SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Aménagement du territoire et environnement

I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p. 2 )

MM. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Odette Terrade, MM. Gérard Larcher, Daniel Hoeffel, Jean Boyer, Gérard Delfau, François Gerbaud, Bernard Barraux, Mme Janine Bardou, MM. Paul Raoult, Raymond Soucaret, Hilaire Flandre, Mme Anne Heinis, MM. Jean-Pierre Demerliat, Jean Bizet.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Crédits des titres III, IV et VI. - Rejet (p. 3 )

Suspension et reprise de la séance
(p. 4 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

II. - ENVIRONNEMENT (p. 5 )

MM. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Jean-François Le Grand, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Raymond Soucaret, Mmes Odette Terrade, Danièle Pourtaud.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Crédits du titre III (p. 6 )

Amendement n° II-70 de la commission des finances. - M. le rapporteur spécial, Mmes le ministre, Odette Terrade, M. René-Pierre Signé. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 7 )

Amendement n° II-71 de la commission des finances. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre, M. Jean Dérian, Mme Danièle Pourtaud. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 8 )

Article 62 B. - Adoption (p. 9 )

Article 62 C (p. 10 )

Amendement n° II-59 de la commission des finances. - M. le rapporteur spécial, Mmes le ministre, Danielle Bidard-Reydet. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 62 D (p. 11 )

Amendement n° II-60 de la commission des finances. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre, M. Jean Dérian, Mme Danièle Pourtaud. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Défense (p. 12 )

MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les dépenses ordinaires ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs ; Michel Alloncle, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Gendarmerie » ; Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Forces terrestres » ; Hubert Falco, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Air » ; André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Marine » ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; André Dulait, Jacques Habert, Bernard Plasait, Bertrand Delanoë.

3. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 13 ).

4. Communication du Conseil constitutionnel (p. 14 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

5. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 16 ).

Défense (suite) (p. 17 )

MM. Robert-Paul Vigouroux, Jean-Luc Bécart, Roger Husson, Jacques Machet, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Biarnès, Jean-François Le Grand, Mme Maryse Bergé-Lavigne.
M. Alain Richard, ministre de la défense.

Crédits du titre III. - Rejet (p. 18 )

Crédits du titre V (p. 19 )

MM. Emmanuel Hamel, le ministre.
Rejet des crédits par scrutin public.

Crédits du titre VI. - Rejet (p. 20 )

Fonction publique et réforme de l'Etat
(p. 21 )

MM. Philippe Marini, rapporteur spécial de la commission des finances ; James Bordas, Jacques Mahéas, Jean Dérian, Serge Vinçon, Jean-Jacques Hyest.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

SERVICES GÉNÉRAUX DU PREMIER MINISTRE

Crédits du titre III (p. 22 )

Amendement n° II-68 rectifié de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jacques Mahéas, Emmanuel Hamel. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 23 )

M. Jean Dérian.
Amendement n° II-69 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jacques Mahéas. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V. - Adoption (p. 24 )

6. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 25 ).

