SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Rappel au règlement (p. 1 ).
MM. Emmanuel Hamel, le président, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 2 ).

4. Emploi des jeunes. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 3 ).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales ; Alain Gournac, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Guy Fischer, Mme Joëlle Dusseau, MM. Philippe Darniche, Jean-Claude Carle, Louis Moinard, Jean Chérioux.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

5. Candidatures à des commissions (p. 5 ).

6. Emploi des jeunes. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 6 ).
Discussion générale ( suite ) : MM. Roland Huguet, Paul Vergès, Bernard Joly, Bernard Plasait, Francis Grignon, Gérard Larcher, Michel Charasse, Yvon Collin, Jean-Louis Lorrain, René Trégouët, Georges Mazars, Mme Annick Bocandé, MM. André Jourdain, Gérard Roujas, Serge Franchis, Daniel Eckenspieller, Claude Lise, Mmes Lucette Michaux-Chevry, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 7 )

MM. Adrien Gouteyron, Alain Vasselle, Joseph Ostermann, Alain Joyandet, Jean-Paul Delevoye.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

MM. Christian Poncelet, Gérard Delfau, Philippe Adnot, Paul Girod.

7. Nomination de membres de commissions (p. 8 ).

Suspension et reprise de la séance
(p. 9 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

8. Emploi des jeunes. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 10 ).

Article 1er ( suite ) (p. 11 )

Amendement n° 30 de M. Carle. - M. Jean-Claude Carle. - Retrait.

Article L. 322-4-18 du code du travail (p. 12 )

Amendement n° 1 de la commission et sous-amendements n°s 95, 97, 98, 152, 99 de M. Gournac, 31 rectifié de M. Carle, 68, 69 de Mme Dusseau, 144 rectifié de M. Laffitte, 96 de M. Jourdain, 52 rectifié de M. Lauret, 89 de Mme Olin et 75 de M. Joyandet ; amendements n°s 23 de M. Lorrain et 60 de Mme Dieulangard. - MM. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Alain Gournac, Jean-Claude Carle, Mme Joëlle Dusseau, MM. Bernard Joly, André Jourdain, Edmond Lauret, Mme Nelly Olin, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lorrain, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Ivan Renar, Philippe Marini, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales ; Jean Chérioux, Paul Girod, Claude Huriet, Alain Vasselle. - Retrait des sous-amendements n°s 97, 98 et 152 ; rejet des sous-amendements n°s 68 et 69 ; adoption des sous-amendements n°s 95, 31 rectifié, 144 rectifié, 96, 52 rectifié, 99, 89, 75 et de l'amendement n° 1 modifié, les amendements n°s 23 et 60 devenant sans objet.
Amendement n° 2 de la commission et sous-amendements n°s 70, 71 de Mme Dusseau, 100 de M. Gournac et 62 rectifié de Mme Dieulangard. - M. le rapporteur, Mme Joëlle Dusseau, M. Alain Gournac, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre M. le président de la commission, Mme Danielle Bidard-Reydet. - Rejet des sous-amendements n°s 70 et 71 ; adoption des sous-amendements n°s100, 62 rectifié et de l'amendement n° 2 modifié.
Amendement n° 54 de M. Franchis. - MM. Serge Franchis, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 107 de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission et sous-amendements n°s 32 rectifié de M. Carle et 101 de M. Gournac ; amendements n°s 118 de M. Fischer et 63 de Mme Dieulangard. - MM. le rapporteur, Jean-Claude Carle, Alain Gournac, Guy Fischer, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre. - Adoption des sous-amendements n°s 32 rectifié, 101 et de l'amendement n° 3 modifié, les amendements n°s 118 et 63 devenant sans objet.
Amendement n° 43 rectifié bis de M. Trégouët. - MM. René Trégouët, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 24 de M. Lorrain, et 44 de M. Trégouët. - MM. Jean-Louis Lorrain, René Trégouët, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait de l'amendement n° 24 ; rejet de l'amendement n° 44.
Amendements n°s 33 de M. Carle, 4 de la commission et sous-amendements n°s 153 de M. Vasselle et 119 rectifié de M. Fischer ; amendement n° 145 de Mme Dieulangard. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, Alain Vasselle, Guy Fischer, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre, M. Philippe Marini. - Adoption de l'amendement n° 33 ; retrait du sous-amendement n° 153 ; adoption du sous-amendement n° 119 rectifié et de l'amendement n° 4 modifié, l'amendement n° 145 devenant sans objet.
Amendements n°s 76 de M. Joyandet et 108 de M. Gournac. - MM. Alain Joyandet, Alain Gournac, le rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement n° 76, l'amendement n° 108 devenant sans objet.
Amendement n° 61 rectifié de Mme Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Reprise de l'amendement n° 61 rectifié bis par M. Marini. - MM. Claude Huriet, Philippe Marini, Mme le ministre, M. le président de la commission. - Adoption.
Amendement n° 120 de M. Fischer. - MM. Jean Derian, le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 64 de Mme Dieulangard, 121 de M. Fischer et 109 de M. Gournac. - MM. Roland Huguet, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Alain Gournac, le rapporteur, Mme le ministre, M. Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement n° 64, les amendements n°s 121 et 109 devenant sans objet.
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 6 de la commission et 122 de M. Fischer. - M. le rapporteur, Mmes Odette Terrade, le ministre, Gisèle Printz. - Adoption de l'amendement n° 6, l'amendement n° 122 devenant sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.

9. Communication de l'adoption définitive d'une proposition d'acte communautaire (p. 13 ).

10. Transmission d'un projet de loi (p. 14 ).

11. Dépôt d'une proposition de loi (p. 15 ).

12. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 16 ).

13. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 17 ).

14. Clôture de la session (p. 18 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Madame le ministre, mon rappel au règlement sera bref, mais - vous le comprendrez certainement - exprimé avec gravité : depuis le 21 août dernier, six ou sept descendants de harkis font la grève de la faim sur l'esplanade des Invalides, ce haut lieu de notre histoire, interpellant à travers leur souffrance et leur jeûne la France tout entière sur la manière dont elle s'est comportée depuis trente-cinq ans face aux problèmes dramatiques qu'ont connus les harkis.
Vous avez désigné un inspecteur général des affaires sociales pour que, prenant contact avec eux, il tente de leur faire cesser leur grève de la faim.
Une grève de la faim d'une durée d'un mois constitue déjà véritablement - les médecins présents dans cette assemblée pourraient l'attester - un risque grave de perturbation physique définitive. Mais peut-être même les descendants de harkis, tendus dans l'espoir que la France reconnaisse enfin ce qu'ont fait leurs pères pour la France et les traite autrement, risquent-ils de continuer encore.
Madame le ministre, je vous demande donc instamment de faire en sorte que des contacts soient pris avec ces descendants de harkis et qu'une attitude soit définie afin que cesse cette grève, car si, par malheur, certains d'entre eux devaient en mourir, nous en serions tous responsables par l'attente mise à donner une réponse dont nous comprenons qu'elle doit être positive, véritablement positive ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, croyez bien que cette grève qui a commencé au milieu des vacances a retenu mon attention depuis le début. En effet, tout comme vous, je suis très sensible au problème des harkis et aux conditions parfois extrêmement difficiles, voire déplorables, dans lesquelles ils ont été accueillis voilà maintenant des dizaines d'années dans notre pays.
Je sais aussi les difficultés que connaissent leurs enfants pour trouver un emploi, s'installer et se loger.
Je voudrais vous dire très simplement les choses : nous sommes en relation permanente avec les harkis depuis le début de leur grève ; je les ai fait recevoir trois fois par mon cabinet, et M. Bernard Kouchner est encore allé voir, voilà quelques jours, ceux qui étaient hospitalisés.
Les descendants de harkis en grève posent deux types de revendications.
Les premières revendications résultent de la façon dont les fonds destinés aux rapatriés et aux harkis ont été distribués au détriment des harkis ces dernières années.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La Cour des comptes a d'ailleurs soulevé ce problème. Je prends actuellement des mesures pour qu'un rétablissement des fonds soit opéré vers les harkis, ce qui n'a pas été le cas - je dois le dire - au cours des derniers mois.
Les secondes revendications sont liées à l'embauche et aux emplois pérennes que les harkis souhaitent obtenir. Vendredi soir, des propositions leur ont été faites afin de les assurer que, avec notamment le sous-préfet d'Aix-en-Provence qui travaille avec eux depuis le début de cette grève et avec M. Lagarrigue, l'inspecteur général des affaires sociales que j'ai désigné pour traiter leurs problèmes, nous déployons tous ensemble nos efforts pour trouver une solution à chacun d'entre eux.
Compte tenu de ces engagements, nous leur avons demandé de suspendre leur grève. Ils ne l'ont pas souhaité, ce que je regrette, croyez-le bien.
Aujourd'hui, j'ai pris des mesures complémentaires. J'ai notamment demandé la mise en place d'un soutien médical auprès d'eux, c'est-à-dire la présence éventuelle d'une ambulance dans l'hypothèse de nouvelles difficultés.
Je souhaitais donc vous dire ceci, monsieur le sénateur : non seulement je suis sensible aux difficultés des harkis et de leurs enfants, mais je m'emploie à suivre personnellement et très attentivement le problème de cette grève de la faim. Je regrette que ces jeunes qui sont désespérés n'aient pas saisi la main que nous leur tendions pour leur apporter des réponses personnelles afin de mettre un terme à cette grève de la faim qui peut mettre en danger la vie de certains.
En tout cas, nous suivons ce problème sur le plan tant des revendications que du volet sanitaire. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Daunay applaudit également.)
M. Emmanuel Hamel. Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, en application de l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, le rapport annuel établi par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour l'année 1996.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

EMPLOI DES JEUNES

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 423, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. [Rapport n° 433 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, est-il utile de vous rappeler avec quelle acuité se pose le problème du chômage des jeunes dans notre pays ?
Six cent mille jeunes de moins de vingt-cinq ans et 800 000 jeunes de moins de vingt-sept ans sont à la recherche d'un emploi. Cela correspond à un taux de chômage de 26 %, qui place malheureusement la France en avant-dernière position parmi les grands pays de l'OCDE.
Lutter contre le chômage des jeunes est, vous le savez, l'objectif majeur de ce projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui au Sénat.
Les riches débats que nous avons pu avoir le 23 septembre dernier avec la commission des affaires sociales illustrent, s'il en était besoin, le fait que chacun ici ressente tout à la fois la nécessité et l'urgence d'une réponse adaptée à l'inquiétude des jeunes et de leurs familles.
La discussion à l'Assemblée nationale a déjà permis de préciser et d'améliorer le dispositif qui permettra à 350 000 jeunes d'entrer dans la vie active.
Le texte que vous allez examiner constitue, vous le savez, l'un des volets du programme du Gouvernement en faveur de l'emploi.
Si nous devons tout faire pour que la croissance soit la plus forte possible, nous ne pouvons tout en attendre, comme nous l'avons trop souvent fait, les uns et les autres, ces dernières années. Avec une croissance de 3 %, ce que les économistes prévoient pour les prochaines années, le taux de chômage resterait malgré tout très élevé, c'est-à-dire autour de 11 ou 12 %.
Aussi le premier axe de notre politique vise-t-il à relancer la croissance, qui passe prioritairement, aujourd'hui, par une augmentation de la consommation. Il faut redonner du pouvoir d'achat, particulièrement à ceux qui en ont besoin.
Nous avons commencé à le faire au mois de juin, avec la revalorisation du SMIC de 4 %, avec le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, avec la revalorisation de l'aide personnalisée au logement, l'APL. Nous poursuivons cette action aujourd'hui avec le basculement des cotisations salariales vers la contribution sociale généralisée, la CSG, qui va redonner plus de 1 % de pouvoir d'achat aux salariés et à une grande majorité des actifs, et maintenir celui des retraités, des fonctionnaires et des chômeurs.
Le deuxième axe de cette lutte contre le chômage sera abordé lors de la conférence nationale sur l'emploi du 10 octobre. Il concerne principalement la réduction de la durée du travail, mais aussi les embauches des jeunes dans le secteur privé ; à cet égard, je pense particulièrement au système de formation en alternance auquel certains d'entre vous sont très attachés.
Le troisième axe concerne la recherche des métiers de demain et leur soutien.
Il s'agit tout d'abord des emplois dans les nouvelles technologies comme celles de l'information, où la France a un retard certain qu'il va falloir combler. Le prochain projet de loi de finances vise d'ailleurs à aider les entreprises qui investissent dans ces nouvelles technologies.
Il s'agit bien sûr, également, du soutien aux petites et moyennes entreprises qui, dans notre pays, plus que les grandes entreprises, créent des emplois.
Il s'agit encore de répondre à des besoins nouveaux et, dans le fond, d'inventer ensemble les activités et les métiers de demain, donc les emplois de demain.
Ce projet de loi vise justement à répondre à des besoins émergents ou non satisfaits par la création d'activités d'utilité sociale, culturelle, sportive, d'environnement et de proximité.
Il permettra à 350 000 jeunes d'entrer durablement dans la vie active en faisant d'eux de véritables agents du développement économique.
Au vu des amendements adoptés par la commission et à la lecture du rapport de M. Souvet, j'aborde ce débat avec la conviction que nous pouvons approfondir notre réflexion et que nos échanges permettront de mieux cerner ce que doit être ce projet de développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Si nous savons éviter entre nous les mauvaises querelles, nous pourrons nous accorder sur la majorité des moyens à mettre en oeuvre pour servir une ambition qui doit nous être commune.
En effet, chacun ici, je crois, s'accorde sur notre échec collectif à l'égard du chômage et sur la nécessité d'innover pour réussir.
J'entends bien, ici ou là, l'évocation du coût du chômage pour tenter d'expliquer nos échecs. Les études économiques réalisées aussi bien en France que dans des pays qui ont effectué des expériences, comme la Grande-Bretagne, n'ont jamais mis en évidence l'impact négatif que pourrait avoir le SMIC sur l'emploi des jeunes. En revanche, il existe bien un problème lié aux charges qui pèsent aujourd'hui sur les salaires.
Comme vous le savez, le Gouvernement ne compte pas revenir sur les réductions de charges sociales qui ont été prévues notamment pour les bas salaires, ces dernières années, mais il poursuivra les réductions de charges qui, en France, pèsent beaucoup plus sur les salaires que sur les autres revenus. C'est ainsi que nous prévoyons d'instaurer, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, une nouvelle assiette pour les cotisations sociales : dorénavant, celles-ci seront assises sur l'ensemble des revenus.
De la même manière, nous travaillons pour modifier, dès l'année prochaine, les cotisations employeurs, afin que celles-ci ne soient pas assises uniquement sur les salaires.
C'est avec le même objectif que nous entendons rééquilibrer - là aussi, le projet de budget pour 1998 le montre - les prélèvements entre les revenus du travail et ceux du capital.
Par conséquent, nous nous appliquons effectivement à réduire les charges sociales qui pèsent aujourd'hui sur les salaires, notamment les plus bas, et qui défavorisent l'emploi.
Faut-il, comme certains le font, se tourner vers le système de formation pour apporter une explication au chômage des jeunes ? Y aurait-il pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans notre pays ?
Très franchement, je ne le crois pas, à quelques exceptions près, pour des qualifications très ciblées. Les moyens déployés depuis les années quatre-vingt ont en effet permis de doubler en quinze ans la proportion d'une classe d'âge parvenant au niveau du bac, alors même que la proportion des sans-diplômes a, dans le même temps, été divisée par trois.
Il demeure néanmoins, il faut bien le dire, que 65 000 jeunes sortent aujourd'hui chaque année de l'éducation nationale sans aucun diplôme. Mais ils ne constituent que 8 % des jeunes qui sont aujourd'hui au chômage ou qui ont un emploi aidé !
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas tout faire pour en réduire encore le nombre et la proportion, mais il n'est donc pas possible de conclure à une carence globale de main-d'oeuvre qualifiée.
Peut-on alors avancer, comme le font certains, que le chômage des jeunes a pour cause une inadéquation entre la formation initiale et les besoins des entreprises ?
Je crois ici que beaucoup de progrès ont été accomplis, notamment grâce à la formation en alternance, même si nous devons encore avancer, peut-être pour en simplifier les modalités et pour les rendre plus souples et plus proches de la réalité des progrès techniques engagés dans les entreprises.
Si personne ne doit négliger la poursuite de notre réflexion pour améliorer notre système éducatif, comme le fait M. Claude Allègre actuellement, nous devons chercher d'autres moyens de lutter contre le chômage en ouvrant de nouveaux horizons de croissance.
Je pense que nous sommes là au coeur du sujet qui nous intéresse aujourd'hui. En effet, la France vit un curieux paradoxe : notre pays est riche, et même très riche si on le compare à d'autres pays de la planète ; pourtant, des besoins essentiels ne sont pas aujourd'hui satisfaits, ou le sont mal. Sans doute est-ce parce que nos richesses sont mal réparties, ou parfois mal utilisées, mais nous connaissons un taux de chômage massif.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, et principalement pendant les Trente Glorieuses, notre croissance a été tirée très largement par la consommation des ménages en biens individuels et durables : le logement, l'équipement de la personne, de la maison, l'électroménager, l'acquisition de l'automobile et, aujourd'hui, de l'audiovisuel dans la majorité des foyers, voilà qui a permis d'asseoir une croissance forte que nous ne connaissons plus ces dernières années.
Aujourd'hui, nous connaissons essentiellement des marchés de renouvellement et, malheureusement, l'apparition de nouveaux produits dans les secteurs de la micro-informatique ou du multimédia ne remplacera pas la forte demande de biens durables que nous avons connue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd'hui, les besoins prioritaires sont ailleurs. Ils résident principalement dans les services, dans des domaines aussi divers que les services aux personnes, la protection de l'environnement, la qualité de la vie ou l'épanouissement de la personne, secteurs où il faut bien reconnaître nos difficultés à organiser l'offre et à solvabiliser la demande.
Les réponses à ces besoins doivent trouver leur traduction dans des prestations identifiées, dans des prestations de qualité qui correspondent à de vrais métiers.
La première étape, qui vise à l'organisation de cette offre, est coûteuse et présente forcément des risques. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas l'entamer. Il ne faut pas renoncer et, pour ce qui me concerne, je ne m'y résous pas.
L'ambition du Gouvernement est bien de mener une politique volontariste, inscrite dans la durée, afin de répondre à ces besoins et d'améliorer notre vie collective et notre façon de vivre ensemble. Il s'agit bien évidemment - c'est notre objectif - de créer des emplois durables, surtout pour les jeunes. Si les entreprises et les marchés ne sont pas prêts à investir aujourd'hui dans ces secteurs parce qu'ils ne sont pas directement solvables, il est donc du devoir de la puissance publique d'engager une politique d'investissement pour préparer la réalisation de ces activités qui rendront possible, un jour, la transition vers le marché.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est le sens et la portée du texte qui vous est soumis aujourd'hui. A cet égard, je voudrais revenir sur certaines assertions que j'ai pu entendre parfois ou sur certaines discussions que nous avons pu avoir, notamment en commission.
Que les choses soient claires ! Et je m'adresse ici en particulier à certains, peu nombreux il est vrai, qui ont cru pouvoir détecter dans notre programme la création de 350 000 nouveaux emplois dans la fonction publique. Rien dans ce texte ne répond à cette logique. D'ailleurs, nous en reparlerons lorsque nous discuterons d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'article L. 322-4-8, qui précise que ces emplois ne peuvent en aucun cas se situer dans le champ traditionnel des compétences du secteur public.
Nous n'avons pas l'intention de placer des jeunes comme « bouche-trous » dans des administrations ou dans des petits boulots que des agents publics ne voudraient pas remplir. Nous nous situons dans une démarche extrêmement différente, qui vise à répondre à de nouveaux besoins qui sont aujourd'hui en dehors du champ des collectivités locales et des services publics. Je le redis devant vous, ces emplois, dans leur grande majorité, ont pour vocation d'être pérennisés dans le secteur marchand ou associatif.
Ces emplois, par ailleurs, ne feront pas concurrence au secteur marchand existant. Dans certains endroits, en effet, et pour certains publics, le marché a déjà organisé certaines réponses parce que les financements existaient.
Il faudra donc examiner la concurrence, le climat, l'environnement économique de chaque projet et ne pourront être retenus ceux qui, pour une catégorie particulière, dans un lieu déterminé, feraient concurrence à des réponses qui ont déjà été mises en place par le secteur marchand. Cela fait partie des conditions sine qua non pour qu'un projet soit accepté.
D'autres estiment encore que, si ces emplois ne sont pas des emplois de fonctionnaires, ils viendront s'ajouter à la longue liste des emplois aidés que nous avons connus ces dernières années.
A ceux-là je réponds que ce projet de loi relève non pas du traitement social du chômage, dont nous avons tous usé quand nous n'en avons pas, parfois, abusé, mais bien d'une logique tout à fait nouvelle et originale qui vise, pour l'Etat, à investir vers un nouveau modèle de développement susceptible de faire émerger de nouvelles activités qui, demain, seront portées par le secteur privé.
Nous sortons ainsi d'une logique d'insertion et d'accompagnement du chômage - qui continue à rester essentielle pour ceux de nos concitoyens qui sont en difficulté - pour entrer dans une logique de création d'emplois appelés à se pérenniser.
Nous sortons ainsi d'une logique de guichet, pour promouvoir une action publique qui valorise la notion de projet.
S'agissant des futurs employeurs, il ne leur suffira pas de demander l'aide de l'Etat pour l'obtenir ! Les appels à projet seront encadrés par des cahiers des charges qui, malgré leur simplicité et leur souplesse, exigeront d'eux une vision réaliste de ce que pourra être l'avenir des métiers créés. Nous vérifierons qu'il ne s'agit pas d'emplois publics ; nous vérifierons qu'ils ne font pas concurrence aux emplois privés ; nous retiendrons les projets qui ont une chance de pérennisation et de professionnalisation.
Voilà toute la démarche suivie au travers de ce projet de loi.
Quant aux bénéficiaires du dispositif, ils seront recrutés par l'employeur sous réserve de l'adéquation de leur profil aux métiers envisagés.
Ainsi, à l'aide à la personne se substitue une aide au poste. Cette approche est d'ailleurs sortie renforcée de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, qui a adopté un amendement précisant que, dans l'hypothèse où un jeune sortirait du dispositif avant le terme de cinq ans, l'employeur ne bénéficierait de l'aide de l'Etat que pour la durée restant à courir.
Je le répète, ces emplois ne se subsitueront en aucune manière à des emplois de la fonction publique ou à des emplois similaires qui auraient été créés localement dans le secteur marchand. Comme je l'ai dit devant de nombreux élus, notamment devant les grandes associations qui regroupent les maires ou les conseillers généraux, il n'est pas question ici de remplacer des agents qui partiraient en retraite ou de conforter des services dans des mairies ou dans des conseils généraux.
Pour définir ce que seront ces emplois de demain, le Gouvernement a privilégié la voie de l'efficacité en adoptant une attitude de confiance vis-à-vis des acteurs locaux, des collectivités locales ou des associations, qui, pour un certain nombre d'entre eux, comme l'a fort justement relevé votre commission des affaires sociales, ont déjà réalisé des expérimentations dans ces domaines. Je pourrais ainsi - mais, rassurez-vous, je ne le ferai pas - décrire les réalisations que M. Pierre Mauroy a mises en place à Lille, et peut-être M. Souvet évoquera-t-il dans son intervention ses propres expériences à Montbéliard. Quoi qu'il en soit, l'aide de l'Etat doit favoriser la généralisation et la multiplication de telles innovations.
Loin de transférer vers les collectivités locales des contraintes budgétaires et des responsabilités qu'il ne souhaiterait plus assumer, l'Etat réalise un effort sans précédent en contribuant au financement de ces emplois à 80 % du SMIC pendant cinq ans. Cet effort représente aujourd'hui 92 000 francs par an, qui seront revalorisés chaque année au 1er juillet.
J'ajoute que le Premier ministre a été sensible aux demandes des élus visant à ne pas accroître les contributions des collectivités locales cette année : vous l'avez constaté, le projet de budget pour 1998 ne comporte pas de contribution supplémentaire à cet égard. Ce budget était difficile à boucler, mais j'espère que le retour de la croissance nous permettra de poursuivre dans cette voie dans les quatre prochaines années.
L'Etat a entrepris un effort sans précédent en faveur des organismes et des collectivités qui emploieront ces jeunes. Vous connaissez ces derniers : il s'agit des jeunes de moins de vingt-six ans ou de ceux qui, âgés de moins de trente ans, ne remplissent pas les conditions pour bénéficier du régime du chômage.
Notre plan a en tout cas déjà remporté un premier succès, au moins dans les esprits, car, alors qu'on nous disait, voilà quelques semaines, que 350 000 emplois c'était beaucoup trop, on nous dit aujourd'hui que ce n'est pas assez. De même, alors qu'on nous disait, voilà quelques semaines, qu'il s'agissait de petits boulots, on se demande aujourd'hui si ces emplois ne seraient pas trop qualifiés et ne laisseraient pas sur le bord de la route les jeunes les moins qualifiés. Je voudrais répondre très clairement sur ce point : tout d'abord, ce n'est pas parce qu'on est jeune qu'on a besoin d'insertion, qu'on est malade ou en difficulté. La plupart de nos jeunes aujourd'hui sont mieux formés que ne l'étaient leurs parents.
M. Henri Weber. Très juste !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nombre de ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas de qualification sont en pleine santé physique et mentale pour occuper un emploi.
M. Josselin de Rohan. Mais ils sont au chômage !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, ils sont au chômage, monsieur le sénateur, et c'est bien pourquoi nous essayons de les en sortir !
Nombre de jeunes non qualifiés, en situation d'échec scolaire, manifestent la volonté de trouver d'abord un emploi et nous espérons que, lorsqu'ils en auront trouvé un, ils seront obligés d'intégrer un circuit de formation qui sera nécessaire pour leur évolution future.
Il en va autrement des nombreux jeunes qui sont aujourd'hui en difficulté soit parce qu'ils ont connu des situations familiales et sociales difficiles, soit parce qu'ils sont au chômage depuis longtemps, soit parce qu'ils ont sombré, souvent par désespérance, dans la délinquance ou même dans la drogue, sortant peu à peu des marges de notre société. Pour ceux-là, les emplois-jeunes ne sont pas la réponse, il faut la rechercher dans des emplois d'insertion, qu'ils prennent la forme de contrats emploi-solidarité - qu'il faudra bien recadrer vers ces publics en difficulté - ou qu'il s'agisse de l'insertion par l'économique.
Je dis très clairement les choses, les emplois que nous vous proposons de créer sont ouverts à tous les jeunes, qualifiés ou non, capables de travailler et prêts à occuper un emploi à temps plein, car ce sera la règle. Et nous continuerons à aider individuellement les autres par le biais de processus d'insertion : il ne faut pas tout mélanger.
Pour favoriser la réinsertion des publics les plus en difficulté, l'Assemblée nationale a admis le cumul d'un contrat emploi-solidarité avec un emploi marchand pour une période qui reste à définir.
Par ailleurs, pour les jeunes qui souhaitent prendre des initiatives et créer leur propre entreprise, l'un des apports essentiels du débat à l'Assemblée nationale a été d'offrir une aide, qui prendra la forme d'une avance remboursable mais aussi d'un accompagnement en matière technique et administrative pendant les premières années.
Tel est donc le dispositif : une aide majeure, un public élargi. Il nous restera l'essentiel à réaliser, c'est-à-dire imaginer, au terme des cinq ans prévus pour la durée de ce plan, les moyens d'une pérennisation de ces emplois.
Il faut dire les choses simplement : dès aujourd'hui, nous savons pertinemment que certains coûts sociaux sont liés au fait que ces emplois ou ces activités n'existent pas.
Si l'insécurité est si grande dans les quartiers, dans les transports, dans les logements, c'est souvent parce que la présence humaine est insuffisante, parce qu'il n'y a pas ce gardien, cet éducateur qui peut tendre la main au jeune et l'empêcher de déraper. Nous qui avons des prisons remplies de jeunes, nous savons le coût pour la collectivité de cette insécurité, qui pourrait être mieux traitée par la prévention. Les emplois-jeunes y contribueront abondamment.
Nous savons aussi combien les mutuelles, par exemple, sont intéressées par le développement des services aux personnes à domicile. Si le service à domicile proprement dit relève d'autres mécanismes, tout ce qui permet d'aider les personnes âgées, les personnes handicapées à sortir de chez elles, à avoir accès à la culture, à des loisirs et - pourquoi pas ? - à des actions collectives pourra être mené par les associations.
Nous savons aujourd'hui combien l'hospitalisation de ces personnes non seulement coûte cher, mais, de plus, ne correspond pas, dans bien des cas, à leur souhait. Nous savons aussi combien le maintien à domicile est fortement créateur d'emploi. Là encore, les mutuelles sont prêtes à aider le financement des services complémentaires qui pourront être apportés aux personnes âgées et aux handicapés.
Je pourrais multiplier les exemples. Je pourrais expliquer comment, aujourd'hui, les bailleurs sociaux sont prêts à financer en partie les emplois de gardiens d'immeuble ou de ceux qui vont aider les locataires à mieux traiter leur budget, à mieux résoudre les problèmes de dégradation de leur immeuble, à faire réaliser des petits travaux avant que ne se posent de graves problèmes de dégradation. Nous savons que ces investissements rapportent et que ces emplois permettent des économies considérables. C'est une première réponse à cette solvabilisation.
Mais il y en a bien d'autres, car nous savons aussi que nombre de services peuvent être financés par les usagers eux-mêmes, qui, aujourd'hui, ne les financent pas, faute d'une offre qualifiée, structurée, organisée. Combien de personnes âgées hésitent à appeler quelqu'un pour sortir ou les accompagner dans leurs courses parce qu'elles ne sont pas sûres de l'association voisine ou de la qualification de la personne qui va leur être envoyée ? Dans ce domaine, comme dans d'autres, il existe des sources de financement.
Je donnerai un dernier exemple pour montrer que le secteur privé peut également être une source de financement.
A Lille, nous avons créé des médiateurs de lecture dans les bibliothèques, chargés d'apporter les livres à ceux qui ne peuvent se déplacer. Aujourd'hui, certains clients particuliers, mais aussi des cliniques privées, des maisons pour handicapés financent aux trois quarts ce service de médiateurs de bibliothèque, qui, au départ, a été financé par la Ville de Lille, et ce parce qu'ils y trouvent leur compte.
C'est donc de notre imagination et de notre capacité à trouver ces sources de financement, forcément multiples, que dépendra le succès de ce programme.
C'est peut-être, là aussi, une innovation. Nous avons trop l'habitude, dans notre pays, de considérer que l'on est dans un secteur public financé totalement par le public ou dans un secteur privé financé totalement par le privé. Nous devons trouver des circuits de financement croisés qui permettront à ces emplois d'être solvables.
J'en arrive maintenant - j'en terminerai par là - à la mise en oeuvre du dispositif.
Comme je l'ai dit devant la commission des affaires sociales, au-delà des dispositions législatives et réglementaires, la réussite d'un tel programme dépendra d'abord de l'esprit et des modalités qui présideront à sa mise en oeuvre.
Nous souhaitons que le dispositif se mette en place au plus près des acteurs locaux et qu'il soit le plus simple et le plus souple possible.
Il nous faut, bien sûr, recenser les besoins, faire émerger les projets, envisager leur pérennisation, réfléchir à leur professionnalisation. Cette démarche doit se faire d'abord avec les élus, puis avec les responsables associatifs, les partenaires économiques, les responsables des services publics impliqués directement dans la vie locale.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les appels à projet devront être lancés au niveau du bassin d'emploi, c'est-à-dire au plus près des habitants. C'est à ce niveau que nous connaissons véritablement les besoins, que nous savons s'il y a déjà des réponses dans le secteur privé ou dans le secteur de l'insertion, que nous pouvons innover en faisant se réunir autour de la table l'ensemble des acteurs susceptibles d'organiser le service ou de le financer.
Voilà pourquoi nous avons demandé aux préfets de désigner - en général, ils se désigneront eux-mêmes - un pilote pour impulser le projet.
Il est bien clair dans notre esprit que, lorsqu'une commune constitue à elle seule un bassin d'emploi, c'est le maire de la commune, s'il le souhaite, qui est le leader dans le bassin d'emploi. C'est à lui de signer un contrat d'objectif avec l'Etat, où il réservera en quelque sorte le nombre d'emplois qu'il mobilisera autour de sa propre activité ou de celle que pourront soutenir les acteurs économiques et sociaux de sa ville qu'il mettra autour de la table.
Dans le cas où le bassin d'emploi est composé de petites communes, nous avons demandé au préfet de voir qui sera le mieux à même de mobiliser les différents acteurs. Cela pourra être un maire, là encore, reconnu par ses collègues, mais aussi un président d'association, voire le sous-préfet. Dans tous les cas, il faudra trouver la personne idoine, celle qui sera apte à entrer dans cette logique à la fois innovante et souple.
Deuxième impératif, je l'ai dit, la simplicité qui devra présider à la mise en oeuvre du dispositif.
Les appels à projet seront permanents ; les réponses devront faire l'objet d'une demande sous la forme d'un cahier des charges général, qui répondra d'abord aux objectifs que j'ai évoqués tout à l'heure : montrer que nous ne sommes pas dans le secteur public, définir l'environnement économique, préciser les grands axes de la pérennisation et de la professionnalisation.
Je souhaite que le Sénat confirme la volonté des députés de garder des dispositifs souples et simples.
Je l'ai dit, les collectivités locales - communes conseils régionaux, conseils généraux - pourront passer un contrat d'objectif avec l'Etat, contrat qui définira le contingent d'emplois souhaitable.
J'ai salué tout à l'heure le président du conseil général du Pas-de-Calais, avec qui nous avons déjà commencé à travailler en vue d'élaborer un contrat d'objectif.
Les conseils généraux et régionaux pourront, bien sûr, élaborer eux-mêmes des projets dans le cadre de leurs missions : activités nouvelles dans l'action sociale pour les conseils généraux, par exemple ; activités nouvelles dans le domaine de l'environnement pour les conseils régionaux.
Ils pourront, en outre, aider les communes qui ont des difficultés pour financer les 20 % restants ; je pense aux communes rurales, aux communes les plus pauvres, notamment parce qu'elles ont des quartiers en difficulté. Là aussi, il m'apparaît qu'il serait souhaitable de substituer au guichet ouvert à tous une sélection des communes qui ont besoin d'être aidées pour financer les emplois-jeunes.
Enfin, il serait bon - l'Assemblée nationale l'a reconnu - que les conseils régionaux, dans le cadre des missions qui leur ont été confiées par la décentralisation, puissent aider au financement de la formation, voire à l'évaluation, qui sera réalisée dans les différents métiers.
Je tiens, enfin, à préciser que le circuit de paiement sera aussi rapide que possible. Une fois n'est pas coutume, l'Etat essaiera de payer non seulement à temps mais en avance, au début de chaque mois.
C'est le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, qui gérera le dispositif, dispositif que nous sommes d'ailleurs en train de mettre en place puisque nous souhaitons pouvoir démarrer dès le 15 octobre prochain.
De la même manière, nous avons déjà préparé un projet de décret, qui évolue au fur et à mesure des débats parlementaires, et une circulaire, qui s'amplifie, elle aussi, au fur et à mesure des questions qui nous sont posées, afin que l'ensemble des textes puissent être publiés en même temps et aussi rapidement que possible après le vote de la loi.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateures, je conclurai mon propos en insistant sur le caractère novateur de ce projet.
Celui-ci innove dans le mode d'intervention de l'Etat. Vous l'avez vu, l'Etat ne se contente pas d'accompagner socialement les chômeurs ; il investit dans les emplois de demain. Cela me paraît important.
Il y a innovation, également, dans les rapports entre l'Etat, le secteur public, le secteur associatif et le secteur privé. Nous devons nouer des collaborations entre ces différents secteurs, et, pour ma part, je ne vois aucun inconvénient à ce que les entreprises privées se joignent d'ores et déjà au tour de table de certains projets en cours d'élaboration.
Il y a innovation, enfin, dans la démarche d'appel à projet. La mise en place des projets n'a rien de bureaucratique, avec des documents à remplir, des tampons à obtenir. La démarche est souple, innovante, on fait confiance aux acteurs sur le terrain, en particulier aux élus.
Cette piste - je le dis comme je le pense - est sans doute parmi les plus novatrices. Elle pourrait d'ailleurs - je vois que l'Europe commence à s'y intéresser - constituer la base d'une réflexion au sein même de l'Europe puisqu'il s'agit, au fond, de reconnaître que, si l'industrie doit évidemment être défendue partout où elle existe, si elle doit être développée dans le secteur des nouvelles technologies, où nous avons du retard, elle ne permettra pas, à elle seule, de créer des emplois, qu'il convient donc d'accélérer le passage vers une société de services nous permettant de mieux vivre tous ensemble, avec une qualité de vie plus sûre dans une société plus ouverte, mais apte aussi à redonner de l'espoir à nombre de nos concitoyens, notamment aux jeunes, grâce aux emplois qui seront créés.
Il me paraît tout à fait essentiel de proposer à ces jeunes, qui depuis des années ont des emplois précaires ou qui sont au chômage, de vrais métiers, qui sont les métiers de demain et qui contribueront à ce que notre société soit finalement moins dure et plus solidaire.
Et comment ne pas faire confiance à la jeunesse, à sa générosité, à ses capacités de solidarité, pour nous aider à construire cette société ?
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons aujourd'hui un signal fort à lancer à notre jeunesse. Elle l'attend ; on le voit dans ses premières réactions. Nous ne pouvons la décevoir ; c'est notre responsabilité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau face à nos responsabilités, face à un problème social majeur, celui du chômage des jeunes et, finalement, celui de la confiance que nos concitoyens mettent en l'avenir.
Les chiffres montrent que jusqu'à présent nous n'avons pas réussi à combattre ce fléau, que notre pays, contrairement à d'autres, n'a pas su - nous y avons notre part, hélas ! - trouver la voie d'une forte croissance en emplois.
Je me bornerai à rappeler trois chiffres : plus de 600 000 jeunes de moins de vingt-six ans inscrits comme demandeurs d'emploi, ce qui représente 20 % des chômeurs, et un taux de chômage des jeunes actifs de 25,1 %, taux qui ne tient pas compte des jeunes poursuivant leurs études uniquement pour échapper au chômage.
Alors, face à ces chiffres, nous comprenons tous l'immense espoir social que suscite l'annonce d'un plan d'embauche de 700 000 jeunes sur trois ans. Cela explique les demandes dont les maires ou les chefs d'établissement scolaire sont assaillis.
Face à cet espoir qu'il a lui-même suscité, que nous propose le Gouvernement ? Un projet de loi dont l'objectif est de créer 350 000 emplois-jeunes dans le secteur public et associatif, emplois ayant un caractère d'utilité sociale. Je ferai une remarque en passant : sur les 350 000 autres emplois-jeunes à créer dans le secteur privé, nous n'avons guère d'informations !
Qu'il y ait des besoins nouveaux - on dit, plus savamment, « émergents » - susceptibles de créer des emplois est chose possible. Les élus n'ont d'ailleurs pas attendu le projet de loi actuel pour s'y intéresser : la liste de vingt-deux métiers, publiée il y a quelque temps, n'est, me semble-t-il, que le recensement de ce qui a été fait ici et là depuis des années. Pour ma part, j'ai déjà créé, à Montbéliard, des emplois d'agent d'entretien ou de médiation dans le domaine du logement, des agents de prévention et d'ambiance dans le domaine des transports, des médiateurs de justice, des emplois d'aide aux victimes, et je passe sur tous les emplois liés à l'environnement.
J'aimerais vous rappeler, madame le ministre, une tentative de la région Franche-Comté, alors sous la présidence du regretté Edgar Faure, qui s'intitulait: « Les emplois vocationnels ». A l'époque, les URSSAF nous pénalisaient de 26 millions de francs, et c'est une certaine Martine Aubry, déjà ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui avait réglé le problème. Comme quoi votre souci de l'emploi des jeunes est partagé depuis longtemps par les élus !
Cette démarche qui consiste à favoriser les initiatives locales, à susciter de nouvelles activités, s'inscrit dans la logique de la politique de l'emploi suivie ces dernières années. On constate en effet que l'Etat confie de plus en plus souvent à d'autres collectivités locales ou partenaires sociaux le soin de mettre en oeuvre et de gérer des actions qui relevaient jusqu'alors de sa compétence. Je citerai le transfert de l'allocation formation reclassement, l'AFR, ou de l'inscription des demandeurs d'emploi sur l'UNEDIC, le financement par le secteur privé, au travers, là encore, de l'UNEDIC, des préretraites avec l'allocation de remplacement pour l'emploi ou l'allégement du coût du travail et l'assouplissement - timide, il est vrai - du cadre juridique de l'exécution du contrat de travail.
Cette déconcentration, voire cette décentralisation, de la politique de l'emploi a deux raisons essentielles : se rapprocher du terrain et des réalités de l'emploi et alléger les contraintes pesant sur le budget de l'Etat en les transférant à d'autres. Nous avons prêté la main à cette politique de transfert, car elle a, bien évidemment, ses vertus.
Le projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes s'inscrit donc dans cette logique et la pousse encore un peu plus loin. En fait, si je résume à grands traits la philosophie du projet, l'Etat cherche à inciter les collectivités locales, directement ou indirectement, par le biais de leurs établissements publics ou du monde associatif, à se transformer en pépinières sinon d'entreprises, du moins d'activités et d'idées nouvelles.
Cependant, comme ces activités ne sont pas rentables, que la demande potentielle n'est pas solvable, l'Etat financera partiellement ces emplois pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, soit 80 % d'un SMIC avec ses charges sociales pendant cinq ans, le reste étant payé par qui pourra ou par qui voudra. Cela n'est pas choquant, dans la mesure où l'on parvient à la pérennisation. Quant aux jeunes concernés, ils doivent avoir entre dix-huit et vingt-cinq ans, exceptionnellement moins de trente ans lorsqu'ils connaissent de graves difficultés d'insertion. Les employeurs sont les mêmes que pour les contrats emploi-solidarité. L'Etat et le secteur privé marchand ne peuvent être employeurs, sinon, pour le premier, dans le cadre très spécifique de l'article 2 du projet de loi concernant les missions d'adjoints de sécurité. Autrement dit, mis à part quelques grands établissements publics, comme la SNCF ou La Poste, les principaux employeurs devraient être les collectivités territoriales ; c'est une donnée qu'il faut garder à l'esprit.
Ces emplois, Mme le ministre nous l'a dit, ont vocation à être pérennisés. Aussi, pour professionnaliser ces activités, l'Etat s'engagera à apporter des aides et des conseils. Enfin, pour composer avec les règles des fonctions publiques, le projet de loi innove en instituant un contrat de droit privé à durée déterminée de cinq ans susceptible d'être rompu chaque année. C'est un bel exemple de flexibilité que les entreprises privées envieront sans doute, surtout dans la version retenue par l'académie de Paris qui prévoit un CDD d'un an « éventuellement renouvelable ». Le texte est dans mon rapport, vous l'avez sans doute lu, madame le ministre.
Maintenant que j'ai rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait le projet de loi et que j'en ai décrit à grands traits le dispositif, il convient de l'analyser et de nous prononcer.
Une fois passé l'effet d'annonce portant sur les 350 000 créations d'emplois, une analyse objective du dispositif qui nous est proposé révèle, selon nous, sa grande ambiguïté - vos propos se voulaient plus rassurants, madame le ministre - quant à la nature des activités qui seront mises en place et ainsi subventionnées. S'agit-il d'activités relevant de la sphère privée, du secteur marchand des services, ou s'agit-il d'activités relevant de la sphère publique, voire d'un secteur mixte qui, bien que privé, ne peut survivre qu'avec des aides publiques ? A cet égard, la liste non exhaustive des vingt-deux nouveaux métiers révèle clairement le danger : nombre de métiers concernant l'environnement, ou l'entretien et la maintenance des logements et de leurs équipements, appartiennent à l'évidence à la sphère privée. Subventionner ces emplois, c'est sans doute et surtout susciter une concurrence déloyale pour nombre d'entreprises du secteur privé, notamment dans le cadre des gestions déléguées, avec pour conséquence des menaces pour l'emploi. Cela entraînerait, selon les sources, de 45 000 à 100 000 destructions d'emplois, et vous avez insisté, madame le ministre, sur votre souci de ne pas concurrencer le secteur marchand.
S'il peut paraître judicieux de faciliter la germination d'activités nouvelles, pour reprendre l'image de la pépinière, encore faut-il, madame le ministre, veiller à ce que ces activités n'étouffent évidemment pas celles qui existent.
La liste de ces emplois, comme celle plus complète qui figure dans le rapport Nouveaux services, nouveaux emplois, recèle aussi de graves dangers potentiels : d'abord, parce que certains de ces métiers nouveaux ne me semblent pas faits pour des jeunes de moins de vingt-six ans, sans expérience professionnelle et sans expérience humaine ; médiation familiale, réinsertion des détenus, prévention de la violence, par exemple, sont autant d'activités qui nécessitent une connaissance de la nature humaine que n'auront pas ces jeunes. D'ailleurs, de façon plus générale, il semble à la commission des affaires sociales que, quand on crée des activités nouvelles, il est préférable de faire appel à des professionnels expérimentés ; inversement, l'insertion est plus facile dans des activités déjà rodées. Dire que l'on va professionnaliser ces métiers ne paraît pas suffisant, car le résultat de cette formation se fera sentir trop tard : l'échec sera déjà survenu. La commission des affaires sociales, madame le ministre, craint que nombre de ces métiers ne soient, hélas ! sans perspectives, et cela lui paraît grave au regard des espoirs suscités.
Cette ambiguïté est encore accentuée par les annonces intempestives de différents ministères visant à créer qui 3 000, qui 5 000, qui 40 000 emplois-jeunes. D'ailleurs, les organisations syndicales de la fonction publique redoutent déjà la mise en place d'une fonction publique bis , une fonction publique à l'économie, lourde de dangers de tous ordres pour les années à venir.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Serge Vinçon. Très juste remarque !
M. Louis Souvet, rapporteur. Que dire également des emplois envisagés à la SNCF ou à La Poste, qui nous semblent, à l'évidence, être des « résurgences de métiers », autrefois assurés par ces organismes ?
Pour la commission des affaires sociales, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte va, dans certains secteurs et non des moindres, générer de forts effets d'aubaine, qui se révéleront très vite désastreux, on le craint, et contagieux : c'est ainsi que j'ai entendu hier, à la radio, que Renault, anticipant sur la demande de printemps de sa clientèle, envisagerait l'embauche de jeunes dans le cadre de ce dispositif. J'espère, bien évidemment, qu'on l'arrêtera suffisamment tôt, pour autant que j'aie bien compris.
Autre faiblesse du projet de loi : il n'aborde pas les vrais problèmes de l'exclusion des jeunes du marché du travail. Si, à l'évidence, la conjoncture économique y est pour beaucoup, il existe d'autres raisons : la rigidité du code du travail et aussi, et peut-être surtout, la médiocre qualité ou l'inadaptation aux besoins des entreprises de la formation initiale. Sans aller jusqu'à proposer une réforme du système éducatif, sans doute aurait-il été opportun de coordonner la création de ces activités nouvelles avec des mesures de formation professionnelle. Or, il n'y avait rien en ce sens dans le projet de loi initial.
Il n'y a rien non plus qui permette de faire le lien avec la question de l'exclusion générale du marché du travail. Or, je l'ai déjà dit, créer des activités nouvelles suppose de l'expérience. Il est regrettable que le projet de loi ne fasse pas appel à ceux qui ont cette expérience et qui, très souvent, pour une part d'entre eux, se trouvent exclus du marché du travail par les restructurations et autres effets de la compétition économique. De plus, s'engager dans cette voie aurait permis de commencer à rationaliser et à réduire le nombre des dispositifs emplois dont l'empilement atteint aujourd'hui des proportions rédhibitoires. Cette simplification avait été annoncée, elle n'a pas été faite. Pourtant, une vision plus globale de la politique de l'emploi aurait très certainement un effet d'entraînement extrêmement favorable.
Enfin, et ce n'est pas le moindre des dangers de ce projet de loi tel que nous l'avons lu, il fait peser une lourde menace sur les finances des collectivités locales et sur les finances de l'Etat. Le coût pour l'Etat est peut-être supportable pendant les cinq ans prévus s'il est financé par des économies. Mais qu'en sera-t-il pour les collectivités locales, qui seront au coeur du dispositif, mes chers collègues, et qui, au bout des cinq ans, subiront une pression sociale considérable pour maintenir ces emplois alors que l'aide de l'Etat aura disparu ?
M. Serge Vinçon. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Louis Souvet, rapporteur. La sortie du dispositif est la grande inconnue. Comment être sûr que, dans quelques années, tout cela ne débouchera pas sur une pression fiscale accrue, avec tous les effets négatifs que l'on sait sur l'emploi ? Nous pensons en particulier aux emplois créés par l'éducation nationale.
M. Alain Gournac. C'est la fuite en avant !
M. Louis Souvet, rapporteur. Autre danger pour les collectivités locales, celui d'une perte d'autonomie, car elles se verront imposer des choix qu'elles n'auraient peut-être pas faits spontanément, elles subiront des contraintes sans en avoir la maîtrise. Les maires seront les principaux interlocuteurs de l'Etat. Mais seront-ils entendus ?
De tout cela, me semble-t-il, l'Assemblée nationale a eu conscience : les modifications apportées au texte en témoignent. Ainsi, a-t-elle posé le principe d'une pérennisation, mais sans en préciser ni les modalités ni les moyens, a-t-elle parlé de formation, mais là encore sans en définir les moyens, a-t-elle prévu l'intervention d'autres collectivités territoriales que les communes, mais de façon marginale. Et surtout, elle n'a pas su éviter les risques de dérapage vers une fonction publique bis. En fait, nombre des amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont des ajustements techniques, utiles certes, mais insuffisants pour corriger les défauts les plus criants du texte, comme celui par exemple de la concurrence déloyale faite au secteur privé ou celui du financement des emplois au-delà des cinq ans, question que certains élus eux-mêmes pourraient négliger de traiter, puisqu'elle ne se posera véritablement qu'après les prochaines élections municipales.
M. Alain Gournac. Tiens, tiens !
M. Louis Souvet, rapporteur. Notre méconnaissance de ces métiers nouveaux donne naissance à des doutes et à des hésitations. Risques et craintes de concurrence déloyale, métiers apparemment inadaptés, effets d'aubaine, préparation insuffisante, encadrement inexistant, menace pour l'autonomie des collectivités locales et leur équilibre financier, tels sont donc les grands dangers que nous croyons déceler dans ce texte.
A ce stade de l'analyse, que devons-nous faire, mes chers collègues ?
La commission des affaires sociales, pour des raisons évidentes, n'a pas souhaité rejeter le texte, d'autant que nombre d'entre nous, maires ou présidents de conseils généraux, ont déjà exploré la voie retenue par le projet de loi et qu'il nous est difficile de le rejeter a priori. Pour avoir entendu les présidents d'associations d'élus locaux à l'occasion des consultations auxquelles j'ai procédé, je sais que nombre de maires et d'élus locaux partagent ce point de vue.
Les maires ont créé ces activités après les avoir financées sur le long terme, sans artifice, après s'être assurés de leur pérennité sur des fondements solides, en collaboration avec d'autres partenaires ayant pris des engagements fermes. Or, tel n'est pas le cas du projet de loi : certes, l'Etat s'est engagé sur cinq ans, du moins peut-on l'espérer - car que penser de la remise en cause des aides aux emplois familiaux, de la suppression de l'exonération d'impôt sur les constructions neuves ou du changement de fiscalité sur certains produits de l'épargne ? - mais qu'en sera-t-il au-delà de cette durée, alors que les besoins seront toujours là, sans doute encore plus pressants puisqu'ils auront pu être satisfaits pendant cette période ? Nous sommes dans l'inconnu le plus total et cette sortie du dispositif constitue - j'y reviens - la crainte la plus sérieuse pour le système.
Ayant formulé ce constat, la seule solution qui a semblé opportune à la commission des affaires sociales était d'amender significativement le texte. En témoignent les 127 amendements que vous avez déposés, mes chers collègues, auxquels s'ajoutent les 22 amendements de la commission. Je puis affirmer ici que vous avez suivi la même voie. Ces amendements contiennent toute une mine d'idées nouvelles et de précisions certes utiles mais que nous ne pouvions pas toutes incorporer dans le projet de loi.
Les amendements que la commission vous proposera ne répondront pas à toutes les objections que j'ai formulées, simplement parce que c'est la politique globale de l'emploi qu'il faudrait revoir, à commencer par la façon dont notre système scolaire prépare les jeunes à l'emploi, Néanmoins, ces amendements devraient permettre de corriger les défauts les plus criants du projet de loi.
Tout d'abord, il convient de mieux cerner les activités afin d'éviter tout risque de concurrence déloyale. Pour cela, la commission des affaires sociales propose de confier un rôle de conseil et de suggestion au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, le CODEF, composé de représentants des pouvoirs publics et de parlementaire, et qui est assisté, je vous le rappelle, d'un conseil départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi où siègent - et cela est d'importance - les partenaires sociaux.
Ces instances interviendront à trois moments, et, en premier lieu, avant la signature de la convention par le préfet, pour lui donner un avis sur la viabilité dans le temps et dans l'espace du projet et sur son articulation avec les secteurs public ou privé. Le CODEF pourra d'ailleurs déléguer son rôle aux missions locales pour l'emploi, plus proches du terrain.
Ces instances interviendront ensuite pour suivre l'application de la convention dans le temps à la demande du préfet chargé de la contrôler, mais surtout elles devront, chaque année, procéder à une évaluation des activités et des emplois créés afin de déterminer les conditions de leur passage progressif vers le secteur privé, ou de leur pérennisation dans le secteur public, ou encore de leur abandon.
Pour la commission des affaires sociales, ce point est d'importance. Les activités créées n'ont, pour leur plus grande part, pas vocation à rester dans le secteur public : elles doivent migrer et être pérennisées au sein du secteur marchand.
Le CODEF formulera donc ses recommandations à l'attention du préfet et de l'employeur. Le préfet pourra alors décider de supprimer l'aide de l'Etat. Mais il pourra, aussi, subventionner pour une durée limitée le passage au secteur privé avec ce qui restera de l'enveloppe initiale. En outre, diverses dispositions sont insérées dans le projet de loi, telles que la mention d'une contribution des usagers aux services rendus, pour préparer ce transfert.
J'ajoute que, pour faciliter l'encadrement de l'activité et son glissement éventuel vers le privé, il serait opportun que les partenaires sociaux participent au dispositif par l'intermédiaire du fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi après avoir négocié un système d'aides qui s'inspirerait de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, ou des conventions de coopérations. Pour cela, il convient d'autoriser le fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi à affecter une partie de ses ressources au financement de l'encadrement de ces nouvelles activités.
Ainsi, les collectivités territoriales n'auraient pas systématiquement la charge de ces nouvelles activités, ce qui serait sans doute le cas à défaut d'un tel mécanisme d'évaluation et de transfert. Une solution est donc ainsi apportée au problème de la sortie du dispositif. Certes, elle ne sera pas totale puisqu'une partie des activités nouvelles pourrait rester à la charge des collectivités.
De plus, une passerelle serait ainsi jetée avec d'autres catégories de personnes exclues du marché du travail, par exemple les cadres au chômage ou susceptibles de partir en préretraite. Cette globalisation a semblé importante à la commission pour redonner confiance. Mais c'est semble-t-il encore insuffisant.
Pour faciliter cette migration vers le secteur marchand et éviter qu'elles ne débouchent sur des désillusions, il faut professionnaliser ces activités nouvelles. Pour cela, la commission des affaires sociales vous propose d'adosser leur création au recours à l'apprentissage au sein des collectivités locales et des entreprises partenaires, recours à l'apprentissage qui pourrait être fortement encouragé en étant financé dans les mêmes conditions que les emplois-jeunes.
MM. Alain Gournac et Emmanuel Hamel. Très bonne idée !
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission tient d'ailleurs à souligner que le recours à l'apprentissage au sein des emplois-jeunes permettra de lutter contre l'effet d'éviction que risque de susciter ces emplois à l'égard de l'apprentissage : pourquoi, pourraient se dire certains jeunes, se fatiguer à suivre un apprentissage peu rémunéré quand on peut être embauché pour cinq ans avec une rémunération bien supérieure ?
Le dispositif que propose la commission des affaires sociales permet donc d'aborder la question de fond de l'emploi des jeunes, même si cela n'est fait que partiellement, à savoir leur qualification. Il permet aussi de ne pas réserver les emplois-jeunes aux plus qualifiés, ce qui aurait pour conséquence d'exclure encore davantage ceux qui le sont moins, ou ne le sont pas du tout.
Enfin, pour éviter la confusion entre des activités de natures différentes, la commission des affaires sociales a souhaité que les emplois relevant des missions de l'Etat, comme ceux de l'éducation nationale, restent sous un régime de droit public et soient financés à 100 % par l'Etat, ainsi que le projet de loi le prévoit déjà pour les adjoints de sécurité. Cela lèvera l'ambiguïté savamment entretenue sur la question de savoir qui financera ces emplois.
Ce point a donné lieu à de longs débats. Partant du constat largement partagé au sein de la majorité sénatoriale, et même au-delà, m'a-t-il semblé, que les emplois relevant des missions fondamentales de l'Etat - police, justice, éducation, notamment - n'avaient pas à figurer dans un tel projet de loi et que, s'il y avait des besoins, ceux-ci devaient être satisfaits dans le respect des règles de la fonction publique, y compris budgétaires, la solution la plus logique aurait été de supprimer les dispositions les concernant et d'interdire aux ministères de profiter des effets d'aubaine générés par le projet de loi.
Néanmoins, étant donné l'attente suscitée par ces propositions d'emplois auprès des jeunes et de leur famille et tout en déplorant les effets d'annonces, ainsi que la publication de fiches d'inscription par l'éducation nationale - elles figurent en annexe du rapport - qui anticipe le vote de la loi, la commission n'est pas allée jusqu'à supprimer les dispositifs qu'elle réprouve. Elle les a cependant détachés du dispositif de l'article 1er du projet de loi pour en faire une catégorie à part relevant du droit public. Malheureusement, la question du sort de ces emplois au terme des cinq ans reste en suspens et tout se passe comme si le Gouvernement d'aujourd'hui « repassait » le problème à l'un de ses successeurs.
Naturellement, à côté de ces modifications lourdes ou d'importance, la commission en proposera d'autres, qui en sont la conséquence, ou qui sont d'ordre technique ou rédactionnel.
Voilà, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les orientations que vous suggère la commission des affaires sociales. Ces orientations s'apparentent, je le reconnais volontiers, à un changement de philosophie du texte que je résumerai ainsi : le secteur public, les collectivités locales en premier lieu, jouent, avec l'aide de l'Etat, un rôle de pépinières d'activités nouvelles, mais la plupart de ces activités nouvelles doivent migrer vers le secteur privé marchand, dès qu'elles sont suffisamment consolidées, grâce au recours éventuel à l'apprentissage et à un encadrement performant. Quant aux emplois relevant des missions de l'Etat, ils doivent être cantonnés dans un dispositif spécifique relevant du droit public et ne pas interférer avec ceux qui ont vocation à passer dans le privé.
C'est sous réserve de ces modifications fondamentales que la commission des affaires sociales vous propose d'adopter le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans notre société, le chômage des jeunes est une question angoissante face à laquelle tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans n'ont pas su ou pas pu répondre de manière efficace. De nombreuses initiatives ont été prises dans de nombreux endroits - les collectivités locales ont fait de grands progrès dans ce domaine - mais les statistiques sont formelles : en France, le chômage des jeunes est nettement plus élevé que dans tous les autres pays de l'Union européenne.
C'est donc avec une certaine humilité que nous devons aborder le débat d'aujourd'hui.
Nous ne l'entamons pas non plus sans un certain malaise. Indubitablement, le projet de loi du Gouvernement, maintes et maintes fois annoncé, a fait naître chez les jeunes une vague d'espoir. Pour que cet espoir ne se transforme pas en déception, deux conditions devraient être réunies, à savoir que les jeunes ne retrouvent pas au bout de cinq ans le chômage ou la précarité et que la génération qui aura dix-huit ans dans cinq ans ne trouve pas alors porte close.
En vous écoutant, madame la ministre, j'ai eu le sentiment que vous étiez proche de notre analyse sur la détection de ces métiers émergents qui vont progressivement remplacer des métiers anciens, mais les moyens que vous proposez pour y parvenir sont critiquables. Si ce que je vous ai entendue dire à la tribune allait dans le sens de notre analyse, le texte, quand on l'examine mot après mot, s'en écarte très largement.
M. Claude Estier. Mais non !
M. Jacques Mahéas. Vous l'avez mal lu, monsieur Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Mes chers collègues, je le répète, ce texte s'écarte de son objectif. (Mme Joëlle Dusseau s'exclame.)
Pour fournir un emploi à 700 000 jeunes, le Gouvernement fait deux parts égales : 350 000 jeunes seront embauchés dans le secteur public et parapublic et vous essaierez de faire en sorte - plus tard - que 350 000 jeunes soient également embauchés dans le secteur marchand.
Or la part de l'emploi public dans notre pays atteint déjà le quart de l'emploi total.
C'est le taux le plus élevé des pays de l'Union européenne, si l'on excepte le Danemark et la Suède où ce taux dépasse 30 %. La moyenne des emplois publics se situe à moins de 18 % pour l'ensemble de l'Union européenne et à 15,5 % en Allemagne, c'est-à-dire chez notre principal partenaire et concurrent.
Ce taux est donc très élevé, trop élevé même.
Simplement, pour le maintenir, c'est-à-dire pour ne pas accroître notre divergence avec nos partenaires européens, le plan emplois-jeunes aurait dû cantonner les emplois dans le secteur public et parapublic à 175 000 et viser plus de 500 000 emplois dans le secteur marchand.
Par ailleurs, compte tenu des emplois-ville institués par le gouvernement précédent, et qui seront repris dans l'ensemble du dispositif, l'ordre de grandeur devrait être le recrutement de 150 000 jeunes d'ici à la fin de l'année prochaine.
Or nous en sommes loin. Au surplus, le maintien du taux d'emploi public à l'identique n'est pas, en soi, un objectif raisonnable ; il conviendrait de le réduire.
Mes chers collègues, il existe en effet une corrélation évidente entre le poids des emplois publics et celui des prélèvements obligatoires. La Suède et le Danemark, qui détiennent le ruban bleu de l'emploi public en Europe, battent également les records en matière de prélèvement obligatoire, avec des taux nettement supérieurs à 50 %, à savoir 52 % pour le Danemark et 55 % pour la Suède. La France n'en est encore - si l'on peut dire - qu'à 46 %. De plus, la moyenne européenne est de 42 %.
M. Alain Gournac. Triste record !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Les vingt dernières années ont été marquées par une mondialisation spectaculaire de l'économie, l'ouverture de nos frontières, une compétition internationale accrue, le développement considérable de marchés et de produits nouveaux, notamment dans le domaine de l'information et de la communication. Cela a déjà été dit et notre excellent rapporteur, M. Louis Souvet, l'a indiqué. Mais, le constat le plus important est, selon moi, que, depuis vingt ans, dans notre pays, les emplois du secteur marchand n'ont augmenté que de 7 %, alors que les emplois du secteur non marchand ont progressé de 40 %.
Une telle évolution est inquiétante.
Certes, la demande de biens de consommation durables ne tire plus la croissance. Mais il y a d'autres marchés, d'autres besoins : nous sommes non pas devant un monde qui finit, mais face à un monde qui change, et l'idée que le secteur marchand ne créerait plus d'emplois - comme j'ai pu le lire sous quelques plumes célèbres depuis quelques mois - est à l'évidence une idée fausse. (Très bien ! sur les travées du RPR).
Notre pays s'est-il tourné à temps vers les vrais gisements d'emplois marchands ? Notre pays a-t-il fait les efforts suffisants d'adaptation de son appareil productif, de son système de formation, de son mode d'organisation du travail pour répondre efficacement à l'évolution tant de la demande intérieure que des marchés à l'étranger ? Telles sont les vraies questions que tout responsable politique doit se poser aujourd'hui.
Pour ma part, comme vient de le préciser M. le rapporteur - et nous sommes d'accord sur ce constat - je ne crois pas que les marchés émergents et les emplois correspondants soient nécessairement insolvables ni que le secteur des services, dont l'importance ne cesse de croître dans les économies modernes, doive coïncider avec le service public ou le secteur associatif.
Je ne considère pas pour autant que le développement d'emplois d'utilité sociale soit une piste à négliger. Les élus locaux que nous sommes se sont d'ailleurs largement engagés dans cette voie, et le bon démarrage des emplois de ville en témoigne.
Mais face à ce constat, madame la ministre, le volet public du plan emplois-jeunes que nous propose aujourd'hui le Gouvernement souffre de deux contradictions.
Promouvoir le développement d'activités créatrices d'emplois présentant un caractère d'utilité sociale, selon les termes du projet de loi, d'intérêt général proposons-nous, est une démarche nécessairement très qualitative.
Or, et c'est la première contradiction du texte qui nous est présenté, cette démarche a été immédiatement assortie d'un effet d'annonce et d'un objectif quantitatif : créer 350 000 emplois dans les trois ans qui viennent. La réussite politique du plan repose désormais sur la nécessité de « faire du chiffre ».
Il en résulte, tout d'abord, que les premières annonces d'emplois vont, à l'évidence, à rebours de la philosophie du dispositif telle que nous avons cru la comprendre. Ainsi, 20 000 emplois sont annoncés dans la police nationale, 45 000 dans l'éducation nationale et 3 500 à la justice. Voilà donc déjà près de 70 000 emplois qui seront financés à 100 % par le budget général, et 20 % de l'objectif des 350 000 emplois sont atteints.
Mais ces emplois relèvent à l'évidence de la fonction publique la plus classique et des missions les plus traditionnelles de l'Etat. Ils ne donnent pas une « image exacte » du dispositif annoncé et personne ne doute - beaucoup d'amendements seront présentés dans ce sens - qu'ils seront, à terme, intégrés dans la fonction publique.
Aussi, pour lever toute ambiguïté, la commission des affaires sociales, dans sa majorité, a décidé de leur faire un sort à part et de dire nettement que ces contrats seront de droit public. Dans les faits, c'est une nouvelle sorte de fonction publique et il ne faut pas mélanger ces emplois avec les emplois émergents qui répondent à des besoins nouveaux.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Mais un grand nombre d'entre nous sont inquiets de cette démarche qui consiste à recruter massivement de nouveaux futurs fonctionnaires, en marge des règles traditionnelles de la fonction publique. De surcroît, il y a là, pour une classe d'âge, un effet d'aubaine dont la génération suivante ne profitera pas, sauf à poursuivre ces recrutements sur une longue période, ce qui reviendrait à s'orienter délibérément vers un gonflement continu des fonctions publiques de notre pays.
Il résulte ensuite de cet effet d'annonce et de cet objectif quantitatif que, naturellement, on est peu « regardant » sur le caractère véritablement nouveau des activités créées.
Les effets de substitution et d'éviction que comporte tout mécanisme volontariste de création d'emplois s'en trouveront accrus : effet d'aubaine pour les employeurs publics ou parapublics, mais également destruction parallèle d'emplois dans le secteur marchand, notamment pour toutes les petites entreprises qui s'étaient lancées dans ce secteur des métiers nouveaux.
La seconde contradiction du texte qui nous est présenté tient à l'ambition de pérenniser dans le secteur marchand les « vrais » emplois d'utilité sociale et à l'absence de mesures concrètes permettant de préparer cette évolution.
Madame la ministre, je ne mets pas en doute votre intention et celle du Gouvernement de faire évoluer un certain nombre d'emplois financés sur fonds publics vers de futurs métiers du secteur marchand - sur ce point, nous sommes très largement d'accord avec vous - mais le texte va à l'encontre de cette intention. (M. Alain Gournac approuve.)
Tout d'abord, vous allez confronter des jeunes sans expérience professionnelle à des activités nouvelles, parfois dans des domaines sensibles, vous allez les mettre en présence de personnes isolées, âgées, en difficulté, en bas âge.
En l'absence d'un dispositif renforcé d'encadrement et de formation, je ne vois pas comment ces activités pourront être exercées correctement, voire sans danger, pour les titulaires comme pour les usagers ; je ne vois pas comment elles pourront être professionnalisées, c'est-à-dire transformées en métiers susceptibles d'évoluer vers le secteur marchand.
Par ailleurs - et c'est le point le plus préoccupant du projet de loi - tout est organisé pour faire évoluer ces jeunes pendant cinq ans dans le cadre exclusif du secteur public, parapublic et associatif sans y associer, sinon marginalement, les entreprises et les professionnels. Là encore, je doute que les conditions dans lesquelles se déroulera cette expérience soient le prélude à une bonne intégration dans le secteur marchand.
Enfin, comme l'a souligné M. Chérioux, aucune référence n'est faite quant à une éventuelle participation de l'usager au financement des prestations envisagées.
Il est vrai, madame le ministre, que nombre de métiers évoqués ne « rencontrent » pas aujourd'hui un usager déterminé. Le dispositif s'inscrit donc dans une stratégie d'offre publique gratuite.
Je suis sceptique sur la possibilité de demander dans cinq ans aux usagers ou aux familles de financer un service dont, précédemment, ils auront bénéficié gratuitement.
La pression sera à l'évidence forte sur nos collectivités locales, sur les caisses d'allocations familiales, sur les associations subventionnées par des fonds publics, pour qu'elles continuent de satisfaire les besoins qui auront « émergé » sans avoir rencontré pour autant une demande « solvabilisée ».
M. Henri de Raincourt. Evidemment !
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
MM. Alain Vasselle et Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Sur ces trois points, la majorité de la commission des affaires sociales, comme l'a indiqué notre excellent rapporteur, M. Louis Souvet, s'est efforcée de mettre le texte en harmonie avec vos intentions et avec les nôtres...
M. Jacques Mahéas. Vous êtes trop bons !
M. Henri Weber. Quelle condescendance !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. ... et d'y insérer les mécanismes permettant, d'une part, de favoriser la professionnalisation de ces métiers nouveaux, l'encadrement et la formation des jeunes qui les occuperont et, d'autre part, sinon de garantir - mais c'est impossible - du moins de donner une chance à ces emplois d'évoluer dans les meilleurs délais vers le secteur marchand.
Il reste que, dans une économie moderne ouverte sur le monde et donc confrontée à la concurrence, la création d'emplois publics pour résorber le chômage - fût-il le chômage des jeunes - est un instrument inadéquat qui se retourne rapidement contre l'objectif poursuivi.
Le projet dont nous allons débattre est évidemment marqué par cette idée. Mais il faut reconnaître qu'il tente d'orienter les jeunes vers des métiers émergents et des besoins non satisfaits ; il faut donc conjurer le risque de le voir se transformer en un simple recrutement d'une fonction publique au rabais.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales, dans sa majorité, s'est efforcée de valoriser la partie du texte qui pourrait éviter la déception, voire l'échec.
Déjà, nous constatons que la croissance que nous connaissons en ce moment est plus riche en emplois qu'elle ne l'était il y a quelques années. C'est dans cette voie qu'il faut poursuivre : l'adaptation du marché du travail, l'allégement des charges des entreprises, la réforme du système de formation, la décentralisation des aides au premier emploi, voilà les réformes qu'il convient de poursuivre pour rejoindre le petit groupe des pays industrialisés qui ont su réduire le chômage et favoriser l'insertion professionnelle des jeunes.
Mes chers collègues, la France ne peut pas aller à l'encontre de ce que font ses partenaires et ses concurrents. Au début de mon propos, j'ai fait référence à l'esprit d'humilité qui doit nous imprégner dans ce débat difficile : je conclus en disant que l'acceptation des réalités est toujours préférable à l'affirmation de dogmes.
Nous n'avons pas le droit de décevoir les jeunes. Nous devons répondre favorablement à leur demande, mais nous avons le devoir de ne pas les engager dans des impasses. Mes chers collègues, c'est entre ces deux exigences que doit s'inscrire notre débat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 41 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gournac. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Madame le ministre, je vous ai écoutée avec attention exposer votre plan de création de 350 000 emplois-jeunes. Sachez que l'emploi est bien évidemment notre préoccupation majeure, notamment celui des jeunes touchés par le chômage. Cependant, nous refusons la politique de faux-semblants que vous nous proposez de suivre. (Rires sur les travées socialistes.)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Tout en nuances, M. Gournac !
M. Alain Gournac. C'est pourquoi nous ne voterons pas en l'état votre projet de loi.
Quelle que soit la manière d'examiner votre texte et malgré vos nombreux efforts pour tenter de le camoufler, cela reste de l'emploi public, de l'emploi subventionné.
M. Guy Fischer. Vous trouvez normal de subventionner les patrons !
M. Alain Gournac. On peut aider à créer des emplois avec l'argent public, c'est vrai, mais à une seule condition : que ces emplois soient créés dans le secteur marchand ou susceptible d'y entrer, car ce sont les seuls qui génèrent de la richesse et donc de la croissance.
M. André Vezinhet. C'est dépassé !
M. Alain Gournac. C'est la politique que nous avons menée.
Nous avons créé les emplois de ville, qui ont très bien fonctionné. Les contrats initiative-emploi ont été étendus aux jeunes sortis du système éducatif sans qualification...
M. Gérard Delfau. Quelle réussite !
M. Claude Estier. Oui, c'est une réussite !
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Gournac s'exprimer !
M. Alain Gournac. Cela les gêne !
... et nous avons aidé le développement de l'apprentissage, mais toujours dans le secteur marchand.
Dans votre projet, vous avez choisi une autre voie. Vous nous présentez un texte qui ne concerne que la sphère publique, avec une dépense, au minimum, de 35 milliards de francs en année pleine, sans qu'il y ait un véritable projet pour les jeunes sans formation, sans issue, mais j'y reviendrai.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela s'adresse à des jeunes déjà formés, allons !
M. Jean Chérioux. Voilà bien l'intolérance de la gauche !
M. Alain Gournac. Ainsi, vous avez fait le choix de nous faire entrer dans ce cercle vicieux que vous vous appliquez à nouveau à tracer : plus de dépenses, plus de déficits, plus d'impôts, plus de charges, et donc moins de richesses créées, moins d'emplois.
C'est une voie diamétralement opposée à celle qui est pratiquée par nos partenaires européens depuis quelques années.
Je prends l'exemple hollandais. Les Pays-Bas sont, parmi les pays européens, celui qui présente les meilleurs indicateurs, avec un taux de chômage extrêmement bas et une excellente compétitivité.
Les cotisations patronales sur les bas salaires ont notamment baissé, avec le résultat que l'on connaît : on réduit massivement le chômage tout en continuant à créer de l'emploi public pour satisfaire les besoins sociaux ou ceux qui sont liés à la protection de l'environnement, mais dans des proportions raisonnables : de l'ordre de 40 000 de 1996 à 1998.
Mme Joëlle Dusseau. Ils sont moins peuplés que la France !
M. Alain Gournac. On connaît donc les recettes qui donnent de bons résultats. Elles ont été expérimentées avec succès. Alors pourquoi nous proposer de faire le contraire ?
Madame le ministre, je voudrais néanmoins saluer chez vous une double performance.
Dans votre texte, il est admis que la difficulté de créer de nouveaux emplois réside, premièrement, dans la rigidité du code du travail et, deuxièmement, dans des coûts salariaux trop élevés.
Or, lorsque les coûts salariaux sont trop élevés, vous, en bonne socialiste, vous réagissez en créant de l'emploi subventionné, hors du secteur marchand, et, qui plus est, sans organiser aucune passerelle vers le secteur privé. Il serait donc bien plus efficace d'alléger les charges pesant sur les salaires.
Quant à la rigidité du code du travail, quel ne fut pas mon étonnement lorsque j'ai découvert ce CDD de cinq ans, contrat hybride empruntant les caractéristiques du CDD comme du CDI ! Quelle ironie que ce soit vous, madame le ministre, qui écorniez si fortement les garanties que le code du travail offre aux salariés !
Je suis persuadé que beaucoup aimeraient voir étendre ce nouveau contrat à l'ensemble des employeurs privés ou publics, sans aide publique, bien entendu. Mais j'empiète peut-être sur votre second plan pour le secteur privé.
Ayant toujours considéré le problème du chômage des jeunes comme un problème crucial, j'ai donc examiné votre texte avec le plus grand intérêt. Je vous avoue être allé de surprises en indignation.
Première surprise : on ne connaît pas la nature des emplois créés. Ces emplois sont très vaguement définis dans le texte. En gros, vous comptez sur des besoins tout aussi peu clairement identifiés pour les préciser.
Ayant lu avec attention la liste de ces emplois, je vous avoue avoir mieux compris pourquoi elle n'avait pas fait l'objet d'une large publicité dans la presse !
Il y a dans Alice au pays des merveilles une forêt où les animaux, en y entrant, perdent leur nom. Dans votre forêt, madame le ministre, parce qu'il y a du conte de fée dans tout cela, les pseudo-emplois, eux, trouvent un nom : « animateur de nature », « agent d'écoute », « promoteur des pays », « agent d'aménagement des haies et des fossés », « assistant de convivialité à domicile »...
D'autres emplois sont plus porteurs. Mais se pose alors le problème de la formation des jeunes.
Puisque vous avez pour objectif l'absorption de ces emplois par le domaine privé, comme je vous ai entendu l'affirmer ce matin, n'aurait-il pas mieux valu aller chercher les nouveaux métiers ou les métiers à rénover, non encore solvables, mais pouvant le devenir, auprès des entreprises ? Pourquoi ne rien leur avoir demandé ?
On ne crée pourtant pas d'emplois sans employeur. Tout au plus crée-t-on un poste. Mais celui-ci ne crée aucune richesse. Un gros travail d'imagination doit donc être effectué avec les professionnels concernés.
La deuxième surprise a trait aux employeurs concernés. Ainsi que l'a affirmé le Président de la République, « c'est l'entreprise qui crée la richesse et l'emploi, c'est l'emploi privé qu'il convient de développer pour faire reculer le chômage, tout le reste est fallacieux ».

