. »
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. L'ancien article 289 du code pénal ouvrait aux associations agréées la faculté d'agir en justice pour exercer l'action civile relative aux outrages aux bonnes moeurs.
C'est en vertu de ce même texte que plusieurs associations familiales ont obtenu de la Cour de cassation que l'exploitation d'une « messagerie rose » soit constitutive du délit d'incitation à la débauche.
Personne n'a oublié que, dans la célèbre affaire « Toro Bravo » de réseau pédophile sur Minitel, les messageries incriminées diffusaient des contacts à caractère sexuel et pédophile et que certains de leurs dirigeants ont pu être condamnés en vertu de cet article pour implication dans ces réseaux de pédophilie, grâce à l'action conjointe des associations familiales.
Or, cette faculté d'agir en justice pour les associations familiales, même lorsqu'elles sont reconnues d'utilité publique, a malheureusement disparu en 1994, lors de la réforme du code pénal.
Il importe donc de rétablir, après quatre années d'attente, cette recevabilité de la constitution de partie civile des associations familiales reconnues d'utilité publique et d'affirmer clairement cette faculté, au sein du chapitre II relatif aux « dispositions modifiant le code de procédure pénale et concernant la protection des mineurs ».
En effet, les actions concrètes, menées au quotidien par les associations familiales, ne sont plus à démontrer pour donner du poids aux dossiers de lutte et de prévention de la délinquance sexuelle ou même pour alerter l'opinion publique et faire appel à la vigilance de tous.
C'est le sens de cet amendement, qui vise simplement à prolonger l'action sociale quotidienne en restituant juridiquement aux associations familiales reconnues d'utilité publique la faculté d'agir en justice et d'exercer convenablement l'action civile relative aux faits portant atteinte à la dignité même de la personne ou mettant en péril les mineurs. Il s'agit des articles 225-1 à 225-18 et 227 à 227-27 du code pénal, auxquels il est fait spécifiquement référence dans le dernier paragraphe de l'amendement que je soumets à vos suffrages, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous avons longuement débattu de cette très importante question.
Il nous faut resituer le débat dans son contexte tout à fait exact.
Conscient de l'importance de ce problème, je perçois l'objectif que poursuivent les auteurs de cet amendement. Je crois cependant que, mieux éclairés, ils comprendront la raison pour laquelle la commission estime qu'il ne faut pas les suivre.
Sur le plan pratique, il est faux de dire que les associations familiales se sont vu retirer leur pouvoir d'agir en justice puisque ce dernier leur est dévolu en matière d'agressions sexuelles par le code de procédure pénale en son article 2-2.
Par conséquent, la seule question qui pourrait être débattue à l'occasion de la discussion de cet amendement est de savoir s'il faut élargir le champ de l'intervention possible des associations familiales à un périmètre encore plus grand que celui des agressions sexuelles.
S'agissant des agressions sexuelles, nous avons estimé que, compte tenu de la spécificité de ces agressions et de l'environnement familial, un pouvoir particulier devait être donné aux associations, aux côtés du procureur de la République, ne serait-ce que parce que les associations familiales connaissent des choses ignorées de beaucoup d'autres. N'oublions pas cependant que, en droit français, la poursuite ne relève pas en principe des associations. Le parquet, en effet, doit faire son métier.
J'ajoute que nous sommes dans un contexte de judiciarisation, de multiplication de tous les procès, comme la succession des différentes associations lors de certaines audiences permet de s'en convaincre. Si les propos tenus ne sont pas inintéressants, le risque d'engorgement des audiences ne doit pas être oublié.
Par conséquent, mon cher collègue, tout en comprenant votre idée, je considère qu'il faut se satisfaire du pas important qui a été fait et ne pas changer une disposition qui, dans le code de procédure pénale, est limitée aux agressions sexuelles. En effet, ce point, qui peut bien sûr être intéressant, mériterait une longue discussion pour éviter des débordement lors des audiences.
Par conséquent, la commission, préférant en rester à la rédaction actuelle du code de procédure pénale, a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 38, après avoir examiné ce dernier avec la très grande attention qu'il méritait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Habert, l'amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Jacques Habert. Je remercie M. le rapporteur pour ses explications. L'assurance m'est donnée que les associations familiales ne sont pas privées de leur faculté d'agir en justice et peuvent toujours l'exercer dans le cadre des textes existants.
Je retire donc l'amendement n° 38.
M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 A, modifié.

(L'article 18 A est adopté.)

Article 18 ter



M. le président.
« Art. 18 ter. _ Le dernier alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le délai de prescription de l'action publique des délits commis contre des mineurs prévus et réprimés par les articles 222-9, 222-11 à 222-15, 222-27 à 222-30, 225-7, 227-22 et 227-25 à 227-27 du code pénal ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le délai de prescription est de dix ans lorsque la victime est mineure et qu'il s'agit de l'un des délits prévus aux articles 222-30 et 227-26 du code pénal. »
Par amendement n° 17, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer le second alinéa du texte présenté par cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Avec cet amendement, nous abordons un point de désaccord qui concerne l'allongement du délai de prescription.
Je comprends l'intention qui a animé nos collègues de l'Assemblée nationale lorsqu'ils ont porté le délai de prescription de l'action publique de trois ans à dix ans pour certains délits à caractère sexuel. Mais n'oublions pas que la prescription des délits sexuels commis contre les enfants ne court qu'à partir de leur majorité ! De la sorte, une personne qui aurait été victime d'une agression à l'âge de cinq ans, par exemple, dans un environnement déterminé, pourrait décider de déclencher la poursuite jusqu'à l'âge de vingt-huit ans, c'est-à-dire vingt-trois ans après les faits.
Pourquoi existe-t-il - outre un cas très particulier où le crime est imprescriptible - des prescriptions en droit pénal ? Parce qu'il peut paraître nécessaire, au bout d'un certain temps, d'oublier, de pardonner, et en même temps parce qu'il peut parfois devenir difficile, voire impossible, d'établir la preuve longtemps après les faits.
Dans la mesure où le délai de prescription ne court qu'à partir de la majorité de la victime - ce qui semble indispensable - fallait-il porter ce délai, en matière délictuelle, de trois à dix ans ? La commission des lois n'a pas cru devoir le faire. Elle s'est prononcée dans ce sens lorsque le Sénat a été saisi de ce projet de loi en première lecture. Elle s'est prononcée une seconde fois dans ce sens lorsqu'elle a examiné le texte qui lui a été transmis par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Nous venons d'adopter un nouveau code pénal et nous avons entièrement revu le chapitre consacré aux prescriptions. J'étais le rapporteur de ce texte et je pense qu'il serait regrettable de revenir sur une question aussi fondamentale à l'occasion de l'examen du présent projet de loi.
En conséquence, je soutiens avec beaucoup de conviction la position de la commission des lois sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis opposée à cet amendement qui tend à supprimer une disposition essentielle du projet, celle qui porte de trois à dix ans le délai de la prescription de certaines agressions ou atteintes sexuelles commises sur des mineurs.
Cette aggravation est en effet nécessaire, et les critiques qui lui sont faites ne sont pas, à mon sens, fondées.
Cette aggravation est d'abord justifiée par la nature et la gravité des actes visés. Ne sont en effet concernées que les agressions ou atteintes commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité, qui sont punies de dix ans d'emprisonnement, c'est-à-dire du maximum de la peine encourue pour les délits.
Il s'agit des faits d'inceste les plus graves. Pour les agresions sexuelles, cela concerne les faits commis avec violence ou menace.
De tels faits constituaient, dans l'ancien code pénal, des crimes. Ils ont été correctionnalisés dans un souci d'efficacité et de respect de la nouvelle échelle des peines, mais pas pour en atténuer la répression. Or, à vingt et un ans, une victime de ces faits pendant sa minorité n'ose évidemment toujours pas les dénoncer. Il faut du temps pour arriver à parler de ces choses !
On sait par ailleurs que la pratique judiciaire peut correctionnaliser certains viols en les qualifiant d'agression sexuelle et que cette pratique, en soi contestable, se comprend en revanche plus facilement lorsqu'il s'agit de faits anciens. Si, une fois majeure, la victime se heurte presque toujours à la difficulté de prouver le viol alors que l'instruction peut, en revanche, convaincre les juges qu'ont été commises, à tout le moins des agressions sexuelles, encore faut-il que ces agressions sexuelles ne soient pas prescrites !
Pour les atteintes sexuelles, qui peuvent comporter des actes de pénétration, la situation est encore plus choquante. La frontière entre le délit d'atteinte sexuelle et le crime de viol passe en effet par l'absence ou l'existence de consentement du mineur, frontière étroite quand il s'agit d'un enfant de onze ans qui subit la pression d'un adulte ! Pourtant, du choix qui sera opéré par la juridiction dépend la durée de la prescription.
Prévoir, par conséquent, pour ces deux délits - et ces deux-là seulement - une prescription de dix ans me paraît légitime.
Est-ce une atteinte aux principes de notre procédure pénale ? Je ne le pense pas, car toute règle connaît ses exceptions. C'est déjà le cas de certains délits en matière de trafic de stupéfiants ou de terrorisme. Cette nouvelle exception est, en réalité, aussi justifiée, sinon davantage, que celles qui existent actuellement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Dans la discussion générale, j'ai insisté notamment sur tout ce qui peut se produire à l'intérieur des familles, et j'ai rappelé ces chiffres selon lesquels un quart des femmes qui ont subi des agressions sexuelles et ont porté plainte avaient moins de douze ans au moment des faits, 42 % ayant entre douze et quatorze ans. Il s'agit là d'un drame qui frappent notamment les petites filles ou les jeunes adolescentes et dans lequel est impliqué, dans la moitié des cas, le père, un autre tiers des cas concernant un grand-père ou un oncle. Dans de tels cas, il est extrêmement difficile de parler de viol ou de consentement !
Repousser le départ de la prescription à la majorité a constitué un pas tout à fait capital, car cela a permis de libérer la parole. L'évolution du nombre des dépôts de plainte montre bien que c'est à partir de 1989 que la parole des jeunes, des anciens petits garçons et des anciennes petites filles, a pu se libérer.
Dans le cas qui est sûrement le plus souvent tu, le plus caché, le plus dur à vivre, à savoir celui des violences, des agressions commises entre parents, c'est-à-dire par le père, le grand-père ou un oncle sur une petite fille, on ne pourrait porter plainte que pendant trois ans ? Je ne crois pas, pour ma part, qu'il faille en rester là, même si je comprends les remarques de M. le rapporteur, que j'ai écouté avec intérêt.
Je comprends tout à fait le souci qui anime la commission, mais je voudrais vraiment que M. le rapporteur comprenne à son tour à quel point les situations que nous évoquons sont complexes. A vingt-deux ans ou à vingt-tois ans, les enfants dépendent souvent encore de leurs parents, y compris financièrement, y compris pour le logement.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je le sais bien !
Mme Joëlle Dusseau. C'est à l'égard de ceux qui n'étaient encore que des enfants au moment des faits et qui vivent encore chez leurs parents, dépendant d'eux financièrement - et pour cause, car nous connaissons tous ici les problèmes qu'induit la crise - que nous ne pouvons pas en rester à ce délai de prescription-là. Il faut vraiment l'allonger. Sinon, c'est en fait refuser que la parole puisse se libérer et que des actes abominables, qui marquent pour la vie entière, puissent être dénoncés et poursuivis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'article 18 ter .

