SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Affaires étrangères et coopération

I. - AFFAIRES ÉTRANGÈRES (p. 2 )

MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les relations culturelles extérieures ; James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Lucien Neuwirth, Jean-Pierre Cantegrit, Hubert Durand-Chastel, Serge Mathieu, Claude Estier, Robert-Paul Vigouroux, Mme Paulette Brisepierre, M. Guy Penne, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Pierre Biarnès.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Crédits des titres III et IV. - Adoption (p. 3 )

Crédits du titre V (p. 4 )

Amendement n° II-15 de Mme Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur spécial, Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; le ministre. - Retrait.
Reprise de l'amendement n° II-15 rectifié par M. Jacques Habert. - MM. Jacques Habert, Guy Penne, Charles de Cuttoli, Robert-Paul Vigouroux. - Rejet.
Adoption des crédits.

Crédits du titre VI. - Adoption (p. 5 )

Culture
(p. 6 )

MM. Maurice Schumann, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique ; Jean-Paul Hugot, Denis Badré, André Maman, Mme Danièle Pourtaud.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. Jack Ralite, Marcel Vidal, Ivan Renar.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Crédits des titres III à VI. - Adoption (p. 8 )

Communication
(p. 9 )

MM. Jean Cluzel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite ; André Diligent, Michel Pelchat, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Alain Gournac.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Ligne 46 de l'état E (p. 10 )

Amendement n° II-18 rectifié de M. Pelchat. - MM. Michel Pelchat, le rapporteur spécial, Mme le ministre. - Retrait.
Adoption de la ligne.

Ligne 47 de l'état E. - Adoption (p. 11 )

Article 48. - Adoption (p. 12 )

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

I. - Services généraux
(p. 13 )

Crédits du titre III. - Vote réservé (p. 14 )

Crédits du titre IV (p. 15 )

M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles.
Amendement n° II-16 de M. Larcher. - MM. Adrien Gouteyron, le rapporteur spécial, Mme le ministre. - Retrait.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre V. - Vote réservé (p. 16 )

Article additionnel après l'article 62 quater (p. 17 )

Amendement n° II-17 de M. Cluzel. - M. Jean Cluzel, Mme le ministre, M. le rapporteur spécial. - Retrait.
Mme le ministre.