C'est dans le secteur marchand qu'il aurait fallu créer ces emplois.
Mme Hélène Luc. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Alain Gournac. Vous restez prisonnière, pardonnez-moi de vous le dire, madame le ministre, d'une conception dépassée de l'entreprise faisant des profits au détriment de ses salariés, et qu'il ne faut donc pas aider.
Mais, si on utilisait l'argent que vous voulez consacrer à ce plan pour créer des emplois nouveaux, le résultat serait sans doute bien meilleur et apporterait une solution au problème de la passerelle de l'emploi public à l'emploi privé que notre pays rencontrera inéluctablement dans cinq ans.
En outre, êtes-vous consciente de la concurrence déloyale que vous risquez de créer, malgré les contrôles que vous dites vouloir imposer, car j'imagine mal que les autorités compétentes chargées de contrôler votre dispositif refusent des créations d'emplois ?
Certains ont évalué cette destruction de l'emploi dans le secteur marchand à près de 100 000.
Enfin, vous nous avez dit que c'est le particulier qui devra payer plus tard quand les emplois seront solvables. Croyez-vous sincèrement que les usagers, après en avoir pris l'habitude, accepteront de payer ce qui aura été gratuit pendant cinq ans ? J'en doute. Sauf si le jeune a appris un vrai métier correspondant à un vrai besoin. Or, cette vraie compétence, il ne peut pas l'acquérir dans la plupart des emplois publics que vous proposez.
La troisième surprise a trait au public concerné par votre dispositif. Vous avez choisi de centrer vos efforts sur les jeunes, sans autre critère que la date couperet de leur 26e ou 30e anniversaire s'ils ne touchent pas d'allocation chômage.
Et les autres, madame le ministre ?
Vous n'avez pas inscrit ce plan en faveur des jeunes dans une politique globale de l'emploi. Et les chômeurs de plus de deux ans d'ancienneté, les RMistes, les personnes handicapées ? J'en oublie !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il fallait vous en occuper !
M. Pierre Mauroy. Qu'avez-vous fait, vous ? Vous exagérez ! Vous avez eu le pouvoir, quand même !
M. Alain Gournac. Vous, vous l'avez eu pendant quatorze ans !
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler l'orateur, s'il vous plaît.
M. Jean-Louis Carrère. Parler, mais pas crier !
M. Alain Gournac. Ne croyez-vous pas que vous allez les repousser encore un peu plus loin et leur donner le sentiment que notre société aujourd'hui les rejette ?
Par ailleurs, vous allez assister arbitrairement une classe d'âge. Ceux qui vont venir après, quand il n'y aura plus d'argent, pourquoi seraient-ils pas à leur tour aidés ?
Vous allez créer la « génération Aubry », celle des assistés qui ne connaîtront jamais l'économie de marché.
M. Pierre Mauroy. C'est mieux que la « génération Juppé » !
M. Alain Gournac. Pourquoi ne pas accepter un critère relatif à la qualification ? Je sais bien que les jeunes diplômés ont eux aussi des difficultés à trouver des emplois qualifiés, mais ils sont loin de connaître les mêmes difficultés que ceux qui ont été exclus du système scolaire.
L'emploi des jeunes diplômés, c'est un problème d'emploi différent. Ce que l'on constate, c'est l'inadéquation entre les diplômes et le monde du travail. C'est donc là un problème qui touche notre système d'enseignement.
Ce sont donc surtout les exclus du système scolaire qu'il faut aider en priorité afin de leur apporter la qualification nécessaire à une meilleure insertion dans le monde du travail.
Par ailleurs, comment imaginer que certains emplois dont vous nous avez parlé - médiateurs pénaux, agents d'ambiance dans les transports ou les cités - qui réclament une grande maturité et une longue expérience puissent être occupés par des jeunes de dix-huit à vingt-six ans, même diplômés ?
En revanche, certains emplois ne sont pas qualifiés. N'allez-vous pas décevoir les jeunes qui, qualifiés, vont les occuper ?
M. Jean-Louis Carrère. Moins que vous !
M. Alain Gournac. Enfin, parmi tous ceux qui se proposent d'accueillir des emplois-jeunes, je n'entends parler que de jeunes ayant bac + 2 ou + 4.
Les jeunes non diplômés auront-ils leur chance ? Vous allez nécessairement créer une nouvelle discrimination envers eux.
Enfin, ce texte est particulièrement imprévoyant puisque, à aucun moment, vous n'envisagez la sortie du contrat à l'issue des cinq ans. Or, il paraît, madame le ministre, que gouverner, c'est prévoir.
Vous espérez, vous souhaitez, vous imaginez, mais rien de concret n'est venu compléter votre texte. Les jeunes - il ne faut pas les tromper - sont l'avenir de notre pays, or vous leur préparez un drôle d'avenir !
Ce que nous voulons, c'est que ces emplois débouchent sur une véritable insertion dans le marché du travail par la pérennisation de l'emploi, qui doit être transféré au secteur marchand.
Nous savons tous que la seule chance de ces jeunes, c'est d'être qualifiés pour un métier, c'est d'être formés. Comment avez-vous pu présenter un projet de loi initial sans prévoir cette formation ? C'est un mystère ! L'amendement que vous avez fait adopter à l'Assemblée nationale demeure largement insuffisant. La proposition de M. Louis Souvet d'appliquer le système de l'apprentissage dans l'emploi des jeunes est excellente. J'espère que vous y souscrirez, car cela permet notamment de sauver la filière de la formation par alternance, dont la mort est programmée par ce texte.
Comment imaginez-vous qu'un jeune accepte d'être payé entre 50 % et 75 % du SMIC, même si on le forme à un métier, alors qu'il pourrait être payé 100 % du SMIC, sans faire l'effort de se former ?
Enfin, j'insiste sur la nécessité du tutorat, que nous avons exploité dans le département des Yvelines avec le plan « Mille Emplois », dont on parle beaucoup.
M. Pierre Mauroy. Dans les Yvelines !
M. Alain Gournac. C'est le seul moyen efficace d'assurer une formation qualifiante du jeune, et j'applaudis à l'idée de notre rapporteur de créer un dispositif d'encadrement par les demandeurs d'emplois sans condition d'âge afin que cesse enfin ce que je dénonce depuis de nombreuses années comme la perte du savoir de ceux qui sont exclus du marché du travail, notamment en raison de leur âge, alors même qu'ils sont parfaitement aptes à remplir les missions d'encadrement envisagées.
Enfin, se pose la question de la fonction publique territoriale bis qui sera ainsi peu ou prou créée. Vous m'objecterez qu'il s'agit de contrats de droit privé. Ce que je constate, c'est que ce seront des emplois peu onéreux pour les collectivités. Les effets d'aubaine seront donc énormes.
Comment une collectivité territoriale ne serait-elle pas tentée de remplacer les départs à la retraite par des emplois-jeunes ? Il suffit de créer de nouveaux postes et de leur affecter des missions sociales ou liées à l'environnement
Par ailleurs, je n'ose imaginer la pression qui va s'exercer sur les collectivités territoriales et le clientélisme qui risque d'en découler. Comment les communes vont-elles financer les 20 % restant à leur charge, voire souvent bien plus en raison des coûts liés à l'équipement d'un poste de travail, à l'encadrement, aux fournitures et à l'éventuel dépassement du SMIC dans le cas où le jeune est qualifié ?
Les budgets des collectivités locales vont nécessairement augmenter, à moins que les dépenses en investissement, déjà si rares, ne soient réduites, avec les conséquences sur l'emploi privé que l'on sait. Certaines communes trop pauvres ne pourront pas alourdir la fiscalité locale et n'auront donc pas la possibilité d'embaucher des jeunes.
Dangereux et pervers, le système ouvre la porte à tous les abus. Je redoute les conséquences qui en découleront.
Enfin, vous allez créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans la police, l'éducation nationale et la justice.
Mise à part la dérogation prévue pour les adjoints de sécurité de la police, ces jeunes n'auront aucun statut, aucune garantie de l'emploi et ne recevront pas la rémunération correspondant à leur qualification. On se demande qui est l'exploiteur ? Est-ce vraiment les entreprises ? (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau. Tout de même !
M. Pierre Mauroy. Comment peut-on tenir de tels propos ?
M. Alain Gournac. Ces emplois seront pérennisés dans la fonction publique. En effet, comment refuser de titulariser ceux qui auront bien travaillé pendand cinq ans et acquis de l'expérience ?
Comment expliquerons-nous aux autres jeunes, qui n'auront pas eu la chance d'être de la « génération Aubry », qu'ils doivent, eux, passer les concours de la fonction publique ?
En outre, quel scandale que M. Allègre, avant le début des travaux du Parlement, ait annoncé le recrutement de 40 000 personnes ! C'est très facile de proposer Noël en septembre, c'est très populaire !
M. Pierre Mauroy. Vous en savez quelque chose !
M. André Vezinhet. Vous êtes expert, vous vous y connaissez !
M. Alain Gournac. Mais prenez garde, l'enthousiasme que vous avez attisé ne va-t-il pas se transformer en amertume chez tous ceux qui ne seront pas acceptés en raison du trop grand nombre de candidats ou qui découvriront la nature fantaisiste de ces emplois que vous leur proposez ? (Brouhaha sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler l'orateur !
M. Pierre Mauroy. Ces propos sont renversants !
M. Alain Gournac. De plus, je redoute que vous ne détourniez les jeunes de leurs études en leur offrant une voie facile, mais médiocre.
Si je prends l'exemple de l'éducation nationale, je me demande qui va les encadrer, les former. Les professeurs ne travaillant pas trente-neuf heures, va-t-on appliquer à ces jeunes les horaires de l'éducation nationale et leur octroyer les vacances scolaires ? De plus, quelle sera leur autorité de tutelle ?
Pour ce qui est du ministère de la justice, ces mêmes inquiétudes prévalent : qui va encadrer ces jeunes ? Comment va-t-on assurer la confidentialité, indispensable dans ce milieu ?
Voilà autant de questions sans réponse, qui ne doivent pas occulter le fond du problème.
Avons-nous les moyens financiers de recruter des fonctionnaires pour effectuer certaines missions qui pourraient peut-être améliorer les services publics, mais qui demeurent secondaires ? A cette question, je réponds : non !
Les Français entretiennent un des Etats les plus chers du monde, a rappelé tout à l'heure le président de la commission, et on ne peut indéfiniment augmenter les prélèvements, bien qu'apparemment les premières annonces faites sur le projet de loi de finances semblent montrer que vous souhaitiez relever le défi.
Comme vous savez que vous n'en avez pas les moyens, vous créez cette fonction publique au rabais. Mais les conséquences seront graves. Vous allez grever les finances publiques pour de nombreuses années. Peut-être pensez-vous que vous ne serez plus aux commandes quand cela explosera et qu'il importe peu !...
M. Jean-Louis Carrère. Tout dépend quand le Président de la République décidera de dissoudre ! (Rires sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Parce que ces emplois sont un mirage que l'on fait scintiller devant les yeux des jeunes, mais qui finira par s'évanouir et ne laissera que le désert, nous sommes contre la création de ces emplois dans le secteur public.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Alain Gournac. Puisque ces emplois - vos emplois, en l'état du projet - n'auront jamais vocation à créer des richesses et à entrer dans le secteur marchand, nous considérons qu'il ne peut s'agir de vrais emplois et qu'ils s'ajoutent aux 350 000 emplois que vous vous êtes engagée à créer. Il serait bien trop facile, madame le ministre, de créer des emplois à coup de milliards. Tant qu'ils ne seront pas solvables, ils ne pourront entrer dans vos comptes comme promesse tenue.
Je voudrais, à présent, saluer le remarquable travail de réécriture du texte auquel s'est livré notre excellent rapporteur, M. Souvet. (Murmures ironiques sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Cireur de pompes !
M. Alain Gournac. Si la philosophie de ce nouveau texte ne correspond toujours pas à la nôtre - un projet de loi visant à alléger les charges sociales aurait été préférable - il n'a plus aucun point commun avec le projet de loi initial.
Pour conclure, je dirai que ce projet de loi tel qu'il nous a été présenté par Mme le ministre va entraîner des discriminations intolérables au moment où il faudrait resserrer le lien social. Toute une classe d'âge risque de se considérer en dehors de l'économie de marché. C'est vouloir refaire le lit d'une idéologie catastrophique.
Par ailleurs, comment pouvez-vous concilier ce nouveau plan d'aide avec la réduction des avantages fiscaux pour les emplois à domicile, qui va alimenter le chômage et le travail au noir ?
Il vaudrait mieux dépenser cet argent pour alléger la charge des artisans et des petites entreprises, qui pourraient alors créer, en bien plus grand nombre, des emplois durables et créateurs de vraies richesses.
Telle est notre philosophie ; c'est la seule possible pour un pays qui se veut moderne et a grand besoin de rattraper ses retards.
Notre groupe ne votera pas le projet de loi du Gouvernement. Il votera le contre-projet de la majorité sénatoriale, proposé par notre rapporteur, M. Louis Souvet, complété par les amendements que le groupe du RPR a déposés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Allez le dire aux jeunes que vous ne voulez pas de ces emplois-jeunes !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est donc dès son installation que le gouvernement de Lionel Jospin a souhaité lancer son ambitieux projet en faveur de l'emploi des jeunes.
Il en fait une priorité et entend mobiliser l'ensemble des acteurs pour livrer cette bataille contre un chômage frappant désormais près d'un demi-million de nos jeunes, qui représentent plus de 20 % des chômeurs, ce pourcentage étant supérieur à 40 % dans certains départements d'outre-mer ; notre collègue Claude Lise y reviendra.
Au-delà de ce chiffre dramatique, nous voyons tous les visages de femmes et d'hommes jeunes qui démarrent leur vie d'adulte avec pour toute perspective des refus polis en réponse à leurs innombrables lettres de candidature, au mieux, une succession de petits contrats, une pénible course d'obstacles pour obtenir un revenu qui leur permette de vivre décemment de façon autonome.
Voilà des jeunes qui, déjà, renoncent à former des projets d'avenir, qui doutent désormais de l'utilité de poursuivre des études.
M. le rapporteur, vous avez fort justement souligné que nous étions placés face à nos responsabilités. A nous donc de les assumer, en tant que législateurs bien sûr, en tant qu'élus locaux aussi, puisque telle est notre spécificité dans cette assemblée.
Le dispositif que nous propose le Gouvernement repose sur une démarche audacieuse : initier des emplois d'une nouvelle génération, susceptibles de satisfaire des besoins émergents et affectés notamment aux services aux personnes et à l'amélioration de la qualité de vie.
Belle utopie, nous dirons certains !
Mais les attentes sont pressantes : je pense ici à l'allongement de la vie qui, sans aide appropriée, se transforme trop souvent en drames, mais aussi à des besoins qui résultent du temps libéré autour de la culture, du sport, des loisirs ; je pense encore à tout ce qui ressort de la préservation et de la requalification de notre environnement.
Ces emplois font parfois l'objet de railleries dans certains milieux réputés sérieux.
Je ne pense pas qu'il y ait lieu de plaisanter lorsque l'on constate que ces emplois auront justement pour cible les carences, les perversions que sécrète notre société, qui génère l'exclusion sous toutes ses formes, la solitude et met en danger notre environnement.
Ces préoccupations rencontrent justement les aspirations des plus jeunes de nos concitoyens qui délaissent certaines formes traditionnelles d'engagement et entendent s'investir dans des actions concrètes de solidarité et de proximité.
Ces besoins nouveaux, ou non satisfaits, peu de collectivités ont déjà eu les moyens d'y répondre, ou simplement l'audace de le faire.
Le monde associatif, bien que particulièrement imaginatif, ne peut seul assumer cette responsabilité. Quant au secteur marchand, il ne s'est pas tourné vers des activités qui ne sont pas encore solvables, et donc tout simplement non rentables.
Il fallait donc la conviction et l'engagement massif de l'Etat pour créer une dynamique nouvelle originale.
Nous savons que c'est principalement sur ce point que se cristallisent les critiques. M. Gournac vient de nous présenter un joli couplet sur la question. Ces critiques déplorent l'investissement de fonds publics dans une telle opération ; il faudrait, paraît-il, limiter au seul secteur marchand la création de richesses et d'emplois ; est dénoncée la création d'une fonction publique bis.
Nous estimons pour notre part que, sur des enjeux de cette taille, l'Etat doit jouer un rôle indispensable de levier pour combattre une situation aussi anachronique qu'injuste. En effet, la France est riche, vous l'avez rappelé, madame la ministre, et nous relevons chaque jour des besoins non satisfaits alors que, parallèlement, le nombre de chômeurs va croissant.
Sans reprendre de façon détaillée le dispositif qui nous est proposé, je soulignerai quelques-unes des différences saillantes qu'il présente avec les systèmes de lutte contre le chômage imaginés antérieurement.
Ce dispositif vise un large public quel que soit son parcours scolaire. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont, à juste titre, insisté sur la nécessité d'assurer un équilibre des profils dans les procédures de recrutement.
En attachant au contrat de travail des garanties importantes, celles du code du travail tout simplement, notamment en cas de conflit entre l'employé et son employeur, on évitera certaines des dérives qui sont intervenues dans d'autres dispositifs.
La création de ces 350 000 emplois devra se faire de façon décentralisée et concertée puisque ce sont les futures structures d'accueil publiques, parapubliques ou associatives qui seront à l'origine des projets soumis à l'agrément du préfet. Je reviendrai sur cet aspect de la question un peu plus tard.
Les travaux de l'Assemblée nationale ont permis d'identifier les écueils qu'il convenait d'éviter à tout prix.
Il s'agit tout d'abord d'éviter que ces emplois ne se substituent à des emplois déjà existants dans la fonction publique ou dans le secteur marchand.
C'est une question complexe, qui porte en elle des germes de dévoiement du dispositif. Le texte nous parvient donc amendé sur ce point.
En ce qui concerne les collectivités, nos collègues députés ont finalement retenu la référence aux « compétences traditionnelles » pour exclure de ce champ les nouveaux emplois et prévenir les dérives du dispositif.
Monsieur le rapporteur, vous nous proposez sur ce point une notion certes plus précise mais également plus restrictive.
J'ai cru comprendre que, lors de l'instruction des dossiers, il serait demandé au préfet d'apprécier les embauches au cas par cas, selon la spécificité de chaque collectivité. Cette ligne directrice exige donc de la souplesse et, dès lors, elle exclut un encadrement trop strict des critères de référence dans l'appréciation de la substitution.
En ce qui concerne les associations, l'Assemblée nationale a précisé utilement que la nouvelle embauche ne pouvait correspondre à la fin du contrat d'un salarié, quel qu'en soit le motif : un licenciement, un départ en retraite, etc.
Je relève que, sur cette question cruciale de l'évaluation du risque de substitution, le rôle du représentant de l'Etat est primordial.
Le groupe socialiste suggérera, dans un amendement, la mise en place d'un comité de proximité compétent pour aider le préfet dans sa mission.
Les débats à l'Assemblée nationale ont, par ailleurs, mis l'accent sur les risques de voir les plus qualifiés des candidats être choisis au détriment de ceux qui le sont moins ; c'est ce que l'on appelle, de façon un peu brutale, l'effet d'éviction.
Deux remarques s'imposent d'emblée.
D'une part, la liste indicative des emplois à créer fait appel à des profils totalement différents selon les secteurs d'intervention ; les formations initiales requises seront de ce fait variées.
D'autre part, ces nouveaux emplois, vous l'avez rappelé, madame la ministre, ne sont pas a priori des emplois d'insertion, pour lesquels il existe normalement des dispositifs mieux adaptés, qu'il convient à l'évidence de recentrer sur leurs objectifs originels, et je salue votre engagement sur ce point.
Pour maintenir un équilibre et une certaine justice, il est précisé que les procédures d'agrément devront tenir compte de l'exigence de recruter des jeunes qu'il conviendra de former. Nous retrouvons ici l'importance primordiale qu'aura cette procédure.
Il faudra également définir un cursus de formation adapté à ces nouveaux métiers ainsi que les conditions du tutorat dans la structure d'accueil. Ce sont des exigences fondamentales, sur lesquelles reposent le succès de ces nouveaux métiers et qui ont trop souvent fait défaut dans le cas des CES. Toutefois, il faut le dire, des imprécisions demeurent sur les contenus, les lieux et le financement de cette formation. Sur toutes ces questions, il conviendra d'apporter des réponses aussi précises que possible, madame la ministre.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, apporté des aménagements afin de jeter des passerelles entre les emplois-jeunes et d'autres dispositifs.
Elle a prévu le passage des CES, des emplois-ville, mais aussi des allocataires du RMI vers les emplois-jeunes.
Une telle opportunité sera également offerte aux jeunes qui ont choisi une formule de formation en alternance. Nous devrons nous assurer qu'un tel passage se fera bien à l'issue du contrat de qualification ou d'apprentissage.
Les députés ont également prévu des passerelles vers le secteur marchand : en rétablissant l'ACCRE, l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, au profit des jeunes qui aspirent à créer leur propre entreprise, d'une part ; en autorisant la possibilité de cumuler un CES avec un emploi à mi-temps rémunéré, d'autre part.
Les sénateurs socialistes approuvent ces options nouvelles, qui ouvrent d'ores et déjà ce dispositif vers le secteur marchand et permettent d'en envisager la consolidation.
En revanche, nous ne partageons pas la volonté de notre rapporteur et de la majorité de la commission des affaires sociales de faire un amalgame entre, d'une part, ce qui relève de l'initiative du Gouvernement et des structures d'accueil visées dans ce projet de loi et, d'autre part, le deuxième volet du programme « 700 000 emplois pour les jeunes », qui visera à intégrer des jeunes dans les entreprises privées. Ce deuxième volet ressortira des négociations avec les partenaires sociaux qui se dérouleront lors de la toute prochaine conférence sur l'emploi et les salaires. C'est pourquoi nous estimons que ce qui nous est proposé par la commission constitue un dévoiement du dispositif.
Le groupe socialiste souscrit aux orientations inscrites dans le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale. Nous proposerons cependant de l'amender sur les points qui nous semblent particulièrement sensibles.
Je me permettrai d'insister sur certains de ces points.
Nous pensons que la réussite de ce texte ambitieux repose sur la mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux, sur la viabilité des projets retenus et sur le respect des objectifs définis dans les conventions, notamment en termes de formation.
Madame la ministre, vous avez déjà indiqué que les services des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle seraient naturellement amenées à exercer un contrôle sur la réalisation des conventions.
Il serait judicieux d'encourager la création de comités de pilotage de proximité - à l'échelle d'un bassin d'emplois, par exemple - composés des acteurs de terrain, tels que des intervenants dans les ANPE ou les missions locales, des élus, des représentants des partenaires sociaux, des membres des chambres consulaires. Ces différents acteurs, par leur connaissance des réalités locales, sont mieux à même d'appréhender la pertinence d'un projet, ses chances d'intégration dans le tissu économique local, le suivi du parcours des jeunes, la sortie du dispositif à l'issue du contrat de travail. Ils sont en outre susceptibles d'assurer - et ce n'est pas le moins important - une veille permanente sur le non - dévoiement de ce dispositif, notamment en termes de substitution.
Toujours dans le souci de favoriser la réussite de ces projets, et singulièrement l'accueil des jeunes dans les structures publiques ou parapubliques, nous estimons que la consultation des institutions représentatives telles que les comités techniques paritaires devrait avoir lieu préalablement à la signature de la convention. C'est une nuance importante que nous souhaiterions voir figurer dans la loi.
Ce sont en effet ces agents qui assurent au quotidien l'exercice d'un service auprès du public et qui, de ce fait, mesurent les demandes de ce public ainsi que les carences existantes. Ce sont eux qui assureront l'accueil et le plus souvent la formation de base de ces jeunes dont ils seront les collègues ; il existe à cet égard une difficulté que nous ne devons pas sous-estimer : la coexistence au sein d'un même service de plusieurs salariés sous statuts différents.
De l'articulation entre leur travail et celui des nouveaux emplois dépendra vraisemblablement la réussite du dispositif ; d'où la nécessité de solliciter leur adhésion.
Madame la ministre, vous avez rappelé à plusieurs reprises que la liste des vingt-deux métiers, largement médiatisée, n'était pas exhaustive.
Le groupe socialiste vous saisit donc de deux nouvelles propositions que nous avons choisi de vous soumettre sous forme d'amendements. Je laisse à mes deux collègues et amis, Monique Cerisier-ben Guiga et Georges Mazars, le soin d'en présenter la philosophie. J'espère que la discussion que nous aurons à propos de ces propositions portera ses fruits lors de l'entrée en vigueur de ce texte.
L'ensemble des débats met en évidence le rôle primordial que joueront les collectivités et leurs établissements, de même que les associations.
Les députés ont souhaité à juste titre que, dans une proportion des trois quarts, les emplois ainsi créés résultent d'initiatives locales. Il est évident que c'est à ce niveau que les acteurs sont le mieux à même de proposer des projets correspondant à de nouveaux métiers, propres à satisfaire des besoins émergents, et des activités nouvelles liées à l'évolution de notre société.
Plus que quiconque, ils ont la capacité d'inventorier une large panoplie des emplois possibles entrant dans le champ du développement économique et marquant ainsi une rupture avec des dispositifs anciens qui ont trop souvent une connotation de « petits boulots ».
Les collectivités et les associations revendiquent une place en première ligne sur les emplois-jeunes. Vous engagez très significativement l'Etat auprès d'elles par une contribution financière importante et régulière durant cinq ans.
Vous n'ignorez pas, cependant, que certaines parmi les plus pauvres - et qui sont donc aussi parmi celles qui comptent le plus de chômeurs - rencontreront d'énormes difficultés pour trouver les 20 % restant à leur charge.
Au-delà de la possibilité de constituer des groupements d'employeurs, le projet de loi prévoit le recours au partenariat, notamment avec les régions et départements. Mon collègue Roland Huguet évoquera cet aspect du dispositif. D'autres partenariats sont possibles. Vous pourrez nous préciser, madame la ministre, quelles pistes vous allez dégager pour aider les collectivités dans leur recherche de fonds complémentaires.
Madame la ministre, nous avons la conviction que l'engagement des socialistes concernant l'emploi des jeunes durant la dernière campagne électorale a été déterminant dans le choix des Français. Nous savons que ce projet de loi ne représente qu'un volet d'un dispositif d'ensemble, lequel comprend notamment une importante négociation avec les partenaires sociaux, qui devrait aboutir à la création d'autres emplois pour les jeunes dans les entreprises mais aussi à une réduction du temps de travail suffisamment significative pour générer d'autres emplois.
Votre détermination, l'engagement d'une majorité de parlementaires, des collectivités et du monde associatif doivent assurer la réussite des dispositions législatives que nous examinons aujourd'hui. Celles-ci sont certainement perfectibles et demanderont un suivi sérieux, une évaluation que nous ferons avec vigilance.
Nous savons que, au-delà des 350 000 jeunes qui vont pouvoir se projeter dans l'avenir, ce sont de très nombreuses familles françaises qui vont sentir se desserrer l'étau de l'angoisse du lendemain, et nous croyons que les nouvelles portes ainsi ouvertes contribueront à redonner confiance et à provoquer un élément déclencheur face à des comportements de consommation aujourd'hui très frileux.
Madame la ministre, nous sommes collectivement soumis à l'obligation de résultats. Nous considérons que ceux-ci ne sauraient être obtenus si l'on suivait les propositions de notre rapporteur.
En revanche, sur vos propositions, vous pouvez être assurée du soutien des socialistes. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en introduction, de dire la satisfaction que j'éprouve à constater que le premier texte d'origine gouvernementale dont la commission des affaires sociales se trouve saisie depuis les dernières élections législatives est relatif à l'emploi, en particulier à l'emploi des jeunes.
Avant la tenue de la Conférence sur l'emploi, la réduction du temps de travail et les salaires, avec le futur texte sur l'emploi des jeunes dans les entreprises, deuxième volet de la lutte contre le chômage des jeunes, le présent projet de loi s'inscrit dans la mise en oeuvre des engagements que la nouvelle majorité de gauche a pris devant les électeurs.
En fait, c'est bien sur la capacité de ce dispositif à apporter des solutions durables au drame du chômage, à la montée de la précarité et de l'exclusion que nous serons jugés.
La situation actuelle est catastrophique. Plus de cinq millions de personnes sont, de fait, à la recherche d'un véritable emploi. Chez les jeunes de moins de vingt-six ans, 630 000 chômeurs étaient officiellement comptabilisés par l'ANPE en juillet dernier. Mais ce chiffre n'inclut pas les centaines de milliers de jeunes qui alternent petits boulots, CES ou stages plus ou moins qualifiants et périodes de chômage.
Ces jeunes connaissent un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne du pays. Si 190 000 d'entre eux sont diplômés, titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme bac + 2, 340 000 n'ont pout tout bagage qu'un CAP ou un BEP et 65 000 sortent de l'école sans qualification aucune.
L'urgence est là et le manque d'emplois accessibles à cette génération se fait chaque jour cruellement sentir. A preuve, l'incroyable ruée vers les guichets des rectorats depuis l'annonce de la mise en place du plan emploi- jeunes dans l'éducation nationale. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, les étudiants et les hauts diplômés sont prêts à accepter des postes ne correspondant pas à leur qualification, alors que les non-diplômés ressentent véritablement les effets de l'exclusion.
Le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade, a affirmé que l'échec des politiques de l'emploi menées jusqu'à présent était un « échec collectif ».
Sans vouloir polémiquer, je crois pouvoir dire qu'il s'agit avant tout de l'échec d'une logique, celle de la baisse du coût du travail par une subvention directe à l'emploi et l'exonération des charges sociales. Cette logique conduit à l'impasse.
Car, de loi quinquennale pour l'emploi en CES ou en CIP, toutes ces politiques d'aide, qui ne sont assorties d'aucun contrôle quant à la baisse du coût du travail, à défaut de faire baisser le chômage, auront largement contribué à propager la précarité par simple effet de substitution et finalement participé à la destruction d'emplois. Cette politique a abouti à tirer vers le bas toute la structure des salaires, alimentant ainsi l'insuffisance de la demande et des qualifications, favorisant la course vers les placements financiers au détriment, en fin de compte, de la croissance réelle et de l'emploi.
Face à ce constat d'échec, je ne peux que me féliciter, madame la ministre, que vous annonciez vouloir « inverser la logique ».
Votre projet de loi affiche en effet l'ambition de rompre avec le type d'aides à l'emploi qui s'est développé jusqu'à présent avec les CES, les CEC et autres emplois-ville, et d'aller vers une professionnalisation de l'emploi, avec une réelle efficacité sociale.
Votre texte tend ainsi à favoriser l'essor de nouvelles activités correspondant à des demandes dont l'émergence serait entravée par les conditions actuelles du marché.
A cette fin, le Gouvernement s'engage à assurer la prise en charge sur cinq ans, à hauteur de 80 % du SMIC, charges comprises, du financement de chaque emploi répondant aux critères d'utilité sociale.
L'employeur, qui pourra être une collectivité territoriale, un établissement public ou une association, devra verser les 20 % restants ou aller au-delà, cette part pouvant faire l'objet d'un cofinancement.
Deux formes de contrat de droit privé sont prévues : il pourra s'agir soit d'un CDI, soit d'un CDD de cinq ans, pouvant être rompu chaque année par l'employeur en cas de motif « réel et sérieux », c'est-à-dire, je le rappelle, de motif permettant le licenciement d'un salarié employé sous contrat à durée indéterminée.
Pour ma part, je pense qu'il est nécessaire d'éviter certains écueils et de lever certaines des ambiguïtés qui peuvent subsister dans un texte que, par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen soutient globalement.
Je crois que vous avez vous-même conscience, madame la ministre, de certaines insuffisances, puisque vous avez souscrit à une amélioration déjà sensible du texte lors de son examen par l'Assemblée nationale.
Je me félicite, en particulier, que nombre des propositions faites par mes amis du groupe communiste de l'Assemblée nationale aient été adoptées. Je pense notamment à des amendements permettant une meilleure prise en compte de la dimension démocratique du dispositif. Ainsi, les conventions prévues à l'article L. 322-4-18 du code du travail seront « établies en concertation avec les partenaires sociaux », et les comités techniques paritaires en seront informés.
Je pense encore à l'inscription, dans les conventions, des modalités de qualification et de formation professionnelle. Il s'agit là d'une amélioration importante.
La formation est en effet un élément essentiel de la pérennisation : répondre à des besoins non satisfaits implique l'expérimentation, donc un travail de construction et de définition des nouveaux emplois qui réclame, à l'évidence, un effort important en termes de qualification et de formation. Nous pensons d'ailleurs qu'il faut aller plus loin à cet égard.
Le projet de loi évoque ainsi des métiers nouveaux. Mais tant que l'on ne les aura pas consolidés en assurant la qualité du service rendu, on ne pourra pas faire en sorte que de vrais emplois durables apparaissent et que de nouvelles entreprises se créent. Il faut donc que tous les jeunes concernés soient formés et qualifiés : s'ils ne devaient être employés que durant cinq ans, sans qu'aucune formation leur soit donnée, il ne s'agirait que d'emplois d'insertion. Nous devons, par conséquent, privilégier la professionnalisation.
Nous notons également avec satisfaction l'inscription dans le texte de la possibilité de verser une rémunération supérieure au SMIC.
Il est nécessaire, à mon sens, pour offrir des débouchés d'avenir aux jeunes, de tenir compte, en matière salariale, de leur qualification de départ et de leur progression durant les cinq ans. C'est pourquoi nous nous réjouissons de l'inclusion de ces contrats de travail dans les grilles de classification des conventions collectives nationales.
Il s'agit, là encore, d'un aspect important de la réussite du dispositif. En effet, l'institution de contrats de travail de cinq ans assortis d'une rémunération égale au SMIC pourrait constituer un progrès pour ceux d'entre les jeunes qui sont faiblement qualifiés, mais je crains que les emplois prévus par le projet de loi ne soient inaccessibles à la plupart des 250 000 jeunes en grande difficulté, parmi lesquels les plus pauvres, les très pauvres. (M. Gournac approuve.)
La question est posée : ces jeunes peuvent-ils attendre une prochaine loi contre l'exclusion ? A mon sens non, car il y a urgence.
En revanche, pour les plus qualifiés, il faut prendre garde que le contrat de cinq ans au SMIC ne constitue une régression.
En effet, selon l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, parmi les travailleurs ayant constamment été employés en France au cours de la période 1986-1991, ceux dont le salaire était bas en début de période étaient restés, en moyenne, pendant deux à trois ans dans cette situation. Je me félicite qu'une disposition nouvelle essaie de répondre à ce problème, en ouvrant la possibilité de suspendre le contrat, le temps pour le jeune d'effectuer une période d'essai suite à une offre d'emploi. Peut-être s'agit-il là d'une porte de sortie.
J'ai parlé des améliorations apportées au texte, mais il nous semble cependant que certains ajouts, comme la possibilité de conclure des contrats « à temps partiel sur dérogation accordée par le représentant de l'Etat », présentent des aspects dangereux.
Ne risque-t-on pas, en effet, de retomber justement dans la précarité que vous souhaitez combattre, madame la ministre ?
En outre, faut-il ouvrir la possibilité au préfet, ou à son représentant, de déroger à une règle générale ? Ne risque-t-on pas de constater une application du code du travail modulable selon les départements ?
Nous nous proposons de revenir sur ces innovations introduites par les députés, peu opportunes à notre sens.
Par ailleurs, nous mettrons en débat plusieurs propositions destinées à enrichir le texte et à permettre de lever certaines ambiguïtés qui, à mes yeux, subsistent çà et là.
Nous pensons, en particulier, qu'il est nécessaire de clarifier les rapports entre emplois-jeunes et fonction publique : la mise en place de ces emplois ne doit freiner ni l'évolution et la rénovation nécessaires du service public - je pense notamment au développement des nouvelles filières correspondant aux besoins publics, qui évoluent sans cesse - ni le recrutement sous statut.
Ne pas aller dans ce sens risquerait, par le déploiement de toute activité nouvelle correspondant à l'évolution des besoins vers les secteurs marchand ou associatif, d'interdire toute modernisation du service public.
En effet, contrairement à ce qu'affirme, par exemple, M. le rapporteur, les vrais emplois du futur se trouvent et dans le secteur marchand et dans le secteur public.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Guy Fischer. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous proposons que, lorsque l'employeur est une personne morale de droit public, les jeunes recrutés le soient par la voie de contrats de droit public. Cela permettrait en outre aux jeunes de bénéficier de l'ensemble des droits des contractuels, et de leur ouvrir dans les mêmes conditions, par la voie interne, les concours administratifs.
A ce propos, je voudrais évoquer certaines questions que soulèvent les dispositions de l'article 2 concernant les missions d'adjoint de sécurité.
Certes, ceux-ci bénéficieront d'un contrat de droit public, mais je crains que la période de formation de deux mois ne soit insuffisante, car ils devront assurer des missions de surveillance, d'îlotage et de relations avec les victimes, missions qui exigent une vraie formation et une réelle expérience professionnelle. En outre, une formation de deux mois, est-ce suffisant et raisonnable lorsque l'on nous annonce que certains de ces jeunes seront armés ? Nous proposerons donc de porter cette période à six mois. (Mme Luc opine.)
S'agissant du dispositif général prévu à l'article 1er, nous souhaiterions aller dans le sens d'une plus grande transparence favorisant l'intervention démocratique, qui constitue l'une des conditions du succès du plan emploi-jeunes.
Plus généralement, nous pensons que l'efficacité commande de rompre jusqu'au bout avec les politiques précédemment suivies en matière d'emploi. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il serait nécessaire de réfléchir à des propositions nouvelles visant à une meilleure efficacité des financements et, par conséquent, à un abaissement des charges financières ?
D'ailleurs, le coût de la création de 350 000 emplois pour les jeunes représente non pas seulement le paiement des salaires, mais également le financement des investissements en matière de formation et d'encadrement.
Pour parvenir à une véritable pérennisation, il faudra donc dégager de nouveaux financements. Une réforme de la fiscalité locale apportant des moyens nouveaux aux collectivités territoriales s'impose, comme s'impose également une relance économique.
Ne pourrait-on organiser, avec les institutions financières, une solvabilisation et une pérennisation de nouvelles activités et de nouveaux emplois ?
Il s'agirait de définir d'autres principes de financement, en s'appuyant sur les fonds publics, afin de faire baisser les charges financières qui étranglent bien souvent les collectivités locales et les offices d'HLM. Notre groupe fera bien sûr d'autres propositions, que nous développerons au cours du débat parlementaire.
Je voudrais, pour conclure - et j'espère que vous pourrez nous rassurer, madame la ministre - insister sur les pièges dans lesquels certains voudraient nous faire tomber.
M. Gournac, dans son intervention, nous a d'ailleurs montré le visage réel de la droite la plus libérale. (Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Roland Huguet. Très bien !
M. Alain Gournac. Tant mieux !
M. Josselin de Rohan. Vous n'imaginez tout de même pas que nous allons utiliser votre langage ?
M. Guy Fischer. Je pense également, à ce propos, à plusieurs amendements de M. le rapporteur.
Selon nous, la création d'un nouveau CDD de cinq ans ne doit pas servir de prétexte au CNPF pour imposer, dans le privé, les « contrats de mission » ou « contrats d'activité », comme certains les appellent, qu'il préconise, et qui lui permettraient, d'une part, de faire du CDD la norme d'embauche et d'introduire une nouvelle flexibilité, et, d'autre part, de vider ce contrat de garanties que, du fait de son caractère précaire, il offre au salarié.
M. Nicolas About. C'est Mme Aubry qui crée les emplois précaires, ce n'est pas le CNPF !
M. Guy Fischer. Je pense en particulier à la difficulté de rompre avant terme ce type de contrat.
Nous tenons à réaffirmer que, en ce qui nous concerne, nous refusons que le dispositif prévu dans le secteur public puisse servir de base au système destiné aux jeunes, qui devrait se mettre en place dans le secteur privé. Nous comptons sur le Gouvernement pour faire preuve, dans ce domaine, de la plus grande vigilance.
C'est pour ces raisons que nous refuserons de voter les amendements de la commission des affaires sociales, qui prévoient le maintien de l'aide publique aux emplois transférés dans le secteur marchand avant le terme du contrat de cinq ans. Nous en reparlerons !
En conclusion, je crois que, avec ce texte, nous sommes tous placés devant une grande responsabilité. Allons-nous pouvoir répondre aux espoirs exprimés par les jeunes et par leurs familles ? Allons-nous permettre que s'ouvre enfin, pour les jeunes, un avenir moins sombre que celui auquel ils croyaient être promis ? A nos yeux, madame la ministre, le texte relatif aux emplois-jeunes constitue une piste d'envol, et non une ligne d'arrivée.