(L'article 18 ter est adopté.)

Article 18 quater



M. le président.
« Art. 18 quater . _ Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, après les mots : "Il avise", sont insérés les mots : "par écrit". »
Par amendement n° 18, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'obligation d'informer par écrit le plaignant d'un classement sans suite.
La raison pour laquelle nous avions écarté l'instauration de cette obligation en première lecture, et pour laquelle nous continuons à nous y opposer, est que le présent texte ne saurait constituer le cadre d'une véritable réforme du parquet. Des dispositions aussi importantes, qui mériteraient d'ailleurs une réflexion très approfondie, relèvent d'une réforme globale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis favorable à cet amendement.
Autant je pense qu'il est souhaitable que les classements sans suite soient signifiés par écrit et motivés, autant je pense, comme M. le rapporteur, qu'il faut inclure cette obligation dans une réforme globale.
Je proposerai d'ailleurs à votre assemblée de le faire dans le cadre de la réforme de la justice qui lui sera bientôt présentée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 quater est supprimé.

Article 18 quinquies



M. le président.
« Art. 18 quinquies . _ Le premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'il s'agit de faits commis contre un mineur et prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal, l'avis de classement doit être motivé. »
Par amendement n° 19, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est inspiré par la même idée que l'amendement précédent : nous proposons de supprimer l'obligation de motiver le classement sans suite en matière d'infractions sexuelles.
Une telle obligation relève d'une réforme globale du parquet et, puisqu'on nous annonce une très prochaine réforme de la justice, ce problème pourra être abordé à cette occasion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Même avis que précédemment.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 quinquies est supprimé.

Article 19



M. le président.
« Art. 19. _ Il est créé, au livre IV du code de procédure pénale, un titre XIX ainsi rédigé :

« TITRE XIX


« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX INFRACTIONS DE NATURE SEXUELLE ET DE LA PROTECTION DES MINEURS VICTIMES
« Art. 706-47 . _ Supprimé .
« Art. 706-48 . _ Non modifié .
« Art. 706-48-1 . _ Supprimé .
« Art. 706-49 . _ Les mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 peuvent faire l'objet d'une expertise médico-psychologique destinée à apprécier la nature et l'importance du préjudice subi et à établir si celui-ci rend nécessaires des traitements ou des soins appropriés.
« Une telle expertise peut être ordonnée dès le stade de l'enquête par le procureur de la République.
« Art. 706-50 . _ Dès le début de l'enquête, si le mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 ne fait pas déjà l'objet d'une procédure d'assistance éducative, le procureur de la République apprécie l'opportunité de requérir du juge des enfants l'application des articles 375 et suivants du code civil. Lorsque le juge des enfants est déjà saisi, le procureur de la République ou le juge d'instruction l'informe sans délai de l'existence d'une procédure concernant le mineur victime. Dans tous les cas, dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a été ouverte, le procureur de la République ou le juge d'instruction communique au juge des enfants saisi toutes pièces utiles, notamment l'expertise médico-psychologique prévue par l'article 706-49, afin de permettre à ce dernier de s'assurer que le mineur fait l'objet, pendant la durée nécessaire, des soins justifiés par son état.
« Art. 706-51 . _ Le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. L'administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci, les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie civile, le juge fait désigner un avocat d'office pour le mineur s'il n'en a pas déjà été choisi un.
« Les dispositions qui précèdent sont applicables devant la juridiction de jugement.
« Art. 706-51-1 . _ L'administrateur ad hoc nommé en application de l'article précédent est désigné par le magistrat compétent, soit parmi les proches de l'enfant, soit sur une liste de personnalités dont les modalités de constitution sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce décret précise également les conditions de leur indemnisation.
« Art. 706-52 . - Le juge d'instruction ne procède aux auditions et confrontations des mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 que lorsque ces actes sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité.
« Art. 706-53 . _ Au cours de l'enquête et de l'information, l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 fait autant que possible, avec son consentement ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal, l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
« L'enregistrement prévu à l'alinéa précédent peut être exclusivement sonore si le mineur ou son représentant légal en fait la demande.
« Lorsque le procureur de la République ou le juge d'instruction décide de ne pas procéder à cet enregistrement, cette décision doit être motivée.
« Le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête ou agissant sur commission rogatoire peut requérir toute personne qualifiée pour procéder à cet enregistrement. Les dispositions de l'article 60 sont applicables à cette personne, qui est tenue au secret professionnel dans les conditions de l'article 11.
« L'enregistrement peut faire l'objet d'une transcription écrite versée au dossier.
« Il est par ailleurs établi une copie de l'enregistrement aux fins d'en faciliter la consultation ultérieure au cours de la procédure. Cette copie est versée au dossier. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés.
« Sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, l'enregistrement peut être visionné ou écouté au cours de la procédure. Cette consultation est faite à partir de la copie réalisée en application du sixième alinéa ; toutefois, si une partie le demande, elle est faite à partir de l'enregistrement original, après ouverture des scellés par la juridiction.
« Les huit derniers alinéas de l'article 114 du code de procédure pénale ne sont pas applicables à l'enregistrement. La copie de ce dernier peut toutefois être visionnée par les avocats des parties au palais de justice dans des conditions qui garantissent la confidentialité de cette consultation.
« Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement ou une copie réalisée en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.
« Art. 706-54 . _ Au cours de l'enquête ou de l'information, les auditions ou confrontations d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence d'un psychologue ou d'un médecin spécialistes de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur ou de l'administrateur ad hoc désigné en application de l'article 706-51 ou encore d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants.
« Art. 706-55. _ Il est créé un fichier national automatisé destiné à centraliser les traces génétiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour l'une des infractions visées à l'article 706-48, en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles.
« Ce fichier est placé sous le contrôle d'un magistrat.
« Les modalités d'application du présent article, y compris la durée de conservation des informations enregistrées, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants de nature à motiver leur mise en examen pour l'une des infractions visées à l'article 706-48 peuvent faire l'objet, à la demande du juge d'instruction ou du procureur de la République, d'un rapprochement avec les données incluses au fichier. Elles ne peuvent toutefois y être conservées. »

ARTICLE 706-48-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Le texte proposé pour l'article 706-48-1 du code de procédure pénale a été supprimé par l'Assemblée nationale.

ARTICLE 706-49 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 706-49 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 706-50 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 20, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-50 à insérer dans le code de procédure pénale :
« Art. 706-50 . - Le procureur de la République ou le juge d'instruction informe sans délai le juge des enfants de l'existence d'une procédure concernant un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48, et lui en communique toutes pièces utiles, dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a été ouverte à l'égard du mineur victime de cette infraction. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous proposons de supprimer un ajout de l'Assemblée nationale qui n'apporte rien au texte : que le procureur apprécie l'opportunité de requérir, c'est une règle de base !
Autrement dit, la commission des lois ne propose, en vérité, qu'un simple toilettage du texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-50 du code de procédure pénale est ainsi rédigé.

ARTICLES 706-51 ET 706-51-1
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 706-51 et 706-51-1 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 706-52 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 21, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-52 à insérer dans le code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Dans le même esprit, nous considérons qu'il n'est pas nécessaire de préciser que le juge d'instruction ne procède aux instructions et confrontations de mineurs victimes d'une infraction sexuelle que lorsque ces actes sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité.
Il va sans dire qu'un magistrat ne procède à ces auditions, qui sont particulièrement pénibles, surtout pour les victimes mineures, que lorqu'elles sont strictement nécessaires ! Il n'est pas besoin de faire figurer de telles recommandations à l'égard des magistrats dans le code de procédure pénale.
En outre, l'insertion de telles recommandations pourrait a contrario laisser croire que des magistrats auraient la faculté de procéder à des auditions qui ne seraient pas strictement nécessaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale est supprimé.