3. Communication de l'adoption définitive d'une proposition d'acte communautaire (p. 18 ).

4. Dépôt de propositions de loi (p. 19 ).

5. Ordre du jour (p. 20 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 84 et 85 (1997-1998).]

Affaires étrangères et coopération
I. - AFFAIRES ETRANGÈRES

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 1998 s'élève à 14,39 milliards de francs. Vous conviendrez avec moi que ce budget n'est qu'un des éléments concourant à l'action extérieure de la France. Il me paraît donc opportun de le situer dans le cadre de cette action extérieure.
Les crédits qui sont consacrés à l'action extérieure de la France sont répartis sur vingt-huit budgets. Ils s'élèveront à 50,4 milliards de francs pour 1998, auxquels il me paraît judicieux d'ajouter les 6,47 milliards de francs qui correspondent à la contribution de la France à l'action extérieure de l'Union européenne.
Toutefois, je tiens à souligner que ces 6,47 milliards de francs correspondent exactement au double des crédits d'intervention directe du ministère des affaires étrangères, ce qui signifie que la capacité d'action de l'Union européenne, dans le domaine financier, est deux fois supérieure à la nôtre.
Je formulerai deux observations sur ces chiffres.
Tout d'abord, le volume des crédits gérés directement par le ministère des affaires étrangères est substantiellement inférieur au montant des crédits qui relèvent de la compétence du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il s'agit là d'un débat récurrent sur le rôle respectif de ces deux ministères dans la gestion de l'action extérieure de notre pays.
Ensuite, le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 se situe à son plus bas niveau relatif depuis quinze ans car, depuis 1993, l'effort de rigueur nécessaire pour la maîtrise des dépenses publiques a été anticipé.
La commission des finances considère, mes chers collègues, que ce budget en baisse correspond à l'une des fonctions régaliennes de l'Etat par excellence. Compte tenu des efforts déjà accomplis, elle vous propose donc d'exclure le budget des affaires étrangères de la réduction globale de 21 milliards de francs, qu'elle estime par ailleurs nécessaire pour parvenir à une réelle maîtrise des dépenses budgétaires en 1998.
Après cette analyse très sommaire, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement et du Sénat sur quelques points.
Le premier point concerne les rémunérations des personnels résidents. La rigueur à laquelle est soumis ce budget ne saurait se prolonger sans compromettre la capacité d'action et l'efficacité de nos services.
Transformer un certain nombre de postes d'expatriés en postes de résidents était une bonne idée. Cela a permis de réaliser des économies et d'échanger, dans un certain nombre de cas, deux postes de résidents pour un poste d'expatrié.
Toutefois, si l'on va trop loin dans cette voie, cela aura une incidence négative sur le fonctionnement de nos services, d'autant que, dans un grand nombre de pays, le personnel résident est victime d'une sous-rémunération chronique. Le niveau des traitements qui sont servis par la France est nettement inférieur à celui du marché du travail local et aux traitements qui sont versés par les ambassades des autres pays de l'Union européenne.
Il en résulte une démobilisation insidieuse du personnel résident, qui se traduit par le départ vers d'autres ambassades. Cette situation est particulièrement sensible et fâcheuse dans le cas du personnel qui est affecté au service des visas diplomatiques. Il s'agit, en effet, d'un service fondamental, et nous perdons, dans beaucoup de pays, les meilleurs de nos agents.
Par conséquent, il me paraît indispensable de débloquer la situation. Deux moyens d'action sont possibles, me semble-t-il.
En premier lieu, il faudrait aligner systématiquement les traitements des personnels du ministère sur ceux qui sont servis sur place par la direction des relations économiques extérieures, la DREE. Les fonds peuvent être trouvés à cet effet. Il me semble scandaleux de constater des écarts de traitement de 30 %, selon que le personnel est payé par le ministère des finances ou par le ministère des affaires étrangères.
En second lieu, il conviendrait, monsieur le ministre, de revoir la périodicité de la révision des salaires des personnels résidents : à l'heure actuelle, les salaires sont révisés une fois par an. L'idéal serait qu'ils soient révisés tous les trimestres compte tenu de l'inflation qui sévit dans un certain nombre de pays. Toutefois, une révision semestrielle permettrait d'éviter de trop grandes distorsions de traitements entre nos personnels et ceux qui occupent des postes équivalents.
J'en arrive au deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues.
Cette année, on constate une réduction considérable des crédits d'intervention. Si l'on ajoute aux crédits d'action culturelle et d'aide au développement les crédits de coopération de défense et les contributions volontaires aux dépenses internationales, la part des crédits des affaires étrangères réservée aux dépenses d'intervention atteint 3,3 milliards de francs, soit 23 % de votre budget.
En fait, tel est l'objet de notre discussion, puisque les autres dépenses de votre ministère sont incompressibles. Ces 3,3 milliards de francs constituent le fer de lance de votre action. Ils sont donc l'objet d'une attention particulière de notre part.
Cette année, les crédits de l'action culturelle et de l'aide au développement sont reconduits au niveau de 3 milliards de francs ; ils sont stables. Seules les dépenses consacrées à l'audiovisuel extérieur bénéficient de moyens nouveaux, pour un montant de 15 millions de francs.
La diminution la plus spectaculaire, mes chers collègues, concerne les contributions volontaires aux dépenses internationales. En cinq ans, les crédits correspondants sont passés de près de 700 millions de francs à 228 millions de francs cette année. La baisse est considérable !
Evidemment, un débat s'est instauré sur ce projet entre les moines soldats de l' « onusisme » et les défenseurs de la rigueur budgétaire.
En tout état de cause, depuis cinq ans, ces contributions volontaires font office de variable d'ajustement du budget des affaires étrangères, ce qui n'est pas leur vocation initiale.
Les réductions des contributions volontaires doivent être effectuées avec discernement, en fonction de trois critères essentiels. Auparavant, il convient de les notifier aux intéressés dans des délais suffisants, pour éviter qu'ils ne soient pris au dépourvu et conduits à prendre des mesures drastiques de licenciement ou à arrêter des projets.
Tout d'abord, il faut veiller - je sais que vous y êtes très sensible, monsieur le ministre - à la bonne gestion des organisations bénéficiaires. Il n'y a pas de raison, en effet, que le contribuable finance des agences de voyages ou des colloques.
Ensuite, il importe de prendre en compte l'importance des retours économiques pour notre pays sur les programmes financés. En effet, il est clair que, dans un certain nombre de domaines où nos entreprises sont leaders sur le plan mondial, par exemple ceux de la vaccination, des soins, ou de l'eau, le retour économique sur nos entreprises est très supérieur aux sommes que nous avons engagées.
Enfin, il faut tenir compte de la présence au sein des organisations que nous finançons au travers des Nations unies de ressortissants français ou francophones. Il s'agit d'une voie de réduction des contributions volontaires dans laquelle nous sommes engagés. Toutefois, compte tenu de la présence de la France, comme membre du Conseil de sécurité, au sein des Nations unies, il me semble que, dans l'avenir, les réductions ne pourront pas aller au-delà de celles qui ont été opérées au cours des cinq dernières années.
Le troisième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne la nécessité de redéfinir notre politique audiovisuelle extérieure. Cette année, près de 900 millions de francs seront consacrés à cette politique.
Votre gouvernement n'a pas encore arrêté ses orientations, monsieur le ministre. Il a confié une mission d'études à M. Imhaus. D'autres études ont déjà été réalisées. Il est devenu urgent d'agir sur ce poste de dépenses à la fois essentiel et susceptible d'être rationnalisé.
Ainsi, CFI devrait être recentrée sur sa mission initiale de banque de programmes, étant entendu que les émissions qu'elle diffusera devront être surveillées avec une attention particulière le samedi après-midi à partir de dix-sept heures, afin d'éviter le renouvellement d'incidents fâcheux. TV 5 deviendrait notre seule chaîne dans les régions du monde où elle est diffusée en réception directe, c'est-à-dire en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.
Les techniques nouvelles de diffusion pourraient certainement permettre d'améliorer l'étendue et la qualité de la diffusion de TV 5 et de RFI, en rendant surtout possible le développement de la politique des décrochages régionaux. Il est clair, en effet, que les Indonésiens préfèrent connaître la température qui règne à Djakarta plutôt que celle de Romorantin.
Bien entendu, ces mesures techniques ne sont qu'un support à l'indispensable réflexion sur le contenu des programmes. La véritable question est non seulement d'avoir la capacité de diffuser des programmes, mais également de savoir quels programmes nous entendons diffuser. De ce point de vue, on peut concevoir une télévision à l'usage des Français expatriés ou à destination des populations locales. Il faut tenir compte des goûts et des spécificités locales.
Même si on le déplore, Cantona et Hélène et les garçons ont plus de succès dans nombre de régions du monde que les derniers ouvrages de Philippe Sollers, Michel Serres, voire Claude Allègre. Par conséquent, il faut donc que les chaînes diffusent des programmes intéressants.
Personnellement - je n'engage que moi, car la commission n'est sûrement pas de mon avis - je rêve d'une chaîne qui s'appellerait Paris Première, parce que c'est un titre merveilleux- malheureusement, c'est déjà pris ! - et qui serait un mixage de Fashion TV, dont le concept a d'ailleurs été défini voilà deux ans par l'un de vos collaborateurs et qui connaît un succès considérable dans beaucoup de pays, d'ARTE et d'Eurosport.
J'attends avec impatience, monsieur le ministre, les résultats des propositions que vous formulerez après avoir pris connaissance du rapport de M. Imhaus.
Le quatrième point de mon intervention concerne l'enseignement français à l'étranger. Il s'agit d'un élément essentiel, car nos concitoyens n'acceptent de s'expatrier que s'ils ont la certitude de pouvoir offrir sur place une éducation de qualité à leurs enfants.
Nous disposons d'un réseau remarquable, puisque les 209 établissements recencés scolarisent 45 000 élèves français et 80 000 élèves étrangers. Mais nous sommes arrivés à un point où il y a deux blocages. Mme Cerisier-ben Guiga les a évoqués hier après-midi.
En premier lieu, se pose le problème des droits d'écolage. Dans la plupart des pays d'Asie, ceux-ci se situent entre 25 000 francs et 30 000 francs. Dans la mesure où ce ne sont plus les sociétés qui les paient car de nombreux expatriés sont installés à titre individuel, cette somme atteint des sommets. Il n'est pas possible d'aller au-delà.
En second lieu, se pose le problème des bâtiments. Certaines opérations intelligentes ont été menées comme à Singapour et à Manille, ou vont l'être comme à Kuala Lumpur où existent des écoles franco-allemandes. Mais certains établissements sont dans des états tels qu'ils seraient fermés s'ils étaient situés en France. Je pense à ceux de Bangkok qui sont dans un très mauvais état et qui ne fonctionnent que grâce à la débrouillardise des directeurs d'école ou des proviseurs. Mais ce n'est pas une solution à long terme. Il convient donc de rechercher de véritables solutions.
Peut-être cela remettrait-il en cause le rôle de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, mais je pense que l'Etat devrait investir dans la construction des lycées et d'établissements ; de son côté, le ministre de l'éducation nationale devrait prendre en charge la rémunération des professeurs expatriés. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, j'ai entendu, en même temps que vous, le Premier ministre déclarer à Moscou, devant la communauté française, que le meilleur investissement que la France pouvait faire à l'étranger était la construction de lycées et d'établissements scolaires. Malheureusement, M. Dominique Strauss-Kahn n'était pas à vos côtés (Sourires.) mais je pense que nous partageons tous la position du Premier ministre sur cette question fontamentale.
Il faut aussi mettre en place en ce domaine une programmation pluriannuelle. Je ne vois pas en effet comment des associations de parents d'élèves, dont les membres sont là pour trois ou quatre ans, peuvent contribuer davantage financièrement alors que ce seront leurs successeurs qui recueilleront, quelques années plus tard, les fruits de leur effort financier.
Enfin, il nous semble aujourd'hui indispensable de mener une réflexion à long terme sur les réseaux diplomatique et consulaire.
Le monde actuel n'est plus en situation de guerre idéologique ou de guerre froide, il est en guerre économique. A cet égard, le parachutage au mois de septembre dernier de 1 200 marines transportés depuis la Caroline du Nord et de dix-neuf parachutistes russes dans la région de la mer Caspienne est tout à fait symbolique de l'évolution du monde et des zones de richesse auxquelles s'intéressent les grandes puissances.
Qu'en est-il de notre réseau face à cette nouvelle situation ?
En 1998, dernière année d'application du schéma quinquennal, des décisions difficiles restent à prendre.
Un certain nombre de mes collègues se sont interrogés sur le coût, voire le luxe excessif de certaines ambassades, en particulier dans la région caucasienne.
La Cour des comptes a rendu public hier un rapport dans lequel elle s'étonnait des 400 millions de francs consacrés au projet avorté du centre de conférences international du Quai Branly. En 1994, la commission des finances s'était étonnée de ces dérives ; j'avais d'ailleurs consacré plusieurs pages à ce sujet.
J'avais tenté d'effectuer un contrôle sur pièces et sur place mais, seul face à de nombreuses caisses remplies de dossiers, cette tâche m'avait semblé au-dessus de mes forces. Je préfère donc que la Cour des comptes remplisse le rôle qui est le sien.
Dans cet esprit, il semble excessif de prévoir 400 millions de francs pour une ambassade à Pékin et 280 millions de francs pour notre représentation à Berlin. Je réitère à ce sujet les propos que j'ai tenus l'année dernière : dans la mesure où nous ignorons si une ambassade existera encore à Berlin dans vingt ans, il serait préférable de construire des bâtiments transformables, modulables plutôt que des bâtiments luxueux.
Il faut, dans ce domaine, être extrêmement vigilant. Même si la décision de construire une ambassade est prise au sommet de l'Etat, la réalisation de l'opération me semble relever d'une autre compétence.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Je conclurai en disant qu'il serait possible de rationaliser nos réseaux, de rapprocher le ministère de la coopération et celui des affaires étrangères, voire d'envisager des postes communs avec la DREF dans un certain nombre de pays.
Nous avons, monsieur le ministre, mes chers collègues, la chance d'avoir, par son importance, le deuxième réseau diplomatique du monde. Un consensus se dégage désormais pour que tout soit mis en oeuvre afin qu'il devienne le meilleur.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup d'excellentes choses ayant été dites par M. le rapporteur spécial, j'abrégerai mon propos.
Toutefois, je souhaite appeler votre attention sur deux points : il s'agit, tout d'abord, de la problématique générale dans laquelle se place le budget des affaires étrangères. La contrainte budgétaire qui est la nôtre ne saurait, à mon sens, se desserrer dans les années à venir. L'enjeu consiste, pour nous, à rendre plus dynamique ce deuxième réseau du monde par une présence plus intense dans des régions où celle-ci doit être développée, sans pour autant négliger les liens qui nous unissent à nos partenaires traditionnels.
Cette question nous renvoie, pour l'essentiel, à la baisse régulière des moyens en personnel du Quai d'Orsay depuis une dizaine d'années.
Entre 1980 et 1985, la déflation des effectifs du ministère des affaires étrangères s'est élevée à 17,5 % Notons, à cet égard, que le passage au volontariat de nos armées, corollaire de la professionnalisation, risque de se traduire par d'importantes incertitudes. Il n'est pas certain que nous puissions avoir, à l'avenir, le même nombre de volontaires que de coopérants du service national, compte tenu de la rémunération qui leur sera versée.
Comment dès lors, à effectifs décroissants, accompagner le déplacement de nos priorités, notamment vers l'Asie ou l'Amérique latine, où notre présence est notoirement insuffisante ?
L'une des pistes susceptibles de libérer des effectifs pour les affecter à ces régions pourrait consister à alléger les missions et donc les effectifs de nos ambassades dans les pays de l'Union européenne. Cette évolution respecterait la logique de la construction européenne.
En revanche - et j'en viens à un aspect important de notre politique extérieure - cette conception moins ambitieuse des missions de nos postes diplomatiques en Europe occidentale ne saurait conduire à réduire les moyens de nos postes consulaires.
En effet, alors que nous pourrions croire que la charge de travail de nos postes consulaires décroît dans l'ensemble de l'Europe, nous nous apercevons qu'il n'en est rien.
Cette charge croît tant quantitativement que qualitativement. Je vous renvoie, sur ce point, à mon rapport écrit.
Nos consulats, qu'il s'agisse de ceux qui sont situés en Europe ou des postes situés sur le continent africain, sont généralement, par ailleurs, assez mal équipés non seulement en personnels, mais aussi en moyens logistiques pour faire face à l'ensemble des tâches qui leur incombent.
La contraction de notre réseau diplomatique et consulaire est, bien évidemment, une bonne chose, car ce réseau doit s'adapter aux évolutions de la situation internationale, mais il ne faut pas que la fermeture, par ailleurs justifiée, de certains consulats se traduise, comme c'est trop souvent le cas, par un transfert de travail sur d'autres postes consulaires, sans que les moyens de ceux-ci soient réévalués en conséquence.
Comme M. le rapporteur spécial l'a excellemment souligné, le budget du ministère des affaires étrangères prévu dans la loi de finances pour 1998 ne concerne, pour l'essentiel, que le quart environ de nos interventions extérieures et il n'atteint pas 1 % du budget de la nation. Ce point méritait d'être souligné.
Par ailleurs, les crédits consacrés à la coopération militaire sont inférieurs, malgré la vocation mondiale du ministère des affaires étrangères, à 90 millions de francs ; il n'est pas inutile de comparer ce chiffre aux quelque 700 millions de francs consacrés à la coopération militaire franco-africaine. Il s'agit d'un vieux débat, mais il nous amène à nous interroger sur la nécessité de réunir à court ou à moyen terme, les moyens mis en oeuvre dans ce domaine par ces deux départements ministériels. Cette fusion serait probablement le seul moyen de renforcer le rayonnement de notre coopération militaire à l'étranger et de contrebalancer l'effort très substantiel entrepris dans ce domaine par certains de nos concurrents.
Que dire également des quelque 129 millions de francs qui seront consacrés à l'assistance aux Français de l'étranger ? Comment ne pas s'inquiéter de la diminution de ces crédits, alors même que nous constatons une augmentation régulière des besoins d'assistance, pour des Français de l'étranger qui subissent désormais le contrecoup de difficultés économiques et sociales assez largement réparties dans le monde ?
J'en viens à la contribution de la France au budget de l'ONU. Les délais de remboursement traditionnellement déplorés par la commission des affaires étrangères sont aggravés par la crise financière de cet organisme.
Comment, dès lors, ne pas s'interroger sur la pertinence de notre comportement exemplaire à l'égard de l'ONU, par rapport à l'attitude d'autres Etats contributeurs ? Compte tenu de ces retards de remboursements, pourquoi ne pas décaler l'acquittement de nos contributions financières au titre du budget ordinaire ?
En ce qui concerne les crédits d'équipement du ministère des affaires étrangères, nous estimons que l'on peut s'interroger sur la manière dont sont définis nos choix immobiliers.
Le choix de construire à Berlin une ambassade de prestige est très significatif de l'importance des symboles dans ce type de décision. Mais fallait-il vraiment, pour manifester concrètement le prix que nous attachons à l'amitié franco-allemande, édifier un bâtiment aussi coûteux, voire aussi luxueux ?
M. le président. Mon cher collègue, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Je conclus, monsieur le président.
De manière générale, nous constatons que les grandes opérations de prestige conduites pour des raisons principalement symboliques nuisent à l'ensemble des réalisations immobilières du Quai d'Orsay, où le niveau moyen de confort n'est pas à la hauteur de ce qui sera fait à Berlin ou à Pékin.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 afin de manifester le soutien de la représentation nationale à nos diplomates, dont nous tenons à souligner ici le dévouement, alors que leur métier les conduit de plus en plus fréquemment à affronter des situations particulièrement difficiles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas ici en détail les chiffres concernant la dotation de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques pour 1998. Je me bornerai à rappeler que sa légère hausse en francs courants, puisqu'elle n'est que de 0,5 %, masque en francs constants et hors effet « change-prix » une diminution de 1,9 % des crédits de l'action culturelle extérieure.
Au sein de cet ensemble, toutefois, des distinctions doivent être opérées. Le budget comprend de bonnes nouvelles pour notre réseau d'enseignement français à l'étranger ; il permet de modestes avancées pour l'audiovisuel extérieur ; il préserve l'essentiel en matière d'investissements mais sur une base, malheureusement, bien insuffisante ; il n'interrompt pas, même s'il la ralentit, la diminution chronique des crédits d'intervention.
Je voudrais surtout évoquer avec vous, monsieur le ministre, deux points d'ancrage principaux de notre action culturelle extérieure, à savoir l'audiovisuel extérieur et l'enseignement français, non pas que les autres domaines d'intervention de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques ne soient pas essentiels, mais parce que ces deux secteurs en sont précisément des leviers priviligiés.
En ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, tout d'abord, nous sommes dans l'attente d'une réforme programmée pour 1997 sur la base du rapport de M. Jean-Paul Cluzel, mais vous avez souhaité le revoir en demandant à M. Imhaus de formuler de nouvelles conclusions.
Compte tenu de l'importance que revêt ce secteur pour la promotion de notre langue et de notre culture, je vous serais reconnaissant de nous indiquer les pistes que vous entendez explorer.
Ainsi a-t-on souvent évoqué la nécessité d'une implication accrue de France Télévision, qui ne dépend pas de vous, dans l'action extérieure, qui, elle, vous concerne au premier chef. France Télévision dispose en effet de moyens et de compétences qu'il est dommage de ne pas voir s'exprimer davantage aux côtés de ceux de nos opérateurs publics traditionnels que sont TV 5 et CFI.
En d'autres termes, quelle formule administrative, si tant est que le salut vienne de là, ce qui n'est pas certain, pourrait être trouvée pour que les compétences respectives du ministère des affaires étrangères, de celui de la culture et de la communication ainsi que du secrétariat d'Etat à la coopération, sans parler de l'omniprésent Bercy, ne se traduisent par un éparpillement des responsabilités dommageable pour tout le monde ?
L'enjeu, comme vous le savez, monsieur le ministre, est important.
L'amélioration de nos programmes et leur régionalisation, la constitution des bouquets francophones, l'élargissement de la diffusion et l'idée d'une information internationale en français, l'exportation de nos programmes, tout cela conditionne la qualité, souvent très critiquée, de l'offre télévisuelle française qui doit occuper dans le monde sa juste place.
J'évoquerai ensuite l'enseignement français à l'étranger qui constitue un autre aspect positif du projet de loi de finances pour 1998, et ce à plusieurs titres : l'augmentation de la dotation de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, celle des bourses scolaires et, enfin, la création nette, dans le réseau, de 70 postes de résident sur un total de 120 créations.
Mais, par-delà ces éléments positifs, je souhaiterais attirer votre attention sur quelques-unes des difficultés du réseau.
Une première difficulté est liée à l'insuffisance de la dotation « investissements ». A l'évidence, les dotations prévues sont inférieures aux besoins tant des établissements en gestion directe que des établissements conventionnés. N'oublions pas que pour ces derniers les travaux indispensables ne peuvent être financés que par l'emprunt, charge qui ne manque pas de se répercuter sur les frais d'écolage. Pourtant, compte tenu de l'accroissement, déjà évoqué, de la fréquentation scolaire dans certaines régions, les extensions de locaux sont souvent incontournables.
Un deuxième sujet de préoccupation concerne certains personnels du réseau, sous deux volets différents : d'abord, l'avenir de la ressource en coopérants du service national après la suppression du service national obligatoire et, ensuite, la situation matérielle, à partir de l'an prochain, de certains recrutés locaux.
En 2002 au plus tard, avec l'épuisement du « stock » des sursitaires du service national, la ressource en CSN - coopérants du service national - sera tarie. Or, la disparition de ces postes de CSN, qui représentent 10 % des effectifs des enseignants titulaires du réseau, sera un véritable coup dur pour l'Agence. La préparation, par le Gouvernement, d'un projet de loi sur le volontariat civil est donc indispensable. Quand pourrez-vous, monsieur le ministre, nous présenter un texte sur ce dossier important ?
Je voudrais, enfin, évoquer l'inquiétude ressentie par quelque 600 enseignants recrutés locaux non titulaires du réseau qui, recevant des rémunérations particulièrement modestes dans certains pays comme le Mexique ou le Liban bénéficient, depuis 1993, d'allocations exceptionnelles représentant entre le tiers et la moitié de leurs revenus. Or, la Cour des comptes a relevé que le versement par l'Agence de ces allocations à des agents non titulaires n'était pas conforme à la loi. En conséquence, si aucune solution de substitution n'est trouvée, ces personnels seront privés de leur allocation au 31 août 1998.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous communiquer des informations sur ce que vous serez en mesure de faire ?
J'estime - je ne suis pas le seul à le penser dans cet hémicycle - qu'une implication financière du ministère de l'éducation nationale dans le fonctionnement du réseau d'enseignement français à l'étranger pourrait être envisagée. La scolarisation d'enfants français expatriés participe à la continuité du service public de l'éducation à une époque où, par ailleurs, l'expatriation des parents, en participant à l'activité économique nationale, est légitimement encouragée.
Enfin, monsieur le ministre, vous conduisez actuellement une réflexion sur l'aménagement de notre dispositif de coopération et d'aide au développement, avec le souci de rationaliser les moyens tout en préservant l'ambition. La Direction générale sera directement concernée par les propositions que vous formulerez.
C'est pourquoi nous vous serions reconnaissants de nous indiquer vos objectifs en la matière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le récent sommet de Hanoï a donné à l'ambition francophone des moyens et des objectifs rénovés sur la scène internationale. Ces horizons nouveaux ne doivent pas faire oublier les racines de la francophonie. Celle-ci, en rassemblant de multiples enjeux culturels, économiques et politiques, repose toujours en dernier ressort sur une langue et une façon partagée de voir le monde.
C'est un peu de ce capital qu'il s'agit, avec les 5 milliards de francs de la Direction générale, de préserver et de valoriser. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits concernant l'action culturelle extérieure pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bordas, rapporteur pour avis.
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me faut commencer ma présentation des crédits des relations culturelles extérieures en évoquant les gels et les régulations, qui obligent le Parlement à contrôler l'action du Gouvernement en fonction d'indices tirés des expériences passées, et non, comme il conviendrait, en fonction de critères financiers stables et francs.
Je crois donc nécessaire de mettre le Gouvernement solennellement en garde contre ces pratiques de plus en plus injustifiables.
Il faudra bien se décider à considérer l'action culturelle, scientifique et technique extérieure comme une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux régulateurs - j'y reviendrai.
Cela étant dit, qu'en est-il de ce projet de budget ?
J'en rappelle les grandes lignes en quelques mots.
Le budget de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères augmentera, en 1998, de 0,49 % par rapport à 1997. Hors effet change-prix, c'est-à-dire en francs constants, cela représente une diminution de 2,4 %.
Je ne vais pas évoquer le détail des annulations de crédits de 1997, mais simplement rappeler que la régulation répétitive des crédits d'intervention provoque un hiatus de plus en plus accentué entre les moyens de fonctionnement, relativement préservés, et les moyens d'intervention.
Le projet de budget de 1998 est loin d'amorcer un rééquilibrage. Les crédits du titre III augmenteront, en effet, de 3,4 % en francs courants alors que ceux du titre IV diminueront de 1,4 %.
Je voudrais, monsieur le ministre, insister sur le fait que si rien n'est réalisé pour corriger cette tendance, la Direction générale ressemblera de plus en plus à une machine administrative tournant à vide. Ce sera un beau sujet d'étude pour la science politique et une grande pitié pour l'image de la France.
L'évolution de la politique audiovisuelle extérieure me préoccupe aussi. En 1998, les mesures nouvelles seront limitées à quelque 31 millions de francs, contre les 52 millions de francs définis par le plan quinquennal arrêté en 1995.
La réforme lancée par les conseils audiovisuels extérieurs de la France en 1994 a connu des péripéties auxquelles le Gouvernement semble avoir l'intention de mettre fin. Je m'en réjouis : il faut achever la réforme et mettre l'audiovisuel extérieur en condition d'affronter une concurrence de plus en plus pléthorique.
Je tiens à souligner, à cet égard, combien il est indispensable d'inscrire la réforme de la télévision extérieure dans les tendances profondes de l'économie de l'audiovisuel.
En particulier, l'internationalisation croissante de l'offre télévisuelle va faire perdre à la télévision publique extérieure l'essentiel de sa spécificité par rapport aux autres chaînes publiques.
Par ailleurs, la raréfaction des moyens que l'Etat met à la disposition de l'audiovisuel public impose de maximiser l'utilisation des ressources existantes. Il faut surtout - et j'y insiste - accentuer les synergies entre les chaînes publiques ; c'est pourquoi France Télévision reste un acteur incontournable qu'il importe d'associer intimement au dispositif qui sera mis en place.
Je terminerai mon intervention en évoquant la situation de l'enseignement français à l'étranger. La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger progressera de 3,7 % en francs courants et de 0,46 % en francs constants. C'est un bon signal. Je me réjouis, en particulier, que les crédits des bourses scolaires augmentent de 12 millions de francs, ce qui représente une hausse de 6,7 % par rapport à 1997.
Cependant, nous savons tous que le coût des études dans les établissements du réseau reste dirimant pour de nombreuses familles, que les économies faites en infléchissant les modalités de recrutement des enseignants poseront, à terme, un problème de qualité de l'enseignement, que la politique d'enseignement français à l'étranger restera globalement dans une situation de stagnation peu encourageante pour les Français qui envisagent une expatriation.
En fonction de ces analyses, et en insistant sur la nécessité d'écarter toute régulation des crédits en 1998 ainsi que sur celle de mieux utiliser les crédits disponibles pour améliorer le fonctionnement du dispositif, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits des relations culturelles extérieures pour 1998. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 49 minutes ;
Groupe socialiste, 33 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 24 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de budget des affaires étrangères. Pour 1998, celui-ci s'élève à 0,91 % du budget général de l'Etat, c'est-à-dire 14,387 milliards de francs, soit une baisse de 0,52 % par rapport au budget voté en 1997.
Nous regrettons que ce projet de budget soit de nouveau marqué par les restrictions budgétaires. Dans le contexte actuel de mondialisation et de libéralisation des échanges, la place de la France comme grande puissance diplomatique doit, selon nous, être réaffirmée.
Aujourd'hui, notre pays dispose encore du deuxième réseau diplomatique et consulaire et présente un tissu culturel de grande qualité. Nous devons continuer nos efforts pour maintenir notre place, défendre nos intérêts, promouvoir notre culture et impulser une nouvelle conception de la diplomatie.
La suppression de quatre-vingts postes dans ces domaines et, cette année encore, la nouvelle réduction de 3 % des crédits pour la Direction générale de la recherche en coopération, la DGRC, ne semblent pas aller dans ce sens.
Certes, le projet de budget pour 1998 reflète une diminution moindre par rapport aux restrictions qui lui étaient imposées depuis quatre ans. Mais nous voulons obtenir des moyens à la hauteur de notre diplomatie et nous nous félicitons, monsieur le ministre, de la volonté du Gouvernement de faire en sorte que, à court terme, le budget des affaires étrangères représente 1 % du budget de l'Etat.
Il est en effet indispensable, aujourd'hui, d'inverser la tendance à l'érosion de ce budget, alors que notre présence dans le monde est sinon menacée, du moins fortement mise à mal, essentiellement par la toute-puissance américaine.
Pourtant, dans la plupart des pays où les parlementaires sont amenés à se rendre, de nombreux amis de la France souhaitent voir son rôle économique et culturel se renforcer.
La francophonie est à la recherche d'un nouvel élan porteur de sens. L'accroissement de 17 % des fonds peut favoriser son rayonnement et faire progresser une certaine conception des droits de l'homme et de la démocratie.
Dans un monde en pleine mutation, nous pouvons promouvoir une diplomatie française dynamique, capable de répondre aux attentes de dialogue et de partenariat.
Le monde méditerranéen retient à plus d'un titre notre attention.
Je prends acte des déclarations du gouvernement français sur la question palestinienne et de sa volonté affichée d'agir pour une paix juste et durable au Proche-Orient.
Selon nous, la France peut se donner les moyens d'oeuvrer encore plus dans ce sens. Elle se veut l'amie du peuple israélien mais aussi l'amie du peuple palestinien et entretient de bonnes relations avec tous les Etats de la région. Ses choix privilégiant l'action diplomatique, la négociation, le respect de la parole donnée peuvent avoir un grand écho. Mais ne peut-on plus clairement exprimer que M. Netanyahou, loin de défendre la sécurité et la paix pour son peuple, engendre lui-même, par sa politique, les conditions de l'insécurité et de l'explosion meurtrière ?
Ne peut-on, dans le cadre des accords de coopération en cours avec l'Union européenne, donner un signe fort pour obtenir, enfin, l'application concrète des accords d'Oslo ?
Après les attentats du Caire et de Louxor, et alors que l'Algérie continue de résister à la frénésie meurtrière de certains, il nous faut bien nous interroger sur l'existence de l'intégrisme.
Il est tout d'abord évidemment nécessaire de continuer à dénoncer cette barbarie qui fait tant de victimes. Mais sachons que ces activités sont souvent alimentées par des réseaux installés dans certains pays européens.
Ne nous trompons pas quant aux problèmes de fond. Certes, des mesures de sécurité sont à prendre au niveau national pour renforcer la protection, et nos concitoyens l'exigent légitimement. Mais la réponse sécuritaire, nous le savons, ne peut résoudre à elle seule un phénomène qui naît avant toute chose de la dégradation sociale et économique, du chômage des jeunes et du désespoir.
L'éradication de l'intégrisme passe d'abord par celle de la pauvreté et de la corruption. Elle doit s'appuyer, dans le même mouvement, sur une démocratisation de la société.
La France, sans volonté hégémonique, a, en tant que grande puissance dirigée par un gouvernement de gauche, un rôle original à jouer dans ce sens : il nous faut instaurer de nouveaux rapports de partenariat et d'échanges avec ces pays pour leur offrir de réelles possibilités de développement.
Ce n'est qu'à ces conditions que cet ensemble régional peut devenir un espace de paix.
Concernant l'analyse de la politique africaine de la France, mon collègue Jean-Luc Bécart s'est exprimé lors de l'examen du budget de la coopération ; je me limiterai donc à poser une question.
Alors qu'en Afrique l'image de la France s'est sensiblement dégradée, la volonté affichée par le Gouvernement de redéfinir nos relations avec ce continent nous semble une bonne chose. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations dans ce domaine ?
Dans le même sens, la France doit revaloriser son aide publique au développement. Même si notre pays est déjà l'un des premiers contributeurs, les attentes sont considérables, et nous avons des responsabilités vis-à-vis des pays du Sud.
Cela implique que l'on dégage les moyens financiers et que l'on affirme notre autonomie face aux logiques ultralibérales du Fonds monétaire inernational, de la Banque mondiale ou de l'Organisation mondiale du commerce.
Ces logiques, par les critères d'ajustements structurels qu'elles imposent, entraînent des dégradations en matière sociale, en termes d'éducation et de santé, et favorisent l'accroissement des inégalités de richesse.
Nous voulons être les défenseurs d'une autre approche du développement, au niveau international comme au niveau européen. Partout, les ravages du libéralisme et de la dérégulation des mouvements de capitaux et des marchés financiers sont ressentis avec plus de force et suscitent le rejet. La crise boursière asiatique vient encore de nous apporter une preuve des dangers et de la fragilité de modèles de développement fondés essentiellement sur la spéculation et les investissements étrangers.
Certes, la France ne peut prétendre avoir les moyens d'agir seule dans ces domaines. Elle peut néanmoins faire connaître ses positions au sein des instances internationales, et nous pensons particulièrement à l'Organisation des Nations unies. Cet organisme pourrait être un outil plus pertinent dans un monde en proie aux conflits, aux guerres économiques et à des écarts de développement toujours plus grands entres les Etats. Encore faut-il que l'Organisation des Nations unies ait les moyens financiers d'exister et d'agir, qu'elle soit représentative de l'ensemble des pays membres et qu'elle soit à l'abri de toute pression.
Nous constatons, avec satisfaction, les interventions de la diplomatie française pour obtenir que les Etats débiteurs paient leurs dettes.
Sur le sujet des contributions, je souligne cependant notre inquiétude quant à la baisse sensible des contributions volontaires de notre pays aux organismes internationaux. Ne devrions-nous pas, au contraire, poursuivre notre aide tout en essayant de convaincre les autres Etats de faire de même et d'influencer les restructurations et réformes nécessaires ?
De manière plus globale, se pose la question du financement du développement. C'est, pour nous, une question vitale. Nous proposons qu'une session spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU y soit consacrée.
La question de la dette, dette qui asphyxie les pays du Sud, la nécessité de trouver de nouvelles ressources, notamment par la taxation des mouvements de capitaux, ne pourraient-elles pas faire l'objet de débats au niveau international ?
La France peut aider à cette prise de conscience. Elle peut et doit oeuvrer pour que se concrétisent vraiment les concepts de codéveloppement, de développement durable, de désarmement et de prévention des conflits.
A la veille du sommet d'Ottawa, nous apprécions l'engagement français en faveur de l'interdiction des mines antipersonnel, armes qui font de terribles dégâts au sein des populations civiles.
D'autres questions restent à traiter, comme celle de la non-prolifération nucléaire et celle du commerce des armes. Là encore, je me permets de rappeler notre proposition d'une conférence internationale sur le contrôle et la réduction du commerce des armes sous l'égide de l'Organisation des Nations unies.
La France doit jouer un rôle original au niveau international, nous l'avons dit. Elle doit également, dans le même sens, impulser une nouvelle dynamique au niveau européen.
Notre démarche est celle d'une réorientation de la construction européenne telle qu'elle est actuellement entreprise. Les politiques menées jusqu'à présent, dans le cadre de celle-ci, n'ont pas enrayé le chômage, loin de là. L'Europe compte actuellement plus de 20 millions de chômeurs et près de 50 millions de pauvres, mais les peuples européens supportent de plus en plus mal les restrictions et sacrifices imposés par la marche vers l'euro. Mon collègue Paul Loridant est déjà intervenu sur ce sujet lors de l'examen du budget des Communautés européennes.
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen soutiendront toutes les propositions contribuant à l'harmonisation des législations vers le haut, au recul de la précarité et à la réorientation de l'argent vers l'emploi et le progrès social.
Ces mesures nécessitent, évidemment, une volonté politique très forte. Nous sommes conscients des résistances et des divergences d'opinion que peuvent nous opposer certains de nos partenaires. Mais la France a les moyens de se faire entendre pour infléchir les orientations.
L'impact, dans l'ensemble des pays européens, et particulièrement en Italie, de la mesure prise par le gouvernement français concernant les trente-cinq heures en est un exemple évident.
Nous sommes convaincus qu'il existe une réelle contradiction entre la construction d'une Europe sociale et la mise en place de l'euro.
Les financiers et les banquiers ont déjà pris position pour cette monnaie unique. Ne refusons pas aux peuples le droit d'être également consultés.
Quant à la question de l'élargissement, les réformes contenues dans le cadre d'Agenda 2000 ne nous donnent pas satisfaction. Les objectifs de paix et de stabilité, qui en sont les arguments, sont louables. Mais la conception retenue d'une construction européenne en cercles concentriques autour d'un noyau fort plus ou moins hégémoniques est, selon nous, porteuse d'inégalités, et donc de tensions.
Nous souhaitons impulser une autre approche de l'élargissement, notamment autour de l'idée d'un « Forum des nations » fondé sur le dialogue. Ce forum pourrait rassembler l'ensemble des pays candidats et des pays membres autour d'un projet commun de construction européenne.
Les Etats y seraient considérés à égalité en vue d'un renforcement de la coopération européenne et non de la mise en concurrence des peuples.
En conclusion, je tiens à réaffirmer notre volonté de voir une véritable inflexion de tendance pour le règlement des problèmes tant au niveau international qu'à l'échelon européen.
Les parlementaires de mon groupe vous soutiendront dans ce choix, monsieur le ministre, et ils voteront donc votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un sujet très spécifique, à savoir la nécessité qu'il y a à reconsidérer la contribution française au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population, le FNUAP.
Le FNUAP fournit une assistance aux pays en développement et aux pays en transition. Il intervient principalement dans trois domaines : la promotion de l'accès universel aux soins de santé de la reproduction - la santé des femmes, la santé des enfants - notamment ceux qui ont trait à la planification familiale ; le soutien aux stratégies relatives à la population et au développement permettant un renforcement des capacités de programmation en matière de population ; la promotion de la prise de conscience de ces questions de population et de développement et de leur importance.
Participant, voilà quelques semaines, à une réunion commune des parlementaires de langue française et des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat des groupes « Démocratie et population mondiale », j'ai constaté, pour la première fois, l'émergence d'un sentiment nouveau, une sorte de prise de conscience de l'inexorabilité et de la nécessité d'une solidarité planétaire.
Je l'ai dit, le FNUAP est le principal organisme des Nations unies chargé du suivi et de la mise en oeuvre des recommandations du programme d'action de la conférence internationale sur la population et le développement, qui s'est tenue au Caire en 1994. Son rôle est tout à fait essentiel.
Programme des Nations unies, le FNUAP a la particularité de ne disposer pour seules ressources que des contributions volontaires des Etats. Il n'existe en effet pas de financement obligatoire ; seule la bonne volonté de certains Etats permet à ce programme de fonctionner.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de rappeler quelques chiffres, hélas ! très révélateurs de la modestie de notre contribution dans ce domaine essentiel.
Le budget du FNUAP s'élevait, en 1996, à 300 millions de dollars. Les principaux contributeurs sont le Japon, avec 54 millions de dollars, soit soixante fois la contribution française, les Pays-Bas, avec 39 millions de dollars, le Danemark, avec 32 millions de dollars, la Norvège, avec 28 millions de dollars, les Etats-Unis, avec 25 millions de dollars, et l'Allemagne, avec 24 millions de dollars.
Mesurée par habitant, la contribution française apparaît encore plus insignifiante. La contribution de la Norvège est ainsi 434 fois supérieure à la nôtre, celle du Danemark, 415 fois, celle de l'Allemagne, 20 fois, et celle des Etats-Unis, 6 fois.
En outre, les contributions volontaires de la France aux organisations internationales, qui s'étaient élevées à 345 millions de francs en 1997, ne devraient atteindre que 228 millions de francs en 1998, soit une baisse de 34 %. Qu'adviendra-t-il, alors, de notre contribution au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population ?
En 1994, à la conférence internationale du Caire sur la population et le développement, notre pays avait pris des engagements très précis, avec une première échéance en l'an 2000. A la lumière des travaux les plus récents du comité d'aide au développement de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, je dois malheureusement constater, monsieur le ministre, que la France n'a, depuis 1994, pas fait le moindre pas en direction du respect de ses engagements, engagements qui ont d'ailleurs été réitérés, en 1996, à Pékin, à la conférence internationale sur les femmes.
Nous avons tous conscience des contraintes budgétaires qui pèsent sur les crédits du ministère des affaires étrangères, et sur les autres aussi. Néanmoins, certaines priorités doivent être préservées ; l'action en faveur d'une évolution maîtrisée de la population mondiale doit figurer parmi celles-ci.
Or, la contribution de la France au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population est d'un montant dérisoire ; elle s'élève précisément à 0,9 million de dollars en 1997, soit 5,5 millions de francs ! Elle avait presque atteint les 2 millions de dollars en 1994, l'année de la conférence du Caire, mais s'est réduite progressivement depuis.
La France n'est aujourd'hui qu'au quatorzième rang mondial des contributeurs ! Le FNUAP a besoin de l'appui de la France. Notre contribution à ce programme n'est pas digne aujourd'hui du rôle que notre pays entend jouer en ce domaine. Tous les représentants de la francophonie, plus deux anglophones, sont unanimes sur ce point. Or, monsieur le ministre, c'est au sein de votre cabinet que se fait la répartition des contributions aux différents fonds. Pensez-y !
Conformément à la volonté des parlementaires francophones de trente-deux pays et aux souhaits du groupe d'études Démographie et population mondiale, je vous demande donc, monsieur le ministre, de faire en sorte que nos efforts soient réellement à la hauteur des enjeux.
Il y va de la crédibilité de la parole de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, mon intervention sera particulièrement ciblée et portera sur le fonds d'action sociale qui, au sein de votre ministère, a pour objet d'aider ceux de nos 1 700 000 compatriotes vivant à l'étranger qui sont les plus défavorisés.
Cette action me tient à coeur depuis que M. Raymond Barre, alors Premier ministre, a donné en 1977 l'impulsion qui a permis de créer, au sein de votre département ministériel, ce fonds d'action sociale. A l'origine, il avait pour mission de permettre aux Français expatriés âgés, handicapés ou dont les ressources étaient insuffisantes de percevoir des aides similaires à celles qui sont accordées en métropole.
Ce fonds avait été mis en place selon un plan quinquennal et la ligne budgétaire afférente devait progresser jusqu'à ce que les allocations versées à nos compatriotes atteignent un niveau comparable à ce que perçoivent en métropole, au titre de leur couverture sociale, les personnes âgées ou handicapées.
Or, force est de le constater, monsieur le ministre, on assiste aujourd'hui à un décrochage par rapport au concept initial. Ce fonds, qui a connu des hauts et des bas, indépendamment des gouvernements et de leur sensibilité politique, a pu augmenter de 7,5 % en 1994 et en 1995, alors que M. Juppé était ministre des affaires étrangères, mais son budget actuel stagne, c'est-à-dire qu'il régresse.
En 1997, les crédits d'assistance aux Français de l'étranger ont été reconduits au même niveau qu'en 1996. Or, déjà en 1996, la progression n'avait été que de 0,7 %, ce qui, en francs constants, correspond à une diminution de 1,4 %.
Pour 1998, je constate que les crédits du chapitre 46-94, qui sont consacrés à l'assistance et au fonds de secours pour les Français de l'étranger, sont en diminution, alors que l'on nous avait annoncé un simple gel.
La situation est paradoxale, car les demandes d'aide ne cessent de croître, comme, d'ailleurs, le nombre de personnes qui souhaitent être assistées. Les aides temporaires et occasionnelles qui demeurent le seul moyen de secourir nos compatriotes lorsqu'ils se trouvent dans une situation de crise, comme cela a été le cas récemment au Congo, au Zaïre et au Cambodge, pour ne citer que ces pays-là, en sont l'illustration tout à fait permanente et prouvent combien ce fonds est indispensable.
Les consulats ainsi que la commission permanente pour la protection sociale des Français au sein de laquelle je représente le Sénat et qui a son siège à votre ministère ont donc été contraints à appliquer de plus en plus strictement, voire de manière restrictive, les critères d'attribution des allocations, alors que les représentants des Français de l'étranger, qu'ils soient parlementaires ou membres désignés du Conseil supérieur des Français de l'étranger, mais aussi les membres de votre ministère eux-mêmes, constatent, à chacun de leur déplacement, la précarité croissante de certains de nos compatriotes expatriés.
Certes, nous sommes dans un contexte de rigueur budgétaire, et votre projet de budget, monsieur le ministre, n'échappe pas à cette contrainte : les crédits qui y sont inscrits enregistrent une baisse sensible. Cependant, devons-nous en faire subir les conséquences à nos compatriotes les plus démunis, quand, dans le même temps, en métropole, le Gouvernement agit en faveur des exclus ? Pourquoi cette disparité avec les Français qui résident à l'étranger ?
Je trouve une illustration de la discrimination dont sont victimes nos compatriotes expatriés dans le fait que, quand ils perçoivent des allocations de solidarité ou lorsqu'ils sont handicapés, quand ils reçoivent des allocations permanentes de votre fonds d'action sociale, contrairement à ce qui se passe en France pour les bénéficiaires du minimum vieillesse, de l'allocation aux adultes handicapés ou encore du RMI, ils ne perçoivent pas de couverture maladie. Monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement, je trouve cela choquant.
Pour y remédier et cherchant une issue, j'avais proposé à votre prédécesseur, M. Hervé de Charette, l'élaboration d'un nouveau plan quinquennal dans le même ordre d'idée que celui qui avait été mis en place par M. Raymond Barre, qui permettrait, grâce à une augmentation annuelle comprise entre 4 millions de francs et 5 millions de francs, de doter au bout de quatre ou cinq ans de 20 millions de francs, voire de 25 millions de francs supplémentaires les crédits du fonds d'assistance.
M. Lamassoure avait bien voulu prendre en considération cette suggestion et m'indiquer que les services du Quai d'Orsay allaient l'examiner et la chiffrer.
Je sais que la direction des Français à l'étranger est très attentive à ce sujet et qu'une première étude a été réalisée par ses soins répertoriant à peu près mille personnes susceptibles de bénéficier de la couverture maladie proposée par la Caisse des Français de l'étranger. Je vous rappelle que cette caisse, dont je préside le conseil d'administration, est prête à faire un effort exceptionnel vis-à-vis de nos compatriotes en les assurant dans la catégorie la plus basse des cotisants, pour laquelle le montant de la cotisation est le moins élevé, mais qui ouvre des droits à prestations identiques à ceux des première et seconde catégories, alors que nous savons fort bien que les allocataires que vous nous adresserez constituent une population à risque.
Il faut sans doute reprendre les différentes données, notamment chiffrées, mais je maintiens qu'en aboutissant à une augmentation substantielle du fonds, augmentation qui ne devrait pas peser trop lourd dans le budget global de votre ministère, nous manifesterions aux Français expatriés les plus déshérités la solidarité qu'ils sont en droit d'attendre de nous. C'est pourquoi j'insiste formellement, monsieur le ministre, pour que vous poursuiviez dans cette voie, car il s'agit d'un enjeu essentiel. Votre département ministériel s'honorerait en suivant la proposition que j'avais faite dès l'an dernier et en prenant les mesures nécessaires à son application.
Au-delà de ce sujet très important, je voudrais également évoquer devant vous mes préoccupations à l'égard des Français installés dans des pays qui ont eu à connaître des crises politiques graves, en Afrique et en Asie, qui ont entraîné, dans la plupart des cas, leur rapatriement en France.
Je sais combien le Quai d'Orsay, la direction des Français à l'étranger et la cellule de crise ont à coeur de tout mettre en oeuvre pour aider nos compatriotes. Mais je voudrais appeler votre attention sur le fait que nombre d'entre eux font appel à nous, car ils se trouvent le plus souvent en France avec pour toute ressource le revenu minimum d'insertion - ils ont perdu tous leurs biens - et pour seul espoir quelques indemnisations.
Le dossier de l'indemnisation des Français victimes de troubles politiques à l'étranger est depuis longtemps dans tous les débats, et vous-même, monsieur le ministre, lors de l'ouverture solennelle de la cinquantième session de l'assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger, en septembre dernier, vous avez annoncé que vous aviez l'intention de vous en préoccuper et de l'aborder avec les dirigeants des principales compagnies d'assurances. Je ne peux que vous encourager dans cette voie - votre propos avait, je ne vous le cache pas, touché beaucoup de membres du Conseil supérieur - d'autant que les Français expatriés au titre de la coopération, je l'ai rappelé hier au secrétaire d'Etat à la coopération, M. Josselin, ont droit, quant à eux, à une indemnisation dont j'ai critiqué le montant, car il est minime, mais qui a cependant le mérite d'exister.
Monsieur le ministre, pour différents motifs qu'il serait trop long d'évoquer ici, la rigueur budgétaire est de mise, pour l'année 1998 et je le comprends. L'avancée européenne, la monnaie unique, tout cela entraîne des contraintes, mais ne croyez-vous pas qu'aider quelques milliers de Français qui sont dans une situation de détresse particulière à l'étranger est une nécessité pour votre ministère ?
Il y a là un devoir de solidarité et nous ne pouvons rester insensibles ni vous, ni moi, à la situation de ceux qui, tout au long de leur carrière, n'ont pas eu la possibilité de se constituer une retraite ou un capital pour assurer leurs vieux jours et qui ne survivent, pour certains, que grâce à la générosité et à la solidarité de la communauté française du lieu où ils résident.
Vraiment, monsieur le ministre, n'est-il pas possible, comme je vous l'ai proposé, de doter votre fonds d'action sociale de 4 millions de francs chaque année pendant cinq ans ? D'après nos estimations, cela permettrait de régler la quasi-totalité des dossiers les plus sensibles.
Attachez votre nom à cette action et, au-delà des clivages politiques, la communauté française expatriée, je vous le promets, vous en saura gré ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une diplomatie sans arme est comme une musique sans instrument ».
M. René Ballayer. Oh !
M. Hubert Durand-Chastel. Cette citation de Frédéric II de Prusse s'applique malheureusement à votre projet de budget, monsieur le ministre.
M. Claude Estier. Oh !
M. Hubert Durand-Chastel. Au cours de son histoire, notre pays a acquis dans le monde un prestige et une autorité morale que les autres nations nous envient ; votre département dispose aussi d'un corps exceptionnel de diplomates de grande qualité et leur réseau est le second du monde, après celui des Etats-Unis.
Or, le budget des affaires étrangères diminue régulièrement depuis plusieurs années et, à notre époque de mondialisation, il est devenu tout à fait inadéquat, avec un montant inférieur à deux millièmes de notre produit national brut. On ne peut se satisfaire de constater qu'il y a seulement une décélération des réductions annuelles, une réduction de la réduction, en somme !
La France a décidé, voilà quarante ans, de relever le défi de la mondialisation en participant en première étape à l'européanisation qui permettra, à travers l'Union, de maintenir la mission universelle de notre pays ; mais des moyens suffisants doivent être fournis pour réussir cette noble tâche, ce qui n'est pas le cas.
En effet, indépendamment de la réduction des effectifs de votre personnel et de la diminution des crédits des moyens matériels de fonctionnement, les dotations prévues pour les contributions obligatoires aux dépenses internationales ne correspondent pas à la consommation prévisible ; il en est de même pour les crédits d'intervention volontaire, qui placent notre pays entre le douzième et le vingtième rang des donateurs.
Ces prévisions vont nous exclure des conseils d'administration des grands programmes des Nations unies, qui procèdent actuellement à la réorganisation de leurs structures de base, dans une époque de crise où nos intérêts vitaux et notre influence traditionnelle sont en jeu.
Il convient de signaler également qu'une partie importante des dépenses du ministère, libellées en francs, est effectuée en devises étrangères et dépend donc, en fin de compte, des taux de change, ce qui constitue un élément d'incertitude qui ne peut être sous-estimé.
J'en viendrai maintenant à quelques points d'actions spécifiques à votre ministère.
Le premier réside dans l'insuffisance notoire de notre action audiovisuelle extérieure. Depuis plusieurs années, le problème a fait l'objet de nombreux rapports qui ont tous conclu à la gravité de la situation ; la crise de la francophonie que nous vivons en est tout simplement le reflet et la conséquence. En resterons-nous encore à un nouveau rapport ? Existe-t-il vraiment une volonté politique sur ce sujet fondamental pour notre action et notre image à l'étranger ? La faiblesse de notre présence audiovisuelle par rapport à la BBC ou à la Deutsche Welle, pour ne pas parler de CNN, est flagrante.
Je voudrais également évoquer le problème des volontaires à l'international. Avec la fin de la conscription, la formule des coopérants du service national, les CSN, va être supprimée. Ces CSN ont joué un rôle important pour le développement de notre commerce extérieur, pour notre présence à l'étranger et pour la formation des futurs cadres français à l'international. Nos compatriotes, considérant à juste titre la douce France comme un pays béni des dieux, perdent maintenant le goût du risque, le goût de l'aventure, en un mot le goût d'entreprendre, par suite de l'extrême sécurisation de notre système social que l'Etat providence leur procure. Je n'insisterai pas sur le nombre très insuffisant de nos ressortissants français à l'étranger, nombre qui se réduit sans cesse avec le retour de nos compatriotes d'Afrique et d'ailleurs.
Les CSN ont constitué un vivier efficace et dynamique pour l'expatriation. Il est important qu'une nouvelle formule soit rapidement mise en place, tant pour les entreprises que pour le secteur public ; en effet, de nombreux coopérants occupent actuellement des fonctions de service public à l'étranger, comme, par exemple, les 500 coopérants qui accomplissent leur service militaire dans les établissements d'enseignement français à l'étranger, les coopérants affectés aux chambres de commerce et d'industrie à l'étranger ou aux comités consulaires pour l'emploi et la formation. Je regrette à ce sujet que Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, ait ecxlu de la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes les postes de service public à l'étranger, comme ceux que je viens de mentionner.
Nous vous demandons, monsieur le ministre, d'appuyer le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour que soit rapidement mis en place le projet pour l'envoi de 10 000 volontaires à l'international ; des encouragements au départ sont à prévoir, maintenant que va se terminer l'alternative des conscrits : la caserne ou la coopération. Ces volontaires continueront à faire progresser notre commerce extérieur, dont la croissance dépasse sensiblement celle de notre production nationale ; ils contribuent ainsi puissamment à la création d'emplois en France pour la fabrication des marchandises à exporter.
En ce qui concerne l'action culturelle française à l'étranger, je tiens à souligner l'excellence et le rôle très bénéfique de nos établissements d'enseignement français à l'étranger.
M. Jacques Habert. Très juste !
M. Hubert Durand-Chastel. Je précise au passage que le montant total des subventions des deux ministères de tutelle - affaires étrangères et coopération - correspond au coût de la scolarisation des seuls élèves français de ces établissements, si elle s'effectuait en France même.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. Ainsi, la scolarisation des élèves étrangers, nationaux des pays d'accueil et étrangers tiers, qui, ensemble, représentent 60 % environ des effectifs totaux d'élèves, constitue un avantage supplémentaire considérable pour la francophonie et pour l'action culturelle, pour sans autre débours officiel.
Par ailleurs, monsieur le ministre, comme l'extrême médiocrité de votre projet de budget ne vous permet absolument pas de fournir à ces établissements français à l'étranger toute l'aide qui leur est nécessaire pour accroître leur action, il paraît souhaitable que le ministère de l'éducation nationale participe aussi à leur tutelle ; la situation actuelle est du reste particulièrement étrange et anormale puisque les budgets de fonctionnement de ces établissements scolaires correspondent, pour plus de 80 % de leurs montants, à des traitements et charges sociales, et que la très grande majorité des enseignants sont titulaires du ministère de l'éducation nationale, qui gère leurs carrières et décide seul de leurs rémunérations.
Cette nouvelle tutelle permettrait aussi de pallier l'insuffisance notoire des crédits d'investissements immobiliers de ces établissements, investissements qui, aujourd'hui, dépendent surtout des campagnes financières locales.
Par ailleurs, le règlement du problème récurrent des bourses versées aux élèves français dont les familles ne disposent pas de ressources suffisantes pour faire face aux frais de scolarisation de ces établissements payants serait facilité.
Je pense qu'il convient aussi, désormais, de tenir compte davantage de notre appartenance à l'Union européenne dans nos établissements scolaires à l'étranger. La formule d'établissements mixtes de plusieurs pays de l'Union doit être encouragée ; elle fonctionne déjà à Taïwan, aux Philippines, en Indonésie, en Australie, etc. Par ailleurs, dans les pays où l'enseignement national est d'un bon niveau - en Europe surtout - un système d'échanges nombre pour nombre de lecteurs et de professeurs de français et de la langue de l'autre nation, dans les établissements des deux pays, peut représenter une première solution économique à développer à notre époque d'austérité, avant de passer à la construction, toujours coûteuse, de nouveaux établissements à l'étranger.
Le dernier point que je voulais aborder concerne la protection des Français à l'étranger. Les autorités françaises assument avec succès la sécurité et le rapatriement de nos compatriotes en cas d'événements graves survenant dans leur pays d'accueil. En revanche, aucune solution juridique n'est proposée pour l'indemnisation des biens et pour la perte d'activité professionnelle des Français qui ne sont pas des agents de l'Etat, et la réinsertion en France de ces derniers reste toujours extrêmement difficile. Je pense en particulier à nos compatriotes du Congo-Brazzaville qui ont tout perdu et qui, six mois après les événements, n'ont pu redémarrer une activité faute de soutiens appropriés sous forme de prêts bonifiés, d'accès à des formations de reconversion ou d'aides au départ vers d'autres contrées. Monsieur le ministre, quand les Français expatriés trouveront-ils l'aide au redémarrage qu'ils sont en droit d'attendre de leur patrie ?
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Hubert Durand-Chastel. Tant qu'une protection complète ne sera pas véritablement définie, l'expatriation, si nécessaire au développement économique de la France, continuera à stagner, voire à régresser dans les zones réputées instables, et l'on sait que les conflits régionaux risquent de s'intensifier dans le monde.
Nous serons très attentifs à vos réponses, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Jacques Habert applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une crise vient à nouveau d'opposer l'Irak aux Nations unies ou plus exactement aux Etats-Unis. Il y a lieu, à cet égard, de faire quelques rappels.
Tout d'abord, la résolution des Nations unies n° 986 dite « pétrole contre nourriture » est elle-même peu équitable puisque, sur le produit des exportations de 2 milliards de dollars par semestre, 30 % de cette somme est versée au fonds de compensation des victimes de la guerre du Koweït et aux frais d'entretien de la commission spéciale de l'ONU chargée du désarmement de l'Irak, 150 millions de dollars étant affectés à la population du Kurdistan qui échappe à la souveraineté irakienne.
Selon le porte-parole de l'ONU à Bagdad, la ration alimentaire actuelle, qui ne comprend pas de viande, s'élève à 2 030 calories par personne et par jour, alors qu'il faudrait atteindre 2 500 calories.
En outre, pour 82 % de la population irakienne, la ration alimentaire ne dure pas plus de vingt-cinq jours et, pour les familles les plus démunies qui dépendent uniquement de l'assistance alimentaire, elle ne dure que seize jours. De surcroît, de graves carences dans le système sanitaire sont à déplorer du fait du manque d'équipement des hôpitaux et de l'insuffisance d'approvisionnement en médicaments, qui expliquent une élévation du taux de mortalité, en particulier chez les jeunes enfants, et je sais de quoi je parle.
Sur un plan plus général, on peut considérer que les conditions économiques collectives imposées à l'Irak, c'est-à-dire l'embargo décidé par l'ONU en 1991 à la suite du conflit du Koweït, devaient être levées après qu'il eut été fait usage de la force armée contre l'Irak. Pourtant, depuis six ans, le peuple irakien souffre toujours de façon extrêmement grave de l'embargo, dont la levée devait être liée à l'achèvement du travail de la commission spéciale des Nations unies pour le désarmement de l'Irak, l'UNSCOM.
Cette commission intervient en Irak depuis six ans et demi ; elle a détruit tous les bâtiments, les équipements et les armements considérés comme prohibés, parfois de façon arbitraire, car certaines installations pouvaient être utilisées à des fins civiles.
Ayant achevé son programme de destruction, l'UNSCOM a entrepris depuis 1994 d'installer un système de contrôle à long terme en plaçant des caméras vidéo dans des endroits considérés comme sensibles. Bien loin de signaler au Conseil de sécurité qu'il ne reste plus d'armes prohibées et que le système de surveillance fonctionne bien, la commission spéciale, dominée par les Américains, a décidé de maintenir à l'infini l'embargo.
Dans le même temps, les services de renseignements américains fournissaient des rapports peu fiables prétendant à l'existence d'armes cachées par l'Irak.
L'Irak maintient sa coopération avec l'UNSCOM, tout en étant bien conscient que les Américains dominent et manipulent cette commission dans laquelle le rôle des inspecteurs de nationalité américaine est prépondérant et est de nature à provoquer des incidents et des confrontations avec les autorités irakiennes.
Il n'est pas excessif de considérer que l'UNSCOM fournissait donc une couverture nécessaire aux services spéciaux américains pour espionner tranquillement un pays étranger.
La crise qui vient de survenir a constitué la goutte qui a fait déborder le vase tandis que l'effet de l'embargo touche dangereusement tous les aspects de la vie du peuple irakien, jusqu'à mettre en péril le secteur même de la société irakienne confrontée à l'intégrisme sunnite de l'Arabie saoudite et à l'intégrisme chiite de l'Iran. Les Américains n'ont de cesse d'exhiber leur hostilité contre ce pays, dont ils ne parviennent pas à accepter la personnalité du dirigeant.
En octobre dernier, lors de la discussion au Conseil de sécurité du rapport de l'UNSCOM et de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur l'Irak, le président de cette association a annoncé que le dossier nucléaire irakien était clos. M. Butler, président de l'UNSCOM, a annoncé, pour sa part, la fin des travaux concernant le dossier des missiles balistiques et a confirmé que le dossier chimique était sur le point d'être clos.
Mais bien loin de faire part des progrès réalisés grâce à la coopération entre l'Irak et l'UNSCOM, les pays anglo-saxons ont influencé le Conseil de sécurité de l'ONU en prétendant que l'Irak n'assure pas la coopération suffisante avec l'UNSCOM et entrave les travaux de ses inspecteurs.
Cela confirme que la politique des Etats-Unis est fondée sur l'objectif de diabolisation du régime irakien et de déstabilisation des forces politiques de ce pays. Si l'on en juge par la politique américaine qui domine le Conseil de sécurité, l'embargo ne serait donc jamais levé.
Face à cette situation et aux souffrances de la population irakienne que j'évoquais au début de mon exposé, l'Irak s'est vu contraint d'expulser les inspecteurs américains de l'UNSCOM ; cette décision a été motivée par un souci de protection contre les activités d'espionnage et les provocations exercées par les inspecteurs américains et par le souhait d'inviter la commission spéciale à plus d'impartialité et de professionnalisme dans un cadre juridique dénué de considération politique.
Les revendications de l'Irak sont claires : il est indispensable de fixer une date limite à la levée de l'embargo qui affame la population et accroît son taux de mortalité ; l'impartialité des membres de l'UNSCOM doit être sans ambiguïté et le mandat de ces derniers doit relever du Conseil de sécurité et non pas des objectifs de la politique américaine ; il est nécessaire de parvenir à une représentation plus équitable des fonctionnaires et des inspecteurs de l'UNSCOM qui reflète réellement la position du Conseil de sécurité, en particulier de ses membres permanents, pour garantir que les Etats-Unis ne continueront pas à y remplir un rôle prépondérant ; il est essentiel d'assurer le respect de la souveraineté et de la sécurité de l'Irak, comme le sptipulent le préambule et les résolutions des Nations unies concernant ce pays.
L'Irak est disposé à accueillir une commission d'experts neutres dans laquelle les pays membres du Conseil de sécurité seront représentés dans des conditions d'égalité et d'équité.
Dans ces conditions, l'Irak peut ainsi accepter la participation des inspecteurs américains dans le cadre des activités de l'UNSCOM.
Je tiens à rendre hommage à l'action de conciliation qui a été menée par la France, la Russie et la Chine qui sont les pays les mieux placés pour assurer une application juridique équitable des relations des Nations unies.
La France, à cet égard, a joué un rôle déterminant dans sa requête pour que les sanctions collectives soient déterminées de manière que l'on puisse connaître les raisons du maintien de l'imposition des sanctions ainsi que les conditions de la levée desdites sanctions et leur date limite.
Il est bien clair que la position des Etats-Unis est dictée par les intérêts des pays pétroliers du Moyen-Orient ; c'est ainsi que l'Arabie Saoudite dispose toujours du quota de trois millions de barils de pétrole par jour soustraits à l'Irak en 1990.
Je confirme que les Nations unies ne doivent pas être utilisées comme une couverture pour une politique dictée par les Etats-Unis et leurs alliés du Proche-Orient.
Monsieur le ministre, je vous invite à sensibiliser le Gouvernement français sur la nécessité d'une levée rapide de l'embargo puisque l'Irak s'est conformé aux résolutions des Nations unies et que les sanctions collectives qui continuent à lui être appliquées affament littéralement un peuple et déstabilisent une société tout entière. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 peut être considéré comme un budget de stabilisation avec une légère diminution des crédits après les très sévères réductions intervenues ces dernières années. Ce projet de budget pour 1998 peut même apparaître comme étant un cru prometteur. Va-t-il bien vieillir ou sera-t-il victime des gels de crédits ou autres régulations budgétaires que l'on a connus dans le passé ? Dans l'état, il est acceptable ; amputé, il deviendrait nettement insuffisant.
La part du budget des affaires étrangères dans le budget général de l'Etat, je le rappelle, était de 1,09 % en 1993. Elle est passée de 1,03 % en 1995 à 0,93 % en 1997. En 1998, elle se situera à 0,91 %. Nous souhaiterions que, dès le prochain budget, les crédits des affaires étrangères atteignent, à nouveau, 1 % du budget de l'Etat.
Cela étant dit, je précise que nous approuvons les priorités de la politique extérieure française telles qu'elles ont été exposées par le Premier ministre et par vous-même, monsieur le ministre, aux ambassadeurs de France réunis à Paris en septembre dernier, priorités qu'on pourrait synthétiser ainsi qu'il suit.
Première priorité : promotion des droits de l'homme et de la démocratie avec, notamment, le réexamen des instruments internationaux en matière des droits de l'homme auxquels la France n'est pas encore partie prenante.
Deuxième priorité : défense de la paix passant par une diplomatie bilatérale qui sera d'autant plus efficace qu'elle sera relayée par des mécanismes multilatéraux renforcés, ce qui passe par la défense de la légitimité et des moyens de l'Organisation des Nations unies et par le soutien à la politique internationale de désarmement et de non-prolifération.
Troisième priorité : coopération pour le développement, en particulier avec les pays liés à l'Union européenne par la convention de Lomé, ce qui nécessite une réforme des instruments techniques et financiers consacrés aujourd'hui à cet effort.
Quatrième priorité : participation aux débats sur les défis globaux, tels que l'environnement, l'éradication des épidémies, la maîtrise du développement urbain, la lutte contre la drogue et le crime organisé.
Enfin, cinquième priorité : soutien à la francophonie. Sur ce plan, il y beaucoup à faire.
Je ne peux évidemment, faute de temps, évoquer tous les problèmes qui retiennent l'attention de notre diplomatie. Je m'en tiendrai donc à quelques uns d'entre eux, qui sont de grands sujets de préoccupation.
Je commencerai par l'Algérie.
Nous nous sommes réjouis du succès des initiatives organisées ces dernières semaines pour exprimer la solidarité du peuple français avec le peuple algérien. Il ne s'agit pas là, comme certains nous le reprochent, d'une ingérence dans les affaires intérieures algériennes, mais de l'affirmation que nous ne pouvons pas demeurer indifférents devant le terrorisme sanguinaire qui frappe ce pays si proche de nous par l'histoire, la géographie, la culture, les relations humaines. On ne doit pas qualifier d'ingérence la volonté de savoir ce qui se passe réellement en Algérie et quels moyens sont mis en oeuvre par les autorités algériennes pour ramener la paix civile indispensable pour que le peuple algérien puisse enfin bénéficier des richesses potentielles que possède ce pays.
Nous devons veiller aussi à stopper la dégradation préoccupante des relations entre la France et l'Algérie. Je souhaite, pour ma part, qu'un vrai dialogue puisse redevenir possible avec tous les éléments de la société algérienne, que ce soit au niveau politique, économique ou culturel. Il semble qu'une initiative en ce sens va être prise par le Parlement européen. C'est une bonne chose même si c'est encore peu.
Le groupe d'amitié France-Algérie du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, est disponible pour contribuer à un tel dialogue, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer voilà quelques jours au nouvel ambassadeur d'Algérie, M. Goualmi, que j'a reçu ici même.
Enfin, je voudrais vous demander, monsieur le ministre, qu'un effort soit fait pour mieux accueillir en France les Algériennes et les Algériens menacés par le terrorisme. Le nombre des visas accordés a considérablement diminué ces dernières années, vous le savez bien. Je sais qu'il y a un problème de personnel aussi bien à l'annexe de Nantes qu'au consulat d'Alger, mais il y a aussi un problème de compréhension à l'égard des demandes présentées. Je sais que vous y êtes attentif et je compte sur vous, M. le ministre, pour qu'il y soit remédié et que la France se montre plus généreuse.
Monsieur le ministre, vous revenez d'un voyage au Proche-Orient où vous avez pu constater que le processus de paix est en grand danger. La violence née du désespoir et de l'intransigeance risque à nouveau de submerger Israéliens et Palestiniens.
La France doit prendre des initiatives, en liaison avec les Etats-Unis si nécessaire, mais surtout pour tenter d'entraîner l'Europe pour qu'elle assume pleinement dans cette région le rôle politique majeur qui lui revient. Actuellement, il est prouvé que, si l'intervention américaine est indispensable, elle n'est pas suffisante.
Votre voyage montre précisément la volonté du Gouvernement de ne pas baisser les bras et de ne pas laisser à d'autres la responsabilité majeure d'une présence positive dans la région.
Si le processus de paix est gravement affaibli, cela est dû en bonne partie, vous l'avez vous-même rappelé souvent, à la politique du gouvernement de M. Netanyahou à laquelle répondent naturellement les surenchères extrémistes d'une fraction palestinienne. C'est ainsi que l'engrenage de la violence s'enclenche à nouveau pour détruire l'espoir de paix.
Le gouvernement israélien parle aujourd'hui de quelques gestes mais, outre qu'ils demeurent imprécis, l'écart semble rester grand avec ce que les Palestiniens sont en droit d'attendre.
Pour rétablir la confiance, il faut un processus politique et pas seulement des mesures ponctuelles. L'existence d'un Etat palestinien est bien au coeur de la relance du processus de paix. Aujourd'hui, les droits politiques reconnus aux Palestiniens leur sont déniés dans la pratique. Toute les mesures qui ont pour effet de rendre la vie quotidienne intolérable aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza risquent de conduire le Proche-Orient vers une nouvelle explosion majeure.
Les accords d'Oslo partaient implicitement de l'idée qu'un Etat palestinien homogène et maître de sa sécurité, loin de constituer une menace pour Israël, était au contraire la condition d'une paix durable. Fragiliser l'autorité palestinienne et poursuivre les provocations, ne peut, à court et à moyen terme, qu'accroître l'insécurité d'Israël.
Bien d'autres sujets, monsieur le ministre, pourraient trouver place dans mon intervention auxquels je dois renoncer faute de temps.
Je ne parle pas de l'Europe puisque nous avons pu nous exprimer avant-hier sur ce sujet à l'occasion du budget communautaire.
Je dirai quelques mots seulement sur l'Organisation des Nations unies, où je me trouvais voilà trois semaines et où j'ai pu constater que la question du financement de l'Organisation continue à peser lourd sur son avenir. Les Etats-Unis, bien qu'ils aient obtenu le remplacement du secrétaire général n'ont toujours pas réglé leur énorme dette, ce qui a aussi, bien évidemment, une signification politique quant à leur comportement dans plusieurs régions du monde.
Je dirai également quelques mots du traité d'Ottawa d'interdiction des mines antipersonnel qui va être ouvert dans les jours prochains à la signature de tous les Etats. Notre gouvernement a d'ores et déjà décidé d'interdire la fabrication et tout usage de ces mines par notre pays, au plus tard en 1999. De son côté, le Sénat a déjà adopté la loi de ratification du protocole n° 2 de la Convention de 1980.
Nous aimerions que tous les textes se rapportant à ce fléau insupportable que sont les mines antipersonnel puissent être débattus et votés par le Parlement dans les prochains mois. Il y aurait là un signal fort donné par la France à l'adresse des Etats récalcitrants en la matière.