Pour sa part, et tel est le sens de nos interventions et de nos propositions, le groupe communiste républicain et citoyen est décidé à ne laisser passer aucune chance.
C'est pourquoi nous agirons pour assurer la réussite du formidable pari engagé au travers de ce texte : offrir un véritable emploi à tous les jeunes de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - Mme Joëlle Dusseau applaudit également.)
Mme Hélène Luc et M. Ivan Renar. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Madame la ministre, c'est peu dire que votre initiative forte est la bienvenue. Parmi nos 3 200 000 chômeurs, le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans est d'au moins 600 000, soit pratiquement un chômeur sur cinq.
La France présente la triste caractéristique d'enregistrer un des plus fort taux de chômage de jeunes au sein des pays membres de l'OCDE, malgré un nombre record de jeunes en formation ou poursuivant des études. En outre, on sait à quel point l'emploi des jeunes, quand il existe, est scandé par les contrats à durée déterminée, par la crainte omniprésente de se retrouver au chômage et par le « slalom » entre le CDD, le stage « bidon » et l'ANPE.
Oui, il faut lutter contre la désespérance, redonner aux jeunes le minimum de stabilité, de confiance et d'espoir qui leur est nécessaire pour se lancer dans la vie avec quelque chance d'y réussir. Aussi donné-je fortement mon approbation à la création de ce que l'on appelle déjà les « emplois Aubry ».
Certes, dans ce premier volet visant à la création de 350 000 emplois sur fonds publics que vous nous présentez en urgence, un certain nombre d'interrogations subsistent. La plus importante concerne les emplois prévus par votre texte dans l'éducation nationale et dans la police.
Sur le plan financier, tout d'abord, ces deux ministères se comportent comme des collectivités territoriales, prenant sur leur budget le complément au financement à 80 % que vous apportez, madame la ministre : l'Etat complète l'Etat. Il y a déjà là une distorsion qui pose problème.
Mais, surtout, il est difficile de voir dans les emplois ainsi proposés des métiers émergents. L'animateur scolaire, dans un collège ou un lycée où l'on manquera de surveillants, aura du mal à ne pas faire de surveillance ; il sera un surveillant recruté sans concours, payé au SMIC et travaillant trente-neuf heures par semaine. Il y a là, pour aujourd'hui et pour demain, un vrai problème.
Il en est de même pour les auxiliaires de police. L'importance du manque d'effectifs dans ces deux secteurs ajoutée aux problèmes actuels des jeunes justifie aujourd'hui cette démarche. Elle ouvre cependant, pour demain, en termes de carrière, de pérennisation d'emplois, de menace de ce qu'il faut bien appeler une fonction publique bis, des difficultés qui seront à résoudre et qu'il ne faut pas sous-estimer. En ce qui concerne d'ailleurs la police, je suis opposée à ce que les jeunes ainsi recrutés soient armés, car cela me paraît à la fois dangereux pour les autres et pour eux-mêmes. Aussi ai-je déposé un amendement visant à faire en sorte que le port d'armes leur soit en tout état de cause interdit.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Je poserai aussi des questions et formulerai des remarques sur les métiers émergents. J'ai bien compris qu'il ne faut pas prendre la liste au pied de la lettre et qu'il s'agit bien plus ici de pistes de recherches que d'exemples forcément à suivre. Il en est d'ailleurs d'autres, toute une série, qui sont encore un champ à explorer et qui sont, j'en suis sûre, porteurs d'avenir, qu'on puisse ou non envisager leur entière solvabilité future.
Mais il est tout aussi évident qu'un certain nombre de ces exemples, je pense notamment à l'accompagnement des chômeurs de longue durée, de malades du sida ou à d'autres activités de ce type, requièrent l'emploi de personnes qui ont à la fois une expérience professionnelle et une expérience de vie que ne peut avoir le public ciblé ici. Faut-il pour autant s'adresser à des personnes plus âgées et ouvrir l'éventail au-delà de trente ans ? Je ne le crois pas. Une trop grande dilution de la mesure la rendrait inefficace.
Il en serait de même si elle était ciblée trop exclusivement sur des publics en difficulté. Pour autant, il ne faut pas oublier ces publics et il convient, dans un avenir proche, de leur consacrer la même dose d'efforts financiers et d'imagination. En effet, nombre de ces « nouveaux métiers » vont être occupés - et c'est une bonne chose - par des jeunes ayant un niveau de diplômes élevé : bac + 2 souvent, mais peut-être parfois bac + 3 ou bac + 4 et même plus. Ne pourrait-on envisager dans ce dernier cas, c'est-à-dire lorsque les jeunes ont un niveau supérieur à bac + 2, d'inciter fortement les collectivités et les associations à majorer leur rémunération, soit financièrement, soit par une réduction du temps de travail ? Un des amendements que j'ai déposés va dans ce sens.
Je me trouve, madame la ministre, dans une situation particulière devant votre projet de loi. En effet, y étant favorable, je serai peut-être dans l'obligation de ne pas le voter si jamais les amendements de la commission des affaires sociales étaient retenus par notre assemblée. J'espère, bien sûr, ne pas être dans une telle situation.
Plusieurs sénateurs socialistes. Nous aussi !
Mme Joëlle Dusseau. Mais, je l'avoue, j'ai été un peu surprise par les arguments qui ont été présentés au cours de nos longues heures de discussion en commission et par certains aspects du rapport et certaines propositions de M. le rapporteur.
M. Alain Gournac. Elles sont bonnes !
Mme Joëlle Dusseau. Une partie des amendements qu'il propose détourne complètement la loi de son sens.
Je ne comprends pas la volonté d'alourdissement tatillon qui semble convenir à mes collègues de la commission. Je les ai connus en d'autres temps moins administratifs. Le contrôle préalable des dossiers par le CODEF, dont on connaît la lourdeur, ne peut que retarder des embauches. Nous sommes dans de l'innovant. Il faut garder de la souplesse. Je ne suis pas sûre que ceux de mes collègues qui voteraient cet amendement n'en sentiraient pas les premiers les effets de ralentissement une fois revenus dans leur collectivité, quand ils passeraient de l'état de législateur à celui d'usager de la loi.
M. Gérard Delfau. C'est juste !
Mme Joëlle Dusseau. Il en est de même du rapport annuel que préconise la commission. Je sais que le bilan est à la mode et croyez bien que je ne sous-estime pas son importance. Mais c'est parce que je trouve la notion de bilan importante que j'estime qu'on ne doit pas en faire une tarte à la crème, le mettre dans toutes les lois, le rendre annuel - et pourquoi pas semestriel tant qu'on y est ? - bref s'en servir comme un habillage ou comme un obstacle.
Le fait d'imposer dans la convention initiale, celle que les associations, les élus, nous-mêmes allons signer demain, une référence à la solvabilité de l'emploi me paraît relever aussi de l'obstacle initial volontairement posé. Certains de ces emplois pourront devenir parfois totalement ou partiellement solvables, d'autres non. Faut-il les écarter pour autant comme vous le proposeriez a priori ? Je ne le crois pas.
Il y a surtout une confusion entre les deux volets des emplois-jeunes, d'une part, le volet public et associations et, d'autre part, le volet privé. Le volet création d'emplois dans le secteur privé doit venir, et nous l'étudierons avec attention. Nous ne le connaissons pas encore mais ce n'est pas une raison pour faire bénéficier des aides publiques, ou plus exactement des salaires apportés par l'Etat, des entreprises privées. Rappelons d'ailleurs au passage que la France a le record de l'OCDE des aides à la création d'emplois privés, avec le plus fort pourcentage d'aide par rapport au PIB. Les piteux résultats sont connus.
M. Gérard Delfau. C'est du gaspillage !
Mme Joëlle Dusseau. D'ailleurs cette proposition est totalement illogique au regard de votre préoccupation de solvabilité des emplois, monsieur le rapporteur. D'un côté vous exigez que l'on envisage la solvabilité de l'emploi dès la convention initiale, de l'autre, vous proposez qu'après un certain temps l'aide de l'Etat aille à l'entreprise privée. Cela me paraît relativement incohérent, surtout si l'emploi est devenu solvable. De quelle garantie disposons-nous que, après avoir payé pendant deux ou trois ans le jeune avec les deniers publics, l'entreprise ne le jette pas purement et simplement à la rue, lorsque le contrat de cinq ans sera achevé ?
Tout cela n'est pas sérieux, même si des pistes doivent être recherchées pour le passage à l'autonomie financière et à l'entreprise, notamment individuelle, des services que l'on aura ainsi créés. J'espère d'ailleurs que sur ce point, à savoir les toutes petites entreprises à domicile, le deuxième volet que vous nous présenterez sur le secteur privé, madame la ministre, apportera des réponses et des innovations.
Il en est de même en ce qui concerne l'amendement relatif à l'apprentissage. Il n'a pas sa place dans ce texte pour deux raisons. D'abord, il n'a avec lui aucune articulation réelle. Vous en convenez d'ailleurs volontiers, monsieur le rapporteur. Ensuite et surtout, les types d'emploi par nature émergents et créatifs n'ont dans l'ensemble rien à voir avec l'apprentissage. Il s'agit ici bien plus souvent de bac + 2, en tout cas d'hommes et de femmes ayant des diplômes d'animateurs, de travailleurs sociaux, de savoirs humains dont la technicité, nécessaire, ne relève en rien de l'apprentissage actuel. Je ne crois pas que l'on serve l'apprentissage en le mettant, si vous me permettez l'expression, monsieur le rapporteur, à toutes les sauces.
J'espère donc vivement que la sagesse des représentants des collectivités locales que nous sommes, mes chers collègues, nous évitera de nous mettre en porte à faux devant nos mandants, les élus et notamment les maires, tous utilisateurs très prochains de ces dispositifs, quelle que soit leur couleur politique.
M. Souvet a parlé, je crois le citer correctement, de changement de philosophie du texte avec les amendements qu'il présente.
Gardons-nous, mes chers collègues, d'apparaître aux yeux de l'opinion publique comme des opposants de principe à une loi qui répond, certes imparfaitement, certes partiellement...
M. Alain Gournac. Alors, il faut l'améliorer !
Mme Joëlle Dusseau. ...mais fortement à la préoccupation essentielle de nos concitoyens : l'avenir de leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel j'interviens aujourd'hui au nom de mes collègues sénateurs non inscrits nous a, reconnaissons-le, laissés longuement perplexes.
L'équation n'est pas simple : il s'agit de créer, par la dépense, c'est-à-dire l'impôt, 350 000 emplois permettant, selon vos propos, madame le ministre, à des jeunes « d'entrer durablement dans la vie active en véritables agents de développement économique » dans les secteurs public et associatif, et ce en dépit de la logique qui veut que dans le reste du monde l'interventionnisme de l'Etat en matière d'emplois et l'assistance étatique ne font plus recette depuis longtemps !
Toutefois, malgré ces considérations politiques générales, je tiens ici à souligner, à titre personnel, que, en tant que maire d'une petite commune de moins de 5 000 habitants, et comme nombre de mes collègues ici présents, je n'ai pas attendu ce texte de loi pour embaucher des jeunes en difficulté dans ma municipalité.
Votre texte, madame le ministre, de toute apparence nécessaire et qui vise à répondre à la demande pressante de notre jeunesse, est probablement pavé des meilleures intentions mais il aboutit à une voie sans issue, celle de la création de nouveaux emplois publics.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Philippe Darniche. En effet, s'ils correspondent à une attente forte de nos jeunes concitoyens, les emplois publics que vous prévoyez s'adressent en priorité aux personnes en difficulté. Or le public visé dans le dispositif du texte de loi est à la fois trop large et trop restreint.
Il est trop large parce qu'il s'adresse à l'ensemble des jeunes, sans discrimination aucune. Mais les jeunes les plus qualifiés vont, de fait, évincer ceux qui sont les moins diplômés, alors qu'ils n'ont pas besoin d'un tel dispositif législatif. En effet, le taux de chômage des jeunes d'un niveau bac + 2 est de 7 % dans notre pays, tandis que celui des jeunes non qualifiés s'élève lui, à 47 %.
Au lieu d'enrichir de leurs compétences le secteur concurrentiel et privé, ces jeunes diplômés vont alourdir notre secteur public déjà trop important.
Trop restreint, ce projet de loi joue contre son propre camp !
En effet, trop restrictif dans son article 1er, alinéa 7, il oublie les adultes et fixe un seuil d'âge totalement arbitraire, à savoir trente ans. Or les emplois d'utilité sociale que vous souhaitez voir créés pour des jeunes uniquement demandent souvent maturité et expérience et doivent être ciblés en priorité sur les personnes adultes.
Pour ma part, je suis sûr que l'avenir jugera qu'il s'agissait, dans les faits, d'un texte coûteux, inadapté et injuste.
Le dispositif que vous proposez, madame le ministre, s'avère très coûteux dans les faits. Il nécessite 35 milliards de francs - 2 milliards de francs en 1997 pour la création de 50 000 emplois et 10 milliards de francs en 1998 pour le financement de 150 000 emplois supplémentaires - mais il s'affirme avant tout comme une énième « recette administrative » au problème de l'emploi des jeunes dans notre pays.
M. Alain Vasselle. C'est exact !
M. Philippe Darniche. Le mode de financement de ces nouveaux emplois publics pour les jeunes ne procède, en réalité, d'aucun redéploiement de crédits, mais repose bel et bien sur des dépenses supplémentaires.
Financer ces emplois par l'impôt va encore alourdir les charges des entreprises, petites et grandes, et nuire à la création de « vrais emplois » dans le secteur privé. Ce mode de financement menace donc, dans les faits, la création d'emplois dans ce secteur privé et concurrentiel qui, lui, crée des richesses.
D'où le sens de l'amendement que j'ai déposé à l'article 3, et qui a été cosigné par l'ensemble de mes collègues sénateurs non inscrits. En effet, dans les cinq prochaines années, il sera indispensable, selon moi, de dresser un bilan rétrospectif et prospectif de ces mesures pour mieux apprécier leur impact réel sur l'emploi, leur coût sur les finances publiques et leur contribution à la satisfaction des besoins couverts.
Le projet de loi est inadapté, car il est source d'exclusion et profondément catégoriel.
En instaurant des emplois uniquement publics, financés par l'impôt, ces jeunes vont venir grossir les effectifs de notre fonction publique déjà si importante et alourdir le poids de nos prélèvements obligatoires déjà prohibitifs.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Philippe Darniche. Pour ces emplois d'une durée de cinq années, sans formation aucune, sans contenu sérieux bien souvent, rien, dans votre projet de loi, n'a été prévu pour mettre en place un dispositif de transition vers un emploi solvable.
Ce projet de loi s'affirme par son injustice, car il exclut de l'aide que vous tentez d'apporter deux types de catégories de personnes sans emploi.
Il exclut, d'une part, les adultes en difficulté, en les renvoyant à un hypothétique texte sur l'exclusion dont on ne voit guère comment il serait financé compte tenu des dépenses déjà engagées pour mettre en place le dispositif du projet de loi que nous discutons aujourd'hui.
Il exclut, d'autre part, les jeunes en difficulté, en ne faisant aucune distinction au sein même de cette population. En réalité, n'ayons pas peur de l'affirmer, ce projet de loi conduit à l'éviction programmée des jeunes en difficulté par les jeunes qualifiés. Ceux-ci, au lieu d'enrichir le secteur concurrentiel et marchand, vont venir gonfler les effectifs de notre fonction publique alors même que les emplois d'utilité sociale sont destinés aux premiers.
Enfin, et malheureusement, ce texte me paraît injuste car il est inévitablement source d'insatisfactions.
Votre projet de loi, madame le ministre, ne s'accompagne d'aucune réelle formation, d'aucune perspective pour ces jeunes. Les conditions très favorables de l'aide de l'Etat porteront fortement préjudice aux formations en alternance, seules à même d'insérer durablement les jeunes dans un emploi stable.
Largement attirés par ce type d'emplois à courte vue, les jeunes diplômés sacrifient, dans les faits et aux dépens de ceux qui se trouvent depuis longtemps sans qualification, l'approfondissement de leur formation d'apprentissage ou la prolongation de leur cursus, qui auraient très certainement pu leur permettre de trouver un emploi à l'horizon des cinq prochaines années, en priorité dans le secteur privé. Les propositions qu'a faites la commission des affaires sociales vont d'ailleurs largement dans ce sens !
Ce texte est injuste pour les fonctionnaires, qui découvrent d'autres moyens d'accès à la fonction publique que le concours et qui se sentent à juste titre menacés par le risque de nivellement par le bas de notre fonction publique actuelle. Il va inévitablement en résulter une sous-fonction publique, source de rancoeur pour les titulaires de ces emplois et germe de déstabilisation de la fonction publique territoriale, puisque l'on aboutira probablement, à terme, à des vagues de titularisations d'office pour que ces jeunes demeurent dans le giron de la fonction publique.
Ce texte est également injuste pour ces jeunes qualifiés, dont la rémunération sera identique à celle qui est perçue dans les emplois moins qualifiés. En effet, en encourageant les jeunes à venir gonfler les effectifs de la fonction publique, il risque fort malheureusement de dévaloriser l'effort de formation tant par l'apprentissage que par la poursuite des études supérieures.
Ce texte est injuste, enfin, pour les communes pauvres où le nombre de chômeurs peu qualifiés reste souvent élevé, car aucune péréquation financière n'est prévue aujourd'hui entre elles et les communes riches. Un probable et prévisible désengagement de l'Etat, au bout de cinq ans, risque par ailleurs de contraindre les collectivités locales à payer l'intégralité des salaires de ces emplois-jeunes, emplois qu'il faudra bien pérenniser d'une manière ou d'une autre puisque beaucoup resteront insolvables.
Madame le ministre, plutôt que d'aider les jeunes les plus qualifiés à entrer activement et durablement dans le secteur marchand, vous les encouragez à prendre des emplois « protégés » non productifs, au terme desquels ils n'auront plus les moyens de se réorienter dans les filières créatrices d'emplois. En effet, rien n'a vraiment été prévu dans les dispositions que vous proposez pour assurer la pérennisation de ces emplois au-delà de cinq ans ; aucune véritable transition vers un emploi rentable dans le secteur privé n'est ici ni pensé ni proposé.
C'est pourquoi, compte tenu des réserves que je viens d'évoquer devant vous, le groupe des sénateurs non inscrits, dans sa grande majorité, s'abstiendra sur ce texte. Si, bien entendu, les amendements proposés par la commission des affaires sociales et défendus par le rapporteur, M. Louis Souvet, étaient retenus, le projet de loi, profondément remanié, emporterait alors notre adhésion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque siècle de notre histoire est jalonné de conquêtes et de progrès, mais aussi de grands fléaux - guerres civiles ou religieuses, épidémies - générateurs de drames individuels ou collectifs.
Notre siècle, malgré les avancées considérables des sciences, des techniques, des acquis politiques et sociaux, s'achève sur le fléau du chômage.
Ce fléau est d'autant plus dramatique qu'il touche les jeunes, nos garçons et nos filles, nos enfants, celles et ceux qui sont, comme l'a déclaré Jean-Paul II, « l'espérance du monde ».
M. Gérard Delfau. Oh !
M. Jean-Claude Carle. Cette espérance est aujourd'hui ternie et assombrie par ce cancer qui constitue la plus grande injustice de cette fin de millénaire.
Nombre de nos enfants n'ont pas cette dignité, cette utilité économique et sociale que procurent un emploi, une feuille de salaire, qui plus est la première feuille de paie.
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, toute initiative et toute proposition visant à rétablir cette dignité méritent intérêt, quelle qu'en soit l'origine.
Il n'est pas question pour moi de rejeter votre projet de loi pour la simple raison que j'appartiens à l'opposition. Je sais votre souci, je connais votre volonté de combattre ce fléau. Ce souci et cette volonté, madame la ministre, l'ensemble de notre assemblée les partage.
Ce souci et cette volonté étaient également ceux de vos prédécesseurs.
Ce souci - je le reconnais volontiers - vous le vivez comme beaucoup d'entre nous au quotidien dans votre mission d'élu local, ce qui - permettez-moi cette digression - montre bien l'utilité pour un ministre ou un parlementaire d'avoir les deux pieds dans la glaise.
Cette mobilisation pour permettre l'accès au premier emploi doit se garder de faire naître chez les jeunes de fausses espérances, comme l'ont fait un certain nombre d'initiatives, de propositions ou de plans précédents, dont j'assume une partie de l'inventaire. En effet, aujourd'hui, la désespérance des jeunes, l'angoisse des parents sont telles que la tentation de refuge vers les extrêmes est réelle.
Je crains, madame la ministre, même si je ne le souhaite évidemment pas, que votre projet de loi, comme les précédents, n'aille pas dans la bonne direction : il est mal adapté tant sur le fond que sur la forme ou la méthode.
Vous poursuivez, en effet, simultanément deux objectifs : favoriser l'emploi des jeunes et développer de nouveaux services. En réalité, c'est la création de ces nouveaux services qui est pour vous prioritaire. Comme vous souhaitez assurer leur développement, dans un cadre idéologique nouveau, celui du tiers secteur, vous déguisez cette intention sous la question angoissante du chômage des jeunes pour faire passer, en quelque sorte, votre projet de loi. Ce faisant, vous empêchez qu'un véritable débat ait lieu sur la pertinence ou non d'un secteur intermédiaire entre le secteur public et le secteur privé.
J'en viens au fond.
Depuis des années, notre pays consacre des sommes considérables à l'emploi : 76 milliards de francs ont été investis en 1990, le chômage atteignant alors 9 %, contre 150 milliards de francs cette année, alors que le chômage dépasse 12,5 %.
Or, madame la ministre, vous allez encore plus loin : vous décrétez - promesses électorales obligent ! - la création de 700 000 emplois. C'est stupéfiant ! Comment peut-on décréter l'emploi ? Qui plus est pour cinq ans ? Permettez-moi de faire cette comparaison avec cette émission célèbre que sont Les cinq dernières minutes et cette phrase tout aussi fameuse : « Bon sang, mais c'est bien sûr ! » Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ?
De surcroît, ces emplois concernent le secteur public. Pourtant, vous savez mieux que moi que le secteur public n'a de réalité que celle que lui donne le contribuable, qu'il soit personne physique ou personne morale.
Or, quelle est la réalité ? Nous sommes, parmi les pays modernisés, celui dont le poids du secteur public pèse le plus sur les finances de la nation, comme M. le président de la commission l'a rappelé tout à l'heure : sept points de plus que l'Allemagne et vingt points de plus que les Etats-Unis. Ce n'est pas la responsable d'entreprise que vous avez été qui peut ignorer que cela pèse dans la compétitivité de nos entreprises, dans un marché aujourd'hui totalement mondialisé. Or, qui crée les richesses, et donc l'emploi, si ce n'est le secteur privé ?
C'est la raison pour laquelle votre projet de loi n'est pas cohérent sur la méthode. Un second volet de votre plan sera consacré au secteur privé. Pourquoi alors ne pas avoir commencé par ce dernier, où des avancées et des initiatives sont souhaitables voire indispensables ?
Madame la ministre, j'affirme cela avec d'autant plus de force que j'ai tenu ces propos à vos prédécesseurs à cette même tribune, voila quelques mois, car je suis convaincu qu'il y a des logiques et des réalités incontournables.
Certes, nous traversons une période de faible croissance, et chacun sait qu'au-dessous du seuil de 3 % de croissance, nous ne créons pas, au sens économique du terme, d'emplois durables. En revanche, notre rôle est de créer les conditions favorables au développement de l'entreprise et d'agir sur son environnement. J'y reviendrai.
Permettez-moi d'ajouter que votre projet de loi risque d'aggraver la fracture sociale et de laisser encore plus sur le bord du chemin, d'une part, les chômeurs de longue durée et, d'autre part, les jeunes exclus très tôt du système éducatif.
Si votre volonté de développer l'apprentissage dans le secteur public est une mesure que je partage, je m'interroge toutefois sur certains aspects. L'apprentissage s'étale généralement sur un ou deux ans. Quel sera le sort des jeunes au terme de cette formation ? La fonction publique leur sera-t-elle ouverte ? Et dans ce cas, pourquoi ne pas le faire par la voie du concours interne et pas seulement par le tour extérieur ? Cela constituerait une reconnaissance pour ces jeunes et une garantie de ne pas voir l'apprentissage dévié de sa finalité, et ce d'autant plus que j'ai du mal à envisager leur insertion massive dans le secteur privé.
Votre projet de loi, madame la ministre, est aussi la reconnaissance de la faillite de notre système éducatif.
Ce système incite à l'allongement croissant des études et fait que, aujourd'hui, au terme de son cursus, un jeune sur quatre pousse non pas la porte d'une entreprise, mais celle de l'ANPE.
Ce système constate que 38 % des diplômés bac + 6 déclarent ne pas avoir de projet professionnel. C'est là que réside notre différence avec la plupart des autres pays qui, certes, sont confrontés aux même problèmes mais avec moins d'ampleur. En effet, contrairement à d'autres pays, au fur et à mesure que la durée des études s'allonge, l'entrée dans la vie active est non seulement retardée, mais aussi rendue plus difficile. Ces jeunes s'éloignent petit à petit de toute activité économique viable. Ils ne trouvent donc leur salut que dans la fonction publique.
En France, en effet, pour des raisons d'origine culturelle, on ne reconnaît que l'intelligence abstraite. Cependant, un CAP ou un baccalauréat professionnel sont aussi porteurs d'avenir qu'un bac + 6.
Les chiffres le confirment : j'ai évoqué, voilà un instant, les 25 % de jeunes qui poussent la porte de l'ANPE. La répartition de ces jeunes chômeurs n'est pas homogène. Deux populations sont particulièrement exposées : d'une part, les jeunes garçons et les jeunes filles qui, très tôt, sont exclus du système éducatif et, d'autre part, ceux qui ont une formation longue, et même trop longue, mais qui ne maîtrisent pas de métier.
M. Claude Allègre a parfaitement raison d'affirmer qu'une culture générale sans formation professionnelle est un désastre et inversement. Il est donc urgent d'opérer une mise en relation plus forte de la jeunesse avec le monde du travail sous des modes très divers - celui de l'alternance, mais aussi celui d'un assouplissement du statut de l'étudiant au regard du code du travail - pour permettre des allers et retours et des coexistences entre études et travail beaucoup plus fréquents qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Permettez-moi d'évoquer très rapidement vos propositions envers les associations. Peut-être existe-t-il dans ce domaine des opportunités, à condition que les actions se limitent à des emplois touchant l'ingénierie et non pas l'objet même de l'association. En effet, le risque serait grand d'hypothéquer un bénévolat ou un volontariat déjà précaire. Or la faiblesse des corps intermédiaires est un handicap de notre pays.
J'en viens à la forme ou la méthode. Je le répète, madame la ministre, vous inversez l'ordre des priorités dans l'élaboration de votre projet de loi. Pourquoi ne pas avoir commencé par le secteur privé ? Il est vrai que vous devez, d'une part, honorer des promesses électorales et, d'autre part, faire face à l'urgence.
Pour ce qui concerne les promesses électorales, je ne dirai rien : les Français jugeront.
Pour ce qui concerne l'urgence, je ne la conteste pas. J'ai volontairement employé préliminairement le terme de fléau, car, malheureusement, c'en est un. Or, madame la ministre, comment combattre efficacement une telle épidémie ? Elle nécessite - tous les médecins vous le diraient - un double traitement : le sérum pour pallier l'urgence, le vaccin sans lequel il n'est plus possible de faire face à l'urgence.
Or, sur l'urgence, j'ai évoqué les risques, l'inadaptation et les effets pervers de vos remèdes. C'est cette urgence qui vous a sans doute conduit à demander cette même procédure devant le Parlement. C'est cette même urgence qui amène certains de vos collègues à prendre des mesures d'ores et déjà, avant même le vote de ce projet de loi, bien que, aujourd'hui, si j'en crois certaines informations, les contraintes budgétaires auxquelles M. le ministre de l'économie et des finances doit faire face tempèrent quelque peu les ardeurs. Pour le long terme, vous ne proposez aucune piste, même si je reconnais que cela n'est pas facile ou évident.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la ministre, votre projet de loi ne nous paraît ni réaliste ni efficace.
C'est pourquoi je préfère commettre une erreur politicienne plutôt qu'une faute politique vis-à-vis de nos enfants, et ce d'autant plus que, comme bon nombre de mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants, je n'ai jamais varié dans mes convictions. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas, en l'état actuel, votre projet de loi.
Je me permets toutefois, de vous soumettre une proposition en trois points.
Il s'agit, premièrement, face à l'urgence, d'inverser l'ordre des priorités et de commencer par le secteur dans lequel se trouve l'emploi durable, c'est-à-dire le secteur privé.
Il s'agit, deuxièmement, de s'inscrire dans le long terme, d'une part, avec une réforme du secteur éducatif fondée sur la maîtrise simultanée, et le plus tôt possible, d'une culture générale et d'une approche des métiers et, d'autre part, avec une réforme de l'environnement de l'entreprise et de la législation sociale, en adoptant, cette dernière aux entreprises qui, aujourd'hui, créent plus de 70 % des emplois, c'est-à-dire les PME et les PMI. Il est urgent d'alléger les formalités administratives, juridiques et fiscales qui les assaillent. J'ai déjà cité très souvent à cette tribune un chiffre significatif : un dirigeant de PME passe quarante jours de son temps à remplir des formalités de ce type !
Il s'agit enfin de mettre en oeuvre un projet totalement décentralisé fondé sur le partenariat et la proximité en conférant aux collectivités locales son ingénierie.
Permettez-moi, dans ce domaine, de vous faire part des expériences menées dans la région Rhône-Alpes. En partenariat avec vos services de l'Etat, les entreprises et les élus locaux, nous avons mis en place le Plan d'accès à la première expérience professionnelle, le PAPEP, en nous attachant tout particulièrement aux petites choses qui sont autant de freins à l'emploi des jeunes. Cela peut être l'achat d'une paire de chaussures de protection ou d'un bleu de travail pour rendre possible une journée d'essai en entreprise. Sans résoudre ce genre de détails, rien ne fonctionne.
Avec Charles Millon, nous avons ainsi mené des actions à court terme dans le cadre du PAPEP, mais aussi des actions de partenariat et de proximité à long terme dans le cadre du PRDF. Ce n'est donc pas seulement un hasard si, dans la région Rhône-Alpes, les lycées professionnels et les centres d'apprentissage sont en croissance continue. Ce n'est pas non plus un hasard - je le dis avec beaucoup de prudence et de modestie - si le chômage des jeunes dans notre région a baissé de 11,5 % d'une année sur l'autre.
C'est le sens des amendements que nous avons déposés. C'est à notre avis le sens de l'Histoire, c'est-à-dire la voie choisie par la plupart des autres pays. Toute autre voie, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour reprendre les propos du Président de la République, nous semble fallacieuse. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord, permettez-moi de vous exprimer un sentiment partagé par bon nombre de sénateurs.
En effet, alors que nous commençons la discussion du projet de loi relatif au développement de l'activité pour l'emploi des jeunes, M. le ministre de l'éducation nationale nous a fait parvenir, et ce avant l'ouverture de cette session extraordinaire, un exemplaire du document d'information sur l'application de la loi dite « emploi-jeunes » et diffusé par l'intermédiaire des rectorats ; de plus, des réunions animées par vos collaborateurs ont été organisées dans les préfectures de région et, enfin, les inspecteurs d'académie ont annoncé par voie de presse, dès le 20 septembre dernier, la liste des emplois créés au titre de l'éducation nationale dans chaque département.
Madame la ministre, votre devise me semble être : « Je décide d'abord, j'annonce ensuite, et je discute enfin. »
Je comprends l'urgence quand il s'agit de l'emploi des jeunes. Néanmoins, rien ne peut justifier que la règle démocratique ne soit pas respectée. Les élus locaux que nous sommes ne se battent-ils pas au quotidien pour l'emploi ? Il ne suffit pas de réduire le nombre de mandats des élus pour qu'ils soient respectés !
Madame la ministre, ma question concerne uniquement la loi dite « Robien ». En effet, j'aimerais avoir de votre part l'assurance que votre plan emploi-jeunes n'aura aucun impact négatif sur les crédits et les conditions d'application de cette loi.
Pouvez-vous nous assurer que les avantages liés à cette loi ne seront pas remis en cause ?
Le 1er mars 1997, on dénombrait 33 000 salariés bénéficiant de la loi Robien et 235 conventions étaient signées entre les entreprises et l'Etat. De nouvelles conventions doivent être signées incessamment, notamment avec le Crédit mutuel Océan.
La loi Robien prévoit une réduction des charges sociales en contrepratie d'embauches pendant une duré de sept ans. Si cette durée doit permettre une amélioration de la productivité pour assurer la sortie du dispositif sans risque excessif, il ne faudrait pas, pour les entrepries qui auraient conclu aujourd'hui une convention, que de nouvelles dispositions viennent contrecarrer cette ambition. Or une réduction de la durée d'allégement des charges ne pourrait avoir pour effet que de provoquer une diminution d'effectifs.
Les articles polémiques publiés dans la presse nationale, ces dernières semaines, font craindre que ce risque ne soit pas illusoire.
En conséquence, pouvons-nous avoir la certitude que, même en cas de nouveau dispositif, il n'y aura pas d'effet sur les conditions d'application de la loi Robien ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis vingt ans, tous les gouvernements se sont attaqués - hélas, sans succès décisif ! - au dramatique fléau du chômage, qui ronge notre société française et condamne notre jeunesse à une désespérante inactivité.
C'est pourquoi, certainement, le gouvernement auquel vous appartenez a décidé de faire de son action en faveur de l'emploi des jeunes la priorité des priorités et nous présente aujourd'hui un texte qui comporte de très importantes dispositions. En effet, il nous est proposé la création d'une première tranche de 350 000 emplois, lesquels représentent un coût annuel pour l'Etat de 35 milliards de francs en année pleine.
Vous nous avez indiqué, madame la ministre, que, pour 1998, le coût de ces mesures serait financé par un redéploiement des dépenses de 10 milliards de francs. Mais que va-t-il se passer dans les années à venir ?
Proclamer que l'on crée 350 000 emplois est, à l'évidence, un geste spectaculaire. Mais il convient de s'interroger sur l'efficacité des mesures proposées, puisqu'il s'agit de favoriser la création d'emplois destinés à satisfaire des « besoins émergents et non satisfaits » en faisant appel à des acteurs locaux appartenant uniquement au secteur public ou associatif.
Tout d'abord, les emplois que vous créez vont se traduire par une intégration dans la fonction publique, vous l'avez d'ailleurs admis, notamment dans l'éducation nationale - il suffit de lire les déclarations de M. Allègre, et notre collègue M. Moinard vient de nous faire part de son émotion à ce sujet - et dans la police. Entre l'éducation nationale, la police et la justice, cela fait 50 000 emplois qui vont alourdir la dépense publique.
Mais ce qui est au moins aussi inquiétant, c'est la nature même des emplois que vous prévoyez. La liste qui en a été publiée est édifiante, mais il est vrai que vous avez précisé vous-même en commission qu'elle n'était pas exhaustive.
Il n'en demeure pas moins que nombre d'emplois ne pourront jamais déboucher sur le secteur marchand. En effet, on voit mal des usagers accepter de payer un service tel que celui d'« agent d'éveil sur les bruits » ou d'« animateur de promotion de pays » !
De plus, certains autres emplois - je pense aux pseudomédiateurs pénaux et sociaux, aux agents d'ambiance destinés à prévenir le vandalisme - exigent une expérience, une formation, une autorité que seront loin de posséder les jeunes visés par votre projet de loi. C'est ainsi que j'ai appris l'existence, au cours d'une audition devant la commission des affaires sociales, d'agents d'ambiance dans les transports en commun, qui possèdent un bac + 2 mais qui ont suivi 900 heures de formation pour exercer leur métier. Ils perçoivent d'ailleurs un salaire qui oscille entre douze mille et quatorze mille francs.
En fait, ce projet de loi, si nous le votions tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, aurait des conséquences graves. Il accroîtrait ainsi les dépenses publiques par l'intégration dans cinq ans de plus de 60 000 emplois dans la fonction publique et par la nécessité, pour les collectivités locales, de subventionner les emplois qui n'auront pu être pris en compte par le secteur marchand, à moins que ceux-ci aient été purement et simplement supprimés et leurs titulaires renvoyés vers les guichets de l'ANPE. Imaginez un peu, mes chers collègues, la déception, voire la colère de milliers de jeunes qui auraient conscience alors d'avoir été attirés dans une impasse !
Je voudrais, en revanche, vous féliciter, madame la ministre, d'avoir découvert enfin les vertus du contrat à durée déterminée. Mais ce contrat à durée déterminée de cinq ans, renouvelable chaque année, que vous envisagez, ce n'est pas seulement aux collectivités locales ou aux associations qu'il faut le proposer, c'est aux entreprises elles-mêmes ! Il faut en faire une disposition permanente du code du travail, parallèlement au contrat à durée déterminée actuel. Il pourrait être proposé aux petites et moyennes entreprises, ce qui leur permettrait de faire face au développement de leur activité sans risquer de s'enfermer dans un cadre trop rigide, comme c'est le cas actuellement. J'ai d'ailleurs déposé un amendement dans ce sens.
Enfin, il y a quelque chose de vraiment paradoxal à vouloir s'acharner comme vous le faites à « inventer » des activités pour créer des emplois terriblement coûteux pour le budget, alors qu'en même temps les dispositions que vous prenez à l'encontre des familles dites aisées - plafonnement des ressources pour l'obtention des allocations familiales, réduction de l'allocation pour garde d'enfant à domicile et, en fait, réduction massive du financement des emplois familiaux - vont se traduire par la suppression de milliers, pour ne pas dire de dizaines de milliers d'emplois, tout au moins officiels.
Certes, et je porte cela au crédit du projet qui nous est soumis, l'idée d'encourager la création d'emplois destinés à faire face aux « besoins émergents et non satisfaits » est intéressante, à condition qu'il s'agisse de besoins réels pouvant être pris en compte par le secteur marchand.
Il serait également intéressant que les usagers apprennent à payer pour les services qu'ils utilisent. Or, il faut le reconnaître, aujourd'hui, la psychologie de l'usager, c'est plutôt de considérer que tout est gratuit. C'est une lourde tâche que vous allez avoir à entreprendre, madame la ministre !
Mais il serait facile de créer des emplois susceptible d'être facilement pris en compte par l'usager. Je n'en donnerai que quelques exemples.
Croyez-vous, madame la ministre, que les automobilistes ne seraient pas heureux de voir à nouveau le personnel des stations-service faire le plein de leur réservoir et vérifier leur niveau d'huile, d'eau, etc. ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Jean Chérioux. Assurément ! Alors, pourquoi ne pas engager des négociations avec la profession pétrolière pour recréer éventuellement ces emplois qui ont été malheureusement abandonnés depuis des années ?
De même, les locataires d'immeubles collectifs, en particulier dans nos grandes villes, rêvent de voir à nouveau des gardiens assurer la surveillance des allées et venues, distribuer le courrier, etc.
Ce serait aussi un excellent moyen de faciliter le maintien à domicile de nombre de personnes âgées enfermées dans leur isolement ! Ici encore, ce sont des dizaines et des dizaines de milliers d'emplois qui pourraient être créés. Vous l'avez d'ailleurs prévu, je vous le concède, pour les offices d'HLM, mais pourquoi cette timidité ? C'est réellement insuffisant ! Pourquoi ne pas étendre cette possibilité aux sociétés privées d'HLM, aux compagnies d'assurance, aux syndicats de copropriétaires, voire aux propriétaires privés d'immeubles collectifs ?
Bien d'autres voies pourraient sans doute être prospectées. Je me contenterai de citer encore un seul exemple : pourquoi ne pas envisager, avec les grandes entreprises du secteur informatique, la création de conseillers en informatique, dont la formation pourrait être facilitée grâce aux financements que vous entendez consacrer aux emplois-jeunes ? Cela permettrait de former réellement des jeunes et trancherait avec bonheur avec ce qui est proposé, c'est-à-dire, le plus souvent, il faut bien le reconnaître, des « petits boulots ».
Voilà, madame la ministre, les quelques observations que je souhaitais vous présenter à l'occasion de la discussion de ce texte. Ces observations, je les ai voulues mesurées et constructives, car je ne veux pas croire que ce projet de loi réponde à l'objectif inavoué de gonfler démesurément le secteur public ou de prendre sciemment le risque de conduire les bénéficiaires de ces emplois dans une impasse.
Mon souci est avant tout de donner aux mesures que vous proposez un caractère plus réaliste, qui permette une réelle insertion des jeunes dans le monde du travail. Vous-même, madame la ministre, avez indiqué que vous souhaitiez mettre en place un système qui soit une véritable pépinière de futurs emplois marchands. Je crains malheureusement que les dispositions prévues ne soient pas à la hauteur de l'ambition manifestée.
M. Alain Vasselle. Sûrement !
M. Jean Chérioux. C'est pourquoi je ne voterai ce texte que profondément remanié par les amendements proposés ou retenus par notre excellent rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Louis Souvet. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste).
M. le président. Mes chers collègues, le Sénat va interrompre maintenant ses travaux ; il les reprendra à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