7. Ordre du jour (p. 26 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (N°s 84 et 85 [1997-1998]).

Aménagement du territoire et environnement

I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'aménagement du territoire est un sujet sensible qui concerne tous les Français, puisqu'il est tout à la fois leur passé, leur présent et leur avenir.
Les crédits du ministère de l'aménagement du territoire s'élèvent à 1,8 milliard de francs dans le projet de loi de finances pour 1998. Ils ne représentent que 3,2 % de l'ensemble de l'effort budgétaire de l'Etat, qui s'établit à 55,7 milliards de francs.
L'Union européenne, quant à elle, participe à hauteur de 10,2 milliards de francs au financement de projets contribuant à l'aménagement du territoire.
Le ministre de l'aménagement du territoire affiche des crédits en hausse de 6 %. Cette progression importante n'est toutefois pas également répartie entre les différents postes de dépenses.
Le budget du ministère comporte trois grandes masses : les crédits de fonctionnement de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, ceux qui relèvent du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, et, enfin, les subventions accordées par l'Etat au titre de la prime d'aménagement du territoire, la PAT.
S'agissant des crédits de fonctionnement de la DATAR, ils diminuent en 1998 de 3,8 %. Cette évolution résulte de la suppression de deux emplois non pourvus. Elle provient également de la réduction des moyens de fonctionnement, qui est principalement supportée par les postes de la DATAR à l'étranger.
Il est à noter que, dans les années à venir, ces postes devront gérer les conséquences de la disparition des coopérants du service national qui leur sont affectés. Il serait en effet regrettable, au regard du travail de qualité qu'ils accomplissent, que leurs moyens limités soient encore plus réduits.
Ensuite, concernant les subventions accordées par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, force est de constater que celles-ci sont également en baisse. Je rappelle que le FNADT finance notamment les engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. Ces crédits diminuent depuis l'annonce du report d'un an du terme des contrats de plan, qui provoque l'étalement des financements dans le temps.
Compte tenu du faible taux d'exécution des objectifs fixés par les contrats, il est permis de se demander si le montant des engagements ne devrait pas plutôt être maintenu, voire accru. Ce n'est pas votre analyse, madame le ministre, puisque ces crédits baisseront en 1998 et viennent de faire l'objet d'importantes mesures d'annulation.
J'en arrive enfin aux subventions de la prime d'aménagement du territoire. Leur montant est modeste : 320 millions de francs en autorisations de programme comme en crédits de paiement. C'est pourtant leur forte augmentation, de 155 millions à 320 millions de francs en crédits de paiement, qui explique la hausse de 6 % du budget de l'aménagement du territoire.
La hausse spectaculaire de 106 % des crédits de la prime d'aménagement du territoire mérite que l'on s'y arrête. Elle doit être replacée dans la perspective d'un mouvement d'apurement de la gestion de la PAT entamé l'année dernière.
En effet, afin de résorber le montant élevé des crédits reportés, le gouvernement précédent avait divisé par deux les crédits de la prime.
Cette stratégie s'est avérée payante. Les crédits reportés ont été considérablement réduits, si bien que pour maintenir constant le niveau des subventions distribuées le Gouvernement a dû accroître la dotation dans le projet de loi de finances pour 1998.
Cette opération permet au Gouvernement d'afficher un effort budgétaire important en faveur de l'aménagement du territoire, alors que, d'une part, les crédits de la DATAR et du FNADT diminuent et que, d'autre part, le niveau des subventions accordées au titre de la PAT restera constant.
En tout état de cause, l'assainissement de la gestion de la PAT est salutaire, mais il ne doit pas exonérer le Gouvernement de s'attaquer à la cause des reports, à savoir l'inadaptation des critères d'attribution et, principalement, l'obligation de créer vingt emplois permanents en trois ans.
Lors de votre audition en commission des finances, vous avez, madame le ministre, constaté et admis cette inadéquation des critères et la nécessité d'y remédier. Je souhaite que vous puissiez nous faire des propositions pour une meilleure utilisation et une efficacité accrue de ces crédits.
Madame le ministre, l'évolution des crédits de votre ministère tels que nous venons de les constater appelle des interrogations et suscite des craintes.
Le Gouvernement n'a pas laissé le temps à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de porter l'ensemble de ses fruits. Je le déplore. D'emblée, madame le ministre, vous avez considéré le bilan de cette loi comme peu satisfaisant, et vous avez dit sans ambages tout le mal que vous en pensiez.
Compte tenu de ce verdict sans appel, vous avez annoncé qu'un projet de loi permettant une relance de la politique d'aménagement du territoire serait déposé devant le Parlement. Quand le sera-t-il ?
Une incertitude grave plane sur cette date, depuis que votre collègue, M. Chevènement, a annoncé publiquement et de façon péremptoire que ce projet de loi ne pourra pas être examiné par le Parlement avant juin 1998, ajoutant que, auparavant, serait déposé un projet de loi concernant l'intercommunalité.
Je pense que vous êtes déçue, madame le ministre, de ce retard. Nous aussi, car nous avions espéré que, avec la pugnacité qui vous caractérise, vous seriez en mesure, comme vous l'aviez promis, de donner un nouvel élan à l'aménagement du territoire que nous appelons tous de nos voeux.
Puissiez-vous, madame le ministre, prendre en compte et utiliser l'important travail de préparation effectué non seulement par les régions, mais également au commissariat général du Plan et au Parlement afin de définir de façon cohérente les orientations fondamentales et les règles du jeu.
Le temps passe, la France attend. La situation continue à se dégrader en l'absence de mesures fortes, justes et intelligentes, seules capables de réduire la fracture territoriale qui, s'ajoutant à la fracture sociale, mine notre pays.
Quoi qu'il en soit, et malgré les retards, la réforme de la loi sera l'occasion de relancer certains moyens qui, aujourd'hui, ne sont pas toujours pleinement utilisés.
L'un deux, le Fonds national pour le développement des entreprises, a été conçu afin de permettre aux très petites entreprises de trouver les financements que les banques refusent. Le comité interministériel qui s'est tenu à Auch au mois d'avril 1997 avait remis le lancement du FNDE à l'ordre du jour en prévoyant qu'il serait doté de un milliard de francs à partir de recettes de privatisations.
Depuis le changement de majorité intervenu à l'Assemblée nationale, il semble que cette décision ne soit plus à l'ordre du jour et que l'on s'oriente vers une solution plus modeste. Quoi qu'il en soit, le FNDE devra devenir opérationnel.
Les autres fonds créés par la loi existent et fonctionnent, mais ils peuvent être perfectionnés.
Pour des raisons diverses, le fonds de gestion de l'espace rural - le FGER -, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables - le FITTVN - et le fonds de péréquation des transports aériens connaissent des dysfonctionnements, car, sauf erreur de ma part, il semble que rien n'ait été proposé pour y remédier.
De même, puisque la mise en oeuvre des dispositions de la loi relative aux services publics en milieux ruraux est bloquée par le Conseil d'Etat, des dispositifs alternatifs doivent être imaginés.
Enfin, je constate que l'ambiguïté sur la vocation des pays n'a pas été levée. Le Gouvernement se contente pour l'instant de formules vagues invoquant le dynamisme, la spontanéité et le « vouloir vivre ensemble » des acteurs locaux.
La perspective de la renégociation des contrats de plan, à laquelle vous voulez, madame le ministre, associer les pays, appellerait plutôt une clarification des attributions de chaque découpage territorial, afin d'écarter définitivement l'éventualité d'une montée en puissance progressive des pays au détriment des départements.
Il faudra donc faire en sorte que les moyens existants soient pleinement exploités. Mais il faudra surtout préserver l'essentiel, c'est-à-dire les principes fondamentaux de notre conception de l'aménagement du territoire que le texte de 1995 a permis d'inscrire dans la loi.
Le monde rural figure au premier rang des priorités. La loi de 1995 a conduit à la création des zones de revitalisation rurale. Elle a surtout prévu le vote d'une loi spécifique.
L'avant-projet de « Plan pour l'avenir du monde rural » présenté à Auch préfigurait ce texte.
Vous avez, madame le ministre, choisi d'y renoncer.
Malgré votre annonce à l'Assemblée nationale d'un plan pour l'espace rural dont vous n'avez pas dévoilé encore le contenu, j'ai le sentiment que, sur ce point, la continuité de l'action gouvernementale n'est pas garantie. Or, il s'agit d'un enjeu majeur sur lequel il serait dramatique, anormal, injuste et grave de faire l'impasse.
La loi de 1995 consacrait également le principe du zonage, repris l'année suivante par le pacte de relance pour la ville. Les exonérations fiscales consenties aux entreprises qui investissent dans les zones urbaines ou rurales en difficulté permettent le retour de l'activité économique, de l'emploi et donc de la vie sociale dans les territoires en passe d'être marginalisés.
A long terme, l'effort en faveur de ceux qui en ont le plus besoin contribue à gommer les inégalités entre les différentes parties du territoire national. A court terme, le maintien ou l'implantation d'entreprises dans une commune en difficulté peut éviter son dépeuplement, la fermeture de son école ou l'effacement des petits commerces.
Pourtant, le Gouvernement ne semble pas acquis à la philosophie du zonage. Les réticences exprimées par plusieurs ministres à son égard sont de nature à décourager les entreprises, qui doivent être sûres que les règles ne changeront pas avant d'engager des investissements dont la rentabilité n'est pas immédiate.
L'action en faveur des territoires isolés passe également par l'amélioration de leur desserte. La loi de 1995 en a donné les moyens. Elle a créé le fonds de péréquation des transports aériens pour éviter la fermeture de lignes aériennes.
Elle a surtout fixé un objectif ambitieux, véritable charte du désenclavement, puisqu'elle précise qu'aucune partie du territoire ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou quarante-cinq minutes d'automobile, soit d'une autoroute ou d'une route express, soit d'une gare TGV.
Pour atteindre cet objectif, un programme autoroutier couvrant l'ensemble du territoire a été progressivement élaboré.
Aujourd'hui, l'objectif semble remis en cause, tout comme le programme autoroutier.
Soucieux des conséquences de ces décisions, le Sénat vient de créer une commission d'enquête sur l'arrêt des grands projets d'infrastructures.
Madame le ministre, les contrats de plan Etat-région seront renégociés en 1999.
La génération de contrats qui s'achève a mis l'aménagement du territoire au coeur de ces dispositifs en ajoutant une dimension de redistribution des richesses entre les régions à la définition d'objectifs propres à chaque région.
L'effort financier de l'Etat a été supérieur dans les régions défavorisées. Vous devez, madame le ministre, reprendre cette orientation. Il y va de l'unité de la nation.
Si j'insiste sur tous ces points, c'est que je suis inquiet à propos des orientations qui seront retenues l'an prochain.
L'augmentation, même comptable, des crédits du ministère pour 1998 représente une goutte d'eau au regard de l'impact négatif de l'arrêt des grands travaux.
Je conviens avec vous, madame le ministre, que les premiers résultats de la loi de 1995 ont été - nous le déplorons avec vous - très en dessous des espérances qu'elles avait fait naître.
La loi Pasqua-Hoeffel reste une bonne loi ; encore fallait-il se donner les moyens de l'appliquer pour la faire vivre.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roger Besse, rapporteur spécial. A l'évidence, ces moyens seront encore absents en 1998, car le Gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, n'en a pas fait une priorité.
C'est pourquoi, au nom de la commission des finances, je propose au Sénat de rejeter les crédits de l'aménagement du territoire inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, un adage dit que l'on s'affirme en s'opposant. Depuis juillet dernier, le Gouvernement a souhaité s'opposer à la politique antérieurement menée : par l'abandon du canal Rhin-Rhône et par l'annonce de la réforme de la loi Pasqua, pour ne citer que ces deux cas. A-t-il pour autant présenté une stratégie claire ? Hélas ! Non. L'examen du projet de budget pour 1998 me fournira l'occasion d'illustrer ce propos. Ne voyez pas là, madame le ministre, une attaque qui vous soit personnellement destinée.
En effet, ni le budget du ministère chargé de l'aménagement du territoire, ni celui qui est consacré aux autres fonds qui contribuent à l'aménagement du territoire ne traduisent une politique volontariste. Alors que le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire, le CIADT, d'Auch avait mis en place un dispositif cohérent, le Gouvernement doit encore faire ses preuves, je citerai plusieurs exemples précis du flottement qui caractérise son action en matière d'aménagement du territoire.
Venons-en au budget lui-même.
En premier lieu, il ne sert à rien de diminuer les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et spécialement sa section d'investissement, compte tenu de l'économie extrêmement modeste que ces réductions occassionnent, comparées au budget global de la nation.
En second lieu, l'accroissement des moyens consacrés à la prime d'aménagement du territoire relève de l'effet d'annonce. En effet, les crédits de la PAT ne sont jamais totalement consommés. Il semble d'ailleurs que les services du budget qui participent aux comités interministériels des aides à la localisation d'activités, les CIALA, tentent chaque année - et avec succès, malheureusement - de limiter les engagements au minimum.
L'accroissement de la PAT doit dont être fortement relativisé. Nous verrons bien l'année prochaine si tous les crédits que nous aurons votés cette année seront finalement engagés. Je n'ai, hélas ! guère d'illusion : nous touchons là aux limites de l'autorisation de dépense que donne le Parlement. Une fois cette autorisation délivrée, il faut que s'exerce une très réelle volonté politique pour en tirer parti.
En outre, l'attribution de la PAT pose un problème que nous avons déjà soulevé l'an passé : elle ne convient pas à l'aide aux activités industrielles dans l'ensemble des zones rurales qui en auraient bien besoin. Actuellement, la carte de la PAT est bien loin de couvrir toutes les zones de revitalisation rurale, qui sont pourtant considérées comme les plus pauvres.
Une autre difficulté tient à l'utilisation du zonage de la PAT pour l'attribution et le plafonnement des aides au tourisme.
Le Gouvernement a notifié à la Commission européenne un régime d'aide au tourisme calqué sur la carte de la PAT. Or bien des zones touristiques sont situées hors des zones PAT : elles ne peuvent donc pas prétendre aux aides les plus élevées. C'est ainsi, par exemple, et c'est tout à fait cocasse, que l'on peut attribuer des aides au tourisme à taux maximal à Brest, et non à Crozon !
Une ultime remarque me paraît s'imposer s'agissant du budget.
La DATAR dispose de trois réseaux hors de France : en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. A leur sujet, je m'interroge sur le sort des emplois qui étaient tenus dans le passé par des coopérants ou des volontaires du service national, soit près de 10 % du total des effectifs. Qu'adviendra-t-il de ces postes du fait de la suppression du service national ? Le projet de loi sur les volontariats, dont le dépôt a été annoncé à l'occasion de l'examen de la loi sur la suppression du service militaire, prévoira-t-il leur remplacement ? Comment sera-t-il financé ?
Il me paraît nécessaire d'envisager ces réformes dès à présent et de faire le point sur les rapprochements avec d'autres administrations chargées de la promotion des investissements étrangers qui en découleront.
Au-delà du budget, je souhaite évoquer le problème des fonds créés par la loi d'orientation de 1995, qui sont des leviers importants pour l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, j'estime qu'il est trop utilisé par le Gouvernement pour le financement de projets qui devraient être pris en charge par le budget général ; il constitue désormais un outil de débudgétisation des dépenses d'autant plus précieux que ce fonds dispose de ressources affectées.
Je nourris par ailleurs des inquiétudes très vives, s'agissant du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, qui figure au budget de l'agriculture. Doté de 388 millions de francs en loi de finances initiale pour 1996, il ne recueille plus que 140 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1998. Il serait souhaitable, me semble-t-il, de doter le FGER de deux lignes : l'une destinée à l'agriculture - comme c'est le cas - et l'autre consacrée au développement des activités industrielles dans les zones de revitalisation rurale. Cette seconde ligne pourrait être rattachée au budget de l'aménagement du territoire, sans réduction de la ligne destinée aux agriculteurs - cela va de soi.
Quant au fonds national de développement des entreprises, le précédent gouvernement avait prévu de le doter de 1 milliard de francs sur deux ans, à partir des recettes de privatisations, et de confier sa gestion à la Banque de développement des PME.
Au cours du débat, à l'Assemblée nationale, vous avez dû constater, madame la ministre, que le FNDE n'existait toujours pas et vous avez annoncé que M. le Premier ministre vous avait « donné son accord pour remédier à cette carence dès 1998 ». Enfin ! serais-je tenté de dire. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur ce point ?
Les perspectives ouvertes par la réforme des fonds structurels européens suscitent notre très vive inquiétude.
Si l'on en croit la DATAR, la révision de la carte des fonds structurels s'effectuerait largement à la baisse. Le nouvel objectif 1 serait destiné aux régions en retard de développement dont le PIB par habitant est inférieur de 75 % à la moyenne communautaire. Ce critère aurait, par exemple, pour effet d'exclure la Corse et le Hainaut. Je vous laisse le soin d'apprécier !
Les propositions de la Commission européenne pourraient conduire à réduire la population aidée de notre territoire de 20 %.
Or, en dépenses ordinaires et en crédits de paiements, l'apport des fonds européens sera supérieur à 10 milliards de francs en 1998, soit 5,6 fois le budget de l'aménagement du territoire que je viens de décrire.
Dans ce contexte, il faut obtenir une consommation rapide des dotations européennes car elles sont, de l'aveu même de l'un des commissaires, consommées avec une grande lenteur, ce qui accrédite l'idée que la France n'en a pas réellement besoin. C'est là un piège qu'il convient d'éviter, madame la ministre.
Venons-en à l'application de la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire. Le précédent gouvernement a publié une quarantaine de décrets, ainsi que des arrêtés et des circulaires d'application, soit, au total, plus de quatre-vingt-dix textes d'application !
En avril dernier, le comité interministériel d'Auch a proposé un premier projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire qui devait être présenté aux régions, puis au Conseil national d'aménagement et de développement du territoire, avant de faire l'objet d'un projet de loi qui aurait été soumis au Parlement.
Après les élections, vous avez, madame la ministre, fait part de votre désir de réexaminer le projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire à l'occasion de la réforme de la loi Pasqua. Pouvez-vous nous préciser quand cette réforme interviendra réellement, madame la ministre ?
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, je suis obligé de vous demander de conclure. Vous savez que le temps de parole des rapporteurs est limité. Normalement, vous disposez de dix minutes.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis. Excusez-moi, monsieur le président. Je vais essayer de conclure rapidement.
J'ai rappelé dans mon rapport les principales mesures prises par le précédent gouvernement lors du CIADT d'Auch. Des avancées importantes ont été réalisées, par exemple en matière d'aides à l'immobilier d'entreprise. Sur ce point précis, on n'attend plus que la publication d'un décret qui est en préparation depuis le printemps. Quelles raisons expliquent les délais si longs de parution de ce texte ?
Trois des décisions du CIADT d'Auch ont retenu mon attention : le maintien du moratoire sur les services publics, le plan pour le monde rural et la poursuite de la politique de délocalisation des emplois publics.
Le maintien du moratoire avait été clairement posé comme un principe par le précédent gouvernement, qui avait décidé de procéder à la publication du décret prévu par l'article 29 de la loi d'orientation relatif à la procédure de réorganisation des services publics. Vous avez, madame la ministre, depuis lors, fait publiquement part de votre désir de ne pas opérer une réforme sans concertation. Je souhaiterais avoir publiquement des assurances sur ce point, ainsi qu'un complément d'information sur les schémas régionaux et les schémas de services, dont vous avez, madame la ministre, annoncé l'élaboration.
Le CIADT d'Auch avait annoncé un plan pour le monde rural analogue à celui qui a été mis en oeuvre pour la ville. Sur ce point, le nouveau gouvernement a indiqué qu'il prendrait des dispositions lors du CIADT de décembre. Je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur son ordre du jour, l'évolution des crédits du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, n'augurant rien de bon pour le monde rural à l'heure actuelle.
En outre, je tiens à souligner le fait que nous ne disposons pas encore d'une analyse fine de l'incidence des mesures d'exonération fiscale que nous avons votées en 1995.
M. le président. Mon cher collègue, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis. Je vais conclure, monsieur le président, et, si vous le permettez, madame la ministre, je vous enverrai le texte de mon intervention.
De toutes les remarques que je viens de faire, vous constaterez, mes chers collègues, que les interrogations l'emportent sur les certitudes.
Aussi, en conclusion, compte tenu de l'évolution des crédits et des incertitudes qui apparaissent dans la politique du Gouvernement, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits destinés à l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau. Incroyable !
M. le président. Mes chers collègues nous avons un ordre du jour très serré. Ma tâche va être d'autant plus compliquée que les temps de parole prévus pour chacun des groupes sont très courts. Je tiens à vous indiquer dès maintenant que je les ferai respecter très strictement.
J'indique donc au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 40 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministe, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de budget de l'aménagement du territoire pour 1998, qui s'inscrit dans la perspective de révision, annoncée par le Gouvernement pour l'an prochain, de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995.
Nous apprécions positivement, madame la ministre, votre volonté affichée de traiter réellement ces questions et d'entreprendre les réformes nécessaires, avec le souci d'une consultation générale préalable à l'élaboration du projet de loi.
Il est en effet essentiel, aujourd'hui, de repenser l'aménagement du territoire dans ses objectifs comme dans ses moyens, pour tendre vers la réduction d'une fracture territoriale qui s'accentue en même temps que la fracture sociale.
Nous nous réjouissons de la complémentarité qui va pouvoir s'établir dans les projets entre aménagement et environnement, grâce à la double responsabilité qui vous a été confiée avec ce ministère.
Cette donnée semble impliquer des choix et des orientations spécifiques en matière d'aménagement durable et équilibré des territoires, de valorisation de la diversité et de la richesse qualitative de ces territoires.
Alors que les déséquilibres, aux niveaux tant régional que national, se creusent, il paraît urgent d'oeuvrer pour renverser la tendance à la concentration au nom de la mise en concurrence exacerbée, de repenser le territoire en termes de qualité de vie, de s'affranchir enfin du monopole des critères de rentabilité.
On constate aujourd'hui les effets des politiques d'aménagement du territoire menées jusque-là dans notre pays : désertification et marginalisation de vastes zones rurales développement urbain excessif - avec ses corollaires : pollution, banlieues dégradées et « sans âmes », régions industrielles abandonnées -, concentration des voies de communication et donc des implantations industrielles, poids toujours plus écrasant de l'agglomération parisienne.
Même si certains de ces phénomènes sont anciens - dès 1950, on évoquait « Paris et le désert français » pour résumer l'analyse spatiale de notre pays -, les tendances n'ont fait que se confirmer. Il est aujourd'hui essentiel d'élaborer une politique forte et cohérente pour impulser une nouvelle dynamique de développement territorial.
La logique qui nous semble de nature à soutenir cette dynamique devra s'opposer à la loi de l'ultralibéralisme et de la concurrence à tout prix qui, jusqu'à présent, orientait majoritairement les choix.
Or cela implique également de s'opposer dans un premier temps aux orientations européennes dans ce domaine, tout en essayant de les infléchir.
En effet, comme en ce qui concerne les politiques économiques et sociales, les choix préconisés ou plutôt imposés par Bruxelles vont dans le sens d'une recherche toujours accentuée de la rentabilité et de la compétitivité, donc de la concentration des entreprises des industries et des voies de communication. Cela a incité notamment les régions à mettre en place des stratégies basées sur la promotion exclusive de métropoles régionales qui se doivent d'être compétitives à l'échelle européenne, au détriment de pans entiers du territoire, notamment de tout l'arrière-pays laissé à l'abandon et marginalisé parce que mon porteur de rentabilité potentielle.
On le voit encore avec les freightways, projets élaborés au niveau européen et qui s'imposent, de fait, à notre pays, par le système des directives. Il s'agit de couloirs de transport de fret qui doivent constituer des axes structurants. Or les choix effectués, fondés uniquement sur des critères de compétitivité et ne prenant évidemment pas en compte les équilibres territoriaux nationaux, vont accentuer les clivages entre, d'une part, un Sud-Ouest français, des ports totalement à l'écart et un Centre toujours plus ignoré et, d'autre part, un couloir rhodanien concentrant l'essentiel du trafic.
Cette tendance va à l'encontre du nécessaire développement des liaisons est-ouest dans notre pays, permettant de rompre avec la seule logique nord-sud qui tend à transformer l'espace national en simple couloir de transit.
D'autre part, la réforme de la politique agricole commune telle qu'elle est proposée actuellement par Bruxelles va dans le sens d'une concentration des exploitations, ainsi que d'une accentuation de la concurrence et de la productivité. La mise en place d'une telle réforme impliquerait la disparition à court terme de la majorité des exploitations familiales françaises, donc la fin d'une agriculture diversifiée et de qualité, fondée sur le développement durable et la valorisation des potentiels régionaux.
Je vous laisse imaginer les conséquences d'une telle réforme pour notre pays, en termes d'accentuation des déséquilibres, de désertification et de banalisation des richesses territoriales.
Les agriculteurs, s'ils ne représentent qu'une faible partie des actifs, n'en sont pas moins des acteurs à prendre en considération dans toute réflexion sur l'aménagement du territoire !
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
Mme Odette Terrade. Au-delà de leur travail sur l'espace agricole, ils sont essentiels à la valorisation de l'espace rural, qui représente la majorité du territoire français.
De multiples éléments sont donc à prendre en compte dans l'analyse et l'élaboration d'une politique d'aménagement du territoire.
Outre votre ministère, qui se doit d'avoir une vision d'ensemble et une mission de coordination, d'autres ministères sont directement concernés : je pense évidemment à celui des transports et de l'équipement, mais aussi, on vient de le voir, au ministère de l'agriculture, ainsi qu'à celui de l'industrie.
C'est à vous que revient la tâche difficile d'élaborer une politique d'ensemble.
L'augmentation des crédits inscrits au projet de budget pour 1998 marque une inflexion par rapport aux trois années précédentes, où ils étaient en régression. C'était essentiel à la veille de la réforme de la loi d'orientation de 1995.
Il faut souligner notamment la hausse sensible des moyens alloués à la DATAR, en progression de 6,6 %. Les autorisations de programme augmentent également de près de 4 %.
Je tiens à préciser que cette augmentation concerne les crédits de la prime à l'aménagement du territoire, dont les effets sur la localisation des activités dans les zones marginalisées sont les plus rapides et les plus sensibles.
Cette décision nous satisfait, même s'il nous faut rester vigilants et poursuivre les efforts consentis sur plusieurs années pour obtenir de réels résultats à long terme.
Parallèlement, il faut se donner les moyens, en collaboration avec l'ensemble des partenaires concernés et les autres ministères, de travailler à une réelle réorientation de cette politique, que nous jugeons vitale pour la cohésion territoriale mais aussi sociale de notre pays. Ensuite, il faudra avoir la volonté politique à long terme d'appliquer les mesures prises, malgré les pesanteurs et les réticences inévitables.
Par ailleurs, les politiques européennes, nous l'avons souligné, seront de plus en plus influentes dans ce domaine. Il est donc indispensable pour notre pays d'avoir, sur ce plan, une volonté politique affirmée et une ligne de référence forte, afin de faire pression sur Bruxelles pour infléchir les choix vers une prise en compte plus marquée des questions d'équilibres territoriaux, donc de création d'emplois et de qualité de vie.
A l'échelon tant européen que national, il est indispensable de repenser le développement économique pour susciter une nouvelle approche de l'aménagement du territoire.
Il convient d'aller vers un développement économique ayant comme objectif premier la création d'emplois et, à cette fin, fondé sur la volorisation des potentiels locaux et régionaux, tant industriels qu'agricoles, ainsi que sur le développement des services publics.
L'égalité d'accès à la formation, aux services et aux équipements de base est un principe qui devrait être omniprésent dans toute politique d'aménagement, sous peine d'accentuation de l'exclusion socio-économique et de ségrégations potentiellement explosives. Nous en avons, hélas ! régulièrement l'exemple dans nos banlieues.
A l'échelon national, l'ensemble des projets doit être élaboré de manière cohérente, concertée et transparente, dans un souci de démocratisation des procédures.
La concertation est un exercice délicat, mais il semble particulièrement nécessaire dans ce domaine, et nous considérons que la politique d'aménagement du territoire ne peut reposer essentiellement sur un renforcement du rôle du Conseil national d'aménagement et de développement du territoire - le CNADT -, ainsi que nous l'avons déjà souligné à l'Assemblée nationale.
Consulter l'ensemble des acteurs concernés, clarifier les enjeux, diffuser toute l'information disponible avec une volonté de transparence et d'appropriation des enjeux par les acteurs eux-même : tels sont, selon nous, les objetifs de départ pour engager une réelle réorientation.
Les moyens à développer à cet effet sont déjà nombreux, mais certains restent à inventer, en fonction de la diversité des contextes.
Même si l'élaboration de cadres et de procédures formelles est nécessaire pour fixer les actions et les projets, la souplesse d'intervention semble appropriée et même indispensable dans bien des cas.
Le développement de la coopération territoriale et intercommunale nous semble particulièrement répondre à ces exigences.
Rompant avec la logique de compétitivité et de mise en concurrence des territoires et des agglomérations, la coopération territoriale amènerait une recherche permanente de cohérence des choix et objectifs, dans un souci de complémentarité des efforts et des moyens mis en oeuvre en vue de l'amélioration des situations et des équilibres globaux.
Dans le même esprit, les coopérations intercommunales librement consenties et souples semblent plus adaptées au contexte et aux défis actuels, ainsi qu'à l'exigence des citoyens-acteurs, qu.une intercommunalité formelle souvent sans contenu.
Il serait également intéressant, lors de l'élaboration de la nouvelle loi d'orientation, de repréciser de manière beaucoup plus claire - au-delà de ces questions d'intercommunalité - les enjeux de la réforme des financements locaux et de la répartition des responsabilités et compétences entre Etat et collectivités territoriales.
Par ailleurs, au niveau national, la question des voies de communication constitue un dossier majeur, en pleine évolution. Les choix réalisés dans les prochaines années seront décisifs pour l'avenir de notre pays et du développement territorial.
Si nous voulons un développement durable, équilibré, respectueux des hommes et de l'environnement, il est nécessaire de proposer des approches et des mesures alternatives : maillage multimodal du territoire ; refus de la formule du « tout TGV », qui accentue les déséquilibres ; mise en cohérence des projets routiers et ferroviaires.
Je dirai, enfin, que nous attendons avec impatience le nouveau projet de loi d'orientation, qui doit faire l'objet d'une concertation, annoncée pour le printemps prochain ; nous avons l'espoir qu'il répondra à nos attentes et qu'il sera porteur d'une approche nouvelle du développement territorial, fondée sur le respect des hommes et le souci d'améliorer leurs conditions de vie, sur le respect et la valorisation des territoires français dans leur grande diversité, atout essentiel de notre pays.
Pour conclure, madame la ministre, le groupe communiste, républicain et citoyen approuve les crédits de l'aménagement du territoire que vous nous présentez, tout en souhaitant que le Gouvernement prenne en considération les inquiétudes et les propositions de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais aborder devant vous un point particulier concernant l'aménagement du territoire : l'évolution des grandes infrastructures de transports terrestres.
Celles-ci ont, en effet, une incidence majeure sur l'équilibre économique et territorial de notre pays. On peut même dire que, sans elles, il n'y aura pas de réelle politique d'équilibre du territoire. Or je suis préoccupé par la montée de l'hostilité contre ces grands projets que reflètent la politique du Gouvernement ou, tout au moins, les dires de certains ministres.
De plus, depuis quelques jours, on ne sait plus quel sera le chef de file du futur texte relatif à l'aménagement du territoire. Sera-ce M. Gayssot, M. Chevènement ou vous-même ? Sera-ce l'intercommunalité avant l'aménagement du territoire, les deux dossiers étant abordés de manière séparée ?
Permettez-moi de vous faire part d'un souvenir personnel. Mon père, qui fut pendant vingt-cinq ans maire d'une petite commune rurale de Normandie, avait coutume de dire que, dans les années soixante, on était élu en promettant la construction d'une route, voire d'une autoroute, d'un château d'eau ou d'un équipement collectif. Je constate qu'aujourd'hui le must, en matière de politique, c'est de ne s'engager sur rien ou d'être contre tout !
M. Paul Raoult. Vous êtes vraiment des spécialistes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ça, c'est vous face au budget !
M. Gérard Larcher. Nous avons, nous, une conception de la politique qui s'engage sur l'aménagement et le développement du territoire.
Je crains d'ailleurs que la réforme de l'enquête publique que prépare le Gouvernement ne porte à leur comble les difficultés et les embûches que connaissent les élus qui prennent la responsabilité d'engager une politique d'aménagement de leur territoire.
Là encore, nous aurions eu intérêt à laisser à la loi, notamment à celle de M. Michel Barnier réformant l'enquête publique, le temps de s'appliquer.
Je souhaiterais, après avoir rappelé les ambitions des promoteurs de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, vous faire part des interrogations qu'appellent de ma part les incertitudes et les contradictions de la politique du Gouvernement en matière d'infrastructures de transports terrestres.
Voilà un peu plus de deux ans, après un débat mené dans tout le pays et auquel notre collègue M. Hoeffel a pris une part extrêmement importante, et après qu'une mission commune d'information du Sénat eut procédé à de nombreuses consultations, le Parlement adoptait la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dont j'eus l'honneur d'être le rapporteur.
Les dispositions de cette loi se situaient dans le droit fil des propositions de la mission d'information, qui avait conclu à la nécessité d'accroître de façon significative l'effort global du pays pour le développement de ses infrastructures de communication, tout en intégrant fortement la préoccupation environnementale.
La loi d'orientation prévoyait notamment qu'« aucune partie du territoire français métropolitain continental ne devait être située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route expresse à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse ».
Un chapitre de cette même loi était consacré aux schémas sectoriels. C'est, en effet, de cette catégorie d'actes que relevaient les schémas des infrastructures de transports tels que le schéma du réseau ferroviaire, celui des ports maritimes, celui des infrastructures aéroportuaires ; la loi d'orientation avait aussi prévu la révision du schéma directeur routier national et du schéma directeur des voies navigables.
Le Gouvernement paraît avoir choisi d'autres options. Face à la volonté clairement manifestée par le législateur, je suis forcé de constater que le Gouvernement semble conduire une politique dont la cohérence n'est pas évidente. Puisse le prochain CIADT nous apporter un peu de lumière dans ce brouillard !
Le Gouvernement a décidé de réécrire le projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire. Or, pour les auteurs de la loi d'orientation, ce schéma devait être la clé de voûte d'un dispositif dans lequel se seraient insérés les schémas sectoriels.
M. Gérard Delfau. Il n'a jamais servi ! Il est resté en panne !
M. Gérard Larcher. Je déplore que le report de la préparation du projet de schéma national d'aménagement du territoire ait pour conséquence d'empêcher l'adoption des schémas sectoriels. Nous ne connaissons d'ailleurs pas les délais dans lesquels un nouveau schéma sera élaboré.
Certes, madame le ministre, vous avez annoncé l'établissement de « schémas de services ». Mais en quoi ces schémas permettront-ils de répondre à la problématique spécifique des infrastructures ?
Je crains, pour ma part, qu'ils ne servent principalement à permettre à l'Etat de battre en retraite et de s'affranchir de ses obligations, peut-être une nouvelle fois au détriment des collectivités territoriales.
Venons-en aux incertitudes qui caractérisent la politique du Gouvernement et à l'inquiétude qu'elles suscitent.
Le flou qui caractérise la politique du Gouvernement s'est d'ores et déjà traduit dans plusieurs décisions parfois contradictoires et qui nous paraissent regrettables.
Le 9 juin dernier était annoncé le gel de la procédure d'enquête publique concernant le projet d'autoroute A 51 : Sisteron-Grenoble. Début juillet, le ministre des transports évoquait « un réexamen de certains programmes autoroutiers », tout en ajoutant qu'« aucun chantier ne serait arrêté ». Je pourrais évoquer les autoroutes A 28, A 16 ou l'autoroute des estuaires !
Dans le domaine ferroviaire, le même ministre a annoncé une modification de la réforme votée en février 1997, sans pour autant évoquer concrètement les grands chantiers ferroviaires et les tracés prévus.
En outre, le Gouvernement a décidé de mettre un terme à la procédure de création du canal Rhin-Rhône, alors même que celle-ci a déjà coûté des sommes importantes au budget de l'Etat et que l'évaluation des problèmes écologiques qui peuvent légitimement se poser n'a pas été réalisée de manière contradictoire et objective.
Je me demande si l'on a réellement envisagé les conséquences d'une telle décision. J'avoue même que j'en doute. Je constate, d'ailleurs, qu'un certain nombre de divisions se font jour dans la majorité sur ces sujets.
J'ai, par exemple, remarqué qu'hier, au Sénat, à l'occasion du débat sur les crédits de l'urbanisme, notre collègue Mme Beaudeau s'est émue de l'éventualité de la création d'un établissement public baptisé « Routes de France », lequel serait chargé d'assurer la péréquation des financements, permettant sans aucun doute, à terme, la débudgétisation des financements routiers.
Je note au passage qu'en matière de débudgétisation le Gouvernement continue d'utiliser les ressources affectées au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, pour l'entretien des infrastructures, alors que nous entendions, jusqu'en juin dernier, la présidente du conseil régional du Nord - Pas-de-Calais pourfendre ce type de financement ! Ce fonds a été créé, je le rappelle, afin de financer les programmes nouveaux qui contribuent à l'aménagement du territoire.
Je pressens que, au sein même du principal parti de la majorité « plurielle », des interrogations subsistent en ce qui concerne l'abandon, en forme de « cadeau d'épousailles », du canal Rhin-Rhône. J'en veux pour preuves les déclarations que Mme Elisabeth Guigou, alors ministre délégué aux affaires européennes, avait faites lors d'un colloque tenu à Strasbourg en octobre 1991 : « Au moment où l'Europe centrale et orientale renaît à la liberté et, bientôt, à la prospérité, l'ouverture du canal de Bamberg à Kelheim rend possible la création d'un grand réseau transeuropéen de fleuves et de canaux à grand gabarit qui irriguera toute l'Europe centrale. Ce réseau, de Rotterdam à Bâle, de Strasbourg à Vienne, Budapest, Belgrade, Odessa, constitue un formidable instrument d'intégration du continent européen. »
A-t-on pris la mesure des implications de la décision d'abandonner le canal Rhin-Rhône vis-à-vis de nos partenaires européens ?
Au fond, nous faisons le bonheur d'une Europe rhénane, s'ouvrant sur la mer du Nord et sur la Méditerranée, non pas par Marseille, mais par la mer Noire. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Songez que, aux Pays-Bas, les transports fluviaux qui gravitent autour du seul port de Rotterdam emploient 150 000 personnes et produisent 7,5 % du produit national brut !
Les Pays-Bas ont d'ailleurs décidé de consacrer 100 milliards de florins sur dix ans à des investissements, notamment fluviaux, destinés à la seule zone portuaire de Rotterdam !
Il est vrai que, nous, nous avons la solution miracle : les 35 heures ! Cela remplacera sans doute la politique d'aménagement du territoire des Pays-Bas !
M. Gérard Delfau. Cela n'a rien à voir !
M. Gérard Larcher. Compte tenu de la gravité des enjeux et des interrogations que soulève la politique du Gouvernement, le Sénat sera appelé, dans quelques jours, à décider de créer ou non une commission d'enquête pour examiner le devenir des grands projets d'infrastructure terrestre d'aménagement du territoire.
En ce qui me concerne, j'ai déjà eu l'honneur de rapporter la proposition de résolution devant la commission des affaires économiques et du Plan. Je souhaite que cette commission travaille de manière transparente, en suivant les principes de la méthode expérimentale, en dépassant nos frontières et en recherchant pourquoi ce qui est possible aux Pays-Bas ou sur le Main en Allemagne est strictement impossible chez nous.
Mes chers collègues, je dois dire qu'ici nous sommes particulièrement attachés à l'aménagement du territoire.
M. Gérard Delfau. C'est l'an passé qu'il fallait le dire !
M. Paul Raoult. Il fallait le dire l'année dernière !
M. Gérard Larcher. Mais, au-delà des mots, nous sommes attachés à l'aménagement du territoire de manière concrète. En même temps, nous sommes attachés à la préservation de l'environnement.
Je reste pourtant convaincu de la nécessité d'insérer notre pays dans les échanges européens. Je pense, naturellement, à l'avenir du port de Marseille, mais aussi à la façade maritime de la France.
Je crains, madame le ministre, qu'au nom de la modernité et de l'avenir vous ne meniez un combat d'un autre âge et que nous n'encourions dans quelques années le même grief que celui que nous adressent aujourd'hui les habitants de certaines zones rurales dans lesquelles les infrastructures de communication n'ont pas été réalisées à la fin du xixe siècle.
Madame le ministre, les infrastructures terrestres, notamment celles à vocation multiple, sont essentielles pour demain. Elles doivent permettre à notre pays de se désenclaver par rapport à cette Europe de plus en plus rhénale. Certaines de nos régions, ne l'oublions pas, sont encore enclavées ! J'ai en mémoire ce que disait M. Besse à l'occasion du colloque de Poitiers sur ce sujet.
De même, il serait nécessaire de prévoir des solutions alternatives à la route en matière de pondéreux entre le nord et le sud de notre pays. Ce n'est pas un TGV marchandises qui pourra remplacer la voie d'eau !
Madame le ministre, vous devriez plutôt nous proposer des investissements actifs dans une recherche appliquée pour mettre en place, en matière de transport, des solutions alternatives au moteur à explosion. Je n'ai pas eu l'impression que l'arbitrage ait eu lieu en votre faveur en ce qui concerne le gazole.
En raison de toutes ces incertitudes, parce que vous retirez à la France sans l'avoir étudié à fond et au fond (Exclamations sur les travées socialistes) les possibilités d'être réellement un trait d'union au coeur de l'Europe, parce que vous ne faites plus une priorité du désenclavement des parties les plus déséquilibrées du territoire, le groupe du RPR votera contre votre budget, non pas en raison des chiffres,...
M. Gérard Delfau. Naturellement, ils sont bons !
M. Gérard Larcher. ... mais parce qu'il recouvre une mauvaise politique de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me bornerai à évoquer quatre problèmes d'ordre général après l'excellente présentation, par nos rapporteurs, MM. Besse et Pépin, du projet de budget qui nous est soumis.
Ma première observation concerne l'avenir de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, déjà évoquée et sur laquelle le Sénat avait imprimé son empreinte.
En matière d'aménagement du territoire, la continuité représente, me semble-t-il, un élement fondamental.
La loi du 4 février 1995 n'était, certes, pas parfaite, mais elle avait le grand mérite de tendre à dégager un certain nombre d'orientations sur vingt ans, en ce qui concerne aussi bien le rééquilibrage du territoire national que son insertion dans l'espace européen.
Puis-je me permettre de souhaiter, madame la ministre, que lors de la « revisitation » de cette loi, un certain nombre de points essentiels soient préservés ?
S'agira-t-il d'une loi qui s'inscrira plutôt dans la continuité ou sera-ce une loi de rupture ? C'est évidemment un point fondamental, notamment pour l'élaboration des schémas nationaux, régionaux et sectoriels. Cette élaboration est déjà bien engagée, mais elle nécessite une définition du contexte dans lequel elle peut se poursuivre.
Il est également important pour l'avenir de connaître la façon dont seront envisagés, dans la loi « revisitée », l'avenir du pays et celui des agglomérations. S'agissant du pays, il est nécessaire que celui-ci demeure un espace de coopération pertinent, et qu'il ne devienne, en aucun cas, un échelon de collectivité territoriale. Nous en avons plutôt trop !
Ma deuxième observation concerne les réseaux transeuropéens. La construction de l'Europe dépend aussi, et pour beaucoup, des voies fluviales, aériennes, autoroutières et ferroviaires à grande vitesse.
Pour ce qui des voies fluviales, je respecte, madame la ministre, vos convictions, en particulier en ce qui concerne telle ou telle voie fluviale. Pour ma part, je ne les partage pas, car je suis persuadé que la voie fluviale, surtout à l'échelon d'une Europe qui s'élargit vers l'Est, est une voie d'avenir. (M. Gérard Larcher fait un signe d'approbation.)
La France ne doit pas être marginalisée. Or, nous constatons que l'Allemagne, non seulement a réalisé la liaison Rhin-Main-Danube, mais s'engage dans la réalisation d'une grande voie reliant l'Elbe à l'Oder.
M. Gérard Larcher. Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel. Attention aux risques de marginalisation !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. En ce qui concerne les TGV, je crois que le TGV Est européen et le TGV Rhin-Rhône ont à accomplir une mission d'amarrage à l'espace européen. Or j'ai de sérieuses craintes s'agissant de la place du grand Est français dans la politique d'aménagement du territoire.
A l'heure où Paris va être relié à Bruxelles en TGV en une heure vingt minutes, Strasbourg demeure à quatre heures de Paris. Ne marginalisons pas la façade Est de la France en laissant nos zones frontalières dépendre d'un réseau moderne de communications de nos voisins de l'Est, faute d'un intérêt national suffisant pour les liaisons avec Paris.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Je le dis avec appréhension et gravité : les conséquences d'un tel état de fait seraient incalculables sur le plan à la fois économique, psychologique et politique.
Ma troisième remarque concerne les fonds structurels. Les prochaines échéances pour la négociation de la troisième génération seront nécessairement plus ardues que les précédentes.
On pourra difficilement concilier le maintien au même niveau de notre contribution à l'Europe, l'ouverture vers les pays d'Europe centrale, avec tout ce que cela suppose sur le plan de la solidarité à leur égard, et le maintien des avantages acquis sur notre propre territoire. Je mesure la difficulté de la tâche qui vous attend, madame la ministre.
Or les fonds structurels constituent un élément essentiel de l'aménagement du territoire. Je suis persuadé que le fait que Valenciennes ait été classée en objectif 1 a probablement représenté un atout dans son jeu au niveau de l'attraction exercée envers Toyota.
Pourra-t-on, dans l'avenir, moins saupoudrer et plus concentrer ? C'est une question que nous devons nous poser en sachant que l'aménagement du territoire, c'est non pas le nivellement du territoire, mais une réduction des inégalités les plus flagrantes et le renforcement des points les plus forts et les plus attractifs de notre territoire.
Enfin, s'agissant des fonds structurels, il faut une subsidiarité au niveau des Etats et, au sein de ceux-ci, une forte décentralisation en direction des collectivités locales afin que ces fonds soient mis en oeuvre à ce niveau. C'est un gage d'efficacité et de rapidité.
Je termine mon propos en souhaitant qu'il y ait une conception commune de l'aménagement du territoire à l'échelon européen. La juxtaposition de politiques nationales ne donne pas un aménagement du territoire européen. Il faut une vision commune.
Nous avons, en 1995, rejeté le schéma de « l'inacceptable » à l'échelon européen. Où en est le schéma du « souhaitable » ? En effet, la construction de l'Europe, c'est aussi une politique d'aménagement de l'Europe à laquelle la France se doit d'apporter une contribution essentielle. A cet égard, je fais confiance à ceux qui auront la délicate mission d'engager les négociations en la matière. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne détaillerai pas l'évolution des crédits consacrés à l'aménagement du territoire puisque ceux-ci ont été fort bien rappelés et analysés par nos rapporteurs ; je partage leur constat.
Je souhaite axer mon intervention sur l'un des dispositifs de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 : je veux parler des pays. Il vous appartiendra, madame la ministre, ainsi qu'au Gouvernement auquel vous appartenez, de faire en sorte que nous puissions parler un jour prochain de véritable politique des pays. Un mouvement s'est dessiné fortement sur le terrain depuis deux ans, avec la création de plus de deux cents pays, et il convient de le soutenir. Les décisions que vous prendrez en vue de la révision de la loi de 1995 seront, à cet égard, déterminantes.
M. le rapporteur pour avis a brossé un bilan très complet de l'application de ce texte législatif important auquel le Sénat avait, en son temps, imprimé sa marque. J'avais moi-même, au cours de la discussion, plaider en faveur de dispositifs souples permettant de dynamiser les initiatives des acteurs locaux, en m'appuyant sur une expérience de quarante ans dans mon département de l'Isère. Je reviendrai tout à l'heure sur cet exemple et je me permettrais de formuler quelques remarques.
Nos excellents rapporteurs ont également soulevé avec pertinence les interrogations qui demeurent quant à l'intention du Gouvernement de modifier la loi de 1995.
L'une d'elles concerne précisément le devenir des pays. Vos intentions, madame la ministre, sont encore trop floues à cet égard, et je souhaite, comme MM. les rapporteurs, que vous puissiez éclairer le Sénat sur la manière dont vous envisagez de conforter le mouvement.
Mon expérience personnelle est révélatrice de l'aspiration des acteurs de terrain à la souplesse institutionnelle. Pardonnez-moi d'insister en ce lieu sur ma propre expérience, mais ce qu'il faut en retenir est, à mon sens, instructif sur un plan plus général.
Le pays de Bièvre-Valloire, que j'ai modestement contribué à constituer en Isère, a été l'un des premiers à être reconnu comme « pays expérimental » dans le cadre de l'application de la loi. L'encadrement législatif prévu par l'article 23 a permis à une action pluridécennale de ce type, conduite dans le cadre intercommunal, d'être valorisée.
Le district, qui est le premier district rural de France et qui fédère, depuis, trois communautés de communes regroupant soixante communes au sein d'un syndicat mixte, avait en effet près de quarante ans d'existence. Il affichait un bilan fédérateur d'actions d'aménagement entre les collectivités locales toutes tendances politiques confondues, et j'insiste sur ce point.
En 1993, un pas supplémentaire avait été franchi avec la constitution d'une association entre tous les partenaires, à savoir les élus locaux, les acteurs socioprofessionnels et les représentants du monde associatif, pour l'élaboration d'un projet global d'aménagement et de développement pour ce territoire.
Au début de la présente année, un contrat global de développement a été signé entre l'Etat, la région Rhône-Alpes, le département de l'Isère et le syndicat mixte précité.
En dehors d'actions de communication pour renforcer l'identité du pays, ce contrat s'articule autour de deux axes de développement : d'une part, la relance de la dynamique de l'emploi et des actions en faveur de l'insertion sociale et professionnelle et, d'autre part, l'amélioration de la qualité des services et du cadre de vie.
Le programme atteint 130 millions de francs sur cinq ans, financés par l'Etat, la région, le département, le syndicat mixte et des participations privées, telles que celles des agriculteurs, des entreprises, des acteurs du tourisme et des associations ; j'insiste sur ce dernier point.
Je souhaite, en premier lieu, appeler votre attention, madame la ministre, sur les financements de l'Etat. Sur la part de celui-ci, près de la moitié des fonds proviennent du FNADT. Un financement a été acquis ainsi cette année, de haute lutte, pour des projets de développement économique. Le maintien de l'engagement de l'Etat à l'avenir ne manque pas d'inquiéter, car on note une réduction des crédits du FNADT dans votre budget, et ceux du FGER ne cessent de diminuer.
Les informations que nous avons sur le terrain concernant les intentions de réforme de la loi du 4 février 1995 vont dans le sens d'un renforcement de la politique des pays en milieu rural, avec des contrats particuliers signés entre l'Etat, les régions et les pays, contrats particuliers qui seraient annexés au futur contrat de plan Etat-région.
Or il est absolument nécesaire que l'Etat dégage des moyens financiers pour accompagner cette politique de contractualisation autour d'objectifs partagés d'aménagement du territoire. Pouvons-nous compter sur votre vigilance à ce sujet, madame la ministre ?
Je souhaite, en second lieu, insister sur la nécessité de conserver aux pays la souplesse de réalisation que leur a conférée le législateur en 1995. Bien entendu, un travail d'approfondissement doit être conduit et, à cet égard, les orientations définies par la DATAR méritent qu'on s'y attarde.
Le pays doit, en effet, rester un lieu privilégié de la concertation locale. Cette expression sied bien, d'ailleurs, à sa portée originale.
J'ai personnellement obtenu la création, au côté du syndicat mixte, d'un comité économique et social rassemblant notamment des personnalités des organisations syndicales, patronales et des chambres de métiers, destiné à contrôler l'action des élus au sein du syndicat et à proposer des idées novatrices.
C'est, en effet, en rassemblant tous les acteurs, les élus et les forces vives économiques, associatives et sociales qu'il est possible de réellement avancer, avec toutes les chances de faire bouger les choses.
En conclusion, je vous invite, si vous le permettez, madame la ministre, à regarder attentivement les laboratoires in vivo que sont les pays, afin que votre réforme soit conforme aux réalités et aux enjeux du terrain. Tel était le sens de mon propos.
La concertation entre l'Etat et les acteurs locaux est essentielle, afin de convenir d'un dispositif durable, au financement pérenne, qui complète les politiques locales d'aménagement plus classiques. Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la descente aux enfers est donc achevée pour l'aménagement du territoire. Il était temps !
Après trois années de forte régression des crédits, la loi de finances pour 1998 présente un budget en augmentation de plus de 6 %, ce qui est très significatif par rapport aux baisses précédentes. Rappelons à nos collègues de la majorité sénatoriale la litanie de la honte : baisse de 5 % dans la loi de finances de 1995, première année du gouvernement Balladur, de 12 % dans celle de 1996 et de 14 % dans celle de 1997 ; record absolu pour M. Juppé !
Si un changement de majorité ne s'était pas opéré cette année, il était à craindre que ne soient remis en cause la notion même d'aménagement du territoire et le principe d'une intervention publique pour corriger les inégalités. Il est vrai qu'à l'assèchement rapide des financements a correspondu une période d'inflation verbale sur le thème du développement ou de la solidarité. Nous avons même assisté à une hyperactivité législative, sur l'initiative de nos collègues Charles Pasqua et Daniel Hoeffel, avec le chantier de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Il n'est pas dans mes intentions de dénigrer le travail accompli alors, même si l'inspiration générale en était par trop jacobine, ni même de mettre en doute la sincérité du ministre de l'intérieur et de son ministre délégué de l'époque qui conduisirent avec brio ces débats.
Mais, force est de constater que le gouvernement suivant, celui de M. Juppé, s'empressa d'enterrer les articles les plus innovants, notamment l'article 29, et mit beaucoup de zèle à ne pas augmenter les fonds que la loi avait institués, notamment en faveur de la création d'entreprises ou de l'espace rural.
Le groupe socialiste vous sait gré, madame la ministre, d'avoir obtenu des arbitrages financiers favorables qui permettent de réamorcer une politique nationale d'aménagement des territoires, et j'emploie le pluriel sciemment.
En revanche, je me frotte les yeux à la lecture des rapports de nos excellents rapporteurs. Compréhensifs hier, avec toute la majorité sénatoriale, quand ce budget était sinistré, ils n'ont pas de mots assez durs aujourd'hui pour celui que vous présentez. Cette attitude est dérisoire et peu digne, à vrai dire, de la Haute Assemblée.
Est-ce à dire que les moyens dégagés sont à la hauteur des besoins ? Bien sûr que non ! Avec près de 1,8 milliard de francs, le budget de l'aménagement du territoire demeure un petit budget d'intervention qui vient en aide à des départements ministériels mieux lotis, comme l'équipement et les transports, ou en complément au financement européen, à concurrence de quelque 10 milliards de francs. Et, bien sûr, il s'ajoute à l'effort des différentes collectivités locales.
Quelque 60 milliards de francs, dispersés dans les différents fascicules budgétaires, ressortissent, selon les spécialistes, à l'action en faveur de l'aménagement du territoire. Toutefois, les crédits dont vous disposez permettent, grâce au bras armé qu'est la DATAR, de prendre une foule d'initiatives et ont un pouvoir démultiplicateur considérable. C'est pourquoi leur montant est emblématique du degré de volontarisme de tout gouvernement. Espérons qu'ils progresseront encore l'an prochain et que la DATAR, je le dis au passage, obtiendra un meilleur traitement pour son fonctionnement.
Après ces considérations d'ordre général, j'aborderai, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, quelques questions concrètes.
S'agissant des fonds spécialisés, ne pensez-vous pas qu'il est urgent de rééquilibrer les interventions et de moderniser les outils financiers qu'ils représentent ? Qu'en est-il, par exemple, de l'application d'une politique dite « intermodale » dans le domaine des transports ?
Bref, nous engageons-nous, fût-ce prudemment, vers une forme de développement durable dans ce secteur sensible ?
Pensez-vous, par ailleurs, procéder rapidement à une redéfinition de la prime d'aménagement du territoire afin que l'effort de la nation ne se concentre pas sur les gros dossiers, représentant plus de 20 millions de francs et plus de vingt emplois, en ignorant délibérément le tissu des PME et des très petites entreprises, qui constituent le maillage économique de nos bassins d'emplois ?
A ce propos, comment s'expliquer qu'après trois ans d'exercice le Fonds national de développement des entreprises, fleuron de la loi Pasqua, n'ait toujours pas été doté ? L'argument selon lequel on attendrait la modification de la loi d'orientation me paraît aussi peu convaincant que le milliard de francs virtuel que lui avait in extremis alloué M. Juppé sur le produit d'hypothétiques rentrées.
En fait, ce fonds est victime de l'ostracisme de Bercy, du corporatisme des assemblées consulaires et du lobby des grandes entreprises, qui se partagent, année après année, l'argent de l'Etat, tout en se réclamant, évidemment, du plus pur libéralisme.
Cette absence de soutien à la création de petites entreprises explique, pour partie, l'atonie de notre système économique et l'ampleur du chômage. Plusieurs grands réseaux de développement local vont publier un manifeste à ce sujet. Puissiez-vous les écouter et, au sein du Gouvernement, être notre porte-parole.
S'agissant de la révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et plus particulièrement de la notion de pays, qui doit aboutir à une procédure opérationnelle en matière de schéma départemental et national des services publics, il y a urgence. En effet, toutes les entreprises publiques, notamment La Poste, la SNCF et EDF-GDF, ne cessent de tourner le moratoire et de procéder à des restructurations. En ce domaine, il faut aller vite, madame la ministre, mais aussi innover. Je déposerai, au début de 1998, à la DATAR, la version définitive du rapport qui m'a été confié sur la polyvalence des services publics et dans lequel je m'efforce de dégager de nouvelles pistes.
S'agissant du concept de pays, on voit bien le tir de barrage de ceux qui y décèlent un risque pour l'intercommunalité. Ne conviendrait-il pas que la discussion soit délibérément orientée sur le degré de démocratie participative et sur la fonction de support à des programmes du type de celui qui concerne les emplois-jeunes que ce nouvel échelon territorial peut représenter puisqu'il n'a pas vocation à se substituer à la coopération intercommunale ?
Je présenterai une dernière remarque à propos des contrats de plan Etat-régions. Il faut d'abord, madame la ministre, que les engagements pris soient honorés jusqu'à leur terme, c'est-à-dire jusqu'en 1998. Il convient aussi de remédier au déficit démocratique qui fait que, depuis le début, ou presque, c'est une démarche descendante qui prévaut sur une élaboration locale en concertation avec les acteurs de terrain.
Telles sont les observations que je voulais présenter, madame la ministre. Je souhaitais aussi vous poser quelques questions sur le plan local, mais je le ferai par écrit.
Je conclus en disant que notre groupe votera votre projet de budget et vous fait confiance pour relancer une politique d'aménagement du territoire si chère à notre Haute Assemblée mais que les deux précédents gouvernements avaient sabordée. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Madame la ministre, c'est, si j'ose dire, par le canal de l'examen du budget de votre ministère que nous abordons le sujet quasiment fétiche de la Haute Assemblée : l'aménagement du territoire.
En effet, ici au Sénat, et sans doute plus qu'ailleurs, l'aménagement du territoire est conçu et vécu comme une ardente obligation.
Nous l'avons en quelque sorte réinventé, voilà deux ans, par notre très important apport à la loi d'orientation.
Nous en attendions, nous en attendons toujours, même modifiés, que les objectifs, les mécanismes, les fonds d'intervention mis en place soient opérationnels pour que cesse enfin, dans l'intérêt même de la nation, cette fracture toujours ouverte entre les métropoles mégalomanes qui s'auto-asphyxient et le monde rural qui s'étiole dans sa solitude, sa désertification et son angoisse du lendemain.
Pour y avoir beaucoup cru, nous sommes aujourd'hui singulièrement déçus... et pour demain, singulièrement inquiets.
La politique d'aménagement du territoire est en panne. Ce fut souvent une panne sèche : peu ou pas d'argent dans les fonds annoncés.
Elle est victime aussi d'un manque de volonté, de cette sorte de laisser-aller qui a fait accrocher à la lune les nombreux décrets d'application et schémas nationaux, régionaux, sectoriels sans lesquels la loi n'est qu'une généreuse annonce.
Il faut le dire et le regretter : avant même votre arrivée aux affaires, la politique d'aménagement du territoire avait été mise, si j'ose dire, entre parenthèses.
Bref, si, aujourd'hui, je devais accompagner d'une musique la politique d'aménagement du territoire, c'est la Marche funèbre de Chopin que je choisirais. (M. Raoult s'exclame.) Pour l'instant en effet, vous et moi, comme beaucoup d'autres, sommes en train de conduire le deuil d'une politique que, je vous l'ai dit, nous avions conçue avec réalisme, enthousiasme et espérance.
Le réalisme, nous le gardons parce qu'il s'impose. L'enthousiasme, il est singulièrement retombé.
Quant à l'espérance, nous l'avons perdue ! Nous craignons de ne pas la retrouver dans le projet de loi que vous nous annoncez pour l'an prochain. En effet, si hier, ce n'était pas vous, aujourd'hui et demain, madame la ministre, c'est et ce sera bien vous !
Au moment, donc, où s'annonce la reprise de cette symphonie pastorale inachevée, il n'est pas illégitime, sans a priori excessifs, de vous demander si, partagée entre la flûte de pan et la batterie, vous allez être le meilleur musicien d'un aménagement du territoire revu et corrigé par la majorité « plurielle » d'un gouvernement au comportement souvent singulier.
Vos ardentes et prosélytes convictions écologistes au service d'un département ministériel qui, pour la première fois, associe l'environnement et l'aménagement du territoire, peuvent légitimement, sans doute à tort, nous amener à cette question essentielle : entre l'aménagement du territoire, avec ses impératifs, ses urgences et ses contraintes, et l'environnement, qui peut dans l'excès en être souvent le contraire, quelles priorités allez-vous privilégier ?
L'interrogation se double d'une évidente inquiétude quand on sait avec quelle pugnacité, quelle conviction, quelle rapidité, vous avez annoncé - et cela a été rappelé - l'assèchement de l'ambition Rhin-Rhône, l'arrêt de Superphénix, au mépris de notre politique de recherche, et le risque, en tout premier lieu, d'enterrement des nouvelles pistes de Roissy. Toutes annonces ou décisions qui, dans l'esprit de tous, s'apparentent plus à un déménagement qu'à un aménagement du territoire.
Cette inquiétude est aggravée encore par la mission même que M. le Premier ministre vous a confiée en vous invitant à réformer la loi d'orientation « afin que toutes les dimensions écologiques, culturelles et économiques du développement soient prises en compte dans les régions ».
Notons au passage que, dans cette énumération des objectifs, l'économie arrive en troisième position derrière l'écologie et le culturel. On peut craindre que le projet de loi que vous allez nous soumettre au printemps ne soit une sorte de « printemps de Prague » de l'aménagement du territoire. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Toutes ces interrogations sont largement partagées par les excellents rapporteurs, MM. Besse et Pépin. Ils s'en font l'écho dans leur analyse budgétaire.
Il est donc d'actualité, pour toutes ces raisons, de les évoquer.
Au moment où vous allez ouvrir votre prochain chantier d'aménagement du territoire, il semble utile de le situer dans le temps et dans son temps.
La nouvelle politique à laquelle vous allez nous inviter interviendra dans les turbulences de la réforme de la politique agricole commune et, par voie de conséquence, sur fond d'inquiétude, si ce n'est de colère, du monde agricole et du monde rural qui l'environne et l'accompagne.
Quand vous allez redessiner le visage de la France de l'an 2000, n'oubliez jamais que le monde rural n'est pas, et ne veut pas être, un espace de respiration entre les métropoles en croissance à contrôler.
Or, le monde rural, c'est d'abord le monde agricole, à qui, effectivement, on ne peut pas réserver un destin inacceptable et qui est menacé par ce fameux « paquet Santer », lequel, s'il était appliqué, ramènerait la France très loin en arrière, sûrement au règne de Jean sans Terre. En effet, ce paquet annonce une certaine désertification, celle-là même qui, à l'appel, en particulier, du Sénat, a conduit MM. Pasqua et Hoeffel à nous proposer la loi d'orientation à laquelle, on le sait, nous avons apporté tout notre concours par le biais d'observations riches et nombreuses.
Je pense, madame la ministre, que vous n'apporterez pas à cette loi qui se trouve en difficulté le secours de votre thérapeutique et de votre diagnostic. (Sourires.)
Je voudrais vous rappeler aussi que cette réforme, la vôtre demain, se situera au lendemain de l'installation des nouvelles assemblées régionales, et avant les contrats de plan dans la perspective des nouveaux zonages européens de la troisième génération, c'est-à-dire sans doute la fusion des objectifs 5 b et 2 b, et vraisemblablement une notable diminution des superficies dont bénéficie à ce jour notre pays, puisque demain, dans l'Europe élargie aux plus pauvres, la France ne sera pas la plus pauvre.
C'est dire tout le poids des événements extérieurs qui vont peser sur votre esquisse et votre projet. Nous souhaitons, face à ces contraintes de l'intérieur et de l'extérieur, qu'il garde l'essentiel de l'armature que la loi d'orientation lui a donnée, c'est-à-dire le maintien de tous les fonds dont on a beaucoup parlé ce matin : le fonds de gestion de l'espace rural, qui est mal doté, mais qui se révèle être un outil indispensable à l'aménagement rural, et le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, fonds très important puisqu'il peut concourir à la rénovation et à la modernisation, entre autres domaines, des lignes de chemins de fer qui sont les artères en matière de rénovation et d'irrigation du monde rural.
Je pense en particulier, madame la ministre, à la liaison Paris-Châteauroux-Brive-Limoge-Toulouse, adaptée au pendulaire. Je pense aussi au fonds de péréquation des transports aériens, organisme dans lequel je représente le Sénat et qui va se réunir la semaine prochaine sous la présidence de votre collègue de l'équipement, des transports et du logement.
Si j'ai énuméré ces fonds, c'est parce que le Sénat y tient et espère que vous l'entendrez. Dans tous les départements, à l'invitation de la loi, et le plus souvent en accord avec les politiques régionales de ce jour, ont été mis en place les pays. Ils peuvent être de bons interlocuteurs dans toutes les missions qui leur seront confiées ou plus exactement celles qu'ils se seront données. Nous tenons cependant à rappeler qu'il est, dans notre esprit, totalement exclu qu'ils soient un nouvel échelon d'administration. Si nous souhaitons leur maintien, nous souhaitons aussi une plus grande clarification de leurs compétences dans l'organisation territoriale du département auquel ils appartiennent exclusivement.
Greffées sur la présentation du projet de budget, ces indications qui peuvent avoir valeur de « pré-amendements » s'inscrivent, selon nous, dans la logique de notre démarche. Nous espérons que vous voudrez bien en accepter l'augure, en espérant que bientôt, allant au-delà de ce que vous avez dit devant le Conseil national d'aménagement du territoire, nous puissions savoir si le ministre de l'aménagement du territoire pourra, dans l'aménagement de la France de demain, dire quelquefois « non » au ministre de l'environnement. Ainsi, renaît, par le paradoxe de votre ministère à deux têtes, l'antique symbole de Janus... Et, pour l'heure, ne sachant à quelle face me référer, je ne voterai pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Le moins que l'on puisse dire, madame la ministre, c'est que l'aménagement du territoire ne nous paraît pas être votre priorité absolue.
Depuis votre arrivée au Gouvernement, vous semblez vous être plus attachée à démolir ce que vos prédécesseurs avaient tenté d'élaborer qu'à le réformer ou à l'améliorer. La presse s'en est d'ailleurs largement fait l'écho, et nombre d'intervenants en ont parlé, qu'il s'agisse de l'abandon de Superphénix ou du canal Rhin-Rhône, tout cela avec un sens de la concertation qui nous paraît pour le moins discutable.
Votre programme, madame la ministre, tient en une phrase : réformer la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire afin que toutes les dimensions écologiques, culturelles et économiques du développement soient prises en compte dans les régions.
Ce programme nous semble assez maigre.
Quelle sera l'ampleur de la réforme ? Quand sera-t-elle examinée par le Parlement ? A ces deux questions qui, pour nous, sont fondamentales, vous n'avez toujours pas répondu très clairement.
Vous avez également annoncé, peu de temps après votre entrée en fonctions, une remise à plat de l'avant-projet de schéma national d'aménagement et de développement. Où en sommes-nous ?
Certes, les crédits de l'aménagement du territoire progressent de 6 %. Cependant - cela a été souvent vérifié et nous en avons beaucoup parlé depuis le début de l'examen de ce projet de loi de finances - un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation.
Je ne parlerai pas de la hausse de la PAT qui est une des raisons pour lesquelles ce projet de budget croît. Je ne reprendrai pas non plus les propos de M. le rapporteur spécial, qui s'est parfaitement exprimé sur ce sujet ; nous partageons totalement son analyse.
La réduction des crédits accordés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire est un choix suspect. Pourquoi ne pas transférer les crédits inutilisés de la PAT vers ce fonds ?
La loi du 4 février 1995 avait créé différents fonds concourant au rééquilibrage du territoire. Le FGER, le fonds de gestion de l'espace rural, doté par le ministère de l'agriculture, subit une réduction continue. Je partage le point de vue de M. le rapporteur : le FGER a besoin d'un financement provenant du ministère de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, il semble que le Fonds national de développement des entreprises ne sera doté qu'à partir de 1998.
L'examen de votre projet de budget, madame le ministre, nous conduit à penser que vous n'avez pas suffisamment pris en compte l'importance que présente l'aménagement du territoire. Vos choix ne correspondent pas à notre attente. Le véritable objectif, c'est, selon nous, avant tout atteindre un but très précis : une meilleure répartition de la population entre certaines grandes villes et le reste du territoire. En effet, dans certaines parties de celui-ci - il faut toujours le répéter et avoir ce fait présent à l'esprit - sont en voie de disparition non pas quelques espèces animales que vous vous attachez à sauver, mais les hommes !
M. Jacques Oudin. Absolument !
M. Bernard Barraux. En certains endroits, la densité de population est proche de celle du Sahel, avec deux ou trois habitants au kilomètre carré !
Quelle réflexion profonde avez-vous mené sur l'avenir de notre espace national ? Vous avez annoncé devant la commission des finances un plan d'aide en faveur du monde rural doté de 88 milliards de francs. Très bien ! Quand sera-t-il lancé ? Quand le Parlement aura-t-il à en débattre ? Comment sera-t-il financé ?
Récemment, l'association nationale des acteurs des zones de revitalisation rurale, les ZRR, a tenu son premier congrès sur le thème : « ZRR, une chance pour la politique de la ville ». Votre absence, madame le ministre, a été cruellement ressentie par les élus locaux qui assistaient à ce congrès.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je n'étais pas invitée !
M. Bernard Barraux. Ne vous étonnez pas de la vivacité de mes propos, car nous craignons très sincèrement que l'aménagement du territoire ne soit à cent lieues de vos préoccupations.
Votre calendrier vous permettra-t-il d'assister au comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire du 15 décembre ? Ce CIADT est pour nous un événement très attendu, car il devrait marquer la première grande prise de position du Gouvernement sur ce très grave problème qu'est l'aménagement du territoire.
Des rumeurs semblent aujourd'hui annoncer que seules quelques mesures ponctuelles concernant certaines parties du territoire devraient être prises. Si tel devait être le cas, nous serions nombreux à exprimer notre déception. En effet, les élus locaux attendent de ce CIADT la définition d'une vraie politique s'inscrivant dans la durée, une démarche globale en faveur de l'aménagement du territoire national. C'est pourquoi nous patienterons jusqu'à la mi-décembre et jugerons alors sur pièces votre ambition pour la France.
En tout état de cause, votre projet de budget, quoique en augmentation, ne fait pas à nos yeux de l'aménagement du territoire une priorité suffisamment marquée. Votre politique nous semble floue et ambiguë. Trop de questions demeurent sans réponse. C'est pourquoi mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même, suivant en cela la commission des finances et la commission des affaires économiques, ne voterons pas en faveur des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Madame la ministre, à l'occasion de ce débat, je voudrais attirer votre attention sur deux dossiers qui me paraissent déterminants pour l'avenir de la politique d'aménagement du territoire : les zones de revitalisation urbaine et la réforme des fonds structurels.
Les zones de revitalisation rurale recouvrent, je le rappelle, 40 % du territoire, mais comptent seulement 4,5 millions d'habitants.
La loi d'orientation de 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire avait, afin de rétablir l'équité entre les territoires, défini et identifié différentes zones prioritaires, tant en milieu urbain qu'en milieu rural, les zones de revitalisation rurale correspondant aux zones les plus fragiles des territoires ruraux.
Les zones urbaines ont déjà bénéficié d'un pacte de relance pour la ville en 1996, ce qui allait dans le bon sens. En revanche, les zones de revitalisation rurale demeurent dans l'attente de la loi spécifique prévue par l'article 61 de la loi de 1995. Cette situation prive ces région fragiles de moyens efficaces d'intervention et diminue leurs chances de prendre un nouvel élan.
Il est donc urgent de relancer le plan en faveur du monde rural, et plus particulièrement des zones de revitalisation rurale. Certes, des dispositions ont déjà été mises en oeuvre, et je n'y reviendrai pas ; mais je voudrais insister sur plusieurs propositions.
La première concerne les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui, je le regrette, sont en diminution.
Sur ce fonds, je proposerai que priorité soit donnée aux projets de développement dans les zones de revitalisation rurale, sachant que, par ailleurs, ces zones sont souvent exclues de toute aide, leurs projets n'étant pas jugés suffisamment importants.
Je prendrai pour exemple la prime à l'aménagement du territoire, qui ne s'applique qu'aux entreprises de vingt salariés et plus. Elle n'a donc pas d'effet dans le cas d'un artisan, par exemple, qui, fort d'un bon carnet de commandes, souhaite engager un ou deux salariés. Deux salariés, cela vous paraît peut-être bien peu, madame le ministre ; mais, dans nos régions, créer deux emplois contribue au développement et à la fixation des hommes sur leur territoire.
Ces zones de revitalisation rurale sont les plus fragiles. Leur équilibre démographique et économique reste précaire. Aussi devons-nous leur donner les moyens de devenir plus attractives.
Le monde rural attend un plan d'ensemble analogue à ce que fut, en 1996, le pacte de relance de la ville. C'est dans ce sens que se fera un réel équilibrage du territoire.
Une autre proposition concerne les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Ces nouvelles technologies ont soulevé bien des espoirs dans les zones isolées, particulièrement en montagne, car elles auraient dû donner, de façon déterminante, des outils indispensables à leur développement.
Rien ne s'y opposait. Cependant, nous constatons avec regret que les grands opérateurs vont toujours vers les zones les plus peuplées.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Eh oui !
Mme Janine Bardou. Pourtant, les zones rurales sont tout à fait aptes à recevoir ces services. C'est possible, notamment par la mise en place d'un réseau multimédia d'application interactive aux qualités suffisantes et au tarif raisonnable.
A cet égard, je citerai l'exemple de la création, dans l'un de ces petits collèges ruraux à faible effectif que nous avons parfois de la difficulté à maintenir, d'un cours d'allemand par vidéotransmission, alors qu'il n'était pas possible de disposer d'un poste d'enseignant pour seulement cinq ou six élèves. Ces techniques permettent, dans ces petits collèges, d'offrir un éventail plus large de disciplines et d'éviter le départ des élèves vers d'autres établissements plus importants situés en milieu urbain. Voilà un facteur de maintien de la population.
Rééquilibrer le territoire, c'est aussi poursuivre une politique de délocalisation ; mais celle-ci ne doit pas se limiter à la seule délocalisation des administrations d'Ile-de-France vers les grandes métropoles régionales, qui reconcentrent, à un autre niveau, ces mêmes services.
Nous devons donc engager une réflexion pour aller plus loin dans ce domaine. Pourquoi ne pas envisager des délocalisations de la région vers les départements ou vers des villes moyennes, voire des petites villes ? C'est une logique d'échelle adaptée.
Le deuxième dossier concerne la réforme des fonds structurels, car on ne peut pas parler d'aménagement du territoire sans souligner la place de l'Europe dans cette politique, les fonds structurels représentant, en effet, environ 30 % de l'investissement public et venant compenser les réductions des crédits nationaux.
Aujourd'hui, il est difficile d'avoir une idée précise du fonctionnement exact de la politique structurelle pour la période 2000-2006 ; certaines craintes s'expriment donc dans les zones les plus fragiles de revitalisation rurale et dans les zones de montagne devant ces nouveaux enjeux qui impliquent de profondes modifications dues, en partie, à l'élargissement de l'Union européenne.
Ces inquiétudes portent sur différents aspects de l' Agenda 2000 : les crédits, les zones éligibles et les objectifs.
S'agissant des crédits, compte tenu de l'élargissement de l'Union européenne, les perspectives financières proposées par la Commission laissent entrevoir, pour la période à venir, une diminution des fonds structurels, en particulier pour la France qui bénéficie actuellement d'une partie importante des crédits de l'objectif 5b.
S'agissant des zones éligibles, la redéfinition des zones va se poser avec beaucoup d'acuité. Une nouvelle délimitation pourrait avoir pour conséquence une diminution importante des zones couvertes actuellement par cet objectif.
Par ailleurs, la Commission propose de ramener les objectifs des actions structurelles de six à trois.
Dans cette perspective, les zones de revitalisation rurale seront-elles intégrées à l'objectif 2, qui viserait les zones les plus en difficultés, zones urbaines et rurales confondues ? Cependant, ce dispositif un peu « fourre-tout » ne risque-t-il pas d'opposer, à terme, le rural et l'urbain ? Telle est la question que nous nous posons dans les zones de montagne et dans les zones de revitalisation rurale.
Voilà autant d'interrogations auxquelles il est aujourd'hui difficile de répondre mais qui conditionnent pourtant l'avenir de la politique d'aménagement du territoire de la France.
Enfin, je me permets de souligner que nulle part, dans l' Agenda 2000, la montagne n'est citée à quelque titre que ce soit.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. C'est exact !
Mme Janine Bardou. Le dossier Agenda 2000 donnera lieu, madame le ministre, à de longues et dures négociations au cours desquelles chaque Etat défendra âprement ses intérêts.
Nous comptons donc sur le Gouvernement pour faire valoir avec vigueur nos justes revendications.
Telles sont, madame le ministre, les quelques réflexions que je voulais vous soumettre. La politique d'aménagement du territoire n'a de sens que si chaque territoire, qu'il soit urbain ou rural, trouve son équilibre. A ce titre, les zones les plus difficiles ne doivent pas être abandonnées. La population qui vit et travaille sur ces territoires lutte à sa manière contre la désertification et doit donc être soutenue. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique d'aménagement du territoire a besoin de temps et de moyens. Elle nécessite une action volontaire et un engagement durable pour porter ses fruits. L'aménagement du territoire demeure, en cela, un vaste et perpétuel chantier.
Le gouvernement de Lionel Jospin a clairement indiqué sa volonté de doter d'une nouvelle importance la politique d'aménagement du territoire. Nous lui donnerons de nouvelles perspectives en terme de moyens et de cadre législatif.
Cette volonté s'est traduite dans ce projet de budget par une nette augmentation des crédits consacrés au développement et à l'aménagement du territoire. Au total, ce sont près de 6 milliards de francs de crédits nationaux cumulés qui seront mobilisés et plus de 11 milliards de francs de crédits européens qui sont susceptibles d'être engagés en 1998.
Le contraste avec les deux années qui ont suivi la loi Pasqua est saisissant : Les « ambitions » du gouvernement précédent ont souffert d'engagements pris et non tenus et de baisses importantes et consécutives de crédits.
La révision annoncée de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire doit permettre de donner un cadre adapté aux nouveaux enjeux et de mieux mobiliser des moyens plus importants. Elle coïncidera également avec la mise en oeuvre d'un véritable schéma de développement de l'espace européen.
Madame le ministre, votre objectif vise à encourager une meilleure répartition des richesses et des ressources. Votre projet veillera au développement harmonieux et durable de l'ensemble des territoires qui composent notre pays. Enfin, il prône une indispensable vision globale des problèmes à travers la prise en compte de toutes les dimensions - écologiques, économiques, culturelles et sociales - « des territoires » de la France.
Notre politique nationale doit aussi et surtout intégrer la dimension européenne. Notre pays prend désormais sa place dans un vaste espace d'échanges. La politique d'aménagement du territoire doit donc également accompagner les interventions grandissantes de l'Union européenne dans ce domaine.
Dans le cadre de ce débat, je souhaiterais, madame la ministre, souligner particulièrement deux points qui semblent essentiels à l'élu du Nord que je suis : le premier est relatif au traitement particulier des régions frontalières ; le second concerne notre capacité à mobiliser au mieux les fonds structurels européens.
Autrefois périphériques, les zones frontalières se trouvent placées aujourd'hui au coeur de formidables enjeux de développement. La disparition des contraintes liées aux frontières peut être bénéfique en termes d'opportunités, comme nous venons de le voir avec Toyota, à Valenciennes. Elle peut aussi précipiter leur déclin en les ouvrant à la concurrence d'une économie voisine plus dynamique.
La révision de la loi d'orientation devra mieux prendre en compte ces zones et leurs spécificités. Ces zones sont, en effet, les premières concernées par l'édification du vaste espace européen. Elles doivent donc bénéficier d'une attention toute particulière.
Les fonds structurels ont pris, depuis le milieu des années quatre-vingt, une place importante dans la mise en oeuvre des moyens de la politique d'aménagement du territoire. La région Nord - Pas-de-Calais est d'ailleurs l'une des régions qui, à juste titre, en bénéficient le plus.
Cependant, des menaces pèsent sur leur utilisation et sur leur devenir.
La complexité des circuits et le caractère strict des procédures nationales d'allocation de fonds européens pénalisent souvent ces régions. Les projets et les initiatives souvent pertinentes ne manquent pourtant pas. La mise en oeuvre des dossiers, les délais, la lourdeur administrative et l'opacité de leur examen découragent leurs porteurs.
La sous-consommation des crédits est de ce point de vue caractéristique et révélatrice. Je peux témoigner, pour avoir subi parfois les foudres de l'administration, que cela est souvent pénalisant.
Je plaide donc, madame la ministre, pour une rationalisation des procédures. Nous réclamons une meilleure décentralisation des décisions et une mise à disposition plus rapide des crédits. Ceux-ci restent bloqués, trop souvent et trop longtemps, à la DATAR. Nos communes, nos régions et nos départements en ont pourtant besoin.
J'ai moi-même, à l'époque, constaté la précipitation, en sens inverse cette fois-ci, dans l'élaboration des programmes Objectif 1, Resider et autres. Il y a eu certes concertation, mais celle-ci a été trop rapide : les services préfectoraux ne disposant que de quelques jours pour consulter et proposer, les élus locaux n'avaient plus le temps de réagir.
Au total, il s'agit souvent moins de manque d'argent que de problèmes de coordination entre tous les acteurs.
J'ajouterai que, lorsqu'une coordination des services de l'Etat et des services de la région, du département et des communes est nécessaire, on observe une certaine inefficacité dans l'action ; il en résulte que des crédits ne sont pas consommés, alors que nous les attendons.
L' Agenda 2000 prévoit une réforme importante des fonds structurels actuels, afin de mieux tenir compte de l'élargissement probable de l'Union. On annonce, d'ores et déjà, leur réaménagement ou leur disparition, en particulier pour les trois arrondissements du Nord qui bénéficient aujourd'hui de l'objectif 1. Il est donc plus que jamais nécessaire de mobiliser rapidement les crédits mis à notre disposition.
Aussi, madame la ministre, je reste aujourd'hui particulièrement inquiet devant les perspectives d'une réduction substantielle des crédits européens et des zones éligibles. Je sais que vous partagez cette préoccupation et que vous interviendrez activement afin de maintenir les niveaux de crédits européens affectés à nos régions françaises, en particulier frontalières.
Je connais votre volonté et votre détermination. Je vous fais confiance et je voterai donc votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est avec un attachement particulier que j'interviens sur ce budget de l'aménagement du territoire.
Vous savez le rôle qu'a joué le Sénat dans la résurrection de ce sujet qui fut, naguère, tout à fait à la marge des préoccupations nationales. Vous savez aussi l'intérêt que nous portons au suivi de cette politique.
Devant les déclarations gouvernementales entendues ici ou là et l'aggravation actuelle des déséquilibres sociaux et territoriaux, il est permis de s'interroger : le grand espoir suscité par la loi d'orientation du 4 février 1995 ne serait-il plus qu'un lointain souvenir ?
L'ambition portée par cette loi n'était pourtant pas mince : mettre fin à la spirale infernale d'un développement du territoire subi qui a conduit au spectacle intolérable d'une France à deux vitesses.
Surconcentration et dislocation du tissu urbain ou désertification du milieu rural, ces tendances sont les deux faces du même mal : manque d'activité économique, chômage, isolement...
Lorsque Jacques Gravier intitulait, en 1947, son ouvrage Paris et le désert français et qu'il constatait que la capitale se comportait « comme un groupe monopoleur dévorant la substance nationale », il ne se trompait pas.
L'ampleur des textes à élaborer supposait une concertation longue, mais force est de constater aujourd'hui, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi d'orientation, que les besoins, notamment ceux du monde rural, demeurent dans toute leur acuité. En tout état de cause, le bilan de son application doit faire l'objet d'un jugement nuancé.
La mise en oeuvre de la loi s'est concrétisée par la publication de nombreux textes d'application - pas moins de quatre-vingt quatorze - et je salue au passage ce bilan du précédent gouvernement.
D'autres dispositions importantes sont encore attendues avec beaucoup d'intérêt, voire d'impatience, par le législateur et les acteurs locaux. Parmi elles, le schéma national d'aménagement et de développement du territoire, dont le projet devait être présenté avant le 4 février 1996, et la loi relative au développement rural, dont la discussion était prévue avant le 5 août 1996.
C'est, en effet, sur eux que l'opinion jugera de la détermination du gouvernement actuel à poursuivre l'oeuvre entamée par la loi d'orientation.
Les décisions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, annoncées à Auch le 10 avril dernier, nous avaient rassurés sur ces points. Les deux textes étaient formalisés et devaient être présentés au Parlement avant l'été.
Qu'en est-il aujourd'hui, madame le ministre ? Le CIADT du 26 septembre dernier, loin de confirmer cette volonté de terminer l'oeuvre entamée par la loi d'orientation, semble plutôt vouloir la remettre en cause.
Le Premier ministre l'avait annoncé dans son discours de politique générale et vous nous le confirmez, une révision de la loi d'orientation de 1995 est à l'ordre du jour. Mais c'est surtout dans son application et sur ces deux textes fondamentaux que nous attendons vos engagements.
Le texte relatif au développement rural, qui doit aborder différents sujets tels que l'affectation et la gestion de l'espace, l'emploi et l'activité économique, les conditions de vie en milieu rural, l'approche territoriale, conditionne tout l'avenir de nos campagnes.
Si son examen tardait encore, les agriculteurs pourraient avoir le sentiment d'être les laissés-pour-compte d'une politique d'aménagement qui a déjà traité des problèmes du milieu urbain, avec l'adoption, en novembre 1996, du pacte de relance de la ville.
Enfin, madame le ministre, qu'en est-il aujourd'hui des rapports prévus par la loi concernant la péréquation financière, principe posé par l'article 68, ou encore de la réforme du système de financement des collectivités locales ?
Le débat du 16 avril dernier sur la situation des collectivités locales nous avait permis d'entendre Dominique Perben nous annoncer les futures réformes de l'intercommunalité et du régime des interventions économiques locales. Comptez-vous poursuivre ces réflexions ?
Au-delà des avancées législatives, la conjoncture budgétaire constitue un autre sujet d'inquiétude. Elle a conduit les pouvoirs publics à opérer des arbitrages qui ne semblent pas maintenir la politique d'aménagement du territoire au rang des priorités. Et je serai honnête en reconnaissant que ce n'est pas propre à votre budget, madame le ministre, puisqu'il en a toujours été ainsi.
Les crédits qui y ont été consacrés, tous budgets confondus, ont accusé une baisse constante depuis quelques années. Pour le seul budget du ministère de l'aménagement du territoire, qui est passé à 2,25 milliards de francs en 1995 et à 1,65 milliard de francs en 1997, on observe une baisse cumulée de près de 27 % en trois ans.
Vous nous annoncez un budget en hausse de 6,06 % en crédits de paiement, et de 2,8 % en autorisations de programme. Je serais tenté de m'en réjouir ; malheureusement, cette hausse apparente cache, en réalité, des points sombres.
Le premier concerne le fonds national de développement des entreprises. Sa création, tout d'abord, a été longtemps différée, ce qui est regrettable. Mais nous nous étions réjouis de le voir figurer enfin, doté de 1 milliard de francs, parmi les mesures décidées par le CIADT du 10 avril.
Sa disparition risque de créer des évolutions irréversibles particulièrement préjudiciables au milieu rural, où les occasions ne se produisent qu'une fois : fermeture d'une petite entreprise, renonciation d'un artisan, implantation de l'activité près d'un centre urbain.
Cet outil devait utilement compléter l'action des collectivités locales en matière d'aides aux petites entreprises en renforçant les fonds propres, en favorisant l'accès au crédit, notamment par la mobilisation de l'épargne de proximité.
D'autre part, plusieurs fonds spécifiques ont été ouverts pour faire face aux besoins de l'ensemble du territoire et pour réduire les déséquilibres territoriaux qui constituent une menace réelle pour la cohésion nationale. Mais ces fonds sont progressivement amputés.
A titre d'exemple, les crédits d'intervention du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, en baisse déjà depuis 1995, passent, en 1998, de 294 millions de francs à 291 millions de francs. Les subventions d'équipement se réduisent de 4,79 % en crédits de paiement et de 0,64 % en autorisations de programme.
Par ailleurs, la dotation du fonds de gestion de l'espace rural, déjà tombée à 150 millions de francs pour 1997 - et nous devons cette somme à la pugnacité des parlementaires ! - est amputée à nouveau, dans votre budget, de 10 millions de francs.
Les moyens de la DATAR diminuent de près de 4 %. Comment ne pas s'inquiéter, dans ces conditions, de la pérennité de son action, notamment à l'étranger, pour attirer les investisseurs sur notre territoire ?
Le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables ainsi que le fonds de péréquation des transports aériens bénéficient d'une attention particulière, mais se verront-ils confirmés dans leurs objectifs : désenclaver les départements d'accès difficile, mettre en oeuvre une politique de transports multimodaux, créer des lignes aériennes dans les zones fragiles ?
L'évocation de ces points sombres traduit plus une impatience et des interrogations sur votre action, madame le ministre, qu'une critique de votre projet de budget. En effet, à l'heure actuelle, il faut bien admettre que nous ne connaissons pas vos idées en matière d'aménagement du territoire.
Un bon budget n'est pas celui qui affiche de bons chiffres, mais celui qui s'appuie sur une politique volontariste et cohérente et qui la traduit dans les faits. Or, jusque-là, vous nous avez annoncé la suppression d'un certain nombre de grands projets d'infrastructures, la révision de la loi d'orientation, la réouverture du débat sur le schéma national d'aménagement et de développement du territoire et le plan en faveur du monde rural. Il n'y a là aucun objectif d'une politique à long terme.
Le précédent gouvernement avait mené de front plusieurs chantiers en mettant en place les outils et les procédures institués par la loi de 1995 : pacte de relance de la ville, détermination de zones prioritaires d'aménagement du territoire, de zones franches urbaines, de zones de revitalisation rurale avec les dispositions financières et fiscales qui y sont rattachées, transfert de nombreux emplois publics vers les régions.
Il nous avait confirmé les orientations du schéma national dessinant la France de 2015 et les quatre-vingts mesures adoptées par le CIADT destinées à corriger les déséquilibres de développement. Celles-ci allaient dans le bon sens.
Par ailleurs, l'action de l'Etat devait s'appuyer sur une politique de pays, territoires cohérents et identitaires regroupant plusieurs cantons.
De même avait-il été prévu la création de communautés urbaines, dont la fiscalité s'appuierait sur la taxe professionnelle.
Cette politique était souhaitable pour la nécessaire mobilisation de tous les acteurs du développement local - socioprofessionnels, monde associatif, administrations - et la coordination de leurs actions. Il fallait néanmoins éviter le risque que l'Etat impose son autorité et sa logique dans ces regroupements et clarifier le rôle respectif de l'intercommunalité et des pays.
Qu'en est-il de tous ces chantiers engagés et de vos propres orientations ? J'ai dénoncé les insuffisances de la loi de 1995 - surtout le faible empressement à l'appliquer - et la baisse régulière du budget de ce ministère. Je n'ai donc pas une position partisane, mais j'attends, madame le ministre, des réponses à toutes ces questions.
Pour conclure, j'aimerais insister sur un point qui me tient particulièrement à coeur : la revitalisation des communes rurales.
Avec la disparition du dernier commerce ou du dernier artisan, c'est l'avenir même d'un village qui est menacé. Les artisans et les commerçants font vivre le monde rural au même titre que les agriculteurs. Il est donc indispensable de porter une attention particulière à leurs conditions d'implantation, d'existence et de développement.
Les opérations « Coeur de pays », « Centre 2000 », « 1000 Villages de France » et les opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, les ORAC, ont contribué à promouvoir le commerce de proximité et l'artisanat, mais nous devons aller plus loin pour garantir la pérennité des réseaux artisanaux et commerciaux en milieu rural. De leur vitalité encore trop méconnue dépend largement le développement équilibré du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, aménager le territoire, permettre le développement et la répartition harmonieuse des activités sur l'ensemble de celui-ci et, au-delà des activités, la répartition des populations, favoriser les échanges et les rencontres entre les hommes, leur donner la possibilité de travailler, de vivre et de s'épanouir dans toutes les régions de notre pays, n'est-ce pas là la raison même et la noblesse de l'engagement politique et la motivation de tous ceux, à quelque niveau qu'ils se situent, qui oeuvrent dans ce sens ?
N'est-ce pas aussi ce qu'ont fait toutes les générations qui se sont succédé depuis la nuit des temps et dont les oeuvres, ou leurs vestiges, sont parvenus jusqu'à nous ?
Dans ma région, madame le ministre, nous continuons à circuler sur les tracés d'anciennes voies romaines ; je suis toujours émerveillé par ce que nos aïeux ont su réaliser avec les faibles moyens dont ils disposaient.
Ce maillage de routes qui desservent le moindre hameau, ce réseau dense de canaux et de chemins de fer, ces ouvrages d'art qui ont résisté au temps et tous ces édifices : mairies, écoles, halles, beffrois et cathédrales sont leur oeuvre ; c'est à eux que nous la devons.
Cet effort multiséculaire qui a façonné les sites et les paysages n'a-t-il donc servi à rien pour qu'il faille aujourd'hui un ministre en charge de l'aménagement du territoire pour tenter d'enrayer la tendance naturelle ?
N'est-ce pas plutôt la nécessité qui pousse 80 % de nos concitoyens à se concentrer sur 20 % du territoire, laissant se désertifier la majeure partie de celui-ci, avec tous les problèmes que cela pose et l'immense sentiment de gâchis qui nous étreint ?
D'un côté, l'entassement, l'insuffisance de logements, la fatigue des déplacements quotidiens, la pollution, souvent l'inactivité, l'insécurité, l'absence d'identité et de reconnaissance, en un mot tout ce que recouvre l'expression « mal des banlieues », et, de l'autre, l'isolement d'une population qui vieillit, l'absence de services, un patrimoine inutilisé qui se dégrade, des espaces abandonnés où la nature reprend ses droits en devenant friche, puis maquis.
Pour reprendre le titre d'une ancienne émission de radio : « Il y a sûrement quelque chose à faire », car, si la nature sauvage peut avoir ses charmes, elle est plus souvent hostile qu'accueillante.
Comment en est-on arrivé là et que faudrait-il faire pour inverser cette tendance dommageable pour l'économie de notre pays et le bien-être des populations ?
Jusqu'au second conflit mondial, l'agriculture a été l'élément essentiel de l'économie rurale, entraînant dans son sillage de nombreuses activités d'échanges et de services.
La mécanisation de l'agriculture et la modernisation des exploitations ont considérablement accéléré l'exode agricole et rural, vidant les territoires des éléments les plus jeunes et les mieux formés, souvent les plus dynamiques, contraints d'aller chercher en ville un emploi, alors qu'une politique volontariste aurait dû, justement, inciter à la création de ces emplois nécessaires sur les lieux de vie.
Mais les gouvernements successifs, et cela depuis un demi-siècle - on ne pourra donc pas me taxer d'être partisan ! - pris par l'urgence, ont consacré beaucoup d'argent à soigner le mal sans s'attaquer à ses causes.
Ainsi, aujourd'hui encore, lorsqu'on compare les crédits de votre ministère, madame le ministre, soit 1,8 milliard de francs, et les sommes que la collectivité consacre au financement des transports en Ile-de-France - 5,2 milliards de francs - on est bien obligé de s'interroger !
La même interrogation vaut si l'on constate que, dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Notre-Dame de Paris, toutes les autoroutes sont gratuites, alors que des projets de désenclavement de pans entiers de notre territoire sont abandonnés ou différés, faute de moyens.
M. Gérard Delfau. Adressez-vous à vos collègues !
M. Hilaire Flandre. Même inquiétude en ce qui concerne les intentions de la Commission européenne. Certes, je ne vous rends pas responsable, madame le ministre, mais le Gouvernement doit être vigilant, car la nouvelle réforme de la politique agricole commune ne va-t-elle pas conduire à accélérer la diminution du nombre des exploitations et à accroître la paupérisation du monde rural ?
De même, le projet de réforme des fonds structurels, en regroupant les aides à la reconversion des zones industrielles en déclin et celles qui concernent les zones rurales fragiles et dépeuplées, ne va-t-il pas se faire au détriment des zones rurales ?
Comment vont être réparties les dotations et quelle sera, justement, la part de ces zones rurales ?
Pourtant, les territoires ruraux de développement prioritaire, définis dans la loi de février 1995, représentent presque 60 % du territoire et environ 13 millions d'habitants. La pérennité et le développement du monde rural restent donc un enjeu majeur pour notre pays. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, à laquelle je fais alllusion, a fixé des objectifs clairs et a prévu des initiatives ambitieuses. Elle a soulevé un grand espoir qu'il convient de ne pas décevoir.
Le bilan d'application de cette loi est positif. Après avoir listé les zones de revitalisation rurale - 40 % du territoire et 4,5 millions d'habitants - le décret du 12 février 1997, par les exonérations qu'il prévoit, facilite la création d'emplois dans les petites entreprises du monde rural.
L'Assemblée nationale, dont vous connaissez la majorité, vient d'ailleurs d'améliorer le dispositif lors de l'examen du projet de loi de finances en étendant l'application des exonérations de taxe professionnelle aux zones de revitalisation rurale.
Ces mesures vont dans la bonne direction ; elles doivent être poursuivies et accentuées.
Malheureusement, succombant à la fâcheuse tendance de tout nouveau gouvernement de ne pas poursuivre ce qu'ont fait ses prédécesseurs, vous remettez en cause cette politique en faveur des zones rurales.
Vous le faites par votre budget, tout d'abord.
Si l'on excepte la prime à l'aménagement du territoire, qui augmente fortement mais qui, en fait, retrouve son niveau de 1996, tous les postes sont en diminution : le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, les moyens de la DATAR, les subventions à l'amélioration du cadre de vie et du développement rural et même le fonds de gestion de l'espace rural suivent la même tendance au ministère de l'agriculture : tous ces postes sont en diminution.
Certes, les moyens de votre ministère ne sont pas les seuls à contribuer au meilleur équilibre de notre territoire. D'autres ministères - l'agriculture, l'équipement, l'éducation nationale, l'économie et les finances - apportent une contribution bien plus importante à cet immense chantier. Mais c'est vous, madame le ministre, qui êtes chargée de ce dossier et qui devez le conduire à bien. C'est donc vous que j'interroge.
Quelle politique le Gouvernement entend-il mener en faveur du monde rural ? Le plan pour l'aménagement du monde rural va-t-il enfin voir le jour, à l'instar du pacte de relance pour la ville de 1996 en faveur du monde urbain ?
Il faut cesser d'appréhender le monde rural comme un problème et il faut aussi cesser de le considérer comme un ensemble uniforme. L'existence de vastes espaces diversifiés faiblement peuplés et d'un réseau de petites villes est une caractéristique essentielle de notre territoire qui participe à l'identité nationale.
La diversification des activités et le soutien des entreprises, le développement d'une offre de logements privilégiant la réhabilitation, l'amélioration des services collectifs, le renforcement du réseau de petites villes et des bourgs et l'amélioration des solidarités réciproques entre villes et campagne sont autant de priorités pour le monde rural qui doivent être clairement affichées.
Le monde rural ne doit plus être considéré comme l'espace interstitiel et résiduel entre des zones à forte densité de population. Il doit être considéré comme un atout et une chance pour l'équilibre et le développement de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi de février 1995 distingue deux grandes sortes de territoires : les grands territoires très urbanisés et périurbains, qui représentent environ 80 % de la population et 20 % du territoire, et les autres qui, par opposition, sont dits ruraux et qui représentent donc 80 % du territoire et 20 % de la population.
Ma brève intervention portera sur le rôle des hôpitaux, dans les territoires ruraux, comme élément structurant du territoire.
Les hôpitaux peuvent se diviser grossièrement, vous le savez, madame le ministre, en trois grands groupes à la localisation spécifique : les centres hospitaliers et universitaires - centres hospitaliers régionaux - les CHU-CHR - qui se situent uniquement dans les très grandes villes, les centres hospitaliers généraux - CHG - qui disposent au minimum des trois services de base de médecine, chirurgie, obstétrique et d'une gamme de spécialités fonction de leur taille. Ce sont eux qui assurent le maillage de tout le territoire, avec les hôpitaux locaux, essentiellement ruraux, qui accueillent les personnes âgées et peuvent disposer, dans certains cas, de quelques lits de médecine.
L'hôpital est donc présent partout dans notre pays et la population est extrêmement attachée à cette présence.
A ce titre, il fait partie des éléments structurants de notre territoire avec les facilités d'accès - transports, routes - la sécurité - la gendarmerie et les pompiers pour les territoires ruraux - les grands réseaux - EDF, eau, La Poste, France Télécom - l'éducation ainsi que l'accès aux services administratifs, en l'occurence les mairies.
Il faut également noter que ces éléments sont exactement ceux qu'exigent les entreprises pour s'installer en pays rural. Or ce sont elles qui créent l'emploi et la richesse nationale, et un pays ne vit pas sans elles.
Une autre des caractéristiques de l'aménagement du territoire est aussi le partage indissociablement complémentaire des responsabilités ; c'est son originalité. A l'Etat et aux collectivités locales d'assurer les grandes infrastructures, conditions du développement. Aux citoyens de créer et de faire prospérer la vie économique et sociale. Il faut noter que les plus dynamiques d'entre eux revendiquent cette mission, à charge bien sûr pour l'Etat de ne pas la rendre impossible par une réglementation débridée ou excessive.
Mais si les citoyens ont des responsabilités, en matière de santé ils ont des exigences fortes, ressenties comme des besoins, d'où leur caractère facilement explosif en cas de conflit... Il y a des exemples récents.
En fait, ce qu'ils veulent pour leur hôpital est simple : un accueil humain et compétent - ce qui pose le problème du tri et de l'organisation des urgences - des premiers secours bien organisés et rapides - ce qui suppose une coordination entre services - et des soins de base relativement proches ou au moins facilement accessibles.
Contrairement à ce qu'on dit, ils ne sont nullement hostiles au fait d'aller dans un hôpital plus éloigné si besoin est, c'est pour eux une garantie de qualité et de sécurité des soins.
On voit bien que la réponse à ces exigences relève plus de la qualité et de la compétence des personnels que de la dimension des plateaux techniques.
La maîtrise des dépenses de santé, l'aménagement du territoire et les aspirations de la population ne sont pas antinomiques. C'est la façon dont on les aborde qui les rend antinomiques.
Pour les hôpitaux, le vrai problème est celui du recrutement des médecins. Nous ne formons plus les médecins dont nous avons besoin, et seule une réforme audacieuse des études médicales permettra de résoudre un tel problème ; on ne le répétera jamais assez.
Nous sommes obsédés par des solutions techniques à caractère universel qui ne permettent aucune adaptation aux besoins du terrain, alors que cette adaptation constitue l'une des clefs d'un aménagement opérationnel du territoire. Et c'est pour rompre avec ces habitudes de pensée trop conformistes, madame le ministre, qu'il faut que vous adoptiez une démarche novatrice.
En effet, ce n'est pas tant l'importance - modeste - de votre budget que votre volonté politique qui est en cause. En effet, les dépenses d'infrastructures sont si diversifiées qu'elles touchent de nombreux ministères.
Il vous appartient donc de veiller sans relâche auprès de l'ensemble de vos collègues pour que l'aménagement du territoire fasse toujours partie intégrante de la réflexion et des décisions, y compris pour la restructuration des hôpitaux. Il ne me semble pas, en effet, que cette dimension ait jamais été prise sérieusement en compte dans ce domaine, et c'est pour cela, madame le ministre, que je compte sur vous. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la ministre, vous avez bien voulu, à plusieurs reprises, dire tout l'intérêt que le Gouvernement et vous-même attachez aux délocalisations d'entreprises publiques ou parapubliques de la région parisienne vers la province.
Je voudrais, à travers un exemple précis, montrer les difficultés bien évidemment d'origine politique, voire politiciennes, qui peuvent ralentir, entraver et même empêcher de telles opérations.
Le 29 janvier 1992, le CIAT s'était prononcé pour un transfert du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, à Limoges, décision entérinée par un contrat de localisation signé en présence de M. Michel Delebarre, alors ministre délégué à l'aménagement du territoire, cela à l'Hôtel de ville de Limoges, le 5 janvier 1993. Cette décision fut confirmée par le conseil d'administration dudit CNASEA le 28 janvier 1994.
Cette décision n'a pas été remise en question par les gouvernements successifs. Les collectivités locales, dont le conseil régional du Limousin, le conseil général de la Haute-Vienne et surtout la Ville de Limoges, se sont beaucoup investies dans la préparation de ce transfert, qui devait être effectif dès l'automne 1997.
La Ville de Limoges a notamment mis à disposition du CNASEA un terrain situé dans le centre-ville d'une valeur, de près de six millions de francs.
Toutefois, le dossier s'est heurté, depuis un et demi, à un certain nombre de difficultés.
A la demande du conseil d'administration du CNASEA, son directeur général a rompu, le 20 juin 1996, le marché de maîtrise d'oeuvre du futur siège, prétextant des coûts et des délais excessifs.
Par ailleurs, le gouvernement précédent a accepté, le 24 octobre 1996, un amendement de M. Hervé Mariton, alors député, visant à réaffecter les crédits mis en réserve pour cette opération.
Lorsqu'on suit la trace de ces crédits, on se demande si l'ancienne majorité voulait tendre vers une plus saine utilisation des deniers publics ou surtout aboutir à l'annulation de la délocalisation du CNASEA à Limoges sans avoir à en prendre formellement la décision politique.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Demerliat. En effet, M. Mariton a proposé une ponction de 110 millions de francs sur certains crédits du CNASEA, sous prétexte que ce dernier prenait un peu de délai sur certains opérations, notamment sur son projet de délocalisation.
Sur ces 110 millions de francs, 10 millions sont allés abonder la prime d'orientation agricole, la POA, et 100 millions ont été destinés au fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Or, quelques semaines plus tard, le FGER a fait l'objet d'annulations de crédits pour la somme de 145 millions de francs. Il devenait évident que le FGER n'avait pas besoin d'argent en général ni de celui du CNASEA en particulier.
La preuve était ainsi faite que l'objet de l'amendement de notre ex-collègue Mariton était non pas de mieux affecter l'argent public, mais bien de retarder ou d'empêcher l'arrivée du CNASEA à Limoges en le privant de l'argent nécessaire à cette opération.
Ces faits - la rupture du marché de maîtrise d'oeuvre du futur siège et la réaffectation des crédits - ont servi de prétexte au conseil d'administration du CNASEA pour remettre en cause cette délocalisation, le 12 décembre 1996, sans qu'aucune décision politique officielle soit intervenue.
Madame la ministre, il n'existe aujourd'hui aucune raison sérieuse de remettre en cause cette opération qui engage la parole de l'Etat et qui a largement sollicité les efforts des collectivités territoriales, la Ville de Limoges, les communes de son agglomération, le département de la Haute-Vienne, la région Limousin, ainsi que les responsables socioprofessionnels.
Madame la ministre, je sais que le Gouvernement et vous-même, comme le gouvernement de Mme Cresson en 1992, êtes partisans d'une politique forte de délocalisation d'établissements publics, manifestant ainsi concrètement votre volonté de parvenir à un rééquilibrage des activités sur le territoire de la nation.
Si, pour des raisons diverses, dont certaines furent de pure politique politicienne, je le répète, cette délocalisation du CNASEA n'allait pas à son terme, il est bien évident que, à l'avenir, aucun ministre, aucun gouvernement ne pourrait plus envisager d'utiliser les délocalisations comme moyen d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Madame le ministre, l'examen de votre budget et des premières orientations prises dans le cadre de l'aménagement du territoire par votre ministère appelle de ma part un certain nombre de commentaires.
Tout d'abord, il convient de considérer que l'aménagement du territoire fait partie des grandes missions de l'Etat afin d'assurer un développement harmonieux de notre pays et ainsi donner à chacun une véritable égalité de chances.
Vous conviendrez que, même avec 1,8 milliard de francs, ce projet de budget pour 1998, qui ne représente que 1/1000 du budget de l'Etat, est insuffisant !
M. Gérard Delfau. Il est meilleur que le précédent !
M. Jean Bizet. Ce budget qui, à première vue, est en augmentation de 6 %, certes, est en fait un budget en trompe-l'oeil, puisque cette augmentation est la résultante de l'accroissement des crédits de paiement de la prime d'aménagement du territoire - PAT - de 165 millions de francs, ces mêmes crédits étant loin d'être consommés puisque la réforme des critères d'éligibilité n'a toujours pas été engagée.
Parallèlement, nous assistons à une baisse des crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire - FNADT - de 4,78 %, décision régrettable car ils sont, quant à eux, régulièrement consommés.
Au-delà de l'aspect purement budgétaire, je souhaiterais obtenir une clarification sur trois points de la loi d'orientation du 4 février 1995.
Dans l'article 2 de la loi d'orientation était prévu un schéma national d'aménagement du territoire.
Or, à ce jour, il ne semble pas, madame le ministre, que vous ayez repris à votre compte cet avant-projet. Nous aimerions avoir confirmation de vos intentions.
La décision de maintien des services publics en zone rurale devait aboutir à la conclusion de contrats de service public ou de contrats de plan d'entreprise.
A ce jour, seuls EDF et GDF ont signé de tels contrats ; il conviendrait donc d'aller plus avant dans cet engagement.
M. Gérard Delfau. On a perdu deux ans !
M. Jean Bizet. La politique des pays, objectif ambitieux, nécessaire et rationnel, mérite une attention toute particulière.
Nous souhaiterions savoir quelles sont les intentions du Gouvernement. Il importe de préciser clairement quels seront les moyens utilisés et pas seulement les moyens financiers - nous savons objectivement qu'ils seront limités - pour renforcer l'effet de levier des interventions publiques en faveur du développement.
Il conviendrait d'affirmer très fortement que ces structures sont les seuls interlocuteurs des contrats de plan Etat-régions, comme cela avait été proposé par votre prédécesseur.
J'ai appris que le responsable des pays à la DATAR avait totalement disparu. Mon dernier entretien téléphonique avec votre ministère, il y a quarante-huit heures, fut sur ce point édifiant. Comment convaincre de votre volonté politique si vous supprimez le fonctionnaire en charge d'appliquer cette politique ?
Vous me permettrez, en outre, madame le ministre, de vous avouer mes incertitudes et mes inquiétudes.
Inquiétude quant à la dérive du FITTVN, dont la gestion et surtout la mission ne sont plus celles qui avaient été prévues lors de sa création.
Inquiétude quant à la baisse continuelle du fonds de gestion de l'espace rural. Ce fonds, lors de sa création en 1995, avait suscité un grand intérêt auprès des établissements publics de coopération intercommunale, car il permettait d'associer les agriculteurs à l'entretien et à la revitalisation de l'espace rural.
Je n'ignore pas que, lors de cette première année, la consommation de crédits n'avait pas été aussi importante que prévue, mais il est bien évident que, pour qu'une mesure donne son plein effet, il lui faut une certaine lisibilité et, partant, une pérennité de mise en oeuvre.
Inquiétude quant à l'avenir des fonds structurels européens, qui vont faire l'objet dans les années à venir d'une redéfinition. Compte tenu des montants financiers qui s'élèvent à près de six fois les crédits de la DATAR, cette décision sera lourde de conséquence.
Inquiétude surtout quant à l'environnement juridique des entreprises, condition majeure pour permettre leur épanouissement économique.
L'accroissement de la fiscalité, la réduction du temps de travail, le manque de flexibilité et de simplification administrative sont autant de critères qui entraînent une diminution des investissements en France, et, parallèlement, leur augmentation à l'étranger. Je me permets de vous rappeler, madame le ministre, que les investissements des industriels français ont baissé de 12 % en France ces derniers mois, alors que, parallèlement, ils ont augmenté de 84 % à l'étranger.
Or, les investissements d'aujourd'hui sont les emplois de demain et les entreprises d'aujourd'hui sont les richesses de demain dans nos zones rurales.
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat et M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie semblent, avec un certain retard, l'avoir compris. Ils ont tout récemment pris deux décisions que je voudrais très objectivement saluer : d'une part, celle de doter enfin le FNDE à concurrence de 1 milliard de francs sur trois ans, d'autre part, celle de mettre en place un dispositif de capital risque et de capital développement constitué en partie grâce à l'ouverture du capital de France Télécom.
Je souhaite très sincèrement que ces effets d'annonces ne soient pas des annonces non suivies d'effet.
Ces messages seront-ils suffisamment clairs pour faire oublier l'accroissement de la fiscalité décidé récemment ? Je l'espère pour la France.
Avouons-le, ces mesures ne sont rien comparées au formidable handicap que vous créez avec votre projet de fonctionnarisation de 350 000 jeunes entraînant corrélativement un accroissement des dépenses publiques, et avec votre projet de réduction du temps de travail et donc d'accroissement du coût du travail.
En effet, ne l'oublions pas, c'est non pas l'Etat qui crée des emplois générant ainsi la richesse au sein de notre territoire, mais les entreprises et elles seules ! Il importe donc à l'Etat de créer un climat favorable pour qu'elles investissent ; c'est là l'une des grandes clefs de l'aménagement du territoire.
Je crains malheureusement que ces messages de dernière minute au sein d'un budget qui manque d'ambition et de réalisme ne contribuent pas pleinement à réaliser la grande politique d'aménagement du territoire dont notre pays a besoin.
Telle est la raison pour laquelle, madame le ministre, je ne voterai pas le budget de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier MM. les rapporteurs pour leurs analyses tout en notant qu'elles ont subi une très notable évolution entre nos fructueux échanges en commission et notre rendez-vous d'aujourd'hui.
Je mesure d'ailleurs la difficulté de l'exercice. Vous nous avez expliqué, mesdames, messieurs les sénateurs, l'an dernier, que moins c'était plus. Cette année, il vous faut expliquer que plus, c'est moins. Je l'avoue, j'en suis presque malheureuse pour vous ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est un peu schématique et caricatural !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je voudrais rappeler - et cela figurait en filigrane dans vos interventions - que la politique d'aménagement du territoire, qui a toujours bénéficié de moyens extrêmement modestes, j'en conviens tout à fait, n'a de crédibilité et d'efficacité que si elle est de nature à susciter des actions transversales et à mobiliser à son tour d'autres idées, d'autres initiatives venant d'autres partenaires, d'autres collectivités.
Ainsi, on peut estimer l'effort national en faveur de l'aménagement du territoire - et parfois, il faut le reconnaître, puisque le mot a été prononcé, en faveur du « déménagement » du territoire - à quelque 60 milliards de francs.
A l'aune de ces quelque 60 milliards de francs, le projet de budget de l'aménagement du territoire vaut presque essentiellement, cela a été souligné, par la philosophie qui l'inspire et par la volonté politique de ceux qui le portent.
Toutefois, puisque nous sommes ici pour examiner le projet de budget, je consacrerai une petite partie de mon temps à le faire à mon tour et à répondre aux suggestions, aux interrogations et aux doutes qui se sont exprimés.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Delfau d'avoir rappelé quand même, en citant des chiffres, que ce projet de budget marque une rupture avec la décroissance constatée de 1994 à 1997. En effet, le budget de l'aménagement du territoire avait connu une diminution de 5 % en 1995, de 12 % en 1996 et de 14 % en 1997, soit en trois ans une chute de 27 % si l'on additionnne les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, ou de 38 % si on ajoute les dépenses ordinaires et les autorisations de programmes. Un tel bilan est décidément difficile à défendre !
Un grand journal du soir avait titré l'année dernière, à la veille de l'examen du projet de budget de l'aménagement du territoire par votre assemblée : « L'aménagement du territoire en déroute. » Et vous-même, monsieur le rapporteur spécial, n'aviez pas hésité à parler de « budget sacrifié ».
Je ne m'attarderai pas sur les crédits de fonctionnement de la DATAR, qui constituent, vous l'avez noté, tout au plus 5 % du budget de l'aménagement du territoire.
La réduction que vous avez constatée - sensible puisqu'elle est de 3,83 % - s'explique notamment par la politique voulue par le précédent gouvernement, qui avait, année après année, réduit les emplois de la DATAR.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je pense que l'on est arrivé à un niveau extrêmement difficile à tolérer.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Avec à peu près 1,5 emploi effectif par département, l'étranger compris, il est difficile tout de même de faire une politique d'aménagement du territoire qui se tienne !
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cela dit, pour l'essentiel, cette maîtrise des moyens de fonctionnement correspond à l'annulation d'un reliquat de crédits non utilisés de 2 millions de francs, ce qui mérite d'être souligné.
Par ailleurs, nous avons souhaité réintégrer dans les effectifs de la DATAR une partie des personnes qui travaillent pour celle-ci à l'étranger, lesquelles n'apparaissaient pas dans le tableau des effectifs. Près de 40 % de ces personnes y figureront dès 1998.
Si 5 % des crédits de la DATAR sont consacrés à des crédits de fonctionnement, cela signifie que 95 % de crédits sont consacrés aux interventions, grâce à deux outils, la PAT et le FNADT.
Vous avez rappelé les chiffres - chiffres excellents finalement - de la prime d'aménagement du territoire pour 1998 : 320 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement, soit une augmentation de 106 % en crédits de paiement et de 28 % en autorisations de programme.
J'ai trouvé amusante votre argumentation un petit peu embarrassée : vous expliquez que la stratégie de baisse de l'année dernière était bonne parce qu'elle provoquerait aujourd'hui une hausse. Avouez que ce n'est pas très convaincant !
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il paraît évident que les 700 millions de francs dont nous disposerons, compte tenu des reports de crédits et des décisions prises en comité interministériel des aides à la localisation des activités qui ne sont pas suivies d'engagement effectif - c'est fréquemment le cas avec ce type d'exercice - seront suffisants pour traiter à peu près 200 dossiers, avec un taux de rejet relativement faible. Autrement dit, les cas de rejet seront liés à un manque de solidité des dossiers considérés, non à une insuffisance des fonds disponibles.
Cela étant, je partage pour une bonne part vos inquiétudes concernant le peu de crédibilité de la PAT eu égard à la création d'emplois durables répondant effectivement à un objectif d'aménagement du territoire.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité relancer une réflexion sur ce sujet, réflexion à laquelle un certain nombre de sénateurs issus de divers groupes politiques ont d'ailleurs été associés.
Nous considérons qu'il convient de réorienter la PAT pour permettre non seulement de localiser des projets d'investissement dits « internationalement mobiles », mais aussi pour encourager l'investissement dans des zones particulièrement dégradées et aussi pour appuyer des investissements plus modestes puisque, aujourd'hui, il faut que le projet implique un minimum de vingt emplois, ce qui est considérable. Des projets plus modestes sont bien adaptés à des zones peu industrialisées et peu peuplées, de même que des projets relevant du secteur tertiaire le sont aux zones isolées ou fragiles.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous souhaitons que la PAT ne devienne pas une sorte de procédure banalisée, où l'on distribue de l'argent simplement selon une logique de « guichet », mais qu'elle corresponde vraiment à une fécondation de projets issus des territoires et, en tout cas, compatibles avec les spécificités de ces territoires.
J'en viens au deuxième outil : le FNADT.
La dotation prévue pour 1998 - 1 300 millions de francs en autorisations de programme et 1 100 millions de francs en crédit de paiement - nous permettra non seulement de respecter les engagements de l'Etat - je pense, bien sûr, aux contrats de plan Etat-régions - mais aussi de financer des initiatives auxquelles il me semblait, jusqu'à présent, que vous étiez extraordinairement attachés : le pôle européen de développement de Longwy, Euro-méditerranée, l'autodéveloppement en montagne - 12 millions de francs, madame Bardou, y sont consacrés -, le plan pour le monde rural et le plan espace central, pour un montant total de 88 millions de francs, ce qui constitue, vous en conviendrez, un effort significatif.
Mais nous voulons, là encore, que le FNADT serve vraiment à financer l'aménagement du territoire, et non pas les projets qui ont été « retoqués » par ailleurs et que les autres ministères n'ont pas souhaité financer.
C'est pourquoi nous annoncerons au prochain comité interministériel d'aménagement du territoire, le 15 décembre, une révision des règles de l'utilisation de ces fonds afin de favoriser l'intercommunalité, les schémas de services, les emplois durables, et pour marquer la non-subsidiarité du FNADT par rapport aux autres dotations de l'Etat.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il s'agit de contribuer à financer des équipements publics ou collectifs nécessaires aux activités industrielles ou tertiaires, de permettre la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement ou d'ingénierie, de donner la préférence aux projets d'équipement qui favorisent l'intercommunalité, de servir, enfin, d'aiguillon et de catalyseur. La politique d'aménagement du territoire est une politique partagée.
J'espère que nous aurons l'occasion de débattre de manière plus approfondie des fonds structurels. Je tiens à plaider devant le Sénat, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale, pour que la représentation nationale se saisisse de ce dossier absolument fondamental pour l'avenir.
Vous l'avez dit, les fonds européens contribuent à l'aménagement du territoire pour 10 milliards de francs par an, ce qui est considérable.
Je formulerai quelques remarques à propos des fonds structurels.
Premièrement, il n'existe pas de Conseil des ministres européens de l'aménagement du territoire. Les fonds structurels sont discutés au sein de l'ECOFIN, du conseil pour les affaires générales ou du Conseil des ministres de l'agriculture. C'est évidemment une faiblesse. Cependant, au sein des conseils informels des ministres de l'aménagement du territoire, nous veillons à ce que les politiques régionales ne soient pas sacrifiées à l'occasion de la réforme des fonds.
Deuxièmement, l'élargissement de l'Union va évidemment provoquer une concentration des aides communautaires et, simultanément, la réduction du nombre de zones éligibles. Cela aboutira sans doute à exclure des zones qui, jusqu'alors, en bénéficiaient.
Cependant, d'une certaine façon, cette réduction a aussi quelque chose de rassurant quant à l'efficacité des politiques régionales. Si un certain nombre de régions sont amenées à bénéficier de moins de fonds au titre des politiques de cohésion, c'est tout simplement parce qu'elles ont rattrapé une partie de leur retard et qu'elles sont aujourd'hui mieux armées.
Je ferai en tout cas le nécessaire pour que ces régions puissent bénéficier de mécanismes de transition tels que le passage d'une situation à l'autre ne soit pas brutal.
M. René-Pierre Signé. C'est surtout pour l'agriculture que le problème peut se poser de façon aiguë !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Troisièmement, il convient, me semble-t-il, d'éviter de sacrifier la révision des fonds structurels sur l'autel de la politique agricole commune. Si nous sommes tous très attentifs au maintien de la ligne directrice agricole, il nous faudra également veiller à ce que les politiques régionales ne soient pas de simples variables d'ajustement du budget communautaire, à ce qu'elles ne fassent pas les frais du maintien de la ligne directrice agricole.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne comprends pas que l'on puisse avoir une approche uniquement budgétaire de ces problèmes. Certes, avec la PAC, nous bénéficions d'un très bon taux de retour de nos contributions ; mais il n'est pas du tout certain qu'il sera aussi bon demain. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que les politiques régionales ne peuvent pas être évaluées en fonction d'un simple taux de retour : par définition, ce sont des politiques de solidarité, de redistribution. Quel sens aurait le fait, pour des pays ou des régions riches, d'exiger un taux de retour sur des politiques régionales qui sont, par essence, des politiques de redistribution ?
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Quatrièmement, j'estime - j'espère rassurer ainsi M. Raoult - que la diminution du nombre d'objectifs communautaires et de programmes d'intérêt communautaire va dans le bon sens. Cela va en effet rendre ces politiques plus simples, plus lisibles et plus efficaces. Je pense que la multiplication des zones qui se recouvrent plus ou moins est devenue un handicap pour nos politiques régionales.
J'en viens maintenant au sujet qui a constitué l'essentiel de vos interventions, et c'est bien légitime car la volonté politique prime sur l'ampleur du budget.
Le Premier ministre a annoncé, dès sa déclaration de politique générale, le 19 juin dernier, une révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Il m'a chargée de mener à bien ce chantier.
Vous l'aurez noté, M. le ministre de l'intérieur, qui a en ce moment d'autres soucis, a cru bien faire en annonçant qu'il déposerait d'abord un projet de loi sur l'intercommunalité. Comme il n'a pas spécialement l'habitude d'être facétieux, je préfère penser qu'il était distrait et je ne lui en tiens pas rigueur. (Sourires.) Il est évident, et je l'ai confirmé auprès du cabinet du Premier ministre, que c'est l'armature législative qui doit être adoptée avant le « remplissage » secteur par secteur.
Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire sera donc présenté au deuxième trimestre de l'année 1998. Vous ne m'auriez pas pardonné de vous le soumettre au premier trimestre, car il y aurait alors eu une interférence fâcheuse avec un temps électoral que nous souhaitons, les uns et les autres, le plus loyal possible. C'est donc au deuxième trimestre que vous serez amenés à examiner ce texte, après que des discussions approfondies auront eu lieu entre vous et moi ainsi qu'entre les différents acteurs de l'aménagement du territoire et mon ministère.
Vous avez eu raison, madame Terrade, de souligner tout à l'heure qu'il était nécessaire de réunir plus souvent le Comité national d'aménagement et de développement du territoire, mais que cela ne suffisait pas.
Nous souhaitons effectivement qu'un très large débat public soit mené et que l'ensemble des acteurs de terrain, qu'ils soient ou non institutionnels, puissent être associés à notre réflexion.
Je vous avoue que je ne me reconnais pas dans certaines des critiques et des remarques qui ont été formulées tout à l'heure par plusieurs d'entre vous. Il ne s'agit pas de rompre avec ce qui a été fait par le passé. Il s'agit de simplifier, de clarifier, de rendre opérationnelle une « loi cathédrale », qui a été adoptée voilà deux ans et demi et qui, nous le voyons bien aujourd'hui, est un outil extrêmement imposant et lourd, sans être toujours opérationnel.
M. René-Pierre Signé. Il est inefficace !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pour passer aux choses sérieuses, pour discuter des schémas régionaux, pour élaborer ensemble les contrats de plan Etat-régions, il nous faut revoir cette loi.
En effet, un certain nombre des chantiers qui avaient été annoncés dans la loi, soit ont été à peine ouverts en deux ans et demi et ont été laissés béants du fait d'un événement survenu le 21 avril et dont je suis tout de même assez peu responsable (Sourires), soit n'ont simplement jamais été engagés ; je pense ici aux chantiers sur la clarification des compétences, sur les finances des collectivités locales et sur l'évaluation de l'impact territorial des politiques menées.
Je n'imagine pas, en tout cas, que vous puissiez me reprocher de ne pas avoir rattrapé en six mois le retard accumulé en deux ans et demi ! Ces chantiers sont lourds, difficiles et demandent beaucoup de concertation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Nous avons par ailleurs constaté - et c'est un constat largement partagé par un certain nombre d'entre vous, mais ils se sont bien gardés de le rappeler tout à l'heure - qu'il était décidément très difficile de soumettre au débat et au vote des assemblées un schéma national qui, après avoir fait l'objet d'une élaboration extrêmement difficile, ne serait qu'une sorte de catalogue de considérations générales et de voeux pieux.
Certes, cela permet d'éviter l'autre écueil, celui qui guette finalement chaque collectivité qui désire se doter d'un schéma et le faire voter à la majorité : c'est ce que j'appellerai le « stock de projets », où l'on empile les desiderata de chacun, en fonction de sa zone géographique et de sa couleur politique, et où l'exécutif puise au gré des opportunités, du calendrier ou des disponibilités financières.
Moi, je crois que nous n'avons pas les moyens, sur les mêmes axes et pour les mêmes usages, de nous offrir des infrastructures de transports concurrentes. Nous n'avons pas les moyens de nous dispenser d'une réflexion sur une répartition équitable, harmonieuse et fonctionnelle des équipements.
A cet égard, madame Heinis, j'ai beaucoup apprécié votre réflexion sur la réforme hospitalière, et je veux vous dire combien il me plairait que, dépassant les étiquettes politiques des uns et des autres, les idées très intéressantes sur ce sujet que vous venez de nous soumettre puissent nous aider à élaborer ce que nous appelons de nos voeux, à savoir des schémas de services, des schémas intermodaux de transports de marchandises et de voyageurs,...
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... des schémas universitaires, des schémas de formation, des schémas des services de santé, etc. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Concernant l'article 29 de cette loi, c'est bien parce que les projets de décret ont été rejetés par le Conseil d'Etat que nous n'avons pas pu faire des propositions concrètes de sortie du moratoire décidé par M. Edouard Balladur et qui s'applique depuis lors, en l'absence de mécanismes de sortie cohérents. Une proposition différente sera formulée dans le cadre de la révision de la loi.
J'en viens maintenant à deux sujets qui vous ont beaucoup mobilisés : le premier concerne les fonds et le second, les pays et les agglomérations.
Le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, qui est actuellement géré par le ministère des transports mais qui sera sans doute demain géré d'une façon plus conforme à une vision à long terme d'un aménagement du territoire équilibré, voit son montant passer de 3,1 milliards de francs en 1997 à 3,9 milliards de francs en 1998. Il ne s'agit pas de construire plus de routes ni de constituer une base d'expansion du budget habituel du ministère des transports. Il s'agit de permettre le financement d'équipements d'intermodalité, de transports collectifs dans les agglomérations, de voies fluviales à gabarit adapté, là où la géographie et le trafic le justifient.
Le principe d'un fonds national de développement des entreprises, je l'ai déjà dit, est retenu pour 1998. Des dotations seront effectivement attribuées à ce fonds dès l'an prochain, j'insiste sur ce point. Assez d'effets d'annonce ! Comment pouvez-vous encore vous référer à une annonce faite lors du CIAT d'Auch, quelques jours avant la dissolution, après avoir connu, en 1994, l'annonce d'un milliard de francs pour la prime d'aménagement du territoire, suivie de sa division par deux quelques semaines plus tard ? Avez-vous oublié aussi l'annonce de 2 milliards de francs pour le FNADT en 1995, somme qui fut amputée de 35 % en quelques semaines ?
M. René-Pierre Signé. Ils ont la mémoire courte !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comment peut-on se contenter d'annoncer des milliards, sans voir jamais ce qui se passe vraiment sur le terrain ?
Ce fonds sera donc effectivement abondé en 1998.
Le fonds de gestion de l'espace rural, qui est géré par le ministère de l'agriculture, est doté de 140 milliards de francs pour 1998. M. Pépin a fait un certain nombre de suggestions qui me paraissent extrêmement intéressantes quant à l'utilisation de ce fonds. Il serait extrêmement judicieux de pouvoir financer, par un tel biais, les projets territoriaux, notamment les projets des pays.
S'agissant du fonds de péréquation du transport aérien, je n'ai pas entendu de critiques significatives. Ses moyens seront évidemment maintenus.
Avant de conclure, puisqu'on m'a demandé d'être brève, sur les projets en zone rurale et les grands travaux, je dirai quelques mots des pays.
Je pense avoir donné toutes les garanties sur ce point. Il ne s'agit pas d'ajouter un niveau supplémentaire à l'édifice institutionnel particulièrement complexe qui existe déjà en France. Il s'agit de valider les efforts consentis sur le terrain par des gens qui s'organisent, qui sont porteurs de projets de territoires et qui attendent de l'Etat non seulement qu'il n'entrave pas ces efforts mais qu'il les encourage.
Je souhaite tirer le meilleur parti des expériences qui ont été menées. Les pays qui existent fonctionnent très bien et près de deux cents projets de pays sont en préparation. Je souhaite pouvoir les encourager, notamment par des aides financières.
Selon nous, là où des élus locaux, des associations, différents partenaires, sur un territoire, font l'effort de s'organiser, l'Etat doit reconnaître ces efforts et faire en sorte qu'ils soient appuyés, de manière à leur donner la plus grande fécondité possible.
Il n'est donc pas question de remplacer le département ou le canton par le pays ; je tiens à rassurer ceux qui, ici, nourrissaient des inquiétudes à cet égard.
Pour ce qui est des agglomérations, la logique est à peu près la même. Comment mettre en place des plans de déplacements urbains, des plans régionaux de la qualité de l'air sans faire en sorte que les personnes vouées à faire ce travail ensemble ne se concertent ni ne s'organisent entre elles ?
Je ne pense pas que cela soit possible. Je serai donc extrêmement vigilante et encouragerai toute forme d'organisation en ce sens.
J'en arrive au plan relatif au monde rural et aux zones de revitalisation rurale. L'article 61 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire prévoyait qu'une nouvelle loi compléterait les mesures prévues, ce qui permettrait, après les dispositions prises en faveur de la ville, d'apporter une compensation aux territoires ruraux.
M. Louis Le Pensec et moi-même avons considéré que la plupart de ces mesures législatives qui, depuis, ont été débattues, trouveraient leur place, à la fois dans la loi d'orientation agricole et dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire révisée.
En effet, il ne s'agit pas pour nous de dissocier l'agriculture et le monde rural, en ignorant l'impact de l'agriculture sur le monde rural et en oubliant que l'une des activités principales du monde rural reste, quand même, qu'on le veuille ou non, l'agriculture.
Nous travaillons donc de façon très féconde. J'ai rappelé, tout à l'heure, les 88 millions de francs qui sont consacrés au Plan pour le monde rural. J'ajouterai que nous oeuvrons pour améliorer les dispositifs qui ont été mis en place, avec une volonté non pas de rupture, mais d'enrichissement des politiques conduites.
Rappelez-vous les diverses exonérations plus ou moins compensées par l'Etat qui ont été instaurées au titre des zones de revitalisation rurale : l'Etat a dépensé 4,3 millions de francs, en 1996, et 10,5 millions de francs, en 1997, pour compenser ces exonérations. Il s'agit de très faibles sommes au regard du 1,2 milliard de francs que Jean-Claude Gaudin avait cru pouvoir annoncer pour ce qui est de l'effort de l'Etat, en année pleine, sur cette même politique.
Madame Bardou, vous avez tout à fait raison : il est très difficile aujourd'hui de répondre aux critères qui ont été définis. Bien évidemment, un artisan ne créé pas cinq emplois d'un coup dans une zone en difficulté, même si son carnet de commandes se trouve quelque peu gonflé de façon provisoire. Il est donc nécessaire de revoir les dispositons qui concernent les zones de revitalisation rurale.
Par ailleurs, une politique de développement rural ne doit pas avoir pour seul objet de corriger les effets négatifs des politiques sectorielles. Il importe également qu'elle s'attache à coordonner et à adapter ces politiques sectorielles en fonction, non seulement des contraintes - on les connaît ! - mais aussi des atouts propres de ces territoires.
Je suis fatiguée d'entendre toujours présenter les zones rurales comme des zones en déshérence, en désespérance, sans dynamisme et sans projet !
M. René-Pierre Signé. C'est l'opinion des gens des villes !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. A nous de concrétiser ces projets de territoire ! L'aménagement du territoire, ce ne sont pas seulement des fonds que l'on distribue, des infrastructures que l'on crée ! Ce sont des idées, des projets, des dynamiques de développement local qu'il nous faut encourager.
En ce qui concerne les grands travaux, tout à l'heure, M. Gérard Larcher a été extrêmement brillant, mais, franchement, on n'en est plus à la « période de papa » ! (Rires.) Si M. Larcher père pouvait se faire élire en promettant des routes ou des châteaux d'eau, aujourd'hui, on sait bien qu'il ne suffit pas de réaliser une infrastructure de transport pour que le développement local accompagne cette infrastructure.
M. Hilaire Flandre. S'il n'y en a pas !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. On sait qu'une infrastructure ne tient pas lieu de stratégie d'aménagement du territoire et de développement local. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce qui compte, c'est non pas d'être traversé, mais d'être desservi !
M. Gérard Delfau. Ça, c'est vrai !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce qui compte, c'est non seulement de réaliser des infrastructures, mais également de les entretenir et de les utiliser de façon efficace, dans la complémentarité et la cohérence.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Alors, utilisons bien ce qui existe, valorisons ce que nous avons déjà réalisé, au lieu d'imaginer que toutes les zones en difficulté vont pouvoir améliorer leur sort si l'on construit un tronçon d'autoroute en plus !
Voilà quelques semaines, lors d'un colloque, le président du conseil régional de Bourgogne me disait : il faut désenclaver Dijon. Quelle bonne blague ! Pardonnez-moi, mais Dijon se trouve à une heure et demie de Paris par TGV ! Depuis quand faudrait-il encore désenclaver Dijon ?
M. René-Pierre Signé. Il vaut mieux désenclaver le Morvan !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. M. Hoeffel, qui est pourtant quelqu'un d'extrêmement subtil et qui connaît bien l'aménagement du territoire, craint de voir la « banane bleue » marginalisée, alors que c'est dans cette zone que la quasi-totalité des efforts sont concentrés depuis des années.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. On a toujours peur d'être un peu moins bien desservi que les autres, même quand, objectivement, tous les atouts d'un développement local tout à fait fécond sont réunis.
MM. Gérard Delfau et René-Pierre Signé. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce que je souhaite, c'est que l'on cesse de ne rien faire en attendant des autoroutes pour dans vingt-cinq ans, des canaux pour dans trente-cinq ans et des surgénérateurs pour dans cinquante ans. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Le pire c'est de les supprimer !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est que l'on regarde la réalité des choses !
M. Gérard Larcher a beaucoup insisté sur l'intérêt du canal Rhin-Main-Danube qui devait permettre de relier l'est et l'ouest de l'Europe. Il faut savoir que, cinq ans à peine après son ouverture, les chargeurs ont décidé de ne plus l'utiliser. Les conteneurs maritimes qui circulent sur le Danube empruntent la voie ferrée à l'embouchure du canal. En effet, plusieurs jours de transit sont nécessaires pour passer les écluses et acheminer les conteneurs, ce qui est incompatible avec la logique actuelle des flux tendus selon laquelle tous les stocks qui se trouvent sur les routes représentent une perte d'argent.
Il faut réaliser ce qui est véritablement utile et non pas ce qui nous rassure !
M. René-Pierre Signé. Il faut tout leur dire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En ce qui concerne les grands travaux et les infrastructures, M. Gérard Larcher a cité un certain nombre de chantiers qui étaient soit réexaminés, soit reportés, notamment en raison de l'absence de moyens des sociétés d'autoroute qui devaient les financer : celles-ci sont en effet frappées d'un endettement massif, comme l'était la SNCF voilà quelque temps suite à des investissements un peu démesurés, réalisés sur des périodes très courtes.
Je suis tout à fait disposée à travailler en étroite concertation avec vos commissions pour que nous redéfinissions ensemble les priorités de l'aménagement du territoire. C'est cela la noblesse du travail de l'élu ! Elle consiste non pas à faire des stocks de projets, mais à arbitrer, à hiérarchiser et à préciser les réalisations qui, à court, à moyen et à long terme seront nécessaires à un développement équilibré du territoire.
Je suis persuadée que vous êtes ouverts à cette réflexion et je ne doute pas que, pour en témoigner, vous tiendrez à modifier votre vote. (Sourires.) Il s'agit d'ailleurs d'une démarche qui devrait vous faire plaisir, car je vous ai sentis malheureux d'avoir à voter contre ce bon budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 3 508 325 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Gérard Delfau. Ce n'est pas possible !
M. Hilaire Flandre. Mais si !
M. le président. « Titre IV, 3 930 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 1 622 685 000 francs ;
« Crédits de paiement, 481 685 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.