Monsieur le ministre, vous nous parlerez peut-être tout à l'heure de la situation en Bosnie et de vos récentes visites à Moscou avec le Président de la République, puis avec le Premier ministre, visites qui me semblent relancer de façon heureuse la relation entre la France et la Russie, qui constitue une dimension essentielle de notre politique internationale.
Je m'arrête là, monsieur le ministre, en vous confirmant que le groupe socialiste du Sénat soutient totalement l'action que vous menez à la tête de la diplomatie française et que, bien entendu, il votera les crédits de votre ministère en espérant qu'ils marqueront un nouveau progrès dans le budget pour 1999. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à titre de propos liminaire, j'évoquerai les paroles d'un de nos philosophes dits contemporains, qui considère notre xxe siècle comme l'un des moins violents de l'histoire de l'humanité. Angoissante estimation, quand on sait les massacres guerriers et les effroyables génocides perpétrés dans cette période. Cet auteur estime cependant que « l'une des caractéristiques de l'humanité est de jouer son destin et sa dignité sur le respect du plus faible », ce qu'on ne peut que souhaiter.
Mission première des affaires étrangères, mission parmi les plus difficiles mais aussi parmi les plus motivantes, le destin et la dignité de la France dans le monde doivent continuer à faire l'objet de toute notre attention.
En considérant les moyens alloués au Quai d'Orsay pour maintenir l'influence de la France sur la scène internationale, force m'est de constater que la part du budget global des affaires étrangères dans le budget de l'Etat continuera à décroître en 1998 dans la même proportion qu'en 1997.
Ce projet de budget est au demeurant parmi les plus modestes, puisqu'il s'élève en effet à 14,387 milliards de francs. Cette baisse doit s'intégrer dans les ambitions que notre pays s'est forgées en matière de réduction des déficits publics.
Le référendum de septembre 1992 a montré que le peuple français souverain acceptait l'ensemble du processus qui permettrait à la France de figurer au rang des Etats européens participant à la mise en oeuvre de l'euro. L'heure est donc à la définition des priorités.
Il faut, de plus, relativiser la modestie des montants alloués au projet du budget du ministère des affaires étrangères pour 1998, qui ne tiennent pas compte des opérations de politique extérieure financées par l'Etat. Si l'on réintègre ces sommes au budget du Quai d'Orsay, on arrive alors à un total de 50,3 milliards de francs pour 1998, par rapport à 47,92 milliards de francs l'année précédente, soit finalement une augmentation de 4,96 %, augmentation qui démontre la volonté de maintenir, sinon d'améliorer la présence diplomatique de la France dans le monde.
Nous pouvons tous nous enorgueillir de disposer du deuxième réseau diplomatique dans le monde, après les Etats-Unis. Doit-on cependant en déduire que l'importance de la présence française peut être mesurée au nombre de ses représentations diplomatiques ?
Toute la question est de positionner les représentations là où elles sont les plus utiles, je pense en particulier aux nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale, à ces Etats où la France peut construire des coopérations fructueuses, comme vous venez de le faire à Canton.
Le 28 août dernier, vous présidiez, monsieur le ministre, la cinquième conférence des ambassadeurs. A cette occasion, vous avez énuméré les priorités que rappelait tout à l'heure M. Estier, priorités que la France entendait suivre en matière de diplomatie, à savoir : assurer la protection des droits de l'homme et de la démocratie, défendre la paix, veiller à la coopération pour le développement, soutenir la francophonie et promouvoir la protection de l'environnement et de la santé publique.
Les affaires étrangères ont également pour mission de favoriser les relations économiques et commerciales des entrepreneurs français à l'étranger et de participer à la diffusion la plus large possible de la culture française et de l'enseignement du français.
Tout en étant conscient que les objectifs fixés nécessiteraient un effort budgétaire très important, voire trop important pour atteindre un niveau de réalisations à la hauteur de l'ambition, on pourrait considérer que le projet de budget pour 1998 marque néanmoins une progression qu'il conviendrait d'inscrire dans une programmation afin de la consolider lors du prochain budget.
Dans la même ligne, je ne peux que me réjouir de constater que les moyens des services augmentent de 2,83 %, ce qui implique un accroissement significatif des subventions de fonctionnement allouées à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Je ne suis pas hostile a priori au grands sommets de la francophonie. Toutefois, je n'en connais pas les incidences financières.
Je crois cependant que l'atout essentiel demeure d'apprendre à l'étranger la pratique de notre langue, de diffuser notre littérature, de développer notre rayonnement audiovisuel dans le monde, d'être présent en notre langue sur les réseaux informatiques, et je vous renvoie sur ce sujet au rapport de notre collègue M. Laffitte.
La nostalgie de la francophonie d'antan doit être remplacée par une volonté d'atteindre la jeunesse en utilisant au mieux les méthodes actuelles et d'apprendre nous-mêmes les langues étrangères pour promouvoir le français. Ne soyons pas pessimistes !
Je vais vous confier une anecdote. Président d'un comité mondial de neurotraumatologie, j'étais obligé, d'après les statuts de cet organisme, de m'exprimer en anglais devant des spécialistes de tous les pays du monde. Jugez de ma satisfaction quand, à la demande de la moitié des participants, je dus ensuite traduire mes propos en français !
Grâce aux technologies modernes, nos attachés culturels peuvent diffuser plus aisément notre apport et, en retour, nous transmettre, transmettre à nos écoliers en France la culture des autres, car la culture est celle de tous, celle que nous donnons, mais aussi celle que nous recevons, du fait de la mondialisation d'un passé si riche, et d'un présent si prometteur.
Sans faire de science-fiction, comment l'entrevoir, sinon dans une présence affirmée par des cours interactifs entre enseignants et élèves, quel que soit le pays où ils se trouvent, la présentation mutuelle d'événements artistiques, les visites virtuelles, des formes de discussions nouvelles.
N'avons-nous pas un retard à rattraper vite, très vite, car les années ne sont plus ce qu'elles étaient ? Elles se compteront peut-être désormais en fonction des centres multimédia, diffuseurs de notre culture et récepteurs de celle des autres. Il s'agit d'un échange, car la culture est plurielle.
Il en est de même pour le commerce international, mais si la première se partage, le second se défend et s'arrache !
Notre système est-il encore adapté ? Les contacts de nos attachés officiels sont-ils en adéquation avec les intérêts de nos sociétés publiques et privées ? La rigueur, bien sûr, est de mise ! Quelle est celle des autres, de nos concurrents ? Où se situe la limite du dynamisme ?
S'agissant de la suppression graduelle des effectifs de coopérants, j'approuve pleinement la création annoncée d'un volontariat international. J'émettrai à cet égard une mise en garde quant à la qualité et au volume des effectifs qui doivent rester au moins aussi importants pour maintenir la cohérence de l'action de la France dans le monde. Mais une formation sérieuse n'est-elle pas indispensable ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Europe se crée, en une bien longue gestation. Les historiens du futur en étudieront les causes et dénonceront peut-être les prédateurs.
Les différents piliers de cette Europe se bétonnent, dans le temps qui passe, les uns après les autres. Porteront-ils un jour la plate-forme d'actions communes dans le domaine de la défense, dans le domaine des affaires étrangères aussi, où l'addition des moyens deviendra une somme prépondérante à l'échelle mondiale, au-delà des diversités de nos histoires, de nos identités conservées, de nos langues, de l'amour de nos terroirs et de nos modes de vie ?
Notre coopération, notre cohésion européenne, celle de nos peuples, prendraient alors une autre dimension, une autre efficacité vis-à-vis du reste du monde.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce présent et confiant dans l'avenir européen, au moment où la structure géopolitique mondiale est en cours de recomposition, il nous faut impérativement relever les nouveaux défis qui s'offrent à nous.
La France doit continuer à assumer le rôle diplomatique qui a toujours été le sien en politique internationale. Mais il faut lui en donner les moyens.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen estime qu'il est indispensable d'inscrire la modération du budget pour 1998 des affaires étrangères dans une programmation qui permettra à celui-ci d'être revu à la hausse, nous l'espérons, lors des prochains budgets.
Dans ces conditions, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera, dans sa grande majorité, le projet de budget pour 1998 que vous nous présentez.
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre. (MM. Charles de Cuttoli et Paul d'Ornano applaudissent.)
Mme Paulette Brisepierre. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur les détails du présent projet de budget, qui a été excellemment analysé par nos rapporteurs.
Toutefois, en tant que sénateur des Français à l'étranger, je survolerai rapidement certains points.
En premier lieu, je relève l'importance pour nos compatriotes de la direction des Francais de l'étranger.
Je tiens à saluer tout particulièrement la qualité, le professionnalisme et le sens humain des services de cette direction à tous les échelons. Dans des circonstances particulièrement difficiles comme celles que nos compatriotes ont vécues ces derniers mois au Congo, la direction des Français à l'étranger a témoigné une fois de plus de sa disponibilité et de sa capacité de gestion des crises.
Cette direction, de plus en plus performante et efficace, est indispensable pour les Français à l'étranger.
Son budget devrait être renforcé, notamment pour tout ce qui a trait au fonds d'action sociale et d'aide à nos compatriotes en difficulté, comme l'a si bien souligné M. Cantegrit.
En ce qui concerne l'Agence de l'enseignement du français à l'étranger, celle-ci tient une place de premier plan, et j'estime que la plus grande réussite de la France dans le monde est justement la qualité de son enseignement.
Cela dit, je dois ajouter un bémol : le coût de cet enseignement pour les Français de l'étranger. La mission de l'Agence est essentielle, puisqu'elle gère 150 000 élèves à travers le monde, dont 41 % de Français. Mais ses charges sont de plus en plus lourdes et l'Etat - contrairement aux engagements pris en séance publique, en 1990, par M. Thierry de Beaucé - ne peut faire face à ces charges et en transfère une partie de plus en plus importante aux parents d'élèves.
J'ai encore en mémoire les engagements pris par M. de Beaucé lors de cette séance publique alors que tous les sénateurs de l'opposition gouvernementale étaient contre la création de l'Agence, sachant parfaitement que celle-ci générerait des charges très lourdes pour les parents : « La création de l'Agence, madame Brisepierre, est faite, dans un premier temps, pour stabiliser les frais d'écolage, dans un deuxième temps pour diminuer la charge actuelle des parents ». On sait ce qu'il en est de ces engagements pris, pourtant, au nom du gouvernement de l'époque !
Certes, l'augmentation régulière de l'enveloppe des bourses est un palliatif, et je vous remercie monsieur le ministre, de l'effort réalisé cette année, effort que nous apprécions tout particulièrement dans le contexte actuel.
Mais je tiens à mettre en évidence la course perpétuelle que se livrent les droits d'écolage et l'enveloppe des bourses. Les premiers prennent l'ascenseur, les seconds un escalier raide et en colimaçon. Quand y aura-t-il deux ascenseurs ?
Enfin, une part importante du budget du ministère des affaires étrangères étant soit réglée en devises, soit consacrée à des rémunérations de personnel en service à l'étranger, est soumise à la variabilité des taux de change et à l'évolution des prix dans le monde.
Le projet de budget qui nous est soumis pour 1998 est fondé sur un taux de change d'un dollar américain pour 5,66 francs. Or la plupart des prévisions macro-économiques - notamment celles qui sont retenues par votre Gouvernement - table sur un dollar à six francs.
Si cette dernière hypothèse était confirmée dans les faits, il en résulterait une réduction sensible des moyens réels pour les services à l'étranger. N'avez-vous pas d'inquiétude à ce sujet, monsieur le ministre ?
J'en viens maintenant à un sujet qui a déjà été abordé et sur lequel nous attendons des précisions, je veux parler de l'avenir des postes occupés aujourd'hui par des jeunes appelés et dont le remplacement, à la suite de la réforme du service national, reste actuellement un grand point d'interrogation, tant sur le plan quantitatif que sur celui de la qualité de ceux qui prendront la relève. Aujourd'hui, sur 4 766 jeunes appelés en 1995, près de 3 000 appartiennent au volontariat en entreprise. Or, faut-il le rappeler, tous ces jeunes sont de haut niveau, minimum bac + 4 et souvent bien plus.
La réforme mise en oeuvre par votre Gouvernement ne répond pas aux inquiétudes quant au remplacement des appelés par un volontariat dont ni les conditions financières, ni les conséquences sur la gestion humaine des effectifs ne sont évaluées.
Dans l'état actuel des choses, les perspectives élaborées dans le cadre de la réforme du service national font état d'une perspective de 3 000 volontaires c'est-à-dire à peine plus de la moitié des effectifs actuels des jeunes gens qui effectuent leur service national dans la coopération ou l'aide technique.
En particulier, comment remplacerez-vous la centaine de postes occupés aujourd'hui par des appelés qui contribuent au fonctionnement de nos ambassades et consulats ? De toute manière, vous le savez, ce type de postes n'est pas compatible avec l'esprit d'un service volontaire. Comment allez-vous combler ce déficit humain au sein de notre réseau diplomatique ?
Par ailleurs, vous mettez régulièrement à la disposition des Alliances françaises et des centres culturels des coopérants volontaires. Comment les paierez-vous ? L'intérêt est évident en terme de rayonnement culturel.
Il en est de même pour les coopérants qui sont aujourd'hui affectés aux établissements de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Ces jeunes enseignants, plus de 250 aujourd'hui, permettent en effet de maintenir un enseignement français de qualité dans des pays où l'éducation nationale ne parvient pas à recruter les personnels nécessaires, jouant ainsi un rôle décisif, non seulement pour le rayonnement de notre langue et de notre culture, mais aussi pour le service de nos compatriotes expatriés. Ils représentent aujourd'hui 10 % de l'ensemble des enseignants de l'Agence.
Si, dans l'hypothèse optimiste, la moitié des enseignants sont remplacés par de jeunes volontaires, comment pensez-vous pallier une telle carence de professionnels et, surtout, comment pourrez-vous obtenir les moyens financiers nécessaires pour y remédier ? L'échéance est dans deux ans. Avez-vous anticipé les conséquences budgétaires et humaines de ce bouleversement ?
Et, surtout, comment attirer des jeunes titulaires d'un bac + 5 ou d'un bac + 6 pour assurer les missions aujourd'hui dévolues à des appelés ? L'aspect financier pèsera lourd, demain, dans votre budget pour assurer ce remplacement. Il est urgent qu'une solution soit trouvée.
Enfin, comme tous mes collègues, je suis particulièrement préoccupée par la situation de mes compatriotes du Zaïre, hier, du Congo, aujourd'hui, qui se trouvent totalement ruinés par des faits politiques dans lesquels ils n'ont aucune responsabilité et qui devraient pratiquement être assimilés à des catastrophes naturelles.
Je sais que le problème est pour vous plus que difficile : je sais que vous l'étudiez et que vous n'avez pas trouvé de solution, mais c'est l'honneur de la France que d'aider ses enfants quand ils sont en difficulté. Le cardinal de Richelieu ne disait-il pas que la politique n'est pas l'art du possible, mais l'art de rendre possible ce qui est nécessaire ?
Nous comptons sur vous pour cela, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'estime que les questions de notre politique étrangère et de sécurité doivent être traitées de concert avec nos partenaires de l'Union européenne, et que, lorsqu'il le faut, nous devons prendre nos distances vis-à-vis d'une politique américaine qui n'est pas toujours très cohérente. Les Américains se veulent intraitables avec l'Irak, la Libye ou Cuba, et très accommodants avec la Chine et l'ex-Zaïre.
Cela est valable, par exemple, pour la question des embargos souhaités et menés par les Etats-Unis, qui touchent un tiers de l'humanité. Ces politiques unilatérales n'ont pour résultat que la misère des peuples frappés et, paradoxalement, la pérennité des dirigeants qu'on disait vouloir écarter.
Il est important de disposer de moyens suffisants, certes, mais nous avons atteint la cote d'alerte en ce qui concerne le recrutement du personnel local dans nos postes à l'étranger.
A quoi cela sert-il de s'accrocher à la proclamation que notre réseau diplomatique et consulaire est le deuxième de la planète ? Il ne suffit pas de défendre cette médaille d'argent. Il faut voir dans quel état nous serons pour nous maintenir sur la deuxième marche du podium ! Les effectifs en constante régression sont compensés par des contractuels locaux, à qui nous n'accordons qu'un salaire réduit, sans garantie d'emploi et sans formation.
Je traiterai à présent de l'importance des contributions volontaires pour maintenir le rayonnement de la France à l'étranger.
Depuis 1990, les dotations du chapitre correspondant aux contributions volontaires ont baissé de 67,3 %. Cette véritable dégringolade a des conséquences sévères pour notre action extérieure.
Il faut savoir que les principaux bénéficiaires de nos contributions volontaires ont été, en 1995 : le programme des Nations unies pour le développement - le PNUD -, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés - le HCR -, le programme alimentaire mondial - le PAM -, l'Organisation mondiale de la santé - l'OMS -, le Fonds des Nations unies pour l'enfance - l'UNICEF -, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentaire et l'agriculture - la FAO -, le Programme des Nations unies pour l'environnement - le PNUE -, le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population - le FNUAP -, et l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel - l'ONUDI.
Depuis quelques années, la présence française dans ces organisations s'amenuise et, en conséquence, nous avons assisté, depuis le début de l'année 1997, à des revers électoraux importants à la tête d'organisations internationales.
Certains organismes pourraient même exclure la France de leur conseil d'administration, faute de financement français.
Une autre conséquence de cet abandon financier français est que les experts et techniciens français sont moins recrutés que naguère. La place du français dans les instances internationales s'affaiblit et, même dans le domaine de l'humanitaire, nous avons perdu beaucoup de positions. On pourrait donc avoir des retombées avec une possible fuite de sièges d'organisations internationales qui quitteraient la France, et nous perdrons de plus en plus de marchés pour nos entreprises.
J'en reviens à l'importance qu'il y a de doter l'Europe d'une identité propre sur la scène internationale.
Nous savons que l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, est, depuis le traité de Maastricht, à la fois la composante de défense de l'Union européenne et le pilier européen de l'Alliance atlantique. Elle est chargée d'exprimer la volonté des Européens, d'affirmer leur identité en matière de sécurité et de défense.
Sur le plan institutionnel, l'UEO a les moyens d'agir, mais elle ne les utilise que fort peu.
A côté des enjeux économiques et culturels, il faut veiller à la préservation, à la consolidation d'une base industrielle européenne en matière d'armement.
Or la notion française de « préférence européenne » n'est pas, dans ce domaine, partagée par tous les membres de l'Union.
Le traité d'Amsterdam a apporté quelques améliorations, mais le pilier de défense, qui doit être obtenu grâce au resserrement des relations entre l'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale, tarde à se concrétiser.
Unis et forts, ou faibles et dominés : voilà l'enjeu de la construction d'une architecture de sécurité européenne pour le XXIe siècle.
Je souhaiterais maintenant évoquer quelques points particuliers.
Après la fermeture des consultats à Florence et Mons, on annonce Venise. Ces fermetures seront-elles qualitativement compensées par des consultats communs avec l'Allemagne ?
Ne pensez-vous pas que pour les services de Nantes il y a urgence à déclencher une véritable opération SAMU ?
Je rappellerai les dysfonctionnements courriers : délais de délivrance des actes, soixante-dix postes de permanents occupés par des contractuels depuis plus de dix ans...
Enfin, de retour d'Hanoï, de Bangkok et de Phnom-Penh, je souhaite maintenant évoquer quelques points qui m'ont été signalés au cours de ce voyage.
A Bangkok, après la chute de la monnaie thaïe, des problèmes urgents de frais d'écolage et de bourses se posent. Pour l'école, la chancellerie, l'aménagement d'un terrain, quels sont vos choix d'investissement ?
Le Cambodge, pays en transition, doit encore, quatre ans après les élections organisées sous l'égide des Nations unies, en mai-juin 1993, trouver les formes de sa stabilité.
Notre objectif d'assise de la stabilité du pays passe notamment par un effort d'assistance dans le domaine de la construction de l'Etat de droit. Cet effort s'accompagne d'actions de coopération dans les domaines des infrastructures, de la santé, de la formation des hommes et du développement rural, actions propres à créer les conditions du développement et de l'avènement de la démocratie. Le succès de nos actions de coopération montrent que la francophonie y est parfaitement vivante.
Présence culturelle avec l'Ecole française d'Extrême-Orient, au musée de Phnom-Penh, et renforcement que je sollicite pour l'équipe pédagogique du lycée français Descartes ; il s'agit de la seule petite augmentation de crédits qui pourrait intéresser le Cambodge.
C'est en ce sens que nous avons maintenu intégralement notre appareil de coopération après les événements de juillet, alors que certains contributeurs choisissaient, pour des raisons politiques immédiates, d'arrêter leurs programmes.
Nous avons soutenu le processus visant à la tenue d'élections générales en mai 1998, conformément à la Constitution de 1993 et à l'esprit des accords de paix de Paris. Nos actions spécifiques dans ce domaine ont été relayées par l'Union européenne. Je souhaite que vous les souteniez pour que les prochains scrutins puissent être organisés dans de bonnes conditions.
Pour conclure, monsieur le ministre, ces élections nous paraissent très importantes, car elles témoigneront du souci que m'ont exprimé les membres - dont nombreux sont francophones - du bureau de l'assemblée nationale khmère, où j'ai été reçu, d'engager leur pays, à terme, sur la voie d'une véritable démocratie. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, depuis quinze ans, et surtout au cours des cinq dernières années, le « budget » a fait observer au ministère des affaires étrangères « des jeûnes si austères » que j'en étais venue à demander à votre prédécesseur s'il ne craignait pas de devenir le chef « d'une idée, d'un fantôme, d'une façon de ministère des affaires étrangères » pour paraphraser Maître Jacques.
Mais je sais, monsieur le ministre, que vous refusez la fatalité qui, de restrictions de moyens en réductions de personnel, mènerait votre administration à l'impotence. Vous avez pris la direction des affaires alors que la préparation du budget se terminait, et vous avez réussi, d'une part, à limiter la baisse prévue des crédits et, d'autre part, à opérer des choix qui raniment l'espoir : le maintien des crédits de l'action culturelle extérieure au-dessus de 3 milliards de francs, la relance de l'informatisation du service central de l'état civil, l'augmentation de 3,5 % de la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et, dans ce cadre, l'augmentation de 6 % du budget des bourses scolaires.
Et pourtant, c'est encore une année difficile qui va commencer tant pour le ministère et ses personnels que pour les Français établis à l'étranger.
La réduction excessive des personnels dans les dernières années, et surtout celle des agents de catégorie C, partiellement remplacés par des agents de recrutement local, au statut précaire, souvent privés de protection sociale, entrave le fonctionnement des services centraux et extérieurs. J'ai visité plus de quarante communautés françaises en 1997 et je puis vous assurer qu'il n'est guère de poste où les services fonctionnent bien, quels que soient la compétence et le dévouement des personnels, toutes catégories confondues.
Permettez-moi d'apporter quelques exemples, limités aux consulats, mais j'en aurais bien d'autres sur les chancelleries diplomatiques et les services culturels.
A Brazzaville, en décembre 1996, un bureau d'état civil est fermé depuis six mois, faute d'agent, et un plan de sécurité est mis en chantier. Ce plan n'est pas à jour quand la guerre civile éclate en juin 1997 : le consul dévoué, mais surmené, contraint d'exécuter lui-même les tâches de ses agents, n'avait pas pu y consacrer le temps nécessaire.
Londres, le 16 octobre 1997, à 9 heures du matin : 150 étrangers attendent sur le trottoir de Cromwell Road. Ce sera le premier jour, depuis le 1er septembre, où tous seront reçus. La suppression des postes de vacataires, faute de crédits pour les rémunérer, avait conduit à fermer des guichets et à refouler, chaque jour pendant six semaines, des dizaines de demandeurs.
Je ne parlerai d'Alger, poste très difficile où la France maintient avec ténacité sa présence diplomatique et consulaire, que pour rendre hommage au courage du personnel de l'ambassade et des gendarmes chargés d'assurer la protection.
Monsieur le ministre, vos personnels ont réellement à souffrir d'une situation de pénurie nuisible au service public, à notre diplomatie, à notre action culturelle extérieure comme aux Français établis à l'étranger. Il n'est vraiment pas possible de continuer à faire fonctionner des services extérieurs de l'Etat comme des entreprises délocalisées. La réputation de la France en est ternie, malgré tous les efforts déployés par ailleurs pour redorer son prestige.
Monsieur le ministre, je vous poserai seulement quelques questions sur les missions du ministère.
Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que la mission de l'adoption internationale soit en mesure de remplir les nouvelles fonctions nées de la mise en oeuvre de la convention de La Haye que nous nous apprêtons à ratifier ?
Quels sont les projets du ministère sur le volontariat international ?
Ne pourriez-vous envisager une transposition des emplois-jeunes, dont j'avais défendu en vain l'extension à l'étranger, avec une validation de l'expérience acquise pour préparer le retour en France et selon une formule plus ouverte à l'ensemble de la jeunesse que l'actuel système des coopérants du service national ?
Comment va-t-on remplacer les allocations exceptionnelles des personnels français recrutés locaux des instituts et de l'AEFE ? Ne pourrait-on pas faire de la préparation de leur réinsertion en France la base légale d'un indispensable complément de rémunération ?
Quant à l'aide sociale aux Français à l'étranger, nous ne pouvons pas accepter qu'elle diminue, car la crise les frappe souvent plus durement qu'en France. D'ailleurs, s'ils vivent hors d'Europe, ils ne disposent d'aucun filet de sécurité. Je préciserai mon propos en défendant l'amendement que mon groupe a déposé.
Enfin, monsieur le ministre, que ferons-nous en faveur des Français de l'étranger qui perdent tout dans des crises politiques telle que celle du Congo ?
Monsieur le ministre, nombreux sont les Français de l'étranger qui vous font confiance pour réorienter le ministère des affaires étrangères vers plus d'efficacité diplomatique, d'une part, et vers plus de justice envers les personnels et les Français de l'étranger, d'autre part.
Cela suppose que le Gouvernement prenne enfin conscience de la dimension internationale de toutes ses actions et qu'il donne à votre ministère les moyens de les coordonner. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà fait à maintes reprises avec vos prédécesseurs successifs, mais en vain, je souhaite profiter de l'examen de votre budget pour vous entretenir des graves problèmes de l'enseignement français à l'étranger, que plusieurs de mes collègues ont déjà évoqués.
Nous sommes assez unanimes sur ce point. Cet enseignement ne relève, hélas ! jusqu'à présent que de votre ministère, alors qu'il devrait relever aussi, vous le savez, de celui de l'éducation nationale, dont c'est en fait plus la vocation que la vôtre.
Avec ses quelque 300 établissements répartis sur les cinq continents, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui assure cet enseignement, poursuit deux missions différentes, également légitimes : d'une part, scolariser les enfants des Français de l'étranger selon les normes métropolitaines et, d'autre part, contribuer à la diffusion de notre langue et de notre culture à l'étranger, en complément, capital dans de nombreux pays, de l'action de nos instituts et de nos centres culturels, ainsi que de celle des alliances françaises.
Mais, si la seconde de ces missions est clairement de la vocation du ministère des affaires étrangères, la première, en effet, ne l'est pas nécessairement et relève plutôt de celle du ministère de l'éducation nationale, car c'est une affaire avant tout franco-française.
Ainsi que l'avaient reconnu M. Valéry Giscard d'Estaing voilà plus de vingt-cinq ans déjà, François Mitterrand par la suite - ils n'ont malheureusement tenu, l'un et l'autre, que très imparfaitement leurs promesses - les enfants français de l'étranger ont droit, non seulement à un enseignement de même qualité que celui qui leur serait dispensé en France, mais aussi à la gratuité de cet enseignement.
La première de ces exigences est aujourd'hui pour l'essentiel satisfaite ; on est encore très loin de compte pour ce qui est de la seconde.
Alors qu'il prend en charge la totalité des coûts de scolarité en France, l'Etat ne contribue que pour moins de la moitié - par des subventions à la construction de quelques bâtiments, par la mise à disposition, à ses frais, de certains personnels et par l'octroi de bourses - à la couverture des coûts de scolarité des enfants français à l'étranger. La situation tend d'année en année à s'aggraver : de moins en moins de constructions sont financées par lui ; le nombre des personnels « expatriés » - qui sont les seuls totalement à sa charge, à la différence des « résidents », qui ne le sont que pour partie, et des « recrutés locaux », qui sont totalement payés par les parents - diminue régulièrement ; le volume des bourses demeure à un niveau assez bas, malgré quelques relèvements intervenant de temps à autre, comme cette année, ce dont nous vous remercions.
Au total, le réseau scolaire français à l'étranger tend inexorablement à devenir un réseau d'écoles pour les riches.
En moyenne internationale et tous cycles confondus, les familles doivent payer actuellement plus de 1 200 francs par élève et par mois ! Sont tout particulièrement touchées les familles de classe moyenne, qui n'ont pas droit aux bourses sans être pour autant vraiment à l'aise et, parmi elles, les familles binationales, qui constituent plus de la moitié de l'expatriation française.
Un nombre grandissant d'enfants de ces familles-là sont, en fait, exclus du réseau, ce qui est tout à fait injuste, mais aussi profondément contraire à nos intérêts nationaux les plus évidents : cette perte de locuteurs français d'origine franco-étrangère constitue, en effet, à moyen et long termes, un gâchis culturel, commercial et politique.
Le fait que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger soit sous la tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères - ce que symbolise la présidence ès qualités du directeur général des relations culturelles, scientifiques et techniques - et, donc, que son financement public ne dépend par voie de conséquence que du budget, bien trop insuffisant, de ce ministère éminemment pauvre - et, secondairement, de son « annexe », le ministère de la coopération, qui est encore beaucoup plus mal loti - est la cause fondamentale de cette situation de plus en plus intolérable.
Comme il est difficile d'imaginer que les crédits alloués aux affaires étrangères seront augmentés de façon substantielle dans le futur ni que la part de ceux-ci qui est affectée à l'enseignement français à l'étranger augmentera de façon suffisante dans les prochaines années, il en découle que, pour assurer son avenir, l'Agence doit être libérée de cette tutelle exclusive et impécunieuse, et le plus tôt sera le mieux !
L'idée d'une cotutelle affaires étrangères-éducation nationale, que nombre de mes collègues ont déjà évoquée - Mme Cerisier-ben Guiga, voilà quelques jours encore, dans une question au Gouvernement - vient immédiatement à l'esprit.
La tutelle des affaires étrangères doit être maintenue, du seul fait qu'il s'agit d'activités françaises à l'étranger qui s'exercent dans le cadre de conventions internationales. Mais l'éducation nationale doit être beaucoup plus impliquée qu'aujourd'hui, où elle n'a en charge que la responsabilité pédagogique du réseau ; en fait, la charge financière de celui-ci doit également lui être confiée progressivement, au moins jusqu'à un certain point. En contrepartie, la cotutelle devrait lui être attribuée, par modification de la loi de 1990, qui régit l'Agence.
Il s'agirait là d'une décision éminemment politique, dont le Premier ministre devrait faire son affaire, avec l'appui, s'il se révélait nécessaire, du chef de l'Etat, afin que soient mis au pas les tenants de toutes les vieilles routines corporatistes qui ont fait jusqu'à présent obstacle à une telle solution.
En effet, comment l'enseignement primaire et secondaire est-il gratuit en France, si ce n'est grâce à la prise en charge, par le ministère de l'éducation nationale, qui en a les moyens budgétaires, des personnels dans leurs catégories statutaires respectives, des bâtiments - construction et entretien - et des fournitures, et non grâce à un système de bourses ?
Dans un budget qui représente à peu près 20 % du budget total de la nation, dont environ 17 % au seul titre de l'enseignement primaire et secondaire, contre 0,91 % pour le ministère des affaires étrangères, le financement, au moins pour partie, de l'enseignement des enfants français à l'étranger ne représenterait vraiment pas un montant excessif.
Pour en arriver là, peut-être faudrait-il admettre, enfin et une fois pour toutes, que les enfants des Français de l'étranger ont le droit d'être traités comme des enfants français à part entière, même si leurs parents, du fait de leur situation géographique, n'ont pas la possibilité de bloquer les routes de l'Hexagone ou de paralyser le métro parisien !
Monsieur le ministre, je sais que, à la différence de vos prédécesseurs, de gauche comme de droite, vous êtes personnellement ouvert aux propositions que je viens d'évoquer. Je sais que, en revanche, M. le ministre de l'éducation nationale, après avoir hésité un peu, s'est finalement rallié, ces temps-ci, à la position traditionnellement négative de ses services. Je n'ignore pas, non plus, qu'il faut être deux pour danser le tango. (Sourires.) Mais, même si l'exercice, j'en conviens, risque d'être un peu cocasse, vous, qui êtes un diplomate, ne pouvez-vous vraiment pas convaincre M. Allègre d'accepter de se lancer sur la piste pour un premier pas de deux ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
MM. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, et Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien ! Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions des rapporteurs du budget des affaires étrangères, puis les différents orateurs.
Je les remercie de la qualité de leurs analyses, de leurs remarques, de leurs suggestions, qui m'ont appris beaucoup de choses extrêmement utiles à la poursuite de mon action. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise, la Haute Assemblée disposant, avec sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec les sénateurs représentant les Français de l'étranger, d'une capacité d'expertise reconnue et que je tiens à saluer.
Plusieurs des observations qui ont été faites, y compris certains des regrets qui ont été formulés sur l'insuffisance des moyens, m'ont paru très justifiées.
Je constate une large et prometteuse convergence de vues entre nous sur ce que doit être notre outil diplomatique et sur les moyens que le budget de l'Etat doit ou devrait lui réserver.
Je vais maintenant m'efforcer de répondre aux principales remarques qui m'ont été faites, mais je commencerai par rappeler quel est le monde d'aujourd'hui ; j'en déduirai ce que doivent être notre diplomatie et le budget sur lequel elle doit pouvoir s'appuyer.
Nous vivons désormais dans un monde composé de 185 Etats, monde non plus bipolaire depuis 1991 mais global, dans lequel ces Etats plus interdépendants que jamais négocient, s'accordent, se regroupent ou se concurrencent en permanence, dans des combinaisons plus ou moins stables.
Dans ce monde, une seule puissance, les Etats-Unis, dispose de l'ensemble des attributs de la superpuissance : prédominance économique, monétaire, militaire, industrielle, technologique, culturelle et médiatique... C'est un fait perceptible dans le monde entier.
Par ailleurs, les très grandes entreprises, les marchés et, au sein de ceux-ci, les fonds de pensions, les lobbies, les médias, les organisations non gouvernementales jouent un rôle international croissant, ce qui est malheureusement le cas aussi de toutes les forces qui vivent du crime organisé et se jouent des frontières, encore plus que les autres.
Comment se situe notre pays dans ce nouveau contexte à la fois plus compétitif et plus coopératif, ce qui entraîne dans les deux cas des contraintes nouvelles ?
Nous ne sommes ni la superpuissance du moment - il n'y en a qu'une - ni une « puissance moyenne », terme impropre que, pour ma part, je n'emploie jamais, car nous ne sommes pas le quatre-vingt-treizième pays du monde, ni même une puissance quelconque parmi les vingt à trente pays qui peuvent mériter ce qualificatif.
La réalité est que nous faisons partie des quelque six à sept puissances d'influence mondiale, et cela grâce au prestige hérité de notre histoire, à notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité, à notre appartenance au G 8, à notre force de dissuasion, à nos capacités militaires d'intervention hors de notre territoire, à notre économie très ouverte et très dynamique sur le marché mondial, à nos technologies avancées, à la francophonie.
Dans ce monde très concurrentiel, où il n'y a plus aucun statut diplomatique protégé, ce n'est pas rien de disposer de tous ces éléments, dès lors que nous savons les employer.
Mais, précisément, comment défendre dans ce monde-là nos intérêts et nos valeurs, comment promouvoir nos projets et nos conceptions ?
J'insisterai, sans revenir sur l'ensemble des cas particuliers, crises et problèmes extrêmement intéressants qui ont été relevés par de nombreux orateurs, sur cinq impératifs.
Premier impératif : nous devons développer notre capacité à parler et à dialoguer avec tous les acteurs du jeu international sans exception, car il n'y en a aucun, si minime soit-il en apparence, qui ne soit appelé, à un moment où à un autre, à prendre part à une décision importante pour nous. Cela implique non seulement d'innombrables relations bilatérales, mais aussi de consacrer plus de temps et d'attention à toutes les organisations et enceintes internationales pour y affirmer constamment notre influence et y défendre nos intérêts, à commencer par l'ONU et ses organisations spécialisées.
Deuxième impératif : il nous faut avoir vis-à-vis des Etats-Unis une attitude claire, que je résumerai de la façon suivante : nous sommes naturellement leurs amis ; nous sommes leurs alliés, mais nous devons être capables d'exprimer nos accords comme nos désaccords chaque fois que cela se révèle nécessaire, et ce avec franchise et dans le cadre d'un dialogue véritable et constant.
Troisième impératif : un dialogue intense doit être également mené avec les autres principales puissances du monde, qu'il s'agisse des grands acteurs du monde multipolaire dont nous soutenons l'émergence - Russie, Chine, Japon, Inde, Mercosur - ou de nos autres partenaires au sein du Conseil de sécurité, du Sommet des huit, de l'Union européenne.
Quatrième impératif : nous devons faire de l'Union européenne un des futurs pôles de ce monde en gestation. Je dirai seulement à ce sujet que nous oeuvrons de façon à exercer l'influence la plus forte possible dans une Europe la plus puissante possible. Nous avons besoin d'une Europe qui soit le lieu où se reconstitue et se reconstituera de plus en plus la souveraineté aujourd'hui malmenée, le lieu où peut se développer le volontarisme politique. Cela suppose, notamment, de veiller, à chaque nouvelle étape de son évolution, à ce que les facteurs de renforcement l'emportent sur les facteurs de dilution et que l'Europe de la croissance et de l'emploi, celle que nous avons dessinée à Luxembourg il y a une semaine, vienne compléter celle de la monnaie unique...
M. Maurice Schumann. La compléter et la précéder.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... qui, déjà, changera le rapport de forces dans le monde. Tel sera le souci constant du Gouvernement dans les années à venir ; Pierre Moscovici et moi-même travaillons constamment dans cette direction.
Enfin, cinquième impératif : cela suppose une méthode adaptée. Dans ce monde, plus rien n'est acquis ; rien ne se défend plus par la proclamation ou la simple incantation ; tout se conquiert par la volonté, la ténacité, la négociation, le compromis constructif, et cela dans les domaines les plus divers qu'englobe la diplomatie d'aujourd'hui : la politique, bien sûr, mais aussi le commerce, la culture, les technologies, l'espace, l'environnement, la démographie, dont parlait M. Neuwirth tout à l'heure, etc.
Pour conduire cette diplomatie nécessairement diversifiée, rapide, mobile, à la fois réactive et prévoyante, il nous faut renforcer la capacité de coordination du ministère des affaires étrangères, ce qui impose de le moderniser tout en préservant les outils de notre diplomatie culturelle.
Je n'ai pas de plan de réforme préconçu, mais j'ai la volonté d'agir avec persévérance dans un certain nombre de domaines.
J'entends, tout d'abord, renforcer la capacité de coordination du ministère des affaires étrangères. Cette administration est la seule qui soit en mesure de rassembler et de synthétiser à tout instant l'ensemble des données venues de son réseau planétaire, données dont notre pays a besoin pour éclairer ses choix, lesquels doivent s'insérer dans un contexte toujours plus large. C'est la raison d'être de ce réseau. Je souhaite valoriser encore cette capacité de collecte et d'analyse, servie par un personnel dont plusieurs d'entre vous ont salué la compétence et le dévouement, ce qui m'a profondément réjoui car je mesure moi-même chaque jour l'étendue de ses qualités.
Plus les diverses administrations développent leurs propres relations internationales, plus une coordination est indispensable afin que notre action extérieure, dans ses multiples dimensions, en soit renforcée, au lieu d'être éparpillée et, par là même, affaiblie.
Pour relancer cette coordination interministérielle, j'ai pris l'initiative de resserrer les relations entre le ministère des affaires étrangères et les autres départements qui contribuent à notre action extérieure, à commencer par l'économie et les finances, la culture, l'éducation et la recherche, mais aussi l'intérieur, la défense, la justice et l'environnement. J'ai d'ailleurs demandé au Premier ministre de réunir le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger, le CIMEE, cadre propice à cette mise en cohérence.
Pour qu'il soit en mesure de remplir cette fonction de cohérence et de coordination, le ministère des affaires étrangères doit s'ouvrir davantage. Dans cet esprit, j'ai décidé de stimuler la mobilité externe des agents diplomatiques, de façon à mieux diffuser à l'extérieur du ministère la compétence diplomatique et à favoriser la diversification des expériences individuelles. A cette fin, une mission sur le rayonnement sera prochainement constituée dans mes services. Cette tâche de longue haleine n'a évidemment pas commencé avec moi, mais j'entends la poursuivre et l'intersifier.
M. Dulait, comme plusieurs d'entre vous, m'a interrogé sur d'éventuelles fermetures de nos postes. Il n'y a pas de liste cachée de postes promis à la fermeture. Mais, il ne faut pas le dissimuler, des ouvertures, des fermetures, des regroupements sont nécessaires en permanence, parce que le monde change, parce que les activités et les concentrations humaines se déplacent, parce que la localisation à l'étranger de nos entreprises et de nos compatriotes varie : celle-ci n'est évidemment plus ce qu'elle était au xviiie siècle, au xixe siècle ou même il y a une vingtaine d'années. Plusieurs d'entre vous ont parlé de ce problème avec la justesse que leur autorise la grande connaissance qu'ils ont du monde.
J'ajoute qu'il faut tenir compte de ces évolutions en liaison avec les autres administrations présentes à l'étranger. Il faut cesser d'exporter nos rivalités sur ce plan. Il convient plutôt d'exporter notre synergie.
Le ministre de l'économie et des finances et moi-même comptons, par exemple, accroître le nombre des postes mixtes, combinant les fonctions consulaire et commerciale.
J'ai demandé par ailleurs à mes services de réfléchir à ce que pourrait être notre réseau diplomatique d'ici à vingt ans, afin que l'horizon soit clair et que nous ne traitions pas de ces sujets seulement année après année, suivant le rythme budgétaire.
Je compte aussi mettre nos consulats à l'heure de l'unification européenne, de la nouvelle politique des visas et de l'adaptation de la politique africaine, ce qui suppose une formation nouvelle des agents et une gestion des carrières différente. De nouvelles formules de coopération consulaire verront le jour, notamment entre la France et l'Allemagne.
J'ai décidé également, en prolongeant des initiatives antérieures, de déconcentrer les crédits, de renforcer les pouvoirs de coordination financière et administrative de nos ambassadeurs, d'innover radicalement dans la gestion de notre patrimoine immobilier et de réformer notre système du chiffre et des communications. D'autres actions suivront. Je veillerai méthodiquement à la mise en oeuvre de ces réformes, car elles conditionnent à terme l'efficacité future de l'ensemble de l'outil diplomatique.
Bien entendu, la modernisation que j'évoque est, par nature, un processus permanent. Un important travail de réforme a déjà été entrepris. Je vous disais que j'avais l'intention de l'intensifier, de sorte que le ministère des affaires étrangères, loin des vieux clichés anachroniques sur le métier de diplomate, donne l'exemple d'une grande administration, certes régalienne - et elle restera telle - mais aussi performante, adaptable, efficace, capable de se nourrir des apports les plus divers et de mieux diffuser elle-même son savoir-faire.
Enfin, j'entends naturellement préserver les moyens et les outils culturels de la politique extérieure et de l'influence française dans le monde.
J'ai pu vérifier une nouvelle fois cet après-midi, combien votre assemblée était légitimement attachée à notre action culturelle et artistique, à nos établissements d'enseignement du français, à notre coopération scientifique et technique. Les interventions de MM. Guy Penne et James Bordas, notamment, démontrent la sensibilité de la Haute Assemblée sur ces dossiers.
Or, depuis de nombreuses années, les moyens consacrés à notre diplomatie n'avaient cessé de baisser.
Je le dis clairement devant vous : ç'aurait été une erreur très dommageable que de poursuivre dans cette voie et de ne pas maintenir un effort substantiel en faveur de l'action culturelle et de la francophonie. Personne n'est en effet en mesure de porter partout dans le monde, à la place de l'Etat, nos intérêts dans ces domaines.
Les autres moyens souvent invoqués - l'initiative privée, le mécénat, les financements multilatéraux, notamment ceux de l'Union européenne -, pour précieux qu'ils soient, ne peuvent suffire. Seul le maintien d'un niveau élevé des engagements publics garantira, demain, une place majeure pour notre culture, nos idées, notre langue, notre façon de voir le monde.
Certes, des adaptations sont nécessaires. Il faut sans aucun doute mieux identifier nos priorités de coopération, avoir une approche géographique plus différenciée en fonction de nos objectifs politiques, ce qui suppose de la souplesse et un certain redéploiement de nos moyens. Un effort de rationalisation de nos structures et de nos opérateurs devra également être conduit dans ce domaine.
Je voudrais maintenant évoquer l'audiovisuel extérieur, sur lequel plusieurs d'entre vous, notamment MM. Chaumont, Durand-Chastel et Penne, m'ont interrogé, cette question étant naturellement au coeur des préoccupations de tous ceux qui s'intéressent à notre influence extérieure.
A l'évidence, cet outil audiovisuel est aujourd'hui indispensable ; cela ne se discute même pas. Toutefois, l'organisation actuelle est trop éclatée ; les synergies entre les intervenant sont insuffisantes. Le Gouvernement, au vu des conclusions des études effectuées à ce sujet, décidera, dans les prochaines semaines, des choix à faire pour que nous exercions une influence audiovisuelle extérieure accrue. J'y travaille activement en ce moment même.
Le Gouvernement a également décidé de repenser l'aide de la France au développement, ce qui englobe tous les aspects de notre politique de coopération, y compris la coopération militaire, sur laquelle, d'ailleurs, une action avait été entreprise par le gouvernement précédent, peu avant les élections.
Le Premier ministre m'a demandé de mener cette réflexion sur la réforme de l'aide au développement avec le ministre de l'économie et des finances ainsi que, naturellement, le secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie.
Ces nouvelles orientations seront, avec la réduction de notre présence militaire et l'assouplissement contrôlé de la politique des visas, un des éléments de la nouvelle politique que nous entendons mener à l'égard de l'Afrique.
J'ai eu l'occasion, il y a quelque temps, durant les quatre étapes de mon voyage africain, de formuler le triptyque suivant : fidélité à l'égard des pays africains francophones, auxquels nous demeurons liés par une longue histoire et une solidarité non démentie ; adaptation de notre soutien, de notre engagement à leurs côtés et des formes diverses de notre présence en Afrique ; enfin, dialogue avec les pays d'Afrique anglophone et lusophone dans le cadre d'une relation sans exclusive avec l'ensemble du continent africain, dialogue dont j'ai pu vérifier sur place qu'il était souhaité aussi bien par les uns que par les autres.
Cette nouvelle politique de la coopération sera prochainement arrêtée par le Gouvernement et donnera lieu à une communication en conseil des ministres, probablement au début de l'année 1998.
Il ne s'agit en aucun cas de se désengager ; il s'agit de rester présent sous des formes adaptées aux réalités d'aujourd'hui et de demain.
J'en viens maintenant aux principales orientations du projet de budget de mon ministère pour 1998.
Il s'agit d'un budget de stabilisation. S'établissant à 14,37 milliards de francs, il reconduit pratiquement à l'identique les moyens de fonctionnement, d'intervention et d'investissement dont disposera l'an prochain mon administration. Hors crédits du budget civil de recherche et de développement inscrit sur le budget des affaires étrangères, ces crédits sont en effet stables, en progression de 0,05 % par rapport aux crédits votés en 1997.
Après plusieurs années de baisse marquée, notamment en 1996 et en 1997, le Gouvernement a reconnu, comme je le demandais, que la décroissance continue des moyens affectés à notre diplomatie devait être enrayée. C'était pour moi un préalable.
J'ai relevé avec intérêt la convergence de vues entre les rapporteurs et les différents orateurs sur les moyens que le budget de l'Etat devrait réserver à sa diplomatie. J'ai même entendu plusieurs d'entre vous estimer que ce budget devrait représenter 1 % du budget de l'Etat. A vrai dire, cela ne serait pas déraisonnable, compte tenu de la mondialisation, de ses enjeux, de la multiplicité des terrains où, jour après jour, nous défendons nos intérêts et nos conceptions et où chacun attend que le ministère des affaires étrangères remplisse sans cesse de nouvelles missions, tout en continuant d'assumer l'ensemble de ses attributions traditionnelles.
Dans mon esprit, le budget que je vous présente, qui s'établit à 0,91 % du budget de l'Etat, s'inscrit dans une dynamique de reconquête. J'aborderai succinctement deux axes de ce budget.
D'abord, ce projet de budget garantit que nos postes diplomatiques et consulaires ainsi que notre administration centrale pourront disposer des moyens leur permettant de répondre au développement continu de l'activité internationale de notre pays.
J'ai déjà cité plusieurs axes de modernisation. Je voudrais maintenant répondre à d'autres observations que plusieurs d'entre vous m'ont adressées.
M. le rapporteur spécial, M. Chaumont, ainsi que Mme Brisepierre se sont inquiétés de l'effet-change. De fait, plus de la moitié des dépenses effectuées par le ministère des affaires étrangères sont opérées en devises.
Mon budget a été bâti sur l'hypothèse d'un dollar à 5,66 francs, en moyenne, pour l'année 1998. Vous avez relevé à juste titre que cette valeur diffère de celle qui est retenue dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances, qui est, elle, fixée à 6 francs.
M. le ministre de l'économie et des finances m'a donné l'assurance que les éventuelles pertes de change que subirait mon administration seraient compensées en cours d'année, dans la limite des 6 francs retenus comme hypothèse générale pour le budget de l'Etat.
Vos rapporteurs ont mentionné aussi la question de l'évolution des effectifs diplomatiques et consulaires. Vous l'avez noté, le projet de budget prévoit l'achèvement en 1998 du schéma pluriannuel d'adaptation du réseau diplomatique et consulaire, que mon département a appliqué avec beaucoup de zèle et de vertu. Compte tenu des contraintes d'emploi de mon administration, la cinquième et dernière tranche de ce schéma sera d'ampleur moindre que ce qui était initialement prévu puisque quatre-vingt-dix emplois seront en définitive supprimés, au lieu des cent trente-sept inscrits dans ces schémas.
J'estime que les effectifs du ministère des affaires étrangères, qui auront décru de plus de 8 % au terme de ce plan, doivent maintenant être vraiment stabilisés.
J'ajoute, pour répondre à certaines de vos interventions, que je suis conscient des limites dorénavant atteintes en matière de recrutement de personnel local dans nos postes à l'étranger, car un équilibre doit être conservé entre personnels titulaires et personnels locaux. Il faut, en outre, veiller à définir d'une manière plus précise les règles qui s'appliquent aux personnels recrutés localement. J'ai d'ailleurs décidé de confier à une personnalité du ministère une mission d'étude et de proposition sur ce dossier complexe.
Je vous indique enfin que ce projet de budget pour 1998 permet d'engager la réforme des communications et du chiffre. Confronté à d'inexorables mutations technologiques, le métier traditionnel de chiffreur doit évoluer profondément. Pour lui ouvrir de nouvelles perspectives, un nouveau corps de catégorie A sera constitué à partir de 1998. Des discussions sont, en outre, en cours pour revaloriser les carrières des spécialistes des communications de catégorie B.
Cette réforme d'ensemble, que j'ai engagée dès mon arrivée, permettra d'organiser une filière technique rénovée, offrant aux agents concernés de réelles améliorations de carrière. Elle sera prolongée par une accentuation de l'effort de modernisation informatique de mes services, pour lesquels j'ai demandé qu'ils puissent être systématiquement connectés à Internet.
Plusieurs d'entre vous, M. Durand-Chastel, Mme Brisepierre et d'autres encore, s'inquiètent de la disparition du service national de coopération. Chacun, ici, sait qu'il s'agit d'un problème tout à fait sérieux.
Le Gouvernement présentera au Parlement, dans le courant de l'année 1998, un projet de loi, auquel M. Alain Richard et moi-même avons commencé de travailler, tendant à instituer un volontariat international. Il est indispensable que nous trouvions une formule aussi attractive pour les jeunes que l'actuel service de coopération. Dans le cas contraire, nous ne saurions pas comment faire face aux conséquences de la disparition de ce service dans ce domaine particulier.
J'indiquerai, enfin, que les crédits d'investissement immobilier seront reconduits l'an prochain. Nos grands chantiers et les constructions d'ambassades, qui monteront en puissance dans les prochaines années, pourront ainsi être engagés à temps, tandis que nous encouragerons les montages innovants auxquels M. le rapporteur spécial a fait allusion tout à l'heure.
M. Dulait, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur notre politique immobilière et sur le coût élevé de certains projets de construction. Il est effectivement souhaitable de contrôler de manière encore plus stricte chacun de ces projets, afin d'éviter des opérations de prestige qui seraient trop dispendieuses.
J'ajoute que, dans la plupart des cas qui ont été cités, les décisions ont été prises après un examen attentif du rôle qui devait être celui de la France, y compris dans sa dimension symbolique dans chacun des pays concernés.
En deuxième lieu, le budget des affaires étrangères traduit, notamment au profit de nos compatriotes expatriés, plusieurs choix nationaux du Gouvernement.
De ce point de vue, je suis convaincu que votre Haute Assemblée, en particulier les sénateurs représentant les Français établis hors de France dont je connais le souci constant, approuveront la priorité nette de mon budget en faveur de l'enseigement français à l'étranger : les crédits que mon ministère consacre à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger l'AEFE croîtront, l'an prochain, de plus de 3 %.
J'ai souhaité que cet effort substantiel soit affecté à une relance de notre politique des bourses, de sorte que les familles françaises à l'étranger qui éprouvent des difficultés puissent continuer de scolariser leurs enfants dans le système éducatif français.
De même, un effort sera consenti en matière d'emplois, puisque, en contrepartie de cinquante suppressions de postes d'expatriés, l'Agence pour l'enseignement français à l'étrangersera autorisée à recruter cent vingts personnels enseignants résidents.
Plusieurs orateurs, notamment Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Penne et Biarnès, ont souhaité une implication plus active du ministère de l'éducation nationale en matière de scolarisation à l'étranger.
Je souhaite vous indiquer mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai évoqué ces derniers jours, avec M. Claude Allègre, la contribution que son ministère pourrait apporter au fonctionnement de l'AEFE. Un groupe de travail commun a été mis en place afin d'étudier ces questions. Nous allons poursuivre nos travaux sur ce point. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aboutir sur ce sujet.
Cette politique doit également s'appliquer à nos actions de coopération culturelle, scientifique et technique.
Le projet de budget que je vous présente aujourd'hui maintient, au-dessus de la barre des 3 milliards de francs, les moyens d'intervention de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques.
Nos engagements à l'égard de nos partenaires étrangers pourront ainsi être tenus, de même que pourront être financés les projets annoncés par le Président de la République ou par le Gouvernement : année de l'Egypte, année de la France au Japon, lancement décidé à Weimar en septembre de l'université franco-allemande, installation à Paris du nouveau secrétaire général de la francophonie, pour les principaux.
Les moyens de notre politique audiovisuelle extérieure seront globalement reconduits dans l'attente des décisions prochaines du Gouvernement, que j'ai évoquées tout à l'heure.
Je souhaite qu'à l'avenir l'effort de relance voulu par le Gouvernement au profit du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et du ministère de la culture s'applique également à nos actions culturelles extérieures. Ce ne serait que logique !
Il nous faudra, en outre, veiller à prendre en compte les besoins de nos compatriotes de l'étranger en matière d'assistance sociale. Vos collègues Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Cantegrit et Durand-Chastel se sont exprimés avec beaucoup de conviction à ce sujet.
La reconduction, en 1998, des crédits gérés par la direction des Français de l'étranger ne permettra probablement pas de répondre à toutes les situations d'urgence et de détresse que risquent de connaître les Français de l'étranger. Malheureusement, on ne peut pas écarter cette hypothèse ! Un effort accru en ce domaine sera donc l'une de mes priorités pour les années à venir et, dès à présent, pour la négociation du prochain budget.
Vous avez évoqué, en outre, la question de l'indemnisation des Français victimes de situations de crise à l'étranger.
Sachez que j'ai déjà saisi mon collègue Dominique Strauss-Kahn pour constituer un groupe de travail avec des représentants des assureurs. Il s'agit d'une partie importante de ce problème.
J'aurai besoin, là encore, du soutien de la Haute Assemblée pour assurer la traduction dans mon budget des priorités que le Gouvernement met en oeuvre pour la collectivité nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons aisément nous retrouver autour d'un commun dénominateur : redonner sa pleine place dans le budget de l'Etat à cette grande administration qu'est le ministère des affaires étrangères et rénover notre outil diplomatique pour en faire un instrument plus mobile, plus réactif, plus adapté à une vie internationale très compétitive. Il nous faut défendre nos intérêts constamment, tous les jours et de toutes les façons.
Telle est l'ambition que je souhaite vous faire partager et pour la réalisation de laquelle j'ai besoin de votre soutien. Le projet de budget des affaires étrangères que je vous propose constitue une première étape vers cet objectif. Je vous remercie donc, si tel est votre choix, de l'adopter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 157 289 002 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 137 623 204 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 251 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 96 000 000 francs. »
Par amendement n° II-15, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Biarnès et Penne, et les membres du groupe socialiste proposent :
I. - De réduire ces autorisations de programme de 2 000 000 francs.
II. - De réduire ces crédits de paiement de 2 000 000 francs.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de préserver l'essentiel des crédits affectés aux mesures nouvelles du chapitre 57-10 et de les orienter vers une réduction des aménagements de luxe.
Nous sommes, en effet, assez nombreux à estimer qu'en matière de construction, comme l'a très bien dit M. le rapporteur spécial, certaines dépenses de prestige « vampirisent » les dépenses utilitaires réellement indispensables.
Avoir des ambassades somptueuses et, dans le même temps, des consulats qui ne sont jamais repeints et des écoles qui prennent l'eau n'est pas acceptable.
Bien sûr, l'objet véritable de cet amendement n'est pas tant de réduire des crédits, qui ne sont déjà pas élevés, que de reporter 2 millions de francs sur l'aide sociale aux français de l'étranger. En effet, cette aide sociale diminue, même si elle a été partiellement préservée d'une baisse entraînée par les variations des taux de change.
En outre, il faut bien voir que le budget du ministère des affaires étrangères pour aider les Français en difficulté est très restreint. Un département qui compte un million d'habitants dispose, en moyenne, de 1 milliard de francs pour l'aide sociale - et encore, ce n'est pas lui qui paie le RMI ! - alors que, pour l'aide sociale proprement dite aux Français de l'étranger, le ministère des affaires étrangères dispose de 97,6 millions de francs.
Avec cette somme, réellement faible, il arrive quand même à verser six mille allocations à des personnes âgées et à des handicapés. Mais il parvient de plus en plus rarement à verser une aide à des adultes en difficulté et rien n'est prévu pour les enfants.
Ces aides absorbent déjà 85 millions de francs ! Par conséquent, il ne reste que 3 millions de francs pour rapatrier les personnes très démunies. Je vous signale que, depuis plus d'un an, faute d'argent, on ne rapatrie plus de Français d'Algérie ! Il ne reste que 3 millions de francs pour l'organisation de la sécurité des communautés françaises. La faiblesse d'une telle somme fait frémir, quand on pense à ce qui s'est passé à Brazzaville au mois de juin. Et, s'agissant des secours exceptionnels et de l'aide médicale, il reste un peu plus de 4 millions de francs.
Dans ces conditions, les Français de l'étranger sont vraiment abandonnés si jamais ils échouent dans leur expatriation. Même si les services consulaires et la sous-direction des personnes à la direction des Français de l'étranger jonglent avec les crédits et font vraiment de leur mieux pour les répartir dans les meilleures conditions, il faut bien voir que, partout, la crise économique frappe les plus faibles, qu'elle lamine les classes moyennes dans des continents entiers - je pense en particulier à l'Amérique latine - que la précarité s'aggrave partout, que la maladie, la perte d'emploi, la solitude - veuvage, divorce - tout cela précarise considérablement des Français qui ne sont pas des privilégiés. En effet, seuls 10 % des Français de l'étranger bénéficient d'un sursalaire lié à l'expatriation ; les autres perçoivent des rémunérations ou ont des revenus de l'ordre de ceux du pays où ils habitent.
Par conséquent, ces crédits étant la seule expression de la solidarité nationale envers les Français établis à l'étranger, il une semble qu'ils doivent augmenter et non pas diminuer.
Je m'inquiète, bien sûr, quant au devenir de cet amendement. Je dois dire qu'il constitue un peu un test sur les pouvoirs ou l'absence totale de pouvoirs du Parlement en matière budgétaire.
M. Maurice Schumann. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En effet, si j'obtenais la supression de ces deux millions de francs, mais que ce soit une suppression sèche, c'est-à-dire sans que ces deux millions de francs soient transférés à l'aide sociale des Français à l'étranger, évidemment, je préférerais retirer cet amendement. Toutefois, je pense aux centaines de Français de l'étranger que je rencontre au cours de mes tournées ; je tiens alors le bureau des pleurs et je vois ce que c'est d'être sans aucune aide, de ne pas pouvoir se faire opérer de la cataracte quand on est en train de devenir aveugle, de ne pas obtenir un sou d'aide quand on a sept ans et qu'on est orpheline de père et de mère à Sao Paulo, et quand on est ruiné par une guerre civile de préférer rentrer en France pour toucher le RMI que d'essayer de reprendre son activité à Brazzaville.
S'expatrier - nous l'avons tous fait - c'est souvent partir avec une certaine inconscience, en entonnant : « La victoire, en chantant, nous ouvre la barrière... », mais il ne faudrait pas, au moment où l'on s'échoue sur un rivage lointain, soupirer Esperanza ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celle du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas été saisie de cet amendement ; je ne peux donc pas m'exprimer en son nom.
A titre personnel, je partage tout à fait le point de vue de Mme Cerisier-ben Guiga. J'ai souligné dans mon rapport, ainsi qu'elle a bien voulu le dire, que certains aménagements me semblaient trop somptueux - je pense à certains programmes de travaux - et que, par conséquent, la priorité devait être donnée aux hommes, à nos compatriotes.
J'apporte donc mon total soutien à cet amendement, en précisant qu'il serait judicieux de viser l'article 30, qui concerne les services diplomatiques et consulaires. Cela permettrait d'éviter que les abattements ne puissent s'appliquer soit aux écoles, soit à d'autres chapitres.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n'a pas eu connaissance de l'amendement ; elle n'a donc pas pu en délibérer.
A titre personnel, j'y suis très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Mme Cerisier-ben Guiga a défendu avec beaucoup de flamme, et à juste titre puisqu'elle est au contact direct des situations qu'elle décrit, l'amendement qu'elle a déposé.
Son propos va, peut-être, un peu loin, lorsqu'elle dit que les Français de l'étranger sont à l'abandon. Je ne crois pas que l'on puisse prétendre cela. La France est, en effet, le seul pays au monde à offrir un dispositif de ce type à ses expatriés, et ce sur tous les plans, depuis le Conseil supérieur des Français de l'étranger jusqu'à toutes les formes d'aide sociale.
Il ne faut pas l'oublier ! Cela signifie que notre pays n'est pas à montrer du doigt. Simplement, il faut raisonner en termes de perfectionnement et éviter - puisque nous abordons le problème sous cet angle - les situations de détresse.
Sur le plan humain, dès lors que cet amendement tend à envoyer une sorte de message, je le reçois volontiers. J'ai l'intention de m'employer à faire en sorte que, dès le prochain budget, cet élément soit pris en considération plus encore qu'il ne l'est actuellement. On ne peut pas dire qu'il ne le soit pas du tout, mais il ne l'est sans doute pas suffisamment, vous le savez mieux que quiconque.
Toutefois, en ce qu'il modifie l'équilibre délicat instauré au sein du budget, je ne peux malheureusement pas émettre un avis favorable sur cet amendement, d'autant que les crédits immobiliers auxquels vous faites allusion sont reconduits à l'identique, c'est-à-dire qu'ils n'augmentent pas, malgré les multiples raisons que nous aurions de les accroître.
Les demandes de travaux immobiliers sont, en effet, innombrables, et pas uniquement de prestige : ceux-ci concernent tous les établissements diplomatiques, consulaires ou culturels de nos implantations. Les besoins dans ce domaine sont considérables. On ne peut pas opposer la dimension humaine et la dimension immobilière, vous le savez : vous parlez vous-même des autres aspects de notre réseau. Il s'agit, par exemple, des travaux pour l'amélioration de l'accueil dans les consulats. Finalement, tout est un peu lié !
Bref, je comprends très bien votre préoccupation ; j'y suis sensible, je la respecte, je la trouve justifiée. J'ai l'intention d'y consacrer mon énergie pour les négociations à venir, mais je ne peux pas accepter que se trouve ainsi modifié l'équilibre du budget. N'y voyez vraiment, je le souligne encore, aucune espèce de désintérêt par rapport au souci qui vous anime. (M. Guy Penne applaudit.)
M. le président. Madame Cerisier-ben Guiga, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je le retire, monsieur le président, en espérant que les paroles d'encouragement de M. le ministre seront suivies d'effet, notamment à Bercy et au cabinet du Premier ministre.
Je constate que lorsque le projet de budget nous est soumis, il est trop tard ; nous ne pouvons plus rien changer. Peut-être faudrait-il envisager une concertation avec le Sénat, notamment la commission des affaires étrangères, dans la phase préparatoire du budget.
M. le président. L'amendement n° II-15 est retiré.
M. Jacques Habert. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-15 rectifié.
Vous avez la parole, monsieur Habert, pour le défendre.
M. Jacques Habert. Cet amendement est intéressant. La réorientation des crédits proposée par nos collègues du groupe socialiste me paraît être une tactique très novatrice. Mme Cerisier-ben Guiga a évoqué les prérogatives du Parlement à l'égard des crédits qu'il doit attribuer. Cette idée ne me semble pas mauvaise et nous pourrions, je crois, tenter l'expérience, au bénéfice de nos compatriotes spoliés.
Vous connaissez, mes chers collègues, la situation tragique dans laquelle se trouvent les Français qui, à l'étranger, ont été pris dans des conflits et ont vu, en quelques heures, leurs vies en péril et tous leurs biens détruits.
Ce matin, à quatre heures, nous évoquions les drames de Brazzaville et le problème des indemnisations éventuelles. Le ministre de la coopération nous a précisé qu'à son grand regret il ne pouvait rien faire car aucun crédit n'avait été prévu à cet effet. En fait, aucun mécanisme d'indemnisation n'existe.
Cependant, les douze sénateurs des Français établis hors de France avaient suggéré, voilà six ans, de créer un fonds d'indemnisation par le biais d'une proposition de loi déposée au moment de la guerre du Golfe. Nous avons maintenant repris et actualisé cette proposition, avec l'assentiment de tous nos collègues.
Je vous demande, monsieur le ministre, d'y être attentif et de voir comment elle pourrait être acceptée et appliquée.
Les coopérants rapatriés du Congo ont obtenu, en tant que fonctionnaires, une petite indemnisation. Mais ceux de nos compatriotes qui travaillaient librement dans le commerce ou les petites entreprises n'ont rien eu. Pourtant, au cours des journées tragiques des 8 et 9 juin derniers, ils ont vu en un instant leurs efforts anéantis ; ils ont perdu en quelques heures les fruits du travail de toute une vie. A certains, il ne reste plus rien !
Rapatriés par l'armée française, ces malheureux compatriotes sont arrivés à Paris. Au passage, je tiens à rendre hommage à la cellule de crise du Quai d'Orsay et de la direction des Français de l'étranger, qui a effectué un remarquable travail d'accueil. Nombre de nos collègues ont d'ailleurs pu en être les témoins.
Une fois ces rapatriés accueillis, deux mois ont été nécessaires pour les réinsérer en France, aussi bien que possible. Mais il reste beaucoup à faire.
Ces familles sont donc en France. Les enfants peuvent, enfin, aller à l'école. Nos compatriotes perçoivent le RMI, les petites aides nationales, ce qui est bien. Mais on ne peut s'en tenir là.
Il n'est pas possible que la France se désintéresse de ceux qui lui avaient permis d'être présente en Afrique et qui ont tout perdu là-bas. Elle doit faire quelque chose, il faut tout essayer.
L'initiative de nos collègues du groupe socialiste, que je remercie, va dans ce sens. Si nous avions été consultés, nous nous serions bien évidemment associés à leur proposition. Si la commission des affaires étrangères en avait eu connaissance, elle y aurait aussi donné un avis favorable, comme son président, M. de Villepin, l'a dit.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui permettra, du moins, au ministère des affaires étrangère d'étudier cette question et de réfléchir aux solutions qui doivent être trouvées.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-15 rectifié.
M. Guy Penne. Je demande la parole contre l'amendement.
M. Maurice Schumann. Contre votre propre amendement ?
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Je prends en effet la parole contre mon propre amendement et je vais m'en expliquer, car vous ne savez peut-être pas tout.
Cet amendement avait simplement pour objet d'attirer l'attention de M. le ministre sur une situation extrêmement délicate, qui a parfaitement été décrite par M. Habert, mais qui l'avait été encore mieux et avec beaucoup plus de sincérité par Mme Cerisier-ben Guiga.
M. de Cuttoli a invité M. Habert à reprendre l'amendement n° II-15. Ce dernier prétend ne pas avoir été consulté sur notre proposition. Voilà un mois, j'ai adressé une lettre à mes collègues ici présents pour les consulter sur la possibilité de recourir à la réserve parlementaire pour accroître les crédits affectés à la sécurité.
J'attends encore les réponses de MM. Habert, de Cuttoli et d'Ornano. Seule Mme Brisepierre et M. le président de la commission des affaires étrangères ont répondu favorablement ; pour les autres, ce fut vraiment « silence radio ». Alors, quand je vous vois faire votre cinéma, permettez-moi de vous dire que je trouve cela assez scandaleux !
J'ai assisté hier à la démarche à laquelle se sont livrés certains de nos collègues de la majorité sénatoriale face au budget défendu par M. Allègre. La même tactique que celle qui nous a amenés jusqu'à quatre heures ce matin est de nouveau utilisée.
En fait, les résultats seront maigres car, en fin de compte, l'Assemblée nationale reviendra sur la disposition proposée. Vous faites donc de la pure démagogie.
Nous avons expliqué, pour notre part, pour quelles raisons nous avons déposé cet amendement. Si M. le ministre n'avait pas pris un engagement aussi ferme, nous l'aurions maintenu car il se justifiait.
Nous sommes tous scandalisés par les dépenses somptuaires, qui ont été faites mais nous songeons beaucoup au sort de nos compatriotes. Compte tenu de l'engagement pris par M. le ministre, Mme Cerisier-ben Guiga a parfaitement eu raison de retirer l'amendement n° II-15 et je suis solidaire de ce retrait.
De toute façon, vous savez très bien que si le groupe socialiste de l'Assemblée nationale est hostile à cet amendement, il ne sera pas adopté.
M. Charles de Cuttoli. Supprimons le Sénat !
M. Guy Penne. Par conséquent, vous vous amusez, monsieur de Cuttoli, et vous n'êtes pas d'une grande franchise parce que c'est vous qui avez incité M. Habert à reprendre cet amendement. Vous n'avez même pas eu le courage de le faire ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles de Cuttoli. Je ne m'amuse pas avec le malheur des Français de l'étranger !
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Cuttoli.
M. Charles de Cuttoli. Pour ma part, pour les raisons qui ont été exposées, je voterai cet amendement, comme l'a déjà pressenti M. Penne, et ce sans difficulté aucune. Mais je désirerais tout de même dépassionner quelque peu ce débat, qui a pris des proportions auxquelles personne ne s'attendait.
M. Penne m'a accusé d'avoir incité M. Habert à reprendre l'amendement n° II-15. Je me souviens que, lors de la séance du 5 mai 1977, consacrée à un débat de politique générale, le Premier ministre d'alors, M. Raymond Barre, avait pris la décision de créer un fonds de secours pour les Français de l'étranger âgés et nécessiteux.
Ce jour-là m'exprimant au nom de l'ensemble des Français de l'étranger, j'ai évoqué la situation des Français de l'étranger âgés, nécessiteux, handicapés qui ne pouvaient pas bénéficier du fonds national de solidarité et qui n'attendaient plus qu'une chose : qu'on leur ferme les yeux.
M. le Premier ministre se tourna alors vers ses collaborateurs. Visiblement, c'était la première fois que ce problème était évoqué devant lui. Il me donna l'assurance qu'il ferait étudier le dossier. Quelques mois plus tard, en septembre, devant l'assemblée générale de l'Union des Français de l'étranger, il annonçait effectivement la création d'aides spécifiques.
Monsieur Penne, si aujourd'hui j'ai incité M. Habert à reprendre cet amendement, voilà quelques années, j'avais aussi incité M. Barre à venir en aide à nos compatriotes âgés et nécessiteux.
Cela dit, monsieur Penne, nous sommes d'accord sur plusieurs points. Tout comme vous, je ne vois pas l'intérêt de dépenser 400 millions de francs dans une ambassade à Pékin et 280 millions de francs dans une ambassade à Berlin alors que nous sommes confrontés à tant d'autres priorités.
Je remercie M. le ministre des apaisements qu'il nous a donnés. J'espère qu'il pourra tenir, d'un point de vue budgétaire, les engagements qu'il a pris devant nous. Néanmoins, je voterai cet amendement.
M. Robert-Paul Vigouroux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, l'amendement de M. Habert n'a pas été distribué.
M. le président. Non, monsieur Vigouroux, car son texte est identique à celui de l'amendement de Mme Cerisier-ben Guiga.
M. Robert-Paul Vigouroux. Il s'agit donc simplement d'un amendement politicien.
M. Charles de Cuttoli. C'est vous qui avez l'habitude de la politique politicienne.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. J'ai demandé la parole non seulement pour expliquer mon vote, mais surtout pour répondre à notre collègue Guy Penne.
Ce qu'il a dit à propos de notre « silence » n'est pas exact, en tout cas pour ce qui me concerne. Informé de son initiative, je lui ai dit oralement que je l'approuvais entièrement.
Après nous en être entretenus avec le président de la commission des affaires étrangères, que je prends à témoin, nous avons tous, je crois, signé une demande tendant à recourir à la réserve parlementaire pour venir en aide aux victimes des événements de Brazzaville.
M. Guy Penne. Certains n'ont pas signé cette demande.
M. Jacques Habert. Il me semblait que nous l'avions tous signée ; en tout cas, moi, je l'ai fait.
M. Guy Penne. Mme Brisepierre était d'accord mais non les autres !
M. le président. Monsieur Penne, vous n'avez pas la parole. Laissez M. Habert s'exprimer.
M. Jacques Habert. Je le répète, monsieur Penne : je vous ai fait part de mon accord, et j'ai signé cette demande, que j'ai retournée à M. de Villepin, qui la faisait circuler entre nous.
Revenons à l'objet de notre débat. Je ne me fais aucune illusion sur le sort de l'amendement n° II-15 rectifié. Nous savons tous que l'Assemblée nationale le repoussera. Mais, en attendant, il me semble utile de le voter. Il ne s'agit pas du tout d'un amendement politicien.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Qu'est-ce donc alors ?
M. Jacques Habert. C'est une expérience intéressante, vous l'avez dit vous-même. Il s'agit de mieux utiliser des crédits inscrits au budget et de les orienter vers nos compatriotes spoliés et ruinés, qui en ont le plus grand besoin.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement, afin que nous puissions étudier toutes les possibilités qu'il offre en matière de compensations et d'indemnisations.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-15 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 5 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 5 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.