ARTICLE 706-53 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 22, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 à insérer dans le code de procédure pénale :
« Sauf décision contraire du procureur de la République ou du juge d'instruction, l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 fait, avec son consentement... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois rapporteur. Cet amendement est de nature rédactionnelle. Nous proposons de supprimer l'expression « autant que possible » qui a été ajoutée par l'Assemblée nationale et qui est évidemment malheureuse dans le cas présent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il me paraît inutile de revenir sur des détails rédactionnels s'agissant d'un dispositif qui a été abondamment débattu. L'enregistrement reste d'ailleurs facultatif.
C'est pourquoi je demande au Sénat de s'en tenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale et émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 23, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de compléter le premier alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 à insérer dans le code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée : « Cet enregistrement ne fait pas obstacle à des auditions ou confrontations ultérieures du mineur. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois rapporteur. La commission souhaite rétablir la précision apportée par le Sénat en première lecture aux termes de laquelle l'enregistrement audiovisuel de l'audition d'un mineur ne fait pas obstacle à des auditions ou confrontations ultérieures de ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet amendement n'apporte rien au texte : l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 24 rectifié, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 à insérer dans le code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Le cinquième alinéa du texte proposé pour l'article 706-53 autorise la transcription de l'enregistrement de la déposition d'un mineur. Cette transcription est inutile puisqu'on dispose déjà du procès-verbal de la déposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis favorable à cet amendement. En effet, cette retranscription de l'enregistrement audiovisuel viendrait s'ajouter à l'enregistrement et au procès-verbal de l'audition.
Je sais gré à votre rapporteur d'avoir pris en compte les différents arguments que j'avais pu développer sur ce point.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 25, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du septième alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 à insérer dans le code de procédure pénale, de supprimer les mots : « ou de la juridiction de jugement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit là d'un amendement très important. Il vise à interdire l'utilisation de l'enregistrement de la déposition d'un mineur victime d'une infraction sexuelle devant la juridiction de jugement, et ce pour deux raisons.
D'abord, ce serait une entorse au principe de l'oralité des débats.
Ensuite, il faut éviter de figer les choses dès la première déposition de l'enfant.
Il n'empêche que l'enregistrement peut être diffusé dans certaines conditions, qui sont définies dans le texte, mais pas devant la juridiction de jugement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable à cet amendement.
Comment pourrait-on interdire à la juridiction de jugement de faire procéder au visionnage des enregistrements lors de l'audience ? Rien ne peut empêcher le président de la juridiction de faire procéder à tous les actes d'instruction qu'il estime utile d'organiser à l'audience.
Je note d'ailleurs, pour dissiper tout malentendu, que ce visionnage ne peut pas non plus dispenser la juridiction d'entendre la victime au cours du débat, dans la mesure où le prévenu et l'accusé sont en droit de lui poser des questions par l'intermédiaire du tribunal et de la cour.
De toute façon, il ne s'agit là que d'une faculté, et je doute que ce visionnage soit opéré systématiquement à l'avenir. Je fais confiance aux juridictions pour n'y recourir qu'avec prudence.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 26, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la seconde phrase du septième alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 à insérer dans le code de procédure pénale : « La copie de ce dernier peut toutefois être visionnée ou écoutée par les parties, les avocats ou les experts, en présence du juge d'instruction ou d'un greffier ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. J'espère que cet amendement mettra un peu de baume au coeur de Mme le garde des sceaux puisque nous apportons une précision concernant la préservation de la confidentialité de la consultation de l'enregistrement.
Le texte de l'amendement précise que cette consultation, qu'elle soit le fait des parties, des experts ou des avocats, s'effectuera en présence d'un juge d'instruction ou d'un greffier.
La consultation de l'enregistrement ne se fera pas dans un champ clos, secret ; pour éviter tout risque de dérives, nous prévoyons la présence d'un greffier ou d'un juge d'instruction lors de celle-ci.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement.
Je considère que l'on formalise trop les conditions dans lesquelles pourront être opérés ces visionnages ou écoutés les enregistrements durant la procédure.
La rédaction de l'Assemblée nationale me paraît plus satisfaisante en ce qu'elle aménage une certaine souplesse dans la consultation.
Je puis en tout cas vous assurer, monsieur le rapporteur, que tout sera mis en oeuvre pour que les conditions optimales de confidentialité et de sécurité soient assurées dans l'enceinte des palais de justice.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 27, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 à insérer dans le code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Evidemment, l'Assemblée nationale ne nous a pas suivis et nous revenons sur ce problème, qui nous avait paru très important lors de la première lecture.
Nous demandons la destruction de l'enregistrement a l'expiration d'un délai de cinq ans, pour éviter que la cassette ne puisse être volée ou égarée. La destruction de la cassette au bout de cinq ans constitue une protection très importante pour tout le monde.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai déjà eu l'occasion de dire que j'étais favorable au principe de la destruction des enregistrements.
Je m'interroge cependant sur les modalités de cette destruction et notamment sur le point de départ du délai, qui ne me paraît pas suffisamment précis dans la rédaction actuelle.
Il m'aurait paru plus adéquat de faire référence à la décision par laquelle l'affaire est juridiquement considérée comme définitivement terminée, qu'il s'agisse, par exemple, de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence pour reprendre des formules figurant déjà dans le code de procédure pénale.
C'est la raison pour laquelle, sur cet amendement, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 706-53 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 706-54 ET 706-55
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 706-54 et 706-55 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19 bis



M. le président.
« Art. 19 bis. _ Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale, après les mots : "réductions de peines", sont insérés les mots : "n'entraînant pas de libération immédiate." »
Par amendement n° 28, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 19 bis impose une expertise des délinquants sexuels préalablement à l'octroi d'une réduction de peine qui conduirait à une libération immédiate. C'est un dispositif très coûteux - puisqu'il vise 2 000 à 3 000 expertises par an en France - pour peu de chose.
Pourquoi pour peu de chose ? Parce que cela ne jouera, par hypothèse, qu'à la fin de la détention. Dès lors, même négative, l'expertise ne fera que retarder de quelques mois la sortie de prison puisque le condamné aura purgé sa peine.
En outre, une expertise est déjà envisagée si le délinquant est condamné à une obligation de soins - c'est le futur article 763-6 du code de procédure pénale qui est prévu par l'article 5 du projet de loi.
Ces 2 000 à 3 000 expertises supplémentaires par an ne serviront pas à grand-chose puisque, à la fin de sa peine, le délinquant condamné à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins fera obligatoirement l'objet d'une expertise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 bis est supprimé.

Articles 24 et 30 bis



M. le président.
« Art. 24. _ Les documents mentionnés à l'article 22, reproduisant des oeuvres cinématographiques auxquelles s'appliquent les articles 11 et 12 de la loi de finances pour 1976 (n° 75-1278 du 30 décembre 1975), sont soumis de plein droit à l'interdiction prévue au 1° dudit article.
« L'autorité administrative peut, en outre, prononcer à l'égard de ces documents, après avis de la commission mentionnée à l'article 23, l'interdiction prévue au 2° de l'article 22.
« L'éditeur ou le producteur ou l'importateur ou le distributeur chargé de la diffusion en France du support soumis à l'interdiction de plein droit prévue au premier alinéa peut demander à en être relevé. L'autorité administrative se prononce après avis de la commission mentionnée à l'article 23. » - (Adopté.).
« Art. 30 bis. _ I. _ Non modifié .
« I bis A. _ Le dernier alinéa de l'article 736 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas au suivi socio-judiciaire prévu à l'article 131-36-1 du code pénal ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. »
« Le dernier alinéa de l'article 746 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. »
« I bis et II. _ Non modifiés . » - (Adopté.)

Article 31 bis



M. le président.
« Art. 31 bis. _ Il est inséré, après l'article 388-2 du code civil, un article 388-3 ainsi rédigé :
« Art. 388-3 . _ Lorsque le dommage est causé par des tortures et des actes de barbarie, des violences ou des atteintes sexuelles commises contre un mineur, il est tenu compte de l'âge de celui-ci pour évaluer la gravité du préjudice subi et fixer sa réparation. »
Par amendement n° 29, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement traduit un souci constant de la commission des lois lorsqu'il s'agit de rédiger nos codes.
La commission souhaite supprimer une précision qui va sans dire, selon laquelle il est tenu compte de l'âge du mineur pour évaluer son préjudice et fixer sa réparation civile.
Cette adjonction est inutile ; elle est même un peu inquiétante, car elle semble vouloir dire que ce ne serait le cas que dans certaines hypothèses, celles qui sont visées par le texte, que l'on tiendrait compte de l'âge de la victime. Or, dans tous les cas, il faut tenir compte des circonstances particulières, et notamment de l'âge, conformément aux principes généraux de l'évaluation des préjudices en France.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 31 bis est supprimé.