CANDIDATURES À DES COMMISSIONS

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, démissionnaire de son mandat sénatorial.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
J'informe le Sénat que le groupe de l'Union centriste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Guy Robert, démissionnaire de son mandat sénatorial.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

6

EMPLOI DES JEUNES

Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, ce sont environ 600 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans qui sont touchés par le chômage, ce chiffre demeurant stable malgré tous les dispositifs d'aide à l'insertion dans le monde du travail et à la formation mis en place en leur faveur.
Le faible niveau de qualification influe fortement aussi sur la durée du chômage.
Dans mon département, ce sont plus de 33 000 demandeurs d'emploi qui ont moins de trente ans !
Quel terrible constat !
Le système économique a connu, il est vrai, de profonds bouleversements. La croissance a changé de nature. Nous entrons, par exemple, dans un nouveau cycle d'équipement des ménages. La majorité des besoins « de base » se trouvent satisfaits. C'est pourquoi les perspectives à attendre sont plutôt celles d'un renouvellement, qui ne permettra malheureusement pas un développement massif d'emplois dans les entreprises.
En revanche, nous voyons apparaître régulièrement des besoins collectifs nouveaux, totalement insatisfaits pour certains ou insuffisamment pris en compte pour d'autres, malgré les initiatives locales déjà développées.
Face à cette situation, il nous faut faire preuve d'imagination et d'audace, ce que vous faites, madame la ministre.
Ce plan est en effet le premier signe fort en direction des jeunes, face à leur crainte devant l'avenir, et c'est aussi d'un moyen de prévenir l'isolement, l'exclusion et le risque de délinquance que nous débattons aujourd'hui.
Il sera, je l'espère, complété par un second volet porté, lui, par les entreprises, avec l'aide de l'Etat, pour 350 000 jeunes de plus.
L'enjeu du texte que nous examinons est simple. Nous avons tous conscience qu'il existe des besoins locaux, sociaux, insatisfaits. Vous le savez bien, mes chers collègues, tous les maires, tous les élus de terrain disent que les besoins de services existent, et qu'ils ne peuvent y répondre, car ils ne sont pas solvables dans l'immédiat. Ce sont les expériences mises en place qui démontrent la réalité de ces besoins et la forte attente des bénéficiaires. Mais ces activités ne permettent pas d'accéder à une réalité de métiers définis, reconnus, encadrés, parce qu'elles ne peuvent pas être pérennisées.
Mes chers collègues, en apportant - c'est sans précédent - un financement forfaitaire d'activité sur cinq ans équivalent à 80 % du SMIC, charges comprises, par emploi créé pour la mise en place de ce plan, l'Etat entend mettre en place bien autre chose qu'un nouveau système de traitement social du chômage. Il veut offrir aux jeunes de vrais emplois correspondant à de vrais besoins, s'inscrivant dans la durée par un véritable contrat de travail de droit privé à durée indéterminée ou déterminée de cinq ans au moins.
Ce projet permettra de rendre la vie collective productrice de services nécessaires à tous et créatrice d'emplois. C'est le projet de ce plan emploi-jeunes.
C'est une nouvelle logique qui fait appel à l'imagination et au savoir-faire des acteurs de terrain pour repérer les besoins, construire les réponses aux attentes, définir des profils de postes nouveaux.
Elle fait appel à l'expérience des collectivités, à la responsabilisation des citoyens, au dynamisme du monde associatif, à une réelle mise en synergie des volontés de tous ceux qui oeuvrent, jour après jour, pour que la vie de chacun soit plus facile, en mettant l'emploi au coeur d'un nouveau dispositif simple, souple et, j'en suis sûr, efficace.
Le projet répond à une attente forte et constitue un espoir.
En aucun cas les emplois offerts ne se substitueront à des emplois existants. Il s'agit de créer de nouveaux métiers, les métiers de demain, qui pourront donner lieu - qui devront donner lieu ! - à des grilles de qualification et générer des formations adaptées.
Le Gouvernement n'entend pas supprimer les dispositifs existants pour financer ce plan, qui ne s'adresse qu'à une seule tranche d'âge. Les engagements sont clairs : les contrats emplois consolidés, les CEC, sont maintenus, de même que le sont les CES, en 1998, au nombre atteint en 1997, tout en étant recentrés sur les publics prioritaires.
C'est pourquoi il s'avérera particulièrement important, dans les projets qui seront élaborés, que des emplois puissent être offerts à tous les types de publics, du niveau VI au niveau II ou I. Les acteurs devront être incités à faire preuve d'imagination dans la construction des projets et il est important qu'en raison de l'aspect novateur de la démarche l'Etat ou d'autres partenaires publics puissent leur apporter une aide en matière d'ingénierie.
S'inscrivant dans la durée, ce plan offre aux jeunes qui seront concernés le moyen de devenir des acteurs à part entière de la société dont, pour le moment, ils se sentent isolés, voire de plus en plus exclus.
Mais l'inquiétude est forte quant au devenir de cette action. Au bout des cinq ans, lorsque l'Etat ne prendra plus en charge 80 % du financement, que se passera-t-il ?
La durée prend là, à mon avis, tout son sens. Les jeunes disposeront ainsi de temps pour s'adapter à l'emploi, recourir à une formation tout au long du parcours les amenant à une véritable reconnaissance professionnelle.
Les employeurs potentiels existent. Ces cinq ans permettront de faire la preuve de la nécessité de pérenniser ces nouveaux métiers, qui deviendront rapidement indispensables à tous. Ces cinq ans permettront de rechercher les modalités de leur solvabilisation.
Cet objectif sera clairement affiché par les conventions conclues avec le représentant de l'Etat, qui retiendront des objectifs de qualification, qui fixeront les conditions de formation professionnelle et les formes d'un tutorat.
Mais le texte qui nous est soumis comporte également un certain nombre d'ouvertures vers l'emploi marchand.
Il s'agit, tout d'abord, de l'encouragement à la création d'entreprise par les jeunes, notamment les diplômés. Nous savons tous que le manque d'initiative dans ce domaine constitue une véritable faiblesse de notre économie. L'avance remboursable et l'accompagnement de la création ou de la reprise d'entreprise sur une durée de trois ans est une nouvelle avancée, une incitation en direction des jeunes à entreprendre et, ainsi, à créer des richesses.
Il s'agit également de l'ouverture du contrat emploi-solidarité vers le monde de l'entreprise, en permettant son cumul avec un emploi à mi-temps préparant à la sortie vers le secteur marchand.
Ces deux éléments marquent la volonté forte de sortir de la logique de l'emploi précaire et des « petits boulots ».
Outre la possibilité de cofinancement des collectivités territoriales, des établissements publics ainsi que de toute autre personne morale de droit public ou de droit privé, ce projet prévoit l'engagement des régions, dans le cadre de leurs compétences, et d'autres personnes morales à l'effort de formation.
Le projet permet, enfin, une contribution limitée à la création d'un poste de travail occupé par un bénéficiaire du revenu minimum d'insertion sur les crédits d'insertion du département.
Là est également l'enjeu. Si nous voulons que ce plan novateur, original, réussisse, il est absolument nécessaire que les acteurs publics se mobilisent pour impulser le dispositif, accompagner la démarche, soutenir l'effort par le cofinancement.
Je prendrai l'exemple de mon département.
Ce sont plus de 26 000 jeunes qui peuvent être concernés par ce plan, dans un département de 1 435 000 habitants où le taux de chômage des jeunes varie, selon les bassins d'emploi, de 22,9 % à 27,9 %.
Le Pas-de-Calais est un département fortement touché par la conversion industrielle des dix dernières années et par le chômage, dont quarante-six quartiers ont été retenus au titre du Pacte de relance pour la ville, un département dont plus de 80 % des communes ont un potentiel fiscal inférieur à la moyenne nationale, parfois même à la moitié de cette moyenne, comme les villes du bassin minier, mais c'est aussi un département où la vie associative est une tradition fortement ancrée, en résonance avec l'esprit de solidarité qui anime sa population.
Le président du conseil général que je suis voit dans ce plan un profond changement de méthode et d'approche, une innovation dans le traitement qui conduira à renforcer une démarche d'analyse, d'expertise, d'intelligence et de complémentarité dans le montage et l'agrément des projets.
Je ressens aussi les attentes fortes des jeunes, qui perçoivent ce plan comme un espoir, une chance à saisir. Ils connaissent déjà la mobilisation et les premiers résultats des expériences déployées depuis plus de deux ans dans notre capitale régionale, madame la ministre. Ils sont impatients de voir démarrer et de démarrer avec nous ce nouveau dispositif.
J'ai rencontré de très nombreux maires de mon département qui sont sensibilisés à cette mesure, qui veulent s'impliquer dans sa mise oeuvre. Ils demandent à être accompagnés en raison des situations financières de leurs communes, que j'évoquais antérieurement. C'est pourquoi il aurait peut-être été souhaitable de tenir compte de ces difficultés en modulant ou, mieux encore, en « péréquant » la part restant à charge et en ne la fixant donc pas uniformément à 20 %, évitant ainsi de charger celles de ces communes qui ont déjà le plus de mal sur le plan budgétaire.
Par ailleurs, peut-être l'utilisation des crédits d'insertion paraît-elle limitée. N'aurait-il pas été envisageable d'amplifier l'aide et de l'étaler dans le temps, l'accompagnement permettant, de ce fait, une plus forte mobilisation ?
Cependant, au-delà de ces remarques, je proposerai, dès la publication de la loi, à mon assemblée départementale du Pas-de-Calais de s'impliquer fortement dans ce dispositif, tout d'abord en versant un complément de 5 % à l'aide de 80 % de l'Etat pour 1 540 emplois - voire de 10 % s'il s'agit du recrutement d'un bénéficiaire du RMI la première année - ensuite en recrutant très directement 500 jeunes dans le dispositif.
Mais il ne s'agit pas de faire du « chiffre ».
Un accompagnement adapté permettra de faire émerger des projets dans des domaines très variés, en ouvrant le droit à l'expérimentation. Il s'adressera à l'ensemble du public concerné, quel que soit son niveau de qualification, en veillant à donner leur chance aux jeunes, filles et garçons, les plus en difficulté, notamment ceux qui bénéficient du RMI. Il s'attachera à couvrir l'ensemble du territoire départemental, tant dans les espaces urbains que dans les territoires ruraux, qui ont besoin de structuration de services en faveur du public.
Les gisements d'emplois sont très larges et vont, bien sûr, au-delà des vingt-deux exemples dont on a tant parlé.
La gestion du patrimoine et de l'environnement, l'entretien de l'espace rural, le domaine social, notamment l'accompagnement des personnes âgées, les activités périscolaires, l'animation sportive, l'approche des nouvelles technologies de la communication, dont parlait M. Chérioux ce matin, l'animation culturelle, la sécurité : voilà quelques exemples de champs qui s'avéreront porteurs.
En ce qui nous concerne, nous avons d'ores et déjà recensé vingt-sept catégories de postes qui répondent aux trois conditions que vous avez évoquées ce matin, madame la ministre, au moins très bien pour les deux premières. Quant à la dernière condition, la pérennisation, peut-être la plus difficile, je susciterai de mon assemblée départementale un engagement financier sensible, et ce malgré une situation de trésorerie tendue, comme dans la plupart des départements.
C'est environ 25 millions de francs en année pleine qu'il nous faudra pour mettre en place ce dispositif.
Je pense, madame la ministre, que vous promouvez avec ce dispositif un engagement sur la durée débouchant nécessairement sur le renforcement de la demande mais aussi vers la solvabilisation. L'acceptation du paiement d'une rémunération pour ces services nouveaux et donc leur pérennisation et leur professionnalisation s'imposera, je le sais.
Toutefois, madame la ministre, pour faciliter la pérennisation, peut-être faudra-t-il concevoir, après la troisième année - vous serez encore là ; nous pourrons donc en reparler, même si aucun amendement en ce sens n'a été déposé aujourd'hui - une dégressivité de l'aide et son étalement dans le temps ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Très bien !
M. Roland Huguet. Pourquoi ne passerait-on pas de 80-20 pour les trois premières années à 60-40 pour la quatrième année, puis à 40-60 pour la cinquième et à 20-80 pour les trois dernières - soit l'inverse d'aujourd'hui - à savoir 20 % pour l'État et 80 % pour l'employeur ?
Un système étalé sur huit années présenterait trois avantages : il n'y aurait pas d'augmentation de dépenses pour l'État ; elles seraient étalées dans le temps ; les employeurs y gagneraient en facilités. Certes, cela ferait huit ans, au lieu de cinq, mais tout le monde souhaite la pérennisation de ces emplois.
M. Jean Delaneau. Jusqu'à la retraite !
M. Roland Huguet. Pourquoi pas !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Huguet, d'autres orateurs de votre groupe sont inscrits dans la discussion générale.
M. Roland Huguet. Avec un contrat de huit ans au lieu de cinq, le caractère pérenne du système est renforcé tout en présentant des facilités pour les employeurs.
Avec ce texte, mes chers collègues, aidant à la création d'emplois nouveaux, répondant aux besoins non satisfaits de la société, nous engageons les jeunes à devenir les acteurs du développement économique et de la construction d'une nouvelle société.
Le Gouvernement s'engage avec la jeunesse de la France. Il lui offre une nouvelle forme d'intégration dans le monde du travail, dans la société.
Dès lors, mes chers collègues, comment refuser d'impliquer toute notre volonté, de mobiliser toutes nos forces pour répondre à l'enjeu, pour relancer l'économie, pour dynamiser la société, pour, enfin, sortir notre jeunesse du désespoir dans lequel le chômage l'a plongé ?
Il est de notre devoir d'approuver ce texte pratiquement en l'état, sans trop l'amender, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, et de tout faire pour le mettre en oeuvre rapidement.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Huguet !
M. Roland Huguet. Nous n'avons pas le droit de décevoir tous ceux qui attendent : telle était la conclusion de plusieurs de nos collègues, ce matin.
Pour ma part, j'en ajouterai une autre. A Sophia-Antipolis, voilà une dizaine de jours, j'entendais notre président, M. René Monory, dire : « Il faut savoir vaincre les résistances anciennes ; il faut aller de l'avant ; il faut faire en sorte d'avoir de l'audace ». Eh bien, ce projet de loi répond à ses souhaits ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du R.D.S.E.)
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accueil fait au plan emploi-jeunes à la Réunion est très révélateur de la gravité du problème du chômage, de l'urgence des solutions à mettre en oeuvre et de la spécificité de la situation réunionnaise.
Tout d'abord, il a éveillé un immense espoir parmi les jeunes chômeurs qui ont été des milliers à se précipiter dans les ANPE ou au rectorat.
En même temps, il a agi comme un « détonateur » et a donné lieu à des manifestations significatives dans diverses communes de l'île et particulièrement à Saint-Denis où des groupes de jeunes expriment leur frustration légitime, leur impatience et leur inquiétude. Depuis plusieurs jours, des mairies annexes sont occupées par les jeunes qui manifestent leur volonté de voir leur situation réglée concrètement et rapidement.
Tout cela montre à la fois l'importance que revêt ce plan emploi-jeunes mais aussi ses limites : importance, car la perspective d'un nombre significatif d'emplois dans les cinq ans à venir représente une éclaircie dans une société où le RMI ou les CES sont trop souvent la seule perspective pour des jeunes poussés à l'assistanat, au désespoir ou à la révolte ; limites, car il est évident que les emplois-jeunes ne suffiront pas à régler le problème du chômage.
Mme Hélène Luc. C'est certain !
M. Paul Vergès. En effet, en premier lieu, le nombre d'emplois créés restera insuffisant par rapport au nombre de demandeurs. En deuxième lieu, les trois quarts des chômeurs à la Réunion ne sont pas éligibles au dispositif ; environ 25 000 sur 112 000 le sont. D'ailleurs, parmi les jeunes qui manifestent actuellement, nombreux sont ceux qui ont plus de vingt-six ans ou plus de trente ans. En troisième lieu, comment gérer la sortie des emplois-jeunes au terme des cinq ans ? Nous devons d'ores et déjà anticiper ce rendez-vous pour éviter ce qui pourrait être un « effet boomerang ».
Que l'on apprécie l'apport particulièrement positif de ce plan emploi-jeunes ou que l'on en souligne les limites, une chose est acquise : le problème du chômage est désormais au centre du débat, à tous les niveaux de la société réunionnaise. C'est le problème central et dominant.
Cette prise de conscience s'est affirmée, notamment en 1992, après les événements du Chaudron, avec l'élaboration d'un plan de développement global, le plan de développement actif, qui jetait d'ailleurs, dès cette époque, les bases pour le développement d'emplois nouveaux dans le secteur non concurrentiel. Conscientes de l'enjeu, l'ensemble des forces socio-économiques avaient participé à son élaboration.
Une donnée est spécifique : à la Réunion, les chômeurs ont décidé de s'organiser et de se regrouper en comités. La manifestation du 4 février 1997, à Saint-Denis, de milliers de chômeurs, est considérée comme l'acte de naissance de ce qu'il est convenu d'appeler le « mouvement » des chômeurs de la Réunion. Aujourd'hui, sollicités pour présenter des projets, ils sont des interlocuteurs incontournables - comme on dit - sur le problème qui les concerne.
Selon les derniers chiffres connus, le nombre de chômeurs atteint 112 000, soit 40 % de la population active. Les chômeurs de la Réunion sont la première force sociale du pays, une force de plus en plus organisée.
Cette force ne peut que croître. Chaque année, 10 000 jeunes arrivent sur le marché du travail alors que, dans les meilleures conjonctures, de 3 000 à 4 000 emplois nets sont créés. Ce sont donc 6 000 à 7 000 personnes supplémentaires qui viennent grossir chaque année le nombre des chômeurs.
Cette évolution, due à la progression démographique, se poursuivra encore durant près de trois décennies. La Réunion, dont la transition démographique est en cours, passera de 600 000 habitants en 1990 à 1 million en 2025. Si la France devait « encaisser » - si je puis dire - chaque année l'arrivée de 600 000 chômeurs supplémentaires et que sa population devait atteindre 100 millions d'habitants dans moins de trente ans, tous les problèmes posés actuellement, notamment celui du chômage, le seraient dans des termes et avec des perspectives totalement différents.
Cette situation ne laisse donc à la Réunion aucun sursis. Quelles réponses massives apporter au chômage dans une île qui cumule les problèmes des pays développés - un chômage structurel découlant de la mutation économique actuelle - et ceux des pays en voie de développement avec le poids de la croissance démographique ? Nous pensons qu'aucune piste ne doit être négligée. Si tous les efforts doivent être faits pour réussir le plan emploi-jeunes, dans le même temps, nous devons engager la Réunion dans une véritable dynamique de développement, adaptée à notre situation originale et véritablement créatrice de richesses et d'emplois.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. Paul Vergès. S'agissant du plan emploi-jeunes, les conditions sont réunies pour sa réussite à la Réunion.
Du fait de l'ampleur du chômage, la réflexion pour le développement d'une économie « alternative » à l'économie concurrentielle a débuté en effet à la Réunion depuis plusieurs années, avec l'élaboration du plan de développement actif. Les besoins du pays, les secteurs correspondant à des emplois sont déjà identifiés. On peut distinguer cinq domaines prioritaires : l'environnement, la culture, le sport, l'éducation avec les actions de soutien scolaire et la coopération régionale.
Nous avons pris bonne note de l'esprit de vos déclarations, madame la ministre, esprit selon lequel le nombre d'emploi-jeunes sera fonction du nombre et de la qualité des projets présentés. Les comités de chômeurs de la Réunion ont déjà à coeur de relever ce défi.
Pour aider à la concrétisation des projets présentés, il serait souhaitable, madame la ministre, de dépêcher à la Réunion un expert qui participerait à l'ingénierie et à l'expertise des projets existants. Compte tenu des réelles potentialités d'une montée en puissance du plan emploi-jeunes à la Réunion et de l'importance du chômage dans les départements d'outre-mer, la Réunion pourrait ainsi se positionner comme un « site pilote ».
Mais, répétons-le, nous devons rester lucides : quelle que soit la réussite du plan emploi-jeunes, il ne suffira pas à régler le problème du chômage.
Or la Réunion est loin d'avoir épuisé les capacités de développement de l'économie concurrentielle, sur le plan tant de la conquête de parts de marchés à l'intérieur que de l'exportation.
Le développement de la Réunion ne pourra prendre corps que s'il s'inscrit dans une vision stratégique pertinente. Il reposera sur la capacité à s'insérer dans son environnement géo-économique.
La Réunion se trouve en effet positionnée au coeur de l'océan Indien, zone en pleine mutation avec notamment l'émergence de la puissance indienne et le fort dynamisme de l'axe d'échanges entre les pays de l'Afrique australe et ceux de l'Asie du Sud-Est. Du fait de son statut européen, de la qualité de ses infrastructures, de ses moyens de communication, de son niveau de formation, la Réunion ne manque pas d'atouts et peut trouver sa place dans le concert des échanges dans la zone. Pour cela, il faut une volonté politique et une réorientation des flux financiers vers le développement.
L'objectif du développement clairement fixé, les réformes nécessaires peuvent être engagées pour que puisse s'exprimer la solidarité interne, en complément de l'indispensable solidarité nationale. Il faut qu'un véritable partenariat entre le Gouvernement, les collectivités locales et les acteurs socio-économiques puisse se nouer autour d'un projet de développement reflétant une véritable ambition.
Dans cet esprit, la France et l'Europe doivent prendre plus conscience de l'atout que représentent les départements et territoires d'outre-mer. Grâce à eux, l'Europe est le seul regroupement continental à dimension planétaire. Une loi programme pour la Réunion traduirait cette ambition politique. Ouvrant la voie au développement, elle constituerait principalement le volet économique complétant le plan emploi-jeunes.
Je voudrais exprimer en conclusion un espoir : le plan emploi-jeunes est, à nos yeux, une première réponse à l'urgence et à la détresse sociale dans laquelle est plongée une grande partie de la jeunesse et de la population réunionnaise. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, doit-on apprendre à pêcher ou apporter le poisson ? Le texte que nous examinons aujourd'hui tend à privilégier le second terme de l'alternative. Je le dis car cela est ma conviction au regard des dispositions proposées et non le résultat d'une vision manichéenne qui consiste à rejeter systématiquement ce qui n'émane pas de sa mouvance. En ce qui me concerne, choisir entre le coeur et la raison, c'est le jugement de Salomon, à savoir une décision impossible à prendre.
Le projet de loi déposé procède de syllogismes bien connus où la majeure et la mineure, prises isolément, sont des propositions fondées, mais dont la conclusion est une contrevérité. Je n'irai pas jusque-là.
Avant de parler du dispositif, il convient de poser la vraie question : ce plan aide-t-il réellement les jeunes à bâtir un avenir professionnel ?
Les modalités de sortie ne sont pas claires parce que le spectre de la précarité continue à planer, fût-il repoussé à cinq ans.
Le chômage des jeunes, chacun d'entre nous ici peut y mettre des noms et des visages. Au niveau national, ce sont 600 000 Français de moins de vingt-cinq ans qui espèrent autre chose de l'existence que des petits boulots. Lorsqu'on parle avec eux, et avec leur famille, on comprend qu'ils sont certes prêts à saisir toute offre quelle qu'en soit la durée. Mais est-ce une raison pour ne leur proposer qu'un avenir « à durée déterminée » ? Ils attendent autre chose de la société dont nous sommes les acteurs et les décideurs politiques.
Le passage du témoin d'une génération à l'autre se fait mal. Si deux classes d'âge cohabitent si longtemps sous le même toit, c'est bien en raison des difficultés matérielles à assurer une indépendance qui fait refuser certaines responsabilités. Il faut convenir que cette frilosité au stade individuel se traduit, également, par un repli dans le comportement du citoyen.
Ce plan de création de 350 000 emplois nouveaux, en trois ans, dans le secteur public et associatif, assorti d'un investissement de 35 milliards de francs par an est sans nul doute un objectif ambitieux, servi par des moyens accordés. Permettez-moi toutefois, madame le ministre, de douter qu'il débouche bien sur des emplois définitifs et solvables, selon vos propres termes. Je m'en explique.
Prenons l'exemple du ministère de la justice, qui annonce la création de 3 000 postes. Les recrutements concerneront des jeunes déjà formés aux tâches administratives et sociales, des juristes ayant le niveau de la maîtrise, des diplômés en lettres et des bacheliers. De deux choses l'une : ou bien il y a de réels besoins en personnel à la chancellerie et des concours doivent être ouverts pour pourvoir les postes vacants ou à créer, ou bien on fabrique du sureffectif ! Or, tous les élus sont alertés par les présidents des instances judiciaires départementales sur les insuffisances en matière de personnel dans les tribunaux.
La démonstration est également valable pour les secteurs de l'éducation et de la santé.
Tout d'abord, ces embauches s'adressent à des jeunes ayant déjà une formation, au moins générale, alors que les grandes difficultés concernent ceux qui sont sortis trop tôt et mal du système scolaire.
Par ailleurs - et je pense plus particulièrement à l'éducation nationale - je relève l'incompréhension de ceux qui attendent un poste, comme les maîtres auxiliaires ayant plusieurs années d'ancienneté dans leur profession, quand ils entendent que 75 000 emplois seront créés par leur ministère de tutelle.
Dans les domaines que je viens de citer, et qui sont spécifiquement de la compétence de l'Etat, il me semble qu'une fonction publique en effectif suffisant pour assurer un service hospitalier humain et compétent, pour que la justice soit rendue dans des délais raisonnables et pour que le système éducatif soit adapté à son environnement ne serait pas perçue comme un luxe. Les critères de convergences et les ratios retenus pour les déficits publics ne doivent pas être des écrans.
Ma crainte est qu'à terme on ne dresse pour ce dispositif le même constat que celui qui a été établi lors du rapport d'étape de la loi instituant le revenu minimum d'insertion. L'allocation s'est pérennisée, mais le terme « insertion » n'est que la survivance d'une intention louable. Dans l'esprit des auteurs et du législateur, il s'agissait pourtant d'une aide matérielle temporaire accompagnant un encadrement visant à une réintroduction dans le système social.
J'ai peur que, avec le projet de loi aujourd'hui en discussion, on ne se retrouve avec des emplois temporaires, qui viendront allonger la liste des CES et autres contrats. On se demande bien pourquoi d'ailleurs les CIP ont été repoussés comme une incongruité, alors que leur niveau de rémunération était pourtant supérieur à ce qui nous est proposé aujourd'hui.
Je m'interroge aussi sur les effets de glissements induits. Tout d'abord, certains chiffres évaluent à 100 000 les emplois menacés par l'entrée en vigueur du dispositif examiné.
Par ailleurs, aucune charge, fiscale et parafiscale, ne viendra frapper les créations d'emploi du plan exposé. Très bien ! Mais alors, pourquoi, dans le même temps, réduit-on la déduction d'impôt accordée pour les emplois familiaux ? On sait que, de ce fait, nombre de foyers seront dans l'obligation de renoncer à ces emplois. Outre la perte en effectifs salariés qu'elle engendrera, cette opération va se solder par une recrudescence du travail non déclaré. Il n'aurait pas fallu modifier ce qui donnait satisfaction aux parties en cause. Pour les contractants, c'était un moyen de concilier vie familiale et vie professionnelle, travail de proximité et revenu supplémentaire, couverture sociale et charges supportables.
Qu'il faille aborder le xxie siècle avec un esprit neuf pour tenir compte des mutations que, pour bien faire, il serait nécessaire d'anticiper, j'en conviens. Toutefois, placer toute la mise sur cette seule case semble bien risqué. J'aurais préféré répartir les chances en multipliant les pistes et développer ce qui est porteur.
C'est le cas des structures de partenariat.
En qualité de collectivité territoriale, la Haute-Saône a mis en place avec l'Etat, la région et les entreprises locales une antenne de l'université de Franche-Comté dans le chef-lieu du département. Plusieurs disciplines sont enseignées dans cette IUT qui s'enrichit d'année en année de nouvelles spécialités. Chaque promotion est quasiment assurée de son entrée dans le monde du travail dès l'obtention de son diplôme de fin de cycle.
Cette démarche pragmatique pourrait valablement s'appuyer sur les constats et les recommandations d'un observatoire départemental de l'emploi. L'outil, au contact des réalités, du terrain, à l'écoute des acteurs, permettrait une adaptation constante des orientations et apporterait des réponses adéquates. Les décalages observés entre l'offre et la demande seraient ainsi gommés.
La commission des affaires sociales s'est prononcée, après l'avoir amendé, en faveur du texte que vous défendez, madame le ministre. Je ne peux m'y résoudre, pour les raisons que je viens d'exposer, mais je ne m'y opposerai pas non plus : trop de situations sont dramatiques pour renoncer au soulagement momentané que ce texte procurera.
Et puis, d'autres textes nous disent que si un seul est sauvé, l'expérience vaut d'être tentée ! Gageons que, sur la masse, subsisteront bien quelques engagements à durée indéterminée.
Toutefois, le dispositif devra être complété par le volet traitant du secteur privé, dont j'espère que nous aurons à débattre très prochainement, madame le ministre. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt. Ça m'étonnerait !
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, « tout a été essayé ». C'est en ces termes que François Mitterrand, à la fin de son premier septennat, jugeait les dispositifs d'aide à l'emploi, mis en place par les gouvernements successifs.
Or le nombre des chômeurs, notamment des jeunes, n'a cessé d'augmenter, passant de 1,5 million en 1981 à 3,2 millions aujourd'hui, dont 600 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Après tant d'années, on aurait pu penser que la leçon serait enfin retenue. Il n'en est rien.
Bien au contraire, le plan que vous présentez, madame le ministre, est le neuvième de ce type depuis 1977. Il annonce la création de 350 000 emplois dans le secteur public et associatif et de 350 000 emplois dans le secteur privé, le présent projet - et je souligne la modestie de son intitulé : « création d'activités pour l'emploi des jeunes » - ne concernant que les premiers.
Beaucoup moins modeste sera le coût de ce nouveau dispositif puisque, avec une subvention d'Etat s'élevant à 80 % du SMIC pour une durée de cinq ans, il sera beaucoup plus avantageux que les précédents, qu'il s'agisse des contrats emploi-solidarité ou du contrat initiative-emploi.
Ainsi, un coût global de 35 milliards de francs par an à partir de 1999 viendra s'ajouter aux 150 milliards de francs déjà consacrés aux aides à l'emploi, avec le succès que l'on sait.
Cette décision de créer 350 000 emplois dans la « sphère publique » est la dernière variante de la politique de traitement social du chômage conduite par les pouvoirs publics.
Faute de vouloir s'attaquer aux causes du chômage, le Gouvernement tente d'en atténuer les effets.
Cette politique est inefficace, elle est ruineuse. Et elle doit céder la place à un véritable traitement économique global du chômage.
D'ailleurs - je l'ai noté avec une grande satisfaction - ce jugement est partagé par l'un de nos collègues du groupe socialiste, et je ne saurais que recommander la lecture de son dernier livre : Droit au travail. Il s'agit en effet d'un authentique et remarquable plaidoyer en faveur d'une politique de libération des énergies.
Il est établi que les pays qui ont les taux de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques les plus élevés sont aussi ceux qui ont les taux de chômage les plus élevés, et inversement.
Nul n'ignore, en effet, qu'il existe deux types d'emplois : d'une part, les emplois « marchands », qui sont producteurs de richesse, dans les entreprises, et qui se financent eux-mêmes ; et, d'autre part, les emplois « publics », qui répondent à des besoins de la société et qui, n'étant pas créateurs de richesses, sont financés par des prélèvements effectués sur la valeur ajoutée créée par les emplois marchands. Leur nombre est déjà excessif en France : près de 25 % des salariés français sont, directement ou indirectement, au service des pouvoirs publics. C'est plus qu'en Italie, pays pourtant réputé pour l'omniprésence de son administration !
Leur financement par l'impôt est le premier responsable de notre incapacité à créer des emplois marchands nouveaux.
Or, seuls acteurs économiques à pouvoir créer des emplois productifs, les entreprises n'embauchent que si leur volume d'activité le justifie.
En période de « vaches maigres », ce n'est évidemment pas le cas. A cela s'ajoutent deux handicaps propres à la France : un coût du travail relativement élevé et de fortes rigidités dans les comportements sociaux.
Mes chers collègues, il n'est plus permis d'en douter : le problème de l'emploi en France ne résulte pas de plans d'aide publique qui auraient été mal calibrés. Il a pour origine des agents économiques démotivés, des ménages appauvris et des entreprises qui n'investissent pas et qui n'embauchent pas, du fait d'impôts trop élevés et de réglementations excessives.
A cet égard, comment ne pas dénoncer la logique confiscatoire de l'Etat le plus cher du monde ? Les dépenses publiques accaparent 55 % de la richesse nationale, au lieu de 30 % à 40 % dans le monde asiatique ou anglo-saxon et moins de 50 %, en moyenne, dans les pays d'Europe. Or, dix points de PIB de différence, cela représente une perte de 800 milliards de francs pour l'innovation, pour la croissance et pour l'emploi ! La guillotine fiscale ampute les entreprenants de leurs moyens de créer de la richesse au bénéfice de tous.
Nous sommes bien obligés de constater que ce plan ne fera qu'accentuer le déséquilibre entre le secteur public et le secteur privé, en alimentant le cercle vicieux des dépenses publiques, des déficits, des impôts et du chômage.
Une fois de plus, vous segmentez le problème du chômage. En donnant la priorité aux jeunes, vous ne faites que changer l'ordre dans la file d'attente, rien de plus.
En effet, les contrats ouverts aux jeunes de dix-huit à vingt-six ans ne feront, pour la plupart, que chasser les contrats préexistants, au détriment des autres catégories plus âgées ou des jeunes les moins qualifiés.
Un père de famille a-t-il moins besoin d'un emploi qu'un jeune de vingt ans ? En effet, 25 % des plus de cinquante ans sont à la recherche d'un emploi !
Pire, le dispositif proposé est dangereux pour l'évolution des mentalités, car il accrédite l'idée que l'obtention d'un emploi dépend davantage de sa tranche d'âge et d'un guichet d'administration que de la rencontre, sur le marché du travail, de ses compétences avec un besoin.
En outre, qui peut croire que les nouvelles activités - en l'occurrence, parler de « métiers » serait un abus de langage - proposées par le Gouvernement - agents de veille sur les bruits, médiateurs du livre, gardien de la mémoire vivante notamment - représentent une véritable perspective d'avenir pour les jeunes ?
Il est, par conséquent, manifeste que l'Etat sera incapable de valoriser le travail de ces jeunes sans véritable statut. Par exemple, que fera-t-il des 40 000 jeunes que le ministre de l'éducation nationale veut recruter pendant les quatre mois où les lycées, collèges et écoles seront fermés ?
Enfin, dans cinq ans, la suppression de la subvention à 80 % entraînera mécaniquement la disparition de la plupart des emplois correspondants. Mon Dieu ! que de désillusions en perspective.
En effet, comment, déjà, ne pas être inquiets des effets d'annonce qui entourent la création de ces « emplois » pour les jeunes ?
A en juger par le nombre des candidatures déjà déposées auprès de certains ministères - elles sont, dans certains cas, quatre fois supérieures au nombre de postes proposés - on peut se demander si le Parlement sert encore à quelque chose, car, dans l'opinion, tout se passe comme si la loi était déjà votée !
Plus inquiétante encore est la déception qui ne manquera pas de s'emparer des jeunes dont la candidature n'aura pas été retenue.
Oui, madame le ministre, votre dispositif est une bombe à retardement, une pompe à alimenter le désarroi de la jeunesse, une machine à fabriquer des aigris et des exclus. Mais, bien sûr, on peut considérer que l'Etat sera responsable des dizaines de milliers de jeunes dont les emplois se seront révélés artificiels et sans débouchés car dépourvus de formation professionnelle. Dans ces conditions, l'Etat aura alors l'obligation morale - et politique - de les intégrer dans la fonction publique.
Cela créera inéluctablement une fonction publique au rabais. Dans un premier temps, la rémunération au SMIC accentuera la dévalorisation des diplômes. Quelle ironie de l'histoire ! Les promoteurs de ce système sont ceux-là-mêmes qui, il y a quelques années, manifestaient contre le contrat d'insertion professionnelle, pourtant bien plus porteur d'espérance pour la jeunesse !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Bernard Plasait. Ainsi seront encore aggravés les problèmes de cohabitation avec les titulaires alors que déjà se pose, dans la fonction publique, la question cruciale de la surqualification par rapport aux emplois occupés. Autant d'éléments qui obéreront davantage encore les perspectives de promotion et d'avancement dans les carrières.
Constant dans sa vision malthusienne de l'économie, le Gouvernement choisit la voie des dépenses publiques pour créer des emplois plus ou moins artificiels plutôt que la réduction des impôts libérant l'initiative créatrice. Il préfère la voie du contrôle administratif plutôt que celle de la confiance et de la liberté des initiatives locales.
A l'heure où le parti travailliste britannique et le SPD allemand adaptent leur pensée à un xxie siècle promis à l'initiative individuelle, la gauche française s'accroche obstinément à une doctrine sociale-démocrate d'un autre âge...
MM. Henri de Raincourt et René-Georges Laurin. Eh oui !
M. Bernard Plasait. ... et c'est bien, madame le ministre, ce que traduit, avec éclat, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
Comme le rappelait souvent Jacques Rueff : « Le vrai problème du gouvernement en chaque période est d'apprécier la dose de passé que l'on peut tolérer dans le présent et la dose de présent que l'on doit laisser subsister dans l'avenir ».
Eh bien ! madame le ministre, je vous le dis avec toute la force de ma conviction, votre projet de loi est une terrible illusion. Certes, je ne doute pas de son succès à court terme : il est assuré car, dans l'angoisse cruelle pour l'avenir, toute offre d'emploi est bonne à prendre, surtout quand elle est garantie par l'Etat.
Mais les élus locaux doivent avoir le courage de dire, même si c'est impopulaire, quand il y a tromperie. Que vous soyez de bonne foi dans la poursuite d'un objectif que nous avons tous en commun ne change rien au fond des choses. Vous empruntez le mauvais chemin, madame le ministre, le mauvais chemin de l'emploi public qui mènera les jeunes dans leur ensemble à une impasse.
Votre projet de loi est en fait un plan de solidarité de 35 milliards de francs. Il calmera la douleur pour une courte durée mais, après un soulagement passager, je crains que le mal ne soit aggravé, aggravé pour les jeunes, aggravé pour la collectivité. La seule solution, c'est celle d'une vraie politique libérale qui, enfin, libère les énergies créatrices de ce pays.
M. Gérard Delfau. On a vu le résultat !
M. Bernard Plasait. Au total, madame le ministre, je crains que, avec les meilleures intentions du monde, au-delà des apparences trompeuses, votre projet de loi ne soit un mauvais coup pour les vrais emplois, les emplois durables, les emplois de demain, ces emplois dont la France, dont tous les Français ont un urgent besoin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur quelques travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes est un projet de solidarité et non pas un projet économique. Certes, il a pour effet de participer à la création de conditions de confiance qui auront un impact positif sur le développement de l'activité économique, mais c'est avant tout un projet de solidarité. Dans ces conditions, tout le problème est de savoir, d'une part, si cette solidarité est réelle et crédible et, d'autre part, jusqu'à quel degré de solidarité on est prêt à aller et avec quels moyens.
Ce projet de loi fixe un quota de 350 000 jeunes concernés par son application. Je trouve cela injuste. Je pense qu'il y aura des déçus. Quand je vois comment certains jeunes se précipitent sur les postes offerts par l'éducation nationale en pensant se lover dans un cocon confortable, et quand j'entends d'autres jeunes me dire qu'ils ne veulent pas, avec un bac + 2, voire plus, devenir le « vide-corbeille » d'un fonctionnaire, je frémis quant aux perspectives à moyen terme que nous sommes en train de leur offrir.
Au fait, madame la ministre, les jeunes ont-ils été consultés sur le texte que vous présentez ?
Vous nous avez dit dans la présentation de votre projet de loi que ces emplois ne sont pas des emplois publics, qu'ils ne sont pas non plus des emplois qui feront concurrence aux emplois du secteur marchand. Pour ma part, je suis convaincu que ces emplois seront en grande partie financés par les collectivités ou les associations qu'elles subventionnent, ce qui revient au même.
Dans ces conditions, pourquoi faire payer aux collectivités locales 20 % du SMIC, charges comprises, augmenté forcément du complément de salaire qu'elles auront à payer en fonction des compétences qu'elles demanderont ? Quand on connaît les moyens disparates des collectivités locales et quand on sait, de surcroît, que le manque de moyens va de pair avec la progression des dysfonctionnements sociaux, on se demande où est la solidarité !
Après tout, les moyens de l'Etat, comme ceux des collectivités locales ou des associations qu'elles subventionnent, proviennent bien tous de la poche du contribuable. Pourquoi l'Etat n'assurerait-il pas une véritable péréquation de solidarité en prenant en charge 100 % des salaires ainsi créés ? Les risques d'abus de créations de postes par les collectivités seraient infimes, puisque la mise en oeuvre contractuelle est tributaire de l'autorité préfectorale.
Au sujet des moyens qui seront déployés face aux objectifs de ce projet de loi, j'ai une question précise à vous poser, madame la ministre. J'aimerais savoir si les moyens alloués seront nouveaux ou si vous comptez procéder à un redéploiement des moyens prévus pour financer les programmes et les actions antérieures à ce texte.
Un amendement a prévu une aide au démarrage de 30 000 francs en moyenne. Je trouve, une fois de plus, que l'on mélange les genres. Pourquoi ne pas introduire cela dans les actions à venir en direction des entreprises ?
A ce sujet, je regrette vivement que l'on n'aille pas aussi vite dans les mesures à prendre pour créer les conditions de développement de l'emploi dans l'entreprise. Sans vouloir vous énoncer toutes les propositions qui sont dans l'air, je voudrais vous dire combien je suis convaincu de la nécessité de sortir un texte spécifique en direction des PME de proximité créatrices d'emplois. J'ai présenté un rapport qui va dans ce sens à Mme la ministre Marylise Lebranchu.
J'ai été écouté ; j'espère que je serai entendu, parce que je suis persuadé que l'on ne doit pas seulement orienter nos jeunes dans des emplois sociaux, dont l'évolution et la pérennité seront difficiles à contrôler. On doit aussi les orienter vers des emplois économiques plus agressifs, certes, mais valorisant leurs compétences acquises et nécessaires si l'on veut se donner les moyens de nos ambitions sociales.
Je tiens à dire, madame la ministre, que ce que je défends n'est pas le développement de l'esprit libéral ; c'est celui de l'esprit d'entreprise. Je crois profondément que le projet de loi qui nous est présenté ne pousse pas les jeunes à développer l'esprit d'initiative et d'entreprise, alors que cela serait tout aussi nécessaire dans les activités sociales et de solidarité.
Sauf à voir le texte profondément modifié par les amendements de la commission des affaires sociales, je ne vois pas comment je pourrais l'accepter en l'état. Mais sait-on jamais !
On a dit à l'Assemblée nationale que le projet était celui du père Noël. Espérons que notre assemblée en fera celui de la fée Carabosse et qu'un consensus pourra être trouvé pour nos jeunes, car c'est bien de leur avenir qu'il s'agit ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quinze ans, tous les gouvernements, quelles que soient les majorités, ont exploré et imaginé des voies pour tenter d'apporter des solutions en matière d'emploi, ou plutôt en matière d'activité des jeunes. Je citerai pour mémoire les TUC, les CES devenus CEC, les CIE, les emplois de ville, les réflexions liées au temps partiel, à la préretraite et à l'adaptation du temps de travail dont, avec Jean-Pierre Fourcade, nous avons été des militants, à la condition qu'elles ne reposent pas sur des illusions, mais qu'elles s'accompagnent d'une meilleure organisation du travail, de la production et de la réglementation.
Beaucoup d'argent public, de dotations, de contributions ont été consacrés à la lutte contre ce fléau à l'origine des fractures qui ne cessent de croître dans notre société.
Le résultat : un taux de demandeurs d'emploi le plus élevé des pays développés avec l'Espagne, une inexorable progression du nombre des chômeurs de longue durée et des jeunes sans emploi. Aujourd'hui, plus de quatre millions de personnes sont sans emploi dans notre pays si nous incluons le nombre d'actifs potentiels en formation ou en stage !
Madame la ministre, je considère, tout comme vous, prioritaire toute démarche en faveur de la relance de l'emploi. Comme tous les élus, je suis quotidiennement en contact avec un nombre croissant de jeunes à la recherche d'un premier emploi.
Dans ma propre commune, avec mes collègues du conseil municipal, nous n'avons pas attendu ce texte pour agir.
Mais que constatons-nous à la lecture de ce projet ? L'Etat décrète l'emploi par la création de services pour la plupart, nous le savons, artificiels, qui correspondraient à des « besoins émergents non satisfaits » ?
Or, les vrais questions que j'ai envie de poser sont plutôt les suivantes.
Ce projet de loi répond-il aux problèmes posés à notre pays et à notre jeunesse ?
Pourquoi, parmi les pays développés, la France est-elle à la fois la nation qui a le plus d'emplois publics et parapublics et le plus de chômage ?
Pourquoi sommes-nous si mauvais pour lutter contre le chômage ?
Pourquoi n'avons-nous jamais réellement essayé que de traiter socialement le chômage ?
Pourquoi, au fond, n'avons-nous jamais tenté d'activer les dépenses passives du chômage ?
Pourquoi ne nous attachons-nous pas à rechercher les vraies libertés qui permettent de créer des vrais emplois et non une sous-fonction publique sous-payée ?
Bien sûr, il y aura des « métiers nouveaux », mais comment les financer si nous continuons à voir nos activités se délocaliser, nos créateurs d'entreprise et nos jeunes diplômés partir aux USA, à Londres ou à Cork, en Irlande ?
Le vrai débat est celui de la création d'emplois pérennes. La fuite en avant pour encore plus d'assistance, de créations artificielles d'emplois hors des champs économiques est hors sujet. En fait, aujourd'hui, nous débattons ensemble de mesures « d'occupation sociale ».
Madame la ministre, j'ai envie de vous parler cet après-midi d'emploi. C'est pourquoi je ne peux que m'interroger à la lecture de votre projet de loi sur les objectifs, les conséquences à long terme et le financement d'un tel dispositif.
Est-il sincère de présenter ces emplois comme des postes à pourvoir immédiatement sans prévoir un dispositif lié à la formation ou au tutorat ?
Est-il sérieux de présenter une fois encore la facture liée au financement de ces emplois aux contribuables français ?
Est-il raisonnable de mettre en concurrence les formations qualifiantes telles que les contrats d'apprentissage, les contrats de qualifications et d'orientations, qui déboucheront sur de véritables métiers insérant dans l'économique, avec ces contrats mieux rémunérés mais qui n'offriront que peu de débouchés à terme et pas de formation ?
Un sénateur du RPR. Très bien !
M. Gérard Larcher. Au-delà de ce projet, une question fondamentale se pose : aurons-nous un jour le courage de regarder la réalité en face et d'étudier de façon objective les entraves à la croissance et à l'emploi dans notre pays ? La lecture d'un rapport établi, en mars dernier, sur ce thème, et d'un autre rapport rédigé à l'issue des sixièmes rencontres franco-allemandes d'Evian par le MacKinsey Global Institute avec le professeur Solow, prix Nobel, est tout à fait éclairante à ce titre. Ce dernier s'intitule : « Supprimer les entraves à la croissance et à l'emploi en France et en Allemagne ».
L'analyse débute en ces termes : « Après les décennies de prospérité et de croissance régulière, les économies française et allemande se développent aujourd'hui au ralenti ; de plus, ces deux pays souffrent de l'alourdissement constant de la fracture sociale et d'un chômage élevé, surtout parmi les jeunes et la main-d'oeuvre peu qualifiée. »
Leurs principales conclusions sont les suivantes : tout d'abord, notre performance économique est inférieure. La France produit dans les secteurs de l'automobile, de la construction de logements, des télécommunications, de la banque, de la distribution et de l'informatique 40 % de biens et de services en moins par habitant par comparaison aux cinq références mondiales principales. La productivité du travail y est inférieure de 20 % et le niveau d'emploi par personne en âge de travailler de 25 %. Notre taux de création d'emplois est quatre fois moins élevé que le taux américain et deux fois moins élevé que le taux allemand.
Ensuite, les réglementations sectorielles qui pèsent sur la recherche de gains de productivité constituent, pour le professeur Solow, les principales entraves à la croissance. Elles limitent la concurrence et diminuent les occasions pour les entreprises de se mesurer aux meilleures entreprises mondiales.
Enfin, le niveau relativement élevé du coût minimum du travail est responsable de la « psychose » des gains de productivité, car il fait obstacle au redéploiement des travailleurs peu qualifiés et inhibe l'embauche de jeunes. Le ministre travailliste britannique vient d'ailleurs de le reconnaître vendredi dernier.
Naturellement, parmi ces trois observations, certaines peuvent heurter nos valeurs, à commencer par le niveau des salaires minimum. Mais nos valeurs ne sont-elles pas plus heurtées sur le fond par la réalité d'un chômage et d'une exclusion qui ne cessent de croître ?
Que dit encore l'institut ? « La plupart des réglementations qui étouffent la croissance de l'activité et de l'emploi ont été mises en place dans un souci de protection sociale ». Or, non seulement les réglementations ont eu un impact négatif sur la performance économique, mais encore elles ont souvent entraîné des effets pervers qui, en fait, vont à l'encontre des objectifs sociaux.
M. Gérard Delfau. C'est le catéchisme !
M. Gérard Larcher. Ainsi, par exemple, les salaires minimaux élevés, au lieu de garantir un niveau de vie satisfaisant, freinent la création d'emplois et aboutissent, en fait, à empêcher les moins qualifiés et les jeunes à s'insérer dans la population active. (Protestations sur les travées socialistes.)