Culture

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Trois sujets d'interrogation, trois sujets d'inquiétude, trois sujets de satisfaction, telle est, madame le ministre, mes chers collègues, la conclusion que je tire d'un examen attentif et, je le crois, objectif du projet de budget dont nous sommes saisis.

Une analyse me conduira, bien entendu, à une conclusion précise, mais je souhaite vous indiquer par quel cheminement j'y suis parvenu.
En premier lieu, j'évoquerai donc trois motifs d'interrogation.
Le premier porte sur les structures de votre ministère et sur leur rationalisation.
Il y a un mot qui est à la mode rue de Valois, c'est le mot « fusion ». Oh, il ne m'inquiète ni ne m'indigne en lui-même, il peut comporter de très bons éléments et conduire à de bonnes décisions. Par exemple, rien n'est plus normal que de vouloir fusionner la mission interministérielle des Grands Travaux et le Grand Louvre.
Je suis déjà beaucoup plus perplexe lorsqu'il s'agit de la fusion de la direction du patrimoine et la direction de l'architecture. J'ai été très favorable au retour de l'architecture dans le ministère de la culture, mais j'attends maintenant avec impatience le document qui est en préparation, je le sais, à votre ministère pour indiquer selon quelles modalités aura lieu le rapprochement entre ces deux directions qui, ne l'oublions pas, sont souvent rivales.
Il y a une troisième fusion qui a été annoncée par vous-même, madame le ministre, à Strasbourg - depuis lors vous n'en avez plus parlé - et à laquelle, je dois vous le dire, je serais assez nettement hostile : il s'agit de la fusion de la direction du théâtre et de la danse, d'une part, et de la direction de la musique, d'autre part. Laissez-moi vous dire, à ce propos, que je suis aussi attaché à la préservation de l'identité musicale qu'à la préservation de l'identité nationale, et vous me connaissez assez pour savoir que ce n'est pas peu dire.
Après ce premier motif d'interrogation, il y en a un deuxième, que je vous soumets très simplement : quand nous présenterez-vous un nouveau projet de loi sur cet élément essentiel de votre ministère qu'est le patrimoine architectural, qu'est le patrimoine tout court ?
Je sais bien que vous n'y êtes pas défavorable. Je sais que s'il y a des réticences et des hostilités elles viennent non pas de la rue de Valois, mais d'une artère plus éloignée du centre de Paris.
Laissez-moi vous dire cependant que je tiens beaucoup à ce qu'il y ait une relève de la loi sur le patrimoine actuellement en vigueur et qui viendra à expiration au cours de l'année prochaine. Pourquoi ? Eh bien ! je n'ai, pour me justifier, qu'à évoquer un souvenir qui remonte à l'an dernier.
Initialement, un projet de budget nous était présenté qui avait pour résultat de faire peser une très grave menace sur le patrimoine. Le Sénat a joué son rôle, il a adopté un amendement - et je dois rendre hommage à votre prédécesseur, M. Douste-Blazy, qui a joint ses efforts aux nôtres pour obtenir de M. le Premier ministre un arbitrage favorable.
Ainsi, un crédit supplémentaire de 70 millions de francs a été dégagé et, quand est venue l'heure des gels et des annulations, nous avons renouvelé nos efforts et nous avons obtenu le maintien de ce crédit. C'est ainsi que le minimum vital - je n'en dis pas plus - a été préservé, tant il est vrai que cette référence qu'est la loi en vigueur est précieuse et tant il est vrai qu'il est souhaitable qu'elle ne disparaisse pas. Enfin, le troisième point d'interrogation est classique, je dirai même qu'il est rituel. Tous les rapporteurs du budget de la culture l'ont évoqué. Vous m'avez déjà deviné, il s'agit de la répartition des crédits entre Paris et la province. Actuellement, on nous dit : 52 ou 53 % pour la province, 5 % pour l'Ile-de-France et le reste, c'est-à-dire 42 %, pour Paris. Tout cela, bien entendu - et cela me paraît important - hors établissements publics.
Je me permets de vous demander si vous pourriez nous fournir ces proportions transposées, y compris les établissements publics.
J'en arrive à mes trois sujets d'inquiétude.
Le premier, madame le ministre, porte, vous n'en serez pas surprise, j'en suis sûr, sur la préparation du prochain millénaire, sur la célébration de l'avènement du prochain millénaire. Nous savons comment il est préparé en Allemagne. Nous savons que l'Allemagne fêtera le transfert, le retour de sa capitale à Berlin et qu'en même temps aura lieu une exposition universelle à Hanovre. Nous savons comment l'Italie prépare la célébration de l'avènement du prochain millénaire : elle célébrera le jubilé, si j'ose m'exprimer ainsi, du Vatican. Tout cela est très réconfortant. Il y aura donc une participation spécifiquement italienne, une participation spécifiquement allemande. Y aura-t-il une participation spécifiquement française ?
On nous a parlé - ce sont des bruits que nous avons recueillis, ce ne sont que des bruits, je le reconnais - d'un budget de 1 milliard de francs à 1,2 milliard de francs. On nous a dit que le financement pourrait être assuré par la Française des jeux, grâce à de nouveaux jeux liés d'ailleurs à la naissance, à l'aube du prochain millénaire. En bref, je voudrais savoir où nous en sommes, compte tenu de la mission qui a été créée à la fin de l'année dernière et dont la direction a été confiée à un homme que j'ai toutes les raisons de connaître puisqu'il est président-directeur général du Centre Georges-Pompidou et que j'en préside moi-même le conseil d'orientation.
Il y a incontestablement urgence, car nous n'avons devant nous, vous n'avez devant vous, madame le ministre, que deux ans à peine. Il me paraît essentiel que, encore une fois, nous sachions à quoi nous en tenir, que nous ayons un programme et un programme de financement annexé au plan de célébration.
Le deuxième motif d'inquiétude que j'ai tient aux musées. Là encore, je vous pose une question. On a beaucoup parlé d'une loi sur les musées. Quand verra-t-elle le jour et quelle orientation comptez-vous lui donner ?
J'ai des responsabilités personnelles, que vous connaissez, dans la conservation d'un grand musée, responsabilités qui m'ont été confiées par l'Institut de France, je suis donc à même de comprendre les graves difficultés auxquelles se heurtent les conservateurs, qui, dans l'ensemble, tirent le meilleur parti possible des moyens de fonctionnement qui leur sont alloués.
Peut-être y aurait-il lieu de se demander - mais c'est une simple suggestion - si, pour ne citer qu'un exemple, il est toujours judicieux de créer des espaces nouveaux au moment même où l'on est amené à fermer des salles, faute de personnel - mais c'est une remarque annexe.
Je voudrais, à ce propos, évoquer un problème capital, celui de la Réunion des musées nationaux. Je sais que vous vous en occupez, et je le dirai dans un moment.
En 1993, la Réunion des musées nationaux était excédentaire ; en 1994, elle est devenue déficitaire ; le déficit ne cesse de s'aggraver et on peut se demander s'il est structurel. Je l'ai longtemps cru. Mais je me suis rapproché de votre ministère et j'ai su que vous aviez élaboré un plan triennal et que celui-ci a pour objet de nous ramener en trois ans, comme son nom l'indique, à la situation de 1993. Je me permets de vous demander si la première année du plan triennal tend à vous rapprocher de ce but, ce que je souhaite très sincèrement.
Lorsque ce but aura été atteint, peut-être devra-t-on s'interroger sur la différence qu'il y a - et sur les conséquences à en tirer - entre les attributions diverses de la Réunion des musées nationaux.
Il y a, parmi ces attributions, les achats d'oeuvres d'art, les organisations d'expositions - la Réunion des musées nationaux s'en occupe fort bien - et les activités commerciales, qui ont de plus en plus d'importance. Si la preuve est faite que le déficit que l'on déplore depuis quelques années n'est pas un déficit structurel, ne tient pas à la nature des choses, alors peut-être pourra-t-on imaginer une autre forme d'activité commerciale dans les musées nationaux ? Mais, encore une fois, le but de ma question, c'est de vous demander - et je sais que vous y répondrez avec précision - si les résultats de la première année du plan triennal sont, à cet égard, encourageants.
Enfin, j'ai un troisième sujet d'inquiétude, qui tient au cinéma.
Tout le monde sait que l'aide au cinéma est assurée par un fonds qui dispense, d'une part, des crédits sur lesquels il a à se prononcer, des crédits qui, par conséquent, sont sélectifs, et, d'autre part, des crédits dont l'attribution est pratiquement automatique.
D'ailleurs, la partie automatique des crédits n'est pas négligeable : elle a été, au cours de l'année dernière - je n'ai pas encore les chiffres de cette année - de 276 millions de francs.
Aussi, je me demande si cette attribution automatique ne va pas, involontairement, bien entendu, à l'encontre des intérêts directs du cinéma français, et voici exactement ce que je veux dire : il y a, tout le monde le sait maintenant et tout le monde le voit, à la lisière de nos villes, des mastodontes, des cinémas, qui comportent huit, neuf ou dix salles et qui sont indubitablement, il faut bien le dire, les moyens d'expansion des grands succès ou des moindres succès hollywoodiens, disons des grandes productions hollywoodiennes.
Il n'est pas question, bien entendu, de procéder à des mesures d'interdiction. Il ne peut pas être question de riposter à la naissance de ces multiplexes par ce que j'appellerai une sorte de police défensive. Non, bien entendu, il ne s'agit pas de cela. Mais il s'agit de savoir s'il appartient aux contribuables français de les financer indirectement par l'intermédiaire du fonds d'aide au cinéma et à cause du jeu automatique de l'attribution d'une partie importante des subventions, puisque je disais, voilà quelques instants, que le chiffre atteint est largement supérieur à 200 millions de francs.
Je vous cite quelques chiffres. L'année dernière, les multiplexes représentaient 11 % des entrées. Pour le premier semestre de cette année, ils ont représenté 10 % des entrées. Bientôt, cela correspondra à près du quart des entrées - évidemment je n'en ai pas la preuve, j'extrapole, mais cette extrapolation n'est pas faite au hasard - nous pourrons nous demander si les 52 % que représentent encore les entrées dans les cinémas projetant des films américains ne seront pas encouragés et si, par voie de conséquence, le cinéma français ne sera pas marginalisé chez lui.
Encore une fois, ce que je demande, c'est que le mode de distribution des fonds d'aide au cinéma soit révisé de façon telle qu'il devienne volontaire, qu'il s'applique aux cas particuliers qui se posent et qu'ils n'offrent pas des inconvénients comparables à ceux qu'offraient à une époque déjà lointaine, à laquelle j'étais rapporteur du budget de la culture, et où nous avions constaté, ici même, que ces mécanismes avaient pour résultat d'encourager, par le jeu des réinvestissements, le cinéma pornographique. Aujourd'hui, ce problème ne se pose plus, et en grande partie grâce au Sénat.
Le problème que je viens de soulever n'est pas moral, comme l'était le précédent, mais il est politique, au meilleur sens du terme.
A partir du moment où le terrain a été déblayé par trois sujets d'interrogation et par trois sujets d'inquiétude, nous en arrivons aux trois sujets de satisfaction.
Le premier, c'est indubitablement le montant du budget. Il est en augmentation de 6,4 %, si nous y comprenons les autorisations de programme, ce qui nous mène à un total de 15,109 milliards de francs. Mais ce qui, à mon avis, est beaucoup plus important, c'est que si nous ne tenons pas compte des autorisations de programme, l'augmentation est de 3,8 % et, si mes calculs sont justes, cela revient à dire que les crédits de paiement s'accroîtraient, l'an prochain, de plus de 500 millions de francs.
Bien entendu, il se trouvera toujours quelqu'un pour dire que, par rapport aux besoins, c'est insuffisant ! Mais qui, dans les circonstances présentes, et compte tenu des contraintes budgétaires, pouvait espérer mieux qu'un renversement de tendance ?
Le deuxième sujet de satisfaction, c'est que, à l'intérieur de cette majoration de crédits - les 550 millions de francs que j'évoquais il y a un instant - 245 millions de francs iraient au patrimoine. Cela est évidemment essentiel pour une raison fondamentale, qui s'appelle l'emploi.
L'an dernier, quand j'avais déposé, avec l'approbation de l'ensemble du Sénat, l'amendement grâce auquel 70 millions de francs ont été récupérés puis maintenus, j'avais rappelé qu'un nombre appréciable d'entreprises, représentant au total près de 40 000 emplois, pouvaient être condamnées à mort, étant donné leur stricte spécialisation, par une diminution excessive, voire par un montant insuffisant, des crédits du patrimoine.
Il est évident que, si les crédits sont, cette année, abondés dans la proportion que je viens d'indiquer, le péril sera conjuré, et nous ne pourrons que nous en féliciter et vous en remercier, madame le ministre.
J'ai d'ailleurs procédé à une comparaison ; je me suis demandé ce qu'aurait donné une application rigoureuse et chiffrée de la loi sur le patrimoine, encore en application. J'ai abouti à un chiffre : 1,633 milliard de francs. Or, le chiffre qui nous est proposé dans votre projet de budget est de 1,616 milliard de francs. A 17 millions de francs près, la loi est donc rigoureusement respectée.
Vous voyez d'ailleurs combien j'avais raison, tout à l'heure, de vous dire que cette référence était utile et combien vous avez eu raison de souhaiter - car je sais que vous le souhaitez - qu'il n'y ait pas d'interruption et qu'une loi du patrimoine succède à l'autre et assure la continuité de l'effort.
D'ailleurs, il me souvient que, le 26 mars dernier, au moment où pesait une menace, une menace grave, sur les crédits du patrimoine - encore une fois, l'arbitrage de M. Juppé, dont je tiens de nouveau à le remercier, a permis de trancher le problème - j'avais écrit au Premier ministre pour lui dire textuellement : « N'oublions pas que 80 % des crédits du titre IV correspondent à des emplois ».
Enfin, le troisième sujet de satisfaction - j'en ai déjà indiqué deux qui sont importants - c'est le budget dévolu au spectacle vivant. Il augmente de 8 %, mais, pour ce qui concerne le théâtre, il augmente de 12 %.
C'est ce qu'on a appelé - je crois qu'on a eu raison - une offre culturelle améliorée en région. L'expression va loin, mais elle nous mène à nous interroger sur ce que la décentralisation peut offrir comme avantage.
J'estime, pour ma part, que cette offre culturelle prendra tout son sens lorsque, comme nous le souhaitons tous, elle aboutira à un véritable partenariat avec les collectivités territoriales, lorsque, pour tout dire, le bénéficiaire sera, plus complètement encore, rapproché du distributeur.
J'en arrive au terme de mon exposé.
Lorsque je me rappelle, sans rien en retrancher, les interrogations que j'ai posées et auxquelles vous répondrez, lorsque je me rappelle les trois motifs d'inquiétude et les trois motifs de satisfaction, je suis obligé de dire que les motifs de satisfaction l'emportent, et la commission des finances a estimé, à l'unanimité de ses membres présents, qu'elle ne pourrait pas refuser de donner un avis favorable sans renier, ou tout au moins sans avoir l'air de rétracter, les remontrances et les doléances qu'elle a multipliées dans le passé.
Je vous confirme donc, madame le ministre, que je propose au Sénat de donner un avis favorable.
Mais pouvons-nous nous en tenir là ? Je réponds non. A cause, cette fois, non plus d'une inquiétude mais d'une angoisse, et qui ne vous met personnellement pas en cause, pas plus d'ailleurs que vos prédécesseurs, surtout votre prédécesseur immédiat.
Quelle est cette angoisse ? Je la présente très simplement : votons-nous un budget définitif ou bien, dans quelques semaines, dans quelques mois, sans aucune consultation préalable, nous trouverons-nous en présence de gels, suivis d'annulations, qui remettront en cause les résultats dont nous avons lieu, actuellement, de nous féliciter et de vous féciliter ?
Je sais bien, on me répondra : « Mais la situation ne serait pas nouvelle. Il y a des précédents ! ». C'est tout à fait vrai. Il y a beaucoup de précédents, sous tous les gouvernements, quelle que soit leur coloration. Mais je suis tout à fait à l'aise, maintenant que je n'appartiens pas à la majorité gouvernementale, pour répéter ce que j'ai dit à l'époque où j'y appartenais, il y a deux ans, à cette tribune même, alors que votre prédécesseur venait de nous annoncer des mesures nouvelles. Je lui ai dit : « Je vous remercie de ces mesures nouvelles, mais elles seraient un leurre si, demain, certaines régulations devaient remettre en cause des engagements solennellement pris devant le Parlement. »
Alors, je dois vous dire que les efforts qui seront déployés pour éviter la répétition de ces erreurs trouveront dans la commission des finances du Sénat et dans la personne de son rapporteur, comme je le sais, j'en suis sûr, dans les personnes du président et des rapporteurs de la commission des affaires culturelles, un soutien constant.
Il est vrai, madame le ministre, qu'un budget est une autorisation et non pas une obligation de dépenser. Mais il est non moins vrai que la logique d'un régime démocratique nous interdit d'admettre que ce budget, une fois voté par les élus du suffrage universel direct ou indirect, soit vidé d'une partie importante de son contenu sans aucune consultation préalable, sans aucune discussion préalable, bref, sans la volonté de respecter la parole donnée - un projet de budget, c'est une parole donnée - ou tout au moins, si l'on estime inévitable de la rétracter partiellement, de négocier ces rétractations de façon telle qu'en tout état de cause les économies ne soient jamais consenties ou imposées au détriment de ce qui doit être notre préoccupation constante : l'emploi.
Toute autre attitude vous étonnerait de ma part. En tout état de cause, le service prioritaire de la culture s'accommoderait mal d'une nouvelle offense à la dignité du Parlement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au travers du budget de la culture, c'est toute une vision de la société et du rôle que l'Etat se donne pour lui apporter un supplément d'âme qui apparaît derrière l'aridité des colonnes et des chiffres.
Madame la ministre, votre budget est la pierre de touche permettant à la représentation nationale de juger si l'Etat a la volonté, selon la très belle formule de Malraux, de « donner à tous les clés du trésor ».
Loin d'être le variable d'ajustement de l'Etat, tentation permanente, hélas ! de tous les gouvernements, le budget de la culture doit à la fois revêtir un caractère prioritaire et permettre les réformes nécessaires pour que la culture ne reste pas hors du temps, hors du siècle, serais-je tenté de dire.
C'est à l'aune de ces deux critères que je me propose, madame la ministre, d'examiner les grandes lignes du budget qui nous est aujourd'hui soumis.
Globalement, le budget pour 1998 traduit un effort incontestable en faveur de la culture, tant dans ses grandes masses que dans les actions qu'il va permettre. Il progresse de 3,78 % par rapport à 1997, calcul établi à structure constante et tenant compte du rattachement de l'audiovisuel public aux services du Premier ministre.
Cette augmentation, comme vient de le souligner M. Maurice Schumann, est appréciable au regard des difficultés et de la contrainte budgétaire qui caractérisent notre époque. Cela représente un effort vers la conquête du 1 % mythique ; mythique parce que, depuis que Jean Vilar l'avait réclamé, il y a plus de trente ans, peu de budgets l'ont atteint. Néanmoins, cette année, vous vous en rapprochez, madame la ministre.
La diminution des crédits affectés aux grands travaux vous a, certes, donné une marge de manoeuvre supplémentaire. Je m'en félicite, car j'imagine combien la tentation a dû être grande de profiter de cette situation pour réduire d'autant les crédits d'investissement de votre ministère.
Vous avez su garder, pour les affecter à d'autres chapitres, les crédits globalement consacrés auparavant à ces grands travaux.
Seul le Louvre émargera, cette année, au budget de la culture. C'est tout à fait essentiel, car nous avons la chance, avec cette structure, d'avoir le plus beau musée du monde. Maintenir le programme d'achèvement des travaux, permettre son fonctionnement dans de bonnes conditions me paraît être, pour paraphraser une formule célèbre, une « ardente nécessité », essentielle au même titre que la promotion et la préservation du patrimoine - j'y reviendrai dans un instant.
Si l'on entre très rapidement dans le détail des chapitres, on peut constater que les capacités d'action directe du ministère vont profiter modérément de ce renforcement des crédits.
Le titre III, qui prévoit les moyens des services, augmente de 2,6 %, attitude que je qualifierai de raisonnable puisqu'elle permet, en évitant toute dérive, d'assurer dans de bonnes conditions l'accueil du public dans les grandes structures - je pense, notamment, à la Bibliothèque nationale de France - et, en même temps, d'améliorer le fonctionnement des services, dont on sait qu'ils vont être regroupés, sur le plan matériel, dans une opération qualifiée, du nom d'une de ces rues du vieux Paris qui font son charme, « Opération des Bons-Enfants ».
Les crédits d'intervention culturelle augmentent de 2,5 %. Leur évolution est contrastée.
Je me félicite qu'ils augmentent de 15 % pour les musées. Je reviendrais dans un instant, après M. Schumann, sur les difficultés de la Réunion des musées nationaux.
Ils augmentent de 11 % pour l'architecture. L'effort se poursuit pour montrer aux architectes et aux élèves architectes que le transfert d'un ministère réputé riche à un ministère réputé l'être moins ne se fera pas au détriment de la qualité de leurs études.
Je me réjouis aussi de voir que les crédits des archives augmentent de 11 %. On sait aujourd'hui à quel point la mémoire d'un pays est essentielle.
En revanche, je constate avec inquiétude que les crédits du livre et de la lecture n'augmentent que de 1 %. C'est peu - d'autant qu'une bonne partie est consacrée à la Bibliothèque nationale de France - alors que la lecture est de plus en plus menacée par les nouvelles formes d'accès au savoir.
Si l'on n'y prête garde, la galaxie Gutenberg, à laquelle beaucoup, à commencer par moi, restent fidèles parce que c'est leur formation, risque de n'être plus, demain, qu'une forteresse assiégée.
J'en viens, enfin, aux dépenses en capital. C'est le point essentiel, le noyau dur, le saint des saints de votre budget, madame la ministre, qui explique pour une large part l'attitude qu'ont adoptée les commissions compétentes du Sénat.
Les dépenses en capital augmentent très sensiblement, les crédits du patrimoine, au sein même de ce chapitre, progressant de 39 % en autorisations de programme.
Inutile de vous dire, madame la ministre, combien cette relance, qui marque le retour à la loi de programme du 31 décembre 1993, était souhaitée par le Sénat, conscient qu'il est de l'importance du patrimoine en termes économiques, d'abord, tant pour le tourisme que pour les entreprises spécialisées - plus que d'autres, vous connaissez leur savoir-faire exceptionnel, madame la ministre, vous qui connaissez l'oeuvre Notre-Dame, qui, en tout cas, avez su y être sensible - conscient qu'il est aussi que la préservation de nos monuments et de nos sites est essentielle au maintien de la cohésion nationale.
Voilà un siècle et demi, Prosper Mérimée, que l'on connaît plus comme écrivain que comme inspecteur général des monuments - c'est bien dommage ! - avait su rendre les plus hautes instances de l'Etat sensibles à la notion même de patrimoine. Il est essentiel que cette tradition propre à notre pays soit plus vivace que jamais.
A cet égard, la commission des affaires culturelles attache du prix à ce que la Fondation du patrimoine, issue d'une initiative du Sénat et d'un rapport de notre collègue Jean-Paul Hugot, puisse compléter harmonieusement les efforts de l'Etat, notamment pour le petit patrimoine rural, souvent de grande qualité, mais qui pèse lourdement sur le budget des communes.
Voilà pour ce qui est, madame la ministre, mes chers collègues, des grandes lignes de ce budget et des éléments de satisfaction que la commission a soulignés.
Je souhaite maintenant, dans un deuxième temps, relever les grands axes de la réforme que traduit la politique culturelle initiée par ces crédits.
Il s'agit, tout d'abord, de la modernisation, dans un certain nombre de domaines, de l'administration.
Plusieurs mesures de réorganisation vont donner un visage nouveau à l'administration centrale du ministère, notamment la fusion des directions de l'architecture et du patrimoine et la fusion programmée des directions de la musique, de la danse et du théâtre.
Autant la première apparaît logique, sous la seule réserve que la mission de protection du patrimoine n'entre pas en concurrence avec la promotion de l'architecture, autant la seconde, qui a soulevé les inquiétudes des professionnels concernés, nécessitera beaucoup de prudence dans sa mise en application pour que chaque secteur - vous vous y êtes, je crois, engagée - conserve son identité.
S'y ajoute la création, initiative qu'il convient de saluer, d'une agence d'ingénierie culturelle qui gérera la maîtrise d'ouvrage du ministère et permettra, par la fusion de plusieurs organismes, de réelles économies de fonctionnement.
La déconcentration est le deuxième axe de la réforme que permet ce budget.
En soi, elle est une bonne chose. Pour ne retenir qu'un seul chiffre, 52 % des crédits d'interventions culturelles sont déconcentrés. Cela va dans le sens du rééquilibrage des crédits entre Paris et la province, souhaité par le Sénat et engagé depuis plusieurs années. Encore faudra-t-il que les moyens mis à la disposition des directions régionales des affaires culturelles suivent, et surtout, - la commission tenait à attirer votre attention sur ce point - que l'Etat fixe les grandes règles de la répartition des crédits.
Vous y verrez peut-être, mes chers collègues, la trace d'un jacobinisme culturel, mais il nous paraît essentiel que, dans ce domaine, l'équité soit préservée et que l'Etat, dont c'est le rôle, veille, au moyen de son administration centrale, à éviter entre nos régions des distorsions par trop marquées dans les interventions culturelles.
Troisième axe de réforme, la clarification des relations entre l'Etat et ses partenaires est illustrée par deux mesures : la charte du service public permettra de formaliser les obligations des réseaux culturels subventionnés, et le Fonds de contractualisation, doté de 23 millions de francs, favorisera le renforcement de la collaboration entre les services de l'Etat et les collectivités locales, notamment pour ce qui est des enseignements artistiques. C'est une initiative dont notre commission s'est félicitée.
Cette réforme est d'autant plus importante qu'elle va de pair avec la poursuite de l'aménagement culturel du territoire. Cela fait bien longtemps qu'il n'y a plus en France, dans ce domaine, de « désert francais », et je m'étais plu, l'année dernière, à saluer l'effort essentiel accompli par les collectivités locales, effort qui représente, sachez-le, plus de 50 % des fonds publics consacrés à la culture.
Il est néanmoins essentiel, devant les inégalités de développement économique des régions, que l'Etat poursuive une action volontariste de rééquilibrage. Vous prévoyez deux mesures en ce sens : d'une part, le financement des grands projets en région, avec la poursuite de projets aussi intéressants que le Centre de la mémoire contemporaine de Reims ou le Centre du costume de scène de Moulins, d'autre part, le renforcement des réseaux de diffusion culturelle en province.
Enfin, la politique culturelle du cadre de vie est le quatrième axe d'une réforme administrative originale.
Vous profitez du transfert de la direction de l'architecture au sein de votre ministère pour dégager une politique sur laquelle, je crois, on peut fonder de réels espoirs, car, si l'effort en matière d'architecture se poursuit très classiquement, avec des moyens permettant, dès cette année, à la réforme des études, dite réforme Frémont, de se dérouler convenablement, votre budget va au-delà, et ce par deux mesures : la création d'un réseau de diffusion de la création architecturale et le renforcement des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager.
Il est essentiel de réintroduire la notion d'esthétique dans l'urbanisme.
Si la politique urbaine conduite depuis tant et tant d'années a abouti à une dégradation des conditions de vie des habitants des zones urbaines, contrairement aux espoirs qu'elle avait suscités - je fais allusion à la charte d'Athènes, pour ne prendre que cet exemple - c'est peut-être parce que le souci du beau en était absent. Or, le beau n'est pas seulement un souci gratuit. Souvenons-nous de l'article « Beau » de l' Encyclopédie , que Diderot a tenu à rédiger et dans lequel il écrit que le beau mène au bien.
C'est peut-être, dans le domaine de l'environnement et de la politique urbaine, un axe essentiel. Je souhaite, en tout cas, que le transfert de la direction de l'architecture au sein du ministère de la culture soit davantage qu'une simple réforme administrative et qu'il marque le retour de l'esthétique urbaine, oubliée depuis bien longtemps.
Après avoir examiné l'évolution des crédits du ministère de la culture, puis les grands axes de la réforme administrative, je voudrais, madame le ministre, vous faire part de deux sujets d'inquiétude, qui vont bien au-delà du seul souci de cet exercice budgétaire.
Le premier tient à la nécessaire extension de la notion de patrimoine. C'est une évolution admise depuis quelques années, car le patrimoine ne recouvre plus seulement le patrimoine monumental : son champ d'action s'est diversifié et s'étend à des domaines nouveaux. L'un est particulièrement essentiel, à mes yeux, je veux parler du patrimoine industriel.
Or la France a pris beaucoup de retard dans ce domaine par rapport à d'autres pays, comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne. Je me limiterai à un seul exemple, auquel je suis très sensible en tant qu'élu lorrain. Si l'on veut aujourd'hui visiter un écomusée de la sidérurgie, il faut désormais aller en Sarre, car nous ne disposons plus, en France, contrairement à ce qui existe pour les mines, de ce type de structures. C'est particulièrement regrettable. En effet, de nombreuses destructions ont déjà fait disparaître des pans entiers des vestiges de l'âge d'or industriel de notre pays.
Il me paraît pourtant essentiel de rappeler aux générations futures comment, à travers des activités économiques aujourd'hui disparues, notre pays s'est formé. Il n'est pas indifférent, dans ces temps où la tentation du repli sur soi et du rejet de l'autre se développe, de montrer que la France s'est constituée par des apports de populations divers, rendus nécessaires par l'industrialisation qui ont fait la fortune de bien des régions, à commencer par la mienne !
Le succès des Journées du patrimoine, voilà quelques semaines, a montré, madame le ministre, l'intérêt que les Français attachent au patrimoine.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Il me paraît donc essentiel qu'une double action d'inventaire et de protection soit engagée.
Il est une seconde difficulté que je vois pour l'avenir, et que M. Maurice Schumann a longuement évoquée, je veux parler de la crise de la Réunion des musées nationaux et des difficultés croissantes, année après année, pour l'acquisition des oeuvres d'art, que la jurisprudence Walter ou que les évolutions du marché de l'art rendent de plus en plus problématique.
Telles sont, madame le ministre, les deux préoccupations sur lesquelles j'entendais appeler votre attention pour que, dans l'avenir, tant l'acquisition des oeuvres d'art que le patrimoine industriel reprennent ou prennent la place prioritaire que la commission souhaite leur donner.
Je conclurai en indiquant que la commission des affaires culturelles, consciente de ces évolutions, a fait trois voeux avant de donner un avis sur votre budget.
Elle a souhaité, tout d'abord, que des mesures de régulation budgétaire ne viennent pas, une fois de plus, compromettre un effort incontestable en faveur de la culture et que ce budget ne soit pas un autre rocher de Sisyphe.
La commission a souhaité, en outre, qu'une nouvelle loi de programme sur le patrimoine puisse intervenir à l'expiration, prochaine, de l'autre et, enfin, qu'un grand débat sur la culture puisse avoir lieu devant la représentation nationale.
C'est dans ces conditions, madame la ministre, que la commission des affaires culturelles a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite, en introduction, exprimer mes remerciements à Mme la ministre pour la qualité des échanges que nous avons eus dans le cadre de la préparation de cette discussion budgétaire.
Le budget du cinéma s'élève à 1,59 milliard de francs, en progression de 4,6 % par rapport à 1997. Cette progression s'explique essentiellement par une augmentation de 4,9 % des recettes du compte de soutien, qui représente 80 % du budget du cinéma et, dans une moindre mesure, par une progression de 2,9 % des dotations du ministère de la culture.
Ces crédits supplémentaires permettent, en premier lieu, de renforcer les moyens du soutien financier aux industries du cinéma.
La commission a constaté avec satisfaction qu'une mesure nouvelle de 22 millions de francs était prévue en faveur des salles de cinéma situées dans les zones d'influence des multiplex. C'est un point important. Il est aujourd'hui acquis que les multiplex participent au redressement de la fréquentation. Pendant dix ans, de 1982 à 1992, le grand écran a perdu 40 % de ses spectateurs, ce qui a entraîné la fermeture de sept cents salles de cinéma, mais aujourd'hui, on ne peut pas négliger les effets positifs de ces équipements sur l'économie de ce secteur.
Il est cependant indéniable que le développement des multiplex suscite des difficultés. Dans certaines villes, leur implantation désordonnée remet en cause des équilibres urbains fragiles. De ce point de vue, je vous rejoins, madame la ministre, pour penser avec vous que l'extension de la loi Royer aux équipements cinématographiques est une réponse qui n'est pas tout à fait satisfaisante.
Plus généralement, le développement des multiplex renvoie à la question de la concentration croissante des industries françaises du cinéma et du maintien d'un cinéma indépendant. C'est là un enjeu majeur de la politique du cinéma. Cette politique doit, en effet, accompagner la modernisation du cinéma français en tant qu'industrie, tout en préservant le pluralisme du cinéma français en tant qu'art.
En second lieu, l'augmentation du budget du cinéma permet, mes chers collègues, de développer des actions culturelles, en particulier en faveur du patrimoine cinématographique.
Les crédits affectés à la politique de conservation et de restauration du patrimoine s'élèvent à 52 millions de francs, soit une progression de 10,6 % par rapport à l'exercice écoulé. C'est, pour nous, un motif de satisfaction. Les oeuvres cinématographiques constituent aujourd'hui des éléments de notre patrimoine culturel au même titre que les livres. Le service des archives du Centre national de la cinématographie, chargé du plan nitrate, reçoit ainsi un soutien accru et justifié.
La commission a, en revanche, regretté que cette politique de restauration ne s'accompagne pas d'une véritable politique de valorisation du patrimoine cinématographique.
La France dispose, dans ce domaine, d'institutions réputées, comme la Cinémathèque française, le musée Langlois ou la Bibliothèque du film. Ces institutions sont cependant placées, depuis dix ans, dans des situations provisoires en vue de leur emménagement dans un palais du cinéma qui n'a toujours pas vu le jour, madame la ministre, peut-on espérer que ce projet puisse aboutir prochainement ? Plus généralement, que comptez-vous faire pour accroître la diffusion des films anciens auprès du grand public ?
Au-delà des chiffres, je tiens à vous faire part, mes chers collègues, de plusieurs questions qui nous ont semblé être des enjeux importants pour la politique du cinéma.
L'industrie du cinéma français doit aujourd'hui faire face à des mutations importantes de son environnement économique. Je veux parler de la concentration croissante des entreprises de l'audiovisuel et du cinéma, du développement des télévisions numériques, mais également de la déréglementation des échanges internationaux dans le secteur de la communication et de la culture.
Dans ce contexte, le rôle du ministère de la culture consiste non seulement à chercher, à l'échelon national, la politique la plus adaptée aux mutations en cours, mais également à défendre, à l'échelon international, la légitimité de la politique française en faveur du cinéma.
Madame la ministre, vous avez hérité de votre prédécesseur d'un certain nombre de projets de réforme que vous avez repris à votre compte. Je veux parler de l'extension de la taxe sur les services audiovisuels, destinée au compte de soutien, à l'ensemble des chaînes thématiques, de la réforme de l'agrément des oeuvres cinématographiques et aussi de la réforme du soutien automatique aux exploitants de salles.
Dans un contexte marqué par le développement des multiplex, cette dernière réforme tend à accroître la redistributivité du soutien à l'investissement des salles de cinéma. Nous nous en félicitons.
A l'échelon international, les négociations en cours de l'accord multilatéral sur les investissements suscitent, en revanche, beaucoup d'inquiétude. Ces négociations visent à éliminer les obstacles aux investissements internationaux au sein des membres de l'OCDE. Elle mettent de nouveau en cause le système de protection de notre secteur culturel, en particulier le dispositif de soutien financier à l'industrie cinématographique.
La France, dans le prolongement des négociations du GATT, a jugé indispensable l'insertion d'une clause d'exception générale en faveur des secteurs de l'audiovisuel et de la culture. J'aimerais, madame la ministre, savoir de quelle façon vous êtes associée à cette négociation et quelles sont les chances de voir la position de la France s'imposer.
Enfin, j'en arrive, mes chers collègues, aux crédits du théâtre dramatique.
Ils s'élèvent, pour 1998, à 1,55 milliard de francs, soit une progression de 11,9 % par rapport à 1997. Toutefois, hors crédits affectés à la rénovation du théâtre de l'Odéon, la progression n'est plus que de 4,8 %, soit 66 millions de francs de crédits supplémentaires.
Les subventions de fonctionnement des théâtres nationaux atteignent 350 millions de francs, en progression de 4,5 % par rapport à 1997, soit 15 millions de francs de crédits supplémentaires.
Les crédits d'intervention, destinés, en particulier, au réseau de décentralisation dramatique, aux théâtres missionnés et aux compagnies dramatiques indépendantes, augmentent de 20 millions de francs.
Nous observons avec satisfaction que, pour la quatrième année consécutive, les crédits affectés aux compagnies n'ont finalement pas fait l'objet d'annulations en cours d'année.
En revanche, l'incertitude sur le montant et la date du versement des subventions a encore entraîné des difficultés de programmation et, surtout, de trésorerie.
Vous avez annoncé, à cet égard, madame la ministre, la publication d'une charte du service public des arts de la scène. Cette charte devrait rappeler les missions et les obligations des structures subventionnées. C'est un élément positif. Le soutien public implique, en effet, des engagements précis concernant la création et la diffusion. On pourrait imaginer que, réciproquement, figurent dans cette charte les obligations auxquelles s'engage le ministère de la culture à l'égard, par exemple, des compagnies dramatiques indépendantes.
J'en viens aux crédits affectés à l'enseignement de l'art dramatique. Ils s'élèvent, pour 1998, à 68,1 millions de francs, en progression de 7,9 % par rapport à 1997. Ces crédits sont encore insuffisants pour créer un véritable réseau d'enseignement public du théâtre dramatique. Non seulement certains départements sont dépourvus de structures de formation de qualité, mais la quasi-totalité des élèves des conservatoires nationaux sont issus de cours privés parisiens dont les frais de scolarité ne les rendent pas accessibles à tous.
Plus généralement, l'absence d'un réseau structuré d'enseignement public d'art dramatique conduit à délaisser le théâtre amateur. Il est vrai, et c'est l'une des subtilités de la répartition des compétences ministérielles, que le théâtre amateur relève du ministère de la jeunesse et des sports. Toujours est-il qu'il n'y a pas de véritable politique en faveur du théâtre amateur. Vous appelez de vos voeux, madame la ministre, une démocratisation des pratiques artistiques ; passera-t-elle par un soutien accru au théâtre amateur ? J'aimerais, sur ce point, connaître vos projets.
Mes chers collègues, le budget du théâtre dramatique pour 1998 se caractérise également par une plus grande déconcentration des crédits. Le pourcentage des crédits déconcentrés de la direction du théâtre et des spectacles devrait passer, en effet, de près de 30 % à un peu moins de 50 %.
Cette déconcentration des crédits, nous l'avons souvent appelée de nos voeux au niveau des collectivités locales. Elle suscite l'inquiétude des professions concernées. Je crois qu'elle ne sera profitable que si les services centraux changent véritablement leur méthode de travail. La déconcentration suppose en particulier la mise en place d'un réel pilotage des politiques menées par les directions régionales des affaires culturelles. On imagine mal, en effet, que la déconcentration des crédits se traduise par la mise en oeuvre d'autant de politiques culturelles qu'il y a de directeurs régionaux des affaires culturelles ou de préfets de région ! Les marges de manoeuvre laissées aux directions régionales des affaires culturelles doivent donc avoir comme contrepartie une véritable évaluation de leur action.
Vous avez évoqué, madame le ministre, la possibilité de réunir, d'une part, la direction du théâtre et des spectacles et, d'autre part, la direction de la musique et de la danse dans une direction des arts de la scène. Cette réforme suscite des inquiétudes parfois légitimes. Elle aurait cependant le mérite de donner aux directions régionales des affaires culturelles un interlocuteur unique pour tout ce qui concerne le spectacle vivant et de renforcer le caractère pluridisciplinaire des scènes nationales, voire des centres dramatiques nationaux.
Je ne voudrais pas achever cet exposé sans mentionner le problème important des intermittents du spectacle. En mars dernier, les partenaires sociaux ont prorogé jusqu'en décembre 1998 le régime d'assurance chômage prévu par les annexes VIII et X de l'UNEDIC. L'Etat s'est engagé, pour sa part, à mettre en oeuvre un certain nombre de réformes. Où en est-on ? Ce régime, qui constitue un élément essentiel de soutien au théâtre et au cinéma, sera-t-il pérennisé ?
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles, compte tenu des réformes engagées et de l'évolution des crédits, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 28 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 30 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la communauté culturelle active, la pratique culturelle et les publics restent encore trop réduits, ce que nous déplorons tous. En effet, s'il est vrai que les pratiques culturelles ont évolué depuis 1960, la démocratisation de la culture, telle qu'on pouvait la rêver voilà trente ans, est encore loin d'être une réalité. Nous devons donc tendre à nous rapprocher toujours davantage de l'égalité d'accès à la culture, ainsi que l'a toujours affirmé le Président de la République, M. Jacques Chirac.
Madame le ministre, s'agissant de votre propre démarche, illustrée par votre projet de budget pour 1998, je me félicite tout d'abord - c'est un aspect pratique important - du document annexé au projet de loi de finances qui regroupe l'ensemble des financements de la politique culturelle et qui permet d'avoir une meilleure vision globale de notre politique culturelle et de son coût. Il est d'ailleurs intéressant de constater que près de la moitié des crédits qui sont considérés comme étant consacrés à la culture émanent d'autres budgets que celui du ministère de la culture. Ne serait-il pas opportun, au vu de ce constat, de relancer l'idée d'un comité interministériel des affaires culturelles chargé de veiller à ce que les préoccupations culturelles irriguent toutes les activités de l'Etat, ainsi que le proposait M. Jacques Rigaud dans son rapport de la commission d'étude de la politique culturelle de l'Etat ?
Madame le ministre, vous avez également indiqué en commission qu'un débat parlementaire consacré à la politique culturelle pourrait utilement être organisé dès que des progrès auraient été réalisés dans l'élaboration de certains projets mis à l'étude au sein de votre ministère. Je souhaiterais savoir dans combien de temps ce débat pourra à votre avis avoir lieu, si le principe en est maintenu. Un tel débat me paraît en effet particulièrement opportun au moment où notre société marque une accélération dans son évolution et où les choix que nous devons faire doivent donc accompagner cette évolution.
Concernant votre projet de budget, j'aimerais formuler tout d'abord quelques remarques, puis vous poser quatre questions.
Ma première remarque vise à constater que vous avez peut-être bénéficié, pour la préparation du projet de loi de finances pour 1998, de marges de manoeuvre plus importantes que vos prédécesseurs, en raison de la diminution des crédits consacrés aux grands travaux lancés par François Mitterrand, alors Président de la République.
Pour ne citer qu'elle, la Bibliothèque nationale de France est enfin terminée. Elle aura pesé lourdement sur les dépenses du ministère de la culture : près de 10 milliards de francs. Elle continuera d'ailleurs à grever dans l'avenir les dépenses de fonctionnement de votre ministère pour plus de 600 millions de francs par an.
J'en viens à ma deuxième remarque : s'agissant du patrimoine monumental, je me réjouis tout particulièrement de l'augmentation très significative des dépenses en capital qui traduit l'importance de l'effort accompli et qui devrait permettre de relancer l'emploi dans ce secteur, ce qui n'est pas négligeable.
Il faut bien reconnaître que les régulations budgétaires en cours d'année avaient pu malmener récemment ce secteur. Nous souhaitons tous que cette mésaventure ne se renouvelle pas.
En revanche, permettez-moi, madame le ministre, de m'inquiéter peut-être, mais au fond sans véritable raison, de l'action qui sera accomplie en faveur du patrimoine rural non protégé. En effet, compte tenu du délai de mise en place de la Fondation du patrimoine, à la création de laquelle le Sénat a souhaité prendre une part très active, ce patrimoine rural ne pourra probablement pas bénéficier, en 1998, du soutien qu'il pourrait attendre de cette instance en année pleine de fonctionnement. Par conséquent, l'aide de l'Etat ne devrait-elle pas être un peu plus qu'une aide logistique cette année ? J'aimerais connaître vos intentions à ce sujet.
Ma troisième remarque concerne la poursuite de la politique d'aménagement culturel du territoire engagée par les précédents gouvernements. Nous voyons avec satisfaction que le programme des grands projets en région, décidé en 1994, n'est pas remis en cause.
En revanche, je regrette que la plus grande majorité des crédits de subventions aux établissements publics ne profite qu'aux établissements parisiens. Peut-être est-il regrettable pour ce secteur que vous n'ayez pas souhaité suivre votre prédécesseur au bénéfice de la province.
Peut-être est-ce d'ailleurs l'occasion de se rappeler que cette politique culturelle, en province notamment, tient beaucoup au dynamisme des collectivités locales, dont nous devons relever le caractère déterminant des contributions. Il est clair que, si la vie culturelle de la France contemporaine est à ce point extrêmement diversifiée, innovante et vivante sur l'ensemble du territoire, c'est aux villes, aux régions et aux départements qu'on le doit largement, et je sais que le ministère en est conscient. C'est ainsi que ce dernier donne un ressort nouveau à ces initiatives de terrain par les mesures de déconcentration qu'il nous faut aussi saluer.
Après avoir fait ces quelques remarques, je souhaiterais vous poser quelques questions, madame le ministre.
La première concerne la place que vous avez réservée dans votre projet de budget à la politique du livre et de la lecture, dont M. le Président de la République a fait une priorité nationale.
Le précédent gouvernement avait placé la lutte contre l'illettrisme au coeur de l'instauration du rendez-vous citoyen et du programme d'actions pour le renforcement de la cohésion sociale, deux projets qui ne figurent plus dans vos propres propositions.
En outre, j'ai constaté que les crédits destinés à la direction du livre et de la lecture ne progressaient que de 1 % dans le projet de budget pour 1998.
Or - je pense que ce n'est pas une découverte - d'après une récente étude de l'INSEE, l'illettrisme touche aujourd'hui un jeune sur dix. Il s'agit là d'un fléau qui atteint les populations les plus fragiles. Je me demande donc si nous n'aurions pas pu favoriser, par le biais de la culture, une meilleure insertion.
Madame le ministre, si vos collègues chargés de l'éducation nationale doivent travailler à lutter contre cette gangrène, votre ministère est également directement concerné. Je souhaiterais donc que vous fassiez en faveur de la lutte contre l'illettrisme un effort tout particulier ; 1 % au regard de l'augmentation des crédits de votre ministère, c'est trop peu ! J'aimerais que vous m'apportiez quelques précisions sur ce sujet, et peut-être aussi quelques engagements.
Ma deuxième question a pour objet l'annonce que vous avez faite voilà quelques semaines d'ouvrir des archives en principe fermées au public, comme celles qui sont relatives aux événements du 17 octobre 1961. L'enjeu de cette décision n'est pas négligeable.
Le projet de loi qui a été annoncé me paraît satisfaire un souci de plus grande transparence. Mais, si des limites, notamment le respect d'un certain délai, ont été fixées à la consultation des archives, c'est probablement pour des raisons qu'il ne faudrait pas bafouer par un nouveau texte de loi peut-être hâtif. J'aurais souhaité connaître l'état d'avancement de votre réflexion sur ce projet.
Ma troisième question porte sur les emplois-jeunes.
Il est intéressant de constater que la professionnalisation et la demande du public, à laquelle les équipements culturels de proximité répondent, sont telles que de nouveaux postes de travail se créent ou évoluent, deviennent spécialisés et ne peuvent plus être occupés par des emplois occasionnels ou bénévoles. Oui, il y a des emplois émergents à combler ; mais ces derniers ne semblent pas correspondre systématiquement aux emplois-jeunes, qui ne s'accompagnent d'aucune formation et qui, je le crains, ne satisferont pas les demandeurs sur le terrain.
Pouvez-vous, madame le ministre, nous indiquer avec précision vos intentions pour la mise en place de ce plan, coûteux pour les finances publiques, et nous dire notamment quelles catégories d'emplois seront créées, quelle formation est prévue pour ces jeunes et quels débouchés seront offerts à ces derniers dans cinq ans ?
J'en viens à ma dernière question. L'année dernière, un conflit assez dur s'est déroulé concernant le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle. Sur l'initiative du précédent gouvernement, un rapport, établi par M. Cabanes, a présenté des solutions acceptées par les différents acteurs du secteur, l'UNEDIC et l'Etat. Les solutions trouvées supposaient que le Gouvernement s'engage à entreprendre un certain nombre de réformes. Je souhaiterais connaître l'état d'avancement du dossier.
Tels sont les points que je voulais soulever, madame le ministre. Tout cela s'inscrit d'ailleurs dans l'excellent rapport de M. Maurice Schumann.
Je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien porter à mes interrogations.
Le groupe du RPR, suivant les conclusions de M. le rapporteur spécial, se propose de voter ce projet de budget de la culture pour 1998 que vous présentez à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le violoniste Yehudi Menuhin, qui a passé son enfance dans ma commune de Ville-d'Avray, où il avait pour voisin un autre musicien, également écrivain, Boris Vian, est l'auteur d'une petite fable intitulée le Violoniste et le Comptable.
Un royaume qui serait peuplé uniquement de violonistes deviendrait vite ingouvernable pour cause d'exubérance. Habité seulement par des comptables, le royaume irait vite à sa perte pour excès de sérieux. Pour être équilibrées, nos sociétés doivent faire leur place aux uns et aux autres, « à l'âme des uns et aux chiffres des autres », pour reprendre l'expression employée tout à l'heure par M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Nos sociétés seront vivantes si elles savent favoriser le dialogue des violonistes et des comptables.
Notre débat de ce jour, madame le ministre, a donc une signification forte. Aujourd'hui, dans cet hémicyle, les violonistes et les comptables ont l'occasion de se parler. Il nous appartient de faire en sorte que ce soit pour le plus grand bien du « royaume ».
Vous l'avez compris, mes chers collègues, je vais centrer mon propos sur la musique. Je le ferai en élu local, ce qui, après tout, est le rôle d'un sénateur.
S'agissant en particulier de la musique, l'ancien maire de Strasbourg que vous êtes, madame le ministre, a bien sûr vécu le même type d'expérience, et certainement les mêmes émotions, la seule différence étant que c'était dans une grande ville.
La ville que j'ai l'honneur d'administrer est au contraire l'une des plus petites de France, sinon la plus petite, à être le siège d'une école nationale de musique et de danse.
Cette école est évidemment notre fierté, mais elle représente aussi une charge qui, dans un budget total modeste, est à la limite du supportable pour des contribuables, qui peuvent être tentés de considérer alors cette école, sans mauvais jeu de mots, comme une « danseuse ». (Sourires.)
Dans notre situation extrême - une « grande école » dans une « petite ville » - les vrais problèmes apparaissent de manière aveuglante. C'est pourquoi j'ai choisi de partir de cet exemple un peu personnalisé.
Le statut « national » de cette école présente de nombreux avantages, et d'abord une réputation assise sur une incontestable garantie de qualité. Par leurs oeuvres de composition musicale ou par leurs prestations en concert, le directeur et les enseignants de cette école font progresser la musique dans notre pays. Leur activité de ce fait représente le meilleur et le plus entraînant des exemples qui soit, en même temps qu'elle donne le modèle d'une exigence incontournable aux élèves, lesquels voient ainsi leurs motivations soutenues de manière tout à fait exceptionnelle.
Les missions d'une école de musique, à partir du moment où elle est nationale, sont à mon sens principalement de deux ordres : apporter un enseignement supérieur spécialisé et appeler tous les scolaires de nos villes à découvrir la musique.
Il est très important de répondre au mieux aux souhaits d'amateurs désireux d'améliorer leur pratique, et cela jusqu'aux niveaux supérieurs. Nos écoles sont bien là dans leur rôle. Mais nombre de communes n'offrent pas cette possibilité, car ce n'est pas une obligation. En revanche, lorsque nos écoles nationales forment des professionnels de la musique elles assurent directement une responsabilité obligatoire... pour l'Etat.
Que les professionnels soient formés avec les amateurs, en quelque sorte en formation « open », est bon pour les uns et pour les autres. Pédagogiquement intéressante, cette formule est budgétairement malheureusement source de confusion, voire inflationniste pour les communes. La confusion des formations ne favorise pas en effet la clarté des comptes.
Vous avez dû le vérifier vous-même, madame le ministre, la contribution de l'Etat au fonctionnement de nos écoles nationales s'érode régulièrement. Elle est loin aujourd'hui de couvrir les charges correspondant à la formation des professionnels du secteur que l'Etat devrait couvrir.
Alors, dans la pratique, le relais est pris par les communes qui sont devant un choix difficile : soit elles suivent comme elles peuvent, soit elles ferment leurs écoles de musique. Fermer représente une extrémité devant laquelle la plupart reculent encore, mais jusqu'à quand ? Transférer cette charge de l'Etat sur le contribuable local est cependant un très mauvais service à rendre, à nos budgets municipaux bien sûr, mais aussi à l'image des écoles de musique dans nos villes : les écoles deviennent celles par lesquelles l'impôt, sinon le scandale, arrive. Elles deviennent des victimes toutes désignées à la vindicte de contribuables prompts à s'enflammer et en veine de boucs-émissaires. Et cela est ravageur pour la musique et pour l'harmonie dans nos villes, ce qui est presque aussi grave.
Les professions de la musique ont droit de cité autant que les autres. Les charges liées à la formation des juristes ou des ingénieurs ne sont pas supportées par les villes qui accueillent les universités ou les grandes écoles qui les forment.
Madame le ministre, veillez à ne pas laisser dévaloriser les métiers de la musique. La formation des musiciens, et plus généralement des artistes - c'est en effet vrai aussi pour les architectes, les peintres, les sculpteurs, les spécialistes des métiers d'art et bien d'autres - doit bénéficier de l'attention de l'Etat, comme les formations qui conduisent à d'autres professions.
J'ajoute qu'aujourd'hui non seulement l'Etat ne remplit plus ses obligations dans ces domaines, mais encore que ce qui est devenu son « concours » financier - je me refuse à parler de subvention de l'Etat aux écoles nationales de musique, car cela accréditérait l'idée que l'Etat « soutient », alors qu'il doit « porter », et je ne veux pas croire que l'Etat puisse se désengager de cette responsabilité concernant la formation professionnelle - ce « concours » de l'Etat, donc, est apporté dans des conditions qui, elles-mêmes, posent problème. Nous ne savons pas, en début d'année, à quel niveau il sera fixé. Nous devons nous estimer heureux lorsque nous apprenons en fin d'année qu'il n'a pas été excessivement réduit par rapport à ce qu'il était l'année précédente. La régulation, enfin, ou la déconcentration étant invoquées comme alibi, il est, dans le meilleur des cas, payé si tardivement, que c'est parfois l'année suivante !
J'appelle votre attention sur ce point, madame le ministre : la nouvelle comptabilité communale M14 l'interdit désormais.
Imaginez un instant que le compte administratif d'une ville ne puisse pas être arrêté en équilibre pour la seule raison que l'Etat n'aurait pas rempli en temps et en heure ses obligations. Vous imaginez les réactions du préfet ou de la chambre régionale des comptes ! Si j'évoque cette question, c'est que j'en ai déjà menacé notre préfet. Il m'a dit : « Ne faites pas ça ». Je lui ai répondu : « Mais si, je vais le faire ! »
Il se trouve que, dans une petite ville, ce n'est pas une simple hypothèse d'école puisque les charges d'une école nationale de musique sont loin d'y être marginales - cela représente 10 % du budget de ma ville - et que l'obtention ou non de ce qui reste une dette de l'Etat peut effectivement déséquilibrer complètement le compte communal.
Mais j'arrête sur cette question particulière, même et surtout si elle est irritante, qui ne visait qu'à illustrer un propos plus général.
Madame le ministre, il est temps qu'une loi sur la musique vienne restaurer l'harmonie qui doit régner dans ce domaine - et c'est à dessein que j'emploie le mot : « harmonie ». Cette loi devra élever le débat à la fois en rappelant quelle place doit tenir la musique dans notre société, en apportant des solutions à une foule de problèmes apparemment subalternes comme celui que j'évoquais à l'instant. Cette loi était prévue par votre prédécesseur, mon ami M. Philippe Douste-Blazy. Envisagez-vous, madame la ministre, d'en reprendre la principe ? Cela me paraît souhaitable tellement les problèmes sont nombreux et le champ à couvrir vaste.
Je viens de m'arrêter sur un des sujets à traiter, celui des formations professionnelles. Permettez-moi d'en aborder rapidement un autre : comment faire pour qu'on puisse parler de « Conservatoire dans la ville » ou de « musique offerte à tous ».
A mon sens, deux axes doivent être privilégiés pour cela : d'une part développer les initiations à la musique dans nos écoles primaires, par la participation d'intervenants de grande qualité venant de nos conservatoires et qui, sans se substituer à l'instituteur, mais avec lui, feront accéder nos enfants à la musique dans les meilleures conditions pédagogiques et de qualité musicale ; d'autre part, faire en sorte que le maximum d'enfants puissent en profiter.
Là aussi, vous avez devant vous un immense chantier. Vous en mesurez certainement l'enjeu. Il s'agit bien de l'éducation générale de nos enfants. Il s'agit aussi de faire en sorte que les conservatoires, dont le coût serait supporté alors par tous apparaissent bien au service de tous et non d'une petite minorité d'élèves qui fréquentent leurs cours. Le conservatoire dans la ville, c'est vraiment le violoniste de Menuhin qui ouvre le dialogue avec le comptable ! Il y va de l'avenir de la musique dans nos villes et dans notre société !
Au moment de conclure, madame la ministre, j'évoque un dernier sujet dont M. Schumann traitait déjà dans son remarquable rapport introductif. Vous réfléchissez, je crois, à la mise en place d'une grande direction du spectacle. Certes, le spectacle est une finalité naturelle de la musique : si le musicien trouve son bonheur en jouant pour lui-même ou pour ses proches, il s'épanouit pleinement en concert. Si vous allez effectivement dans le sens de cette restructuration de votre administration, il faudra, madame la ministre, que la musique et la danse ne se retrouvent pas sacrifiées sur la « scène » de spectacles parfois plus facilement accessibles à tous. Il sera également indispensable que votre administration n'oublie pas que la musique ce n'est pas que du spectacle. C'est aussi, je viens d'essayer de le démontrer, entre autres, des formations professionnelles ou une initiation en milieu scolaire.
Mes chers collègues, la musique, c'est bien plus que du spectacle, c'est la vie, et il faut que cela dure !
Quant à la danse, Paul Valéry n'en faisait-il pas « l'expression la plus achevée de l'âme » ?
Malgré ces observations, que, j'espère, vous prendrez plutôt comme des invitations à faire toujours mieux dans un domaine cher à beaucoup d'entre nous, je vous confirme, madame la ministre, que le groupe de l'Union centriste adoptera votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de la culture, que le Gouvernement soumet à l'appréciation de notre assemblée, est plutôt bon. MM. les rapporteurs, dans leurs excellents rapports, l'ont déjà dit ; les intervenants avant moi aussi.
En effet, pour la première fois depuis plusieurs années, il progresse, de manière sensible, pour s'élever à un peu plus de 15 milliards de francs, ce qui représente une progression de 3,8 % par rapport à 1997. Il semble ainsi témoigner de l'importance qui est accordée à la culture par le Gouvernement, ce qui est d'autant plus remarquable, si l'on compare avec le budget global de l'Etat, dont la progression est de 1,6 %.
Si l'on doit se féliciter de voir les crédits du ministère de la culture progresser, il convient pourtant de formuler quelques observations, qui seront de nature à mettre en perspective ce relèvement des crédits dans ce domaine. Pour ma part, je tiens à souligner trois points.
Tout d'abord, le projet de budget du ministère de la culture pour l'année 1998 se limitera à 0,95 % des charges de l'Etat et se maintiendra donc en deçà de l'objectif du 1 % culturel, ce qu'il convient de regretter.
Ensuite, comme l'a très bien fait remarquer, notre excellent collègue M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, il convient de ramener cette proportion à 0,85 %, compte tenu des transferts de compétences qui sont intervenus au cours des deux derniers exercices.
Enfin, il s'agit de resituer ce projet de budget dans le contexte favorable de la diminution des crédits destinés aux grands travaux. Néanmoins, et en dépit de ces précisions, il faut naturellement se réjouir de l'augmentation des fonds alloués à la culture, qui est supérieure, rappelons-le, à celle du budget de l'Etat, et qui témoigne de l'importance toute particulière que le Gouvernement attache au domaine culturel.
L'évolution des crédits ayant été finement analysée avant moi, je me bornerai à faire quelques remarques sur vos choix et sur vos orientations, madame la ministre.
Je soulignerai tout d'abord l'important effort que vous consacrez à la politique de protection de notre patrimoine. En effet, et l'on peut s'en réjouir, le projet de budget que vous nous proposez accorde une place de choix aux crédits du patrimoine, puisque ce secteur connaîtra une augmentation de 40 % de ses dépenses.
Nous savons que le ministère de la culture envisage, pour 1998, le démarrage de chantiers visant à remettre en état certaines grandes institutions culturelles, comme le théâtre national de l'Odéon ou encore le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou.
Nous ne pouvons que nous féliciter du rôle important dévolu à l'Etat dans ce domaine, car nos concitoyens tiennent fortement à la conservation, à la protection et à la valorisation de leur patrimoine. Ils y sont de plus en plus sensibles. La visite des monuments historiques, par exemple, est devenue l'une des pratiques favorites des Français. L'incroyable succès que rencontrent tous les ans les Journées du patrimoine, pendant lesquelles les Français sont invités à visiter des monuments habituellement difficiles d'accès, en témoigne largement.
Madame la ministre, l'importance de l'effort consenti par votre ministère en faveur de ce patrimoine est d'autant plus louable que cela devrait permettre d'apporter une contribution non négligeable à la politique de lutte contre le chômage. Ces travaux seront, sans aucun doute, créateurs d'emplois, et l'on ne peut qu'être satisfait d'une telle perspective.
Ensuite, et c'est le deuxième point que j'aimerais aborder maintenant, vous avez manifesté votre volonté de ne pas consacrer la majeure partie de ces crédits au patrimoine parisien, mais, au contraire, de favoriser le développement des grands projets régionaux.
La culture est l'instrument par excellence de l'unité nationale et, à cet égard, les grands projets régionaux illustrent bien le rôle, trop souvent sous-estimé malheureusement, que doit jouer la culture dans une stratégie d'aménagement du territoire. De ce point de vue, le projet de budget que vous proposez semble aller là encore dans le bon sens puisque 162 millions de francs seront affectés, en 1998, à l'avancement de onze grands projets en région.
Cette volonté de ne pas se consacrer exclusivement au patrimoine parisien vous honore, madame la ministre, et ce rééquilibrage des dépenses vers la province témoigne d'une certaine vision territoriale de l'action culturelle de l'Etat. Cette action en faveur de la décentralisation culturelle et l'amélioration des équilibres entre la capitale et la province me semblent aller dans la bonne direction et contribue à la mise en place d'un véritable aménagement culturel du territoire. Même si ce mouvement a été initié par certains de vos prédécesseurs, il nous faut vous féliciter, madame la ministre, de le prolonger.
Enfin je tiens à vous rendre justice et à saluer la volonté dont vous faites preuve pour renforcer l'enseignement artistique et culturel, tant dans le milieu scolaire que dans les établissements spécialisés. En effet, le montant des crédits consacrés à ce secteur connaît une progression sensible de 6,9 % en ce qui concerne les dépenses ordinaires et de 40,3 % en ce qui concerne les autorisations de programmes. Ainsi, il faut se féliciter que de nouveaux moyens soient affectés à l'éducation culturelle et artistique. L'enjeu est naturellement de favoriser l'accès du plus grand nombre à la culture. C'est là une condition essentielle de la démocratisation de l'action culturelle.
Les rapporteurs et plusieurs intervenants l'ont déjà dit, la culture doit être pour tout le monde, et non pas seulement la culture que l'on donne, mais aussi celle que l'on crée soi-même. Il faut participer. Il est capital que le plus grand nombre de personnes puissent avoir accès aux activités culturelles où qu'elles se trouvent sur notre territoire.
Nous devons tous nous réjouir que vous inscriviez votre démarche dans cette longue tradition française, depuis André Malraux, selon laquelle la culture est un enjeu démocratique de premier ordre.
Je souhaiterais, maintenant, madame la ministre, attirer votre attention sur un point, qui me paraît mériter une attention toute particulière.
Il me semble, en effet, que la révolution des échanges que le monde connaît actuellement exige une politique culturelle ouverte. Notre pays, en effet, a trop souvent tendance à adopter une attitude de repli que je crois préjudiciable. La culture ne se résume pas, de manière exclusive, à la conservation de notre patrimoine national. Elle doit, à tout prix, éviter de s'enfermer à l'intérieur de sa tradition particulière, et ce même si cette dernière s'est toujours prévalue d'une vocation universelle. A l'inverse, notre politique culturelle doit s'ouvrir aux autres sociétés, tant au sein de l'Union européenne que dans le reste du monde.
L'enjeu d'une telle ouverture est de favoriser l'accès de nos concitoyens à des cultures qu'ils ignorent malheureusement trop souvent, et sans lesquelles la pleine compréhension du monde qui les entoure devient difficile, voire impossible. Je suis convaincu que la préservation de la connaissance de notre langue et de la diffusion de notre culture ne passera que par la capacité de notre pays à s'ouvrir aux autres et à participer, avec ces derniers, à des projets de création d'envergure européenne ou internationale.
A cet égard, madame la ministre, en tant que sénateur des Français établis hors de France, je crois vraiment qu'il est indispensable de porter une attention toute particulière à l'ensemble des associations culturelles françaises qui, à l'étranger, oeuvrent à la promotion des relations entre la France et les autres pays. Ces liens prennent la forme de manifestations diverses : expositions, concerts, rencontres, etc., et ne peuvent perturber qu'à la condition que notre pays soutienne l'ensemble de ces initiatives. Les organisateurs se sentent trop souvent isolés et ne rencontrent pas toujours l'aide nécessaire pour mener à terme leurs projets.
Je souhaite que vous portiez également votre attention à cet aspect de la culture, celle des Français de l'étranger et ce, afin de promouvoir des rapports de plus en plus étroits entre notre pays et les autres peuples.
En conclusion, madame la ministre, pour toutes les raisons que j'ai évoquées précédemment, et me rangeant à l'avis de la commission des affaires culturelles à laquelle j'appartiens, je voterai, ainsi que mes collègues du groupe des non-inscrits, le budget que vous nous proposez.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en ce jour où nous examinons le budget de la culture, de saluer la mémoire d'une grande chanteuse, grande poétesse, qui nous a quittés cette semaine, Barbara et de lui rendre hommage.
Les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat ont voté votre projet de budget, madame la ministre, nous pouvons nous en réjouir, mais ce consensus sur l'effort budgétaire qui a été fourni cette année ne doit cependant pas masquer la rupture fondamentale que représente, me semble-t-il, ce budget de la culture par rapport à ceux des quatre années précédentes.
Le Gouvernement, qui a décidé d'inverser la tendance, s'est engagé à terme à porter à nouveau le budget de la culture au niveau symbolique de 1 % du budget de l'Etat conformément à l'engagement pris par M. le Premier ministre dans son discours de politique générale à l'Assemblée nationale au mois de juin dernier.
Cette promesse, nous ne sommes pas les seuls à l'avoir affichée, mais force est de constater que nous sommes les seuls à la tenir. Dans un contexte de rigueur budgétaire qui n'est pas moins contraignant que l'année dernière, le budget de la culture bénéficie, avec celui de la justice, de la plus forte augmentation au sein du budget de l'Etat.
Il va sans dire que l'importance donnée à la culture dans notre pays dépend de choix politiques profonds. Permettez-moi de constater que seuls les gouvernements de gauche ont fait progresser les crédits qui lui sont alloués. Ceux-ci sont en effet passés de moins de 0,50 % du budget en 1981 à 1 % dans la loi de finances initiale de 1993. Durant cette période, ils ont constamment progressé, sauf, bien entendu, entre 1986 et 1988. Depuis 1993, en revanche, ils ont chuté de façon vertigineuse. Malgré les différents habillages, le budget de la culture, à périmètre constant, a subi une baisse de 20 % depuis 1993.
Il est une autre différence, mes chers collègues, qui n'est pas sans importance, même si elle peut vous paraître anecdotique : c'est cette fois sans tour de passe-passe que le budget pour l'année prochaine nous est présenté, et son augmentation, à structure constante, représente bel et bien 3,8 %.
C'est encore insuffisant peut-être, mais nous avons inversé la tendance et nous sommes sur la bonne voie.
On entend souvent dire que la culture est un facteur d'intégration et qu'elle contribue à construire le lien social. Pour le dire plus simplement, je dirai que, si la culture est un luxe, c'est un luxe dont on ne peut se passer, c'est même le dernier recours dans certaines situations. La vigueur et le dynamisme de la création dans les quartiers d'exclusion sociale et économique sont là pour l'attester.
Aussi commencerai-je par évoquer les sujets qui sont particulièrement chers au groupe socialiste : la démocratisation de la culture et le soutien aux artistes et à la création contemporaine. J'évoquerai ensuite l'effort important qui est fait pour le patrimoine, non pas dans la seule perspective de protéger la mémoire mais aussi dans un projet d'avenir où le cadre de vie devient le nouveau décor de la démocratie.
J'examinerai d'abord comment votre budget favorise l'accès à la culture, madame la ministre.
Il s'agit de permettre à la fois la diffusion des oeuvres et de susciter l'intérêt de publics de plus en plus larges.
Est-il besoin de le préciser ? L'intervention de l'Etat dans le domaine culturel est tout à fait légitime.
Je pense cependant que les missions de service public doivent y être redéfinies. Je salue donc votre projet d'une charte du service public pour le spectacle vivant. Celle-ci sera sans doute l'occasion d'une large réflexion menée avec les acteurs culturels et les collectivités territoriales. Ce n'est, en effet, qu'avec eux que peut se définir cette mission de service public. Et nous pourrions aller plus loin, en étendant peut-être le principe de cette charte à l'ensemble des pratiques artistiques.
Permettez-moi simplement de faire remarquer qu'aujourd'hui le public continue d'éprouver parfois un sentiment d'exclusion par rapport à la création contemporaine. Pour les arts de la scène notamment, la reconquête du public n'est pas une mince affaire !