Article 31 quater



M. le président.
« Art. 31 quater . _ Il est inséré, après le sixième alinéa (c) de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :
« Les trois derniers alinéas (a, b et c) qui précèdent ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission.
L'amendement n° 35 est déposé par MM. Dreyfus-Schmidt, Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent, au début du texte proposé par cet article pour l'alinéa à insérer après le sixième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à remplacer les mots : « Les trois derniers alinéas ( a, b et c ) », par les mots : « Les deux alinéas ( a et b ). »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit là d'une disposition très intéressante, mais très dangereuse, qui a été introduite par l'Assemblée nationale. Elle tendrait à admettre que, lorsqu'un délit sexuel a été amnistié, on pourrait, pour procéder à la démonstration de la vérité du fait diffamatoire, invoquer le délit amnistié.
On imagine bien que cela peut complètement pervertir la notion d'amnistie si, plusieurs décennies après, à l'occasion d'un texte imprudent, un journaliste peut démontrer et appuyer sa démonstration sur un fait qui a été amnistié.
Déjà, vous avez pris la décision, que je respecte puisque c'est la vôtre, de prolonger la durée de l'amnistie ; cette disposition a été votée. Mais permettre qu'en n'importe quelle occasion on puisse, pour démontrer la vérité du fait diffamatoire, invoquer un fait amnistié, me paraît une chose extrêmement dangereuse.
C'est pourquoi nous proposons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 35.
M. Guy Allouche. L'article 31 quater modifie l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cet article, dans sa rédaction actuelle, interdit de prouver la vérité des faits diffamatoires dans trois séries d'hypothèses : premièrement, lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne ; deuxièmement, quand l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ; troisièmement, dès lors que l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction constituée ou prescrite ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.
L'article 31 quater prévoit que ces trois séries d'interdictions ne s'appliquent pas lorsque les faits diffamatoires constituent des aggressions ou des atteintes sexuelles commises sur un mineur.
En première lecture, le Sénat avait retenu notre amendement et admis cette possibilité pour le premièrement et pour le deuxièmement, mais pas pour le troisièmement. L'Assemblée nationale ne nous a pas suivis.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de revenir au texte adopté par la Haute Assemblée en première lecture. En effet, il nous paraît contraire à la philosophie même de la prescription de l'amnistie et de la réhabilitation que des faits prescrits, amnistiés, effacés ou pour lesquels la personne a été réhabilitée, puissent être publiquement diffamés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 30 et 35 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis défavorable à ces amendements, même si je comprends la préoccupation de leurs auteurs, et je pense que, en ce qui concerne la prescription, il faut modifier la loi du 29 juillet 1881.
La disposition prévue à l'article 31 quater rejoint l'idée force du projet de loi, qui vise à tout mettre en oeuvre pour favoriser la parole de la victime même si une poursuite pénale est par ailleurs impossible.
Il s'agit, en réalité, non pas de transgresser une règle fondamentale de notre procédure pénale, mais de permettre à une victime d'infraction sexuelle elle-même poursuivie en diffamation par l'auteur des faits de se défendre en prouvant la réalité de ses dires.
Que se passera-t-il si vous n'admettez pas que la victime qui aurait seulement entendu obtenir une réparation civile prouve la réalité de faits couverts ? La victime sera elle-même condamnée pour diffamation.
Le résultat de cette disposition est bien celui que toutes les victimes craignent de se voir appliquer un jour à elles-mêmes. La pratique judiciaire connaît malheureusement cette hypothèse révélatrice de ce que, dans les cas d'infraction sexuelle par ascendant ou par personne ayant autorité plus qu'en tout autre matière, la menace de poursuite en diffamation est bien un extraordinaire moyen de pression à la disposition des agresseurs.
C'est par conséquent cette menace-là qu'il faut permettre de conjurer en augmentant le délai de prescription de la loi de 1881, qui doit permettre à la victime de prouver les faits pour lesquels elle demande réparation.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 30 et 35, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 31 quater , ainsi modifié.

(L'article 31 quater est adopté.)

Article 32 bis



M. le président.
« Art. 32 bis. _ L'article L. 348-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 348-1 . _ Il ne peut être mis fin à l'hospitalisation d'office intervenue en application de l'article L. 348 que sur l'avis conforme d'une commission composée de deux psychiatres, dont un n'appartenant pas à l'établissement, et d'un magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'établissement est situé.
« Cette commission entend l'intéressé ou son représentant, assisté, s'il le souhaite, d'un avocat, ainsi que le médecin traitant.
« Elle fait procéder à toutes expertises qu'elle juge nécessaires.
« Ses délibérations sont secrètes.
« Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux personnes reconnues pénalement non responsables en application de l'article 64 du code pénal dans sa rédaction antérieure aux lois n°s 92-683 à 92-686 du 22 juillet 1992. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 31 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission.
L'amendement n° 36 est déposé par MM. Dreyfus-Schmidt, Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 31.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'article 32 bis, qui réécrit l'article L. 348-1 du code de la santé publique relatif aux conditions de sortie de l'établissement psychiatrique dans lequel a été interné d'office l'auteur d'une infraction ayant bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement pour démence.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 348-1 subordonne la sortie à la décision conforme de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et jugeant de manière concordante que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui. Vous comprendrez certainement très bien, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles il faut que ces deux psychiatres soient extérieurs à l'établissement. En effet, les médecins qui appartiennent à l'établissement peuvent avoir, en raison de l'habitude ou de l'accoutumance, une opinion légèrement biaisée.
L'Assemblée nationale a souhaité substituer à cette procédure l'exigence d'un avis conforme d'une commission composée de deux psychiatres et d'un magistrat.
Je ferai remarquer, au nom de la commission des lois, que cette question déborde largement le champ du projet de loi, car elle concerne non pas, loin de là, les seuls délinquants sexuels, mais tous les délinquants que l'on reconnaît inaccessibles aux poursuites en raison de leur état de démence. Or ils sont reconnus comme tels à la suite d'un rapport de psychiatres, et si on les fait sortir, cela ne peut être, dans la logique des choses et par parallélisme des formes, que suite à l'avis d'autres psychiatres.
En tout état de cause, il ne paraît pas souhaitable de modifier ce mécanisme dans le cadre du présent projet de loi. C'est un autre débat, un débat beaucoup plus large ; or, ce projet de loi est très ciblé.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Guy Allouche. L'article 32 bis a pour objet de réécrire l'article L. 348-1 du code de la santé publique, concernant les conditions de sortie d'un établissement psychiatrique d'une personne déclarée pénalement irresponsable. Il subordonne cette sortie à la décision conforme de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement qui affirment que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour les autres, ni pour lui-même.
A cette procédure, l'Assemblée nationale a substitué l'avis conforme d'une commission composée de deux médecins, dont un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement, et d'un magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle se situe l'établissement.
Sur notre initiative et sur celle du rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Bimbenet, le Sénat, en première lecture, avait supprimé cet article maintenant la procédure actuelle.
L'Assemblée nationale, sous réserve d'une modification - deux psychiatres, au lieu d'un psychiatre et d'un médecin - est revenue à son texte de première lecture.
Nous proposons donc, comme la commission, un amendement tendant à supprimer cet article.
En effet, la question de savoir si une personne qui a commis un crime ou un délit, mais qui était irresponsable, n'est plus dangereuse ne peut être tranchée que par les médecins psychiatres. Un magistrat intervient, le procureur de la République, qui arrête la liste des médecins fiables et sérieux. Il n'y a pas lieu d'en ajouter un autre et, de surcroît, avec voix prépondérante, alors qu'il n'a aucune qualité pour juger si un individu, qui était un malade mental, est encore dangereux ou non.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 31 et 36 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il est favorable, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 31 et 36, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 32 bis est supprimé.