Il apparaît aujourd'hui nécessaire de découpler davantage l'économique du social. Cette analyse a le mérite de mettre en évidence deux constats à l'encontre des idées reçues.
D'une part, les faits montrent qu'une productivité de « classe mondiale » et un niveau d'emploi élevé peuvent réellement aller de pair.
D'autre part, le développement de l'emploi ne doit pas se cantonner au bas de l'échelle. Contrairement à une idée reçue, en cinq ans, plus de 80 % des emplois créés dans les services aux Etats-Unis l'ont été dans des catégories situées nettement au-dessus du niveau médian des salaires.
Il existe bien une possibilité réelle de réformes pratiques qui permettrait de concilier objectifs économiques et objectifs sociaux.
Une modification de réglementation des secteurs économiques, associée à une plus grande souplesse des marchés du travail et des capitaux, devrait s'accompagner de mesures sociales explicites, axées sur les besoins et ciblées - comme l'impôt négatif en contrepartie d'une évolution selon les générations du salaire minimum - ou d'aides spécifiques aux plus défavorisés et aux jeunes s'engageant dans la vie professionnelle ; je pense notamment au logement et à la protection sociale.
Un tel « découplage » des politiques économique et sociale devrait permettre à la France d'améliorer ses performances économiques sans pour autant sacrifier ses ambitions de justice sociale.
Bien entendu, il ne s'agit pas de faire comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, encore que M. Blair ne bouleverse pas la politique précédente. Mais continuer à dire : « nous sommes les meilleurs et nous prenons les meilleures mesures », alors que, chaque année, la pauvreté augmente dans notre pays, relève de l'auto-satisfaction.
Votre réponse, madame la ministre, c'est plus d'impôts pour les sociétés, moins de déductions pour les emplois familiaux, plus de réglementation, plus de fonction publique. Moi, je crois en l'Etat : un Etat garant de la protection des plus faibles, mais aussi un Etat qui n'étouffe pas ceux qui créent l'activité, la richesse et l'emploi, y compris l'emploi familial.
Comme vous, je trouve insupportable une société qui n'accueille pas ses jeunes, mais je pense que, par ce texte, tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale, on se trompe et on les trompe.
Voilà pourquoi ce n'est que très profondément amendé par la commission et par nos collègues que ce texte pourra recueillir notre vote (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste).
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je n'irai pas au fond des choses et je ne reprendrai pas les excellentes interventions de mes collègues du groupe socialiste, en particulier celle de Mme Dieulangard.
Sans revenir sur le préjugé favorable qui est le mien à l'égard de votre projet, sur lequel je m'engagerai à fond sur le terrain, je voudrais vous rapporter les questions techniques que se posent les maires pour pouvoir participer en toute connaissance de cause à l'effort national en faveur de l'emploi des jeunes.
Voici, madame le ministre, en vrac, en style télégraphique, ces questions qui découlent du caractère novateur et inédit de votre démarche.
Tout d'abord : emplois-jeunes et fonction publique.
Les emplois-jeunes relèveront du droit privé - donc du droit du travail - même lorsqu'ils seront employés dans les administrations publiques.
Or le service public comporte des règles particulières et dérogatoires du droit du travail pour des raisons qui tiennent au principe de continuité dont le Conseil constitutionnel a affirmé la valeur constitutionnelle.
La durée légale du travail n'est pas applicable dans la fonction publique territoriale comme pour l'Etat ou le secteur privé. Chaque collectivité fixe donc librement sa durée.
Les emplois-jeunes seront-ils soumis à la même durée du travail que les agents territoriaux, c'est-à-dire plus ou moins trente-neuf heures ? Ou seront-ils payés pour la durée légale indépendamment de celle applicable dans la collectivité ?
Les agents territoriaux, en vertu de la continuité du service public, ne peuvent prendre leurs congés annuels que sous réserve des nécessités du service et les jours de congés non pris ne leur sont jamais payés.
Cette règle sera-t-elle applicable aux emplois-jeunes, contrairement au code du travail, dès lors qu'elle découle de la Constitution elle-même ?
La notion de « service fait », base de la rémunération, n'a pas le même sens dans le public et dans le privé. Quelle est celle qui prévaut ?
Les fonctionnaires - continuité du service - peuvent être réquisitionnés à tout moment. Les contractuels de la fonction publique aussi. Mais qu'en est-il des emplois-jeunes ?
Ne faudrait-il pas prévoir que les contrats sont de droit privé, sauf en ce qui concerne les principes généraux du service public et de la fonction publique, qui relèvent naturellement de la juridiction administrative ? Car on voit mal les prud'hommes dire le droit en ce qui concerne tout ce qui découle de la comptabilité publique ou de la continuité des services publics.
En ce qui concerne la rémunération, les emplois-jeunes seront rémunérés sur la base du SMIC.
Les collectivités locales sont-elles tenues de les employer à temps complet alors que certaines tâches sont saisonnières ou à temps partiel ? Je pense en particulier aux petites communes.
Les collectivités locales auront-elles la faculté de rémunérer les intéressés au-dessus du SMIC, en prenant à leur charge le supplément, puisque l'aide de l'Etat reste à 80 % du SMIC ? Dans ce cas, n'est-ce pas une formule dangereuse pour l'équilibre de la grille de la fonction publique, surtout si à diplômes égaux un emploi-jeune se retrouve mieux rémunéré qu'un agent territorial ?
Bref, la loi édicte-t-elle un maximum et un minimum de rémunération, ou seulement un minimum ?
Les collectivités peuvent-elles demander aux emplois-jeunes, en cas d'urgence ou de nécessité, de faire des heures supplémentaires, dont elles supporteront naturellement seules le coût ?
Enfin, pour les collectivités qui ont institué des régimes indemnitaires spécifiques avant 1984 - genre treizième mois ou prime de fin d'année - ces régimes s'appliqueront-ils aussi aux emplois-jeunes ?
En ce qui concerne la nature des fonctions, deux situations vont se présenter :
D'une part, assurer des services dont l'intérêt général est manifeste et qui ne peuvent être supportés que par les contribuables ;
D'autre part, assurer des services représentant pour les citoyens ce que j'appellerai des facilités ou des suppléments de confort qui ne sont pas forcément indispensables.
Sera-t-il possible, dans le second cas, de tarifer ces services et d'y affecter des emplois-jeunes ? Ce qui permettrait de compenser à terme les charges supplémentaires des collectivités locales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Il faudra voter nos amendements !
M. Michel Charasse. Cela, ce n'est pas sûr !
Et ne faut-il pas éviter que les emplois-jeunes donnent le sentiment aux citoyens que décidément la collectivité publique - le contribuable - paiera toujours tout, que tout est gratuit et que rien n'a un coût ?
MM. Alain Gournac et Charles Pasqua. Très bien !
M. Michel Charasse. En ce qui concerne la période d'essai, prévue initialement à un mois et augmentée à deux par l'Assemblée nationale, n'est-ce pas un peu court pour des gens qui n'ont jamais travaillé et qui vont faire des métiers inédits ?
Dans la fonction publique, le stage dure un an. Dans le privé, généralement trois mois.
On comprend bien que la durée d'un an est trop longue dans ce cas-là. Mais celle d'un mois ou même de deux paraît trop courte. Trois mois semblent le minimum à la majorité des élus locaux que j'ai rencontrés.
Les préfets recevront-ils des instructions de souplesse en ce qui concerne les dérogations d'âge ? C'est indispensable, notamment dans les petites et moyennes communes.
Recevront-ils également des instructions de souplesse afin que les non-diplômés puissent avoir les mêmes chances que les diplômés sur les emplois n'exigeant aucune qualification particulière ?
Pourra-t-on faire passer un jeune d'un contrat de CES en cours à un contrat-jeunes ?
Reste enfin la sortie du système, dans cinq ans. Les collectivités, même si elles n'y sont pas légalement tenues, vont-elles devoir conserver les intéressés et donc continuer à les rémunérer sans aide de l'Etat ? Celles qui auront des difficultés financières devront naturellement les licencier. Cette perpective ne risque-t-elle pas de freiner quelques ardeurs ?
Et comment les intégrer dans la fonction publique ? Les lois de 1983-1984 nous ont débarrassés des contractuels ? Va-t-on les rétablir ?
Faudra-t-il titulariser les intéressés sans concours ? Que diront ceux qui sont astreints aux concours ? Ne va-t-on pas vers une nouvelle cuvée de la catégorie des maîtres-auxiliaires ?
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Michel Charasse. Et comment accepter d'intégrer dans la fonction publique locale, sans concours, ceux qui seront toujours là dans cinq ans et qui n'auront pas trouvé d'autre solution ?
C'est pourquoi j'étais de ceux qui se demandaient si l'Etat ne pourrait pas être l'employeur, les intéressés étant mis à la disposition des collectivités locales contre versement par elles de leur participation de 20 % ? En fin de période, lorsque les financements de l'Etat cesseront, c'est l'Etat qui mettra fin aux contrats et pas les collectivités.
M. René-Georges Laurin. Très bien !
M. Michel Charasse. Quelles dispositions seront prises pour que les emplois-jeunes recrutés par l'Etat pour son propre service - policiers, agents de l'éducation nationale - ne se retrouvent pas dans cinq ans, par la pression de la population et de la communauté éducative, imposés aux collectivités locales ? Ne faudrait-il pas écrire noir sur blanc dans la loi que ces emplois-jeunes d'Etat ne pourront être affectés qu'à des tâches relevant de l'Etat et ne pourront jamais être pris en charge par d'autres que lui ?
Enfin, pour éviter les problèmes à la sortie du système dans cinq ans, ne faut-il pas imposer aux intéressés - d'Etat ou locaux - de passer des concours de la fonction publique, trois échecs entraînant automatiquement la fin du contrat ?
Telles sont les questions qui m'ont été posées au cours de la réunion de maires que j'ai organisée dans mon département. Je vous remercie, madame le ministre, d'y porter attention. Toutes ne sont pas du domaine législatif. Beaucoup, sans doute, sont du domaine réglementaire. Mais je voudrais que vous ayez la conviction que vos réponses conditionnent - à mon avis - le succès de votre plan pour l'emploi des jeunes, succès que, naturellement, je souhaite ardemment. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés, ce soir, à débattre ensemble d'un texte très attendu par notre assemblée, surtout très attendu par les jeunes de notre pays.
Près de 600 000 d'entre eux, âgés de moins de vingt-cinq ans, sont au chômage. Nous sommes tous d'accord, je crois, pour juger cette situation inadmissible, pour ne pas dire insupportable. L'inactivité d'un trop grand nombre de jeunes à la sortie de leurs études, l'état de précarité et d'exclusion dans lequel se trouvent les autres assombrissent à l'évidence le climat social et plongent les forces vives de la nation dans le désarroi le plus total.
Doit-on rester des spectateurs impuissants face à ces difficultés ? Bien entendu, non, et il faut le reconnaître. Depuis plusieurs années, les différents gouvernements qui se sont succédé ont considéré l'emploi comme une priorité. Mais, il faut l'admettre aussi, les moyens n'ont pas souvent été à la hauteur des intentions, et la pratique récurrente de vieilles recettes a rarement permis d'au moins stabiliser le taux du chômage.
Aujourd'hui, enfin, madame le ministre, on nous propose une démarche volontariste, audacieuse, qui devrait permettre à 350 000 jeunes de s'insérer dans le monde du travail autrement que de façon précaire.
L'intérêt de ce texte est double, car il ne se limite pas à un objectif purement comptable, même si ce dernier est à lui seul une grande ambition. Au-delà du principe qui consiste à briser massivement l'inactivité des jeunes pour leur offrir des perspectives d'avenir plus radieuses, les mesures contenues dans le projet de loi devraient également participer, je le crois vraiment, au renforcement de la cohésion sociale de notre pays.
Les emplois proposés répondent à de réelles nécessités. Par leur nature, ils concourent directement au renforcement du lien social. Destinés à occuper des besoins émergents ou non satisfaits, ces nouveaux métiers sont fortement axés sur le cadre de vie et l'aide aux personnes. Notre pays, comme beaucoup de pays industrialisés, souffre d'un déficit en communication, en médiation et en relations humaines. Ces emplois, en jouant la proximité, répondront à des attentes personnelles et collectives. Nos quartiers, nos villes, nos campagnes, les familles, les individus ont tout à gagner de ces nouveaux services.
Mes chers collègues, nous ne sommes plus au temps des certitudes et à l'époque des croissances avérées. Seules des initiatives fortes telles que le projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes apporteront une véritable réponse aux effets pervers de notre système économique.
C'est vrai, certains désapprouvent l'utilisation de l'argent public dans cette entreprise. Pourtant, la situation des jeunes est tellement préoccupante qu'elle exige une mobilisation spécifique. Pour l'instant, seul les secteurs publics et associatifs - croyez bien que je le regrette ! - sont capables de l'engendrer dans l'urgence.
Une autre logique, que l'on connaît fort bien puisqu'elle est pratiquée depuis plusieurs années, consiste à alléger les charges des entreprises afin de les inciter, exclusivement par le biais fiscal, à embaucher des jeunes. Le résultat s'est toujours fait attendre.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Yvon Collin. Le secteur privé est soumis à une forte concurrence et son principal souci n'est pas d'agir sur le volume global d'emploi. Toutefois, j'espère - nous sommes nombreux à l'espérer - que la très prochaine Conférence pour l'emploi démentira cette tendance et que les entreprises, comprenant tout l'intérêt de ce projet de loi, s'associeront volontiers à cet effort national qu'est le traitement du chômage.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Yvon Collin. Dans un passé un peu lointain mais toujours riche d'enseignements, quand la France avait besoin de rails pour ses trains, l'Etat était là, quand la France avait besoin d'électrifier tous les foyers, l'Etat était là. Aujourd'hui, la France a besoin d'emplois pour ses jeunes : l'Etat est là pour donner une impulsion.
Il existe des besoins nouveaux, des demandes novatrices et une exigence d'activité de la jeunesse. La collectivité doit provisoirement prendre en charge la réponse : c'est effectivement son devoir !
Avant de conclure, je voudrais m'arrêter sur une question qui est souvent revenue au cours des débats : le problème de l'après-contrat. Tout le monde se demande ce que vont devenir les jeunes au bout de cinq ans. J'aimerais, moi, qu'on me dise qui, aujourd'hui, dans le monde du travail, la fonction publique mise à part, a la garantie de l'emploi au-delà de cinq ans ?
Mes chers collègues, le présent projet de loi, comme vous avez pu l'entendre, recueille mon adhésion et celles des radicaux-socialistes. Toutefois, je tiens à préciser que mon vote final dépendra des modifications qui seront retenues. Si certains amendements venaient à dénaturer profondément le texte, je ne pourrais que voter contre. J'espère, mes chers collègues, que la sagesse bien connue du Sénat l'emportera. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Madame la ministre, c'est en mon nom personnel mais également au nom des membres du groupe du l'Union centriste que je m'adresse aujourd'hui à vous.
Si un projet global de société, redonnant du sens et des perspectives d'avenir à toute une génération, s'avère nécessaire, la lutte contre le chômage des jeunes ne peut être dissociée de la politique de lutte contre le chômage en général.
Si tous les jeunes sont exposés, le chômage n'est pas le même pour tous : persistant pour les jeunes sans qualification, il est intermittent pour les diplômés.
En effet, dans les dix années qui suivent la sortie du système éducatif, les « sans diplôme » ou les moins diplômés sont trois fois plus chômeurs que les diplômés de l'enseignement supérieur.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous nous sommes tout d'abord interrogés sur le fait que les 350 000 emplois inédits que vous souhaitez créer soient proposés, en majorité, à des jeunes diplômés, bacheliers ou bac + 2.
La fin d'un cycle d'études, qu'il soit ou non couronné de succès, dans un contexte d'éloignement - volontaire ou pas - du milieu familial, ne doit pas être identifiée à une entrée dans une période de chômage. L'acte de recherche doit être fortement aidé et appuyé par un soutien aux organismes d'accueil et d'information : missions locales permanences d'accueil, d'information et d'orientation, associations, etc.
La précipitation qu'ont suscitée les propositions d'emplois-jeunes révèle un profond désarroi. Il faut découvrir le marché caché de l'emploi, apprendre à élaborer un projet professionnel, à délimiter le champ de prospection à faire le point des compétences. S'engouffrer dans un emploi aidé où les plus défavorisés devraient être prioritaires nous paraît constituer un acte de refuge et de sécurisation.
Il est nécessaire que les acquis et même le savoir théorique soient utilisés. Des études longues et coûteuses pour les parents, qui ne sont pas tous des nantis, doivent aboutir à une valorisation de leur investissement. Des emplois émergents, même qualifiés, ne sont pas une réponse s'il existe une inadaptation avec la formation initiale.
Vous avez précisé devant l'Assemblée nationale que votre texte n'était pas une loi contre l'exclusion. Mais un chômeur, quel que soit son âge, quelle que soit sa qualification, se trouve bien en situation d'exclusion pendant toute la durée de son chômage, qui peut durer plusieurs années.
Nous nous sommes également demandé pourquoi votre plan emploi s'adressait exclusivement aux jeunes de dix-huit à vingt-six ans, ainsi qu'aux moins de trente ans qui n'ont jamais travaillé suffisamment longtemps pour bénéficier d'une allocation de chômage. N'y a-t-il pas là une discrimination difficilement acceptable ?
En effet, la recherche d'un emploi, une fois les études achevées, est toujours émaillée de périodes de chômage plus ou mois longues. De fait, le chômage des jeunes évolue comme celui des adultes, au gré de la conjoncture économique.
Dès lors, en portant l'essentiel de l'effort de la lutte contre le chômage sur les jeunes, ne crée-t-on pas une injustice entre chômeurs ?
Il s'agit d'un problème qui touche tout autant les jeunes que les vieux actifs, les moins qualifiés ayant plus de difficultés à retrouver un emploi.
Aussi peut-on s'interroger quant à la pertinence des politiques de l'emploi ciblées sur une population particulière. Certes, il existe des arguments forts : disposer d'un emploi reste le meilleur mode d'insertion sociale, celui qui rate son insertion à l'aube de sa vie risquant de porter ce handicap tout au long de celle-ci ; en outre, les jeunes sont moins bien couverts par la protection sociale que leurs aînés puisqu'ils ne peuvent pas disposer du RMI avant d'avoir vingt-cinq ans.
Mais le chômage des jeunes est-il plus tragique que celui des chômeurs de longue durée chefs de famille ? Selon l'enquête sur l'emploi de l'INSEE, trois chiffres suffisent pour se convaincre du contraire : avant de retrouver un emploi, un chômeur attend en moyenne treize mois, un jeune chômeur seulement huit, alors qu'un chômeur de plus de cinquante ans doit patienter en moyenne vingt-deux mois.
Le débat semble donc trop focalisé sur les difficultés des jeunes de moins de trente ans, sans qu'on se préoccupe outre mesure des autres catégories pour qui le chômage de longue durée s'avère beaucoup plus dramatique, notamment ceux de trente, quarante ou cinquante ans, chargés de famille, sans qualification ou peu qualifiés, qui sont laissés pour compte. Ils constituent pourtant une population beaucoup plus vulnérable, qui s'enfoncera encore un peu plus dans la précarité et l'exclusion.
Vous me répondrez sans doute là encore, madame la ministre, que votre texte n'est pas une loi contre l'exclusion.
Votre projet de loi contre l'exclusion, appelé « loi de cohésion sociale », sera-t-il prochainement déposé sur le bureau des assemblées ? Les chômeurs de très longue durée y seront-ils prioritaires ? Comment allons-nous le financer ?
Du côté des collectivités locales, les élus, face à l'incitation permanente à la dépense, savent qu'ils ne peuvent plus faire admettre à leurs contribuables de nouvelles hausses des impôts locaux.
Il ne sera donc pas possible de demander, une seconde fois, une hausse des impôts pour financer un plan de cohésion sociale. Les finances locales sont trop fortement sollicitées au nom de la solidarité. Les élus ne pourront plus faire passer une nouvelle hausse des impôts locaux après celle qui est induite par le plan emploi-jeunes.
Nous nous sommes également interrogés, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, sur la place que vous réservez aujourd'hui à la formation en alternance et à l'apprentissage. Nous avons estimé, tout d'abord, que ce plan emploi-jeunes pouvait discréditer la formation en alternance et l'apprentissage.
L'apprentissage avait été au coeur du dispositif de mobilisation pour l'emploi des jeunes qui avait été engagé par le gouvernement précédent et que nous avons soutenu. Il avait été accéléré et le voilà aujourd'hui en quelque sorte dévalorisé, alors que ses deux atouts majeurs sont la professionnalisation et l'insertion.
Si les jeunes titulaires d'un baccalauréat professionnel trouvent aujourd'hui un emploi aussi rapidement que la moyenne des diplômés de l'enseignement supérieur, les apprentis s'insèrent mieux encore.
A ce propos, j'aimerais rappeler à cette tribune qu'entre les 4 et 10 juillet derniers se sont déroulées les 34e Olympiades des métiers, à Saint-Gall, en Suisse, réservées aux jeunes artisans de moins de vingt-six ans, représentant les quarante métiers en cours et avec la participation de trente et un pays. Il convient de souligner que nos jeunes artisans français y ont remporté dix médailles et douze diplômes d'honneur. A ce concours international de l'apprentissage et des métiers, la France s'est classée au troisième rang mondial, en obtenant sept médailles d'or, notamment dans les métiers du bâtiment et de l'industrie automobile. Ces jeunes qui font honneur à leur pays ont entre dix-neuf et vingt et un ans.
Il est important de présenter nos plus vives félicitations à tous ces jeunes titulaires d'un CAP, d'un BEP, ainsi qu'aux dirigeants d'entreprise, aux professionnels membres du jury et à tous ceux qui ont contribué au succès de cette manifestation.
Madame la ministre, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que vous étiez très attachée à l'apprentissage et que vous souhaitiez mettre en place un fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage, représentant environ 600 millions de francs.
Vous avez pris l'engagement de faire figurer cette mesure très attendue par les régions et par les centres de formation d'apprentis dans votre texte sur l'emploi des jeunes. Pouvez-vous aujourd'hui nous le confirmer ?
Avec l'inflation des emplois-jeunes réservés par l'éducation nationale, nous sommes dans un système surréaliste qui produit ou gère des situations d'échec culpabilisant les pouvoirs publics, lesquels ne trouvent comme solution que de les intégrer à nouveau au système !
Il eût été préférable de cerner étroitement les emplois émergents, afin d'éviter la compétition avec l'existant. Les stages qualifiants pendant la formation induisent l'engagement futur.
La vie en entreprise, dans des services, avec des responsabilités progressives, pourrait éviter le trop fameux : « On recherche... avec expérience... » !
Madame la ministre, vous vous êtes engagée avec M. le Premier ministre, à la suite des propos critiques du Président de la République, à faire en sorte que l'objectif du Gouvernement soit bien de créer également 350 000 emplois dans le secteur privé en trois ans.
Ce second volet du programme « 700 000 emplois-jeunes » est très attendu, bien évidemment, par la majorité sénatoriale tout entière et nous souhaiterions que, aujourd'hui même, vous preniez des engagements devant la Haute Assemblée quant à la date d'inscription à l'ordre du jour de ce plan concernant le secteur privé.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous nous sommes également interrogés sur la philosophie de votre projet.
Il est indispensable de traiter du devenir du bénévolat, qui n'est pas uniquement lié à la croissance du nombre des associations. Celles-ci vont recruter cadres et permanents en créant de nouveaux besoins, voire des services accessibles à ceux qui les paient.
La simplification des rapports entre individus dans les services, l'analyse d'emploi en devenir, la formation, les statuts, l'évaluation des besoins, les propositions marchandes : tout cela modifie nos liens sociaux sans pour autant les resserrer.
Vous considérez, madame la ministre, que ces nouveaux emplois sont censés fournir à la nation des services répondant à des besoins réels existants. Vous estimez que, à l'issue du délai de cinq ans, ils vont rencontrer une demande solvable. Je vous trouve bien optimiste. Mais je ne crois pas que vous vous fassiez réellement beaucoup d'illusions.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous dénonçons le coût pour les finances publiques qu'induit votre projet de loi ainsi que les nouvelles hausses d'impôts locaux qui en découlent et qui vont encore s'ajouter aux impôts supplémentaires que vous aller infliger aux contribuables français dans la prochaine loi des finances.
La France va désormais être le seul des grands pays où les impôts continuent d'augmenter. A priori, c'est pour le bon motif : créer des emplois. Mais il s'agit bien d'un mécanisme qui consiste à faire financer ces emplois par le contribuable.
A la hausse des impôts, il faut ajouter celle de la CSG, qui rapportera environ 20 milliards de francs, dont il faut retirer, c'est vrai, les 13 milliards de francs rendus aux salariés sous forme de baisse des cotisations sociales. Au total, ce sont donc entre 40 et 50 milliards d'impôts supplémentaires qui seront prélevés l'an prochain. Il faudra sans doute trouver la même somme en 1999.
Nous savons tous que la France détient, parmi les grands pays industrialisés, le record du nombre d'emplois financés sur ressources publiques. Nous aurions préféré que votre plan soit tourné uniquement vers l'emploi privé, c'est-à-dire vers l'emploi producteur de richesses. Or la part de l'emploi privé va encore diminuer au profit de celle de l'emploi public.
D'ailleurs, nous sommes particulièrement sceptiques sur les chances que vous avez d'obtenir 350 000 embauches de jeunes dans le domaine privé, sauf à voir la conjoncture se redresser durablement.
Vous faites appliquer les lois avant même qu'elles soient examinées et votées par le Parlement. Il est tout de même insupportable pour le législateur - et ce n'est pas une question de coquetterie ou de susceptibilité, s'agissant d'un problème si grave - de voir des dispositions prises en vue de l'engagement immédiat de moyens non encore acquis. Certes, il ne faut pas faire attendre ces jeunes chez qui un espoir a été donné. C'est pourquoi nous comprenons l'urgence. Mais peut-être ne faut-il pas non plus confondre urgence et précipitation.
Les solutions étatiques ne sont pas les meilleures. En tout cas, elles ne sont pas les nôtres !
Telles sont les raisons pour lesquelles mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons choisi d'apporter notre soutien aux amendements tout à fait pertinents et constructifs proposés par le président et le rapporteur de la commission des affaires sociales, ainsi qu'à ceux de nos collègues de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, alors que le monde entier s'engage maintenant résolument sur la voie de l'économie de marché, en favorisant la création d'activités nouvelles, donc de métiers nouveaux, grâce à l'initiative privée, le gouvernement de la France voudrait que notre pays soit l'un des derniers pays au monde à penser que c'est avec l'argent des contribuables que l'Etat peut décréter la création d'emplois nouveaux.
Votre démarche peut paraître habile aux Français, madame le ministre, du moins dans un premier temps, car elle s'appuie sur l'état de délabrement profond de la mentalité de nos concitoyens, tant la plaie du chômage est profonde.
Dans notre économie administrée, l'emploi public a acquis une telle image de sécurité - il est vrai que tout a été entrepris, malheureusement, depuis plus de deux décennies, pour donner une mentalité d'assisté à une majorité de Français que de nombreux parents disent ces temps-ci à leur enfant : « Présente ta candidature à un emploi-jeune. Même s'ils nous disent que cela n'est que pour cinq ans, une fois que tu seras à l'intérieur, ils ne pourront pas prendre la responsabilité de te rejeter à la rue à la fin d'un si long contrat ! »
Le projet du Gouvernement est dangereux à moyen terme, car il sera source d'une grave désillusion, et il porte en lui le germe d'une inégalité profonde entre les Français quant à l'accès à un emploi grâce à de l'argent public.
Il y a d'abord inégalité entre les jeunes pour accéder à ces nouveaux emplois.
Les jeunes, qui sont déjà plus de 200 000 à s'être inscrits dans les rectorats de France, ne s'y sont pas trompés. Vous allez créer une nouvelle classe de privilégiés à durée déterminée. Cependant l'éducation nationale ne devant retenir que 40 000 jeunes, comment empêcherez-vous que les 160 000 autres ne ressentent une profonde amertume, d'autant qu'avec le système que vous mettez en place, ce sont les jeunes déjà les plus exclus, les moins formés qui seront laissés sur le bord du chemin ?
Ce sentiment d'inégalité sera d'autant plus fort que les autres contrats visant à favoriser l'entrée dans la vie active - contrats d'apprentissage, contrats d'insertion et autres - sont beaucoup moins aidés par l'Etat ou beaucoup moins rémunérateurs.
Ce sentiment d'injustice se développera avec d'autant plus d'acuité que le couperet de l'âge créera souvent, pour des jeunes chargés de famille et ayant dépassé les trente ans, des situations intolérables face à des jeunes célibataires de vingt ans, souvent encore hébergés par leurs parents et n'ayant aucune obligation à honorer.
Devant votre projet de loi, nous sommes réalistes, madame la ministre : soit les emplois créés répondent à une attente réelle du marché et trouveront ainsi leur pérennisation par la rentabilité, et alors votre action n'aura eu pour résultat que d'engendrer un effet d'aubaine dont la seule conséquence aura été de tuer, avec de l'argent public, de vrais emplois créés par de vrais entrepreneurs ; soit la création de ces emplois ne s'inscrit pas dans l'économie de marché - c'est malheureusement l'hypothèse la plus crédible - et vous obligerez alors moralement les collectivités et les associations à les rendre pérennes au-delà du délai de cinq ans ce qui ne fera qu'appauvrir plus encore le pays.
Votre texte risque ainsi d'entraîner de graves difficultés, au terme des cinq ans, pour les collectivités locales et les associations, et celles-ci doivent donc être dès maintenant vigilantes lorsqu'elles engagent des jeunes pour cette durée, car le dispositif qui nous est soumis n'est pas sincère, comme pourrait le dire un commissaire aux comptes qui vérifierait la cohérence existant entre vos intentions et l'importance des moyens réellement mis en place.
En effet, dans la rédaction actuelle du projet de loi, rien ne garantit au futur employeur - lequel ne pourra pas être l'Etat, cela est précisé - que l'aide qu'il recevra sera bien maintenue pendant cinq ans à hauteur de 80 % du SMIC, charges comprises.
Il est tout à fait plausible que, lors de la discussion des prochaines lois de finances, M. le ministre de l'économie et des finances vienne nous expliquer que la France, pour respecter les grands équilibres budgétaires, ne pourra pas augmenter de dix milliards de francs par an son engagement en faveur des emplois-jeunes.
Dans quelle situation sera alors placée la collectivité locale ou l'association ? La baisse de l'aide de l'Etat ne pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle devra alors dégager sur ses propres capacités financières, ce qui sera impossible pour certaines petites collectivités, les moyens d'honorer ses engagements sur cinq ans.
Cette appréhension est d'autant plus justifiée que, pour le premier exercice budgétaire, il existe déjà une différence de 2 milliards de francs entre le montant des dépenses que vous avez annoncé à l'Assemblée nationale - 10 milliards de francs pour 1998 - et celui des crédits qui figurent dans le budget que M. le ministre de l'économie et des finances a présenté devant la commission des finances du Sénat voilà quelques jours, à savoir 8,1 milliards de francs pour financer les emplois-jeunes en 1998, dont 300 millions de francs inscrits au budget de l'outre-mer.
Or, avec 8 milliards de francs, vous ne pourrez, madame le ministre, honorer vos engagements que pour 80 000 jeunes en année pleine en 1998. Comme les ministres de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice - sans parler des autres ministères - ont déjà annoncé qu'ils créeraient quelque 70 000 emplois dès ces prochaines semaines, ce qui représente déjà les sept huitième des crédits prévus pour 1998, pensez-vous être sincère envers les collectivités locales et les associations, alors que, dès le premier budget d'exécution de cette loi, les crédits inscrits seront notoirement insuffisants ?
Cependant, le principal reproche que nous pouvons faire à votre projet de loi, madame le ministre, va bien au-delà de ce manque latent de sincérité, puisqu'il touche au dogme.
Sans hésitation, ce qui montre bien votre ignorance volontaire - je dis bien volontaire - de la réalité du marché, vous nous proposez la création de 350 000 emplois, qui tous - c'est vous qui l'avez dit à plusieurs reprises - devront s'inscrire dans le secteur concurrentiel. Vous oubliez totalement que, pour créer des emplois dans une économie de marché, il faut des entrepreneurs.
Or vous conviendrez, madame le ministre, j'en suis convaincu, que la mission des collectivités locales ou des associations n'est pas de se transformer en entrepreneurs pour développer des secteurs émergents, donc des métiers nouveaux dans une économie de marché, même si les activités nouvelles visées par le présent texte gravitent autour de la sphère publique.
Aussi proposerons-nous, au cours de ce débat, plusieurs amendements dont l'adoption permettrait de donner la possibilité à des entrepreneurs de créer et de rendre pérennes, bien au-delà des cinq ans prévus, ces emplois-jeunes.
Si vous acceptez cette démarche, vous me mettrez en difficulté, madame le ministre, car vous démontrerez alors que votre approche n'est en rien dogmatique, et vous donnerez une toute autre portée à votre texte, en plaçant des entrepreneurs à la tête de vos 350 000 emplois-jeunes.
En revanche, si vous refusez l'ouverture que nous vous proposons, vous confirmerez que votre démarche ne s'inscrit en rien dans une optique concurrentielle, et que le véritable objet de votre dispositif est d'anticiper la création d'une sous-classe de la fonction publique.
Vous confirmeriez alors l'alourdissement durable de la dépense publique, ce qui ne pourrait hélas ! qu'avoir des conséquences funestes à moyen terme, en retardant encore le moment où la France, en diminuant de façon sensible le montant des prélèvements obligatoires, pourrait, enfin, se donner la chance de créer de vrais emplois concurrentiels, quand les autres pays, nos concurrents, ont souvent, depuis près de quinze ans, choisi la voie de la liberté d'entreprendre, mais aussi de l'espérance. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste).
M. le président. La parole est à M. Mazars. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Georges Mazars. Madame la ministre, ce débat, sous-tendu par tant de pessimisme et si peu d'optimisme, doit vous paraître dur !
Les membres du groupe socialiste tiennent à affirmer leur soutien au Gouvernement, qui a su, par le dépôt d'un projet de loi permettant la création de 350 000 emplois-jeunes, tenir sa promesse.
La situation de l'emploi des jeunes est alarmante et nous vous félicitons, madame la ministre, d'avoir su répondre par un signe fort à l'angoisse des jeunes : il s'agit d'une mesure concrète autant que d'un message d'espoir. Vous avez su mettre l'homme au coeur de vos préoccupations, au centre de l'économie. Nous saluons donc le Gouvernement pour ce projet de loi novateur, audacieux et en rupture avec les politiques libérales.
Ce texte ambitieux, qui prend en compte les attentes des jeunes et de leur entourage, n'a pourtant pas manqué de susciter des critiques. Bien souvent, loin d'être constructives, elles n'ont relevé que de l'objection partisane. Ceux-là mêmes qui se dressent contre votre texte, madame la ministre, n'ont aucune solution de rechange à proposer pour répondre à l'urgence.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Georges Mazars. D'ailleurs, le bien-fondé de votre dispositif a mis dans l'embarras nos adversaires politiques : le soutien apporté à votre projet de loi par trois députés de l'opposition, et l'abstention de quarante et un autres, en est le signe le plus patent.
Nous avons donc, ces dernières semaines, entendu et lu un certain nombre de critiques à l'adresse de la création des emplois-jeunes.
Cette mesure a été prise trop rapidement, nous a-t-on objecté.
Il faut pourtant savoir répondre à l'urgence par l'urgence. Si nous avions attendu un an ou plus pour mettre en oeuvre ce dispositif, bien des voix nous l'auraient reproché, et avec raison ! Le groupe socialiste se réjouit de la qualité du travail que vous avez accompli, madame la ministre, en concertation étroite avec l'Assemblée nationale, dans un temps limité en raison des exigences sociales.
Certains ont aussi critiqué le projet de loi parce qu'il ne concerne que les jeunes.
Doit-on rappeler qu'il s'agit d'une catégorie particulièrement touchée par le chômage ? N'est-il pas alors légitime de vouloir faire un geste en direction de ceux qui se lancent aujourd'hui sur un marché du travail saturé ? De plus, pour ce qui concerne les personnes dont la situation est la plus précaire, jeunes et moins jeunes, le Gouvernement a prévu de déposer un texte relatif aux exclusions sociales, qui sera examiné lors de la session ordinaire.
Certains craignent la création d'une fonction publique bis, au rabais.
Faut-il encore répéter qu'il s'agit d'emplois nouveaux, ou de fonctions permettant de répondre à des besoins non satisfaits ? Vous vous êtes pourtant continuellement employée, madame la ministre, à l'expliquer. Agent de veille écologique, assistant de crèche parentale, accompagnateur de malades atteints du sida... La liste est longue, mais elle n'est pas limitative, et elle laisse toute latitude aux initiatives des acteurs présents sur le terrain, notamment à ceux du secteur associatif, qui connaissent bien les besoins à satisfaire.
Quant au salaire, qui est aussi visé par ce soupçon de création d'une fonction publique au rabais, il est égal au SMIC. Rappelons qu'il s'agit là d'un minimum, puisqu'il pourra être plus élevé si les partenaires qui financent les 20 % du salaire non pris en charge par l'Etat en ont les moyens et font l'effort nécessaire. Mais surtout, en ces temps de crise sociale aiguë, les jeunes préfèrent être payés au SMIC, être insérés dans le monde professionnel et enrichir leur expérience que d'être exclus du monde du travail sans même pouvoir bénéficier du RMI. Les milliers de candidatures enregistrées par l'éducation nationale le montrent bien.
« Que se passera-t-il au bout de cinq ans ? », s'est-on encore inquiété.
Tout d'abord, nous allons donner du travail pendant cinq ans à 350 000 jeunes. Cinq années, cela ne représente-t-il pas un véritable horizon, alors que l'on constate que, depuis août 1996, le nombre des emplois précaires d'une durée inférieure à un mois a augmenté de plus de 36 % sans que l'on s'en soucie ?
En outre, l'emploi-jeunes peut représenter un marchepied, ce qui n'est pas rien lorsque l'on connaît la difficulté qu'ont les jeunes à s'intégrer dans le secteur privé, par manque d'expérience professionnelle antérieure.
Par ailleurs, les dossiers seront sélectionnés en partie en fonction des possibilités de pérennisation de l'emploi : à terme, certaines professions trouveront des sources de financement dans le secteur marchand ou associatif. L'Etat pourrait d'ailleurs prendre en charge 10 % à 20 % de ces emplois.
D'autres critiques ont concerné les charges pesant sur les collectivités locales, jugées trop lourdes.
Or l'aide de l'Etat est énorme, puisqu'elle représente pour chaque emploi 80 % du SMIC, charges sociales comprises, soit 92 000 francs par an. L'apport restant à la charge de l'autre contractant est donc de 20 %, ce qui est bien peu en comparaison des sommes versées en faveur, par exemple, des emplois-ville. Mais, surtout, la souplesse du projet permet toute forme de cofinancement : les départements et les régions auront le devoir d'aider les communes les plus pauvres.
C'est du « gaspillage », nous a-t-on enfin objecté : « C'est l'emploi privé qu'il faut développer pour faire reculer le chômage ! »
Nous sommes pour le moins étonnés que donner du travail à 350 000 jeunes puisse être considéré comme du gaspillage ! Cela vaut bien mieux que l'exonération des charges sociales accordée aux entreprises, qui ne change rien, nous l'avons bien vu, à la courbe du chômage. Oui, nous optons pour une nouvelle politique, fondée sur le rôle moteur de la collectivité publique. Ce projet de loi choisit la relance par l'emploi.
Le groupe socialiste reconnaît que le Gouvernement fait un pari, mais la situation économique et sociale actuelle est telle qu'elle demande imagination et audace : ce projet de loi en fait preuve.
Nous tenons par ailleurs à attirer l'attention de Mme la ministre sur la question des handicapés. Ils nous ont paru trop absents du texte ; or la prise en charge sociale de ces personnes est un devoir de solidarité. Le groupe socialiste pense que le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui pourrait profiter aux handicapés à deux titres : d'une part, en garantissant l'emploi d'un certain nombre de jeunes handicapés, d'autre part, en créant des fonctions nouvelles d'aide sociale aux handicapés.
Les jeunes handicapés sont des exclus parmi les exclus : ainsi, le chômage les touche dans des proportions considérables. Nous avons donc accueilli très favorablement la mesure prévoyant de réserver 6 % des emplois-jeunes aux personnes reconnues handicapées. Cet engagement reprend les dispositions de la loi du 10 juillet 1987, mais, malheureusement, ce quota est loin d'être respecté. Le sera-t-il dans le cas des emplois-jeunes ? Une grande vigilance s'impose à cet égard, madame la ministre. Notons que de nombreux métiers, qui sont d'ores et déjà proposés, sont accessibles aux handicapés : l'entretien des espaces naturels et la valorisation du petit patrimoine bâti pourraient ainsi être assurés par des handicapés mentaux, tandis que le soutien scolaire ou l'animation en matière de nouvelles technologies conviendraient aux handicapés physiques.
Par ailleurs, des emplois-jeunes pourraient permettre le développement de l'aide sociale aux handicapés. Dans votre liste indicative figurent seulement les fonctions d'« assistant de convivialité à domicile » et d'« agent d'insertion des handicapés ». Nous souhaiterions que d'autres idées soient retenues.
Tout d'abord, en ce qui concerne les loisirs, un grand nombre de besoins se font jour : il faudrait, par exemple, faciliter l'accès des lieux de culture et de détente aux personnes dépendantes.
Des jeunes pourraient aussi promouvoir l'artisanat des handicapés. En effet, de nouveaux emplois pourraient consister à dresser l'inventaire de toutes les richesses produites par ces personnes et à contribuer à l'amélioration de leur qualité et de leur présentation, en vue d'une vente par catalogue.
Enfin, si des jeunes ayant une formation commerciale se chargeaient de la distribution des produits issus des centres d'aide par le travail, les CAT, et des ateliers protégés, cela permettrait la valorisation du travail effectué par les handicapés au sein de ces entreprises.
Nos propositions concernant les handicapés nous semblent être en adéquation avec l'esprit du texte. Nous espérons, madame la ministre, que vous serez sensible à ces remarques, qui n'ont pas d'autre objet que de l'enrichir.
Au-delà des divergences politiques, les acteurs locaux sont collectivement garants de l'intérêt général. Il est par conséquent de leur devoir envers nos concitoyens de participer pleinement à la bonne mise en oeuvre de ce projet de loi, sans compter qu'un échec politique sur la question sensible de l'emploi ferait le lit de l'extrême droite.
Madame la ministre, vous nous avez présenté un dispositif permettant de venir au secours des jeunes. Pour que ce projet réussisse, il faudra que nous fassions preuve d'imagination. Faisons ce pari avec vous, prenons ensemble ce risque, d'autant plus nécessaire que les emplois nouveaux et émergents sont les emplois de demain.
Vous pouvez compter sur le soutien unanime du groupe socialiste, sans toutefois préjuger de notre vote. En effet, si votre projet de loi venait à être dénaturé par certains amendements et détourné de son seul objet, à savoir favoriser l'emploi des jeunes, nous pourrions ne pas le voter ou nous abstenir. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Qu'elle est belle, la voix du maire de Dourgne ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis aujourd'hui au Sénat traite d'un sujet qui nous mobilise tous, au-delà de nos sensibilités politiques, puisqu'il concerne l'emploi des jeunes et, par là même, leur intégration dans la société.
Certes, c'est un dispositif spectaculaire - d'autant qu'il a été très médiatisé - qui suscite beaucoup d'espoir auprès des jeunes et de leurs familles. Si la démarche est louable dans ses objectifs, madame la ministre, elle me paraît plus critiquable dans la façon d'y parvenir. Ce nouveau dispositif vient s'ajouter à tous ceux qui existent déjà, rendant leur lisibilité, leur coordination et leur exploitation de plus en plus complexes. Ils constituent des mesures palliatives, sans s'attaquer aux causes réelles du mal.
J'aurais préféré qu'un projet de loi sur l'emploi traite les problèmes du chômage non pas par classe d'âge - cela a déjà montré ses limites, même si les jeunes de moins de vingt-cinq ans sont les plus touchés - mais de façon plus globale, notamment en s'appuyant sur le secteur privé, en poursuivant la baisse des charges sur les bas salaires et en utilisant mieux les dépenses passives liées à l'indemnisation du chômage.
Vous souhaitez, madame le ministre, répondre à un problème structurel de notre société par une loi dont la portée est limitée, mais qui ne pourra, je le crains, régler le douloureux problème du chômage des jeunes. En outre, elle risque d'avoir, à plus ou moins long terme, des effets pervers clairement et objectivement évoqués par notre excellent rapporteur et par un certain nombre de mes collègues : pérennité du financement du dispositif par l'Etat ; pérennité des emplois au-delà des cinq années, sans laquelle la désillusion serait forte - mais quel sera alors le coût pour les collectivités et les employeurs ? Comment éviter le risque d'une augmentation de la pression fiscale ? Quelle pertinence peut avoir une cohabitation entre emploi à contrat privé et secteur public et parapublic ? N'y a-t-il pas décalage entre la nature de l'emploi proposé et la qualification du jeune ?
Le Sénat se doit donc d'apporter à votre projet de loi, madame le ministre, des amendements significatifs - faisons-lui confiance - pour le rendre plus réaliste et le mettre davantage en mesure d'apporter des réponses mieux adaptées au monde économique qui nous entoure.
Il me semble que, dans une économie efficace, la satisfaction des besoins est un but et la création d'emplois un moyen. En voulant, comme vous le préconisez, prendre pour objectif la signature d'un nombre donné de contrats « jeunes » et pour moyen la satisfaction des aspirations des Français, on aborde, me semble-t-il, le problème à l'envers. Aurons-nous, au-delà des moyens, l'imagination assez fertile pour créer autant d'emplois innovants et solvables ?
Sinon, le risque est alors grand de sombrer dans le travers désastreux dans lequel vous ne souhaitez pas tomber, à savoir concurrencer le secteur privé en détruisant des emplois qui entreraient en concurrence directe avec ceux qui sont subventionnés et qui coûteront moins cher à l'employeur. Ne croyez-vous pas porter également un rude coup à des services bénévoles qui existent déjà et qui sont source de lien social fort et désintéressé ?
De plus, dans certains secteurs, le nombre de candidats sera très largement supérieur aux capacités offertes ; aussi la pression sur les élus que nous sommes sera-t-elle très lourde. Il faudra donc bien trouver des critères objectifs à la désignation finale des bénéficiaires pour éviter, par exemple, le clientélisme. J'aimerais avoir des précisions à ce sujet, madame la ministre.
Je souhaite, pour ma part, que profitent en priorité des emplois-jeunes, ceux qui sont le moins formés, car ceux dont les capacités et la formation sont meilleurs pourront s'orienter vers des carrières professionnelles en entreprise.
Ainsi, les emplois-jeunes permettraient aux moins qualifiés, à ceux qui ont le moins de chance de trouver une solution, d'accéder à un premier emploi leur procurant une expérience professionnelle qui leur manquait tant, mais aussi une chance d'apprentissage du travail, de ses horaires, de ses contraintes, de la considération qui en découle et de son utilité sociale.
Les bénéficiaires des emplois-jeunes devraient pouvoir suivre des formations spécifiques et qualifiantes.
Par ailleurs, la gestion au plus près du terrain de ces emplois permettrait sans doute aux régions d'organiser des formations adaptées. Ce devrait être l'occasion de qualifier les emplois, d'établir des grilles de compétence débouchant sur un diplôme et une homologation.
Pour pallier l'inexpérience du jeune et la spécificité de certains emplois, ne faudrait-il pas favoriser l'encadrement du jeune par un tuteur référant, et définir les modalités du financement de ce tutorat ?
Madame le ministre, le Premier ministre et vous-même avez annoncé la création de 700 000 emplois-jeunes : 350 000 dans le secteur public - texte qui nous occupe aujourd'hui - et 350 000 dans le secteur privé.
Au moment où la Conférence sur les salaires va s'ouvrir, quelles informations pouvez-vous nous apporter sur la seconde partie du dispositif ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui tente de répondre à l'un des problèmes majeurs de notre société : le chômage des jeunes. Ce problème est d'autant plus grave qu'il interdit toute erreur de notre part. Or ce projet de loi, qui affiche d'excellentes intentions et qui suscite un engouement bien compréhensible, ne doit pas nous tromper.
En effet, il comporte, dans son principe même, de graves effets pervers. En premier lieu, comment pourra-t-on vérifier que ces emplois correspondent bien à des « besoins émergents » ou « non satisfaits », comme l'exige votre texte ? En second lieu, ces métiers ne viendront-ils pas en concurrence avec des métiers du secteur marchand ?
M. Serge Franchis. Très bien !
M. André Jourdain. Nous pourrions multiplier les exemples.
Il est bien évident que les collectivités et les associations seront tentées de faire accomplir aux jeunes embauchés des missions qui existent déjà et pour lesquelles elles manquent de personnel, d'autant que le contrôle sur le terrain sera très difficile à effectuer.
Par ailleurs, si l'on peut s'interroger sur le bien-fondé de ces nouveaux métiers, une question plus grave encore doit être posée : quel sera l'avenir de ces jeunes au terme des cinq années ?
Pour certains d'entre eux, on imagine déjà une titularisation avec un statut ambigu dans la fonction publique. Pour d'autres, on ne voit pas comment le secteur marchand pourrait prendre à sa charge des emplois qui ne relèvent pas du secteur privé et dont on ignore s'ils correspondent réellement à des besoins.
En outre, ce texte ne prévoit pas d'obligation de formation. Or certains de ces emplois, comme le soutien scolaire ou la médiation pénale, seront nécessairement occupés par les jeunes les plus diplômés. Cela entraînera deux conséquences négatives : d'une part, la dévalorisation des diplômés payés au SMIC et, d'autre part, l'absence d'insertion pour les jeunes non qualifiés qui seront ainsi condamnés aux « petits boulots ».