Vous l'avez fort bien exprimé, madame la ministre : « S'il doit à tout prix protéger la liberté de création, l'Etat ne peut pas être un pur mécène, comme il ne peut imposer un art et des artistes officiels. Il ne saurait oublier son devoir de démocratisation de la pratique artistique. »
L'éducation est le premier axe d'une politique de démocratisation de la culture. Cette mission devrait être au centre des obligations des établissements culturels subventionnés par le ministère de la culture.
Il s'agit tout d'abord de susciter la curiosité et l'intérêt dès le plus jeune âge et 55 millions de francs de crédits supplémentaires seront affectés aux actions artistiques en milieu scolaire. Notons à cet égard que plus d'un million de jeunes seront bientôt concernés par les actions en leur faveur dans le domaine du cinéma. En outre, 1,5 million de francs supplémentaires seront destinés à la promotion de la lecture à l'école primaire et à l'université.
Par ailleurs, les 23 millions de francs qui seront engagés dans une contractualisation avec les collectivités territoriales contribueront également à ces différentes actions.
Nous pensons que les actions d'éducation artistique en milieu scolaire devraient être confortées et développées. Je suis consciente de la difficulté que cela représente, notamment parce que les propositions dans ce domaine dépendent largement du ministère de l'éducation nationale. Envisagez-vous d'engager un travail interministériel sur cette question ?
Par ailleurs, il me semble que nous devrions associer davantage les artistes à ce type d'opération. Malgré les apparences, ils sont souvent ravis de faire ce travail. Vous savez comme moi que des peintres aussi reconnus que Gérard Garouste, Robert Combas ou Di Rosa s'investissent depuis plusieurs années avec des enfants en difficulté.
Il s'agit ensuite de renforcer les enseignements spécialisés dans les différentes activités artistiques. A ce titre, les subventions de fonctionnement versées aux établissements nationaux d'enseignement progressent sensiblement cette année - 11,9 % par rapport à 1997 - et 220 millions de francs sont destinés aux écoles d'art, cela méritait d'être souligné.
De façon générale, l'action culturelle est au coeur de votre projet, madame la ministre. La délégation au développement et aux formations, dont les initiatives sont orientées vers les quartiers défavorisés, l'éducation artistique, la politique de la ville voit ses crédits augmenter de 9,5 %. Ceux-ci avaient chuté, je le rappelle, de 15 % en 1997, ce qui était bien le signe du peu d'attention portée par le gouvernement précédent à la fracture sociale, malgré ses déclarations fracassantes. Permettez-moi cependant de m'interroger sur la façon dont ces différentes actions seront concrètement menées. En effet, cette délégation est quelque peu à la dérive. Sera-t-elle encore l'instrument clé de cette politique ?
La démocratisation de la culture, comme toute forme de démocratisation d'ailleurs, est en grande partie une question de proximité. C'est pourquoi, madame la ministre, nous nous félicitons que vous intensifiez le mouvement de déconcentration. La déconcentration, ce n'est pas moins d'Etat, c'est un Etat plus proche des gens.
Mais le grand danger de la déconcentration, vous le savez, c'est le risque de clientélisme ou d'arbitraire. Rapprocher les lieux de décision, c'est aussi rapprocher les conflits d'intérêts. Nous avons tous entendu les inquiétudes d'une partie de la profession après votre décision de déconcentrer l'ensemble des crédits d'intervention du ministère vers les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. Il faut répondre à cette inquiétude et offrir la garantie que cette déconcentration ne se traduira pas par des disparités choquantes. Et vous avez raison, madame la ministre, lorsque vous déclarez que les responsables des directions régionales des affaires culturelles doivent être mieux reconnus. Il faut qu'ils deviennent des interlocuteurs à part entière, au fait des préoccupation des artistes.
Par ailleurs, pourrez-vous nous donner des précisions sur la façon dont ces crédits vont être affectés par secteur au sein de ces mêmes DRAC ? En effet, la globalisation des crédits est une source d'inquiétude légitime pour les acteurs culturels. Je rejoins sur ce point les remarques et les interrogations de notre rapporteur pour avis, M. Philippe Nachbar.
Permettez-moi maintenant, à propos de la déconcentration, d'ouvrir une parenthèse sur le rééquilibrage entre Paris et la province.
Le Gouvernement en avait fait sa priorité l'année dernière, mais les chiffres contredisaient ces effets d'affichage. En effet, si les actions du ministère ne sont pas encore réparties assez équitablement sur l'ensemble du territoire français, les monuments historiques, eux, le sont. C'est pourquoi la réduction importante des crédits du patrimoine l'année dernière était en totale contradiction avec l'objectif affiché de rééquilibrer le rapport Paris-province.
Cette année, l'effort demeurera encore insuffisant, mais nous pouvons relever des évolutions importantes. L'augmentation des crédits d'investissements pour la restauration du patrimoine - cela a été rappelé longuement par M. le rapporteur spécial - ainsi que la hausse des crédits d'intervention du titre IV vont bénéficier principalement à la province. Par ailleurs, de grands projets régionaux continuent d'être soutenus : il s'agit du Centre de costumes et accessoires de Moulins ou encore de la création du Centre de mémoire contemporaine à Reims, dont les crédits avaient été annulés les années précédentes.
Toutefois, malgré ces efforts, Paris et l'Ile-de-France continuent de bénéficier de 50 % des crédits du ministère. C'est la localisation de la quasi-totalité des établissements publics nationaux à Paris qui fait obstacle à un véritable rééquilibrage du budget en faveur de la province. C'est pourquoi j'attire votre attention sur le fait que l'action culturelle de proximité dans la région d'Ile-de-France n'est pas globalement plus soutenue qu'ailleurs.
Enfin, on connaît la participation importante des villes au financement de la culture, elle s'élève en moyenne à près de 40 %. Or, les dépenses culturelles de la ville de Paris demeurent très en dessous de la moyenne des villes de province représentant seulement 7 % à 8 % du budget municipal. L'engagement financier de l'Etat dans la capitale a, me semble-t-il, clairement partie liée avec la faiblesse de l'engagement financier de la Ville de Paris.
Je voudrais insister maintenant sur l'un des obstacles à la démocratisation de la culture, particulièrement pour le spectacle vivant. Je veux parler des tarifs souvent excessifs qui sont pratiqués. Envisagez-vous, madame la ministre, de faire en sorte que l'argent cesse d'être un obstacle pour l'accès à la culture ?
J'en viens au second point de mon exposé : le soutien aux artistes et à la création contemporaine est une priorité. Sans ce soutien, toute politique de démocratisation de la culture est vouée à l'échec. Inversement, toute politique active de soutien à la création est vouée à l'échec si elle ne s'accompagne pas d'une politique de démocratisation de la culture. Je ne crois pas qu'un artiste puisse faire du bon travail s'il n'a pas le souci d'être ancré dans la cité et de rendre son oeuvre accessible.
A ce titre, la priorité donnée cette année au spectacle vivant est une bonne chose, car ce secteur avait grandement pâti des coupes budgétaires de l'année dernière. Au total, le budget de la direction du théâtre et des spectacles augmente de 12 %.
Le soutien à la création théâtrale et aux arts de la rue bénéficie, quant à lui, de 8 millions de francs supplémentaires. C'est donc mieux, mais c'est peut-être encore insuffisant.
Le spectacle vivant, ce n'est un secret pour personne, représente, en effet, et cela depuis de nombreuses années, un système bloqué, organisé autour de quelques places fortes, les scènes nationales, qui absorbent presque toutes les subventions. Il ne s'agit pas de remettre en cause leur travail, qui est d'une grande qualité ; il s'agit de rompre avec cette logique et de dire, en quelque sorte, « place aux jeunes ».
Cette année, le secteur du cinéma n'est pas sacrifié. Les crédits budgétaires du Centre national de la cinématographie augmentent même de 3,8 %. Rappelons qu'ils avaient chuté de 25 % l'année dernière. Les crédits du compte de soutien, quant à eux, augmentent de 5,8 %. C'est important lorsqu'on sait que le besoin de fiction est au centre de la révolution satellitaire que nous vivons aujourd'hui. Mais ce sujet a été excellemment traité par mon collègue Marcel Vidal, et je ne m'y attarderai donc pas.
Dans le domaine des arts plastiques, les crédits d'intervention progressent de 15,5 millions de francs. Les crédits de commande publique et d'achat d'oeuvres augmentent de 9,8 %. Là encore, l'effort supplémentaire est important. Je suis pour ma part très attachée à la politique de commande publique, qui est la marque la plus sûre du soutien apporté aux artistes d'aujourd'hui.
Mes chers collègues, je pourrais encore vous citer de nombreux chiffres en augmentation, de nombreuses sommes supplémentaires destinées à soutenir les diverses activités artistiques qui font la richesse de notre culture et pratiquer aussi une comparaison systématique de ce projet de budget avec le budget pour 1997. Vous l'avez vu comme moi dans le bleu de cette année, les signes « plus » ont remplacé les signes « moins ».
Je me permettrai néanmoins de rappeler les désastres auxquels donne lieu la pratique des gels de crédits, et cela plus particulièrement pour les petites structures, qui sont alors contraintes de déposer leur bilan dans l'attente des sommes promises. Le gouvernement précédent excellait, hélas ! dans ce type de pratiques. Madame la ministre, il faut aujourd'hui rompre définitivement avec ces pratiques, d'autant plus qu'en réalité les gels de crédits sont souvent suivis par leur annulation.
Pour finir, et parce que je sais combien mes collègues du Sénat avaient été sensibles à ce thème l'année dernière, je parlerai de l'une des grandes priorités de ce budget : la restauration des crédits du patrimoine.
La réduction draconienne qu'avait subie ce secteur l'année dernière, en dépit d'une loi de programme votée par cette même majorité, avait mis en péril un grand nombre d'emplois et de savoir-faire. On avait estimé à pas moins de 3 000 à 4 000 le nombre d'emplois menacés dans le secteur. Il était donc essentiel de rétablir ces crédits. Cette année, ils augmentent de 32,8 %.
Mais ce qui est le plus novateur dans ce budget, et à mon avis fort judicieux, c'est la fusion entre la direction du patrimoine et celle de l'architecture. Madame la ministre, vous l'avez affirmé avec force : « Notre société est mise au défi de créer une civilisation où chacun trouve sa place ».
C'est parce que le rétablissement des crédits du patrimoine s'accompagne des mesures nouvelles importantes en faveur de l'architecture, dont les crédits augmentent de 6 %, que ce chapitre budgétaire n'est pas seulement un hommage au passé ; il permet d'inventer aussi les espaces de l'avenir. La vie urbaine est source d'angoisse pour nos concitoyens. C'est pourquoi une politique de construction du cadre de vie est au coeur de l'action culturelle.
La fusion entre les directions que j'ai évoquées n'est donc pas simplement le fait d'une rationalisation administrative. C'est aussi et surtout, me semble-t-il, le signe d'un projet culturel ambitieux, que je salue.
Quel est notre passé ? Quel sera notre avenir ? Qui sommes-nous ? Ce sont les questions qui nous taraudent, aujourd'hui comme hier. C'est à ces questions que veulent répondre les falsificateurs d'aujourd'hui, qui prônent le repli identitaire et la haine, et c'est pour répondre autrement à cette inquiétude que nous avons un projet culturel.
Enfin, les priorités affichées par ce budget, ainsi que l'engagement de l'Etat dans le soutien à la culture française, c'est ce qui fonde en partie l'exception culturelle prônée par la France. Notre pays s'est battu sur la scène internationale pour défendre ce principe. Nous avons su démontrer que les biens culturels ne sont pas de simples marchandises. Mais, aujourd'hui, nous sommes inquiets, madame la ministre, mon collègue M. Vidal l'a rappelé.
En effet, cette exception risque d'être battue en brèche par les négociations actuellement en cours à l'OCDE sur l'accord multilatérel sur l'investissement. Je me joins à mon collègue M. Vidal pour vous demander si vous pouvez nous préciser où en sont ces négociations et quelle sera la position de la France.
En conclusion, je dirai que ce budget de reconstruction, dans tous les sens du terme, montre la voie d'une importance grandissante accordée à la culture, qui, je n'en doute pas, avec notre soutien, verra ses moyens augmenter encore dans les années à venir.
Victor Hugo disait à ceux qui voulaient réduire les crédits alloués à la littérature et aux arts : « On pourvoit à l'éclairage des villes, on allume tous les soirs, et on fait très bien, des réverbères dans les carrefours, dans les places publiques ; quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire aussi dans le monde moral, et qu'il faut allumer des flambeaux pour les esprits ? »
Eh bien, madame la ministre, il me semble que vous l'avez compris, et nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 1998 concernant la culture.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'aborderai à grands traits trois sujets : le budget, le sens de la politique des arts et de la culture, le pluralisme artistique et culturel dans le monde d'aujourd'hui.
Je formulerai cinq remarques sur ce projet de budget.
Premièrement, vous stoppez, madame la ministre, la « descente » des crédits qui, ces dernières années, a fragilisé, voire cassé, nombre de pratiques et lieux culturels petits ou grands dans la diversité de leur forme, particulièrement en ce qui concerne la jeunesse.
Le budget de votre ministère était devenu insaisissable, recomposé avec des compétences nouvelles chaque année, gelé pour une part, à peine voté puis diminué au printemps, encore à l'automne. Il était comme mis en procès au sein même de l'Etat.
Cette tendance s'inverse avec une hausse de 3,8 % à compétences constantes. C'est bien ! Il faut résolument continuer.
Deuxièmement, c'est d'aurant plus important que, par ailleurs, le marché sans rivage régule de plus en plus culture et médias avec les conséquences que l'on sait contre les audaces et le pluralisme de la création et, j'ajouterai, le patrimoine.
Pensons, par exemple, aux vestiges archéologiques de l'église de Saint-Amand à Rodez, traités à la légère par une société immobilière, autorisée formellement par le dernier gouvernement, et ce en contradiction avec la loi.
Les comptes attaquaient les contes dans un espace jusqu'ici piloté par l'alliance d'un libéralisme d'Etat et du libéralisme d'affaires, tempéré si nécessaire d'humanitaire, dans les quartiers en difficulté, par l'envoi d'artistes chargés de traiter le pauvre dans l'homme et non l'homme dans le pauvre.
A la Villette, vous avez dit, madame la ministre, que les artistes ne peuvent être employés dans un rôle de médecin du social. C'est très bien, d'autant qu'il y a, dans le monde des arts et de la culture, du combustible à haute teneur de civilisation, atout incontournable pour qui veut - c'est je crois votre cas - travailler au réalisme du changement qu'appellent les mutations de notre société, qui doit venir à bout du réalisme du statu quo.
Il est grand temps de réguler l'intégrisme financier en culture. Il y a des déprivatisations à opérer.
Malheureusement, quelques mesures récentes concernant cinéma et télévision ne me semblent pas prendre le tournant nécessaire. J'évoque là le non-conventionnement des chaînes étrangères.
Troisièmement, vous réaffirmez avec le Premier ministre votre attachement au 1 % dans la clarté. Je fus le porte-parole de cette campagne dans les années soixante-dix. Nous étions cent trente-sept organisations dans un comité national pour le 1 %, chiffre symbolique voulant instituer définitivement la notion de responsabilité publique en culture.
Depuis, le 1 % a connu une histoire disons brouillée ; gardons-le mais, surtout, chiffrons les budgets en fonction des besoins. Je pense que le 1 % est un plancher et qu'il faut l'utiliser plus comme élan que comme but.
Quatrièmement, une campagne est menée dans un quotidien sur le thème : les subventions étouffent-elles la créativité ? C'est une constante tendant à faire renoncer les pouvoirs publics à leur responsabilité permanente dans l'histoire culturelle de notre pays.
Je veux dire que les Français, à 60 %, veulent maintenir ou augmenter la responsabilité des pouvoirs publics en culture, y compris en temps de crise, selon l'enquête que le service des études et de la recherche du ministère a effectuée voilà un an.
Peter Brook, venant de Grande-Bretagne, où le thatchérisme aurait eu des vertus créatrices, a bien répondu : « Il ne faut pas sortir les vieux clichés qu'on crée mieux dans la misère ; il vaut mieux des aides que pas d'aide. » Il ajoute : « En Angleterre, l'idée de théâtre nationalisé lancée par Bernard Shaw s'est concrétisée après un demi-siècle, et nous avons aujourd'hui le National Theatre, le Royal Shakespeare Theatre ou le Royal Court, dynamiques grâce à leurs subventions. Le théâtre a vécu sur cette lancée, malgré les coupes budgétaires criminelles de Margaret Thatcher, qui ont touché la culture. »
Cinquièmement, bien évidemment, je regrette la forte annulation de crédits de juillet dernier, que vous avez trouvée sur votre bureau en arrivant et qui a fait que votre budget - l'un des plus modestes - a été parmi les plus touchés. Un geste significatif et symbolique aurait été nécessaire. Dans les recettes du budget, avec Ivan Renar, nous avons proposé vainement un ajustement à partir de La Française des Jeux.
Je souhaite enfin que le budget que nous allons voter ne soit pas remis en cause en cours d'année.
J'aborde maintenant le sens de la politique des arts et de la culture. Beaucoup de réflexions sont en cours au ministère, chez les professionnels et bien au-delà. Je souhaite y participer, à partir de l'article que vous avez fait paraître dans Le Monde de vendredi dernier, intitulé Pour une politique des arts de la scène.
Je note d'abord ce que vous voulez voir inclure dans une charte du service public pour les arts de la scène.
Vous êtes pour « un effort constant de démocratisation ». Vous dites que « hommes et oeuvres doivent être assurés d'une plus grande circulation sur l'ensemble des scènes publiques ». Vous notez que « les jeunes n'ont pas toujours la place qui leur revient dans l'effort public consenti pour la culture ». Vous affirmez « une volonté d'approfondir et d'élargir la relation des gens aux langages du théâtre, comme de la musique et de la danse ». Vous déplorez « l'absence de politique nationale claire et forte ».
J'adhère à ces démarches auxquelles j'ajoute quelques mots sur la création, très soucieux de ce domaine essentiel de l'activité humaine.
L'Etat a une responsabilité envers la création artistique, sa liberté, ses audaces, son pluralisme. Or, vous le savez, la dernière mode de pensée est de tirer sur les artistes, qui ne savent ni être compréhensifs pour ceux-là ni être Dupont-la-Joie pour quelques autres, ni être gestionnaires pour beaucoup.
Maurice Schumann accueillant François Jacob sous la coupole déclarait récemment : « La seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple est l'imprudence de mépriser les rêves. »
C'est le courage de la création et, s'il y a à travailler à la manière d'Heiner Müller : « L'herbe même il faut la faucher afin qu'elle reste verte » disait-il, l'approche des institutions culturelles, notamment avec ceux qui y crééent, il y a à réaffirmer deux droits : premièrement, celui des artistes à créer dans la liberté et le pluralisme ; deuxièmement, celui des citoyens à rencontrer les créations et à pouvoir s'exprimer. Ces deux droits, l'histoire le prouve, s'épaulent, mais en même temps se choquent. C'est une permanence de la vie artistique que Cocteau avait bien vue : « Picasso m'a enseigné à courir plus vite que la beauté, je m'explique, disait-il : celui qui court à la vitesse de la beauté ne fera que pléonasme et carte-postalisme. Celui qui court moins vite que la beauté ne fera qu'une oeuvre médiocre ; celui qui court plus vite que la beauté, son oeuvre semblera laide, mais il oblige la beauté à la rejoindre et, alors, une fois rejointe, elle deviendra belle définitivement. »
L'art, comme tout un chacun, souffre de ce processus « du rejoindre », mais si il cède, il n'y a plus d'invention possible. On ne peut vivre qu'en avançant et, en art, il n'y a pas de démocratie. L'invention artistique sert la démocratie, elle lui est même incontournable, mais elle ne saurait s'y soumettre. Ce qui est vrai, c'est que dans « le rejoindre » se mêlent reconnaissance de la création, travail du partenaire, option d'autrui, c'est-à-dire la vie, qui a du mal à sortir du monde soit-disant fini d'avant la chute du mur - et des deux côtés - pour appréhender le monde de l'infini - « La défense de l'infini » écrivait Aragon - le monde du multiple, où nous entrons.
Nous sommes contemporains de nouveaux « nouages » à faire vivre. L'oeuvre dite réussie n'est pas la simple atteinte d'un effet projeté, pas plus que vu de l'autre côté, l'idée discernée en elle par le lecteur, ne peut prétendre saisir la chose en son entier. Il en va d'un vrai dialogue où l'imprévisible survient. Il y a là un degré d'activité, un travail du lecteur, d'autant plus important qu'un artiste, aujourd'hui, quelle que soit la nature de son art, doit lutter contre un flot qui émousse toute réceptivité. Charles Péguy a traité aussi de cela dans un magnifique poème, Le marbrier de Carrare.
En recherche, on retrouve la même question d'en finir avec les tentations d'instrumentalisation réciproque et ces dénis imaginaires de la complexité du réel, qui sont aussi bien le fantasme de l'expertise sociale que celui du refus du concept et de l'analyse au nom du vécu.
A Aubervilliers, dans la ville où j'ai des responsabilités, il y a une floraison d'expression, notamment de la jeunesse, en musique, en danse et en théâtre. C'est un écho du travail de création depuis longtemps à l'oeuvre et aussi un réel besoin d'expression lié au « bouger » de la société. Nous faisons tout pour qu'il n'y ait pas enfermement. La tâche est inouïe.
A La Villette, Nicolas Frize disait que, rencontrant ces jeunes en expression, son souci était qu'ils se posent moins la question : qui suis-je ? que la question : qui je deviens ? moins la question de leur expression que celle de leur propre élaboration. Toutes les équipes, dans leur diversité, travaillant sur le programme culturel de quartier de Cognac parlent dans le même registre, en tout cas témoignent qu'il n'y a pas de voie courte, sauf à avoir une pensée restreinte du commun.
On ne peut ni parler ni agir avec l'art comme avec la culture. Au-delà de la charte du service public, tout à fait nécessaire pour les arts de la scène, je pense qu'il faut mettre au jour une responsabilité publique générale en art et en culture, l'art ne s'identifiant pas à la culture, la question étant même de faire entrer la création contemporaine en culture.
L'art travaille sur l'exception, la culture sur la règle. L'art convoque la pensée, même s'il est le lieu de « l'impossible théorie », comme le dit si finement Paul Ricoeur. La culture, souvent assujettie à la « gestionnite » peut gérer des déficits de pensée. L'art résiste. Il y a une culture de renoncement.
Catherine Diverrès, François Bon, Armand Gatti, beaucoup de jeunes cinéastes, souvent des femmes, disent des mots très forts sur ce sujet. Ils sont, dans leurs oeuvres, de plus en plus du monde, mais sans commenter l'histoire, avec laquelle ils sont cependant de plus en plus liés au quotidien.
Je voudrais, très brièvement, évoquer mon troisième point : l'accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, dont les négociations, menées dans un quasi-secret depuis 1995 au siège de l'OCDE, à Paris, sur l'initiative des Américains, visent à une libéralisation totale des investissements.
En voici quelques aspects.
Les investissements étrangers bénéficieront du même traitement que les investissements nationaux, sans en avoir les obligations ; les investisseurs n'auront plus à recourir à leur Etat d'origine, en cas de conflit d'affaire, pour attaquer éventuellement l'Etat d'accueil. Le droit d'auteur, considéré comme un investissement, court-circuitera le droit moral. Les accords européens sur l'audiovisuel risquent de devenir lettre morte.
Luciana Castellina, députée européenne avec qui vous avez beaucoup et bien travaillé, madame la ministre, et qui m'accompagnait lors d'une conférence de presse ici même, il y a quelques semaines, ainsi que le directeur général de la SACD, a eu ces mots : « On n'est pas toujours conscient qu'il s'agit non pas d'un marché plus vaste, mais surtout d'un marché différent, avec des protagonistes différents, des mécanismes différents, des produits différents, réglementés par d'autres législations. »
Et elle ajoutait : « Si l'espace, le territoire, est unique, et donc a besoin de règles ou de législation à cette échelle, il n'y a pas de Parlement à ce même niveau global. Alors, qui fixe les règles ? De qui émanent ces normes ? »
Les gouvernements sont désormais sous le contrôle des marchés financiers, disait un des participants, et pas le moindre, du forum de Davos. Allons-nous vers l'épanouissement d'une « république mercantile universelle », pour reprendre une expression d'Armand Mattelart ?
Devant ce déferlement-bouleversement, il y a trois attitudes : soit soutenir, soit pratiquer l'impuissance démissionnaire, soit se recroqueviller sur son « chez soi ». Tout cela serait fatal !
Il faut bâtir une alternative mais, tout de suite, réclamer une clause d'exception culturelle générale. Vous l'avez dit vous-même à Beaune, madame la ministre, lors des rencontres cinématographiques de l'ARP, en octobre dernier.
Je veux dire à nos collègues, comme aux artistes et à nos concitoyens, que ce sujet intéressant les arts et la culture les concerne tous dans leur quotidien, dans leurs rêves : il y a besoin qu'il en soit parlé publiquement. Le plus vite sera le mieux, les négociations devant être conclues au printemps prochain. Les acquis du GATT ont été conquis, mais ils ne l'ont été que pour cinq ans. La bataille contre l'actuelle conception de l'AMI, qui mutile le pluralisme, fait partie de ce que la métaphore de Torga approche : « L'univers, c'est le local sans les murs. »
Voilà ce que je souhaitais dire, madame la ministre, en pensant aussi au Métafort d'Aubervilliers, qui a besoin pour s'élancer de notre commune attention.
Pour conclure, je demande une nouvelle fois la tenue d'un grand débat sur les arts et la culture au Parlement, un grand débat franc, adulte, en plein pluralisme, en pleine tension vibrante, avec, en son coeur, en tout cas pour moi, cette éthique de Picasso : « A force de sauter, on peut retomber du mauvais côté de la corde. Mais si on ne risque pas de se casser la gueule, comment faire ? On ne saute pas du tout ! » (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Madame la ministre, le projet de budget que vous présentez devant la Haute Assemblée marque un changement : il s'agit d'une approche nouvelle de la politique culturelle.
La présentation effectuée par les différents rapporteurs, M. Maurice Schumann et Philippe Nachbar, en témoigne. Sans entrer dans le détail des éléments comptables, je retiendrai et soulignerai essentiellement la hausse de 3,8 % du budget de la culture, qui représente une progression de 550 millions de francs par rapport à 1997.
Contrairement à ce qui s'était passé les années précédentes, la culture a franchi avec succès l'étape des redoutables arbitrages budgétaires et nous voyons là le témoignage de la volonté gouvernementale de rompre avec la tendance à l'immobilisme qui se manifestait, hélas ! ces derniers temps.
Oui, ce budget traduit bien une ambition et un projet de société où la culture, comme l'éducation nationale, occupe une place centrale, de façon à donner aux citoyens les clés du savoir, de la connaissance, et à leur permettre l'accès à la découverte du monde des arts.
C'est là un véritable défi que vous engagez pour notre pays, et nous vous en félicitons, car nous savons combien votre démarche est animée par la préoccupation constante d'assurer le rayonnement de la France à travers sa culture.
Ce rayonnement n'aurait aucune signification sans la participation des citoyens, et nous accueillons très favorablement votre décision d'augmenter le montant des crédits affectés aux actions artistiques en milieu scolaire.
Nous avons en effet, dans ce domaine, accumulé un retard préoccupant. Il convient donc d'engager des actions de sensibilisation et d'éveil aux différents arts dès le plus jeune âge.
Dans cette perspective, il sera intéressant de confier cette mission à des jeunes gens ou jeunes filles, dans l'optique des emplois-jeunes proposés par Martine Aubry.
La diffusion de la culture auprès des enfants doit être une priorité, de même que son offre, car nous savons combien l'accès à la culture demeure encore lié à la condition sociale.
Cette préoccupation, vous la partagez, et nous comptons sur votre détermination pour favoriser l'initiation aux arts le plus tôt possible et donner à chaque enfant les éléments de connaissance qui le conduiront sur les chemins de la découverte culturelle.
Appréhender une culture, c'est aussi percevoir à travers elle une identité forgée, tout au long de l'histoire, par l'apport d'innombrables créations, sans distinction d'origine ou de race. En ce sens, une politique culturelle ambitieuse contribue à renforcer la cohésion sociale, mais aussi à resserrer les fils du tissu social.
Vous souhaitez, madame la ministre, démocratiser l'accès à la culture, renforcer son rôle d'intégration ; sur ce point, nous ne pouvons que vous suivre, car nous mesurons tous les dangers d'une culture sélective.
Par ailleurs, vous avez inscrit parmi vos priorités la valorisation de l'architecture, que vous rattachez fort justement au patrimoine.
Il aurait été facile pour vous de gérer simplement le transfert récent de la direction de l'architecture vers votre ministère, mais vous allez au-delà, en réformant cette direction et en donnant à l'architecture toutes ses lettres de noblesse.
A cet égard, je rappellerai simplement la progression de 14 % des crédits destinés à l'enseignement de l'architecture. Elle traduit votre volonté de réformer cet enseignement, mais aussi votre souci de promouvoir l'architecture par le biais de différentes actions de sensibilisation, en particulier dans le milieu scolaire.
Enfin, et surtout, après la forte baisse des crédits du patrimoine monumental, nous notons avec intérêt leur augmentation de plus de 30 %.
Ces orientations démontrent votre volonté d'inverser les tendances, et je peux vous assurer que les élus locaux, qui sont confrontés à des difficultés financières pour restaurer et entretenir le patrimoine monumental de leur commune, apprécieront ces choix budgétaires.
Emettons le voeu que la politique de contractualisation entre l'Etat et les collectivités locales soit poursuivie et renforcée, car ces contrats permettent de mieux finaliser les objectifs, de soutenir des actions culturelles conjointes et, surtout, de mieux diffuser l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire.
A ce titre, nous saluons votre volonté d'attacher un intérêt particulier aux actions culturelles innovantes qui participent à la politique d'aménagement du territoire.
Je voudrais, à l'occasion du débat de ce soir, attirer votre attention sur les décisions de classement du patrimoine, notamment du patrimoine industriel.
Le classement est souvent synonyme, dans les esprits et dans les actes, de classement de patrimoine architectural.
Dans chaque région existent pourtant des sites industriels, le plus souvent en friche, qui témoignent de l'histoire sociale et économique qui a forgé leur identité. Notre collègue Philippe Nachbar l'a d'ailleurs démontré avec force en présentant son rapport.
Le Languedoc-Roussillon garde ainsi la trace de sites miniers dans les hauts cantons du département de l'Hérault ou d'anciennes manufactures de l'arrondissement de Lodève, dans les Cévennes gardoises. Ces sites constituent autant de lieux de mémoire et d'histoire sociale, dont la valeur pédagogique est incontestable.
Aussi serait-il souhaitable d'encourager de manière plus affirmée le classement de ces sites, qui témoignent de l'histoire industrielle de la France, et de réfléchir au moyen de les réhabiliter et de les mettre en valeur.
Je ne saurais parler du patrimoine sans évoquer les mesures qu'il serait souhaitable de prendre dans le domaine de la facture instrumentale, et je pense en particulier à la restauration et à la construction des orgues.
La réduction de 32 %, en 1997, des crédits affectés à cette restauration avait beaucoup inquiété les facteurs d'orgues, toutes générations confondues, menacés, il est vrai, de voir disparaître leur métier, avec les conséquences qu'on peut imaginer tant sur le plan économique que sur le plan culturel.
Notre collègue Daniel Hoeffel a récemment attiré votre attention par le biais d'une question orale sans débat, non seulement sur l'avenir de la facture d'orgues, mais aussi sur l'intérêt de la restauration des instruments et du maintien de ce patrimoine.
Nous connaissons, madame la ministre, votre intérêt pour cette question, et il nous serait agréable que vous nous confirmiez votre décision de soutenir ce secteur d'activité très important en France comme en Europe.
Madame la ministre, votre budget trace des perspectives encourageantes : c'est une première étape qui s'inscrit dans un projet de société ambitieux, où la politique culturelle retrouve toute sa place. Nous vous apporterons notre soutien avec sincérité et détermination. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Il n'est pas toujours facile d'être artiste, femme ou homme de culture dans notre pays ; mais il serait injuste de vous en faire porter la responsabilité, madame le ministre, vous qui êtes au gouvernail depuis moins de six mois. Et chacun connaît le dynamisme culturel de la ville de Strasbourg, qui est presque aussi grand que celui d'Aubervilliers, me disait à l'instant mon collègue Jack Ralite. (Sourires.)
Cela étant, obstacles et difficultés en tout genre ne manquent pas, et je voudrais vous faire part de trois préoccupations.
La première concerne la fiscalisation des activités de structures culturelles, celles qui fonctionnent sous forme d'association régie par la loi de 1901.
Ces structures ont à faire face à de nombreux contrôles et redressements fiscaux, certaines activités comme la publicité, la billetterie étant désormais assimilées à des activités commerciales. Sont donc exigées, avec effet rétroactif sur plusieurs années, TVA, taxe professionnelle et autres impôts sur les sociétés.
Cette vision fiscale et commerciale de la création et de la diffusion culturelles pose de graves problèmes. Elle rejoint celle des comptables, supérieurs, arrogants et glacés, qui nous parlent toujours du coût de la culture mais se gardent bien d'évoquer le coût de l'absence de culture.
Certaines de ces structures ne peuvent faire face aux sommes exigées : nous avons tous en tête quelques exemples. Permettez-moi de citer celui de La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, cet ensemble dirigé par Jean-Claude Malgoire, qui est contraint à la liquidation judiciaire pour assumer un redressement !
Il y a là un grave danger pour la vie culturelle. Un tel dévoiement de la notion de culture menace cette exceptionnalité française héritée de notre histoire. Il y a le risque d'un appauvrissement culturel. Mon ami Jack Ralite le soulignait à l'instant en évoquant la mise en cause de la subvention publique, qui est en fait la trace d'un lien avec la société.
Car l'activité culturelle n'a rien de commercial. J'ai pu prendre connaissance de rapports du fisc sur des structures culturelles ; j'avais l'impression de vivre sur une planète différente !
En attendant, l'Etat reprend d'un côté ce qu'il donne de l'autre ; d'un côté, il libère, de l'autre, il asservit.
Il est donc urgent, selon moi, de redéfinir un cadre précis, un statut, y compris sur le plan fiscal, plus adapté à la réalité des activités culturelles.
Des propositions de loi existent ou sont en attente, visant par exemple à la création d'établissements publics culturels. Un projet de loi a également été annoncé, modifiant l'ordonnance de 1945 sur le spectacle vivant. Il importe d'agir vite, mais tout changement des « règles du jeu » doit naturellement se faire dans la clarté et la concertation.
Je sais que cette situation vous préoccupe et que vous agissez.
Dans l'immédiat, l'Etat doit prendre ses responsabilités en faisant cesser les procédures en cours ; c'est un minimum. Il y va de la survie de nombreuses structures.
Je voudrais maintenant vous faire part de certaines inquiétudes concernant les projets de regroupement de la direction du théâtre et de la direction de la musique, ainsi que des craintes que fait naître la déconcentration des crédits.
Parmi les musiciens et les gens de théâtre, on redoute que la spécificité inhérente à chacun de ces deux arts et les responsabilités de l'Etat dans ces domaines ne disparaissent au profit d'une organisation peut-être trop vague du spectacle vivant.
Si la déconcentration a pour avantage, tout au moins sur un plan théorique, de rapprocher l'Etat des citoyens, le risque n'existe-t-il pas de voir être mises en oeuvre vingt-six politiques culturelles différentes dans vingt-six régions ?
Les exemples que nous connaissons - Vitrolles, Marignane, Orange, Toulon - en témoignent : l'Etat est le garant de l'unité nationale et de la « santé » de la culture. Comment concilier cet impératif et la déconcentration envisagée ? Vous le savez, le prince est souvent plus éclairé que les gouverneurs de ses provinces.
Sans m'éloigner des propos qui précèdent, je souhaiterais, enfin, évoquer brièvement les problèmes auxquels sont confrontées les compagnies du spectacle vivant, notamment les plus modestes d'entre elles.
Un projet de loi dont nous aurons à connaître tout prochainement prévoit de modifier la licence d'entrepreneur de spectacles. Les compagnies ont, certes, besoin de la reconnaissance de leur existence, mais sûrement pas d'une autorisation d'exercice.
Peut-être conviendrait-il de mettre en place un statut juridique spécifique non pas assis sur des autorisations administratives, mais bien plutôt sur une reconnaissance de la capacité des compagnies à réaliser des spectacles.
Une commission de professionnels, au sein de laquelle seraient représentées ces petites compagnies, pourrait être une solution intéressante, à l'instar du régime d'autorisation ayant cours dans les professions cinématographiques.
L'absence de statut juridique et fiscal précis ainsi que de contreparties réelles à cette licence revisitée sont vécues par les artistes, les plus jeunes, en particulier, comme une atteinte fondamentale au droit de produire du spectacle.
Ce problème, parmi d'autres, impose que nous redéfinissions les objectifs de la politique culturelle dans notre pays.
Lisibilité de l'action culturelle menée par l'Etat, lisibilité des aides apportées à la culture, redéfinition des moyens mis en oeuvre, tels sont les axes politiques attendus par nos concitoyens. Les jeunes compagnies, les plus modestes peuvent y tenir leur place pleine et entière, mais aussi les associations, afin de promouvoir une politique du spectacle vivant audacieuse.
Madame le ministre, j'ai voulu brièvement évoquer quelques aspects du vécu quotidien qui perturbent l'excellent travail qu'accomplissent nos structures culturelles, dans l'immense majorité des cas, non pour donner, comme le disait M. Nachbar, un supplément d'âme, mais bien parce que, comme l'affirmait si bien André Malraux, « si le mot culture a un sens, il est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur Terre. Tout le destin de l'art, tout le destin de ce que les hommes ont mis sous le mot culture tient en une seule idée : transformer le destin en conscience. »
C'est tout le bien que nous vous souhaitons, madame le ministre, en votant votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement. Je tiens, au préalable, à adresser de très vifs remerciements à MM. les rapporteurs et à l'ensemble des orateurs qui ont abordé tous les aspects de ce budget et qui ont tenu des propos encourageants à l'égard de mon action. Je comprends l'attente qu'ils ont manifestée et j'apprécie l'intérêt qu'ils ont porté à la fois aux crédits du budget de mon ministère mais aussi aux perspectives ouvertes par ce budget.
Ce budget, comme vous l'avez souligné, augmente de 550 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale de 1997. Si l'on y ajoutait, monsieur Ralite, les crédits qui ont été annulés cet été, il augmenterait même de 1,174 milliard de francs.
Vous avez souligné à quel point il était important de maintenir ces crédits. En plaçant la culture au coeur de la citoyenneté, vous avez exprimé une conviction très forte. J'entends trop souvent dire, en effet, que l'exception culturelle que nous défendons est une spécificité française qui ne servirait guère nos intérêts au-delà de nos frontières.
Si nous avons conçu cette exception culturelle et si elle reste au coeur des négociations internationales, c'est parce que nous mesurons la place que la culture tient dans la démocratie. Elle permet à nos concitoyens de comprendre, de procéder à des échanges, de savoir qui ils sont, de s'intéresser aux autres, de s'ouvrir à leur regard, mais aussi de cheminer par l'esprit et non pas seulement en fonction de leur condition sociale ou de leur pays d'origine.
L'effort consenti pour 1998 permet de replacer le budget de la culture au coeur de l'action qui doit être menée en direction de nos concitoyens. Il s'agit d'un budget de reconstruction. L'effort ne devra pas s'arrêter là. Pour certains d'entre vous, consacrer 1 % du budget général à la culture est un objectif quelque peu mythique, jamais atteint. Je considère, pour ma part, que ce taux doit être compris non pas comme un plafond, mais comme un plancher.
En effet, les élus locaux connaissent bien le poids de l'effort culturel dans nos villes, nos villages et nos quartiers. Cet effort, supporté à concurrence de 60 % par les collectivités territoriales doit être conforté par l'Etat afin que la culture soit accessible à tous, quel que soit le lieu de résidence, l'âge ou la profession.
L'effort entrepris est donc un effort de démocratisation. C'est sous cet angle que j'ai voulu aborder l'ensemble des crédits qui sont soumis à votre examen. En effet, la concentration de cet effort sur la démocratisation de la culture ne signifierait rien si elle ne se traduisait pas dans les chiffres.
En examinant le budget de l'exercice en cours ainsi que les budgets antérieurs, je me suis rendu compte que deux domaines d'actions ont particulièrement souffert de la diminution des crédits. Il s'agit du patrimoine et du spectacle vivant. Cela me semble très dangereux.
Le patrimoine permet, en effet, à chacun, même s'il ne sait pas lire, de connaître des lieux, un cadre, une histoire, la vie de ceux qui nous ont précédés. Il permet, même à un petit enfant, de savoir où il est et où il vit. L'intégration dans le cadre de vie de cette formation à l'esthétique, à la forme, à l'espace et à la construction proprement dite éveille la curiosité.
Si le patrimoine, pour moi, est vivant et si j'ai voulu traduire cette vie en l'associant à l'architecture, c'est parce que je crois qu'il est en constante évolution. Nous le construisons sans cesse. Il ne faut pas nous en désintéresser. Douter du patrimoine ou s'en désintéresser reviendrait à douter de notre capacité à continuer de le construire.
C'est pourquoi je voulais restaurer les crédits consacrés au patrimoine. Ceux-ci sont en augmentation de 39 %. Comme vous l'avez souligné, monsieur Schumann, ils sont revenus, à 17 millions de francs près, au niveau prévu par la loi de programme. Il importe de reconduire régulièrement ces crédits année après année. Par ailleurs, nous devons poursuivre nos efforts en direction du patrimoine industriel. Celui-ci a d'ailleurs été cette année particulièrement à l'honneur, lors des journées du patrimoine.
Notre mémoire ne doit pas être sélective ; il ne faut pas oublier le patrimoine paysan et ouvrier de notre pays. A l'aube de l'ère des nouvelles technologies de la communication, il ne faut pas oublier que nous devons aussi notre prospérité au labeur de nos anciens.
Nous devons non seulement concentrer nos efforts sur notre patrimoine mais aussi respecter les hommes et les femmes qui ont bâti la civilisation de notre pays. Nous avons, sans doute, pris du retard dans la protection d'une partie de ce patrimoine modeste, qui était parfois déconsidéré car il était lié à des technologies qui n'étaient plus employées.
Mais l'histoire même de la technologie nous permet aujourd'hui de comprendre où nous nous situons. Le patrimoine est donc un acte non pas de conservation mais de confiance.
Le deuxième pilier de ce budget est le spectacle vivant. La musique, la danse et le théâtre, toutes ces disciplines appartiennent aux arts de la scène et participent de cette priorité. A l'heure où nos concitoyens ont les yeux rivés sur le petit écran, le spectacle vivant est une présence et en même temps un contact avec le public.
Ce contact-là, c'est-à-dire la découverte d'une oeuvre à partir de la présence physique de comédiens, de danseurs, de chanteurs, de musiciens doit être encouragé, car nous en avons besoin. En effet, une société ne peut être vécue « par écrans interposés ». Elle doit s'ouvrir à l'échange, à la présence et à la création.
Voilà pourquoi ce budget est, pour moi, à la fois un acte de confiance et un acte de conviction. A l'heure où l'art contemporain est particulièrement critiqué et où certains de nos concitoyens estiment que la création contemporaine est inaccessible et incompréhensible, il faut encourager la création et donner à ceux qui prennent le risque de créer la possibilité de continuer de le faire et d'aller au contact du public. A cette fin, des crédits sont nécessaires. Le patrimoine et toutes les activités qu'il induit retrouvent toute leur vigueur.
Les crédits consacrés au spectacle vivant augmentent de plus de 270 millions de francs, ce qui permettra de soutenir les orchestres, les compagnies de danse et de théâtre, bref, tous ceux qui créent aujourd'hui dans notre pays.
Cette augmentation permettra aussi de rendre, grâce à la charte de service public, cette création accessible à ceux qui s'en sentent aujourd'hui parfois exclus.
Nous avons également souhaité définir une troisième priorité. Il s'agit du rôle que peuvent jouer les collectivités sur l'ensemble du territoire, que ce soient les communes, les départements ou les régions. Ce sont eux qui supportent aujourd'hui la plus grande part de l'effort culturel dans notre pays.
Nous avons souhaité innover, en introduisant, dans ce projet de budget pour 1998, un fonds de contractualisation doté de 23 millions de francs, qui permettra de soutenir les expériences innovantes et celles qui traduisent un engagement commun des collectivités publiques dans des projets culturels. En effet, nous pouvons, grâce à ce fond, soutenir et encourager la coopération intercommunale, et en même temps affirmer la présence de l'Etat dans ces initiatives.
Je reviendrai un instant sur quelques aspects de ce projet de budget. Vous avez souligné, pour l'approuver, l'effort qui a été fait en termes de crédits pour l'architecture et le patrimoine. Vous avez également souligné ce qui permet de poursuivre la transformation du patrimoine existant et de réaliser de grands projets sur l'ensemble de notre territoire. Il est vrai que chacun est sensible à ce qui permet d'assurer la diffusion de la culture partout, qu'il s'agisse de lieux ou d'activités culturelles qui correspondent aux aspirations de nos concitoyens.
Quelques-uns de ces grands chantiers ont été évoqués. Vous avez cité, notamment, la restauration du Grand Palais, le nouveau Centre de la mémoire contemporaine de Reims ou le Centre national du costume de scène à Moulins. Il y en a bien d'autres, comme le Cargo, à Grenoble, qui rouvrira en 1998.
A cet égard, je voudrais préciser que notre politique ne se limite, à des projets architecturaux.
Certains d'entre vous ont fait référence à l'économie qui résulte, en 1998, de l'achèvement des grands projets réalisés au cours des dernières années. Certes, ces bâtiments sont pratiquement terminés. Cependant, nous devons assurer le fonctionnement et la montée en charge des institutions que ces bâtiments abritent.
Tel est notamment le cas pour la Bibliothèque nationale de France. Lors de la préparation du projet de budget pour 1998, nous nous sommes demandé si cette bibliothèque devait être ouverte totalement ou partiellement et si elle devait être entièrement accessible au public. J'ai fait un choix et je l'ai défendu. Il a été accepté que cette bibliothèque non seulement soit ouverte au public et aux chercheurs, mais aussi joue son rôle de coeur de réseau pour l'ensemble des bibliothèques françaises.
Nous devons, à chaque fois, raisonner avec la volonté d'« optimiser » en quelque sorte l'argent public, afin que tous les établissements majeurs de notre pays soient le plus possible ouverts à toutes les activités liées à leur mission, mais aussi au maximum de personnes.
Ainsi, j'ai souhaité que la Bibliothèque nationale de France soit ouverte aux jeunes de seize ans. A partir de cet âge, en effet, on a des exposés à faire au lycée et un certain nombre de recherches à effectuer. Il faut avoir le contact avec le livre. Je remercie l'orateur qui a évoqué ce point. La lecture est au coeur du devoir que nous avons. En effet, nous ne pouvons nous passer de la lecture, mais encore faut-il, dans toute la mesure possible, permettre aux plus jeunes d'entre nous d'accéder à l'écrit.
J'ai également pris note de différents propos concernant les musées. J'y reviendrai dans un instant, en répondant directement aux questions qui ont été posées.
S'agissant des acquisitions, l'une de mes inquiétudes portait sur le fait que nous disposions en 1997 de crédits très faibles, non seulement pour financer les acquisitions traditionnelles des musées, mais aussi pour acquérir les oeuvres qui sont bloquées en douane et qui risquent de quitter le territoire. Nous avons pu, dans le projet de budget pour 1998, renforcer considérablement les crédits d'acquisition, puisqu'ils augmentent de 29 millions de francs. Par ailleurs, le Fonds du patrimoine sera doté, au total, de 97 millions de francs, réservés en priorité à l'acquisition des oeuvres ayant fait l'objet d'un refus de certificat pour éviter leur sortie du territoire et, par conséquent, un appauvrissement de notre patrimoine artistique national.
Il s'agit donc d'une première étape, d'un premier pas, qu'il faudra, bien évidemment, confirmer.
En ce qui concerne le spectacle vivant, je voudrais apporter une précision. J'ai signalé, au début de mon intervention, que les crédits alloués à celui-ci progressent de 277 millions de francs. Au total, ce sont 4,240 milliards de francs qui seront consacrés en 1998 au spectacle vivant.
Cette évolution, cette place tenue par le spectacle vivant témoigne de notre attachement à cette forme de création artistique.
Quant au cinéma, qui fait également partie de mes priorités, 222,7 millions de francs en dépenses ordinaires y seront consacrés en 1998 sur le budget du ministère de la culture. S'y ajouteront, je le rappelle pour mémoire, après M. le rapporteur, 2,85 milliards de francs à travers le compte de soutien, contre 2,29 milliards de francs en 1997.
Ainsi, non seulement le spectacle vivant mais aussi la production cinématographique bénéficieront d'une progression des moyens qui leur sont alloués, ce qui, je crois, devrait dynamiser l'ensemble des professions liées à ces disciplines artistiques.
Pour le spectacle vivant, nous avons axé nos efforts selon deux orientations : conforter le réseau d'institutions et d'établissements publics qui sont les acteurs majeurs de la diffusion et renforcer les moyens consacrés à l'enseignement des disciplines du spectacle.
En ce qui concerne la charte du service public, nous avons souhaité commencer par l'appliquer au spectacle vivant mais il est vrai que cette démarche peut parfaitement être étendue à d'autres disciplines que celles qui relèvent des arts de la scène. Cette charte sera élaborée en concertation avec l'ensemble des professions intéressées. Elle permettra de donner corps à notre objectif d'élargissement des publics, tout en définissant des références communes à l'ensemble des partenaires.
Ce qui m'importe en effet dans cette concertation, c'est que les professionnels puissent avoir l'occasion non seulement de dialoguer avec le ministère et avec les différents partenaires concernés, mais aussi entre eux. En effet, il est important que les professionnels aussi aient un débat sur la manière dont ils conçoivent le service public et le service du public, qui peut être, et doit être, leur but.
Je souhaite aussi, à travers cette réflexion, que l'on puisse réfléchir à l'allocation des moyens logistiques et financiers qui y sont attribués. Je pense que certains lieux peuvent avoir un usage pluridisciplinaire et être largement ouverts, en tout cas plus qu'ils ne le sont aujourd'hui.
La formation et l'enseignement des disciplines artistiques du spectacle seront renforcés. J'en veux pour preuve les crédits qui y sont consacrés : 8 millions de francs de crédits d'intervention supplémentaires pour ce qui concerne l'enseignement de la musique et 11 millions de francs d'autorisations de programme pour réaliser les investissements nécessaires. Ces crédits nous permettront de consolider le réseau des conservatoires nationaux de région et les écoles nationales de musique pour améliorer la qualité de l'enseignement mais aussi, et surtout, pour favoriser l'enseignement des disciplines nouvelles.
J'en viens aux interventions en milieu scolaire, qui constituent l'un des soucis que vous avez fortement exprimés. Elles seront multipliées, car elles sont l'un des plus sûrs moyens de sensibiliser les jeunes à la création musicale.
Je souhaite aussi, au cours de l'année prochaine, promouvoir, en relation avec le ministère de l'éducation nationale, l'éducation à l'image, notamment en direction des plus jeunes, car il faut aussi leur apprendre à comprendre et à décoder les images, comme on leur apprend à lire.
Il est, selon moi, essentiel de ne pas disjoindre la démocratisation des pratiques culturelles et la politique d'excellence. Je crois que l'une ne va pas sans l'autre. S'agissant du théâtre, ma collègue Mme Marie-George Buffet est tout à fait d'accord pour que le théâtre amateur rejoigne le ministère de la culture, ce qui nous permettra de mener une action cohérente dans ce domaine. Cela sera un pas en avant. En effet, il paraît étrange que, contrairement à la musique, à la danse ou aux arts plastiques, il existe, dans le monde du théâtre, cette séparation un peu artificielle qui ne favorise pas les liens entre la création et la diffusion des pratiques culturelles.
Parallèlement, j'envisage de promouvoir les formes nouvelles de création dans le domaine du spectacle. Huit millions de francs supplémentaires seront alloués en 1998 au soutien à la création théâtrale et aux arts de la rue. La création chorégraphique sera, pour sa part, encouragée. La création du Centre national de la danse, installé à Pantin, va participer de cet effort.
De même, je souhaite que les musiques actuelles bénéficient de moyens nouveaux. A ce effet, j'ai prévu 5,3 millions de francs de plus en crédits d'intervention et 4 millions de francs supplémentaires en investissement pour rendre possible la création ou la transformation de lieux appropriés à cette nouvelle forme de création artistique. Nombre d'élus, qui ne siège pas dans cette assemblée, ont compris l'opportunité ainsi offerte. En effet, je suis assaillie de projets et de demandes.
Je répondrai maintenant aux questions de MM. les rapporteurs et des divers intervenants.
J'ai déjà dit un mot en ce qui concerne les grands travaux, je n'y reviens pas. Cela me permet d'enchaîner sur la répartition des crédits entre Paris et la province, question qui a été lancée par M. Schumann et reprise par plusieurs d'entre vous.
Hors établissements publics, pour 1998, le rapport est le suivant : 39 % pour Paris, 5,5 % pour l'Ile-de-France et 55,5 % pour la province. Si l'on prend en compte les établissements publics, 54 % des crédits sont consacrés à Paris, 4,5 % à l'Ile-de-France et 41,5 % à la province.
On peut constater, ainsi que cela a été souligné, que les établissements publics nationaux changent l'équilibre et empêchent une diminution de la part des crédits consacrés à Paris. En effet, l'Etat a aussi une responsabilité vis-à-vis de ces grands établissements publics : il faut les soutenir, mais aussi correctement les calibrer et les gérer.
Abordons maintenant la question de l'organisation du ministère, pour laquelle je nourris, effectivement, une grande ambition. Les fonctionnaires qui y travaillent, qu'il s'agisse de l'administration centrale ou des services déconcentrés, doivent sortir de la précarité, de l'incertitude dans laquelle ils ont dû travailler au cours des dernières années. En effet, la tâche est dure quand on ne sait pas comment répondre, quand on ne sait pas non plus comment programmer les investissements et les réalisations du ministère de la culture.
Ce ministère doit être un grand ministère de notre pays pour être digne de l'ambition culturelle qu'il exprime. C'est bien la raison pour laquelle je souhaite fortement le consolider.
Cette consolidation du ministère est fondée sur la transformation de plusieurs secteurs. J'ai déjà évoqué le rapprochement du patrimoine et de l'architecture, qui a été bien compris à la fois par votre assemblée et par les interlocuteurs intéressés.
Ce rapprochement permet de travailler autrement sur l'espace public et de prendre en compte l'ensemble de la démarche urbaine pour inscrire les monuments dans leur cadre urbain et changer la politique d'investissements et de restauration du patrimoine classé. A cet égard, je pense que les restaurations doivent prendre moins de temps et que nous devons parfois faire des choix pour que nos concitoyens comprennent quelle est l'intention des reponsables publics.
Vous l'aurez remarqué, je préfère ce terme de « rapprochement » à celui de « fusion ». En effet, il s'agit, certes, de rapprocher des disciplines différentes, mais tout en conservant, notamment pour les arts de la scène, des politiques artistiques indépendantes, même si elles communiquent entre elles.
Il y a en effet des logiques communes à l'ensemble des arts de la scène. Il convient, par exemple, de chercher à traiter mieux et de façon plus efficace vis-à-vis de nos partenaires les problèmes sociaux et fiscaux, les questions relatives aux droits d'auteur et aux artistes interprètes, ainsi que les rapports avec les collectivités locales.
Par ailleurs, le maire ou le professionnel ne doivent pas avoir à passer par trente-six bureaux pour présenter leur projet ou poser leurs questions. C'est à l'administration de se transformer et de rendre au public et à ses partenaires un service meilleur.
J'ai donc souhaité que la direction du théâtre et des spectacles et la direction de la musique et de la danse se rapprochent au sein d'une direction qui définira les orientations et les directives communes aux deux domaines et donnera leur sens et leur finalité aux crédits déconcentrés dans les régions. Cela ne veut pas dire que je remette en cause les prérogatives locales, mais je rappelle que les DRAC sont composées de fonctionnaires du ministère et je considère qu'il y a une plus grande cohérence à trouver dans le fonctionnement des services de l'Etat en région, au regard des actions qui sont décidées par le Parlement et engagées à l'échelon national.
Tout cela doit se faire tranquillement, avec du temps, car je ne crois pas aux décisions magiques. Ce n'est pas parce que l'on décide, à un moment donné, de créer des entités que celles-ci se créent immédiatement. Il y a des traditions, des cultures, des habitudes de travail dont il faut tenir compte et, en tout état de cause, si l'on veut bien servir un projet, encore faut-il que les personnes qu'il concerne se sentent impliquées. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé tant à M. François Barré, directeur de l'architecture et du patrimoine, qu'à M. Dominique Wallon, tout récemment nommé, de conduire ce projet et de mettre en oeuvre les orientations que j'ai fixées de façon la plus ouverte et avec le plus de concertation possible, afin que chacun puisse comprendre la démarche et y apporter sa contribution. Je pense ici, notamment, aux personnels de cette administration. Ils sont en effet les premiers impliqués.
En ce qui concerne la direction du développement et des formations, madame Pourtaud, vous relevez une certaine baisse de l'activité et de la stimulation qu'exerce cette direction. Celle-ci doit continuer d'assumer les missions qui relèvent de l'action territoriale, des enseignements et de la démocratisation de la culture. Connaissant maintenant mon projet et la manière dont je souhaite pouvoir le conduire, vous aurez compris à quel point cette direction devient stratégique, essentielle, même à l'intérieur du ministère. Nous devons, là aussi, consolider, remettre sur pied et développer tout ce qui relève de la direction du développement et des formations.
La déconcentration a fait couler beaucoup d'encre. Pourtant, il faut bien constater que, sur 3,3 milliards de francs de crédits d'intervention, 1,3 milliard de francs sont d'ores et déjà déconcentrés en 1997. On en connaît les effets, et ils sont positifs. Les lois de décentralisation ont permis, avec les crédits déconcentrés, de responsabiliser autrement et d'équilibrer la relation partenariale entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Les subventions déjà déconcentrées reviennent aux orchestres régionaux, aux théâtres lyriques et à une grande part des compagnies dramatiques.
En 1998, les crédits déconcentrés s'élèveront à 1,7 milliard de francs. De nouvelles structures seront concernées, comme les scènes nationales, les centres dramatiques nationaux et les centres chorégraphiques.
Cependant, j'ai obtenu du Premier ministre un délai supplémentaire d'un an pour mener à son terme, dans le cadre de la réforme de l'Etat, le processus de transformation du ministère et des services déconcentrés que j'ai souhaité enclencher. Cette année supplémentaire nous laissera le temps de traiter avec attention et opportunément chaque situation spécifique.
Surtout, la déconcentration ne prend tout son sens qu'à la condition, que j'entends bien remplir, d'une politique nationale forte. Je parlais précédemment de directives. Je crois que la charte du service public traduit également cette intention. De la même façon, le développement de la politique de contractualisation, qui sera possible grâce aux contrats de Plan Etat-région, sera une autre opportunité.
Mais nous avons beaucoup parlé de l'activité du ministère pour 1998. Qu'en est-il de l'an 2000 ? La célébration du changement de millénaire est évidemment un moment très important pour notre pays. Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai trouvé le dossier en l'état. Si la concertation et l'appel à projets avaient déjà été lancés depuis quelque temps, en ce qui concerne le financement, rien n'était véritablement clarifié. A part l'hypothèse d'un financement par prélèvement sur les recettes d'un jeu, aucun crédit budgétaire n'était envisagé. A l'issue des premiers échanges qui ont eu lieu avec le Premier ministre, nous avons pu mobiliser des crédits plafonnés à 500 millions de francs. Je rappelle que nous avons aujourd'hui une contrainte, ne pas faire exploser les dépenses publiques, et qu'il nous faut donc, à ce titre, trouver des financements complémentaires. Savoir si ce sera un jeu ou autre chose, le débat est encore largement ouvert.
Je puis simplement vous rassurer sur la volonté du Gouvernement, singulièrement du Premier ministre, de préparer une célébration du prochain millénaire digne de notre pays, à la fois pour nos concitoyens et pour l'image de la France dans le concert européen et international.
M. Schumann m'a interrogée sur la loi « musées ». Ce projet de loi date de 1992 ; il est donc assez ancien. Je crois important de rénover le statut juridique des musées, dont l'origine remonte à 1945, mais j'ai souhaité, dans un calendrier législatif chargé, prendre le temps de l'expertise sur ce projet que j'ai trouvé à mon arrivée.
Je désire, en particulier, que l'on approfondisse la réflexion sur deux questions importantes que soulève ce texte. Il s'agit, d'une part, des questions de domanialité publique pour les objets mobiliers et, d'autre part, des bases du contrôle technique sur les musées des collectivités locales.
J'ai pris connaissance des positions des associations d'élus. Au-delà d'une approbation de principe du texte, elles ont manifesté clairement le souhait d'une concertation approfondie sur les objectifs autant que sur les moyens. Je me suis engagée vis-à-vis des grandes associations d'élus à répondre à leur attente. Pour ce qui a trait à la situation de la Réunion des musées nationaux, il faut reconnaître qu'elle s'était effectivement gravement dégradée, ce qui s'était traduit, en 1996, par un déficit important lié, non seulement à la diminution de la fréquentation des musées, mais aussi et surtout aux résultats préoccupants des services éditoriaux et commerciaux.
C'est pourquoi, comme vous l'avez rappelé, un plan d'action a été mis en place pour une durée de trois ans. Il vise à rééquilibrer les comptes de la Réunion des musées nationaux et à ramener son fonds de roulement à son niveau de 1993.
J'ai plaisir à vous annoncer ce soir que les résultats enregistrés à la fin du mois d'octobre traduisent une amélioration plus sensible encore que celle que l'on pouvait envisager. Si cette tendance se poursuit, la RMN devrait enregistrer un résultat positif de 18 millions de francs, au lieu des 5 millions de francs que le plan prévoyait pour cette année. Il n'en reste pas moins que l'effort doit être poursuivi et qu'il faut parvenir à une gestion tout à fait stabilisée. Sachez que je m'en préoccupe !
Pour ce qui est des multiplexes, plutôt que de les diaboliser, il faut, je crois, être très attentif à la manière dont on les implante. J'ai donc envisagé de modifier la réglementation en vigueur, car elle ne permet pas de résoudre les problèmes de concurrence qui se posent parfois dans les zones urbaines où plusieurs équipements peuvent être projetés, avec un risque de concurrence et de dégradation des programmations.
Il est clair qu'intervenir dans la programmation de cinémas qui relèvent d'une gestion privée est évidemment délicat. Cependant, au nom de la diversité de la diffusion, qui doit être notre objectif, il est important que ces équipements soient considérés comme des équipements culturels et non pas simplement comme des instruments de diffusion de masse. Il faut donc aussi soutenir, ce que j'ai souhaité faire, les salles alternatives, essentielles pour leur rôle de découvreur de talents et d'animation culturelle. J'ai demandé au comité consultatif de la diffusion cinématographique d'examiner les conditions dans lesquelles certains engagements pourront être demandés aux opérateurs en situation de position dominante. C'est d'ailleurs cette voie qui a été choisie, par exemple, dans le cadre de l'implantation d'un multiplexe Gaumont à l'Aquaboulevard. En attendant la modification de la législation, je n'hésite pas non plus à user de mon pouvoir de recours contre certaines décisions.
Parallèlement, un guide d'information destiné aux élus est en voie d'achèvement. Il pourra donc être diffusé très prochainement.
J'ai souhaité également renforcer les aides financières destinées aux salles indépendantes, qui bénéficieront, en 1998, de 20 millions de francs supplémentaires dans le cadre du compte de soutien sélectif.
Que ceux qui s'interrogent sur le devenir du Palais du cinéma se rassurent. C'est un projet auquel je tiens beaucoup, et il sera réalisé. Le Gouvernement doit encore rendre très prochainement des arbitrages en matière de grands travaux sur Paris, et c'est à la suite de ces arbitrages que la décision définitive sera connue. Mais ni le principe de la réalisation de ce grand projet, qui date de 1993, ni la perspective de le réaliser dans des délais proches ne sont remis en question.
Concernant la valorisation du patrimoine cinématographique, vous avez souligné l'importance de l'enveloppe destinée au plan nitrate et le travail accompli tant par les services des archives du film du CNC que par la Cinémathèque française pour retrouver les oeuvres et les restaurer. Je souhaite que ces efforts contribuent à une meilleure diffusion des oeuvres, que ce soit sous forme de cassettes ou de copies accessibles au public, ou grâce à la création d'un réseau national de salles associées à la Cinémathèque. Ce serait une bonne façon de lancer et de soutenir l'initiation cinématographique.
En ce qui concerne le patrimoine rural non protégé, je rappellerai un chiffre. Au chapitre 66-20, les autorisations de programme prévues vont être portées de 32 millions de francs à 35 millions de francs. Nous maintenons donc l'effort en faveur de ce type de patrimoine.
Par ailleurs, la Fondation du Patrimoine - projet que j'ai trouvé bien en difficulté en prenant mes fonctions - inaugurera son premier chantier le 18 janvier prochain.
J'en viens aux enseignements artistiques et à la politique du livre, sujets qui ont été évoqués par plusieurs intervenants.
S'agissant de la lecture, ma priorité est véritablement le public jeune. En effet, c'est dans les classes, que ce soit dans les zones d'éducation prioritaires ou dans les zones rurales, que l'on peut engager des parrainages de classes, par exemple, et un travail à long terme.
Nous avons décidé de soutenir de façon plus importante les relais-livres en campagne, services polyvalents liés à la lecture, mais incluant également l'accès aux nouvelles technologies. Plusieurs projets sont en cours. Nous signons ces jours-ci les premières conventions, qui seront financées, en 1998, sur des crédits déconcentrés.
Plusieurs actions seront également menées en faveur des publics éloignés du livre, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les prisons. Nous apporterons notre soutien à l'ouverture de services d'accès à Internet et à la formation à ces techniques à un public le plus large possible, notamment au sein des bibliothèques.
S'agissant des crédits liés à la lecture, il faut replacer les crédits directs, que vous avez évoqués, dans l'ensemble des dépenses consacrées aujourd'hui au livre et à la lecture.
Avec une augmentation de 1 % et un peu plus de 1 milliard de francs de crédits, l'action en faveur du livre et de la lecture représente pratiquement le quart des crédits d'intervention, en raison du poids de la dotation générale de décentralisation.
Il faut en effet, pour être juste, compter dans la capacité d'intervention du ministère la dotation générale de décentralisation, qui représente un effort considérable sur le plan financier, avec une évolution à la hausse qui nous permet de déclencher les nouvelles initiatives.
L'enseignement artistique est véritablement l'une des clés et l'une des orientations que nous devons développer.
J'ai souhaité consacrer l'année 1998 à un travail approfondi sur un projet de réforme des enseignements artistiques en liaison avec l'éducation nationale, et ce dans l'ensemble des disciplines. Simultanément, nous voulons réformer les formations spécialisées. En effet, à mon avis, nous devons assurer aux professionnels des métiers culturels une formation initiale et un droit à la formation continue et, dans certains cas, à la réinsertion professionnelle dignes de l'effort de formation qu'ils ont consenti au début de leurs apprentissages.
Par conséquent, s'agissant des métiers culturels qui dépendent de mon ministère, je pense que nous devons revaloriser l'ensemble des formations et améliorer la reconnaissance de celles-ci. Nous nous y consacrerons en 1998, ce qui supposera un gros effort de l'Etat sur le plan financier. Je compte bien justifier une part de la demande budgétaire pour l'exercice 1999, dès le mois de janvier prochain, sur la base de ce projet de réformes. Puisque vous avez beaucoup insisté sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que je pourrai compter sur votre appui déterminé.
La collaboration avec l'éducation nationale se développe bien. Je considère même qu'il faut, avant d'envisager des textes de loi, commencer par agir et par développer les projets de façon très concrète, afin de convaincre les personnes réticentes. En effet, cela permet d'avancer beaucoup plus rapidement ensuite.
En ce qui concerne les intermittents du spectacle, nous devons, puisqu'il s'agit de professionnels, appliquer intégralement les conclusions du rapport Cabanes. Nous nous y sommes en effet engagés. Il a été fait référence au projet de loi qui viendra en discussion devant le Parlement au printemps prochain et qui prévoit la création de la licence d'entreprise de spectacles. Les réticences des petites compagnies à cet égard proviennent surtout, je pense, d'un manque d'explication et de compréhension, car cette licence ne crée d'empêchement ni quant à leur liberté de programmation ni quant à leur activité.
En revanche, comme le guichet unique, comme le croisement des fichiers sociaux, elle permet de lutter contre les entreprises du spectacle que je qualifierai d'« illégales », contre la concurrence déloyale et contre aussi, parfois, le travail illégal.
J'en viens à la problématique fiscale des associations, question à laquelle je vous sais très sensible, monsieur Renar. Elle concerne d'ailleurs aussi, au-delà du secteur de la culture, les domaines du sport et de l'action sociale.
Le problème tient souvent au fait que l'assujettissement des associations à la TVA entraîne juridiquement leur assujettissement à la taxe professionnelle et à l'impôt sur les sociétés.
Un expert en fiscalité, mandaté par le Gouvernement, étudie actuellement les issues envisageables.
Par ailleurs, j'ai demandé au Premier ministre, qui attend évidemment le résultat de cette expertise pour trancher, que le spectacle vivant, qui peut aujourd'hui bénéficier d'une exonération de la taxe professionnelle à hauteur de 50 %, voie cette exonération passer à 100 %.
Mon collègue Dominique Strauss-Kahn vous a d'ailleurs récemment annoncé que, comme je le lui avais vivement demandé, il suspendra les poursuites dans l'attente du rapport de l'expert. Ce sera à mon avis une très bonne chose pour sortir des contentieux qui existent aujourd'hui.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. D'un mot, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais encore une fois vous exprimer toute ma gratitude. Votre décision sera pour moi non seulement un encouragement, mais aussi l'expression de votre volonté de voir ces crédits respectés et non gelés,...
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Voilà !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. ... afin d'évaluer et d'expertiser le résultat des actions qui pourront être menées grâce à votre vote. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