II. - ENVIRONNEMENT

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, je rappelle avec insistance que la qualité d'un budget ne doit pas se mesurer au seul taux de progression de ses crédits et j'ai souvent regretté qu'un « impératif médiatique » fasse dépendre la crédibilité d'une politique de la hausse des moyens financiers qui lui sont affectés.
Le budget de l'environnement pour 1998 semblait, en première analyse, avoir échappé à cette règle, mais je relève que des ressources financières extérieures au budget viendront, en réalité, renforcer les moyens inscrits dans le « bleu ».
Dans le projet de loi de finances pour 1998, en effet, les crédits consacrés à l'environnement font apparaître une faible progression de 0,9 %. Cette augmentation est inférieure à celle de l'inflation prévisionnelle pour 1998. Il conviendrait de s'en féliciter si cette évolution ne s'accompagnait pas d'un recours accru à des ressources non budgétaires.
A cet égard, s'il faut vous donner acte, madame le ministre, d'avoir résisté à la tentation d'afficher une forte hausse des crédits de l'environnement, force est cependant de constater qu'il ne s'agit là que d'une vertu apparente.
En effet, la commission des finances a relevé, d'une part, un renforcement de la part des dépenses ordinaires au sein de l'enveloppe des crédits budgétaires puisqu'elles passent de 58,47 % à 60,38 % et, d'autre part, un recours accru à des débudgétisations, ce que nous avions déjà critiqué chez vos prédécesseurs.
Je vous épargnerai ici l'analyse détaillée des crédits inscrits à ce budget, pour lesquels je me permettrai de vous renvoyer aux informations consignées dans mon rapport écrit. J'insisterai donc sur l'essentiel.
Comme je l'ai indiqué, l'analyse des dépenses par titre traduit en effet une nette progression de la part des dépenses de fonctionnement et d'intervention aux dépens de l'investissement.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 1 138 millions de francs, augmentent en effet de 4,18 % tandis que, à l'inverse, les dépenses en capital, assumées, directement ou indirectement, par le ministère, reculent de 3,72 %. L'analyse par agrégat confirme très largement ce constat.
Sous cet angle, quatre tendances principales se dessinent : une progression des dépenses consacrées à l'administration générale et à la « connaissance de l'environnement et de la coopération internationale », une hausse des crédits de la protection de la nature et des paysages, une stabilité des crédits de lutte contre la pollution et une baisse des crédits de la politique de l'eau et de la recherche.
Le choix de renforcer les moyens des services se traduit logiquement dans la progression de 2,12 % des dépenses consacrées à l'administration générale, contre 0,22 % en 1997.
Cette évolution est due, pour l'essentiel, à la création nette de trente-quatre emplois. De ce fait, les dépenses de personnel au sein du budget de l'environnement progressent de 3 %.
La hausse de l'agrégat « connaissance de l'environnement et coopération internationale » provient, quant à elle, d'une très importante progression de 14 % des subventions aux associations. Il serait intéressant, à cet égard, que vous nous présentiez la liste des principaux bénéficiaires.
C'est pour ces deux motifs que la commission des finances a décidé d'adopter deux amendements tendant à réduire les crédits figurant aux titres III et IV.
J'en viens maintenant à la légitime progression des crédits de la protection de la nature et des paysages.
Avec une hausse de 6,26 %, les crédits de cet agrégat s'élèvent à plus de 535 millions de francs. Principal intervenant public dans ce domaine, le ministère de l'environnement y consacre 28,5 % de ses crédits de paiement contre 26,8 % en 1997. Ce poste recouvre, en outre, plus de 40,5 % des autorisations de programme.
Véritable priorité de ce budget, cet agrégat regroupe en particulier les crédits destinés aux parcs nationaux, aux réserves naturelles et aux parcs naturels régionaux.
S'agissant des crédits de la politique de l'eau, il faut noter les effets du fonds de concours alimenté par le budget des agences de l'eau. Institué par votre prédécesseur, ce fonds de concours permet « d'alléger » la charge du budget du ministère de près de 110 millions de francs.
Enfin, j'en viens aux crédits de lutte contre la pollution, qui semblent rester marqués, comme en 1997, par la mise en oeuvre de la loi sur l'air.
Le niveau de ces crédits est globalement maintenu. Je relève cependant que les 200 millions de francs, affectés par Mme Lepage au financement de la loi sur l'air, ne sont maintenus qu'au moyen d'une augmentation de 37 millions de francs de la taxe sur la pollution atmosphérique.
Dans cet ensemble, il convient de noter aussi la poursuite de la réduction de la subvention de fonctionnement versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, sachant que cette agence bénéficie de la croissance du produit prélevé sur les taxes dont elle assure la gestion. Nous reviendrons d'ailleurs sur cette question lors de la discussion des articles rattachés.
Cet ensemble de mesures est doublement contestable puisque, d'une part, il constitue un vecteur de la débudgétisation des crédits de l'environnement et que, d'autre part, il participe subrepticement à l'accroissement du niveau des prélèvements obligatoires en France.
Madame le ministre, je tiens à rappeler devant le Sénat que vous n'êtes pas à l'origine de ces pratiques, mais j'ajoute que ce n'est pas pour autant que la commission des finances renoncera à son devoir de critique.
Dénoncer une débudgétisation ne signifie pas, en effet, que l'on s'accroche à une vision passéiste de l'orthodoxie budgétaire. Au contraire, il s'agit de veiller au respect d'un principe essentiel qui garantit le caractère effectif du contrôle exercé par les représentants de la nation sur le budget de l'Etat.
Au-delà de cette critique, j'insisterai encore sur le fait que la multiplication des prélèvements parafiscaux participe à la hausse globale des prélèvements sur l'ensemble des Français.
J'en viens, enfin, aux collectivités locales, qui consacrent une part importante de leur budget à l'environnement. Ces dépenses sont évaluées à plus de 116 milliards de francs en 1996, dont 44 milliards de francs au titre de l'assainissement et de l'épuration des eaux, 29,8 milliards de francs au titre de la mobilisation de la ressource en eau et 26 milliards de francs au titre des déchets.
A cet égard, je tiens à préciser qu'étant donné la situation de leur budget les collectivités locales ne pourront pas toujours assumer l'accroissement des charges résultant de la multiplication des normes environnementales.
Sur ce point, madame le ministre, j'ai relevé avec intérêt l'une des analyses que vous avez faites à l'occasion de votre audition par la commission des finances le 6 novembre dernier.
Vous nous avez en effet confirmé le maintien de l'échéance de 2002 pour l'application intégrale de la loi sur les déchets, mais vous avez ajouté que vous étiez partisane d'une définition pragmatique de la notion de déchet ultime, qui, seul, aux termes de la loi, je le rappelle, pourra être admis en décharge. Or, vous avez indiqué que certains déchets étaient difficilement valorisables et qu'il ne fallait pas condamner systématiquement certaines mises en décharge sur des sites surveillés.
J'aimerais que, sur ce point, madame le ministre, vous puissiez confirmer votre analyse devant la Haute Assemblée.
Pour conclure, je souhaite vous éclairer sur la démarche du Sénat sur l'ensemble du projet de loi de finances.
La volonté de la Haute Assemblée est de montrer au pays qu'il existe une alternative à la croissance permanente de la dépense publique et, avec elle, des prélèvements obligatoires.
Cette croissance n'est pas une fatalité ; elle est, hélas ! le résultat de la facilité qui consiste à ne jamais s'interroger globalement sur la cohérence des structures et sur les moyens de les rationaliser.
Or, nous possédons un devoir de responsabilité envers les générations futures, car nous n'avons pas le droit de leur léguer les dettes générées par notre incapacité à réformer l'Etat et à réduire la dépense publique, celle-ci étant l'un des principaux facteurs de chômage en raison du manque de compétitivité des entreprises écrasées par les charges.
Madame le ministre, vous me direz, comme tout ministre, qu'il s'agisse des gouvernements passés ou de celui auquel vous appartenez, que le secteur dont vous avez la charge ne constitue qu'une parcelle de la dépense publique et qu'il correspond à une priorité. Soit, mais il n'en demeure pas moins que nous avons tous le devoir d'optimiser les moyens mis en oeuvre pour obtenir un maximum d'efficacité.
Il faut arrêter l'inflation du nombre d'interlocuteurs présents lors des réunions de travail, ce qui freine souvent leur efficacité, et mobiliser l'ensemble des représentants publics ou privés concernés par l'action en faveur de l'environnement. Ce secteur est transversal ; il doit conduire non pas à la démultiplication des administrations mais à leur responsabilisation.
Je ne saurais donc vous suivre dans une logique cumulative de création d'emplois publics, ce qui me conduira, au nom de la commission des finances, à proposer au Sénat d'adopter le budget de l'environnement, sous réserve des deux amendements de réduction de crédits que je présenterai tout l'heure. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Hugo, rapporteur pour avis.
M. Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. M. le rapporteur spécial ayant exposé en détail les mesures financières de ce budget, je me bornerai, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à rappeler qu'il s'élève à 1,885 milliard de francs et qu'il est au service d'une administration de mission qui joue un rôle important d'impulsion et de levier.
J'articulerai mon intervention autour de quatre observations relatives aux choix budgétaires que vous avez opérés.
Vous avez ainsi décidé d'accroître sensiblement les moyens de l'administration générale et d'augmenter fortement les subventions aux associations de défense de l'environnement.
Il s'agit, d'abord, de renforcer les moyens des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ainsi que des directions régionales de l'environnement par la création de vingt-huit emplois. C'était, sans doute, une mesure nécessaire, étant donné la faiblesse de ces directions régionales, mais, par ces temps d'austérité budgétaire, on aurait pu souhaiter que ce renforcement de moyens se fasse par redéploiement.
En ce qui concerne les associations, vous souhaitez appuyer la constitution d'instances fédératives et favoriser leur meilleure représentation dans les négociations internationales portant sur des questions d'environnement. Nul ne peut nier la faiblesse de notre représentation si on la compare à la puissance des organisations non gouvernementales anglo-saxonnes, mais la défense des intérêts français ne saurait être confiée aux seules associations. La commission des affaires économiques a également considéré qu'il convenait de renforcer la cellule internationale du ministère de l'environnement, en y affectant, notamment, l'un des six emplois prévus pour l'administration centrale dans votre projet de budget pour 1998.
Ma deuxième observation concerne la protection des espaces car je voudrais, madame la ministre, attirer votre attention sur les difficultés qui subsistent quant à la mise en oeuvre de la directive Natura 2000.
Les premières listes qui sont en cours ou doivent très prochainement être transmises à Bruxelles ne semblent pas, dans l'ensemble, susciter de contentieux puisqu'il s'agit d'espaces qui font, pour certains, déjà l'objet d'une protection en droit français. Mais pour les autres propositions, il faut impérativement engager une concertation approfondie, parallèlement à une réflexion prospective sur les contraintes de gestion éventuelles à appliquer dans ces territoires et sur leurs éventuelles contreparties financières.
Or, pour le moment, aucun texte ne définit le principe de perturbation, alors même que, en fonction de ce concept, sera ou non autorisé le maintien, voire le développement, d'activités économiques dans les futures zones Natura 2000.
Troisième observation : dans votre projet de budget pour 1998, les crédits consacrés à la politique de l'eau sont en baisse, mais ils seront complétés par les crédits du fonds de concours alimenté par les agences de l'eau pour un montant de 110 millions de francs par an. Après les « indiscrétions organisées » autour de deux rapports sur le fonctionnement des agences de l'eau, je voudrais, madame la ministre, réaffirmer l'attachement de la commission à un dispositif qui a fait ses preuves depuis trente ans, et vous rappeler que l'école française de l'eau sert désormais de modèle à l'étranger ; j'en veux pour preuve le projet de directive européenne instituant un cadre communautaire dans le domaine de l'eau qui s'inspire directement de notre organisation autour de bassins hydrographiques.
Un projet de réforme se doit de respecter cette unité de décision, de financement et d'utilisation des crédits, tout en améliorant le contrôle démocratique de ces instances autonomes.
Ma dernière observation concernera la mise en oeuvre de la loi du 31 décembre 1996 sur la qualité de l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Je regrette que l'Etat ne respecte pas les obligations qu'il tient de l'article 3 de cette loi, s'agissant de la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé et sur l'environnement.
Dans le projet de loi de finances pour 1998, les crédits destinés à l'équipement des réseaux sont divisés par deux par rapport à 1997, alors que les objectifs fixés par la loi n'ont pas été atteints. Sur les vingt-six agglomérations de plus de 100 000 habitants, dont quatre de plus de 250 000 habitants, qui doivent être équipées d'ici au 1er janvier 1998, seulement seize l'ont été.
Vous avez prévu une contrepartie financière à ce désengagement relatif de l'Etat en augmentant le taux de la taxe sur la pollution atmosphérique.
Sans remettre en cause le principe pollueur-payeur qui justifie la création de cette taxe, il ne paraît pas équitable de faire financer par les entreprises la mise en oeuvre d'une responsabilité qui incombe à l'Etat de par la loi. De plus, il convient de souligner que cet apport supplémentaire, évalué à 37 millions de francs - et cela a été dit par M. le rapporteur spécial - ne permettra pas de retrouver le niveau de crédits atteint en 1996 et en 1997.
Compte tenu de ces réserves qui, vous le constatez, madame la ministre, ne sont pas des condamnations sans appel, la commission des affaires économiques et du Plan a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption du projet de budget de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer la présence parmi nous de M. le président de la commission des affaires culturelles car son emploi du temps est très chargé.
Je ne reviendrai pas sur l'analyse détaillée des crédits du ministère de l'environnement, à laquelle ont excellemment procédé MM. Philippe Adnod et Bernard Hugo, au nom de la commission des finances et de la commission des affaires économiques, avec le talent et la compétence que chacun leur connaît.
Contraint à la brièveté, je me bornerai à un commentaire sur l'évolution générale des crédits du ministère de l'environnement, avant de vous présenter, madame la ministre, les réflexions que m'inspire la politique des paysages telle qu'elle se traduit dans le projet de loi de finances.
La progression modérée du budget du ministère de l'environnement pour 1998 ne permet guère d'apprécier l'évolution de l'effort de l'Etat en faveur de l'environnement.
En effet, ce budget ne représentera en 1998 que 16 % des crédits consacrés par l'ensemble des ministères à l'environnement qui, pour leur part, connaîtront une progression substantielle de 5 %. En outre, les établissements publics placés sous la tutelle du ministère disposent de ressources propres qui sont près de sept fois supérieures au montant de son budget et devraient continuer à augmenter en 1998.
Les modalités de financement de la politique de l'environnement ne facilitent pas, à l'évidence, l'exercice du contrôle parlementaire, notre collègue Adnot l'a parfaitement dit. Cette année, ces difficultés sont accentuées par le recours accru à des ressources non budgétaires. Ainsi, la poursuite de la mise en oeuvre de la loi sur l'air ne sera possible que grâce au relèvement de la taxe sur la pollution atmosphérique. Veillons à ce que, de taxe en taxe, on ne pénalise pas notre économie. Veillons aussi à éviter les dérives du principe pollueur-payeur car, de toute façon, leur coût est supporté par le consommateur.
Par ailleurs, je rappellerai que les collectivités locales assument 90 % de la dépense publique consacrée à l'environnement. A cet égard, je ne peux qu'appeler à la poursuite de la réflexion que vous avez ébauchée, madame la ministre, sur les orientations de la politique des déchets. L'effort à accomplir pour réduire le volume des déchets et développer leur recyclage ne doit pas reposer sur les seules collectivités locales ; il exige notamment que, au nom du principe de précaution, une attention particulière soit accordée à la conception des produits de consommation.
Ce devrait d'ailleurs être, me semble-t-il, un principe de pensée du développement durable que de toujours réfléchir en amont aux conséquences du lancement de nouveaux produits ou de nouvelles technologies et à la fin qui devra être la leur, avec les effets qu'ils entraîneront sur l'équilibre environnemental de notre planète.
On n'explique pas assez ce que tout le monde peut comprendre, et c'est particulièreent vrai s'agissant du principe de précaution.
J'en viens à la présentation des crédits relatifs à la protection de la nature et des paysages, à laquelle j'ai, cette année, consacré mon rapport écrit.
Les moyens consacrés à la protection de la nature et des paysages s'accroissent sensiblement. Ils s'élèvent, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, à 536 millions de francs, soit une progresssion de 6,25 % par rapport à 1997. Je salue cette évolution qui traduit la priorité accordée à ces actions au sein du budget de votre ministère.
Cette croissance des moyens s'accompagnera d'une augmentation notable du nombre des espaces protégés. Les parcs marins de Corse et de la mer d'Iroise ainsi que le parc de la forêt guyanaise s'ajouteront aux sept parcs nationaux existants. La politique des réserves naturelles sera poursuivie à un rythme accéléré : quatorze réserves représentant 723 020 hectares sont susceptibles d'être classées en 1998, contre seulement sept en 1997. Par ailleurs, la création de nouveaux parcs naturels régionaux est envisagée. Enfin, la mise en oeuvre de la directive Natura 2000 devrait se traduire par la constitution de nouvelles zones de protection de la nature. Nous le ferons dans les années à venir.
L'augmentation des moyens ne se traduira donc pas par une amélioration significative des conditions de gestion des espaces protégés, mais permettra de financer la mise en place de nouveaux espaces.
Or, me semble-t-il, l'exemplarité a un prix. La création de nouveaux espaces, si elle ne s'accompagne pas d'un engagement pérenne de l'Etat et se traduit par des redéploiements, risque de remettre en cause les conditions de gestion des espaces existants.
Il me semblerait plus opportun, à ce titre, que l'approfondissement des réalisations dans les espaces protégés soit préféré à une extension de leur nombre mal maîtrisée en termes budgétaires.
En guise de conclusion, je souhaiterais, madame la ministre, attirer votre attention sur la Fondation du patrimoine. Cette institution d'un genre inédit est susceptible d'associer les citoyens à la politique du paysage. C'est un thème qui, je crois, vous est cher. Plus d'un an après sa création, ses modalités de fonctionnement sont arrêtées et ses projets suscitent un incontestable intérêt.
Jusqu'à présent, aucune collaboration ne s'est nouée entre cette fondation et l'administration - cela va peut-être changer. Je pourrais même dire que j'ai ressenti une méfiance réciproque. Je ne peux que le regretter. Ce partenariat, qui ne doit pas remettre en cause l'indépendance de la fondation, me semble pourtant nécessaire pour qu'elle puisse user des prérogatives dont la loi l'a dotée et que ses actions investissent la totalité du champ d'application qui lui est dévolu, en particulier le patrimoine naturel, lequel semble, pour l'heure, négligé.
La collaboration avec les services du ministère de l'environnement et avec les établissements dont il a la tutelle - je pense, en particulier, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres - pourrait s'avérer décisive afin de remédier aux difficultés qu'elle éprouve pour définir ses possibilités d'intervention en ce domaine.
Madame la ministre, votre action ne se limite pas à la protection des espaces remarquables. Il vous incombe de réglementer pour l'ensemble du paysage français. A cet égard, je vous ferai part de mon inquiétude face à la multiplication des pylônes nécessaires aux réseaux de téléphonie mobile - je ne remets pas en cause les progrès qu'ils apportent ni la nécessité de mettre en place cette technique. Il importerait, avant qu'il ne soit trop tard, de tirer en ce domaine la leçon des difficultés rencontrées pour l'effacement des réseaux électriques et téléphoniques sur lequel j'attire votre attention. En effet, les deux services concernés ne marchant pas au même pas, il est nécessaire de les coordonner, ce qui semble insuffisamment fait.
Telles sont, compte tenu du temps qui m'est imparti et du cadre restreint de ce projet de budget, les quelques observations que je souhaitais formuler. Eu égard aux interrogations que soulève pour l'avenir le présent projet de budget, la commission des affaires culturelles a décidé, madame la ministre, de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes.
Groupe socialiste, 16 minutes.
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes.
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Madame le ministre, permettez-moi de ne pas revenir sur les problèmes budgétaires ni sur les chiffres, mais simplement d'aborder avec vous quatre ou cinq préoccupations importantes qui concernent directement notre société.
La première est, bien sûr, relative à la directive Natura 2000. Je l'ai déjà dit mais je n'hésite pas à l'affirmer de nouveau : il s'agit d'une excellente initiative. Certes, un certain nombre de maladresses successives en ont rendu difficile la mise en oeuvre. Il faut y mettre un terme.
Pour appliquer cette directive, il convient de remplir un certain nombre d'obligations que je classerai en deux catégories.
La première consiste à développer la concertation en ce qui concerne les documents d'objectifs et la définition du concept de perturbation - je n'insiste pas sur ce point car mon collègue Bernard Hugo l'a évoqué tout à l'heure en présentant son excellent rapport. Il s'agit, me semble-t-il, d'une obligation incontournable. Il est, à l'évidence, nécessaire de faire précéder le choix des sites d'un inventaire scientifique. En effet, ce sont les scientifiques qui sont les mieux placés pour l'établir. Cela étant, vous en conviendrez, lorsqu'un maire découvre que, sur le territoire de sa commune, une opération est en cours alors qu'il n'a pas été informé, c'est extrêmement gênant.
Permettez-moi de vous relater ce que m'a dit un maire du département de la Manche : « Quand je reçois une lettre m'indiquant qu'il va y avoir quelque chose, sans me dire ce qu'il y aura précisément, je crois d'abord que c'est mauvais pour la commune ! » (Sourires.)
Faites donc en sorte, madame le ministre, que les élus comprennent qu'une telle opération est peut-être de l'intérêt de leur commune et qu'ils soient prévenus des différentes procédures en cours.
C'est au niveau du manque de concertation que se situe, à mon avis, le principal obstacle. Est-ce à tort ou à raison ?
C'est à tort quand la concertation a entraîné un certain nombre de discours démagogiques sur le thème, mais c'est à raison quand l'inévitable concertation préalable avec les collectivités locales n'a pas eu lieu.
Le second ensemble d'obligations à remplir tient à la nécessité de donner une valeur juridique à l'interprétation française de la directive.
Madame le ministre, vous avez à votre disposition la réponse de Mme Bjoergaard au mémorandum interprétatif français, réponse dans laquelle figurent tous les éléments nécessaires pour rédiger un décret qui permette à la France de traiter, dans le cadre de la subsidiarité, un certain nombre de difficultés pouvant se poser.
Je ne reviendrai pas sur le contenu qui pourrait être celui de ce texte, vous renvoyant simplement au rapport que j'ai eu l'honneur de présenter, au nom de la commission des affaires économiques, sur le thème de Natura 2000, rapport dont la qualité ne tient qu'à la qualité des collaborateurs de la commission ayant travaillé avec moi.
Il y a six éléments principaux incontournables.
Le premier est le principe d'exemplarité : il s'agit non pas de faire une liste de tous les sites retenus, mais de ne retenir que ceux qui ont valeur d'exemple au niveau européen.
Le deuxième élément est le principe de la validation des sites choisis.
Le troisième élément est la valeur juridique des zones spéciales de conservation, les ZSC.
Le quatrième élément est la nature juridique des documents d'objectif ; à cet égard, madame le ministre, vous avez l'obligation, tout comme votre prédécesseur - d'ailleurs, je le lui avais dit ! - de définir la place des documents d'objectif dans la hiérarchie des textes juridiques. Il existe au total dix-sept procédures de classement et de conservation. Il faut donc donner sa place à cette mesure juridique.
Le cinquième élément incontournable tient au choix des modalités de mise en oeuvre ; ce doit être la contractualisation. En effet, selon un principe général, mieux vaut le contrat que la contrainte, mieux vaux l'explication préalable que l'obligation a posteriori.
J'en viens au sixième élément - c'est une obligation à laquelle personne n'a encore répondu - qui est l'engagement sur les mesures financières de compensation. Pour la première fois nous est proposée l'application d'une directive européenne sans qu'une articulation financière entre l'Europe et le pays membre soit prévue. C'est la première fois que l'Europe déclare qu'elle fera ce qu'elle pourra en fonction de ce qu'aura fait l'Etat membre. Voilà qui, à mon avis, devient dangereux. Si cette procédure devait être généralisée, il y aurait alors à craindre pour la suite des événements.
Madame le ministre, retenez, si vous le pouvez - mais je crois que vous ne pouvez pas faire l'économie de cela - les deux recommandations que je viens de vous faire.
J'ajouterai à cela une suggestion : utiliser les zones gérées par le Conservatoire du littoral et les parcs naturels régionaux.
Les zones littorales gérées par le Conservatoire du littoral sont d'ailleurs le premier jet de sites que, avec raison, vous avez envoyés au niveau européen.
Quant aux parcs naturels régionaux, un certain nombre de dispositions existent à cet égard. Vous savez ce que sont les parcs naturels régionaux, puisque je vous ai rencontrée à leur trentième anniversaire. Un double sacrement républicain leur est donné : d'une part, les délibérations des collectivités locales qui adhèrent et, d'autre part, le décret ministériel, qui crée ou qui renouvelle la charte du parc.
Les parcs naturels régionaux sont des lieux de concertation, et les éléments contenus dans les chartes de ces parcs peuvent servir de base à l'établissement des documents d'objectif.
Cela étant - c'est une petite observation annexe - ne donnez pas aux parcs naturels régionaux les responsabilités régaliennes de l'Etat ! Ne demandez pas aux parcs de gérer le domaine public maritime, le domaine public fluvial, voire d'intervenir au lieu et place de l'Etat en matière de régulation cynégétique. Conseillez au Conseil national de protection de la nature de ne pas aller au-delà de ce qui peut être fait raisonnablement par les parcs. Les parcs sont des lieux de concertation et de convergences et non pas des lieux où les préfets doivent laisser leur place et abandonner leur casquette !
Ma deuxième préoccupation a trait au dumping écologique. Il est une crainte majeure dans notre société européenne quant à la dérive pouvant exister en matière de pratique industrielle d'ordre écologique.
J'ai eu l'honneur de présenter devant le Conseil de l'Europe un rapport sur les mesures d'éco-audit et de management des entreprises. Or je m'aperçois aujourd'hui que deux écueils doivent être évités, et j'aimerais donc connaître la position du Gouvernement à cet égard.
Tout d'abord, il faut éviter les transferts de technologies qui ne respectent pas les normes environnementales. On voit aujourd'hui se multiplier soit des délocalisations d'entreprises pures et simples, soit, pis encore, car c'est beaucoup plus pernicieux et pervers, la vente par des entreprises d'outils de production non respectueux de l'environnement à des pays non soumis à ces normes d'environnement, qui fabriquent des produits revenant ensuite sur notre marché percuter nos propres produits, lesquels ont été réalisés, eux, en respectant les normes environnementales.
Dès lors, je vous suggère une solution : puisque tout le monde s'accorde à dire que la « traçabilité » des produits, la sécurité alimentaire sont maintenant passées dans l'opinion publique - je crois d'ailleurs que vouloir revenir en arrière à cet égard serait une erreur - pourquoi ne pas prévoir également une sorte de traçabilité environnementale ou écologique qui permettrait d'identifier le produit fabriqué dans le respect des normes environnementales, qui donnerait une explication au consommateur et qui ferait savoir, en publicité positive ou en publicité comparative, la valeur ou la nature des produits consommés ? Cela nous éviterait peut-être, de temps en temps, de nous laisser aller à acheter un produit un peu moins cher alors même que ce dernier a contribué à polluer notre environnement !
Ma troisième préoccupation est liée à l'effet de serre. Madame le ministre, vous revenez de la conférence de Kyoto. La France est l'un des meilleurs élèves de la classe, les Etats-Unis étant sans doute le plus mauvais élève des pays industrialisés. Que compte faire le Gouvernement pour sanctionner cette attitude américaine irresponsable ? Ce point n'est d'ailleurs pas complètement éloigné de la traçabilité des produits, qui était ma préoccupation précédente.
Qu'on le veuille ou non, que cela plaise ou non, que l'on soit sensible ou non aux questions environnementales, l'effet de serre est une vraie question de société, et ce sera probablement l'un des problèmes dominants du xxie siècle.
Ma quatrième préoccupation concerne le développement durable. Nous nous rejoignons sur le fond, mais pas vraiment sur la forme. Je voudrais néanmoins savoir où en est la cellule de réflexion mise en place à ce sujet, de manière que l'on cesse de donner autant de définitions du développement durable qu'il y a de gens pour en parler, que l'on dispose enfin de quelque chose qui soit admis, compris, et qui puisse être repris chaque fois que l'on aura à intervenir à cet égard.
Le développement durable est lui aussi l'un des éléments à propos desquels on ne pourra pas éviter le débat au xxie siècle, et même en cette fin de siècle. En effet, il est, par essence, de nature à remettre l'homme au centre de nos préoccupations. C'est à mon avis tous courants confondus que l'on peut se livrer à cette réflexion.
J'aborderai, pour terminer, le problème de l'eau. Vous vous apprêtez, semble-t-il, à modifier ou à corriger l'équilibre savamment mis en place à propos des agences de l'eau.
Veillez, madame le ministre, à ce que le remède ne soit pas pis que le mal, veillez à ce que les équilibres établis ne soient pas remis fondamentalement en cause. Nous avons en effet la chance de disposer d'agences de l'eau efficaces, qui ont permis à la France de bénéficier de réalisations exemplaires. Le monde entier nous envie ce système. Je comprends certes qu'ici ou là il y ait besoin, au fur et à mesure de l'évolution des choses, de procéder à un rééquilibrage, à une réorganisation. Mais ne vous laissez pas aller à la tentation qui consisterait, pour des raisons que je n'ose pas qualifier ici, à modifier ces équilibres au détriment du bon sens et de la sagesse !
Permettez-moi enfin de vous livrer cette observation quasi vétérinaire : il faut, comme pour un animal qui est malade, respecter les rythmes et les pulsations de notre société : elle est, elle aussi, plurielle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en examinant ce budget, je me suis mis dans la situation de celui qui aurait eu à examiner le budget d'un gouvernement appartenant à sa propre famille politique,...
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
M. Philippe Richert. ... et je me suis demandé en même temps ce que diraient Mme le ministre ou ses amis s'ils avaient à juger le projet de budget que nous examinons aujourd'hui : 1 885 millions de francs, en progression de 0,9 %, en retrait pour la part qu'il représente dans le budget de l'Etat par rapport à ce qu'il était jusqu'alors.
Jusqu'à présent, on nous expliquait que les moyens consacrés à l'environnement étaient insuffisants et que nous n'étions pas sensibles à ces problèmes majeurs de cette fin de siècle, problèmes qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens.
A la lecture de ce projet de budget, je me demande bien ce que dirait Mme le ministre. Sans doute que les moyens sont insuffisants, rachitiques, ridicules...
Mme Danièle Pourtaud. Dites-le aux rapporteurs !
M. Philippe Richert. C'est ce que j'ai pu entendre l'an dernier dans la bouche de ceux qui, aujourd'hui, nous présentent un budget dans lequel je retrouve, en gros, les mêmes structures, des moyens très voisins,...
M. René-Pierre Signé. Il est en augmentation ! C'est vous qui le réduisez !
M. le président. Mon cher collègue, laissez s'exprimer M. Richert !
M. René-Pierre Signé. Oui, mais pas pour dire n'importe quoi !
M. Philippe Richert. Cher collègue, permettez-moi de m'exprimer, vous aurez ensuite l'occasion de donner votre avis sur ce sujet.
Je pense que, l'an dernier, nous avons entendu des propos allant exactement dans ce sens.
Pour ma part, je ne vais pas continuer dans cette direction. En effet, l'an dernier, nous avons examiné le projet de budget de façon critique en relevant les éléments positifs et en critiquant les dispositions qui nous semblaient négatives. Je vais donc, en ce qui me concerne, contrairement à ce qui avait été fait par d'autres, relever ce qui me paraît positif et critiquer ce qui me paraît négatif.
Je commencerai par les éléments qui me semblent véritablement positifs.
Tout d'abord, les crédits aux associations augmentent de façon conséquente, connaissant une progression de 14 %. Il est vrai que ces crédits permettent de mobiliser des énergies servant à l'ensemble de la collectivité. Les associations, notamment celles qui ne disposent pas de moyens humains et structurels importants, doivent compter sur une petite aide pour fonctionner dans de bonnes conditions. Je suis sûr, madame le ministre, que la mise en place de ces moyens supplémentaires entraînera une démultiplication importante des résultats. J'approuve donc ces crédits, tout en souhaitant qu'ils soient affectés en priorité aux petites associations et non pas à celles qui ont un budget déjà relativement fort et structuré.
Le deuxième secteur qui bénéficie aujourd'hui d'un soutien accru est la protection des espaces sensibles. S'il est important de parler d'environnement en termes de santé, de qualité de vie, nous ne devons cependant pas oublier que l'environnement concerne aussi les milieux précieux, sensibles, qu'il est de notre intérêt de protéger, et l'écologie.
Vous accordez des moyens complémentaires pour la création de trois parcs nationaux, de réserves naturelles, de parcs naturels régionaux. Ce sont là de bons instruments que vous mettez en place.
Je formulerai maintenant une petite critique ou tout au moins un souhait, à savoir que nous regardions ce qu'il est possible de faire pour aider les milieux moins prestigieux, à savoir ceux qui ne sont pas considérés comme monuments naturels. Je voudrais revenir en particulier, une nouvelle fois, sur le rôle et sur la place des conservatoires régionaux. Il s'agit en effet d'un domaine en faveur duquel nous n'avons pas suffisamment agi. Je souhaiterais donc qu'il soit possible de leur venir en aide pour leur action d'entretien et de protection d'espaces, qui, bien que peut-être moins prestigieux que d'autres, sont néanmoins sensibles.
Se pose la question, qui a déjà été soulevée par M. le rapporteur tout à l'heure, de l'utilisation des fonds de la Fondation du patrimoine. Nous avions, à l'époque de l'examen du projet de loi, insisté sur le fait que le patrimoine naturel environnemental devait pouvoir en bénéficier également. Voyez comment vous pourrez, demain, les utiliser.
Le troisième volet positif concerne la création de 34 postes. Certes, ce n'est pas énorme. Néanmoins, l'affectation de 18 postes aux directions régionales de l'environnement, les DIREN, est déjà un élément substantiel dont il faut se féliciter.
Je suis en revanche plus réservé quant aux 10 postes attribués aux directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE. C'est en effet la première fois que je vois le budget de l'environnement financer de tels postes !
Nous avons déjà beaucoup de mal à dégager des moyens pour le budget de l'environnement. L'année dernière, votre prédécesseur avait d'ailleurs réussi à attirer 200 millions de francs, en provenance d'autres ministères, vers le ministère de l'environnement. Je regrette donc que, parmi les 34 postes créés, 10 postes soient accordés aux DRIRE. Si ces postes sont nécessaires à ces dernières, ce que je peux concevoir, ils doivent alors, bien évidemment, être financés par le budget de l'industrie et non par le budget de l'environnement !
J'en viens maintenant à trois dossiers qui me préoccupent, du fait de l'orientation nouvelle que vous leur donnez ou du fait de l'orientation ancienne que vous confortez.
Le premier dossier, c'est, vous vous en doutez, la mise en oeuvre de la loi sur l'air. Vous avez en effet décidé de réduire la participation du ministère, qui passe de 200 millions de francs à 170 millions de francs. Tout ceux qui, au moment du vote de ce texte, étaient intervenus pour demander que soit inscrite dans la loi la pérennisation des 200 millions de francs avaient bien senti que, assez rapidement, on risquait d'opérer des ponctions sur ces 200 millions de francs. Le rapporteur de la commission des finances nous avait expliqué alors qu'une telle pérennisation n'était pas possible, et nous en avions longtemps débattu.
Aujourd'hui, je constate que nous avons déjà 30 millions de francs de moins. Certes, vous nous expliquez qu'ils seront compensés par l'augmentation de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique acquittée, notamment, par les industriels. Cette taxe existe déjà ; son taux est régulièrement relevé, tout comme, d'ailleurs, on augmente régulièrement le nombre des polluants taxés.
Mais peut-on fonder une politique sur des taxes toujours plus élevées, sur des polluants toujours plus nombreux, sur des entreprises toujours plus nombreuses à être assujetties ? Non ! Je crois qu'il faut, à un moment donné, une base solide. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé ces 200 millions de francs, qui devaient nous servir de base pour fonder notre politique.
La politique de maîtrise de la pollution atmosphérique bénéficiait déjà de cette taxe parafiscale. Aujourd'hui, on rogne 30 millions de francs sur la participation du ministère, réduction que l'on compense par 30 millions de francs en ponction sur le produit de la taxe parafiscale. Je regrette un tel transfert, car il fragilise un peu plus le financement de la mise en oeuvre de la loi sur l'air, qu'il rend aléatoire.
J'ai examiné avec attention les décrets d'application. Nous avions demandé à l'époque, et je sais que c'est aussi votre préoccupation, madame le ministre, que tous les intervenants - les collectivités locales, l'Etat, les associations et les industriels - soient présents et aient un rôle équilibré. Or je constate, dans la pratique, que l'Etat joue un rôle de plus en plus prédominant. Il faudrait veiller, madame le ministre, à ce que cesse cette dérive et que nous retrouvions l'équilibre dont nous avions initialement besoin.
En ce qui concerne les retards constatés dans la mise en oeuvre de cette loi, ils sont tout à fait normaux. Ici même, à l'époque, nous avions déjà prévenu Mme Lepage qu'il y aurait de tels retards. Il était illusoire d'espérer mettre en place l'ensemble de ce réseau de mesures en l'espace d'un ou deux ans. Nous avons aujourd'hui la traduction concrète des craintes que nous avions exprimées alors.
S'agissant maintenant des mesures de réduction de la circulation, madame le ministre, certains vous invitent à les mettre en oeuvre dès le niveau II de pollution. Ne les écoutez pas, sinon, demain, vous serez obligée d'instaurer la circulation alternée en rase campagne ! (Sourires.)
Aujourd'hui, vous le savez, on ne mesure le niveau II que pour les grandes agglomérations. Si on s'amuse à le mesurer sur l'ensemble du territoire, il apparaîtra qu'en été, en particulier, les dépassements du niveau II ne sont pas, loin de là, le fait des seules agglomérations. Or il serait illusoire d'imposer la circulation alternée à l'ensemble de notre pays. Soyez donc très attentive aux propositions qui vous sont faites dans ce domaine.
Pour terminer, je voudrais évoquer la gestion de l'eau et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
En ce qui concerne l'eau, vous proposez, là aussi, de ramener la contribution du ministère de 263 millions de francs à 230 millions de francs. Vous suggérez que le complément soit payé au niveau des agences de l'eau par reversement à un fonds de concours à hauteur de 110 millions de francs. Nous savons que les collectivités locales consacrent à cette action 74 milliards de francs par an, ce qui est beaucoup. Il ne faudrait pas que cette ponction supplémentaire subie par les agences se traduise par une réduction des programmes de dépollution et d'adduction d'eau. Ce serait vraiment grave, car l'eau est l'une des difficultés majeures de cette fin de siècle.
J'en arrive à l'ADEME. Là aussi, vous opérez une ponction supplémentaire que vous compensez par un relèvement du pourcentage prélevé sur le produit de la taxe sur les déchets. Bien sûr, l'ADEME aura de nouveaux moyens, mais ces crédits ainsi amputés, ce sont autant de fonds qu'elle ne pourra pas mobiliser pour être opérationnelle. Cela se traduit, évidemment, par une diminution de l'efficacité de ses actions. Je trouve cela dommage. Si cela se produit une année, soit ! Mais, si cela se répète d'année en année, cela devient dangereux.
Telles sont, très rapidement évoquées, madame le ministre, quelques-unes des remarques que je souhaitais formuler à propos du budget que vous nous avez présenté.
Il s'agit, cela a été dit, d'un budget d'incitation. Votre ministère doit en effet exister bien au-delà de son propre budget. Nous savons que d'autres participent de façon substantielle à la mise en oeuvre des actions environnementales : 11 milliards de francs pour les autres départements ministériels ; près de 15 milliards de francs pour les établissements publics sous tutelle ; plus de 100 milliards de francs pour les collectivités locales. Le ministère est entre de bonnes mains, mais il faut continuer l'action de partenariat qui est engagée. (Mme le ministre fait un signe d'approbation.) Il faudra aussi que, à l'avenir, nous fassions en sorte de ne pas prélever sur d'autres organismes et sur d'autres collectivités les moyens que, le cas échéant, nous n'arriverons pas à dégager au niveau du ministère de l'environnement.
Sous réserve des observations déjà formulées par le rapporteur spécial de la commission des finances, le groupe de l'Union centriste votera ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. Ah, c'est bien !
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le ministre, mon intervention sera d'une autre tonalité, car je veux vous « remonter le moral ». (Sourires.) Je parlerai également au nom de mon collègue Claude Haut, qui n'a pu assister à notre débat aujourd'hui.
Permettez-moi d'exprimer ma satisfaction d'intervenir sur le budget de l'environnement qui, par son caractère nécessairement transversal, joue un rôle éminemment politique.
Vous dirigez une administration de mission qui a pour fonction essentielle de convaincre, d'impulser et, éventuellement, de contraindre. Ce budget n'est qu'incitatif ; j'en veux pour illustration que 90 % des dépenses publiques relatives à la protection de l'environnement et à la gestion des ressources naturelles sont assumés, non pas par votre ministère, mais par les collectivités locales.
L'appréciation que nous devons porter sur ce budget ne peut, en tenant compte des éléments précédents, se limiter à des notions purement comptables et financières. C'est votre volonté politique de faire progresser la cause environnementale dans notre société qui doit être appréciée, et que nous apprécions, madame le ministre. Et ce n'est pas, comme le dit M. Adnot, seulement vertu apparente !
Ce budget est en rupture avec celui que nous avait présenté votre prédécesseur pour l'année en cours. En effet, pour l'exercice 1998, vous soumettez à notre approbation un budget en hausse, sans artifice de présentation, ce qui, dans une période de restriction budgétaire, doit être salué.
L'augmentation qualitative de votre budget, madame le ministre, n'est donc pas un vain mot avec, notamment, des crédits en faveur de la protection de la nature en augmentation de plus de 6,6 %. Saluons particulièrement votre proposition d'une mesure nouvelle de 1,6 million de francs en faveur des parcs naturels régionaux, les PNR. Ces crédits permettront de faire face, pour la création imminente de nouveaux parcs dans l'Avesnois et le Perche, à la dotation prévue de 700 000 francs par établissement. Cependant, une inquiétude demeure quant aux retards de financement des PNR accumulés par les précédents gouvernements et dont votre budget pour 1998 ne semble pas prévoir la résorption.
Pourtant, depuis trois décennies, l'Etat encourage, à travers les parcs naturels régionaux, des démarches qui se veulent exemplaires, en prise directe avec leur temps ainsi qu'avec l'espace naturel et humain qu'elles délimitent. J'en veux pour preuve actuelle le rôle que ces parcs peuvent jouer en termes d'emploi. L'environnement offre, depuis plusieurs années, un taux de création d'emplois supérieur à celui du reste de l'économie. Par ailleurs, la réflexion sur les possibilités nouvelles d'emplois-jeunes a permis d'estimer le gisement d'emplois en relation avec l'environnement à 6 000 postes, avec de bonnes chances de créer des activités solides et pérennes. Une partie de ces postes seront indirectement ou directement liés à l'existence des parcs, dont je rappelle qu'ils couvrent, ensemble, le dixième de la surface de notre territoire.
Une étude parue l'an dernier montrait déjà que les vingt-sept parcs existant en 1994 avaient entraîné la création ou le maintien de plusieurs milliers d'emplois, et, parmi ceux-ci, de neuf cents emplois directs.
Mais, pour revenir plus précisément à votre budget, trois priorités se dégagent nettement pour 1998 : premièrement, l'amélioration de la protection de la nature et le développement des parcs nationaux et régionaux ; deuxièmement, le renforcement des moyens de fonctionnement des services, afin de conforter les services déconcentrés situés en région, avec la création de trente-quatre emplois - l'élu de province que je suis ne peut que s'en réjouir ; troisièment, la réduction des risques naturels et industriels.
La politique de prévention en matière de risques naturels ne peut laisser personne indifférent. Le programme décennal de prévention des risques naturels initié en 1994 a notamment pour objectif de doter notre pays d'outils de prévention, afin de limiter les conséquences d'événements dramatiques. L'urgence et la nécessité de doter les zones à risque d'outils de prévention ne peuvent en aucun cas légitimer la précipitation à laquelle a donné lieu la réalisation d'études sur l'inondabilité de certains sites.
Dans ce domaine, on pourrait souhaiter - c'est une suggestion de Claude Haut, maire de Vaison-la-Romaine, qui donc sait de quoi il parle - que le fonds de prévention des risques naturels puisse intervenir pour tous les travaux de prévention sans être seulement affecté à des opérations d'expropriation d'habitation.
En matière de protection de nos populations contre les risques, nous nous devons d'aller vite ; la masse de financement disponible pourrait permettre d'accélérer fortement la réalisation d'indispensables travaux de prévention.
L'environnement est devenu une préoccupation, madame le ministre, et je voudrais aborder succintement, faute de temps, deux sujets : d'une part, Natura 2000, et, d'autre part, les agences de l'eau.
La directive « Habitat » de 1992, qui vise à constituer un réseau européen de protection des habitats naturels caractéristiques ou vulnérables, a souffert, dans sa mise en oeuvre, d'un lourd déficit de communication, ce qui a conduit à de nombreuses situations de blocage. Vous avez relancé une procédure axée sur la concertation. Cette nouvelle phase se développe localement avec plus de bonheur que la précédente. Pourtant, des zones d'ombre subsistent, notamment sur les modalités de gestion des sites. Il faut offrir aux élus locaux, aux acteurs économiques, ainsi qu'au réseau associatif une meilleure lisibilité dans le cadre de la mise en oeuvre de ce programme européen.
Deux questions méritent d'être posées : que recouvre exactement le programme LIFE ? L'ensemble des mesures de gestion qui auront été soumises localement à la concertation et qui auront été contractuellement décidées pourront-elles être ultérieurement amendées par une autre autorité ?
Cet indispensable processus de discussion est désormais bien engagé, mais des questions subsistent à l'échelon local.
En outre, deux rapports ont mis en lumière certains dysfonctionnements relatifs aux modalités de gestion des agences de l'eau et ouvertement critiqué leur manque d'efficacité, ce qui nous conduit à nous interroger sur la pertinence du système français des agences de l'eau, qui a pourtant fait ses preuves depuis plus de trente ans.
Mais la réforme est souhaitable et vous en avez déjà tracé la voie, avec, notamment, la création d'une Haute autorité de l'eau et une meilleure application du principe pollueur-payeur.
Quelques mots enfin, madame le ministre, d'un sujet qui m'est cher : je veux parler des excès de l'enrésinement, problèmes qui affecte, notamment, le Morvan, dont je suis l'élu. Je ne conteste pas la démarche économique qui, dans ces régions sévères, amène les exploitants à favoriser les essences dont le rendement est le plus rapide. Sur le plan de la rentabilité immédiate, de bonnes raisons prévalent sûrement. Cependant, le remplacement général des chênaies et des hêtraies multiséculaires par des forêts d'épineux ne heurte pas que l'esthétique des paysages ou la conscience de leur patrimoine véhiculée par les anciens.
L'enrésinement massif est un projet économique à courte vue. Il diminue l'attrait touristique de nos régions. Il perturbe aussi l'hydrologie en tarissant les sources, appauvrit les sols en les acidifiant, rend moins sûres les routes en conditions hivernales, ces routes conservant plus volontiers leurs plaques de verglas.
Et puis, on peut s'interroger sur l'attitude des sociétés qui maltraitent des zones forestières où leurs actionnaires ne mettent jamais les pieds. On est loin de la notion de « développement durable », c'est-à-dire du développement solidaire de l'économie et de l'environnement au service des générations présentes et futures. C'est pourtant ce choix qu'il faudrait faire, celui de la responsabilité sociale et d'une citoyenneté active. C'est le seul qui vaille en matière d'environnement, et c'est parce que, madame le ministre, nous savons que vous faites ce même choix, que nous voterions votre budget, s'il ne devait, comme on peut le craindre, se voir mutilé par le vote, dans cette assemblée, de deux amendements lourds de conséquences. Si cela devait être le cas, le groupe socialiste ne voterait évidemment pas un budget de l'environnement ainsi dénaturé ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Votre budget, madame le ministre, est un budget sans ambition ni priorité. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne reflète pas votre agitation médiatique ! (Protestations sur les travées socialistes.)
Votre détermination varierait-elle en fonction des pics de pollution ? Dans ce cas, on pourrait presque regretter qu'un de ces pics n'ait pas eu lieu au moment des arbitrages budgétaires.
Mme Danièle Pourtaud. Oh là là !
M. René-Pierre Signé. Ce qui est excessif est insignifiant !
M. Raymond Soucaret. Il vous eût sans doute donné le coup de chlorophylle nécessaire pour être à la pointe du combat, et obtenir un budget à la hauteur des enjeux.
M. Hubert Falco. Très bien !
M. Raymond Soucaret. Un budget est un instrument au service d'une politique. Il importe donc de développer une vision d'ensemble, une stratégie globale, de façon à intégrer les considérations de court terme dans les objectifs de long terme.
Il est plus facile de dénoncer lorsque l'on est dans l'opposition que lorsque l'on occupe un poste de responsabilité.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Raymond Soucaret. Vous nous annoncez un budget en hausse de 0,9 % ; je voudrais m'en réjouir, mais force est de constater qu'il ne met pas en oeuvre cette politique écologique novatrice à laquelle on aurait pu s'attendre en voyant entrer au Gouvernement la composante verte, que je ne voudrais pas voir devenir un jour polluante !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Oh !
M. René-Pierre Signé. Il y va fort !
M. Raymond Soucaret. Je remarque que la seule hausse de votre budget est destinée au soutien des associations. Renouer le dialogue avec les associations, les impliquer davantage dans le processus des décisions nationales et internationales, les utiliser comme relais auprès des usagers pour éviter les rejets ou les incompréhensions à l'origine de contentieux nombreux, faire vivre un certain nombre de contre-pouvoirs, tout cela me paraît, certes, relever de la démocratie.
Je suis particulièrement attaché à la vitalité de la vie associative, qui est souvent une source de propositions novatrices, et je suis conscient de la faiblesse, aujourd'hui, des associations environnementales.
Mais, madame le ministre, de quelles associations s'agit-il ? Quels sont les critères au titre desquels seront financées ces associations ? Et, enfin, quel est le contrôle possible de l'utilisation des crédits concernés ?
Vous leur donnez un chèque en blanc, c'est-à-dire sans aucun contrat d'objectifs ; ce n'est pas sérieux, surtout dans le climat de suspicion dans lequel nous avons vécu avec la vague des affaires !
A côté de cette hausse, les crédits destinés à l'application de la loi sur l'eau sont en baisse de 30 % ; ceux de la loi sur l'air le sont de 15 %.
Madame le ministre, je le répète : la politique de l'environnement n'est pas un gadget qui s'agite seulement le temps des heures de pointe au sein du microscosme parisien !
Au-delà de ce budget, je souhaiterais évoquer quelques points.
Le premier point, qui est l'un des principaux défis de notre fin de siècle, a trait au traitement des déchets ménagers.
La loi de 1992 prévoyait que, dans un délai de dix ans, soit en 2002, on ne devait plus pouvoir mettre en décharge d'autres déchets que des déchets ultimes. La stratégie de traitement est précise : d'abord, réduction à la source du volume des déchets ; ensuite, collecte sélective et tri ; enfin, valorisation des matières avec récupération.
Force est de constater, aujourd'hui, à mi-chemin de ce délai, que tous les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers n'ont pas été adoptés ou ont été, parfois, remis en cause par votre ministère. Ils sont fréquemment inspirés par une logique urbaine qui conduit à privilégier l'incinération par rapport au tri et à l'enfouissement ; ils restent très timorés, selon un rapport de votre prédécesseur, en matière de recyclage et, plus encore, pour le compostage des déchets.
Le « tout incinération » coûte cher aux collectivités locales et décourage celles qui se sont engagées dans le tri sélectif et la revalorisation des déchets.
Les collectivités locales consacrent une part importante de leur budget à l'environnement. Ces dépenses sont évaluées à 116 milliards de francs en 1996, dont 26 milliards de francs au titre des déchets.
Les collectivités locales ne pourront pas assumer l'accroissement des charges résultant de la multiplication des normes environnementales...
M. Hubert Falco. Tout à fait !
M. Raymond Soucaret. ... et continuer à supporter un taux de TVA injustifié et contreproductif sur le ramassage et le traitement des déchets. A plusieurs reprises, le Gouvernement a refusé les amendements présentés par nombre de mes collègues au sujet de l'application d'un taux réduit de TVA.
C'est pourquoi je souhaiterais que vous vous prononciez sur les priorités que vous entendez donner aux différentes solutions retenues pour le traitement et l'élimination ainsi que sur une définition pragmatique de la notion de déchet ultime, seul susceptible d'être admis en décharge.
J'aborderai à présent le rôle des agriculteurs dans la préservation de l'environnement.
Comme je l'ai déjà dit récemment dans cette assemblée, lors du débat qui a suivi la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture, il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre l'activité agricole et la préservation de l'environnement, bien au contraire. A un moment où vous vous attaquez violemment aux agriculteurs,...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Raymond Soucaret. ... je suis heureux de pouvoir le répéter devant vous avec insistance.
Les agriculteurs ont, au cours des siècles, modelé nos paysages, les ont rendus accessibles à chacun d'entre nous...
M. René-Pierre Signé. Qui a dit le contraire ?
M. Raymond Soucaret. ... et contribuent toujours largement à entretenir et à valoriser le territoire.
Vous en conviendrez, un paysan vaut bien un manifestant !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce sont souvent les mêmes !
M. Raymond Soucaret. Il est vrai, néanmoins - je ne nie pas la réalité - qu'ils provoquent parfois, dans leur activité quotidienne, des nuisances, mais quelles activités n'en produisent pas ? Aujourd'hui, dans toutes les formes de pollution, la part des agriculteurs est évaluée à moins de 2 %. Avouez qu'à côté de la pollution des véhicules automobiles, qui est le fait de tous, et de celle des industries, c'est peu !
Les agriculteurs ne vous ont pas attendue, madame le ministre, pour prendre conscience de leurs responsabilités et s'y atteler, mais que de paradoxes entre l'attitude d'un gouvernement, ou d'un de ses membres, qui dénonce les agriculteurs et prône le développement durable et les moyens - qui ne sont, eux, pas durables - donnés à ces derniers pour atteindre des objectifs, au demeurant louables !
Ainsi, dans le budget de l'agriculture, les crédits consacrés aux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, aux bâtiments d'élevage de zone de montagne ou même aux mesures agri-environnementales sont tout à fait insuffisants.
Il est dommage que vous n'ayez pas mis au service de votre collègue Louis Le Pensec cette conviction dont vous savez faire preuve devant la presse pour influencer ces arbitrages !
Votre vigilance est peut-être utile, mais votre action pourrait être raisonnée. Les réalités scientifiques, techniques et économiques doivent prévaloir sur les visions dogmatiques !
M. René-Pierre Signé. Oh ! Arrêtez !
M. Raymond Soucaret. Enfin, je voudrais dire un dernier mot concernant la conférence de Kyoto sur l'effet de serre, qui se déroule actuellement.
L'agriculture, et plus particulièrement celle des pays pauvres, serait l'activité la plus touchée par les changements climatiques. Sa fragilité entraînerait des réactions en chaîne sur toute l'économie. Il faut donc exiger que tous les pays du monde participent à la lutte contre l'effet de serre.
Parmi les solutions à l'émission de gaz polluants par les véhicules, figurent les combustibles oxygénés et les carburants gazeux.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Raymond Soucaret. L'expérience menée aux Etats-Unis sur l'utilisation de l'éthanol et de l'ester méthylique d'huile végétale mérite d'être soulignée. La France a, elle aussi, la capacité de contribuer largement à cette solution.
Un objectif de taux minimal de 2 % de composés oxygénés représenterait 6 millions d'hectolitres d'éthanol, mobilisant 130 000 hectares de blé et 40 000 hectares de betteraves.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Raymond Soucaret. La production des biocarburants, parce qu'ils constituent une énergie renouvelable, participe au développement durable, principe auquel nous sommes tous attachés. Nos pratiques agricoles permettent de les produire en respectant au mieux notre patrimoine en matière de sol et d'eau.
En cas de difficultés, voire de rupture d'approvisionnement pétrolier, cette solution serait un atout majeur. Dans la période actuelle, il est vrai que cette filière n'est économiquement envisageable que si les autorités européennes acceptent la détaxation de ce type de carburant, l'éthyl-tertio-butyl-éther, l'ETBE d'origine agricole, étant concurrencé par le méthyl-tertio-butyl-éther, le MTBE à base de pétrole, qui coûte moins cher.
La qualité de notre air peut donc trouver une part de solution française dans la terre de nos paysans.
Quant aux véhicules propulsés au gaz, tous les experts ont reconnu que le GPL représentait une véritable solution alternative sur le plan écologique. Or que constate-t-on aujourd'hui ? Le réseau d'approvisionnement en GPL est quasi inexistant, le coût des équipements des véhicules encore dissuasif et le renouvellement du parc public avec des véhicules propres, notamment de transports collectifs et de services communaux, ne semble pas une priorité.
Il apparaît donc indispensable de rendre son utilisation économiquement rentable par des mesures d'incitation fiscales ou financières - remboursement ou exonération de taxes, amortissement accéléré - en faveur des particuliers, des sociétés et des exploitants de transports publics de voyageurs.
Telles sont, madame le ministre, mes réflexions sur votre projet de budget de l'environnement pour 1998. J'insiste encore une fois sur la nécessité de ramener le taux de TVA sur les déchets ménagers et leur traitement au taux le plus réduit, sinon à une exonération totale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps nous étant compté, je ne m'attarderai que brièvement sur les chiffres du projet de budget de l'environnement qui nous est soumis.
Dans ses grandes lignes, le projet de budget est en hausse de 0,9 %, soit une progression inférieure à l'augmentation du budget de l'Etat.
On note, au sein de ce ministère, la création de trente-quatre emplois, ce dont nous nous félicitons, puisque cette augmentation de postes atteint 1 %, même si elle reste très en deçà des moyens qui seraient nécessaires aux multiples missions du ministère de l'environnement.
Tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître le rôle moteur de l'environnement dans l'économie de notre pays. D'après des chiffres avancés par notre commission, en 1995, la production intérieure générée par les marchés de l'environnement a atteint 200 milliards de francs, quand la dépense nationale de protection de l'environnement atteignait 130 milliards de francs, soit 1,7 % du produit intérieur brut, c'est-à-dire plus que la moyenne européenne, mais moins que l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas, où ce ratio dépasse 2 %.
Si ces dépenses concernent essentiellement l'assainissement et l'épuration des eaux ainsi que la gestion des déchets, on ne peut manquer de voir dans l'évolution de ces chiffres, pour les années à venir, une formidable réserve d'emplois dans les secteurs de l'éco-industrie.
Ces chiffres sont à mettre en rapport avec les énormes besoins qui se font jour chez nos concitoyens en matière de préoccupation environnementale.
De récentes enquêtes viennent en effet confirmer les priorités de nos compatriotes en matière de qualité de l'air. Mais on pourrait également évoquer le bruit, la qualité de l'eau et la qualité du cadre de vie. Ce sont les signes durables et forts d'un intérêt qui ne se dément pas.
Compte tenu de ces éléments, nous aurions souhaité, bien entendu, une hausse plus déterminante du budget de l'environnement.
Si les priorités retenues par le projet de budget qui nous est proposé portent sur l'augmentation des crédits destinés aux parcs nationaux, un relatif accroissement des moyens de l'administration et un soutien au secteur associatif, force est de constater que des secteurs importants de la politique environnementale ne sont pas aussi bien dotés.
Dans le secteur de l'eau, par exemple, la tendance constatée est celle d'une débudgétisation de ce secteur, avec une diminution de plus de 12 % des moyens de paiement, compensée par un fonds de concours alimenté par les agences de l'eau !
Cette politique de débudgétisation de la politique de l'eau au profit des agences de l'eau ne va pas sans soulever de nombreux problèmes, dont l'un des plus préoccupants est sûrement celui qui a trait aux choix d'investissement, fondés davantage sur une logique de « pollution-dépollution » que sur la prévention. D'autant que, s'agissant de la stricte application du principe « pollueur-payeur », sur lequel nous émettons de vives réserves, le consommateur participe à concurrence de plus de 80 % à l'action collective, contre 18 % seulement pour l'industrie, par exemple !
Cette politique de gestion de l'eau, qui est déjà fort coûteuse pour les usagers, s'accompagne de disparités considérables selon les région. Elle se révèle également, pour les collectivités locales, être une source de dépenses en constant accroissement !
A ce titre, nous avons proposé à de multiples reprises une réduction de la TVA s'appliquant aux dépenses des collectivités locales en matière de gestion de l'eau. Mais notre demande vaut aussi pour la gestion des déchets. En outre, plus globalement, nous posons la question d'un rééquilibrage du Fonds de compensation de la TVA.
Une politique volontariste de la gestion de l'eau imposera qu'une réflexion soit menée rapidement afin d'assurer un meilleur contrôle public de la ressource en eau. La création d'un secteur public de l'eau pourrait constituer une ébauche de solution !
J'évoquais à l'instant la gestion des déchets. Peut-être convient-il de rappeler, là encore, l'augmentation des dépenses des collectivités locales, puisque l'on note une progression de 6 % des dépenses affectées à ce chapitre entre 1995 et 1996.
Les communes ne sont pas économes de leurs moyens pour l'environnement. Peut-être conviendrait-il que l'Etat prenne une part plus importante dans les dépenses affectées à ce secteur !
Lors des débats sur l'eau, sur les déchets ou sur la qualité de l'air, nous avons oeuvré à améliorer ces textes dans le sens d'un renforcement de la prévention. Nous avions alors souligné l'absence de moyens financiers permettant une stricte application des textes qui nous étaient soumis. La situation n'a pas évolué.
La politique environnementale ne sera réellement partagée dans notre pays sans une remise à plat des questions du financement !
Le temps me manque pour évoquer les difficultés de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, notamment celles qui ont trait aux ressources financières.
Je voudrais évoquer brièvement la politique de la qualité de l'air et le sommet de Kyoto.
On annonce la mise en place, dans les prochaines semaines, de la « pastille verte ».
La qualité de l'air dans les centres urbains est en effet une priorité. Pour autant, s'agissant de ce dispositif, je souhaiterais vous faire part de quelques réserves.
Le développement du transport des marchandises, la nécessité grandissante de se déplacer, des transports collectifs peu ou mal adaptés entraînent un développement du trafic routier.
Si l'Etat se doit de réglementer la circulation automobile lorsque des pics de pollution sont atteints, cela ne doit, en aucun cas, pénaliser les plus modestes de nos concitoyens, ceux qui possèdent souvent les véhicules les plus anciens.
En l'état, le dispositif « pastille verte », même pour une courte durée, les pénalisera réellement. Ne pourrait-on dans ces conditions, parallèlement à la mise en place de cette réglementation, prévoir des mesures en faveur du renouvellement du parc automobile ancien. Il convient également de renforcer les transports collectifs et de réaliser des efforts en matière de véhicules propres ?
J'en viens enfin à la lutte contre l'effet de serre.
Le rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur les changements climatiques formule une série de propositions pour réduire l'effet de serre.
Il s'agit notamment d'augmenter le rendement des combustibles fossiles et de passer à l'énergie nucléaire dès lors que des réponses acceptables pourront être apportées en matière de sécurité des réacteurs. Le rapport préconise aussi le passage à des énergies renouvelables.
L'ensemble de ces mesures impose que notre pays en prenne l'exacte portée.
Ainsi, la recherche environnementale doit être renforcée. Il en va de même de la recherche en matière de sécurité nucléaire ainsi que des études sur les énergies renouvelables.
Le sommet de Kyoto vient nous rappeler, s'il en était besoin, les limites de l'application du principe pollueur-payeur. Les dangers d'un réchauffement de la planète sont bien réels, et le paiement d'un droit à polluer ne réduira en rien les risques !
Les remarques qui précèdent viennent conforter la politique de l'environnement que nous souhaiterions voir développer pour notre pays.
Certes, le budget est modeste, c'est pourquoi nous désirons très vivement qu'il fasse, dès l'an prochain, l'objet d'un réajustement à la hauteur des défis environnementaux qui se posent.
Créatrice d'emplois, créatrice de richesses, une politique ambitieuse et partagée pour l'environnement devra porter plus vivement sa marque dans les choix budgétaires de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Madame la ministre, mon excellent collègue M. René-Pierre Signé vous a présenté l'analyse du groupe socialiste sur votre projet de budget. Pour ma part, je traiterai essentiellement de la qualité de l'air.
La conférence de Kyoto, qui s'est ouverte lundi, met l'accent sur un enjeu planétaire d'importance : l'effet de serre et le réchauffement de la planète.
L'objectif de cette conférence est ambitieux puisque, contrairement aux conclusions du sommet de la Terre de Rio en 1992, qui n'engageaient les pays industrialisés qu'à « faire leur possible », il s'agit cette fois de fixer des objectifs quantitatifs et par pays de réduction de gaz à effet de serre en mettant en place un système contraignant.
L'Union européenne a adopté une position que la France soutient : elle s'est engagée à réduire de 15 % ses émissions de gaz par rapport à 1990, et ce d'ici à 2010. Nous connaissons l'opposition des Etats-Unis et d'un certain nombre d'autres pays à cet effort collectif et planétaire. Peut-être pourrez-vous nous dire un mot des négociations qui ont en cours et nous préciser encore la position de la France, madame la ministre.
Les pays industrialisés vont-ils enfin chercher à promouvoir un modèle de développement durable ? C'est la question qui sous-tend ces négociations et c'est à cette question que la politique française de l'environnement doit répondre.
Cette année, les moyens dégagés par l'ensemble des ministères en faveur de l'environnement ont augmenté de plus de 5 %, ce qui représente un effort important qu'il faudra soutenir et développer durant les prochaines années.
Mais l'importance des enjeux liés à l'environnement n'a sans doute pas été prise en compte par certains de nos collègues, dont le rapporteur spécial, M. Adnot, qui proposent au contraire des amendements de réduction des crédits pour le budget de l'environnement. Il me semble, madame la ministre, que vous avez et cela depuis de nombreuses années, parfaitement analysé la teneur de ces enjeux. (Exclamations sur les travées des Républicains et des Indépendants.)
J'ai déjà eu maintes occasions de le souligner, notamment au cours de cette discussion budgétaire, la pollution atmosphérique dans les grandes villes est devenue une profonde source d'inquiétude pour nos concitoyens. Elle est principalement d'origine automobile, vous le savez.
Les rapports se succèdent qui établissent clairement sa gravité pour la santé publique. Vous le savez comme moi, madame la ministre, et vous avez été parmi les premières à vous en alarmer.
Dans les grandes villes, le nombre des décès prématurés attribuables à la pollution d'origine automobile est estimé à environ 900 par an. Difficultés respiratoires et crises d'asthme se multiplient.
Je tiens à insister sur la particulière nocivité du diesel ; 90 % des émissions de particules les plus dangereuses lui sont attribuées. Or, en France, plus de 40 % des immatriculations portent encore sur des véhicules diesel.
Le renouvellement du parc automobile ne laisse pas augurer une évolution rapide. La France compte seulement 70 000 véhicules fonctionnant au GPL contre 1,7 million au Japon et 1,2 million en Italie.
Par ailleurs, sur les 2,6 millions de véhicules et les 150 000 deux-roues qui se déplacent quotidiennement à Paris, seuls 2 160 étaient des véhicules électriques à la fin de l'année 1996. Enfin, en Ile-de-France, seulement 26 % des véhicules à essence sont équipés d'un pot catalytique.
Les taxis parisiens, qui sont au nombre de 15 000 et qui circulent beaucoup plus que les particuliers, fonctionnent presque tous au diesel, pour lequel ils bénéficient d'une détaxation très importante. Notons qu'en revanche tous les taxis de Tokyo et de Rome fonctionnent au GPL. Pour ce qui est des transports collectifs, aujourd'hui, aucun autobus de la RATP ne fonctionne au GPL ou au GNV.
J'ai pris bonne note de votre désir de prévenir plutôt que de guérir, c'est-à-dire de vous attaquer aux causes profondes de la pollution, madame la ministre. Vous l'avez affirmé : le travail de votre ministère est en partie transversal. Ce ministère doit jouer un rôle de levier pour susciter des actions communes en vue de toujours plus « internaliser » la variable environnement dans l'ensemble des politiques qui sont menées.
Aussi nous faut-il apprécier l'ensemble des mesures qui vont concourir à lutter contre la pollution de l'air et qui ne dépendent pas exclusivement de votre ministère.
A ce titre, je me félicite des orientations de notre politique des transports, notamment de la priorité accordée au transport ferroviaire dans le projet de budget du ministère des transports.
Pour ce qui est de la région d'Ile-de-France, nous soutenons les orientations qui ont été adressées au préfet pour le prochain programme de déplacement urbain et que vous avez élaborées avec M. le ministre des transports. Vous avez en effet rappelé que la priorité devait être accordée aux transports collectifs et aux modes de déplacements alternatifs et vous avez souhaité que la pollution de l'air soit régulièrement quantifiée afin d'adapter les mesures du plan de déplacement urbain.
Comme vous le savez, seuls les transports en site propre sont susceptibles d'attirer massivement les citoyens et de décourager l'utilisation de l'automobile. Il faut aller plus loin que les projets EOLE et MÉTÉOR qui ont absorbé la plupart des crédits.
Vous le savez, madame la ministre, les élus de gauche plaident pour l'ouverture de voies radiales en Ile-de-France. Le désengagement de l'Etat a remis en cause des projets tels que LUTÈCE et ORBITAL. Pouvez-vous nous dire si vous envisagez de reprendre les financements nécessaires à la réalisation du contrat de plan ? Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, dans quels délais le plan de déplacement urbain sera mis en place ?
Par ailleurs, M. le ministre des transports a demandé à la RATP de s'équiper en véhicules non polluants. Nous pouvons saluer cette initiative.
Cependant, deux problèmes de mise en oeuvre subsistent : les autorisations de circulation dans certains sites, ainsi que l'implantation des stations de ravitaillement en milieu urbain.
Les constructeurs automobiles, quant à eux, semblent ne pas être en mesure de fournir ces véhicules propres faute d'avoir reçu des signaux suffisamment clairs de la part des pouvoirs publics précédents.
Pour ce qui est de la loi sur l'air, nous avions relevé ses insuffisances l'année dernière, notamment parce qu'elle se contentait d'être un baromètre et ne s'attaquait que trop peu aux véritables causes de la pollution.
On vous a reproché de ne pas affecter des sommes suffisantes à sa mise en oeuvre, ce qui est, me semble-t-il, un mauvais procès. En réalité, si l'on tient compte du produit de la taxe sur la pollution, qui a été relevé de 30 millions de francs, ce sont plus de 200 millions de francs qui vont être affectés cette année à l'application de cette loi. L'augmentation de cette taxe parafiscale est importante, car elle reflète bien l'application du principe pollueur-payeur auquel nous sommes attachés et que traduit insuffisamment la loi sur l'air.
Par ailleurs, nombreux sont les décrets d'application qui n'ont pas été pris par le gouvernement précédent pour garantir l'efficacité de cette loi. Aussi avez-vous annoncé récemment la publication prochaine de trois décrets.
Celui qui concerne la mise en place des plans régionaux de qualité de l'air me paraît particulièrement important. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quand sortira le décret d'application concernant l'obligation pour les administrations de s'équiper de véhicules propres lors du renouvellement de leurs flottes ?
De même, il existe une disposition mettant en place un dispositif d'amortissement pour l'équipement en kits de bicarburation permettant de fonctionner au GPL ou au GNV. Cette disposition n'a jamais été appliquée.
Enfin, à quand le décret sur la « pastille verte » et quels seront les véhicules effectivement concernés par cette pastille ?
Par ailleurs, il me semble que des mesures d'incitation spécifiques pour les taxis pourraient être prises afin que ces véhicules puissent fonctionner au GPL. J'attire votre attention sur le fait que cette mesure pourrait avoir un important effet d'entraînement pour l'industrie des véhicules fonctionnant au GPL, d'une part, parce que les taxis sont eux-mêmes un premier parc important, d'autre part, parce qu'ils sont, nous ne pouvons l'oublier, des relais précieux dans l'opinion.
Je le disais tout à l'heure : c'est par un faisceau de mesures que nous parviendrons à lutter efficacement contre la pollution. Nous pouvons nous féliciter des amendements qui ont été adoptés à l'Assemblée nationale et qui ont introduit des mesures fiscales favorables aux carburants non polluants. Nous en avions proposé d'autres au Sénat. Le secrétaire d'Etat au budget, M. Christian Sautter, nous a assuré que des mesures supplémentaires seraient prises l'année prochaine et que le Gouvernement était favorable à une fiscalité écologique. Pourrez-vous nous donner des précisions sur les pistes de réflexion que vous privilégiez dans ce domaine ?
Une fiscalité écologique suppose, me semble-t-il, de rétablir un équilibre entre la fiscalité des carburants polluants et non polluants, et cela, en allant encore plus loin qu'on ne le fait. La sous-taxation dont bénéficie le diesel continue en effet à expliquer le succès de ce carburant.
Pour conclure, je reviens à votre projet de budget, dont je me suis peut-être quelque peu éloignée. Au-delà des chiffres, ce budget est véritablement le reflet d'une politique forte en matière de protection de la qualité de l'air.
Par ailleurs, l'environnement n'apparaît plus seulement comme une contrainte pour l'économie productiviste mais aussi comme une nécessité pour notre développement et, vous le soulignez, madame la ministre, comme un important gisement d'emplois. Cela a été rappelé fortement par mon collègue M. René-Pierre Signé.
Je réitère donc le soutien du groupe socialiste à votre projet de budget en souhaitant que le Sénat, dans sa sagesse, ne suive pas les propositions des rapporteurs qui, avec une logique qui m'échappe, proposent de réduire ses crédits alors que par ailleurs ils les jugent insuffisants. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier MM. Philippe Adnot, Bernard Hugo et Ambroise Dupont, les différents rapporteurs du budget de l'environnement pour votre Haute Assemblée.
Avant de répondre point par point à leurs interpellations et à leurs sollicitations, je tiens à faire quelques remarques préliminaires.
Tout d'abord, comme l'aménagement du territoire, dont nous avons examiné le budget ce matin, les politiques publiques en matière de protection de l'environnement répondent à des préoccupations de long terme, interviennent là où la régulation du marché est ou serait insatisfaisante et insuffisante. Il est donc évident que nous avons à juger de ce budget non seulement en fonction des chiffres et de leur évolution, mais aussi en fonction des lignes de force et des politiques qui se dessinent à travers ces dernières.
Vous le savez, le contenu du budget de l'environnement est excessivement modeste. Cette croissance apparemment modérée, que je vais expliquer tout à l'heure - plus 0,9 % en dépenses ordinaires plus crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale de 1997 et plus 1,92 % en dépenses ordinaires plus autorisations de programme - est à la fois insuffisante pour certains et excessive pour d'autres ; nous aurons à y revenir.
Quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur ce budget, encore faut-il être conscient du fait que deux paramètres réduisent le champ de la comparaison.
Le premier est la réduction visuelle en crédits de paiement de 12,5 % de la dotation affectée à la protection de l'eau et du milieu aquatique, qui est essentiellement liée, cela a été rappelé, à l'impact positif du fonds de concours de 110 millions de francs apporté par les agences de l'eau.
Encore faut-il préciser que, si ces 110 millions de francs représentent une somme importante au regard du volume global du budget de l'environnement, il ne s'agit là que de 1 % à peine du programme des agences de l'eau, qui sont beaucoup plus riches que ce ministère. Je ne vois donc rien de scandaleux à ce que ces agences consacrent une petite partie de ces moyens à la protection de l'eau et du milieu aquatique et, singulièrement, à la police de l'eau.
Le second paramètre, vous l'aurez noté, est la dotation affectée au financement de la loi sur l'air, qui semble diminuer de 200 millions de francs à 170 millions de francs. Elle est compensée par une augmentation de la taxe sur la pollution atmosphérique gérée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Nous souhaitions, à cette occassion, non seulement appliquer le principe pollueur-payeur, mais aussi garantir, pour la mise en oeuvre de la loi sur l'air et singulièrement pour le financement des réseaux de mesures, des recettes plus pérennes que ne le permettent les exercices budgétaires successifs.
Après avoir entendu M. le rapporteur spécial, j'ai quelque raison de penser que cette stratégie est plutôt la bonne.
Ce sont donc non pas 200 millions de francs qui seront consacrés au financement de la loi sur l'air, mais bien 207 millions de francs.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'évoquerai d'abord la démarche générale de M. le rapporteur spécial.
Vous l'avez noté, monsieur Adnot, il s'agit, pour le Gouvernement, non pas de réduire la dépense publique, mais de la maîtriser - c'est ce qu'il a entrepris de faire, sans renoncer à mettre en oeuvre ses priorités que sont la lutte contre le chômage et l'exclusion - pour faire face à ses engagements européens.
Dès cette année, le déficit sera contenu à 3,3 %, puis à 3 % à la fin de l'année 1998.
Vous en conviendrez, il est extrêmement difficile de trouver du « gras » dans le budget du ministère de l'environnement. Année après année, en effet, sa tâche s'alourdit au fur et à mesure que nous enrichissons notre arsenal législatif et réglementaire. Il me semble non seulement normal, mais absolument nécessaire de renforcer les moyens qui nous permettent de remplir ces tâches.
C'est bien en redéployant les moyens de l'Etat que s'effectue ce modeste renforcement humain. Le ministère de l'équipement, des transports et du logement a subi une réduction de ses effectifs. Les quelques dizaines de personnes supplémentaires qui seront affectées au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ne remettent donc pas en cause de façon dramatique, ainsi que vous sembliez le craindre, l'effort de maîtrise des effectifs de la fonction publique.
Pour être claire, monsieur le rapporteur spécial, de la même façon que, dans cette maison, on plaide volontiers pour un rééquilibrage entre les régions riches et les régions pauvres, je m'attendais à ce que vous plaidiez pour la rigueur, certes, et pour l'absence de gaspillage, mais aussi pour une sorte de rééquilibrage entre les ministères riches et ceux qui le sont moins, entre ceux qui tentent de corriger...
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Il y en a ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... les dégâts d'un mal-développement du territoire et ceux qui continuent parfois à faire subir quelques effets pervers négatifs à nos espaces naturels...
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Des noms !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... et aux milieux que vous prétendez protéger.
M. Hubert Falco. Lesquels ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le constat que je fais, c'est que ce sont les mêmes personnes qui, jour après jour, font le siège du ministère pour obtenir le renforcement des moyens accordés aux réserves naturelles, aux parcs régionaux, aux parcs nationaux, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres qui, aujourd'hui, nous somment de faire des économies !
Ce sont les mêmes personnes qui, jour après jour, s'inquiètent de la dégradation de la qualité de l'eau, de la pollution atmosphérique, du volume des déchets, des risques industriels naturels qui, aujourd'hui, nous demandent de sabrer dans les dépenses !
Ce sont les mêmes personnes qui réclament plus de concertation, plus d'information, plus de diligence dans le traitement des dossiers, plus de rapidité dans les réponses au courrier qui trouvent que nous sommes trop nombreux !
Alors, je leur pose les questions suivantes : où voulez-vous faire des économies ? Au détriment de quel chapitre ? Au détriment de quelle politique ? Voulez-vous sabrer les crédits du parc naturel régional du Marais du Cotentin et du Bessin, dont M. Le Grand est président ?
M. Jean-François Le Grand. Les autres, mais pas celui-là ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Devons-nous renoncer à financer les moyens du parc naturel régional de la Forêt d'Orient, qui se situe dans votre département, monsieur le rapporteur spécial ? Fermerons-nous tout simplement la direction régionale de l'environnement de Champagne-Ardenne ou les services de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, qui assurent le contrôle des installations industrielles dangereuses ?
Pas de démagogie ! Dites-moi où, dites-moi comment, dites-moi ce qu'on sacrifie pour faire les trois francs six sous d'économie que vous proposez dans un budget qui est déjà le plus petit budget de l'Etat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Vous avez failli me mettre en colère, mais, rassurez-vous, je serai sereine pour répondre à la suite de vos questions !
M. Jean-François Le Grand. Madame, cela vous va si bien ! (Nouveaux sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. N'est-ce pas !
M. Hubert Falco. On vous préfère souriante !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Merci !
M. René-Pierre Signé. On dénonce leur illogisme et leurs contradictions !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cela va ensemble !
Alors, pour rester sérieuse,...
M. Hubert Falco. Ah, vous ne l'étiez pas ?
M. Jean-François Le Grand. Vous n'étiez pas sérieuse ?
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser Mme le ministre s'exprimer dans la sérénité qui nous convient ici au Sénat.
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Elle s'exprime très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... vous me permettrez de rappeler quelles sont les priorités de ce budget.
La première d'entre elles, sinon selon mon coeur, du moins en volume, puisqu'elle représente 43 % des dotations et des interventions du ministère, c'est, bien sûr, la protection des sites et des paysages ; plus 6,3 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
Nous n'avons pas trop de temps, je vous épargnerai donc la liste de tous ces espaces protégés que nous souhaitons soit pérenniser soit reconnaître dès cette année.
Trois parcs nationaux sont en gestation et deux nouveaux parcs naturels régionaux verront le jour dès 1998, celui du Perche et celui de l'Avesnois. Trois autres sont en préparation pour 1999. Six nouvelles réserves naturelles seront classées en 1998, ce qui fera, à la fin de l'année, 148 réserves classées en tout contre 134 au 1er juin 1997.
Nous espérons encore, dès cette année, mettre en place le parc international marin des Bouches de Bonifacio, renforcer les moyens du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, enfin, mettre en place trois nouveaux conservatoires botaniques nationaux, sans oublier, bien sûr, la constitution du réseau Natura 2000, sur lequel je reviendrai tout à l'heure, et la mise en place d'« agendas 21 » locaux indispensables pour mettre en oeuvre les décisions prises lors du sommet de Rio.
La deuxième priorité de ce budget est constituée par la prévention des risques naturels et la lutte contre les pollutions. En la matière, nous avons souhaité faire un effort important, qu'il s'agisse des moyens de fonctionnement des gestionnaires de réseaux de mesures de la qualité de l'air, de la mise en place d'une surveillance sanitaire, des plans régionaux de la qualité de l'air ou des plans de protection de l'atmosphère.
Vous le savez, l'ADEME bénéficiera des moyens nécessaires pour mener à bien les missions qui lui sont confiées. Nous aurons d'ailleurs à examiner, dans le cadre de ce projet de loi de finances, un relèvement du prélèvement pour frais de gestion opéré par l'Agence au titre de la taxe sur les déchets. Je ne doute pas que vous serez compréhensifs en la matière.
Nous avons souhaité renforcer l'action de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques en matière d'écotoxicologie et les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Nous avons souhaité aussi mettre en oeuvre la directive Seveso II et augmenter les moyens que nous consacrons à la prévention des inondations.
J'insisterai tout particulièrement sur le plan « Loire grandeur nature » et sur le plan « risques », notamment sur le programme décennal de restauration des cours d'eau. Ensemble, ils seront dotés de près de 334 millions de francs.
Sans insister sur ces mesures, il me semble qu'elles répondent toutes à une attente très forte de la population et au devoir que nous avons de faire face à nos responsabilités.
Nous ne pouvons tolérer, à l'occasion d'un accident grave, comme celui qui est survenu cet été dans les silos de Blaye, que des vies humaines soient perdues, a fortiori à cause d'un manque de moyens humains. C'est pourquoi, encore une fois, je plaiderai pour que le renforcement du contrôle des installations classées soit une réalité au cours des prochains exercices budgétaires.
La troisième priorité de ce budget est la création de trente-quatre emplois en 1998. Mon ministère est parfois désastreusement démuni pour faire face à certaines de ses responsabilités. Trente-quatre emplois, cela semble bien peu. Ils représentent pourtant une augmentation de 1,4 % des effectifs. Ils seront affectés aux DIREN, qui sont nos seuls relais sur le terrain puisque nous n'avons pas de délégation départementale à l'environnement. Leur présence doit donc être renforcée.
Dix postes seront effectivement créés dans les DRIRE, au titre du contrôle des installations classées industrielles.
Vous me pardonnerez, monsieur Richert, à cette occasion, de revenir sur une phrase que vous avez prononcée et qui pourrait laisser croire que Mme Lepage avait obtenu de considérables moyens en provenance d'autres ministères, notamment du ministère de l'industrie.
Les transferts importants qui avaient été constatés, et qui étaient de l'ordre de 209 millions de francs, étaient en fait, pour l'essentiel, la compensation d'économies qui avaient été imposées à Mme Lepage sur le travail de son ministère et qui s'élevaient à plus de 100 millions de francs, au détriment notamment de la politique de protection des espaces naturels ! Cela lui avait certes permis d'afficher un budget en hausse de 6 %, alors qu'il était en réalité en baisse de 6,4 %, mais cela ne nous permet pas aujourd'hui de nous masquer la réalité !
Les transferts de postes de l'industrie vers le ministère de l'environnement correspondent eux à une réalité, puisque nous avons la tutelle des DRIRE pour ce qui concerne le contrôle des installations classées industrielles. Cela relève donc bien de notre responsabilité et c'est à nous que revient le soin de renforcer ces DRIRE d'un point de vue humain.
Protection de l'environnement et création d'emplois sont loin d'être incompatibles, cela a été rappelé par plusieurs d'entre vous.
A ce titre, je voudrais dire que nous avons souhaité faire face à nos responsabilités en matière de création d'emplois nouveaux dans le domaine de l'environnement, notamment par le biais du plan « emplois-jeunes ». Nous avons aussi souhaité encourager des politiques publiques qui, si elles sont d'allure extrêmement modeste, ont néanmoins pour conséquence première de créer des emplois durables dans des territoires qui ne bénéficiaient pourtant pas, a priori, de chances considérables en la matière.
Je pense, par exemple, à la mise en place des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux, qui a permis de créer à peu près dix fois plus d'emplois que les effectifs propres des parcs. Ces emplois se créent avec des aides publiques qui sont très modestes au regard de ce qui se passe dans les secteurs industriel ou artisanal habituels. A peu près 17 000 francs par emploi, c'est extrêmement modeste et cela me paraît devoir être souligné.
J'en viens maintenant à quelques-uns des aspects que vous avez souhaité aborder de façon plus précise.
Le premier point porte sur les déchets et sur la loi de 1992, qui prévoit l'arrêt des mises en décharge en 2002, à l'exception des déchets ultimes.
Non seulement nous assumons cette loi de 1992, mais nous avons décidé d'en conserver les principaux objectifs : épargner les ressources naturelles et énergétiques, protéger l'environnement et aussi maîtriser les coûts. C'est sans doute sur ce dernier point que le bât blesse actuellement.
J'insisterai sur les quatre axes de cette loi de 1992 : la réduction du volume des déchets à la source - parent pauvre de la stratégie actuelle - la collecte sélective, le tri et la valorisation - matière de tout ce qui peut être valorisé - y compris par le compostage des matières organiques fermentescibles qui est souvent négligé - l'incinération de ce qui ne peut être ni valorisé ni mis en décharge dans des conditions correctes et, enfin, la mise en décharge des déchets ultimes.
Il me semble que nous en conviendrons tous, il est nécessaire de revoir à la baisse la place accordée à l'incinération. En revanche, il convient de faire peser notre effort à la fois sur la réduction du volume des déchets, sur les conditions qui permettraient dans certaines zones rurales isolées de rendre acceptable l'usage de décharges et sur le renforcement du compostage.
Je ferai une communication en conseil des ministres à la fin du mois de janvier pour préciser les détails de cette réévaluation à mi-course de la loi de 1992. Ce sera l'occasion d'examiner les propositions que vous avez formulées, monsieur le sénateur, sur la baisse de la TVA, non pas sur toute la filière des déchets, mais au moins sur les comportements que nous souhaitons encourager ; je pense au tri et à la valorisation - matière notamment.
Vous vous êtes inquiété de l'augmentation de 14 % des crédits accordés aux associations. Mais laissez-moi vous dire que, pour l'écrasante majorité d'entre elles, il ne s'agit pas d'associations qui apparaissent brusquement dans le paysage ! Il s'agit au contraire d'associations qui, année après année, et cela quelle que soit la couleur politique du ministre de l'environnement, ont été encouragées par ce ministère.
Ce sont de grands réseaux nationaux qui effectuent un travail fédérateur absolument indispensable ; je pense, par exemple, à la Fédération France-nature-environnement ou à l'Office de la pêche. En tout cas, les sommes en cause ne constituent nullement de l'argent de poche pour le ministère. D'ailleurs, une bonne partie est gérée de façon déconcentrée par les préfets.
Il faut reconnaître le travail accompli à notre demande par ces associations. N'oubliez pas que nous leur demandons de participer à la commission nationale du débat public, au comité de prévention et de précaution, à la commission de médiation sur la chasse, au comité national de suivi de Natura 2000, au Conseil national de protection de la nature, et j'en passe...
Comment demander un tel travail à ces associations composées pour l'essentiel de bénévoles non rémunérés sans leur accorder cette reconnaissance.
Enfin, il s'agit de renforcer le travail international de ces associations sans, bien sûr, en venir à confier aux ONG le soin de défendre la position de la France. Cela, nous nous en chargeons.
Un constat s'impose pourtant : extrêmement présentes dans un certain nombre de grands rendez-vous internationaux, les ONG anglo-saxonnes orientent souvent la position majoritaire. Il me semble normal que nos associations puissent, elles aussi, défendre leurs points de vue.
Monsieur Le Grand, vous avez souhaité attirer mon attention sur les risques de dumping écologique. Ce risque existe évidemment, quoiqu'il soit moins important qu'on le dit.
A l'occasion de la présentation du plan national de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, j'ai souhaité retenir, pour l'essentiel, des mesures qui seront bonnes aussi bien pour la planète et pour l'environnement que pour l'emploi et pour l'économie. Il s'agit souvent de mesures qui conduisent à adopter les meilleurs technologies, les procédés les plus économes en énergie et en matières premières et les moins responsables d'émissions, donc économes en dispositifs antipollution.
Cela dit, nous souhaitons éviter ce risque, notamment en privilégiant l'harmonisation des règles au niveau européen, qu'il s'agisse des règles fiscales sur les carburants et sur l'énergie ou qu'il s'agisse des caractéristiques techniques des moteurs et des carburants dont nous venons de définir les normes au niveau européen, dans le cadre du programme Auto-oil.
M. Jean-François Le Grand. Sans doute, mais ce que je disais concerne essentiellement les pays d'Europe centrale et orientale, qui échappent à la règle communautaire.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce n'est pas faux. Mais notre réglementation est si exigeante que peu nombreux sont les produits en provenance de ces pays qui, ne répondant pas aux normes écologiques ou de sécurité des consommateurs, pourront franchir nos frontières. Cette discussion, qui n'aura peut-être plus de sens d'ici à quelques années en raison de l'élargissement de la Communauté, porte sur un risque qui ne doit pas être dramatisé, même s'il est réel, j'en suis consciente.
Monsieur Soucaret, vous avez souhaité parler d'agriculture. Vous me pardonnerez de ne pas entrer dans les détails.
Sur ce plan, je travaille en bonne harmonie avec M. Le Pensec, qui ne considère pas que sa collègue de l'environnement soit trop cruelle à l'égard des agriculteurs, pas plus d'ailleurs que ne le pensent les organisations professionnelles elles-mêmes. Celles-ci, par exemple, travaillent avec nous à la refonte des plans de maîtrise des pollutions d'origine agricole ou à l'élaboration de plans pour les forêts, plans qui ne doivent en aucune manière être une façon de fermer les yeux sur les difficultés auxquelles sont confrontées certaines zones rurales en raison de la disparition de leurs habitants.
Sur tous ces sujets, je suis tout à fait à votre disposition pour reprendre le travail.
Monsieur Dupont, vous avez attiré mon attention sur la dégradation du paysage liée à la multiplication des pylônes de téléphonie mobile. Un groupe de travail associant les principaux opérateurs est d'ores et déjà mis en place pour essayer de régler ce problème.
Vous auriez pu aussi évoquer les entrées de ville, sujet qui vous intéresse et qui me préoccupe beaucoup également.
Je pense que la multiplication des hangars commerciaux hétérogènes n'est pas un atout pour nos villes dans la grande majorité des cas. A ce sujet, je vais mettre sur pied un chantier important au cours de l'année 1998.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Merci de m'avoir répondu, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'en viens au dossier Natura 2000.
Nous serons tous d'accord pour constater que ce dossier a souffert d'une extraordinaire succession de maladresses et, quels que soient les efforts que nous déploierons, rien ne permettra de rattraper le temps perdu. En disant cela, je ne pense pas aux mises en demeure de la Commission, je pense au temps perdu pour la concertation, pour le dialogue à mener avec les acteurs sur le terrain.
Je pourrais rejeter la faute sur ceux qui étaient au gouvernement avant moi, ce serait facile et justifié, mais je préfère être positive.
M. Hubert Falco. Madame ! Un peu de courtoisie.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il ne s'agit pas de courtoisie, monsieur Falco, et, puisque vous m'y forcez, je vais vous dire mon sentiment.
Il était tout à fait irresponsable d'interrompre une consultation tout simplement parce qu'un certain nombre de lobbies, non dépourvus de préoccupations électorales, s'activaient à ce moment-là.
Aujourd'hui, puisque les choses se passent très bien sur le terrain, nous avons la preuve qu'il était possible de faire autrement.
Nous avons souhaité, dès le mois de juillet, relancer le comité national de suivi de Natura 2000 en l'élargissant, d'une part, aux représentants des grandes associations d'élus, d'autre part, aux représentants des grandes associations gestionnaires d'espaces naturels.
Nous avons donné instruction aux préfets, en plein mois d'août pour ne pas perdre plus de temps, de relancer les comités départementaux de suivi et de nous transmettre aussi vite que possible une première liste de sites qui ne posaient pas de problème. Une première liste pour la zone biogéographique alpine nous a été transmise, puis une seconde liste. A ce jour, nous sommes en possession d'une liste de 535 sites, représentant une superficie de près de 900 000 hectares. Tout s'est passé dans un climat cordial, voire chaleureux. Il me semble donc possible de mener à bien ce programme sans drame, mais aussi sans faiblesse et sans démagogie.
Aujourd'hui, la plupart des préventions sont tombées et il ne nous reste plus, monsieur Le Grand - vous avez raison - qu'à lever les zones d'ombre qui sont liées aux conditions de gestion de ces sites.
Je répète devant vous très clairement qu'il est hors de question de mettre en place des sanctuaires de la nature. La poursuite de la quasi-totalité des activités qui ont permis le maintien jusqu'à ce jour d'espaces intéressants et d'espèces fragiles est évidemment possible sur ces sites.
S'il s'avère nécessaire de prendre des mesures de compensation, d'indemnisation, d'accompagnement, de rémunération, même parfois, de certaines activités, nous aurons et la volonté et les moyens de le faire. Je pense ainsi aux moyens qui seront dégagés par les mesures agri-environnementales prises dans le cadre de la PAC, si la prime à l'herbe, comme nous l'espérons, retourne au sein de celle-ci et ne stérilise pas à son profit la quasi-totalité des moyens disponibles.
Je suis donc assez confiante sur Natura 2000, et je constate que la quasi-totalité des élus locaux sont aujourd'hui des partenaires et non plus des adversaires de ce projet.
J'évoquerai maintenant les agences de l'eau, qui, créées voilà trente ans, ont peut-être atteint l'âge de raison mais ont surtout besoin de subir quelques remaniements pour pouvoir mieux remplir leurs missions.
J'ai souligné quelques-uns des points forts du système français de gestion de l'eau : la planification au niveau des bassins versants, qui nous est enviée par bon nombre de pays qui reprennent ce modèle, mais aussi le partenariat avec l'ensemble des acteurs de la gestion de l'eau dans le cadre notamment des comités de bassins.
J'ai cru nécessaire, devant les présidents de comité de bassin, de souligner un certain nombre de dysfonctionnements avec le souci, non pas de pénaliser les agences de l'eau, mais d'ouvrir une concertation avec leurs gestionnaires pour trouver le moyen de corriger l'ensemble de ces dysfonctionnements.
Je pense, bien sûr, à la nouvelle mise en oeuvre du principe pollueur-payeur, certaines activités étant peu ou pas taxées.
Je pense aussi à une évolution vers une sorte de « mutualisation » des structures, compte tenu de la très faible solidarité qui existe entre bassins riches et bassins pauvres et des grandes difficultés à financer les actions d'intérêt général, en matière de police de l'eau notamment.
Nombreux sont ceux qui oublient que la redevance n'est pas la propriété des redevables. Les automobilistes ne gèrent pas plus le produit de la vignette que les téléspectateurs ne gèrent la redevance télévision. Il n'est donc pas normal que les contributeurs aux budgets des agences de l'eau exigent de retrouver leur dû, profession par profession, comme on le constate parfois aujourd'hui.
J'ai noté aussi l'insuffisante qualité de l'eau et de l'écosystème aquatique. La situation est préoccupante dans les milieux ruraux et dans les petits cours d'eau. Si elle s'est améliorée s'agissant des fleuves et des cours d'eau conséquents, beaucoup reste à faire pour les milieux plus diffus.
J'ai relevé aussi le manque de démocratie qui existait dans les agences de l'eau. Je ne pense pas que l'on puisse parler, par exemple, de parlement de l'eau dans la mesure où il serait assez largement autoproclamé.
Je souhaite que des réponses concrètes soient données aux Français qui manifestent de grandes inquiétudes à l'égard du prix de l'eau et des conditions de sa gestion.
Les pistes évoquées aujourd'hui en vue d'une réforme de ces agences ne sont que des pistes de réflexion et devront faire l'objet d'une large concertation.
En ce qui concerne enfin l'effet de serre, plusieurs d'entre vous ont souligné l'importance fondamentale que revêtait le sommet de Kyoto, qui entrera dans sa phase ministérielle, dimanche.
Je pars demain au Japon, où je défendrai la position de la France, position de fermeté qui comporte cependant une part de souplesse suffisante pour pouvoir aboutir à un accord.
Solidaires des autres pays de l'Union européenne, nous souhaitons engager un mouvement non pas de simple stabilisation des émissions de gaz à effet de serre mais de réduction significative de ces émissions.
Nous sommes en effet extrêmement conscients du fait que, si la situation actuelle perdure, ce sont les pays en voie de développement, singulièrement les pays dont une grande part de la population est concentrée dans des deltas inondables, qui pâtiront de notre inconscience.
Nous sommes également très conscients du fait que, dans un monde où les pays les plus riches sont aussi globalement les pays les plus pollueurs, il est déraisonnable de demander aux pays en voie de développement de consentir les efforts que nous n'avons jamais été capables de nous imposer au même stade de développement.
C'est pourquoi nous souhaitons interpeller très vivement les Etats-Unis - un Américain produit trois fois plus de gaz à effet de serre qu'un Français, il faut tout de même le rappeler - pour leur demander de commencer, avant de donner des leçons au reste du monde, à engager des politiques concrètes et à prendre les mesures qui permettront de changer de logique.
M. Adrien Gouteyron. C'est bien ! On vous soutiendra !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Où en sommes-nous ?
Je l'ai dit tout à l'heure, nous avons rendu public un plan national de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, plan que nous devrions pouvoir mettre en oeuvre quels que soient les résultats du sommet de Kyoto dans la mesure où il est bon, et pour l'environnement et pour l'économie et pour l'emploi.
Nous avons envisagé des mesures qui sont intelligentes et de bon sens, qui, d'ailleurs, souvent ne sont pas des mesures nouvelles ; je pense au plan de réhabilitation de logements anciens proposé par M. Louis Besson ou au plan de développement des tramways dans les agglomérations, présenté par M. Jean-Claude Gayssot, qui vont tout deux dans la bonne direction.
Cette stratégie nationale doit permettre de contenir les émissions dans le secteur des transports, secteur qui sera responsable de 40 % des émissions à l'horizon 2010. Parmi les orientations figure notamment la volonté de développer le transport de longue distance des marchandises par rail et une bonne intermodalité entre le rail et la route pour les marchandises.
Nous souhaitons également encourager l'usage de véhicules plus propres. Vous avez cité le GPL. Il est parfaitement logique effectivement d'encourager le développement de la motorisation au GPL pour les flottes publiques et pour les flottes captives comme le sont par exemple les taxis.
Au-delà de la diminution de la TIPP, je pense qu'il nous faudra parvenir à lever les préventions un peu irrationnelles qui freinent le développement du GPL, comme, par exemple, l'interdiction de stationner dans les parcs souterrains que l'on trouve encore dans certains endroits alors que rien dans la réglementation ne permet d'interdire ce stationnement.
Je pense qu'il sera nécessaire également d'inciter les pétroliers à installer davantage de stations GPL, qui ne sont que quelques centaines en France.
En ce qui concerne la pastille verte que l'on pourra aposer sur les véhicules, je tiens à rappeler qu'il s'agit non pas d'une autorisation de circuler telle qu'elle est définie dans l'article 12 de la loi sur l'air, mais tout au plus du marquage des véhicules propres. Il est dès lors évident que cette pastille ne saurait être attribuée à des véhicules qui ne le sont pas.
C'est pourquoi il serait déraisonnable, en dehors des véhicules qui circulent au GPL, au GVN ou à l'électricité, d'appliquer ce marquage à des véhicules qui ne seraient pas équipés d'un pot catalytique.
Je suis très soucieuse, madame Terrade, de l'impact social de cette pastille.
Il faut savoir que l'âge moyen d'un véhicule individuel en France est de dix ans et que c'est lorsqu'ils atteignent treize ans que ces véhicules sont en général retirés de la circulation. Cela dit, tout le monde a pu constater les effets pervers des « balladurette » ou autres « jupette », qui ne seraient d'ailleurs pas moins pervers s'il s'agissait de « voynette » ou de « jospinette » : un gonflement éphémère des ventes de véhicules, auquel succède un effondrement durable des marchés dès que la mesure prend fin ; un encouragement au renouvellement des voitures des classes moyennes, qui ont les moyens d'ajouter ce qu'il faut à la prime, ce qui n'a aucun effet sur le retrait des véhicules de ceux qui vivent avec leurs allocations de chômage ou le RMI.
Il va nous falloir inventer autre chose pour favoriser le retrait des véhicules les plus polluants. Cela est d'autant plus important qu'un bon nombre de ces véhicules sont des véhicules professionnels : je pense aux petits véhicules utilitaires légers.
Je ne m'attarderai pas sur l'effet de serre, car je crois qu'on en a déjà beaucoup parlé.
M. Signé m'a interpellé sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs, relayant, me semble-t-il, les préoccupations de M. le maire de Vaison-la-Romaine.
Ainsi que vous le savez, le fonds de prévention des risques naturels majeurs a été créé par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Il a pour objet le financement des indemnités versées lors de l'expropriation par l'Etat de biens exposés à un risque. Il est alimenté par un prélèvement de 2,5 % sur le produit des primes et cotisations additionnelles relatives à la garantie contre les risques naturels prévues par l'article 125-2 du code des assurances.
Deux déclarations d'utilité publique ont déjà été prononcées : une dans l'Isère, à Séchilienne, et une dans l'Ariège, à Tarascon-sur-Ariège. Plus d'une dizaine d'autres demandes sont en cours d'instruction et il est à craindre que les moyens dont nous disposons ne soient pas suffisants.
Il a été proposé d'adapter le champ d'application du fonds non seulement au financement de la réparation des dégâts mais aussi au financement de la prévention des conséquences de certains risques. Le Gouvernement a accepté cette proposition, mais il nous faudra trouver la possibilité d'augmenter significativement les moyens consacrés à cette politique.
Je partage les préoccupations qui ont été exprimées au sujet de la Fondation du patrimoine. Cette fondation présentait un intérêt tout à fait essentiel dans la mesure où elle ne s'intéressait pas aux seuls éléments bâtis d'un site mais prenait en compte la totalité de ce site, dans sa partie bâtie et dans sa partie naturelle, et où elle s'attachait aussi à des sites strictement naturels ; telle était son originalité.
Nous avons souhaité nous associer à la Fondation du patrimoine par voie de contractualisation, en complément des moyens apportés par d'autres ministères et par des donateurs privés. Nous ne remettons pas en cause cette volonté : nous souhaitons que la Fondation continue à financer des projets de taille modeste, n'excédant pas 50 000 francs ou 100 000 francs, les opérations plus importantes ou plus « somptueuses » devant être, nous semble-t-il, financées par d'autres biais. Je pense, par exemple, aux opérations « grands sites », qui allient aussi ce souci de marier protection du patrimoine bâti et protection du patrimoine naturel et qui font appel à de nombreux contributeurs, notamment privés.
Avant de terminer, je souhaite encore dire quelques mots de l'enrésinement dans les zones de moyenne montagne.
La politique forestière qui a été lancée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale visait à établir une ressource en bois d'oeuvre suffisante pour permettre un développement de la filière en aval et pour résorber le déficit de la balance commerciale française en matière de bois de résineux. Cette politique a porté ses fruits mais, hélas ! au détriment de la biodiversité : elle s'est en effet appuyée sur des peuplements monospécifiques, qui faisaient souvent appel à des essences résineuses alors que les essences indigènes étaient délaissées.
Une réflexion est actuellement en cours avec le ministère de l'agriculture et de la pêche pour revoir les modalités de financement par l'Etat des opérations forestières. Une mission a été confiée à M. Bianco sur ce sujet.
J'ai annoncé, voilà quelques jours, notre intention d'augmenter de façon significative les peuplements : 300 000 hectares par an jusqu'en l'an 2005. Il s'agit, dans notre esprit, de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en utilisant la capacité des forêts d'absorber le gaz carbonique. Cela implique une gestion dynamique de la filière, c'est-à-dire que l'on doit non seulement planter mais aussi couper et donc, à l'autre extrémité de la filière, mieux valoriser le bois comme source d'énergie et le bois de construction, ces utilisations du bois ayant été largement négligées dans notre pays.
Nous serons tout à fait vigilants, par le biais de ce programme, quant au respect de la diversité biologique, à l'adéquation des plantations au sol et au climat et nous n'utiliserons pas cette politique comme alternative commode à la présence des paysans dans les zones rurales.
Vivant moi-même dans une région qui souffre de comblement des vallées par des forêts, je sais que c'est en général un mauvais signe au regard de la dynamique locale.
Je vous remercie, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre longue patience. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 17 762 101 francs. »

