SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Suspension des poursuites engagées contre un sénateur. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Patrice Gélard, rapporteur de la commission ad hoc ; Pierre Fauchon, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse.
Clôture de la discussion générale.

Texte de la proposition de résolution (p. 2 )

MM. Michel Duffour, Pierre Fauchon, Jean Cluzel, Paul Girod, Mme Joëlle Dusseau.
Adoption de la résolution.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

3. Accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et la Corée. - Adoption d'un projet de la loi (p. 4 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

4. Convention relative à l'aide alimentaire de 1995. - Adoption d'un projet de loi (p. 5 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

5. Accord international de 1994 sur les bois tropicaux. - Adoption d'un projet de loi (p. 6 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie : Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

6. Convention douanière avec Cuba. - Adoption d'un projet de loi (p. 7 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Michel Dreyfus-Schmidt.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

7. Convention douanière avec la Pologne. - Adoption d'un projet de loi (p. 8 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

8. Convention douanière avec l'Ukraine. - Adoption d'un projet de loi (p. 9 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

9. Accords relatifs au règlement définitif des créances entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945. - Adoption d'un projet de loi (p. 10 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Claude Estier, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Bernard Plasait, Jacques Habert, Serge Vinçon, Emmanuel Hamel.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

10. Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. - Adoption d'un projet de loi (p. 11 ).
Discussion générale : M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; M. Jacques Habert.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

11. Accord fiscal avec le Kenya en matière de transport aérien. - Adoption d'un projet de loi (p. 12 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

12. Convention fiscale avec le Gabon. - Adoption d'un projet de loi (p. 13 ).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

13. Communication de l'adoption définitive d'une proposition d'acte communautaire (p. 14 ).

14. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 15 ).