ETAT B

M. le président. « Titre III : 184 432 629 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 406 669 629 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ETAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 438 490 000 francs ;
« Crédits de paiement : 369 541 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 263 040 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 130 488 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

Communication

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant présenté analyses et chiffres dans mes deux rapports écrits, je me bornerai, à cette heure, à quelques réflexions sur la presse, d'abord, sur l'audiovisuel, ensuite.
Dans un monde saturé de messages et d'images, la presse quotidienne française doit faire face à de grandes difficultés, en dépit de l'aide que lui apporte, au nom de la défense du pluralisme, l'Etat, deux entreprises publiques et les collectivités locales.
Si cette presse n'en a plus le monopole, elle continue d'être le symbole de la liberté d'expression.
Aujourd'hui comme hier, la presse doit rester fidèle à son éthique.
Aujourd'hui comme hier, il lui faut assurer l'équilibre économique de ses entreprises.
On se trouve là au confluent de deux logiques : la première, longtemps privilégiée en France, tend à soumettre la presse à un mode de régulation politique, faisant prévaloir les considérations d'égalité et de pluralité sur celles d'efficacité économique ; la seconde, dominante dans les pays anglo-saxons, est une logique de marché, où le bien public résulte non de l'intervention de l'Etat, mais du libre jeu des initiatives individuelles.
Les risques du mode de régulation à l'anglo-saxonne nous sont connus. Ils résident moins dans la subordination de la presse aux intérêts économiques que dans un réel appauvrissement culturel résultant de la loi des grands nombres. Par son accumulation quasi infinie, l'information résiste mal à la tentation de la surenchère. Dans une société en quête de spectaculaire, elle instaure un système de relativité généralisée, qui finit par estomper la frontière entre le vrai et le faux, l'important et l'accessoire. C'est ainsi que la démocratie pourrait être fragilisée par les conséquences des difficultés auxquelles la presse quotidienne doit faire face.
C'est pourquoi le projet de budget pour 1998, tel qu'il arrive de l'Assemblée nationale, n'est pas totalement rassurant. Au-delà des déclarations d'intention, il y a les faits. La presse continue de vivre sous perfusion budgétaire : plus de 8 milliards de francs d'aides publiques en tous genres lui sont consacrés, sans que l'efficacité en soit vraiment garantie.
En présentant les crédits d'aide à la presse, vous avez affirmé ceci, madame la ministre de la culture et de la communication : « Pour la presse écrite, nous faisons clairement le choix d'un plan de développement de la presse quotidienne. » Au Sénat, nous sommes bien évidemment majoritairement favorables à cette orientation. Toutes les formes de presse ont leur importance ; mais, s'il faut faire des choix, s'il faut se donner des priorités, celle de la presse d'information s'impose, eu égard à son importance pour la démocratie.
De plus, vous avez déclaré qu'il fallait rompre avec la logique de compensation des charges au profit d'une logique d'incitation à la modernisation.
Sur ce point également, nous sommes majoritairement d'accord avec vous et, lorsque je dis « majoritairement », je n'envisage évidemment pas les clivages politiques et je vise l'ensemble de notre assemblée.
Le Sénat attend maintenant de connaître les propositions des groupes de travail en cours de constitution, souhaitant que ces groupes puissent formuler des propositions claires, efficaces et que celles-ci soient suivies de décisions puis de réalisations.
Je m'exprimerai maintenant sur un sujet précis, celui de la taxe de 1 % sur le hors médias, au nom de M. le président de la commission des finances qui me l'a demandé et en mon nom personnel, pour souhaiter que le Gouvernement et le Parlement trouvent l'équilibre pour la nouvelle taxe entre, d'une part, les redevables et, d'autre part, les bénéficiaires.
Fort heureusement, madame la minsitre, mes chers collègues, le débat n'est pas clos ; il va se poursuivre tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous serons donc heureux, madame la ministre, de connaître les intentions du Gouvernement en l'instant et compte tenu des décisions qui ont été prises tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, souhaitant que nous puissions aboutir à un équilibre conforme à l'esprit initial d'un projet de budget auquel j'avais, dès l'abord, apporté mon soutien.
Sur les crédits d'aide à la presse, je conclus donc que votre commission des finances a décidé, à l'unanimité, de vous proposer de les voter, mes chers collègues.
J'en arrive maintenant au secteur public de l'audiovisuel.
L'espace audiovisuel est désormais sans frontières et cet espace est ouvert sur le monde.
Or, dans sa croisade en faveur de l'exception culturelle, la France est isolée. Le renouvellement de la directive « télévision sans frontière » l'a bien montré et les récentes décisions que le CSA a été obligé de prendre le prouveraient s'il en était besoin.
De plus, dans sa lutte au sein de la concurrence internationale, la France est divisée. Au moment des grandes manoeuvres sur le numérique, les Français sont partis au combat en ordre dispersé alors que trop de chaînes publiques ont des vocations mal définies, notamment sur le plan international.
Les opérateurs privés sont eux-mêmes divisés. On a vu que les premières manifestations de la compétition entre bouquets satellites ont entraîné des surenchères pour l'acquisition de catalogues de films étrangers. Nul doute que cette concurrence franco-française - et le problème des droits en est une autre manifestation presque caricaturale - sera finalement nuisible à la diffusion de la culture française.
Enfin, si la France est isolée, divisée, la France est également, hélas ! aveuglée. Elle ne voit ni la puissance des forces économiques et sociologiques, qu'elle croit pouvoir endiguer, ni même que, sur son propore sol, les règles du jeu audiovisuel ont changé !
L'année dernière, on pouvait contester l'importance des recettes publicitaires et les dérives en résultant pour le budget de 1997 et pour les chaînes du secteur public, en particulier pour France 2. Plusieurs de mes collègues et moi-même étions alors intervenus pour regretter l'importance des ressources publicitaires.
A cet égard, le budget de l'audiovisuel - c'est non pas une critique, madame la ministre, mais une constatation - n'apporte guère d'amélioration en dehors de la décision que vous soumettez au Parlement d'augmenter la redevance de 5 % sans en modifier l'assiette.
En France, le secteur public de l'audiovisuel se trouve dans l'obligation d'appliquer une politique qui ne correspond pas aux missions qu'il tient du législateur, et ce sous de nombreux gouvernements et depuis de nombreuses années. Je n'en donnerai pas le point de départ pour ne gêner personne.
En fait, la seule variable d'ajustement des recettes est devenue, surtout pour France 2, le montant des ressources publicitaires et la seule variable d'ajustement des dépenses est devenue le montant du budget de programmes.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bonne formule !
M. Jean Cluzel rapporteur spécial. Cette situation est d'autant plus grave que, dans ce secteur, la mondialisation s'est produite plus rapidement, plus brutalement, plus totalement qu'ailleurs.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean Cluzel rapporteur spécial. Je considère, personnellement - et l'on comprendra que j'insiste sur le mot « personnellement » après le vote intervenu le 6 décembre 1996 dans cette assemblée - que seule la limitation des exonérations de redevance aux cas sociaux pourrait donner au secteur public les ressources dont il a besoin pour faire régresser la part de publicité, surtout pour France 2 mais également pour France 3, et échapper ainsi à une course à l'audience qui empêche nos deux grandes chaînes publiques généralistes de jouer pleinement leur rôle.
De plus, sachons bien que la France ne gagnera pas une bataille pour sa survie audiovisuelle à coups de règlements.
Nous savons également que, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la représentation du monde ne se transmet plus seulement par les parents, par l'école, par les églises ou par les livres, mais également par des conglomérats d'intérêts originaires des pays les plus puissants de la planète, qui veulent imposer leur manière de voir, leur manière de vivre à l'humanité tout entière. On songe aux groupes Bertlesmann et Kirch en Allemagne, à Ruppert Murdoch aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Asie, à Bill Gates et à sa panoplie de satellites. On pense également à Ted Turner et CNN, chaîne mondiale d'information en continu, dont l'influence et le rôle se sont imposés dès la guerre du Golfe, en 1991.
C'est ainsi, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que la télévision fait passer, en permanence, des messages qui, en raison de la puissance envoûtante de l'image, uniformisent d'abord les comportements puis la culture. En voici quelques exemples pris dans notre quotidien.
Premier exemple : dans l'adaptation d'un « Maigret » de Simenon, avec Bruno Cremer, le commissaire interroge un tenancier de bistrot parisien qui lui rétorque : « objection, votre honneur ! », comme dans les films policiers américains.
M. Maurice Schumann. C'est exact !
M. Jean-Claude Cluzel, rapporteur spécial. Deuxième exemple : lors d'un tournage dans un petit village du Centre avec un groupe d'enfants d'une école primaire, plusieurs se prénommaient Kevin, Sue Ellen, Christopher, notamment, au gré des séries de télévisions américaines passées quelque sept ou huit ans auparavant.
Enfin, dernier exemple tout récent, l'importance accordée, à Paris tout ou moins, à la célébration d'Halloween, avec sorcières et citrouilles ? Comment nier, dans ces conditions, que la télévision fasse passer des messages ?
Ajoutons un exemple de système de valeurs véhiculé par l'image : dans le générique de France 3 - Ile-de-France, en 1995 il est vrai , le monument historique illustrant la région parisienne n'était autre que, vous l'avez deviné, le château de Disneyland !
C'est pourquoi la mondialisation de la communication impose d'énormes efforts, si nous refusons - et nous le refusons - d'être absorbés par des cultures, des systèmes éducatifs ou, tout simplement, des moyens de connaissance qui ne sont pas les nôtres. Sinon, des réactions identitaires et nationalistes risquent de se faire jour. Là encore, la voie va devenir étroite, car la France risquerait d'avoir à choisir entre se soumettre aux impératifs internationaux ou sombrer dans le repli nationaliste.
C'est toujours le même débat de fond : veut-on ou non un secteur public qui constitue la deuxième branche de l'alternative - la seule, du reste - à ce scénario catastrophe ? Un certain nombre de pays, en suivant l'exemple des Etats-Unis, ont répondu négativement à cette question. La France et la plupart des pays de l'Union européenne ont choisi une autre voie qui consiste à équilibrer secteur public et secteur privé. C'est la seule qui puisse assurer le maintien de notre humanisme.
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Si l'on fait ce choix du secteur public - et nous l'avons fait tous ensemble - il faut donner à ce secteur les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions.
C'est en ayant pleinement conscience de cet enjeu que la commission des finances a pris la décision, à l'unanimité, de vous proposer le vote de ce projet de budget. Elle n'en sous-estime pas pour autant les lacunes - elle a bien entendu les critiques de nos collègues de la commission des affaires culturelles, qui sont du reste longuement analysées dans le rapport écrit - mais elle constate que ces lacunes ont des origines, qu'elles ont des effets, qu'il faut en rechercher les causes, et que ces causes résident dans des erreurs accumulées depuis tant et tant d'années sous des gouvernements de droite ou de gauche. Là encore, je ne donne pas de date et je ne cite pas de nom, pour ne gêner personne.
C'est, pour nous, une question d'intérêt général. Nous n'agissons pas ainsi pour satisfaire ou critiquer les uns ou les autres. L'intérêt général, pour nous, c'est celui de la France, celui de la culture de notre pays, de notre audiovisuel public.
Puisse beaucoup de sagesse - madame la ministre, je m'adresse particulièrement à vous - s'allier à beaucoup de détermination pour le prochain projet de loi sur la communication audiovisuelle. Puisse ce projet de loi permettre aux pouvoirs publics, Gouvernement et Parlement réunis, de mettre en place les structures et les moyens nécessaires à notre secteur public de l'audiovisuel afin que ce secteur remplisse correctement ses missions, toutes ses missions, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, s'il me fallait résumer le projet de budget de l'audiovisuel public d'une formule, ce serait par l'expression probablement un peu lapidaire : « une bonne occasion manquée ».
L'occasion, madame le ministre, vous avez su la créer et je vous en donne acte, c'est l'augmentation des crédits de 3,3 % par rapport à la loi de finances de 1997. Cette augmentation semble traduire une volonté de donner de l'élan à l'audiovisuel public. L'occasion, c'est l'augmentation sensible du taux de la redevance, décision courageuse qui paraît s'inscrire dans la même perspective. Notre rapporteur spécial l'a présentée comme l'une des solutions pour élargir la couverture par des moyens publics de la télévision publique.
Je n'insisterai pas sur ces deux points - ce qui est peut-être injuste - et je m'attarderai en revanche quelque peu sur l'autre volet de ma formule introductive, l'aspect manqué de l'occasion créée, afin d'expliquer le jugement défavorable que la commission des affaires culturelles a porté sur ce projet de budget.
L'an dernier, nous avions donné un avis favorable à l'adoption d'un budget plus difficile que le vôtre, car la restauration des finances publiques primait. Mais le gouvernement d'alors, me semble-t-il, avait tiré de ses faibles marges de manoeuvre un meilleur parti.
C'est ici que se situe le coeur de notre critique d'aujourd'hui : derrière la paille des augmentations, quelle sera l'évolution de l'audiovisuel public, quels horizons lui tracez-vous, en un mot, quel est le grain des réalités ?
Ce qui apparaît dans votre projet de budget, c'est une conception que je me permets de qualifier d'erronée. Je ne crains pas d'employer un terme un peu fort, car la cause est essentielle. Vous avez une conception erronée du sens et des missions du secteur public, une conception qu'aggrave à nos yeux un singulier manque d'ambition, de vision d'avenir.
J'ajoute que cette analyse est confirmée par la constatation, que nous sommes obligés de faire, de l'étonnant immobilisme du Gouvernement face à la nécessité de plus en plus impérieuse d'adapter la loi de 1986 sur la communication audiovisuelle aux bouleversements actuels qui secouent ce secteur.
Je reviens rapidement sur ces différents points en présentant une série d'observations qui vont illustrer mon propos.
Ma première observation porte sur la part relative des recettes publicitaires - cela a été souligné - et des ressources publiques dans le financement des chaînes publiques. C'est un critère important des ambitions de la programmation. Or le rapport évolue légèrement en faveur des recettes publicitaires. Sur quoi se fonde, dans ces conditions, madame le ministre, l'idée que vous avez développée devant les commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale que le projet de budget devait inverser la « spirale infernale » des années passées ?
Ma deuxième observation est que les crédits budgétaires affectés à l'audiovisuel public sont concentrés de façon accrue dans le budget de France 2 et dans celui de France 3, ce qui ouvre vraisemblablement la voie à des régulations déstabilisatrices pour la gestion de ces chaînes.
En revanche, ce risque est épargné aux chaînes estimables et attrayantes, mais périphériques au sein du secteur public, que sont La Sept-Arte et La Cinquième.
Un clivage fâcheux en résultera, me semble-t-il, entre une télévision de niche chargée des vertus du service public, à laquelle d'ailleurs vous avez réservé la qualification de « référence » du service public, et une télévision de masse - je pense à France 2 et à France 3 - implicitement vouée à l'alignement sur les chaînes commerciales privées. N'avez-vous pas l'impression, madame le ministre, que, de la sorte, vous risquez de miner peu à peu la légitimité de l'audiovisuel public ?
Ma troisième observation porte sur la redevance. Elle va augmenter sensiblement, nous l'avons vu, et je reconnais qu'il s'agit d'une décision courageuse, d'autant qu'elle correspond à la voie indiquée par M. le rapporteur spécial et consistant à limiter strictement les exonérations aux cas relevant de l'intervention sociale.
Toutefois, cette augmentation de la redevance est à mon sens déjà marquée du sceau de l'anachronisme. En effet, la véritable « spirale infernale », s'il en est, c'est précisément la diversification radicale des services et des équipements de réception que provoquera la numérisation.
Celle-ci rendra probablement bientôt obsolète le financement de la redevance, nous le pensons, nous le savons même. Or, aucune réflexion n'est actuellement menée, que je sache, sur le financement futur de l'audiovisuel public. Alors, hésitons à parler d'avancées, lesquelles ont d'autant moins de signification pour l'avenir que les idées d'avenir que nous attendions quelque peu dans ce projet de budget pour 1998 semblent faire défaut sur de trop nombreux plans !
J'en arrive au manque d'ambition que je crois avoir pu diagnostiquer et que nous devons donc dénoncer amicalement, madame le ministre. Ce sera ma quatrième observation.
Le projet de budget, à un moment crucial de l'évolution du paysage audiovisuel, ne prévoit aucune mesure d'importance pour accélérer l'adaptation de France Télévision aux exigences nouvelles de l'économie de la communication.
Certes, quelques mesures de modernisation sont prévues en faveur de La Cinquième et de l'INA, mais le degré de préparation des réalisations envisagées semble, s'agissant au moins de La Cinquième, difficilement justifier l'attention particulière que le Gouvernement porte à cette chaîne. C'est du moins l'impression que nous a laissé l'audition par notre commission du président de La Cinquième. Mais sans doute a-t-il poussé trop loin le sens de la modestie.
J'ai indiqué, en introduisant mon propos, que la vacuité du projet de budget face aux défis de la société de l'information trouvait sa contrepartie logique dans le temps considérable que le Gouvernement met à élaborer un projet de loi modifiant la loi sur la liberté de la communication, alors que l'urgence de certaines adaptations et la nécessité de combler certains vides juridiques ne sont mis en doute par personne.
J'étudie longuement ce point dans mon rapport écrit ; aussi, je me contenterai ici de citer un seul exemple, mais qui me paraît particulièrement préoccupant et, oserai-je dire, significatif.
La Cour de justice de l'Union européenne a rendu à la fin de 1996, on s'en souvient, un jugement aux termes duquel un service de télévision localisé dans un Etat membre et répondant aux conditions posées par cet Etat membre pour autoriser la diffusion peut obtenir sa diffusion dans tout autre Etat membre sans autre formalité.
A la demande du Gouvernement, le CSA a tiré les conclusions de cette jurisprudence en renonçant à conventionner les chaînes étrangères autorisées dans leur pays d'établissement et demandant leur distribution sur les réseaux câblés français.
Or vous n'ignorez pas, madame le ministre, que l'article 34-1 de la loi de 1986 dispose que les services non conventionnés pour un autre support ne peuvent être distribués sur le câble qu'après avoir passé une convention avec le CSA. Celui-ci va donc violer la loi sur vos indications !
Je trouve absolument consternant qu'aucun autre moyen de satisfaire à la réglementation européenne - et je pense à la modification de la loi, puisqu'elle est sans doute nécessaire - que la violation de la loi n'ait été préventivement utilisé.
Et puisque le choix a été d'ignorer la lettre de la loi, il aurait au moins fallu en respecter l'inspiration. Vous savez qu'un des premiers objectifs de notre législation de l'audiovisuel est de prévenir les atteintes à l'ordre public par le biais d'un média dont l'influence sociale est très considérable. Or voici les chaînes étrangères exonérées de tout contrôle préalable à cet égard.
En vous rappelant que l'ordre public reste une compétence exclusive des Etats membres, je vous suggère respectueusement, madame le ministre, de faire en sorte que la déclaration préalable que les chaînes étrangères devront faire au CSA soit expressément l'occasion pour celui-ci de vérifier la conformité du service demandeur à nos valeurs essentielles, et je ne parle pas là de la protection des industries culturelles uniquement ; je pense à des choses plus fondamentales.
Je terminerai en disant un mot de la restructuration de l'audiovisuel extérieur.
Vous savez que la distinction entre l'extérieur et l'intérieur n'est presque plus qu'une distinction administrative. Il faut absolument en tenir compte dans la réforme étudiée en ce moment, et faire en sorte que toutes les ressources de l'audiovisuel public soient mobilisées pour enrichir de façon concertée notre offre internationale.
Je salue, de ce point de vue, l'amendement présenté par notre rapporteur spécial, favorable à la création d'un fonds à l'exportation des programmes audiovisuels, et je partage avec M. Cluzel la conviction que nous avons une vocation particulière à nous opposer à l'hégémonie de la seule source qui s'impose aujourd'hui.
C'est pour toutes ces raisons que la commission des affaires culturelles a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public pour 1998.
Je souhaite que vous ne preniez pas cet avis comme une condamnation a priori d'une action qui a un peu de mal à se mettre en place, mais dont nous ne connaissons pas encore le déploiement futur. Je souhaite, madame le ministre, que vous considériez plutôt cet avis comme un rappel de l'urgence et un appel à l'action.
L'audiovisuel public aborde manifestement une nouvelle période de son existence. Il appartient à l'Etat de préciser ses horizons, ses moyens, ses stratégies. La communication audiovisuelle est en cours de bouleversement ; il faut sans plus tarder lui donner le cadre juridique précis et sûr que les opérateurs français attendent pour engager leur redéploiement.
Tels sont nos souhaits, et nous vous aiderons, madame le ministre, si vous les faites vôtres ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les aides directes à la presse inscrites dans le projet de budget pour 1998 diminuent de 1,03 % par rapport à la loi de finances de 1997. Les crédits passent, en effet, de 248,8 millions de francs à 246,3 millions de francs.
L'évolution légèrement négative des crédits d'aide à la presse pour 1998 s'inscrit dans une tendance au repli lancée avec le gel de 15 %, opéré en février 1996, gel dont, il convient de le rappeler, le Sénat avait partiellement rattrapé les effets lors du vote de la loi de finances pour 1997 en portant les crédits du projet de budget de 230,2 millions de francs à 248,8 millions de francs.
Vous nous direz, madame le ministre, quelle signification vous attachez à cette continuité. Si elle est due à votre souci de la bonne gestion des finances de l'Etat, je ne puis que vous approuver, si du moins votre projet de budget ne méconnaît pas l'indispensable contrepartie de la rigueur financière. Je pense naturellement au recentrage des aides de l'Etat au profit de la presse d'information générale et politique.
Ce recentrage a été inauguré les années passées, avec prudence, en particulier grâce au plan d'aide arrêté en mai 1995. Vous poursuivez le mouvement avec un certain dynamisme, il faut le reconnaître.
J'approuve cette orientation et j'insisterai sur deux conditions, fondamentales à mes yeux, de sa mise en oeuvre.
Je pense qu'il faut infléchir de façon très progressive la répartition des aides afin que la remise en cause du système ne soit pas excessivement traumatisante pour l'économie de certaines catégories de presse.
Je pense aussi, et surtout, qu'il faut une très grande cohérence dans la démarche, sauf à créer un climat de suspicion qui en rendra difficile l'aboutissement.
Je dois dire que votre projet de budget des aides à la presse me paraît trop partiellement satisfaisant à cet égard.
Je noterai tout d'abord quelques motifs de satisfaction.
Le premier concerne les aides au portage. Il en existe deux.
La première est la compensation des charges liées au portage des quotidiens nationaux. Le fonds correspondant augmente de 233 %, les crédits passant de 2,4 millions de francs en 1997 à 8 millions de francs. Ce fonds permet le remboursement de la totalité des charges sociales de portage des quotidiens nationaux. Il s'agit d'une mesure prise pour cinq ans dans le cadre du plan de réforme des aides à la presse décidé en mai 1995, que je viens de mentionner.
La seconde mesure d'aide au portage n'est pas limitée à la presse nationale. Un crédit de 45 millions de francs, en augmentation de 200 % par rapport à 1997, est accordé au fonds d'aide au développement du portage créé par la loi de finances initiale pour 1997 et dont les modalités de fonctionnement viennent d'être fixées.
J'approuve sans réserve ces fortes augmentations de crédits : le portage est une forme de distribution de la presse quotidienne dont les avantages sont bien connus. Il est justifié d'accentuer les aides dans ce domaine afin de favoriser la mise en place des moyens lourds, dont seule une partie de la presse régionale dispose à l'heure actuelle. J'ajoute que ces aides sont ciblées par nature, seule la presse d'information générale et politique étant portée.
Mon second motif de satisfaction est l'augmentation des aides à la presse à faibles ressources publicitaires. En 1998, le crédit du fonds d'aide aux quotidiens nationaux sera porté de 15,7 millions de francs à 19 millions de francs, ce qui représente une augmentation de 21 %. Le fonds d'aide aux quotidiens régionaux départementaux et locaux à faible ressources en petites annonces sera, quant à lui, maintenu à son niveau de 1997, soit 7,8 millions de francs.
Je suis en revanche plus que réservé sur l'évolution des crédits d'allégement des charges de télécommunications des entreprises de presse. Les crédits de 1998 diminuent de 47 % dans le projet de budget, s'établissant à 13 800 000 francs contre 26 400 000 francs en 1997.
Or cette aide intéresse particulièrement la presse régionale et locale en raison du nombre élevé de ses correspondants, 25 000 pour la presse régionale. J'ajoute que le champ d'application du dispositif a progressivement été étendu aux transmissions numériques de données éditoriales, ce qui a contribué à favoriser la modernisation de la presse et son adaptation aux nouvelles techniques.
Le Gouvernement a justifié le repli des crédits de 1998 en se fondant sur l'archaïsme supposé d'un système établi à une époque où le coût du téléphone était élevé. La diminution du prix des communications téléphoniques avec l'entrée de ce secteur dans la concurrence en 1998 implique donc, nous dit-on, la disparition progressive de ce système. Mais il s'agit d'une aide très concentrée sur la presse régionale et locale d'information générale et politique, ce qui correspond à la logique générale de réorientation des aides, et j'ajoute qu'elle favorise l'utilisation par la presse, en interne, des nouvelles techniques de l'information. Et ce n'est pas le fonds d'aide au multimédia, doté de 15 millions de francs, qui va sur ce plan compenser la perte de 13 milliards de francs d'allégement des charges téléphoniques.
Cette aide est donc loin d'être dépassée, et le pari de la diminution des charges téléphoniques me paraît un peu optimiste, et en tous cas prématuré, pour justifier un repli aussi important des crédits : ni la progressivité ni la cohérence ne me paraissent vraiment au rendez-vous !
Je suis moins critique à l'égard du remboursement à la SNCF des réductions de tarifs accordées à la presse.
Il s'agit de la principale aide directe en volume. Elle recule de 32,3 % par rapport aux crédits de 1997, pour s'établir à 95 millions de francs. C'est brutal, mais au moins a-t-on pris soin de ne pas dégrader les conditions tarifaires accordées pour le transport des quotidiens. En 1998, le taux de la compensation restera fixé pour eux à 70 % du tarif, le taux des autres publications étant abaissé à 22 %.
Je voudrais dire aussi un mot des aides indirectes.
Il s'agit essentiellement de la contribution du budget au transport postal de la presse, fixée à 1,850 miliard de francs, contre 1,900 milliard en 1997, chiffre prévu par le contrat de plan 1995-1997 entre l'Etat et La Poste. Une nouvelle grille tarifaire est entrée en application en mars dernier. Modulée pour avantager la presse d'information générale et politique, elle comporte cependant d'importantes augmentations de tarifs pour toutes les catégories. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment sur la cohérence de cette réforme, élaborée avant votre arrivée au ministère, avec votre propre démarche.
Je voudrais m'écarter un peu de l'examen du projet de budget pour évoquer très rapidement une initiative du Gouvernement qui me paraît intéressante.
Vous avez indiqué, madame le ministre, que le Gouvernement allait lancer un plan de développement des quotidiens, ainsi que des hebdomadaires locaux.
Je crois que l'intention est bonne, compte tenu des difficultés spécifiques et du concours de la presse quotidienne au fonctionnement de la démocratie. J'aimerais cependant en savoir plus sur vos intentions en ce qui concerne le prélèvement sur les investissements publicitaires dans le hors-média, qui doit financer ce plan, ainsi que les modalités d'affectation des recettes ainsi dégagées. J'aimerais en particulier savoir quelle est votre position sur l'insertion des agences de presse parmi les bénéficiaires potentiels des crédits. Je voudrais aussi avoir la certitude que la pérennité de la taxe n'annonce pas une débudgétisation des aides à la presse.
En fonction de ces observations, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de la presse pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et indépendants, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyens, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Madame le ministre, nous attendons avec impatience le grand débat que vous nous avez promis, je crois, pour la rentrée prochaine, sur la réforme de l'audiovisuel. En effet, on est pris par moments de vertige devant l'ampleur et la vitesse des évolutions techniques de ces dernières années dans le domaine de la communication.
C'est presque un lieu commun de le dire, mais, si l'on pense aux bouquets numériques, aux connexions sans fil, à Internet, aux localisations par satellite, aux réseaux d'ordinateurs, à la déferlante du virtuel et même au téléphone portable, on comprend que, devant cette explosion tous azimuts, il va être de plus en plus difficile de légiférer, même à court terme.
Je me demande si, régulièrement, il ne serait pas souhaitable que vous organisiez ce que j'appellerai de grandes assises de la télécommunication, au sein desquelles le point serait fait sur les grandes étapes à franchir, les précautions à prendre, les inflexions à donner, les textes à préparer, les lois à envisager, les conventions internationales à prévoir afin que ne soit pas laissé uniquement aux mains des chercheurs, de qualité d'ailleurs, ou d'industriels le soin de travailler, et ce en ordre dispersé.
Nous sommes devant une tâche fondamentale pour l'avenir de notre société, pour l'avenir de notre pays et pour notre démocratie.
Autant dans un passé relativement récent, nous pouvions imaginer les évolutions auxquelles nous assistions, autant ajourd'hui un futur relativement proche peut nous réserver encore bien des surprises.
Je pense toujours à cette phrase de Teilhard de Chardin, qui écrivait : « A l'échelle cosmique, toute la physique moderne nous l'apprend, seul le fantastique a des chances d'être vrai. »
Dans cette attente, et dans le cadre de notre discussion budgétaire, je me contenterai, madame le ministre, compte tenu du temps qui m'est imparti, de présenter quelques très brèves observations relatives, d'abord à la qualité des programmes, car on parle toujours beaucoup, dans cet hémicycle et dans les parlements en général, de technique, mais insuffisamment de politique des programmes ; j'aborderai ensuite rapidement le problème de l'aide à la presse écrite. Je le ferai de façon très modeste après le remarquable rapport - personne ne s'en étonnera, car cela est devenu une tradition dans cette maison - de notre collègue Jean Cluzel, et ceux de MM. Hugo et Gérard.
Je ne suis personnellement ni « un père la vertu » ni « un rabat-joie ». J'avoue que je serais plutôt du genre « bon public », et il m'arrive de prendre plaisir - je vais peut-être vous décevoir cher Jean Cluzel, vous qui êtes membre de l'Institut - aux émissions de prime time, d'animation et de pure distraction, car je n'oublie pas que la mission de la télévision est, non seulement d'informer, d'éduquer, mais aussi de distraire, et le bon peuple a le droit à la distraction.
Néanmoins, j'entends de plus en plus de gens me dire qu'ils aimeraient pouvoir regarder les documentaires, les émissions littéraires, culturelles ou de vulgarisation, mais qu'elles sont programmées trop tardivement. Je n'ai pas entendu cette plainte une fois, mais au moins cent fois !
Or, quand on la transmet aux responsables de nos chaînes, ils nous répondent presque automatiquement : « Voyez l'audimat, les audiences sont trop faibles. »
Nous entrons ainsi dans un cercle vicieux : comme les émissions sont programmées à l'heure où la plupart des téléspectateurs souhaitent se coucher, ce n'est pas demain que l'audimat sera meilleur !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. André Diligent. On en arrive ainsi, pour une raison fallacieuse à sous-estimer les capacités d'intérêt du public pour des oeuvres classiques ou de grande qualité.
Autant je tiens à rendre hommage au professionnalisme de la direction de France 3, qui obtient des résultats particulièrement probants - je le fais avec d'autant plus de conviction que je représente notre assemblée à son conseil d'administration - autant je ne peux me dissimuler que je souhaiterais de sa part une plus grande ouverture.
Je prends un exemple : cette chaîne vient de signer un contrat avec la Comédie française pour la diffusion d'un certain nombre de pièces de Molière. Cela répond à un souhait que nous nourrissions depuis longtemps. Pourquoi nos grandes scènes nationales, pour le théâtre, l'opéra, la danse, la musique, ne travailleraient-elles pas en partenariat constant avec cette télévision de service public, qui a la même finalité qu'elles ?
Malheureusement, j'ai déchanté parce que j'ai appris que ces pièces allaient être diffusées en seconde partie de soirée, c'est-à-dire à l'heure, je le répète, où la majorité des téléspectateurs éteignent leur poste. Il paraît, m'a-t-on dit, que Molière n'est pas fait pour le grand public ! (Exclamations.)
Alors là, je demande à voir... En ce moment, on joue à Roubaix Les Précieuses Ridicules de M. Jean-Baptiste Poquelin. La pièce est jouée avec un entrain endiablé par les Deschiens, qui, pendant une semaine, se sont produits devant un public, en délire, à guichets fermés.
Les grands classiques, lorsqu'ils sont de qualité - et ils sont généralement de qualité - sont tout à fait accessibles au grand public auquel il est nécessaire de montrer ces oeuvres.
Dans les premiers temps, la télévision affichait une grande ambition, nous nous en souvenons, celle de faire découvrir à nos concitoyens les richesses de notre patrimoine national. Où en sommes-nous sur ce plan ?
Si j'ai cité cet exemple, ce n'est pas seulement pour défendre les droits d'un public d'initiés, c'est aussi parce que je suis persuadé qu'une grande partie des téléspectateurs, pour peu qu'on le veuille vraiment, est tout à fait capable de se familiariser avec la fréquentation des grands classiques. Les nécessités commerciales ont fait trop souvent oublier cette mission initiale de la télévision de service public.
Je sais que ces problèmes ne vous laissent pas insensible. Aussi, je souhaite vous voir reprendre l'amendement qui a été adopté par le Sénat à la quasi-unanimité lors de la séance du 20 février dernier, amendement portant création d'un comité consultatif d'orientation des programmes. Ce souhait est depuis longtemps formulé par l'Association média-télévision-téléspectateurs, qui réunit à la fois l'Union des associations familiales, l'UNAF, et la ligue de l'enseignement,...
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Absolument !
M. André Diligent. ... ce qui est garant de sa crédibilité. J'ai remarqué, voilà quelques jours, que, à l'occasion d'une question orale, le président de l'Association des maires de France, M. Delevoye, soutenait un projet sensiblement identique.
Le comité serait composé de ce que l'on appelait dans le temps « les forces vives » - c'était un beau nom - et que l'on appelle maintenant, d'une façon plus ou moins heureuse, « la société civile ». Je ne vois pas où est la société incivile. (Sourires.) Y siégerait des représentants d'associations de téléspectateurs, du corps enseignant, de parents d'élèves, de mouvements familiaux, des professionnels de l'audiovisuel et du monde de la culture.
Un tel comité existait à l'époque de l'ORTF. Je me souviens des débats passionnés qui se livraient en son sein. On y trouvait des représentants de la culture populaire, mais aussi des membres de l'Académie française et de l'Institut.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Absolument !
M. André Diligent. Il n'avait qu'un pouvoir consultatif. La direction gardait une grande liberté. Mais on apprenait beaucoup de choses au cours de ces contacts trimestriels.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que, à l'occasion du projet de loi qui doit prochainement nous être soumis, vous réfléchissiez à ce problème. Je serais étonné, compte tenu de votre ligne philosophique, que vous ne repreniez pas l'amendement en question à votre compte ; je vous le cède volontiers.
Que l'on ne me dise pas, en tout cas, que le rôle que nous souhaitons attribuer à ce comité est assumé par les conseils d'administration. Ce n'est pas vrai ! j'en suis témoin. Un conseil d'administration n'a ni le temps, ni les moyens de remplir ce rôle. La question reste posée et vous pourrez compter sur le total appui du Sénat si vous reprenez cette idée.
J'en arrive au problème de la presse écrite.
Pour nous, la défense de la presse écrite, c'est à la fois la défense du pluralisme et celle de l'indépendance réelle des journaux.
Je formulerai deux observations.
C'est devenu une banalité que de constater que la plupart des télévisions privées et des journaux sont adossés à de grandes sociétés qui bénéficient amplement des marchés de l'Etat : je pense aux entreprises du bâtiment, de la distribution de l'eau, du traitement des déchets, etc. Je ne mets nullement en cause l'honnêteté des dirigeants de ces sociétés, mais il est clair que ce mélange des genres risque d'être dangereux pour la démocratie. Je vous laisse le soin de réfléchir sur ce point, non pas pour déclarer une guerre civile et montrer du doigt certaines personnes, mais simplement pour voir s'il n'y aurait pas des précautions à prendre.
Faut-il rappeler qu'aux Etats-Unis, souvent montrés du doigt comme les champions de l'ultra-libéralisme, la commission fédérale de la communication a institué des règles strictes pour éviter les monopoles. Dans ce pays, un groupe dominant dans la presse écrite n'a pas le droit de posséder une chaîne de télévision et vice-versa.
En 1979 déjà, un rapport Vedel, incontesté, mais resté lettre morte, fixait comme objectif prioritaire de préserver la presse de nouvelles concentrations et de nouvelles dépendances, afin de maintenir, voire de développer le pluralisme. Cet objectif est malheureusement encore tout à fait d'actualité.
Le rapport présentait différentes propositions, notamment la création d'une commission des opérations de presse garantissant pluralisme et transparence financière, le remplacement progressif des dispositions de l'article 39 bis par des prêts à taux réduit et l'aide à la création.
J'approuve entièrement, les propos de notre éminent rapporteur spécial, M. Cluzel, sur la dispersion de l'aide à la presse écrite, mais, si l'article 39 bis devait être maintenu, il serait, à mon avis, souhaitable que sa philosophie soit inversée. En effet, en réservant les aides qu'il prévoit aux entreprises dégageant des bénéfices, cet article enrichit les riches et creuse l'écart qui les sépare de celles qui gardent tout juste la tête hors de l'eau.
Une autre idée développée par les spécialistes de la presse française fait son chemin depuis près de quinze ans : la création de chartes rédactionnelles. Il s'agit d'une formule consistant en un contrat propre à chaque quotidien, signé entre les propriétaires, la direction, la rédaction en chef et l'équipe rédactionnelle, qui les engagerait et garantirait l'orientation philosophique ou politique du journal, ses références, le système de valeurs auquel il adhère, les règles qui s'imposent à tous, et donc le pluralisme.
Ces chartes sont d'autant plus nécessaires que le phénomène de concentration des titres et le développement des groupes de presse suscitent plus que jamais des inquiétudes.
On pourrait imaginer que l'octroi des aides publiques soit directement lié à l'existence de cette charte pour toute publication d'information politique générale : il en existe encore une quinzaine en France, qui ne demandent qu'à prospérer et à se développer.
Telles sont les observations que je souhaitais présenter, madame le ministre, à l'occasion de cette discussion. Je n'oserais affirmer que, au Sénat comme à la télévision, les prestations les plus intéressantes ont lieu à une heure tardive ! (Sourires.) On en aura sans doute la preuve tout à l'heure en écoutant nos collègues, mais j'espère que la mienne aura au moins retenu votre attention.
Je dirai en conclusion que deux sortes de dangers nous guettent dans le domaine de l'audiovisuel.
On l'a vu, l'incroyable évolution de la technologie risque d'entraînter une sorte d'anarchie planétaire. Il suffit de penser aux multiples problèmes que pose déjà l'utilisation d'Internet.
Dans la presse écrite, c'est au contraire une sorte d'uniformisation de la pensée - il y a quelques temps, on dénonçait déjà le « politiquement correct » - qui peut provoquer son hyperconcentration.
Décidément, je pense que se vérifie la pensée de Wells : « La civilisation est une course entre éducation et catastrophe. » C'est plus que jamais vrai à l'époque de la communication. (Applaudissements.)
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la communication qui nous est présenté ce soir laisse voir, non pas une catastrophe, mais une progression de 18 milliards de francs, soit 3,3 % d'augmentation, par rapport à l'an passé.
On nous annonce également une augmentation de 5 % de la redevance.
On nous dit aussi que ce budget de l'audiovisuel devrait rétablir un équilibre entre publicité et redevance et mettre ainsi fin à une « spirale internale » - je vous cite, madame le ministre - qui conduisait le service public à sa perte.
Ces annonces ont, il est vrai, de quoi nous réjouir.
Toutefois, en analysant ce projet de budget, on constate qu'il est malgré tout frileux et manque un peu d'ambition, notamment pour l'audiovisuel public.
Mes éminents collègues MM. Cluzel et Hugot viennent d'en faire une critique exhaustive, que j'approuve pour l'essentiel. Je ne la reprendrai donc pas, me contentant d'insister sur quelques points qui me paraissent significatifs du manque de consistance de ce projet de budget.
Que prévoit-on pour le financement de France Télévision ?
Nonobstant vos déclarations générales, madame le ministre, les recettes dues à la publicité, loin de diminuer, devraient progresser de 4,6 %. Vous dénonciez pourtant autrefois la trop grande part de publicité dans le financement de l'audiovisuel public.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Michel Pelchat. Où est donc la rupture annoncée ? Où est l'amélioration promise du service rendu au public ?
S'il y a une hausse de la redevance, ce n'est pas France Télévision qui en profitera puisque le montant de la redevance affecté à France 2 et France 3 diminuera de plus de 40 millions de francs !
La hausse des crédits de remboursement des exonérations de la redevance - 206 millions de francs sont promis pour 1998, contre 43,3 millions en 1997 - ne peut suffire, vous le comprendrez, à rassurer France 2 et France 3.
On sait très bien que Bercy tarde toujours à exécuter les décisions budgétaires. C'est pourquoi, madame le ministre, je doute fortement de la réalité, de ces remboursements qui, dans les faits, se révèlent souvent n'être qu'une « virtualité comptable », comme vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu.
De l'adoption de l'amendement de M. Le Guen à l'Assemblée nationale, qui a opéré un transfert du produit de la redevance entre France Télévision et RFI - pour 200 millions de francs - je dirai que c'est une bonne chose. Il était en effet plus logique d'alimenter par la redevance France Télévision, dont les chaînes sont regardées par ceux qui paient cette redevance, et de soutenir par des crédits budgétaires RFI, qui est l'un des domaines de l'action audiovisuelle extérieure de la France et relève donc, à ce titre, davantage du ministère des affaires étrangères. On aurait d'ailleurs intérêt, dans d'autres domaines, à clarifier ainsi les responsabilités de chacun.
Avec les crédits budgétaires, voulez-vous, madame le ministre, constituer des réserves pour France 2 et France 3 à la veille de nouvelles régulations, ou bien éviter que les chaînes du cinquième réseau - je veux parler de la Sept-Arte et de La Cinquième, qui sont, au demeurant, d'excellenes chaînes - ne soient « fragilisées » par la régulation budgétaire ?
Permettez-moi, madame le ministre, de m'interroger sur vos choix. Sont-ils les meilleurs ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous prévoyez que le développement régional de France 3 ne sera pas repris en 1998, alors que celui-ci est primordial pour cette chaîne ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous augmentez considérablement le budget de la Sept-Arte et de La Cinquième sans donner à ces chaînes les moyens juridiques de se développer puisque vous avez mis un frein au proccessus de fusion entre elles qui a été engagé voilà un an ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous déclarez vouloir vous donner encore le temps de la réflexion avant de présenter devant le Parlement un nouveau projet de loi sur l'audiovisuel, alors que, pour régler bien des problèmes, un texte est absolument nécessaire notamment en ce qui concerne le point que je viens d'évoquer ?
Il y a urgence, madame le ministre ! La télévision occupe une place beaucoup trop importante dans la vie des français pour qu'on la néglige !
Vous prévoyez plus d'argent pour l'audiovisuel public, mais quelle place laissez-vous au service public de l'audiovisuel dans les nouveaux modes de diffusion ?
Certes, dans votre budget, figurent 100 millions de francs pour les nouvelles technologies à travers l'Inathèque, la banque de données BPS et la radio numérique. C'est un bon début mais ce n'est pas suffisant, car rien n'est prévu pour la télévision. Aucune stratégie n'est envisagée pour France Télévision dans ce domaine. Or les enjeux de la révolution numérique sont considérables !
Il y a deux jours, j'étais à Rennes, au Centre commun d'études de télédiffusion et télécommunication, le CCETT. J'ai pu constater, une fois encore, l'importance du numérique hertzien, qui touche maintenant l'ensemble des secteurs de transmission. Or notre pays est très en retard par rapport à ses voisins dans l'exploitation de ce mode de diffusion. Je pense en particulier au Royaume-Uni, dont le dernier Broadcasting Act date déjà de juillet 1996, et qui s'est lancé dès cette année dans la télévision numérique hertzienne avec CTI, la filiale de TDF, qui a été choisie par la BBC comme diffuseur. C'est une bonne chose pour nous mais, en France, nous ne faisons rien dans ce domaine.
La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre présenterait pourtant de nombreux avantages, en particulier une multiplication et une diversification des services pour le consommateur et une gestion plus rationnelle des fréquences pour les pouvoirs publics. Il en va de même pour la diffusion multiplexée par micro-ondes, qui permettrait d'atteindre les régions les plus reculées, comme le Haut-Rhin, comme Strasbourg, madame le ministre ! (Sourires.)
Je ne parle pas du câble, qui est, lui, le parent pauvre de nos modes de diffusion ; nous en avons prix l'habitude ! Ne pourrait-on pas prévoir un plan de raccordement de tous les logements qui sont raccordables ?
Savez-vous qu'il y a actuellement seulement environ 3 millions de foyers raccordés au câble et que près de 4 millions de foyers seraient dès demain raccordables ? Pourtant, M. Jospin a bien dit, à Hourtin, que le câble devait être présent partout. Or, là où il est, on ne l'utilise pas.
Une utilisation à 100 % des infrastructures du câble donnerait, notamment, une bouffée d'oxygène aux chaînes thématiques, aujourd'hui asphyxiées, surtout si l'on en juge par les deux mauvais coups qui viennent successivement de leur être portés, du fait, d'une part, d'une décision du CSA et, d'autre part, du projet de réforme de la taxe CNC.
En effet, je le rappelle, le CSA vient d'annoncer que les chaînes thématiques étrangères voulant être reprises sur le câble en France seront soumises non plus au conventionnement mais au simple régime déclaratif.
Précisons que le CSA a affirmé prendre cette mesure « à titre provisoire », en attendant le projet de loi sur la communication audiovisuelle, qui ne devrait pas être présenté au Parlement avant le printemps 1998.
Cette décision empressée du CSA est d'autant plus étonnante qu'elle instaure une concurrence parfaitement déloyale entre les chaînes thématiques françaises, toujours soumises au conventionnement du CSA, et leurs homologues étrangères, bien que le Parlement ait adopté l'année dernière, à l'unanimité, une disposition tout à fait contraire.
Quant au projet de modification du régime de la taxe CNC, tel que vous l'avez présenté récemment, madame le ministre, et qui, je l'espère, sera discuté prochainement au Parlement, il prévoit la taxation des chaînes thématiques.
Or, comme je vous l'écrivais récemment, ces très jeunes chaînes - la plupart ont moins de deux ans -, au budget cent fois inférieur à celui des chaînes hertziennes, ont encore l'envergure de simples PME. Si elles réalisent, globalement, un chiffre d'affaires de 2 milliards de francs, il ne faut pas oublier qu'elles accusent 500 millions de francs de pertes.
Dans un marché en plein bouleversement du fait de l'arrivée du numérique sur les bouquets et les réseaux câblés, le secteur des chaînes thématiques demeure excessivement fragile. Aucune de ces chaînes, quasiment, n'est en mesure d'investir dans la production audiovisuelle, car leur chiffre d'affaires n'est pas suffisant.
Il paraît donc prématuré de les assujettir à une taxe dont elles n'auraient aucun retour puisqu'elles ne bénéficient pas, vu leur faible chiffre d'affaires, des aides provenant de cette même taxe.
Cette nouvelle taxe ne ferait que les fragiliser davantage, car les taxer dès leur montée en charge - à partir de 12 millions de francs de chiffre d'affaires - revient à repousser leur accession à l'équilibre et, par là même, leur capacité d'investir dans la production.
Comme vous l'avez dit vous-même, madame le ministre, les chaînes thématiques sont « l'avenir de l'industrie nationale de programmes ». Elles contribuent en effet très activement à la qualité et au pluralisme de l'offre de programmes auprès des téléspectateurs et recueillent d'ailleurs un succès grandissant auprès du public. Elles forment même actuellement le seul gisement de croissance de la production audiovisuelle française.
Aujourd'hui, il me faut malheureusement constater que leur avenir est bien assombri.
Pitié, madame le ministre, pour les chaînes thématiques ! Laissons-leur au moins une chance de se développer si on veut qu'elles aient des programmes de qualité.
Enfin, madame le ministre, faites-vous le bon choix lorsque vous augmentez la redevance sans accompagner cette mesure d'un projet ni même d'une réflexion sur la refonte du système de recouvrement, qui est totalement archaïque ?
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Michel Pelchat. Comme je le disais déjà l'an passé devant cette assemblée, le moment est venu pour nous de savoir si, dans le contexte de restructuration de l'audiovisuel public, nous décidons ou non de poursuivre le financement de l'audiovisuel public par une taxe affectée.
Le moment est même venu de savoir si nous maintenons un financement mixte de l'audiovisuel public, et dans quelles conditions.
D'aucuns disent et diront que le financement mixte ne saurait constituer un principe intangible. D'autres proposent et proposeront catégoriquement de supprimer la redevance au motif que cet impôt est archaïque.
Je ne partage pas ces points de vue, vous le savez, mes chers collègues. Si nous voulons garantir la pérennité d'un service public de l'audiovisuel, nous devons maintenir le paiement d'une redevance affectée représentant une part majoritaire du financement de l'audiovisuel public.
Cela étant, je considère que le système actuel de la redevance est totalement obsolète et qu'il faudra très prochainement le réformer.
En effet, la redevance est aujourd'hui assise sur les téléviseurs à tube cathodique, comme l'a rappelé tout à l'heure M. Hugot, associant un tuner et un moniteur. Or ces téléviseurs disparaîtront dans quelques années, pour être remplacés par des écrans plats et des tuners multi-usages dont la commercialisation a d'ailleurs déjà commencé dans notre pays ; même dans notre pays, devrais-je dire !
Dans un très proche avenir, il faudra donc modifier l'assiette actuelle de la redevance audiovisuelle ; sinon, elle disparaîtra, madame le ministre !
Je pense qu'une grande réflexion sur ce sujet devrait associer le Parlement et les professionnels du secteur, sous votre conduite.
Dans cette perspective de changement, je présenterai tout à l'heure un amendement d'uniformisation de la taxe qui va dans cette direction et qui constitue un premier pas vers l'avènement d'une taxe unique, dont l'assiette resterait à déterminer. Si ma proposition est adoptée, les recettes supplémentaires obtenues pour 1998 seront de l'ordre de 70 millions de francs.
Ces recettes supplémentaires permettraient notamment de réduire d'ores et déjà, à due concurrence, le montant de la publicité autorisée sur les chaînes publiques, dont on regrettait tout à l'heure l'importance.
A l'heure où la télévision payante connaît un véritable essor en Europe, en particulier en France, il est primordial de garantir une télévision publique de qualité et accessible à tous. C'est pourquoi il est indispensable qu'une évolution des missions du service public de l'audiovisuel soit décidée, afin de préserver l'identité de ce secteur, qui doit garder la base la plus large de téléspectateurs.
« Informer, cultiver, distraire », telle était la trilogie aux contours flous qui figurait néanmoins dans les cahiers des charges des sociétés publiques de l'audiovisuel lorsqu'elles furent créées en 1974. Depuis, l'Etat a toujours ajourné l'actualisation ou la redéfinition des missions de la télévision publique, et cela malgré plusieurs réformes successives tant des cahiers des charges que des dispositions législatives, sans compter les dizaines de décrets qui ont été pris à son sujet.
Aujourd'hui, le secteur public de l'audiovisuel est un vaste chantier car il doit s'adapter à un paysage concurrentiel en profonde mutation, tant en France qu'à l'étranger. La France a pris du retard, madame le ministre ! Nous devons le combler, et vite ! Les choses avancent sans nous !
Dans les prochains mois - je souhaite que ce soit avant le printemps -, dans le cadre de la discussion au Parlement de votre projet de loi sur la communication audiovisuelle, il nous appartiendra d'essayer de définir clairement la place de l'audiovisuel public.
C'est ce que j'attends depuis fort longtemps et c'est ce que j'espère plus que jamais.
Dans cette attente, ce soir, avec le groupe des Républicains et Indépendants, malgré de nombreuses critiques et réserves, je voterai le budget de la communication audiovisuelle, simplement pour tenir compte de l'augmentation de 3,3 % que vous nous proposez et qui est deux fois supérieure au taux de l'inflation prévu pour 1998.
Bien entendu, je sais que cette augmentation demeure très aléatoire, et c'est pourquoi, madame le ministre, l'administrateur de France 2 que je suis sera particulièrement vigilant quant à la réelle exécution de ce budget de la communication audiovisuelle, notamment des affectations budgétaires que j'évoquais tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bouquets numériques, MMDS, pay per view, services en ligne, Intranet, Internet et j'en oublie, d'autres viendront. Pourtant comme le rappelait récemment Dominique Wolton ; « l'accroissement des échanges ne garantit nullement une meilleure communication ».
Nous traversons cette révolution sans bien savoir quelles en seront les conséquences, ce que les lois du marché nous préparent et dans quelles mesures l'ensemble de nos échanges et de nos activités en seront profondément modifiés. L'écrit pourra-t-il résister ? Enfin, madame la ministre, nous traversons ces bouleversements sans bien savoir comment l'Etat et le service public y tiendront leur place.
Nous examinons aujourd'hui un budget qui nous réconforte. C'est un budget de reconstruction pour le service public de l'audiovisuel. Mais l'ensemble du secteur attend des réponses aux questions que pose ce nouveau paysage en ébullition. La très prochaine loi sur laquelle nous allons dès demain réfléchir est dans toutes nos pensées, même à l'occasion de l'examen de ce budget.
Ce budget restaure donc la place du service public. Comme nous l'avions dit l'année dernière, l'asphyxie financière et le recours forcé aux recettes publicitaires atteignent profondément les missions de notre télévision publique. Le petit écran a pénétré l'ensemble des foyers français ; il est devenu le principal vecteur d'informations. Il a été et reste une source essentielle de démocratisation de l'information et de la culture, mais il est aussi l'objet de critiques nombreuses qui accusent ses effets néfastes.
Mais, comme le dit encore Dominique Wolton ; « la télévision est actuellement l'un des principaux liens sociaux de la société individuelle de masse ». Aussi ne peut-on contester le rôle que le service public doit jouer dans le paysage audiovisuel français. Il doit contribuer au pluralisme, à la qualité et à la diversité des programmes ainsi qu'à combattre le cercle vicieux de la course à l'audience, qui conduit, en réalité, à créer les besoins plutôt qu'à y répondre.
Ce budget nous est présenté comme un budget d'étape. Mais c'est une étape décisive pour le secteur public de l'audiovisuel qui a particulièrement souffert des réductions budgétaires ces dernières années.
Le budget que nous examinons s'élève à 18 millards de francs. Il progresse de 3,3 %, ce qui représente 571 millions de francs supplémentaires. Cela se traduit par une augmentation du financement public des sociétés nationales de programmes, d'une part, et par la maîtrise raisonnable de la croissance des ressources publicitaires, d'autre part.
Que signifie concrètement cette évolution ? D'une part, la télévision publique sera plus à même d'assurer ses missions de service public. D'autre part, elle confortera d'autant notre industrie de programmes.
La présence de l'Etat relève non pas ici d'une conception abstraite et générale du service public, mais de la nécessité pressante d'endiguer l'importance des recettes publicitaires dans le financement de la télévision publique. Celles-ci seront maîtrisées cette année.
En effet, si les ressources publicitaires augmentent encore l'an prochain, cette hausse sera nettement inférieure à celle des années précédentes. Ainsi, en 1996 et en 1997, les recettes publicitaires ont respectivement augmenté de 20 % et de 9,5 %. Cette année, elles ne progressent que de 4 %. C'est encore trop peu et je ne doute pas que nous irons plus loin au cours des prochaines années.
L'effort supplémentaire de l'Etat a été permis par une hausse de 5 % du taux de redevance. C'est un choix que l'on peut discuter. Le monde satellitaire, en effet, justifiera-t-il encore le paiement d'une taxe ? Pour ma part, j'estime que le principe de la redevance doit perdurer parce qu'il constitue une ressource sûre pour la télévision publique et que cette dernière en a bien besoin. Par ailleurs, le taux de redevance français est le plus faible d'Europe après l'Espagne.
Permettez-moi simplement, tout comme M. Cluzel, de regretter la baisse importante du montant des remboursements d'exonération. Celle-ci s'élève en effet à 57,5 % cette année. C'est un manque à gagner important pour l'audiovisuel public.
Par ailleurs, il faut également souhaiter que ne soient pas annulés, cette année, les crédits provenant des remboursements d'exonération dont la part croît par rapport au produit de la redevance attribué à France Télévision.
Le financement public doit permettre à France 2 et à France 3 de développer leur mission de service public. France 2 a vocation à être une chaîne généraliste destinée à un large public ; France 3, quant à elle, doit et va pouvoir reprendre le développement de sa régionalisation.
Je suis, pour ma part, très attachée à l'existence d'une chaîne publique généraliste. Si la révolution numérique nous met face à la perspective d'une télévision spécialisée et thématique, je crois, quant à moi, à l'attrait des chaînes généralistes pour nos concitoyens.
Ces efforts budgétaires en faveur de la télévision publique seront d'abord destinés à servir l'une des grandes priorités de ce budget, à savoir les programmes. Ainsi, sur les 303,3 millions de francs de mesures nouvelles, près de 142 millions de francs seront consacrés aux programmes.
Pour France Télévision, le budget pour 1998 prévoit 101 millions de francs supplémentaires destinés à améliorer la qualité des programmes. Ces deux chaînes sont les plus sujettes à la pression publicitaire et à celle de l'audimat. Aussi, l'intervention de l'Etat en faveur des programmes y est-elle particulièrement précieuse.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : affimer que l'audimat est une contrainte ne revient pas à dire que seuls les mauvais programmes font de l'audience. France Télévision, en dehors de la concurrence qu'elle subit, a profondément vocation à toucher un large public. Et - faut-il le préciser ? - on peut faire de l'audience avec des programmes de qualité.
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, pour atteindre cet objectif, il est impératif de ne pas être constamment soumis à l'audimat et à l'interprétation qu'en font les régies publicitaires.
Pour La Sept-Arte et La Cinquième, le rétablissement du financement public était une urgence. Le budget précédent avait exigé d'elles des économies très importantes. En effet, l'anticipation de la fusion par la loi de finances, au mépris du rôle du Parlement, avait faussement justifié 140 millions de francs d'économies. Or, 60 % des dépenses de La Sept sont des dépenses de programme.
Le budget de La Sept augmente de 7,3 %, celui de La Cinquième de 6,7 %. L'importance des mesures nouvelles en faveur de ces deux chaînes est venue heureusement compenser la baisse plus forte qu'avaient subie ces deux budgets l'année dernière. Cela va se traduire par 44,9 millions de francs supplémentaires destinés aux programmes pour la Sept et par 7 millions de francs pour La Cinquième.
Le monde audiovisuel de demain fera de la détention de programmes la principale richesse. Aussi, je vous félicite de ces différentes mesures qui représenteront un soutien important pour l'industrie française de programmes.
Cependant, pour ce qui est de l'industrie de programmes, le problème de la circulation des oeuvres devrait être traité avec une attention particulière. Pour que les productions françaises soient présentes sur les bouquets numériques, la question des délais de diffusion devra impérativement être posée dans la nouvelle loi.
Par ailleurs, nous nous félicitons du soutien qui est apporté cette année au cinéma. Le budget du compte de soutien géré par le CNC augmente de 5,8 %.
Bien que nous en ayons débattu voilà peu de temps, je voudrais dire un mot du projet européen de fonds de garantie audiovisuel, destiné à soutenir la production. Celui-ci a récemment été rejeté à Bruxelles. Nous connaissons votre désir de voir ce projet aboutir. Nous vous soutenons dans cette démarche et espérons que votre ténacité sera couronnée de succès.
L'ensemble de ces mesures permettra de consolider la créativité de nos chaînes publiques et de les renforcer afin qu'elles affrontent le monde du numérique avec quelques chances de ne pas y perdre leur âme.
Dans le même ordre d'idée, je voudrais dire un mot des réformes structurelles qui sont attendues dans l'audiovisuel public. Celles-ci ne se contenteront pas de permettre des économies : elles créeront des synergies importantes. Ainsi en est-il de la holding France Télévision. Ainsi en est-il ou en sera-t-il - je ne sais plus bien comment le dire - de la fusion entre Arte et La Cinquième.
Permettez-moi de formuler une requête : si la fusion entre Arte et La Cinquième est aujourd'hui une réalité économique, elle n'est toujours pas une réalité juridique. Or, ce hiatus entraîne un certain nombre de difficultés pour ces chaînes. Ne pourrait-on pas accélérer le processus ?
J'en viens, à présent, à ce qui est au centre de nos préoccupations, à savoir la place du service public dans le monde satellitaire ainsi que dans le monde des nouvelles technologies et des nouveaux services. Il faut que le service public puisse tenir une place de choix dans ce nouveau paysage.
Tout d'abord, quelle sera la place de la télévision publique dans la diffusion numérique ? Nous espérons que le service public sera bientôt présent sur tous les bouquets. Nous pensons, en effet, que la télévision publique n'a pas vocation à être instrumentalisée dans une concurrence entre bouquets. Et, cela va de soi, le service public n'a pas non plus vocation à participer au capital d'un opérateur. Aussi, souhaitons-nous que le principe d'exclusivité du service public sur TPS soit rapidement remis en cause. Le service public doit être de droit et, à sa demande, repris en clair par tous les bouquets français.
C'est pourquoi je salue la diffusion de La Cinquième et de La Sept sur Canal Satellite. Je relève aussi avec satisfaction la décision de son président de maintenir la diffusion d'Arte en analogique pour l'Afrique du Nord. Par souci d'économie, le gouvernement précédent avait imposé le passage au numérique sans s'inquiéter des centaines de milliers de francophones qui allaient être brutalement privés de ces programmes.
Le monde audiovisuel, nous l'avons dit, fera une place de plus en plus importante aux chaînes thématiques. L'avenir du service public dépend donc de sa capacité à développer ce type de chaîne.
Les mesures nouvelles pour France 2 lui permettront, après la chaîne Histoire, de développer le projet Orphéo, chaîne consacrée à l'opéra et à la musique classique. France 3 pourra reprendre le projet de chaîne régionale différé l'année dernière en raison des coupes budgétaires.
Ces différentes chaînes ainsi que celles qui vont venir doivent-elles bénéficier de ressources publiques ? Les trois exemples cités me semblent être parfaitement dans la vocation du service public. Mais une réflexion sur les développements thématiques du secteur public dont les moyens financiers restent limités devra certainement être menée. Je me permets, à ce titre, de regretter qu'il n'ait pas été possible d'organiser la reprise d' Euronews.
Enfin, les nouvelles technologies promettent des changements importants auxquels il doit pouvoir s'adapter ou, mieux, dont le service public doit pouvoir profiter. C'est pourquoi nous nous félicitons des mesures importantes qui sont consacrées cette année à l'innovation.
Je dirai un mot sur la BPS. Le stock de programmes de la BPS, constitué de 3 000 contenus socioéducatifs, est consultable à la carte et représente un formidable gisement de programmes pour les enseignants, les formateurs ou les animateurs. Cette banque de programmes consultable sur le site Internet de La Cinquième deviendra un outil précieux et moderne pour la formation.