Par amendement n° II-70, M. Adnot, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 12 505 532 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Il s'agit là des « trois francs six sous » dont a parlé Mme le ministre. Cet amendement ne devrait donc pas lui poser trop de problèmes !
Pour nous, c'est un exercice hautement significatif puisque nous manifestons ainsi notre volonté de maîtriser la dérive des prélèvements obligatoires. Cette réduction de 12,5 millions de francs est d'abord destinée à montrer qu'il est parfaitement possible de conduire une politique qualitative sans pour autant alourdir la dépense publique, cet alourdissement coûtant systématiquement, on le sait, un certain nombre d'emplois.
J'ajouterai, en m'adressant à nos collègues de gauche, qui s'apprêtent à ne pas voter un budget « mutilé », que, dans quelques jours, ils vont avoir beaucoup de mal à voter ce que le Gouvernement va proposer dans le projet de loi de finances rectificative, à savoir une réduction des crédits de 40 millions de francs, ce qui est tout de même singulièrement plus élevé que ces 12,5 millions de francs. Je les laisse à ce cas de conscience !
Pour nous, en cet instant, il s'agit d'être en accord avec ce que nous avons toujours dit : il faut maîtriser la dépense publique. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre temps étant précieux, je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure. J'indiquerai donc simplement que cet amendement n'est pas accepté par le Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-70.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement, la commission des finances ne propose rien de moins que de réduire de 12,5 millions de francs, sur les 17,7 millions de francs inscrits en mesures nouvelles, les crédits du titre III du budget de l'environnement.
Or ce titre III porte sur les moyens des services. On y trouve les crédits affectés au paiement des personnels, aux parcs nationaux, à la police, à la gestion des eaux, aux actions en matière de recherche. Mais la liste est bien longue de ces crédits utiles et attendus !
Non sans humour, je serais tentée de proposer aux auteurs de cet amendement de supprimer purement et simplement l'ensemble des crédits inscrits au titre de la dépense environnementale de l'Etat et donc d'envisager la suppression du ministère de l'environnement ! Une telle mesure, à n'en pas douter, contribuerait largement, chers collègues de la majorité sénatoriale, à ce que, par euphémisme, vous appelez l'« effort de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat ».
Que n'avons-nous vu, chers collègues, une mesure identique lors des exercices précédents ? Cet « effort de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat » aurait pu viser l'ensemble des deniers publics consacrés à « l'aide à l'emploi », dont chacun sait qu'ils n'ont eu d'autre but que de réduire coûte que coûte le prix du travail et d'aggraver le chômage en conséquence !
Il y a loin d'une logique de dépense publique orientée vers la promotion du mieux-être de nos concitoyens - c'est finalement le but des dépenses environnementales - à celle que vous défendez et qui a consisté, pour ce que nous en connaissons, à orienter la dépense publique vers l'aide aux profits à court terme.
En conséquence, nous voterons contre l'amendement qui nous est proposé.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Le projet de loi de finances pour 1998 présente une double caractéristique. Il est tout à la fois économe, puisque les dépenses stagnent, et conforme aux priorités fixées par le Gouvernement et que les Français approuvent : priorité à l'emploi et à la création d'activité, priorité aux équipements collectifs, priorité à la solidarité et aux grands services publics de la vie quotidienne.
Notre rapporteur général propose de rendre ce budget encore plus économe en le réduisant de 21 milliards de francs. Ce serait une intention louable si cette démarche ne relevait pas d'une vision purement comptable du budget et d'un présupposé tout à fait contestable, selon lequel les dépenses de l'Etat en personnel sont contre-productives.
Est-ce contre-productif que de créer dix postes pour la surveillance des quelque 62 000 installations classées, alors que la population est très sensible au problème de la pollution ?
Est-ce contre-productif que de créer cinq emplois dans les services centraux du ministère pour accroître ses capacités d'expertise, notamment dans le cadre du programme décennal de prévention des risques naturels majeurs, ou encore pour permettre à la commission nationale du débat public de fonctionner ?
Est-ce, enfin, contre-productif que d'augmenter de près de 50 % les crédits du titre III destinés à la préparation des plans régionaux de lutte contre la pollution atmosphérique ?
Nous ne le pensons pas. Nous aimerions d'ailleurs que la majorité du Sénat nous indique précisément quelles actions elle entend réduire ou supprimer en diminuant de plus de 75 % les dotations du titre III.
Pour ce qui nous concerne, nous savons qu'il est impossible de réduire les crédits du titre III sans mettre dangereusement en péril les capacités d'action du ministère. C'est pourquoi nous nous opposons à cet amendement de suppression de crédits.
Par ailleurs, il paraît quelque peu illogique d'approuver la politique des réserves naturelles, la protection du patrimoine naturel - en déplorant que celui-ci soit négligé -, des paysages, des zones fragiles, de se réjouir de l'augmentation du nombre des espaces protégés, de se féliciter de la mise en place de la directive Natura 2000 et, dans le même temps, de réduire les crédits qui permettent de financer toutes ces actions.
Comprenne qui pourra ! Moi, je pense que la majorité sénatoriale aura bien du mal à expliquer cela à ses électeurs au moment des élections régionales. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-70 repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 47:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 97

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, 35 115 053 francs. »

Par amendement n° II-71, M. Adnot, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 3 965 260 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Cet amendement a le même objet que le précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vais tenter de ne pas répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Il me semble que la présentation de cet amendement relève d'un exercice surréaliste. En effet, tout au long du débat, bien peu d'intervenants, quelle que soit leur couleur politique, ont oublié de marquer leur attachement à la politique des réserves naturelles.
Je tiens, par exemple, à votre disposition une pile relativement impressionnante de lettres de députés et de sénateurs qui expriment leur attachement à tel parc naturel régional, à telle réserve naturelle, à tel parc national.
Alors, monsieur le rapporteur spécial, à qui allez-vous faire de la peine ?
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Aux associations à qui vous proposez exactement le même montant d'augmentation, madame la ministre !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Bien évidemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-71.
M. Jean Dérian. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dérian.
M. Jean Dérian. L'amendement proposé par notre collègue Philippe Adnot, au nom de la commission des finances, prévoit de réduire de près de 4 millions de francs sur les 35 millions de francs inscrits les crédits figurant au titre IV du projet de budget de l'environnement.
Pour mémoire, je rappellerai à mes collègues que le titre IV porte sur les interventions publiques du ministère de l'environnement.
Ainsi, ces crédits vont pour partie à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ou bien encore à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, à la prévention de la pollution et des risques, etc.
On ne peut évoquer avec justesse le caractère porteur des crédits de l'environnement pour l'emploi et l'éco-industrie, par exemple, et, dans le même temps, demander une diminution importante des crédits de ce ministère.
On ne peut s'inquiéter, à juste titre, de la débudgétisation de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie sans augmenter en conséquence ses crédits en provenance du budget de l'Etat. Or l'amendement de la commission, si nous l'adoptions, ne manquerait pas d'avoir pour conséquence de renforcer le phénomène.
Le budget de l'environnement est trop peu doté pour que l'on accepte une réduction de ses crédits. Ce faisant, nous priverions le ministère de réels moyens d'action et celui-ci devrait dès lors se contenter d'émettre des prescriptions environnementales.
Nous ne pouvons l'accepter ! C'est pourquoi, nous voterons contre cet amendement.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Par la suppression de crédits au titre III, la majorité sénatoriale s'opposait, en fait, à la création de trente-quatre emplois supplémentaires au sein du ministère de l'environnement, alors que tous les acteurs de terrain, les élus locaux et les membres du tissu associatif déplorent les manques de moyens, notamment dans les directions régionales de l'environnement ou encore dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Autant dire que ces emplois sont nécessaires.
La commission des finances nous propose maintenant de réduire de près de 4 millions de francs les crédits du titre IV. Là encore, M. le rapporteur spécial peut-il nous préciser sur quoi porterait cette réduction des dotations ?
S'agit-il de réduire les subventions de l'ADEME ? Pourtant, il me semblait avoir compris qu'un certain nombre de parlementaires de l'opposition dénoncent depuis plusieurs années, et cette année encore, la débudgétisation de ses crédits !
S'agit-il de supprimer les 3 millions de francs supplémentaires en faveur de la vie associative, alors que les associations jouent un rôle important d'information et de proposition dans le processus qui conduit les autorités publiques à lancer ou non un projet d'infrastructure ?
A moins qu'il ne s'agisse de supprimer les 4 millions de francs supplémentaires de ce même titre destinés à financer de nouvelles initiatives françaises en faveur du développement durable, en s'appuyant sur les mouvements associatifs internationaux ?
Avouez qu'en l'occurrence vous nous proposeriez une politique quelque peu dyslexique, au moment même où gouvernements et organisations non gouvernementales se retrouvent à Kyoto pour tenter de mettre en oeuvre et faire progresser le principe de développement durable.
Enfin, je note une certaine contradiction dans le discours de la majorité sénatoriale : d'un côté, elle critique la débudgétisation des crédits de l'environnement, ce qui signifie, implicitement, qu'elle est favorable à une inscription dans le budget général de crédits supplémentaires et, de l'autre, elle veut réduire ces mêmes crédits !
De deux choses l'une : soit nous nous donnons les moyens de mener une politique de l'environnement pour un développement durable, soit nous ne le voulons pas. C'est au premier objectif que le groupe socialiste souscrit et c'est pourquoi il ne votera pas cet amendement.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. On nous demande de préciser l'endroit où sera réalisée cette économie.
La totalité des crédits figurant au titre IV s'élèvent à environ 250 millions de francs. C'est au Gouvernement de procéder à l'imputation des 4 millions de francs de réduction de crédits. En effet, si l'on veut maîtriser son budget, on n'accorde pas une augmentation de 4 millions de francs aux associations sans connaître la liste de celles-ci et sans savoir quelle est la somme que chacune d'entre elles va recevoir. Mme le ministre trouvera les chapitres sur lesquels s'imputeront ces réductions de crédits !
Ce que chacun d'entre nous doit comprendre, c'est que, à un moment donné, il faudra bien baisser les prélèvements obligatoires pour donner une chance à l'emploi dans notre pays. Dès lors que nous augmentons les prélèvements, nous créons des chômeurs, car nous diminuons la compétitivité de nos entreprises.
Vous pouvez prendre de nombreuses mesures pour créer administrativement des emplois, mais, chaque fois que vous le faites, vous pouvez être certains que vous supprimez plus d'emplois réels que vous n'en avez créés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. C'est ce qu'a fait M. Juppé !
Mme Danielle Pourtaud. C'est une position doctrinaire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le rapporteur spécial, je pensais avoir démontré tout à l'heure que la politique de protection des espaces naturels était extrêmement créatrice d'emplois. Il s'agit non pas de simples emplois générés par l'aide publique, mais d'emplois qui, sur le terrain, ont un effet démultiplicateur. Une politique de protection des espaces donne effectivement naissance à des activités, lesquelles se pérennisent en raison de l'amélioration de l'image et de l'attractivité accrue de ces territoires. Je pense d'ailleurs que cela ne vous a pas échappé.
En ce qui concerne les associations, bon nombre d'entre elles sont porteuses de projets d'entretien et d'aménagement des espaces ; je pense à Espaces naturels de France, que beaucoup d'entre vous connaissent et encouragent.
Ces associations sont également porteuses de projets de développement local et constituent d'utiles partenaires pour monter et mener à bien des projets.
Par conséquent, je tiens à votre disposition la liste des associations qui bénéficient du soutien financier du ministère.
En outre, je souhaite vous rappeler que la plupart des associations ne reçoivent pas seulement des enveloppes modestes destinées à leur fonctionnement. Elles bénéficient surtout d'aides sur projet, pour lesquelles la décision est prise non pas par la ministre de l'environnement, mais par ceux qui connaissent le mieux ces associations à l'échelon local, puisque la gestion de ces fonds est déconcentrée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-71, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 48:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 97

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 273 370 000 francs ;

« Crédits de paiement, 87 921 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 525 499 000 francs ;
« Crédits de paiement, 202 464 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 62 B, 62 C et 62 D, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de l'environnement.

Article 62 B



M. le président.
« Art. 62 B. - La loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit est ainsi modifiée :
« 1° A la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 16, le nombre : "40 000" est remplacé par le nombre : "20 000" ;
« 2° L'article 17 est ainsi modifié :
« a) A la fin du troisième alinéa, la somme : "34 francs" est remplacée par les mots : "51 francs à compter du 1er janvier 1998 et 68 francs à compter du 1er janvier 1999" ;
« b) Après les mots : "Marseille-Provence", la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : "Toulouse-Blagnac, Mulhouse-Bâle, Bordeaux-Mérignac et Strasbourg-Entzheim : t = 18,75 francs à compter du 1er janvier 1998 et 25 francs à compter du 1er janvier 1999" ;
« c) A la fin de l'avant-dernier alinéa, la somme : "0,50 franc" est remplacée par la somme : "5 francs". » - (Adopté.)

Article 62 C



M. le président.
« Art. 62 C. - Dans le dernier alinéa de l'article 22-3 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, les mots : "en 1996 et en 1997" sont remplacés par les mots : "en 1998 et en 1999". »
Par amendement n° II-59, M. Adnot, au nom de la commission des finances, propose, dans le texte présenté par cet article pour modifier le dernier alinéa de l'article 22-3 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, de supprimer les mots : « et en 1999 ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Il s'agit, par cet amendement, de supprimer la possibilité pour l'ADEME d'opérer un prélèvement de 8 % sur le produit de la taxe sur les déchets en 1999. Cela ne signifie pas qu'on ne le permettra pas en 1999. Mais je rappelle que le taux de cette taxe devait initialement diminuer progressivement de 5,75 % en 1995, 5,5 % en 1996, 5,25 % en 1997 et 5 % en 1998.
Parallèlement à ce mouvement de baisse des taux de prélèvement pour couvrir les frais de gestion de l'ADEME, on a constaté une augmentation de la recette fiscale : entre 1996 et 1998, elle aura pratiquement doublé, passant de 600 millions de francs à environ 1,2 milliard de francs.
On peut considérer que, lorsque la base augmente autant, normalement, le pourcentage du prélèvement nécessaire pour couvrir les frais de gestion doit diminuer. Telle était la logique judicieuse retenue en 1995.
La mise en place des différents systèmes est compliquée. L'année dernière, nous avions accepté que, pour deux ans, le taux soit porté à 8 %. Nous souhaitons que le Parlement puisse se prononcer chaque année sur la reconduction de ce taux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je suis ravie, monsieur le rapporteur spécial, de voir que vous constatez avec moi que ce prélèvement est non pas superflu mais indispensable à l'ADEME pour piloter de façon efficace notre politique de résorption des décharges, telle que je l'ai présentée tout à l'heure, et de traitement des ordures ménagères.
Je souhaiterais, pour ma part, que nous puissions conserver cette période de deux ans, car il me semble nécessaire que l'ADEME puisse disposer de la stabilité nécessaire pour mener à bien sa mission.
En outre, vous en conviendrez avec moi, si l'ADEME est conduite à intensifier son effort et à engager des programmes plus ambitieux de traitement des ordures ménagères, les sommes qui sont en cause sont d'un ordre tel que nous n'aurons pas trop de ces deux années d'augmentation de frais de gestion pour commencer à résorber les sommes considérables qui sont en jeu actuellement.
Je considère, pour ma part, que ces frais de gestion ne sont pas excessifs et que nous aurions intérêt à conserver cette période de deux ans, laquelle ne préjuge pas les modalités ultérieures de financement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-59.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Avec cet amendement, nos collègues de la commission des finances proposent de réduire d'une année le prélèvement pour frais de gestion au profit du fonds de modernisation de la gestion des déchets géré par l'ADEME.
Nous avons évoqué, lors de la discussion générale, la question de la débudgétisation de cette agence. Pour autant, et à aucun moment, nos collègues auteurs de cet amendement ne sont intervenus pour augmenter les moyens du ministère de l'environnement et accroître la dotation de l'ADEME.
En fait, au nom de la maîtrise des dépenses de l'Etat, les crédits proposés pour le budget de l'environnement ont été amputés.
La taxe sur le stockage des déchets ne va pas sans entraîner des dépenses importantes, notamment pour les collectivités territoriales. Son taux de 25 francs par tonne en 1995 atteint 35 francs aujourd'hui et un nouvel accroissement est prévu pour 1998.
Nous savons, par ailleurs, que le produit de cette taxe est parfois loin d'être engagé ; pour autant, et compte tenu des missions essentielles de l'ADEME, nous ne souhaitons pas que ses moyens soient diminués. C'est pourquoi nous voterons contre l'amendement qui nous est proposé.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Mme Bidard-Reydet vient de dire que nous proposons de réduire d'une année le prélèvement pour frais de gestion au profit du fonds de modernisation de la gestion des déchets. Pas du tout ! Nous souhaitons simplement que ce soit le Parlement qui décide, l'année prochaine, du montant de cette taxe. La décision qui sera prise cette année ne doit pas nous engager pour le prochain budget.
Nous voulons pouvoir vérifier le montant exact de la taxe encaissée. En 1996, elle s'élevait à près de 600 millions de francs, sur lesquels s'appliquait un taux qui était, à l'époque, de 5,75 %. En 1997, elle atteint 1,2 milliard de francs, sur lesquels s'applique un taux de 8 %. Voilà qui doit donner quand même des moyens de fonctionnement au fonds de modernisation de la gestion des déchets !
Nous ne pouvons pas connaître le montant exact de la taxe qui sera perçue en 1998. Il sera bien temps, l'année prochaine, pour le Parlement, responsable de ses actes, de se prononcer sur le taux de cette taxe au regard de son volume.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-59, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 62 C, ainsi modifié.

(L'article 62 C est adopté.)

Article 62 D



M. le président.
« Art. 62 D. - Le Gouvernement présentera au 1er septembre 1998 un rapport sur le rôle et l'évolution des moyens de la Commission nationale du débat public, notamment au regard des dotations financières dont elle aura disposé durant cette période. »
Par amendement n° II-60, M. Adnot, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Nous souhaitons que les rapports qui sont demandés au Gouvernement portent sur des sujets suffisamment importants pour justifier cette procédure, et ce dans un souci de simplification. Nous estimons, en l'occurrence, que les rapporteurs spéciaux des deux assemblées peuvent procéder à un contrôle sur pièces et sur place et qu'un rapport ne s'impose pas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comme vous le savez, nous souhaitons que le public ne soit pas uniquement consulté sur des dossiers bouclés et qu'il ait l'occasion, avant la toute dernière phase des consultations publiques qui aboutissent aux déclarations d'utilité publique, de se prononcer sur l'opportunité d'un projet avant d'avoir à le faire de façon plus fine sur les modalités.
Dans cet esprit, le précédent gouvernement avait cru devoir encourager la mise en place de la commission nationale du débat public. J'ai souhaité reprendre à mon compte cette idée, que je juge excellente, en installant, le 4 septembre dernier, cette commission. Sitôt mise en place, elle a été saisie de cinq projets très lourds parmi lesquels Le Havre-Port 2000, l'autoroute A 32 Metz-Nancy, la ligne à très haute tension Boutre-Carros et le projet de barrage de Charlas. C'est dire les attentes des usagers et le besoin auquel elle répond.
Nous avions probablement sous-estimé cette attente et peut-être sous-dimensionné l'outil. C'est pourquoi nous avons souhaité, sans tarder, pouvoir évaluer le fonctionnement, l'efficacité et les moyens affectés à la Commission nationale du débat public, après sa première année d'existence.
Je ne comprends pas les réticences exprimées par M. le rapporteur spécial. Bien que je n'aie pas été moi-même à l'initiative de ce rapport, j'en comprends les enjeux et j'en soutiens l'esprit.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-60.
M. Jean Dérian. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dérian.
M. Jean Dérian. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'amendement n° II-60 de la commission des finances sur les crédits de l'environnement porte sur le fonctionnement de la commission nationale du débat public.
Il me semble, dans un premier temps, indispensable de revenir sur la définition même des missions de cette commission, telle qu'elle résulte de l'article 2 de la loi du 2 février 1995.
Cet article dispose : « Sans préjudice des dispositions de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement et de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, pour les grandes opérations publiques d'aménagement d'intérêt national de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des sociétés d'économie mixte présentant un fort enjeu socio-économique ou ayant un impact significatif sur l'environnement, un débat public peut être organisé sur les objectifs et les caractéristiques principales des projets, pendant la phase de leur élaboration. »
Cet article définit, ensuite, les conditions de saisine et la composition de la commission nationale, ainsi que la portée des initiatives qu'elle est amenée à prendre.
En 1995, cet article pouvait être considéré comme une première avancée dans la voie de la démocratie et de la transparence en matière de politique d'aménagement du territoire, avancée tenant en fait compte de la montée des aspirations citoyennes sur les questions d'environnement et d'aménagement.
Pour autant, au-delà du domaine de compétences même de la commission, il nous semble important de connaître aujourd'hui la contribution de la commission nationale au débat démocratique.
Il est donc, de notre point de vue, important qu'il soit fait état devant la représentation nationale de la réalité des interventions de la commission nationale et que nous ayons en quelque sorte une connaissance plus fine de son rôle et de ses interventions.
Vous me verrez donc dans l'obligation de ne pas suivre M. le rapporteur spécial dans sa volonté de supprimer l'article 62 D du projet de loi de finances, la pleine connaissance des interventions de cette commission nous semblant en effet indispensable.
Le débat dans notre assemblée sur l'article 2 de la loi Barnier fut en effet suffisamment nourri et long pour que nous nous interrogions aujourd'hui sur sa portée concrète, et ce d'autant que rien ne semble avoir été effectivement prévu pour que nous ayons connaissance de façon régulière des activités de la commission nationale.
Nous ne voterons donc pas l'amendement n° II-60 de la commission des finances.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Par l'amendement n° II-60, la commission des finances propose de supprimer l'article 62 D, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale et visant à demander au Gouvernement de présenter, au 1er septembre 1998, un rapport sur le rôle et l'évolution des moyens de la Commission nationale du débat public, notamment au regard des dotations financières dont elle aura disposé durant cette période.
J'avoue ne pas comprendre les explications qui viennent d'être apportées par M. le rapporteur spécial. Comme l'a rappelé Mme la ministre, la commission nationale du débat public a été créée par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Sa création a répondu à une attente réelle de l'ensemble de nos concitoyens et, en quelque sorte, à un impératif démocratique, puisque sa mission consiste à organiser, bien avant l'enquête publique, un débat préalable sur les grands projets d'aménagement.
Malheureusement, cette commission est restée longtemps une coquille vide. Il a fallu attendre le 4 septembre dernier pour qu'elle constitue des commissions particulières chargées d'examiner cinq projets, dont Mme la ministre a rappelé l'importance tout à l'heure. Au moment où l'on nous annonce une réforme prochaine du dispositif de l'enquête publique, ce rapport pourra sans nul doute nous éclairer de manière très intéressante. C'est pourquoi nous voterons contre l'amendement n° II-60 présenté par la commission des finances.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Si le Gouvernement souhaite présenter un rapport sur le rôle et l'évolution des moyens de la commission nationale du débat public, qu'il le fasse ! Il est tout à fait légitime de dresser tous les ans le bilan du travail qu'elle a accompli et de publier un rapport à ce sujet. Néanmoins, est-il nécessaire de recourir à la loi pour obtenir ce résultat, c'est-à-dire d'utiliser ce marteau-pilon pour écraser une mouche ?
Nous estimons que les rapports demandés au Gouvernement sur un sujet précis doivent être suffisamment importants pour justifier cette procédure. Pour le reste, nous ne sommes pas hostiles à l'idée que le Parlement ait connaissance du travail accompli par cette commission.
M. Christian de La Malène. Bien sûr !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous conviendrez avec moi qu'il ne revient pas à un membre du Gouvernement de dire à un parlementaire qui désire travailler que son travail n'est pas très utile et que, finalement, il sera effectué par des fonctionnaires.
Pour ma part, je me félicite de l'intérêt que manifestent les parlementaires pour notre travail. Je me réjouis en tout cas autant de cette proposition de rapport sur la commission nationale du débat public que vous sans doute, monsieur le rapporteur spécial, vous vous réjouissez d'une certaine commission d'enquête sur la politique d'aménagement du territoire et de réalisation des grands travaux.
A légitimité, légitimité et demie. Pour par part, je ne veux pas trancher. J'estime que ce qui est proposé par les parlementaires mérite le respect. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-60, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 62 D est supprimé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'environnement.