15. Dépôt de rapports (p. 16 ).

16. Dépôt d'un avis (p. 17 ).

17. Ordre du jour (p. 18 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

SUSPENSION DES POURSUITES ENGAGÉES
CONTRE UN SÉNATEUR

Adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 83, 1997-1998) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission prévue par l'article 105 du règlement, sur la proposition de résolution (n° 15, 1997-1998) de M. Michel Charasse tendant à requérir la suspension des poursuites engagées contre M. Michel Charasse, sénateur du Puy-de-Dôme.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission ad hoc. Monsieur le président, mes chers collègues, comme chacun sait, les parlementaires sont des citoyens comme les autres et n'ont, face à la justice, aucun privilège ou aucun avantage spécifique. Tout au plus ont-ils des garanties qui sont indispensables à l'exercice de leur mandat. Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que ces garanties, que l'on appelle les immunités parlementaires, ont été réduites au strict minimum par la révision constitutionnelle du 4 août 1995 et que nous sommes sans doute le pays d'Europe où les parlementaires sont les plus proches de leurs concitoyens.
Que dire de la révision constitutionnelle du 4 août 1995 ?
Le nouvel article 26 de la Constitution dispose tout simplement, dans son alinéa 2, qu'il ne peut pas y avoir d'arrestation ou de mesure privative de liberté sans l'autorisation du bureau de l'assemblée, hormis le cas de flagrant délit ou de condamnation définitive.
Dans son alinéa 3, ce même article autorise la suspension des poursuites pour la seule durée de la session.
Il ne faut pas oublier l'esprit de la révision de 1995 : les poursuites peuvent être engagées sans aucune intervention, que le Parlement soit en session ou non. On a donc réduit considérablement le champ de l'immunité parlementaire.
Pendant les vingt dernières années, le Sénat a dû examiner à huit reprises des demandes de suspension des poursuites. Il s'en est dégagé une jurisprudence solide et indiscutable, qu'ont développée mes prédécesseurs M. Charles de Cuttoli, le regretté Marcel Rudloff et M. Charles Jolibois.
Pour, la première fois aujourd'hui, nous avons à appliquer l'article 26, alinéa 3, de la Constitution dans sa nouvelle rédaction.
Rappelons pourquoi nous sommes réunis.
Nous avons été saisis d'une proposition de résolution de M. Charasse qui, en application de l'article 105 du règlement de notre Haute Assemblée, a abouti à la constitution d'une commission ad hoc, dont les membres ont été désignés le mardi 28 octobre 1997. M. Larché en a été élu président, M. Dreyfus-Schmidt vice-président, M. Blaizot secrétaire et moi-même rapporteur.
Le rapport a été présenté devant la commission le 19 novembre, dans les délais prévus par l'article 105 susvisé.
Voilà pour le déroulement de la procédure devant notre Haute Assemblée. Aujourd'hui, nous avons à discuter de ce rapport.
Les faits ont été relatés dans mon rapport écrit et dans la résolution de M. Charasse. Rappelons seulement que, convoqué par un juge d'instruction, notre collègue M. Charasse a refusé une première fois de témoigner sur les instructions ministérielles données à l'administration fiscale « pour traiter les anomalies liées à des financements politiques ». Rappelons également que le procureur général a sollicité du bureau du Sénat qu'il autorise, en application de l'article 26, alinéa 2, de la Constitution, la comparution forcée de M. Charasse, comme le prévoit l'article 109 du code de procédure pénale ; que le bureau du Sénat a refusé d'accéder à cette demande le 23 avril 1997 ; que le juge a adressé une nouvelle citation à comparaître le 15 mai 1997 pour le 19 juin 1997 - vous vous rappelez sans doute que c'était le jour de la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre, mais il est vrai que le juge d'instruction ne pouvait pas savoir que, ce jour-là, aurait lieu cette déclaration de politique générale et que Michel Charasse a refusé à nouveau de comparaître devant elle ; que le juge, enfin, a condamné M. Charasse, le 10 septembre 1997, à une amende de 10 000 francs, condamnation dont celui-ci a fait appel.
Il ne m'appartient pas, en tant que rapporteur, d'examiner la régularité de la condamnation prononcée par le juge d'instruction. Il ne m'appartient pas non plus d'examiner le fait que M. Charasse ait été convoqué comme témoin en sa qualité d'ancien ministre. Les immunités parlementaires ne visent pas les anciens ministres ou les anciens membres du Conseil constitutionnel, elles ne visent que les parlementaires.
Même si l'on peut estimer que le code de procédure pénale laisse quelque peu à désirer en ce qui concerne les garanties qu'il faudrait apporter aux anciens ministres lorsqu'ils sont appelés à témoigner, aujourd'hui, nous avons seulement à statuer en application de l'article 26, alinéa 3, de la Constitution, qui autorise notre assemblée à suspendre des poursuites pour la durée de la session, contrairement à la pratique antérieure selon laquelle la suspension des poursuites pouvait aller jusqu'à la fin du mandat.
Une première question se pose à nous : y a-t-il ou non poursuite, en l'espèce ? La réponse est claire, elle est même évidente : il y a, bien entendu, poursuite, puisqu'il faut entendre par poursuite toute procédure en cours susceptible de conduire au prononcé d'une condamnation. Or, une amende est une condamnation. Il y a donc poursuite tant que cette amende est susceptible de recours. Par conséquent, nous sommes bien en face d'une poursuite, il n'y a pas lieu d'insister plus longuement sur ce point.
Un problème pouvait se poser car, si l'alinéa 2 de l'article 26 n'évoque que les poursuites criminelles et correctionnelles, l'alinéa 3 de ce même article mentionne simplement les poursuites. On pouvait donc se demander, du fait que l'amende de 10 000 francs est une contravention, si les poursuites contraventionnelles étaient elles aussi concernées par l'alinéa 3. La réponse est simple, là encore : le Constituant, dans sa sagesse, a séparé l'alinéa 2 de l'alinéa 3 ; or, s'il avait voulu limiter aux seules poursuites délictuelles et criminelles la suspension, il l'aurait indiqué dans l'alinéa 3, qui est totalement distinct de l'alinéa 2.
Donc, en l'espèce, l'article 26, alinéa 3, s'applique parfaitement au cas qui nous est aujourd'hui soumis.
Compte tenu de ce que je viens de dire, c'est-à-dire du fait que l'article 26, alinéa 3, s'applique, le Sénat doit-il donner aujourd'hui satisfaction à M. Charasse ?
Sur ce point, le mieux est de se référer une fois de plus aux bons auteurs, que ce soit MM. Charles Jolibois et Charles de Cuttoli ou, dès le xixe siècle, Eugène Pierre. Tous ont mis en lumière le fait qu'il faut sauvegarder l'indépendance des parlementaires tout en maintenant l'égalité de tous les citoyens devant la loi.
Il ne s'agit pas de faire des exclusions ou des immunités anormales. Tout parlementaire doit, comme tout citoyen, répondre devant la loi, mais il bénéficie de garanties pour lui permettre l'exercice normal de son mandat. En d'autres termes, il faut concilier la protection des parlementaires avec les exigences de la justice.
Mais, attention ! il ne s'agit en l'espèce que d'une suspension pendant la seule durée de la session et non pas d'un arrêt des poursuites, comme certains pourraient le croire. Il s'agit simplement de permettre à un parlementaire d'exercer en toute sérénité son mandat pendant la période de la session et de ne pas être convoqué à tout bout de champ.
A ce sujet, je ferai une remarque : on pourrait envisager l'hypothèse où une série de juges d'instruction décident en même temps de convoquer trois cents ou quatre cents parlementaires. Le Parlement serait, dès lors, dans l'impossibilité de fonctionner. On pourrait envisager des convocations à tout bout de champ simplement parce que c'est dans l'air du temps et parce que, naturellement, un parlementaire est plus une cible qu'un citoyen normal.
Non ! nous devons faire en sorte de maintenir la sérénité de nos débats, la sérénité de notre mandat.
Si M. Charasse avait été témoin d'un meurtre dans son bureau quand il était ministre, il est bien évident que nous ne serions pas allés dans le sens que je vais vous proposer. (M. Charasse opine.) S'il avait été au volant d'un véhicule en état d'ivresse et qu'il avait pris la fuite, là encore, il est bien évident que nous ne lui aurions pas donné satisfaction. (M. Charasse opine à nouveau.) M. Charles Pasqua. Certes !
M. Patrice Gélard, rapporteur. En l'espèce, nous sommes confrontés à ce qui semble être, en réalité, un harcèlement envers un parlementaire.
Or, dans la tradition de la République, selon Eugène Pierre : « Un sénateur ou un député, cité comme témoin, au cours d'une session, peut s'abstenir de comparaître en excipiant de sa qualité, il est d'usage que les excuses fondées sur la nécessité de ne pas abandonner les travaux parlementaires soient agréées par la cour ou par le tribunal. »
Par ailleurs, notre collègue M. Charles Jolibois écrivait, dans son rapport n° 176 du 20 décembre 1994 : « Il convient absolument d'empêcher, le cas échéant, que l'exercice de la fonction parlementaire ne soit entravé par des poursuites abusives ou intempestives ayant pour objet ou pour conséquence d'interdire aux élus de la nation de participer aux travaux de leur assemblée et d'accomplir, en toute liberté et en toute sérénité, les actes inhérents à leur mandat. »
Voilà les raisons pour lesquelles, en l'espèce, je vous demande, mes chers collègues, de donner satisfaction à M. Michel Charasse et d'adopter sa résolution.
Ainsi, la justice sera respectée : le 1er juillet prochain, le juge d'instruction pourra, en toute liberté, convoquer M. Charasse mais, pendant cette période qui débute maintenant et qui durera jusqu'au mois de juin, notre collègue pourra exercer son mandat en toute sérénité. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, mes chers collègues, depuis la mise en accusation des Girondins par laquelle la Convention s'est déshonorée, il faut bien le dire, on sait quelle importance revêt la question de l'immunité parlementaire dans une démocratie digne de ce nom. C'est là un principe sur lequel on ne saurait transiger.
Encore faut-il que l'application qui en est demandée corresponde réellement au texte applicable, en l'occurrence à l'article 26 de la Constitution - rappelé par le rapporteur - dans sa lettre et dans son esprit. A défaut, l'assemblée qui croirait rendre service à l'un des siens en le préservant d'une « simple poursuite » courrait grand risque de ne pas se grandir et de paraître abuser de ses prérogatives pour une protection au demeurant quelque peu illusoire, puisqu'elle ne dure que l'espace d'une session.
Quelle est, à cet égard, la question qui nous est posée ? Il semble - c'est ce que j'ai de plus important à vous dire - qu'une grave confusion ait été introduite dans ce débat lors des délibérations de la commission ad hoc, confusion dont je dis à regret qu'elle se retrouve dans le rapport écrit de notre excellent collègue M. Gélard, et plus encore dans son rapport oral. En rapporteur fidèle, il a sans doute cru devoir rendre compte de tous les arguments présentés, y compris de ceux qui, selon moi, sont sans rapport avec la question posée.
Essayons donc de préciser cette question en retenant ce qu'elle est et en écartant ce qu'elle n'est pas.
La question est de savoir si la poursuite dont il s'agit - et, sur ce point, je rejoins le rapporteur - « peut occasionner une gêne à un sénateur indépendamment de sa qualité d'ancien membre du Gouvernement » : je reprends les termes du rapport écrit.
Mais de quelle poursuite s'agit-il ? C'est ici que la confusion s'introduit.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qu'elle s'introduit dans votre esprit !
M. Pierre Fauchon. Je ne suis pas sûr, cher ami, qu'elle soit dans mon esprit ! Dans mon esprit, en effet, il convient de distinguer, car si l'on ne distingue pas, on confond, et je ne suis pas partisan de la confusion dans un tel débat.
Le rapporteur, à la page 7 de son rapport, explique que la poursuite consiste dans la procédure engagée par le juge d'instruction a l'encontre de notre collègue pour refus réitéré de répondre à sa convocation. Sur le fondement de l'article 109 du code pénal, ce refus a abouti à la condamnation, prononcée par le même juge d'instruction, le 10 septembre 1997, à 10 000 francs d'amende, décision dont notre collègue a fait appel et qui est donc en instance devant la chambre d'accusation, juridiction d'appel désignée par le même article.
Puisqu'il s'agit de suspendre quelque chose en cours et non quelque chose qui s'est produit dans un temps lointain, c'est proprement cette situation d'appel en cours et le risque pour notre excellent collègue de voir cette affaire évoquée devant la chambre d'accusation pour ce motif qui constitue la « poursuite » qu'il vous est demandé de suspendre.
Avant d'aborder le fond, dissipons la confusion - et c'est bien de confusion qu'il faut parler - à laquelle j'ai fait allusion et qui consiste à étendre la notion de « poursuite » à l'ensemble des actes pour lesquels le juge d'instruction a souhaité obtenir la déposition de notre collègue en qualité de témoin dans une affaire pour laquelle ces actes d'instruction sont en réalité des actes ordinaires qui ne constituent en rien la « poursuite » dont nous parlons, pour la simple raison que cette instruction ne constitue pas une « poursuite » à l'égard de notre collègue.
Ces convocations n'ont donc rien à voir avec la poursuite. La poursuite commence au moment de la condamnation pour laquelle notre collègue a fait appel.
Contrairement à ce qui a été écrit ici ou là - notamment, j'ai le regret de le dire, dans le rapport - ce n'est donc pas la convocation de notre collègue, ni le risque de nouvelles convocations comme cela vient d'être affirmé à la tribune, devant un juge d'instruction qui constitue la poursuite qu'il convient d'interrompre. Elle est seulement la « cause » de cette poursuite et non l'un de ses éléments constitutifs.
Aussi bien notre collègue ne nous a-t-il pas saisis d'une demande de « suspension » des convocations du juge. Il l'eût fait au début de l'année dernière, quand il a été convoqué. Or, actuellement, il n'est pas sous le coup d'une convocation, que je sache ! Il ne pouvait d'ailleurs pas nous saisir d'une telle demande, puisque de telles convocations, fussent-elles adressées à un ancien ministre et quelle que soit la nature des questions susceptibles de lui être posées - même si, on les considère comme tout à fait choquantes et abusives, c'est possible, mais je n'entre pas dans la question de savoir si ces convocations le sont ou non,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout est là !
M. Pierre Fauchon. ... n'entrent aucunement dans le champ de l'article 26 de la Constitution, qui définit l'immunité parlementaire.
Notre rapporteur en est d'ailleurs parfaitement conscient puisque, s'interrogeant dans son rapport sur le point de savoir si la procédure engagée par le juge était ou non une poursuite, il relève la singularité du fait que « la procédure a été engagée par le juge lui-même et non par le procureur de la République, autorité normalement chargée des poursuites », mais il constate que le code prévoit expressément cette « autosaisine » pour les infractions commises à l'audience.
Il conclut ainsi : « Si l'on entend par poursuite toute procédure en cours susceptible de conduire au prononcé d'une condamnation, c'est bien une poursuite qui a été engagée à l'égard de notre collègue. » Je souscris à cette définition de la poursuite.
Il est bien évident que ces réflexions n'auraient pas lieu d'être si la convocation comme témoin - fût-elle répétée cent fois - pouvait être considérée comme un acte de poursuite, puisqu'il n'est pas douteux que cette convocation relève des pouvoirs naturels et exclusifs du juge d'instruction et qu'elle ne peut en elle-même conduire à une condamnation.
C'est peut-être, d'ailleurs, trop d'analyse juridique - et je vous prie de m'en excuser - puisque le simple bon sens montre que la requête de notre collègue, présentée longtemps après l'épisode des convocations, ne saurait avoir pour but de lui éviter la gêne causée par ces convocations. Ce n'est pas trois mois après qu'il peut nous saisir d'une demande tendant à sanctionner les convocations !
Il ne suffit pas de dire que les convocations contestées sont à l'origine de la poursuite - je pense que c'est la thèse qui sera défendue tout à l'heure...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est sûr !
M. Pierre Fauchon. ... pour que celle-ci - qui est une notion de procédure de caractère technique et non un terme de caractère politique général - puisse les englober, d'une manière en quelque sorte rétroactive. La suspension de la poursuite qui nous est demandée ne saurait donc se fonder sur le caractère abusif ou non de ces convocations. Encore une fois, cela n'a rien à voir.
La question n'est donc pas de « savoir si la convocation a pu ou non - si de nouvelles convocations pourraient ou non - porter atteinte à l'exercice libre et serein du mandat de sénateur ». Ce n'est pas le problème, et, cependant, c'est la formule que je trouve dans le rapport et qui a été répétée tout à l'heure avec éloquence par notre rapporteur.
La question est de savoir si l'état actuel de la poursuite, le risque de comparaître devant la chambre d'accusation, constitue ou non une telle atteinte, et s'il convient ou non de surseoir à cette poursuite.
Telle est, me semble-t-il, ainsi clarifiée, la question qui nous est posée et à laquelle il convient de répondre dans la sérénité qui s'impose, car, après tout, avant, en deçà ou au-delà du 1er juillet prochain, la différence n'est pas si grande.
La question que l'on veut vous faire trancher - la possibilité ou non de convoquer un ancien ministre dans les conditions dans lesquelles notre collègue a été convoqué - et qui est effectivement, je tiens à le dire, une grave question, dépend de la chambre d'accusation, lorsque celle-ci aura apprécié la condamnation prononcée à l'encontre de notre collègue.
Je souhaite, en ce qui me concerne - et je vous rejoins sur ce point - que la chambre d'accusation donne tort au juge d'instruction pour cette raison, et pour quelques autres. Mais ce n'est pas notre problème, et nous n'avons pas à nous substituer à la chambre d'accusation.
Alors, en face de la question ainsi réduite à ce qu'elle est, et au risque d'avoir à être convoqué devant la chambre d'accusation, on pourrait tout d'abord faire observer que la poursuite dont il s'agit est d'ordre contraventionnel et non d'ordre délictuel, et encore moins criminel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Pierre Fauchon. L'article 109 du code pénal vise, en effet, l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe. Nous sommes donc dans le domaine contraventionnel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! C'est une assimilation.
M. Pierre Fauchon. Notre collègue a cru pouvoir évacuer la difficulté d'une manière, à mon sens, un peu rapide et un peu sommaire. Il sait aussi bien que moi - et ceux qui ont étudié la question le savent - que personne, en réalité, n'a jamais imaginé que les immunités parlementaires pouvaient protéger un parlementaire contre des faits relevant de contravention - or tel est le cas en l'occurrence - et ce quelle que soit l'importance du fait.
Nous sommes bien d'accord, dans ce cas d'espèce, c'est une contravention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une poursuite !
M. Pierre Fauchon. Or il est généralement admis que les immunités parlementaires n'ont lieu d'être qu'en cas de crime ou de délit, l'alinéa 2 de l'article 26 de la Constitution le précise formellement en ce qui concerne les mesures privatives de liberté. Cependant, l'alinéa 3, qui vise seul les « poursuites », ne répète pas cette restriction.
L'analyse est donc un peu plus complexe que celle que vous avez faite sommairement tout à l'heure. Cela ouvre la voie à des divergences d'interprétation, c'est tout de même le moins que l'on puisse dire. Encore qu'il n'y ait guère de doute, me semble-t-il, sur le caractère général de cette restriction. Mais l'observation mérite d'être faite, et vous même avez senti la nécessité de la formuler.
A tout le moins cette difficulté incite-t-elle à une grande prudence quand on en vient à la question concrète qui, à mon sens, est la suivante : l'évocation de l'appel devant la chambre d'accusation est-elle de nature à entraver l'exercice du mandat parlementaire ?
Je tiens à le dire immédiatement, la réponse, selon moi, serait peut-être positive, sous réserve de la question du caractère contraventionnel, si la comparution personnelle était obligatoire et s'il s'agissait d'une audience publique.
Dès lors que la comparution personnelle n'est pas obligatoire - je rappelle, pour ceux qui ne sont pas du métier, que, devant les chambres d'accusation, on n'est pas obligé de se déranger et que l'audience n'est pas publique - n'est-il pas quelque peu difficile, mes chers collègues - je fais appel à votre sagesse légendaire - de croire - et peut-être encore plus de faire croire - qu'une audience de la chambre d'accusation constitue une entrave à l'exercice du mandat parlementaire ? Telle est, me semble-t-il, la question, et la seule, qui nous est posée.
Pour ma part, soucieux de ne pas laisser croire que les sénateurs invoquent leur immunité pour de simples contraventions - et dans des circonstances, permettez-moi de le dire, quelque peu artificielles, je ne suis pas le seul à le penser - j'incline à la négative.
C'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas - et je crois pouvoir dire « nous ne pourrons pas » - voter la suspension des poursuites, en espérant, bien entendu, que de meilleures circonstances nous donneront d'autres occasions d'exprimer notre sympathie à l'égard de notre collègue. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, mes chers collègues, nous arriverons, je le dis tout de suite, aux mêmes conclusions que M. le rapporteur, mais pour des raisons différentes, et j'espère convaincre non seulement notre rapporteur, mais également le fin juriste que nous venons d'entendre et qui fait, pour une fois, me semble-t-il, fausse route.
Pour le rapporteur, notre collègue Patrice Gélard, premièrement, peu importe que notre collègue Michel Charasse, qui demande la suspension de poursuites engagées contre lui, soit un ancien ministre : nous avons seulement à considérer qu'il est un parlementaire.
Deuxièmement, nous n'avons, toujours selon notre rapporteur, qu'à répondre à la question de savoir si la poursuite gêne ou non notre collègue Michel Charasse dans l'exercice de ses fonctions de sénateur, étant entendu que, pour lui, semble-t-il, toute poursuite, quelle qu'elle soit, serait de nature à gêner l'exercice de ses fonctions. En d'autres termes, chaque fois qu'il y a poursuite, il devrait y avoir suspension.
Nous ne sommes pas aussi radicaux.
Pour nous, comme pour les prédécesseurs de Patrice Gélard au poste de rapporteur de la commission chargée de se prononcer sur les immunités parlementaires, respectivement M. Marcel Rudloff, notre très regretté collègue, ainsi que Charles de Cuttoli et Charles Jolibois, tous trois d'ailleurs cités par Patrice Gélard dans son rapport, « la nécessité de ne pas entraver le libre exercice d'un mandat législatif... doit être conciliée avec les exigences de la justice ».
Dans notre Constitution - et je continue de citer Marcel Rudloff - « c'est aux assemblées qu'il incombe de rechercher l'équilibre entre ces deux impératifs. »
Quel est le critère ?
Pour Charles de Cuttoli, les parlementaires ne doivent pas « être victimes de poursuites inconsidérées, arbitraires ou vexatoires ».
C'est donc seulement si les poursuites répondent à l'une de ces qualifications qu'elles doivent être suspendues, pour ne pas nuire au bon exercice du mandat.
Enfin, pour Charles Jolibois, tel que vous le citez, monsieur le rapporteur, « il convient absolument d'empêcher, le cas échéant, que l'exercice de la fonction parlementaire soit entravé par des poursuites abusives ou intempestives. »
Or - cela doit absolument être dit pour que l'opinion publique d'une part, la magistrature d'autre part, le sachent, nous comprennent et nous approuvent - nous estimons que la poursuite exercée à l'encontre de Michel Charasse est « vexatoire », notamment pour le bureau du Sénat, et « abusive », parce que contraire aussi bien au principe de séparation des pouvoirs qu'au code de procédure pénale. C'est pourquoi nous sommes résolument partisans de la suspension de cette poursuite.
Lors de la récente campagne électorale législative, 103 magistrats ont signé une déclaration qui mettait approximativement sur le même plan la conduite jugée définitivement délictuelle de tel élu de l'Isère et le refus de Michel Charasse de répondre à la convocation de Mme Vichnievsky.
Je connais personnellement beaucoup de ces magistrats, auxquels je me suis permis de demander s'ils savaient sur quoi Mme Vichnievsky désirait entendre le témoignage de Michel Charasse : aucun ne le savait. Tous ont, je le crois, modifié leur jugement lorsque je le leur ai dit.
Donc, cette poursuite est « vexatoire », en particulier pour le bureau du Sénat, puisque le juge d'instruction a infligé une amende de 10 000 francs à notre collègue Michel Charasse parce qu'il n'a pas comparu devant elle pour être entendu comme témoin, condamnation dont il a fait appel - c'est la poursuite dont il a demandé la suspension - alors que le bureau du Sénat avait au préalable, à l'unanimité, refusé l'autorisation que lui avait demandée le même juge de « contraindre par la force publique » le même Michel Charasse à comparaître devant elle pour être entendu comme témoin dans la même procédure et sur le même sujet.
Cette poursuite est également abusive parce que contraire au code de procédure pénale. Pourquoi ?
Parce que - et nous espérons bien que la chambre d'accusation le constatera lorsque la poursuite reprendra - un juge d'instruction à qui une assemblée législative refuse de « contraindre par la force publique » un parlementaire à comparaître comme témoin ne peut pas plus « le condamner à une amende », puisque l'article 109 du code de procédure pénale traite les deux procédures de la même manière : si le témoin ne comparaît pas, « le juge d'instruction peut, sur les réquisitions du procureur de la République, le contraindre par la force publique et le condamner à l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ».
Ce qui est possible pour un citoyen ordinaire ne l'est certainement pas pour un parlementaire, puisque aucun membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle sauf en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive, d'une mesure restreignant sa liberté, qu'avec l'autorisation du bureau de l'Assemblée dont il fait partie. Tels sont les termes de l'article 26, alinéas 2 et 3, de la Constitution, visé par le bureau du Sénat dans sa décision refusant que la force publique soit utilisée pour contraindre Michel Charasse à être conduit devant Mme Vichnievsky.
Cette poursuite est encore abusive parce que contraire à la séparation des pouvoirs : même le juge n'a pas caché, lors d'une conversation téléphonique avec notre collègue Michel Charasse, que c'est en sa qualité d'ancien ministre qu'elle désirait l'entendre, étant entendu qu'elle n'avait rien à lui reprocher, à défaut de quoi, non seulement elle n'aurait pas pu l'entendre comme témoin, mais elle aurait été radicalement incompétente pour l'entendre à quelque titre que ce soit, seule la Cour de justice de la République étant compétente.
Elle ne lui a pas caché non plus que c'est à propos de ses fonctions de ministre qu'elle voulait l'entendre.
Il n'y a aucun doute à cet égard, puisque le conseil de Michel Charasse, par lettre versée au dossier le 6 décembre 1996, l'a écrit à Mme le premier juge d'instruction, qui a accusé réception de cette lettre le 12 décembre 1996, par écrit et sans infirmer en quoi que ce soit le compte rendu fait par Michel Charasse de la conversation téléphonique qu'il avait eue avec ce magistrat.
M. Pierre Fauchon. Quelle preuve admirable !...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Consultez le dossier, mon cher collègue !
Certains pensent que Michel Charasse aurait dû répondre à l'invitation de comparaître.
Les autres sont d'un avis contraire.
Lui-même indique qu'il l'aurait fait si Mme le juge ne lui avait pas dit que c'est bien à propos de l'exercice de ses fonctions de ministre du budget qu'elle désirait l'entendre.
Au sein de la commission, tous, comme l'a fait remarquer M. de La Malène, ont été unanimes, y compris notre collègue Fauchon, à considérer que, en tout état de cause, Michel Charasse n'avait pas à s'expliquer sur l'exercice de ses fonctions devant un juge d'instruction.
Dès lors, qu'il ne se soit pas présenté ou qu'il se soit présenté pour refuser de déposer n'est plus qu'un détail de forme auquel ni la commission ni le Sénat ne sauraient s'arrêter.
C'est parce que la poursuite est à la fois « vexatoire », « abusive », « inconsidérée » et « intempestive » que nous en demandons la suspension, en souhaitant très sincèrement que Mme le juge d'instruction admette que la séparation des pouvoirs doit entraîner non seulement l'indépendance de l'autorité judiciaire mais, lorsque cela est nécessaire, celle du pouvoir exécutif qui, lorsqu'il n'y a ni crime ni délit, n'a de comptes à rendre qu'au pouvoir législatif, lequel, dans la même limite, se doit aussi d'être indépendant. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants et sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Charles de Cuttoli. Très bien !
M. Emmanuel Hamel. Vous avez raison, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, mes chers collègues, les interventions précédentes, notamment celle de notre rapporteur, M. Gélard, ainsi que celle de M. Dreyfus-Schmidt, qui a répondu à M. Fauchon, vont me faciliter les choses et me dispenseront d'entrer plus avant dans le fond de l'affaire.
Je crois que le Sénat est maintenant parfaitement informé de tout cela à travers ce qui a été dit et ce qui a été écrit.
Si j'ai cru utile, mes chers collègues, de vous saisir de cette affaire et de soustraire pour un moment le Sénat à ses travaux habituels en cette période spécialement chargée pour le Parlement, ce n'est évidemment pas, je vous prie de me croire, pour tenter d'échapper à l'amende qui m'a été infligée, d'autant que, comme le souligne fort justement notre rapporteur, M. Gélard, vous n'avez pas le droit de m'en dispenser.
Je vous ai saisis parce que le conflit qui m'oppose à un juge soulève de graves problèmes de principe quant à la place et aux prérogatives de l'autorité judiciaire vis-à-vis des pouvoirs constitutionnels élus, qui, contrairement aux magistrats, sont l'émanation de la souveraineté nationale.
Ces problèmes touchent aux fondements mêmes des institutions de notre République et de notre démocratie, fondements et institutions dont la Haute Assemblée, que Clemenceau avait surnommée « le Sénat conservateur de la République », est la gardienne, avec le Président de la République et l'Assemblée nationale.
Je vous ai saisis aussi et surtout parce que le mandat parlementaire est concerné et que nous sommes en présence de poursuites dirigées contre un sénateur pour raisons liées à sa fonction, c'est-à-dire de poursuites qui, selon Eugène Pierre, brillamment cité par M. Gélard tout à l'heure, peuvent être considérées comme ni sérieuses, ni sincères, ni loyales, ce qui justifie donc la mise en oeuvre de la protection spéciale que l'article 26 de la Constitution accorde à notre mandat.
Tous les éléments étant donc connus, je me contenterai de trois brèves observations avant de donner au Sénat des informations de nature à l'éclairer complètement sur les intentions réelles du magistrat concerné.
Première observation, mes chers collègues, pour que les choses soient claires : il n'y a dans ma démarche aucune arrière-pensée inavouable qui tromperait le Sénat sur le sens de mon intervention et de mes intentions.
Nous savons tous, et moi aussi, que, dans leur écrasante majorité, les magistrats font leur travail, non sans mérite et avec conscience, honnêteté, rigueur et dévouement à la chose publique, et j'ajouterai la plupart du temps dans la plus totale discrétion et dans le strict respect de la loi.
Je n'évoquerai donc qu'un comportement anormal d'un seul magistrat - qui n'est peut-être pas forcément le seul dans ce cas mais sans prétendre généraliser à l'ensemble de la profession.
Par ailleurs, il va de soi que, dans mon esprit - et, j'en suis sûr, dans le vôtre - les citoyens qui ont fauté doivent être poursuivis et sanctionnés, qu'ils soient ou non des élus, et c'est le devoir de la justice de le faire en toute impartialité et en toute indépendance.
Deuxième observation : pourquoi n'ai-je pas déféré à la convocation du juge, ce qui nous aurait, mes chers collègues, dispensés de cette séance ?
Je crois que mon ami et collègue M. Dreyfus-Schmidt vient de le rappeler. Tout simplement parce que le juge m'a dit au téléphone ce dont il voulait me parler.
Après m'avoir expliqué que je n'étais pas concerné par ce dossier, que je n'étais cité par aucune des parties - je ne connais d'ailleurs aucune des deux sociétés en cause, ni les protagonistes de l'affaire - qu'aucune infraction, aucun délit, aucun crime à plus forte raison, ne pouvait être retenu contre moi, qu'il n'avait pas - ce juge - les moyens de me renvoyer devant la Cour de justice de la République, juge naturel des ministres ou anciens ministres, il m'a dit en substance : « Je ne veux pas vous parler de cela, je veux vous parler d'autre chose, c'est-à-dire des instructions qui ont été données aux administrations fiscales pour traiter un certain nombre de dossiers de financement politique et de fausses factures, et de ce que vous avez fait vous-même. »
Ma réaction, vous l'imaginez, a été immédiate, j'ai dit : « Mais, madame le juge, vous n'êtes pas compétente. Vous n'avez pas le droit de convoquer un ancien ministre, la séparation des pouvoirs vous l'interdit : vous voulez exercer un contrôle politique sur l'activité d'un ministre, mais ce ministre ne doit des comptes qu'à la représentation nationale. »
J'ai rappelé la Déclaration de 1789, la loi de 1790 - toujours en vigueur - et le décret de fructidor an III. J'ai donc indiqué au juge que, dans ces conditions, je n'irais pas et ne répondrais pas à sa convocation.
La question qui peut se poser est de savoir quelle est la portée de l'expression de la loi de 1790 sur l'interdiction de « citer les administrateurs » à raison de leurs fonctions, ceux-ci n'ayant commis aucune infraction : s'il y a infraction, naturellement, la procédure pénale se déclenche à leur encontre, y compris au nôtre, sans problème.
Cette interdiction ne concerne-t-elle que le fond ou concerne-t-elle aussi le fait de les citer comme simple témoin ?
Je pense qu'elle vise les deux cas, car tous les administrateurs, tous les ministres sont des citoyens comme les autres et peuvent être entendus sur les faits détachables de leurs fonctions.
Mais, pour les faits relevés à l'occasion de leurs fonctions, c'est une procédure spéciale de dénonciation, prévue à l'article 40 du code de procédure pénale, qui s'applique et qui vaut témoignage.
Nous n'avons donc pas à nous exprimer autrement, sinon en fournissant des éléments, des preuves, selon la procédure de l'article 40, mais, pour que celle-ci soit déclenchée, encore faut-il qu'il y ait soupçon par l'administrateur lui-même de faits susceptibles d'être qualifiés de crimes ou de délits.
Mes chers collègues, oublier ces règles, c'est prétendre avoir le droit de convoquer tous les jours ministres, anciens ministre, élus locaux et fonctionnaires - car les élus locaux sont aussi des « administrateurs » - pour qu'ils s'expliquent sur les milliers de décisions qu'ils prennent les uns et les autres, et placer les personnes non protégées, c'est-à-dire, les non-parlementaires, dans une situation impossible. Je pense aux fonctionnaires, aux élus locaux, au Président de la République, qui ne bénéficie d'aucune protection et qu'on pourrait très bien imaginer demain voir convoqué dans telle ou telle affaire comme témoin, qu'il ait eu connaissance ou non des faits concernés.
La Constitution, pour la Cour de justice de la République, a mis en place un filtrage de façon à éviter ce genre de chose et éviter que les anciens ministres ne soient traînés à tout propos, y compris les plus fantaisistes, devant cette cour.
Je pense qu'il sera utile un jour, mes chers collègues, de réfléchir - mais ce n'est pas notre débat - sur l'utilité d'instituer un filtrage analogue en ce qui concerne les convocations des ministres et anciens ministres comme témoin.
On me dira : « Vous auriez pu y aller et refuser de répondre. »
Oui ! mais, d'abord, c'eût été violer mes grands principes, puisque j'étais informé ; ensuite, les conséquences n'en eussent pas été négligeables.
Cette affaire a fait l'objet de fuites, comme toutes les affaires de l'espèce - et j'en sais quelque chose puisque ces fuites ont duré tout au long de l'année qui s'est écoulée - depuis le début du processus. Et vous savez bien que, lorsqu'un homme politique est concerné, il y a toujours une exploitation médiatique sur le thème : « Il n'y a pas de fumée sans feu ! »
Que pèse, mes chers collègues, la présomption d'innocence pour quelqu'un qui est connu et dont l'image, sur les marches du Palais, sera vue partout à la télévision et dans la presse ? Est-il anormal de penser que, pour certains, ces conséquences ne sont peut-être pas sans intérêt ?
Bref, mes chers collègues, je n'ai pas déféré parce que j'étais en présence d'une tentative de violation de la séparation des pouvoirs, qui s'appelle toujours « forfaiture » depuis la loi de 1790 puisque le terme n'a pas disparu.
Evidemment, si le juge ne m'avait rien dit, nous ne serions pas là aujourd'hui, parce que je me serais rendu à sa convocation et que je lui aurais dit de vive voix ce que je viens de vous dire.
J'en viens à ma troisième observation, et, là encore, l'intervention de mon ami le président Dreyfus-Schmidt va m'aider à aller rapidement : je suis le seul condamné dans cette affaire, mais suis-je le seul visé ?
Je crois que Michel Dreyfus-Schmidt a dit ce qu'il fallait dire en ce qui concerne la décision du bureau du Sénat. Manifestement, celle-ci n'a pas plu !
Il faut tout de même rappeler que ce n'est jamais sur son initiative qu'un parlementaire comparaît devant le bureau de son assemblée dans cette circonstance ; c'est le garde des sceaux qui transmet une requête du juge, et le parlementaire, comme l'a dit très justement M. Gélard, ne peut pas se dépouiller lui-même de son immunité, ni y renoncer. Il est obligatoirement soumis à cette procédure.
Le bureau du Sénat n'a pas cru devoir accorder l'autorisation demandée, et je suis condamné ! Mes chers collègues, j'ai quelques raisons de penser que la décision de notre bureau n'a pas beaucoup plu, et je me demande maintenant si le bureau devra désormais s'assurer que ses décisions ne froissent personne !
J'ajoute que les parlementaires aussi sont visés dans cette affaire, et pas seulement moi, puisqu'on peut se demander si, quand le bureau décide de les protéger - et il a de bonnes raisons pour cela - on ne cherche pas, par une petite vengeance, à embêter d'une manière ou d'une autre les intéressés.
Moi, je crois que la moindre des dignités est de refuser une telle attitude, qui méconnaît à la fois la séparation des pouvoirs et l'autonomie des assemblées, de leurs institutions internes et de leurs membres.
Dernier point, monsieur le président, mes chers collègues : que veut savoir le juge, et pour quoi faire ?
En régime parlementaire, comme MM. Gélard et Dreyfus-Schmidt l'ont très bien rappelé, le Gouvernement est responsable devant le Parlement, et aucun juge ne peut s'immiscer dans ce processus de mise en cause de la responsabilité politique.
Ce que veut savoir le juge ne peut m'être demandé que par le Parlement. Alors, je vais vous le dire. Il s'agit de l'application de la loi fiscale aux financements politiques irréguliers.
Comme vous le savez, mes chers collègues, après les élections présidentielles de 1974, on a assisté à une véritable explosion des dépenses électorales, phénomène qui s'est reproduit en 1981 et aux élections suivantes.
Les partis politiques et les candidats, bref tout le monde, ont dû avoir recours à des financements douteux, via des entreprises et des systèmes de fausses factures. On y a eu plus ou moins recours, mais tout le monde, mes chers collègues, y a eu recours.
La question qui s'est posée était de savoir comment assurer aux partis les moyens de remplir la mission que leur confère l'article 4 de la Constitution - « concourir à l'expression du suffrage » - alors que l'on était en présence d'une grave carence de la République, qui lui a coûté et qui lui coûte encore très cher avec l'antiparlementarisme, l'extrême droite, etc. Cela coûte cher aussi, d'ailleurs, aux malheureux trésoriers de nos formations qui, sans avoir profité en quoi que ce soit du système, se trouvent aujourd'hui devoir rendre des comptes. Je pense à M. Henri Emmanuelli ainsi qu'à notre collègue M. Jacques Oudin.
Le ministre chargé du budget, mes chers collègues, était en première ligne, puisqu'il avait à faire face à des contentieux fiscaux multiples.
Il était, vous l'imaginez bien, impossible d'envoyer tous les candidats, tous les partis et tous les chefs d'entreprise en correctionnelle !
Alors, en 1978 et en 1984, deux décisions ont été prises par les ministres du budget de l'époque concernant les bureaux d'études, dans l'attente de la normalisation des financements politiques. Les ministres ont décidé que, lorsqu'il n'y aurait aucun enrichissement personnel sur l'ensemble du circuit, les dépenses seraient admises en déduction comme ayant été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et qu'il n'y aurait pas de redressement fiscal ni de mise en oeuvre de la dénonciation prévue à l'article 40 du code de procédure pénale.
Ces décisions, mes chers collègues, sont conformes au pouvoir de large appréciation que la loi attribue au ministre chargé du budget, qui engage sa responsabilité politique et qui n'a de comptes à rendre qu'au seul Parlement.
Du gouvernement de M. Barre au gouvernement de M. Balladur, tous les ministres successifs ont respecté et appliqué ces directives, moi y compris... avec cependant une nuance de taille parce que, tandis que j'étais au ministère, est intervenue la loi du 15 janvier 1990 qui a organisé, en en prévoyant un contrôle strict, les systèmes de financement politique des campagnes des candidats et des partis.
J'ai estimé alors que la doctrine ancienne de l'administration n'était plus valable, puisqu'elle était intervenue à une période où il n'y avait aucun droit pour réglementer les financements politiques et, par une décision d'août 1991, avec effet au 1er janvier 1990, j'ai abrogé les directives de mes prédécesseurs.
Depuis cette date, mes chers collègues, et conformément aux lois que vous avez votées, ces affaires font l'objet de redressements fiscaux normaux et de la dénonciation prévue à l'article 40 du code de procédure pénale.
Voilà ce que le juge veut savoir. Mais pour quoi faire ?
Sans doute, d'abord, pour s'arroger le droit d'apprécier les instuctions de 1978 et de 1984, qui ne relèvent que de la juridiction administrative au titre de la séparation des pouvoirs et qui n'ont jamais été contestées ni annulées ; pour les juger nulles et non avenues, passer outre et tirer le fil de laine au-delà du 1er janvier 1990. Et jusqu'à quand ? Pour l'éternité puisque, en matière de délits financiers, il n'y a pas de prescription !
Vous me direz : « Mais ce sont des faits amnistiés, en tout cas ceux qui sont antérieurs au 15 janvier 1989 ! »
Je vous rappellerai, mes chers collègues, que l'amnistie n'interdit pas la poursuite des parlementaires puisque ceux-ci se sont exclus de son champ.
En outre, ouvrir des procédures, pas seulement sur les deux sociétés concernées par l'affaire qui m'intéresse mais tous azimuts, les médiatiser à outrance et, une fois l'effet obtenu, y renoncer publiquement pour cause d'amnistie nous apporterait un deuxième effet garanti, ce à quoi, d'ailleurs, la loi de 1990 visait à mettre un terme.
Le juge a donc sans doute une deuxième raison : exprimer une nouvelle fois cette vieille revendication des corporations de magistrats sur le contentieux gracieux, fiscal et douanier, puisqu'un certain nombre de magistrats revendiquent le droit d'agir à la place du ministre du budget pour toutes les transactions en matière d'assiette, de montant des droits, de remise gracieuse en principal et en pénalités, de délais de paiement, etc.
Bien entendu, je passe sur ce qui résulterait de tout cela en ce qui concerne les intérêts du Trésor, c'est-à-dire les intérêts du contribuable, qui attendraient cinq, six, sept, huit ans pour obtenir la réponse à une réclamation qu'ils ont formée ou que, quelquefois, vous formez pour eux, au titre de votre droit de contrôle de l'administration ; sans oublier qu'il faudrait sans doute créer autant de postes de magistrats qu'il y a de vérificateurs dans les services de la direction générale des impôts.
De plus, le ministre du budget prend parfois une décision en équité, notamment à l'égard d'une entreprise dans laquelle l'emploi est menacé, mais je ne suis pas certain que le même effet serait obtenu auprès du juge. En tout cas, ce serait une incursion du juge dans l'administration du ministère des finances.
Mes chers collègues, le Parlement a eu la sagesse de délimiter les prérogatives du ministre chargé du budget, avec un haut sens de l'intérêt général et de l'intérêt public. Tout récemment, d'ailleurs, nos collègues de la commission des lois s'en souviennent, il a même refusé d'étendre les pouvoirs du juge au règlement des dettes fiscales, dans la loi sur le surendettement.
Aucun juge ne saurait, même par effraction ou par coup de force, contester ce choix de la représentation nationale.
Mes chers collègues, voilà pourquoi j'ai résisté et pourquoi j'ai été sanctionné.
Accepter de me rendre à la convocation, comme mes collègues MM. Emmanuelli et Sarkozy - qui n'ont d'ailleurs rien dit au juge de ce que je viens de vous dire - cela aurait été entrer comme complice dans un jeu visant à saper les fondements de la République et à ériger l'autorité judiciaire en véritable pouvoir auquel tous les autres, à commencer par ceux qui émanent directement de la souveraineté nationale, devraient se plier.
Un sénateur du RPR. Très bien !
M. Michel Charasse. C'est le début d'un processus.
Aujourd'hui, il est question de contrôler le ministre du budget : moi en l'espèce, et mes deux autres collègues. Mais, demain, on pourra convoquer tous les anciens ministres. Et l'on sait bien que certains d'entre eux sont actuellement concernés, même s'ils n'ont commis aucune infraction. Devront-ils ainsi défiler dans le bueau du juge ?
Mes chers collègues, à ce régime, le garde des sceaux finira par devoir rendre compte à un juge et il lui faudra accepter la flagellation publique pour les instructions qu'il adresse au parquet !
Et puis viendra le tour du Président de la République, du médiateur, des membres du Conseil constitutionnel, de ceux du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, etc. : autant d'autorités publiques qui ne sont pas protégées.
J'ajouterai, mes chers collègues, que les membres du Parlement sont aussi concernés. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, je n'aurais sans doute pas demandé cette suspension de poursuites.
Car il faut savoir que certains magistrats, aujourd'hui, jouent un peu les apprentis sorciers, sont à la tête de procédures multiples, de dossiers énormes - je pense à Elf ou au Crédit Lyonnais - et se sont eux-mêmes enterrés, à coup de saisies médiatiques répétées, sous une masse de documents. L'affaire qui m'intéresse, par exemple, a donné lieu à la saisie, à la Réunion, de l'équivalent d'un tombereau de dossiers ! Comment voulez-vous que les juges puissent, matériellement et techniquement, faire l'analyse de cet ensemble de documents ? Même si on leur fournissait tous les moyens de la justice, même si on les concentrait tous à la galerie financière du palais de justice de Paris, en déshabillant tous les autres tribunaux de France, ils en seraient incapables !
D'ailleurs, depuis le début de toutes ces affaires, personne n'a encore été envoyé en correctionnelle, aucun dossier n'a été bouclé ! On voit simplement défiler saisies, nouvelles interpellations, personnalités à la Une des journaux. Mais personne n'est encore envoyé en correctionnelle ! Tant et si bien que l'on se demande si la justice passera un jour autrement que par la voie médiatique.
Etant donné que ces magistrats ne savent pas comment sortir de ce magma, de ce jeu d'apprenti sorcier, il leur faut fournir tous les jours des noms à l'opinion publique, qui attend son viatique. Or il existe un vivier : le Parlement !
Comme l'a dit très justement notre collègue M. Gélard tout à l'heure, il se trouvera un jour un juge qui s'affranchira des responsabilités de la fonction parlementaire - article 26, premier alinéa de la Constitution - pour inviter tel ou tel d'entre nous à passer le voir, comme simple témoin, sans avoir le droit de le poursuivre mais pour qu'il s'explique sur ses votes, ses discours, ses questions écrites, ses propositions de loi, ses amendements...
M. Pierre Fauchon. Et quoi encore ?
M. Michel Charasse. ... et, pourquoi pas, monsieur le président, sur ses votes en bureau sur des affaires intéressant d'autres collègues.
Nous ne risquons pas, rassurez-vous, la paille humide des cachots - je vois M. Fauchon sourire - mais la sanction est pire et, mon cher collègue, je ne vous la souhaite pas, parce que je vous aime bien !
M. Pierre Fauchon. C'est réciproque !
M. Michel Charasse. Cette sanction, c'est la photo sur les marches du palais, c'est la rumeur, ce sont les articles pleins de sous-entendus, les images jetées à la face de l'opinion publique par les télévisions et les journaux. Or l'on bredouille toujours plus ou moins maladroitement à la sortie d'un palais de justice ! Croyez-moi, mes chers collègues - mais vous le savez - c'est largement suffisant pour déconsidérer celui qui a choisi de consacrer sa vie à la chose publique.
Alors, mes chers collègues, ce n'est pas sur cela que le Sénat va se prononcer et, de ce point de vue, je confirme à M. Fauchon, qui a peut-être des inquiétudes, que la mission constitutionnelle de notre assemblée dans cette affaire que je lui soumets est très simple : il s'agit de dire si l'acharnement judiciaire dont je suis l'objet depuis plus d'un an - parce que cela fait plus d'un an que cela dure ! - vise ma personne ou ma fonction actuelle, porte atteinte au libre exercice de mon mandat, ce que les chambres, depuis la Révolution française, n'ont jamais accepté, comme le rappelle M. Gélard dans son rapport : « La personne des députés est inviolable », aux termes de la résolution de l'Assemblée de 1789.
Il s'agit, au fond, de me donner un peu de répit jusqu'au 1er juillet 1998, pour que j'organise ma défense devant la chambre d'accusation, que j'ai saisie en appel, parce que je n'ai pas l'intention, en l'occurrence, de me dispenser de lui fournir un certain nombre d'éléments.
Croyez-moi, mes chers collègues, je suis visé comme sénateur par des poursuites qui ne sont, selon la formule consacrée, « ni sérieuses, ni sincères, ni loyales ». Nous sommes en présence de poursuites, et il y a bien poursuites, monsieur Fauchon, à partir du moment où il y a eu condamnation.
M. Pierre Fauchon. A partir de ce moment-là, mais pas avant !
M. Michel Charasse. Avant, la convocation elle-même n'est pas une poursuite. Mais la sanction en est une ! Si ce n'est pas une poursuite, vous allez m'expliquer ce que c'est ! Ce n'est quand même pas une réunion de chaisières ou une amicale d'anciens combattants !
M. Pierre Fauchon. C'est l'instruction !
M. Emmanuel Hamel. Laissez parler M. Charasse, mon cher collègue !
M. Michel Charasse. Ce n'est pas une instruction ! Je suis condamné, et à une amende qui n'est pas une contravention : à une amende dont le tarif est fixé par référence aux contraventions, mais le législateur aurait fort bien pu choisir un autre tarif ou un autre barème.
M. Pierre Fauchon. Cela, c'est une poursuite !
M. Michel Charasse. Il s'agit donc de poursuites, poursuites que je trouve d'ailleurs un peu minables, contre l'élu, contre l'homme politique et le mandat qu'il exerce, mais pas contre un citoyen coupable d'une grave infraction puisque, au fond, j'ai été condamné sans être coupable de rien. Nous sommes bien en plein dans le domaine de l'immunité parlementaire, et je remercie la commission d'avoir, dans sa majorité, conclu en ce sens.
On peut me reprocher d'avoir souhaité ce débat. Que l'on me fasse l'amitié de penser que, depuis le début, ce n'est pas pour moi, pour mon cas ou mes intérêts personnels que je me bats, ni pour ces misérables 10 000 francs que l'on me réclame. C'est seulement parce que je considère que nous sommes à un tournant et que la République et le suffrage universel sont désormais menacés dans leurs fondements par ce genre de tentative d'OPA de certains juges - une minorité, certes, je le redis - sur le pouvoir et sur l'Etat, et parce que vous êtes tous menacés d'être un jour à ma place.
Grâce à ce débat, j'aurai pu non seulement appeler l'attention sur les grands périls qui menacent la démocratie si nous renonçons aux droits fondamentaux de la République et de l'Etat pour les livrer à la clameur publique attisée par les corporations judiciaires, mais aussi vous rendre compte de mon action, de celle de mes prédécesseurs et de mes successeurs au ministère du budget face au difficile problème des financements politiques antérieurement au 1er janvier 1990. N'étant en rien coupable pénalement, je n'ai rien à cacher, et surtout pas à la représentation nationale.
J'ai conscience, mes chers collègues, que tous les ministres qui ont arrêté les directives dont je vous ai parlé, ou qui les ont appliquées jusqu'à ce que je les abroge, ont agi pour le bien du pays, parce qu'il fallait répondre en urgence - c'était une mission d'Etat - à l'angoissante question du financement et du fonctionnement normal de la vie démocratique.
Faut-il que j'ajoute que, naturellement, je couvre l'ensemble des fonctionnaires qui, sous mon autorité, ont agi dans le même sens et selon mes instructions, fonctionnaires qu'aucun juge n'a, pour le même motif de l'interdiction de s'immiscer dans l'administration et de tenter de démolir l'Etat, le droit de convoquer et d'entendre. Et, pourtant, là aussi, il l'a fait : la moitié de l'état-major de la direction générale des impôts a défilé dans le cabinet du juge.
Mes chers collègues, si vous estimez que j'ai eu tort, tort d'agir ainsi au ministère du budget, tort d'avoir résisté à une autorité judiciaire qui voudrait s'ériger en pouvoir, alors, vous le direz dans un instant. Mais, je vous en conjure, pour l'honneur de la République et la dignité du Parlement, n'acceptez jamais, mes chers collègues, qu'un juge prononce sur la politique à votre place.
Monsieur le président, pour des raisons évidentes, étant directement et personnellement concerné, je vais maintenant quitter la séance sans participer au vote. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur celles du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants et sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel. Vous resterez présent dans notre esprit et dans notre âme et nous vous soutiendrons !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la proposition de résolution.