Article 33 bis



M. le président.
« Art. 33 bis . _ Les dispositions des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant des articles 18 bis et 18 ter de la présente loi, sont applicables aux infractions non encore prescrites lors de l'entrée en vigueur de la présente loi. » - (Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Eckenspieller pour explication de vote.
M. Daniel Eckenspieller. Votre prédécesseur, M. Jacques Toubon - vous me permettrez de le rappeler, madame la ministre - avait déposé, dans un contexte chargé d'émotion dont chacun se souvient, un projet de loi renforçant la prévention et la répression des infractions sexuelles.
Depuis, d'autres affaires ont eu lieu, toutes aussi dramatiques, toutes aussi scandaleuses, toutes aussi odieuses pour les victimes et leur famille.
La réalité de cette violence s'incarne dans des chiffres qui traduisent l'ampleur du problème.
Le texte que vous nous avez présenté, dont nous achevons aujourd'hui l'examen en deuxième lecture et qui s'inspire du précédent projet de loi, recueille notre approbation sur les trois objectifs principaux qu'il se fixe.
D'abord, il crée une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, encourue par les auteurs d'infractions sexuelles, qui pourrait s'accompagner d'une injonction de soins soumise à l'approbation de l'intéressé.
Certes, nous aurions préféré, dans un domaine aussi grave, que l'injonction de soins soit une obligation, mais nous mesurons les obstacles auxquels se heurterait une telle mesure.
Ensuite, le présent texte permet le renforcement de la répression des atteintes sur les mineurs. Enfin, il prévoit la mise en place d'un statut permettant une meilleure défense du mineur dans le cadre d'une procédure pénale.
Notre Haute Assemblée, grâce aux propositions de son rapporteur, a renforcé l'efficacité du dispositif adopté par l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi répond à une double exigence qui nous rassemble quelle que soit la partie de l'hémicycle où nous siégeons : respecter les enfants et les protéger contre l'inexcusable violence de certains adultes et respecter les adultes qui, parce qu'ils se trouvent en situation d'infériorité, devraient, contre leur gré, se plier à la volonté malsaine d'autrui.
Le groupe du Rassemblement pour la République adoptera donc ce projet de loi tel qu'il résulte des débats de ce jour.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Le groupe du RDSE, dont on connaît la diversité, votera à l'unanimité ce texte.
Toutefois, sa diversité réapparaît un moment, car si la majorité du groupe se rallie sans difficulté aux positions de la commission, la minorité, que je représente, éprouve quelques regrets que j'énumérerai brièvement.
Je regrette d'abord que ni la commission ni le Sénat n'aient retenu une définition plus précise du harcèlement sexuel.
Je regrette ensuite que le délit de bizutage n'ait pas été retenu. Son rétablissement par l'Assemblée nationale serait une bonne chose.
Je regrette aussi - je ne suis pas certaine qu'une discussion au fond se soit engagée au sein de la commission - qu'on ait refusé d'étendre le délai de prescription pour les dépôts de plaintes en cas de délits d'ordre sexuel, notamment dans le cadre très précis que Mme la ministre a rappelé tout à l'heure.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cette disposition a été votée par l'Assemblée nationale, qui a adopté une position contraire à celle de la commission des lois du Sénat sur ce point !
Mme Joëlle Dusseau. Veuillez m'en excuser, monsieur le rapporteur, ce point m'avait échappé. Mais je me réjouis bien évidemment de ce vote.
Je veux également dire à quel point j'ai été sensible aux inquiétudes que la commission a exprimées concernant les enregistrements des auditions des victimes mineures et leur utilisation. Je ne suis pas sûre que l'on ait réellement pesé les conséquences extrêmement dangereuses de l'utilisation de ces enregistrements devant une juridiction. Il conviendrait d'affiner nos réflexions sur ce point.
Globalement, je veux saluer la libération de la parole des victimes que permet le projet de loi.
Je veux aussi saluer la prise de conscience collective plus grande d'un phénomène qui, jusqu'à ces dernières années, étaient tu, considéré comme honteux, caché et dont les adultes n'avaient souvent même pas conscience.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Madame le garde des sceaux, après M. Jacques Toubon, comme M. Eckenspieller l'a rappelé, vous avez déposé un projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. Nous estimons que ce texte est bon dans l'ensemble.
Nous remercions M. le rapporteur de lui avoir apporté des amendements qui, à notre avis, l'améliorent et le clarifient grandement.
Mais je regrette que, l'un et l'autre, vous ayez exprimé un avis défavorable sur l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter. Nous en comprenons cependant les raisons, madame le ministre, et nous avons pris note de vos assurances : les associations familiales pourront ester en justice sans aucune restriction dès lors qu'il s'agira d'un délit sexuel et d'outrage à mineur.
Le texte tel qu'il ressort de nos travaux me semble présenter trois orientations principales : tout d'abord la création d'une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, ensuite le renforcement de la répression des atteintes sur les mineurs et, enfin, la mise en place d'un statut du mineur victime destiné à renforcer la défense de ses intérêts à l'occasion d'une procédure pénale plus humaine, avec, notamment, l'enregistrement de l'audition du mineur victime, dans le but d'éviter la multiplication de dépositions toujours très traumatisantes.
Dans ces conditions, ainsi que je l'ai annoncé, le texte qui ressort des travaux du Sénat nous paraît satisfaisant de ce côté-ci de l'hémicycle (L'orateur désigne la droite de l'hémicycle) et les sénateurs non inscrits, notamment, le voteront bien volontiers.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

9

NOMINATION D'UN MEMBRE
DE LA DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. J'informe le Sénat que la candidature présentée par le groupe socialiste à la délégation du Sénat pour l'Union européenne a été affichée et n'a fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Bernard Angels membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

10

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales en remplacement de M. Serge Mathieu, démissionnaire.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Louis Grillot membre de la commission des affaires sociales en remplacement de M. Serge Mathieu, démissionnaire.

11

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 363, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales.

12

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Derian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès une proposition de loi relative à la célébration de l'abolition de l'esclavage en France métropolitaine.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 361, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur EURO 1999, 25 mars 1998. Rapport sur l'état de la convergence et recommandation associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (partie 1 : recommandation ; partie 2 : rapport) (n° E-1045).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 362, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

14

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : recommandations de décisions du Conseil abrogeant les décisions constatant l'existence d'un déficit excessif en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie, en Autriche, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni (application de l'article 104 C, paragraphe 12, du traité instituant la Communauté européenne).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1046 et distribuée.

15

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée au mercredi 1er avril 1998, à seize heures :
Discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 324, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile.
Rapport (n° 359, 1997-1998) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délais limites
pour le dépôt des amendements

Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (n° 236, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : le mercredi 1er avril 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural (n° 397, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : le mercredi 1er avril 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON






Ordre du jour des prochaines séances du Sénat établi par le Sénat dans sa séance du mardi 31 mars 1998 à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 1er avril 1998, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs (n° 234, 1997-1998).
2° Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (n° 324, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 31 mars 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)

Jeudi 2 avril 1998 :

A 9 h 30 et, éventuellement, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (n° 236, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Projet de loi relatif à la partie Législative du livre VII (nouveau) du code rural (n° 397, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)

Mardi 7 avril 1998 :

A 9 h 30 :
1° Quatorze questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 1 de M. Jean-Paul Delevoye à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Avenir des écoles privées sous contrat d'ingénieurs en agriculture) ;

- n° 109 de M. Ivan Renar à Mme la ministre de la culture et de la communication (Situation fiscale des structures culturelles) ;

- n° 189 de M. Jean-Jacques Robert transmise à M. le secrétaire d'Etat à la santé (Octroi d'une indemnité de résidence aux agents hospitaliers de l'hôpital de l'Assistance publique Georges-Clemenceau de Champcueil, Essonne) ;

- n° 192 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme la ministre de la culture et de la communication (Droit de prêt à la charge des bibliothèques) ;

- n° 194 de M. Alfred Foy à M. le ministre de l'intérieur (Sous-effectif de fonctionnaires de police dans le département du Nord) ;

- n° 204 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Réforme de l'organisation commune du marché du vin) ;

- n° 205 de M. Bernard Fournier à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité (Conditions d'hébergement des handicapés dans des familles d'accueil) ;

- n° 208 de M. Philippe Arnaud à Mme la ministre de la culture et de la communication (Participation de l'Etat au financement de l'Ecole supérieure de l'image) ;

- n° 212 de Mme Nicole Borvo à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité (Vente de l'ancien siège de la CPAM de Paris) ;

- n° 214 de Mme Janine Bardou transmise à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Agrément sanitaire des établissements de production fermière de moyenne montagne) ;

- n° 218 de M. Jean-Claude Peyronnet à Mme la ministre de la culture et de la communication (Droit de prêt dans les bibliothèques publiques) ;

- n° 220 de M. Victor Reux à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Recherche et exploitation des gisements sous-marins à proximité de Saint-Pierre-et-Miquelon).

- n° 223 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Pêche au mérou) ;

- n° 224 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Difficultés du collège Victor-Hugo de Noisy-le-Grand).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (n° 302, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 avril 1998.)

Mercredi 8 avril 1998 :

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Nomination d'un membre de la délégation de la planification, en remplacement de M. Bernard Barbier et d'un membre de la délégation pour l'Union européenne, en remplacement de M. Pierre Lagourgue.

Ordre du jour prioritaire

2° Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (AN, n° 765).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 7 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 7 avril 1998.)
Jeudi 9 avril 1998 :
A 10 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse (n° 341, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 8 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant extension partielle et adaptation du code minier aux départements d'outre-mer (n° 296, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 8 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
A 15 heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
4° Question orale avec débat n° 5 de M. Christian Poncelet à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les incertitudes liées au financement de la liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 8 avril 1998.)

Mardi 21 avril 1998,
à 16 heures :
1° Eloge funèbre de M. Maurice Schumann.

Ordre du jour prioritaire

2° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux (n° 360, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n° 336, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
4° Troisième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 (n° 208, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi organique.)

Mercredi 22 avril 1998 :

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au système européen de banques centrales (urgence déclarée).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 21 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 21 avril 1998.)

Jeudi 23 avril 1998 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste et apparentés tendant à compléter l'article L. 30 du code électoral relatif à l'inscription sur les listes électorales en dehors des périodes de révision (n° 311, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Guy Allouche, Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés tendant à préciser le mode de calcul de la durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de procédure pénale (n° 312, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
3° Question orale avec débat n° 2 de M. André Gouteyron à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'Accord multilatéral sur l'investissement.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 avril 1998.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

5° Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
6° Eventuellement, résolution de la commission des finances sur la Monnaie unique européenne.
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 22 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 avril 1998.)

Mardi 28 avril 1998 :

A 9 h 30 :
1° Questions orales sans débat.
A 16 heures :
2° Hommage solennel à Victor Schoelcher.
(A la suite de M. René Monory, président du Sénat, pourront intervenir M. Gérard Larcher, président du comité de parrainage de la commémoration [dix minutes], un orateur pour chaque groupe et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe [dix minutes] et le représentant du Gouvernement.
A l'issue de la séance, la plaque commémorative à la mémoire du président Gaston Monnerville sera dévoilée dans l'hémicycle.)

Mercredi 29 avril 1998 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant à l'enfant orphelin de participer au conseil de famille (n° 99, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données (n° 344, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (n° 343, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
4° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural (n° 332, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au système européen de banques centrales.
Par ailleurs, les éloges funèbres de Pierre Lagourgue et Bernard Barbier seront prononcés respectivement les mardis 5 et 26 mai 1998.