Défense

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de la défense.
La parole est à M. Blin, rapporteur spécial.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la défense que nous examinons est en diminution sensible : 184 milliards de francs pour 1998 contre 191 milliards de francs l'an dernier, soit, en francs constants, une régression de 8,5 milliards de francs. S'y ajoutent des annulations en cours d'année. Elles ont été de 3,4 milliards de francs en juillet dernier et le prochain collectif en comportera une nouvelle de 1,8 milliard de francs.
Ainsi, le budget de 1997 aura été amputé de 5 milliards de francs, tandis que celui de 1998 décrochera à nouveau de plus de 8 milliards de francs. Dois-je rappeler que si le budget de 1997 avait été conforme à la première annuité de l'actuelle programmation, les crédits d'équipement y étaient déjà en baisse de 18 % par rapport à la précédente ? La situation, monsieur le ministre, qui, avant vous, était préoccupante devient aujourd'hui proprement critique.
Certes, cette récession s'inscrit dans un mouvement général qui a conduit la plupart des pays européens, tels que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, à reduire les crédits de leurs armées. Mais nous procédons, en ce qui nous concerne, à des diminutions de crédits au coup par coup, en tenant compte des difficultés budgétaires du moment, sans vue d'ensemble, alors que nos voisins britanniques, au contraire, planifient la réduction de leurs crédits et, partant, les utilisent mieux.
J'en viens maintenant à quelques constatations quant au contenu même du budget qui nous est proposé.
Premier constat : ce sont les crédits d'équipement qui diminuent le plus dans un budget globablement en baisse ; la réduction est de près de 10 % en francs constants par rapport à 1997.
Deuxième constat : le déséquilibre entre le titre III et le titre V s'accroît ; 44 % des crédits pour ce dernier et 56 % pour le premier contre respectivement 48 % et 52 % l'an dernier. Ce déséquilibre s'explique largement par le surcoût des opérations extérieures gagé par des annulations sur le titre V. Nous l'avons constaté dans le décret d'annulation du mois d'octobre dernier ; nous allons le constater à nouveau dans le prochain collectif.
S'y ajoutent les exigences de la professionnalisation qui imposent de remplacer une ressource abondante et relativement peu onéreuse, celle des appelés, par des recrutements beaucoup plus coûteux pour répondre, en nombre et en qualité, aux besoins des armées.
La professionnalisation, au demeurant, n'est pas uniquement l'affaire du titre III : elle n'a de sens que si elle s'accompagne d'une modernisation des équipements. L'investissement humain doit aller de pair avec l'investissement en équipement et en matériel. On ne peut réussir l'un en ruinant l'autre.
Troisième constat : au sein du titre V, c'est le nucléaire qui supporte la régression la plus forte, soit 13 %.
Quatrième constat : les crédits qui concernent l'avenir sont, hélas ! les plus frappés : moins 15 % pour les études, contre moins 8 % pour les fabrications.
J'observe cependant, par souci d'objectivité et pour m'en féliciter, que les programmes en coopération d'ores et déjà lancés sont préservés : l'hélicoptère Tigre et le NH 90, le missile AC 3 G, la frégate antiaérienne Horizon, notamment.
De ces constatations, mes chers collègues, résultent interrogations et inquiétudes.
Cette année et l'an prochain, plus encore que les années précédentes, le projet de budget de la défense est traité - on l'a dit et on le redira - comme un réservoir de crédits dans lequel on puise pour abonder le budget général. En son sein, la variable d'ajustement se trouve essentiellement dans le secteur nucléaire. Ses crédits sont ainsi passés, en francs constants, de 37 milliards de francs en 1989 à 18 milliards de francs en 1997.
Alors que la loi de programmation prévoyait pour 1998 une diminution de seulement 1,5 %, ces crédits vont régresser de plus de 13 %. Dans le même temps, le coût de démantèlement du système Hadès et du missile S3, celui de la fermeture des usines de Marcoule et de Pierrelatte sera élevé et très probablement supérieur aux prévisions. Pourrions-nous, monsieur le ministre, avoir une évaluation à peu près exacte ?
De même, quel sera, dans ces conditions, le sort du quatrième sous-marin nucléaire lance-engins de nouvelle génération inscrit en programmation mais que le recul d'un an du troisième risque de pousser hors de celle-ci ?
C'est toute la doctrine de notre dissuasion, fondée sur la « suffisance » de nos moyens, qui est en cause.
Cette diminution substantielle des crédits du titre V pose un problème, celui du coût des programmes.
L'équilibre de la loi de programmation repose, en effet, sur une diminution de 30 % de ces coûts sur les six années qu'elle couvre, soit 5 % en moyenne par an. L'objectif est très ambitieux puisque la précédente loi de programmation tablait sur une diminution de seulement 2 % par an.
Les efforts des industriels pour abaisser leurs prix de revient vont se heurter à la réduction et à l'étalement des commandes, même si quelques-unes d'entre elles prennent la forme de commandes pluriannuelles.
Prenons quelques exemples.
Quelle amélioration de la productivité peut-on attendre de la commande, en 1998, de deux Rafale, ce produit de la plus haute technologie française ? Son programme lancé en 1985 n'aboutira plus désormais qu'en 2005, soit avec neuf ans de retard. Sa version air est arrêtée depuis deux ans. L'avion avait hier encore quatre ans d'avance sur son rival européen, l'Eurofighter. Il en aura bientôt un de retard, et c'est de ce même avion européen que l'Allemagne vient de se porter acquéreur, pour 180 appareils.
Dans le même temps, le modeste Gripen, un avion suédois très partiellement comparable, va, lui, être construit à 150 exemplaires. Quant au JSF américain, notre rival pour demain, au coût sévèrement maîtrisé, il est prévu de le produire à 3 000 exemplaires.
On peut dès lors, et non sans crainte, se demander, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quel prix cet avion américain sera proposé sur les marchés étrangers. Quel concurrent redoutable il constituera pour l'avion français ! Que dire encore du décalage d'un an, j'en parlais tout à l'heure, de la mise en oeuvre du troisième sous-marin nucléaire lance-engins alors que ce report obligera à en conserver un autre au prix de coûteux travaux d'entretien ?
Quelle amélioration de la situation de GIAT Industries peut-on espérer d'une nouvelle réduction des livraisons de chars et des commandes de munitions ?
Voilà autant de questions, monsieur le ministre, auxquelles nous souhaiterions que vous apportiez une réponse.
Je rappelle que le titre V pourvoit aussi - on l'oublie trop - aux besoins de l'infrastructure, des études, de l'entretien des matériels. Seule, par conséquent, une part de ses crédits, la moitié environ, iront à la fabrication des matériels. Enfin, sur cette moitié - ne l'oublions pas davantage - 20 % reviendront à l'Etat sous forme de TVA.
Ainsi, les flux financiers vers les industries de défense s'établiront en fait pour les fabrications à environ 30 milliards de francs en 1998. Cette réduction draconienne de leur marché ne peut, à l'évidence, que conduire à une aggravation des coûts.
A quoi s'ajoute - est-il besoin de le dire ? - une situation internationale peu favorable. Nos industriels y trouvent de moins en moins une compensation à la baisse des commandes nationales. La réduction de nos commandes à l'exportation, qui sont passées de 33 milliards de francs en 1995 à moins de 20 milliards de francs en 1996, traduit une dégradation manifestement durable.
La concurrence est de plus en plus rude, notamment celle des Etats-Unis, qu'elle s'affirme directement ou qu'elle s'exprime sous le couvert de l'OTAN. Elle met en question l'autonomie stratégique de l'Europe qui, on le sait, se joue d'abord et désormais dans l'espace.
La coopération entre Européens, qui permet non seulement de partager les coûts, mais aussi d'unir les volontés, piétine et on peut craindre qu'elle ne régresse.
Nous poursuivons le programme Helios. Mais l'attentisme de notre voisin allemand nous gêne et freine notre élan. Nous sommes obligés de retarder le programme Horus pour la même raison. En règle plus générale et même si, je l'ai dit, le budget pour 1998 comporte la poursuite des programmes en coopération déjà engagés, on peut craindre que cette priorité, du fait de la réduction globale des crédits, ne s'exerce aux dépens des programmes nationaux.
Certes, beaucoup de ceux-ci sont parvenus en fin de développement et entrés en fabrication. Mais ce sont - j'y reviens - les crédits d'études qui permettent de renouveler nos équipements, de maîtriser leurs coûts, de développer les activités de diversification, et donc d'assurer l'autonomie de notre capacité de défense.
Or - retenons bien ces deux taux - nous allouons 30 % de nos crédits d'équipement aux études alors que, aux Etats-Unis, la proportion est de 45 %, soit presque la moitié des crédits d'équipement.
Touchant l'avenir, enfin, comment ne pas évoquer aussi l'incertitude qui continue de peser sur le programme majeur de l'avion de transport futur, l'ATF ? Il est vital pour l'avenir et l'existence même de l'industrie aéronautique européenne. Puissent ses chances qui, à l'heure actuelle, ne semblent pas - j'espère que vous nous le confirmerez, monsieur le ministre - totalement compromises, ne pas être définitivement perdues ! Cet avion est en effet le symbole du dynamisme et de l'autonomie future de notre continent.
Incertitude, encore, sur les systèmes d'information et de commandement dont on attend beaucoup, mais dont on voit mal l'architecture d'ensemble et l'intégration interarmées.
Ainsi donc, certitude dans l'immédiat - celle d'une réduction des crédits, et donc des commandes - incertitude pour l'avenir : comment, dans ces conditions, maintenir la pérennité de notre industrie d'armement ? Voilà la question clé qui nous occupe tous, monsieur le ministre, et tout particulièrement notre commission des finances.
Cette industrie occupe - faut-il vraiment le rappeler ? - une des premières places au niveau mondial. Elle assure, seule ou en coopération, la quasi-totalité de l'équipement de nos forces. Elle représente environ un tiers de l'industrie européenne et 7 % de l'emploi industriel en France avec 170 000 emplois directs. Elle tire vers le haut les activités industrielles de pointe.
Sans doute la coopération européenne a-t-elle pu répondre à la nécessité d'élargir son champ d'action. Notre industrie s'y est engagée avec détermination ; plus de la moitié de la production industrielle de certaines entreprises - Aérospatiale en particulier - se fait aujourd'hui en coopération.
Pour autant, cette dernière, sauf rares exceptions, n'a pas touché aux structures et à la dispersion de nos entreprises, d'où ses effets limités, alors que, dans le même temps, les Américains, engagés dans des restructurations profondes, se sont dotés d'une force de frappe redoutable. En deux ans à peine, l'industrie de l'espace, celle de l'aéronautique, celle des missiles et celle de l'électronique de défense ont été regroupées dans trois entités au chiffre d'affaires considérable, appuyées par un budget de la défense de plus de 1 500 milliards de francs et animées par la volonté, à peine dissimulée, de dominer la planète, évinçant leur seul concurrent crédible, l'Europe, et tout spécialement la France.
Qu'en est-il aujourd'hui, monsieur le ministre, des projets de regroupement en attente depuis longtemps dans les domaines de l'électronique et de l'aéronautique ? Que va-t-il advenir du secteur, fortement étatisé, occupé par la direction des constructions navales et GIAT Industries ?
Notre industrie de défense est fortement marquée par l'empreinte de l'Etat et de l'actionnariat public. Cette empreinte déconcerte et fait hésiter nos partenaires qui peuvent être tentés de la contourner. C'est ainsi que s'esquisse un « axe » germano-britannique autour duquel se structurerait l'industrie de défense européenne et face auquel nous courons le risque d'être marginalisés.
En attendant, la rétraction du titre V du budget de défense va entraîner la perte de 15 000 à 20 000 emplois de haute qualification et de forte valeur ajoutée, alors que, dans le même temps, d'autres emplois à finalité sociale incertaine sont créés à grands frais. Une telle logique, monsieur le ministre, nous échappe.
En réalité, et c'est là sans doute l'explication, le budget des armées qui nous est présenté souffre du même mal que le budget général, si pertinemment analysé par le rapporteur de la commission des finances lors de la présentation qu'il en a faite : comme lui, il sacrifie l'investissement, qui est pourtant seul porteur d'avenir, à des dépenses de fonctionnement que risque d'alourdir encore le coût d'une professionnalisation manifestement sous-estimé.
Plus gravement, il est en contradiction avec l'engagement qui avait été pourtant pris au sommet de l'Etat du respect de la loi de programmation militaire telle qu'elle avait été fixée voilà seulement deux ans. D'où la déconvenue qu'il a provoquée dans le personnel des armées, déconvenue suffisamment grave pour que, fait exceptionnel, une expression publique lui ait été donnée.
Enfin - pourquoi le cacher, mes chers collègues ? - cette régression annonce non pas un nouvel infléchissement de la loi de programmation, mais son abandon prochain pur et simple.
Pour ces trois raisons, vous comprendrez, mes chers collègues, et vous aussi, monsieur le ministre, que le rapporteur de la commission des finances ne puisse, et croyez bien qu'il le fait sans joie, que proposer le rejet du projet de budget de la défense. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. C'est tragiquement vrai ! Ne souriez pas, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Trucy, rapporteur spécial, et à lui seul.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les dépenses ordinaires. Monsieur le ministre, vous vous êtes bien battu pour votre budget, cela vous vaut notre sympathie, mais vous n'avez pas été suffisamment compris par le Gouvernement, et cela nous vaut un budget qui ne nous satisfait pas, tant s'en faut.
Le projet de budget dont nous examinons le titre III, qui concerne le « fonctionnement », ne respecte pas strictement, contrairement à certains propos, l'évolution des effectifs prévue par la loi de programmation et ne traduit pas fidèlement la priorité accordée à la professionnalisation des armées. Pourtant, ce devrait être sa première vertu.
Une vue prosaïque des réalités conduit à une appréciation sensiblement différente de celle que vous espérez sûrement nous voir exprimer, monsieur le ministre.
D'abord, l'évolution des effectifs est prévue dans le projet de budget, mais il reste à la réaliser.
Sont envisagés une forte diminution des appelés et des sous-officiers et un sensible accroissement des militaires du rang engagés et des civils.
Or, l'importante diminution des appelés risque d'être encore plus forte que prévue sous l'effet des nouvelles mesures législatives. Celle des sous-officiers pourrait bien ne pas être celle qui est souhaitée. Pour les militaires du rang engagés, on ne sait encore sur quelle quantité et sur quelle qualité de ressources - nous y reviendrons - on pourra compter. Pour les civils, on connaît d'ores et déjà les difficultés rencontrées pour transférer les postes supprimés au sein de la délégation générale pour l'armement vers les postes ouverts dans les unités et les services militaires.
Reprenons ces remarques.
S'agissant des effectifs d'appelés, la loi de programmation n'est pas assortie d'un échéancier annuel des effectifs. Elle traite, en effet, de l'« agrégat » appelés-volontaires. Il est donc difficile d'affirmer que l'évolution du nombre d'appelés sera conforme à la loi de programmation. En fait, leur nombre dépend des dispositions budgétaires annuelles, mais il va aussi dépendre, ce qui n'était pas prévu, d'un facteur extrabudgétaire.
En effet, l'article 3 de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national introduit - c'est une nouveauté - la possibilité d'obtenir un report d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée.
Sans revenir sur les préoccupations sociales qui ont prévalu pour cette décision, je dirai qu'il est permis de douter, dans ces conditions, que la conscription sera maintenue vraiment jusqu'à son terme et qu'elle donnera vraiment, avec les volontaires, la ressource suffisante pour permettre la montée en puissance régulière de la professionnalisation, et ce d'autant plus que le volontariat ne peut pour le moment être mis en oeuvre puisque ses modalités d'application ne sont pas encore précisées.
Le chef d'état-major de l'armée de terre s'est du reste ouvertement exprimé sur les craintes qu'il éprouvait de ne pas disposer de la ressource indispensable en appelés jusqu'à la fin de la période de transition.
Pour les sous-officiers, les effectifs nets doivent diminuer de 1 837 postes. Ces personnels sont au coeur du dispositif d'incitation aux départs sous forme de pécules dont la dotation va croître de plus de 40 % et atteindre 822 millions de francs dans votre budget. Pour autant, permettront-ils une exacte adéquation des demandes aux besoins ? La diminution nette des effectifs résulte en effet du solde entre les départs et les recrutements et, par conséquent, d'une maîtrise exacte des uns et des autres, ce qui est une tâche difficile.
Plus de 8 000 créations d'emploi iront aux militaires du rang engagés. Mais le « vivier » du service national dans lequel l'armée de terre, la principale intéressée, puise aujourd'hui une bonne part de ses engagés va toutefois s'amenuiser en quantité comme en qualité pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure et qui tiennent aux reports d'incorporation.
La nécessité d'un recrutement suffisamment diversifié pour correspondre à l'éventail des compétences des appelés, au moins pour les emplois qui ne pourront être confiés à des civils, et la concurrence de nouveaux emplois créés par ailleurs à l'intention des jeunes ajouteront aux difficultés de cette entreprise et aux aléas des campagnes de recrutement qui vont être menées.
La rémunération prévue, d'un montant de 5 600 francs, sera-t-elle suffisamment attractive ? Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? La provision inscrite au budget est-elle correctement calculée ?
Enfin, pour répondre à l'accroissement de la part des personnels civils, les postes doivent être pourvus essentiellement par transfert du personnel des établissements de la délégation générale pour l'armement. Ce transfert est contrarié pour des questions de localisation géographique ou d'adéquation des tâches, et aussi en raison des mesures imposées par le ministère des finances, mesures qui laissent d'ores et déjà plusieurs milliers d'emplois vacants. Pourtant, seul l'attachement que ces personnels portent à l'institution militaire, leur souci d'adaptation et leur volonté de voir réussir la réforme de nos armées permettront d'atténuer ces difficultés.
Ces difficultés n'étaient peut-être pas toutes attendues. Elles étaient cependant prévisibles. Nul ne pouvait s'attendre à ce que la professionnalisation soit une tâche facile, parce qu'elle a un coût, qui doit être financé, et parce qu'elle a provoqué un choc, qui doit être atténué.
Le coût, tel qu'il apparaît dans le projet de budget, est celui des emplois créés, soit un peu plus d'un milliard de francs, et des mesures d'accompagnement de la professionnalisation - aménagements et revalorisation des soldes, aides au départ et à la mobilité - pour un peu moins de 1,4 milliard de francs.
Mais au-delà de ces constatations de base se pose une question majeure : quel est le coût total de la professionnalisation, celui de l'addition du coût des mesures transitoires et des mesures permanentes ? En avons-nous maintenant une meilleure appréciation ?
Il n'existe, semble-t-il, aucune évaluation officielle et détaillée de ce coût. On sait, certes, que la professionnalisation coûtera cher. On devrait peut-être réaliser aussi - M. Blin vient de le dire à l'instant - qu'elle ne doit pas seulement s'appuyer sur les dotations du titre III, car elle coûtera non seulement en rémunérations mais aussi en dépenses d'infrastructure et d'équipement. Les dépenses d'infrastructure sont liées à la nécessité de ménager des conditions d'accueil et de logement convenables à une population plus stable que celle des appelés ; les dépenses d'équipement sont justifiées par le fait que la modernisation de ce dernier donnera sa pleine signification à la professionnalisation.
M. Blin vient de dénoncer les contraintes qui pesaient sur le titre V - celui de l'infrastructure et de l'équipement - et les craintes que ce projet de budget suscite. Je vous dirai, pour ma part, les préoccupations que m'inspire la situation du titre III.
A première vue, le titre III connaît une évolution meilleure que celle du titre V. Il évolue positivement - plus 1,5 % par rapport à 1997 - alors que le titre V régresse.
Toutefois, la construction de ce budget n'étant plus la même d'une année sur l'autre, à périmètre constant, le titre III n'augmente en fait que de 0,2 % en francs courants, ce qui signifie qu'il diminue de 1 % en francs constants.
Par ailleurs, dans ce titre qui régresse en volume, le poids des rémunérations s'alourdit. C'était inévitable. Réprésentant maintenant plus des trois quarts du titre III, les crédits des rémunérations écrasent de plus en plus les autres dotations, celles qui vont à la vie courante, aux activités, et que l'on englobe sous l'appellation générale « crédits de fonctionnement. » Ces derniers diminuent de 5,4 %, soit de plus de 7 % en francs constants. Certes, me direz-vous, monsieur le ministre, les effectifs diminuent, donc les besoins aussi. Mais vous savez aussi bien que moi que les effectifs ne diminuent que de 4 % ! Il n'y a donc pas parallélisme des formes.
En outre, alors que la diminution des effectifs se réalisera progressivement tout au long de l'année, la diminution des crédits, elle, pèse d'emblée sur le budget de fonctionnement des unités.
Dès lors, que se passera-t-il ? Ce sont les conditions de vie et de travail qui vont se trouver détériorées et, partant, une partie aussi de l'attractivité même de la carrière militaire.
C'est l'activité des forces, à savoir l'instruction et l'entraînement des nouveaux engagés, qui sera contrariée.
C'est l'entretien des matériels qui sera diminué, ce qui imposera une indisponibilité de certains équipements, des appareils de combat, des bâtiments de la flotte et, souvent, des véhicules.
De surcroît, une partie des crédits de fonctionnement - il faut bien en être conscient - sera absorbée par les dépenses de sous-traitance des tâches, confiées jusqu'à présent à des appelés.
Dans le fonctionnement, il y a en effet beaucoup de tâches « ordinaires », domestiques, dirais-je : la maintenance, l'entretien des équipements dont je viens de parler n'en sont que des exemples. Mais il y en a d'autres : l'entretien des locaux, le chauffage, l'éclairage, l'informatique de gestion, l'instruction, la formation, les exercices... Toutes ces tâches, qui étaient jusqu'à présent confiées aux appelés, devront être assurées par d'autres, et à prix coûtant.
Il est tentant - et ce budget le fait - d'amputer ces crédits. Mais le prix de ces « économies » est le risque d'une diminution de la cohérence d'ensemble de l'activité des unités.
Enfin, nos engagements extérieurs, ceux-là mêmes que la professionnalisation doit servir par une capacité de projection accrue, pèsent de plus en plus sur le titre III.
En effet, seules les opérations exceptionnelles dans l'avenir, expressément reconnues comme telles par décision du chef des armées, donneront désormais lieu à une couverture budgétaire par voie de collectif. Or, on connaît les limites d'un tel texte et on sait qu'à la date du 30 juin 1997 le surcoût de ces opérations était d'ores et déjà évalué - M. Blin l'a rappelé - à 3 300 millions de francs.
Au total, le coût de la professionnalisation va continuer d'accroître la part du titre III dans le budget de la défense et la part des rémunérations dans le titre III.
Dans un budget qui subit une telle récession, le titre III ne peut croître qu'au détriment du titre V. Monsieur le ministre, jusqu'où un tel déséquilibre structurel pourra-t-il être supporté ?
La professionnalisation a un coût. Elle a également provoqué un choc, ce qui est naturel.
L'annonce de la professionnalisation a été, en effet, une rupture totale et brusque avec l'une des orientations majeures du Livre blanc. Ce ne sera plus désormais la même armée et, pour ceux qui y servent, ce ne seront plus ni le même métier ni les mêmes carrières.
Les effectifs, au terme de la professionnalisation, auront régressé de près de 24 %. La part des civils passera de 13 % à 19 %, et pratiquement tous les militaires seront des militaires de carrière ou sous contrat.
En l'espace de quelques années, le service militaire obligatoire disparaîtra, le nombre des engagés doublera, les flux de départ d'officiers et de sous-officiers devront croiser de nouveaux flux de recrutement, des civils plus nombreux, des volontaires du service national devront être accueillis et les réserves devront être rénovées.
Devant ce chantier énorme, nous tenons à formuler une mise en garde et à exprimer quelques propositions.
La mise en garde est la suivante : la reconversion profonde de notre dispositif de défense, dans ses structures, dans ses implantations, dans son fonctionnement, dans son évolution vers un format plus ramassé, ne doit pas faire peser sur le personnel militaire, par le jeu de son statut et des contraintes spécifiques qu'il impose, le poids essentiel de cette reconversion.
La durée de travail d'un sergent, mes chers collègues, est non pas de trente-neuf heures ou de trente-cinq heures, mais de cinquante à soixante heures par semaine ; il est astreint à des gardes et à des permanences pendant plusieurs dizaines de samedis, de dimanches ou de jours fériés pendant l'année ; il est absent de son domicile pour de longues périodes.
A-t-on songé aux effectifs et aux crédits qui seraient nécessaires dans les armées si les personnels de ces dernières vivaient sous le régime de la limitation de la durée du travail ou sous celui des heures supplémentaires ? Je souhaite donc que l'on garde cette situation présente à l'esprit - mais, monsieur le ministre, je sais que vous en êtes hautement conscient - dans la mise en oeuvre pratique de la diminution des effectifs.
La préoccupation déjà évoquée est celle d'une disparition prématurée des ressources en appelés. On obtiendrait assez rapidement un effondrement de la ressource qui laisserait les armées hors d'état de faire face à leurs missions.
J'en viens aux propositions.
La loi sur les réserves est la troisième du dispositif législatif qui règle la réforme de nos armées. Elle est à venir ; elle est imminente, nous avez-vous dit ici à plusieurs reprises, monsieur le ministre. Elle sera délicate à mettre au point, car elle touche fondamentalement au lien entre l'armée et la nation. Après la disparition du service national, beaucoup d'idées dans ce domaine-là sont reportées sur le projet de loi que vous allez nous proposer.
La loi sur les réserves devra contribuer à la cohésion d'ensemble du nouveau modèle d'armée et établir un « pont » entre celle-ci et la société civile. Mais, bien sûr, il faudra la financer. La loi de programmation prévoyait plus de 2 200 millions de francs ; les dotations pour 1998 sont bien moindres, dans l'attente de la loi.
Je voudrais formuler trois propositions.
Tout d'abord, il faudra mener une large concertation préalable et traiter la communication entre la réserve et l'active dans un large esprit d'ouverture ; la place accordée aux réservistes devra être à la hauteur du rôle que l'on attend d'eux. Or on attend beaucoup.
Ensuite, ce rôle réclame une disponibilité des réserves. Il faudra donc chercher et trouver des garanties à l'égard des employeurs et des incitations vis-à-vis des intéressés, et il faudra accepter d'en payer le prix.
Enfin, il faudra porter une grande attention à l'apport, essentiel, des réservistes spécialisés, lors des opérations extérieures, dans les domaines qui concernent le relèvement économique des pays où nous sommes engagés : travaux publics, distribution de l'énergie et de l'eau, santé publique, etc. C'est l'intérêt de la France. Souvent, si nous avons été très présents militairement et sans reproche à ce titre, il n'en a pas été de même quand il s'agissait de traiter les demandes des pays que nous étions en train de libérer ou de protéger.
Cette mise en garde, ces préoccupations, ces propositions sont, bien évidemment dictées par les difficultés et les incertitudes de la période de transition, qui va se poursuivre encore quelques années.
Je ne voudrais pas ici, monsieur le ministre, ouvrir un développement sur ce qu'on appelle quelquefois le « malaise » des armées. Mais vous avez pris la mesure, j'en suis sûr, de la perplexité, du désenchantement, du désarroi, ici ou là du mécontentement qu'ont suscité des engagements non tenus, des maladresses - mais ce ne sont pas les vôtres - et des mesures prises dans la précipitation.
Vous en avez eu l'expression dans les déclarations de la hiérarchie militaire. M. Blin et moi-même en avons eu l'écho lors de nos visites dans les unités.
Il n'est pas possible d'exiger des militaires cette disponibilité que nous leur connaissons et une retenue sans équivalent dans la fonction publique, sans porter la plus grande attention aux formes d'expression qui leur sont reconnues.
Il convient de faire en sorte que l'armée, institution discrète et désintéressée, puisse s'exprimer correctement dans un monde médiatisé et syndicalisé et qu'elle soit entendue. Je sais, du reste, monsieur le ministre, que vous portez une grande attention à cette situation. Redoublez d'attention !
Je voudrais revenir sur les opérations extérieures.
Les contraintes budgétaires vont de plus en plus conduire à réduire les dépenses. La révision du régime des soldes à l'étranger s'inscrit dans cette perspective.
Mais je voudrais signaler une autre approche des coûts, celle qui est liée à la durée des opérations. Plus ces dernières durent, plus elles sont coûteuses. Or nous continuons à participer à des opérations qui ont débuté voilà plusieurs décennies : vingt ans pour la FINUL, la force intérimaire des Nations unies au Liban cinquante ans pour l'ONUST, en Palestine, même si ce ne sont pas les mêmes effectifs. Cette situation n'est pas satisfaisante, d'autant que ces opérations sur le terrain contribuent à figer un statu quo ni paix ni guerre, toujours susceptible de basculer dans l'affrontement qu'il prétend conjurer. Il convient, en outre, de veiller à ce que notre participation ne prenne pas d'emblée la forme la plus coûteuse, la contribution à la logistique, par exemple.
Nos décisions doivent également porter sur la durée des opérations. Sans cela, comment mesurer la portée de notre engagement ? S'il faut savoir partir, il faut essayer de le définir le plus tôt possible.
Tels sont les constats, les remarques, les mises en garde que je tenais à exprimer avec beaucoup de courtoisie et de considération pour ce que vous faites, monsieur le ministre. Mon rapport écrit les développe et les complète.
Je dirai, pour conclure, que, malgré votre volonté, votre vigilance et votre résolution - vous savez que nous les apprécions hautement, monsieur le ministre - votre budget a subi trop d'effets de restrictions qui seront lourds de conséquences. Ces restrictions rompent l'équilibre général de la programmation et compromettent gravement ses objectifs dont certains, fondamentaux, concernent les personnels.
La commission des finances, dans sa majorité, a donc estimé, mes chers collègues, que le projet de budget ne pouvait être accepté. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés au nucléaire, à l'espace et aux services communs s'élèvent, pour 1998, à 47 milliards de francs et sont marqués par trois caractéristiques : d'abord, une évolution des effectifs conforme à l'échéancier de la professionnalisation des armées ; ensuite, une forte compression des dépenses de fonctionnement courant à l'administration centrale, à la délégation générale pour l'armement et dans le service de santé ; enfin, un fort recul des crédits d'équipement, très inférieurs au niveau prévu par la loi de programmation, ce qui se traduit par des moratoires, des retards ou des étalements dans la réalisation des programmes.
Dans les différents secteurs relevant des services communs, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a enregistré beaucoup plus de motifs d'inquiétude que de satisfaction.
Le renseignement, tout d'abord, voit sa place confirmée, avec la poursuite de l'accroissement des effectifs des services, même si les crédits affectés aux moyens matériels diminuent. La commission rappelle cependant qu'elle souhaite la mise au point d'une procédure qui, sans méconnaître la spécificité du renseignement, permettrait de mieux informer et impliquer le Parlement, par exemple grâce à une structure parlementaire comme il en existe dans plusieurs grands pays démocratiques. Le gouvernement précédent, monsieur le ministre, avait saisi le Secrétariat général de la défense nationale de cette question. Nous souhaiterions connaître votre sentiment sur ce point.
En ce qui concerne la Délégation générale pour l'armement, nous suivons avec attention les réformes entreprises pour réduire les coûts des programmes d'armement. A notre sens, la remise en cause, en 1998, de l'échéancier de financement de la loi de programmation ne facilitera pas le travail effectué par la DGA pour rationaliser la conduite des programmes. Nous craignons, en outre, les conséquences, pour la situation financière de la Direction des constructions navales, la DCN, du prélèvement prévu par le collectif budgétaire sur les excédents réalisés à l'exportation.
La commission des affaires étrangères relève trois motifs d'inquiétude, qui recoupent ceux qu'a indiqués M. le rapporteur spécial.
Il s'agit, en premier lieu, de l'évolution défavorable des crédits du service de santé, qui diminent de près de 15 % pour 1998. Le fonctionnement de ce service de soutien indispensable, particulièrement sollicité pour les opérations extérieures, reposera désormais majoritairement sur les recettes, par définition aléatoires, tirées de l'activité hospitalière. Cette orientation peut créer des difficultés de fonctionnement au moment où le service de santé opère une profonde et délicate réorganisation, liée, notamment, à la perte des personnels médicaux issus du contingent.
En deuxième lieu, la réduction des crédits affectés à l'espace - inférieurs de 10 % au niveau prévu par la loi de programmation - suscite également de vives inquiétudes, car elle traduit l'incertitude qui pèse sur les programmes spatiaux d'observation. Malgré les efforts de persuasion des gouvernements français successifs, la participation allemande à ces programmes paraît de plus en plus hypothétique, ce qui fragilise considérablement la perspective d'une Europe spatiale militaire dotée d'une véritable autonomie stratégique. De manière plus précise, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, l'avenir envisagé pour le programme Horus si les Allemands, comme on le craint, renoncent à leur participation ? Faut-il envisager l'abandon pur et simple de ce programme ou peut-on, sans l'Allemagne, définir un programme d'observation radar moins ambitieux ?
En troisième lieu, enfin, le domaine de la dissuasion nucléaire concentre, à nos yeux, l'essentiel des aspects négatifs du budget de l'ancienne section commune. Le recul des crédits du nucléaire - environ 13 % et 2,3 milliards de francs - est beaucoup plus fort que celui de l'ensemble du budget de la défense et va très au-delà des prévisions de la loi de programmation.
Cette régression entraîne d'ores et déjà des retards et des étalements dans certains programmes, les économies réalisées ne faisant, le plus souvent, que reporter des charges inéluctables, qui ne peuvent être purement et simplement annulées.
Cette orientation, si elle se confirmait dans les budgets à venir, risquerait de compromettre la poursuite des deux grands objectifs définis pour les décennies à venir : d'une part, la modernisation et le renouvellement de nos forces nucléaires dans le cadre du maintien de deux composantes complémentaires ; d'autre part, la mise en oeuvre, dans de bonnes conditions, du programme de simulation, enjeu essentiel pour garantir à long terme la sûreté, la fiabilité et donc la crédibilité de la dissuasion après l'arrêt des essais.
Si la dissuasion nucléaire ne retrouvait pas, à partir de 1999, le niveau de crédits prévu par la loi de programmation, ces objectifs pourraient être remis en cause, avec les conséquences que cela impliquerait sur notre appareil de défense.
Monsieur le ministre, comme l'a dit M. François Trucy, nous connaissons, dans cette maison, votre talent. Aussi nous ne doutons pas un instant que vous vous soyez battu avec conviction pour votre budget. Malheureusement, nous avons un peu le sentiment que vous n'avez pas été entendu.
M. Emmanuel Hamel. Il aurait fallu démissionner !
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Dans le domaine du nucléaire plus que dans tout autre, le non-respect de la loi de programmation introduit, pour le long terme, un grave facteur d'incertitude et constitue un signe inquiétant qui, aux yeux de la commission des affaires étangères, de la défense et des forces armées rend ce projet de budget de la défense pour 1998 inacceptable et pèse lourdement dans l'avis défavorable qu'elle a émis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Alloncle, rapporteur pour avis.
M. Michel Alloncle, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Gendarmerie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein d'un budget de la défense en forte diminution, la dotation consacrée à la gendarmerie apparaît relativement préservée, puisqu'elle progresse de 3,5 %. Une telle évolution aurait toute raison de nous satisfaire si elle ne reposait, pour l'essentiel, sur une illusion d'optique ! En effet, l'augmentation des crédits de la gendarmerie s'explique, en fait, principalement, par la budgétisation des ressources procurées, les années passées, par les fonds de concours autoroutiers.
A structure constante, les crédits de la gendarmerie n'augmentent guère que de 0,9 %. Cette croissance est-elle suffisante au regard des charges confiées à la gendarmerie, dont le poids ne cesse de s'alourdir ? On peut en douter. Aussi souhaiterais-je, monsieur le ministre, vous interroger sur cinq sujets de préoccupation qui ont plus particulièrement retenu l'attention de la commission.
Premier sujet de préoccupation : la budgétisation des fonds de concours, que j'évoquais au début de mon propos, est restée partielle.
Depuis plusieurs années, en effet, les sociétés d'autoroutes finançaient, par voie de fonds de concours, près des deux tiers des effectifs en service sur le réseau autoroutier. Or le Conseil d'Etat, en octobre 1996, a annulé ce dispositif qu'il a jugé incompatible avec le caractère régalien des missions accomplies par la gendarmerie. Désormais, les sociétés d'autoroutes verseront une redevance destinée à se fondre dans les recettes de l'Etat, sans que la gendarmerie ait la garantie de retrouver, en dotation budgétaire, un montant équivalent à celui que leur procuraient les fonds de concours. Ce risque se concrétise dès cette année. En effet, alors que la contribution des fonds de concours aurait dû rapporter quelque 620 millions de francs en 1998, les crédits correspondant à la budgétisation de cette ressource dans le projet de loi de finances ne s'élèvent qu'à 503 millions de francs. Cette évolution est d'autant plus préoccupante que le réseau autoroutier s'accroît, en moyenne d'environ trois cents kilomètres supplémentaires par an.
Les fonds de concours autoroutiers permettaient la création des emplois que la loi de programmation n'a pas prévus et qui s'avèrent pourtant indispensables. Le Gouvernement pourrait-il donc s'engager, monsieur le ministre, à garantir à la gendarmerie une dotation correspondant au montant de la redevance perçue auprès des sociétés d'autoroutes ?
Deuxième sujet de préoccupation : les futurs volontaires. Il convient, en effet, de le rappeler, l'augmentation des effectifs de la gendarmerie reposera exclusivement, s'agissant des personnels militaires, sur les volontaires. Ainsi, contrairement aux évolutions observées dans les autres armées, la proportion des non-professionnels est appelée à progresser au sein de la gendarmerie. C'est dire toute l'importance des conditions dans lesquelles se déroulera le recrutement des volontaires. Or, aujourd'hui, les emplois-jeunes risquent de concurrencer directement le volontariat, compte tenu des perspectives de rémunération respectives de ces deux catégories d'emploi. Il est pourtant indispensable que la gendarmerie puisse obtenir la ressource nécessaire, à la fois en qualité et en quantité. C'est pourquoi il serait opportun que les volontaires puissent bénéficier de la prime de sujétion spéciale de police, qui constituerait, d'ailleurs, une juste compensation au regard des risques réels que présente l'activité de la gendarmerie. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer votre sentiment sur ce sujet ?
Troisième sujet de préoccupation : les redéploiements des brigades. Ces redéploiements me paraissent indispensables pour renforcer les effectifs de la gendarmerie dans les zones périurbaines, où la charge de travail ne cesse de s'alourdir, comme j'ai pu m'en rendre compte cette année, au cours de plusieurs déplacements. Je me réjouis, certes, que le Gouvernement ait confié à notre collègue M. Hyest ainsi qu'à M. Carraz, député, une mission pour rechercher une meilleure répartition géographique des moyens de police et de gendarmerie. Il n'en reste pas moins que, depuis près de trois ans, avec la loi de janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il existe une base juridique pour procéder à une organisation plus rationnelle de nos forces. Or cette loi, sur ce point en tout cas, demeure largement inappliquée. Les blocages observés aujourd'hui sont-ils appelés à perdurer ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner à cet égard quelques informations complémentaires ?
Quatrième sujet de préoccupation : les réserves. Les moyens financiers actuels ne répondent pas à l'ambition de créer une réserve resserrée et plus efficace inscrite dans la loi de programmation. Le système de rémunération n'est pas adéquat. Le solde du Fonds d'accompagnement de la professionnalisation, qui devait être utilisé pour le financement de dépenses liées à l'utilisation des réservistes en temps de paix, ne permet pas de dégager des ressources suffisantes. En outre, une partie des équipements affectés aux réserves apparaît aujourd'hui hors d'usage et les stocks inutilisés entraînent de lourdes charges de garde et de surveillance. Il est indispensable, monsieur le ministre, qu'un réel effort soit entrepris dans les années à venir en faveur des réserves.
Cinquième et dernier sujet de préoccupation : les équipements. Dans ce domaine, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points particuliers, à savoir les hélicoptères et les infrastructures.
Je me félicite, s'agissant des hélicoptères, que les dotations prévues dans le projet de loi de finances pour 1998 permettent de passer commande de deux nouveaux appareils. Toutefois, pour l'heure, le parc d'hélicoptères apparaît tout juste suffisant et son utilisation pourrait se trouver hypothéquée par l'application de la réglementation communautaire qui interdit le survol des zones urbaines par des appareils monoturbines. Pourrions-nous, monsieur le ministre, avoir quelques garanties sur ce sujet ?
Enfin, je voudrais vous faire part de mon inquiétude à propos de la baisse de plus de 11 % des crédits consacrés aux infrastructures. Le Gouvernement souhaite développer la participation des collectivités locales aux constructions des casernes sans aide de l'Etat. Même si les collectivités ont déjà consenti un effort important pour la gendarmerie et sont prêtes à poursuivre dans ce sens, elles se refuseront à assumer seules une charge pour laquelle elles ne recevront aucune contrepartie financière.
En conclusion, les moyens consacrés par le projet de budget sont-ils à la mesure de la priorité affichée pour la sécurité dans notre pays ? On peut en douter. Ces incertitudes s'inscrivent, en outre, dans un contexte budgétaire très défavorable pour l'ensemble de notre instrument de défense. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères a donné un avis défavorable sur l'adoption du budget du ministère de la défense pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Forces terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le contenu de la dotation des forces terrestres prévue pour 1998, je souhaite présenter un rapide bilan de la professionnalisation des forces terrestres, qui devront assumer, je tiens à le souligner, l'essentiel des réformes qui seront entreprises par nos armées d'ici 2002.
Bien que les effectifs de l'armée de terre aient, en 1997, évolué conformément à ce que prévoit la loi de programmation, et bien que les mesures d'effectifs prévues pour 1998 respectent également les objectifs de la loi de programmation, on peut d'ores et déjà voir apparaître des éléments de vulnérabilité dans la mise en oeuvre de la professionnalisation.
Ainsi, les effectifs civils prévus par le budget de l'armée de terre demeurent encore, pour une large part, théoriques. En effet, la montée en puissance des personnels civils devrait se faire par redéploiements internes au ministère de la défense, à partir des emplois libérés par les restructurations de la DGA et de la DCN. Or le statut de ces personnels ne comporte pas, à ce jour, l'obligation de mobilité géographique.
Cependant, les régiments et les formations de l'armée de terre ont besoin de personnels civils qui leur permettent, dans la perspective de la professionnalisation, d'affecter les personnels militaires aux fonctions opérationnelles. Dès lors, est-il admissible, monsieur le ministre, que des préoccupations statutaires puissent, soit altérer les conditions de la professionnalisation en obligeant l'armée de terre à affecter des personnels militaires à des fonctions de soutien, soit justifier les coûts qu'induiront le recrutement de personnels civils nouveaux, alors que cette ressource civile existe déjà au ministère de la défense ?
Beaucoup plus graves encore, à mon avis, sont, pour l'armée de terre, les contraintes liées à la réforme du service national et, plus particulièrement, vous le savez, les problèmes que poseront les nouveaux reports d'incorporation destinés aux jeunes gens incorporables titulaires d'un contrat de travail.
Ces reports d'incorporation pourraient susciter un manque à gagner de plusieurs milliers d'appelés chaque année. Ils pourraient aussi être à l'origine de graves incertitudes sur les contours de la ressource incorporable, qui risquent d'affecter l'organisation de l'armée de terre pendant la très délicate période de transition.
Certes, des correctifs peuvent aisément être trouvés. Il pourrait s'agir d'accélérer la professionnalisation, en procédant au recrutement d'un effectif supplémentaire de militaires du rang engagés et en décidant d'anticiper des mesures de restructuration, susceptibles de libérer quelques milliers d'hommes pour compenser les appelés soustraits aux ressources de l'armée de terre.
Ces mesures se traduiront nécessairement par des dépenses que ne prévoit pas le projet de budget de la défense pour 1998. Mais qui aurait pu vraiment croire que les conséquences de ces nouveaux reports seraient totalement neutres pour les finances publiques ?
Il est plus que probable que l'armée de terre aura du mal, pendant la période de transition, à assurer dans des conditions satisfaisantes toutes les missions qui lui incombent si aucun des correctifs que je viens de mentionner n'est adopté. C'est donc à vous, monsieur le ministre, qu'il revient de donner, à travers ces mesures, un signal fort en faveur de la professionnalisation, en faveur de l'armée de terre.
J'en viens maintenant au contenu du projet de dotation de l'armée de terre pour 1998.
Disons d'emblée que ce budget est caractérisé par des moyens de fonctionnement supposés garantir le bon déroulement de la professionnalisation et par des crédits d'équipement qui, non conformes à la loi de programmation, posent le problème de la capacité de l'armée de terre à relever, à terme, le défi de sa modernisation.
A propos des crédits de fonctionnement, je me bornerai à évoquer, pour m'en inquiéter, la baisse des objectifs en termes d'activités des forces, qui seront fixés, en 1998, à quatre-vingts jours de sortie dont quarante avec matériel organique, au lieu des cents jours dont cinquante qui étaient jusqu'à présent la norme officielle.
Il est évident que ces objectifs réduits ne sauraient être satisfaisants une fois la professionnalisation réalisée. Il conviendra alors de retrouver un taux d'activité susceptible de garantir des capacités opérationnelles définies à un niveau exigeant.
J'en viens maintenant au titre V, en retrait de 10,8 % en francs courants par rapport à ce qu'aurait dû être la deuxième annuité de la loi de programmation. C'est ainsi que 1 800 millions de francs ont été soustraits au titre V de l'armée de terre.
Or nous devons avoir présent à l'esprit que la loi de programmation votée en 1996 était fondée sur des objectifs budgétaires particulièrement économes et réalistes et que, de ce fait, ne pas la respecter revient à compromettre, à terme, la modernisation, pourtant nécessaire, des équipements de l'armée de terre.
Le décalage entre la loi de programmation et le budget de 1998 induira notamment d'importantes altérations dans le suivi de trop nombreux programmes qui se manifesteront par des moratoires d'un an sur certains programmes majeurs, parmi lesquels le lance-roquettes multiple de nouvelle génération, ou le missile antichar à courte portée Eryx.
Dans la même logique, la baisse des crédits d'entretien programmé des matériels conduira, en 1998, et pour la première fois, à une baisse de la disponibilité opérationnelle des matériels, qui tombera à 80 %. Cela paraît paradoxal pour une armée de projection censée être disponible sans préavis pour que la France assume sa mission sur la scène internationale.
Quel regard pouvons-nous porter sur l'évolution de la dotation de l'armée de terre prévue pour 1998 ?
Tout d'abord, la première étape de la transition de l'armée de terre, en cette fin de l'an I de la professionnalisation, appelle un bilan globalement positif. Il convient ici de rendre hommage aux personnels, qui abordent les réformes en cours avec le dévouement, la compétence et le sens du devoir au service de la nation qu'on leur connaît.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. La deuxième annuité de la loi de programmation 1997-2002 ne saurait toutefois être abordée avec le même optimisme compte tenu des menaces potentielles qui pourraient altérer prochainement les conditions de la professionnalisation et, surtout, du fait d'un décalage inadmissible entre les crédits d'équipement prévus par la loi de programmation 1997-2002 et le titre V inscrit dans la dotation de l'armée de terre pour 1998.
Considérant que le budget des forces terrestres, comme les autres budgets militaires, ne peut pas et ne doit pas servir de variable d'ajustement dans la loi de finances pour 1998, compte tenu également de l'importance des enjeux, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc conclu au rejet de ces crédits. ( Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. )
M. le président. La parole est à M. Falco, rapporteur pour avis.
M. Hubert Falco, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Air. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de programmation militaire 1997-2002, que nous avons votée il y a un an et demi, reposait sur trois principes : une réduction très substantielle des crédits de défense ; la diminution du format de nos armées par la professionnalisation ; enfin, la modernisation des équipements militaires.
La cohérence de ces trois principes impliquait le respect scrupuleux de l'exercice de programmation, supposé en finir avec les précédents chantiers, engagés mais jamais achevés.
Malheureusement, la deuxième annuité de cette programmation est sérieusement infléchie par le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis.
La logique de professionnalisation est, certes, poursuivie normalement, même si les inquiétudes apparaissent sur certains de ses aspects.
En revanche, la réduction des crédits d'équipement constitue un mauvais signal pour l'avenir.
L'évolution du budget de l'armée de l'air pour 1998 dépasse les moyennes du budget global de la défense : si celui-ci est réduit de 3,25 % d'une année sur l'autre, le budget de l'armée de l'air diminue de 5,5 %.
Singularité positive, les crédits de dépenses ordinaires de l'armée de l'air progressent de 2,8 %, contre 1,5 % pour l'ensemble de la défense.
Singularité négative, ceux du titre V relatifs à l'équipement sont réduits de 11 %, contre 8,7 % pour l'ensemble des armées.
Mes chers collègues, le budget de l'armée de l'air pour 1998 s'inscrit dans la logique de la professionnalisation décidée en 1996.
Je voudrais, à ce sujet, formuler néanmoins deux inquiétudes.
Inquiétude, tout d'abord, pour le recrutement de civils, notamment pour les bases situées dans le nord et l'est de la France. Des postes d'ouvriers d'Etat sont gelés au profit de personnels de sites en restructuration, singulièrement ceux de la DCN, lesquels ne souhaitent pas toujours effectuer de mobilité géographique.
Inquiétude, ensuite, face au risque d'une réduction de la ressource résiduelle en appelés, en conséquence du système de reports d'incorporation introduit dans la loi sur le service national.
Si les évaluations effectuées devaient se confirmer, l'armée de l'air serait, en 1998 et 1999, à enveloppe budgétaire constante, dans l'impossibilité de recruter les militaires techniciens de l'air, ou MTA, nécessaires au remplacement des appelés manquants.
Quelle solution, monsieur le ministre, envisagez-vous pour remédier à ces situations qui risquent de compromettre le déroulement harmonieux de la professionnalisation ?
Avant d'aborder le volet concernant les équipements, je voudrais souligner les conséquences préoccupantes liées à la réduction des crédits d'entretien programmé et de maintien en condition opérationnelle de nos appareils.
Les reports de visite qui en résulteront, conjugués au problème de l'indisponibilité des pièces de rechange, entraîneront l'immobilisation forcée de l'équivalent d'un escadron de Mirage 2000.
Mes chers collègues, c'est la réduction de 11 % des crédits d'équipement de l'armée de l'air par rapport à ce qui était inscrit en programmation qui représente la véritable rupture avec le dispositif que nous avons voté en 1996.
Les économies réalisées portent sur trois postes principaux : les crédits de développement du Rafale ; les crédits d'entretien programmé ; enfin, le moratoire d'un an sur le programme Mistral.
Certes, ces économies n'empêcheront pas l'armée de l'air de recevoir, en 1998, les appareils prévus.
Cette évolution préoccupante du titre V m'incite toutefois à poser quelques questions sur deux programmes majeurs de l'armée de l'air pour les années à venir.
En ce qui concerne le Rafale, tout d'abord, la confirmation du programme n'est pas remise en cause, et c'est un élément positif.
A cet égard, la commande globale de quarante-huit appareils, dont trente-trois pour l'armée de l'air, s'impose à double titre : elle permettra une réduction de coût et constituera un signal favorable pour l'exportation.
Quand pourra intervenir une décision à ce sujet ?
Monsieur le ministre, la revue des programmes que vous avez engagée est-elle cependant susceptible d'affecter encore certains aspects du programme Rafale, au risque de modifier le modèle de l'armée de l'air défini en 1996 ?
La cible sera-t-elle maintenue, ainsi que la cadence de production ?
Peut-on imaginer que soient revues certaines spécifications de l'avion, ou encore le calendrier de mise en place de certaines fonctions essentielles ?
Ces questions, monsieur le ministre, préoccupent la commission.
Pour ce qui est du transport aérien militaire, l'armée de l'air devra, en 2004, commencer à renouveler ses appareils de transport.
Aucun financement n'est prévu avant 2002 pour le projet d'avion de transport futur, ou ATF, alors qu'on sait pourtant qu'il répond aux besoins des armées de l'air européennes.
On sait, par ailleurs, qu'à côté du projet ATF et de l'offre concurrente américaine, se fait jour à nouveau l'option de l'Antonov 70. Cet appareil ukrainien correspondrait globalement aux besoins, mais il devrait faire l'objet d'aménagements très substantiels pour être adapté aux standards européens.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions sur les options ainsi ouvertes et sur les orientations que vous souhaitez privilégier sur ce programme d'avion de transport militaire dont les enjeux politique, industriel et militaire ne sont plus à démontrer ?
Mes chers collègues, si le projet de budget de l'armée de l'air pour 1998 constitue une préoccupation grave, ce n'est pas tant par les incidences immédiates que la réduction des crédits d'équipement provoquera dans l'année à venir, c'est surtout parce qu'un budget militaire se juge à l'aune d'un exercice politique et législatif majeur, celui de la programmation militaire.
Or, à moins que la théorie de « l'encoche » ne soit réellement appliquée, il est à craindre que la baisse très sensible des crédits d'équipement de la défense en 1998 ne soit pas rattrapée, et qu'en ce sens la philosophie du projet de budget pour 1998 fragilise largement l'édifice élaboré lors du vote de la programmation.
Pour cette raison, la commission du Sénat a rejeté ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Marine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la marine s'élèveront à 32,6 milliards de francs en 1998, soit 2,9 milliards de francs de moins que le budget voté pour 1997.
Cette forte diminution résulte pour partie d'une modification de la structure budgétaire, près de 1 milliard de francs ayant été transféré à la délégation générale pour l'armement, en application, notamment, de la réforme de la direction des constructions navales. Elle traduit surtout un net recul des crédits d'équipement, inférieurs de plus de 2 milliards de francs au niveau prévu par la loi de programmation.
Au-delà de ces chiffres, ce projet de budget de la marine appelle de la part de votre commission des affaires étrangères et de la défense plusieurs observations.
En ce qui concerne les dotations relatives aux dépenses ordinaires, tout d'abord, elles doivent permettre de poursuivre dans de bonnes conditions l'adaptation des effectifs au nouveau modèle issu de la professionnalisation et de la réduction du format. Les créations et les suppressions de postes sont en tous points conformes aux prévisions de la loi de programmation.
L'inquiétude de notre commission tient moins aux crédits budgétaires qu'à la réalisation effective des recrutements prévus par la loi de finances.
Vous le savez, dans la marine, le remplacement des appelés passera par le recrutement d'un nombre très important de civils, en privilégiant les transferts en provenance de la direction des constructions navales, la DCN, qui diminue progressivement ses effectifs.
Ces mutations se sont déroulées convenablement en 1997, mais nous craignons qu'il n'en soit pas de même en 1998. En effet, le profil des postes offerts par la marine n'est pas toujours en rapport avec la qualification des personnels des arsenaux. Leur implantation ne coïncide pas avec les sites de la DCN en sureffectifs. Or ces transferts s'opèrent sur la base du volontariat et l'on peut craindre que, l'an prochain, le nombre de candidats ne soit pas à la hauteur des besoins de la marine.
Au total, l'accroissement important du nombre des postes civils, la difficulté de réaliser des mutations internes au ministère de la défense et l'interdiction d'augmenter les recrutements externes risquent de provoquer un fort déficit en personnels civils dans la marine, ce qui perturberait le fonctionnement des unités.
On peut certes espérer que l'augmentation des dotations du fonds d'adaptation industrielle de la DCN prévue pour 1998 facilitera les mutations vers les armées. Mais sans doute faudrait-il mettre au point des mesures incitatives mieux adaptées ou autoriser les recrutements hors de la DCN ? C'est, nous semble-t-il, le principal sujet d'inquiétude à très court terme pour la marine.
La seconde série d'observations de la commission concerne la forte diminution des crédits d'équipement ; ils sont en effet inférieurs de près de 10 % au niveau de la programmation.
J'ai détaillé dans mon rapport écrit les conséquences précises de cette diminution des crédits, à savoir plusieurs décalages et retards dans la réalisation des programmes, ainsi que le maintien à quai en 1998 de deux bâtiments - et même sans doute de trois en raison du report d'opérations d'entretien programmé, l'insuffisance des dotations sur ce chapitre ayant déjà été soulignée l'an passé.
Certes, à ce stade, ces mesures ne remettent pas fondamentalement en cause le modèle défini pour la marine par la loi de programmation. Les capacités opérationnelles essentielles ne sont pas amoindries, les programmes conduits en coopération ne sont pas affectés.
Toutefois, les moratoires ou les retards ne seront pas dépourvus de conséquences opérationnelles.
L'indisponibilité de deux de nos frégates antiaériennes se ressentirait si le groupe aéronaval ou le groupe amphibie devait être engagé.
Par ailleurs, nous avions déjà signalé, lors du vote de la loi de programmation, le décalage de trois ans entre le retrait des Crusader et la constitution de la première flotille de Rafale sur le Charles-de-Gaulle , qui limite les possibilités d'emploi du porte-avions lorsque la menace aérienne est importante. A cet inconvénient s'ajoute le retard dans la livraison du standard le plus évolué du Rafale.
Plus généralement, les économies réalisées en 1998 ne feront, la plupart du temps, que reporter des charges inéluctables, avec bien souvent pour conséquence des intérêts moratoires et des surcoûts.
En conclusion, la commission des affaires étrangères et de la défense a marqué sa vive préoccupation pour la réalisation du modèle prévu par la loi de programmation, au cas où les orientations budgétaires de 1998 seraient pérennisées pour les années ultérieures, et elle a émis, en conséquence, un avis défavorable sur l'adoption du projet de budget de la défense pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec une certaine gravité que je monte aujourd'hui à cette tribune. Car si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a rejeté les crédits du ministère de la défense pour 1998, elle l'a fait non pas de gaieté de coeur, mais parce qu'elle a jugé la situation très préoccupante. C'est pourquoi il m'a paru nécessaire de souligner aujourd'hui devant la Haute Assemblée, après nos rapporteurs, les trois raisons principales qui ont conduit la commission à émettre cet avis défavorable.
La première raison - qui serait à elle seule suffisante - est que les coupes imposées au budget de la défense pour 1998 constituent un très mauvais signal adressé, au plus mauvais moment, à nos armées. Celles-ci sont, en effet, confrontées à la plus profonde réforme que notre appareil de défense ait connu depuis des décennies.
Je veux rendre ici hommage à l'attitude exemplaire et résolument tournée vers l'avenir avec laquelle les militaires et l'ensemble des personnels de la défense ont abordé cette réforme nécessairement traumatisante. Chacun sait qu'aucun autre grand corps de l'Etat ne serait sans doute capable d'assumer, avec cet état d'esprit, une telle remise en cause. Mais nous devons veiller à ne pas faire naître les désillusions qu'entraînerait inévitablement le sentiment que les efforts consentis ne portent pas leur fruits et que la réduction incessante des moyens compromet la cohérence même de la réforme entreprise.
De quoi s'agit-il en effet ? Vous nous dites, monsieur le ministre, que les crédits du titre III, qui sont indispensables à la réussite de la professionnalisation, sont préservés. Mais les conséquences des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en matière de reports d'incorporation durant la période de transition risquent de fragiliser sérieusement, particulièrement pour l'armée de terre - notre collègue M. Serge Vinçon l'a rappelé - le processus de professionnalisation. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures compensatrices que ces dispositions rendront nécessaires ? Avez-vous notamment examiné l'hypothèse d'une accélération de la professionnalisation de nos forces ?
Par ailleurs, les crédits de fonctionnement stricto sensu évoluent de façon préoccupante. Avec l'amputation des crédits d'entretien programmé des matériels et l'insuffisance des moyens de rechange, cela signifie que des avions vont rester au sol et que des bateaux - y compris la Jeanne d'Arc, quel symbole ! - vont devoir rester à quai.
Il y a plus grave encore, au moins à moyen et à long termes : je veux parler, naturellement, de la brutale amputation de 9,9 % en francs constants des dotations du titre V. Plus que jamais, les crédits d'équipement militaire apparaissent comme la réserve, supposée inépuisable, permettant d'équilibrer le budget de l'Etat dans son ensemble.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. C'est exact !
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Il s'agit là, à mes yeux, d'une faute qui adresse à la nation un message triplement erroné. On lance en effet l'idée, d'abord, que les crédits militaires constitueraient un luxe inutile, alors qu'ils s'agit, avec la sécurité, de la première des missions régaliennes de l'Etat ; ensuite, qu'il faudrait aujourd'hui choisir entre la défense du pays et la lutte contre le chômage, alors que la réduction des crédits d'équipement est au contraire particulièrement coûteuse en termes d'emplois, enfin ; que tout danger aurait disparu avec le mur de Berlin,...
M. Emmanuel Hamel. C'est faux !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. ... alors que nous devons au contraire faire face à des menaces multiformes, proches ou éloignées, et que nous sommes dans l'obligation de décider aujourd'hui des équipements dont nous aurons besoin entre 2010 et 2030.
Les conséquences directes de ces coupes budgétaires sur l'équipement de nos forces ne sauraient être mésestimées. Je n'en citerai que deux exemples.
En premier lieu, le nucléaire, qui demeure notre garantie ultime de sécurité, voit ses crédits subir une amputation de 13 %. Cela donne à penser que au sein même du budget de la défense, les crédits consacrés au nucléaire sont considérés eux-mêmes comme la variable d'ajustement. C'est là pour notre commission, même s'il s'agit de préoccupations à long terme, un important sujet d'inquiétude pour l'avenir.
En second lieu, les crédits consacrés à l'espace militaire diminuent de 5,6 % d'une année sur l'autre et mettent en lumière une évolution, à mes yeux inquiétante, je le souligne, de la coopération franco-allemande, une évolution qui risque de compromettre gravement nos programmes d'observation et, à terme, de fragiliser les perspectives d'autonomie stratégique européenne. Est-ce cela que nous voulons ?
Ce projet de budget pour 1998 constitue aussi - c'est la deuxième raison qui motive le rejet de notre commission - un mauvais signal pour notre industrie, à un triple point de vue.
D'abord, la visibilité que la loi de programmation avait précisément pour objet d'apporter aux industriels de la défense - en contrepartie, pour la première fois, d'une substantielle réduction du volume des crédits - tend à disparaître avec le budget que vous nous proposez. Dans le même temps, les conséquences que vous en avez tirées sur les programmes - glissements, étalements, moratoires - ne peuvent aboutir qu'à des reports de dépenses et à des surcoûts, au moment même où la réduction des coûts constitue un objectif déterminant pour l'avenir de notre industrie et pour celui de notre défense.
Ensuite, je l'ai dit, les conséquences de ces décisions seront inévitablement lourdes en termes d'emploi. Les chiffres peuvent toujours être discutés. Mais, par un effet quasi mécanique, les réductions du titre V que vous proposez mettront en péril entre 10 000 et 20 000 emplois qualifiés dans une industrie de défense confrontée depuis près d'une dizaine d'années à une crise dont l'impact est souvent insupportable pour les entreprises sous-traitantes.
Enfin, les décisions que vous nous proposez affaiblissent encore notre industrie de défense, au moment même où elle devrait pouvoir se présenter en position de force pour prendre sa part dans les indispensables restructurations de l'industrie européenne.
Rappellerais-je que, tandis que nous procédons à des coupes claires sur le titre V, la Grande-Bretagne maintient le cap en matière d'investissements militaires et se met en situation d'exercer une influence dominante sur l'industrie européenne de demain ? Rappellerais-je qu'au moment où nous reportons - ou renonçons ? - à la commande pluriannuelle de 48 Rafale, le gouvernement allemand confirme pour sa part la commande de 180 Eurofighter ? Et que dire de la situation de GIAT Industrie que l'Etat actionnaire est contraint de récapitaliser pour éviter le pire tandis que l'Etat acheteur aggrave sa situation en réduisant sans cesse ses commandes ?
La troisième raison de la position de notre commission est que la réduction des crédits militaires que vous nous proposez risque de porter en germe - si elle devait se prolonger, j'en conviens - une remise en cause de la cohérence de notre politique de défense et du futur modèle d'armée retenu lui-même.
Les économies draconiennes que vous nous suggérez, monsieur le ministre, doivent revêtir - nous dites-vous - « un caractère exceptionnel ». C'est la fameuse « théorie de l'encoche », qui voudrait que le budget pour 1998 ne constitue qu'une douloureuse parenthèse et que ses conséquences, aussi regrettables soient-elles, demeurent néanmoins surmontables.
Nous prenons acte du fait que le budget pour 1999 apparaît désormais comme un nouveau rendez-vous décisif pour l'avenir de nos armées. Mais nous devons clairement mesurer, dès aujourd'hui, l'ampleur des conséquences qui résulteraient de dotations inférieures à celles qui sont prévues par la loi de programmation.
Si tel était le cas, si de 8 milliards à 10 milliards de francs continuaient à manquer chaque année, c'est tout l'édifice de la réforme d'ensemble de notre système de défense qui se trouverait remis en cause. Je rappelle que les crédits d'investissement avaient été définis au plus juste pour s'adapter strictement, dans chaque domaine, au format, fortement réduit, de la future armée professionnelle. Porter atteinte à cette cohérence ferait tomber le principal gage de réussite de la réforme et risquerait d'influer sur la mobilisation d'une communauté militaire dont la motivation demeure pourtant la clé du succès.
Si tel était le cas, c'est le futur modèle d'armée lui-même qui se trouverait compromis, sauf à renoncer à doter l'armée professionnelle de demain des équipements nécessaires à son efficacité.
Si tel était le cas, enfin, la loi de programmation devrait alors être considérée comme caduque. Ce ne serait pas, dira-t-on, la première fois. Mais, à ce moment là, cet exercice législatif aurait - je le souligne pour éviter trop de travail à vos services, monsieur le ministre - perdu toute crédibilité. En effet, la situation serait, cette fois, profondément différente, et cela pour trois raisons essentielles.
D'abord, à la différence des précédentes, la loi de programmation 1997-2002 traduisait déjà une forte réduction des crédits d'équipement militaire. Les précédentes lois, même imparfaitement appliquées - et elles l'ont été - « tiraient » néanmoins les budgets militaires vers le haut ; celle-ci avait, au contraire, été calculée au plus juste, la quasi-totalité des marges de manoeuvre avaient été éliminées. La mauvaise exécution de cette programmation ne pourrait donc conduire qu'à l'affaiblissement progressif de notre défense.
Ensuite, la programmation 1997-2002 est précisément la traduction financière d'une réforme d'ensemble et la première étape de la mise en place d'un nouveau modèle d'armée. Son non-respect devrait donc nécessairement conduire à la remise en cause de l'ensemble, sans aucune autre raison que la contrainte financière, puisque ni les conditions géostratégiques ni les missions assignées à nos forces n'ont substantiellement évolué depuis 1996.
Permettez-moi enfin de rappeler que si l'idée venait - après la « revue des programmes » engagée par le Gouvernement et par vos services, monsieur le ministre - de mettre en chantier une nouvelle loi de programmation, ce serait alors la troisième en quatre ans, ou la quatrième en moins de six ans !
Ainsi que notre commission l'avait solennellement souligné lors de l'examen de la loi votée en 1996, ma conviction est qu'il vaudrait mieux alors renoncer sinon à tout exercice de programmation, du moins à sa traduction législative, devenue sans valeur. Ce qui est vrai des lois en général l'est plus encore en matière de programmation : « trop de lois de programmation tuent les lois de programmation. »
Je conclurai d'un mot, monsieur le ministre, pour vous dire que, si notre commission a refusé d'adopter les crédits militaires pour 1998 et si elle m'a mandaté pour réaffirmer fortement, aujourd'hui, notre ferme attachement au respect de la loi de programmation votée en 1996, c'est parce qu'elle a jugé que notre défense ne disposerait pas, si les orientations retenues pour 1998 devaient être prolongées, des moyens nécessaires pour mener à bien la réforme indispensable et exemplaire qui est engagée.
Or, nous le savons bien, notre pays n'a pas, en l'espèce, de droit à l'erreur. C'est ce qui justifie l'extrême vigilance et l'extrême gravité de notre commission. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, l'organisation au Sénat, à une date que vous choisirez, d'un nouveau débat sur la défense dans les premiers mois de 1998, dès que votre réflexion sur les programmes aura abouti. Aussi, pour l'heure, nous ne pourrons que rejeter le projet de budget que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 35 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen,16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Dulait. M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, dans le cadre de ce débat, que nous nous projetions un peu au-delà de 1998, et mon propos soulèvera quelques questions relatives à l'armement futur de la France, seule garantie à long terme de l'indépendance de notre pays.
Cette projection doit s'inscrire, bien entendu, dans les budgets d'équipement des prochaines années. A cet égard, je souscris aux propos de M. le président de la commission des affaires étrangères et de la défense qui a clairement indiqué que « trop de lois de programmation tuent les lois de programmation ! »
Il nous faut donc, dans le cadre de cette loi, essayer de résoudre un certain nombre de problèmes. Je n'en choisirai que trois, les points les plus importants, qui ont été déjà pour partie évoqués.
Le premier concerne le nucléaire, notamment la nécessité d'allonger la portée des missiles français pour crédibiliser la force de frappe. Le M 51, qui sera en service dans dix ans, a une portée estimée de 6 000 kilomètres. Articulé sur la mobilité des sous-marins nucléaires, il constitue en théorie, je ne l'ignore pas, une réponse à toute menace. Mais, la mise en route retardée du troisième sous-marin nucléaire soulève un certain nombre d'interrogations.
Le raisonnement est également valable pour le missile stratégique à statoréacteur qui doit succéder au missile air-sol moyenne portée, l'ASMP, et dont l'avenir est également opéré par des restrictions de crédits.
En matière de charges nucléaires, le durcissement des têtes nucléaires et leur miniaturisation doivent être poursuivis. A cet égard, le remplacement de la tête nucléaire 75 par la tête nucléaire océanique devrait être avancé, mais comment faire dans le cadre de ce budget, monsieur le ministre ?
Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne le rôle de nos satellites. Ils ont deux fonctions essentielles : la surveillance et l'écoute.
Eu égard à la première fonction, celle de la surveillance, a-t-on définitivement tranché le débat qui oppose les partisans et les adversaires d'un satellite radar ? Vous le savez, monsieur le ministre, il y va non seulement de l'avenir de la deuxième génération de satellite, mais aussi d'un pari important de la coopération franco-allemande.
Concernant la seconde fonction, celle de l'écoute, si essentielle à la conduite d'éventuelles opérations, les essais du microsatellite d'expérimentation baptisé Cerise et le projet Clémentine sont le gage d'une insertion à long terme de la France dans ce domaine. Sur ces deux points, où en sont les recherches, si n'est pas trop indiscret de vous le demander ?
J'en viens au troisième point, le domaine missilaire.
Les missiles, comme le nucléaire, tous deux nés durant la Seconde Guerre mondiale, auront complètement bouleversé les systèmes de défense et ils auront aussi creusé un fossé géopolitique majeur entre les détenteurs et les non-détenteurs de missiles, mais plus encore entre les producteurs et les non-producteurs. De ce point de vue, la France est l'un des rares pays à posséder la totalité des gammes de missiles.
Il faut conserver cette capacité et la préparer au monde missilaire du milieu du siècle prochain. Tout porte à croire que les technologies de missiles peuvent être améliorées.
Or, le parc de missiles français actuel forme, pourrait-on dire, la « deuxième force de frappe française » susceptible de repousser toute agression et de porter la puissance militaire de la France hors de nos frontières.
Citons quelques programmes, tels que, pour l'armée de l'air, le missile Mistral, le missile Mica et, pour la marine, le missile anti-navires futur, l'ANF. Comment pourrons-nous conserver dans le calendrier l'ensemble de ces programmes ?
Si l'avenir de l'indépendance de la France passe par le perfectionnement de la force de frappe, l'avenir des systèmes militaires et de l'industrie de l'armement passe par la capacité de maintien de la France dans la course technlogique dans le domaine des missiles.
Ces trois pôles de crédibilité de l'armée du futur reposent sur deux points qui peuvent apparaître capitaux et qui sont les suivants : la sûreté des communications et la qualité du renseignement.
Pour le premier point, il faut combler le retard que la France est en train de prendre en matière de cryptologie. De ce point de vue, et c'est une autre question, monsieur le ministre, n'y a-t-il pas lieu de lancer un plan spécifique fondé sur la capacité informatique qui est la nôtre et sans rechercher la coopération de partenaires susceptibles de se dérober ?
En matière de renseignement, il faut d'ores et déjà préparer le monde à ce qu'il sera dans une génération. Du point de vue théorique, le renseignement, c'est savoir et comprendre. N'y a-t-il pas lieu, dans ces matières, d'utiliser l'ensemble des gisements de connaissances du pays, qu'ils soient industriels, universitaires ou commercial ?
Enfin, monsieur le ministre, la France souhaite-t-elle demeurer un pays d'avant-garde dans le domaine du laser et avons-nous définitivement abandonné la bombe à neutrons ?
Ce sont les ultimes questions que je pose, en souhaitant - avec vous, j'en suis convaincu - que l' « encoche » - puisque c'est le terme convenu - ne devienne pas une brèche dans notre défense, brèche que nous ne saurions colmater dans les années qui viennent et qui nous ferait perdre notre rang de grande puissance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux rapporteurs de la commission des finances, MM. Blin et Trucy, nos quatre rapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la dépense et des forces armées, MM. Serge Vinçon pour la terre, André Boyer pour la marine, Hubert Falco pour l'aviation, Jean Faure pour le nucléaire, nous ont parlé des programmes et des crédits. M. Michel Alloncle nous a fait part des prévisions pour la gendarmerie, le président de Villepin a enfin dégagé les raisons qui font que notre commission a été amenée à donner un avis défavorable sur l'ensemble du budget qui nous est aujourd'hui présenté.
En fait, la diminution brutale des crédits du titre V, de près de 10 % en francs constants, soit 81 milliards de francs, dans le projet de loi de finances pour 1998 laisse penser que les crédits d'équipements militaires jouent, en réalité, un rôle assez inquiétant de variable d'ajustement du budget de l'Etat. Lorsque le Gouvernement a besoin de quelques milliards qui lui paraissent indispensables dans un autre budget, il puise sans hésitation dans les crédits de la défense, sans pour autant que cela corresponde à des possibilités d'économies mûrement réfléchies et décidées.
Cette pratique est inadmissible. Mais on peut craindre qu'elle ne témoigne d'un état d'esprit que l'on a souvent résumé dans un jeu de mots facile : le budget de la défense, c'est celui de la dépense. Certains se sont empressés d'ajouter : des dépenses de prestige, d'orgueil militaire, des dépenses certainement inutiles dans le contexte nouveau d'une paix qui s'est instaurée dans le monde depuis la chute du mur de Berlin.
Si cette considération est en partie vraie dans le domaine de la stratégie mondiale, elle n'est certainement pas exacte si l'on songe à tous les conflits locaux et au grand nombre d'interventions auxquels la France a été obligée : au Liban, au Cambodge, au Koweït, dans le Golfe, en Irak, en Bosnie, dans l'ex-Yougoslvie, au Rwanda, au Congo, hier à Brazzaville.
Tous ces événements récents montrent que notre armée doit rester forte, prête à agir rapidement dans le monde, non seulement pour défendre le bon droit, mais aussi et surtout pour venir en aide, si besoin est, à nos compatriotes expatriés, à ceux qui, tout à coup, et quelquefois sans qu'on ait pu le soupçonner, se trouvent enfermés, menacés dans leurs biens et même dans leur vie. Il faut dire que cette tâche de sauvetage, l'armée l'a magnifiquement accomplie en de multiples occasions.
La sécurité des Français isolés à l'étranger, ne l'oublions pas, passe par le maintien d'une armée présente et performante. Sur un plan plus général, tout affaiblissement de nos armées compromet un peu plus l'influence de la France dans le monde.
Pour éviter les redites, je ne reviendrai pas sur les critiques émises par nos rapporteurs sur les choix effectués dans la marine et l'armée de terre, mais je parlerai un instant de l'aviation, arme dans laquelle j'ai eu l'honneur de servir pendant de longues années de guerre.
L'armée de l'air n'a pas été gâtée. Ses crédits sont réduits de 11 % dans le projet de loi de finances pour 1998.
Monsieur le ministre, doit-on considérer cette régression comme une simple encoche dans la programmation ? Le mot « encoche » revient souvent dans les avis émis cette année sur votre projet de budget. Mais s'agit-il bien d'une simple encoche, d'une petite entaille dans les plans initiaux, et non pas d'une renonciation, d'un abandon dont on découvrira bientôt qu'il implique un changement d'orientation ?
Autrement dit, peut-on considérer que les programmes essentiels de l'armée de l'air, dont le Rafale, ne sont pas remis en cause ? En quoi va consister la revue des programmes que vous avez annoncée récemment ?
Parmi ces programmes, l'un me semble d'un intérêt tout particulier. Il s'agit de l'ATF, l'avion de transport du futur, qui nous est absolument indispensable dès les premières années du troisième millénaire pour ce qu'on appelle maintenant notre force de projection, c'est-à-dire les éléments rapides d'intervention qui peuvent à tout moment se projeter n'importe où dans le monde. Avec plusieurs autres membres de la commission des affaires étrangères, j'ai eu le plaisir d'être reçu à Orléans Bricy très récemment et de voir à quel point cette force est impressionnante, remarquablement organisée. Il faut donc, naturellement, maintenir tous les moyens dont elle dispose.
Le renouvellement de la flotte tactique d'intervention est un besoin évident, admis par tous ; les Transall arrivent à bout de souffle. Ce renouvellement est inscrit, d'ailleurs, dans la loi de programmation, mais la démarche pour la réalisation est encore très hésitante.
Pourtant, il s'agit d'un projet européen, fondé sur celui de l'Airbus, auquel se sont ralliés déjà huit pays. On parle même aujourd'hui d'une éventuelle participation de la Russie et de l'Ukraine, pays qui nous avaient prêté de gros avions Antonov maintenant hors service. Je n'ai pas très bien déchiffré les échos que nous avons eus sur cette coopération. En résumé, pouvez-vous nous dire clairement, monsieur le ministre, où en est le projet de l'ATF dont, je pense, la réalisation devrait être absolument assurée et précisément programmée ?
L'évocation de ce programme nous conduit au problème des industries de défense. C'est un problème dont nous connaissons tous la terrible gravité, et qui risque de peser lourdement, dans le domaine de l'emploi ou, plutôt, du chômage. D'autres orateurs en ont déjà parlé ou vont le faire, je ne m'y attarderai donc pas dans le court laps de temps qui m'est imparti. Mais il est certain que les frais très élevés de la main-d'oeuvre en France, notamment en raison des charges sociales, et le surcoût conséquent de toute notre production créent de continuelles tentations de délocalisation à l'étranger et nous confrontent à des réalités qui handicapent la reprise de notre économie nationale.
Nos forces armées entrent maintenant dans une période de transition qui, en quatre ans, doit nous amener de la conscription à la professionnalisation, période délicate, dont il serait souhaitable de bien marquer les étapes et les modalités plus qu'elles ne le sont aujourd'hui. Par exemple, la possibilité d'obtenir un report d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail vient d'être inscrite dans la loi sur le service national. Fort bien ! Mais quelles classes d'appelés, exactement, vont bénéficier de cette disposition ?
Les sursitaires titulaires d'un CDI ou d'un CDD pourront-ils s'en prévaloir, alors que leur classe d'âge avait été appelée à remplir un temps de service plein ? De plus, cette mesure va entraîner une baisse sensible du nombre des appelés pendant cette période de transition. Comment envisagez-vous de limiter cette baisse et de la compenser ?
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques questions que je voulais poser à l'occasion de la discussion de ce budget.
Sur le plan général, nous réaffirmons notre ferme attachement à l'exécution intégrale de la loi de programmation pour les années qui vont d'aujourd'hui à l'an 2002. La rigueur des temps nous a obligés - ce n'est pas sans regret que nous avons dû le faire - à voter toutes sortes de restrictions et de suppressions.
Oui, la loi est déjà très sévère, il ne convient pas que le Gouvernement en rajoute en la rendant encore plus pénible. Nos armées, qui ont rendu de si grands services à la nation, sont durement frappées sur le plan humain comme dans le domaine matériel.
Nous avons appris, quand nous étions militaires, que « la discipline fait la force principale des armées ». Il est une chose qui fait sa force encore davantage : c'est le moral. Monsieur le ministre, le Gouvernement doit veiller à ce que, en aucun cas, le moral de nos armées ne risque d'être détruit. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 février 1996, le Président de la République engageait le long processus de réforme de notre outil de défense, lequel devait conduire à la professionnalisation de nos armées et à l'abandon de la conscription.
Sous la houlette de votre prédécesseur, le Parlement n'a pas tardé à donner à ces objectifs leur nécessaire traduction législative.
Ainsi fut adoptée, après avoir été préparée en étroite concertation avec les assemblées, la loi de programmation militaire de 1997 à 2002, que vint compléter cet automne la loi portant réforme du service national.
La démarche d'ensemble est cohérente, même si je ne peux que souscrire aux demandes réitérées de présentation d'un projet de loi portant réforme des réserves, et ce dans un délai le plus bref possible.
L'an dernier, à cette même tribune, je me félicitais du montant de 243,3 milliards de francs inscrits au titre du budget de la défense pour 1997, enveloppe conforme aux engagements budgétaires prescrits par la loi de programmation.
C'était un bon début qui - une fois n'est pas coutume - laissait présager une suite favorable.
Lors des débats sur la loi de programmation, nous avons été particulièrement nombreux sur ces bancs, toutes sensibilités confondues, à mettre en garde le Gouvernement sur les exigences de ce type d'exercice et les prolongements qu'il implique.
Voter une nouvelle loi de programmation militaire, la neuvième du genre depuis 1960, alors que la dernière ne datait que de 1994 et avait été particulièrement mal appliquée pour être prématurément abandonnée, ne pouvait qu'inquiéter le législateur.
Il était en effet légitime de craindre que ne se perpétue la fâcheuse habitude prise ces dernières années qui consistait à remettre en cause, en cours d'exercice, le budget d'équipement, c'est-à-dire les crédits prévus au titre V du ministère de la défense, et ce sans préavis, de façon massive et, bien entendu, sans que l'aval préalable du Parlement ait été obtenu.
Ces craintes avaient été, à l'époque, largement dissipées.
Mais c'était, hélas ! sans compter avec les vicissitudes de la vie politique !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le choix du peuple, vous voulez dire !
M. Bernard Plasait. Je note d'ailleurs que celles-ci ne devraient nullement interférer en la matière, car je croyais savoir que s'il était un domaine où l'on pouvait parler de consensus, c'était bien celui de la politique de défense.
Or force est de constater, mes chers collègues, qu'il n'en est rien.
Car, comme l'ont très justement dit MM. les rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que certains orateurs, le budget de la défense pour 1998, que vous nous présentez, monsieur le ministre, marque un très net coup d'arrêt dans l'exécution de la loi de programmation.
Et tout laisse à craindre que, du coup d'arrêt au coup de grâce, il n'y ait qu'un pas, que la dérive des finances publiques aidera aisément à franchir.
Nous devons, certes, à l'honnêteté de reconnaître que ce gouvernement innove car, lui, il sollicite l'aval du Parlement.
Mais, en fait, il demande aux parlementaires de baisser volontairement la garde et d'exposer délibérément notre pays à de graves désillusions, lourdes de conséquences, dans un avenir que nous souhaitons tous hypothétique, bien évidemment.
La seconde innovation qu'il convient de relever réside dans la justification qui nous est donnée avec la création de la fameuse théorie dite de l'« encoche ».
Là aussi, j'ai une grande inquiétude car de l'encoche à la brèche, peut-être aussi à la plaie béante, il n'y a qu'un pas !
En effet, diminuer de 3,2 % en francs courants, soit 4,6 % en francs constants, la masse budgétaire globale, pour la situer à 238,2 milliards de francs, c'est déjà procéder à une large entaille.
Mais quand on considère les seuls crédits d'équipement militaire, en baisse brutale de 9,9 % en francs constants, c'est une véritable saignée, monsieur le ministre.
Je ne vous parlerai pas de la chute des crédits consacrés au nucléaire tant les qualificatifs manquent, ma collègue Anne Heinis y reviendra tout à l'heure de façon exhaustive.
Par ces diminutions massives de crédits, le Gouvernement fait des crédits militaires - eh oui, permettez-moi de le dire à mon tour - une variable d'ajustement du budget de l'Etat. C'est grave, monsieur le ministre, c'est très grave pour l'accomplissement toujours nécessaire de la première mission de l'Etat.
Le président de Villepin a fort justement parlé de signal très négatif adressé simultanément à la nation, aux industries de défense et à nos armées, dont le moral est pourtant si important.
Je ne peux, pour ma part, que partager ce sentiment d'un mauvais coup porté à la réforme courageuse et lucide de nos armées engagée depuis deux ans.
Ce budget hypothèque gravement l'avenir de notre défense. Nous ne pouvons que le déplorer, monsieur le ministre, avec cette gravité évoquée tout à l'heure par le président de Villepin.
Des retards considérables vont être pris dans les programmes d'équipement, tels que le Rafale ou le char Leclerc, pour ne citer que ceux-là.
Tout aussi grave est la compression des dépenses de fonctionnement qui menace l'entraînement et l'activité de nos forces.
Enfin, je ne peux que m'associer aux remarques déjà formulées concernant les conséquences, notamment pour l'armée de terre, des dispositions adoptées en matière de report d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail.
A cet égard, je souhaite plus particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre, sur ce qui me semble relever d'un déficit de communication. En effet, et peut-être est-ce dû à l'effet d'annonce d'un certain amendement présenté à l'Assemblée nationale, l'article 3 de la loi du 28 octobre dernier portant réforme du service national a été plutôt mal interprété par l'opinion.
Si j'en juge par les demandes qui me sont régulièrement adressées, et je me doute bien que je ne suis pas le seul dans ce cas, les jeunes gens déclarés aptes au service militaire se trouvant dans l'attente d'une incorporation très prochaine - et plus souvent encore leur famille - ont perçu les nouvelles dispositions comme permettant une dispense systématique dans le cas où l'intéressé est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée ou s'apprête à en signer un.
Une telle situation me semble mériter quelques éclaircissements.
Pour conclure, je ne peux que regretter, monsieur le ministre, comme vous sans doute, les orientations du projet de budget de la défense pour 1998 et espérer que la défense retrouvera dès 1999 le niveau de ressources prévu par la loi de programmation. Dans cette attente, je suivrai la commission dans ses conclusions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant le dire simplement : c'est un budget difficile que nous examinons. Les contraintes budgétaires de cette nouvelle période ont lourdement pesé sur son élaboration.
Néanmoins, vous avez voulu, monsieur le ministre, mettre en oeuvre les grands objectifs que vous vous étiez fixés : la consolidation du processus de professionnalisation des armées et la poursuite des objectifs stratégiques définis dans la loi de programmation. Votre démarche a été guidée par ces deux lignes directrices, tout en contribuant grandement à l'effort général de réduction des dépenses publiques.
De ce fait, le projet de budget de la défense est une nouvelle fois en diminution : de 3,25 % en francs courants par rapport au budget voté pour 1997, lequel a lui-même connu, par la décision de deux gouvernements successifs, deux annulations de crédits portant sur le titre V.
Ainsi, c'est non à partir de la deuxième année mais dès la première année de son exécution que la loi de programmation n'a pas été respectée. Lors de son adoption, j'avais d'ailleurs estimé qu'elle serait difficilement tenable, quel que soit le gouvernement.
Cette nouvelle diminution importante du titre V ne doit être considérée que comme une contribution exceptionnelle à la maîtrise des dépenses publiques.
En effet, certains aspects de ce budget soulèvent des questions préoccupantes pour l'avenir, qu'il s'agisse du nucléaire, de l'achat de munitions ou bien encore de l'entretien programmé des matériels, même si ces dispositions - et les états-majors le reconnaissent - ne mettent pas en cause le bon fonctionnement de l'armée ni ses capacités opérationnelles, à condition, toutefois, qu'elles demeurent exceptionnelles.
La poursuite de la baisse tendancielle de l'effort de recherche et développement, qui a vu ses crédits diminuer de 28 % - mais depuis 1995 ! - est tout aussi problématique. Quand on sait que la recherche et le développement représentent 45 % des dépenses d'équipement militaire des Etats-Unis, on doit considérer que c'est bien notre future capacité de défense qui est en jeu et, peut-être plus encore, le degré d'indépendance de l'Europe dans une quinzaine d'années. Pour enrayer cette évolution, il faudrait sans doute être plus volontariste dans le développement des technologies duales et dans le financement d'une partie de la recherche et du développement par le secteur industriel.
Pour autant, la puissance, le rayonnement international et la sécurité d'un pays ne sont pas tributaires de sa seule armée. C'est pourquoi il convient également de s'interroger sur les moyens alloués à la recherche dans le domaine stratégique. Celle-ci permet, entre autres, de bénéficier de réseaux d'influence non négligeables sur la scène internationale. Je souhaite donc qu'une nouvelle politique d'aide aux instituts de recherche soit envisagée, d'autant que ce n'est pas le poste le plus coûteux dans le budget de la défense.
Après ces remarques qui se veulent lucides et honnêtes, je tiens souligner les avancées que vous nous proposez à travers ce budget.
Je note tout d'abord que tous les matériels commandés pour 1998 seront effectivement livrés au cours de l'année. Je pense également à la place privilégiée réservée aux capacités de prévention, notamment dans le domaine du renseignement d'origine spatiale. Je mentionnerai aussi les programmes en coopération, qui bénéficient, en dépit de la baisse globale des ressources, d'un strict maintien des dotations qui leur étaient réservées en programmation.
La préservation de ces engagements est incontestablement un signal politique fort adressé à nos partenaires.
Par ailleurs, si le titre V connaît une baisse importante, le titre III respecte, lui, rigoureusement la loi de programmation, grevant d'autant le budget global de la défense. C'est pourquoi il faut poser le problème de la répartition des crédits entre ces deux titres budgétaires. S'il est effectivement essentiel de préserver le bien-être des femmes et des hommes qui servent notre pays, cela ne peut continuer à se faire au détriment de l'investissement sans que les objectifs de notre défense en soient modifiés.
Dès l'origine, nul n'ignorait que le passage d'une armée mixte à une armée professionnelle, fût-elle de format réduit, aurait un coût important. C'est ce passage, à l'évidence mal conçu, qui est en grande partie responsable des difficultés de ce budget.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Tiens donc ! (Sourires.)
M. Bertrand Delanoë. Mais cette conception de la professionnalisation, la majorité sénatoriale, contre notre avis, l'a validée en son temps. Ne vous étonnez donc pas, chers collègues, que, dans le budget 1998, les seuls crédits d'accompagnement de la professionnalisation s'élèvent à 1,8 milliard de francs.
Et pardonnez-moi de vous rappeler les craintes que j'exprimais l'année dernière au cours du débat budgétaire : « Ces choix, disais-je, nous les connaissons, ce sont ceux d'une armée professionnelle. Ils pèsent et ils continueront de peser sur le budget, avec des conséquences que je juge néfastes. Car, malgré les réductions d'effectifs, vous êtes contraints d'augmenter sensiblement les crédits de fonctionnement. » Et j'ajoutais, me référant à l'exemple britannique : « Nous avons appris que les économies, lorsqu'elles doivent se faire, se font toujours sur le titre V. » Aujourd'hui, je ne peux que regretter que ces appréhensions se soient vérifiées.
Quoi qu'il en soit, le budget a atteint un seuil critique, et il serait très grave qu'il subisse de nouvelles annulations de crédits en cours d'année.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. On verra !
M. Bertrand Delanoë. Les précédents sont nombreux, mon cher collègue ! Dois-je vous rappeler que le budget de 1995 avait été amputé de 20 milliards de francs ?
Dans ce domaine, vous avez, monsieur le ministre, pris des précautions utiles : d'une part, en évitant que les reports de charges de 1997 ne pèsent sur le budget de 1998 et, d'autre part, en prenant en compte, pour la première fois, dans le projet initial, une partie des actions extérieures.
Je crains pourtant, au risque de paraître trop direct, que nous ne nous trouvions face à une baisse tendancielle du budget de la défense plutôt qu'à une simple « encoche » à caractère exceptionnel et provisoire. Et c'est pourquoi je pense, monsieur le ministre, qu'il est juste que vous poursuiviez l'effort d'adaptation entrepris.
Vous avez raison de continuer les restructurations engagées dans le cadre de la direction des constructions navales, de GIAT-Industrie, mais aussi de la délégation générale pour l'armement.
Plus globalement, vous avez raison de poursuivre la réorganisation de l'ensemble de notre industrie de défense à l'échelon européen, le seul réellement opérationnel. Rien ne serait pire pour l'industrie d'armement française qu'une stratégie industrielle strictement nationale.
Je pense tout particulièrement, au nécessaire regroupement des industries aéronautiques dans un pôle européen. Sur ce sujet, monsieur le ministre, je me permets de vous demander où en sont le processus de rapprochement entre Dassault et Airbus et la nomination d'un coordinateur pour la constitution d'une entité aéronautique européenne.
Je pense aussi aux industries électroniques. Dans ce ssecteur, Thomson-CSF doit être en mesure de jouer un rôle de leader industriel ou de fédérateur en Europe.
Dans le même esprit, le développement des programmes en coopération doit être une priorité et l'avion de transport futur, le symbole concret de cet engagement.
La généralisation des commandes pluriannuelles groupées, pour les programmes les plus importants, contribue et contribuera encore davantage à la remise en ordre déjà engagée de la gestion financière du ministère de la défense, suivant en cela les recommandations de la Cour des comptes.
Cette meilleure gestion des crédits militaires est indispensable. Pour autant, je ne crois pas que nous pourrons échapper à une authentique « épreuve de vérité ». Je veux dire par là que, dans le cadre de la revue de programmes annoncée, nous devrons effectuer des choix clairs, qu'il s'agisse des missions assignées à nos forces ou des équipements retenus.