J'en donne lecture :
« Le Sénat,
« Vu l'article 26, alinéa 3, de la Constitution ;
« Vu l'article 105 du règlement du Sénat ;
« Vu l'article 109 du code de procédure pénale ;
« Vu l'ordonnance du 10 septembre 1997 par laquelle M. Michel Charasse a été condamné par un juge d'instruction à une peine d'amende de dix mille francs pour avoir refusé de comparaître le 19 juin 1997 en qualité de témoin, contre laquelle un appel a été interjeté ;
« Vu l'article unique de la proposition de résolution n° 15 (1997-1998) présentée par M. Michel Charasse et tendant à requérir la suspension des poursuites engagées contre lui,
« Requiert la suspension de la poursuite de M. Michel Charasse. »
Je vais mettre aux voix la proposition de résolution.
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Le groupe communiste républicain et citoyen a participé à la commission ad hoc et partage les conclusions de son rapporteur. Il votera donc pour la suspension des poursuites contre notre collègue Michel Charasse.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je souhaite simplement indiquer que les membres du groupe de l'Union centriste ont décidé, dans leur grande majorité, de ne pas participer au vote.
Plusieurs sénateurs socialistes. C'est courageux !
M. Bernard Piras. Chapeau, Ponce Pilate !
M. Jean Cluzel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. A titre personnel, je voterai pour la suspension des poursuites.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Ayant été rapporteur devant le bureau du Sénat sur cette affaire, je ne participerai pas moi non plus au vote sur cette proposition de résolution. Mais je ne veux pas que l'on y voie un désaveu de la démarche de la commission ad hoc.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Les sénateurs du groupe du RDSE, dans leur très grande majorité, voteront pour la proposition de résolution.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la proposition de résolution.
La résolution est adoptée. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Dites à M. Charasse de revenir, que nous l'applaudissions !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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ACCORD-CADRE DE COMMERCE ET DE COOPÉRATION ENTRE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET LA CORÉE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 382, 1997-1998) portant ratification de l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part. [Rapport n° 59 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui a pour objet d'autoriser la ratification de l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part.
Signé à Luxembourg le 28 octobre 1996, cet accord s'inscrit dans la lignée des accords du même type déjà signés avec d'autres pays, en particulier en Asie, où l'Union européenne souhaite renforcer sa présence.
Accord mixte non préférentiel, cet accord, à vocation générale, couvre à la fois la coopération politique, commerciale, économique, culturelle, scientifique et technique.
Venant après le lancement du forum euro-asiatique connu sous le nom d'ASEM, dont la Corée accueillera le troisième sommet en l'an 2000, cet accord doit permettre de jeter les bases d'une coopération diversifiée et renforcée entre la Corée et l'Europe.
Troisième partenaire commercial de la Corée, après le Japon et les Etats-Unis, l'Union européenne enregistre avec ce pays un excédent commercial significatif qui s'élevait, en 1996, à 12 milliards de dollars, plus de 1 milliard de francs revenant à la France.
Membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, depuis décembre 1996, la Corée a exprimé le souhait de renforcer son partenariat avec l'Europe, non seulement sur le plan économique, comme en témoigne le développement des investissements coréens dans les pays de l'Union européenne, mais aussi sur le plan politique.
Dotée du statut d'observateur à l'Office statistique des Communautés européennes, l'OSCE, la Corée entretient également un dialogue avec l'Union européenne sur la situation de la péninsule coréenne, dialogue qui a été renforcé depuis la décision de l'Union européenne de rejoindre le conseil exécutif de la KEDO, organisme chargé de fournir deux centrales nucléaires à la Corée du Nord en échange de l'arrêt de son programme nucléaire militaire.
C'est pour tirer les conclusions de l'intensification des relations euro-coréennes qui évoluaient, jusqu'à présent, sans cadre institutionnel d'ensemble, que l'accord qui vous est soumis a été élaboré.
Quels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu de cet accord et ses conséquences pour l'Union européenne, notamment pour la France ?
La coopération envisagée est fondée sur le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme. La France, qui est particulièrement attentive à l'évolution du droit social en Corée, note avec satisfaction les orientations que les autorités coréennes ont souhaité suivre dans ce domaine.
Prenant acte de la nécessité de procéder à des échanges de vues sur les grands sujets de politique internationale et régionale, l'accord instaure un dialogue politique régulier entre les deux parties, qui conviennent, par ailleurs, d'établir une coopération en matière d'aide au développement, thème auquel la France, qui oeuvre pour une plus grande synergie des initiatives prises dans ce domaine à l'échelon international, est particulièrement attachée.
L'intérêt de l'accord réside également dans la diversité des domaines couverts. Ainsi est-il prévu d'établir une coopération en matière de lutte contre la drogue et de blanchiment de l'argent. L'accord envisage également le développement de la coopération dans les domaines de la science et de la technologie, ainsi que dans ceux de l'environnement et de l'énergie, dans le but de participer conjointement à la diversification des sources d'énergie et au développement de formes d'énergie nouvelles.
Le renforcement de la coopération en matière de culture, d'information et de communication fait également partie du dispositif mis en place qui permettra l'organisation de manifestations culturelles plus nombreuses et la promotion des échanges universitaires.
Symbolisée par la présence du TGV, la technologie française est déjà bien représentée en Corée, qui est, par ailleurs, le pays où le nombre d'élèves et d'étudiants en français est le plus important en Asie.
Forte de cette influence, la France se félicite de pouvoir contribuer au rapprochement euro-coréen dans des domaines aussi importants que la culture et la technologie.
Le développement de la coopération dans le domaine économique et commercial constitue l'un des piliers centraux de l'accord qui vous est soumis. La crise financière que traverse actuellement la Corée confère à cet accord une actualité particulière.
Grâce, au plan de redressement mis en oeuvre par le FMI auquel plusieurs pays européens, dont la France, ont décidé de participer de manière significative, la Corée devrait être en mesure de redresser son économie. Elle restera ainsi, pour l'Union européenne, un partenaire économique et commercial d'avenir, avec lequel il convient de poursuivre nos efforts pour développer les échanges et améliorer les conditions d'accès au marché.
La Corée enregistre un déficit commercial important avec les pays de l'Union européenne. L'accès des entreprises européennes au marché coréen est, en effet, loin d'être satisfaisant.
Le déficit coréen provient essentiellement d'achats de biens d'équipement et de composants destinés à la transformation pour la réexportation. En revanche, les biens de consommation, qu'il s'agisse des article de luxe, des produits agro-alimentaires ou des véhicules automobiles, pour ne citer que des secteurs dans lesquels la France dispose d'un savoir-faire reconnu, se heurtent, sur le marché coréen, à de nombreux obstacles tarifaires et non tarifaires.
La conclusion d'un accord-cadre de commerce et de coopération revêt, dans ce contexte, une importance particulière. Tout en s'accordant mutuellement le traitement de la nation la plus favorisée, l'Union européenne et la Corée s'engagent, en effet, à améliorer les conditions d'accès au marché, en particulier pour les produits industriels, agricoles et de la pêche et pour les services tels que les télécommunications et les services financiers.
Des engagements sont également pris pour que la participation aux marchés publics s'effectue sur la base de la réciprocité et de la non-discrimination. A cela s'ajoutent des engagements spécifiques dans les secteurs du transport maritime et de la construction navale.
Les parties s'engagent également - il s'agit d'un élément essentiel de l'accord - à veiller au respect des droits de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale. La Corée étant un centre important de contrefaçon, la France sera particulièrement vigilante à la mise en oeuvre de ces dispositions.
S'agissant de la facilitation des échanges, il convient également de souligner les projets de coopération en matière de réglementation technique, de normes, de vérification de conformité, ainsi que de promotion des échanges d'informations relatives aux mesures commerciales, notamment dans le cadre des procédures antidumping.
Enfin, une attention particulière devrait être accordée au développement de la coopération sectorielle, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche, où l'objectif annoncé est d'engager des consultations sur l'harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires.
Conclu pour une période de cinq ans et tacitement reconductible année après année au terme de ce délai, cet accord, qui prévoit la constitution d'une commission mixte chargée de veiller à son application, permettra sans nul doute de renforcer les positions de l'Union européenne en Corée, pour le plus grand bénéfice de nos entreprises.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'actualité internationale donne un relief particulier à l'accord-cadre de coopération entre l'Union européenne et la Corée dont la ratification est aujourd'hui soumise à notre approbation.
En effet, prise dans la tourmente financière qui a secoué les uns après les autres les Etats du Sud-Est asiatique, la Corée s'est trouvée contrainte de solliciter l'aide du Fonds monétaire international. En contrepartie du soutien accordé par ce dernier, la Corée a dû accepter d'ouvrir aux investisseurs étrangers non seulement son marché monétaire et son marché obligataire à court terme, mais aussi le capital de ses entreprises. La crise aura ainsi sans doute pour effet de faire évoluer une économie qui était restée jusqu'à présent extrêmement fermée. C'est précisément un tel changement que recherche, sur un mode concerté, l'accord-cadre de coopération.
En effet, même si les échanges commerciaux ont progressé entre l'Europe et la Corée au cours des dernières années et se traduisent par un excédent pour les pays européens, nos entreprises se heurtent encore à de nombreuses difficultés pour vendre leurs produits dans ce pays.
Aux barrières tarifaires s'ajoutent des pratiques discriminatoires. Ces entraves concernent d'ailleurs principalement les biens de consommation. Le cas des automobiles me paraît, à cet égard, exemplaire.
Au premier semestre de 1997, les nouvelles immatriculations de voitures particulières européennes en Corée ont baissé de 33 %. En 1996, les voitures européennes représentaient à peine 0,5 % du marché coréen. A l'inverse, les fabricants coréens ont pu accroître de 38 % leur part de marché sur le vieux continent.
Ce déséquilibre résulte en partie de pratiques discriminatoires adoptées ou encouragées par le gouvernement coréen. Ainsi, une campagne dite de « frugalité », lancée en juillet 1996, vise à détourner les consommateurs des biens importés présentés comme des articles étrangers à la tradition nationale d'austérité. Dans cette perspective, certains réseaux de distribution et des entreprises ont annoncé leur intention de ne plus acquérir de biens importés.
Ces orientations ne paraissent guère conformes aux engagements souscrits par la Corée dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ou de l'Organisation de coopération et de développement économiques. L'accord-cadre avec l'Union européenne constitue un moyen de pression supplémentaire pour obtenir de la Corée une plus grande ouverture de son marché.
Je retiendrai, en particulier, les cinq volets de l'accord qui me paraissent, à cet égard, particulièrement importants.
Je citerai, d'une part, l'objectif qui consiste à éliminer les obstacles aux échanges et à supprimer, en particulier, à terme, les barrières non tarifaires, et, d'autre part, l'amélioration de l'accès au marché pour les services tels que les services financiers et les télécommunications.
Par ailleurs, l'accord réaffirme la protection de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, ce qui n'est bien évidemment pas indifférent dans un pays qui connaît un problème important de contrefaçons.
Enfin, l'accord-cadre comprend également deux dispositions d'ordre sectoriel de portée non négligeable. En premier lieu, il engage les signataires à favoriser l'accès au trafic maritime international dans des conditions de concurrence loyale. En outre, il encourage les Européens et la Corée à coopérer pour réduire le déséquilibre structurel entre l'offre et la demande sur le marché mondial de la construction navale.
En conclusion, la Corée a témoigné de sa maturité politique en renforçant l'Etat de droit et en organisant une vie politique pluraliste. Elle a su, par ailleurs, se hisser en deux décennies au niveau des pays développés. L'adhésion de Séoul à l'OCDE a d'ailleurs consacré ces progrès.
Toutefois, la mutation de l'économie coréenne n'est pas achevée. La crise financière constitue, à cet égard, un révélateur, mais elle représente aussi peut-être un accélérateur des évolutions en cours. Il faut rester confiant sur l'avenir de la Corée et ce pays demeurera pour l'Union européenne un partenaire privilégié en Asie.
L'accord-cadre apparaît donc comme un élément utile dans la relation entre les deux partenaires, même si son intérêt s'apprécie différemment selon les perspectives envisagées. A court et à moyen terme, il pose des principes importants pour un développement plus harmonieux des relations commerciales entre l'Union européenne et la Corée ; à plus long terme, il offre une opportunité pour diversifier une coopération dans de nombreux domaines demeurés, jusqu'à présent, en jachère.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part, signé à Luxembourg le 28 octobre 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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CONVENTION
RELATIVE À L'AIDE ALIMENTAIRE DE 1995