A N N E X E
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
du mardi 7 avril 1998

N° 1. - M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le devenir des écoles privées sous contrat d'ingénieurs en agriculture. Ces établissements dispensent un enseignement reconnu et de haut niveau et forment des spécialistes indispensables à une agriculture moderne et compétitive. A ce titre, et depuis 1984, ils sont détenteurs d'une mission de service public dans le cadre de l'enseignement supérieur. Le coût moyen annuel de formation d'un étudiant s'élève à 43 000 F, soit la moitié du coût constaté dans les établissements publics. Ce montant a d'ailleurs été reconnu par le ministère de l'agriculture comme un besoin incompressible de ces écoles au titre de leur fonctionnement. Malgré des négociations ininterrompues, la période du second contrat quinquennal (1993-1997) n'a pas permis le déblocage du dossier du financement des écoles privées d'ingénieurs en agriculture, à tel point que leur avenir n'est plus assuré. Pourtant, l'effort demandé à l'Etat est de l'ordre de 50 millions de francs, alors même que la formation des élèves dans les écoles publiques coûterait 200 millions de francs. Pire, un reliquat de crédits dus à ces établissements de 7,4 millions de francs, qui pourrait utilement être versé en 1997, reste bloqué. L'année 1998 sera la première du nouveau contrat quinquennal (1998-2002) et il est indispensable qu'une solution pérenne soit trouvée avant cette échéance pluriannuelle. Il souhaite que M. le ministre puisse s'engager sur cette base et lui indiquer l'état actuel d'évolution du dossier.
N° 109. - M. Ivan Renar constate qu'un nombre de plus en plus élevé de structures culturelles est confronté à des contrôles et à des redressements fiscaux. Les services du Trésor assimilent en effet l'activité culturelle, la création et la diffusion à des opérations commerciales. De fait, les structures se trouvent assujetties aux différentes taxes et impôts commerciaux. Une telle situation est grave à double titre. D'abord d'un point de vue général parce qu'elle réduit la culture à un service lucratif et commercial. En second lieu parce que les structures concernées ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour faire face aux redressements parfois importants qui leur sont imposés. En conséquence, il demande à Mme le ministre de la culture et de la communication de bien vouloir lui donner sa position sur ces questions et de lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour régler cette ambiguïté.
N° 189. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'inégalité de traitement subie par les personnels hospitaliers de l'hôpital Georges-Clemenceau de Champcueil, qui ne perçoivent aucune indemnité de résidence, bien qu'agents de l'Assistance publique de Paris. La réglementation sur l'indemnité de résidence (article 9 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié) fixe le taux de cette indemnité en fonction des zones territoriales d'abattement de salaires, déterminées par l'article 3 du décret du 30 octobre 1962. Ce sont des dispositions fort anciennes qui ont pour conséquence d'exclure injustement le personnel de cet hôpital de la zone ouvrant droit au versement de l'indemnité de résidence : la commune de Champcueil est classée dans la zone 3, au taux de 0 % de l'indemnité de résidence. Tenant compte de l'évolution démographique dans ces zones, la circulaire interministérielle, intervenue en 1991, a permis le reclassement de certains personnels. Dans un esprit de compromis face à la réalité sur le terrain, pourquoi ne pas prévoir aussi l'indemnité de résidence dont ces agents ne peuvent pas bénéficier, exerçant à moins d'un kilomètre de la zone favorable ? Il lui demande de bien vouloir répondre à cette demande de simple justice entre les personnels de l'Assistance publique, alignant l'indemnité de résidence des agents de l'hôpital de Champcueil sur celle de leurs collègues, soumis aux mêmes réalités économiques. (Question transmise à M. le secrétaire d'Etat à la santé. )
N° 192. - M. Jean-Louis Lorrain attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences pour les bibliothèques publiques de l'application de la directive européenne 92/100/CEE du 19 novembre 1992. Cette directive, qui vise la protection des droits d'auteur, demande aux bibliothèques publiques de payer un droit de prêt et seuls certains établissements peuvent être exemptés dudit paiement par les Etats membres. La France n'a pas appliqué ce droit de prêt dans la mesure où le Centre national du livre, fondé en 1946, aide les auteurs et les éditeurs. De plus, la loi du 11 mars 1957 protège les droits d'auteur par rapport à l'éditeur et à la diffusion de ses oeuvres. Afin d'éviter l'alourdissement des charges des municipalités qui participent majoritairement aux frais de fonctionnement des bibliothèques, serait-il possible que le ministère de la culture adopte la dérogation prévue à l'article 5 de la directive européenne, pour les documents imprimés, prêtés ou consultés sur place dans les bibliothèques publiques ? Ces dernières verraient, par l'application d'un droit de prêt, leur budget d'achat de livres grevé par cette nouvelle contrainte. En outre, du fait de leur développement récent, les bibliothèques ne disposent pas encore toutes d'un service de lecture et de documentation.
N° 194. - M. Alfred Foy appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des effectifs de police dans le département du Nord. Celui-ci a un ratio police-population moins élevé que la moyenne nationale. En effet, il compte un fonctionnaire de police pour 477 habitants du Nord résidant en zone étatisée alors qu'on en dénombre un pour 435 habitants sur le plan national. Cette réalité est pour le moins paradoxale dans la mesure où le Nord est le premier département pour le nombre de délits et de crimes. Il concentre à lui seul 10 % des délits nationaux dus à la drogue. L'année 1997 aura été marquée, d'ailleurs, par une augmentation de 1,6 % de la délinquance générale par rapport à 1996. Certes, des efforts ont été accomplis entre janvier 1993 et janvier 1998. Les effectifs ont ainsi augmenté durant cette période de 194 fonctionnaires et de 117 policiers auxiliaires auxquels s'ajoutent des adjoints de sécurité recrutés depuis novembre 1997. Il est prévu l'affectation de 546 adjoints de sécurité pour 1998, dont une grande partie sera plus spécifiquement chargée de la surveillance des transports en commun de l'agglomération lilloise. Il n'en reste pas moins que ces efforts restent insuffisants pour deux raisons. La première est liée au fait que la mission des adjoints de sécurité ne peut se comparer à celle des fonctionnaires de police disposant d'une formation et de pouvoirs différents. La seconde voit l'augmentation des effectifs profiter essentiellement aux circonscriptions de Lille-Roubaix-Tourcoing-Armentières, qui doivent faire face, il est vrai, à une forte délinquance. Cette hausse des effectifs en fonctionnaires de police doit être poursuivie, non seulement en faveur du district de Lille, mais aussi des autres districts du département, car on constate un glissement de la délinquance de l'agglomération lilloise vers les autres secteurs, notamment celui de Flandre-Lys. Certaines circonscriptions sont largement en état de sous-effectif. A titre d'exemple, la circonscription d'Hazebrouck dispose d'un policier pour 571 habitants, ce qui la situe nettement en dessous de la moyenne départementale. Il est donc important de pallier l'insuffisance du nombre de policiers. La solution consisterait, d'une part, à effectuer un redéploiement massif des forces de police en fonction d'une géographie prioritaire (solution préconisée par le député-maire d'Epinay-sur-Seine, dans son rapport du mois de septembre 1997), au rang de laquelle le Nord doit figurer en première place, et, de l'autre, à affecter massivement dans ce département de jeunes gardiens de la paix sortis des écoles de police nationale.
N° 204. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le projet de réforme de l'organisation commune du marché du vin (OCM), qui devrait être, enfin, présenté par la Commission de l'Union européenne. Contrairement aux précédentes propositions (1994-1995), il semblerait que les nouvelles orientations sur lesquelles travaille, aujourd'hui, la commission de Bruxelles seraient fondamentalement différentes. C'est pourquoi, tout en réaffirmant que cette réforme de l'OCM doit offrir de réelles perspectives d'avenir à un secteur particulièrement important sur le plan économique, social, environnemental et même culturel, il lui demande s'il est en mesure de faire un point précis, sur l'état d'avancement de ce dossier, sur les positions du Gouvernement français concernant les grandes questions telles que : la nécessité du maintien et du développement du potentiel de production, avec accélération de la rénovation du vignoble et l'octroi d'un nouveau contingent de plantations nouvelles ; mais, également, la mise en place de moyens nécessaires en vue de promouvoir l'organisation économique des filières viticoles, de mieux affronter la concurrence mondiale, et aider à l'installation des jeunes et à la cession des terres pour les viticulteurs âgés ; et enfin la prise en compte des marchés autres que le vin (brandy et alcools de bouche) et la nécessaire harmonisation des réglementations nationales en matière de publicité pour les boissons alcooliques.
N° 205. - M. Bernard Fournier attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des personnes handicapées non visées par l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale et ne bénéficiant pas de l'allocation compensatrice. Ces personnes supportent les charges relatives à leur logement et doivent, au surplus, rémunérer la famille accueillante. Dans la réponse à la question écrite n° 4454 à l'Assemblée nationale, il a été précisé qu'il est possible d'ouvrir une exonération des charges sociales et patronales à l'ensemble des personnes hébergées à titre onéreux dans les familles d'accueil. Cependant, aucune indication de délais n'était portée et la situation de ces personnes est souvent précaire, aussi il souhaite connaître l'état d'avancement de la réflexion ministérielle. D'autre part, aucun contrat de travail n'existe entre la famille d'accueil et la personne accueillie. La rémunération se base sur un minimum garanti. La dignité des handicapés et des familles d'accueil commande qu'il soit établi un véritable contrat de travail avec une base de rémunération autre que ce minimum garanti et le versement annuel d'une indemnité de congés payés. Ces dispositions permettraient la création d'un statut de la famille d'accueil qui, s'entendant avec une revalorisation des revenus de la personne handicapée, tendrait à renforcer cette indispensable dignité de la personne handicapée et de ses accueillants. Aussi, il lui demande si elle envisage la révision de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 et de quelle façon.