De ces difficultés, de ces exigences, je le sais, vous êtes conscient, monsieur le ministre. Parce que vous avez entamé votre mission avec courage, lucidité et efficacité, nous avons confiance en vous. Tel est le sens de notre vote positif aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travée du RDSE.) 3

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 décembre 1997, en application de l'article 54 de la Constitution, par M. le Président de la République et M. le Premier ministre, du traité sur l'Union européenne signé à Amsterdam le 2 octobre 1997.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

4

COMMUNICATION
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a reçu le 5 décembre 1997 un mémoire complémentaire au recours sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 déposé le 3 décembre 1997 par plus de soixante députés.
Acte est donné de cette communication.
Le texte du mémoire complémentaire est disponible au bureau de la distribution.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heure cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

5

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.

Défense (suite)

M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de défense est, pour tous les pays qui veulent en avoir une, fondée sur une analyse des moyens et une volonté d'action internationale.
Elle ne peut donc s'abstraire de l'examen attentif du paysage stratégique mondial.
Voilà huit ans - déjà ! - le mur de Berlin s'effondrait et avec lui s'achevait une guerre froide qu'il avait tragiquement symbolisée. Il y a sept ans commençait ce qu'il est commun d'appeler la guerre du Golfe. Un an seulement entre le rêve, enfin réalisé, et un réveil douloureux !
L'évolution des mentalités, celle des responsables qui entraînent et motivent leurs fanatiques, avouons-le, se fait de nouveau entendre avec le bruit et la fureur des armes.
Aujourd'hui, tous les observateurs s'accordent à penser que le monde, s'il est plus juste, peut-être, est aussi plus instable. Le danger n'a pas cessé ; il a changé de nature et, surtout, il est plus diffus, moins cernable. L'illusion d'une sécurité globale et durable s'estompe. La réalité d'un monde divisé et encore violent apparaît à tous nos concitoyens qui suivent, en direct, une crise, une guerre, un acte de terrorisme aveugle. Comment ne pas en tenir compte !
Pourtant, tout n'est pas noir. En Europe même, l'espace à l'Est semble stabilisé. Dans l'histoire des peuples, ou plutôt des Etats et de leurs dirigeants, tout n'est que transitoire.
La Russie consolide un processus démocratique qui reste - soyons lucides - fragile et précaire. Les idéologies ne sont-elles pas prétexte au pouvoir ?
Cependant - il s'agit d'un fait important, me semble-t-il - la volonté des Européens de vivre ensemble, de consolider un immense ensemble économique et de bâtir un ensemble politique ne se dément pas.
La construction européenne est, désormais, au centre de nos préoccupations de politique de défense, même si, à Amsterdam, pour l'Union européenne, et à Madrid, pour l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, l'OTAN, les avancées n'ont pas été considérables. L'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, pour sa part, s'impose difficilement et la dernière réunion à Erfurt est à bien des égards un peu préoccupante.
Toutefois, même dans ce secteur essentiel, il y a plus d'Europe que jamais. La relation franco-allemande, malgré des hauts et des bas, constitue toujours un moteur essentiel. Je note, avec satisfaction, qu'une partie des éléments de la brigade franco-allemande est déployée en Bosnie.
L'idée d'une défense européenne chemine. Cela est très important pour nous et notre budget d'aujourd'hui. A ceux qui s'impatientent, je rappellerai qu'il a fallu trente ans pour que l'on puisse sérieusement parler d'une monnaie commune.
Dans l'industrie d'armement, le bilan est plus contrasté. Face au dynamisme de nos alliés américains, l'Europe se cherche encore, malheureusement !
Le projet d'agence de l'armement ne progresse pas très vite, même si la France relance sans cesse et sans se décourager le processus de réforme de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR. Toutefois, des interrogations demeurent sur la politique de coopération avec nos partenaires. Je sais pourtant qu'avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie des programmes concrets se poursuivent et que des projets se discutent. Mais allons-nous assez vite et assez fort ? Je pense que, pour notre part, le budget de la défense montre clairement notre volonté. Qu'en est-il de celle de nos partenaires ?
D'une façon générale, la France ne peut, dans le domaine de l'Europe de la défense, être naïve et se bercer d'illusions. Les égoïsmes nationaux et les habitudes de pensée ne se changent pas en quelques années. L'époque paraît difficile pour les « grands ennemis ». C'est peut-être une audacieuse politique de petits pas - cela fut dit ! - qu'il faut conduire avec détermination, constance et opiniâtreté !
Cette audace du réalisme nous paraît déjà illustrée dans la façon dont les autorités françaises ont géré le dossier de notre participation au commandement militaire intégré de l'Alliance.
Non, décidément, l'équilibre des pouvoirs et des responsabilités entre Américains et Européens n'était pas satisfaisant. Notre pays a donc eu raison de manifester son désir que l'Europe ait sa juste place au sein d'un organisme de défense collective, essentiel à sa sécurité. Il a eu raison aussi de rappeler sa disponibilité à poursuivre le débat.
La France n'a pas bloqué la discussion ; elle n'a pas non plus été isolée, contrairement à certaines prédictions pessimistes. Elle s'est montrée ouverte et solidaire.
Cette ouverture et cette disponibilié, la France les manifeste également envers nos partenaires africains. Le Gouvernement a décidé - il fallait le faire ! - d'adapter notre dispositif de forces prépositionnées en Afrique. Il l'a fait en nouant le dialogue avec nos amis et en préservant nos capacités d'intervention.
L'Afrique ne pouvait pas rester enfermée dans une relation de subordination avec notre pays. C'est un partenariat ouvert qui se dessine, une opportunité pour maintenir, dans la modernité, un lien entre des hommes et des femmes qui partagent la même langue et des mêmes références, même s'ils n'ont pas les mêmes ancêtres.
Il importe de ne pas renoncer à notre outil militaire, afin de mieux le mettre au service de notre diplomatie. La récente crise irakienne le montre, là aussi. Le recours à la force brutale ne constitue jamais la solution, nous le savons. Mais il faut que les nations et leurs organismes collectifs, comme les Nations unies, puissent faire respecter la loi internationale.
Un pays membre permanent du Conseil de sécurité ne saurait faillir à ses obligations. L'épée doit donc pouvoir être brandie de façon crédible si nécessaire, pour que la langue des diplomates se délie.
Votre tâche, monsieur le ministre de la défense, est de prévoir les scenarii d'évolution stratégique. Ce n'est pas simple dans les phases de transition, car l'univers est à la fois plus fluide et plus difficile à cerner. Votre mission est d'éclairer la représentation nationale sur les réponses que notre pays se doit d'apporter.
Je rappellerai que peu de nations se vivent et se pensent comme un acteur du monde. Aussi, la réflexion que nous devons mener ensemble sur notre politique de défense doit être à la hauteur de notre ambition.
Si ce que vous nous proposez peut laisser quelques insatisfactions, nous devons savoir aussi tenir compte de la conjoncture. Les périodes de mutation - et notre défense est en mutation - sont toujours difficiles. Monsieur le ministre, un certain nombre de membres de mon groupe et moi-même vous faisons confiance pour mener à bien cette noble tâche. (M. Biarnès applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le ministre, en présentant aujourd'hui votre projet de budget pour 1998, vous vous attaquez à une tâche délicate, voire difficile.
Tout d'abord, l'opposition, majoritaire au Sénat, ne vous facilite pas la tâche, c'est le moins que l'on puisse dire, et nous venons d'assister, depuis le début de la discussion, à une série d'attaques en piqué. Certaines sont, selon moi, particulièrement excessives et d'autres seraient susceptibles de semer le doute si elles étaient prises à la lettre par les militaires et tous ceux qui s'intéressent aux questions de défense.
Faut-il rappeler que c'est le gouvernement précédent et sa majorité parlementaire qui avaient fait reculer, dans les prévisions budgétaires, le montant des crédits d'équipement de 20 milliards de francs par rapport à la précédente loi de programmation militaire ?
Les crédits de fonctionnement, comme ce qui est proposé aujourd'hui, ne variant pas, ce sont 120 milliards de francs en six ans qui avaient été amputés des crédits d'équipement.
Robert Hue, dans sa campagne pour l'élection présidentielle, au printemps 1995, avait proposé, modestement, de baisser de 70 milliards de francs en cinq ans lesdits crédits et je me souviens des qualificatifs, eux aussi parfaitement excessifs, dont la majorité sénatoriale avait affublé, à l'époque, les sénateurs de mon groupe pour, quelques mois plus tard, accepter des coupes claires bien plus importantes.
J'ai bien dit, voilà un instant, « prévisions budgétaires » car, dans la réalité, avec les reports, les gels et les annulations, les crédits d'équipement avaient encore, et sans l'avis du Parlement, subi quelques cures d'amaigrissement au fur et à mesure de l'exécution du budget.
Ces rappels utiles devraient ramener à leurs justes proportions les accents d'indignation que nous avons entendus tout à l'heure.
Ces rappels utiles éclairent bien la complexité de la tâche du ministre de la défense.
Poursuivre la professionnalisation complète des armées décidée par le Président de la République - choix que nous ne partageons pas - maintenir l'essentiel des programmes d'armement, notamment nucléaires, contribuer à la baisse du déficit public sont un exercice auprès duquel ce que les anciens appelaient la recherche de « la quadrature du cercle » apparaît comme un jeu d'enfant.
Face à ces difficultés et à ces attaques, j'aurais été enclin, monsieur le ministre, à vous soutenir sans réserve et avec vigueur si je n'avais, avec mon groupe, plusieurs appréhensions en ce qui concerne ce budget.
Même après le débat et l'adoption du projet de budget à l'Assemblée nationale, qui, je le reconnais volontiers, a permis plusieurs avancées, notamment en direction des salariés des industries de défense, et apporté des précisions, mon sentiment et celui de mes collègues du groupe est mitigé.
J'ai, à la fois, beaucoup de raisons pour vous approuver et quelques raisons pour maintenir des appréhensions.
Tout d'abord, je veux dire à nouveau ici l'accord de tous les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sur les grandes lignes du budget général pour 1998, qui fait de l'emploi, de l'éducation de la santé et de la justice les premières priorités et demande aux contribuables français une participation plus justement répartie sur fond de réduction des déficits publics, ce que je comprends, même si mes amis et moi-même ne sommes pas d'ardents partisans de la descente, dès l'année 1998, au niveau de 3 % du produit intérieur brut pour répondre aux sacro-saints critères de Maastricht.
Il est intéressant que ceux qui se disent, à la fois, partisans de l'application pure et dure desdits critères et du discours réclamant, au nom du libéralisme, une baisse sensible des dépenses publiques soient les premiers, ici et ailleurs, à combattre les projets de budget comportant effectivement des baisses de dépenses publiques.
Nous, nous ne sommes pas dogmatiquement contre la réduction des dépenses d'armement, tant l'environnement mondial et son évolution, tant la réduction constatée chez nos partenaires et chez nos alliés - qui ont commencé cette réduction des dépenses d'armement plus tôt et plus sensiblement que nous ; et ne parlons même pas de la Russie - tant l'affirmation d'autres priorités nationales, notamment sociales, poussent à adapter à la baisse l'effort de défense de notre pays. Ce sont là les dividendes évidents et normaux de la détente.
Mais, dans ce budget que je considère comme un budget de transition, une baisse aussi sensible - près de 9 milliards de francs par rapport à l'annuité 1998 prévue initialement dans la loi de programmation militaire - est rude pour certains secteurs de notre outil de défense et tombe mal cette année, car plusieurs programmes essentiels arrivent dans leur période charnière.
Il est nécessaire, monsieur le ministre - d'autres l'ont dit, nous le disons également - que l'étau soit desserré en 1999 et qu'intervienne cette revue générale des programmes et des opérations d'investissement que vous avez annoncée.
Je dis cela, bien évidemment, en souhaitant que le Parlement soit associé en amont aux réflexions induites par cette revue générale et qu'il participe à l'élaboration des conclusions pour répondre à cette question centrale de l'adaptation cohérente de notre outil de défense au contexte géopolitique et aux menaces prévisibles, et j'ajouterai : aux moyens de la France.
A ce propos, il ne serait pas inutile d'élaborer un nouveau livre blanc, même si vous l'appelez autrement. Cela correspondrait bien à la logique de réalisme, de transparence et de solidarité affichée par le Gouvernement.
Vous le savez, nous avions souhaité que soient épargnées, dans ce projet de budget, la poursuite de l'essentiel des grands programmes de renouvellement des armements protégeant notre espace national et les commandes aux arsenaux et établissements d'Etat, déjà fragilisés par les politiques précédentes.
Vous le savez aussi, nous avions souhaité que cette baisse des crédits n'affecte que les crédits nucléaires, non pas ceux qui permettent de garder, pour l'heure, une capacité de dissuasion défensive suffisante - il serait d'ailleurs utile, je le dis au passage, de discuter et de se mettre d'accord sur ce niveau de suffisance - mais ceux qui continuent d'engager notre pays dans la production de ce que nous pensons être de nouvelles armes nucléaires.
Dans ce domaine, nous ne le rappellerons jamais assez, notre sécurité dépend autant de nos capacités de dissuasion que du respect du traité, de par le monde, de non-prolifération nucléaire, traité qui indique, en son article 5 ou 6, que les nations détentrices de l'arme nucléaire doivent s'engager dans la voie du désarmement. Notre sécurité dépend aussi des initiatives que nous serons capables d'impulser pour contribuer à la relance du processus de réduction en cours.
Peut-on sérieusement penser que le club des cinq puissances nucléaires pourra longtemps continuer à prêcher la non-prolifération au reste du monde, notamment à des pays comme l'Inde, sans s'engager un peu plus avant encore dans la voie de la réduction significative des armes atomiques ?
Nous sommes trop soucieux de la sécurité de notre pays et de son rôle dans le monde pour penser un seul instant que la France doive s'engager seule et unilatéralement dans le désarmement nucléaire. Mais, nous disons aussi que la France sous-estime le rôle qui pourrait être le sien - un rôle plus attendu que nous pouvons le penser par de nombreux pays - dans la relance du processus dont je parlais tout à l'heure.
Il est symptomatique, à cet égard, que des décisions encore récentes et significatives comme la fermeture du centre d'expérimentations du Pacifique, le démantèlement des missions tactiques Hadès et des missiles stratégiques du plateau d'Albion, les fermetures des usines de production de matières fissiles de Pierrelatte et de Marcoule n'aient pas été accompagnées à l'époque ou englobées dans une démarche diplomatique d'envergure de la part du Président de la République et du gouvernement précédent. C'était pourtant le moment de gommer les effets négatifs de la dernière campagne d'essais nucléaires.
A ce propos, j'avais trouvé intéressants les travaux de la commission de Canberra, à laquelle participait un ancien Premier ministre que vous connaissez bien et qui en avait fait rapport lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. De telles initiatives tracent, selon nous, des pistes de réflexion très utiles pour envisager l'avenir dans ce domaine. Nous avons le sentiment que cela manque un peu chez nous, en France.
C'est avec cette approche que nous ne sommes pas convaincus de la nécessité de développer un nouveau missile stratégique, le M 51, et un nouveau missile aéroporté.
A ce propos, je poserai une question à laquelle j'aimerais avoir une réponse : où s'arrêtent les nécessaires mesures à prendre pour assurer la maintenance et le remplacement des éléments de la dissuasion, pour sauvegarder notre potentiel scientifique et industriel, et où commence la production d'armes nucléaires nouvelles ?
S'agissant des équipements de simulation des essais nucléaires en laboratoire, commencent à poindre - vous l'avez déclaré en commission - des informations indiquant de possibles recherches communes militaires et civiles. La production d'électricité par la fusion nucléaire est l'un des enjeux majeurs des prochaines décennies. Si cela se confirmait, ne doit-on pas, dans un proche avenir, réorienter le projet en cette matière pour que des crédits de recherche civile, des crédits de notre société nationale, EDF pour ne pas la nommer, puissent être investis, soulageant d'autant les crédits militaires ?
Répondant aux sollicitations du président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait, en ce qui concerne l'avenir des personnels des arsenaux et établissements d'Etat, déclaré : « Les salariés ne sont pas responsables de cette situation catastrophique. »
Nous en sommes bien d'accord et je voudrais vous dire que nous avons apprécié, même si, bien entendu, cela ne règle pas tous les problèmes, les mesures que vous avez annoncées, telles que la « rallonge » de 500 millions de francs accordée à la délégation interministérielle aux restructurations de défense, le départ anticipé en retraite dès cinquante-deux ans, la non-fermeture de quatre des quatorze sites de GIAT Industrie et l'ouverture de négociations sur la réduction du temps de travail.
Cela répond en grande partie à nos propositions visant à stabiliser nos industries de défense et, surtout, à stopper l'hémorragie des effectifs. Nous n'avons jamais accepté de constater depuis de nombreuses années la baisse continue des plans de charge de notre industrie d'Etat.
Nous avons constamment insisté pour que soient engagées des reconversions de certaines activités vers des productions civiles. Le savoir-faire, l'expérience de ces salariés devraient, pour une partie d'entre eux, leur permettre de faire une autre carrière après une réorientation.
Vous avez déjà, en partie, répondu à l'attente de ceux qui, comme nous, préconisent de remplacer le plan Millon par un véritable plan de sauvegarde et de transition.
S'agissant de l'avion Rafale, si nous prenons acte, avec satisfaction, de la décision de poursuivre le programme, avec, certes, un léger retard, nous serions heureux qu'une commande pluriannuelle puisse être décidée dans les mois à venir. En tout cas, nous souhaitons qu'aucune entrave ne vienne retarder la livraison du Rafale marine.
Je ne veux pas dire par là que l'armée de l'air doive être négligée, mais, avec les Mirage 2000 D et 2000-5, nos forces aériennes sont et seront rapidement dotées de matériel de meilleur niveau alors que notre aéronavale en est encore aux Super-Etendard et, comble d'archaïsme, aux vénérables Crusader.
De l'avis de tous les experts, l'avion de transport ATF devrait constituer, en 1998, la préoccupation n° 1 dans le domaine aérien. Vous sera-t-il possible, monsieur le ministre, d'envoyer dans les mois à venir un signal fort, voire de donner un coup de pouce financier pour le démarrage des études et le lancement des appels d'offres ?
J'ai qualifié tout à l'heure votre projet de budget de projet de budget de transition, car, à ce titre, il est encore trop marqué par une loi de programmation militaire, que nous avions rejetée. Il est dans la logique d'une professionnalisation des forces armées, dont nous ne sommes pas convaincus du bien-fondé, mais il compte aussi de nouvelles orientations que nous approuvons et, surtout, il est porteur de plusieurs promesses.
Tout d'abord, il permet d'espérer la fin du grand écart scabreux entre, d'une part, des crédits désormais en rapport avec l'évolution du monde et des menaces et, d'autre part, une palette de programmes lancés, pour l'essentiel, du temps de la guerre froide.
Ensuite, il nous autorise à croire que l'on s'en tiendra aux prévisions budgétaires, le Gouvernement s'interdisant tout gel, toute annulation de crédits.
Enfin, il laisse présager que s'engageront des débats et réflexions pour une meilleure politique d'équipement de nos forces armées après cet exercice de vérité et de lucidité que sera cette revue générale des programmes et des opérations d'investissements.
Notre abstention d'aujourd'hui signifie tout cela, et aussi l'espoir qu'il nous sera possible, l'an prochain, de la transformer en vote de soutien actif. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Husson.
M. Roger Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 février 1996, le chef de l'Etat annonçait la professionnalisation de notre système de défense que confirmaient le Gouvernement et sa majorité, en 1997, ce dont je ne pouvais que me réjouir.
Nous savons tous que l'adaptation de notre outil de défense dépend incontestablement de l'exécution fidèle et intégrale de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002.
Or je constate que le projet de budget pour 1998 ne la respecte pas et ne rend plus réalisable les principaux objectifs reconnus comme indispensables par nos stratégies.
En effet, avec 184,7 milliards de francs, hors pensions, ce projet de budget est en retrait de 3,3 % par rapport au budget de 1997.
Ces 184,7 milliards de francs se répartissent entre le titre III - fonctionnement - et l'ensemble des titres V et VI - équipements - à hauteurs respectives de 103,7 milliards et de 81 milliards de francs.
La loi de programmation militaire pour les années 1997-2002, que j'ai votée en juin 1997, fixait les ressources annuelles de la période à 185 milliards de francs constants 1995, répartis en 99 milliards de francs au titre III et 86 milliards de francs aux titres V et VI.
Or, compte tenu de la dérive des prix, ces références deviennent 193 milliards de francs, dont 103 milliards de francs pour le fonctionnement et 90 milliards de francs pour les équipements.
Alors que, l'année dernière, j'avais pu dire que le budget de 1997, que j'avais d'ailleurs voté, était conforme à la loi de programmation militaire, aujourd'hui, je dois admettre que ce n'est plus le cas pour le projet de budget pour 1998.
Si la dotation inscrite pour le titre III est conforme aux prévisions de la loi de programmation militaire, les dotations inscrites aux titres V et VI, en revanche, sont en retrait de 9 milliards de francs par rapport à ces mêmes prévisions.
A ce stade, deux observations s'imposent.
Premièrement, malgré les engagements pris, ce projet de budget pour 1998 décroche très nettement du niveau des ressources garanti par la loi de programmation militaire et remet de ce fait en cause le modèle d'armée décidée en 1996.
Deuxièmement, la tendance lourde annoncée depuis 1990 d'accroissement de la part du titre III au détriment de celle des titres V et VI se confirme, ce qui se traduit, en volume, sur la période 1990-1998, par une stabilité des dépenses de fonctionnement et par une réduction massive du niveau annuel d'engagement des dépenses en équipement de 40 milliards de francs.
Je voudrais à présent faire rapidement une revue de détail du titre III avant de passer à l'analyse des crédits d'équipements dont la réduction massive sera lourde de conséquences pour l'avenir de nos forces armées.
Que constatons-nous ? Le titre III représente 56,1 % du budget en projet, soit 103,7 milliards de francs contre 102,2 milliards de francs en 1997. Il augmente donc de 1,5 % en francs courants. Mais cette évolution inclut une modification de périmètre. En effet, à périmètre égal, il progresse de 0,2 % par rapport à 1997. En francs constants, le titre III diminue donc de 1 % par rapport à 1997.
Si les rémunérations augmentent et si les crédits de fonctionnement diminuent parallèlement à la réduction du format des armées, il faut rappeler que la limite est atteinte depuis des années déjà sur le plan du fonctionnement et de l'activité des unités militaires ; 669 millions de francs en moins, soit une baisse de 4,37 % par rapport à 1997, ce qui représente un chiffre considérable quand on sait que le coût de fonctionnement d'un régiment est d'environ 50 millions de francs et celui d'une base aérienne, du double.
La situation est particulièrement délicate dans l'armée de l'air, dans l'aéronavale et dans l'ALAT, l'aviation légère de l'armée de terre, où les pilotes ne volent pas les cent quatre-vingts heures réglementaires fixés par le standard OTAN.
De même, les régiments de l'armée de terre maintiendront le nombre de jours de sortie au niveau atteint depuis 1996, c'est-à-dire quatre-vingts jours au lieu des cent jours de manoeuvre jugés nécessaires auparavant.
Quant à l'entretien programmé des matériels, l'EPR, il subira lui aussi une réduction significative : 331 millions de francs en moins, soit moins 15,5 % par rapport à 1997.
En conséquence, d'une part, l'armée de l'air connaîtra une baisse du nombre de ses appareils immédiatement disponibles. On estime à environ vingt-six les avions de combat qui vont rester cloués au sol faute de pièces de rechange ou qui seront cannibalisés pour fournir des pièces détachées.
D'autre part, les infrastructures de l'armée de terre comme de la gendarmerie devront également attendre avant d'être modernisées.
Enfin, la marine sera amenée à maintenir à quai deux bâtiments de surface jusqu'en 1999 - sans doute les Frégates Suffren et Duquesne - et à interrompre le service du porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, bâtiment école qui, outre son utilité, est devenu un symbole.
Cette triste revue de détail m'oblige à dire que le titre III n'est pas satisfaisant.
Certes, et je m'en félicite, pour la première fois, le budget inscrit une provision pour les opérations extérieures de faible intensité : 260 millions de francs.
Certes, les rémunérations augmentent; mais, en définitive - mieux vaut le reconnaître franchement - ces coupes sur des titres du budget tels que le fonctionnement et l'entretien remettent en cause non seulement l'entraînement des troupes et leurs capacités opérationnelles, mais encore la sécurité des hommes, qui servent un matériel de moins en moins bien entretenu.
J'en viens maintenant à l'analyse des crédits d'équipements figurant aux titres V et VI.
La deuxième année de la programmation aurait dû se traduire par un titre V et un titre VI de 90 milliards de francs. Or, plafonnés à 81 milliards de francs, ces titres baissent de 8,7 % et, en deux ans, ces crédits auront diminué de 12 milliards de francs par rapport à la loi de programmation militaire, somme correspondant au coût de fabrication du deuxième porte-avions nucléaire qui n'est d'ailleurs toujours pas programmé.
Ces économies envisagées sur les titres V et VI sont donc lourdes de conséquences. Elles vont avoir pour principaux effets, d'abord, de retarder la modernisation de nos forces, ensuite, de réduire les stocks de munitions, et, enfin, de fragiliser notre industrie de défense.
En ce qui concerne la modernisation des forces, certains programmes majeurs vont connaître des décalages dans le temps, opération qui se révèle toujours, à la longue, plus chère. Par ailleurs, nos armées recevront au compte-gouttes des armements qui ne leur permettront pas de disposer de pleines capacités opérationnelles.
Ainsi, dans le domaine nucléaire, en diminution de 33 %, Le Vigilant , troisième sous-marin nucléaire lanceurs d'engins nouvelle génération, SNLE-NG, est retardé d'un an, prélude à l'abandon du quatrième, de même que le programme d'adaptation des SNLE au missile M 51.
Dans le domaine classique, l'armée de terre, s'agissant des blindés, ne recevra l'an prochain que 30 chars Leclerc au lieu des 33 prévus initialement ; au total, ne seront livrés que 400 chars, de quoi équiper 5 régiments en 2015. Je rappelle que l'Allemagne en possède actuellement quinze fois plus et l'Italie cinq fois plus. L'armée de l'air n'a pas commandé un seul avion de combat depuis cinq ans, et aucune commande de Rafale n'est prévue pour 1998. Non seulement, le programme Rafale, dont les crédits sont réduits de près de 20 %, voit son développement quasiment suspendu, mais encore les commandes pluriannuelles, inscrites dans la loi de programmation militaire, sont annulées, compromettant ainsi gravement les chances de succès commercial face à la concurrence étrangère.
S'agissant de la marine, le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, armé pour essais au début de l'année 1997, verra son admission au service actif, prévue pour juillet 1999, retardée de trois mois.
Nous n'avons donc actuellement que des avions ayant plus de trente ans d'âge moyen, en dehors desSuper-Etendard modernisés, sans porte-avions performant ; en octobre 1999, nous aurons un porte-avions nucléaire mais sans avions, car la première flottille de douze Rafale marine ne sera constituée qu'en 2002. Cela veut dire que, pendant deux années, notre groupe aéronaval ne pourra pas intervenir dans les zones où la menace aérienne est grave.
M. Emmanuel Hamel. C'est dramatique !
M. Roger Husson. Quant à la gendarmerie, elle connaîtra des retards dans l'informatisation de ses moyens, ce qui aura un impact en termes d'efficacité et de sécurité publique.
Enfin, dans le domaine du renseignement et des moyens de commandement et de communication, l'automatisation des mesures d'accès aux stations Socrate, le réseau interarmées de transmission, sera retardée d'un an.
De même, le SICA, le système d'information et de commandement des armées, moyen de commandement et de contrôle de l'état-major des armées, connaîtra un certain décalage dans son financement.
Le deuxième effet des économies envisagées sur les titres V et VI sera la réduction des stocks de munitions à un niveau très important.
En effet, la réduction drastique des commandes de missiles et de munitions rendra la situation de nos armées dramatique, d'abord parce que ces dernières n'auront plus de stocks de munitions, ensuite parce qu'elles seraient dans l'impossibilité, si le besoin s'en faisait sentir, de reconstituer rapidement des stocks suffisants.
Pour 1998, 190 missiles sol-air Mistral ne seront pas commandés, 2 400 missiles antichar Eryx sont reportés, de même que les commandes de munitions flèches - calibre 120 millimètres - pour le char Leclerc. Quant au MICA, le missile d'interception, de combat et d'autodéfense, qui doit équiper nos Mirage 2000, il voit ses commandes prévues divisées par quatre.
J'en viens au troisième et dernier effet des réductions envisagées sur les titres V et VI : la déstabilisation de notre industrie de défense à l'heure de sa restructuration et des alliances européennes.
En effet, ce secteur sera lui aussi fragilisé par la perte de commandes qu'il croyait acquises, et l'on peut dire que ce projet de budget pour 1998 équivaut, d'une part, à un ralentissement grave des cadences des chaînes industrielles sur les matériels majeurs qui se retrouvent tous décalés, entraînant un chômage partiel, et, d'autre part, à des licenciements certains : 1 milliard de francs de crédits d'équipements correspondant à environ 2 700 emplois, ce sont donc plus de 24 000 emplois qui vont disparaître.
Par ailleurs, il faut savoir que, au sein des industries de défense, la situation la plus délicate est celle des industries qui n'ont pratiquement pas de marché civil, tel le groupe GIAT Industries. Pour ce groupe, l'arrêt ou le report de certains programmes serait catastrophique, son chiffre d'affaires dépendant à plus de 80 % des activités de défense. Alors qu'il est capable de produire 110 chars par an, il n'en fabrique que 33 actuellement et n'en fabriquera, en 1998, que 30. De plus, il ne prévoit pas de retour à l'équilibre avant fin 1999. Quel avenir peut-on alors lui garantir ?
Je ne voudrais pas terminer l'analyse de ce projet de budget pour 1998 sans dire quelques mots sur l'aéromobilité, domaine cher à mon coeur, étant l'élu d'une région - la Lorraine - où se trouve implantée la quatrième division aéromobile, DAM.
En effet, dans votre projet de budget, monsieur le ministre, je constate que 800 millions de francs financeront l'industrialisation de l'hélicoptère de combat Tigre dans ses deux versions - hélicoptère d'appui et de protection et hélicoptère antichar - programme conduit en coopération avec l'Allemagne. Mais le silence du Gouvernement quant aux commandes de série de cet hélicoptère est des plus inquiétants. Les 80 appareils Tigre qui ont fait l'objet d'un accord avec l'Allemagne pour une commande pluriannuelle ferme seront-ils effectivement commandés ?
Je constate également que 460 millions de francs iront au développement de l'hélicoptère de transport NH 90, qui se poursuit malgré un retard de deux années sur le déroulement du programme auquel quatre pays - France, Italie, Allemagne et Pays-Bas - sont associés. Mais n'est-ce pas de nouveau un programme en sursis ?
Certes, les premières livraisons du Tigre demeurent prévues, en principe, pour l'année 2009. Quant à la première livraison du NH 90, elle devrait théoriquement intervenir en 2011.
Toujours est-il qu'avec deux régiments en moins, 1 800 hommes en moins, 172 appareils en moins, l'aviation légère de l'armée de terre, l'ALAT, aura, d'ici à 2002, une aéromobilité qui sera à 30 % de celle de la Grande-Bretagne et à 50 % de celle de l'Espagne.
En conclusion, je dirai, monsieur le ministre, que, face à un tel bilan, ce projet de budget n'est pas à la hauteur des enjeux fixés par la loi de programmation militaire et qu'il l'enterre.
Non seulement votre gouvernement a annulé 5,2 milliards de francs de crédits budgétaires depuis le 9 juillet dernier, mais encore votre budget, adopté par votre majorité le 18 novembre dernier à l'Assemblée nationale, réduit les crédits d'équipement de près de 10 milliards de francs par rapport à la loi de programmation militaire que nous avons votée voilà un an.
L'écart entre les décisions budgétaires gouvernementales et les objectifs votés par l'Assemblée nationale est aujourd'hui irrattrapable. On ne voit pas comment, en 1999, avec l'entrée en vigueur de la troisième phase de l'union monétaire européenne, un redressement budgétaire serait possible.
De plus, je constate qu'il n'y a plus de cohérence entre les mission assignées à nos armées et les moyens qu'elles reçoivent.
Comme je viens de le préciser, ce constat est grave parce qu'il met en cause non seulement l'efficacité de notre outil militaire, mais encore et surtout l'état d'esprit et le moral des armées.
Enfin, à terme - et c'est là le plus terrible - l'armée française, au rythme des coupes budgétaires et des étalements de programmes, ne sera plus en mesure de remplir l'intégralité de ses missions, car elle sera devenue une armée professionnelle, certes bien payée, mais sous-entraînée et dont les matériels seront de moins en moins entretenus. C'est-à-dire qu'elle sera devenue une armée de pays pauvre !
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas, à l'instar du groupe du RPR, ce projet de budget de la défense pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en contact presque permanent avec les responsables militaires de l'armée de terre - ne suis-je pas l'élu d'un département situé à proximité du camp de Champagne ? - permettez-moi de vous affirmer que nous pouvons être fiers de la valeur des hommes et femmes qui la composent.
Le droit de réserve étant ô combien respecté, nous avons le devoir réciproque d'échanger nos préoccupations, ce qui me conduit, ce soir, à vous confier les miennes, qui sont le reflet concret des questions qui se posent à nous pour l'avenir de notre armée de terre, une armée qui poursuit ses missions sous quatre contraintes particulièrement lourdes.
La première est celle de la professionnalisation, entraînée par la cessation de la conscription nationale à un horizon désormais proche.
La deuxième concerne la diminution importante des effectifs puisque, d'ici à 2002, les effectifs de l'infanterie auront été réduits de 35 % et ceux de l'arme blindée cavalerie de 23 %. Reconnaissons, toutefois, une faible augmentation, dans le cadre de la « civilianisation » des personnels qui concourent à l'effort de défense mené par l'armée de terre.
Ces missions s'exerceront aussi, troisième contrainte, dans le cadre d'une baisse d'activité générale.
Enfin, même si les crédits de fonctionnement ne semblent pas diminuer dans votre budget, il n'en va pas de même pour les crédits d'investissement.
Cette quadruple contrainte, qui a déjà été évoquée par d'autres orateurs - en particulier par M. le président de la commission des affaires étrangères - me conduit à vous poser une question bien précise, monsieur le ministre : quelles sont les missions de l'armée de terre à l'horizon de cinq ou six ans ?
Bien sûr, l'armée de terre est là pour défendre le pays ; mais cette considération est trop globale.
Bien entendu, il lui appartient de se transformer en fonction de ses capacités de projection outre-mer ou en Afrique, dans n'importe quelle région des Balkans, du Proche-Orient ou du monde où notre participation à l'ONU pourrait nous conduire.
Plus fondamentalement, n'est-il pas aujourd'hui nécessaire, dans le cadre de la construction européenne, d'entamer une réflexion en profondeur sur les missions de défense de la future armée de terre ? Il n'y a plus de menace aux frontières de la France, ni même aux frontières de l'espace de l'OTAN ou de l'espace formé par l'Union économique ; cependant, les foyers de tension prolifèrent non loin de l'Europe : Maghreb, Proche-Orient, etc.
Dans cette situation géostratégique de diminution des tensions, compensée par une augmentation des menaces lointaines, ne convient-il pas, comme vous l'avez déjà évoqué, monsieur le ministre, d'envisager une refonte à mi-parcours de la loi de programmation militaire, notamment pour ce qui concerne les moyens et les missions de l'armée de terre ? A cet égard, un effort de réflexion serait l'occasion d'amorcer une réelle Europe de la défense, en coordonnant les structures et les missions des armées de terre européennes.
Mes réflexions me conduisent aussi à aller plus loin dans le domaine des interrogations. Ainsi, n'est-il pas temps, quelques années après la publication du Livre blanc sur la défense, d'envisager une nouvelle rédaction de ce document, comme d'aucuns l'ont déjà envisagé ? Le contexte général en Europe, que ce soit à l'ouest ou à l'est, mais aussi en Europe balkanique, en Méditerranée, au Proche-Orient, au Causase et dans le golfe Persique, a complètement changé depuis la rédaction de ce document. En outre, la conception même de l'armée française a évolué du fait de la professionnalisation.
Après un reformatage de l'armée, n'est-il pas temps, dans le cadre d'une double démarche officielle de réécriture de la loi de programmation militaire à mi-parcours et de réécriture d'un Livre blanc , de fixer pour le moyen terme les missions stables de l'armée de terre ?
Permettez-moi de conclure, monsieur le ministre, en vous renouvelant mon invitation à venir sur le terrain. Ce serait, pour nos militaires comme pour moi, un gage de confiance très apprécié, d'autant que notre région, il faut le reconnaître, est privilégiée par la restructuration et la professionnalisation.
Telles sont, ce soir, monsieur le ministre, les interrogations que je tenais à vous soumettre à l'occasion de l'examen de votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera sur l'inquiétude que m'inspirent les dotations budgétaires pour 1998 du budget de la défense, en particulier en matière de dissuasion.
Nous avions cru comprendre que la loi de programmation militaire était l'aboutissement d'une réflexion approfondie, d'une vision politique de ce que devait être la défense de la France dans le contexte géopolitique actuel, aboutissant à un nouveau modèle d'armée, un nouveau style de défense, plus efficace et moins coûteux.
Les programmes, on le sait, avaient été calculés au plus juste, toute diminution budgétaire ou tout retard pouvant avoir des conséquences considérables se répercutant des années après, alors qu'il serait trop tard pour réagir. Et, à ce titre, il importe, en particulier, que soit respectée la programmation 1997-2000, qui constitue la première étape de la loi.
Or si, en 1997, les crédits votés ont respecté la programmation, dans le projet de budget pour 1998, les ressources affectées à la dissuasion nucléaire sont inférieures de plus de 2 milliards de francs à celles de 1997 et représentent près de 13 % de moins par rapport aux prévisions pour 1998 de la loi, avec un impact des réductions de crédits plus fort sur le nucléaire que sur le reste du budget de la défense.
J'ai relevé ces chiffres dans l'excellent rapport de notre collègue Jean Faure, qui constate lui-même que ce projet de budget représente une nette rupture avec l'échéancier de la loi de programmation.
Avec la prévention, devenue prioritaire, la projection, qui utilise la majeure partie des moyens des forces classiques, et la protection, liée au concept de « sécurité intérieure », la dissuasion constitue la clef de voûte des quatre grands axes de notre force stratégique. Le Président de la République, M. Chirac, l'a qualifiée lui-même de « pilier » de notre stratégie de défense.
La dissuasion nucléaire reste donc l'élément fondamental de notre stratégie, mais c'est une notion dont l'opinion publique a une approche assez vague, voire contradictoire.
Conçue à l'origine dans le contexte de la guerre froide entre les deux grands blocs Etat-Unis et URSS, les données de la dissuasion étaient relativement claires.
La France, située aux avant-postes de l'Europe occidentale avec sa longue façade atlantique, risquait d'être le premier champ de bataille, livré à une terrible destruction en cas de conflit déclaré.
Ce fut la vision du général de Gaulle, soucieux de protéger notre territoire et les intérêts vitaux du pays, ainsi que notre indépendance nationale. C'est ce qui engendra le concept, puis la mise en oeuvre de la dissuasion.
Dans un premier temps, il s'agissait donc d'une sorte d'équilibre de la terreur pour maintenir la paix, ce qui était l'essentiel, aucun Etat n'ayant intérêt à attaquer un territoire du fait du risque qu'il encourrait alors.
La chute du mur de Berlin, l'effondrement de la Russie soviétique, la disparition du pacte de Varsovie ont fondamentalement bouleversé ces équilibres. Il n'y a plus d'antagonisme Est-Ouest, mais le monde n'a jamais été aussi dangereux.
En effet, le nombre des puissances nucléaires s'est multiplié : quarante-quatre Etats disposent de capacités nucléaires industrielles ou de recherche, dont les cinq grandes puissances déclarées, Etats-Unis, Russie, France, Angleterre, Chine, et les trois Etat dits du « seuil », l'Inde, le Pakistan et Israël.
Certes, il n'est pas douteux que nous nous trouvions dans un contexte de désarmement nucléaire marqué par les traités START I et START II, le traité de non-prolifération et le CTBT, signé par la France mais non encore en vigueur et qui concerne l'interdiction complète des essais.
Il n'en demeure pas moins qu'aucune des grandes puissances n'abandonne ses capacités nucléaires. J'en veux pour preuve les éléments suivants : les Etats-Unis, la Russie et la Chine ont conservé leurs sites d'essais, alors qu'avec la fermeture du centre d'essai du Pacifique nous n'avons plus aucune capacité matérielle d'expérimentation, d'où, pour nous, l'impérieuse nécessité de développer le programme de simulation.
De plus, les Etats-Unis investissent dans la recherche fondamentale, la supériorité technologique étant pour eux une priorité permanente : la Russie maintient son niveau technologique, la Chine développe des programmes majeurs pour se doter de propulseurs et d'une force statégique, le Japon est en mesure de fabriquer l'arme nucléaire. sans compter les alliances possibles de pays moins avancés, toujours avides de trouver des armes plus efficaces.
Quant à la France, la modification du contexte géostratégique l'a conduite à modifier et diminuer le nombre des composantes de sa dissuasion nucléaire.
Nous devons donc développer un programme de simulation, moyen nécessaire pour pérenniser notre capacité de dissuasion nucléaire et sur lequel reposent désormais entièrement, en l'absence d'essais, la garantie de la fiabilité et de la sûreté des armes actuelles et à venir.
L'enjeu est énorme, d'autant que les nouvelles générations de chercheurs et d'ingénieurs n'auront jamais été confrontées aux essais en grandeur réelle.
On le constate, le nucléaire est devenu une donnée de fait mondiale « incontournable », non seulement sur le plan militaire, mais aussi sur le plan civil, liée à une demande sans cesse croissante d'énergie. Or, on le sait, la demande d'énergie nucléaire civile peut déboucher, pour certains pays, sur une utilisation militaire, d'où la nécessité de prévenir et de contrôler au maximum cet usage.
On le voit bien, la vigilance continue de s'imposer. Les deux composantes « complémentaires » et « modernisées » de notre force de dissuasion, la composante aéroportée et les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, les SNLE, doivent être capables de faire face, dans des conditions optimales sur le plan de l'efficacité, mais minimales sur le plan budgétaire. C'était bien ce seuil incompressible de dépenses que fixait la loi de programmation militaire, seuil en dessous duquel nous descendons de près de 13 % dans le projet de budget de 1998. Or, monsieur le ministre, vous le savez, plus l'on réduit les budgets, plus il faut être ferme sur les grands choix.
J'insisterai tout particulièrement sur un domaine qui m'est plus familier que la composante aéroportée, à savoir les sous-marins nucléaires, piliers de la FOST, la force océanique stratégique, qui sont, à l'heure actuelle, la pièce maîtresse opérationnelle de notre dissuasion.
Il faut bien reconnaître que le nucléaire a ses contraintes propres, qui sont le temps, car le nucléaire s'inscrit dans la durée, et le poids des investissements et des ressources humaines.
S'il est possible de créer et d'entraîner un régiment de parachutistes en deux ans, l'arme nucléaire nécessite, en revanche, un niveau élevé de connaissances et des compétences, un entraînement spécifique et, en ce qui concerne les sous-marins nucléaires, un environnement opérationnel. C'est une question de cohérence des moyens.
La loi de programmation militaire prévoit que la FOST doit impérativement disposer, en parc, d'un nombre minimal de quatre SNLE de nouvelle génération, c'est-à-dire dotés de hautes facultés de discrétion et d'indétectabilité, pour être capable d'assurer en permanence, à coup sûr, la présence de deux sous-marins à la mer, si nécessaire.
Or, actuellement, nous disposons de quatre SNLE, dont l'un sera prochainement désarmé, et d'un seul sous-marin de nouvelle génération, le Triomphant , qui devra être suivi du Téméraire en 1999 et du Vigilant en 2003, le quatrième, prévu pour 2007, n'étant toujours pas commandé, hélas ! Il s'agit d'un grave souci.
Il faut bien avoir présent à l'esprit le fait que c'est seulement dans un délai de cinq à dix ans que nous subirons, sur le plan de notre stratégie de défense, les conséquences de tous les engagements pris aujourd'hui.
En revanche, les conséquences industrielles et sociales sont visibles dès maintenant, et se traduisent, d'une part, par des pertes d'emplois dues aux nécessaires restructurations de notre industrie d'armement, en l'occurrence les directions des constructions navales, les DCN, GIAT Industrie et leurs entreprises sous-traitantes, et, d'autre part, par un manque de lisibilité, s'agissant de la baisse des crédits d'équipement, pour les industriels qui ont besoin d'établir des prévisions à moyen terme.
En bref, l'exigence conjointe d'un nombre minimal de sous-marins à la mer pour que ceux-ci soient opérationnels, que l'on appelle la « posture », et d'un allongement excessif des durées d'exécution dû à différents facteurs coûte très cher, comme l'a souligné la Cour des comptes. On estime ainsi que le coût global de mise en oeuvre pour quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération équivaudra au coût initialement prévu pour six ! Mais rappelons-nous aussi que les errements du Crédit lyonnais coûtent aux contribuables l'équivalent de la construction d'une bonne dizaine de sous-marins nucléaires ou de porte-avions du type du Charles-de-Gaulle .
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
Mme Anne Heinis. De plus, prolonger la vie des sous-marins de la génération précédente, comme le propose le Gouvernement, contribue à augmenter les coûts. En effet, les SNLE de nouvelle génération sont profondément différents des anciens, ne serait-ce que sur les plans du carénage, de la maintenance et de la formation des équipages, dont seulement 10 % est commune. En outre, il est bien évident que les équipages doivent être doublés.
Tout cela affaiblit considérablement notre capacité de dissuasion et sa crédibilité.
Or, sur le plan de la dissuasion, M. le Premier ministre s'est prononcé : « La France ne révoque pas l'efficacité immédiate des armes nucléaires comme facteur de stabilité internationale et élément de sa propre sécurité... Articulée autour de deux composantes modernisées, notre force de dissuasion sera maintenue au meilleur niveau technologique, avec notamment la mise en oeuvre progressive des sous-marins de nouvelle génération. »
Mais le Gouvernement a-t-il bien mesuré le fait que le projet de budget de la défense pour 1998 menace de rompre l'équilibre de la programmation militaire, notamment en matière de dissuasion nucléaire ? Et s'il venait à confirmer en 1999 le recul imposé en 1998, c'est l'existence même de programmes majeurs qui serait alors menacée.
Il faut être bien conscient du fait que l'abandon de la dissuasion implique le changement de la nature des objectifs et le renoncement à une défense. Toucher au pilier central d'un système, c'est prendre les plus grands risques de le désintégrer, et obliger à des choix fondamentaux qu'il faut reconstruire. Peut-on dire que l'on opte pour une dissuasion nucléaire réelle et crédible, alors que l'on « sabre » les crédits de près de 13 %, au lieu du 1,4 % prévu par la loi et considéré comme un plancher absolu ?
On peut « sabrer » quand on a un grand choix, comme c'est le cas des Etats-Unis, qui passent d'environ cent à quarante sous-marins nucléaires d'attaque et de vingt à quinze SNLE, mais on ne peut pas le faire quand on est à la limite, comme nous, sous peine de risque d'effondrement.
La question fondamentale de la sécurité future de la France est là.
Abandonner la dissuasion signifie renoncer à notre sécurité et nous en remettre totalement à nos alliés d'aujourd'hui. Mais ceux-ci seront-ils toujours à nos côtés ? Les intérêts des uns peuvent contredire ceux des autres. L'histoire est, hélas ! pleine de rebondissements de ce genre. La Grande-Bretagne elle-même émet des réserves fermes sur ce point vis-à-vis de l'OTAN.
Par ailleurs, notre dissuasion contribue déjà à la dissuasion globale de l'Alliance atlantique et elle est appelée, il faut l'espérer, à revêtir une dimension européenne accrue. Quel poids aurons-nous en Europe si nous l'abandonnons, alors que la création, en novembre 1996, de l'OCCRA, organisation conjointe en matière d'armement entre l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, constitue déjà un pas positif dans le sens d'une défense commune, en attendant que le concept de dissuasion concertée fasse son chemin peu à peu, même si l'on sait, compte tenu des obstacles, que ce sera long ?
Et si l'Europe réussit son union monétaire, il faudra bien qu'elle construise une puissance militaire commune, face à la double puissance monétaire et militaire des Etats-Unis. Sinon, elle sera dominée. Voyez, à cet égard, l'exemple de la Yougoslavie.
Tels sont, monsieur le ministre, les quelques points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Il y a plus de questions que de réponses, et elles engagent l'avenir de notre pays, sa sécurité, son rang au sein des grandes puissances.
En conséquence, ce sont les incertitudes qui pèsent sur ces réponses et la gravité de ce qu'elles engagent qui font que, à mon regret, je ne pourrai pas voter votre projet de budget. En cela, je suis l'avis émis par la commission et son président, M. de Villepin. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le ministre, depuis des années, à l'occasion de l'examen des crédits du ministère de la défense, les représentants des différents secteurs concernés par la défense nationale jouent la même pastorale, comme des santons de la crèche provençale. (Sourires.) Aucun ne sort de son rôle immuable.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Ce sont les Géorgiques , c'est le retour des saisons !
M. Pierre Biarnès. Je suis moi-même bucolique !
Affichant un grand calme et une profonde conviction, le ministre assure aux représentants de la nation qu'en dépit de nouvelles amputations de crédits les grands objectifs fixés par la dernière en date des lois de programmation, elle-même en baisse sensible par rapport à la précédente, sont bien maintenus et seront bien atteints, au prix, tout au plus, de quelques nouveaux retards. Se faisant les porte-parole à la fois de la gent militaire la plus galonnée, des patrons de nos industries d'armement et des salariés de celles-ci, les élus du peuple, tous partis politiques confondus, font alors savoir au représentant du Gouvernement qu'ils doutent fort de la sincérité de ses propos. Ils exigent des garanties. On leur en donne sans barguigner, puisque les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent. Fin de la représentation, à l'an prochain ! (Sourires.)
Plutôt que de me livrer à mon tour à ce petit jeu, je voudrais, monsieur le ministre, mes chers collègues, poser une toute autre question. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il est grand temps de se demander si ces objectifs que notre pays s'est fixés voilà dix à quinze ans, dans un certain climat historique, pour équiper ses forces d'une nouvelle génération d'armements, mais que nous avons le plus grand mal à atteindre, sont bien conformes encore aux intérêts de notre défense et de notre sécurité, dans un monde dont les données géostratégiques ont, depuis, considérablement changé ?
Dans la décennie qui a suivi la guerre d'Algérie, la France, à peu près définitivement débarrassée de ses anciens engagements coloniaux, s'était enfin dotée, sous l'impulsion du général de Gaulle, d'une armée « moderne », apte à tenir son rang dans le conflit Est-Ouest alors dominant tout en préservant, le plus largement possible, son autonomie décisionnelle et opérationnelle par rapport à ses alliés, au premier rang desquels les Américains.
Tout en accordant une priorité absolue à la construction d'une force de dissuasion nucléaire nationale, elle s'était attachée, en même temps, à mettre en oeuvre, simultanément, toute une série de grands programmes d'armement conçus quelques années plus tôt, sous la Quatrième République, comme la bombe atomique elle-même, dont la construction fut décidée par Pierre Mendès-France, mais qui, pour la plupart, avaient été laissés juque-là dans leurs cartons : le porte-avions Clemenceau , les sous-marins nucléaires lance-engins de première génération, les avions de combat Jaguar et Mirage, les avions de transport Transall, les chars AMX...
Aujourd'hui, tous ces armements sont encore en service, mais ils sont plus ou moins frappés d'obsolescence, et il faut donc, a priori, les remplacer. D'où les nouveaux programmes lancés voilà quelque dix ans et qui aboutiront d'ici à la fin du siècle ou à peu après : le porte-avions à propulsion nucléaire Charles-de-Gaulle , les sous-marins nucléaires lance-engins de seconde génération du type Triomphant , l'avion de combat Rafale, le char Leclerc, entre autres matériels, à quoi on peut ajouter l'hélicoptère franco-allemand Tigre.
Autant de programmes dont la réalisation est extrêmement onéreuse et à la limite de nos possibilités, pour ne pas parler du coût nucléaire maintenu, alors que, cependant, il apparaît que, pour faire face aux conflits de type nouveau qui résultent du présent contexte géostratégique international, il faudrait que l'on développe aussi, et même prioritairement désormais, d'autres programmes encore plus coûteux, dans les domaines, essentiels à présent, de la surveillance militaire spatiale, de l'aérotransport pour la projection de forces à moyenne et à longue distances, des nouvelles armes de frappe de précision de longue et de très longue portée notamment.
Mais, pour réaliser ces armements du futur, un futur presque immédiat, notre pays n'a pas beaucoup d'argent, presque tous nos deniers restant mobilisés par la poursuite de la fabrication des chars et des avions de la « guerre froide » qui, pour nous, apparemment, n'est toujours pas terminée. Seules des avancées décisives et rapides dans la mise en place de l'Europe de la défense et de l'armement pourront permettre à la France de sortir de cet impasse dans laquelle elle se trouve. Or c'est là, précisément, que les Américains, qui n'ont pour objectif que de préserver leur prééminence sur le vieux continent, nous attendent.
Pendant que nous nous épuisons à produire, seuls qui plus est, le Leclerc ou le Rafale - qui ont été conçus, dans un contexte géostratégique qui n'existe plus, pour repousser juqu'à l'Oural les forces d'un camp socialiste aujourd'hui disparu - les Américains, eux débauchent méthodiquement nos partenaires européens potentiels dans le domaine crucial des nouveaux armements : ainsi, les Allemands, pour les programmes satellitaires Helios et Horus, que nos voisins d'outre-Rhin sont de plus en plus tentés de nous laisser sur les bras.
Il est à craindre qu'à force de vouloir se doter tout seul d'une gamme complète de matériels exclusivement tricolores, à excommunier tout le monde, à s'isoler de tout le monde la France ne devienne un jour - oh ! j'exagère - l'Albanie de l'armement.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Tout de même !
M. Pierre Biarnès. Jusqu'à quand, sous les prétextes apparemment les plus louables, mais, en fait, pas toujours très raisonnables, comme celui de vouloir sauver à tout prix des bassins d'emploi qu'il serait plus facile, en tout cas plus intelligent, de s'attacher à reconvertir, plutôt que de les transformer en « ateliers nationaux », jusqu'à quand, donc, continuerons-nous à préparer la guerre de demain en nous dotant des armements de celle d'hier ?
« Faute de savoir ce qu'il fallait faire à présent, ils se contentaient de continuer à faire ce qu'ils savaient », a dit un jour le maréchal de Saxe. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de nous démontrer, dans les mois qui viennent, que, vous, vous ne relevez pas de cette formule. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le ministre, si les crédits de votre ministère reculent sur la plupart des chapitres, je m'inquiète plus particulièrement de la modification de la structure budgétaire de la Direction des constructions navales, la DCN.
La première modification consiste à séparer des activités de la DCN ses activités, dites étatiques, de conception et de pilotage des programmes, désormais confiées à la Délégation générale pour l'armement.
La deuxième a trait à l'enveloppe de 150 millions de francs inscrits au titre V pour alimenter le fonds d'adaptation industrielle consacré à la restructuration de la DCN. Si l'on compare les crédits inscrits dans le budget pour 1997 et ceux qui étaient attendus dans le cadre de la deuxième annuité de la loi de programmation au titre V, il manque 2,117 milliards de francs.
Ce que vous qualifiez de « simple encoche », monsieur le ministre, aura des conséquences graves. Elles sont même difficilement mesurables aujourd'hui.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je n'ai jamais employé cette expression !
M. Jean-François Le Grand. Alors, je l'ai lue !
Vous amputez le titre V et vous réduisez le titre III. M. René Galy-Dejean vous a dit à l'Assemblée nationale : « La marine devra gérer l'impossible. » Je reprends cette affirmation à mon compte.
Que propose le Gouvernement aujourd'hui pour assurer l'avenir des constructions navales ? Il envisage un rapprochement avec les chantiers navals britanniques, allemands ou italiens. Il s'agit là d'une bonne intention, mais à quel prix cela se fera-t-il ?
Vous allez devoir réorganiser la DCN pour remédier à une insuffisance de productivité, insuffisance illustrée par les chiffres d'affaires annuels et par personne réalisés en 1996. A titre d'exemple, cela représente 660 000 francs par an et par personne, contre 1 million de francs pour l'ensemble de l'industrie de défense française, et 1,1 million de francs pour les chantiers navals de l'Atlantique.
Si l'on compare avec nos amis européens, il s'agit alors de 1,7 million de francs pour l'Allemagne et de 900 000 francs pour les chantiers navals militaires anglais.
La perspective à court terme est inquiétante. En trois ans, les arsenaux auront perdu le cinquième de leurs heures de travail. Leur activité chutera d'environ 40 % dans les cinq années qui viennent. D'ici à 2002, les suppressions d'emplois à la DCN pourraient toucher le tiers des effectifs actuels.
Quel est donc, dans cette situation, l'avenir de l'arsenal de Cherbourg ? J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions sur cet arsenal. Face à ces perspectives sombres, je m'inquiète des propos rassurants qui ont été tenus par le député de Cherbourg, député de votre majorité, et qui faisaient presque croire que le fait d'avoir voté votre budget était une sorte d'assurance sur l'avenir.
Vous permettrez aux trois sénateurs de la Manche d'être légèrement plus circonspects, même si je lisais cet après-midi dans le journal Le Monde que le Gouvernement voulait impulser une nouvelle dynamique à la délégation interministérielle aux restructurations de la défense.
Comme le plan Laignel annoncé à grand fracas voilà quelques années, en dépit de l'enveloppe de restructurations inscrite au titre V, je crains que cette intention ne rejoigne la cohorte des voeux inexaucés.
D'une manière générale, il serait coupable, monsieur le ministre, de priver notre pays d'un excellent outil industriel et d'un savoir-faire remarquable.
Le monde n'est certes plus bipolarisé, mais il est déjà multipolarisé. Si la forme des conflits évolue, elle nécessite une adaptation de nos forces armées. La force de dissuation, dont vient de parler brillamment notre collègue Anne Heinis et sur laquelle je ne reviendrai pas, doit moins que jamais perdre de sa puissance et de sa valeur. Entamer sa crédibilité la réduirait à néant. Pénaliser la marine, c'est discréditer la force de dissuasion.
Enfin, monsieur le ministre, à Ottawa, le gouvernement français vient de signer avec 122 autres pays un traité de non-prolifération et de non-utilisation des mines antipersonnel. Soyez-en félicité.
Toutefois, à Ottawa, certains grands pays n'ont pas ratifié ce traité. Quelle sera donc l'attitude du Gouvernement à l'égard de la Russie, de la Chine ou des Etats-Unis, par exemple ? Votre réponse nous intéressera tous, y compris nos concitoyens, car il s'agit d'un problème majeur de notre société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Mon intervention sera brève et ciblée.
Monsieur le ministre, nouveau ministre de la défense, vous avez hérité, entre autres dossiers difficiles, de celui de la restructuration de l'industrie aéronautique et spatiale européenne, restructuration rendue nécessaire par les concentrations entreprises aux Etats-Unis.
A Weimar, le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé la constitution de la future société euroépenne Airbus au 1er janvier 1999. C'est demain.
La force des géants américains procède de plusieurs propriétés : leur taille, leur présence sur tous les marchés, l'association du civil et du militaire.
Pour l'industrie européenne, les deux premières caractéristiques peuvent constituer des défis pour l'avenir et sont déjà en bonne voie. Mais l'association du civil et du militaire en France reste à faire.
Alors que nos partenaires British Aerospace, BAE, et Deutsche Aerospace, DASA, ont à la fois des activités civiles et militaires, en France, si l'on considère seulement la branche avion, prodigues, nous avons deux groupes : Aérospatiale, qui produit les avions civils, et Dassault, qui produit les avions militaires.
Aérospatiale, groupe public, rembourse scrupuleusement les avances que lui fait l'Etat. Dassault, entreprise familiale privée, reçoit pour les programmes militaires des aides de l'Etat qui, on peut le dire, et c'est un euphémisme, ont bien contribué à la bonne santé de l'entreprise !
Si l'on considère la seule année 1996, Dassault Aviation a doublé ses bénéfices et prévoit un chiffre d'affaires en hausse de plus de 50 % en 1997, et ce grâce au début de la livraison de soixante Mirage 2000 à Taïwan.
Alors que des négociations dures et difficiles se mènent pour parvenir à former ce grand groupe européen de l'aéronautique et de l'espace, que chaque pays veille jalousement à la défense de ses intérêts et de ses emplois, la France, pour être plus forte, devrait présenter un front uni.
Du fait de la mauvaise volonté d'un industriel qui fait passer ses intérêts propres avant ceux de son pays, nous allons à la bataille en ordre dispersé, modernes Horaces et Curiaces ; vous savez, monsieur le ministre, ce qu'il advint de ces derniers.
Il n'est plus acceptable que M. Dassault, au nom de ses intérêts bien compris, continue de bloquer à lui seul le processus de restructuration de notre industrie aéronautique. Alors qu'il reçoit des aides de l'Etat, il n'est plus acceptable qu'il se répande sur les médias en déclarant qu'il préférait « être petit et gagner de l'argent » plutôt que de s'intégrer à un grand groupe dont il n'aurait pas le contrôle.
L'Etat possède 47 % environ des actions de Dassault. Il serait peut-être temps, monsieur le ministre, de rapatrier celles-ci vers Aérospatiale, et de donner ainsi un signe fort utile et même indispensable à la restructuration nécessaire de notre industrie aéronautique nationale avant de partir vers le grand large de la société européenne.
J'aimerais, monsieur le ministre, avoir votre sentiment sur cette question urgente.
J'aurais beaucoup à dire évidemment sur cette restructuration annoncée, sur les conditions, les évaluations, les garanties en emplois, en retours industriels, ainsi que sur les inquiétudes des personnels de l'aéronautique qui aiment leur entreprise, qui sont fiers de leur savoir-faire et de leurs avions, et qui s'interrogent sur leur avenir, mais les quelques minutes qui m'étaient imparties ne m'en laissent pas le temps.
Quoi qu'il en soit, je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous et l'équipe gouvernementale ménerez à bien ce dossier difficile, comme vous avez réussi la constitution du pôle français de l'électronique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. En m'exprimant à la fin de ce débat, je veux commencer, bien sûr, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, par remercier tous ceux qui y ont contribué, car, dans leur diversité, ils ont, je crois, exprimé l'ensemble des préoccupations et des visions d'avenir qui doivent guider notre politique de défense.
Bien sûr, dans ce dialogue de qualité et de responsabilité, j'ai retrouvé la satisfaction que j'éprouvais quand je siégeais parmi vous.
Le vote du budget est une responsabilité majeure de la vie démocratique. C'est dans les fondements de la démocratie que s'est créé le consentement des représentants du peuple à l'attribution des crédits publics. A plus forte raison, au moment de se prononcer sur les crédits de la défense, chacun mesure bien la charge de signification politique que comporte une telle appréciation.
Le contexte dans lequel nous nous situons fait, je le sais, que la majorité du Sénat, avant même que s'ouvre ce débat, a arrêté sa résolution de voter contre ce projet de budget. Cela a été exprimé avec une grande franchise par les orateurs des groupes qui s'apparentent à l'opposition nationale, et cela a également été exprimé, avec un argumentaire de qualité, par la plupart des rapporteurs des commissions.
Il s'agit là d'une manifestation de désaccord politique qui est parfaitement légitime et qui est un effet de l'alternance qu'ont choisie les Français quand le chef de l'Etat leur a demandé de déterminer une majorité gouvernementale.
Je respecte cette attitude qui est dans la nature même du bicaméralisme. J'ajoute que les alternances successives que nous avons été amenés à vivre au cours des deux dernières décennies - puisque cela correspond à la période que j'ai moi-même passée dans la vie parlementaire - permettent à chacun de relativiser ce qu'il peut y avoir d'un peu anguleux dans l'expression de certains désaccords. Il est inévitable, nous en avons, chacun à notre tour, fait l'expérience, que telle ou telle insuffisance ou tel ou tel changement de direction donne lieu à de simples observations retenues lorsqu'elles émanent d'un gouvernement que nous soutenons et, évidemment, à des affirmations plus péremptoires lorsqu'elles résultent de l'action d'un gouvernement que nous combattons.
J'évoquerai, bien sûr, ces divergences en certains points de mon exposé, et je m'efforcerai de relever ce qui me paraît contestable ou découler de constats qui ne seraient pas tout à fait exacts. Evidemment, je ne pourrai répondre à toutes les remarques, vous voudrez bien m'en excuser, mesdames, messieurs les sénateurs.
C'est en partant des éléments qui ont fait l'objet du débat, sinon dans une approche consensuelle du moins dans un souci commun de crédibilité, que je vais exposer les fondements de la politique de défense du Gouvernement.
Je me sens d'autant plus fondé à le faire que ce débat a apporté des éléments positifs, dignes d'être enregistrés et exploités, à notre réflexion commune sur l'avenir de notre défense.
Je tiens à remercier tous les orateurs pour leurs interventions de grande qualité et, parmi eux, bien entendu, M. le rapporteur spécial, MM. les rapporteurs pour avis et, bien évidemment, M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Xavier de Villepin.
Je présenterai tout d'abord la relation qui existe entre les choix de politique de défense que sert le budget et les fondements politiques de nos orientations de défense. Je remercie en particulier le président de Villepin, MM. Vigouroux, Biarnès et Delanoë d'avoir versé certains de ces éléments de réflexion dans le débat.
La situation stratégique s'est modifiée voilà huit ou neuf ans. Le risque de conflit majeur au centre de l'Europe a disparu, la confrontation des deux blocs est maintenant derrière nous. Il est vrai que de nombreux éléments du paysage politique européen apparaissent stabilisés et rassurants : la Russie s'installe, avec des secousses, dans la démocratie, retrouve la voie du développement économique et noue de nouveaux rapports avec le reste de l'Europe. Le conseil conjoint OTAN-Russie, auquel je participais avant-hier, est significatif de la profondeur de cette évolution. Déjà, trois pays membres, voilà moins de dix ans, du Pacte de Varsovie ont conclu l'accord de base permettant leur intégration à l'Alliance atlantique. Toutefois, la péninsule balkanique en l'un de ses pays, connaît un conflit ouvert, avec tous les risques d'instabilité que cela peut entraîner pour les autres. Plusieurs interventions armées y ont été nécessaires au cours de cette décennie, interventions auquelles la France a participé chaque fois.
Le pourtour méditerranéen, qui nous est, bien sûr, proche par de multiples liens, reste instable, secoué par des divisions et des drames. Nous savons tous qu'il est une des origines à partir desquelles notre pays peut être - et est parfois - touché par la menace terroriste.
Allons plus loin : l'Asie est aussi une zone où des conflits restent possibles.
Bien sûr, nous nous sentons plus distants de ces enjeux. Mais la France est l'un des pays au monde qui pense avoir un message à délivrer, ainsi que des intérêts et des principes à défendre au-delà de son environnement immédiat. La France n'est pas qu'une puissance régionale, et c'est ce qui fait la différence entre son approche de la politique de défense et celle de beaucoup d'autres pays de taille et de moyens comparables.
Chacun voit bien, sur un plan géopolitique général, que l'Asie est un continent en croissance, dont l'influence mondiale est en constant développement. Il serait donc imprudent de penser que les enjeux de sécurité et de stabilité de l'Asie resteront secondaires pour nous. Elle est en train de prendre une place centrale dans le développement économique mondial.
Ce déplacement stratégique, qui se mesure dans l'économie, existera aussi demain dans les enjeux de défense. Malgré le dynamisme profond de l'Asie en développement, la fragilité de ses équilibres économiques et sociaux doit nous inciter à la vigilance et nous engager à nous intéresser de plus en plus à ce qui se passe sur ce continent.
En me limitant à de brefs rappels sur ces enjeux stratégiques, je voudrais souligner l'inquiétude que représente pour la France, compte tenu de son souci profond de la stabilité et de la coopération entre les peuples dans une ambiance pacifique, le risque de prolifération des armes de destruction massive. Cela ne concerne pas seulement les armes nucléaires, dont Mme Heinis a fait une analyse pertinente, mais concerne également les armes chimiques et biologiques.
Il faut ajouter, et cela rejoint une partie des réflexions originales énoncées par M. Biarnès tout à l'heure, que ce contexte est encore largement changeant.
Certes, un grand tournant stratégique a été pris au début de cette décennie mais, depuis lors, nous ne sommes pas restés dans une ligne droite. Il est de notre devoir de demeurer attentifs aux mouvements et mutations qui continuent de se produire.
Je rejoins tout à fait la recommandation formulée par M. Delanoë quant au souci d'écoute et d'innovation stratégique qui doit nous animer pour soutenir les moyens intellectuels de réflexion et d'information que détient notre pays.
Dans ce contexte général, la France maintient ses grands engagements de solidarité. Elle participe à l'Alliance atlantique. Elle a débattu, avec ses partenaires, de l'évolution et de la modernisation de cette Alliance. Elle a contribué, me semble-t-il, à accompagner la réflexion de ses alliés intégrés à l'organisation militaire commune sur l'allégement et l'assouplissement de cette organisation, réflexion en partie inspirée par la modernisation que la France a accomplie sur son propre outil de défense.
Après une évaluation à laquelle s'est livré le chef de l'Etat dans sa mission éminente, la France a estimé - c'est la position de l'ensemble des pouvoirs publics - que les conditions n'étaient pas réunies pour qu'elle s'intègre dans l'organisation militaire de l'Alliance.
En revanche, son partenariat politique est entier. Les mécanismes de sa coopération avec l'Alliance ont été éprouvés, en particulier sur le théâtre bosniaque.
La formule que nous avons trouvée avec nos alliés - ils nous en ont remercié, parce qu'ils pensent que la participation de la France aux activités nouvelles de l'Alliance est importante - marque une progression qui respecte nos principes d'indépendance et nous permet d'être associés efficacement à nombre d'activités.
Parmi nos partenariats stratégiques importants, il faut citer nos engagements avec nos partenaires africains francophones. Les accords qui nous lient à eux sont profonds et solides. Ils participent au sentiment d'un destin commun que nous éprouvons les uns et aux autres.
Il est logique, le temps passant, que les méthodes de ces partenariats de défense se modernisent, dans la fidélité à nos engagements. C'est également le cas du dispositif de coopération, qui porte encore parfois - et c'est significatif d'un passé - le terme d'assistance militaire auprès de nos amis africains ; cela doit changer. Notre dispositif militaire prépositionné en Afrique connaît une évolution qui a été réfléchie et entreprise avant l'entrée en fonction de ce gouvernement.
Notre capacité de maintien de la paix et de soutien à nos alliés est conservée avec un peu moins de 6 000 hommes, contre 8 000 hommes précédemment, dans un concept d'aide militaire qui datait des années soixante-dix.
Nous essayons - et je crois que les dialogues que nous poursuivons avec nos partenaires africains à cet égard sont constructifs - de développer un sentiment de responsabilité commune multilatérale chez nos amis africains quant au maintien de la paix dans leur région. Nous soutenons leurs efforts pour organiser, lorsque c'est nécessaire, des interventions en commun de rétablissement de la paix ou de gestion de crise. Ainsi, cela a été une expérience constructive lorsque, à Bangui, après des troubles intérieurs, une mission interafricaine de surveillance des accords s'est mise en place avec le soutien logistique de la France, en plein accord politique avec elle. Mais nous étions très nettement au second plan et les Africains assumaient la responsabilité à la fois politique et militaire de l'opération. C'est un bon précédent. Nous n'éprouvons aucun sentiment d'exclusivité, ce qui nous amène à dialoguer, sur le plan politique, avec nos partenaires britanniques et américains, membres, comme nous, du Conseil de sécurité à titre permanent, pour soutenir cette nouvelle organisation interafricaine de maintien de la paix.
Bien sûr, dans la recherche de convergence qui guide la politique de défense de la France, la volonté de mise en commun des responsabilités entre Européens détient une place centrale.
Certes, comme l'a rappelé tout à l'heure M. Vigouroux, avec beaucoup de pertinence, les progrès purement politiques de mise en commun des responsabilités de défense sont lents.
Toutefois, et ce n'est pas au Sénat que j'aurai besoin d'insister sur ce point, il ne faut pas, en matière d'Europe de la défense, adopter une attitude mythologique. L'Europe n'est pas encore une entité compacte de politiques internationales. La mise en commun des déterminations politiques majeures n'y est encore que balbutiante. Il est, à cet égard, inconséquent et improductif de se répandre en lamentations. Il est normal, s'agissant de pays marqués par de profonds antagonismes dans le passé et qui restent guidés par des traditions militaires profondément différentes, que la convergence des problématiques de défense soit progressive.
C'est ce qui nous conduit à saisir toutes les opportunités, à approfondir tous les champs de dialogue, mais surtout à travailler pas à pas dans tous les programmes conjoints qu'il s'agisse d'activités militaires proprement dites ou de réalisations industrielles, pour créer progressivement des réflexes communs et pour renforcer des solidarités vécues.
C'est ainsi que nous pouvons espérer faire progresser l'Europe de la défense. Il est vrai, comme cela a été dit, que l'Union économique et monétaire rendra sans doute possible une progression plus rapide, plus volontaire dans la détermination de choix politiques communs.
Je dois dire que ce que nous accomplissons en commun en Bosnie, dans une situation difficile, contribue sans doute bien plus que d'autres épisodes purement diplomatiques à asseoir ce sentiment de responsabilité commune et de communauté de destin.
Nous devons aussi avoir la lucidité de comprendre les motivations de nos alliés, de nos partenaires européens, qui ne partent pas des mêmes problématiques que nous.
La France, bien entendu, a le devoir d'engager une dynamique dans les objectifs de l'Europe de la défense, mais elle doit aussi savoir écouter. Les dialogues que nous poursuivons sur toute une série de situations concrètes pour essayer de dégager des positions commune sont, me semble-t-il, du bon travail. Il faut savoir les encourager.
Le budget sur lequel le Sénat doit se prononcer, ce soir, s'élève à 184,7 milliards de francs, auxquels s'ajoutent environ 53 milliards de francs de dépenses de pensions. Pour le Gouvernement, ce niveau global est suffisant, car il est cohérent avec nos responsabilités de défense et avec nos engagements internationaux.
Je ne me livrerai pas à une comparaison internationale sur les chiffres - j'observe d'ailleurs que chacun a été réservé à cet égard - car les structures de défense de bien des grands pays comparables sont assez différentes des nôtres. Certains ne sont pas des puissances nucléaires, d'autres ont des modes de décomptes de leurs engagements industriels de défense très différents des nôtres.
Je crois que, si on fait une comparaison globale au lieu de procéder secteur par secteur, on peut constater que la France - et c'est conforme au choix politique constamment réitéré par les majorités successives - conserve l'un des niveaux de défense les plus élevés d'Europe, mais aussi des pays membres du G 7.
Quand on se prononce sur le niveau global de ces crédits - et je sais gré à M. Bécart d'en avoir fait la remarque judicieuse - il faut tenir compte du contexte économique et financier dans lequel a été élaboré ce projet de loi de finances. Je rappelle que, voilà quelques mois, lorsqu'il a été décidé de consulter à nouveau les Français, cet exercice budgétaire paraissait particulièrement difficile à équilibrer.
L'objectif de baisse des déficits est unanimement partagé. La volonté de stabiliser les dépenses publiques est largement admise. Pour avoir argumenté dans ce sens lorsque je siégeais dans cette assemblée ou dans l'autre, je dois dire combien il m'est difficile de comprendre comment les économies budgétaires pourraient être salutaires lorsqu'elles sont demandées sur le plan du principe, mais deviendraient forcément dommageables, voire inacceptables, lorsqu'on vient à les appliquer à un domaine déterminé.
Ce projet de budget se place aussi dans le contexte d'une grande réforme déjà engagée, et qui, plusieurs orateurs ont bien voulu le rappeler, était un choix de la majorité précédente. Or, chacun le conçoit, la professionnalisation a de multiples conséquences et crée une pression importante sur la construction budgétaire.
L'attitude du nouveau gouvernement vis-à-vis de cette réforme a été une attitude pragmatique. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a bien indiqué que le Gouvernement la faisait sienne. Pourtant, chacun en a le souvenir, avant d'être votée, cette réforme avait suscité des interrogations, des réserves, des oppositions.
Le gouvernement auquel j'appartiens a donc opté pour le réalisme et fait l'effort d'accepter une réforme déjà amorcée, en même temps qu'une bonne partie des choix stratégiques qui la fondaient.
Le Gouvernement et, au premier chef, le ministre de la défense s'efforcent donc maintenant de faire entrer cette réforme dans les faits.
Je ne méconnais pas la valeur de toute une série d'interrogations qui ont été formulées, dans différents cercles politiques, à l'égard de cette réforme. Mais enfin, une loi a été votée !
De toute façon, les interrogations qui sont émises aujourd'hui par les uns et par les autres étaient déjà en quelque sorte incluses dans la réforme au moment où elle a été décidée. Ce n'est évidemment pas de ce projet de loi de finances que date, par exemple, la question du coût global d'une armée professionnalisée ou, comme le rappelait Bertrand Delanoë tout à l'heure, celle du coût de la transition, qui est substantiel. Tout cela, on le savait, dès l'instant où l'on a opté pour la professionnalisation ! La majorité de l'époque en avait donc accepté les conséquences budgétaires.
S'agissant de cette réforme, il faut aussi évoquer ses conséquences sur les personnels militaires et civils. Il convient de penser à leur condition, de s'interroger sur leur sens de la mission et de se soucier de leurs perspectives professionnelles. Je remercie les sénateurs qui, dans leur rapport ou dans leur intervention, ont manifesté le souci d'une profonde solidarité, d'une écoute et d'une prise en compte des préoccupations de la communauté militaire.
Je crois que, comme l'ont indiqué certains orateurs, il convient de réfléchir à un développement de l'expression des militaires. Voilà en effet un corps, chargé d'une des fonctions majeures de l'Etat, qui va se trouver privé du contact permanent avec la jeunesse du pays dans sa diversité que lui offrait la conscription. Inévitablement, sa capacité de nouer des liens avec l'ensemble de la société, de pouvoir exprimer ses préoccupations et ses interrogations sur l'avenir va se poser en des termes nouveaux.
C'est la raison pour laquelle il a paru utile au Gouvernement que le chef d'état-major de l'armée de terre - c'est-à-dire, comme l'a souligné M. Vinçon, celle pour laquelle l'effort qu'induit la professionnalisation est le plus astreignant - exprime les interrogations et les préoccupations de la communauté militaire dont il a la charge. Il me semble que c'est ainsi que l'ensemble du public peut avoir connaissance des difficultés de cette transition, des obstacles à vaincre.
Les membres des commission spécialisées des deux assemblées ont l'habitude d'entendre régulièrement les chefs d'état-major, ce qui n'est pas l'usage pour les grands dirigeants des autres secteurs de l'Etat. Vous savez donc tous ici combien il est utile de recueillir ainsi la parole des responsables d'un corps qui ne connaît pas de forme organisée de représentation collective.
En tout cas, cela vaut certainement mieux que les récriminations anonymes.
M. Emmanuel Hamel. Il faut remercier le général Mercier de ses propos !
M. Alain Richard, ministre de la défense. J'observe que, dans les propos auxquels on a bien voulu s'intéresser, celui qui les a tenus a mis beaucoup de conviction pour appeler les militaires dont il a le commandement à relever le défi et à accomplir, chacun à son niveau de responsabilité, la réforme qui a été décidée par les autorités démocratiques.
A cet égard, je veux dire à M. Machet que les missions de l'armée de terre sont bien celles qu'il a sous-entendues dans son propos très pertinent et que, dès aujourd'hui l'armée de terre a acquis une capacité d'intervention en projection supérieure à celle que nous connaissions au moment de la guerre du Golfe, c'est-à-dire la dernière fois qu'elle a eu à mener une opération « en vraie grandeur ».
Chaque année, depuis lors, les effectifs disponibles dans des régiments professionnalisés, unités réellement mobiles, ont été en croissance, avec les dotations en matériel correspondantes, et ce processus va se poursuivre.
Bien sûr, pour les personnels pris individuellement, les contraintes liées à cette réforme sont importantes, mais les capacités opérationnelles de l'armée de terre sont bien en ligne avec les missions qui lui sont assignées et elles seront en constant développement.
En réponse à une partie des observations qui ont été faites par M. Trucy, au nom de la commission des finances, je soulignerai que les crédits destinés aux rémunérations des personnels de nos armées seront suffisants en 1998 : ils sont en pleine cohérence avec les objectifs de la loi de programmation.
Je rappelle que cette loi de programmation a été la première à fixer des objectifs en matière de personnel. Les dépenses correspondantes, qui croîtront de 3,5 % par rapport à 1997, permettent des recrutements. Ceux-ci se sont déjà bien déroulés au cours de l'année 1997 ; c'est en effet avec trois mois d'avance que, s'agissant des engagés, les objectifs de toute l'année ont été atteints.
Les rémunérations sont en hausse très nette. Par conséquent, l'attractivité des emplois d'engagé en début de carrière a été fortement améliorée par rapport aux années passées.
Les dotations pour les pécules en cas de départ volontaire - sans aucune obligation de dégagement des cadres - sont en augmentation de plus de 40 % pour 1998. Cela permettra de poursuivre l'effort de rajeunissement de nos cadres, en particulier des sous-officiers.
La création des emplois civils est budgétée dans des conditions conformes à la loi de programmation.
Je veux également indiquer à M. Trucy qu'une des tâches les plus délicates à réaliser à l'occasion de cette grande conversion, à savoir les mutations de personnels de la délégation générale pour l'armement vers les emplois civils des armées, s'effectue dans des conditions plus favorables qu'il n'était prévu. Ainsi, en 1997, le nombre d'agents volontaires pour passer à un emploi civil des armées a été supérieur aux prévisions faites en ce domaine.
De même, le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits budgétaires favorisant la conversion, en fin de contrat, des militaires ayant une carrière courte. Cela est cohérent avec la volonté de conserver en permanence une armée professionnelle jeune. Ce sera là un élément important, à l'avenir, pour la bonne communication entre les armées et la nation.
En effet, nous n'aurons plus seulement des militaires accomplissant une carrière longue et ne quittant l'armée que pour prendre leur retraite ; nous aurons aussi beaucoup d'anciens militaires qui accompliront une seconde carrière en quittant l'armée encore jeunes et valoriseront ainsi l'expérience qu'ils y auront acquise.
La conscription reste un élément clé de notre dispositif militaire pour encore plusieurs années. L'année 1998, qui est la deuxième année de transition, donne lieu à des interrogations de la part de plusieurs d'entre vous du fait des dispositions légales qui ont été adoptées par le Parlement concernant le report d'incorporation pour motif professionnel.
Je rappelle d'abord que les possibilités de report pour motif professionnel ont été élargies à la demande de très nombreux parlementaires de tous bords.
Par ailleurs, les reports correspondent à un mouvement qui est étalé dans le temps puisque ce n'est qu'à partir de mars 1998 que pourront être attribués des reports aux jeunes titulaires d'un contrat à durée indéterminée et qu'à partir de décembre 1998 que pourront être attribués des reports aux jeunes titulaires d'un contrat à durée déterminée.
Ce mouvement sera, en outre, maîtrisé puisqu'il n'y aura pas automaticité du report ; celui-ci devra être justifié par un risque au regard de l'insertion professionnelle du jeune ; or un tel risque ne sera sans doute pas établi pour la majorité des demandeurs.
Il convient de signaler que, aussitôt après le vote de la loi - et il faut tenir compte de l'ensemble de commentaires qu'elle a suscités - plus de 96 % des jeunes convoqués en octobre 1997 pour l'appel qui est en train de se réaliser ces jours-ci auront répondu à cet appel. Ce pourcentage est comparable, voire meilleur dans certains cas, à celui qui a été constaté pour le même contingent de l'année dernière.
En outre, sur l'ensemble des jeunes concernés qui prennent contact avec le bureau du service national pour une adaptation des modalités de leur convocation, 13 % seulement font état de ce dispositif de report pour motif professionnel. Cela montre bien que, comme je m'étais efforcé d'en convaincre le Parlement voilà deux mois, ce dispositif n'a pas d'effet perturbateur significatif sur la réalisation des ressources humaines en appelés.
Il n'y a donc pas à débattre aujourd'hui d'une accélération de le professionnalisation, qui serait d'ailleurs une opération très difficile puisque le budget est arrêté en fonction de certains effectifs. Au demeurant, même si l'on choisissait - ce que ne fait pas le Gouvernement - d'augmenter les recrutements pour les différentes catégories de professionnels des armées, on risquerait alors de se trouver, sur le marché du travail, devant un problème de disponibilité, le nombre des volontaires pour ces emplois pouvant se révéler insuffisant.
Je rappelle d'un mot, puisque nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la concertation préalable puis au cours du débat législatif, que cette réforme de la professionnalisation doit entraîner aussi la mise en place d'un projet majeur sur les réserves, et je remercie ceux d'entre vous qui en ont fait état. Rendez-vous est bien pris. Nous poursuivrons la concertation, notamment en ce qui concerne le statut professionnel des réservistes, dans les prochaines semaines.
Les crédits relatifs aux moyens des réserves sont d'ores et déjà en augmentation.
En résumé, le titre III de ce projet de budget, qui s'établit à plus de 103 milliards de francs, exprime la réelle volonté de soutenir les hommes dans la transformation de nos armées. Les moyens de fonctionnement sont conformes aux besoins de notre défense. Leur valeur, en proportion des effectifs, est en baisse de l'ordre de 1 %, ce qui supposera un effort de bonne gestion des crédits : une gestion telle que la pratiquent d'ailleurs régulièrement les militaires. Je crois, en effet, que les moyens sont judicieusement employés et que toutes les sources d'économie sont mises à profit.
Cet effort de bonne gestion est d'ailleurs tout à fait en ligne avec ce qu'ont demandé les représentants de la commission des finances du Sénat sur l'ensemble des budgets civils. S'il est proposé de consentir un effort de même nature pour le fonctionnement des unités militaires, je ne pense donc pas que cela puisse justifier une méfiance quelconque de la part de la Haute Assemblée.
Je voudrais également souligner que le niveau d'exercice appliqué dans l'armée de terre depuis 1996 est très comparable à ce qui se pratique dans d'autres pays. Il faut appréhender l'obligation de quatre-vingts jours de service extérieur en gardant à l'esprit qu'elle s'applique à une armée qui voit chaque année un nombre plus important d'unités se rendre sur des théâtres d'opérations extérieurs. Par définition, les missions ainsi accomplies viennent s'ajouter aux journées d'exercice qui sont demandées dans les unités qui restent stationnées en France.
L'activité de la marine nationale reste également soutenue.
J'indique à MM. Husson et Falco que, pour des raisons qui tenaient non aux moyens de fonctionnement mais aux crédits d'investissement, sur lesquels nous avons choisi de faire des économies, nous avons effectivement décidé de ne pas utiliser cette année la Jeanne d'Arc pour la formation des jeunes officiers. Toutefois les modalités de formation qui ont été mises en place à cette occasion - le chef d'état major de la marine vous en rendra certainement compte - paraissent aussi efficaces que celles qui relevaient de l'utilisation d'un bâtiment devenu au demeurant, assez traditionnel. Ce choix illustre un raisonnement que j'ai souvent entendu tenir dans cette assemblée et selon lequel une politique d'économies volontaires entraîne souvent des réformes au nievau de l'efficacité.
A ce point de mon propos, un peu à la jonction entre le titre III et le titre V, je mentionnerai les choix opérés dans ce projet de loi de finances en ce qui concerne la gendarmerie, choix sur lesquels M. Alloncle, dans son rapport, a bien voulu formuler des observations très pertinentes et positives.
La gendarmerie voit ses missions s'étendre du fait de la réforme de nos armées, puisqu'une partie des missions de protection du territoire qui incombaient traditionnellement aux nombreuses unités de l'armée de terre lui reviendront à l'avenir.
Ses moyens humains sont en augmentation, puisque ce sera la seule arme dont les effectifs globaux augmenteront, avec l'arrivée de quatre mille volontaires supplémentaires en plus des douze mille qui viendront remplacer les appelés.
Cela s'accompagne d'une modernisation des méthodes de la gendarmerie. Je note, en particulier, l'effort que nous accomplissons cette année - ce sera également le cas dans les années à venir - pour mieux répartir sur le territoire la police scientifique, ce qui aura un effet important sur le niveau d'élucidation des crimes et des délits.
Nous devons également consentir un effort - M. Alloncle l'a judicieusement noté - d'adaptation aux besoins de sécurité sur le territoire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé à deux parlementaires - le sénateur Jean-Jacques Hyest, que je salue ici, et le député Roland Carraz - de faire des propositions pour une bonne adaptation des moyens humains aux besoins de sécurité.
Je tiens à souligner, en réponse à une interrogation de M. Alloncle, que cette adaptation interviendra conformément aux principes définis par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 relative à la sécurité. C'est donc dans ce cadre permanent, qu'il ne paraît pas judicieux de remettre en cause, que s'effectuera l'analyse de la meilleure utilisation des moyens. Il ne faut pas, me semble-t-il, se fixer d' a priori en la matière. Seule la règle de l'efficacité doit prévaloir.
Toutefois, je souhaite souligner devant le Sénat que, à mes yeux, deux butoirs doivent être conservés : d'une part, une brigade doit être présente dans chaque canton, même les cantons qui sont les moins peuplés, car nous devons assurer la sécurité du territoire ; d'autre part, la gendarmerie ne doit pas se départir d'un minimum de moyens dans les milieux urbains, notamment parce que cela constitue le support d'une liberté de choix pour la magistrature.
Par ailleurs, la gendarmerie bénéficie, cette année, d'une régularisation de situation consécutive à une appréciation de légalité du Conseil d'Etat. A l'avenir, tous les gendarmes, sans exception, verront leur solde et leur coût de fonctionnement pris en charge, dès la loi de finances initiale, par les crédits du ministère de la défense. Un système quelque peu approximatif - je ne veux pas le juger trop sévèrement parce que, en tant que rapporteur du budget dans l'autre assemblée, j'avais contribué à sa mise en place - avait conduit à faire financer plus de 2 000 emplois de gendarmes par un fonds de concours.
A priori, aucune raison ne justifiait que subsiste une coïncidence entre le montant de redevance payé par les sociétés concessionnaires d'autoroute et le coût des emplois de gendarmes. Cette situation a donc été régularisée dans des conditions équilibrées.
La gendarmerie - je fais la transition avec le titre V - voit ses crédits d'investissement préservés, notamment pour lui permettre de moderniser son parc d'hélicoptères, qui est devenu un outil absolument indispensable à l'accomplissement de l'ensemble de ses missions. Ce parc a besoin d'être rajeuni et mis aux normes de sécurité.
Par ailleurs, malgré les efforts que nous accomplissons pour augmenter le niveau des subventions en matière immobilière, il est clair que la gendarmerie, qui doit s'adapter aux besoins de sécurité publique, doit disposer de plus de locaux afin de loger son personnel. Il s'agit d'un point sur lequel je ne fais pas mienne l'une des orientations qui avait été retenue par le gouvernement précédent : il ne me paraît pas très judicieux que certaines collectivités construisent des locaux de gendarmerie grâce à des subventions du ministère de la défense, alors que d'autres le feraient sans être subventionnées.
C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué à vos deux collègues, présidents, respectivement, de l'Association des maires de France et de l'Association des présidents de conseils généraux, que je souhaite engager une concertation avec ces deux associations, afin de perfectionner le système de contribution de l'Etat à la réalisation des infrastructures de la gendarmerie. Nous pourrons ainsi, dans l'équité et la transparence, maintenir ce lien de confiance précieux qui unit les collectivités locales et la gendarmerie.
J'en viens au titre V, dont a surtout parlé M. Blin, rapporteur spécial ; d'autres orateurs, auxquels je m'efforcerai de répondre sont également intervenus sur ce point.
Ce titre V fait l'objet de certains reclassements budgétaires. En effet, soucieux d'une plus grande clarté des documents budgétaires, il m'a semblé qu'il ne devait pas continuer à comporter des dépenses de pur fonctionnement de la délégation générale pour l'armement. Si l'on veut établir une comparaison à périmètre constant, comme l'on dit, 500 millions de francs étaient « de trop » dans les crédits figurant au titre V de l'année dernière : c'est donc à la somme de 88,2 milliards de francs qu'il faut comparer les 81 milliards de francs du projet de budget pour 1998. Cette réduction demeure l'un des plus grands efforts d'équipement militaire des pays avancés.
Le choix de ce niveau de crédits a obéi à quelques principes que je souhaite rappeler. Certes, une loi de programmation oriente notre effort d'investissement. Cela correspond à un besoin de cohérence, surtout après les à-coups de la programmation des dépenses d'équipement militaire, qu'ont bien voulu rappeler plusieurs orateurs, pour la période de 1994-1996 : on avait alors assisté à des remises en cause peu cohérentes avec le principe de l'autorisation parlementaire.
Les grands choix d'équipement de notre défense sont assumés. Les programmes en coopération sont maintenus intégralement et tout un travail d'organisation de la progression des dépenses a été réalisé, de manière que le maximum des commandes qui étaient nécessaires pour la bonne dotation de nos armées soit maintenu.
Je citerai quelques chiffres. Avec les crédits qui sont prévus pour 1998, nous pourrons commander, pour la marine, par exemple, une frégate de type Horizon. Nous pourrons recevoir la livraison d'un transport de chalands de débarquement. En matière d'aéronautique navale, nous pourrons moderniser neuf Super Etendard et faire livrer deux avions de guet embarqués nécessaires à notre groupe aéronaval, les avions Hawkeye.
Nous pourrons, pour l'armée de l'air, faire livrer dix-sept avions de combat Mirage et rénover quatorze Transall. Nous pourrons apporter une capacité de tir de nuit à treize hélicoptères et commander deux nouveaux hélicoptères Cougar.
Je pourrais continuer ainsi longtemps, en particulier en citant les très nombreux exemplaires de missiles qui seront commandés ou livrés.
S'agissant des chars Leclerc, les crédits inscrits pour 1998 nous permettront à la fois d'en commander quatre-vingt-huit et d'obtenir la livraison de trente. Sur ce point, je ne rejoins pas tout à fait l'appréciation de M. Husson, puisque les trente chars Leclerc correspondent à la capacité actuelle de production des sites de GIAT.
La dissuasion demeure au centre - je tiens à rassurer sur ce point Mme Heinis - de la doctrine militaire de notre pays et les propos du Premier ministre, que vous avez bien voulu citer, sont d'une complète clarté à cet égard.
Nous consacrons désormais 20 % de l'ensemble de nos dépenses d'équipement militaire à la dissuasion. Il s'agissait de l'un des objectifs de la loi de programmation. Cela signifie qu'aucun décrochage n'a eu lieu en matière de dissuasion s'agissant de nos choix de dépenses militaires.
Ce qui a rendu possible une réduction des dépenses militaires c'est, en particulier, la capacité du CEA d'accepter un certain nombre d'économies sur le coût de sa contribution au développement et à la réalisation de nos équipements. La réduction a également été rendue possible grâce à l'étalement dans le temps des charges de démantèlement des deux installations très lourdes de Marcoule et de Pierrelatte, démantèlements qui ont été décidés bien avant cette loi de finances.
Pour répondre à la question qui m'a été posée à cet égard par M. Faure, je préciserai que plusieurs mois de travail et de discussion seront encore nécessaires, avec l'ensemble des entreprises concernées, afin de pouvoir définir le coût global de ces démantèlements. Ces derniers sont, en effet, liés à un certain nombre d'autres choix qui doivent être opérés par le Gouvernement en matière de sécurité nucléaire.
Quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération sont et resteront inscrits dans notre futur modèle d'armée. La livraison du troisième de cette série sera, il est vrai, différée d'un an, mais le maintien en activité d'un SNLE de la génération antérieure pendant une année supplémentaire ne présente pas un surcoût notable. La commande du quatrième SNLE-NG interviendra, comme prévue, avant la fin de la présente loi de programmation militaire.
De même, le missile M 51, pour lequel sont encore inscrits des crédits importants - vous pouvez le vérifier dans le document budgétaire - pourra être mis en service à la date prévue, c'est-à-dire en 2010. En réalité, l'étalement de dépenses que nous prévoyons a pour effet de faciliter le maintien des capacités scientifiques nécessaires dans les entreprises concernées.
Je tiens également à souligner l'importance que nous attribuons à la mission de prévention de nos armées et, en particulier, au renseignement.
M. Dulait a bien voulu reconnaître, avec le sourire, le caractère un peu indiscret de certaines de ses questions. Il me permettra de ne pas aller trop loin dans les détails.
Je lui indiquerai cependant, comme à MM. Blin et à Faure, la priorité que le Gouvernement attache au développement de la capacité d'observation satellitaire de notre pays. Ce sont donc plus de 1,4 milliard de francs qui sont inscrits en crédits de paiement pour l'année 1998 sur le programme Hélios.
Il est vrai - chacun le voit et en comprend les motifs - que nos partenaires allemands ont choisi, parce qu'ils avaient d'autres priorités, de ne pas s'engager financièrement sur ce programme. Toutefois, comme vous le savez, les accords qui ont été conclus entre les deux pays permettent à la France de poursuivre son effort dans ce sens.
Nous gardons l'espoir que nos amis allemands rejoindront ce programme ultérieurement. C'est la raison pour laquelle nous maintenons le principe et le calendrier du programme de satellite radar Horus qui doit suivre.
Je souhaite, à cet égard, souligner la qualité de notre partenariat avec les deux autres pays associés au programme Hélios - l'Italie et l'Espagne - qui, au cours des contacts récents, m'ont confirmé leur totale détermination à y prendre part.
Chacun voit bien que cela repose sur un choix prioritaire d'autonomie européenne en matière de collecte d'informations et d'analyse de renseignements.
C'est l'un des cas dans lesquels s'applique le constat que je dressais tout à l'heure : les priorités en matière de défense et les prises de position quant au degré d'autonomie désiré ne sont pas spontanément les mêmes entre les pays européens.
Ceux de nos partenaires qui, depuis près d'un demi-siècle, exercent un niveau de responsabilités élevé au sein de l'OTAN ne ressentent pas le même besoin que nous de devenir autonomes vis-à-vis de la superpuissance amie en matière de collecte d'informations.
Cela fait partie des domaines dans lesquels nous pouvons avoir nos préférences. Mais la coopération consiste aussi à s'associer à des pays qui ont d'autres perspectives politiques.
Par conséquent, nous irons notre chemin sur ces deux programmes et, comme l'ont dit plusieurs orateurs - nous l'avons bien vu lors de certains débats industriels récents - nous en retirerons des capacités technologiques très importantes.
A cet égard, malgré les observations qui ont été formulées par certains orateurs, je souhaite souligner que le niveau d'engagement de notre pays en matière de dépenses d'études et de développement demeure très élevé. Bien entendu, si l'on veut établir une comparaison avec une superpuissance qui, de surcroît, fait transiter - chacun le sait ! - une grande partie de ses crédits de recherche fondamentale par le budget de sa défense, nous ne sommes pas au même niveau. Toutefois, pour un pays comme le nôtre, 20 milliards de francs de crédits d'études et de développement représentent tout de même un outil majeur !
Ainsi que l'ont dit plusieurs orateurs, cette dotation doit de plus en plus être mise au service d'une stratégie duale.
Je tiens à souligner la qualité des discussions que nous engageons avec le ministère de la recherche pour essayer de faire converger les efforts de recherche des secteurs civil et militaire. Le domaine spatial en est une excellente illustration.
Les moyens de projection se trouvent, bien sûr, au centre de nos priorités de dépenses d'équipement, y compris en ce qui concerne les programmes de cohérence opérationnelle ; je pense, en particulier, aux systèmes d'information et de commandement. Sans doute M. Husson s'est-il trompé sur ce point, car les moyens que nous consacrons à ces systèmes sont constants.
Le groupe aéronaval poursuit son développement autour du Charles-de-Gaulle ; plusieurs d'entre vous ont bien voulu le noter. Le Charles-de-Gaulle sera mis en service au cours de l'année 1999, comme prévu par la loi de programmation.
Le décalage entre son entrée en service et la mise en service des avions Rafale qui lui sont affectés relève de décisions largement antérieures au présent projet de loi de finances. En effet, c'est seulement au début de cette année qu'a été consentie la commande des treize premiers avions Rafale destinés à la marine. Les moyens que nous consacrons cette année au programme Rafale permettent à cette première commande de s'appliquer sans aucun délai supplémentaire.
Les dispositions ont été prises par la marine de manière que l'entrée en service du porte-avions Charles-de-Gaulle se fasse avec un groupe aérien qui lui donne toute sa cohérence. Comme je l'ai noté tout à l'heure, les avions Hawkeye qui permettent d'assurer sa protection et la surveillance aérienne autour du groupe aéronaval seront également au rendez-vous.
Je veux souligner, puisque j'en viens au Rafale, que les crédits qui concerneront ce programme en 1998 - j'insiste bien pour les orateurs qui s'interrogeaient sur ce point - s'élèveront à 4,9 milliards de francs, au lieu de 4,4 milliards de francs en crédits de paiement en 1997. Donc, si des interrogations ou des préoccupations subsistent en ce qui concerne le développement de ce programme, la lecture tout à fait sereine du document budgétaire permet, me semble-t-il, de les lever.
Les hélicoptères Tigre entrent dans une phase d'industrialisation décidée en commun avec la République fédérale d'Allemagne. Mon homologue allemand et moi-même avons signé l'accord d'industrialisation au mois de juin. L'engagement de commande de la France sera conforme au document sur lequel elle a apposé sa signature.
Cela me conduit à insister sur le fait que l'ensemble des programmes d'armement en coopération seront dotés budgétairement comme il a été convenu avec nos partenaires. C'est pour nous un enjeu politique essentiel.
En matière de blindés, le programme Leclerc suit son développement selon la capacité de GIAT Industrie et les missiles de nouvelle génération - MICA, Apache, Scalp EG - connaîtront les développements qui ont été prévus.
Nous avons relevé, par rapport aux demandes spontanées des armées, le niveau de commandes en matière d'artillerie, d'armes légères et de munitions, car - monsieur Husson, sur ce point, il faut compléter votre information - lorsqu'on professionnalise une armée, que ses effectifs baissent et que les stocks existants sont déjà à un haut niveau, la demande logique dans une bonne gestion des armées, notamment de l'armée de terre, est une demande très faible. C'est pour des motifs de politique industrielle que j'ai demandé aux armées d'augmenter leurs commandes, sinon on aurait pu aller beaucoup plus bas. Si GIAT Industrie est, à cet égard, en difficulté, comme de nombreuses entreprises d'armement terrestre en Europe, c'est parce que ce phénomène est général, et il faut bien en prendre conscience objectivement.
Cela me conduit à vous donner quelques indications relatives à nos choix industriels.
Plusieurs orateurs ont bien fait de souligner que, dans notre pays, les industries de défense étaient un des points forts de notre dispositif technologique et industriel. Les conditions dans lesquelles le Gouvernement a pris ses responsabilités quant à la réorganisation du groupe Thomson illustrent sa volonté de renforcer les points forts de notre industrie, de rechercher des convergences européennes et de s'attacher à élargir le champ technologique des entreprises concernées, de manière à appliquer pleinement le principe de dualité. Le nouveau Thomson réalisera près de 40 % de son chiffre d'affaires dans le domaine civil et il pourra valoriser les moyens de recherche et de développement représentant près de 25 milliards de francs de dépenses annuelles. Comme l'a fait observer Mme Bergé-Lavigne, c'est une indication de ce que sera la stratégie globale du Gouvernement en matière d'industries de défense.
Dans le domaine aéronautique, nous sommes en effet conduits à hâter la marche, et c'est ce qui a fait l'objet d'un accord avec le gouvernement allemand au sommet de Weimar. Les concentrations aux Etats-Unis se sont déroulées rapidement, peut-être un peu moins vite que ne l'a décrit M. Maurice Blin tout à l'heure. En effet, c'est non pas en deux ans, mais en cinq ans qu'aura été réalisée la concentration de l'industrie aéronautique américaine civile et militaire. Certes, nous avons un léger décalage, qui provient du fait que nous sommes non pas une puissance unifiée, mais un ensemble de pays continuant à défendre leurs intérêts.
Toutefois, la stratégie dans laquelle s'est engagé le Gouvernement, et sur laquelle M. le Premier ministre donnera des précisions dans les prochains jours, est clairement une stratégie de conclusion d'accords européens en profondeur permettant d'établir sur notre continent des capacités communes de recherche, de développement et de fabrication, qui nous mettrons au niveau de la compétition mondiale et qui doivent, en effet, associer les domaines civil et militaire en France comme dans le reste de l'Europe.
Le dialogue avec la société Dassault se déroule comme il se doit. Il n'y a de blocages ni d'un côté ni de l'autre. En tout cas, il ne sera pas plus difficile à ce gouvernement qu'au précédent de trouver des modalités de rapprochement entre le groupe Dassault et Aérospatiale sans qu'il y ait de dogmatisme quant à la formule d'association de ces deux entreprises. Les contacts avec les gouvernements européens et les firmes européennes concernées sont aujourd'hui encourageants.
Quant à GIAT Industrie et à la DCN, si ces ensembles industriels sont, certes, confrontés à des difficultés supplémentaires par rapport à des entreprises déjà très ouvertes à l'international comme Thomson, Aérospatiale ou Matra, elles sont l'une et l'autre en évolution positive et progressent en termes de productivité et d'efficacité.
S'agissant de l'avenir du site de Cherbourg, je veux rassurer M. Le Grand. Ce n'est pas parce que je le dis à un sénateur de l'opposition après l'avoir dit à un député de la majorité que c'est une tactique. C'est une réalité, et vous pourrez d'ailleurs en vérifier les effets sur le terrain. Je suis sûr qu'alors vous aurez la bonne foi de m'en donner acte.
Les mesures que nous avons prises pour accompagner la transition en faveur de GIAT Industrie et de la DCN sont, comme plusieurs d'entre vous ont bien voulu le noter, d'abord des mesures de dynamisme économique, avec 500 millions de francs d'aide à la création de nouvelles activités dans les bassins d'emploi concernés. C'est l'intérêt profond de ces bassins d'emploi de ne pas rester dépendants d'industries uniquement liées à la décision politique et de faire baisser le niveau de concentration en activités industrielles militaires.
Ces 500 millions de francs seront gérés par une délégation interministérielle modernisée et dynamisée, avec des équipes de terrain qui rechercheront un partenariat approfondi avec les collectivités locales.
En accompagnement de ces mesures de dynamisation économique, nous avons pris une mesure autorisant des départs en retraite à cinquante-deux ans, qui permettra la transition en même temps qu'elle se substituera à certaines mesures autoritaires prévues dans le plan précédent.
Ensuite pourront être engagées les négociations sur la réduction de la durée du temps de travail, ce qui permettra de piloter toute une réorganisation industrielle qui, d'une part, sauvegardera des emplois et, d'autre part, donnera l'occasion, comme M. Bécart l'a suggéré tout à l'heure, d'étendre le savoir-faire et la technologie de ces entreprises vers des activités civiles.
Quatre commandes pluriannuelles ont été passées pour la première fois à la fin de 1997, qui confirment la volonté du Gouvernement de donner, comme cela a été demandé, plus de visibilité aux industries de défense.
La revue des programmes, sur laquelle plusieurs orateurs, notamment M. le président de Villepin, m'ont interrogé, n'aboutira pas, dans l'esprit du Gouvernement, à élaborer un nouveau Livre blanc. Cependant, elle sera l'occasion, conformément à ce que je disais en commençant, de nous interroger sur l'évolution des données stratégiques, sur les priorités relatives que doivent avoir certains systèmes d'armes dans le déroulement de la loi de programmation. Elle permettra aussi, bien entendu, de faire des évaluations du coût relatif de certains niveaux de performance ou de capacité, qui ont été prévus dans la loi de programmation, de manière à poursuivre l'application de celle-ci dans les conditions les plus rationnelles possibles, comme l'ont fait la plupart de nos partenaires européens.
Je souhaite que cette revue des programmes, lorsque le Gouvernement aura suffisamment avancé dans son travail technique, donne lieu à un débat - et je remercie M. le président Villepin d'avoir souhaité l'ouverture d'un dialogue public. Je crois, au surplus, que non seulement le Parlement et le Gouvernement, mais le pays tout entier y ont intérêt, car ce qui peut conduire à ce que les décisions en matière de niveau budgétaire de la défense soient parfois guidées par d'autres considérations, c'est le manque d'intérêt du public pour les préoccupations de défense et pour la compréhension de l'utilité des différents outils.
Par conséquent, si ce débat - comme je l'espère et comme je le crois - permet d'éclaircir les enjeux des futurs choix d'investissement en matière de défense, nous y serons tous gagnants.
Je voudrais maintenant conclure en disant que ce qui est implicite dans de nombreux aspects de notre débat - et je remercie M. Biarnès, entre autres orateurs, d'avoir souligné ce point - c'est que notre pays a des ambitions plus vastes que bien d'autres sur la scène internationale. En effet, il consacre plus de moyens à de la coopération et à son action culturelle internationale ; il est plus présent que d'autres dans les engagements de nombreuses institutions internationales ; son système de défense lui permet, y compris aux risques et périls de ses hommes, de se porter dans des conflits durs, dans des moments de violence internationale, quand bien des pays attendent que le calme soit rétabli pour exprimer leur volonté politique.
Ce projet de budget est guidé par une volonté de cohérence et de maintien d'un haut niveau de capacité et de technicité de nos armées ; il est nécessaire pour pouvoir répondre à toutes les situations où le choix politique du pays serait d'engager nos armes.
Bien entendu, ce projet de budget est marqué par un souci de gestion rigoureuse et par la volonté de réformer l'ensemble des dispositifs de gestion financière et industrielle, afin de permettre au contribuable d'être assuré du bon emploi de l'ensemble des crédits.
Il est présenté à la représentation nationale par le Gouvernement dans un esprit de sérénité, en faisant face à ses responsabilités. Je remercie tous ceux qui, participant au débat ce soir, ont manifesté leurs encouragements ou leur soutien à l'action du ministère de la défense. Je suis convaincu que nous pouvons nous rassembler sur les grands objectifs et que cela est nécessaire pour le moral des femmes et des hommes de la défense dont nous sommes, les uns et les autres, coresponsables. Je remercie donc les sénateurs qui se sont exprimés en ce sens pour avoir montré dans l'exercice de leur autorité de représentants de la nation à quel point ceux qui la servent aujourd'hui dans la défense, apportent un service désintéressé, courageux et loyal à l'ensemble de la collectivité nationale.
C'est notre rôle aux uns et aux autres - c'est surtout le vôtre, à vous qui vous prononcerez par le vote - de montrer aux citoyens que la défense s'adapte aux circonstances, et que nous assumons ensemble notre responsabilité collective. Nous agissons les uns et les autres dans le sens de la préservation des grands intérêts nationaux et des principes que la France entend défendre aux côtés des autres nations pacifiques pour le progrès dans le monde.
Ce projet de budget est donc l'expression sincère et sereine d'une volonté politique que je viens de résumer. C'est en toute confiance que je demande au Sénat, dans sa diversité, de se prononcer sur la politique de défense solide, lucide et déterminée que le Gouvernement entend mener au service du pays. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la défense et figurant aux articles 29 et 30.