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 372, 1997-1998) autorisant la ratification de la convention relative à l'aide alimentaire de 1995. [Rapport n° 58 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention relative à l'aide alimentaire et la convention sur le commerce des céréales sont les deux éléments constitutifs de l'accord international sur les céréales de 1995, lequel s'est substitué à un accord international de 1986, qu'il actualise.
Alors que la convention sur le commerce des céréales relève de la compétence exclusive de l'Union européenne, la convention relative à l'aide alimentaire qui nous occupe aujourd'hui fait l'objet d'une compétence partagée entre l'Union et ses Etats membres.
Cette convention, qui a été déposée auprès du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, a été ouverte à la signature à New York jusqu'au 30 juin 1995, et elle est entrée en vigueur le 1er juillet 1995. Elle regroupe vingt-trois signataires.
La France a signé cet instrument le 26 juin 1995 et déposé simultanément une déclaration d'application à titre provisoire, comme le permet l'article XIX. La convention est normalement en vigueur jusqu'en 1998, mais elle sera prorogée d'un an jusqu'au 30 juin 1999, date à laquelle elle devrait faire place à un texte renégocié.
La convention vise à atteindre l'objectif fixé par la conférence mondiale de l'alimentation et tendant à apporter chaque année 10 millions de tonnes de céréales aux pays en voie de développement, en accordant la priorité aux pays qui ont besoin d'importer des produits alimentaires et qui sont classés par le Comité de l'aide au développement de l'OCDE dans les catégories des pays les moins avancés, des autres pays à faible revenu ou des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.
Elle fixe les contributions minimales annuelles en équivalent-blé de chacun des membres. Ces contributions prennent de préférence la forme de dons ; elles peuvent être accordées bilatéralement, mais aussi par l'intermédiaire d'organisations intergouvernementales, le recours au programme alimentaire mondial étant encouragé, ou d'organisations non gouvernementales.
La convention dispose que les opérations d'aide ne doivent pas conduire à perturber les marchés des céréales et que les donateurs sont tenus de ne pas lier leur aide à leurs exportations de produits agricoles. Le suivi des contributions est effectué par un comité dont le siège est à Londres.
Principal donateur au côté des Etats-Unis, l'ensemble constitué par l'Union européenne et ses Etats membres, au premier rang desquels figure la France, s'engage, dans le cadre de la convention, à contribuer au développement et à la sécurité alimentaire des pays les plus pauvres ; cet effort est d'autant plus justifié que les perspectives concernant la sécurité alimentaire mondiale au cours des prochaines années restent préoccupantes et risquent notamment de se dégrader encore en Afrique sub-saharienne.
L'engagement de la France demeure inchangé par rapport à la situation antérieure à 1995 : il porte sur un tonnage annuel de 200 000 tonnes d'équivalent céréales, qui constitue la contribution de la France au titre de la convention, indépendamment de sa quote-part à la contribution fournie par l'Union européenne. Le coût budgétaire, pour l'exercice 1997, de nos donations en céréales, y compris leur transport, est de l'ordre de 330 millions de francs.
A travers sa participation à cet instrument multilatéral, la France apporte une nouvelle confirmation de la priorité politique qu'elle accorde à l'aide au développement.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention relative à l'aide alimentaire de 1995 qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification par la France de la convention de Londres de 1995 relative à l'aide alimentaire. Cette convention concrétise la volonté des Etats parties de contribuer à la sécurité alimentaire des pays les plus démunis en leur assurant, chaque année, une ressource de 10 millions de tonnes de céréales environ.
Je rappelle que la production mondiale de céréales a atteint 1 480 millions de tonnes en 1996, soit 580 millions de tonnes de blé et 900 millions de tonnes de céréales secondaires. La même année, la consommation mondiale s'est élevée à 1 450 millions de tonnes, soit environ 580 millions de tonnes de blé et 870 millions de tonnes de céréales secondaires.
Sur dix ans, la production de blé et sa consommation ont progressé de manière quasiment parallèle. En même temps, les stocks ont diminué, ce qui a provoqué une augmentation importante des cours mondiaux.
En ce qui concerne l'aide alimentaire proprement dite aux pays les plus démunis, depuis 1993, il faut constater, hélas ! une tendance à la baisse. En effet, cette année-là, cette aide atteignait 10 millions de tonnes environ ; en 1996 et en 1997, elle est tombée à un peu plus de la moitié à peine soit 5,6 millions de tonnes. De ce fait, l'ambition affichée par la présente convention, à savoir 10 millions de tonnes, paraît quelque peu irréaliste. Mais, il faut bien définir des perspectives, même si elle paraissent actuellement un peu éloignées.
Cette diminution provient essentiellement des Etats-Unis, qui accordaient 6,1 millions de tonnes en 1992 et en 1993 et seulement 4,3 millions de tonnes en 1996 et en 1997. D'autres pays, que je citerai dans un instant, ont annulé ou diminué leur participation.
L'aide de la Communauté européenne s'élève à 2 millions de tonnes environ, et elle est restée stable pendant la même période.
La convention de 1995 succède à la convention de 1986. Elle marque la volonté des signataires de participer à la sécurité alimentaire des pays les plus déshérités. Cette assistance fixe une aide alimentaire d'au moins 10 millions de tonnes de céréales propres à la consommation humaine.
La convention prévoit également un montant annuel minimum de 5,3 millions de tonnes. Vous pouvez constater que, actuellement, nous sommes plus près du seuil minimum que du seuil maximum.
La détermination de la contribution de chaque pays signataire s'est faite sur une base volontaire. A l'occasion de ce nouveau texte, il faut bien déplorer que certains Etats aient réduit leur contribution : celle de l'Autriche et de l'Espagne est ainsi passée de 20 000 à 8 900 tonnes et celle de l'Italie de 954 000 tonnes à 87 000 tonnes ; la Finlande a supprimé totalement sa contribution, qui était, en 1986, de 26 000 tonnes. La France, quant à elle, maintient la sienne à 200 000 tonnes environ. Chaque pays est libre de désigner le ou les bénéficiaires de son aide et la France, pour sa part, aide une trentaine de pays.
Le gouvernement du pays aidé vend les céréales et les fonds recueillis, gérés paritairement, sont destinés à financer des projets de développement agricole.
Les céréales sont parfois distribuées gratuitement à des populations défavorisées. Une partie de l'aide de la France peut aussi être mise à la disposition du programme alimentaire mondial.
L'aide de la France dépasse les 300 millions de francs, dépense supportée par le ministère de l'agriculture et par le secrétariat d'Etat à la coopération et à la francophonie.
Je précise que la présente convention est administrée par le comité de l'aide alimentaire, dont le siège est à Londres. Elle consacre le maintien et la poursuite de notre engagement en faveur des populations privées du minimum alimentaire.
Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter le texte qui vous est actuellement soumis.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention relative à l'aide alimentaire de 1995, faite à Londres le 5 décembre 1994 et signée par la France le 26 juin 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)5

ACCORD INTERNATIONAL DE 1994
SUR LES BOIS TROPICAUX

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 64, 1997-1998) autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux, qui vous est aujourd'hui soumis a été signé par la France le 13 mai 1996.
Il succède à l'accord international de 1983 et prévoit le maintien de l'Organisation internationale des bois tropicaux, l'OIBT, dont le siège se trouve à Yokohama.
Certains de ses objectifs sont traditionnels et se retrouvent dans la plupart des accords de produits de base, à savoir la fourniture un cadre à la coopération internationale en matière de bois tropicaux, promotion de l'expansion et de la diversification du commerce international de bois tropicaux et l'encouragement de la recherche en vue d'améliorer la gestion des forêt et l'efficacité de l'utilisation du bois.
Mais l'accord de 1994 comporte également des clauses environnementales, commerciales et financières qui lui sont propres.
Dans le domaine de l'environnement, l'accord consacre l'« objectif 2000 », qui consiste à « renforcer la capacité des membres d'exécuter une stratégie visant à ce que, d'ici à l'an 2000, les exportations de bois et de produits dérivés des bois tropicaux proviennent de sources gérées de façon durable ».
Cet objectif s'explique par le souci des pays industrialisés de limiter les risques de déforestation des zones tropicales qu'entraînerait une exploitation incontrôlée des ressources forestières des pays en développement.
En contrepartie de cet engagement, les pays producteurs ont obtenu l'inclusion d'une clause de non-discrimination commerciale qui traduit leur crainte de restrictions à l'importation de bois tropicaux dans certains pays consommateurs, et la création d'un nouvel instrument financier, appelé « Fonds pour le partenariat de Bali », destiné à fournir aux pays exportateurs des ressources nouvelles afin de les aider à procéder aux investissements nécessaires à la réalisation de l'« objectif 2000 ».
Si les pays de l'Union européenne ont décidé de participer à l'accord de 1994, la Communauté n'en a pas moins assorti sa signature d'une déclaration interprétative, en son nom et au nom de ses Etats membres, spécifiant, d'une part, que l'accord se rapportait uniquement aux bois tropicaux et non à l'ensemble des forêts, et, d'autre part, que les contributions au Fonds de Bali et au compte spécial de l'organisation destiné au financement de projets se feraient sur une base exclusivement volontaire.
En effet, nous estimons, comme nos partenaires européens, que l'OIBT doit conserver sa spécificité « tropicale » afin d'éviter tout empiètement sur d'autres institutions multilatérales - l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, le FAO, la Commission du développement durable de l'ONU, en particulier.
Nous estimons également, compte tenu du fait que les bois tropicaux exportés ne représentent qu'une petite partie de la production, que les ressources nécessaires à l'aménagement durable des forêts tropicales ne peuvent provenir uniquement des pays industrialisés.
La participation de la France à l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux se justifie par son rang de deuxième importateur européen de bois tropicaux, par son attachement à une coopération internationale approfondie entre pays producteurs et pays consommateurs de matières premières, et par l'importance qu'elle confère à la défense de l'environnement et à la promotion du développement durable. En outre, les bois tropicaux constituent, pour de nombreux pays d'Afrique francophone, une ressource essentielle dont l'exploitation plus rationnelle pourrait contribuer au développement économique et limiter l'exode rural. La prochaine réunion de l'OIBT se tiendra d'ailleurs à Libreville en mai 1998.
L'accord a été conclu pour une durée de quatre ans et peut être prorogé pour deux périodes supplémentaires de trois ans chacune.
A ce jour, vingt-six pays exportateurs, dont les principaux sont l'Indonésie, la Malaisie et le Brésil, et vingt-trois pays importateurs, parmi lesquels on peut citer les Etats-Unis, le Japon, la Chine et la Corée, sont membres de cet accord. Notre pays est un importateur important mais se trouve dans une situation particulière, car il est également, grâce à la Guyane, producteur - modeste - de bois tropicaux.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux, qui fait l'objet du projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le nouvel accord international de 1994 sur les bois tropicaux a pour objet de réaliser un équilibre, souvent difficile, entre deux préoccupations : d'une part, le développement et la diversification du commerce international des bois tropicaux ; d'autre part, la sauvegarde des ressources forestières de la planète.
Ces deux objectifs paraissent, l'un et l'autre, légitimes. Ils ne sont d'ailleurs pas nécessairement contradictoires. Permettez-moi de développer ces deux points.
En premier lieu, le commerce des bois tropicaux paraît nécessaire pour l'économie de nombreux pays en développement, pour lesquels les ventes de ces produits représentent une précieuse source de devises. Plusieurs Etats, en particulier en Asie, ont cherché à promouvoir une véritable industrie de transformation dans ce secteur, afin d'exporter des produits présentant une valeur ajoutée croissante. Une telle évolution doit naturellement être encouragée.
Cependant, le commerce des bois tropicaux connaît aujourd'hui plusieurs difficultés, liées avant tout à une conjoncture économique déprimée, en particulier dans le secteur de la construction. A cet égard, la crise financière en Asie du Sud-Est, principale zone de production mais aussi de consommation des bois tropicaux risque de peser sur les cours de ce produit dans les mois à venir. Par ailleurs, le commerce des bois tropicaux, se heurte aux préventions des mouvements écologistes. A titre d'exemple, la société Chanel vient de faire les frais d'une campagne contre l'utilisation du bois de rose pour la fabrication de l'un de ses parfums les plus fameux. Certains Etats européens ont même adopté des réglementations restrictives. Contraires aux engagements souscrits dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, ces réglementations ont dû être abrogées.
L'opposition des mouvements écologistes est-elle justifiée ?
Sans doute la sauvegarde des forêts tropicales constitue-t-elle une préoccupation légitime. En effet, les forêts ont une influence décisive sur le climat. Elles contribuent à la protection et à la régénération des sols. Enfin, elles exercent une fonction de conservatoire des formes de vie. Il faut le rappeler, plus de la moitié des espèces terrestres sont originaires des régions tropicales. Or les forêts tropicales représentent un patrimoine menacé : la déforestation a beaucoup progressé en moins d'une décennie.
Toutefois, ce phénomène s'explique principalement par la pression démographique que connaissent la plupart des pays producteurs de bois tropicaux.
L'exploitation de bois d'oeuvre joue, en revanche, un rôle plus contrasté. Si elle a incontestablement conduit à d'importants déboisements dans la zone asiatique, ses effets paraissent plus modestes en Afrique.
En fait, l'exploitation des bois tropicaux peut même se révéler nécessaire lorsqu'elle s'inscrit dans le cadre d'un aménagement concerté et à l'intérieur de normes précises.
A cet égard, il faut le reconnaître, l'accord sur les bois tropicaux de 1994 ouvre une voie intéressante. Il doit conduire, en principe, à l'échéance 2000, à réaliser l'ensemble des exportations de bois tropicaux à partir des ressources forestières gérées de façon durable. Cet « objectif 2000 » a une valeur principalement indicative, mais il pourra bénéficier du concours du Fonds pour le partenariat de Bali. Ce fonds, comme l'a rappelé opportunément la déclaration interprétative faite par l'Union européenne au moment de la signature de l'accord de 1994, reposera sur des contributions volontaires des Etats. A ce jour, le Japon représente le principal bailleur de fonds de l'Organisation internationale des bois tropicaux créée par l'accord de 1983 et maintenue par le présent texte.
En conclusion, les objectifs recherchés par l'accord sur les bois tropicaux ne pourront se concrétiser sans un double engagement des pays producteurs et des pays consommateurs. A cet égard, la pression accrue exercée sur les donateurs à travers la création du Fonds pour le partenariat de Bali ne saurait exempter les pays producteurs de leurs propres responsabilités au regard de la gestion des ressources forestières dont ils disposent. En effet, les efforts déployés par la communauté internationale resteront vains si les Etats producteurs ne prennent pas, à l'échelle nationale, l'ensemble des mesures à la fois juridiques et économiques pour lutter contre une déforestation inquiétante.
Cette réserve faite, l'accord apparaît comme un instrument utile et la France se doit d'y participer, pour trois raisons principales.
D'abord, les achats de bois tropicaux, même si la part de notre pays a décliné au sein des pays importateurs, demeurent essentiels pour tout un secteur de notre économie, en particulier l'ameublement.
Ensuite, la France a marqué depuis plusieurs années son attachement à la protection de l'environnement, en particulier à la sauvegarde des ressources forestières de la planète.
Enfin et surtout, la diplomatie française a toujours soutenu la mise en place des accords de produit afin, d'une part, de ne pas livrer entièrement le commerce international aux seules lois du marché et, d'autre part, de promouvoir un dialogue Nord-Sud favorable aux pays en développement.
Ces différentes raisons ont conduit la commission à vous inviter, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes), fait à Genève le 26 janvier 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

6

CONVENTION DOUANIÈRE AVEC CUBA

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 76, 1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières. [Rapport n° 146 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure de l'internationalisation des échanges et de la mondialisation de l'économie, la grande fraude commerciale à l'échelle mondiale prend une ampleur sans précédent. Son corollaire est, naturellement, un accroissement, voire une sophistication, des infractions douanières.
La complexité des circuits économiques, dans laquelle la criminalité organisée trouve de nouveaux terrains d'action, la favorise.
Dans cet environnement, le but des Etats a toujours été de se doter de moyens juridiques et stratégiques visant à mieux appréhender les nouveaux types de délinquance, dans un cadre multilatéral ou bilatéral.
Les conventions des Nations unies, sur les stupéfiants en 1961, sur les substances psychotropes en 1971 et contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes en 1988, y répondaient.
Au sein de l'Union européenne, pour parer aux effets néfastes de la mise en place de l'union douanière et de politiques communes, les nouvelles formes de fraude ayant de graves conséquences financières et économiques, un mécanisme de coopération administrative a accompagné le mouvement de libéralisation des échanges et la suppression des formalités douanières.
A l'échelon national, enfin, la France s'est engagée très tôt sur la voie de la coopération internationale. Les dispositions pertinentes du code des douanes dans le domaine de la coopération internationale - article 65, paragraphe 6 - n'offrent effectivement qu'une faible base juridique, notamment en ce qui concerne la protection de la confidentialité des renseignements et informations échangés entre administrations. Dès 1936, elle signait avec les Etats-Unis son premier accord bilatéral de ce type. Au total, dix-neuf conventions sont en vigueur et une dizaine sont en négociation ou en cours d'approbation.
Les trois conventions signées avec Cuba, la Pologne et l'Ukraine qui vous sont proposées prévoient spécifiquement la communication spontanée de renseignements concernant les opérations illicites, la transmission sur demande de documents qui les corroborent, le recours à des enquêtes permettant l'audition de personnes suspectes ou de témoins, la possibilité d'utiliser, à titre de preuves, les documents et informations recueillis dans le cadre de la convention, ainsi que la possibilité, pour les agents des douanes, de comparaître en tant que témoins ou experts devant les tribunaux de l'Etat contractant et requérant. L'assistance organisée ne pourra cependant porter atteinte à l'ordre public, à un secret industriel, commercial ou professionnel.
L'assistance administrative dans la lutte contre la fraude est déterminante. L'échange de renseignements est l'un des instruments privilégiés. La coopération internationale est, en effet, indispensable pour lutter efficacement contre la mondialisation de la fraude liée à celle de l'économie.
En 1996, l'assistance administrative a constitué un peu plus de 8 % des sources des enquêtes diligentées par les services douaniers. Ce pourcentage atteint près de 12 % si l'on inclut les enquêtes mises en oeuvre sur information de l'Unité de coordination de la lutte anti-fraude.
Près de 14 % des enquêtes menées sur la base d'une information communiquée dans le cadre de l'assistance administrative ont eu des résultats positifs. A ces 14 %, il convient d'ajouter toutes les enquêtes ayant une autre source, mais pour lesquelles l'assistance administrative aura été utile, sinon déterminante.
Au total, ces conventions devraient permettre à la fois d'assurer une meilleure perception des droits et taxes, de protéger la sécurité et la santé des citoyens français, d'assurer une protection plus efficace des entreprises contre les menaces d'irrégularités liées aux échanges internationaux - la concurrence déloyale ou les contrefaçons - et de protéger notre patrimoine culturel.
Elles sont, à ce titre, un élément important de nos relations bilatérales.
Cuba, de par sa situation géographique entre une aire de production de drogue - l'Amérique latine pour la cocaïne, les Caraïbes pour le cannabis - et une aire de consommation - les Etats-Unis - constitue naturellement un Etat de transit dans le trafic de stupéfiants susceptibles d'affecter nos départements de la zone.
De la même façon, les saisies réalisées tant à La Havane que dans les principaux aéroports européens, notamment Madrid, Barcelone, Rome et Francfort, et portant, en 1996, sur plus de 200 kilogrammes de cocaïne, prouvent l'existence d'un itinéraire Colombie-Cuba-Europe. Dans l'une des affaires - 36 kilogrammes de cocaïne saisis -, les auteurs du trafic ont été trouvés en possession de billets à destination de Paris.
Sur un plan général, la France est le sixième partenaire commercial de l'île. Aussi le texte signé à La Havane le 8 novembre 1996 est-il important.
Telles sont les principales dispositions de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières, signée à La Havane le 8 novembre 1996, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est invité à adopter un projet de loi portant approbation d'une convention d'assistance administrative mutuelle, signée le 8 novembre 1996 à La Havane entre la France et Cuba.
La France a déjà signé trente et un accords de ce type, et dix-neuf sont déjà entrés en vigueur.
Le présent texte entend instituer un cadre de coopération entre les administrations douanières des deux pays, qui a notamment pour objet d'améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants. En effet, Cuba, du fait de sa situation géographique entre une zone de production de drogue - l'Amérique latine et les Caraïbes - et une zone de consommation - les Etats-Unis - constitue naturellement un Etat de transit dans le trafic de stupéfiants.
La France n'est pas épargnée par ce trafic, comme certaines affaires l'ont montré.
C'est dire l'intérêt des mécanismes d'assistance et d'information réciproques qui ont été mis en place entre les deux services douaniers et dont vous avez rappelé l'économie générale, monsieur le secrétaire d'Etat.
Cet accord est conclu avec un pays dont le régime quelque peu anachronique témoigne d'une étonnante capacité de résistance. La France entretient à l'égard de Cuba un dialogue critique tendant à encourager une transition pacifique vers plus de démocratie. A chaque occasion, la France attire l'attention des autorités cubaines sur la situation préoccupante des libertés individuelles et s'efforce, par des interventions discrètes mais efficaces, de favoriser la solution des situations particulières.
Cela ne nous empêche pas de réaffirmer régulièrement, en particulier dans le cadre de l'assemblée générale des Nations unies, notre position à l'égard de l'embargo décidé par les Etats-Unis contre Cuba en 1960, embargo qui contribue, selon nous, plus à désespérer la population cubaine qu'à permettre toute véritable évolution politique pourtant hautement souhaitable.
Sur le plan commercial, Cuba a été, en 1996, notre quatre-vingt-dix-neuvième fournisseur et notre quatre-vingtième client. Notre pays est aujourd'hui le sixième partenaire commercial de Cuba, avec une part de marché qui s'élève à 7 %. Deux secteurs constituent l'essentiel de nos échanges avec l'île : les produits des industries agro-alimentaires et les produits agricoles.
Mes chers collègues, à l'heure de la mondialisation des flux commerciaux et financiers, les méthodes de travail des douanes françaises et européennes doivent s'adapter continuellement à des méthodes de fraudes toujours plus sophistiquées. Cette convention bilatérale devrait permettre de compléter l'arsenal déjà existant. C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, les membres de la commission des affaires étrangères voudront bien excuser un membre de la commission des lois d'intervenir à propos d'une convention. Chacun comprendra que je souhaite prendre la parole lorsque j'aurai rappelé que je préside actuellement le groupe d'amitié France-Caraïbes du Sénat et que, auparavant, j'étais président du groupe France-Cuba. Par conséquent, je connais bien ce pays et ce peuple, qui est particulièrement sympathique et proche de nous.
Cela me conduit à demander que les conventions qui peuvent être signées par la France avec Cuba soient ratifiées plus rapidement. Je rappelle en effet que Cuba est maltraité, comme les autres pays d'ailleurs, par les Etats-Unis et par la loi Helms-Burton. Le peuple cubain est soumis à un embargo qui est devenu tout à fait ridicule à une époque où l'URSS n'existe plus, où Cuba ne saurait évidemment représenter le moindre danger pour les Etats-Unis, et où, plus encore, ces derniers déroulent le tapis rouge devant le Chef de l'Etat chinois auquel ils pourraient, me semble-t-il, adresser au moins autant de reproches qu'au régime de Cuba.
Cela étant dit, nous attendons une autre convention et la ratification d'une autre.
Tout d'abord, une convention d'entraide judiciaire serait absolument indispensable, en particulier pour nos propres ressortissants. Ainsi, par exemple, un jeune homme ayant eu, pendant les vacances, un accident mortel avec une voiture de location a été retenu à Cuba à la charge de notre ambassade à défaut de cette convention de coopération judiciaire. Je me permets par conséquent d'insister auprès de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que cette convention soit prochainement signée, Cuba ne demandant pas mieux.
Par ailleurs, une convention sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements a été signée le 25 avril 1997. M. le rapporteur vient de dire que la France est le sixième partenaire commercial de Cuba. Or le tourisme, qui se développe actuellement beaucoup, permettrait un net accroissement des investissements français si cette convention était ratifiée rapidement.
J'espère donc qu'il n'en ira pas de cette convention comme de celle dont nous discutons aujourd'hui, et qu'il ne faudra pas attendre un an pour qu'elle soit soumise à la ratification du Parlement.
Voilà ce que, avec beaucoup d'insistance, je voulais vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai été très attentif à votre plaidoyer en faveur de Cuba, dont nous suivons avec beaucoup d'attention l'évolution non seulement politique, mais aussi économique et sociale.
La réflexion sur les futurs accords de Lomé sont une raison supplémentaire d'examiner cette situation, Cuba faisant évidemment partie de la zone Caraïbes dans laquelle la France est également présente.
J'ai entendu l'espoir qui est le vôtre qu'une convention d'entraide judiciaire puisse être rapidement signée et ratifiée. J'en ferai part à mon collègue M. Hubert Védrine, qui ne manquera pas d'examiner cette question avec Mme Elisabeth Guigou.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières, signée à La Havane le 8 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