Ainsi, 22,5 millions de francs supplémentaires permettront à quatre cents sites, à deux cents centres sociaux et à deux cents établissements d'éducation de recevoir l'offre de la BPS. Les premières expérimentations qui ont lieu depuis février 1997 ont été concluantes. C'est 30 millions de francs que le président d'Arte-La Cinquième a décidé de consacrer, en 1998, au développement de cette banque.
Par ailleurs, nous nous félicitons du lancement d'un plan de numérisation des archives de l'INA ainsi que du centre de consultation du dépôt légal des programmes audiovisuels à la bibliothèque François-Mitterrand.
Enfin, grâce à l'augmentation des crédits publics, France 3 va pouvoir mener à bien la numérisation de ses rédactions et la mise en réseau de ses stations régionales.
Mais l'enjeu des années à venir sera certainement la capacité de l'Etat à réguler correctement ce secteur. Il le pourra en préservant les intérêts du secteur public et en faisant également en sorte que nos groupes privés puissent se développer en France et à l'étranger, ainsi qu'en préservant ou en réintroduisant le pluralisme.
Couper le cordon ombilical entre le pouvoir politique et l'audiovisuel public était le but de la première loi des gouvernements socialistes sur la liberté de communication ; c'est ainsi qu'est né le CSA, ou plutôt ses prédécesseurs.
Aujourd'hui, l'ouvrage doit être parachevé, en limitant les effets de la concentration verticale des groupes ou de trop hétéroclites diversifications.
Limiter l'influence dans les médias des groupes qui dépendent de la commande publique est certainement nécessaire. On voit bien à quels indéfendables marchandages cela peut donner lieu. Mais tout aussi importante pour le citoyen sera la garantie du pluralisme par une amélioration et un contrôle du fonctionnement du marché.
Ainsi, garantir l'accès aux programmes pour toutes les chaînes et, en particulier, celles du service public, est une nécessité. On pense aux droits sportifs et au cinéma, vitaux pour les chaînes. Le fait que deux groupes contrôlent en France la distribution et la production des oeuvres cinématographiques ne constitue peut-être pas la meilleure garantie de fluidité du marché.
L'article 18 de la loi de 1986, qui donne compétence exclusive au CSA en matière de concurrence, devra peut-être être revu, afin de mieux organiser la nécessaire interpénétration réciproque entre la régulation spécifique du secteur et la régulation de droit commun de la concurrence par le Conseil de la concurrence.
Je souhaite consacrer maintenant quelques instants à Radio France puis, plus généralement, à notre paysage radiophonique.
Le budget de Radio France est stable. La partie publique sera financée uniquement par la redevance à concurrence de 2,53 milliards de francs. Les recettes commerciales restent au même niveau qu'en 1997.
Radio France est le premier groupe radiophonique en France avec une audience cumulée de 27,1 % en 1996 ; cette situation est maintenue en 1997.
Vous avez, là aussi, madame la ministre, choisi de donner les moyens à cette société publique de préparer l'avenir en prévoyant 15 millions de francs de mesures nouvelles, dont 10 millions de francs pour développer la radio numérique et le DAB et 5 millions de francs pour l'amélioration de l'information. En tant qu'administrateur de Radio France, je ne peux que m'en réjouir.
Je m'interroge cependant sur la présentation du budget interne de cette noble maison qui attribue 8 millions de francs de mesures nouvelles à la nouvelle antenne « Le Mouv », dont le budget est porté à 27 millions de francs hors diffusion.
Plusieurs incertitudes planent encore sur ce programme destiné aux jeunes : d'une part, vous avez, madame la ministre, lancé une mission d'audit et, d'autre part, la même interrogation demeure quant aux fréquences disponibles pour l'éventuel développement de ce programme. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment ?
J'évoquerai maintenant brièvement le paysage radiophonique et son évolution. Je souhaite vous féliciter, madame la ministre, d'avoir permis, en contribuant à son financement, que l'audit du plan de fréquence ait lieu. Nous pourrons certainement y voir ainsi plus clair.
Cependant, au regard des premières attributions proposées par le CSA pour l'appel d'offres en cours, je m'interroge sur l'évolution de ce secteur.
On conforte la position en oligopoles de quatre opérateurs multiprogrammes. On a, en quelque sorte, remplacé les trois grands privés des ondes longues par quatre grands de la FM. Le rêve d'un paysage radiophonique où les opérateurs locaux autonomes et les opérateurs nationaux contribueraient à offrir un véritable choix à tout auditeur paraît s'éloigner.
Il me semble que l'on devrait réfléchir à une évolution de notre paysage radiophonique avec deux objectifs.
Le premier serait de garantir la présence sur le marché des opérateurs indépendants ; j'y reviendrai dans un instant à propos du fonds dit « Le Guen ».
Le second consiste à veiller à ce que les opérateurs ne proposent pas un produit monocolore et qu'ils soient en situation de concurrence loyale. Or, force est de constater que l'un de ces opérateurs ne contribue en aucune façon à cette mission essentielle des médias qu'est l'information. Des obligations en ce domaine devraient être, à mon avis, imposées à tout opérateur qui vise à l'obtention d'un réseau national.
Je dirai maintenant quelques mots du fonds de modernisation pour la presse, que vous créez, madame la ministre. Il me semblerait juste que ce fonds soit ouvert à tous les médias locaux d'information.
Le développement des médias locaux dans notre pays est en effet une nécessité, et ce ne serait que justice puisque ce sont eux qui pâtissent le plus du développement du hors média.
L'information locale intéresse de plus en plus nos concitoyens, comme en témoigne le succès des informations régionales de France 3 et celui de la presse quotidienne régionale, la PQR, qui continue à représenter 50 % du tirage total de la presse d'information politique et générale.
Télévisions locales du câble, télévisions locales hertziennes, radios indépendantes et presse quotidienne régionale sont toutes nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de notre démocratie. J'ai toujours considéré, pour ma part, qu'en fournissant des informations locales elles accomplissent en quelque sorte une mission de service public qui justifie l'intérêt et l'aide de la collectivité nationale.
Je soutiens totalement la démarche entreprise par M. Jean-Marie Le Guen et selon laquelle les imprimés qui ne sont que des supports de publicité doivent contribuer au financement des médias d'information. En effet, depuis de nombreuses années, le hors-média s'est développé plus rapidement que l'ensemble du marché.
Mais je souhaite attirer plus particulièrement votre attention, madame la ministre, mes chers collègues, sur ce qui se passe au niveau du marché publicitaire local. Ce sont 85 % des investissements publicitaires qui vont sur le hors-média, contre moins de 7 % à la presse quotidienne régionale, environ 3 % à la radio et 1 % à la télévision.
Par ailleurs, un tiers des investissements publicitaires français sont destinés à toucher des cibles locales, soit environ 50 milliards de francs, répartis eux-mêmes en deux moitiés inégales, la plus grosse venant d'annonceurs nationaux et la plus petite d'annonceurs locaux.
Il faut encore savoir que 91 % des annonceurs locaux investissent moins de 20 000 francs par an.
Tous ces chiffres me semblent avoir deux indications. D'une part, le hors média local, qui représente plus de 18 milliards de francs, ne sera pas touché par la taxe dite « Le Guen ». Or, 1 % de ce montant représenterait 180 millions de francs. D'autre part, les médias locaux, qui ont la plus petite part du marché publicitaire local et dont on connaît les difficultés, qu'il s'agisse des radios commerciales indépendantes ou des télévisions locales, ne toucheront rien. Ces derniers jours, nombre de ces radios et télévisions s'en sont émues auprès des parlementaires.
C'est pourquoi, je proposerai, la semaine prochaine, d'étendre le bénéfice du fonds à tous ces médias locaux.
Par ailleurs, il me semble qu'une réflexion sur l'enjeu que représentent les médias locaux pour parachever la décentralisation méritera d'être menée à l'occasion de la future loi sur la communication.
J'en viens, tout naturellement, aux aides à la presse.
La presse joue un rôle essentiel dans les démocraties pluralistes. Pas plus Internet aujourd'hui que la télévision hier ne peuvent remplacer la presse écrite. S'ils la menacent, c'est financièrement en captant ses ressources, et non pas parce qu'elle serait devenue inutile, superflue.
Au contraire, face à l'accélération et au foisonnement des informations venues des quatre coins de la planète, l'écrit laisse le temps et l'espace du recul de la critique et de la réflexion. Et notre société en a plus que jamais besoin, me semble-t-il.
Si l'aide de l'Etat à la presse reste une nécessité, il est aussi de sa responsabilité d'aider ce secteur à évoluer pour reconquérir ses lecteurs, comme vous l'avez très justement affirmé, madame la ministre.
Votre budget prévoit une stabilité et un léger redéploiement des aides au profit de la presse d'information politique et générale.
Alors que le précédent gouvernement avait, dans son budget initial, imposé des coupes claires, votre budget prévoit la stabilité des aides à la presse par rapport au budget rectifié de 1997. Le détail des chiffres ayant déjà été donné par MM. les rapporteurs, je n'y reviens pas.
Si personne ne conteste le bien-fondé de l'aide de l'Etat à la presse, on peut légitimement, devant l'importance des montants, s'interroger sur la transparence du système et sur son adéquation aux objectifs que l'on cherche à atteindre.
Je vous épargnerai une litanie de chiffres, et je n'en retiendrai que deux ou trois.
Si le chiffre d'affaires total de la presse a progressé de 1 % en 1996, celui de la presse nationale d'information générale et politique recule de près de 3 %, avec une baisse sensible de sa diffusion, la presse locale progressant, elle, légèrement, de 1,9 %.
Si la part de la presse sur le marché publicitaire national continue inexorablement à baisser - 47,3 % en 1996 contre 56,2 % en 1990 - les magazines représentent un tiers des investissements, la presse quotidienne régionale 20 % et la presse quotidienne nationale seulement 9,7 %.
Tous ces chiffres montrent clairement où doit porter l'effort : je veux, bien entendu, dire sur la presse d'information, plus particulièrement la presse quotidienne. C'est ce que votre budget commence à traduire. Je citerai deux exemples et ferai quelques suggestions.
Le fonds d'aide au portage est enfin mis en place, après bien des annonces restées sans suite du gouvernement précédent. Son montant, 45 millions de francs, est triplé par rapport à 1997.
Le nouveau « fonds de modernisation de la presse d'information politique et générale », créé par cette loi de finances, sera abondé par la nouvelle taxe de 1 % sur le hors média et sera maintenu tant que les objectifs n'en seront pas atteints. Je me permets de souhaiter qu'il ne conduise pas à un désengagement inverse de l'Etat. Je rejoins là le souhait du rapporteur pour avis, M. Alain Gérard.
Il me semble également que l'on peut se féliciter, compte tenu de la fragilité des entreprises de presse, de la décision du Sénat, rejoignant l'arbitrage initial du Premier ministre, de revenir sur la suppression des abattements fiscaux pour les journalistes.
Enfin, une réflexion sur le prix de la presse quotidienne devrait à nouveau être menée ; il me semble que les prix supérieurs à ceux des publications équivalentes à l'étranger sont l'une des raisons de l'évaporation du lectorat.
Il est également nécessaire d'aider ce secteur à évoluer. Là encore, deux exemples peuvent être relevés dans votre projet de budget.
Le premier, c'est le fonds d'édition multimédia géré par le CNC, qui est doté de 15 millions de francs pour 1998, alors que seulement 20 millions de francs sur cinq ans avaient été prévus par le précédent gouvernement.
La presse doit, comme elle avait su le faire pour le minitel et peut être plus encore, considérer qu'il ne s'agit pas d'un univers concurrent et qu'elle doit s'en saisir.
Le second exemple de cette nécessaire évolution que l'Etat doit aider concerne le plan social de la presse parisienne initié par un accord entre le syndicat de la presse parisienne et le syndicat du livre en 1992. Il est financé chaque année par l'Etat ; 13,2 millions de francs lui seront consacrés en 1998.
J'ajouterai un regret : aucune aide n'est prévue pour le lancement d'un nouveau journal. Un trop petit nombre de nouveaux journaux naissent et peu perdurent. Je salue d'autant plus les entrepreneurs qui, courageux, se lancent dans le secteur difficile de l'information. Mais à côté des PME innovantes que le Gouvernement envisage de soutenir, ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'un fonds pourrait aider les nouveaux journaux à atteindre le seuil critique ?
Je voudrais, enfin, saluer le maintien des aides à l'expansion de la presse française à l'étranger au niveau de 21,5 millions de francs, tout en regrettant qu'il n'ait pas été possible de rétablir une partie de l'amputation subie l'année dernière.
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur une aide qui ne grèverait sans doute pas de manière dramatique le budget de l'Etat mais qui serait, elle aussi, porteuse d'avenir.
La presse d'information manque avant tout de lecteurs, nous l'avons dit. Pardonnez-moi cette remarque digne de M. de La Palice, mais les lecteurs de demain sont les collégiens et les lycéens d'aujourd'hui.
Aider les jeunes à se familiariser avec la presse écrite d'information générale et politique est, à mon avis, aussi indispensable que de leur donner accès à Internet pour les préparer à leur vie de citoyen.
Là encore, le prix est, d'après les enseignants, un handicap. Peut-être pourrait-il y avoir une aide pour les achats par les établissements scolaires ?
Pour conclure ce long exposé, je voudrais évoquer encore le défi que représente ce qu'il est convenu d'appeler « la société de l'information » aussi bien pour la collectivité que pour tout un chacun et rappeler, avec François Mitterrand, que : « Le progrès n'a que l'âme de celui qui s'en sert ».
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les mutations technologiques imposent, dans le domaine de l'audiovisuel, des transformations tous azimuts qui nous contraignent à légiférer parfois dans l'urgence. Il est aujourd'hui difficile d'aborder les questions de la télévision hors d'un contexte qui mêle des enjeux de déréglementation, de libéralisation des marchés au sein d'un secteur où prévaut, pour l'essentiel, une visée très étroitement économiste et gestionnaire.
L'examen du projet de loi de finances pour 1998 laisse apparaître une augmentation des ressources du secteur public de l'audiovisuel de 3,28 %, qui est à mettre en regard de l'augmentation de 1,2 % de ce même budget l'an dernier.
Cette augmentation repose pour une très large part sur un accroissement du montant de la redevance de 5 %, ce qui ramène les dotations budgétaires proprement dites à une réduction de l'ordre de 34,1 %.
C'est la quatrième fois consécutive que ces dotations budgétaires sont en baisse, avec, d'ailleurs, le remboursement aux chaînes publiques de l'exonération de la redevance.
Il y a un risque, il ne faut pas se le cacher, à accentuer le désengagement de l'Etat dans un secteur pourtant en pleine mutation.
Lors de sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre soulignait la nécessité « de rééquilibrer le partage actuel entre les ressources publiques et les recettes publicitaires », et ce afin « d'encourager et de soutenir un service public fort et de qualité ».
Vous savez notre attachement et celui de nos compatriotes au service public de l'audiovisuel ; nous partageons donc les préoccupation du Premier ministre.
Cependant, je me permets d'insister sur la nécessité qu'il y aurait, selon nous, à aller encore plus loin dans le rééquilibrage entre ressources publiques et publicité. Ainsi, l'objectif fixé en termes de progression des recettes publicitaires pour 1998, qui est de 4 % pour France 3 et France 2, reste, en dépit d'une pause, encore trop élevé.
La recherche des recettes publicitaires contraint les responsables de nos chaînes à une course à l'audience dont nous connaissons tous les méfaits.
Outre le fractionnement des programmes, près de dix-huit minutes s'écoulent entre la fin du journal télévisé de vingt heures et le début des programmes en soirée. Cette quête de ressources « contamine » le contenu même de ce qui est diffusé ou oeuvre en faveur de la non-diffusion de telle ou telle programmation.
Il en est ainsi pour les oeuvres de fiction mais également pour des pans entiers de l'activité culturelle de notre pays - théâtre, concert, poésie - qui sont absents du petit écran ou programmés à des heures impossibles, maintenant, par exemple, comme l'a souligné avec esprit notre collègue M. André Diligent -...
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Très bien !
M. Ivan Renar. ... parce qu'ils ne sont pas porteurs de recettes publicitaires suffisantes.
Je souhaiterais abandonner le seul terrain des chiffres pour tenter d'aller plus au fond de la réalité de notre audiovisuel public.
Nous avons, en effet, une responsabilité politique particulière en matière d'audiovisuel public et peut-être serait-il souhaitable que la représentation nationale participe plus que par le passé à l'élaboration même de cette politique ; je pense bien sûr au Parlement, mais aussi aux élus locaux, aux associations de spectateurs, de téléspectateurs, aux artistes, etc., bref à tous ceux qui oeuvrent à l'enrichissement du lien social dans notre pays.
Certes, le CSA existe, mais il s'agit d'une instance de régulation. Prenons garde de ne pas nous dessaisir de ce que nous voudrions que soit notre audiovisuel, et le législatif n'en est qu'un aspect.
Une réflexion doit être engagée sur l'audiovisuel public. Un projet de loi est annoncé. Nous souhaitons que l'indispensable concertation soit mise en oeuvre rapidement.
Dans le paysage audiovisuel, souvent terne et quelquefois accablant, il y a heureusement quelques scintillements et on les trouve dans l'audiovisuel public. Ainsi, la progression de l'audience de France 3 est réconfortante, car le souci de la qualité semble être partagé par une majorité de nos conditoyens, et pas seulement en province.
Un certain nombre des projets novateurs de cette chaîne justifient d'ailleurs pleinement que nous y prêtions attention. Développement régional, ouvertures de nouvelles éditions locales appellent, selon nous, un effort budgétaire dans la durée.
Mme Danièle Pourtaud. Effectivement !
M. Ivan Renar. Cela étant, l'arrivée de nouvelles technologies appelle des moyens budgétaires supplémentaires mais aussi une autre approche du secteur audiovisuel. Je pense notamment au développement du numérique qui mêle technologies informatiques et images audiovisuelles. Faisons en sorte que, dans nos choix budgétaires, l'audiovisuel public ne soit pas le laissé-pour-compte d'une évolution devenue aujourd'hui incontournable.
Là aussi, on risque le pire et le meilleur. Le pire n'est pas certain même si, souvent, trop souvent, la technique pense qu'elle peut se passer de la pensée et qu'un jour les machines feront des films et que les ordinateurs, sans aucun doute, iront les voir. (Sourires.) Nous connaissons les avancées de La Cinquième, avec le développement de sa banque de programmes. Il va sans dire que France Télévision doit aussi y prendre toute sa place.
Notre pays ne manque pas de compétences audiovisuelles, notamment dans l'audiovisuel public. Des désengagements financiers successifs, mais aussi une absence de lisibilité politique de ce que nous souhaitons pour notre télévision ont pu conduire, ces dernières années, à un certain flottement.
Chacune des chaînes publiques se doit, sauf à disparaître, de garder et de promouvoir une ligne éditoriale originale ; la course, non pas à la qualité, mais à l'audimat entre telle ou telle chaîne ne peut qu'aboutir à de formidables gâchis et au nivellement par le bas.
Les restructurations doivent, pour réussir, être au service de cette différence et non pas être motivées par la recherche absolue de la seule économie comptable.
Le pluralisme, l'innovation, l'originalité, la promotion de notre culture nationale, mais au-delà de l'ensemble des cultures européennes, tout cela doit trouver un plein essor au sein de nos chaînes publiques.
Le petit écran est un instrument privilégié de cette « exception culturelle ». Les tentations sont grandes, ici ou là, de revenir sur certaines avancées en ce domaine.
Le récent sommet de la francophonie a permis le constat d'un certain nombre de nos manques. Radio France internationale et Radio France outre-mer, qui ont la charge du rayonnement de notre culture, appelle une attention budgétaire particulière.
J'en viens à l'aide à la presse écrite, que nous soutenons comme un instrument irremplaçable de l'Etat pour concourir au développement - parfois, hélas ! à son seul maintien - d'une presse écrite menacée de toute part, alors même que l'on sait son existence vitale pour notre démocratie. S'il est le plus pratique, le terme d'« aide » n'est d'ailleurs pas le meilleur, puisqu'il s'agit, en fait, d'un concours à l'exercice de la démocratie et de la citoyenneté dans notre pays.
La loi de finances pour 1997 avait réduit de 14 % les aides directes à la presse, de 24,9 % l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires et de 50 % l'aide à l'expansion économique de la presse française à l'étranger. Autant dire que l'on revient de loin !
Dans le projet de budget qui nous est soumis, l'Etat maintient son aide à hauteur de 246 millions de francs. Certains redéploiements sont prévus et l'on voit un renforcement notable de l'aide au portage.
Il convient de bien distinguer, au sein de l'ensemble de la presse écrite de notre pays, une presse économiquement stable, soutenue par des groupes capitalistes aux profits élevés et au fort rendement publicitaire, et une presse d'information générale et politique qui connaît de graves difficultés économiques, avec notamment la presse quotidienne, mais aussi les hebdomadaires locaux, auxquels je pense particulièrement.
L'amendement « 1 % » sur le hors média constitue, pour cette dernière, certes, une avancée, mais peut-être pourrions-nous aller plus loin,
L'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires est assise sur le produit de la taxe sur la publicité à la télévision. Sur le produit de cette taxe qui atteint, je crois, 60 millions de francs, seuls 30 millions vont aux quotidiens. Est-il inconcevable et serait-ce trop demander que la totalité de ce produit soit affectée à ces journaux ?
Le secteur de la communication tient une place prépondérante aujourd'hui dans l'économie des pays industrialisés, la part de ce secteur au sein de l'économie américaine est là pour nous le rappeler.
Générateur d'emplois, vecteur culturel, son immersion au plus près du quotidien de chacun en fait un formidable instrument de partage, partage de rêve, s'agissant de production audiovisuelle, partage de différences et de ressemblances aussi, que l'on ne doit pas laisser au seul secteur marchand.
A ce titre, madame la ministre, le projet de budget marque une étape.
Il y a place dans notre pays - l'histoire et le maintien d'un cinéma de qualité et riche de diversité en constituent un bon exemple - pour une production audiovisuelle de qualité, pour une presse davantage au service de la citoyenneté. Mais cela ne saurait se faire sans une intervention forte du pouvoir politique. Rappelons-nous l'intervention de Bill Clinton en faveur des autoroutes de l'information. Un tel dessein se profile dans le projet de budget qui nous est proposé. Mais nous devrons aller plus loin. Puisse le débat autour de l'audiovisuel, annoncé pour le début de l'an prochain, y contribuer.
Les synergies doivent être renforcées afin d'oeuvrer à la mise en place d'un grand service public, tout entier orienté vers le différence, vers la créativité, mêlant savoir-faire anciens - je pense à la SFP, par exemple - et connaissances nouvelles.
Nombres d'acteurs de l'audiovisuel public y participent. La convention collective de ce secteur est-elle réellement un frein au développement de l'audiovisuel public ? Nous ne le pensons pas. Sa disparition ne serait-elle pas la porte ouverte à la croissance de l'intermittence du spectacle ?
Les questions sont nombreuses. Nous devrons les apprécier dans leur globalité, en ayant à coeur de définir les objectifs et les missions de service public pour notre audiovisuel.
Nous resterons, pour notre part, au service de signes forts d'une politique dynamique et novatrice pour notre télévision, mais aussi pour la presse écrite, en ayant toujours en tête ce que disait le poète : « La parole n'a pas été donnée à l'homme, il l'a prise. »
M. le rapporteur faisait tout à l'heure appel à la sagesse du Sénat. Eh bien ! madame la ministre, nous ne serons pas sages et nous voterons votre projet de budget ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Madame le ministre, bien que vous sembliez en douter, notre groupe est attaché à un service public audiovisuel fort, pluraliste et conforté par une gestion saine et équilibrée.
C'est pourquoi nous avons approuvé la présidence commune à France 2 et France 3 et soutenu celle de La Cinquième et de Arte afin de favoriser les synergies et de donner un maximum de cohérence aux stratégies mises en oeuvre par les chaînes publiques.
Or, les déclarations que vous avez faites, madame le ministre, devant notre commission des affaires culturelles, m'ont profondément surpris. Vous avez affirmé que le précédent gouvernement avait malmené l'audiovisuel public et qu'il fallait redresser et rééquilibrer les ressources des chaînes publiques.
Vos amis ont, en effet, longuement critiqué par le passé la trop grande part de recettes publicitaires dans le budget de France 2 et France 3 qui risquait de placer les deux chaînes publiques dans une logique commerciale éloignée des préoccupations du service public.
Dans cette perspective, on pouvait penser que vous alliez réduire les objectifs publicitaires de ces chaînes et augmenter la part de financement public de l'Etat.
Quelle n'a pas été ma surprise de constater que vous stabilisiez la part des recettes publicitaires dans le financement du secteur public, et ce sans même essayer d'inverser la tendance à leur accroissement actuellement constatée !
Bien trop souvent, en politique, les mots sont éloignés des actes. Permettez-moi de considérer qu'en l'occurrence les records sont pulvérisés !
En outre, vous avez prétendu, devant notre commission des affaires culturelles, vouloir assurer la sécurité financière des organismes audiovisuels publics et, dans le même temps, vous abaissez la part de la redevance affectée à France 2 et à France 3 dans le montant des crédits publics qui leur sont consacrés. Vous exposez ainsi France 2 et France 3 au risque de régulation budgétaire ! En toute logique, vous auriez dû leur réserver la part de la redevance qui leur est actuellement affectée, car c'est une recette sûre.
Votre choix est d'autant plus incompréhensible que vous avez décidé d'augmenter le taux de la redevance de 5 %.
Vous me permettrez, une fois encore, de constater que, dès que le Gouvernement rencontre un problème, son premier réflexe est d'augmenter les prélèvements. C'est pourtant, non aux conséquences, mais aux causes qu'il faut s'attaquer !
Cette augmentation de la redevance, vous la justifiez en avançant qu'elle doit permettre au secteur public de ne plus recourir aux recettes publicitaires. Or, je le répète, la part de la publicité dans les ressources des chaînes publiques n'est aucunement réduite. Je conviens que cette diminution est un objectif difficile à atteindre. Mais il ne faut pas annoncer quelque chose, faire son contraire et, en outre, augmenter les prélèvements.
Soyez certaine, madame le ministre, que nous serons vigilants, notamment au cours de l'année prochaine, et que nous veillerons à ce que des coupes budgétaires ne viennent pas compromettre la qualité des programmes des deux chaînes généralistes qui, jusqu'à présent, l'audimat le prouve, se portent plutôt bien face à leurs concurrentes du secteur privé.
J'évoquerai maintenant les modes de fonctionnement des chaînes publiques et de la présidence commune.
S'agissant de La Cinquième et de Arte, il y a bien eu, de la part du président commun de ces deux chaînes, un effort de recomposition des structures. Cependant, ainsi que l'a fort bien exposé notre rapporteur pour avis, M. Jean-Paul Hugot, cet effort ne permettra pas de réaliser les économies budgétaires qui étaient attendues en 1997. D'où la situation financière difficile de ces chaînes.
En ce qui concerne la présidence commune à France 2 et France 3, je souhaiterais rappeler que son organisation est un véritable paradoxe et exige une réflexion approfondie, qui d'ailleurs a déjà été engagée par le précédent gouvernement.
En effet, l'Etat, unique actionnaire, ne nomme pas le président et ne peut pas plus le révoquer. En revanche, il est censé contrôler la gestion des deux entreprises publiques. Dans les faits, nous constatons qu'il n'exerce pas ses responsabilités d'autorité de tutelle.
L'expérience a également montré que le conseil d'administration n'exerce pas non plus de contrôle sur la présidence commune. Les récents scandales qui ont éclaté a propos des animateurs-producteurs ont particulièrement illustré ce fait.
De son côté, le CSA nomme le président commun aux deux chaînes, mais n'a pas légalement de pouvoir de contrôle sur leur gestion.
Le constat est clair : aucun contrôle ne s'exerce véritablement sur la présidence commune. Je pense qu'il n'est pas possible de continuer ainsi, et je souhaiterais connaître votre opinion sur ce dossier particulièrement important, madame le ministre.
Enfin, il me semble indispensable que vous nous confirmiez le dépôt rapide d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle. Cette question déborde sans doute le cadre de l'examen de votre projet de budget, mais il est frappant de constater à chaque instant, que, sur de multiples dossiers, l'adaptation de notre législation est nécessaire. Cela signifie non pas plus de lois, mais des lois adaptées aux besoins.
Ainsi, nous souhaitons connaître vos orientations s'agissant, notamment, du développement du câble, qui a tant de mal à émerger, du développement du numérique et des bouquets, de la nécessité absolue de faire cesser la cohabitation de plusieurs standards de décodeurs numériques, qui aboutit à une situation absurde.
De même, il faut revoir les compétences du CSA. Ainsi, la montée de la violence et de la pornographie sur nos écrans nécessite un peu plus qu'une simple signalétique, dont les effets sont bien aléatoires.
Enfin, concernant l'attribution des fréquences radios, un audit a eu lieu l'année dernière. Cela fait longtemps que ce secteur appelle une remise à plat et l'apparition de nouvelles règles. Quels choix allez-vous faire dans ce secteur, madame le ministre ?
Nous avions commencé l'année dernière l'examen d'un projet de loi qui visait à apporter un certain nombre de solutions. Madame le ministre, il est urgent d'en discuter pour ne pas « rater » notre entrée dans la société de l'information du XXIe siècle.
En conclusion, sur les budgets de la communication audiovisuelle, je tiens à saluer l'excellent travail effectué par M. Jean-Paul Hugot, dont le rapport nous a permis de mieux appréhender un budget toujours très complexe et, en même temps, essentiel pour notre société. S'agissant de la presse, j'approuve également totalement le rapport établi par M. Alain Gérard, qui a retracé et commenté de façon exhaustive les différents problèmes de ce secteur. Je m'en tiendrai à une seule question, celle de la déontologie des journalistes.
Vous avez annoncé, lors d'un récent colloque, que vous aviez demandé aux différents responsables de radios et de télévisions publiques de mettre en place, auprès de leurs principales rédactions, des médiateurs. Cela me paraît être une bonne idée, susceptible de répondre aux attentes et au mécontentement tant des auditeurs que des téléspectateurs.
Je souhaiterais donc connaître les modalités de mise en place d'une telle mesure, son coût et sa date d'application.
Vous avez également annoncé l'organisation d'une réflexion sur la formation des journalistes, remarquant que trop peu d'entre eux avaient suivi une formation initiale ou avaient participé à une formation continue, ce qui, sans doute, expliquait en partie les dérives constatées par rapport à l'éthique que leur métier exige.
Permettez-moi de penser qu'au nom de la liberté de la presse, que vous brandissez toujours si volontiers, mais que vous semblez avoir oubliée, en l'occurrence, le problème du respect de l'éthique doit trouver des solutions au sein de la profession, par exemple, par l'autodiscipline ou encore grâce à l'établissement d'une charte interne des usages.
Il ne me semble pas que ce soit à l'Etat d'encadrer le métier des journalistes !
Ce que j'appelle de mes souhaits, c'est que nos concitoyens disposent d'une information de qualité : c'est cela la responsabilité des journalistes !
Mes interrogations ainsi que celles de mes autres collègues montrent bien le manque de visibilité de votre budget, l'absence d'une stratégie cohérente et dynamique pour les deux secteurs de la communication, tout particulièrement pour l'audiovisuel public.
Madame le ministre, parce que votre projet de budget, tel que vous nous le présentez, affiche un taux de progression qui pourrait, en apparence, sembler satisfaisant mais qui est uniquement financé par un démantèlement de notre politique de la défense, parce que votre projet de budget ne présente aucune ambition pour notre pays sur le sujet si sensible de la communication, le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que refuser de le voter en l'état. (Applaudissements sur les travées du RPR.) M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ayant commenté ce projet de budget devant vos commissions, je consacrerai essentiellement mon intervention aux réponses aux différents intervenants.
Je voudrais, tout d'abord, remercier M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis d'avoir examiné dans le détail et commenté le projet de budget que je présente à la fois pour la presse et pour l'audiovisuel.
J'ai la faiblesse de penser - je l'ai dit devant la commission des finances et la commission des affaires culturelles du Sénat, ainsi que devant les députés - que ce projet de budget est bon, non seulement parce qu'il est en augmentation, mais aussi parce qu'il marque un véritable tournant dans la perception, dans l'appréhension et dans la prise de position de l'Etat face à un secteur en pleine mutation.
En effet, ce projet de budget marque une priorité à l'égard de la presse écrite - je remercie M. Cluzel, rapporteur spécial, et M. Gérard, rapporteur pour avis, de l'avoir souligné - grâce à deux mesures : d'une part, le maintien du système d'aide à la presse que nous connaissons maintenant depuis quelques années, avec, cependant, un accent mis sur certaines priorités, tels l'aide au portage et le développement du multimédia ; d'autre part, la mise en oeuvre du fonds proposé par M. Le Guen, qui permettra - je l'espère - d'abonder le fonds de modernisation de la presse écrite, notamment de la presse d'information politique et générale et des titres quotidiens régionaux ; cette presse fournit en effet quotidiennement à ceux qui la lisent actuellement, et qui devront être plus nombreux encore, demain, un mode d'information particulièrement précieux pour la démocratie.
Mais ces aides à la presse ne peuvent être conçues comme des compensations permanentes à des déficits d'activités économiques privées.
Je tiens à insister sur ce point : pour aider les entreprises de presse, il nous faut les encourager à prendre le tournant stratégique de la modernisation de leurs structures. Je constate en effet que, chez certains de nos voisins européens, les journaux sont moins chers, ont un meilleur équilibre budgétaire et connaissent une fidélisation de leurs lecteurs dans de meilleures conditions.
M. Michel Pelchat. La distribution !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Nous devons donc nous interroger sur le rôle des pouvoirs publics, sur la manière dont est organisée la chaîne de la presse, depuis la rédaction, la production, jusqu'à la distribution, sur la conquête de nouveaux lecteurs et sur les tarifs, qui doivent permettre à tous nos concitoyens, y compris à ceux qui ne disposent pas d'un revenu élevé, d'avoir accès à l'information. L'enjeu est important.
Pour moi, le secteur de la communication est un tout. Même si l'on a beaucoup parlé de la mutation de l'audiovisuel, avec la télévision numérique, les chaînes thématiques et les nouveaux services, c'est en fait l'ensemble du secteur de la communication, y compris celui de la presse écrite, qui est confronté à cette mutation.
Dans le cadre de ce projet de budget, j'ai souhaité bien marquer la mission du secteur de l'audiovisuel public.
Je considère en effet que, dans un paysage de plus en plus concurrentiel, le secteur public audiovisuel permet d'assurer une véritable régulation. Je ne crois pas en la morale du marché, lequel est principalement déterminé par la possibilité pour les entreprises de réaliser des profits. A partir de là, nous savons bien que, s'agissant d'informations, de programmes, d'influence culturelle, linguistique, mais en même temps de modes de vie - comme cela a été dit tout à fait justement, cela commence en effet par les comportements et cela continue par une influence culturelle déterminante - nous devons assurer l'indépendance, le pluralisme et la régulation de l'ensemble de ce secteur, tout en lui permettant de s'adapter aux nouveaux défis technologiques.
C'est la raison pour laquelle ce projet de budget marque un tournant. Il le marque non seulement par la proportion entre les recettes budgétaires, les recettes de redevance et les recettes publicitaires, mais aussi par l'importance du soutien accordé aux programmes et à l'innovation, avec comme vous avez bien voulu le rappeler, les projets, tels les programmes pédagogiques, à travers la BPS, la banque de programmes et de services et avec, le projet de l'INA, visant à valoriser le patrimoine audiovisuel de notre pays.
J'aurais souhaité présenter un document budgétaire beaucoup plus facile à lire. Dès ma nomination au ministère de la culture et de la communication, j'ai constaté que les crédits liés à la communication étaient traditionnellement éparpillés et qu'il était donc nécessaire d'opérer une synthèse pour parvenir véritablement à apprécier ce budget. Je remercie donc tous ceux qui, patiemment, se préoccupent de le comprendre, de le connaître, et j'espère qu'il nous sera donné de disposer, pour le prochain projet de budget, d'un document synthétique permettant de comprendre l'évolution des données chiffrées concernant l'ensemble du secteur de la communication. Ce serait à mon avis une façon de respecter le contrôle que doit exercer le Parlement sur les crédits publics.
J'entendais tout à l'heure l'un des intervenants évoquer le fait que l'Etat, qui est actionnaire, n'exerce pas son contrôle dans le secteur public audiovisuel. Je dirai que cela commence déjà par le contrôle des parlementaires sur le budget.
Nous devons apprécier ce budget dans toutes ses composantes que sont les crédits budgétaires, les comptes d'affectation spéciale et les aides indirectes. Or, la diversité des éléments contribue à une certaine opacité, notamment pour le public.
Nous sommes confrontés à une autre difficulté, avec l'éparpillement de la tutelle.
Il fut un temps où le ministère de l'information dépendait directement du Premier ministre et où l'information dans le secteur public était conçue comme la parole politique, issue du pouvoir politique. Cette époque est révolue.
Nous devons passer à l'étape suivante, qui consiste à garantir l'autonomie du point de vue du pouvoir économique et à éviter les effets négatifs de trop fortes concentrations, qu'elles soient verticales ou horizontales.
En effet, si nous souhaitons être capables d'un bon suivi, d'une bonne évaluation, d'un bon contrôle et d'une bonne capacité d'anticipation pour l'ensemble d'un secteur, il nous faut donner à l'administration de l'Etat les moyens de pouvoir conduire correctement son travail.
Ce point m'amène également à évoquer la nécessité de simplifier et de mieux organiser l'audiovisuel intérieur et l'audiovisuel extérieur. Nous menons actuellement une réflexion avec le ministère des affaires étrangères sur ce point, car nous mesurons bien, de part et d'autre, les difficultés. Nous voyons bien, avec l'apparition des chaînes thématiques, des bouquets satellites, des différents services passant sur de nouveaux supports de communication et de l'explosion numérique, à quel point cette limite est tout à fait précaire et en même temps de moins en moins pertinente, et qu'il faut considérer - je le dis d'emblée - le secteur audiovisuel ainsi que le secteur de la presse écrite, bref, tout le secteur de la communication, comme un secteur économique déterminant à part entière pour notre pays.
D'autres pays, comme les Etats-Unis, l'ont compris depuis longtemps. Il n'est pas forcément nécessaire d'imiter le modèle américain, car nous avons nos traditions et notre manière de voir. De plus, nous avons la faiblesse de penser que nous pouvons avoir des entreprises tout à fait performantes tant sur le plan technologique que sur le plan de la matière rédactionnelle et des programmes. C'est vrai, y compris pour le divertissement. En effet, il n'est pas du tout évident, mesdames, messieurs les sénateurs, de pouvoir proposer des divertissements de qualité en dehors des responsabilités et des charges du service public.
Il convient donc que nous puissions reconnaître cette part économique, source à la fois d'emplois et de recettes.
Je voudrais revenir sur quelques-unes des questions qui ont été abordées, et tout d'abord sur celles qui concernaient la presse écrite.
Je remercie très vivement M. Cluzel de son rapport écrit. L'ensemble des rapports qu'il a produits depuis plusieurs années constitue bien évidemment une source inépuisable d'inspiration.
Je répondrai tout d'abord sur le plan du soutien à la modernisation de la presse quotidienne et des aides à la presse.
Le plan de soutien à la modernisation des quotidiens et des hebdomadaires locaux trouve sa légitimité dans ce rôle particulier que joue cette forme de presse dans le débat d'idées, dans l'ouverture sur le monde, sur la société et sur le lien social. Il intervient alors que les entreprises doivent moderniser d'urgence leurs structures pour mieux répondre aux attentes et au pouvoir d'achat des lecteurs. La question est d'autant plus cruciale pour cette forme de presse qu'elle doit supporter des frais structurels - industriels, rédactionnels et de distribution - ainsi que des coûts sociaux particulièrement lourds.
Le plan de soutien sur lequel nous travaillons avec les représentants des quotidiens et assimilés prendra en compte l'ensemble de l'activité des entreprises, des études à la commercialisation, la publicité et la distribution en passant par la rédaction.
Des groupes de travail ont été mis en place pour avancer dans l'élaboration de ce plan de soutien.
Nous comptons, bien entendu, participer au financement de ce plan de soutien, et ce à travers le compte d'affectation spéciale lié à la taxe sur les investissements publicitaires hors média.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai éprouvé quelques inquiétudes à propos des amendements qui ont été votés par votre honorable assemblée, parce qu'ils ont considérablement réduit l'assiette de cette taxe et son produit global équivaut aujourd'hui au montant des aides traditionnelles accordées au portage. Pour un plan de soutien à la modernisation de la presse écrite, cela devient très peu. Il nous faudra, dans la suite de la discussion du projet de budget de la communication pour 1998, dégager une solution équilibrée susceptible, sans léser les intérêts de quiconque, d'apporter à la presse écrite les moyens d'assurer sa mutation.
Les problèmes qui se posent à la presse écrite sont aujourd'hui différents de ceux qui se posent aux radios ou aux télévisions locales. Les problèmes de structures ne sont pas comparables, ni même le cadre réglementaire et législatif.
Il convient vraiment d'accorder, pour une période donnée, en l'occurrence pour la durée du plan, c'est-à-dire quatre à cinq ans, une priorité à la presse écrite.
Si nous étendons le dispositif à un trop grand nombre de bénéficiaires, nous serons confrontés à une difficulté ; une distribution sporadique de moyens ne nous permettra pas de jouer notre rôle de soutien et de stimulation.
Les groupes de travail en cours de constitution travailleront à l'amélioration de la connaissance du lectorat, à la modernisation de la fabrication et de la diffusion, au financement du développement.
Le développement de la lecture, en particulier chez les jeunes, ne dépendra pas du plan de soutien et donc du financement par la taxe du 1 % sur le hors média. Cette opération, nous la financerons grâce au plan sur la lecture publique, qui concerne à la fois le livre et la presse écrite. Pour nous, la lecture est un tout, nous associerons donc la presse écrite à toutes les entreprises de soutien à la lecture publique.
En matière d'aides, nous avons l'intention, dès le printemps, d'étudier avec l'ensemble des formes de presse les évolutions souhaitables.
Le constat est simple : le volume global des aides est très important ; il n'a pourtant pas permis d'empêcher les rachats de titres par des industriels ou des groupes étrangers ; il n'a pas non plus permis d'assainir la situation financière des entreprises. Il faut donc rendre les aides plus efficaces et conforter ce secteur économique en ne se contentant plus de compenser ses déficits chroniques.
Voilà donc quelques-unes des réflexions que m'inspiraient les questions posées par les rapporteurs et par les différents orateurs qui ont évoqué cette question.
Concernant la taxe sur le hors média, l'assiette de cette taxe doit comprendre les imprimés adressés parmi lesquels figurent les mailing , les éditions publicitaires, les imprimés non adressés, les annuaires et les guides ainsi que la presse gratuite.
Sur tous ces points, il y a eu débat. Nous avons néanmoins souhaité réunir tous ceux qui participent aux travaux de l'observatoire de la publicité. J'ai participé à une rencontre qui rassemblait tous les professionnels et je leur ai expliqué ce qui allait se passer. Je préfère que les dispositifs soient connus avant d'être lancés, qu'ils soient mis en place de façon transparente et après concertation.
Il faut tenir compte du fait que les annonceurs, ce sont aussi des entreprises appartenant à tous les secteurs. Il ne faut pas leur donner le sentiment qu'il s'agit d'une pénalisation.
Néanmoins, un constat s'impose : la publicité dans la presse écrite est en diminution rapide, ce qui pose le problème de la survie de tous les titres de la presse quotidienne d'information politique et générale dans notre pays.
Concernant l'extension du bénéfice du fonds de modernisation aux autres médias que la presse quotidienne, la question a été posée, notamment pour les agences de presse.
Les agences de presse ne sont pas écartées, mais ce fonds ne servira pas à financer l'évolution de l'AFP. Si l'on considérait que l'AFP pouvait bénéficier des crédits de ce fonds, on ne pourrait pas résoudre le problème. Le financement du secteur public de l'information doit être fait par des crédits publics.
Je suis, bien sûr, sensible à tous les arguments qui ont été évoqués, notamment par Mme Pourtaud, et qui nous amènent à penser que nous ne pourrons consacrer les crédits liés au 1 % à la presse écrite que pendant une période temporaire.
Personnellement, je souhaite qu'une fois le plan de modernisation engagé, nous puissions consacrer les fonds récoltés au développement de l'information dans l'ensemble des secteurs, en particulier dans la nécessaire adaptation aux nouvelles technologies. Nous pourrions ainsi avoir une vision à long terme qui permettrait de répondre correctement aux problèmes posés.
En ce qui concerne les charges téléphoniques, l'ouverture de la concurrence nous a conduits à constater une multiplication des tarifs de la part d'opérateurs qui sont de plus en plus nombreux.
Un tel contexte rend difficilement praticables les demandes de remboursement de factures.
Les systèmes mis en oeuvre sont extrêmement compliqués et ils nécessitent une gestion lourde et coûteuse. Nous nous demandons donc s'ils sont les meilleurs possible.
Il convient dans le même temps de constater que, depuis que cela existe, c'est-à-dire depuis une quinzaine d'années, le poids des charges téléphoniques dans les coûts des journaux a considérablement évolué. Cette charge devrait être progressivement intégrée dans l'économie propre des titres, même s'il peut encore exister des compensations.
Pour ce qui concerne la réforme de l'aide au transport postal, les accords Galmot ont conduit à réduire la part assumée par La Poste dans le soutien à la presse, le système de calcul étant modifié en prenant en compte non seulement le poids, mais aussi la manipulation des titres.
Cette évolution doit se poursuivre. Sur cinq ans, la part de l'Etat restant stable à hauteur de 1,9 milliard de francs, la formule du ciblage conduit à limiter ces augmentations pour les publications d'information politique et générale. Une évaluation des résultats de cette réforme a été confiée à un observatoire. J'attends les premières conclusions pour envisager des évolutions éventuelles qui apparaîtraient nécessaires et qui permettraient de pallier les effets négatifs constatés.
En ce qui concerne maintenant l'audiovisuel public, il a été dit que le rapport n'était pas assez bon entre les crédits publics et les ressources publicitaires.
En réponse, je me contenterai de citer quelques chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs, et de relever que ce n'est pas moi qui ai fixé comme objectif une progression spectaculaire des ressources publicitaires en 1997 de 7 % pour France 2 et de 30 % pour France 3.
Le but, à mon sens, n'était pas alors de remplir des missions de service public, mais d'atteindre des objectifs commerciaux et de justifier en la compensant la baisse assez considérable des crédits publics.
A ceux qui évoquaient La Sept et La Cinquième, je dirai que le fait d'avoir anticipé la fusion et l'effet d'économie qu'elle induisait dès le budget de 1997 en réduisant les crédits de ces deux chaînes publiques de 140 millions de francs a remis en question l'équilibre financier de la chaîne. Il s'agit pourtant d'une chaîne culturelle européenne dans laquelle la France est engagée contractuellement à parité avec l'Allemagne, qui, elle, à continué de verser à la même hauteur ses crédits publics. Mais si cela s'était poursuivi, n'aurait-ce pas remis en question, tout simplement, un accord bilatéral, qui engage d'ailleurs également d'autres pays européens ?
Je crois que cette décision a été assez préjudiciable et je réponds à ceux qui me disent qu'il y a urgence : oui, il y a urgence, mais précisément, s'il y a urgence, ne mettons pas la charrue devant les boeufs ! Or, en l'occurrence, on a diminué les crédits avant de créer la structure.
Il y a, j'en conviens, urgence sur le plan du droit afin de donner une sécurité juridique à la décision qui a été prise, et sur laquelle je ne reviendrai pas, de fusionner La Sept et La Cinquième.
Pour ma part, ce que j'ai souhaité - vous voyez bien où est le changement - c'est restaurer les crédits tout en maintenant le projet de fusion et non pas voir perdurer une situation qui a été pénalisante pour les programmes des deux chaînes. Je souhaite tout simplement redonner à La Cinquième les moyens d'assurer la réalisation de sa grille et de développer les programmes pédagogiques, ainsi que le cahier des charges le stipule.
Je ne fais donc que respecter la décision de fusion qui a été prise et affecter les crédits qui sont nécessaires à l'application du cahier des charges des deux chaînes. Je tenais à insister sur ce point.
S'agissant du rapport entre les différentes recettes, je rappellerai quelques chiffres. Les ressources publiques représentaient 47,9 % du budget total en 1997 pour France 2 ; elles en représenteront 47,8 % en 1998. Pour France 3, les ressources publiques représentaient 60,7 % en 1997 ; elles en représenteront 60 % en 1998. Les recettes publicitaires représentaient 48,2 % pour France 2, en 1997 ; elles représenteront 48,2 % en 1998 ; et pour France 3, elles représentaient 30,5 % en 1997 ; elles représenteront 31 % en 1998.
Par conséquent, s'il est vrai que les crédits publicitaires augmentent pour l'année 1998, le budget global de France 2 et de France 3 augmente lui aussi. Il faut donc s'attacher au résultat et comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire les recettes publicitaires qui ont été collectées l'année dernière et celles qui le seront cette année.
Messieurs les sénateurs, lorsqu'un train à grande vitesse est lancé sur les rails, on ne l'arrête pas sur un mètre !
Je suis obligée de faire une étape, mais il n'est pas si facile de ralentir ce processus et, dans le même temps, de préserver l'équilibre financier des chaînes. Je me suis en effet engagée à ce que les chaînes ne soient pas en déficit. Or, ce n'était pas le cas pour France 2 à qui l'on avait supprimé 200 millions de francs de crédits.
M. Michel Pelchat. Budgétaires !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Des crédits budgétaires, certes, mais ils ont été supprimés !
Par conséquent, il fallait commencer par se préoccuper de redresser la situation financière de cette chaîne dont tout le monde s'est accordé à dire ici qu'elle était fondamentale, ce que je pense également.
J'en viens à la répartition entre la redevance, les recettes de publicité et les crédits budgétaires.
La redevance permet d'attribuer en 1998 2,3 milliards de francs à France 2 et 3,3 milliards de francs à France 3.
La publicité représente 2,5 milliards de francs pour France 2 et 1,7 milliard de francs pour France 3.
Les crédits budgétaires, dont on a beaucoup parlé ici et que certains, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, ne jugent pas bon d'attribuer à ces deux chaînes publiques, représentent, pour l'une comme pour l'autre, 103 millions de francs.
Comparativement aux 2,3 milliards de francs et aux 3,3 milliards de francs provenant de la redevance, on constate que la part des crédits budgétaires est minime. Devant la volonté et l'engagement du Gouvernement - je l'ai dit et répété devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs - de ne prendre aucune décision qui mettrait l'ensemble des chaînes d'information du secteur public en déficit, je m'interroge.
Prenons l'exemple de RFI, qui diffuse l'image de notre pays et l'information que la France peut apporter non seulement aux pays francophones, mais également à un certain nombre d'autres, qui sont d'ailleurs heureux de capter cette radio. Est-il plus justifié d'accorder la redevance au secteur public, qui est déjà assuré par ailleurs de bénéficier de fortes ressources ?
Dans le cas de RFI, le budget n'a pas augmenté, puisqu'il a fallu cette année rattraper son déficit. Ne faut-il donc pas assurer une ressource et répartir ce que représente l'effort porté par nos concitoyens en matière d'augmentation de la redevance ?
Pour moi, en effet, il n'y a pas une partie du service public à l'intérieur de l'Hexagone et une autre en dehors. Le service public est un tout et je le réaffirmerai dans la prochaine loi sur l'audiovisuel.
L'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens qui paient cette redevance est d'avoir accès à une information de qualité et d'avoir un secteur public - qu'il s'agisse de la télévision ou de la radio - à la hauteur de leur attente et de leur effort financier. C'est cela que nous devons évidemment mettre en oeuvre et réussir.
S'agissant toujours des moyens, des critiques ont notamment été émises sur le projet de taxation des chaînes thématiques par la loi de finances rectificative de 1997.
Je sais que ces chaînes sont en développement, d'où le projet d'instaurer une taxe allégée. Mais il en faut une dès maintenant car, vous le savez, pour être efficace, une taxe doit être créée suffisamment tôt. En effet, il faut un certain délai entre sa création et le moment où l'on commence à en récolter le fruit.
J'ai également veillé à ce que les productions réalisées pour ces chaînes reçoivent des subventions majorées pour aider à leur décollage. Cette nouvelle que j'ai annoncée récemment a été fort bien perçue et comprise par les professionnels qui se lancent dans ce secteur.
C'est parce que nous souhaitons que ces chaînes présentent et produisent des programmes de qualité que nous avons élaboré une réforme du mode de taxation.
L'assujettissement à la taxe est aussi la condition à l'accès au compte de soutien, accès que les chaînes thématiques n'ont pas aujourd'hui. Nous avons souhaité remédier à cette situation et, en même temps, anticiper en adaptant les modalités de taxation à la situation particulière de ces chaînes thématiques.
Parallèlement, le compte de soutien sera aménagé pour que les productions lancées sur l'initiative des chaînes thématiques bénéficient d'un soutien majoré.
Voilà qui devrait améliorer la situation et permettre aux chaînes thématiques de se développer et de se lancer rapidement dans la réalisation de programmes.
J'en viens à la télévision numérique terrestre. Je suis d'accord avec vous, cette nouvelle technique ne peut être ignorée. Je voudrais simplement indiquer que la France est actuellement le pays en Europe où les nouvelles chaînes se développent le plus vite grâce au succès des deux bouquets numériques : Télévision par Satellite, TPS, et Canal Satellite. C'est une particularité française. Plus de 500 000 foyers se sont équipés au cours des six derniers mois. Ce succès est envié à l'étranger, c'est du moins ce qui ressort des réflexions que j'ai entendues.
On ne peut pas donc dire que l'audiovisuel numérique est à la traîne. Il a mis peut-être un peu plus de temps à démarrer, mais il se développe aujourd'hui très vite. Nous pouvons, et nous devons poursuivre.
En fait, dans les années quatre-vingt, parallèlement au lancement du câble puisque la question s'était posée, on a créé Canal Plus, la Cinq, M 6...
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Bien sûr !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Les décisions prises alors visaient à développer rapidement la diffusion hertzienne, mais l'effort n'a pas pu être poursuivi jusqu'au bout.
Vous avez évoqué la nécessité qu'il y a de raccorder tous les logements là où le câble existe. Je vous rappelle que j'ai été la première élue locale de France à prendre une telle décision, dans la ville dont j'étais le maire, notamment avec l'idée que les logements sociaux devaient bénéficier des mêmes services et des mêmes développements que les autres, et dans la perspective d'une communication interactive afin de pouvoir disposer de fibre optique qui rendrait cette communication possible.
Nous sommes aujourd'hui également parmi les premiers à disposer d'un accès à Internet par le câble et à tous les développements possibles, notamment dans le cadre du plan multimédia du Gouvernement, qui permettra d'inciter les établissements de formation à s'équiper.
Si je vois bien quel est l'avantage du câble, je sais aussi qu'il serait extrêmement difficile aujourd'hui de relancer dans notre pays un plan câble aussi lourd que celui qui avait été lancé à l'époque.
Il nous faut analyser, en particulier dans le cadre de la loi, les différentes formes complémentaires de diffusion liées à l'évolution et au développement des supports.
Il a été dit que la redevance devenait une vieille dame et qu'elle n'était donc plus adaptée à un audiovisuel caractérisé par la convergence des technologies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis clairement, je suis opposée à la suppression de la redevance. Nous devons donc ensemble réfléchir à son adaptation afin de pouvoir l'étendre aux différents supports qui transmettent des images et des services et qui représentent les services audiovisuels classiques et transformés dont nous disposons aujourd'hui et que nous aurons encore demain sur des écrans de télévision.
Même si la redevance est une source de recettes significatives, il importe de réfléchir à son évolution, à la modification de son assiette, à son adaptation aux nouvelles technologies, comme nos prédécesseurs l'avaient fait en 1949 en prenant acte du développement de la télévision.
En quelque sorte, nous sommes confrontés exactement aux mêmes questions et aux mêmes défis. Je souhaite simplement que nous mettions en oeuvre cette même capacité à anticiper sur l'avenir de l'ensemble de ce secteur.
M. Diligent a beaucoup insisté sur le comité consultatif des programmes. Je vous rappelle que deux organismes semblables ont existé, le Haut conseil de l'audiovisuel, qui a été remplacé en 1982 par le Conseil national de la communication audiovisuelle, créé en même temps que la Haute Autorité. Il était également composé de forces vives et comprenait sept collèges de sept personnes. Il a été supprimé par la loi sur l'audiovisuel de 1986.
Faut-il réintroduire le CNCA ? Pour ma part, je suis ouverte à toutes les propositions. Cela étant, la qualité des programmes nécessite un effort d'expression, des exigences qu'il appartient à l'Etat de déterminer dans le cahier des charges, sans oublier la possibilité de consulter les téléspectateurs. Ils peuvent en effet faire part de reproches ou de remarques sur des problèmes de déontologie, qui ont été récemment évoqués à l'occasion d'un colloque consacré à l'autodiscipline organisé par Reporters sans frontières.
Monsieur le sénateur, je n'ai jamais cherché à imposer une charte ou un code de déontologie aux professionnels. Les questions déontologiques appartiennent à la profession, aux personnes qui exercent le métier de l'information. Je l'ai dit très clairement dès le début, l'Etat n'a pas à se substituer ou à imposer un code. C'est normal, sinon ce serait aller à l'encontre du sens de la responsabilité que les professionnels de l'information exercent et en même temps de la reconnaissance de cette responsabilité.
Toutefois, je dois faire un constat : aujourd'hui, avec le recours accru aux pigistes et à des personnes sans formation adéquate - ce sont les journalistes eux-mêmes qui me l'ont dit - il serait sans doute utile que nous aidions au développement de formations qui relèvent alors, comme pour d'autres métiers, de la responsabilité commune des pouvoirs publics, des entreprises de presse et des professionnels. C'est en ce sens que je travaille puisque je vais très prochainement créer une table ronde sur la formation.
J'ai demandé que les entreprises publiques créent une fonction de médiateur dans leur média. C'est nécessaire si l'on veut connaître l'avis des téléspectateurs et prendre en compte les conflits et les désaccords qui peuvent exister. On constate que là où interviennent des médiateurs, il y a un véritable profit à tirer de leur présence.
Tout à l'heure, j'entendais dire que le Gouvernement ferait preuve d'immobilisme. Je le répète, il faut mesurer l'urgence, mais il ne faut pas agir dans la précipitation. Nous devons proposer une loi susceptible de rassembler - j'insiste vraiment sur ce point - le Gouvernement et le Parlement, pour établir des bases juridiques nouvelles permettant d'adapter le secteur de l'audiovisuel dans son entier aux défis qui lui sont lancés.
C'est la raison pour laquelle je ne veux pas avancer sur ce point sans prendre le temps nécessaire à l'élaboration, à l'examen et à l'expertise. Je m'en tiens, cependant, aux délais qui ont été fixés par le Premier ministre, puisque je serai en mesure, le 7 janvier 1998, de faire une première communication au Gouvernement sur les grandes lignes du texte qui sera déposé à la fin du mois de mars pour examen en conseil des ministres, et donc dans la foulée, au Parlement.
Je respecte donc les délais qui sont d'autant plus raisonnables que je ne pouvais pas reprendre la loi qui était en discussion lorsque j'ai pris mes fonctions. En effet, elle ne répondait pas aux règles que vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez de rappeler : la concurrence, la nouvelle régulation économique, la transparence, le pluralisme, l'indépendance à l'égard du pouvoir économique, l'organisation du secteur public. Tous ces sujets n'étaient pas complètement traités dans le projet de loi. Il m'a semblé nécessaire de répondre à cette attente dans l'intérêt de l'ensemble du secteur, dans un but de clarification des responsabilités publiques, en particulier vis-à-vis de l'audiovisuel du secteur public.
Telle est l'orientation que je me suis fixée : pouvoir répondre à ces défis.
Bien évidemment, je me livrerai à la concertation nécessaire, notamment avec les parlementaires qui sont très compétents en la matière. Leur avis me sera utile.
J'évoquerai un dernier point : la SFP.
Je remercie M. Renar d'en avoir parlé, car j'aurais déploré qu'il ne soit rien dit sur ce que je considère comme l'un des problèmes les plus brûlants et les plus difficiles parmi ceux auxquels je suis confrontée. Ce n'est pas récent, c'est une vieille histoire. En fait, l'exemple à ne pas suivre, c'est de prendre des demi-mesures qui ne permettent pas de trancher tout en garantissant la pérennité du secteur public.
La question à laquelle j'ai été confrontée est bien celle-ci : privatiser ou assumer les responsabilités de l'Etat ? J'ai estimé, pour ma part, que les responsabilités de l'Etat ont été assumées cahin-caha pendant quinze ans. Il fallait bien que l'Etat continue à les assumer, mais cette fois correctement en stoppant le processus de privatisation et en remettant à niveau la capacité de production de la SFP avec son chiffre d'affaires, ce qui est la condition de sa pérennité.
Ce sont des décisions difficiles à prendre, mesdames, messieurs les sénateurs, car il faut pouvoir les faire comprendre aux personnels.
C'est aussi de ma responsabilité que de pouvoir engager une action avec une entreprise qui reste le témoin d'une performance, d'un savoir-faire et d'une culture dans des métiers qui ont été exercés avec excellence, mais qui ne disposaient plus d'un marché suffisant.
Il en est découlé une sorte de dépression. Cette société a été embarquée, malgré les efforts des présidents successifs et en dépit des abondements financiers. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un choix difficile à opérer. J'ai défendu ma position à Bruxelles. Je continuerai à la défendre parce que je crois qu'il y a une place, dans un marché ouvert à la concurrence, pour une entreprise qui continue à appartenir au secteur public.
La culture de service public est un atout. Certains pays commencent à entendre notre argumentation sur l'exception culturelle. Dans le cadre des négociations de l'AMI, le Gouvernement français a demandé une exception générale sur la culture et sur l'audiovisuel en spécifiant tous les secteurs concernés afin que l'on ne puisse pas contester sa demande sur la base de sa généralité.
Je constate qu'un nombre croissant de pays nous rejoignent. Je ne peux pas, comme je l'espérais, vous annoncer que le fonds de garantie est enfin accepté par le conseil des ministres de la culture, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Suède s'y étant opposés. Je peux toutefois vous dire que nous continuerons d'essayer de convaincre. Il n'y a aucune arrogance dans le plaidoyer de la France sur l'exception culturelle, mais nous savons qu'il ne peut pas y avoir de monde solidaire sans un humanisme compris, ce qui suppose que l'on respecte l'identité culturelle de tous les habitants d'un pays.
Si l'audiovisuel, si l'information sont confrontés au développement de proximité, c'est que l'on passe de chez soi au monde, et nous devons réussir leur adaptation.
La télévision est devenue un espace public, qui peut être un formidable forum de démocratie, mais qui peut aussi, en même temps, être un puits vide de sens dans lequel on pourrait se perdre.
Nous avons les uns et les autres, pouvoirs publics, Parlement, à savoir garder ce cap, car nos concitoyens attendent de nous que nous prenions les plus sages décisions.
J'ai la faiblesse de penser que ce budget pouvait constituer une première pierre, je le considère en tout cas comme tel ; je vous indique en conclusion que je suis prête à poursuivre les efforts en ce sens. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner les lignes 46 et 47 de l'état E annexé à l'article 44, puis l'article 48.