Article 29

M. le président. « Art. 29. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1998, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 1 836 838 000 francs, applicables au titre III "Moyens des armes de services".
« II. - Pour 1998, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et services" s'élèvent au total à la somme de 1 415 078 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 29.

(L'article 29 n'est pas adopté.)

Article 30

M. le président. « Art. 30. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1998, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
«
Titre V : "Equipement"

79 079 900 000 F

«
Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat"

1 921 800 000 F



« Total

81 001 700 000 F



»

« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1998, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :
«
Titre V : "Equipement"

17 329 370 000 F

«
Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat"

1 602 170 000 F




« Total

18 931 540 000 F



»

Sur le titre V, la parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le ministre, à cette heure de la nuit, si j'ose solliciter du Sénat une ou deux minutes d'attention, c'est parce que j'ai le sentiment d'avoir à assumer, vu mon âge et ce que j'ai connu, un devoir. Votre talent est si grand qu'il faut quelque audace pour oser parler après vous. Vous êtes d'une génération qui n'a connu ni la défaite, ni l'Occupation, ni les combats de la Libération, ni les souffrances de la guerre d'Algérie.
Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, à quel point je suis attristé de penser qu'un jour il pourrait être évoqué dans l'Histoire le nom d'un ministre de la défense portant la responsabilité pour la France de graves malheurs, parce qu'il n'aurait pas cru devoir demander au pays un effort suffisant pour porter sa défense, même en temps apparemment de paix en Europe, au niveau des menaces possibles.
Ce n'est pas parce que le mur de Berlin est tombé que nous ne connaîtrons pas peut-être en Europe - je souhaite bien sûr que non, mais je n'en ai pas la certitude - de terribles dangers et menaces au cours du troisième millénaire. Les informations qui sont portées à votre connaissance, les renseignements qui vous parviennent vous permettent de savoir que, du côté de l'Est, le danger n'est pas totalement et pour toujours écarté.
Monsieur le ministre, est-il normal que, dans un pays comme le nôtre, où le produit national brut va atteindre l'an prochain plus de 8 000 milliards de francs, nous ne consacrions aux équipements militaires que 80 milliards de francs ?
Oh, je comprends que vous ayez l'air satisfait du budget que vous présentez à l'Assemblée nationale et au Sénat. Quel ministre n'ayant pas encore démissionné pourrait prétendre que le budget qu'il soumet au vote du Parlement est mauvais ?
Monsieur le ministre, je vous en supplie : rappelez au Gouvernement - pas forcément publiquement, mais lors de vos conversations seul à seul avec le Premier ministre et avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - que la défense n'a pas à être la réserve dans laquelle on puise pour financer d'autres dépenses sur d'autres secteurs. En effet, la défense est véritablement - vous le savez d'ailleurs - le secteur fondamental. Quel est l'avenir d'un pays qui fait une impasse sur les moyens de sa défense ?
Au nom de l'Histoire, je vous interpelle, monsieur le ministre. Avant la guerre de 1870, lorsque le maréchal Niel a demandé que nos forces soient portées à la hauteur de la menace que laissaient supposer Sadova et la montée de la Prusse, la France a dit « non », et ce fut 1870 ! Monsieur le ministre, vous n'étiez pas né, moi non plus.
La campagne électorale de 1913 s'est-elle faite pour ou contre le service de trois ans ? Nous n'étions plus que 40 millions de Français alors que les Allemands étaient plus de 60 millions ; la menace venait, et nous avons dit « non » ! Nous l'avons payé de quatre ans de guerre et d'héroïsme, de 1,5 million de morts et d'une guerre atroce.
Face à la montée de l'hitlérisme, nous avons réagi pareillement. « Strasbourg ne restera jamais sous la menace des canons allemands ! » Et puis ce furent des mots, des apparences, et la défaite est venue en 1940. Vous savez de quel prix nous l'avons payée, quel héroïsme il a fallu déployer et quelles souffrances furent vécues pour nous libérer de cette oppression consécutive à notre faiblesse au moment de l'agression. Alors, monsieur le ministre, je vous en supplie : que l'homme intelligent que vous êtes use de son influence pour faire en sorte que, l'an prochain, le budget que vous nous présenterez, d'une part, dissipe l'idée qu'en France une loi de programmation est sans conséquence et qu'on peut l'amputer en cours d'exécution ; d'autre part, prouvez-nous qu'au cours de cette année vous allez ressusciter l'esprit de défense, qui n'est pas l'esprit d'agression. Mais dans la nation tout entière, dans toutes les couches de la population et à tous les âges des générations, la France doit faire l'effort d'être écartée des menaces d'une nouvelle guerre par les efforts qu'elle déploie pour porter la défense à la hauteur des risques éventuels et potentiels.
Je vous en supplie, monsieur le ministre : votre mission est historique. En effet, si vous continuez à nous présenter des budgets comme celui-ci, dans lequel les crédits militaires, notamment l'équipement, baissent, même avec votre conception des chiffres, de 88 milliards de francs à moins de 83 milliards de francs, vous commettrez une faute grave contre l'intérêt du pays ! (Vifs applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je remercie M. Hamel de souligner l'importance de devoirs dont je n'ignore rien. Je veux le convaincre que des réformes déjà engagées quant à notre défense, réformes qu'il a contestées, vont pourtant dans le sens de la plus grande efficacité, de la plus grande disponibilité et de la plus grande capacité d'action de notre dispositif.
Dans les souvenirs historiques qu'il a relevés et qui ne sont absents de l'esprit de personne, notamment pas de ceux dont le devoir est de penser à l'avenir, c'est toujours la prévision de la nature des futurs conflits qui avait été perdue de vue. Il peut y avoir, aujourd'hui, discussion entre nous sur des modalités et des niveaux d'engagement, sur les moyens de répondre à certaines besoins d'équipement militaire. Mais je ne pense pas qu'il y ait aujourd'hui mise en cause de la clairvoyance des choix faits par l'ensemble des pouvoirs publics, et non par le seul Gouvernement, dans le cadre des solidarités sur lesquelles notre pays s'appuie pour se préparer à la diversité des conflits qui pourront survenir.
Par conséquent, j'accepte volontiers le rendez-vous qu'il veut bien me donner. Je prends quelque distance à l'égard de l'impétuosité qu'il introduit dans ce débat, qui, certes, ne contredit pas nécessairement la réflexion mais peut, à certains moments, l'obscurcir.
M. Philippe Marini. Il a des convictions !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je veux simplement lui dire que la conviction et le sens du devoir peuvent aussi s'exprimer sans emphase ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini. Chacun son style !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 292
Majorité absolue des suffrages 147
Pour l'adoption 82
Contre 210

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.


(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 30.

(L'article 30 n'est pas adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de la défense.