7

CONVENTION DOUANIÈRE AVEC LA POLOGNE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi n° 77, 1997-1998, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Pologne. [Rapport n° 147 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Je ne reprendrai pas les arguments qui militent en faveur de la lutte contre la fraude commerciale internationale. En effet, les éléments que j'ai développés pour Cuba pourraient s'appliquer largement à la Pologne, avec laquelle les courants de fraude sont nombreux.
En matière commerciale, on constate en effet des fraudes sur les droits anti- dumping, des fausses déclarations tarifaires des marchandises à l'importation dans l'Union européenne, des fausses déclarations de valeur des marchandises, s'agissant notamment des véhicules d'occasion et des produits agricoles. La Pologne constitue une véritable plaque tournante à partir de laquelle cigarettes et alcool sont redistribués vers les pays scandinaves, les pays Baltes et la Russie.
En matière de stupéfiants, on constate que le pays joue un rôle de plus en plus important pour la production, pour la consommation ou pour le transit.
La coopération avec la Pologne est, dans cet environnement, assez riche en échanges de visites et de missions sur des sujets cruciaux.
Par ailleurs, une entente a été conclue le 15 avril 1997 pour la coopération entre les services des douanes des aéroports de Roissy - Charles-de-Gaulle et de Varsovie.
Aussi la convention signée à Paris le 29 janvier 1997 est-elle déterminante.
Telles sont les principales observations qu'appelle la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Pologne signée à Paris le 29 janvier 1997, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à l'approbation du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en signant le 29 janvier 1997 avec la Pologne une convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière, la France a voulu non seulement donner une base solide à la coopération entre les administrations douanières française et polonaise, mais aussi offrir un cadre plus adapté au développement des échanges commerciaux entre les deux pays.
Ces échanges connaissent une vigoureuse progression et la France réalise désormais avec la Pologne son plus fort excédent commercial pour toute l'Europe centrale et orientale.
Il importe donc de réduire autant que possible les courants de fraude, malheureusement nombreux, qui ont pu être constatés dans un passé récent, notamment les fausses déclarations d'origine et de valeur et la contrebande d'alcool ou de cigarettes.
La lutte contre le trafic de stupéfiants constitue également l'un des objectifs principaux de ce texte.
Cette convention, similaire à une trentaine de textes déjà conclus par la France, renforce une coopération étroite entre les douanes polonaise et française. Elle conforte les efforts entrepris par la Pologne pour renforcer l'efficacité de son administration douanière, notamment par l'adoption d'un nouveau code des douanes et la création d'un service spécial d'enquête et de contrôle.
La Pologne fait partie des tout premiers pays concernés par le futur élargissement de l'Union européenne, et la France entend renforcer avec elle des liens politiques fondés sur une longue tradition d'amitié, tout en développant des relations économiques déjà très fructueuses.
Dans ces conditions, la mise en place d'une assistance mutuelle en matière douanière a paru très opportune à la commission des affaires étrangères, qui vous recommande l'approbation du présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Pologne, signée à Paris le 29 janvier 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

8

CONVENTION DOUANIÈRE AVEC L'UKRAINE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 78, 1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine pour la prévention, la recherche et la poursuite des infractions douanières. [Rapport n° 148 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant de ce projet de loi, je serai encore plus bref.
J'indiquerai simplement que, si les courants de fraude sont encore peu nombreux avec l'Ukraine, ce pays est néanmoins destinataire de contrebande d'alcool. Sa position géographique et ses nombreuses frontières avec des pays sensibles aux trafics de toutes natures - drogue, produits nucléaires, déchets, etc. - le placent au centre d'une zone sensible. L'importance des saisies de pavot réalisées en Ukraine laisse penser que ce pays en produit. Aussi la convention signée à Kiev le 9 juillet dernier est-elle tout aussi importante.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter, s'agissant de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine pour la prévention, la recherche et la poursuite des infractions douanières signée à Kiev le 9 juillet 1997, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à l'approbation du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière, signée avec l'Ukraine le 9 juillet dernier, est tout à fait comparable à celle qui a été conclue avec la Pologne et que nous venons d'adopter.
Elle reprend le dispositif traditionnel de ce type de texte en vue de favoriser la prévention, la recherche et la poursuite des infractions douanières et des trafics illicites.
Elle prévoit cependant une disposition novatrice qui, à ma connaissance, ne se retrouve que dans une seule convention de ce type : la convention franco-tchèque. Elle autorise en effet, pour la lutte contre les trafics de stupéfiants, le recours à des « livraisons surveillées » impliquant la coopération de deux Etats. Il s'agit de permettre aux agents des douanes, pour les besoins d'une enquête et sous le contrôle du Parquet, d'infiltrer des réseaux pour mieux les démanteler.
Une telle pratique est prévue par la législation française et par la législation ukrainienne, si bien qu'elle a pu être mentionnée dans cette convention, ce qui n'a pas été le cas pour d'autres conventions signées avec des pays n'ayant pas pour l'instant légalisé ce type de procédure.
Sur un plan plus général, les échanges commerciaux entre les deux pays sont encore modestes, mais ils ne peuvent que se développer, compte tenu du fort potentiel économique de l'Ukraine. Cela justifie donc la mise en place d'une coopération opérationnelle entre services douaniers.
En permettant de réduire les trafics illicites, nombreux dans un pays où l'économie parallèle est importante, cette convention doit conforter l'Ukraine dans son effort de réforme de ses structures administratives et économiques, indispensable à sa modernisation et à son développement. Elle participe aussi d'un mouvement plus général de rapprochement entre l'Ukraine et l'Europe, auquel la France entend naturellement participer.
Pour cet ensemble de raisons, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable sur ce projet de loi, qu'elle vous demande d'adopter.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine pour la prévention, la recherche et la poursuite des infractions douanières, signée à Kiev le 9 juillet 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