Ligne 46 de l'état E



M. le président.
J'appelle la ligne 46 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision.



LIGNES





1997


1998

DESCRIPTION

PRODUIT
pour l'année
1997
ou
la campagne

1996-1997

EVALUATION
pour l'année
1998
ou
la campagne

1997-1998

. .
Culture et communication
. .
46 46 Nature de la taxe : 11 638 370 000 12 415 212 000
. .

- Redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision.
Organismes bénéficiaires ou objet :
- Compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975.
Taux et assiette :
- Redevance perçue annuellement (en 1997 et 1998) :
- 471 F pour les appareils récepteurs « noir et blanc » ;
- 735 F pour les appareils récepteurs « couleur ».
Textes :
- Décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié ;
- Décret n° 94-1088 du 15 décembre 1994 ; - Décret n° 95-1333 du 29 décembre 1995.

.

Par amendement n° II-18 rectifié, M. Pelchat propose, à la ligne 46 de l'état E, de remplacer la somme : « 12 415 212 000 francs » par la somme : « 12 485 212 000 francs ».
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je vous avais avertie, lors de mon allocution, madame le ministre, du dépôt de cet amendement, qui vise à remédier à ce qui paraît être le comble de l'archaïsme en matière de redevance, à savoir la redevance pour possession d'un poste de télévision noir et blanc.
Les services de la redevance gèrent actuellement encore 300 000 comptes de ce type. J'attire d'ailleurs au passage votre attention, madame le ministre, sur les grandes difficultés que nous avons à obtenir des renseignements précis sur ce point auprès des services de la redevance et du secrétariat d'Etat au budget. J'espère que vous pourrez nous faciliter la tâche à cet égard dans les prochaines semaines.
En tout cas, nous savons qu'il reste environ 300 000 postes noir et blanc. Puisque vous avez rappelé tout à l'heure que vous demandiez un effort supplémentaire aux Français en faveur de l'audiovisuel public, j'estime qu'il conviendrait que les redevances soient du même montant, car il n'y a pas aujourd'hui des pauvres qui posséderaient un récepteur noir et blanc et des riches qui pourraient s'offrir un récepteur couleur.
Bien souvent, ceux qui acquittent la redevance pour un poste noir et blanc possèdent aussi un récepteur couleur, ou s'ils possédaient autrefois un poste noir et blanc, ils sont passés depuis à la couleur, sans que ce fait soit connu des services de la redevance.
C'est pourquoi je crois qu'il serait utile d'instaurer une taxe unique, comme vous en avez aujourd'hui l'occasion. Cela rapporterait quelque 70 millions de francs supplémentaires, qui seraient certainement les bienvenus pour nos chaînes publiques, en particulier pour France 2.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pu examiner cet amendement, mais je dois rappeler qu'il s'applique à une taxe parafiscale dont nous ne pouvons pas modifier le montant. Nous pouvons soit la voter, soit refuser de la voter, c'est tout.
En fait, M. Pelchat le sait bien, et je pense qu'avec cet amendement il ne souhaitait en fait que solliciter l'avis du Gouvernement sur ce point.
Sur le fond, cet amendement tire les conséquences de l'évolution législative à laquelle vous venez, madame le ministre, de consacrer un long moment dans votre intéressante intervention.
Au passage, je vous remercie d'avoir indiquer que vous resteriez en liaison avec la commission des affaires culturelles et la commission des finances, ainsi, et cela nous a touchés, qu'avec l'ensemble des sénateurs qui s'intéressent plus particulièrement à ce dossier.
Je pense que mes collègues seront d'accord pour que j'en prenne acte et que j'accepte en leur nom votre proposition de tenter ensemble non pas de mettre au point une solution définitive mais, tout au moins, d'avancer sur des voies dont nous avons commencé l'exploration il y a bien longtemps et qui devraient nous conduire vers un accord général sur notre audiovisuel public, d'une part, et sur notre production de programmes, d'autre part.
J'en reviens à l'amendement n° II-18 rectifié.
Quant à l'orientation qu'il traduit, monsieur Pelchat, je ne peux qu'exprimer, au nom de la commission des finances, un accord complet.
Quant à la proposition financière, pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure, elle ne peut être retenue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je rejoins tout à fait M. le rapporteur spécial quant à l'impossibilité de voter cet amendement ; je vais néanmoins répondre à M. Pelchat sur le fond.
Monsieur le sénateur, je peux parfaitement partager certaines de vos réflexions sur la nécessité de consolider et d'élargir les bases du financement du secteur public de l'audiovisuel par des ressources publiques.
Je ne pense cependant pas opportun de chercher à augmenter les recettes de la redevance en 1998 par la suppression du taux spécifique pour les téléviseurs noir et blanc.
En fait, sur les quelque 21 millions de comptes de redevance ouverts, il ne subsistera plus que 370 000 comptes noir et blanc en 1998, comptes dont la moitié des titulaires sont en outre exonérés.
Par ailleurs, et surtout, l'application du taux « noir et blanc » dans les départements d'outre-mer fait bénéficier ces derniers d'un régime adapté, qui tient compte du fait que les téléspectateurs reçoivent un service de télévision réduit par rapport à l'ensemble des programmes que reçoivent les téléspectateurs de métropole.
En fait, je pense que c'est l'évolution des modalités de la redevance qui permettra de répondre le mieux à votre préoccupation, monsieur le sénateur.
M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Pelchat ?
M. Michel Pelchat. Je remercie M. le rapporteur spécial et Mme le ministre de leur réponse, qui m'engage à retirer mon amendement.
Comme l'a indiqué tout à l'heure M. Cluzel, je souhaitais effectivement revenir sur ce point important que j'ai déjà, en maintes occasions, soulevé ici, notamment au sein de certaines commissions dont nous n'avons malheureusement plus que des souvenirs...
La réponse qui m'a été apportée me donne pleinement satisfaction. J'espère qu'elle se traduira dans des actes dans les toutes prochaines semaines ou, tout au moins, dans les tout prochains mois.
M. le président. L'amendement n° II-18 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 46 de l'état E.

(Après une première épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte la ligne 46 de l'état E.)

Ligne 47 de l'état E



M. le président.
J'appelle la ligne 47 de l'état E concernant la taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée.


LIGNES





1997


1998

DESCRIPTION

PRODUIT
pour l'année
1997
ou
la campagne

1996-1997

EVALUATION
pour l'année
1998
ou
la campagne

1997-1998

. .
Culture et communication
. .
47 47 Nature de la taxe : 100 000 000 103 000 000
. .

- Taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée.
Organismes bénéficiaires ou objet :
- Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale.
Taux et assiette :
- Taxe assise sur le produit des activités des régies publicitaires.
Textes :
- Décret n° 92-1063 du 30 septembre 1992 ;
- Décret n° 94-1222 du 30 décembre 1994 ; - Arrêté du 30 décembre 1994.

.


Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 47 de l'état E.

(La ligne 47 de l'état E est adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 44 est réservé.

Article 48



M. le président.
« Art. 48. - Est approuvée, pour l'exercice 1998, la répartition suivante du produit hors taxe sur la valeur ajoutée de la taxe dénommée « redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision », affectée aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle : (en millions de francs.)

Institut national de l'audiovisuel

383,4

France 2

2 364,5

France 3

3 295,0

Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer

1 132,6

Radio France

2 544,0

Radio France internationale

294,6

Société européenne de programmes de télévision : La SEPT-ARTE

956,5

Société de Télévision du savoir, de la formation et de l'emploi : La Cinquième
710,9

Total
11 681,5

« Est approuvée, pour l'exercice 1998, le produit attendu des recettes des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle provenant de la publicité, pour un montant total de 4 419,8 millions de francs hors taxes. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48.

(L'article 48 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les crédits concernant la communication inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le vendredi 5 décembre à la suite de l'examen des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

ÉTAT B
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux

M. le président. « Titre III : 277 082 257 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 275 255 388 francs. »

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je voudrais, madame la ministre, parler des crédits d'aide à la presse.
Contrairement à ce qui vient de se passer pour l'audiovisuel, je voterai, avec mes collègues, les crédits d'aide à la presse, parce qu'ils sont à peu près identiques à ce qu'ils étaient dans la loi de finances pour 1997, mais aussi parce que nous avons apprécié les intentions que vous avez exprimées tout à l'heure.
Si vous me le permettez, madame la ministre, je vais revenir sur le hors médias, dont vous nous avez parlé tout à l'heure.
Vous avez exprimé deux préoccupations.
Au premier chef, vous souhaitez que le produit de cette taxe ne se réduise pas trop du fait du rétrécissement de l'assiette.
Par ailleurs, vous voudriez que les bénéficiaires ne soient pas trop nombreux, car on aboutirait, s'ils l'étaient, à un saupoudrage qui ne profiterait à personne.
Nous partageons ces préoccupations, je crois pouvoir le dire au nom de M. Alain Gérard, rapporteur pour la presse écrite, et, je pense, de beaucoup de mes collègues ici présents.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Et du rapporteur spécial !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je ne voulais pas parler en son nom, mais puisqu'il s'associe à mes propos, je l'en remercie.
Telles étaient en tout cas les préoccupations de la commission des affaires culturelles lorsqu'elle a déposé un amendement, qui n'a finalement pas été adopté : il s'agissait bien, pour nous, de ne pas disperser les crédits et de ne pas trop réduire l'assiette.
Nous avions seulement souhaité éliminer les catalogues de vente par correspondance - tout le monde est à peu près d'accord sur ce point - ainsi que certains documents distribués par des associations à but non lucratif, que nous connaissons bien dans nos communes et que nous ne voulons voir pénalisées ; je pense que telle n'est pas non plus votre intention, madame la ministre.
Nous nous rendions bien compte que l'amendement méritait d'être précisé. Nous constatons que, après le vote du Sénat, des précisions restent encore à apporter, nous vous en donnons acte, car nous avons enregistré vos déclarations.
Nous avions pris, dans notre amendement, une autre précaution qui, m'a-t-il semblé, rejoignait le souci que vous avez exprimé tout à l'heure. Nous avions souhaité limiter dans le temps l'application de cette taxe. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous voulions éviter le risque de débudgétisation. On le sait, dès qu'il existe unetaxe, on observe une tendance fâcheuse à réduire les crédits proprement budgétaires.
Or nous ne voulions pas que les aides directes à la presse soient réduites sous prétexte qu'il existerait dorénavant une taxe. Nous tenons à ce que les ressources procurées par le produit de cette taxe s'ajoutent à l'effort normal réalisé par l'Etat pour aider la presse.
J'ai saisi l'occasion de l'examen de ces crédits pour apporter ces explications, afin que, dans la suite du débat, il soit éventuellement tenu compte des intentions qui sous-tendaient cet amendement et pour vous suggérer, madame la ministre, si vous me le permettez, de l'aborder tel qu'il était dans son esprit et dans sa lettre.
MM. Jean Cluzel, rapporteur spécial, et Alain Gérard, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Par amendement n° II-16, MM. Gérard Larcher et Gouteyron proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 100 000 francs.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Cet amendement relève d'un procédé bien connu dans les assemblées parlementaires et qui consiste à proposer une réduction de crédits pour, en réalité, appeler l'attention du Gouvernement sur une volonté des auteurs de l'amendement. En vérité, cette volonté est très largement partagée dans notre assemblée : nous sommes en effet nombreux à souhaiter vivement de voir le portage se développer, ce qui passe par une augmentation des aides au portage.
J'ai signé cet amendement avec notre collègue Gérard Larcher, qui, présidant ce soir la séance, ne peut pas le défendre lui-même. Je vais faire de mon mieux à sa place.
M. Gérard Larcher a récemment présenté un rapport sur nos services postaux. J'avais moi-même, il y a plus longtemps, mandaté par la commission des affaires culturelles, réalisé une étude sur la distribution de la presse, et je m'étais intéressé à la distribution postale.
Ce qu'on peut dire de cette distribution postale, c'est qu'elle n'est satisfaisante pour aucune des parties : l'Etat juge que cela lui coûte cher, 1,9 milliard de francs pour être précis, ainsi que vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame la ministre ; les entreprises de presse lui voient beaucoup d'inconvénients ; quant à La Poste, elle estime à 3,5 milliards de francs le déficit d'exploitation qui en découle pour elle.
Dans le même temps, nous constatons que le portage est très développé dans certains pays : aux Etats-Unis, au Japon, mais aussi en Europe. Ainsi, aux Pays-Bas, près de 90 % de la presse est distribuée par voie de portage ; en Allemagne et au Royaume-Uni, cette proportion est respectivement de 60 % et 50 %. Or, en France, nous en sommes encore à peu près aux balbutiements.
Certes, ce n'est pas la meilleure solution partout : le portage n'est possible que lorsque la densité de la population est suffisante, mais il appartient aux entreprises de presse d'en apprécier l'opportunité.
Quoi qu'il en soit, le portage ne nous paraît pas, dans notre pays, occuper la place qu'il mérite, et nous souhaiterions, madame la ministre, que l'Etat fasse en sa faveur un effort tout particulier.
Vous allez bien sûr me dire, à juste titre, que les crédits inscrits à ce titre dans votre projet de budget enregistrent déjà une augmentation considérable puisque le fonds qui avait été créé à cette fin en 1997 voit sa dotation passer de 15 millions à 45 millions de francs.
C'est effectivement une augmentation substantielle mais nous voudrions, pour les années suivantes, que l'effort consenti soit encore plus important. Il faut réellement passer à la vitesse supérieure si l'on veut changer les choses.
L'avantage notable du portage - je parle sous le contrôle de mon ami Alain Gérard - c'est qu'il fidélise le lecteur et qu'il peut, par conséquent, constituer un remède extrêmement efficace à la baisse du lectorat.
Tel est le sens de cet amendement, madame la ministre, qui vise essentiellement à vous donner l'occasion de nous exposer les intentions du Gouvernement à ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Monsieur le président, avant de vous répondre sur cet amendement n° II-16, que la commission des finances n'a pas examiner, je voudrais, avec votre permission, et après le président Gouteyron, remercier Mme la ministre des propos qu'elle a tenus concernant la poursuite de l'étude de l'assiette et des bénéficiaires du 1 % sur le hors média.
Je suis, dans cette affaire, tenu à la plus grande discrétion. J'avais pris une position publique, mais celle-ci n'a pas été retenue par la majorité de la commission des finances, non plus que par le Sénat.
Le président Gouteyron a parfaitement relancé le débat et vous avez dit, madame la ministre, avec une hauteur de vues que nous avons appréciée, que ce débat n'était pas clos, qu'il devait se poursuivre et que nous le reprendrions lors de la seconde lecture dans notre assemblée. J'en suis heureux.
S'agissant de l'amendement n° II-16, je dirai, à titre personnel, qu'un amendement cosigné par le président Gérard Larcher et le président Gouteyron ne peut que recueillir un avis favorable, s'il est maintenu, bien entendu, après les explications de Mme le ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, je vous remercie des propos que vous avez bien voulu tenir à l'occasion de l'examen des crédits d'aide à la presse et lors de la présentation, à titre personnel, de cet amendement n° II-16.
Je comprends parfaitement votre souhait de voir le portage se développer. Ce souhait vient conforter, d'une certaine manière, le choix que j'ai opéré en vous proposant de tripler les crédits consacrés à l'aide au portage.
Nous voulons tous fidéliser le lecteur et, en même temps, favoriser une amélioration sensible du service de portage.
Partout où le portage se développe et permet au lecteur d'avoir son journal le plus près possible, c'est-à-dire chez lui, on constate que cela le convainc davantage de rester ou de devenir fidèle à la presse écrite.
Pour autant, monsieur Gouteyron, je ne suis pas favorable, aujourd'hui, à une telle augmentation de l'aide. Celle-ci serait prématurée car ce n'est qu'à la fin de 1997 que, grâce au décret que nous avons pris, nous allons expérimenter une première aide, d'un montant de 15 millions de francs. Autrement dit, nous ne savons pas encore dans quelles conditions ces sommes seront dépensées.
Dans le projet de budget pour 1998, nous passons à 45 millions de francs. Les contacts que nous avons eus avec les responsables de presse font apparaître qu'eux-mêmes considèrent cette somme comme relativement importante.
Je précise que les activités de portage peuvent également bénéficier d'autres types de soutien, notamment au titre de la création d'entreprises dès lors qu'il s'agit d'une activité nouvelle.
Si nous passions dès maintenant à 90 millions de francs, il y aurait fort à craindre, je vous le dis franchement, que cette somme ne serait pas dépensée. Certains professionnels sont mêmes venus me dire que 45 millions de francs, c'était peut-être trop !
Il serait d'autant plus dommage que l'enveloppe de l'aide au portage ne soit pas intégralement mobilisée que l'enveloppe des aides à la presse n'a pas connu, elle, de hausse significative.
Je crois donc que cet amendement anticipe sur une évolution à venir. Si le portage se révélait être un succès, nous pourrions retenir votre proposition dans le prochain budget.
M. le président. Monsieur Gouteyron, l'amendement n° II-16 est-il maintenu ?
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, vous l'avez bien compris, nous souhaitions vous entendre dire ce que vous venez de dire, à savoir que vous êtes décidée, dans le cas où, comme nous l'espérons, les crédits seraient consommés, à augmenter ces crédits de façon à répondre à la demande des entreprises de presse.
Permettez-moi, en retirant l'amendement, de former un voeu : que l'utilisation de ces crédits soit suivie de près et que, si la consommation n'en était pas satisfaisante, on recherche les causes de cette situation, car il n'y a pas de raison que, dans notre pays, ce mode de distribution ne se développe pas comme ailleurs.
M. le président. L'amendement n° II-16 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 17 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 10 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion l'amendement n° II-17, tendant à insérer un article additionnel après l'article 62 quater .

Article additionnel après l'article 62 quater



M. le président.
Par amendement n° II.17, M. Cluzel propose :
A. - Après l'article 62 quater , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est créé un fonds pour l'aide à l'exportation des programmes audiovisuels.
« Ce fonds participe, par l'octroi de prêts ou de garanties, au financement des programmes audiovisuels de nature à être diffusés à l'étranger.
« Il peut prendre des participations dans des sociétés ayant pour objet la production ou la distribution de programmes audiovisuels.
« Il concourt, en liaison avec tous les organismes publics ou privés concernés, aux opérations de promotion commerciale de nature à favoriser les exportations de programmes audiovisuels.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.
« II. - A compter du 1er janvier 1999, le taux du prélèvement affecté au fonds national pour le développement du sport prévu à l'article 48 de la loi de finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993) est porté à 3,4 %.
« III. - Le début de l'article 36 de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179) du 29 décembre 1983 est ainsi rédigé :
« I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe assise :

« 1°) sur les abonnements et autres rémunérations acquittés par les usagers afin de recevoir les chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne ou par satellite ; (le reste sans changement). »
B. - En conséquence, de faire précéder cet article additionnel d'une division ainsi rédigée : « Culture et communication ».
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. Monsieur le président, si vous le voulez bien je défendrai mon amendement à titre personnel, puis je donnerai l'avis de la commission, en tant que rapporteur spécial.
Nous connaissons tous la situation de notre pays en matière d'exportation de produits audiovisuels. Quelques chiffres suffisent à la décrire. Nous occupons moins de 2 % du marché mondial. En 1996, nous avons exporté pour 496 millions de francs de programmes audiovisuels, quand les Etats-Unis en exportaient dans la seule Europe pour cent fois plus.
Nous assistons actuellement au passage des Etats-Unis d'une position de suprématie, où ils étaient les meilleurs, à une position d'hégémonie, où ils vont devenir les seuls.
Nous avons consenti de grands efforts en faveur de notre cinéma, et nous avons bien fait. Ce sont en effet ces efforts, accomplis sous des gouvernements successifs et d'orientations différentes, qui permettent au cinéma français d'exister.
De tels efforts, nous devons, me semble-t-il, dans l'intérêt de notre pays, en faire pour les programmes audiovisuels.
Pareille action s'est-elle produite à travers le monde ? Oui, au Canada.
Le Canada se trouvait dans la même situation que nous à la fin des années soixante-dix. Il a pris des décisions courageuses de fixation de quotas, de contenu canadien des programmes, mais aussi d'aide à l'industrie canadienne de programmes audiovisuels.
Par conséquent, le moment paraît venu, pour nous tous, de prendre les décisions qui s'imposent, d'autant que, Mme Danièle Pourtaud le rappelait tout à l'heure à la tribune, Bruxelles ne semble pas très favorable à la création d'une aide européenne.
Si l'Europe soutient la France dans les domaines économique, social ou financier, il ne semble pas qu'elle ait beaucoup soutenu nos industries de programmes audiovisuels.
J'arrêterai là mon propos, madame la ministre. Toutefois, cet amendement soulève un problème de recevabilité.
Dans la mesure où je n'ai aucun amour-propre d'auteur, je souhaite que vous indiquiez au Sénat si vous acceptez de créer un fonds ad hoc. Vous pouvez le faire soit maintenant, soit à l'Assemblée nationale, avant la fin de la discussion budgétaire. Si, pour telle ou telle raison ce n'était pas possible, je souhaite que vous puissiez intégrer cette disposition dans le projet de loi sur la communication audiovisuelle que vous nous avez annoncé. J'attends donc avec intérêt et espoir les précisions que vous voudrez bien apporter au Sénat.
M. le président. Si je comprends bien, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer sur l'amendement n° II-17. (Sourires.)
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Absolument, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Cluzel, vous aviez déjà insisté, lors de l'entretien que nous avions eu, sur la nécessité de soutenir la diffusion des programmes produits par les entreprises françaises. Le constat que vous avez dressé dans votre rapport et que vous venez de rappeler est tout à fait exact ; il correspond bien à la réalité. Les exportations des oeuvres américaines représentent certes 75 % des échanges mondiaux de produits cinématographiques et audiovisuels mais il ne faut pas sous-estimer pour autant les efforts accomplis par les producteurs et les distributeurs français avec le soutien des diffuseurs pour améliorer notre taux de couverture et notre extension.
Les pouvoirs publics soutiennent ces efforts non seulement en accroissant chaque année, avec l'accord du Parlement, les crédits consacrés à l'industrie des programmes audioviduels et cinématographiques - ils s'élèvent cette année à 1,6 milliard de francs, ce qui n'est pas rien - mais aussi grâce à des subventions particulières au doublage et au sous-titrage pour le Centre national du cinéma et aux subventions aux organismes interprofessionnels assurant la promotion des exportations. Ces dernières s'élèvent à 6 millions de francs.
J'ai demandé, par ailleurs, à mes services d'étudier, en liaison avec les services compétents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la façon la mieux appropriée d'adapter le dispositif actuel de soutien à l'exportation afin de tenir compte des particularités du marché des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.
Vous avez souligné, à juste titre, que la réglementation française apporte aux producteurs les garanties nécessaires à une solide implantation sur le marché national, alors que les chaînes publiques et privées ont de fortes obligations à l'égard des producteurs indépendants puisqu'elles représentent entre 15 % et 20 % de leur chiffre d'affaires.
Cette situation, qui rend inopportune toute taxation supplémentaire des diffuseurs, sauf l'adaptation en cours du dispositif de soutien aux chaînes diffusées par câble ou par satellite, doit permettre aux producteurs d'être plus offensifs et plus compétitifs sur le marché international.
Le cinéma français est l'un des plus présents au monde, et sa position me paraît très affirmée en Europe. Il faut souhaiter que cette situation perdure ; les signes en ce sens sont éminemment positifs.
Les exportations audiovisuelles ont, pour leur part, doublé en trois ans. Je n'oublie pas non plus l'investissement consenti à l'échelon européen au titre du plan média II, qui est fortement soutenu par la France.
Si, comme je l'indiquais tout à l'heure, aucune décision susceptible de nous réjouir aujourd'hui n'a été prise lors du dernier conseil des ministres de la culture, j'ai néanmoins fait adopter un amendement qui a été repris à l'unanimité et qui tendait en quelque sorte à « passer le bébé » à la présidence anglaise, qui sera chargée de résoudre cette question. Or, ce sont parfois ceux qui sont le plus hostile à certaines dispositions qui sont amenés à les prendre. J'ai constaté assez fréquemment que cette règle s'appliquait en politique. Puisque la présidence britannique a décidé de faire de ce secteur une véritable priorité et sa figure de proue, comme je l'ai déjà dit à mon collègue anglais, il faudra aboutir à des résultats. J'y compte bien.
Néanmoins, je reprendrai votre suggestion, monsieur le sénateur, comme je reprendrai celle de Mme Pourtaud.
Je précise, au passage, que les questions qu'elle a posées ne sont pas nécessairement liées à la seule réflexion sur le 1 % hors média ; elles le sont aussi à l'évolution des réglementations et des recettes du secteur de l'audiovisuel.
Quoi qu'il en soit, nous poursuivrons la réflexion, y compris avec les entreprises elles-mêmes. C'est pourquoi il est nécessaire de disposer encore d'un peu de temps avant d'ajouter une taxe supplémentaire.
Je vous donne cependant l'assurance que nos préoccupations sont pleinement partagées, tant par mon collègue des finances que par mon collègue du ministère des affaires étrangères.
Nous aurons, lors de la discussion du projet de loi sur la communication audiovisuelle mais aussi lorsque des mesures concrètes seront prises, la possibilité de revenir sur votre proposition.
En conséquence, la création d'un fonds pour l'aide à l'exportation des programmes audiovisuels me paraît quelque peu anticipée.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Monsieur le président, je remercie Mme la ministre de ses explications. Le rapporteur spécial informe l'auteur de l'amendement qu'il n'est pas recevable (Sourires.) et ce dernier, tout en le regrettant, le retire. (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° II-17 est retiré.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. M. Cluzel ayant accepté de retirer son amendement, je me dois d'ajouter que nous allons orienter, dans toute la mesure possible, les crédits dont nous disposions déjà dans le sens qu'il souhaite.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la communication.

3

COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DÉFINITIVE D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 27 novembre 1997, l'informant que la proposition d'acte communautaire n° E 892 (proposition de règlement [CE] du Conseil portant rétablissement d'un taux de droit de 12 % applicable par la Communauté sur certains produits relevant de la position NC 5607) a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 18 novembre 1997.

4

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade une proposition de loi garantissant le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 128, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi interdisant l'utilisation des listes électorales à partir de l'origine géographique, ethnique ou religieuse présumée des électeurs.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 129, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à démocratiser le contrôle des citoyens sur les opérations de vote.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 130, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à reconnaître le génocide du peuple arménien et à protéger les génocides contre leurs contestations.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 131, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative au droit du conjoint survivant et des enfants dans la succession.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 132, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Robert Pagès, Michel Duffour, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative au nom patronymique.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 133, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Edmond Lauret une proposition de loi relative à l'emploi dans les départements d'outre-mer.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 134, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 1er décembre 1997 :
A neuf heures trente :
1. - Discussion en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (n° 108, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture.
Rapport (n° 119, 1997-1998) de M. Charles Descours, fait au nom de la commission des affaires sociales.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
A quinze heures et le soir :
2. - Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Emploi et solidarité :
I. - Emploi :
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 17) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Travail et emploi, avis n° 89, tome IV) ;
M. Jean Madelain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Formation professionnelle, avis n° 89, tome IV).
II. - Santé, solidarité et ville :
Santé et solidarité :
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 18) ;
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Affaires sociales, avis n° 89, tome I) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Santé, avis n° 89, tome II).
Ville et intégration :
M. Philippe Marini, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 19) ;
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Ville, avis n° 87, tome XXIII) ;
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 89, tome III).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1998 est fixé au vendredi 5 décembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 29 novembre 1997, à deux heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATIONS DE RAPPORTEURS

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Michel Dreyfus-Schmidt a été désigné rapporteur pour la proposition de loi n° 55 (1997-1998), dont il est l'auteur avec plusieurs de ses collègues, tendant à préciser le mode de calcul de la durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de procédure pénale.
M. André Bohl a été désigné rapporteur pour avis sur la proposition de résolution n° 75 (1997-1998) de M. Maurice Blin et de plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires (dont la commission des finances est saisie au fond).



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Lutte contre le bruit causé par les survols aériens

125. - 27 novembre 1997. - M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les nuisances sonores dont se plaignent trente communes des Yvelines regroupées en un comité qu'il préside et qui sont liées aux nombreux survols aériens. Il demeure persuadé que l'adoption de mesures techniques particulières serait de nature à limiter considérablement le bruit lié à ces survols. Il conviendrait tout d'abord d'élever l'altitude d'interception de l'axe ILS de 1 000 voire 2 000 pieds, ce qui réduirait de façon importante le bruit perçu au sol. Cette solution est en partie subordonnée au relèvement de l'altitude de transition. Elle pourrait être fixée à 19 000 pieds comme aux Etats-Unis. Il conviendrait ensuite d'interdire dès 21 heures l'utilisation de la route MOSUD. L'intensité du trafic étant beaucoup moins importante à ce moment de la journée, l'ensemble des vols pourrait être dirigé vers le nord. Cette route pourrait être remplacée par une autre passant au sud de Paris en haute altitude (10 000 pieds). C'est une disposition tout à fait possible qui nécessite l'attribution de la balise EPR utilisée par les contrôleurs d'Orly à l'aéroport de Roissy. Il conviendrait également de favoriser, à l'atterrissage comme au décollage, la procédure face à l'ouest avec une composante de vent arrière jusqu'à cinq noeuds. Il conviendrait encore de profiter de la densité du trafic aérien, plus faible la nuit, pour diriger les avions sur les zones peu urbanisées. La mise en place de cartes statistiques, indiquant les couloirs à emprunter obligatoirement, serait en ce cas indispensable. Il attire enfin son attention sur la nécessité d'inciter les contrôleurs et les pilotes à une plus grande rigueur dans le respect de certaines contraintes. Susciter chez eux une prise de conscience, individuelle et collective, des conséquences de leur comportement est aujourd'hui nécessaire. Il croit fortement à la formation et au développement, dans la profession, d'une culture antibruit. C'est près d'un million d'habitants qui, dans les Yvelines, est concerné par ces nuisances auxquelles s'ajoute l'inquiétude que crée chez nos concitoyens la décision du Gouvernement d'étendre la capacité de l'aéroport de Roissy. C'est pourquoi il lui demande que soient mises en oeuvre les propositions que lui fait ce comité et qui constituent des solutions techniques exploitables.