Ce dispositif va donc créer une jeunesse à deux vitesses, puisqu'il met en concurrence, pour un même emploi, des jeunes diplômés et des jeunes non qualifiés. Les moins employables d'entre eux, c'est-à-dire ceux qui sont en grande difficulté, n'auront pas accès à ce dispositif. Ils iront vers des CES qui n'offrent pas les mêmes avantages puisqu'ils sont moins rémunérés et durent deux ans au maximum. Il y a là, me semble-t-il, une profonde injustice.
Par ailleurs, en l'absence de formation véritable, la plupart d'entre eux ne bénéficieront toujours pas, au terme des cinq ans, d'une qualification ou de l'apprentissage d'un métier qui existe dans le secteur marchand.
En dépit de vos déclarations, madame le ministre, ce texte constitue bel et bien un énième plan de traitement social du chômage, dont nous connaissons par avance les conséquences. Différentes études menées par la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, montrent, en effet, que ce type de dispositif détruit inévitablement des emplois dans le secteur marchand. Ces études sont d'ailleurs immédiatement confirmées par les faits, puisque le coût de votre projet entraîne des réduction de crédits pour l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, ainsi que dans le domaine de la défense, et donc des réductions d'emplois. Votre plan crée ainsi de faux emplois pour en détruire de réels.
En résumé, je crains que ce texte n'enferme les jeunes dans un statut arbitraire et totalement déconnecté de la vie économique du pays. De plus, en leur évitant la mise en concurrence avec les adultes, on risque de fausser leur trajectoire individuelle.
Pour ces raisons, votre projet de loi, dans sa forme actuelle, serait à rejeter. Cependant, l'espoir qu'il suscite est important et il vaut mieux, selon moi, l'améliorer sensiblement. Vous avez d'ailleurs déclaré devant la commission des affaires sociales qu'il faut tout faire pour que les jeunes puissent ensuite accéder au secteur marchand. La majorité de la commission vous a entendue et notre excellent rapporteur, M. Louis Souvet, a modifié le texte en ce sens.
Pour ma part, j'estime que les seuls emplois véritables sont ceux qui sont créés par l'entreprise. Il me paraît donc indispensable d'ouvrir le dispositif aux activités associatives liées à l'économie. Celles-ci constituent, en effet, un moyen pertinent d'accéder au secteur marchand.
Notre objectif, vous l'aurez compris, est de créer une passerelle vers de véritables emplois, ce que votre texte ne permet pas en l'état. De plus, s'ajoutant à une éventuelle réduction du temps de travail, votre dispositif dévoile le fond de votre pensée : à l'inverse de ce qui se passe chez nos partenaires occidentaux, vous ne croyez plus à la croissance. En imposant aux jeunes d'entrer dans des placards pour cinq ans, en voulant réduire la durée du temps de travail, vous montrez une conception pessimiste de l'économie, donc de l'emploi, conception qui hypothèque gravement l'avenir de notre pays.
Mme Joëlle Dusseau. On est un des pays qui travaille le plus !
M. André Jourdain. En conséquence, si ce texte n'est pas considérablement amélioré, je le rejetterai. En effet, il constitue en son état actuel un danger pour la nation, et en particulier pour sa jeunesse. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, certains d'entre vous se souviennent sans doute des réticences, pour ne pas parler d'hostilité, de nos collègues de la majorité sénatoriale lorsque, en 1981, le Premier ministre de l'époque, M. Pierre Mauroy, avait proposé au Parlement de voter un certain nombre de mesures d'avancée sociale telles que la retraite à soixante ans ou la cinquième semaine de congés payés.
Nous allions, selon eux, rendre la France exsangue. La catastrophe annoncée ne s'étant pas produite, ces mesures n'ont, depuis, jamais été remises en cause et chacun se plaît à reconnaître leur bien-fondé.
Aujourd'hui, avec le projet de loi relatif au développement de l'emploi des jeunes, j'ai le sentiment de revivre le même scénario en constatant le peu d'enthousiasme de nos collègues de la majorité sénatoriale face au texte qui nous est proposé.
L'analyse du présent vient ainsi confirmer celle du passé et l'on voit bien apparaître toute la différence qui peut exister entre conservatisme et immobilisme, d'une part, progrès et mouvement, d'autre part.
Je me réjouis, pour ma part, d'être une fois de plus dans le camp du progrès.
Il faut reconnaître que, pour la majorité sénatoriale, le choix est délicat. D'ailleurs, elle a du mal à cacher son embarras.
Soit elle rejette le texte en bloc et prend ainsi le risque de heurter l'opinion publique, et plus particulièrement la jeunesse qui, de toute évidence, adhère à la démarche du Gouvernement ; soit elle adopte le texte et participe à la réussite d'un Gouvernement qu'elle combat, ce qui n'est pas, a priori, l'objectif d'une opposition.
Il ne lui reste donc que la voie intermédiaire, celle qu'elle a finalement adoptée et qui consiste à amender le texte de manière à justifier son vote négatif.
Si certaines des modifications qui nous sont proposées peuvent recevoir notre adhésion, d'autres, en revanche, sont de nature à modifier l'esprit même du texte, et cela nous ne pouvons l'accepter.
D'une manière générale, à trop vouloir amender le projet de loi, en multipliant les contraintes, en le corsetant, le risque est grand de le rendre inapplicable ou inefficace et de créer une grande désillusion chez nos jeunes concitoyens.
Je souhaite, personnellement, que cette loi conserve une relative souplesse afin de répondre au mieux aux objectifs fixés, à savoir combattre le chômage et redonner espoir à la jeunesse.
Cette loi novatrice, audacieuse, va engager un processus d'expérimentation sans précédent à l'échelle du pays, et bien malin est celui qui peut, à l'instant présent, en cerner toute la portée. Elle va libérer l'initiative, faire éclore les projets.
Je fais pleinement confiance aux jeunes qui sauront, ayant retrouvé l'espoir et une fois engagés dans le processus, inventer les formules pérennisant l'emploi dans lequel ils se seront investis.
La nécessité de ne pas créer trop de carcans dès le départ a été parfaitement comprise.
En effet, l'article 3 du projet de loi stipule que, avant le 31 décembre 1998, le Gouvernement présentera au Parlement un bilan de l'application de la loi et de ses effets sur l'emploi.
Notre devoir sera, à ce moment-là, de tirer toutes les conclusions de l'expérience vécue et d'apporter, le cas échéant, les modifications qui s'imposeront.
Mais, de grâce, ne bloquons pas dès le départ un processus si important pour l'avenir de notre pays et de notre jeunesse.
Vous l'aurez compris, madame le ministre, mes chers collègues, je suis favorable à ce projet de loi, et je me réjouis que le Gouvernement confirme ainsi sa farouche détermination à combattre le fléau du chômage.
Je ne reviendrai pas sur les différents aspects du projet de loi. Ce dernier, je crois, est suffisamment clair, tant dans son objectif que dans les moyens pour l'atteindre.
Cependant, je voudrais vous faire part d'une préoccupation.
L'Assemblée nationale a souhaité étendre l'accès à ces nouveaux emplois aux jeunes bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité, d'un contrat emploi consolidé ou d'un emploi-ville ; vous-même, madame le ministre, avez souhaité étendre le dispositif aux jeunes qui sont en apprentissage.
Je comprends parfaitement le souci qui est le vôtre et celui des députés de préserver un maximum d'équité entre les différentes catégories de contrats. Je sais que ce souci est partagé par de nombreux sénateurs, notamment par notre collègue rapporteur de la commission des affaires sociales.
Cependant, je crains que cette disposition ne soit préjudiciable au développement des contrats en alternance, plus particulièrement à l'apprentissage. Si les emplois-jeunes apparaissent comme plus attractifs financièrement que les contrats d'apprentissage, ne court-on pas le risque de voir les jeunes délaisser les seconds au profit des premiers ?
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Eh bien oui !
M. Gérard Roujas. Or, l'apprentissage est, à mon sens, l'un des outils de la lutte contre le chômage, et il doit le rester.
Je souhaite que, au sein de la politique générale du Gouvernement en faveur de l'emploi, vienne s'ajouter, aux côtés tant des mesures en vue de la relance de la consommation et de la présente loi que des mesures qui seront proposées demain en faveur de l'emploi des jeunes dans le secteur privé, un volet en faveur de l'apprentissage, rendant celui-ci plus attractif pour les jeunes qui choisissent cette voie.
Cela dit, je souhaite à votre loi, madame le ministre, tout le succès qu'elle mérite, et je reste persuadé que la cueillette des fruits dépassera la promesse des fleurs, pour peu que nous tous, qui sommes aussi, pour la plupart, des élus locaux, nous relayions sur le terrain la politique volontariste que vous avez voulu impulser avec ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, fondé sur la situation très préoccupante de l'emploi des jeunes, s'appuie, qu'on le veuille ou non, sur la logique d'un dispositif existant et sur une volonté forte d'en multiplier les effets.
Les mesures antérieures qui, depuis l'invention des TUC, concourent à activer les charges passives du chômage sont, à bon escient, maintenues.
Par votre projet de loi, madame la ministre, vous avez l'ambition d'offrir une activité de service au plus grand nombre de jeunes sans emploi. Vous vous adressez à un large public, allant jusqu'à celles et ceux qui ont bénéficié d'un enseignement supérieur.
Une réelle priorité à l'emploi est affirmée. Nous ne pouvons indéfiniment proclamer que l'emploi est la priorité des priorités et ne pas inciter les entreprises, les administrations et les partenaires sociaux à un changement radical de comportement.
Cela dit, l'analyse très objective qu'a faite ce matin M. Louis Souvet, rapporteur, nous met en garde à l'égard de maintes dispositions de ce texte.
Très brièvement, je voudrais insister sur quelques points.
Premièrement, certains emplois qui seront pourvus le seront au détriment de personnes entrant actuellement dans le champ de recrutement de ces activités et âgées de plus de vingt-six ou trente ans.
En effet, les besoins dits « émergents » sont, ici ou là, déjà couverts, au moins partiellement, en fonction d'initiatives prises de longue date soit par des associations, soit par des collectivités locales. Les vingt-deux métiers recensés ne sont pas tous de nouveaux métiers. Bien évidemment, les dispositions proposées permettront d'en développer la pratique, quitte à alléger la tâche des services traditionnels.
Nous l'observons pour les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi-consolidé ou les emplois de ville : les employeurs font, par ce biais, l'économie de quelques postes statutaires. Une fonction publique bis est en train de naître.
Deuxièmement, il est opportun de s'interroger sur le taux probable de transfert au secteur marchand de ces missions confiées au service public. A défaut d'une dégressivité de l'aide de l'Etat, on ne voit guère comment une contribution suffisante des usagers pourrait être obtenue au terme d'une période de cinq ans.
Les collectivités territoriales manifestent à ce sujet leurs inquiétudes. A la sortie du dispositif, elles seront, de fait, placées devant l'obligation morale de prendre en charge de nombreux services dont elles n'auront pas la capacité d'assurer le financement.
Troisièmement, nous devons prendre conscience du fait que l'annonce d'un recrutement massif de 350 000 jeunes est perçue par les bénéficiaires potentiels comme l'ouverture d'un droit. Un sentiment d'injustice sera ressenti d'autant plus cruellement par celles et ceux qui ne trouveront pas leur place, au moins dans l'immédiat, dans le dispositif qu'ils appartiendront à la catégorie des personnes les moins qualifiées.
La logique du système consisterait à écarter tout quota, toute limite d'âge et à transformer en dépenses actives toutes les charges passives du chômage.
De là vient notre impatience - c'est mon quatrième point - de voir ce projet de loi s'articuler dans un dispositif plus large qui puisse l'équilibrer et le compléter.
S'agissant du temps de travail, l'Etat incite à sa réduction dans les entreprises. La loi Robien est déjà une référence. Les perspectives d'un passage à trente-cinq heures de travail hebdomadaire seront abordées lors de la conférence sur l'emploi, le 10 octobre.
Mais qu'en sera-t-il pour la fonction publique ? Rien ne justifie que, pour ses propres agents, l'Etat se tienne à l'écart de la politique qu'il tend à promouvoir auprès des employeurs privés. Bien au contraire, la fonction publique devrait permettre d'entreprendre les expériences les plus hardies, susceptibles d'instituer une semaine de quatre jours. Le partage des emplois de la fonction publique de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissement hospitaliers pourrait s'appliquer, au moins pour les nouveaux recrutements, sans soulever de problèmes d'ordre budgétaire.
Je me félicite de l'adoption, par la commission des affaires sociales, d'amendements très pertinents visant à favoriser le passage progressif des emplois créés vers le secteur marchand, à permettre l'encadrement des activités nouvelles en s'ouvrant à d'autres catégories de personnes exclues du marché du travail et à encourager le recours à l'apprentissage.
Ces amendements respectent l'esprit du texte ; ils ne le dénaturent pas, ils lui apportent plus de clarté, plus de souplesse, plus de réalisme.
L'application de cette loi restera cependant difficile. Elle nécessitera une adhésion morale des partenaires de terrain que sont les élus locaux, les organismes d'HLM, le monde associatif et les entreprises.
Sur ces travées, beaucoup souhaitent offrir une chance de succès à votre projet de loi ainsi remanié, madame la ministre, tout en appelant de leurs voeux l'intervention d'autres mesures qui puissent mieux embrasser la situation tragique de l'ensemble des chômeurs, dont les chefs de famille et les chômeurs de longue durée âgés de plus de trente ans, des mesures qui permettent que, là où se créent les richesses et où se rendent les services, au sein de l'entreprise, chacun puisse trouver sa place dans la dignité et avec la considération qui lui est due. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le temps qui m'est imparti étant extrêmement limité, je me bornerai, ne voulant pas priver notre excellente collègue Mme Michaux-Chevry de son temps de parole, à soulever ici très rapidement un point technique qui me paraît avoir été occulté jusqu'à présent et qui me semble receler une menace majeure, dont les conséquences financières, aussi bien pour l'Etat que pour les collectivités territoriales et les établissements publics, pourraient se chiffrer à plusieurs milliards de francs.
Le projet de loi dispose que les contrats emplois-jeunes sont des contrats de travail de droit privé. Sans doute ne suffit-il pas de l'écrire sous cette forme pour que le risque chômage puisse être couvert.
Si l'employé relève du droit privé, il n'en est pas de même, en l'occurrence, de l'employeur. En effet, l'Etat n'est pas affilié à l'UNEDIC. Les collectivités territoriales peuvent l'être sous réserve qu'elles le soient pour l'intégralité des agents non stagiaires ou titulaires de la fonction publique territoriale. En fait, celles qui le sont sont rarissimes, et elles emploient d'ores et déjà de nombreux agents contractuels, auxiliaires ou vacataires.
Pour ces agents, qui ne sont pas affiliés à l'assurance-chômage, c'est la collectivité qui supporte les charges liées à la perte d'emploi lorsque celle-ci se produit, sans que l'UNEDIC intervienne de quelque façon que ce soit.
C'est tellement vrai qu'il a fallu des dispositions dérogatoires pour que les personnes engagées au titre des contrats emploi-solidarité puissent être couvertes contre le risque chômage, et ce à un taux et à des conditions spécifiques, différentes de celles du droit commun.
Il aura fallu six mois de négociations difficiles avec l'UNEDIC pour que ce régime dérogatoire soit étendu aux contrats emplois de ville, et des difficultés de même nature se sont posées lorsque les collectivités ont eu accès à l'apprentissage.
C'est dire qu'aujourd'hui, dans l'état actuel du texte, nous sommes fondés à penser que, comme pour leurs autres agents contractuels, l'Etat et les collectivités territoriales auront à supporter les charges liées à la perte d'emploi des jeunes qu'ils engageraient au titre du dispositif proposé. Le coût en serait considérable.
Le coût de cette indemnisation est de l'ordre de 18 000 francs après quatre mois d'emploi, de 30 000 francs après six mois, de 55 000 francs après un an et de 110 000 francs après cinq ans.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'un point capital qu'il convient de préciser sans aucune ambiguïté avant que l'on n'incite les employeurs publics à s'engager dans le dispositif proposé par le présent projet de loi. C'est vrai pour ce qui concerne aussi bien l'Etat que les collectivités territoriales et les établissements publics. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps de parole qui me reste, je ne peux que souligner l'intérêt tout particulier du projet de loi qui nous est présenté pour les départements d'outre-mer.
Chez nous, bien plus encore qu'ici, la seule annonce de ces mesures a suffi à faire renaître l'espoir dans les rangs d'une jeunesse en proie, hélas ! depuis trop longtemps, à un balancement inquiétant entre découragement et révolte.
Ai-je en effet besoin de vous rappeler l'acuité du problème de l'emploi aux Antilles, en Guyane, ou à la Réunion ?
Certes, l'ampleur du phénomène est telle que l'on ne peut raisonnablement prétendre tenter de l'endiguer grâce au seul dispositif contenu dans le projet de loi actuel.
Nos jeunes en ont parfaitement conscience. Ils savent que les choses ne changeront radicalement pour eux qu'une fois que l'on se sera attaqué au mauvais développement qui sévit depuis si longtemps dans les départements d'outre-mer, qu'une fois que l'on aura enfin mis en oeuvre un véritable plan global de développement.
Mais ils ressentent mieux que personne l'urgence qu'il y a à démontrer par un signal fort qu'il existe une réelle volonté politique de renverser le cours des choses.
C'est précisément, et fort heureusement, ce qu'a compris le Gouvernement. Le dispositif emploi-jeunes, tel que vous l'avez conçu, madame le ministre, est un signal très fort à destination de la jeunesse qui prend, outre-mer, une résonnance toute particulière.
Il tranche avec tout ce qui a été fait jusqu'ici, singulièrement avec le fameux dispositif des contrats d'insertion par l'activité mis en place par la loi Perben.
L'objectif qui avait été mis en avant alors était de privilégier, parmi les différents modes d'insertion des RMistes d'outre-mer, ceux qui permettaient l'accomplissement de tâches d'utilité sociale.
Objectif fort louable, mais en réalité vite contrecarré par l'invraisemblable système des agences départementales d'insertion, les ADI, imaginé par quelques technocrates parisiens obstinément sourds aux mises en garde des élus locaux.
Etablissements publics nationaux placés sous la double tutelle des ministères du budget et de l'outre-mer, ces ADI ont évidemment le plus grand mal à assumer la tâche d'employeur de CIA qui leur a été assigné.
Elle se révèlent, en réalité, beaucoup plus efficaces dans la collecte des crédits d'insertion que les conseils généraux sont obligés de leur verser que dans la réalisation de leur mission première d'insertion.
C'est ainsi, pour ne prendre que le cas de la Martinique, que l'ADI locale a terminé son exercice avec un compte administratif qui accusait un excédent de trésorerie de plus de 122 millions de francs !
Il est donc évidemment urgent de réformer ces agences d'insertion.
Cette situation permet de comprendre une demande exprimée, comme vous le savez, par de très nombreux élus, à savoir que le conseil général devant faire un effort très important dans le dispositif que vous présentez, il faudrait qu'il ait la possibilité d'imputer sur ces crédits une partie de sa contribution. Compte tenu des sommes très importantes inutilisées dans les ADI, cette demande est tout à fait raisonnable.
Chez nous, madame le ministre, plus certainement qu'ailleurs, le succès de ce grand projet que vous nous présentez et qui répond à un besoin évident sera pour une bonne part conditionné par la capacité du texte qui sortira de nos débats à s'adapter au mieux aux réalités locales.
Les acteurs locaux sont en tout cas prêts à s'engager et ils ont déjà fait part de nombreuses réflexions et présenté de nombreuses propositions en matière d'emploi dans le cadre de ce dispositif.
Une telle mobilisation augure bien, je crois, de ce qui va se passer bientôt sur le terrain, là où rien ne devra être négligé pour répondre efficacement à une attente qu'il ne peut être question de décevoir : l'attente de ces jeunes, beaucoup trop nombreux, qui ont un urgent besoin de reprendre confiance en eux-même et en l'avenir. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen)
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'ouverture d'un débat sur l'emploi est de nature à retenir l'attention de l'ensemble de la représentation parlementaire.
Proposer des emplois, développer l'activité sur une durée de cinq années ne pouvait aussi que retenir l'attention de l'ensemble des parlementaires.
Mais, si l'on examine la liste des emplois retenus par le Gouvernement, on est étonné. En matière d'environnement, vous proposez ainsi à la jeunesse, madame le ministre, d'aller sur les plages ou au bord des rivières ramasser de l'herbe. Une société moderne, celle qui va aborder l'an 2000, devrait s'intéresser plutôt aux technologies innovantes - éoliennes, énergie solaire - et à la prévention des catastrophes naturelles ! Voilà qui aurait stimulé notre jeunesse si ces projets d'emplois avaient été accompagnés des formations adéquates...
L'espace aérien, l'espace maritime, les satellites de communication sont des domaines que vous avez oubliés ! Vous vous cantonnez dans le petit cadre d'Internet et d'Intranet, sans tenir compte des autoroutes de communication où la France pourrait être présente...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela, c'est vrai !
Mme Lucette Michaux-Chevry. ...puisqu'elle est la puissance maritime la plus importante en Europe.
Et je pourrais multiplier les exemples en citant la coopération, les opérations et les interventions humanitaires, notamment vers l'île d'Haïti ou vers l'Afrique, où notre jeunesse a besoin de montrer sa générosité.
Vous êtes en train de geler notre jeunesse dans des secteurs qui ne sont pas valorisants. Vous perdez de vue le fait qu'elle a besoin de s'épanouir et vous l'hypothéquez sur des emplois de fonctionnaires aspirants. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et indépendants.)
Pour notre part, dans les départements d'outre-mer, nous n'avons pas attendu ce projet de loi. Nous avons signé avec le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Queyranne, un plan régional pour l'emploi, dans lequel nous prenons précisément en compte ces secteurs valorisants pour stimuler la jeunesse de l'outre-mer.
Je regrette, madame le ministre, que vous ayez complètement oublié l'outre-mer. Aux termes de votre article 2 bis - et je reprends ici les propos de notre collègue M. Lise - ce sont les technocrates qui seront appelés à décider de notre avenir puisque vous y écrivez que la loi ne sera mise en oeuvre que par décret. Ce que je dis en ce moment ne sert donc à rien, puisque ce seront les technocrates qui vont décider de l'avenir de l'outre-mer !
Vous semblez être très pressée pour la France hexagonale, où le problème de l'emploi se pose pourtant avec une acuité moindre que chez nous. En outre-mer, où vos projets ont créé un immense espoir, c'est déjà la révolution, notamment à la Réunion, où les mairies sont envahies.
Pour la Guadeloupe, c'est la déception, puisque le recteur a déjà annoncé l'arrivée de fonctionnaires dans les écoles et dans les collèges, mais pas dans les lycées. La collectivité régionale que je préside, et qui compte vingt-neuf lycées, est donc très pénalisée.
Je suis persuadée que, si vous aviez eu la volonté de régler réellement ce problème outre-mer, vous auriez pris le temps de respecter le décret du 15 avril 1960, repris par la loi de 1982 : ce texte vous oblige, madame le ministre, à consulter les collectivités territoriales que nous sommes avant de voter un texte dont les dispositions sont applicables dans les départements d'outre-mer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Vous n'innovez pas, vous n'apportez pas d'élément nouveau. Pourtant, j'espérais. Oui, vraiment, j'espérais ! En apprenant que vous aviez créé une fondation très importante, « Agir contre l'emploi »...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Agir « pour » l'emploi !
Mme Lucette Michaux-Chevry. ... ou « Agir contre l'exclusion », j'étais vraiment convaincue que vous alliez apporter des éléments novateurs.
Force est de constater que nous en sommes restés aux petits boulots, aux personnels de tri, aux agents dont la fonction est de faire la lecture aux personnes âgées...
Ce n'est pas avec de tels projets que la France va préparer la jeunesse de dix-huit à vingt-cinq ans à l'ouverture de l'an 2000 ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. C'est le bon sens qui a parlé !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais tout d'abord remercier la commission des affaires sociales, son président et son rapporteur, à la fois pour le travail qu'ils ont réalisé et pour la modération de leurs propos à l'occasion de l'examen d'un texte qui, effectivement, se veut innovant.
Lorsqu'on a échoué sur le chômage, comme nous l'avons tous fait ces dernières années, on doit avoir un peu de modestie, et ce sur toutes les travées. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
C'est le cas aussi à la Guadeloupe, et j'en parlerai à Mme Michaux-Chevry tout à l'heure.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Ah oui, vous me répondrez ! (Sourires)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, nous en parlerons.
Nous sommes confrontés à des sujets difficiles, sur lesquels un grand nombre de nos concitoyens attendent beaucoup de nous. Les propos idéologiques ou dogmatiques, a fortiori les insultes du type « fée Carabosse » n'ont pas leur place dans un lieu comme celui-ci ! Nous sommes ici pour trouver des solutions, pour essayer ensemble de les construire. Et nous savons bien que nous n'apporterons pas l'ensemble des réponses aux questions qui se posent car, si cela était possible, il y a longtemps que le problème du chômage aurait été réglé dans notre pays !
Je reprendrai, en essayant de les regrouper, les questions qui ont été posées, et je répondrai en premier lieu au président de la commission, M. Fourcade, et à son rapporteur, M. Souvet.
Tout d'abord, permettez-moi quelques remarques générales.
Nous avons effectivement tous échoué, le chômage que nous connaissons le montre abondamment ces temps-ci, et je dois reconnaître que ces dernières années n'ont pas été les meilleures, puisque le taux de chômage de longue durée n'a jamais été aussi élevé, ainsi d'ailleurs que celui qui concerne les jeunes.
Certains nous ont dit que la réponse était dans le libéralisme. Mais on voit effectivement ce qu'a donné le libéralisme de Mme Thatcher en Grande-Bretagne, ce qu'y ont donné la réduction du SMIC, la suppression des services publics ! On constate aussi que les Anglais ont préféré aujourd'hui élire Tony Blair, qui essaie de trouver une solution équilibrée entre l'Etat et le marché.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est aussi ce que nous recherchons, ici, en France, et c'est d'ailleurs, au-delà de nos rangs, ce qui réunit beaucoup de ceux qui se sont battus pour trouver un modèle européen. Je pense au général de Gaulle comme au président Mitterrand. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas la même chose !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le libéralisme, aujourd'hui, c'est la loi du plus fort, c'est la rentabilité à court terme, c'est l'individualisme, c'est ce qui fait qu'aux Etats-Unis, aujourd'hui, 40 millions de citoyens n'ont pas accès à la santé et que, malgré l'augmentation de 8 millions d'emplois dans les services - j'y reviendrai - le chômage est tout à fait important tandis que les ghettos persistent. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Adrien Gouteyron. Ce n'est pas notre modèle !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est pas le modèle de tous, mais certains l'ont cité !
Beaucoup d'entre vous ont évoqué la baisse des charges. Je rejoins, sur ce point. l'intervention de l'un de vos collègues communistes, qui a dit avec juste raison que nombre des aides qui ont été imaginées ces dernières années, tant dans vos rangs que dans les nôtres, ont été ciblées et n'ont donné lieu à aucune contrepartie de la part des entreprises.
En revanche, je fais partie de ceux qui pensent que le coût du travail est trop élevé dans notre pays - je l'ai dit tout à l'heure - parce que les charges sociales y sont trop assises sur les salaires, ce qui n'est le cas dans aucun autre pays européen. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vient de changer l'assiette des cotisations salariales de sécurité sociale et que, l'année prochaine, il changera l'assiette des cotisations patronales pour taxer moins les salaires, et donc moins gêner l'emploi. Par conséquent, sur la baisse des charges, je crois que nous sommes d'accord.
Certains d'entre vous ont cité l'exemple des Pays-Bas, et je m'en réjouis. Je voudrais simplement vous rappeler, à titre d'information, que, aujourd'hui, les prélèvements obligatoires y sont de cinq points supérieurs à ce qu'ils sont en France. Essayons donc de traiter les sujets en prenant en compte la totalité des paramètres !
Si les Pays-Bas ont réussi, c'est d'abord parce qu'ils sont parvenus à réduire la durée du travail sans porter atteinte à la compétitivité des entreprises. Et c'est bien ce que nous espérons faire nous-mêmes, en ouvrant des négociations à partir de la Conférence sur l'emploi.
Voilà ce que je souhaitais répondre à M. Gournac, et je suis prête à lui fournir un certain nombre de documents sur l'exemple des Pays-Bas, que je trouve moi aussi tout à fait intéressant, mais sans doute pas pour les mêmes raisons.
Je crois moi aussi - et je réponds là à M. Grignon - que l'emploi doit venir des entreprises, ce qui ne signifie pas que l'Etat doit attendre les bras ballants. Mais, quand je vois comment les grandes entreprises travaillent aujourd'hui avec leurs sous-traitants, quand je vois comment le secteur bancaire, qui est largement privé, n'aide pas les petites et moyennes entreprises à se développer, je me dis que l'Etat se doit d'accompagner les PME, comme nous l'avons fait dans le projet de budget pour 1998, notamment en leur donnant les capacités de se développer, par exemple par le capital-risque.
Par conséquent, moi aussi, je suis pour l'esprit d'entreprise, je crois qu'il faut aider les PME, mais je crois que l'Etat a aussi son rôle à jouer dans certains cas : il n'y a pas d'un côté le diable qui serait l'Etat, et de l'autre le dieu qui serait le marché. Il y a, dans nos modèles, un travail à faire en commun entre l'Etat et les marchés. C'est cela, me semble-t-il, le modèle européen !
Mme Michaux-Chevry nous a demandé de favoriser les nouvelles technologies. Je suis d'accord, madame le sénateur ! Toutefois, vous avez sans doute constaté que le Gouvernement avait pris, là aussi, des mesures pour aider les petites et moyennes entreprises qui se lancent dans les nouvelles technologies !
Nous sommes en retard, certes, par rapport aux Etats-Unis et il faut aider les entreprises start up qui se lancent sur le marché, mais nous avons pris des dispositions fiscales dès 1998. Peut-être ne connaissez-vous pas encore le contenu du projet de budget ? Il est en tout cas dommage que vos amis ne l'aient pas fait ces dernières années.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Si, nous l'avons fait ! Vous êtes en retard !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Enfin, l'aide à l'émergence de nouvelles activités a permis, notamment aux Etats-Unis - c'est la raison pour laquelle je reviens sur cet exemple - de créer huit millions d'emplois ces dernières années. Toutefois, ces huit millions d'emplois ont surtout profité aux usagers, aux clients solvables, à ceux qui ont de l'argent, alors que nous souhaitons aujourd'hui, en France - comme en Europe, d'ailleurs - faire effectivement en sorte que soient satisfaits les besoins en matière de sécurité, de qualité de vie, d'accès à la culture, d'accès aux loisirs pour le plus grand nombre. C'est cela qui fait sans doute l'originalité de notre modèle.
Je voulais le dire de manière extrêmement simple, je crois moi aussi à l'entreprise - j'y ai travaillé - et à l'esprit d'initiative, mais je pense aussi que l'Etat doit inciter les différents partenaires à entrer dans une logique économique pour accentuer un modèle de développement qui nous permettra de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de créer des emplois.
Certains de vous ont manifesté beaucoup de mépris pour la fonction publique et les services publics. Je pense d'ailleurs que, lorsque nous parlerons de santé, d'éducation ou de sécurité, les mêmes nous diront que nous manquons d'infirmières, d'instituteurs ou de policiers !
Il faut que l'on cesse, dans ce pays, de traiter de manière désagréable la fonction publique et les services publics...
M. Emmanuel Hamel. Dites-le à M. Allègre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... tout en demandant toujours plus de fonctionnaires dans ces domaines.
D'autres ont prétendu que les jeunes se mettraient à l'abri dans des cocons à l'éducation nationale, que ceux qui, aujourd'hui, font la queue devant les rectorats essaieraient de se « planquer » en quelque sorte. (Protestations sur les travées du RPR.)
Ecoutez, je reprends les termes qui ont été employés !
Cela reflète tout de même une totale méconnaissance du désespoir des jeunes dans notre société à l'heure actuelle !
M. Alain Gournac. On dirait que vous êtes les seuls à connaître la jeunesse !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, pas du tout, mais nous ne nous permettons pas de tenir de tels propos sur les jeunes. Ces jeunes apprécieront d'ailleurs, monsieur Gournac, puisque c'est vous qui avez employé l'expression.
M. Alain Gournac. Vous transformez ce que j'ai dit !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Jourdain a dit qu'il croyait à la croissance. Eh bien, nous aussi, et c'est précisément pour cela que nous allons relancer la consommation que vous avez bridée ces dernières années, messieurs, au point que la croissance de la France a été inférieure de 1 % à 1,5 % à celle des autres pays.
La vérité, c'est qu'il faut, aujourd'hui, pousser la croissance en favorisant la consommation. Mais, nous le savons, la croissance seule n'est pas suffisante. L'ensemble des experts réunis ces dernières semaines, ceux du patronat comme ceux de l'administration, reconnaissent que, même avec une croissance de 3 %, nous ne réduirons que très faiblement le chômage. Il faut donc être innovant ; il ne suffit pas d'attendre les bras ballants.
Je dois dire que je n'ai pas entendu de proposition pour résoudre ce problème du chômage.
M. Gournac a parlé de la rigidité du code du travail. Je suis bien placée pour savoir que, dans bien des domaines, la durée du travail, les contrats à durée déterminée et le travail temporaire, qui - il faut le dire - constituent aujourd'hui 93 % des embauches, la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, le code du travail n'est plus aussi rigide que vous le dites. La vérité, c'est qu'il y a encore très certainement des simplifications à faire.
M. Alain Gournac. C'est ce que j'ai dit !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est peut-être ce que vous avez dit, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu, puisque vous avez notamment parlé des salaires et d'un certain nombre d'avantages.
J'en arrive au projet lui-même.
Il ne s'agit pas, messieurs Plasait et Jourdain, de traitement social du chômage, d'accompagnement des jeunes dans des emplois bouche-trous ou dans des « petits boulots ». C'est une démarche économique qui vise à accélérer un processus de passage vers une société de services comme, encore une fois, les Etats-Unis, par exemple, l'ont fait pour des catégories particulières.
Il s'agit bien - M. Collin l'a indiqué - d'un investissement sur cinq ans, donc d'un investissement long. D'ailleurs, pour les jeunes, aujourd'hui, cinq ans, c'est l'éternité. Mais la plupart des salariés de notre pays sont-ils sûrs d'être encore dans leur entreprise dans cinq ans ? Aussi, quand j'entends parler de précarité, je ne comprends pas !
Et vous, qu'avez-vous fait pour les jeunes ? Pour les CIP, les jeunes ont apprécié : ils sont descendus dans la rue pour manifester. Pour les contrats emplois-jeunes, ils font la queue devant les rectorats ! Les jeunes ont donc déjà répondu à vos propositions. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. André Jourdain. L'avenir le dira !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il y a des risques. M. le président Fourcade en a évoqué un certain nombre. Je ne les méconnais pas. Nous allons essayer de les assumer, notamment en ne retenant que des projets qui ne sont pas des projets publics, qui ne font pas concurrence au privé - sur ce point, je le répète, nous sommes très clairs avec les préfets et l'ensemble des élus - mais aussi des projets qui ont toute chance d'être pérennisés à terme.
M. le président Fourcade a également eu raison de dire qu'il fallait que, dans notre pays, on apprenne à financer un certain nombre de services. Un pays au niveau de vie développé est un pays dans lequel les individus, les ménages, financent sur leurs propres revenus un nombre croissant de services.
Il n'y a pas que les biens durables, il n'y a pas que les biens matériels. Nous devrons financer directement et indirectement ces services, tout en ayant l'idée, bien sûr, d'aider les plus défavorisés.
Ces services seront peut-être financés dès la première ou la deuxième année. Pourquoi attendre cinq ans ? J'ai déjà donné l'exemple de Lille. Nous sommes passés de 70 % d'aide à ces nouvelles activités il y a trois ans à 40 % en moyenne aujourd'hui, et certains emplois sont même d'ores et déjà totalement solvabilisés par les clients qui, tout simplement, paient le prix des services.
Faisons preuve d'imagination, tout en étant extrêmement attentifs au départ et très restrictifs dans le choix des projets, et je suis convaincue que la plus grande part de ces projets réussiront.
Plusieurs intervenants, dont M. Huguet, ont posé le problème du montant des aides financières. Moi-même, j'ai beaucoup hésité au départ, car il me semblait qu'il était sans doute possible d'accorder une aide plus importante aux communes les plus en difficulté, communes rurales mais aussi communes déshéritées ou ayant des quartiers sensibles.
Mais l'ensemble des associations de maires que j'ai consultées - M. Delevoye, ici présent, ne me contredira sans doute pas - m'ont dit préférer que l'aide soit la même pour toutes les villes. De l'association des maires de France à l'association des grandes villes, en passant par celles des villes moyennes, des petites villes mais aussi des villes de banlieue, elles ont toutes souhaité être traitées de la même manière.
En revanche, il est effectivement souhaitable - certains l'ont dit - que les conseils généraux et les conseils régionaux qui souhaiteront abonder l'aide de l'Etat le fassent peut-être prioritairement pour ces communes qui ont le plus de difficultés à financer les 20 %.
D'ailleurs, je me réjouis de voir que, au-delà du conseil général du Pas-de-Calais, nombre de conseils généraux avec lesquels nous discutons aujourd'hui adoptent cette démarche et décident donc d'abonder les fonds pour les communes rurales ou les communes en difficulté.
M. Grignon m'a demandé comment nous allions financer ces emplois-jeunes.
Cela mérite une mise au point. Vous avez dit que nous créions de plus en plus d'emplois publics : ce ne sont pas des emplois publics. Vous avez dit que nous prélevions de plus en plus d'impôts, que nous faisions de plus en plus de dépenses publiques : je tiens à rappeler que, pour la première fois depuis quinze ans, dans le budget de 1998, les dépenses publiques n'augmenteront pas plus vite que l'inflation.
Eh bien, c'est au coeur de ces dépenses publiques que M. le Premier ministre a souhaité que soit fixée une priorité, l'emploi, et chaque ministère a dû effectivement réduire ses dépenses pour garantir la possibilité de financer plusieurs programmes, le programme de réduction de la durée du travail mais aussi ce programme emplois-jeunes !
J'ai pris ma part, dans mon budget, à cette réduction d'un certain nombre de crédits pour pouvoir mettre en place ce programme, mais la plupart des ministères ont également contribué à son financement.
De la même manière, monsieur Trégouët, M. le Premier ministre a entendu répondre à une demande des maires, le président Delevoye en tête, qui était de ne pas accroître la fiscalité des collectivités locales. Le message a été entendu, et ce dans une année 1998 particulièrement difficile, vous le savez. D'ailleurs, je crois que c'est le précédent Premier ministre qui estimait que ce budget était impossible à faire ! Nous, nous l'avons fait, en gardant l'objectif de 3 % qui était nécessaire pour réaliser la monnaie unique.
Et si nous l'avons fait dans ce budget difficile, je suis convaincue que nous continuerons à le faire les quatre années suivantes, car il est effectivement essentiel que les collectivités locales puissent s'engager sur le moyen terme sans crainte de nouveaux prélèvements qui leur poseraient des problèmes.
M. Lise a posé la question de savoir si les conseils généraux pourraient, sur les crédits d'insertion, aider au financement de ces emplois. L'Assemblée nationale a voté un amendement qui permet effectivement, sous certaines conditions, pendant un an, à condition de ne pas dépasser 15 % sur les 20 %, d'abonder ces crédits dès lors qu'un jeune titulaire du RMI pourrait occuper cet emploi-jeune. Nous seront sans doute amenés à en reparler dans la suite de nos débats.
En ce qui concerne la forme des contrats, je veux d'abord rassurer celui d'entre vous qui m'a interrogé sur leur requalification. Nous avons questionné à la fois le Conseil d'Etat et de nombreux juristes. Il en ressort clairement que les contrats sont requalifiés comme contrats publics à trois conditions : s'ils sont financés majoritairement par la collectivité locale ; si la mission tombe dans les missions, reconnues par la loi, de cette collectivité locale ; si le personnel travaille sous l'autorité de fonctionnaires.
Aucune de ces trois conditions n'est remplie en l'occurrence pour ces emplois-jeunes. Il n'y a pas donc aucun risque de requilification. Mais c'est aussi pour éviter une pérénisation parallèle à la fonction publique territoriale que nous avons souhaité des CDD de cinq ans pour les collectivités locales.
Mme Bocandé a posé la question de savoir s'il ne serait pas utile de mettre en place des tuteurs. Nous sommes là en présence de jeunes qui, certes, sont au chômage, mais qui sont en pleine santé, si je puis dire, tant physique que morale. Ils ont une qualification ou non, ils ont suivi une formation ou non, mais ils sont avant tout prêts à travailler. Un encadrement classique, qui fait bien son travail, devrait donc suffire pour permettre à des jeunes qui ne sont ni en difficulté ni en insertion de travailler effectivement dans des entreprises.
En règle générale, le contrat est un contrat à durée indéterminée ; nous réservons les contrats à durée déterminée pour les collectivités locales.
MM. Fischer et Chérioux se sont demandé pourquoi on n'étendait pas le système au secteur privé. Sur ce point, je veux être très claire. D'abord, ces contrats à durée déterminée sont non pas des contrats d'un an renouvelables jusqu'à cinq ans, mais des contrats de cinq ans qui peuvent être rompus tous les ans.
Je ne connais pas d'entreprise privée qui, aujourd'hui, souhaiterait avoir des CDD de cinq ans, car si l'on rompt un tel contrat au bout de la deuxième année, on doit payer les cinq ans.
A l'heure actuelle, la réglementation du travail - j'allais presque dire « malheureusement » - est beaucoup plus souple que cela, et un contrat à durée indéterminée offre beaucoup plus de possibilités de flexibilité et de souplesse qu'un contrat à durée déterminée.
M. Fischer s'est interrogé sur le point de savoir - nous en reparlerons au cours du débat - si le travail à temps partiel, qui était prévu de manière dérogatoire, devait rester dans la loi. Personnellement, je partage son souci de faire en sorte que la plupart de ces contrats, la quasi-totalité même, soient des contrats à temps plein ; il s'agit de vrais métiers, de vrais emplois.
Nous avons maintenu la disposition après que certaines communes rurales ont fait valoir que, dans certains cas, il ne serait pas possible de proposer des emplois à temps plein, même s'il s'agissait d'emplois partagés avec d'autres communes, pour certains territoires. Cependant, nous avons souhaité marquer le caractère dérogatoire de la mesure afin de bien montrer qu'il ne s'agit pas de la règle générale.
J'en viens aux règles applicables.
M. Fischer l'a dit, c'est le code du travail qui s'applique. Cela signifie que le SMIC est le minimum et que, lorsque les emplois correspondront à des conventions collectives, ils seront payés au salaire de ces conventions collectives.
A ce propos, la réponse à toutes les questions qu'a posées M. Michel Charasse, pour savoir si s'appliquait le statut des collectivités locales est non, car il s'agit, dans tous les cas, de contrats de droit privé qui relèvent du code du travail.
M. Michel Charasse a également souhaité que la période d'essai soit fixée à trois mois, l'Assemblée nationale l'ayant déjà fait passer d'un mois à deux mois. Le code du travail prévoit une semaine pour les ouvriers et les employés, et un mois pour les cadres. Avec une période d'essai de deux mois, nous sommes déjà au-delà de la durée générale prévue dans le code du travail. Cela étant dit, je m'en remets, sur ce point, à la sagesse de la Haute Assemblée.
Monsieur Mazars, en ce qui concerne les handicapés, le code du travail s'applique. Le respect du quota prévu est donc, bien évidemment, une obligation. Dans les circulaires d'application, nous insisterons auprès des préfets pour que les handicapés ne soient pas oubliés.
Enfin, je souhaite répondre sur quelques points particuliers.
S'agissant de l'éducation nationale, MM. Gournac et Larcher - je peux comprendre leur irritation - ont dit qu'il leur paraissait difficile que l'on commence à employer des jeunes avant même le vote de la loi.
Je précise que les contrats qui sont signés actuellement ne le sont pas dans le cadre de ce projet de loi ; ce sont des contrats à durée déterminée...
Un sénateur du RPR. Des contrats hors-la-loi !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, ces contrats sont prévus dans le statut de la fonction publique et payés par le ministère de l'éducation nationale. Mais je reconnais qu'il n'a pas été dit clairement qu'ils n'entraient pas dans le champ de la nouvelle loi. Ce n'est qu'après la promulgation de cette dernière loi que ces jeunes passeront, bien évidemment, sous le statut qui sera voté par le Parlement.
M. Moinard m'a demandé ce qu'il adviendrait de la loi Robien. J'ai toujours dit - et je continue à le faire - qu'elle avait eu l'avantage de remettre la durée du travail au coeur des négociations collectives et qu'elle avait certainement quelques inconvénients, inconvénients que son auteur reconnaît d'ailleurs lui-même, à savoir un coût important, trop important peut-être pour la collectivité nationale, et des effets d'aubaine.
Nous essayons aujourd'hui de monter un système qui accompagnera les négociations sur la durée du travail, qui visera à répondre aux critiques qui ont été portées sur la loi Robien et qui remplacera cette dernière quand la nouvelle loi sera votée. D'ici là, la loi Robien perdure et est d'ailleurs appliquée par mes services.
M. Jean-Louis Lorrain m'a demandé à quel moment le texte sur l'exclusion serait examiné par le Parlement. Nous avons souhaité, bien sûr, nous appuyer sur le travail considérable réalisé précédemment, principalement par les associations mais aussi par le Conseil économique et social et par les commissions au Parlement, mais nous avons aussi souhaité compléter le projet par des programmes spécifiques sur trois ans ou cinq ans avec l'ensemble des ministères concernés - logement, santé, éducation, culture, notamment - et donc mettre du contenu dans ce projet qui sera présenté au printemps.
Je réaffirme mon attachement à l'apprentissage. Mais, en l'espèce, nous sommes dans une logique tout autre. Il s'agit de vrais emplois qui n'ont rien à voir avec des contrats en alternance, apprentissage ou contrats de qualification.
Je souhaite que les jeunes non qualifiés continuent à suivre ces parcours, apprentissage et contrat de qualification, qui peuvent leur donner une formation moins théorique que celle qu'ils ont pu recevoir dans le cadre de l'éducation nationale et qui les a souvent menés à l'échec. A mon avis, les emplois-jeunes ne poseront aucun problème à l'apprentissage ou à la formation en alternance.
J'en arrive à la situation dans les départements d'outre-mer.
Madame Michaux-Chevry, je comprends mal votre irritation. Si les gouvernements qui nous ont précédés avaient vraiment voulu instaurer une priorité en faveur des départements d'outre-mer, ces derniers ne connaîtraient pas le taux de chômage qui est le leur actuellement. Nous n'aurions pas des hommes, des femmes et peut-être et surtout des jeunes qui en ont assez d'être assistés et qui considèrent que leur dignité passe d'abord par un véritable emploi et non par l'assistance. Cela s'appelle le RMI !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Le RMI, c'est vous !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous l'avez largement utilisé !
Mme Lucette Michaux-Chevry. J'étais contre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous l'utilisez, quand même ! Vous tenez souvent un discours ici et un autre là-bas. Je suis certaine que vous ferez de même avec les emplois-jeunes. J'en prends le pari !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous n'avez pas consulté l'outre-mer alors que vous avez consulté tout le monde !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je tiens à vous dire que je considère justement que ce projet de loi sur les emplois-jeunes...
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous n'avez pas consulté l'outre-mer !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien sûr que si !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous n'avez pas consulté l'outre-mer ; vous avez violé la loi de 1982.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai reçu hier matin dans mon bureau, au ministère, le président du conseil général de la Réunion qui est venu me voir, accompagné de députés, pour me demander - c'était la seconde réunion - comment nous allions avancer ensemble. Début novembre, à la Réunion, Jean-Marie Marx, qui fait partie de mon cabinet, accompagnera une mission pour aider ce département d'outre-mer à mettre en place ces emplois. Je ne vous ai pas reçue parce que vous ne me l'avez pas demandé.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous ne nous avez pas consultés...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais si, madame, beaucoup d'autres sont venus !
Mme Lucette Michaux-Chevry. ... comme le prévoit la loi de 1982 !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je puis vous dire aujourd'hui - et c'est un démenti à vos propos - qu'une mission est déjà en place. Nous avons travaillé avec le conseil général et des députés. Dès le début du mois de novembre, trois ministres se rendront en même temps à la Réunion pour aider au montage de ces projets.
M. Alain Vasselle. Et aux Antilles ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les Antilles viendront après, bien évidemment.
Pourquoi ce projet de loi est-il bon pour les départements d'outre-mer ? Parce qu'il va faire émerger de nouvelles activités, de vrais emplois qui confèreront une réelle dignité aux habitants de ces départements. Il permettra de faire apparaître des métiers dont ils ont besoin, y compris pour valoriser leur patrimoine culturel et touristique.
Après le mois de novembre, cette mission et le travail que nous réaliserons avec les élus, je vous donne rendez-vous et nous verrons qui a raison en la matière !