9

ACCORDS RELATIFS AU RÈGLEMENT DÉFINITIF
DES CRÉANCES ENTRE LA FRANCE
ET LA RUSSIE ANTÉRIEURES AU 9 MAI 1945

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 104, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au règlement définitif des créances réciproques entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945 sous forme de mémorandum d'accord et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945. [Rapport n° 150 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole et à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la Russie ont signé, le 26 novembre 1996, un accord relatif au paiement par la Fédération de Russie d'une somme de 400 millions de dollars, en règlement définitif des créances réciproques entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945. Un accord complémentaire a été signé le 27 mai 1997.
Ces accords revêtent un caractère historique que je voudrais souligner. Ils apurent, en effet, un contentieux vieux de quatre-vingts ans, né de la répudiation, par Lénine, des dettes de la Russie tsariste.
En janvier 1918, au lendemain de la révolution russe, les autorités soviétiques décidaient unilatéralement de l'annulation, sans indemnité, de tous les emprunts étrangers contractés pour le développement de la Russie. Ainsi se trouvaient brutalement dépossédés d'une large partie de leur épargne plus d'un million et demi de ménages français.
Il en fut de même de nos compatriotes qui possédaient des biens en Europe orientale et qui furent victimes des suites de la révolution russe de 1917 et des annexions opérées par l'URSS entre 1939 et 1945.
Des tentatives avaient été faites depuis longtemps pour essayer de régler ces contentieux ; elles étaient toutes restées infructueuses et l'on pouvait craindre qu'aucune solution ne soit jamais trouvée.
En 1992, les autorités françaises ont saisi l'occasion du changement de régime en Russie pour relancer la négociation.
Aussi le traité de base des relations franco-russes du 7 février 1992 contient-il l'engagement de la Fédération de Russie de régler les contentieux soulevés par la France.
De longues et difficiles discussions furent ensuite menées. Elles permirent d'aboutir à la signature des accords des 26 novembre 1996 et 27 mai 1997.
Aux termes de ces accords, la Russie s'engage à verser à la France 400 millions de dollars, en huit versements de 50 millions de dollars chacun. Les premiers versements sont intervenus cette année.
Le Gouvernement français considère que le paiement par la Russie de 400 millions de dollars constitue le meilleur résultat que l'on pouvait espérer. En effet, comme vous le savez, la situation budgétaire de l'Etat russe est particulièrement tendue du fait d'une collecte fiscale très médiocre.
Par ailleurs, il eût été illusoire de remettre à plus tard la signature d'un accord avec la Russie, dans l'espoir que ce délai permette d'augmenter les sommes versées à la France. En outre, la France ne pouvait prendre l'initiative d'interrompre les négociations avec la Russie et de courir le risque de supprimer toute chance de conclure un accord. Le dossier eût alors été classé, probablement pour toujours.
Avant la signature de l'accord du 26 novembre 1996, les associations de porteurs de titres russes et de victimes de spoliations ont été consultées par MM. Arthuis et de Charette, alors respectivement ministre de l'économie et des finances et ministre des affaires étrangères. Les représentants de ces associations, auxquels les termes généraux de l'accord ont alors été soumis, ne se sont pas opposés à sa signature.
La France a donc signé avec la Russie, le 26 novembre 1996, un accord apurant le célèbre contentieux financier franco-russe.
Nous devons maintenant nous attacher à organiser, dans les meilleurs délais possibles, l'indemnisation si longtemps attendue par les porteurs de titres russes et les autres bénéficiaires français des accords, en utilisant, pour ce faire, la somme versée par la Russie.
Il s'agit d'une opération difficile à mener sur le plan technique. Elle porte, en effet, sur des créances anciennes, diverses de nature, ou sur des spoliations dont l'évaluation est, par essence, complexe. Plusieurs centaines de milliers de Français sont probablement concernés.
Le recensement prendra nécessairement un peu de temps, les Français doivent le comprendre. Ils peuvent compter, en retour, sur la détermination du Gouvernement de mener à bien cette opération le plus rapidement possible, dans la transparence et l'équité.
J'ajoute que le Gouvernement s'en est donné les moyens.
La commission présidée par M. Jean-Claude Paye, conseiller d'Etat, constituée, pour éclairer les choix du Gouvernement en la matière, a débuté ses travaux dès le mois de juillet, c'est-à-dire dès que furent scellés les accords avec la Russie et une fois les élections législatives passées, le Parlement étant représenté en son sein.
Je souhaite insister sur le fait que les travaux de la commission sont menés dans la plus grande transparence, conformément au mandat que le Gouvernement lui a donné. Chaque partie prenante dans ce dossier complexe doit pouvoir exprimer son point de vue. D'ores et déjà, chacune des associations de porteurs de titres russes et de victimes de spoliations a été entendue. Les réseaux financiers ont, par ailleurs, comme il se doit, été consultés.
Sur ce fondement , la commission vient d'adresser au Gouvernement ses propositions pour l'organisation du recensement. Elles sont actuellement à l'étude.
Dès à présent, je suis en mesure de vous confirmer que le recensement des titres russes et des spoliations débutera dans les tout premiers mois de 1998. Il sera précédé d'une large campagne d'information à destination du public ; chacun sera informé précisément de ses droits et des formalités, au demeurant légères, à accomplir. Le Gouvernement agira, là encore, dans la transparence la plus complète.
Le recensement sera d'une durée raisonnable, afin de ne pas prolonger les délais. Ses résultats permettront d'arrêter, sur le fondement des propositions de la commission présidée par M. Paye et en association avec le Parlement, les modalités précises d'indemnisation, permettant ainsi le paiement des ayants droit.
Ainsi, nous pourrons alors clore définitivement, et dans les meilleures conditions, un chapitre difficile et passionné des relations franco-russes et de l'histoire de notre pays.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent le mémorandum d'accord du 26 novembre 1996 et l'accord du 27 mai 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Estier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme cela vient d'être rappelé, nous avons à nous prononcer à propos d'une vieille histoire qui a beaucoup défrayé la chronique pendant plusieurs dizaines d'années. Le projet de loi qui nous est soumis est, en effet, l'aboutissement d'un long contentieux bilatéral, dû à la répudiation, en janvier 1918, par Lénine, des dettes du gouvernement impérial. L'oukase alors pris par les autorités soviétiques annulait, sans indemnité, tous les emprunts souscrits par des porteurs étrangers pour participer au financement du développement russe.
Ce projet de loi tend à autoriser l'approbation de deux accords conclus en novembre 1996 et mai 1997. Le premier a pour objet de définir dans ses grandes lignes les principes de l'indemnisation offerte par la Russie au titre du gouvernement impérial russe et des annexions effectuées par l'URSS aux dépens de propriétaires français en Europe centrale et orientale, entre 1939 et 1945. Sur le processus des emprunts russes comme sur celui des indemnisations de porteurs français, je vous renvoie, pour plus de détails, à mon rapport écrit. J'analyserai seulement ici les accords du 26 novembre 1996 et du 27 mai 1997.
Le mémorandum franco-russe du 26 novembre 1996 a été le préalable à l'adoption de l'accord sur le règlement définitif des créances réciproques signé le 27 mai 1997. Il définit les grands principes sur lesquels s'appuiera le versement par la Russie de 400 millions de dollars destinés à apurer un contentieux vieux de quatre-vingts ans. Il engage la Russie à effectuer huit versements de 50 millions de dollars chacun, répartis sur quatre années : 1997, 1998, 1999 et 2000.
Les deux premiers versements, de 291 millions de francs puis de 315 millions de francs, ont été effectués respectivement en juin puis en août 1997. Le prochain versement devrait intervenir en février 1998.
Les emprunts russes représentaient, en 1914, quelque 11 milliards de francs, soit la moitié de la rente française, et les investissements directs français en Russie s'élevaient, à la même date, à 2,24 milliards de francs. Ces divers avoirs auraient été évalués, en francs d'aujourd'hui, à 235 milliards de francs, ce qui veut dire que les 400 millions de dollars versés par la Russie ne constituent qu'une indemnisation et non un remboursement des créances de nos compatriotes. D'où, d'ailleurs, le mécontentement des associations de porteurs, dont chacun de nous a été informé par un courrier abondant et, parfois, quelque peu menaçant.
L'accord du 27 mai 1997 complète le mémorandum en précisant certaines de ses stipulations. Il invite chaque partie à lever toutes les restrictions à l'accès à ses marchés financiers. Rappelons, en effet, que le placement de toute nouvelle émission d'actions ou d'obligations par l'URSS, puis par la Russie, était interdit en France depuis 1918. Le règlement du contentieux des emprunts russes permet donc de mettre fin à la fermeture des marchés financiers français aux titres originaires de Russie.
D'autres dispositions, que je détaille dans le rapport écrit, visent à assurer le caractère définitif du règlement des créances réciproques visées par cet accord. Il s'agit, notamment, pour la Russie, des revendications relatives à l'or remis par la Russie à l'Allemagne en vertu du traité de Brest-Litovsk, puis remis par l'Allemagne à la France en application du traité de Versailles. « L'or de Brest-Litovsk » avait toujours été considéré par la France comme un aspect des réparations allemandes, sans référence à son origine russe. Contrairement aux revendications exprimées par certaines associations de porteurs d'emprunts russes, cet or avait été reçu par la France non pas en vue de l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes, mais au titre des réparations exigées de l'Allemagne après la guerre de 1914-1918.
Les créances auxquelles la France renonce sont donc les emprunts russes ainsi que les intérêts et actifs situés sur le territoire de l'Empire russe et de ses successeurs dont les propriétaires ont été dépossédés par les mesures de nationalisation d'abord, en 1918, puis entre 1939 et 1945.
Dès l'achèvement des versements russes, c'est-à-dire en l'an 2000, la France considérera ces créances comme non avenues.
La date d'entrée en vigueur de l'accord du 27 mai 1997 appelle un commentaire particulier. L'article 8 se réfère, en effet, à l'entrée en vigueur de cet accord dès sa signature, avant l'achèvement des procédures parlementaires de ratification. Cette stipulation relativement inhabituelle est due à une demande russe et vise à éviter que la Douma ne puisse, dans un contexte politique régulièrement tendu entre l'exécutif et la Chambre, rejeter ou remettre en cause l'accord du 27 mai 1997. Cette modalité d'entrée en vigueur immédiate a permis de garantir le caractère définitif de l'accord et la partie russe a pu procéder au paiement de la première échéance prévue dans les quinze jours qui ont suivi la signature de l'accord du 27 mai 1997. On doit donc se féliciter de cette rapidité, qui, je crois, manifeste le souci sincère et réel de la Russie actuelle de mettre fin à ce vieux contentieux.
Si, donc, les porteurs français n'ont pas, à ce jour, ressenti les effets de l'entrée en vigueur immédiate de cet accord, on ne peut invoquer que des raisons strictement nationales. En effet, bien des aspects des modalités de l'indemnisation des ayants droit demeurent, à ce jour, pendants. Ce travail de réflexion, comme vient de le confirmer M. le secrétaire d'Etat, est en cours actuellement au sein de la commission de suivi du mémorandum d'accord instituée le 12 février 1997 et présidée par M. Jean-Claude Paye, qui doit faire des propositions prochainement au Gouvernement.
Je voudrais dire encore quelques mots, pour être complet, de l'arrière-plan historique qui, même si cela peut aujourd'hui paraître surprenant, caractérise le succès extraordinaire de ces emprunts russes en France ainsi que les négociations entreprises, dès 1919, en vue de l'indemnisation des porteurs.
A la fin du xixe siècle, l'économie russe, qui était fondée sur une production agricole d'un type quasiféodal et sur l'exploitation de quelques ressources naturelles, ne laissait qu'une place très marginale à l'épargne. La recherche de capitaux allait tout naturellement inciter la Russie à se tourner vers la France, pays à l'épargne très abondante et dont les rentiers cherchaient des placements sûrs. Or, à la fin des années 1880, les occasions d'investissement de capitaux dans les rentes françaises étaient rares et limitées. Le succès des emprunts russes auprès de 1,5 million d'épargnants français s'explique par divers facteurs, à commencer par une exceptionnelle rentabilité. C'était ce que l'on appelait, à l'époque, un placement sûr de père de famille !
Cependant, le facteur politique a joué un rôle fondamental dans ce succès exceptionnel. L'émission des emprunts était, en effet, liée à l'alliance franco-russe et à l'accueil enthousiaste réservé par les Français à une puissance qui, face à une diplomatie allemande de plus en plus agressive, pouvait nous conduire à une revanche victorieuse. Dans l'esprit des souscripteurs, n'étaient donc pas absentes les préoccupations patriotiques. Aider la Russie à développer son économie, c'était aider notre plus puissant allié face à l'Allemagne.
M. Emmanuel Hamel. Très bien ! Utile rappel !
M. Claude Estier, rapporteur. Pourtant, dès les événements de 1905, la France était au courant, ou aurait dû l'être, de l'attitude négative des révolutionnaires russes à l'égard des investisseurs étrangers. Les rapports des agents consulaires de France à Moscou, Odessa, Varsovie, Karkov et Bakou signalaient, dès cette époque, les dangers auxquels étaient exposés les commerçants et les industriels français en Russie.
Le 11 décembre 1906, l'écrivain Maxime Gorki annonçait, dans l'Humanité : « Lorsque le pouvoir sera dans les mains du peuple, on lui rappellera les banquiers de France qui ont aidé les Romanov à lutter contre la liberté, le droit, la vérité, et à maintenir ainsi leur autorité barbare. »
Il semble donc bien que les Français aient refusé de voir en face une réalité à laquelle, il est vrai, la presse française faisait relativement peu écho.
En dépit du succès que représente la signature des accords qui nous sont soumis, une question demeure posée : le règlement de ce contentieux vieux de quatre-vingts ans suffira-t-il à conjurer le souvenir de la spoliation dans l'inconscient collectif français ? Suffira-t-il à instaurer une véritable confiance à l'égard de notre partenaire russe et à mettre fin à la timidité des investisseurs français sur le marché russe, timidité fréquemment déplorée par les autorités russes ?
En conclusion, il est clair que le projet de loi qui nous est soumis n'épuise pas toutes les questions soulevées par l'indemnisation des porteurs d'emprunts et des sinistrés français.
La commission présidée par M. Jean-Claude Paye doit remettre prochainement ses propositions au Gouvernement. Les modalités de détermination des garanties susceptibles d'être indemnisées, font je crois, encore débat. Convient-il de retenir le critère d'héritage ou bien vaut-il mieux indemniser tous les porteurs en vertu du principe qu'en matière mobilière « possession vaut titre » ? Cette dernière solution présenterait l'intérêt d'éviter des complications liées à la reconstitution de la provenance de titres réputés depuis si longtemps sans valeur et dont certains, et je connais des cas, ont été récupérés dans des brocantes !
Les difficultés soulevées par le règlement des créances de l'Empire russe relèvent donc désormais de décisions purement nationales. La partie russe, pour sa part, a montré sa bonne foi en s'acquittant de son premier versement dans les quinze jours qui ont suivi la signature de l'accord de mai 1996. Les accords de novembre 1996 et de mai 1997 ne posent donc en eux-mêmes, aucun problème.
Le sort des porteurs d'emprunts russes et des Français dépossédés sera déterminé par le texte, loi ou décret - vous nous le direz, monsieur le secrétaire d'Etat - qui tirera les conséquences des engagements souscrits par les deux parties en vertu des deux accords qui nous sont soumis.
Au moment où la Russie connait des difficultés économiques et budgétaires importantes, on peut se féliciter de l'attitude qu'elle a prise dans cette affaire. On peut saluer le geste qu'a accompli notre partenaire pour apurer ce contentieux vieux de quatre-vingts ans et pour faire la preuve de sa volonté de retrouver la confiance des investisseurs français.
je conclus donc, comme l'a fait la commission des affaires étrangères du Sénat, à l'adoption du présent projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui tend à autoriser l'approbation du mémorandum franco-russe du 26 novembre 1996 et de l'accord sur le règlement définitif des créances réciproques, signé le 27 mai 1997.
Ces textes prévoient le versement par la Russie à la France de 400 millions de dollars entre 1997 et 2000. Cette somme, qui représente environ 2 milliards de francs, est destinée aux porteurs d'emprunts ainsi qu'aux individus ou sociétés ayant eu des biens confisqués par Moscou lors de la Révolution d'octobre 1917 ou de la Seconde Guerre mondiale.
Le groupe des Républicains et Indépendants ne peut que se féliciter qu'un résultat ait, enfin, été obtenu dans le long contentieux historique né du refus du pouvoir révolutionnaire d'honorer les dettes de la Russie tsariste.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, est en effet le résultat de longues et difficiles démarches auprès des autorités russes.
Cependant, nous ne pouvons être satisfaits du montant de l'indemnisation, non plus que des zones d'ombre que laisse subsister ce texte.
Considérons, tout d'abord, le montant de l'indemnisation.
Les 400 millions de dollars obtenus par la France ne représentent qu'environ 1 % des divers avoirs, évalués par notre rapporteur, en francs d'aujourd'hui, à 235 milliards de francs.
Ce taux d'indemnisation peut paraître dérisoire, alors que les banques réunies au sein du Club de Londres semblent obtenir de meilleures conditions lorsqu'elles négocient avec la Russie le remboursement ou le rééchelonnement de sa dette.
Il faut également rappeler que l'accord entre la Russie et le Royaume-Uni du 15 juillet 1986 a permis l'indemnisation des porteurs britanniques pour 1,6 % de la valeur actualisée des titres.
Nous connaissons les difficultés économiques et budgétaires importantes de la Russie et nous sommes également parfaitement conscients de la nécessité de ménager la nouvelle démocratie russe, qui a su engager de courageuses réformes.
Compte tenu du contexte économique et diplomatique, l'accord qui a été obtenu était probablement le moins mauvais possible, mais certainement pas le meilleur que l'on eût pu souhaiter. Il a, certes, le mérite d'exister.
Le sens des responsabilités ne doit pas nous conduire à négliger la déception des porteurs de titres russes, qui ont aujourd'hui le sentiment d'être un peu sacrifiés sur l'autel de la diplomatie et de la raison économique.
Le Gouvernement nous semble leur devoir un effort d'explication et d'attention, que nous souhaiterions voir accompagné d'un geste concret qui montrerait que l'Etat n'oublie pas les petits porteurs.
Et c'est là le second point que je souhaite aborder.
Le Gouvernement ne considère pas comme une dette de la France envers la Russie les 47 tonnes d'or remises par Moscou à l'Allemagne, en application du traité de Brest-Litovsk, puis par l'Allemagne à la France, au titre du traité de Versailles et des réparations de guerre. Il ne reconnaît, par conséquent, aucun droit des épargnants sur cette somme.
Sans entrer dans la controverse juridique et historique qui se développe actuellement pour savoir si les 47 tonnes d'or correspondent à une dette ou à des dommages de guerre, je considère que le Gouvernement devrait se placer sur un plan humain et verser la contrepartie de cet or aux petits porteurs, d'autant que l'Etat dispose d'un stock d'or oisif de 3 000 tonnes, d'une valeur de 162,4 milliards de francs, sans aucune utilité monétaire et dont il peut se défaire à tout moment. Je précise que cet or n'appartient ni à la Banque de France ni à la Banque centrale européenne ; pour reprendre les propos de M. le rapporteur, l'Etat, maintenant, est maître de son action.
C'est pourquoi, sur l'initiative du président Henri de Raincourt et de notre collègue Joël Bourdin, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, que l'Etat vende sur le marché 47 tonnes d'or et en affecte le produit aux petits porteurs.
Il s'agirait là d'un geste de justice et de reconnaissance à l'égard de ceux dont les aînés ont été spoliés.
Enfin, le Gouvernement ferait également preuve de sa considération pour nos concitoyens en accélérant le processus d'indemnisation.
La « commission de suivi », présidée par M. Jean-Claude Paye, doit présenter des propositions en vue de déterminer les modalités de recensement, d'évaluation et d'indemnisation des créances.
A ce sujet, je souhaite m'associer aux remarques formulées par mon collègue Jean Clouet lors de l'examen du projet de loi en commission. Il a notamment relevé que le champ d'application des accords de 1996 et 1997 concernait non seulement les emprunts russes mais aussi les actifs réels et, parmi ceux-ci, les biens industriels dont les propriétaires ont été dépossédés en 1918 et pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il convient donc de s'interroger sur la part qui reviendrait aux porteurs d'emprunts sur les 400 millions de dollars qui devraient être versés entre 1997 et 2000.
Le groupe des Républicains et Indépendants veillera à ce que l'indemnisation profite à ceux qui en ont légitimement le droit.
En ce qui concerne les délais, le recensement ne débutera qu'en janvier 1998, ce qui ne nous semble pas très rapide.
Il ne faudrait pas qu'à la déception relative au montant de l'indemnisation s'en ajoute une autre à l'égard de l'Etat français, suspecté de vouloir tirer quelque profit des sommes versées par la Russie.
Là encore, il nous semble que le Gouvernement ferait un geste honorable soit en versant rapidement un acompte aux porteurs d'emprunts, soit en plaçant les sommes au profit des ayants droit.
Lors de l'examen du présent projet de loi par l'Assemblée nationale, le 20 novembre dernier, M. le secrétaire d'Etat à la coopération a indiqué que cette dernière éventualité était à l'étude. Après trois semaines de réflexion, peut-être pourra-t-il nous donner aujourd'hui sa position.
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui, depuis des années, soutient les porteurs de titres russes, sera très attentif aux réponses du Gouvernement.
Il approuvera avec la même vigilance ce projet de loi, tout en soulignant le faible montant de l'indemnisation et les incertitudes pesant sur les conditions et les délais de son versement.
En terminant, je réitère, monsieur le secrétaire d'Etat, notre demande d'un règlement urgent de la question relative aux 47 tonnes d'or. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on me permettra, tout d'abord, de remercier M. Estier de son excellent rapport.
Dans son rappel historique, il a notamment souligné que c'était un sincère patriotisme français qui avait poussé tous les épargnants français - nos grands-pères ! - à la fin du XIXe siècle à souscrire très largement à l'emprunt russe. En cela ; il a eu tout à fait raison.
N'oublions pas qu'à cette époque la République française était soumise à la pression de l'Empire allemand, allié à l'empire austro-hongrois des Habsbourg, alliance qui allait bientôt conduire à la Triple Alliance, de toute évidence dirigée contre la France.
C'est à ce moment-là, à partir de 1891, que nous avons été très heureux de nous rapprocher des Russes, en nous efforçant de réaliser, enfin, une alliance solide. J'ajoute qu'à l'époque les Anglais n'étaient pas non plus nos amis, en raison des questions africaines - bientôt, en 1898, allait survenir l'affaire de Fachoda, avec Kitchener devant Marchand.
Nous n'avions donc alors d'autre allié, d'autre ami en Europe que la Russie, la Russie des tsars, la Russie d'Alexandre III, qui reçut à Paris un accueil triomphal : le pont qu'on a baptisé en son honneur date de cette époque.
Il y a donc eu des raisons patriotiques qu'il était bon de souligner.
Je m'écarte un peu de l'appréciation de M. Estier selon laquelle les « bourgeois français », comme il a dit, en fait les épargnants, auraient dû se méfier puisque les révolutionnaires russes avaient prévenu de ce qu'ils feraient dès qu'ils prendraient le pouvoir.
Pour étayer son argumentation, il a cité l'article du 11 décembre 1906 de Maxime Gorki dans l'Humanité. Il me permettra de lui dire qu'à l'époque c'était tout de même un organe très confidentiel - je ne sais d'ailleurs pas dans quelle mesure il l'est devenu moins après !
En réalité, pratiquement personne n'avait lu cet article. De toute façon, ce n'est pas sur ces menaces ainsi proférées que pouvait se faire l'opinion française. A l'époque, la grande presse française n'en avait jamais fait état. Personne ne pensait que pût exister ce que vous avez appelé, monsieur Estier, « l'autorité barbare des Romanov »...
M. Emmanuel Hamel. C'est Gorki qui parle !
M. Jacques Habert. Bien sûr !
M. Claude Estier, rapporteur. A l'époque, l'Humanité n'était pas un journal confidentiel, monsieur Habert, c'était l'Humanité de Jaurès !
M. Jacques Habert. C'est vrai, c'était l'Humanité du parti socialiste et non pas encore celle du parti communiste, j'en suis d'accord avec vous. Mais, ce n'était pas un journal des plus lus !
Aujourd'hui, c'est une querelle inutile, bien que - on le voit - la question soulève encore un certain nombre de passions parce qu'elle reste présente.
Pour en revenir aux emprunts russes, nous avons tous entendu les regrets de nos familles à cet égard.
Quoi qu'il en soit, nous arrivons aujourd'hui à une solution. Il faut en féliciter le gouvernement actuel ainsi que le précédent, car tout a été négocié par M. Juppé, tout d'abord lorsqu'il est devenu ministre des affaires étrangères dans le gouvernement Balladur, puis lorsqu'il était Premier ministre.
Les signatures sont intervenues extrêmement rapidement : le 26 novembre 1996 a été signé le mémorandum franco-russe, complété par un accord le 27 mai 1997. Remarquez la date ! Il était temps de le signer ! Depuis, l'accord a été mis en oeuvre.
Le plus extraordinaire, parce que l'on n'a jamais vu cela pour aucune convention - combien de fois sommes-nous montés à la tribune pour déplorer qu'une convention signée parfois cinq ans ou dix ans auparavant n'ait pas été ratifiée ! - c'est que non seulement la ratification est intervenue, mais, qui plus est, les Russes ont tenu à payer immédiatement une partie de ce remboursement en déposant 400 millions de francs - jugez du peu ! - à destination de la France.
Je dirai même qu'il s'agit presque d'une hâte suspecte : on nous a expliqué qu'il ne fallait pas soumettre de ratification à la Douma et que l'on comptait sur le Parlement français pour ratifier rapidement !
Nous allons, bien sûr, ratifier cet accord, mais, tout de même, tous les porteurs d'actions russes - M. Plasait s'en est fait l'écho, et je l'en remercie - émettent, à juste titre, un certain nombre de réserves ! Nous avons reçu un grand nombre d'entre eux, nous avons reçu une abondante correspondance.
Il est dit que les 47 tonnes d'or versées aux Allemands lors du traité de Brest-Litovsk et récupérées ensuite par le gouvernement français en 1918 étaient en partie destinées à dédommager les porteurs d'emprunts russes. Tel n'a pas été le cas.
Par conséquent, tous les porteurs de titres se demandent s'il est normal que l'Etat français règle ses propres dettes vis-à-vis de la Russie avec l'argent qui leur est destiné.
Bref, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a là un problème. Nous connaissons votre équité et nous savons à quel point vous êtes raisonnable. Il n'y a pas de doute qu'il faut indemniser davantage les porteurs d'actions, et les indemniser tout de suite. Puisqu'il y a de l'argent, il serait légitime qu'ils aient leur part.
Vous êtes en train de faire un recensement avez-vous dit. Hâtez-vous de le faire et définissez ce qu'est un porteur d'emprunts russes - M. le rapporteur a dit que l'on achetait maintenant ces titres à la brocante. C'est là un problème qu'il faut se hâter de régler.
Le Gouvernement doit faire preuve d'une bonne volonté manifeste vis-à-vis de tous ces porteurs d'emprunts russes, héritiers de Français patriotes qui se sont sacrifiés, à l'époque, dans un esprit national qu'il convient maintenant de reconnaître et de récompenser. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est appelé aujourd'hui à examiner un projet de loi qui met un terme à l'un des plus lourds contentieux que la France ait jamais connu et qui handicapait à l'évidence nos relations bilatérales avec l'un de nos plus importants partenaires, la Russie.
Les accords du 26 novembre 1996 et du 27 mai 1997 entre la France et la Russie doivent avoir pour conséquence de régler les créances réciproques entre les deux pays antérieures au 9 mai 1945.
Je ne reviendrai pas sur le volet historique, très important pour la parfaite compréhension de l'enjeu dont il s'agit, car M. le rapporteur vient de le développer excellement.
Je tiens cependant à rappeler le travail accompli depuis 1992 par les autorités françaises et russes pour mener à bien la recherche d'une solution équitable à ce dossier. On ne redira jamais assez à quel point les interventions du Président de la République, de M. Edmond Alphandéry, alors ministre de l'économie, et de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances à l'époque, furent décisives en vue de la signature de l'accord du mois de novembre 1996. Ils n'ont pas ménagé leurs efforts pour que à chaque rencontre avec les autorités russes, le sujet soit abordé et pour que les conditions d'un accord équitable soient trouvées. Je tenais, à cet instant, à les remercier au nom de mon groupe pour leur opiniâtreté à défendre les intérêts des porteurs français d'emprunts russes.
Comment, d'ailleurs, ne pas rappeler également le rôle majeur qu'a joué notre Haute Assemblée dans ce dossier en intervenant auprès des gouvernements successifs afin que la voix des porteurs de titres soit entendue ? Je partage, à ce titre, le jugement porté par M. le rapporteur sur le caractère remarquable des accords de 1996 et de 1997.
En effet, ces accords sont l'illustration de la volonté de la France et de la Russie de relancer leurs relations bilatérales qui, si elles ont toujours été très fortes, n'en étaient pas moins entachées par ce très ancien et lancinant contentieux.
L'analyse du mémorandum franco-russe du 26 novembre 1996 et de l'accord intervenu le 27 mai 1997 entre les deux Etats ne doit pas occulter les réelles difficultés auxquelles est confrontée la Russie. Ainsi, la situation économique de la Fédération est mauvaise : la récession sévit, l'Etat est endetté, les salaires sont impayés, l'investissement productif décline.
Chacun connaît ici la crise sociale dans laquelle se débat ce pays, avec une économie souterraine et un marché noir qui prennent des proportions jamais constatées jusqu'à présent. Cette société est également marquée par les soixante-dix dernières années de son histoire, dont les séquelles catastrophiques se font cruellement sentir.
La crise est aussi politique, puisque le pouvoir exécutif russe, actuellement en délicatesse avec la Douma, a demandé que l'accord du 27 mai 1997 entre en vigueur dès sa signature, c'est-à-dire avant sa ratification.
La partie russe y tenait absolument seul le respect de cette condition pouvant garantir, selon elle, le caractère définitif de l'accord. Le pouvoir exécutif russe voulait donc absolument éviter que cet accord ne soit soumis à l'approbation de la Douma, un rejet étant effectivement à craindre, compte tenu de la situation budgétaire extrêmement tendue de la Fédération.
La France a accepté cette entrée en vigueur immédiate, afin d'obtenir sans délai le versement de l'indemnité russe. On se convainc que c'est une sage précaution lorsqu'on prend connaissance des revendications et des déclarations les plus récentes des parlementaires russes, qui craignent que l'accord de 1997 n'ouvre la voie à de nombreuses vagues de revendications d'individus spoliés à un moment ou à un autre de l'histoire.
En réponse à l'accord franco-russe, les parlementaires russes ont également invoqué la mémoire des 20 millions de Soviétiques morts pour libérer l'Europe et la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
En dépit de tout cela, la Russie manifeste, à l'évidence, sa volonté de tenir ses promesses. L'accord prévoit qu'une somme de 400 millions de dollars sera acquittée d'ici à l'an 2000, en huit versements semestriels.
Or, le 11 juin 1997, ce sont 291 millions de francs qui ont été versés par la Russie à la France sur un compte d'attente de l'agence centrale des comptables du Trésor, puis 315 millions de francs le 1er août 1997.
Ces sommes seront déposées, à compter du 1er janvier 1998, sur le compte d'affectation spéciale créé par la loi de finances pour 1998 et dont le montant est estimé à 1,212 milliard de francs. On sait que le prochain versement russe, d'une somme équivalant aux deux premiers, aura lieu au mois de février prochain.
Reconnaissons ici les efforts de la Russie et sa volonté de respecter la parole donnée. Pour sa part, le Gouvernement est responsable du respect de l'échéance de paiement de l'Etat français vis-à-vis des petits porteurs de notre pays. Peut-on espérer, d'ici à la fin de l'année 1997, les premiers versements à ces petits porteurs, alors que la Russie a déjà versé 600 millions de francs ? Quel engagement le Gouvernement peut-il prendre devant le Sénat à ce sujet ?
Les membres de cette assemblée ont été alertés par les associations représentant les porteurs français d'emprunts russes. Les demandes et remarques qu'elles ont exprimées nous semblent, pour certaines, devoir être prises en compte. Même si elles ne se sont pas opposées au texte du mémorandum puisque, au mois de novembre 1996, à l'occasion d'une rencontre avec le Gouvernement, il leur avait bien été précisé que, si une seule d'entre elles élevait une objection fondamentale quant au montant de 400 millions de dollars d'indemnisation, l'accord ne serait pas signé, il faut constater que ce montant correspond à environ 1 % des sommes dues.
Toutefois, rapprocher la faiblesse de ce montant des conditions d'indemnisation en apparence plus favorables obtenues par les autres Etats ne semble pas justifié. On sait que le cas britannique est différent, car le Royaume-Uni a vendu l'or des Etats baltes en dépôt à la Banque d'Angleterre et versé une partie du produit de cette vente à l'URSS en 1968, alors que jamais l'annexion des Etats baltes n'avait été reconnue. Le Royaume-Uni a d'ailleurs dû rembourser ces derniers en 1991. En outre, on a découvert des avoirs impériaux bloqués sur des comptes d'une banque anglaise, et ils ont été restitués à l'URSS en 1986. Les porteurs anglais ont été indemnisés à hauteur d'environ 50 % de la valeur faciale des titres.
Pour ce qui concerne la revendication exprimée par certaines associations et tendant à ce que l'« or de Brest-Litovsk » soit utilisé au titre des dédommagements, les autorités françaises ont toujours légitimement considéré que cet or constituait un élément des réparations allemandes à l'égard de notre pays. Cet or n'avait pas été reçu par la France pour indemniser les porteurs d'emprunts russes, et, ne peut donc être ajouté aux 400 millions de dollars prévus.
D'autres réclamations émises par les associations méritent d'être examinées.
Ainsi, il peut paraître paradoxal que la Russie ait remboursé aux banquiers du Club de Londres la totalité de ce qui leur était dû, sous forme de titres amortissables sur vingt-cinq ans. Rien ne semble pouvoir justifier un tel traitement discriminatoire, et il aurait été souhaitable que les porteurs français bénéficient de modalités de remboursement équivalentes.
Nous avons, par ailleurs, pris bonne note du fait que M. le secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie n'a pas émis d'objection, lors d'une déclaration à l'Assemblée nationale, à ce que la cotation des emprunts russes puisse reprendre.
Le Gouvernement vient d'annoncer qu'un projet de loi précisant les modalités d'indemnisation des porteurs d'emprunts russes serait déposé prochainement sur le bureau des assemblées. Au vu des difficultés existantes, il semble que ce soit là le minimum que l'on puisse faire.
En effet, de nombreuses questions restent en suspens et, en attendant les prochaines propositions de la commission de suivi, il convient de s'interroger d'ores et déjà sur l'identité et la nature de la structure à qui sera confié le recensement, sur le délai qui lui sera octroyé pour procéder à ce recensement, sur le sort à réserver aux personnes morales et privées dépossédées de leurs biens autres que les porteurs d'emprunts russes, sur la nature des porteurs à indemniser et, enfin, sur le barème d'indemnisation à mettre en place : autant d'interrogations importantes qui démontrent que l'accord franco-russe, objet du présent projet de loi, marque le commencement d'un long chemin qui doit amener à l'indemnisation dans les meilleures conditions possibles de nos compatriotes.
Enfin, un dernier point nous tient particulièrement à coeur.
Alors que notre Haute Assemblée vient d'achever, en première lecture, l'examen du projet de loi de finances pour 1998, avec son cortège d'augmentations des prélèvements obligatoires, nous demandons avec force au Gouvernement de s'engager solennellement à ce que les sommes remboursées soient totalement exonérées de tout impôt.
En conclusion, le groupe du Rassemblement pour la République approuve avec force les dispositions de ces accords et veillera à ce qu'elles soient appliquées dans l'intérêt des Français porteurs d'emprunts russes, oubliés pendant de trop longues années. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après les propos de M. le rapporteur et des autres intervenants, je serai extrêmement bref.
Mon âge me permet d'affirmer que je connais personnellement le peuple russe, notamment à travers son armée, depuis 1946, soit depuis plus d'un demi-siècle.
Fils de mon père et petit-fils de mon grand-père, je n'oublierai jamais - et je suis heureux que certains collègues l'aient évoquée - la contribution de la Russie, par son action armée à l'est de l'Allemagne, à nos victoires de 1918 et de 1945. Pour m'être rendu à plusieurs reprises en Russie, je tiens à exprimer publiquement ma sympathie pour le peuple russe, dont je sais ce qu'il a souffert depuis 1917.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes propos ne seront pas du tout l'expression d'une critique à l'adresse du gouvernement actuel, puisque ces accords ont été signés avant qu'il ne soit en place. Cependant, il n'est pas normal, quelles que soient les difficultés que rencontre actuellement le gouvernement russe à faire face aux problèmes économiques, sociaux et politiques qui sont les siens, que vous nous proposiez, sans nous annoncer de développements ultérieurs, un accord qui n'aboutit, en fait, ainsi que l'ont démontré avec tout leur talent nos collègues Bernard Plasait, Serge Vinçon et Jacques Habert, qu'à indemniser à hauteur de seulement 1 % de la valeur de leurs créances les détenteurs français d'emprunts russes.
Toutefois, nous attendions depuis fort longtemps un geste, de la part du gouvernement russe, et cet accord constitue le début du commencement d'une indemnisation. Il s'agit donc d'un pas en avant significatif, que je salue, mais le gouvernement français doit se sentir interpellé par le nombre des porteurs d'emprunts russes.
Comme le rappelait M. Habert, beaucoup de nos parents et de nos grands-parents qui ont souscrit à ces titres avant 1914 avaient le sentiment d'accomplir un acte patriotique, de renforcer la puissance économique, et donc militaire, d'un peuple qui faisait contrepoids à la puissance germanique.
Cela étant, le parlementaire que je suis a été blessé par le ton d'un paragraphe de la lettre que nous avons tous reçue. Sur ce point, je m'associe entièrement, comme en d'autres occasions, aux propos de M. Estier, qui faisait sans doute allusion à cette phrase désagréable représentant une forme de pression : « Nous vous surveillerons, monsieur le parlementaire ». (M. le rapporteur opine.)
Je n'aime pas ces pressions, même si je ne suis pas rééligible et si je parle en citoyen libre, mais est-il normal, monsieur le secrétaire d'Etat, que les Français et les Belges aient tant attendu ce début de solution, alors que les porteurs d'emprunts russes britanniques, canadiens ou américains ont déjà été depuis longtemps en partie remboursés ? Pourquoi notre diplomatie est-elle si faible et pourquoi le Gouvernement attend-il si longtemps avant de défendre les intérêts de certains de nos concitoyens ?
Je veux donc considérer cet accord, que je salue et dont je reconnais la valeur, comme un geste symbolique de la part de la Russie, comme un premier pas, et je vous demande de faire en sorte que ce problème soit traité, maintenant et dans l'avenir, d'une manière plus équitable puisque, actuellement, il ne s'agit que du début du commencement d'un règlement. Il faudra en effet aller plus loin dans la voie d'une indemnisation équitable des héritiers de ceux qui, voilà plus d'un demi-siècle, ont souscrit à ces emprunts pour conforter un peuple qui était l'allié de la France face à la menace germanique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je vais m'efforcer de répondre le plus complètement et le plus brièvement possible aux différentes questions qui m'ont été posées.
Je voudrais d'abord dire à M. le rapporteur combien j'ai apprécié la qualité du travail qu'il a fourni et l'intérêt des références historiques qu'il a citées. Celles-ci ont permis de mettre en perspective un dossier pour lequel, monsieur Hamel, s'applique entièrement le concept de continuité de l'Etat. En effet, le gouvernement d'aujourd'hui doit respecter les engagements pris par le gouvernement d'hier, à charge pour lui de les mettre, en quelque sorte, « en musique ».
M. Emmanuel Hamel. J'ai regretté la faiblesse de notre Etat, même s'il était dirigé par un autre gouvernement que le vôtre.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. J'ai entendu les regrets exprimés à propos du montant de l'indemnisation, aussi bien par vous-même, monsieur Hamel, que par M. Plasait.
J'observe simplement que le gouvernement précédent a estimé qu'il s'agissait du meilleur accord possible, compte tenu du temps qu'il avait fallu pour engager les discussions, mais surtout pour obtenir un début d'engagement.
Comme cela a été rappelé, un premier versement de 100 millions de dollars, soit 600 millions de francs, représentant le quart de la somme totale, a été effectué. Cette somme a été déposée sur un compte spécial du Trésor, afin de garantir qu'elle serait bien en totalité affectée à la seule indemnisation des porteurs d'emprunts russes.
En ce qui concerne l'abondement éventuel de ce capital par les intérêts qu'il serait susceptible de produire, j'ai indiqué à la tribune de l'Assemblée nationale que la question était à l'étude. Elle n'est pas encore tranchée, et vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie prenne une part non négligeable à la réflexion en cours sur ce point.
Il en va de même pour le problème de la fiscalisation de l'indemnisation. J'ai pris note de la demande formulée à cet égard par certains d'entre vous, et j'aurais tendance, à titre personnel, à la trouver fondée, mais je ne peux m'engager au nom du Gouvernement, car cette question est elle aussi en cours d'examen.
Par ailleurs, une comparaison a été établie avec les indemnisations intervenues en faveur des porteurs d'emprunts russes d'autres pays.
En ce qui concerne le Canada, le problème a en effet été réglé dès les années cinquante. Il s'agissait d'indemniser une société productrice de nickel, et c'est donc un accord presque ponctuel qui a été conclu entre le gouvernement soviétique de l'époque et cette entreprise, qui liait d'ailleurs la poursuite de ses activités en URSS au règlement du contentieux. Ce cas était donc bien particulier, ce qui rend difficile toute comparaison.
S'agissant de la Grande-Bretagne, vous parlez de 4 000 porteurs, de 4 000 porteurs seulement pourrait-on dire, par rapport au 1,5 million de titres partagés entre plusieurs centaines de milliers de porteurs en France.
Seul un recensement nous permettra de savoir avec précision ce qu'il est advenu de ces emprunts russes. Certains d'entre vous ont évoqué la présence de titres chez des brocanteurs ! C'est dire combien le travail d'évaluation sera considérable. Mais la commission de Paye s'y emploie avec diligence.
S'agissant plus précisément de la Grande-Bretagne, je rappelle que l'accord sur les spoliations a effectivement été conclu au mois de janvier 1968, et que la Grande-Bretagne a utilisé l'or des Etats baltes, qui était en dépôt à la Banque d'Angleterre, pour financer l'indemnisation.
La France, quant à elle, a toujours refusé un tel expédient, n'ayant pas reconnu l'annexion des Etats baltes par la Russie soviétique. Elle a attendu que ces derniers recouvrent leur autonomie pour leur restituer l'or qui leur appartenait.
La Grande-Bretagne disposait par ailleurs - d'avoirs russes bloqués dans les comptes de la banque Barings sur lesquels elle a pu prélever le montant de l'indemnisation. Le règlement des contentieux soviéto-britanniques n'a de ce fait rien coûté au budget soviétique. Vous conviendrez que c'est un élément fondamental, la France ne disposant pas de tels avoirs.
Pour ce qui est de l'or remis à la France par l'amiral Koltchak, celui-ci avait été acquis en 1919, au moment de la guerre civile russe. Il avait immédiatement fait l'objet d'une transaction commerciale classique et parfaitement régulière. Sa vente date donc de près de quatre-vingts ans.
Quant à l'or de Brest-Litovsk, la France l'avait reçu de l'Allemagne en application directe du traité de Versailles et nous l'avons revendu dans les années qui ont suivi.
Je rappelle que la France n'a jamais reconnu les revendications soviétiques ou russes sur l'or de Koltchak, pas plus que sur l'or de Brest-Litovsk.
S'agissant des cotations des emprunts russes, je confirme les propos que j'ai tenus à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement ne pose pas d'objection à ce que la cotation des titres russes puisse reprendre, même si cette éventualité n'est envisageable que dans la mesure où l'information des porteurs sera parfaite sur les conditions d'indemnisation des titres. Nous n'en sommes pas encore tout à fait là, mais, dès que ces conditions seront remplies, la cotation pourra reprendre.
En ce qui concerne les conditions de l'ouverture des marchés financiers français, puisque la Russie honore à bonne date les engagements qu'elle a souscrits, en retour, la France respecte sa parole et lève l'interdiction des placements d'actions et d'obligations russes qu'elle appliquait depuis près de quatre-vingts ans.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais présenter à la suite de vos différentes interventions. Je crois avoir répondu aux questions qui ont été soulevées.
Je peux faire mienne l'insatisfaction de certains quant au montant du règlement des créances par la Russie. Il a cependant été considéré que c'était le meilleur accord possible à un moment donné, compte tenu de l'ensemble des contraintes auxquelles j'ai fait allusion.
Il nous reste maintenant à mettre en oeuvre avec la plus grande équité cette indemnisation. Un projet de loi sera présenté au Parlement au début de l'année prochaine, fixant le délai de forclusion pour les demandes d'indemnisation. Ensuite, un autre texte bouclera définitivement ce dossier, mettant ainsi fin à une histoire vieille de plus de quatre-vingts ans.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au règlement définitif des créances réciproques entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945 sous forme de mémorandum d'accord, signé à Paris le 26 novembre 1996 et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945, signé à Paris le 27 mai 1997, dont les textes sont annexés à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