N° 208. - M. Philippe Arnaud rappelle à Mme le ministre de la culture et de la communication que le Journal officiel du 17 janvier dernier comportait un arrêté portant annulation de crédits en vue de financer le fonds d'urgence sociale d'un milliard de francs en faveur des chômeurs annoncée par le Premier ministre. Parmi des annulations de crédits figurent 60 millions de francs de crédits de paiement au titre du ministère de la culture, dont 21 150 000 francs pour les interventions culturelles déconcentrées. Parmi les actions conduites en partenariat avec les collectivités territoriales figurent notamment l'Ecole européenne supérieure des arts et technologies de l'image en Poitou-Charentes (Poitiers et Angoulême) inscrite au contrat de plan Etat-région. Une convention a été signée avec le ministre de la culture en date du 5 mai 1995. Cette convention prévoit l'augmentation de la dotation Etat pour la prise en charge du corps enseignant de l'école qui vient, avec l'accord de l'inspection générale du ministère, de se doter d'enseignants spécialistes des nouvelles technologies de l'image. C'est donc un crédit de 8 074 000 francs qui est attendu de l'Etat en 1998, inférieur à ce que prévoyait la convention, mais en augmentation d'un million de francs par rapport à 1997. Le directeur régional des affaires culturelles a été chargé de préparer l'avenant n° 98 à la convention. Il la remercie donc de bien vouloir lui préciser si la DRAC Poitou-Charentes disposera des moyens financiers nécessaires pour satisfaire les engagements de l'Etat car, si tel n'était pas le cas, outre le fait qu'un désengagement remettrait en cause l'école supérieure de l'image inscrite de façon cohérente dans le développement de Poitou-Charentes, les enseignants qui viennent d'être recrutés ne pourraient être payés.
N° 212. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le devenir de l'ancien siège de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, rue de Dunkerque (9e), qui devrait être vendu à un promoteur privé : Paris Ouest Immobilier. Ce dernier acquerrait ce bien pour la somme de 28,1 millions de francs, soit 2 341 francs le mètre carré. Les services des domaines, pour leur part, en ont fixé la valeur vénale à 63,5 millions de francs. Dans ces conditions, cette vente ouvrirait la voie à une opération spéculative, alors que Paris souffre d'un manque important de logements sociaux et d'équipements publics. Pourtant des alternatives existent. Ainsi la SAGI avait fait une offre d'achat de 27 millions de francs, soit un million seulement de moins que Paris Ouest Immobilier, le centre hospitalier Maison-Blanche se proposant, quant à lui, d'acquérir l'immeuble pour 28 millions de francs, soit 100 000 francs de moins que le promoteur retenu. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'elle compte entreprendre pour refuser cette cession comme elle en a le pouvoir.
N° 214. - Mme Janine Bardou attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur l'ensemble des difficultés que rencontrent, pour l'obtention et le renouvellement des agréments sanitaires européens, les établissements de production fermière et d'agro-tourisme de moyenne montagne tels que ceux de la Lozère. L'application de la réglementation en matière de protection des captages (analyses d'eau, expertise par un hydrogéologue, mise en place de périmètres de protection, travaux) se heurte à des difficultés de plusieurs ordres : juridique, car l'agriculteur n'a généralement pas la maîtrise foncière des terrains jouxtant le captage, voire du captage lui-même ; technique, du fait de la difficulté à réaliser certains travaux sur les ouvrages dans des reliefs difficiles ; mais aussi financier, puisque les dépenses relatives aux études et travaux sont élevées au regard des revenus dégagés. Ces difficultés risquent de décourager bon nombre de producteurs et d'aboutir, ainsi, à la désertification des zones concernées et à la disparition de productions de qualité appréciées des consommateurs. Sans remettre en cause l'esprit de la mise aux normes, il est essentiel de mettre en oeuvre une procédure simplifiée pour ces captages privés à faible production d'eau. (Question tramsise à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.)
N° 218. - M. Jean-Claude Peyronnet interroge Mme le ministre de la culture et de la communication sur la directive européenne 92/100 du 19 novembre 1992 visant globalement à protéger les droits d'auteur et prévoyant que les bibliothèques doivent s'acquitter d'un droit de prêt. En France, cette directive n'est pas appliquée aux bibliothèques publiques car le Centre national du livre, créé en 1946, aide les auteurs et les éditeurs depuis 1976. Or le président du Syndicat national de l'édition, dans un courrier adressé à l'ensemble des maires de communes de plus de 10 000 habitants, demande que les bibliothèques publiques s'acquittent d'un droit de prêt (le chiffre de 5 F par prêt a été annoncé) ou l'instauration d'un prêt payant pour le lecteur, arguant que le prêt gratuit pénalise la création et l'édition littéraire. Une enquête récente de 1995 faite par l'Observatoire de l'économie du livre démontre qu'il est faux d'affirmer que les bibliothèques font du tort aux auteurs et aux éditeurs, les emprunts de livres ne nuisent pas à l'achat en librairie. Au contraire, les bibliothèques, en développant le goût pour la lecture, suscitent l'envie d'acheter des livres. Instaurer un prêt du livre engendrerait : un coût important pour les bibliothèques (exemple : appliquer à la bibliothèque centrale de prêt du département de la Haute-Vienne qui effectue près de 100 000 prêts d'ouvrages par an un droit de prêt de 5 F représenterait une somme de 500 000 F, soit plus de la moitié de son budget annuel d'achat d'ouvrages) ; une complexité et un surcroît de coût pour les finances locales, vu que les collectivités territoriales assurent majoritairement les frais de fonctionnement des bibliothèques ; irait à l'encontre du développement souhaité des bibliothèques afin d'assurer la présence du livre dans toutes les communes et pour tous. En conséquence, il lui demande quelle position entend adopter le Gouvernement face au droit de prêt réclamé par les éditeurs mais auquel s'opposent les bibliothécaires français, nombre d'élus locaux et à n'en pas douter d'usagers des bibliothèques publiques.
N° 220. - M. Victor Reux rappelle à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie que l'ensemble de la région maritime de l'Atlantique Nord-Ouest voit se préciser depuis plusieurs années sa richesse en gisements sous-marins de pétrole et de gaz dont l'exploitation se poursuit à l'Est des provinces canadiennes de Terre-Neuve et de Nouvelle-Ecosse, c'est-à-dire de part et d'autre de la zone économique exclusive française au Sud de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il souligne que d'énormes enjeux économiques marquent et vont marquer toute cette région géographique durant les trentes années à venir - aux dires des experts - ce qui a conduit trois compagnies pétrolières nord-américaines à se porter candidates auprès du gouvernement français à l'obtention d'un permis de recherche dans notre zone économique. Il précise que le ministère de l'industrie semble privilégier la compagnie Gulf Canada qui bénéficierait d'un permis exclusif de recherche, lequel, compte tenu de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 (art. 26), serait automatiquement générateur d'un droit d'exploitation. Or il semble bien que le Gouvernement n'ait pas entrepris au préalable de négocier avec la société susvisée d'éventuelles contreparties financières et économiques en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon qui se trouve tributaire de la solidarité nationale depuis l'éradication de son industrie traditionnelle de pêche en 1992 et l'arbitrage catastrophique, la même année, de la frontière maritime en ses alentours. Il souligne qu'il imagine mal que, dans une démarche gouvernementale solitaire, sans consultation ni du président du conseil général ni des parlementaires de l'archipel, les intérêts économiques et stratégiques de la France, pour l'avenir, dans cette partie du monde et chez elle à Saint-Pierre-et-Miquelon, puissent n'être pas assurés ni même mentionnés dans cette affaire qui a normalement suscité bien des espoirs dans l'archipel depuis qu'elle s'est précisée. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son sentiment à ce sujet et la manière dont a été reçue par le Gouvernement la proposition en date du 20 mars dernier de création d'une commission préconisée par les représentants de l'archipel, en vue d'une négociation avec la compagnie Gulf Canada, avant toute attribution officielle d'un permis de recherche dans notre zone économique exclusive.
N° 223. - M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions actuelles de la pêche sous-marine plaisancière dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et en particulier de celle du mérou. Espèce protégée, il est capturé tout de même, parce que recherché pour sa chair délicate et donc d'une valeur marchande importante. Il n'y a aucun respect des périodes de reproduction ou de surveillance des jeunes. Cette capture conduit à une concurrence dans sa vente entre les amateurs et les pêcheurs inscrits maritimes. Elle est, en outre, rendue dangereuse par l'utilisation d'une arme (arbalète) qu'elle nécessite. Les réglementations existantes se heurtent à une impossibilité ou un manque de contrôle de leur application. Il lui demande s'il ne devrait pas être envisagé de modifier la législation actuelle de manière à instaurer un permis de pêche sous-marine à l'image du permis de chasse terrestre, avec formation à la sécurité, la technique, la connaissance du milieu marin et des espèces, puis épreuves sur ces formations.
N° 224. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les difficultés rencontrées par le collège Victor-Hugo situé en zone urbaine sensible dans le quartier du Pavé-Neuf, à Noisy-le-Grand. Ce collège avait connu, au mois de décembre 1997, un mouvement de grève spontanée de la part des élèves eux-mêmes, à la suite d'un mauvais reportage télévisé sur leur collège, qui avait été particulièrement mal ressenti. A la suite de cette diffusion, l'inspecteur d'académie de la Seine-Saint-Denis avait demandé au ministère que le classement en ZEP de cet établissement soit obtenu pour la rentrée de septembre, et qu'au moins un professeur spécialisé pour encadrer les emplois-jeunes soit affecté dès le début du mois de janvier 1998. Or ce poste n'a pas été attribué. De plus, le plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis, présenté par le ministre de l'éducation nationale le 2 mars 1998, n'a pas retenu ce collège dans la liste de ceux qui pourront bénéficier de ce classement en zone prioritaire en septembre 1998. Il lui demande s'il peut faire un effort particulier pour augmenter significativement le nombre d'établissements de la Seine-Saint-Denis inscrits en ZEP et pour que, en particulier, le collège Victor-Hugo de Noisy-le-Grand obtienne ce classement dès la rentrée prochaine.