Je répète à MM. Vergès et Lise qu'effectivement j'ai proposé qu'un premier montant de 300 millions de francs soit versé au FEDOM. Nous ferons un bilan dès que ce crédit sera consommé. Je suis tout à fait prête à augmenter de nouveau les crédits du FEDOM dès lors qu'il s'agira bien d'emplois pérennes et de vrais métiers, qu'attendent les habitants des départements d'outre-mer.
Enfin, quelques questions m'ont été posées, s'agissant des emplois dans le secteur privé.
M. Pelchat m'a demandé quand sera déposé un projet de loi concernant les emplois-jeunes dans le secteur privé. Je ne peux répondre actuellement à cette question. Je souhaite d'abord que les organisations patronales et syndicales se saisissent de cette question - je crois qu'elles le feront - pour pouvoir à la fois rechercher de nouveaux gisements dans ce secteur et étudier comment une place plus grande peut être réservée aux jeunes, s'agissant de l'embauche comme des formations en alternance. C'est seulement à la suite de ce travail des partenaires sociaux que nous pourrons, s'ils le souhaitent, élaborer et présenter un projet de loi au Parlement.
Le travail que nous effectuons pour rechercher des gisements d'emplois dans le secteur privé correspond tout à fait à la logique que M. Chérioux a présentée tout à l'heure en donnant des exemples très intéressants. Nous essayons de les étudier comme nous le faisons actuellement pour un certain nombre de secteurs d'activités.
J'en terminerai par la forme.
Mmes Dusseau et Dieulangard ainsi que M. Huguet sont intervenus pour souligner l'importance de la souplesse et de la confiance que nous devons laisser aux acteurs locaux. C'est tout l'esprit de ce texte. Je trouve paradoxal que ceux qui demandent moins d'Etat, moins de centralisme veuillent des réponses toutes faites dans la loi, s'agissant de projets innovants que nous sommes en train de mettre en place sur le terrain.
Les jeunes veulent des vrais métiers. Contrairement à ce que j'ai entendu dire, si les jeunes sont intéressés par ces métiers, c'est parce qu'ils se rendent compte que ce sont des métiers qui mènent à une société moins dure, plus solidaire, qui vont accroître le lien social dans notre pays. C'est cela que les jeunes souhaitent, parce que leurs capacités de générosité et de solidarité sont peut-être un peu plus grandes que les nôtres. Les jeunes attendent des emplois, ils attendent aussi de voir changer cette société, MM. Roujas et Mazars viennent de le dire. C'est aussi l'objectif de ce projet de loi et on peut leur faire confiance pour que ce nouveau modèle de développement se mette en place dans notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er - Sont insérés à la section 1 du chapitre II du titre II du livre III du code du travail les articles L. 322-4-18, L. 322-4-19 et L. 322-4-20 ainsi rédigés :
« Art. L. 322-4-18 . - Afin de promouvoir le développement d'activités créatrices d'emplois pour les jeunes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits, et présentant un caractère d'utilité sociale notamment dans les domaines des activités sportives, culturelles, éducatives, d'environnement et de proximité, l'Etat peut conclure avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public des conventions pluriannuelles prévoyant l'attribution d'aides pour la mise en oeuvre de projets d'activités répondant aux exigences d'un cahier des charges établi en concertation avec les partenaires locaux qui doit comporter notamment les exigences requises quant à la pérennisation des activités et aux dispositions à prévoir pour assurer la professionnalisation des emplois.
« Ces conventions peuvent être également conclues avec des groupements constitués sous la forme d'associations déclarées de la loi du 1er juillet 1901, ou régies par le code civil local pour les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, de personnes morales visées au premier alinéa.
« Ces conventions ne peuvent s'appliquer aux services rendus aux personnes physiques à leur domicile, mentionnés à l'article L. 129-1. Toutefois elles peuvent s'appliquer aux activités favorisant le développement et l'animation de services aux personnes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits.
« Lorsqu'elles sont conclues avec une personne morale de droit public, elles ne peuvent s'appliquer qu'à des activités non assurées jusqu'alors par celle-ci. Les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent conclure ces conventions pour les emplois autres que ceux relevant de leurs compétences traditionnelles.
« Les projets de développement d'activités présentés par les personnes morales de droit privé à but lucratif chargées de la gestion d'un service public ne peuvent faire l'objet d'une convention, sauf si les activités proposées ne sont pas assurées à la date de la demande et entrent dans le cadre de la mission de service public qui leur a été confiée.
« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 432-4-1, les institutions représentatives du personnel, lorsqu'elles existent, et les comités techniques paritaires sont informés des conventions conclues en application du présent article ainsi que des conventions conclues conformément à l'article L. 322-4-8-1 et saisis annuellement d'un rapport sur leur exécution.
« Le contenu et la durée des conventions, les conditions dans lesquelles leur exécution est suivie et contrôlée ainsi que les modalités de dénonciation de la convention en cas de non-respect de celle-ci sont déterminés par décret.
« Les conventions comportent des dispositions relatives aux objectifs de qualification, aux conditions de la formation professionnelle et, selon les besoins, aux modalités du tutorat. Les régions dans le cadre de leurs compétences ainsi que, le cas échéant, d'autres personnes morales peuvent participer à l'effort de formation.
« Art. L. 322-4-19 . - Les aides attribuées par l'Etat en application des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 ont pour objet de permettre l'accès à l'emploi de jeunes âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans lors de leur embauche, y compris ceux qui sont titulaires d'un des contrats de travail visés aux articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8-1, ou de personnes de moins de trente ans qui ne remplissent pas la condition d'activité antérieure ouvrant droit au bénéfice de l'allocation prévue à l'article L. 351-3. Cette condition d'activité est appréciée à compter de la fin de la scolarité et à l'exclusion des périodes de travail accomplies en exécution des contrats de travail visés aux articles L. 115-1, L. 322-4-7, au deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-8-1 et aux articles L. 981-1, L. 981-6, L. 981-7 ou conclus avec un employeur relevant des dispositions de l'articleL. 322-4-16.
« Pour chaque poste de travail créé en vertu d'une telle convention et occupé par une personne répondant aux conditions prévues à l'alinéa précédent, l'Etat verse à l'organisme employeur une aide forfaitaire dont le montant et la durée sont fixés par décret. Cependant, l'organisme employeur peut verser une rémunération supérieure. Ces dispositions sont prévues dans la convention. L'Etat peut prendre en charge tout ou partie des coûts d'étude des projets mentionnés à l'article L. 322-4-18.
« Ces aides ne donnent lieu à aucune charge fiscale ou parafiscale.
« Elles ne peuvent se cumuler, pour un même poste de travail, avec une autre aide de l'Etat à l'emploi, avec une exonération totale ou partielle des cotisations patronales de sécurité sociale ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations de sécurité sociale.
« Elles ne peuvent être accordées lorsque l'embauche est en rapport avec la fin du contrat de travail d'un salarié, quel qu'en soit le motif.
« Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise les conditions d'attribution et de versement des aides de l'Etat.
« L'employeur peut recevoir, pour la part de financement restant à sa charge, des cofinancements provenant notamment des collectivités territoriales, des établissements publics locaux ou territoriaux ainsi que de toute autre personne morale de droit public ou de droit privé.
« Art. L. 322-4-20 . - I. - Les contrats de travail conclus en vertu des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 sont des contrats de droit privé établis par écrit. Ils sont conclus pour la durée légale du travail ou pour la durée collective inférieure applicable à l'organisme employeur. Ils peuvent être conclus à temps partiel sur dérogation accordée par le représentant de l'Etat signataire de la convention, lorsque la nature de l'emploi ou le volume de l'activité ne permettent pas l'emploi d'un salarié à temps plein, sous condition de durée minimale égale au mi-temps. Ils doivent figurer dans les grilles de classification des conventions collectives nationales, de la fonction publique ou accords d'entreprises lorsqu'ils existent.
« Ils peuvent être à durée indéterminée ou à durée déterminée en application du 1° de l'article L. 122-2. Toutefois les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public, à l'exclusion des établissements publics à caractère industriel et commercial, ne peuvent conclure que des contrats à durée déterminée.
« Les contrats mentionnés au présent article ne peuvent être conclus par les services de l'Etat.
« II. - Les contrats de travail à durée déterminée mentionnés au I sont conclus pour une durée de soixante mois.
« Ils comportent une période d'essai d'un mois renouvelable une fois.
« Sans préjudice de l'application du premier alinéa de l'article L. 122-3-8, ils peuvent être rompus à l'expiration de chacune des périodes annuelles de leur exécution, à l'initiative du salarié moyennant le respect d'un préavis de deux semaines, ou de l'employeur s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse.
« Dans ce dernier cas, les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-14 sont applicables. En outre, l'employeur qui décide de rompre le contrat du salarié pour une cause réelle et sérieuse doit notifier cette rupture par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée au salarié moins d'un jour franc après la date fixée pour l'entretien préalable prévu à l'article L. 122-14. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du délai-congé prévu par l'article L. 122-6.
« Le salarié dont le contrat est rompu par son employeur dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent II bénéficie d'une indemnité calculée sur la base de la rémunération perçue. Le montant retenu pour le calcul de cette indemnité ne saurait cependant excéder celui qui aura été perçu par le salarié au titre des dix-huit derniers mois d'exécution de son contrat de travail. Son taux est identique à celui prévu au deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4.
« En cas de rupture avant terme d'un contrat à durée déterminée conclu en vertu des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18, les employeurs peuvent conclure, pour le même poste, un nouveau contrat à durée déterminée dont la durée sera égale à la durée de versement de l'aide de l'Etat restant à courir pour le poste considéré. Les dispositions des alinéas précédents s'appliquent à ce nouveau contrat.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 122-3-8, la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la rupture du contrat de travail prévues aux troisième et quatrième alinéas du présent II ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi. Il en est de même lorsque la rupture du contrat intervient suite au non-respect de la convention ayant entraîné sa dénonciation.
« III. - A l'initiative du salarié, les contrats mentionnés au I peuvent être suspendus avec l'accord de l'employeur afin de lui permettre d'effectuer la période d'essai afférente à une offre d'emploi. En cas d'embauche à l'issue de cette période d'essai, les contrats précités sont rompus sans préavis. »
Sur l'article, la parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame le ministre, lequel d'entres nous irait s'insurger contre tout ce qui tend - ne fût-ce qu'imparfaitement - vers l'insertion des jeunes si souvent en détresse ?
Vous avez réaffirmé ici même, et tout à l'heure encore, votre ambition de « créer des emplois durables », de faire émerger des « prestations de qualité », « de vrais métiers » avec un « volontarisme sur la durée ».
Voilà désormais le Gouvernement comptable des espoirs qu'il a fait naître.
L'article 1er de ce projet de loi permet de s'interroger sur la pertinence de la démarche et sur sa nature profonde.
Lequel d'entre nous, qui reçoit dans sa permanence des chômeurs de longue durée - et voilà peu sont tombés les derniers chiffres du chômage qui nous révèlent que le nombre des chômeurs de plus de un an a considérablement augmenté -, lequel d'entre nous, disais-je qui voit arriver des chômeurs de plus de cinquante ans, responsables d'une famille, peut ne pas s'interroger sur l'injustice qu'il y a à cibler exclusivement sur une tranche d'âge les efforts considérables que l'on veut faire ?
C'est donc une lutte sur tous les fronts qu'il faut mener sans oublier aucune catégorie ou tranche d'âge et, bien entendu, surtout pas notre jeunesse. Le chômage est, hélas ! une lèpre qui touche l'ensemble du corps social.
Mais dans un pays où le taux de prélèvements obligatoires représente 19,5 % du PIB, tout plan massivement financé sur fonds publics risque de se retourner contre son objectif même en imposant aux forces vives de la nation des charges freinant leur initiative, et donc la croissance, source de véritables emplois.
N'oublions pas, madame le ministre, que quelque 100 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification et sans projet professionnel et que 40 % des étudiants quittent l'université sans aller au-delà du premier cycle.
Toutes les initiatives améliorant le passage et le lien entre l'appareil de formation et le nombre de professionnels doivent être suscitées et encouragées.
Je voudrais, madame le ministre, que vous nous disiez quelle est la position du Gouvernement sur les unités d'expérience professionnelle qui avaient été imaginées et mises en place par le gouvernement précédent avec l'aide, c'est vrai, du CNPF, mais après concertation avec les syndicats et dont on n'entend plus beaucoup parler. C'était une tentative pour faciliter ce passage. Y êtes-vous favorable ?
Au moins, faudrait-il ne pas déstabiliser l'apprentissage. Madame le ministre, vous venez de nous expliquer que vos emplois n'ont rien à voir avec les emplois d'apprentis. Je dois dire que vous ne m'avez pas convaincu. D'autres collègues partagent ce sentiment.
Il faudra, en effet, bien du courage et de lucidité à un jeune de vingt ans pour s'engager dans cette voie de formation exigeante plutôt que de postuler tout de suite pour un de ces emplois rémunérés à 100 % du SMIC, 80 % étant pris en charge par l'Etat. Il y a là un véritable problème. Il ne faut pas se le cacher.
Madame le ministre, oui de nouveaux « métiers » émergeront et le contenu de métiers existants subira de profondes mutations.
Ces profondes mutations postulent une souplesse d'adaptation au sein d'un marché « créatif et vivant ». Il faut y préparer nos jeunes, créer de vrais emplois et, pour cela, mettre en place les conditions de leur pérennisation après cinq ans.
Vous avez affirmé, ce matin, et tout à l'heure encore, votre volonté d'éviter de fabriquer des « bouche-trous » et votre voeu qu'un relais soit pris par le secteur privé. Ce sont les propositions du Sénat qui peuvent donner chair, madame le ministre, à cet espoir en préconisant une moindre rigidité du code du travail et une meilleure adaptation de la formation ainsi qu'un certain nombre de mesures permettant précisément de passer du secteur, disons parapublic, que vous allez créer, au secteur marchand.
En effet, sans véritable formation ni passerelles vers le secteur marchand, nous risquerions d'aller vers une espèce de guerre de tranchées, là où une stratégie de mouvement et des itinéraires personnalisés sont indispensables.
Sans ces améliorations et sans la réaffirmation du rôle, non pas exclusif mais central, du marché, ce projet risquerait de plaquer, pour citer Bergson « du mécanique sur du vivant ».
M. le président. Mon cher collègue, il vous faut conclure !
M. Adrien Gouteyron. L'Etat n'est pas là pour quadriller l'économie, pourvu d'« avions renifleurs » détectant les gisements d'emplois. (Sourires.)
Madame le ministre, l'insertion des jeunes risque d'être non pas favorisée mais bel et bien retardée s'il ne leur est proposé qu'une espèce de période de glaciation de cinq ans.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Adrien Gouteyron. Je conclus, monsieur le président.
Madame le ministre, pour que votre plan ne se contente pas d'occulter provisoirement la dure réalité, pour qu'il ne ressemble pas, permettez-moi ce rappel, à ce ministre de Catherine II qui présentait à son souverain des villages de façade,...
M. Philippe Marini. C'était Potemkine !
M. Adrien Gouteyron. ... si vous ne voulez pas cacher la réalité sous les nuées de l'Etat providence, vous avez une chance d'y parvenir en acceptant les propositions de la commission des affaires sociales et de la majorité du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'article 1er, pierre angulaire du dispositif, donne le sentiment d'avoir été rédigé à la va-vite. Plusieurs omissions et rédactions inopportunes le caractérisent, que ce soit pour la formation, l'innovation d'un statut de droit privé dans le cadre de l'occupation d'emplois publics, les conséquences financières pour les communes et les associations, les charges annexes que généreront ces emplois liées à la formation et à la rupture du contrat...
Ainsi, à travers cet article, madame le ministre, vous avez fait naître un immense espoir, pour les 600 000 ou 700 000 jeunes à la recherche d'un emploi et qui, vous l'avez dit vous-même, se précipitent tous vers les guichets « emplois » des administrations d'Etat et des administrations territoriales.
N'iront-ils pas de désillusion en désillusion ? N'auront-ils pas, pour les plus diplômés, le sentiment d'être exploités ?
Vous dénoncez le procès d'intention qui vous est fait lorsqu'on évoque une sous-fonction publique et la concurrence des emplois du secteur marchand. Les employeurs ne seront-ils pas des collectivités publiques ou des associations ?
Parmi les vingt métiers cités, un nombre non négligeable appartient déjà au secteur marchand, notamment dans le domaine de l'environnement à l'exemple des déchetteries, ou des gardiens d'immeuble au secours des personnes en difficulté.
Mais que faisaient donc nos concierges d'immeuble d'antan ! M. Chérioux s'en est fait l'écho en fin de matinée.
Vous vous défendez du caractère précaire de ces emplois. Pourtant, face aux emplois précaires actuels dans lesquels se trouvent de nombreux jeunes, à l'exemple des CES, il ne s'agit que d'une question de degré de précarité. Cinq ans, c'est mieux qu'une ou deux années. Mais aucune assurance ne peut être donnée à ces jeunes à la sortie de ces cinq années.
Vous dénoncez la précarité des emplois dans le secteur privé, madame le ministre, vous l'avez confirmé tout à l'heure, mais c'est dans cette voie que vous poussez les jeunes puisqu'ils ne trouveront leur emploi que dans le secteur marchand d'une manière pérenne alors que vous dites vous-même qu'aucune assurance ne leur est donnée dans le secteur marchand aujourd'hui.
Sera-ce la titularisation dans la fonction publique ? Nous pouvons faire confiance, le moment venu, aux organisations syndicales pour exercer la pression qui se doit dans ce sens... N'aboutira-t-on pas à une titularisation en masse comme cela a été le cas en 1981 ? Puis M. Perben a supprimé la précarité dans la fonction publique.
Le problème se posera à nouveau dans cinq ans. Ces jeunes devront-ils, à l'issue de ces cinq années, retourner à l'ANPE ?
Ce pari sur l'avenir, sur la pérennisation des emplois, et plus particulièrement dans les communes rurales - vaste illusion pour elles ! - ainsi que sur leur solvabilité, sera lourd de conséquences à l'échéance des cinq ans, car les jeunes risquent de devenir victimes de votre politique à laquelle ils auront adhéré en masse par crédulité.
Les nouvelles activités de service que vous voulez créer dépendent essentiellement du pouvoir d'achat de leurs futurs adeptes. Si les futurs consommateurs de ces services possédaient dès à présent les revenus suffisants, ces activités auraient été mises en place par le secteur marchand.
Plutôt que de favoriser l'émergence de nouveaux emplois, dont les seuls fonds publics permettent l'existence, vous auriez mieux fait à mon sens d'engager des mesures favorisant véritablement la reprise de la croissance.
Au lieu de cela, vous allez faire peser sur les contribuables, donc sur les consommateurs, des charges publiques nouvelles. Faute de pouvoir augmenter les prélèvements publics sur la grande masse de la population française, qui croule déjà sous le poids des prélèvements obligatoires - M. Fourcade s'en est fait l'écho ce matin en faisant référence aux taux des prélèvements obligatoires d'autres pays de l'Union européenne - votre gouvernement s'attaque aux classes moyennes et aux entreprises.
Vous avez l'illusion qu'en alourdissant l'addition fiscale de ces derniers vous ne porterez pas atteinte à leur pouvoir d'achat ou à leur capacité d'investissement, que la croissance repartira, alors que ces deux catégories sont les éléments moteurs de la croissance.
Bien évidemment, il est facile de décréter la création de 700 000 emplois et de les faire financer par l'impôt. C'est surtout plus payant, électoralement et médiatiquement, que de créer les conditions favorables à la croissance. Les deux précédents gouvernements l'ont fait par des mesures moins populaires et moins spectaculaires, par des mesures qui produisaient un résultat visible non pas immédiatement mais à terme ; et vous en profitez aujourd'hui, comme en a profité M. Rocard de 1988 à 1990.
On a vu ce qu'il en a été après une dégradation vertigineuse de la situation économique et de l'emploi lorsque nous avons repris le pouvoir, en 1993. (Protestations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Alain Vasselle. Permettez-moi de vous dire que je ne peux vous suivre sur la voie dans laquelle vous tentez de nous engager par la séduction du résultat immédiat. Le Gouvernement agit, mais ne réfléchit pas aux conséquences de ces mesures et donne le sentiment de faire de la gestion à la petite semaine. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure.
M. Alain Vasselle. Il arrête des mesures à caractère conjoncturel et veut orienter sa politique en prenant des paris sur l'avenir dont les chances de réussite sont, à mon sens, plus que douteuses. Même si votre objectif...
M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de conclure, vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Alain Vasselle. Je conclus monsieur le président.
Ce texte, en définitive, le Sénat se devait de lui donner des conditions d'application plus réalistes, il se devait d'en limiter les effets pervers, au demeurant fort nombreux. Notre rapporteur, la commission des affaires sociales et nombre de mes collègues s'y sont attachés.
Nous souhaitons ainsi vivement que sorte de nos délibérations un texte réaliste auquel vous vous rallierez, dans l'intérêt des jeunes, pour leur avenir et celui de notre société.
M. le président. Mon cher collègue, cette fois-ci vous dépassez les bornes !
M. Josselin de Rohan. Il y a eu des précédents.
M. le président. Je suis désolé de vous le dire, mais je ne peux pas vous laisser continuer.
M. Alain Vasselle. Et j'ose espérer que, dans sa sagesse, le Gouvernement saura être attentif à sa contribution, et saura faire entendre raison à l'Assemblée nationale, car c'est bien l'avenir des jeunes qui est en jeu, et non celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous fais remarquer que six orateurs du même groupe sont inscrits sur l'article 1er et que si chacun dépasse son temps de parole, il nous sera relativement difficile d'organiser la suite de la discussion d'un projet de loi.
M. Ivan Renar. C'est l'ardeur du néophyte dans l'opposition ! (Sourires.)
M. Gérard Delfau. Et cela agace M. le président !
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le chômage nous interpelle tous et, face à l'ampleur du fléau, nous devons rester modestes. Le dispositif soumis à notre examen à l'article 1er ainsi que le projet de loi dans son ensemble partent d'une intention doublement louable.
En premier, ils visent à lutter contre le chômage des jeunes, et c'est un premier point positif.
Le second point positif réside dans la confiance que vous accordez aux acteurs locaux, et, plus particulièrement, aux collectivités locales, pour faire émerger les besoins et favoriser la création d'emplois.
Cependant, malgré l'intention louable dont part le présent projet de loi, madame le ministre, je ne puis être en accord avec vous, tant sur la méthode à employer que sur la façon dont vous entendez impliquer les acteurs locaux et la nature des emplois que vous proposez de créer.
En ce qui concerne les acteurs locaux, tout d'abord, l'exposé des motifs du projet de loi prévoit que « le programme mise sur la responsabilité d'acteurs locaux, collectivités locales, associations, établissements publics, pour faire émerger des projets par bassin d'emplois ».
Or, en rencontrant notamment des professionnels du traitement des déchets et de l'environnement, j'ai été très étonné d'apprendre qu'ils n'avaient nullement été consultés lors de la constitution de cette liste, d'où de nombreux travers.
Ainsi, dans le domaine de l'environnement, certains des métiers proposés existent déjà et relèvent du secteur marchand. C'est le cas de ceux de gardiens de déchetterie ou de trieurs, mais je pourrais citer d'autres exemples.
Nous devons donc être prudents dans l'application des mesures.
Je m'interroge également sur la nature des emplois concernés.
Tout d'abord, il est à craindre qu'étant ouverts à tous les jeunes sans distinction, les emplois-jeunes ne soient accaparés par les plus qualifiés au détriment des jeunes sans qualifications. Vous avez vous-même clairement affirmé, madame le ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale ; que vous souhaitiez réserver les CES et les CIE aux jeunes en difficulté.
Cela risque, à mon sens, d'accentuer le caractère stigmatisant que peut revêtir ce type de contrat.
A l'inverse, les emplois-jeunes, du fait de la sécurité apparente et momentanée que représente la signature d'un contrat d'une durée de cinq ans, risquent de les priver de l'apprentissage d'un métier durable, indispensable à la réussite de leur carrière. L'exemple de l'éducation nationale est particulièrement édifiant à cet égard, notamment à Strasbourg, où les candidats aux emplois-jeunes ont, pour les deux tiers, un niveau bac + 3 ou plus et, pour un tiers, un niveau bac ou bac + 2.
Pour beaucoup, d'ailleurs, leur candidature est consécutive à un échec au concours d'entrée aux IUFM.
Que pourra-t-on leur proposer dans cinq ans ? Leur titularisation ? Sans doute pas !
Dans ce cas, pourquoi pousser ces jeunes à poursuivre dans une voie qui n'offre pas de débouchés suffisants, pourquoi risquer de les mettre dans une situation difficile dans cinq ans ?
Je crois, madame le ministre, que les enjeux sont trop cruciaux pour omettre le long terme.
En outre, il n'est pas souhaitable de se servir de ce texte pour faire valider par le Parlement la création massive d'emplois répondant à des missions relevant exclusivement de l'Etat.
En ce qui concerne la pérennisation des emplois-jeunes vers le secteur marchand à l'issue des cinq ans dans le secteur public, permettez-moi d'exprimer quelques inquiétudes.
Il est à mon avis indispensable de s'entourer des précautions nécessaires afin que les 350 000 emplois d'utilité sociale ne se transforment pas en autant de postes d'agents de l'Etat et des collectivités locales, la France détenant déjà le record dans ce domaine.
Comme le souligne un éditorialiste d'un grand quotidien national daté de ce jour : « seule parmi les grands pays industrialisés, la France avance toujours dans la même direction, plus de prélèvements, plus de fonctionnaires, plus d'Etat. »
Comme le souligne à juste titre notre collègue M. Louis Souvet dans son excellent rapport, certains des vingt-deux métiers proposés risquent de créer des distorsions de concurrence avec le secteur marchand alors que l'objectif à terme est d'intégrer ces jeunes à ce secteur.
Pourquoi ne pas favoriser immédiatement la création d'emplois dans ce secteur, emplois stables et offrant de véritables perspectives au sein de l'entreprise, plutôt que d'attendre cinq ans.
Cela doit, à mon sens, constituer la priorité.
Toutefois, lorsqu'on les interroge, les chefs d'entreprises se plaignent de deux freins à l'embauche : le poids excessif des charges sociales et l'importance des formalités administratives.
Ce constat se confirme lorsqu'on procède à une comparaison internationale : la pression liée aux cotisations patronales est d'environ 40 % en France contre 10,2 % au Royaume-Uni et 7,65 % aux Etats-Unis.
Je reconnais que, par le passé, les initiatives prises, trop partielles ou trop difficiles à appliquer, n'ont pas toujours produit les effets escomptés.
C'est pourquoi, madame le ministre, j'ai déposé un amendement visant à exonérer de charges sociales pendant cinq ans les PME qui embauchent des jeunes en échange de l'obligation de consacrer du temps à les former, la réduction des charges étant essentiellement réservée aux emplois nouvellement créés.
Une telle mesure engendrerait une charge pour l'Etat et les collectivités locales évaluée à 67 000 francs par emploi créé, charge beaucoup moins élevée que celle des emplois-jeunes.
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Joseph Ostermann. Ainsi, à budget équivalent, soit 35 milliards de francs, il serait possible de créer davantage d'emplois.
Je ne considère nullement que les collectivités locales ne doivent pas participer pleinement à l'effort national en faveur de l'emploi des jeunes, vous avez raison d'en faire une priorité. Mais je pense que notre pays ne doit pas se tromper de voie. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Joyandet, que j'invite, comme chacun des orateurs, à respecter son temps de parole.
M. Alain Joyandet. Je vais essayer d'être le plus bref possible, monsieur le président.
J'insisterai plus particulièrement sur deux points qui me paraissent très importants, à la suite de la concertation que nous avons menée sur le terrain avec des jeunes.
Tout d'abord, il conviendrait d'ouvrir le dispositif le plus rapidement possible au secteur privé en adaptant ce projet de loi. Pour ce faire, il faudrait, bien entendu, que vous acceptiez un certain nombre de propositions qui seront faites par la Haute Assemblée.
Madame le ministre, vous pouvez ouvrir ce dispositif au secteur privé soit en prévoyant des exonérations de charges, soit, tout simplement, en ouvrant les aides prévues, sous certaines conditions, aux entreprises.
Dans votre réponse vous avez vilipendé les dogmes. Mais, vous aussi, vous avez tenu des propos dogmatiques. En effet, vous avez parlé du libéralisme dans des termes peu favorables.
Pour illustrer votre absence d'esprit dogmatique, il vous reste donc à ouvrir un peu le dispositif au secteur marchand, quitte à y apporter certaines garanties !
C'est dans cet esprit qu'un certain nombre d'entre nous allons défendre des amendements. J'espère vivement qu'en les acceptant vous pourrez permettre aux jeunes qui sont soucieux de ne pas entrer dans un dispositif qu'ils considèrent comme provisoire, comme une sorte de voie de garage sécuritaire - , certains nous ont dit qu'il vaut mieux rechercher un emploi en touchant le SMIC plutôt qu'en étant chômeur - d'aboutir, après la période de cinq ans, à une solution sérieuse.
Je voudrais également attirer votre attention sur la formation. De nombreux jeunes craignent, notamment au travers des recrutements du ministère de l'éducation nationale, du ministère de la justice et du ministère de l'intérieur, qu'une grande partie de ces emplois ne soit réservé aux jeunes diplômés. Serait-il possible, au nom de l'équité, madame le ministre, d'inscrire expréssement dans le projet de loi, le pourcentage étant fixé par décret, qu'une part de ces aides sera consacrée aux emplois destinés aux jeunes sans qualifications ?
Enfin, permettez-moi, madame le ministre, de vous adresser des félicitations : avec ce projet de loi, vous avez été, vous et votre Gouvernement, particulièrement bons sur le plan de la communication. Sans doute ce projet de loi vous a-t-il permis de gagner les dernières élections législatives ! Sans doute ce projet de loi vous permet-il aussi de « surfer » actuellement avec des sondages tout à fait flatteurs. Mais l'enjeu est désormais double pour vous et pour la nation, tout comme il est très important pour la jeunesse. Nous serons donc, bien entendu, attentifs lors de la discussion des articles, et après. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je formulerai simplement quelques observations.
Nous sommes, les uns et les autres, très interpellés, sur le terrain, au sujet de la responsabilité des acteurs locaux et de leur capacité à offrir une chance à des jeunes.
Mais notre débat d'aujourd'hui ne doit pas en occulter un autre, qui relève également de vos compétences, celui qui porte sur les causes des mécanismes d'éviction qui font qu'en France l'évolution de l'emploi salarié est plus faible que dans les autres pays.
Tel est d'ailleurs tout l'intérêt de la Conférence nationale sur l'emploi, qui doit se dérouler sous l'autorité du Premier ministre.
Il est important de remplacer le traitement des conséquences pour conduire une véritable réflexion sur les causes.
Pour être bref - puisque les temps de parole sont limités - je me bornerai à constater que votre projet de loi peut être « la pire ou la meilleure des choses », une formidable illusion ou, au contraire, une leçon de pragmatisme. Un certain nombre de clés peuvent orienter vers la réussite ou vers l'échec.
La première d'entre elles - vous l'avez évoquée - c'est le climat de confiance entre les acteurs, l'Etat et les collectivités locales, lequel est fondé sur la stabilité des règles, en particulier financières. A ce titre, je vous rends hommage, car nos préoccupations ont été prises en compte dans le projet de loi de finances pour 1998, puisqu'il n'y aura pas d'augmentation de la CNRACL, notamment.
Mais nous devons réfléchir - j'ai cru comprendre, d'après vos propos, que vous le souhaitiez - à cette stabilité pendant les quatre prochaines années.
La deuxième clé tient à l'expérimentation dans un climat de confiance. M. le Président de la République en a formulé le souhait dans le département du Pas-de-Calais, comme peut en témoigner mon collègue, M. Roland Huguet.
Sur ce thème également, nous devons réfléchir. Si vous voulez vraiment faire preuve d'initiative ou faire confiance à l'initiative ou à la créativité des acteurs locaux, il ne faudra pas limiter, dans les décrets, le champ des solutions proposées, ce qui pose le problème de l'attitude des services de l'Etat.
En effet, si les collectivités locales s'engagent dans des voies nouvelles, certains blocages peuvent se produire au niveau des trésoriers-payeurs généraux et des chambres régionales des comptes, et nous risquons de nous heurter à de grandes difficultés. Essayons dans ces conditions de coordonner l'action des services de l'Etat et celle des acteurs des expérimentations. Envisageons un statut pour les entreprises à but social, des dispositifs de création d'entreprises... Ainsi, certains projets pourraient être accompagnés alors qu'à l'évidence ils sortent des sentiers battus.
Une autre clé de la réussite ou de l'échec - nous en avons souvent débattu ensemble - tient à la qualité des acteurs qui encadreront ces projets. Il n'y a pas autour des élus locaux d'ingénierie sociale à la dimension de l'enjeu que vous proposez. Il est pourtant prévu un financement à 100 %.
Les universités vont donc sans doute se mobiliser pour qu'à côté des élus locaux il y ait des acteurs à la dimension de ces enjeux. Et c'est à juste titre que M. le rapporteur a réfléchi à la possibilité, pour les collectivités locales, de recourir à des cadres de quarante, quarante-cinq ou cinquante ans, qui sont parfois évincés alors qu'ils pourraient être de formidables moteurs dans l'encadrement de ces jeunes.
Il ne peut pas y avoir de création d'emplois sans esprit de création et sans une certaine expérience en la matière. Limiter un dispositif à la classe d'âge des vingt-six à trente ans est peut-être un bon moyen pour cibler celles et ceux qui sont animés par la volonté de participer à la création d'activité. Mais cela risque de conduire à se priver de l'esprit d'entreprise et des connaissances de personnes âgées de quarante à quarante-cinq ans, dont l'expérience limiterait les risques d'échec.
Cette capacité d'ingénierie et d'encadrement pourrait trouver une solution originale dans la mixité entre les secteurs marchand et public.
Prenons un seul exemple : si nous voulons nous lancer dans la restauration des édifices cultuels - ce qu'à l'évidence aucune collectivité locale ne peut faire en France - il serait particulièrement intelligent de mobiliser l'ingénierie d'un secteur traditionnel de l'artisanat ou du bâtiment qui définirait les travaux, encadrerait des jeunes et mettrait peut-être en place une formation en alternance, un apprentissage, afin que l'entreprise puisse soit intégrer les jeunes qu'elle a repérés comme étant dynamiques, soit délivrer un diplôme.
A l'évidence, vous nous conviez à ne pas être trop restrictifs a priori pour analyser les expérimentations sur le terrain et à avoir un Etat accompagnateur et non pas régulateur. C'est, me semble-t-il, un élément tout à fait intéressant, avec l'aspect « bilantiel », qui est aujourd'hui obligatoire pour tirer la restauration du droit à l'erreur.
Si nous partions avec l'illusion qu'aucune collectivité locale ne connaîtra l'échec, que toutes les expériences seront positives, nous engagerions les acteurs locaux dans une formidable erreur. En effet, nous mettrions systématiquement le doigt sur celles et ceux qui seraient en situation d'échec. Si nous voulons nous lancer dans le champ d'expérimentation, restaurons le droit à l'erreur !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Paul Delevoye. Je termine, monsieur le président.
En ce qui concerne tant les statistiques que l'affichage, intervient une perturbation, certes involontaire de votre part, madame le ministre. En effet, en lançant les 350 000 emplois-jeunes, vous indiquiez qu'ils devaient être pérennes dans l'activité marchande, alors que vos collègues d'autres ministères annonçaient un certain nombre d'emplois à caractère public.
M. Philippe Marini. C'est la graisse du mammouth !
M. Jean-Paul Delevoye. Il faut clairement dire qu'il convient de mettre à part les 80 000, 100 000 ou 150 000 emplois qui relèveront uniquement de l'Etat et laisser l'affichage sur ceux qui ont vocation à être des emplois pérennes.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. C'est ce que nous proposons !
M. Jean-Paul Delevoye. Je pense que la frontière doit être claire : responsabilité de l'Etat d'un côté, responsabilité des acteurs locaux de l'autre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - MM. Delfau et Peyronnet applaudissent également.)
(M. Jean Delaneau remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La parole est à M. Poncelet.
M. Christian Poncelet. Madame le ministre, votre projet de loi est certes, tout au moins dans l'intention, louable puisqu'il s'agit de lutter contre ce fléau social que constitue le chômage des jeunes, avec son cortège de désarroi, de détresse et de désespoir. Mais, faisant référence à l'une de vos expressions, s'il est déconseillé de tirer sur le père Noël, il n'est pas interdit, tout au moins passé un certain âge, de cesser de faire semblant d'y croire !
A cet égard, madame le ministre, le volet public du plan destiné à créer 700 000 emplois pour les jeunes m'inspire deux craintes, mais le temps qui m'est imparti pour m'exprimer sur l'article 1er ne me permettra de vous exposer que la première des deux. Je me réserve donc le droit de vous faire part de la seconde lorsque je présenterai l'amendement n° 42.
La première crainte que m'inspire votre dispositif, madame le ministre, se nourrit, c'est vrai, de mon expérience d'élu local qui a trop vu et vécu d'entorses au principe de la parole donnée et de ruptures de contrat dans les relations financières que l'Etat entretient avec les collectivités locales.
On nous dit, madame le ministre, que l'aide forfaitaire de l'Etat s'élèvera, par emploi-jeune, à 80 % du salaire sur la base du SMIC et des charges sociales. C'est vrai. Mais ce pourcentage, qui n'est inscrit nulle part dans le projet de loi soumis à notre appréciation, sera fixé par un décret qui échappe bien sûr à l'appréciation du Parlement.
Que se passera-t-il, madame le ministre - et je fais référence à des expériences passées, vécues sous tous les gouvernements précédents - si, en cours d'exécution du contrat, le Gouvernement modifie le décret pour réduire la participation de l'Etat ?
M. Alain Gournac. J'ai déposé un amendement sur ce point.
M. Christian Poncelet. Je vous en remercie. (Sourires.)
Cette réduction de la participation de l'Etat entraînera automatiquement l'augmentation de la charge financière laissée à la collectivité territoriale. De 80 %, on passera à 70 %, la charge de la collectivité territoriale s'élevant alors à 30 %, puis on passera à 60 %, ce qui mettra la charge de la collectivité territoriale à 40 % !
Cette réduction unilatérale du concours de l'Etat équivaut, à mes yeux, à une rupture unilatérale du contrat de travail en cours. En l'absence de dispositions législatives - j'appelle l'attention des responsables locaux sur ce point - c'est la collectivité locale qui ne pourra pas supporter la charge financière supplémentaire et qui aura signé, et elle seule, le contrat avec le jeune qui sera conduite à licencier ce jeune, avec les conséquences qui s'ensuivent. C'est bien sûr nous, les élus locaux, qui auront alors la responsabilité du licenciement et, demain, les présidents de conseil régional, les présidents de conseil général, les maires seront interpellés, voire conspués, par ceux et celles qui auront été victimes de ce licenciement, oubliant que l'Etat aura fait défaut à son contrat.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, madame le ministre, une réponse précise à cet égard, et je remercie mon collègue d'avoir déposé un amendement sur ce point, amendement que je voterai bien sûr. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, chaque époque de crise a suscité des initiatives de la puissance publique pour en contrôler les effets. De la création des services publics en France aux grands travaux du New Deal aux Etats-Unis, la liste des interventions est longue et les modalités en sont variées en près de deux siècles.
Le plan que vous nous présentez s'inscrit dans cette perspective. Il s'agit de faire émerger les nouvelles activités de notre société de services, puis de les stabiliser et de les pérenniser. Pour cette raison déjà, ce projet de loi est digne d'intérêt. De même sont dépassées les critiques abruptes de certains de nos collègues de la majorité sénatoriale. L'ambition de votre démarche honore le Gouvernement.
Votre texte s'adresse aux jeunes Français, qui représentent une génération en passe d'être sacrifiée. Il leur offre un emploi à temps plein pour cinq ans et salarié au moins au SMIC. Ce sont là trois caractéristiques qui rompent nettement avec les formes de traitement social du chômage que sont les CES, succédant aux TUC, et les modalités d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMI.
Voilà autant de raisons de soutenir votre projet de loi.
Affirmer d'emblée cet accord et annoncer qu'il se traduira dans le vote que nous émettrons, en fonction, bien sûr, du texte tel qu'il ressortira de la discussion, n'empêche pas de pointer ici et là quelques questions, voire d'exprimer un regret.
Ma première remarque concerne la mise en place locale de ce programme. Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre, et j'ai noté votre souci d'associer les acteurs de terrain - élus locaux, partenaires sociaux, militants associatifs, etc. - au recensement des besoins et à l'élaboration des projets. Nous savons pourtant, par expérience, combien l'équilibre est difficile à trouver entre la prise de responsabilité au niveau local et le mode de décision d'un fonctionnaire de la direction départementale du travail émettant un avis qu'entérinera à peu près systématiquement le préfet.
Nous proposerons donc tout à l'heure la création d'un groupe de pilotage local afin d'inscrire les projets dans les bassins d'emploi et d'éviter les dérives, grâce à une sorte d'autorégulation collective.
Ma deuxième remarque sera pour regretter que l'on ne saisisse pas l'occasion de cette intervention massive de l'Etat pour faire un nouveau pas dans la péréquation des ressources entre les collectivités. Je sais que telle était votre intention initiale, madame la ministre, mais vous y avez renoncé, avez-vous dit, parce que les différentes associations de maires s'y seraient montrées hostiles.
Menant depuis longtemps cette bataille pour une meilleure répartition des ressources sur le territoire national, je connais les résistances - et elles n'émanent pas seulement de la droite - que cette idée suscite chez nos collègues.
Dans mon département, madame la ministre, la très grande majorité des maires serait favorable à une telle politique. Ils reflètent là, sans aucun doute, la sensibilité des élus de base un peu partout en France. Je m'étais engagé auprès d'eux à exprimer leurs préoccupations dans cette enceinte.
La règle pourrait être la suivante : l'Etat financerait ces emplois-jeunes de façon inversement proportionnelle au potentiel fiscal des communes et même des départements. Ainsi, tout jeune aurait la même chance d'accéder à un emploi, quelle que soit la richesse de sa commune ou de son département, même s'il habite en milieu rural ou dans une ville frappée par la désindustrialisation.
Ne pas retenir aujourd'hui cette orientation n'exclut pas, j'imagine, que le Gouvernement s'engage dans cette voie à une autre occasion, C'est pourquoi j'ai voulu prendre date. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame le ministre, j'examinerai ce texte sans a priori.
Deux réalités s'imposent à nous : le nombre de jeunes en détresse qui ne trouvent pas d'emploi ; la demande de chaque citoyen concernant les services qu'il peut attendre légitimement d'une société moderne dans les domaines social, associatif ou éducatif.
Il est donc intéressant de combler ce vide tout en réinsérant un maximum d'inactifs, et on pourrait envisager que cela concerne d'autres acteurs que les jeunes.
Une autre réalité s'impose à nous : les risques que fait courir ce texte au monde du travail par l'accroissement inévitable des charges des entreprises à travers l'augmentation de la fiscalité locale au bout de cinq ans car, bien entendu, c'est commme cela que tout se terminera. Or les collectivités locales n'auront pas votre facilité de redéploiement ; elles n'ont pas la masse critique.
Par conséquent, nous aurons un risque d'accroître le chômage par manque de compétitivité des entreprises. Quand une collectivité locale prélève l'impôt, sur un franc, en général cinquante centimes proviennent de la taxe professionnelle. Le risque existera donc de terribles désillusions au terme des cinq années pour les jeunes qui se trouveront sans emploi, à trente ans cette fois au lieu de vingt-cinq, et dont l'expérience et le parcours n'auront servi à rien pour trouver un travail dans le secteur concurrentiel.
Madame le ministre, votre texte traduit un effort réel pour résoudre un problème réel. Il sera efficace s'il redonne un espoir aux jeunes et leur permet d'intégrer le secteur privé. Pour cela, il ne doit pas les installer dans une fausse sécurité. C'est le sens de l'amendement que je vous proposerai tout à l'heure, amendement qui conditionnera mon vote sur ce texte.
Par ailleurs, en complément des propos de M. Poncelet, je souhaite que vous nous précisiez le régime exact des contrats de droit privé. En l'état actuel des choses, une collectivité locale qui emploie quelqu'un pendant six mois sous cette forme doit, si elle met fin au contrat, une indemnité de 31 000 francs. Cette indemnité s'élève à 66 000 francs pour une durée de travail de un an et à 133 000 francs pour un contrat de deux ans à cinq ans. Si, au terme de ces cinq ans, la collectivité n'a pas la possibilité de se substituer complètement à l'Etat, elle devra, dans l'état actuel du droit, 133 000 francs. Pouvez-vous me dire ce qu'il en est exactement ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir eu la gentillesse de me remplacer au fauteuil de la présidence afin que je puisse intervenir dans ce débat.
Madame le ministre, je voudrais porter à votre crédit l'intention qui est la vôtre. Mais je suis étonné de constater que, à un moment où la relance de notre économie constitue une nécessité majeure pour notre pays, vous décidiez, s'agissant des deux catégories de jeunes que vous visez, de faire passer en premier ceux que vous appelez à des emplois qui, nous dites-vous, seront solvabilisés plus tard. La liste qui court ne me semble pas toujours correspondre à des emplois que notre population acceptera de financer.
Je crains que l'on n'en reste encore longtemps à des emplois relevant du secteur public, même si les contrats sont de droit privé, encore que, sur ce point-là, les juristes aient de quoi faire travailler leurs méninges, dépenser leur salive et probablement leur encre !
Je dois dire que cette affaire complique un peu mon sentiment. En effet, sur les 600 000 jeunes qui sont actuellement au chômage, certains ont déjà une qualification, d'autres n'en ont pas. Ce qui leur est offert tout de suite, ce sont des emplois publics ou semi-publics pour lesquels tout naturellement les « offreurs » d'heures d'emploi trieront les meilleurs.
Cela revient à dire qu'on va écrémer cette population, et que les meilleurs n'iront donc pas vers les entreprises. Là où ils iront, ils y entreront à vingt-cinq ans pour en sortir à trente ans. Mais, comme un jeune de seize ans est capable d'apprendre un certain nombre de choses qu'il n'apprend plus à vingt et un ans parce que son esprit a changé, ces jeunes seront dans une situation telle que les entreprises ne prendront plus alors ceux qu'elles n'avaient d'ailleurs pas trouvés au moment où elles en avaient besoin ! De ce côté-là, il y a donc une erreur dans les priorités qui me rend très circonspect sur le dispositif que vous nous proposez.
Je partage le souci de M. Delevoye de voir s'instaurer un partage entre ce qui ressortit à l'Etat et ce qui n'en ressortit pas. Cela m'amène à m'interroger à propos du ministère de l'éducation nationale. Il garde tous ses contrats emploi-solidarité plus tous les maîtres auxiliaires, même ceux qui ont travaillé deux heures il y a deux ans et qui se retrouvent avec un emploi à temps complet sans poste ; il y rajoute encore 40 000 emplois publics...
M. René Régnault. Il pousse à fond la caricature !
M. Paul Girod. Ce n'est pas de la caricature, c'est la réalité.
M. Jean-Paul Hugot. C'est le mammouth !
M. Paul Girod. Dans le même temps, un certain nombre de ministères commencent à s'affoler parce que le contingent va disparaître. Ces perturbations m'angoissent.
Ainsi, dans mon département - j'ai l'impression que le phénomène est général - la gestion des CES commence à être fortement influencée par la mise en place du nouveau dispositif. Les sommes destinées à ces emplois ont subi une limitation, et un certain nombre de chantiers-écoles sont remis en cause en raison de l'arrivée théorique, à terme relativement court, des emplois-jeunes.
Par conséquent, je crains que le premier effet de ce plan ne soit de perturber ce qui marchait à peu près pour éventuellement mettre en place des dispositifs dont on ne sait pas comment ils fonctionneront.
Je crois, madame le ministre, qu'il y a lieu de s'arrêter avec beaucoup d'attention sur ces perturbations qui commencent à se dessiner ici ou là.
Enfin, vous avez indirectement fait appel aux collectivités territoriales, en particulier aux plus grandes, départements et régions, pour qu'elles financent, en plus de leur propre action, en complément du financement qu'elles assurent auprès d'associations ou de communes plus petites, une partie des 20 % qui seront demandés à celles-ci.
J'attire votre attention sur l'imprudence qu'il y aurait pour les collectivités locales à s'engager dans une diminution des 20 %, qui constituent en quelque sorte le ticket modérateur du système, en particulier pour le milieu associatif, lequel fait preuve d'une imagination d'autant plus débordante que sa responsabilité est moins grande que celle des élus locaux, qui, eux, ont à voter l'impôt. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)