10

CONVENTION SUR LA PROTECTION
DES ENFANTS ET LA COOPÉRATION
EN MATIÈRE D'ADOPTION INTERNATIONALE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 365, 1996-1997) autorisant l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. [rapport n° 151 (1997-1998.)]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération à la francophonie. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'adoption internationale connaît un essor considérable dans les pays occidentaux, particulièrement en France. Notre pays se situe, en nombre absolu d'enfants, au deuxième rang des pays d'accueil, après les Etats-Unis.
Alors que les adoptions d'enfants étrangers ne dépassaient pas 1 000 par an au début des années quatre-vingt, ces mêmes adoptions ont atteint le chiffre de 3 666 en 1996.
Elles constituent désormais près des deux tiers des adoptions réalisées par nos compatriotes dans un nombre croissant de pays d'origine - soixante-sept au total - parmi lesquels figurent, loin devant, le Viêt Nam, puis la Colombie, le Brésil, la Roumanie et Madagascar.
Tous les continents sont concernés, avec souvent de fortes variations d'une année sur l'autre, certains pays se fermant, d'autres s'ouvrant à l'adoption, au gré des législations et des réactions de l'opinion.
Régulièrement, dans ce domaine très sensible où se joue le destin des enfants, des dérives sont signalées, des trafics sont dénoncés, qui finissent par « éclabousser », souvent injustement, l'ensemble des adoptions.
Pour répondre à cette évolution, la communauté internationale, par le biais de la conférence de droit international privé de La Haye, s'est attachée à élaborer un nouvel instrument destiné à moraliser et à encadrer l'adoption internationale.
Après quatre années de négociations, associant notamment de nombreux Etats d'origine des enfants, et auxquelles la France a participé activement, a été ainsi arrêtée, le 29 mai 1993, la convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
Essentiellement pragmatiques dans leur approche, les négociateurs ont cherché avant tout à mettre en place des mécanismes simples de coopération entre les Etats contractants - Etats d'origine et Etats d'accueil - à partir des principes posés par la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, à laquelle le préambule fait expressément référence : principe de subsidiarité, selon lequel l'adoption internationale ne doit être envisagée qu'à défaut de solutions nationales, prohibition des profits indus, recours à des autorités et organes compétents, et souci de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le domaine de la convention est très large. Celle-ci s'applique dès lors qu'un projet d'adoption repose sur le « déplacement » d'un enfant de moins de dix-huit ans d'un Etat contractant à un autre, que l'adoption soit prononcée dans l'Etat d'origine ou dans l'Etat d'accueil.
La convention fixe également les conditions de fond minimales à remplir pour toute adoption internationale et répartit entre l'Etat d'origine et l'Etat d'accueil la responsabilité de s'assurer qu'elles sont bien satisfaites.
A l'Etat d'origine revient la tâche de s'assurer notamment que l'enfant est adoptable et que les consentements ont été donnés régulièrement. A lui également de prendre en considération, le cas échéant, l'avis de l'enfant.
A l'Etat d'accueil incombe la responsabilité de s'assurer que les futurs parents adoptifs sont « qualifiés et aptes à adopter » et ont été entourés des conseils nécessaires.
L'ancien président de conseil général que je suis mesure bien l'extrême importance de cette vérification. Pour avoir souvent connu des situations difficiles, parfois douloureuses, je ne saurais trop encourager mes anciens collègues à faire preuve du plus grand discernement. Je sais combien cette tâche est délicate.
A l'Etat d'accueil également de constater que l'enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente sur son territoire.
En France, l'autorité centrale sera rattachée aux services du Premier ministre et les multiples tâches prévues par la convention seront réparties entre elles d'une part, la mission de l'adoption internationale au ministère des affaires étrangères les oeuvres d'adoption, d'autre part.
Alors que l'autorité centrale jouera un rôle d'impulsion, de coordination et d'information générale, c'est la mission de l'adoption internationale et les oeuvre d'adoption qui, concrètement, exerceront les tâches menant à la procédure d'adoption.
Il est fait obligation, pour toute personne résidant habituellement dans un Etat contractant et désirant adopter un enfant résidant dans un autre Etat contractant, de s'adresser à son autorité centrale.
Sont également décrites les tâches respectives de l'autorité centrale du pays d'origine et du pays d'accueil, ainsi que les conditions dans lesquelles ces deux autorités sont amenées à donner leur accord pour que, lorsqu'une décision de confier un enfant à ses futurs parents adoptifs a été prise dans l'Etat d'origine, la procédure puisse se poursuivre.
Enfin, et cela constitue aussi l'un des grands intérêts de la convention, celle-ci institue un système de reconnaissance de plein droit des décisions d'adoption d'un Etat dans l'autre.
A ce jour, la convention, qui est entrée en vigueur le 1er mai 1995, a été signée par trente Etats et ratifiée par dix-sept d'entre eux, parmi lesquels une dizaine de pays d'origine.
D'autres Etats que la France s'apprêtent à ratifier cet instrument. Cela démontre tout l'intérêt qu'attache la communauté internationale à cette convention.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la convention qui est soumise aujourd'hui à ratification par le Sénat a pour objet de garantir les droits et les intérêts des enfants adoptés en vertu de procédures transfrontalières.
Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, la France, second pays d'accueil d'enfants adoptés étrangers, est tout particulièrement concernée par cette convention.
Cette convention multilatérale a été négociée au sein de la conférence de droit international privé de La Haye.
Après avoir exposé les objectifs et les dispositions de la convention, je m'attarderais sur les obligations qui en découlent pour la France.
La convention de la Haye vise deux objectifs : assurer le contrôle des procédures d'adoption internationale et assurer la cohérence internationale du statut des personnes adoptées.
A cette fin, les Etats signataires doivent mettre en place des structures de concertation caractérisées par leur souplesse et par une grande latitude d'adaptation aux usages nationaux.
Pour l'essentiel, chaque pays doit désigner une autorité centrale qui peut agir soit directement, soit avec le concours d'autorités publiques ou d'organismes agréés.
Leur mission concerne l'adoption en général et les procédures particulières d'adoption. Cette autorité doit organiser la circulation de l'information sur la législation, veiller au fonctionnement de la convention, lever les obstacles à son application.
Pour le suivi des procédures particulières, les compétences sont réparties de la manière suivante : le pays d'origine de l'enfant facilite et contrôle la procédure pour l'enfant ; le pays d'accueil facilite et contrôle la procédure pour les adoptants.
Les autorités centrales du pays d'origine de l'enfant doivent donc déterminer l'adoptabilité de l'enfant en fonction de leur législation interne, s'assurer de son consentement ou de celui des personnes qui en ont la tutelle et de l'absence de transaction pécuniaire, et, enfin, établir un rapport sur son adoptabilité, son milieu social, son passé médical, qu'elles transmettent au pays d'accueil.
L'autorité centrale du pays d'accueil, de son côté, reçoit les candidatures des adoptants, vérifie leur qualification juridique et leur aptitude psychosociologique à l'adoption. Elle établit un rapport sur eux, qu'elle transmet à l'autorité centrale du pays d'origine. Elle s'assure par ailleurs que l'enfant sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans le pays d'accueil.
La cohérence internationale du statut de l'adopté est assurée par les dispositions prévues aux articles 23 à 27. Le principe fondamental est la reconnaissance de plein droit dans tous les Etats contractants des adoptions réalisées conformément à la convention et pour lesquelles un certificat de conformité a été délivré.
Un point particulier concerne les questions de filiation, puisqu'il y a de grandes différences entre les législations d'un pays à l'autre. Au terme des négociations qui ont été menées, si la législation du pays d'origine de l'enfant ne prévoit que l'adoption simple, et donc pas la rupture des liens de filiation biologique, et si le pays d'accueil prévoit une adoption plénière, une conversion sera possible. Ainsi, l'enfant adopté doit bénéficier des effets de l'adoption plénière dans tous les Etats reconnaissant ce type d'adoption.
Notre pays est concerné au premier chef par la présente convention puisque le très faible nombre d'enfants adoptables en France, la volonté de sauver un enfant en détresse à l'étranger et la tradition nationale d'ouverture familiale à l'étranger concourent à développer cette modalité d'adoption.
Il faut savoir que les pays d'origine ont des sentiments très partagés à l'égard de ce phénomène et le perçoivent parfois comme une forme d'impérialisme, d'où de brutales fermetures à intervalles réguliers.
Par ailleurs, la réussite de l'adoption d'un enfant étranger suppose une sensibilisation des parents aux spécificités de cette adoption. Dans ce domaine, l'appui des associations est précieux et souvent indispensable aux familles adoptives.
La France est-elle prête à mettre en oeuvre cette convention ?
Elle l'est sur le plan législatif puisque rien, dans notre législation interne, n'entre en conflit avec la convention.
C'est sur le plan administratif et pour l'accompagnement associatif prévu par ce texte que notre pays a le plus grand effort d'adaptation à accomplir. En effet, nos compatriotes privilégient actuellement la démarche individuelle. Ni les quarante-deux oeuvres d'adoption habilitées ni la mission de l'adoption internationale, structure interministérielle rattachée au ministère des affaires étrangères, n'ont, à cette heure, les moyens d'organiser et de contrôler l'adoption de plusieurs milliers d'enfants dans les conditions prévues par la convention.
Dans ces conditions, et alors que la mission de l'adoption internationale effectue d'ores et déjà une grande partie des tâches dévolues à l'autorité centrale depuis sa création en 1987, il est urgent de la renforcer par un effectif accru de personnel mis à disposition par les ministères de la justice, de l'emploi et de la solidarité et des affaires étrangères. Un effectif de vingt personnes - contre les treize agents actuels, il en faut donc sept de plus - est indispensable pour une mise en oeuvre de la convention.
La participation des oeuvres, appelées dorénavant « organismes agréés pour l'adoption internationale », est indispensable à la bonne mise en oeuvre du dispositif : accueil et soutien des candidats à l'adoption, aide dans les contacts à l'étranger, suivi. Mais leurs moyens, trop faibles et dispersés entre quarante-deux oeuvres, ne leur permettent actuellement de réaliser que le tiers des adoptions internationales. Il faut donc, sous l'égide de la mission de l'adoption internationale, les inciter à se regrouper et leur apporter les subventions nécessaires à un fonctionnement plus professionnel.
Enfin, la convention n'apporte pas de solution aux familles qui ont recueilli des enfants par « Kafala » ou « recueil légal » au Maroc ou en Algérie, pays qui prohibent l'adoption. La convention de La Haye, par son article 2, alinéa 2, ne vise que les adoptions établissant un lien de filiation et excluent donc les Kafalas.
En conclusion, malgré les difficultés budgétaires que suscite l'adaptation de l'organisation française de l'adoption internationale aux prescriptions de la convention de La Haye, l'adhésion à celle-ci contribuera très certainement à améliorer l'adoption internationale dans un sens favorable à l'intérêt supérieur des enfants concernés.
La clarification des responsabilités respectives de l'Etat d'accueil et de l'Etat d'origine contribuera à la lutte contre les trafics d'enfants et à une moralisation de l'adoption internationale.
Dans l'espoir que le Premier ministre fera paraître prochainement le décret relatif à la création de l'autorité centrale, et que les trois ministères donneront les moyens indispensables à cette autorité centrale et surtout à la mission de l'adoption internationale, la commission a conclu favorablement à l'adoption du présent projet de loi.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de remercier Mme Cerisier-ben Guiga de cet excellent rapport et, ensuite, de relever dans son propos deux points qui me paraissent importants.
En premier lieu, notons le phénomène extraordinaire que constitue maintenant l'adoption internationale, qui permet d'aller chercher des enfants à l'étranger et qui nous concerne donc au premier chef, nous autres, sénateurs représentant les Français établis hors de France. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le rapporteur de ce projet de loi est elle-même sénateur des Français de l'étranger !
J'estime qu'il n'a pas été assez tenu compte, dans cette convention, du principe fondamental de l'article 21 de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 - bien que, dans son préambule, il y soit fait expressément référence - à savoir le principe de subsidiarité, selon lequel l'adoption internationale ne doit être envisagée qu'à défaut de solutions nationales.
Le problème se pose de savoir si l'on a vraiment tout fait pour faciliter l'adoption en France et pour permettre aux familles françaises qui le souhaitent d'adopter si possible un enfant français. Toutes disent que c'est très difficile. Mme le rapporteur a même indiqué qu'il n'y avait presque pas d'enfants à adopter en France.
Je ne suis pas sûr que cette situation ne tienne pas aussi à un problème administratif lié aux exigences des directions départementales de l'action sanitaire et sociale, les DDASS.
Sans vouloir les critiquer, il est certain que le nombre de documents qu'elles demandent et le nombre de garanties dont elles s'entourent - et nous l'avons entendu dire de tous côtés - rend très difficile l'adoption d'un enfant en France. Cela paraît extraordinaire, mais il est vrai qu'il est plus simple d'aller chercher un enfant au Pérou, à Madagascar, ou surtout au Vietnam. C'est d'ailleurs de ce dernier pays que viennent maintenant la moitié des enfants qui sont adoptés en France.
C'est là un véritable problème, sur lequel je souhaite que le Gouvernement se penche. Les prescriptions des DDASS ne sont-elles pas trop rigoureuses ? Ne conviendrait-il pas de privilégier d'abord l'adoption en France ?
L'attitude de la DDASS est rigoureuse. Permettez-moi, à cet égard, d'abord d'évoquer un souvenir qui nous est commun, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous étions ensemble au Vietnam récemment. Vous étiez sur l'estrade, avec M. le président de Villepin, auprès de M. le Président de la République, lors de la réception des Français de Ho Chi Minh-Ville. Je ne sais pas si M. le consul général de France à Saigon - les Français de là-bas, auprès de qui j'ai moi-même passé beaucoup de temps puisque je les ai tous vus au cours de la soirée, disent encore Saigon, entre Français en tout cas - je ne sais pas, dis-je, si M. le consul vous a parlé, parmi tous les cas qui nous ont été soumis, d'un dossier que je me suis permis, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous remettre. Il s'agit du cas d'une famille française, la famille Dessainte, qui souhaite depuis longtemps, adopter un enfant au Vietnam. Tout le monde est d'accord. Le consul général connaît la famille - ce sont d'ailleurs des fonctionnaires français, qui aiment beaucoup les petits Vietnamiens. Mais, alors qu'ils désirent en adopter un, ils se heurtent, depuis des années, à l'opposition de la DDASS des Hauts-de-Seine, dont relèvent les adoptions au Vietnam. Nous ne comprenons pas pourquoi.
Ils m'ont remis le dossier. C'est en vain que j'ai essayé de comprendre la sévérité des autorités de Nanterre, qui est plus grande que celle des autorités locales qui, là-bas, connaissent la famille et le contexte dans lequel elle vit. L'adoption a été refusée.
Le cas de cette famille est un exemple des problèmes qui se posent dans les DDASS pour les adoptions et aussi la preuve d'une absence d'unité d'action entre les diverses directions. Certaines fois, elles interviennent pour refuser une adoption en France alors que, d'autres fois, des adoptions se font à leur insu. C'est ainsi que des enfants originaires d'Amérique latine adoptés en France souffrent de maladies chroniques graves, car, les filières officielles n'ayant pas été suivies, on s'aperçoit que les certificats médicaux étaient faux. Nous devons donc nous montrer très vigilants sur ce point.
M. Emmanuel Hamel. Il faut en parler à Mme Aubry. Cela dépend d'elle !
M. Jacques Habert. Je suis persuadé que M. le secrétaire d'Etat à la coopération lui soumettra ce problème, que je tenais à évoquer à l'occasion de cette discussion générale.
Il en est un autre, plus juridique cette fois, que Mme Cerisier-ben Guiga a excellement souligné : c'est l'importance, dans la convention que nous examinons, de l'article 27. Dans certains pays, l'adoption plénière n'existe pas. Seules les adoptions simples sont autorisées. Des familles étrangères et certains organismes étrangers considèrent l'adoption comme provisoire, en quelque sorte, comme un moyen de placement des enfants dans cette France si extraordinairement généreuse. Ils encouragent l'adoption d'enfants issus de familles nombreuses dans l'espoir de procéder, ultérieurement, à des regroupements et de faire venir ainsi en France tous les autres enfants de la famille, qui ne sont pas français, espérant que la France les accueillera !
Dès qu'un étranger pose le pied sur notre sol, il a aussitôt droit aux allocations familiales et à de multiples avantages. C'est une générosité dont le monde entier s'émerveille et qui fait que les candidats à l'immigration en France sont de plus en plus nombreux et qu'on ne peut pas voyager dans tous ces pays sans que nombre de gens nous demandent ce qu'il faut faire pour venir chez nous !
L'article 27 est précieux, car il précise - madame le rapporteur l'a fort bien dit - que la législation française pourra transformer ces adoptions en adoptions plénières, c'est-à-dire que les familles de sang n'auront pas le droit, légalement, de reprendre les enfants après que nous les aurons nourris et instruits.
C'est la première fois que l'on place, dans notre législation relative à l'adoption, un article de ce genre, et je crois que c'est une excellente chose.
Pour toutes ces raisons, bien sûr, nous voterons cette convention, après avoir attiré l'attention du Gouvernement sur quelques problèmes, comme je viens de le faire. Je suis sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ferez part de nos préoccupations au Gouvernement, particulièrement à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, qui, je l'espère, se saisira de ces questions. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je dirai d'abord à Mme Cerisier-ben Guiga qu'elle a eu raison de souligner l'importance d'un dossier qui comporte souvent une charge affective considérable.
Pour avoir, je le répétais à l'instant, vécu de telles situations sur le terrain, ...
M. Emmanuel Hamel. Dans les Côtes-d'Armor !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. ... j'ai bien ressenti la passion qu'ont les parents qui veulent adopter un enfant, et j'ai même constaté qu'ils étaient prêts, pour y parvenir, à commettre toutes les imprudences, si j'ose dire. C'est bien la difficulté de l'exercice, et c'est pourquoi aussi cette convention a une très grande utilité.
S'agissant de la procédure, un décret actuellement en préparation et dont la rédaction est quasiment achevée installera l'autorité centrale, laquelle sera composée de représentants du ministère de la justice, du ministère des affaires étrangères, du ministère chargé de la famille, ainsi que de représentants des services d'action sociale et des conseils généraux.
Cette autorité aura vocation à s'intéresser à toutes les adoptions internationales, et pas seulement d'ailleurs à celles qui sont soumises à la procédure prévue par la convention de La Haye.
En réalité, son secrétariat sera assuré par la mission de l'adoption internationale au ministère des affaires étrangères. Cette mission sera chargée de l'essentiel des tâches procédurales, lesquelles seront tout de même exercées, pour partie, par les organismes d'adoption agréés. Je veux d'ailleurs leur rendre hommage, car leur tâche est souvent difficile.
Si certaine ont pu parfois encourir des reproches pour une ou deux bavures constatées dans leur fonctionnement, tous sont dignes de notre reconnaissance tant leur tâche est souvent délicate.
En tout cas, comme vous le savez, il est prévu d'accorder aux associations agréées une subvention par le biais de l'organe de tutelle, la mission de l'adoption internationale.
Monsieur Habert, il est vrai que les enfants adoptables en France sont très peu nombreux. Il ne faut cependant pas a priori le regretter. Cela veut dire que les situations de détresse qui rendent un enfant adoptable sont moins nombreuses.
Certes, il arrive aussi, parfois, que le juge revienne sur une décision et, lorsqu'il y a conflit entre la famille de sang et la famille d'adoption, il est clair que la situation est tout à fait douloureuse. Pour ma part, je pense que mieux vaut prendre des précautions avant plutôt que d'avoir à gérer après ce qui est devenu un drame.
Que les DDASS aient parfois des attitudes un peu trop bureaucratiques - je n'ai pas entendu ce mot dans votre bouche, monsieur le sénateur, mais c'est sans doute ce que vous vouliez, je crois, exprimer - c'est vrai, mais je sais trop, là aussi, la difficulté qui est la leur pour leur en faire a priori reproche. Souhaitons simplement - et la discussion de cette convention est l'occasion de réfléchir à la meilleure manière de traiter ce dossier - que tout cela soit géré avec sensibilité et intelligence.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez signalé le cas de la famille Dessainte. J'en conviens volontiers, ce cas mérite réexamen. Nous allons nous y employer, et c'est évidemment avec Mme Aubry que toutes ces situations devront être revues.
En conclusion, je voudrais insister sur l'intérêt que représente cette convention, qui répond très largement aux préoccupations que vous avez exprimées à l'instant, monsieur Habert.
M. Jacques Habert. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale faite à La Haye, le 29 mai 1993, et signée par la France, le 5 avril 1995, dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