Fonction publique et réforme de l'Etat

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que l'on appelle budget de la fonction publique dans la discussion que nous allons avoir recouvre deux exercices bien différents et d'ordres de grandeur tout à fait distincts : d'un côté, l'analyse des charges de personnel de l'Etat ; d'un autre côté, la présentation des crédits du ministère de la fonction publique stricto sensu. D'un côté, un enjeu qui est le premier enjeu des finances publiques, avec 600 milliards de francs ; de l'autre, les crédits d'un ministère qui dépense quelque 1,4 milliard de francs.
Je vous donnerai tout d'abord quelques indications concernant l'évolution des charges de personnel de l'Etat, mes chers collègues. Pour 1998, nous notons dans le projet de budget une progression qui est plus de deux fois supérieure à la progression des dépenses moyennes de l'Etat, atteignant 2,9 %, pour aboutir à 608,7 milliards de francs.
Par ailleurs, cette progression, en valeur absolue, mobilise 20 milliards de francs, dont 19 milliards pour la dépense de fonction publique au sens strict.
Le rapport écrit de la commission des finances précise les facteurs d'évolution expliquant de tels chiffres : il s'agit du poids du GVT, le glissement vieillissement technicité, qui entraîne 4 milliards de francs de dépenses supplémentaires, de la dérive spontanée des pensions de plus de 3 milliards de francs avec des lendemains assurément très difficiles - monsieur le ministre, nous le savons tous - et des solutions à trouver à moyen et à long termes pour financer cette charge de pension.
Le troisième facteur d'évolution tient à la pesanteur de la dépense de fonction publique.
Les décisions prises en matière de fonction publique se traduisent par des impacts financiers d'ampleur considérable. Je rappellerai simplement un chiffre : en 1997, c'est-à-dire dans le précédent budget, 5 600 emplois de fonctionnaires avaient été supprimés, ce qui avait permis de dégager une économie supérieure à un milliard de francs.
Enfin, pour achever cette mise en perspective, je rappellerai quelques données comparatives.
En France, l'emploi public représente 25 % de l'emploi total, contre 18 % en moyenne au sein de l'Union européenne. Comme chacun le sait, ce poids s'est accru au cours des dernières années et, compte tenu de ce qui nous est annoncé, il risque de s'accroître encore.
S'agissant des dépenses de personnel de l'Etat, la commission des finances estime que nous ne maîtrisons pas comme il le faudrait la dépense de fonction publique, d'autant que l'on se dirige à nouveau vers une augmentation des effectifs globaux de fonctionnaires.
J'observe par ailleurs que les contours de l'emploi public demeurent toujours aussi flous car, au-delà des fonctionnaires protégés par leur statut, nous avons un million de contractuels, nous avons 200 000 titulaires de contrats emploi-solidarité dans la fonction publique, et nous aurons bientôt 150 000 emplois-jeunes sous contrats de droit privé, dont certains occupent ou occuperont de véritables fonctions indissociables de la bonne marche du service public, notamment dans l'éducation nationale, pour 40 000 postes, et pour plus de 8 000 postes de sécurité au ministère de l'intérieur.
Evoquant très rapidement les crédits de votre ministère, monsieur le ministre, j'observe que les dépenses en capital du Fonds pour la réforme de l'Etat ont été supprimées. Je constate par ailleurs que nous sommes dans la continuité pour l'essentiel des dépenses de gestion, avec une évolution mesurée.
Je réserverai une mention spéciale à la formation, en particulier aux subventions aux écoles. Ainsi, dans votre budget, il est prévu un peu plus de 160 millions de francs pour l'Ecole nationale d'administration, école au sujet de laquelle la Cour des comptes vient de rappeler, voilà quelques jours, que le demi-transfert à Strasbourg s'était traduit par des surcoûts très lourds et nettement supérieurs aux prévisions.
A cet égard, je m'interroge toujours sur la spécialisation des deux sites, sur l'état d'avancement du projet de fusion de l'ENA et de l'Institut international d'administration publique et sur les conditions dans lesquelles cette école serait concernée par les réflexions en cours sur la réforme des grandes écoles. Je suppose, monsieur le ministre, que tous ces sujets seront débattus dans les mois à venir.
Je voudrais réserver la fin de cet exposé à quelques considérations sur la réforme de l'Etat, puisque l'intitulé de vos fonctions, monsieur le ministre, comme pour votre prédécesseur, allie la réforme de l'Etat à la fonction publique.
La réforme de l'Etat est un enjeu absolument primordial. Au cours des deux dernières années, des idées ont été émises, des jalons ont été posés, le début d'une action a été esquissé, grâce en particulier au commissariat à la réforme de l'Etat, administration de mission légère mise en place en 1995, pour trois ans.
Si l'on tente d'évaluer ce qui a été fait, on observe que le début de l'année 1997 a été significatif, avec le décret du 15 janvier 1997 relatif à la décentralisation des décisions individuelles, aujourd'hui du ressort de chaque préfet, sauf pour les administrations centrales à justifier de raisons précises afin de maintenir des procédures de décision individuelle à leur niveau.
Par ailleurs, la notion de service à compétence nationale et l'expérimentation des contrats de service au sein de plusieurs administrations me paraissent être des directions intéressantes pour l'avenir.
Enfin, j'ai pris connaissance avec grand intérêt des décrets du 31 mai 1997 sur la déconcentation en matière de gestion du personnel, ce qui me paraît aller dans le bon sens pour favoriser la mobilité et pour responsabiliser la fonction publique à tous les échelons.
Sur la réforme de l'Etat, monsieur le ministre, je veux profiter de cette intervention pour vous poser quelques questions.
Quel est votre projet en ce qui concerne les contrats de service et leur extension ? Cette forme de gestion des crédits permettant une globalisation, responsabilisant ainsi davantage les responsables d'unité administrative, vous paraît-elle devoir être confirmée, et quelle est votre ambition à ce propos ?
S'agissant des fusions de corps administratifs, allez-vous poursuivre l'effort récemment engagé ?
La même question se pose en matière de réforme de la notation et de l'évaluation des fonctionnaires.
En ce qui concerne la mobilité, quels sont vos projets concrets ?
Par ailleurs, s'agissant de la gestion salariale, considérez-vous comme satisfaisant pour l'éternité des temps le principe actuel qui veut que tout soit centralisé dans une seule négociation nationale, alors que sont en jeu des effets macro-économiques absolument considérables ?
Enfin, quels sont vos projets pour ce qui est de la gestion patrimoniale de l'Etat ? Jusqu'ici, en effet, ce dernier se limitait à des considérations de flux ou de budget et s'intéressait peu aux variations en valeur de son patrimoine.
Votre communication du 5 novembre au conseil des ministres m'a quelque peu laissé sur ma faim, monsieur le ministre, car j'ai eu le sentiment que, au-delà d'une apparente continuité sur certains thèmes de caractère assez général, vous vous absteniez de concrétiser l'approche de la réforme de l'Etat et que, en réalité vous vous apprêtiez à abandonner certains chantiers relatifs aux modifications structurelles à apporter à la gestion de la fonction publique.
Constatant que, par ailleurs, le mouvement de création d'emplois publics reprenait, j'ai considéré, en prenant connaissance de cette communication, qu'elle constituait une transition vers le retour à une gestion tout à fait classique des emplois publics, sans remise en cause des conditions dans lesquelles les ressources humaines de l'Etat sont susceptibles d'être mobilisées.
J'exprime donc, en achevant cet exposé, une certaine inquiétude sur ce que j'estime être le flou des orientations du Gouvernement en matière de fonction publique.
Vous le savez, monsieur le ministre, la majorité sénatoriale est attachée au concept de la réforme de l'Etat ainsi qu'à la modernisation du service public, toutes orientations que nous pensons compatibles, d'une part, avec une fonction publique de valeur, composée d'éléments ayant le sens de leurs responsabilités, et, d'autre part, avec l'impératif d'une réduction des déficits publics, d'une diminution du poids de l'Etat et du poids des prélèvements obligatoires sur notre économie.
Sous réserve de l'adoption des deux amendements de réduction de crédits qu'elle vous présentera dans un instant, la commission des finances, conformément à la ligne continue qui est la sienne pour l'examen de ce projet de budget pour 1998, vous recommande, mes chers collègues, l'adoption des crédits de la fonction publique. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 20 % de la population active, soit un actif sur cinq, est aujourd'hui, en France, un agent public. Cela représente, au total, près de 5 millions de personnes et, si l'on tient compte des effectifs de retraités et de pensionnés, ce sont quelque 9 millions de personnes qui relèvent de la politique salariale de la fonction publique.
Ces chiffres illustrent le poids considérable de la fonction publique dans notre pays.
Rappelons que la France compte un des taux d'emplois publics les plus élevés parmi les pays de l'Union européenne. Ainsi, la part des fonctionnaires dans l'emploi total, en 1995, était de 24,7 % en France, contre 14,4 % en Grande-Bretagne, 15,7 % en Allemagne et 17,8 % en Italie.
Certes, la fonction publique française peut être citée en exemple ou en modèle. Elle constitue une véritable richesse et un atout certain pour notre société. Les Français ont d'ailleurs bien compris les avantages qu'elle représente.
C'est bien pour cela que de plus en plus de jeunes aspirent à devenir fonctionnaires, sans compter que, contrairement aux idées reçues, les fonctionnaires ne sont pas mal payés par rapport aux salariés du secteur privé et qu'ils bénéficient d'une sécurité de l'emploi fortement appréciable à l'heure actuelle.
Cependant, il faut bien admettre que l'ampleur de la fonction publique constitue, dans le même temps, un handicap dans son évolution et sa modernisation.
C'est pourquoi j'ai salué, en février 1997, le projet de loi du précédent gouvernement relatif à l'amélioration des relations entre l'administration et le public. Il constituait un premier pas dans la nécessaire réforme de l'administration sur les plans humain et technique.
J'espère vivement, monsieur le ministre, que vous reprendrez les idées développées dans ce projet, car elles m'apparaissent bonnes et utiles.
De plus, s'agissant, toujours, de l'importance quantitative de la fonction publique en France, une note interne a été adressée, en septembre dernier, au ministre de l'économie et des finances, M. Dominique Strauss-Kahn. Dans celle-ci, M. Jean Choussat, inspecteur des finances et ancien directeur du budget sous François Mitterrand, faisait état d'un sureffectif de 10 % au minimum, soit près de 500 000 agents.
M. Jacques Mahéas. Vous n'y croyez pas, quand même !
M. James Bordas. Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement a choisi d'ignorer ces remarques. Et vous allez même plus loin puisque, contrairement au gouvernement d'Alain Juppé, vous avez décidé d'abandonner la nécessaire diminution des effectifs de la fonction publique. Je déplore une telle politique, qui s'apparente à celle de l'autruche !
Mais, au-delà de cette querelle de chiffres, je pense que le problème se situe surtout au niveau de la répartition fonctionnelle des agents publics.
Plus qu'une question de quantité, c'est une question de gestion des potentiels qui se pose aujourd'hui. Un redéploiement dans les secteurs qui en ont besoin est impératif et essentiel.
En outre, un effort doit être mené quant à la formation des agents afin que celle-ci réponde correctement aux réels besoins de notre société actuelle.
Enfin, comme je l'ai déjà maintes fois suggéré à vos prédécesseurs, pourquoi ne pas fondre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale, et ne conserver une distinction qu'avec la fonction publique hospitalière, compte tenu de la spécificité de sa mission ?
Bon nombre de différences entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale n'ont pas lieu d'être. De ce point de vue, de profonds changement doivent aussi être entrepris : supprimer les quotas pour les avancements, ouvrir concours et examens en fonction des besoins, garantir à un agent qu'il ne perdra pas le bénéfice de sa réussite s'il n'a pas obtenu une affectation dans un délai d'un an.
Telles sont les quelques remarques que je tenais à faire, monsieur le ministre. S'agissant du vote de ce projet de budget, le groupe des Républicains et Indépendants suivra les recommandations du rapporteur spécial de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à un passé récent, la fonction publique n'est pas mise à mal. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce changement d'état d'esprit. Votre conception du service public, votre approche pragmatique en faveur du « mieux d'Etat » et votre compréhension des besoins concrets des fonctionnaires et des usagers méritent toute notre attention.
Le projet de budget que vous nous présentez montre combien votre action ne s'inscrit pas sous le signe de la continuité. Il reflète parfaitement les priorités du Gouvernement et marque une rupture nette avec la stratégie du « moins d'Etat », choisie par M. Juppé et votre prédécesseur, M. Perben.
Contrairement à ce que préconise M. Lambert, rapporteur général du projet de loi de finances pour notre Haute Assemblée, il convient d'emblée de se féliciter de l'augmentation des crédits consacrés à la fonction publique et de l'arrêt du mouvement de réduction des effectifs.
J'insisterai ensuite sur la méthode de concertation que vous avez adoptée et sur votre volonté de transparence, qui permettent de renouer le dialogue social et de progresser sur les questions essentielles.
Enfin, au-delà de l'examen du projet de budget proprement dit, je m'attacherai à dégager les pespectives du « nouveau pacte républicain » au coeur duquel vous situez l'action de votre ministère, en vous posant un certain nombre de questions destinées à clarifier la situation.
Le premier point de mon intervention concernera donc la hausse des crédits et la création nette d'emplois qui caractérisent votre projet de budget.
L'augmentation de 20 % de vos crédits mérite d'être soulignée, non seulement parce que cette hausse est nettement supérieure à la progression générale des dépenses de l'Etat, mais aussi parce que la répartition de ces crédits, qui atteignent 1,47 milliard de francs, est significative des priorités du Gouvernement.
Ainsi, nous sommes heureux de constater que les crédits de l'action sociale interministérielle progressent de 41 % et atteignent 900 millions de francs. Justifiée par la dotation d'une enveloppe complémentaire de 230 millions de francs en faveur des « opérations d'action sociale », cette croissance nous satisfait d'autant plus que 150 millions de francs seront affectés au logement des fonctionnaires, lesquels sont confrontés, chacun le sait, à de réelles difficultés, surtout dans l'agglomération parisienne et dans les grandes villes en général.
Certains pourraient regretter, en contrepartie, qu'aucun coup de pouce ne soit donné aux crédits d'intervention interministériels de formation et de modernisation, au moment où vous vous attelez, monsieur le ministre, à favoriser l'émergence d'un Etat moderne.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Jacques Mahéas. Il est vrai que la droite sénatoriale ne pourrait guère se permettre de vous le reprocher.
M. Jean-Jacques Hyest. Si !
M. Jacques Mahéas. On se souvient en effet de la réduction draconienne des crédits de formation l'an dernier - ils se sont trouvés amputés de près de 30 %, monsieur Hyest - et de la diminution de près de 45 % des crédits de modernisation. Estimons-nous donc satisfaits de voir ces crédits retrouver le niveau de 1997 après annulation.
Autre preuve de pragmatisme et de rigueur dans les choix budgétaires, le fonds de délocalisations publiques sera abondé de 26 millions de francs en crédits de paiement, afin de couvrir les autorisations de programme déjà accordées et de contribuer au lancement, en 1998, des opérations prévues par le CIAT.
Quant à la dotation de 112,5 millions de francs au fonds pour la réforme de l'Etat, elle correspond au niveau d'exécution de 1997 après annulation et favorise les initiatives des collectivités territoriales grâce aux 75 millions de francs consacrés aux opérations à caractère local.
Venons-en maintenant à la principale spécificité de votre projet de budget, à savoir la création nette d'emplois.
En effet, il se caractérise clairement par la rupture avec la stratégie de réduction systématique des effectifs comme objectif en soi.
Après la suppression nette de 5 600 emplois civils inscrite dans la loi de finances pour 1997, le présent texte prévoit, pour 1998, un solde net positif de 490 emplois. Même légère, cette progression des effectifs constitue un signal fort et une approche pragmatique de la fonction publique.
Parmi les bénéficiaires, citons l'éducation nationale qui, contrairement à l'année dernière, ne connaît aucune diminution de ses effectifs. L'enseignement supérieur reçoit 1 354 emplois budgétaires supplémentaires et l'enseignement scolaire 183 postes. La justice voit également ses effectifs augmenter de 762 unités, contre seulement 327 l'an dernier.
N'en déplaise à M. Lambert, les quelques créations de postes dans le secteur public sont bienvenues et répondent aux attentes.
Vous pouvez donc compter sur notre soutien, monsieur le ministre. Loin de me faire l'écho du réquisitoire habituel contre l'emploi public et contre le poids insupportable des dépenses publiques, j'en appelle à votre volonté de valoriser les missions dont nos agents publics assurent l'exécution quotidienne auprès des usagers.
Abordons maintenant le deuxième point, qui porte sur la nature de votre démarche.
L'un des principes de votre action et de votre méthode, monsieur le ministre, consiste, depuis votre nomination, à favoriser la concertation en amont. Ce souci de dialogue social vous honore.
Comme chacun a pu le constater, il s'est d'emblée concrétisé par la reprise des négociations avec les organisations syndicales, alors que le contentieux salarial était très lourd, puisque le dernier accord remonte à novembre 1993. Non seulement vous avez respecté l'engagement du précédent gouvernement, qui avait décidé deux mesures unilatérales de revalorisation - 0,5 % au 1er mars et 0,5 % au 1er octobre - mais vous avez surtout renoué le dialogue avec les partenaires sociaux. Même si les marges de manoeuvre sont étroites, votre volonté d'aboutir est réelle. En témoignent les 3 milliards de francs déjà inscrits au budget des charges communes, au titre des « provisions destinées à couvrir les ajustements complémentaires de rémunérations publiques pouvant intervenir en 1998 ». Il faut noter, à ce propos, que cette enveloppe est en hausse de 1,5 milliard de francs par rapport à 1997. L'effort n'est pas négligeable.
De toute évidence, cette orientation est aux antipodes des propositions de notre rapporteur général. Quand on veut réduire les dépenses publiques de 21,3 milliards de francs afin de poursuivre la politique du gouvernement Juppé, il est tellement plus facile d'économiser de 3 à 4 milliards de francs sur la fonction publique ! Il suffit de geler les rémunérations des fonctionnaires et de diminuer les effectifs, ce qui revient à supprimer les 3 milliards de francs provisionnés et la ligne nouvelle de 230 millions de francs visant à financer l'« action sociale interministérielle », sans parler des deux amendements de réduction des crédits à l'article 27.
Nous disons « non » à cette politique droitière de restriction, dont les résultats ne sont nullement probants. Nous la rejetons avec d'autant plus de vigueur que le temps de la concertation et des actions transversales, mises en oeuvre par vos soins, est enfin revenu.
C'est dans cet état d'esprit que vous avez abordé la question de la déconcentration des services et que vous concevez la modernisation de l'Etat.
En effet, il ne s'agit pas d'imposer un modèle uniforme. Votre intention de constituer une mission de la prospective dans chaque ministère reçoit mon assentiment. La systématisation des études d'impact avant toute nouvelle décision, sur laquelle vous insistez, est une bonne chose.
Par ailleurs, la mise en oeuvre d'actions de coordination avec et entre les ministères appelés à élaborer des plans de modernisation se révèle également souhaitable. Il en est de même de la gestion des ressources humaines et de votre volonté d'améliorer la mobilité des fonctionnaires. A cet égard, la mission confiée à Rémi Schwartz sur la fonction publique territoriale, dont les conclusions seront rendues en février prochain, nous permettra de mieux apprécier les difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités locales en matière de recrutement, de formation initiale et continue et de gestion des carrières.
Parlons enfin, et ce sera mon troisième point, des perspectives d'une fonction publique modernisée et efficace.
Le Gouvernement veut un Etat plus accessible, « lisible » et transparent, un Etat plus efficace. C'est parfait.
Dans une communication, lors du conseil des ministres du 5 novembre, vous avez d'ailleurs défini les grands axes de la politique que vous entendez conduire en ce qui concerne la réforme de l'Etat, qui doit s'opérer afin que l'Etat soit « garant de l'intérêt général et de la cohésion sociale ».
A la différence du précédent gouvernement, vous comptez engager et mener cette politique en étroite concertation avec les agents, très en amont des décisions. Sans revenir sur le contenu de cette réforme de l'Etat qui se poursuit dans la continuité de l'action de la gauche, je m'attacherai à vous interroger, monsieur le ministre, sur deux points, après avoir relevé les mesures de simplification administrative en faveur des PME présentées par Mme Lebranchu lors du conseil des ministres, mercredi dernier.
Tout d'abord, face à l'opacité qui persiste à régner en matière de rémunérations, vous préconisez, à juste titre, d'introduire de la transparence. La transparence est, en effet, une des conditions de la réussite de la réforme de l'Etat et un facteur essentiel de la mobilité. C'est dans cette optique que vous prévoyez de faire élaborer tous les deux ans un rapport sur la répartition et le montant des primes dans chaque ministère.
M. Jean-Jacques Hyest. Au noir ! On ne l'a jamais su !
M. Jacques Mahéas. Votre intention de faire la lumière sur les fameuses primes, dont les montants importants dans la haute fonction publique faussent la connaissance exacte des revenus des fonctionnaires, me convient entièrement.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Jacques Mahéas. J'espère que ce n'est qu'une première étape.
Il serait bon, dans un second temps, d'aller au-delà d'une simple connaisance des rémunérations globales. D'ores et déjà, disposerez-vous de l'autorité nécessaire pour que les différents ministères se montrent coopératifs ? De quels moyens comptez-vous vous doter pour mener à bien cette tâche ?
Ensuite, j'aimerais vous interroger, monsieur le ministre, sur la réforme de la commission de modernisation du Conseil supérieur de la fonction publique que vous préconisez.
Comment concevez-vous la composition de cette instance ? Il semblerait que vous envisagiez de prévoir une représentation des usagers : sous quelle forme, dans quelle proportion et selon quelles modalités ? Qu'en sera-t-il des autres représentants et qu'adviendra-t-il du fonctionnement et du rôle de cette commission ?
Par ailleurs, j'ai quelques questions à vous poser à propos de l'avenir des agents de la fonction publique, qu'il s'agisse de la fonction publique territoriale ou de celle de l'Etat.
Vous vous attachez notamment à appliquer le protocole d'accord sur la précarité qui a été signé par le gouvernement Juppé, et vous souhaitez accélérer l'application du plan de résorption de l'emploi précaire, créé par la loi du 16 décembre 1996. Disposez-vous d'un premier bilan ou d'une estimation chiffrée sur la mise en oeuvre des concours ? Comment envisagez-vous d'augmenter le nombre des concours réservés sans réduire de manière excessive celui des concours réguliers d'accès à la fonction publique ?
A notre grande satisfaction, vous avez également annoncé, à l'Assemblée nationale, que « les mesures prises en faveur de l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique feront l'objet d'instructions particulières, afin de redonner à ces dispositions toute l'efficacité qu'il convient ». Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce propos ?
Dans un autre ordre d'idées, vous souhaitez préserver le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Nous nous réjouissons que le projet de loi de finances rectificative pour 1997 permette de relever le seuil d'assujettissement du « 1 % solidarité ». Pouvez-vous nous le confirmer ? Dans l'affirmative, quelle sera l'ampleur de ce relèvement ?
S'agissant de la fonction publique territoriale, je vous sais gré, monsieur le ministre, d'être attentif au problème posé par l'actuelle rédaction de l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984, modifié par l'article 70 de la loi du 16 décembre 1996. Vous vous êtes déclaré prêt, lorsqu'un texte législatif permettra de l'accueillir, à proposer une disposition confirmant le droit, pour les agents recrutés après l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984, de bénéficier des avantages collectivement acquis. Je vous en remercie, et j'espère que vous nous confirmerez votre engagement.
Vous avez par ailleurs annoncé que vous envisagiez de proroger le congé de fin d'activité, le CFA. Nous y sommes tout à fait favorables. Les maires s'interrogent, cependant, sur le financement de sa prolongation. Les réserves du régime de l'allocation temporaire d'invalidité, l'ATI, seront-elles mises à contribution ? Où en sont ces réserves ? L'amélioration des conditions d'attribution du CFA est-elle prévue ? La pérennisation du dispositif est-elle envisageable ?
Il semble en outre difficile de laisser la fonction publique à l'écart de l'aménagement du temps de travail. De toute évidence, on ne peut aborder le problème comme on le fait dans le secteur privé, où des réorganisations et des aménagements du travail peuvent se traduire par des recettes supplémentaires. C'est pourquoi il vous est apparu nécessaire de procéder à un état des lieux, compte tenu de la diversité des situations dans les trois fonctions publiques. Pour que cela soit tout à fait crédible, il est cependant indispensable qu'une date butoir soit fixée. Avez-vous réfléchi à un éventuel calendrier en ce domaine ?
Par ailleurs, songez-vous à prendre des dispositions, moyennant concertation préalable, pour transformer les heures supplémentaires en emplois ?
Je terminerai par les emplois-jeunes. Ils ne peuvent se situer dans le champ traditionnel des compétences du secteur public. Ils ont pour vocation d'être pérennisés dans les secteurs marchand ou associatif, pour lesquels il n'y a pas de demande solvable matérialisée. Si une partie de ces emplois-jeunes peut revenir au secteur public, ce sera par la voie normale d'accès.
Pouvez-vous me préciser votre position en ce domaine ? Comment vous inscrivez-vous dans ce débat ?
En conclusion, votre budget est un bon budget, tel qu'il est, bien évidemment, sans les amendements proposés par la droite. Le groupe socialiste et apparentés vous apporte tout le soutien dont avez besoin dans cet hémicycle pour éviter qu'il ne soit dénaturé (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Dérian.
M. Jean Dérian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons aujourd'hui est l'occasion d'analyser, de manière bien trop succincte certes, le financement de la fonction publique.
Notre gouvernement a remis en cause la volonté de « dégraisser » la fonction publique, pour employer l'expression favorite de la majorité sénatoriale.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Dégraisser le mammouth !
M. Jean Dérian. Eh oui !
Ce sont donc 5 600 emplois civils qui ont été sauvés.
Votre action, monsieur le ministre, et celle du Gouvernement marquent, de toute évidence, un coup d'arrêt à la politique de droite. Cependant, malgré ce renversement de la vapeur - en tant que retraité cheminot, ayant conduit pendant mon activité des locomotives à vapeur, je sais ce que cela veut dire ! - seulement 490 emplois nets sont créés cette année. Cela est bien, mais peu !
De même, si de grands services publics comme l'éducation nationale et la justice sont les deux bénéficiaires de ces créations d'emplois, ce dont nous nous félicitons, il n'en demeure pas moins que nous sommes très dubitatifs et inquiets quant aux suppressions d'emplois programmées par les ministères de l'équipement, des finances, de l'industrie, des anciens combattants, des affaires étrangères, de l'intérieur ou de la coopération.
Il va de soi, par ailleurs, que ces faibles créations d'emplois ne permettent pas d'envisager une quelconque mise en place de la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Aucun crédit ne semble d'ailleurs être réservé à cet effet.
Pourrez-vous, monsieur le ministre, nous préciser comment comptez-vous mettre en place les trente-cinq heures dans la fonction publique ?
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Bonne question !
M. Jean Dérian. Merci !
Cela va-t-il être négocié avec les syndicats de fonctionnaires et les administrations, qu'elles soient nationales ou locales ?
Je viens de parler de négociations, ce qui me conduit tout naturellement à la question salariale.
Vous savez comme moi, monsieur le ministre, qu'il est urgent d'engager une réelle revalorisation salariale non seulement pour les fonctionnaires, mais aussi pour l'économie française tout entière.
Après avoir gelé toute évolution générale des traitements en 1996, le gouvernement précédent annonçait deux mesures unilatérales de revalorisation de 0,5 % chacune, avec effet respectivement les 1er mars et 1er octobre 1997. Or, sur la base des derniers indices connus, l'inflation hors tabac depuis le 1er janvier 1996 s'élève à 2,24 %, ce qui traduit une baisse du pouvoir d'achat pour les fonctionnaires de 1,77 %.
Ce constat général doit être complété par l'examen particulier de la situation des agents situés au bas de la grille des rémunérations. Aujourd'hui, en effet, le SMIC correspond à l'indice brut 243, qui est le premier échelon de l'échelle 4, et ils sont plus de 100 000 dans l'ensemble des trois fonctions publiques à avoir un traitement inférieur au SMIC ! Ce n'est pas acceptable, même si les rémunérations annexes leur permettent de percevoir une rémunération effective égale au SMIC.
Nous nous félicitons de votre volonté de négocier avec les organisations syndicales sur cette question autant que nous nous interrogeons sur la limitation à 3 milliards de francs de la somme allouée à la revalorisation des traitements des fonctionnaires.
Lors de ces négociations, le groupe communiste républicain et citoyen aimerait qu'il y ait un débat, avec les organisations syndicales sur les emplois-jeunes.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. C'est encore une bonne question ?
M. Jean Dérian. Effectivement, la fonction publique a un rôle considérable à jouer dans le cadre d'une politique pour l'emploi des jeunes, particulièrement dans la concrétisation des 350 000 emplois qui leur sont destinés dans le secteur public et associatif, à condition que ces emplois ne remplacent pas des postes ayant vocation à être occupés par des fonctionnaires et qu'ils donnent lieu à une pérennisation dans le secteur public à l'échéance des cinq années.
A cet effet, nous proposons qu'il soit créé dès maintenant un collectif ayant pour tâche la pérennisation de ces emplois et leur adaptation à la grille de la fonction publique.
La création de ces emplois-jeunes doit permettre de faire un bilan des besoins et des priorités dans la fonction publique. C'est l'occasion de réaffirmer la nécessité d'un service public fort et de faire valoir l'utilité d'une grande administration.
Les attentes sont également fortes, tant pour ce qui est de la pérennisation, au-delà du 31 décembre 1997, du contrat de fin d'activité et de la poursuite de la résorption de l'emploi précaire que pour ce qui concerne la reconnaissance, comme le préconise la jurisprudenceBerkani, de la qualité d'agent public aux contractuels.
La majorité sénatoriale ayant déposé deux amendements de réduction des dépenses, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra, par conséquent, monsieur le ministre, voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir entendu notre excellent collègue M. Philippe Marini, rapporteur spécial de notre commission des finances, dont les propos, par leur clarté et leur précision, nous ont parfaitement éclairés, je me dispenserai de citer trop de chiffres, me contentant d'aborder quelques points qui me tiennent particulièrement à coeur.
Je rappellerai cependant qu'en 1998 les dépenses de la fonction publique progresseront de 2,9 %, soit deux fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'Etat.
Elles dépasseront le seuil de 600 milliards de francs, atteignant ainsi la part de 38,4 % du budget général, ce qui constitue le pourcentage des dépenses publiques le plus élevé en Europe.
Loin de moi l'idée de remettre en cause le rôle indispensable des fonctionnaires, dont nous mesurons chaque jour la compétence, la disponibilité et le sens de l'Etat.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Serge Vinçon. Toutefois - notre excellent rapporteur l'a clairement rappelé - l'Etat ne parvient pas à maîtriser la dépense de la fonction publique. En effet, alors même que la décentralisation s'effectuait, les administrations centrales de l'Etat ont continué à augmenter leurs effectifs, et les emplois sociaux, quant à eux, poursuivaient leur inexorable progression.
Ce n'est qu'en 1997, grâce à l'action du gouvernement précédent, qu'a été marqué l'arrêt souhaitable de cette évolution, qui a permis une économie de près de un milliard de francs. Aussi, je regrette que, pour l'an prochain, cette orientation, pourtant la seule possible pour amorcer une modernisation de l'Etat et une diminution de la dépense publique, soit abandonnée.
Dans ce contexte, seule une réforme de l'Etat peut inverser cette tendance. C'était d'ailleurs au centre des priorités du précédent gouvernement et cela répondait à la volonté du Président de la République, M. Jacques Chirac, de placer la réforme de l'Etat et des services publics au premier rang des préoccupations gouvernementales.
En effet, la France dispose d'une administration et de services publics d'une qualité élevée. Cette qualité ne peut cependant les dispenser d'une adaptation aux aspirations de nos concitoyens ainsi qu'aux exigences nouvelles d'une économie ouverte sur le monde et d'une société marquée par le développement des phénomènes d'exclusion.
Réformer l'Etat, monsieur le ministre, c'est d'abord s'interroger sur son rôle, car la dimension centrale de l'Etat moderne consiste à prévoir, analyser, concevoir et évaluer. Ces fonctions de régulation doivent être clairement distinguées du rôle d'opérateur, qui consiste à gérer, à appliquer des réglementations ou à servir des prestations. Le rôle d'opérateur n'a aucune vocation à être centralisé. C'est donc sur ce point particulier que doivent notamment porter votre action et vos efforts.
Par ailleurs, l'Etat doit être plus modeste dans sa prétention à vouloir tout régler, mais plus ferme dans sa volonté de bien accomplir les missions qui lui reviennent.
C'est ensuite à la lumière de ses missions redéfinies que l'on peut poser, en des termes adéquats, la question de l'organisation de l'Etat.
Il faut déléguer les responsabilités. En effet, l'Etat central souffre de pesanteur. Le nombre des directions centrales et assimilées est trop élevé. Cette segmentation excessive est coûteuse en emplois, mais elle a également deux autres conséquences graves : elle complique, voire, parfois, rend impossible la mise en oeuvre des politiques interministérielles, et elle génère des procédures et des coûts budgétaires élevés, chaque direction étant amenée à justifier sa propre existence par la production incessante de textes et par la demande de crédits toujours croissants.
De plus, il faut mettre en place une véritable politique patrimoniale de l'Etat. Ce dernier possède un patrimoine très important, très mal connu et mal évalué. Dans un contexte où la situation des finances publiques est marquée par l'importance de la dette publique, il est légitime de chercher à mieux connaître et à exploiter l'actif de l'Etat, qu'il s'agisse de ses immeubles, de ses terrains, de ses équipements, de ses participations, de ses créances ou de ses droits incorporels.
On peut donc légitimement s'interroger sur les moyens adéquats pour une meilleure gestion de ce patrimoine. Or, aujourd'hui, de multiples questions se posent sur les intentions du Gouvernement à l'égard de la poursuite de la réforme de l'Etat.
Malheureusement, la lecture des différentes déclarations gouvernementales donne l'impression d'une fâcheuse absence de volonté politique, comme l'a d'ailleurs souligné notre collègue Philippe Marini tout à l'heure.
Au lieu d'engager une réflexion sur le rôle de l'Etat vis-à-vis du secteur privé, des collectivités locales et de l'Union européenne, ou même d'approfondir les résultats obtenus en matière de modernisation des structures, le Gouvernement se contente de poursuivre des objectifs comme « la simplification des procédures » ou « de nouvelles modalités de fonctionnement des services déconcentrés », objectifs qui mériteraient d'être précisés et concrétisés.
Cette situation est regrettable, car, sans une profonde réforme de l'Etat et des services publics, aucune action politique ne permettra de relever les défis auxquels notre pays doit aujourd'hui faire face.
Dans ces conditions, pourquoi attendre un hypothétique débat d'orientation au printemps prochain et des assises sur ce thème à l'automne 1998 ?
Une fois de plus, les décisions sont remises à plus tard et, par la même, les fonctionnaires comme les citoyens en seront les grands perdants.
Dans ces conditions, notre groupe approuvera les modifications et les amendements apportés par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté les orateurs : certains trouvent que tout va bien et qu'il faut continuer, d'autres considèrent qu'il faudrait peut-être faire quelques réformes dans la fonction publique. Pour certains, il n'y a pas assez d'emplois publics, pour d'autres, il y en a trop !
M. Emmanuel Hamel. Cela dépend dans quels secteurs !
M. Jean-Jacques Hyest. Attendez, mon cher collègue !
Il faut quand même rappeler que notre pays a créé près de un million de fonctionnaires depuis 1975 : 570 000 entre 1975 et 1980, 386 000 de 1980 à 1985 et 112 000 de 1985 à 1990.
M. Emmanuel Hamel. Cela a commencé sous Giscard !
M. Jean-Jacques Hyest. Attendez, mon cher collègue, laissez-moi continuer mon raisonnement !
En fait, ce qu'on oublie aussi de dire, c'est que la plupart des emplois ont été créés par les collectivités locales à l'occasion de la décentralisation - on ne le dit même jamais ; il ne faut surtout pas le dire ! - et, curieusement, principalement dans les communes, alors que peu de compétences nouvelles leur ont été confiées. En fait, la raison est que des besoins nouveaux ont été créés.
On n'a pas vraiment tenu compte de la décentralisation en ce qui concerne la fonction publique de l'Etat. De plus, à partir du moment où l'on a transféré des compétences, on l'a fait pour un certain nombre de services, mais on n'a pas été jusqu'au bout.
Des réformes me paraissent donc évidentes.
Certains se plaignent que les directions départementales de l'équipement et les directions départementales de l'agriculture aient perdu des effectifs. Mais peut-être faudrait-il redéfinir les missions, la plupart d'entre elles étant maintenant confiées aux collectivités locales ! Une tentative avait été faite. Voilà le genre de questions que l'on peut se poser en toute objectivité, sans entrer dans une querelle de chiffres à propos du nombre de fonctionnaires.
Bien sûr, monsieur le ministre, qu'il convient, globalement, de réfléchir à une diminution des effectifs de la fonction publique de l'Etat. Mais au problème de la quantité s'ajoute celui de la qualité, car les métiers évoluent. Toute organisation vivante fait évoluer les choses. Sans parler de la répartition géographique des fonctionnaires, qui est extrêmement variable.
Je peux vous donner des exemples de ratios de fonctionnaires, notamment dans les préfectures, qui, par rapport à la population, passent quelquefois de 1 à 2 ! Ce sont encore des choses que l'on ne dit jamais et que l'on ne changera jamais !
Par exemple, dans les départements urbanisés de la région d'Ile-de-France, nous sommes en sous-administration, nous le savons. Nous le sommes du point de vue de la police, de l'enseignement, notamment dans l'académie de Créteil.
A-t-on le droit de poser ces questions ?
N'est-ce-pas une vocation de l'Etat de procéder à une évaluation et ensuite de réformer ce qui doit l'être ?
On a critiqué le rapport d'un inspecteur général. Peut-être était-il un peu trop abrupt, mais, après tout, il est bon de temps en temps de dire des choses abruptes pour faire réfléchir. Son rapport comportait beaucoup de réflexions extrêmement utiles à tout ministre de la fonction publique,et on n'en a gardé qu'une phrase, comme d'habitude !
Monsieur le ministre, vous avez dit qu'on avait cessé désormais tout débat idéologique sur la diminution des emplois publics, et que cela allait faciliter le dialogue. Tant mieux ! Mais je crois que le but de l'Etat n'est pas uniquement de faciliter le dialogue !
Vous avez dit que vous acceptiez le titre de ministre de la réforme de l'Etat. Mais pourquoi réformer l'Etat ? Réformons les services de l'Etat. L'Etat, c'est une entité qui existe en soi, qui forme un tout.
Beaucoup de réformes sont à accomplir, notamment pour mettre en oeuvre la déconcentration qui a été engagée depuis de nombreuses années par votre prédécesseur. Cette démarche doit être poursuivie.
Vous connaissez l'expérimentation qui a été faite dans les collectivités locales avec les contrats de services. C'est très positif ! Les agents sont mobilisés sur le terrain ; on peut voir ainsi si les tâches sont bien ou mal accomplies. Cela permet, bien entendu, de redéfinir les mission des agents.
Ces actions doivent être poursuivies, de même que doit l'être tout ce qui concourt à la gestion décentralisée des agents de l'Etat. La gestion purement centralisée et jacobine, n'est plus de mise. M. le ministre de l'éducation nationale l'a dit lui-même : il faut qu'on aille vers une gestion plus décentralisée et développer ce qui a déjà été fait pour certains corps. Cela est profitable aux agents, ainsi qu'au service public.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que la fonction publique est un mal nécessaire. Mais il faut, et vous l'avez dit, que l'Etat se concentre de plus en plus sur ses tâches régaliennes. Je ne suis pas sûr qu'il soit tout à fait de bonne méthode pour un Etat moderne que des milliers de fonctionnaires se penchent sur les actes des collectivités locales pour savoir si l'on a avancé d'un échelon. Ils font le même travail que ceux qui ont rédigé les arrêtés. Ils y consacrent beaucoup de temps. On pourrait simplifier à ce niveau, d'autant que d'autres contrôles s'exercent.
Le contrôle de légalité me semble totalement inefficace à l'heure actuelle. Il serait préférable de passer des contrats avec les collectivités locales et de respecter les engagements plutôt que d'employer des fonctionnaires qui perdent leur temps à effectuer un contrôle tatillon.
C'est notre faute aussi : le législateur fait des lois de plus en plus tatillonnes. Parce que les fonctionnaires sont vertueux, ils appliquent la loi. Quand on leur dit qu'il faut réglementer, ils réglementent et ils créent des circulaires. Cela occupe un personnel nombreux. Je ne suis pas sûr que ce soit utile.
En tout cas, cela augmente l'insécurité juridique, cela accroît, bien entendu, le découragement des collectivités locales, mais aussi celui, des acteurs économiques.
Le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat vient de prendre trente-sept mesures de simplification administrative ; tant mieux ! Mais je crois qu'il ya a encore quelques milliers de mesures à prendre pour que notre Etat soit vraiment un Etat moderne et que les fonctionnaires se consacrent à leur mission essentielle, qui est le service public. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive, je voudrais tout de même, avant de présenter plus particulièrement mon budget, évoquer, comme l'ont fait d'ailleurs la plupart des orateurs, les problèmes qui se posent dans mon ministère.
Mon ministère - on l'a rappelé - comporte trois composantes : la fonction publique, la réforme de l'Etat et la décentralisation. Ces compartiments ont en commun de se situer au coeur du nouveau pacte républicain que M. le Premier ministre a défini le 19 juin dernier comme le socle de l'action du nouveau Gouvernement.
L'action que j'entends conduire dans ces trois domaines sera fondée sur un élément de méthode : la concertation, qui doit s'établir sur des bases solides de confiance et d'estime réciproques avec l'ensemble de mes interlocuteurs, que ce soient, outre la représentation nationale, les élus locaux, les organisations syndicales de la fonction publique ou les usagers.
Il faut le dire, depuis 1993, les relations sociales ont été marquées par une certaine défiance envers la fonction publique. Je me suis attaché, depuis mon arrivée, à montrer concrètement la considération du Gouvernement pour l'ensemble des fonctionnaires.
C'est un point important. J'ai entendu les intervenants évoquer un certain nombre d'éléments de discours tenus par les uns et les autres ; le rapport de M. Choussat a notamment été mentionné.
Toutes les imputations qui ont pu être faites à la fonction publique sur le registre : « Il y a trop de fonctionnaires ! La fonction publique pèse trop lourd dans le budget de l'Etat ! » me paraissent toujours marquées au coin d'une certaine idéologie ou tout au moins d'un certain a priori. Et cela d'autant que, d'un autre côté, on va dire, la main sur le coeur - je l'ai entendu à l'instant - qu'on a la plus grande estime pour les fonctionnaires, pour leur action, pour leur utilité, pour leur dévouement.
Qu'est-ce qui permet de dire comme cela, a priori, qu'il y a trop de fonctionnaires ?
M. Jean-Jacques Hyest. Ou qu'il n'y en a pas assez !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. M. Choussat dans son rapport dit, comme ça, au jugé qu'il y aurait 10 % de fonctionnaires en trop. Cela ne fait pas beaucoup avancer le débat ! M. Choussat aurait fait oeuvre utile s'il avait dit dans quels secteurs, à quels endroits il y avait trop de fonctionnaires. Il aurait alors suscité un intérêt bien plus grand, même de ma part.
Qu'est-ce que j'entends à travers les réclamations qui sont émises, y compris par les élus que vous êtes tous, mesdames, messieurs les sénateurs,...
M. Emmanuel Hamel. Pas tous !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... ou presque tous.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Il y a de brillantes exceptions !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. J'entends dire : « Il n'y a pas assez de policiers dans mon département, dans ma circonscription,...
M. Jean-Jacques Hyest. Ils sont peut-être mal répartis !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... il n'y a pas assez de professeurs, il n'y a pas assez d'infirmières dans mon hôpital. »
Je crois que le Gouvernement a pris la bonne position en décidant d'arrêter, en 1998, de poser comme une sorte d'objectif incontournable la réduction du nombre des fonctionnaires. C'est une position concrète au regard de la loi de finances, mais c'est aussi un signe de confiance à l'égard de la fonction publique, dont on cesse de poser a priori qu'elle est sous-utilisée, sous-employée, qu'il faut absolument réduire le poids de son budget pour le bien-être de la nation.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Tout va bien !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Aussi, dans le projet de loi de finances pour 1998, le nombre des fonctionnaires a été stabilisé. Il est en légère augmentation, de l'ordre de 500 unités. Il a été procédé à des redéploiements dans le cadre de cette contrainte générale.
Monsieur Dérian, j'ai engagé une série d'entretiens bilatéraux avec les organisations syndicales pour déterminer si les conditions d'une négociation salariale en fin d'année étaient réunies. Il est encore trop tôt pour le dire. Toutefois, je souhaite vivement que nous y parvenions, après cinq années passées sans accord salarial, même si les marges économiques et budgétaires sont étroites.
La politique salariale fait en effet partie d'un dialogue social que le Gouvernement entend renouer. De ce point de vue, le signal que le Sénat a adressé aux fonctionnaires en supprimant, dans le budget des charges communes, la provision pour mesures générales intéressant les agents du service public ne pourra qu'être assez mal ressenti par les intéressés, permettez-moi de vous le dire.
M. Jacques Mahéas. On va faire de la publicité !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Doit-on considérer que la majorité sénatoriale entend interdire toute revalorisation des traitements en 1998 ? Cela ne me paraît pas particulièrement opportun.
Pour ma part, j'ai indiqué que le Gouvernement proposerait au Parlement un dispositif législatif visant à proroger le congé de fin d'activité dont nombre d'intervenants ont bien voulu saluer les bons résultats.
D'ores et déjà, avant le 31 décembre 1997, nous prendrons les dispositions nécessaires à une prorogation d'un an, ce qui ne nous empêchera pas par la suite d'examiner, en concertation avec les syndicats, comment modifier ce système dans ses modalités et ses modes de financement.
Le congé de fin d'activité a profité, au cours de l'année 1997 - pour autant que l'on puisse estimer les résultats d'une année qui n'est pas encore terminée - à environ 16 000 ou 17 000 personnes.
Oui, monsieur Mahéas, la politique d'action sociale interministérielle sera renforcée. Elle permettra de gommer quelque peu certaines inégalités parfois criantes entre les départements ministériels, voire entre régions différentes ; elle portera notamment sur le logement des fonctionnaires. Le dialogue déconcentré sera encouragé pour la gestion de cette action sociale. Je sais que la commission des finances a déposé un amendement visant à réduire les crédits affectés à cette action de 230 millions de francs. J'en suis quelque peu étonné...
M. Emmanuel Hamel. Vous n'êtes pas le seul !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... et, entre autres raisons, parce que des promesses, d'ailleurs non financées, avaient été faites par mon prédécesseur sur ce point !
Marque de notre souci de la continuité républicaine, l'effort de résorption de la précarité, tel qu'il a été prévu par le protocole du 14 mai 1996, par conséquent sous l'ancien gouvernement, sera poursuivi avec détermination.
Certes, les concours réservés pèsent sur l'équilibre des recrutements dans leur ensemble. La situation est d'ailleurs assez contrastée suivant les ministères. Mais, conscient de ce problème, le Gouvernement, outre la faible création nette d'emplois en 1998, a autorisé, dès 1997, le dégel de certains emplois dans les ministères où la situation est la plus difficile au regard des concours réservés nécessaires.
Plus précisément, s'agissant de la fonction publique territoriale, puisque la question m'a été posée par M. Mahéas, nous publierons prochainement un décret permettant la titularisation, y compris dans le cadre A, des personnes qui étaient en poste en 1984.
Par ailleurs, des concours nécessaires pour résorber la précarité ont déjà permis de pourvoir 5 047 postes.
Les mesures prises en faveur de l'emploi des personnes handicapées feront l'objet d'instructions particulières, afin de leur redonner l'efficacité qu'il convient. Il faut voir, là aussi, la marque de notre souci de continuité dans l'action des pouvoirs publics.
La question des fonctionnaires ayant servi en Afrique du Nord est une question délicate, dont j'ai d'ailleurs déjà été saisi. Je peux vous indiquer, monsieur Dérian, qu'une concertation ministérielle s'engage sur ce point.
En ce qui concerne la réduction du temps de travail, je ne peux que vous confirmer ce que j'ai eu naguère l'occasion de dire ici même. Il faut évidemment tenir compte de l'extraordinaire diversité des régimes de travail, et de la diversité dans la nature de l'unité de mesure du temps de travail : on ne peut pas mettre sur le même plan l'heure de cours du professeur, l'heure d'astreinte du pompier, l'heure de bureau d'un fonctionnaire d'administration centrale.
Etant donné cette extrême diversité des régimes de travail, étant donné la multiplicité des interlocuteurs - je pense notamment aux collectivités territoriales, qui ont elles-mêmes mis en place des régimes de travail très variés -...
M. Jean-Jacques Hyest. Oui ! Il faut y penser !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nous y pensons !
... toute avancée sur le terrain du temps de travail dans la fonction publique suppose qu'un état des lieux complet soit préalablement établi.
C'est cet état des lieux que nous allons engager, dans des conditions que j'évoque d'ailleurs en toute franchise, avec les organisations syndicales.
J'en viens à la réforme de l'Etat.
La réforme de l'Etat est une constante dans l'histoire de la République : on en parle depuis des décennies, et l'on obtient des résultats divers. Mais, après tout, aucune organisation humaine ne peut se dispenser de chercher à s'adapter, à évoluer, à s'améliorer.
Il m'a semblé percevoir à travers certaines interventions, notamment celle de M. le rapporteur spécial, un certain scepticisme quant à ma volonté de poursuivre la réforme de l'Etat. Je vous le dis très clairement, monsieur Marini : ne doutez pas de ma volonté ni de l'engagement du Gouvernement.
Ainsi, nous allons mettre en oeuvre la déconcentration des quelque six cents décisions individuelles qui avaient été amorcées sous le précédent gouvernement, ainsi que celle des quelque 400 suppressions ou simplifications de procédures d'autorisation.
Nous allons donc continuer dans cette voie, car tout ce qui a été entrepris par le gouvernement précédent ou par le Commissariat à la réforme de l'Etat mérite estime et n'a pas à être remis en cause.
Toutefois, deux éléments d'inflexion interviendront, il faut le dire clairement.
Tout d'abord, nous allons donner plus de place à la concertation.
Je crois qu'il y a eu, sous le gouvernement précédent, un certain déficit de concertation qui a pu provoquer, ça et là, des blocages ; je pense notamment à ce qui s'est passé lors des expérimentations menées en matière de regroupement des directions départementales de l'équipement et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt.
On ne réformera pas l'Etat sans et encore moins contre les fonctionnaires. J'ai donc l'intention de renforcer cette concertation en amont, au niveau central comme au niveau déconcentré, avec tous ceux qui sont concernés par la bonne marche du service public : les élus locaux, les usagers, les associations, les entreprises et, bien entendu, les fonctionnaires.
J'ai réuni récemment la commission de modernisation du Conseil supérieur de la fonction publique. Cette instance comprend, à côté des administrations et des représentants des fonctionnaires, des élus et des représentants des usagers ; c'est donc un cercle assez représentatif et un lieu de dialogue approprié qui verra son rôle revalorisé.
La deuxième inflexion que nous voulons donner à la réforme de l'Etat porte sur les objectifs de celle-ci.
Pour le Gouvernement, réformer l'Etat c'est vouloir affermir le pacte républicain. L'Etat est au coeur du pacte républicain parce qu'il est un élément essentiel du service public qui garantit la cohésion sociale.
Le Gouvernement veut réformer l'Etat, mais ce n'est pas pour le rendre plus modeste ; il veut un Etat assuré de lui-même, ambitieux. Il veut un Etat moderne, pas un Etat modeste.
M. Hyest, qui a eu sur ce point-là des paroles que j'aurais pu prononcer moi-même, a dit par ailleurs que l'Etat devrait se limiter à ses fonctions régaliennes. Cela me paraît un peu restrictif, car il existe tout un ensemble de services publics qui débordent très largement les fonctions régaliennes et que l'Etat a vocation, chaque fois qu'il est le mieux placé, à assumer.
M. Jean-Jacques Hyest. Quand il s'occupe de tout, ça ne marche pas très bien !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je pense, notamment, à des domaines aussi divers que la santé ou l'éducation.
Vous voulons d'abord rendre l'Etat plus accessible, plus lisible et transparent. Nous voulons ensuite que l'Etat s'organise de manière plus déconcentrée, ne serait-ce que parce qu'il faut accompagner la décentralisation. Nous voulons enfin un Etat plus efficace.
Le 5 novembre dernier, j'ai fait une communication en conseil des ministres sur ces sujets. Ce n'était pas une manoeuvre dilatoire : c'était le début d'un processus qui doit déboucher, à l'automne 1998, sur des assises nationales de la réforme de l'Etat.
Auparavant, j'aurai déposé un projet de loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Partiellement issu de l'ancien projet de loi dit « ARAP », que M. Bordas évoquait tout à l'heure, ce nouveau texte suivra une logique générale plus large et ses objectifs seront plus ambitieux.
Il dotera l'usager de droits nouveaux, notamment en améliorant son accès aux documents administratifs et en donnant au médiateur de nouveaux moyens d'intervention. Il permettra également d'unifier et de simplifier les pratiques de diverses administrations.
Cette démarche constitue une illustration très concrète de notre volonté d'avancer : il n'y a pas d'arrêt de la réforme de l'Etat, j'y insiste.
A cet égard, les mesures de simplification destinées aux PME et aux PMI, qu'a récemment exposées Mme Lebranchu en conseil des ministres et qui ont été évoquées ce soir, sont significatives. Certes, elles sont très « ciblées » sur les PME et les PMI, mais on conviendra ici que c'est une bonne cible et qu'elles seront favorables au développement et à la création d'emplois.
En matière de déconcentration, notre politique marquera aussi une inflexion. Nous ne chercherons pas à plaquer sur le terrain un modèle unique et uniforme ; il paraît plus efficace de définir, dans la concertation, une série de formules-types d'organisation des services déconcentrés, parmi lesquelles les préfets, en liaison avec les élus locaux, les fonctionnaires et les usagers, choisiront celle qui leur paraîtra la mieux adaptée aux réalités de leur département.
M. Marini et M. Hyest m'ont interrogé sur le sort des contrats de service. C'est une contractualisation entre services centraux et services déconcentrés qui est actuellement expérimentée au sein des ministères de l'équipement, de l'éducation nationale et de l'industrie, et dont un premier bilan sera dressé dans quelques mois.
Le principe d'une telle contractualisation est bon, et il a été largement évoqué dans ma communication au conseil des ministres du 5 novembre.
Ces contrats précisent les missions des services déconcentrés, leurs objectifs et les moyens qui leur sont alloués, ainsi que les modalités d'évaluation de leurs résultats. Nous sommes donc tout à fait partisans de poursuivre cette expérience, sous réserve des bilans d'étape qui pourraient en être faits.
M. Vinçon m'a interrogé sur la gestion patrimoniale.
Un projet tendra effectivement à redéfinir et à faire évoluer la gestion patrimoniale de l'Etat.
Par ailleurs, nous avons souhaité la création de services de prospective dans chaque ministère. Cela témoigne de l'importance que nous attachons à la visibilité à moyen et long terme, tant pour le décideur que pour le public, des politiques menées.
Ces missions de prospective permettront notamment l'élaboration de plans pluriannuels de modernisation de chaque ministère. Ceux-ci pourront s'accompagner de contrats signés avec les ministères chargés du budget et de la réforme de l'Etat. Cela leur donnera une visibilité à moyen terme sur l'évolution de leurs moyens financiers et humains.
Le Gouvernement insistera également sur la systématisation des études d'impact avant toute nouvelle décision et leur élargissement aux collectivités locales. Nous prévoyons la rénovation du dispositif d'évaluation des politiques publiques. Cette politique, lancée par M. Michel Rocard en 1988, est tombée un peu en léthargie à partir de 1994. Nous souhaitons la revigorer.
Autre aspect important de la réforme de l'Etat : la conception de la gestion des ressources humaines par la fonction publique doit franchir une étape.
On parle de la réforme de la notation. Je ne sais pas si c'est tellement celle-ci qu'il convient de conduire. En tout cas, il faut y associer une politique d'évaluation qui permette réellement au fonctionnaire d'avoir régulièrement, avec son chef de service, ses supérieurs hiérarchiques, un entretien qui soit l'occasion d'évoquer ses points forts et ses points faibles, bien sûr, mais aussi ses besoins en formation, ses perspectives de carrière, de mobilité, d'évolution dans le métier. Il faut faire en sorte que le fonctionnaire se sente considéré et pris en charge. C'est une évolution qui se produit dans d'autres secteurs et que, selon moi, la fonction publique, dans le plus strict respect de ses principes, gagnerait à introduire dans son fonctionnement.
Il faut également favoriser la mobilité. M. Bordas évoquait la fusion des fonctions publiques territoriales et d'Etat ; c'est peut-être aller un peu loin. Je ne suis d'ailleurs même pas sûr que ce serait conforme à la Constitution.
En revanche, la mobilité est peut-être un substitut raisonnable à cette proposition. Elle est à l'évidence...
M. Jean-Jacques Hyest. Bloquée !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... elle sera à l'évidence une source d'enrichissement pour les fonctions publiques.
On parle volontiers de mobilité géographique, mais c'est aussi la mobilité d'une fonction publique à l'autre qu'il faut considérer.
J'ai demandé à l'inspection générale des affaires sociales de me rendre compte d'une mission d'investigation qui lui a été confiée pour essayer d'identifier les obstacles statutaires, pratiques, concrets qui, apparemment, s'opposent à cette mobilité entre les fonctions publiques, encore très insuffisante.
Les fusions de corps qu'évoquait M. Marini constituent une piste. Nous y sommes très favorables, notamment en ce qui concerne les corps équivalents des administrations centrales et des services déconcentrés.
Enfin, M. Mahéas a évoqué la transparence en matière de rémunération. (M. Hyest s'exclame.) Je me suis déjà exprimé sur ce sujet et je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu. Je n'ai jamais dit qu'il y avait dans la rémunération des fonctionnaires quelque secret honteux et prudemment caché. Il n'y a rien d'illégal dans la rémunération des fonctionnaires, où qu'ils se trouvent !
Je crois simplement qu'il est républicain que le peuple n'ait pas à se poser de questions et qu'il ne puisse pas avoir le sentiment que cette information est secrète, cachée.
Les systèmes de primes dans la police ont récemment été publiés. Nous continuerons cette démarche dans l'ensemble des administrations. En tout cas, je m'y appliquerai. Ne doutez pas de ma détermination à présenter un rapport, au moins biennal, sur ce sujet devant le Conseil supérieur de la fonction publique d'Etat.
Au demeurant, le ministre de la fonction publique, auquel on demande de jouer un certain rôle de pilotage pour résoudre des problèmes aussi divers que celui de la mobilité, a besoin d'une connaissance globale, analytique et synthétique de ces questions.
Un domaine ne figure pas de manière explicite dans le tryptique de l'intitulé de mon ministère : il s'agit de la politique des délocalisations publiques. Elle est le fruit d'une action continue menée par l'Etat depuis plus de quarante ans. Elle sera poursuivie en ce qui concerne le plan décennal 1991-2001 qui a été engagé par Mme Cresson.
D'ailleurs, contrairement à une idée répandue à tort, ce programme est en cours d'exécution. Nous en sommes parvenus à la sixième année d'application et il est réalisé à peu près aux deux tiers : un peu moins des deux tiers en emplois réellement délocalisés et un peu plus des deux tiers dans ce qui est d'ores et déjà programmé.
Il faudra simplement améliorer la procédure et développer la concertation le plus en amont possible et selon trois axes : d'abord, la cohérence du choix des sites d'accueil des organismes délocalisés avec la politique d'aménagement du territoire ; ensuite, l'incitation à ne pas cantonner les délocalisations de la région parisienne vers les grandes métropoles régionales, mais à jouer le jeu de la délocalisation des grandes métropoles régionales vers les villes moyennes et petites ; enfin, le respect du volontariat et la mise en oeuvre d'un dispositif d'accompagnement social efficace.
Je souhaite évoquer brièvement la décentralisation. Même si ce thème n'est pas au coeur du débat budgétaire de ce soir, je sais qu'il est cher à votre assemblée. La décentralisation doit être poursuivie, mais elle doit être rendue plus lisible pour nos concitoyens. En effet, si elle a atteint son objectif de dynamisation - il suffit de parcourir la province pour s'en convaincre - elle n'a pas, peut-être par défaut de lisibilité, provoqué chez nos concitoyens le regain d'implication citoyenne qui faisait partie des objectifs fixés.
Je serai ainsi amené à déposer devant le Parlement, au printemps 1998, un projet de loi sur les actions économiques des collectivités locales.
La réforme du régime actuel des interventions économiques est indispensable, à la fois parce qu'il faut chercher la meilleure efficacité par rapport à notre priorité - l'emploi - et parce qu'il faut que les élus, les décideurs disposent d'un ensemble des règles plus claires et plus lisibles.
La stratification de règles, de pratiques et parfois de jurisprudences obscurcit un peu la lisibilité. Elle compromet également l'action des décideurs sur lesquels pèse une exigence de probité incontournable. Il importe de préserver leur possibilité d'action sur un terrain clairement lisible et non piégé. Il faut donc sécuriser l'élu, porteur de probité.
Nous devons également harmoniser nos pratiques avec le droit européen.
Nous voulons, en outre, faciliter et encourager le recours aux sociétés de capital risque et aux sociétés de garantie qui allient sécurité, pour le décideur, et professionnalisme.
Je souhaite enfin, à l'occasion de ce texte, « toiletter » la loi de 1983 sur les sociétés d'économie mixte, qui constituent un instrument tout à fait important mais qui, dans la pratique et la jurisprudence, ne sont pas dénuées de péril.
Le Gouvernement, sous l'impulsion de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, et en collaboration avec moi-même, présentera également au Parlement un texte visant à faciliter le développement de la coopération intercommunale.
L'architecture de l'intercommunalité est, en effet, devenue trop complexe, car elle est composée de strates successives. Par ailleurs, la solidarité fiscale n'est pas encore suffisamment mise en oeuvre. Le Gouvernement souhaite que la taxe professionnelle intercommunale se développe. Elle en est aujourd'hui à un stade tout à fait embryonnaire.
Je vous rappelle que, sur 1 500 intercommunalités à fiscalité propre - ce qui représente un beau succès et montre que les choses progressent - 65 seulement ont, à ce jour, opté pour la taxe professionnelle commune.
Il faut également améliorer l'enracinement démocratique de l'intercommunalité. Il semble, en effet, nécessaire de créer des règles qui assurent une meilleure transparence, tant pour les assemblées délibérantes des communes qui la composent qu'en termes d'information et de consultation des citoyens.
Pour compléter ce projet de loi, il faudra, enfin, porter une attention très particulière aux agglomérations.
L'élaboration de ces textes s'effectuera, je le sais, avec un souci fort de concertation, en amont, avec les associations d'élus et les parlementaires.
S'agissant de la fonction publique territoriale, il n'y aura pas de bouleversement, car l'architecture a atteint un stade déjà avancé, mais des ajustements permettant une meilleure gestion des carrières, des emplois et mettant l'accent sur la qualité du recrutement et de la formation peuvent être nécessaires. J'ai désigné, sur ces deux sujets, M. Rémy Schwartz, membre du Conseil d'Etat, qui me remettra son rapport d'analyse et de propositions au cours du premier trimestre 1998.
J'en viens maintenant au projet de budget de mon département ministériel à proprement parler. Je serai bref, car beaucoup a déjà été dit.
Les crédits consacrés à l'action en matière de fonction publique et de réforme de l'Etat, d'un montant de 1,4 milliard de francs, connaissent une progression de 20 %, ce qui est très supérieur, comme vous le savez, à la progression générale des dépenses de l'Etat.
Toutefois, à l'intérieur de cette enveloppe, certains chapitres diminuent - il s'agit de la contribution du ministère à la maîtrise des dépenses publiques - tandis que d'autres progressent ; c'est notamment le cas de l'action sociale.
Ainsi, des efforts d'économie ont été consentis sur les crédits d'intervention interministériels de formation et de modernisation. Cela nous obligera à être encore plus sélectifs et plus exigeants en terme d'efficacité.
Les subventions aux différentes écoles sous tutelles - l'ENA, l'Institut international d'administration publique, les cinq instituts régionaux d'administration, auxquels on adjoint le Centre d'études européennes de Strasbourg - connaissent une remarquable stabilité, à 329 millions de francs.
Mais je ne voudrais pas évoquer ces écoles sans répondre aux questions qui m'ont été posées sur la double localisation de l'ENA. Le récent rapport de la Cour des comptes ne relève aucune irrégularité dans cette affaire. Seules les conséquences de cette double localisation ont prêté à critiques.
Je rappelle que, dans le projet initial du gouvernement de Mme Cresson, c'est la ville de Strasbourg qui avait été choisie pour accueillir l'ENA. C'est le gouvernement de M. Balladur qui, en 1993, a décidé cette double localisation sur laquelle, je vous le dis d'emblée, il n'est pas question de revenir pour l'instant. En effet, si cette double localisation peut entraîner des surcoûts, elle a également des conséquences favorables : elle a notamment contribué, sans faire perdre ses liens parisiens à l'ENA, à créer à Strasbourg un pôle de formation administrative nationale et internationale.
Je relève d'ailleurs au passage que si un surcoût a été constaté, par exemple dans le domaine des coûts de fonctionnement, la scolarité a été enrichie à l'occasion de l'implantation à Strasbourg.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Il faut l'espérer !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le surcoût de fonctionnement n'est pas dû uniquement à la double localisation !
Ja salue d'ailleurs, à cette occasion, le dynamisme du Centre d'études européennes de Strasbourg, qui est installé dans les locaux de l'ENA. A mesure que ce pôle se développera, ce qui est tout à fait dans les projets du Gouvernement, la sous-occupation des locaux que certains ont pu déplorer tendra à s'atténuer.
De la même façon, dans le cadre de ce pôle, nous recherchons des synergies avec l'Institut des études supérieures de la fonction publique territoriale,...
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... émanation du CNFPT, qui s'est récemment implanté à Strasbourg...
M. Jean-Jacques Hyest. Totalement !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Effectivement !
... et qui tisse également, avec le milieu universitaire, les liens les plus prometteurs.
Les crédits de l'action sociale interministérielle progressent de 41 %, pour atteindre 900 millions de francs. Je ne reviens pas sur les 230 millions de francs d'augmentaton. Je souhaite vivement qu'ils soient maintenus par le Sénat dans ce projet de budget.
Le fonds pour la réforme de l'Etat est doté de 112,5 millions de francs, soit le niveau d'exécution de 1997 après les annulations. Au sein de cette enveloppe, il est envisagé d'utiliser 75 millions de francs pour des opérations à caractère local.
Le fonds de délocalisations publiques sera abondé de 26 millions de francs en crédits de paiement, afin de couvrir les autorisations de programme déjà accordées et permettre le lancement des opérations prévues par le CIAT en 1998.
Enfin, pour ce qui est des effectifs, tant de la direction générale de l'administration et de la fonction publique que du commissariat à la réforme de l'Etat, ils restent parfaitement stables.
Le projet de budget de mon département ministériel est à l'image de celui de l'Etat : il est raisonnable et marque des choix.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a estime et considération pour les fonctionnaires. C'est avec eux qu'il entend réformer l'Etat, le rendre plus accessible, alors même que des franges de la population se trouvent en situation d'exclusion.
Le service public est le ciment de notre société, le garant de la cohésion sociale et la marque distinctive de la République. Le Gouvernement s'emploiera à le rendre plus efficace.
A l'étranger, on nous envie notre fonction publique, comme en témoignait encore récemment un article du Financial Times sur la France. Mon action, mesdames, messieurs les sénateurs, visera à conforter cette appréciation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

SERVICES GÉNÉRAUX DU PREMIER MINISTRE

M. le président. Je vous rappelle que nous venons d'examiner les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre », dont les autres crédits ont été examinés le vendredi 28 novembre et le mercredi 3 décembre dernier.
En conséquence, nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les services généraux du Premier ministre.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 277 082 257 francs. »

Par amendement n° II-68 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 276 629 821 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Nous avons tous entendu avec grand intérêt les explications de M. le ministre. Tout n'est pas négatif, loin de là ! Il y a même des éléments de continuité sur certains aspects méthodologiques, notamment en ce qui concerne la réforme de l'Etat.
Il est cependant important de souligner que l'approche de la majorité sénatoriale est différente de celle qui a été exposée par le Gouvernement, en l'occurrence par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Nous estimons, en effet, qu'un Etat plus efficace, recentré sur ses missions de base, serait encore plus fort qu'il peut l'être aujourd'hui et pourrait exercer encore mieux son rôle d'entraînement de la société.
Le souci qui anime la plupart d'entre nous n'est pas d'affaiblir l'Etat, et nous ne nions ni l'importance du rôle de la fonction publique, ni le caractère essentiel d'une meilleure mobilisation de ses ressources humaines.
Nous pensons toutefois qu'il est indispensable de réformer l'Etat en profondeur et nous estimons que l'approche gouvernementale est trop timide face à un corps social très complexe et qui doit manifestement être réformé de façon substantielle.
L'amendement que je vous présente, et qui concerne le titre III, se situe dans le cadre de la politique fixée par notre commission des finances pour l'examen de ce projet de loi de finances pour 1998.
Vous savez fort bien que l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ne nous permet pas une grande facilité d'imputation des réductions de dépenses nécessaires pour en rester au solde qui a été fixé, et qui est à peu de chose près le solde déterminé par le Gouvernement pour ce projet de loi de finances.
S'agissant de la fonction publique et dans les services généraux du Premier ministre, mais à l'intérieur de la masse globale de la fonction publique et de la dépense de personnel de l'Etat, nous estimons que la diminution dont il s'agit ici, qui représente 1,34 % du montant des crédits de chacun des chapitres composant le titre III et qui se place dans le cadre de notre approche générale de ce projet de loi de finances, doit être adoptée si nous voulons être cohérents avec nos choix. Pour témoigner de l'importance du vote à intervenir sur ce point, qui est une question de principe, la commission des finances demande un scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Cet amendement a pour objet de réduire de 276,6 millions de francs les crédits du titre III du budget des services généraux du Premier ministre.
Le premier volet de cet amendement concerne les crédits sociaux interministériels. J'ai déjà eu l'occasion de dire, voilà quelques instants, ma perplexité face à la démarche de votre commission.
Souhaite-t-on revenir sur un engagement pris par le gouvernement précédent, même s'il n'était pas financé ? Faut-il faire moins de social dans la fonction publique ? Faut-il renoncer à rééquilibrer les prestations entre les ministères ?
Le second volet de l'amendement prévoit la réduction incitative ou indicative de 1,34 % des crédits de chacun des chapitres du titre III. Cette mesure ne me paraît pas davantage justifiée, compte tenu des efforts d'économie déjà accomplis et que M. Christian Pierret vous a exposés mercredi lors de l'examen des budgets du Premier ministre.
En effet, hors crédits sociaux interministériels, les crédits du titre III des services généraux du Premier ministre n'augmentent que de 0,1 %, à savoir une hausse de 1 % pour les rémunérations et charges sociales, une stabilité des subventions aux établissements publics, une baisse de 3,6 % des crédits de fonctionnement et d'informatique et une diminution de 1,7 % des autres dépenses.
La seule augmentation notable tient au transfert de 10,5 millions de francs pour l'Institut des hautes études de défense nationale en provenance du secrétariat général de la défense nationale.
Dans ces conditions, vous pouvez m'accorder que le budget des services du Premier ministre donne l'exemple en matière de maîtrise des dépenses de l'Etat. J'observe, d'ailleurs, que les conséquences concrètes de la réduction forfaitaire proposée ne sont pas tirées : quels emplois supprimer, quelles actions de formation abandonner ?
Pour toutes ces raisons, je souhaite que vous retiriez votre amendement. Si vous deviez le maintenir, je demanderais à la Haute Assemblée de ne pas le voter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-68 rectifié.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Par cet amendement, la droite sénatoriale persiste et signe.
M. Emmanuel Hamel. Pas toute la droite, car je voterai contre cet amendement !
M. Jacques Mahéas. Je vous en félicite, mais soyez persuasif en ce qui concerne vos collègues !
Votre attitude à l'égard des fonctionnaires, messieurs de la majorité sénatoriale, ne varie pas d'un iota d'une année sur l'autre. Vous êtes d'accord pour moderniser l'Etat, mais vous voulez réduire les effectifs. Vous faites généralement des fonctionnaires les boucs émissaires et vous les montrez à la vindicte publique. Cela me semble aller à l'encontre de votre idée de faire un Etat moderne, un Etat modernisé, un Etat efficace.
Vous vous obstinez à vouloir réduire des effectifs. Je reprendrai une phrase du rapport de M. Lambert sur le projet de budget pour 1998 dans laquelle il évoque « une priorité inquiétante donnée à l'emploi public ». Cela deviendrait inquiétant et, en conséquence, il faudrait réduire les effectifs, geler les rémunérations des fonctionnaires, supprimer 3 milliards de francs prévus pour les salaires dans le budget des charges communes dans le fascicule des services généraux du Premier ministre et supprimer, par le présent amendement, quelque 276 millions au titre III, et par l'amendement suivant - mon explication de vote vaut pour les deux amendements - 10 millions de francs au titre IV.
Alors, les fonctionnaires sont-ils trop nombreux ?
Vous-mêmes et vos collègues que je connais, qui sont maires et qui ne partagent pas mes opinions, considèrent, dès qu'une difficulté surgit, qu'il n'y a pas assez de policiers sur place et, quand un hôpital fonctionne plutôt mal, qu'il n'y a pas assez d'infirmiers et d'infirmières. Ils dénoncent aussi la lenteur de la justice et les problèmes que connaît l'éducation nationale.
Puisque quelques-uns d'entre vous pensent, me semble-t-il, qu'il y a 10 % de fonctionnaires en trop, dites-nous dans quels secteurs vous voulez réduire les effectifs. Pourquoi ces fonctionnaires qui seraient moins payés seraient-ils plus compétitifs et travailleraient-ils mieux ?
Bien évidemment, notre groupe ne peut souscrire à une telle démarche et nous voterons contre cet amendement.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Quand on a, comme je l'ai, le sens de l'amitié, c'est parfois une véritable souffrance de s'exprimer dans cet hémicycle.
Je regrette que l'éminent rapporteur général du budget ne soit pas là car s'il était au banc des commissions j'aurais plus de facilité pour m'exprimer comme je vais le faire.
Je n'arrive pas à croire que notre collègue Marini, si intelligent, si brillant, ayant une si grande connaissance de la question, de par toutes les fonctions qu'il a déjà assumées, notamment dans la fonction publique, et qui, comme maire d'une ville éminente de France, connaît l'importance de la fonction publique, ait pu suggérer au Sénat ces séries d'amendements systématiques de réduction de crédits.
Certes, il faut gérer au mieux l'Etat, et, Messieurs les commissaires du Gouvernement, vous savez, comme moi, qui fut fonctionnaire, que certains secteurs peuvent être mieux gérés dans l'esprit du respect du service public.
Certes, il faut moins de dette publique pour que le franc soit plus fort, mieux respecté, et la France, en dehors des critères désastreux de Maastricht, plus indépendante et plus puissante.
Certes, il faut tenter de réduire l'augmentation des dépenses publiques pour alléger le poids de l'impôt et, par là même, créer, notamment dans le secteur privé, plus d'emplois.
Cependant, à quoi rime, mes chers collègues, de vouloir demander, dans les proportions suggérées par les auteurs de certains amendements, des réductions de crédits que nous n'appliquerions pas si, demain, nous revenions au pouvoir ?
Monsieur Marini, vos dons sont tels que vous pourriez assumer un jour - pourquoi pas ? - la charge de Premier ministre. Vous voyez-vous, le lendemain de votre arrivée à Matignon, réduire dans la proportion où le prévoit le présent amendement les crédits des services généraux du Premier ministre ? Je ne comprends pas, et c'est avec douleur que je le dis. Je crois pouvoir affirmer, sans avoir mandat de le faire, que nombre de collègues de la majorité sénatoriale, qui n'osent l'exprimer, pensent comme moi.
Je demande à la fonction publique de ne pas croire qu'un amendement comme celui-ci et que d'autres qui suivront sont l'expression de notre pensée sur la mission de la fonction publique dans l'Etat et du service public dans la République.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je répondrai d'un mot pour ne pas abuser de votre patience à cette heure avancée.
Je n'ai pas le dynamisme de M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Vous en avez beaucoup plus, vous êtes bien plus jeune !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. En effet, son dynamisme croît au fur et à mesure de l'avancée de la nuit et si nos débats se poursuivaient plus avant, nous aurions, je le crois, encore de belles interventions de sa part, comme celle qu'il vient de faire et dans laquelle il exprime toutes ses convictions.
Je lui rappellerai tout de même que cet exercice est en effet un peu formel, car l'ordonnance du 2 janvier 1959, qu'il connaît, limite assez considérablement les prérogatives du Parlement en ce qui concerne la modification du projet de budget présenté par le Gouvernement - il le sait infiniment mieux que moi.
Les quelque 300 millions de francs dont il s'agit sont à comparer à une dépense de fonction publique de 600 milliards de francs - les chiffres ont été cités tout à l'heure.
Cette réduction est certes localisée sur un titre et sur un chapitre particulier. Mais si nous nous trouvions dans l'hypothèse que vous avez évoquée, c'est-à-dire s'il y avait une nouvelle alternance et si nous étions à nouveau aux affaires, nous ferions, en effet, des économies, nous nous efforcerions de réduire progressivement l'endettement de notre pays, pour toutes les raisons que vous avez signalées,...
M. Jacques Mahéas. Vous avez fait le contraire !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. On ne va pas engager le débat sur l'endettement car, à cet égard, les responsabilités sont assez partagées, compte tenu des alternances successives que nous avons connues. Nous parlons sur des périodes qui sont des séquences de plus en plus brèves. Aussi, retrouver les responsabilités n'est pas si simple. Je crois, mon cher collègue, qu'il ne faut pas trop simplifier les choses.
Les amendements dont il s'agit obéissent à un exercice global. A travers ces amendements, nous voulons dire que le déficit de l'Etat ne doit pas être aggravé par rapport à celui qui est présenté par le Gouvernement, que nous ne partageons pas des choix fiscaux qui désespèrent nombre de Français, découragent l'initiative et pèsent d'un poids considérable dans la compétition internationale, et que nous devons avoir un Etat fort, puissant, qui exerce ses prérogatives, mais un Etat réformé en profondeur.
Tels sont les messages que traduisent ces amendements. Ce n'est pas autre chose. Il ne faut évidemment pas les prendre au pied de la lettre, ou du chiffre. Il est évident que nous ne voulons pas la suppression de l'action sociale interministérielle. Ce sont en effet, et M. le ministre l'a dit tout à l'heure dans un lapsus qui n'en était pas un, des réductions « indicatives » qui témoignent du sens général que nous voulons donner à une politique différente, ce qui est le rôle de l'opposition ; de même, il ne me semble pas être dans le rôle de l'opposition de pousser à la roue du Gouvernement pour demander toujours plus de dépenses alors qu'elle ne prend pas la responsabilité de voter le budget.
Je pense que l'attitude de la majorité sénatoriale est responsable. Nous nous la sommes fixée par un large consensus au sein des groupes de cet hémicycle. Il faut la suivre avec discipline. C'est ce à quoi vous appelle la commission des finances.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-68 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 50:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 218
Contre 98

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.).
M. le président. « Titre IV, 275 255 388 francs. »

Sur le titre, la parole est à M. Dérian.
M. Jean Dérian. Monsieur le ministre, dans ce débat sur la fonction publique, je souhaite attirer votre attention sur une question écrite du 13 novembre dernier, posée par ma collègue Marie-Claude Beaudeau.
Cette question vise la composition des commissions administratives de reclassement des anciens combattants, modifiée par le décret n° 94-993 du 16 novembre 1994.
Effectivement, en vertu de ce décret, les représentants du monde des anciens combattants et rapatriés sont exclus des commissions administratives de reclassement des anciens combattants, au profit des principales confédérations syndicales, qui n'avaient d'ailleurs pas demandé à y siéger.
De plus, la représentation de l'Etat dans ces commissions est de neuf membres sur quinze, dont quatre représentants du ministère du budget, ce qui peut être jugé excessif.
Par ailleurs, de nombreuses critiques sont formulées à l'égard de la commission composée selon le décret n° 94-993. Le rythme de traitement des dossiers s'est ralenti et les représentants syndicaux qui y siègent évoquent une opacité certaine du fonctionnement des commissions. Les dossiers ne leur étant remis, semble-t-il, qu'en séance, ils ne disposent donc pas d'éléments contradictoires à opposer à la position de l'administration.
Monsieur le ministre, pensez-vous, réviser la composition de ces commissions et permettre ainsi aux représentants du monde des anciens combattants et rapatriés de siéger à nouveau au sein de ces commissions ?
M. Emmanuel Hamel. Bonne question !
M. le président. Par amendement n° II-69, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits du titre IV de 9 364 774 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Cet amendement est de même nature que le précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. J'ai par avance répondu à l'interrogation de M. Dérian au sujet des fonctionnaires ayant servi en Afrique du Nord, en lui indiquant qu'un travail interministériel est actuellement engagé pour tenter de répondre aux préoccupations qu'il a exprimées, notamment quant à la composition des commissions compétentes.
M. Jean Dérian. Merci, monsieur le ministre !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. S'agissant de l'amendement n° II-69, je serai presque aussi bref que M. le rapporteur spécial. « Il faut demander davantage à l'impôt et un peu moins aux contribuables », dit un adage. Souhaiter une réduction des dépenses sans préciser les postes visés nous paraît un peu facile. Il s'agit, certes, du rôle de l'opposition. Mais, dans un cas semblable, on comprendra que celui du Gouvernement soit de demander au Sénat de repousser cet amendement !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-69.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, je vais donner la réponse à la place de l'auteur de l'amendement !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Ah bon !
M. Jacques Mahéas. Ainsi, s'agissant de l'article 27 et du titre IV, les personnes relevant du fonds de solidarité vieillesse vont devoir s'acquitter de la redevance audiovisuelle, alors qu'elles en étaient exonérées jusqu'à présent ; de même, la subvention à la presse, qui est pourtant assez modeste dans ce titre, va être supprimée.
Je crois que c'est un état d'esprit qui a été défini ici. Ces réductions, si elles ne représentent pas en elles-mêmes des sommes extraordinaires par rapport au budget, traduisent néanmoins le souhait de réduire le nombre de fonctionnaires et d'accroître les services.
Dans ces conditions, notre groupe ne peut bien évidemment pas voter en faveur de cet amendement ! Nous le rejetterons donc.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-69, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 17 000 000 francs ;

« Crédits de paiement, 10 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

6

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil relative à la sauvegarde des droits à pension complémentaire des travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l'intérieur de l'Union européenne.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 979 et distribuée.

7

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au samedi 6 décembre 1997, à onze heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998) ;
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Intérieur et décentralisation :
Sécurité :
M. Guy Cabanel, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 29) ;
M. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Police et sécurité, avis n° 90, tome II) ;
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Sécurité civile, avis n° 90, tome III).
Outre-mer :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 33) ;
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 87, tome XXII) ;
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Départements et territoires d'outre-mer, avis n° 89, tome VII) ;
M. François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Départements d'outre-mer, avis n° 90, tome VII) ;
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Territoires d'outre-mer, avis n° 90, tome VIII).
Jeunesse et sports :
M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 31) ;
M. François Lesein, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 86, tome IX).
Anciens combattants et articles 62, 62 bis, 62 ter et 62 quater :
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 6) ;
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 89, tome VI).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Scrutin public à la tribune

En application de l'article 60 bis, troisième alinéa, du règlement, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1998 aura lieu, de droit, par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 9 décembre 1997.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements

- Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté (n° 285, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 1997, à dix-sept heures.
- Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Gérard César et plusieurs de ses collègues portant diverses mesures urgentes relatives à l'agriculture (n° 155, 1997-1998) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 décembre 1997, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 6 décembre 1997, à deux-heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Taux de TVA applicable aux travaux de rénovation
des maisons de retraite et foyers logement

132. - 5 décembre 1997. - M. Jacques de Menou alerte M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le problème de la nécessaire mise aux normes « U » des maisons de retraite et des foyers-logements conventionnés à l'aide sociale dont la vocation s'apparente de plus en plus à celle des maisons de retraite. Aujourd'hui en effet, avec la mise en place de tous les services de maintien à domicile : aide-ménagères, aide-soignantes, infirmières, portage des repas, les personnes âgées ne rentrent en maison de retraite qu'à un âge très avancé - quatre-vingt-trois ans en moyenne dans mon département du Finistère -, et de plus en plus dépendantes. Tous ces établissements, qui ont des conventions avec l'Etat ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL) devraient pouvoir bénéficier d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduit et, le cas échéant, de primes à l'amélioration des logements à usage locatif et d'occupation sociale (PAPULOS). Cela vaut également pour les établissements accueillant des handicapés et conventionnés. Au cours du débat budgétaire, M. le secrétaire d'Etat au budget a déclaré, suite à un amendement RPR, cette demande satisfaite par l'article II du présent budget qui s'applique « à tous les logements pour lesquels il y a convention avec l'Etat ouvrant droit à l'APL ». Il souhaite avoir confirmation de cette mesure qui signifierait, pour les foyers-logements, maisons de retraite et établissements pour handicapés conventionnés par l'Etat à l'APL, une TVA réduite sur les travaux de rénovation et de mise aux normes « U » pour personne dépendante, et ce quel que soit le propriétaire : organisme habitation à loyer modéré (HLM), caisse centrale d'action sociale (CCAS) ou association... On pourrait également reconnaître que les mêmes établissements conventionnés à l'aide sociale bénéficiaires de l'allocation logement sociale (ALS) pourraient, en cas de rénovation, se trouver conventionnés à l'APL et bénéficier de ce fait pour ces mêmes travaux, du même taux de TVA.

Réalisations de l'autoroute Pau-Bordeaux

133. - 5 décembre 1997. - M. Auguste Cazalet souhaite attirer l'attention M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la vive inquiétude suscitée auprès des élus et de la population d'Aquitaine par les lenteurs et atermoiements entourant le projet autoroutier Pau-Bordeaux. Il lui rappelle que les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques d'Aquitaine ont constamment exprimé leur volonté de voir aménager un itinéraire performant entre Bordeaux et Pau, que les conditions d'échange par la route entre Bordeaux et les principales villes du Sud-Ouest intérieur se sont constamment dégradées et que ce vaste espace central de l'est aquitain et de l'ouest pyrénéen n'est irrigué que par de simples routes à deux voies traversant de nombreuses agglomérations. Or, depuis le choix d'Alain Juppé de concéder cet itinéraire à une société autoroutière, ce projet s'est arrêté à la définition de la bande des 300 mètres. L'incertitude régnant autour de ce dossier devient insupportable : ainsi des maires ne peuvent répondre à des demandes de permis de construire, des entreprises retardent des projets d'investissement. Une remise en cause de ce projet serait non seulement ressentie comme un affront mais aussi comme le non-respect du principe de la continuité républicaine, qui dans un domaine d'intérêt général, devrait s'imposer à tous. Il lui demande de bien vouloir tout mettre en oeuvre pour que l'A 65 soit réalisée. Il lui demande également de bien vouloir lui indiquer s'il compte étudier l'hypothèse de la réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc, dont il connaît l'intérêt constant et permanent qu'elle suscite en Béarn et en Aragon depuis près de vingt-six ans.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du vendredi 5 décembre 1997


SCRUTIN (n° 47)



sur l'amendement n° II-70, présenté par M. Philippe Adnot au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'aménagement du territoire et de l'environnement : II. - Environnement).

Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 317
Pour : 220
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 15.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstention : 1. _ M. Pierre Jeambrun.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 94.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre

René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstention


M. Pierre Jeambrun.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 48)



sur l'amendement n° II-71, présenté par M. Philippe Adnot au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'aménagement du territoire et de l'environnement : II. - Environnement).


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 317
Pour : 220
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 15.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstention : 1. _ M. Pierre Jeambrun.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 94.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre

René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstention


M. Pierre Jeambrun.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 49)



sur les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V du ministère de la défense inscrits à l'article 30 du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.


Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 291
Pour : 82
Contre : 209

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Abstentions : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert_Paul Vigouroux.
Contre : 14.
Abstention : 1. _ M. Pierre Jeambrun.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Contre : 93.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Jacques Valade, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Pour : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Contre : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Contre : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ( 9) :

Abstentions : 9.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Marcel Bony
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Paul Raoult
René Régnault
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière

Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Abstentions


Philippe Adnot
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Philippe Darniche
Jean Derian
Michel Duffour
Hubert Durand-Chastel
Guy Fischer
Alfred Foy
Jean Grandon
Jacques Habert
Pierre Jeambrun
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
André Maman
Louis Minetti
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Alex Türk
Paul Vergès

N'a pas pris part au vote


M. Emmanuel Hamel.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 292
Majorité absolue des suffrages exprimés : 147
Pour l'adoption : 82
Contre : 210

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 50)



sur l'amendement n° II-68 rectifié, présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale : (budget des services du Premier ministre : I. - Services généraux).


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 316
Pour : 218
Contre : 98

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 14.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions : 2. _ MM. Pierre Jeambrun et François Lesein.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 93.
Contre : 1. _ M. Emmanuel Hamel.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre

René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Pierre Jeambrun et François Lesein,

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.