Question orale avec débat inscrite à l'ordre
du jour du jeudi 9 avril 1998

N° 5. - M. Christian Poncelet attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les incertitudes liées au financement de la liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg. Il lui demande notamment pourquoi le Gouvernement a estimé la participation de l'Union européenne à 10 %, alors que la Commission avait décidé dès mai 1997 de ne pas accorder de subvention à cette hauteur. Dès lors se pose la question, si cette participation était limitée à 2 %, de savoir qui financera le différentiel de près de 1,5 milliard de francs. Il lui demande par ailleurs, outre de confirmer l'engagement financier du Grand-Duché de Luxembourg, de lui indiquer quelle est la participation attendue des régions et des autres collectivités locales concernées. Il lui demande de préciser si l'engagement financier de l'Etat, porté de 3,6 à 8 milliards de francs, est ferme ou conditionné aux autres participations. De la même manière, il aimerait connaître la façon dont sera financée cette participation. Il souhaiterait également savoir si le Gouvernement, comme il en a le pouvoir, a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de consentir - sur la section des fonds d'épargne - des prêts à long terme et à taux privilégié pour financer des travaux d'infrastructures de transports. La caisse est, en effet, techniquement prête à assurer ce type de financement long, mais elle s'est vu confier comme seule mission nouvelle celle de financer des projets de restructuration urbaine. Enfin, les travaux d'électrification des lignes vosgiennes faisaient partie intégrante du projet de TGV et ont été déclarées d'utilité publique par l'arrêté du 14 mai 1996. Le protocole relatif aux études d'avant-projet détaillé précise en effet que « les aménagements du réseau existant », lesquels comprennent entre autres l'électrification des lignes vosgiennes, font partie de ces études. Or le communiqué du Gouvernement, semble-t-il en contradiction avec le décret et avec le protocole, renvoie ces investissements connexes aux négociations préparatoires au futur contrat de plan Etat-région. En d'autres termes, les lignes vosgiennes ne feraient plus partie du programme TGV, ce qui serait contraire aux dispositions du décret d'utilité publique. Reporter les lignes vosgiennes dans le futur contrat de plan serait revenir sur les délibérations des collectivités locales lorraines, lesquelles se sont prononcées sur leur participation de 1 milliard de francs pour l'ensemble du projet TGV, y compris les lignes vosgiennes. Il lui demande donc de bien vouloir dissiper les ambiguïtés relatives au calendrier et au financement de l'électrification de ces lignes.

DÉLÉGATIONS DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE
(En application de l'ordonnance n° 58-1100
du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement
des assemblées parlementaires)

Dans sa séance du mardi 31 mars 1998, le Sénat a nommé M. Bernard Angels membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. Marcel Vidal, démissionnaire.

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du mardi 31 mars 1998, le Sénat a nommé :
M. Louis Grillot membre de la commission des affaires sociales en remplacement de M. Serge Mathieu, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Pêche au mérou

223. - 30 mars 1998. - M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions actuelles de la pêche sous-marine plaisancière dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et en particulier de celle du mérou. Espèce protégée, il est capturé tout de même, parce que recherché pour sa chère délicate et donc d'une valeur marchande importante. Il n'y a aucun respect des périodes de reproduction ou de surveillance des jeunes. Cette capture conduit à une concurrence dans sa vente entre les amateurs et les pêcheurs inscrits maritimes. Elle est, en outre, rendue dangereuse par l'utilisation d'une arme (arbalète) qu'elle nécessite. Les réglementations existantes se heurtent à une impossibilité ou un manque de contrôle de leur application. Il lui demande s'il ne devrait pas être envisagé de modifier la législation actuelle de manière à instaurer un permis de pêche sous-marine à l'image du permis de chasse terrestre, avec formation à la sécurité, la technique, la connaissance du milieu marin et des espèces, puis épreuves sur ces formations.

Difficultés du collège Victor-Hugo
de Noisy-le-Grand

224. - 30 mars 1998. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les difficultés rencontrées par le collège Victor-Hugo situé en zone urbaine sensible dans le quartier du Pavé-Neuf à Noisy-le-Grand. Ce collège avait connu, au mois de décembre 1997, un mouvement de grève spontanée de la part des élèves eux-mêmes, à la suite d'un mauvais reportage télévisé, sur leur collège qui avait été particulièrement mal ressenti. A la suite de cette diffusion, l'inspecteur d'académie de la Seine-Saint-Denis avait demandé au ministère que le classement en ZEP de cet établissement soit obtenu pour la rentrée de septembre, et qu'au moins un professeur spécialisé pour encadrer les emplois-jeunes, soit affecté dès le début du mois de janvier 1998. Or, ce poste n'a pas été attribué. De plus, le plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis, présenté par le ministre de l'éducation nationale le 2 mars, n'a pas retenu ce collège dans la liste de ceux qui pourront bénéficier de ce classement en zone prioritaire en septembre. Il lui demande s'il peut faire un effort particulier pour augmenter significativement le nombre d'établissements de Seine-Saint-Denis inscrits en ZEP et pour que, en particulier, le collège Victor-Hugo de Noisy-le-Grand obtienne ce classement dès la rentrée prochaine.

Organisation des remplacements dans l'enseignement

225. - 30 mars 1998. - M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la question des remplacements des enseignants absents, dans l'enseignement scolaire, en particulier en regard de la situation existant dans l'académie Rhône-Alpes. Face à la question de l'absentéisme des enseignants, largement évoquée, des élèves se trouvent privés de professeurs. Ceux-ci doivent donc être remplacés. Cependant, les conditions actuelles de remplacement ne sont pas satisfaisantes, en particulier dans l'académie Rhône-Alpes. Des exemples de ce dysfonctionnement : enseignements non assurés dans certaines matières, lenteur extrême du remplacement d'un professeur de français dans un collège situé dans une zone classée sensible. Dans cette académie, les titulaires remplaçants représentent moins de 1 % du total des enseignants et le nombre des maîtres auxiliaires disponibles diminue du fait de leur intégration par concours. En conséquence, le rectorat fait appel à des vacataires pour assurer les remplacements, donc à des personnels dans une situation très précaire et ne pouvant pas assurer une continuité pédagogique. Le remplacement est alors fragmenté, ou plusieurs vacataires sont embauchés successivement. De plus, la situation ne semble pas en mesure d'être améliorée l'année prochaine, le nombre de postes mis au concours diminuant pour la troisième année consécutive et aucun poste de titulaire-remplaçant n'étant prévu. Il souhaiterait connaître ses intentions en la matière, sa volonté de lutter contre la précarité des vacataires, ainsi que les moyens avec lesquels il entend assurer les remplacements des personnels titulaires et qualifiés, dans un souci du service public.

Répartition des trafics aériens
entre Roissy et Orly

226. - 31 mars 1998. - A la suite des déclarations de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement visant « à une meilleure répartition des trafics aériens entre Orly et Roissy », Mme Marie-Claude Beaudeau lui demande de lui faire connaître la nature, la programmation d'une telle répartition et s'il n'estime pas qu'elle puisse compromettre à terme l'environnement, la qualité de vie dans la région de Roissy-en-France et de l'emploi dans la région d'Orly.

Conditions d'exercice de la profession de convoyeurs de fond

227. - 31 mars 1998. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation d'insécurité des convoyeurs de fond dans l'exercice de leur profession. Les agressions se font plus nombreuses, de plus en plus souvent mortelles. Elle lui fait remarquer que les statuts des sociétés privées ne garantissent nullement la sécurité des personnels qu'elles emploient. Le transport de fond ne peut pas être assimilé à celui d'une marchandise ordinaire. La circulation fiduciaire constitue un élément essentiel de notre économie. Elle relève d'une mission de service public dont le Gouvernement ne doit plus se désintéresser. Elle lui fait observer que le plan Trichet de fermeture de quatre-vingt-douze caisses de la Banque de France ne pourrait qu'aggraver une telle situation entraînant l'éloignement des implantations et la multiplication de lâches agressions de commandos qui n'hésitent pas à tuer. Elle lui demande de lui exposer son analyse et les mesures prises par le Gouvernement pour protéger tous les salariés de la profession fiduciaire : convoyeurs, salariés des banques. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures envisagées pour engager sans attendre les négociations en vue de l'élaboration d'un véritable statut commun à tous les personnels des entreprises de transport de fond et garantir tout à la fois la sécurité des personnels et la sécurité publique face aux multiples attaques de fourgons blindés.