11

ACCORD FISCAL AVEC LE KENYA
EN MATIÈRE DE TRANSPORT AÉRIEN

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 341, 1996-1997) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic international. [Rapport n° 3 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et le Kenya ont conclu, le 12 janvier 1996, un accord en vue d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien international.
Cet accord, très limité et largement inspiré des dispositions pertinentes du modèle de convention fiscale de l'OCDE en matière d'impôts sur le revenu, permettra aux entreprises de navigation aérienne ayant leur résidence en France de ne pas subir au Kenya d'imposition sur les bénéfices qu'elles réalisent dans cet Etat. Les échanges devraient donc s'en trouver favorisés.
L'incidence budgétaire de cet accord, compte tenu de la faible importance des échanges bilatéraux dans le domaine aérien, devrait être très limitée. En effet, seules trois compagnies assuraient, en 1996, une liaison entre la France et le Kenya : Air France, Air Austral et Kenya Airways, compagnie kenyane. Le nombre de passagers transportés en 1995 s'élevait ainsi à 142 000 personnes, dont 65 % représentent la part française.
Il convient de souligner que la France et le Kenya n'ont conclu aucun accord général ayant pour objet d'éliminer la double imposition, en dépit du nombre relativement important d'entreprises françaises établies dans cet Etat, notamment Total pour les hydrocarbures, Lafarge pour les ciments, Carnaud Metal Box dans l'emballage, Roussel, Rhône-Poulenc dans la branche chimie et parachimie, Indosuez, UAP dans le secteur des banques et des assurances.
Il faut donc souhaiter que l'entrée en vigueur de cet accord, limité au domaine aérien, puisse ouvrir la voie à la négociation d'une véritable convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, convention qui constituera une incitation importante au renforcement de nos rapports économiques avec cet Etat.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic international qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le projet de loi dont M. le secrétaire d'Etat vient d'exposer les grandes lignes est effectivement relativement limité dans son application, mais il participe d'une politique de la France qui entend renforcer ses positions dans l'Afrique de l'Est, en particulier au Kenya, politique qui s'est traduite, à une époque très récente, par l'implantation à Nairobi de la Caisse française de développement, bras séculier du Trésor, et de sa filiale PROPARCO, société de promotion et de participation pour la coopération, ainsi que par la consolidation des positions des entreprises qu'a énumérées M. Josselin, Total et Lafarge, notamment.
L'actuelle absence d'accord fiscal entraîne des difficultés d'imposition, en particulier pour les personnels d'Air Kenya et d'Air France, ainsi que pour les bénéfices éventuels que chacune de ces sociétés aériennes tire de l'exploitation de ces lignes, qui ont transporté en un an 145 000 passagers.
Cette convention est, pour l'essentiel, conforme aux règles retenues par le modèle de convention de l'OCDE pour les activités de même type. Je noterai simplement que l'article 5 de l'accord retient le principe de l'imposition exclusive des bénéfices provenant de l'exploitation d'aéronefs en trafic international dans l'Etat où est situé le siège effectif de l'entreprise. Cela marque un progrès manifeste, comme l'a souligné M. le secrétaire d'Etat. Comme lui, nous pouvons espérer que les dispositions qui figurent dans cet accord seront bientôt étendues aux autres entreprises françaises dans le cadre d'un accord général.
La commission des finances, à l'unanimité, s'est prononcée pour l'adoption de cette convention, et elle vous engage, mes chers collègues, à voter le projet de loi soumis à votre approbation.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic international, signé à Nairobi le 12 janvier 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

12

CONVENTION FISCALE AVEC LE GABON

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 219, 1996-1997) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales. [Rapport n° 2 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et le Gabon sont liés actuellement par une convention fiscale en matière d'impôts sur le revenu conclue en avril 1966, mais modifiée par deux avenants successifs en 1973 et 1986.
Le Gabon, bien que son activité économique soit ralentie depuis 1991, reste l'un des Etats les plus riches d'Afrique et a donc entrepris de relancer son économie. La promotion des investissements étrangers figure en bonne place dans ce programme de relance, à côté de la maîtrise des dépenses publiques, de la diversification de son économie par le développement des petites et moyennes entreprises, de la prospection pétrolière et minière, ainsi que de la mise en place d'une politique de grands travaux.
C'est dans ce contexte que les autorités gabonaises ont proposé à la France de renégocier une nouvelle convention fiscale dont la rédaction serait directement inspirée du modèle de convention de l'OCDE que vous connaissez.
La France ne pouvait que répondre favorablement à cette demande, qui aura pour effet de renforcer l'implantation de filiales françaises dans ce pays où nos investissements représentent déjà 75 % du total des investissements étrangers.
La convention signée le 20 septembre 1995 est, comme je l'ai dit, très proche du modèle de l'OCDE. Je n'en développerai donc pas les détails, mais je tiens néanmoins à en souligner quelques points importants.
C'est ainsi que la nouvelle convention limite considérablement les taux de retenue à la source applicables aux dividendes et intérêts reçus par les résidents de France, ce qui n'est pas le cas dans la convention actuelle.
S'agissant de l'imposition des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par les entreprises françaises au Gabon, les règles acceptées par cet Etat sont très proches de celles du modèle de l'OCDE, sauf en ce qui concerne le délai au-delà duquel un chantier de construction ou de montage constitue un établissement stable, fixé à six mois dans la convention au lieu de douze mois dans le modèle de l'OCDE.
Cette nouvelle convention est, en soi, le gage d'un renforcement de nos relations économiques bilatérales et, à ce titre, le Gouvernement vous recommande tout particulièrement d'autoriser son approbation.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Répulique gabonaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signée à Libreville le 20 septembre 1995, qui est aujourd'hui soumise à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France est actuellement le premier partenaire commercial du Gabon et le premier investisseur dans ce pays.
Nous avons apporté un soutien financier important à ce pays au lendemain de la dévaluation du franc CFA, puisque nous avons accordé 850 millions de francs en prêts d'ajustement structurels.
Chaque année, les interventions de la Caisse française de développement s'élèvent, en moyenne, à 150 millions de francs dans ce pays, qui n'est pourtant pas l'un des plus malheureux d'Afrique.
Je voudrais souligner deux points de cette convention qui m'ont paru plus particulièrement dignes d'intérêt.
Le premier concerne les dispositions de l'article 9 relatives aux prix de transfert.
Un certain nombre d'entreprises, liées entre elles par des relations extrêmement étroites, déterminent leur prix en fonction de considérations fiscales relativement simples : elles majorent les prix là où le niveau de la fiscalité est le plus bas et elles procèdent inversement là où il est élevé.
Ainsi, il y a transfert anormal de bénéfices lorsque les prix ne correspondent pas à ce qu'ils auraient été dans des conditions normales de libre concurrence. Ce sujet n'est pas nouveau. La loi du 12 avril 1996 a permis de renforcer le dispositif interne de contrôle de ces prix de transfert. Il est donc intéressant de noter que le paragraphe 2 de l'article 9 prévoit la possibilité pour un des deux Etats de procéder à un ajustement approprié pour mettre fin à ces pratiques.
Le deuxième point intéressant à noter concerne l'article 30 de la nouvelle convention fiscale.
Cet article permet aux entreprises françaises qui travaillent au Gabon de bénéficier du régime simplifié d'imposition des sous-traitants des entreprises pétrolières prévu par le droit fiscal du Gabon.
Ce dispositif permet, sous réserve de l'agrément donné par le directeur gabonais des contributions, aux sociétés à capitaux étrangers résidentes du Gabon ou aux succursales gabonaises de sociétés non résidentes qui effectuent des prestations de services pour le compte de sociétés pétrolières d'être soumises à l'impôt sur les sociétés au taux normal de 40 %, mais à partir d'un bénéfice évalué forfaitairement à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au Gabon.
Les sociétés éligibles à ce dispositif peuvent également être dispensées du prélèvement de 5 % calculé sur la base imposable à l'impôt sur les sociétés normalement exigible au profit du fonds gabonais d'investissement.
Les efforts que nous avons faits en faveur de ce pays ne sont donc pas sans contrepartie puisque les entreprises françaises imposables au Gabon et qui sont désormais, pour l'essentiel, concernées par ce régime incitatif pourront continuer à bénéficier de ce dernier.
Mes chers collègues, la commission vous propose donc d'autoriser la ratification de cette convention.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signée à Libreville le 20 septembre 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

13

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 9 décembre 1997 l'informant que la proposition d'acte communautaire E 474 - « proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des règles communes pour le développement des services postaux communautaires et l'amélioration de la qualité du service » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 1er décembre 1997.

14

DÉPO^T D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement 3094/95 et prorogeant les dispositions pertinentes de la septième directive du Conseil concernant les aides à la construction navale et la proposition de règlement (CE) du Conseil établissant de nouvelles règles pour les aides à la construction navale (n° E-936).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 164, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

DÉPO^T DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Christian Bonnet un rapport, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 162 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Lambert, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 1998.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 165 et distribué.

16

DÉPO^T D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. André Bohl un avis, présenté au nom de la commission des lois, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement, sur la proposition de résolution de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Louis Souvet et Jean Arthuis, tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires (n° 75, 1997-1998).
L'avis sera imprimé sous le numéro 163 et distribué.

17

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 11 décembre 1997 :
A neuf heures trente :
1. Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 285, 1996-1997), modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté.
Rapport (n° 323, 1996-1997) de M. Georges Othily, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement n'est plus recevable.
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 107, 1997-1998) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de résolution (n° 61, 1997-1998) de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jean François-Poncet et Gérard Larcher, tendant à créer une commission d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire, dans une perspective de développement et d'insertion dans l'Union européenne.
Avis (n° 101, 1997-1998) de M. André Bohl, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
3. Discussion des conclusions du rapport (n° 159, 1997-1998) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur la proposition de résolution (n° 75, 1997-1998) de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Louis Souvet et Jean Arthuis tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires.
Avis (n° 163, 1997-1998) de M. André Bohl, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
4. Discussion des conclusions du rapport (n° 432, 1996-1997) de M. José Balarello, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de résolution (n° 411, 1996-1997) de M. Henri de Raincourt, des membres du groupe des Républicains et Indépendants, apparenté et rattachés administrativement, tendant à créer une commission d'enquête pour procéder à un examen approfondi des procédures en vigueur en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français et pour en évaluer les conséquences économiques et financières.
5. Discussion des conclusions du rapport (n° 155, 1997-1998) de M. Gérard César, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 8 rectifié, 1997-1998) de MM. Gérard César, Alain Pluchet, Michel Alloncle, Louis Althapé, Henri Belcour, Jean Bernard, Roger Besse, Jean Bizet, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Désiré Debavelaere, Michel Doublet, Gérard Fayolle, Hilaire Flandre, Philippe François, Yann Gaillard, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Jacques de Menou, Roger Rigaudière, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, Jacques Valade, Alain Vasselle, Serge Vinçon et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, apparentés et rattaché administrativement, MM. Jean Huchon, Louis Moinard, Alphonse Arzel, Bernard Barraux, Michel Bécot, Marcel Deneux, Francis Grignon, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Kléber Malécot, Louis Mercier, Jean Pourchet, Jacques Rocca Serra, Michel Souplet et les membres du groupe de l'Union centriste et rattachés administrativement, MM. Henri Revol, Jean-Paul Emin, Mme Janine Bardou, MM. Jean Boyer, Marcel-Pierre Cleach, Jean-Paul Emorine, Mme Anne Heinis, MM. Jean Pépin, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Charles Revet et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, apparenté et rattaché administrativement, MM. Jean François-Poncet, Georges Berchet, Fernand Demilly, Bernard Joly, Jean-Marie Rausch, Raymond Soucaret, Jacques Bimbenet, Paul Girod, Pierre Jeambrun, Pierre Laffitte, André Vallet, Jean Grandon, Jacques Habert, Philippe Adnot, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Jean-Pierre Lafond, André Maman et Alex Türk, portant diverses mesures urgentes relatives à l'agriculture.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures :
6. Questions d'actualité au Gouvernement.
7. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de finances rectificative pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 156, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 décembre 1997, à onze heures ;
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils régionaux (n° 27, 1997-1998) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 décembre 1997, à dix-sept heures ;
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole de la discussion générale : mardi 16 décembre 1997, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 décembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. Adrien Gouteyron a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 98 (1997-1998) de M. Pierre Laffitte permettant à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes, dont la commission est saisie au fond.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Jean-François Le Grand a été nommé rapporteur du projet de loi n° 161 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier.

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Jean-Jacques Hyest a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 80 (1997-1998) de MM. Pierre Laffitte et René Trégouët tendant à créer des entreprises à partenariat évolutif caractérisées par la libre négociation entre apporteurs de compétences et de capitaux.
M. Patrice Gélard a été nommé rapporteur de la proposition de loi organique n° 92 (1997-1998) de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues tendant à assurer la représentation des retraités au Conseil économique et social et dans les comités économiques et sociaux régionaux.