7

NOMINATION DE MEMBRES DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et du Plan et que le groupe de l'Union centriste a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
M. Michel Barnier, membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, démissionnaire de son mandat sénatorial ;
M. Jean Arthuis, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Guy Robert, démissionnaire de son mandat sénatorial.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et une heure trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

EMPLOI DES JEUNES

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 423, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. [Rapport n° 433 (1996-1997)].
Dans la discussion des articles, nous avons abordé l'examen de l'article 1er, dont je rappelle les termes.

Article 1er (suite)

M. le président. « Art. 1er. _ Sont insérés à la section 1 du chapitre II du titre II du livre III du code du travail les articles L. 322-4-18, L. 322-4-19 et L. 322-4-20 ainsi rédigés :
« Art. L. 322-4-18 . _ Afin de promouvoir le développement d'activités créatrices d'emplois pour les jeunes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits, et présentant un caractère d'utilité sociale notamment dans les domaines des activités sportives, culturelles, éducatives, d'environnement et de proximité, l'Etat peut conclure avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public des conventions pluriannuelles prévoyant l'attribution d'aides pour la mise en oeuvre de projets d'activités répondant aux exigences d'un cahier des charges établi en concertation avec les partenaires locaux qui doit comporter notamment les exigences requises quant à la pérennisation des activités et aux dispositions à prévoir pour assurer la professionnalisation des emplois.
« Ces conventions peuvent être également conclues avec des groupements constitués sous la forme d'associations déclarées de la loi du 1er juillet 1901, ou régies par le code civil local pour les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, de personnes morales visées au premier alinéa.
« Ces conventions ne peuvent s'appliquer aux services rendus aux personnes physiques à leur domicile, mentionnés à l'article L. 129-1. Toutefois elles peuvent s'appliquer aux activités favorisant le développement et l'animation de services aux personnes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits.
« Lorsqu'elles sont conclues avec une personne morale de droit public, elles ne peuvent s'appliquer qu'à des activités non assurées jusqu'alors par celle-ci. Les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent conclure ces conventions pour les emplois autres que ceux relevant de leurs compétences traditionnelles.
« Les projets de développement d'activités présentés par les personnes morales de droit privé à but lucratif chargées de la gestion d'un service public ne peuvent faire l'objet d'une convention, sauf si les activités proposées ne sont pas assurées à la date de la demande et entrent dans le cadre de la mission de service public qui leur a été confiée.
« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 432-4-1, les institutions représentatives du personnel, lorsqu'elles existent, et les comités techniques paritaires sont informés des conventions conclues en application du présent article ainsi que des conventions conclues conformément à l'article L. 322-4-8-1 et saisis annuellement d'un rapport sur leur exécution.
« Le contenu et la durée des conventions, les conditions dans lesquelles leur exécution est suivie et contrôlée ainsi que les modalités de dénonciation de la convention en cas de non-respect de celle-ci sont déterminés par décret.
« Les conventions comportent des dispositions relatives aux objectifs de qualification, aux conditions de la formation professionnelle et, selon les besoins, aux modalités du tutorat. Les régions dans le cadre de leurs compétences ainsi que, le cas échéant, d'autres personnes morales peuvent participer à l'effort de formation.
« Art. L. 322-4-19 . _ Les aides attribuées par l'Etat en application des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 ont pour objet de permettre l'accès à l'emploi de jeunes âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans lors de leur embauche, y compris ceux qui sont titulaires d'un des contrats de travail visés aux articles L. 322-4-7 et L. 322-4-8-1, ou de personnes de moins de trente ans qui ne remplissent pas la condition d'activité antérieure ouvrant droit au bénéfice de l'allocation prévue à l'article L. 351-3. Cette condition d'activité est appréciée à compter de la fin de la scolarité et à l'exclusion des périodes de travail accomplies en exécution des contrats de travail visés aux articles L. 115-1, L. 322-4-7, au deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-8-1 et aux articles L. 981-1, L. 981-6, L. 981-7 ou conclus avec un employeur relevant des dispositions de l'article L. 322-4-16.
« Pour chaque poste de travail créé en vertu d'une telle convention et occupé par une personne répondant aux conditions prévues à l'alinéa précédent, l'Etat verse à l'organisme employeur une aide forfaitaire dont le montant et la durée sont fixés par décret. Cependant, l'organisme employeur peut verser une rémunération supérieure. Ces dispositions sont prévues dans la convention. L'Etat peut prendre en charge tout ou partie des coûts d'étude des projets mentionnés à l'article L. 322-4-18.
« Ces aides ne donnent lieu à aucune charge fiscale ou parafiscale.
« Elles ne peuvent se cumuler, pour un même poste de travail, avec une autre aide de l'Etat à l'emploi, avec une exonération totale ou partielle des cotisations patronales de sécurité sociale ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations de sécurité sociale.
« Elles ne peuvent être accordées lorsque l'embauche est en rapport avec la fin du contrat de travail d'un salarié, quel qu'en soit le motif.
« Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise les conditions d'attribution et de versement des aides de l'Etat.
« L'employeur peut recevoir, pour la part de financement restant à sa charge, des cofinancements provenant notamment des collectivités territoriales, des établissements publics locaux ou territoriaux ainsi que de toute autre personne morale de droit public ou de droit privé.
« Art. L. 322-4-20 . _ I. _ Les contrats de travail conclus en vertu des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 sont des contrats de droit privé établis par écrit. Ils sont conclus pour la durée légale du travail ou pour la durée collective inférieure applicable à l'organisme employeur. Ils peuvent être conclus à temps partiel sur dérogation accordée par le représentant de l'Etat signataire de la convention, lorsque la nature de l'emploi ou le volume de l'activité ne permettent pas l'emploi d'un salarié à temps plein, sous condition de durée minimale égale au mi-temps. Ils doivent figurer dans les grilles de classification des conventions collectives nationales, de la fonction publique ou accords d'entreprises lorsqu'ils existent.
« Ils peuvent être à durée indéterminée ou à durée déterminée en application du 1° de l'article L. 122-2. Toutefois les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public, à l'exclusion des établissements publics à caractère industriel et commercial, ne peuvent conclure que des contrats à durée déterminée.
« Les contrats mentionnés au présent article ne peuvent être conclus par les services de l'Etat.
« II. _ Les contrats de travail à durée déterminée mentionnés au I sont conclus pour une durée de soixante mois.
« Ils comportent une période d'essai d'un mois renouvelable une fois.
« Sans préjudice de l'application du premier alinéa de l'article L. 122-3-8, ils peuvent être rompus à l'expiration de chacune des périodes annuelles de leur exécution, à l'initiative du salarié moyennant le respect d'un préavis de deux semaines, ou de l'employeur s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse.
« Dans ce dernier cas, les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-14 sont applicables. En outre, l'employeur qui décide de rompre le contrat du salarié pour une cause réelle et sérieuse doit notifier cette rupture par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée au salarié moins d'un jour franc après la date fixée pour l'entretien préalable prévu à l'article L. 122-14. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du délai-congé prévu par l'article L. 122-6.
« Le salarié dont le contrat est rompu par son employeur dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent II bénéficie d'une indemnité calculée sur la base de la rémunération perçue. Le montant retenu pour le calcul de cette indemnité ne saurait cependant excéder celui qui aura été perçu par le salarié au titre des dix-huit derniers mois d'exécution de son contrat de travail. Son taux est identique à celui prévu au deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4.
« En cas de rupture avant terme d'un contrat à durée déterminée conclu en vertu des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18, les employeurs peuvent conclure, pour le même poste, un nouveau contrat à durée déterminée dont la durée sera égale à la durée de versement de l'aide de l'Etat restant à courir pour le poste considéré. Les dispositions des alinéas précédents s'appliquent à ce nouveau contrat.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 122-3-8, la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la rupture du contrat de travail prévues aux troisième et quatrième alinéas du présent II ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi. Il en est de même lorsque la rupture du contrat intervient suite au non-respect de la convention ayant entraîné sa dénonciation.
« III. _ A l'initiative du salarié, les contrats mentionnés au I peuvent être suspendus avec l'accord de l'employeur afin de lui permettre d'effectuer la période d'essai afférente à une offre d'emploi. En cas d'embauche à l'issue de cette période d'essai, les contrats précités sont rompus sans préavis. »
Par amendement n° 30, MM. Carle, Plasait, Poirieux et Serge Mathieu proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Nous avons beaucoup réfléchi avant de déposer cet amendement, conscients de son importance, j'ose même dire de sa gravité.
Je l'ai dit ce matin, je ne souhaite pas rejeter ce texte simplement parce que je suis dans l'opposition car, dans le domaine de l'emploi, je le répète, nous ne nous sommes guère montrés meilleurs ; peut-être même, en matière d'information et de communication, avons-nous été moins bons.
Cela étant, je suis convaincu, madame le ministre, que votre texte ne va pas dans la bonne direction. Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai déjà développés. Je rappellerai simplement que ce projet de loi va augmenter le poids du secteur public - le président Fourcade l'a bien indiqué ce matin - qui est le handicap numéro un de notre pays, qu'il ne réduit pas la fracture sociale - je crois qu'il va au contraire l'aggraver - et que, s'il apporte des réponses dans le domaine de l'urgence, il ne résout rien à long terme.
Surtout, le texte que vous nous présentez va instituer ce que j'appelais ce matin le « tiers secteur », véritable nébuleuse située entre le secteur public et le secteur marchand, un tiers secteur sur la réalité duquel je m'interroge. En revanche, ce dont je suis convaincu, c'est que ce sont les collectivités locales qui devront en supporter le poids.
Madame le ministre, je vous ai proposé ce matin un certain nombre d'orientations : inverser la priorité en commençant par là où se trouvent les emplois, c'est-à-dire le secteur privé ; agir sur le long terme, notamment par une réforme des systèmes éducatifs et une réforme des charges - charges fiscales, sociales et juridiques - qui, aujourd'hui, pèsent très lourdement sur les entreprises, en particulier sur les PME ; enfin, confier l'ingénierie aux collectivités locales, singulièrement aux régions.
Malheureusement, sur ces différents points, je n'ai pas obtenu de réponse de votre part, madame le ministre.
Quoi qu'il en soit, je continue à penser que nous nous engageons, comme l'a dit le Président de la République, dans une voie fallacieuse.
Cependant, M. le président de la commission et M. le rapporteur nous ont soumis plusieurs propositions, qui, tout en s'inscrivant, si j'ose dire, dans la même philosophie, apportent un certain nombre de correctifs. La discussion de ces propositions me paraît intéressante. C'est la raison pour laquelle, et par respect pour notre débat parlementaire, je retire mon amendement, en indiquant que je prendrai position à la fin de ce débat.
M. le président. L'amendement n° 30 est retiré.
M. Ivan Renar. Nous voilà sevrés d'un scrutin public ! (Sourires.)
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi d'un très grand nombre d'amendements.

ARTICLE L. 322-4-18 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, je suis tout d'abord saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de remplacer les deux premiers alinéas du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail par les dispositions suivantes :
« Afin de promouvoir le développement d'activités créatrices d'emplois pour les jeunes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits, et présentant un caractère d'intérêt général, notamment dans les domaines du logement des activités sportives, culturelles, éducatives, d'environnement et de proximité, l'Etat peut conclure des conventions pluriannuelles avec :
« - les personnes morales de droit public, dont les collectivités territoriales et leurs établissements publics,
« - les organismes de droit privé à but non lucratif,
« - les personnes morales chargées de la gestion d'un service public,
« - les sociétés d'économie mixte locales visées à l'article 1er de la loi du 7 juillet 1983,
« - les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation,
« - des groupements de personnes mentionnées ci-dessus constitués, le cas échéant, avec toutes personnes morales de droit privé, sous la forme d'associations déclarées de la loi du 1er juillet 1901, ou régies par le code civil local pour les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
« Ces conventions prévoient l'attribution d'aides pour la mise en oeuvre de projets d'activités répondant aux exigences d'un cahier des charges fixées par décret après consultation du Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi mentionné à l'article L. 910-1. »
Cet amendement est assorti de treize sous-amendements.
Le sous-amendement n° 95, déposé par M. Gournac et les membres du groupe du RPR, tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, à remplacer le mot : « émergents », par le mot : « nouveaux ».
Le sous-amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Carle, Plasait, Poirieux et Serge Mathieu vise, au premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 322-4-18 du code du travail, après les mots : « des besoins émergents ou non satisfaits », à insérer les mots : « ou favorisant le soutien à la vie associative ».
Le sous-amendement n° 68, déposé par Mme Dusseau, a pour objet, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail, de remplacer les mots : « d'intérêt général », par les mots : « d'utilité sociale ».
Le sous-amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Cabanel, Joly, Rausch et Bimbenet, vise, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, après les mots : « dans les domaines », à insérer les mots : « de la formation aux nouvelles technologies et de leurs applications, ».
Le sous-amendement n° 96, déposé par MM. Jourdain, Gournac et les membres du groupe du RPR, tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, après les mots : « dans les domaines », à insérer les mots : « de l'économie ».
Le sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Lauret et Mme Michaux-Chevry, a pour objet, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article L. 322-4-18, après le mot : « éducatives, », d'insérer les mots : « humanitaires et de coopération, ».
Les quatre sous-amendements suivants sont déposés par M. Gournac et les membres du groupe du RPR.
Le sous-amendement n° 97 vise, au début du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, à supprimer les mots : « les personnes morales de droit public, dont ».
Le sous-amendement n° 98 tend :
A. - Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, à insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« les établissements publics industriels et commerciaux »
B. - A compléter le texte de l'amendement n° 1 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Compléter le texte de cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de la possibilité pour l'Etat de conclure des conventions pluriannuelles avec les établissements publics industriels et commerciaux est compensé à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
C. - En conséquence, à faire précéder le début de l'amendement n° 1, de la mention : « I »
Le sous-amendement n° 152 a pour objet :
A. - Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 d'insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« - les organismes consulaires »
B. - De compléter le texte de l'amendement n° 1 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Compléter le texte de cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de la possibilité pour l'Etat de conclure des conventions pluriannuelles avec les organismes consulaires est compensé à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de l'amendement n° 1 de la mention : « I ».
Le sous-amendement n° 99 vise à compléter le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 par les mots suivants : « sauf ceux qui sont financés directement ou indirectement à plus de 95 % de leur budget par l'Etat ». Le sous-amendement n° 69, présenté par Mme Dusseau, tend à supprimer les cinquième et sixième alinéas du texte proposé par l'amendement n° 1 pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail.
Le sous-amendement n° 89, déposé par Mme Olin, a pour objet :
A. - Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, d'insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« - les copropriétés, »
B. - De compléter l'amendement n° 1 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de la possibilité de conclure des conventions avec les copropriétés est compensée à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de l'amendement n° 1 de la mention : « I ».
Enfin, le sous-amendement n° 75, présenté par M. Joyandet, vise :
I. - Après le septième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes morales de droit privé à but lucratif employant moins de 50 salariés. »
II. - A compléter in fine le texte de l'amendement n° 1 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'accroissement des charges résultant pour l'Etat de l'extension aux personnes morales de droit privé à but lucratif employant moins de 50 salariés de la possibilité de conclure avec l'Etat des conventions pluriannuelles est compensé à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
III. - En conséquence, à faire précéder le début du texte proposé par l'amendement n° 1 de la mention : « I ».
Par amendement n° 23, M. Jean-Louis Lorrain propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, après les mots : « et les personnes morales chargées de la gestion du service public », d'insérer les mots : « autrement que par un contrat dont la passation est soumise à des règles de mise en concurrence, ».
Par amendement n° 60, Mme Dieulangard, MM. Delfau, Huguet, Mazars, Roujas et Lise, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, les dispositions suivantes :
« Les préfets, dans chaque département, doivent s'assurer de la mise en place de comités locaux de pilotage en vue :
« - d'organiser l'information et la mobilisation des employeurs potentiels et participer à la prospection en vue de l'élaboration de nouveaux projets,
« - d'émettre un avis sur les projets d'activités proposés,
« - de participer à l'émergence de nouveaux projets et assurer le cas échéant une assistance au montage par une fonction d'ingénierie,
« - de faciliter la pérennisation des emplois créés et l'insertion professionnelle durable des jeunes,
« - d'assurer une mission de vigilance concernant les objectifs exprimés dans les conventions.
« Les comités locaux de pilotage comprennent :
« - des représentants des collectivités territoriales concernées,
« - le représentant de l'Etat dans le département,
« - des représentants des organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeurs,
« - des représentants des organismes consulaires,
« - des représentants de l'ANPE, des missions locales et des PAIO, des comités de bassins d'emplois et de tous autres organismes intervenant en faveur de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes sur le territoire concerné. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1. M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à clarifier et à préciser la liste des employeurs susceptibles de bénéficier du dispositif emploi-jeunes : les sociétés d'économie mixte et les organismes d'HLM, qu'ils soient publics ou privés, sont donc expressément mentionnés.
Il est en outre spécifié que les entreprises privées peuvent se regrouper, dans le cadre d'associations, avec les autres employeurs énumérés à l'article L. 322-4-18 du code du travail.
Par ailleurs, les conventions devant répondre aux exigences d'un cahier des charges, cet amendement vise également à prévoir, d'une part, la fixation par décret de ce cahier des charges à l'échelon national et, d'autre part, une consultation de toutes les parties intéressées des secteurs publics et privés, à l'occasion de son élaboration au travers du Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
Ce conseil ayant pour fonction d'assister le Gouvernement dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique de la formation professionnelle et de l'emploi, il est normal qu'il intervienne ici.
La consultation des partenaires locaux se fera, conformément à ce que nous proposerons dans l'amendement n° 2, lors de l'élaboration de la convention elle-même.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 95.
M. Alain Gournac. Le mot « émergents » n'ayant aucune signification juridique, il semble préférable d'employer le terme « nouveaux ».
M. le président. La parole est à M. Carle, pour défendre le sous-amendement n° 31 rectifié.
M. Jean-Claude Carle. Ce sous-amendement vise à renforcer les effectifs de certaines associations qui, du fait de la disparition du service national, n'ont plus la possibilité de recourir soit aux objecteurs de conscience, soit à des personnes effectuant un « service national-ville ».
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre le sous-amendement n° 68.
Mme Joëlle Dusseau. Je propose de reprendre les termes initiaux du projet de loi en substituant, dans l'amendement n° 1, l'expression « d'utilité sociale » à celle « d'intérêt général ».
Ces derniers termes sont en effet extrêmement vagues.
L'expression est aujourd'hui employée dans le domaine judiciaire mais, chacun le comprend, les travaux « d'intérêt général » auxquels sont soumis certains auteurs de délits, s'ils peuvent être très utiles, ne correspondent en rien à des emplois nouveaux ou innovants.
Ces termes « d'intérêt général » me paraissent restrictifs par rapport à la portée du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour présenter le sous-amendement n° 144 rectifié.
M. Bernard Joly. Ce sous-amendement tend à créer des postes de travail dans le domaine des nouvelles technologies, qu'il s'agisse de leur formation ou de leurs applications.
Nous vivons en effet une révolution importante, qui s'accompagne notamment d'une mutation des structures et des emplois existants. Mais celle-ci se caractérise également par la création de nouvelles richesses, de nouveaux métiers, de nouveaux emplois.
Les pouvoirs publics doivent donner l'exemple, s'adapter, appeler à la croisade qui s'impose et accompagner les mutations de la société.
M. le président. La parole est à M. Jourdain, pour défendre le sous-amendement n° 96.
M. André Jourdain. Vous avez dit, madame le ministre, que ce projet était un projet économique. Or le mot « économie » ne figure nulle part. Je propose donc d'introduire cette notion parmi les domaines qui sont répertoriés dans cet article.
Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, je veux m'assurer que les associations qui travaillent avec les entreprises, qui assument des activités collectives pour certaines entreprises, puissent bénéficier de tels emplois.
Je pense aussi à des associations susceptibles d'aider des jeunes qui veulent soit créer des entreprises, soit reprendre par transmission des entreprises - et les besoins sont grands à cet égard - ainsi qu'à des associations qui souhaitent développer le multisalariat.
Je voudrais être sûr que de telles associations entrent dans le champ d'application de ce projet de loi.
Le meilleur moyen d'obtenir cette assurance me paraît de faire figurer le mot « économie » dans cet article.
M. le président. La parole est à M. Lauret, pour présenter le sous-amendement n° 52 rectifié.
M. Edmond Lauret. Les associations humanitaires rencontrent de graves difficultés techniques et financières pour effectuer leurs missions dans les pays en voie de développement. Il en est de même pour les collectivités publiques françaises impliquées dans des actions de coopération.
Leur permettre de renforcer leur présence à l'étranger améliorera sensiblement leur efficacité et, partant, renforcera la présence française dans ces pays. C'est ce que je propose par ce sous-amendement.
L'expérience acquise dans ces missions difficiles par de jeunes Français devrait leur pemettre d'occuper par la suite des postes de travail de façon pérenne, tant à l'étranger que sur notre sol.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter les sous-amendements n°s 97, 98, 152 et 99.
M. Alain Gournac. Dans la logique de notre commission des affaires sociales, le transfert vers le secteur privé des emplois-jeunes doit être l'objectif premier de ce projet de loi. Pour cette raison, nous proposons de ne pas ouvrir massivement le dispositif aux personnes morales de droit public et de les réserver à des personnes déerminées, notamment les collectivités territoriales et leurs établissements, ce qui est prévu dans le texte initial, les établissements publics industriels et commerciaux, les organismes consulaires, les associations, ainsi que toutes les personnes citées dans l'amendement de M. le rapporteur.
Seuls ces employeurs sont de nature à offrir un emploi qui soit professionnalisé, c'est-à-dire qui prépare à un métier susceptible d'être un jour « absorbé » par le secteur marchand et donc pérennisé.
Le sous-amendement n° 99 vise le même objectif que les sous-amendements précédents. Il serait très facile pour les services de l'Etat de créer des associations financées essentiellement par des fonds publics et qui embaucheraient au titre des emplois-jeunes. Ce sous-amendement vise donc à exclure ces associations du dispositif quand elles sont subventionnées à 95 %.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre le sous-amendement n° 69.
Mme Joëlle Dusseau. Ce sous-amendement tend à limiter l'extension des employeurs potentiels au titre des emplois-jeunes que propose la commission.
Celle-ci propose en effet d'inclure les sociétés d'économie mixte locales ainsi que les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation.
Cela me paraît de nature à susciter des dérives, notamment dans le second cas, car, parmi les organismes visés à l'article L. 411-2, on trouve une série d'offices d'HLM mais aussi des sociétés anonymes de crédit immobilier. Il faut donc se montrer vigilant.
On ne peut pas permettre à n'importe qui de devenir employeur selon les modalités que définit ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Olin, pour défendre le sous-amendement n° 89.
Mme Nelly Olin. De multiples espaces ouverts au public appartiennent à des copropriétés, qu'il s'agisse d'espaces à vocation commerciale dans le cadre de copropriétés intégrant des activités économiques ou d'espaces extérieurs de copropriétés intégrant ou non des activités économiques.
Ces espaces sont des lieux privilégiés d'émergence de besoins collectifs non satisfaits ou mal satisfaits à ce jour : par exemple, en matière d'entretien et d'amélioration du cadre de vie ou dans le domaine de la prévention des incivilités et de l'insécurité.
Ces espaces à usage public sont des pôles de vie qui jouent un rôle souvent essentiel en termes d'animation urbaine, légitimant une implication forte des pouvoirs publics pour préserver et améliorer leur bon fonctionnement.
Aussi est-il proposé d'ouvrir aux copropriétés l'accès aux divers dispositifs publics mis en place pour favoriser l'emploi des jeunes, notamment l'accès aux emplois de ville, dès lors que ceux-ci visent la satisfaction de besoins à caractère collectif sur des espaces ouverts au public.
M. le président. La parole est à M. Joyandet, pour présenter le sous-amendement n° 75.
M. Alain Joyandet. Le projet de loi prévoit la création d'emplois dans le secteur public ou assimilé. Or, par ce dispositif, il n'est possible de créer que des emplois précaires, car il est fort peu probable qu'ils puissent être insérés dans le secteur marchand à l'issue de soixante mois. C'est pourquoi il est proposé d'ouvrir ce dispositif aux entreprises qui, seules, sont créatrices d'emplois.
Je précise que ce sous-amendement fait partie d'un tout.
En effet, d'autres amendements prévoient un certain nombre de réserves complémentaires. Ainsi, les activités pour lesquelles l'aide de l'Etat sera accordée devront notamment correspondre à des besoins émergents et non satisfaits.
D'autres prévoient que les entreprises devront conclure des contrats à durée indéterminée avec les jeunes, et non plus des contrats à durée déterminée.
Certaines viseront enfin à proposer que l'aide de l'Etat aux entreprises privées à but lucratif soit dégressive.
En conclusion, il s'agit donc d'une façon de passer du secteur public au secteur privé, au moyen d'un dispositif ayant subi un certain nombre de modifications.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour présenter l'amendement n° 23.
M. Jean-Louis Lorrain. Les entreprises de droit public ont, de par le monopole ou le quasi-monopole dont elles jouissent, une capacité à tester les activités émergentes sans mettre en péril ni leur équilibre financier, ni la situation de leur personnel.
Si les entreprises de droit privé délégataires d'un service public, auxquelles on soumet un projet spécifique qui devra être débattu prochainement, se trouvent dès aujourd'hui dans l'obligation de créer des emplois à caractère public, par la volonté de l'autorité organisatrice par exemple, elles se trouveront en face d'une triple interrogation.
En effet, comment s'adapter dès maintenant aux projets d'organisation, d'aménagement et réduction du temps de travail ? Comment satisfaire aux exigences du second volet du dispositif légal, prévoyant la création de 350 000 emplois dans le secteur privé ? Enfin, comment poursuivre la politique de professionnalisation engagée avec les partenaires sociaux à travers les contrats d'alternance - notamment en matière d'apprentissage ou de qualification - destinés aux jeunes, pour laquelle elles ont déjà mobilisé des ressources importantes ?
Nous tentons d'y répondre pour cet amendement.
M. le président. la parole est à Mme Dieulangard, pour présenter l'amendement n° 60.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le texte de notre amendement est assez long, précis et explicite pour que je n'aie pas à ajouter d'autres explications.
Cependant, s'agissant des emplois d'initiative locale, dont je rappelle qu'ils doivent constituer l'essentiel - les trois quarts selon l'article 3 du projet de loi - des emplois créés, notre objectif est de permettre un pilotage du dispositif au plus près du terrain et du réel.
En tant qu'élus locaux, les sénateurs savent tous, par de multiples expériences, que telle est la condition de la réussite de la mise en oeuvre d'un dispositif, quel qu'il soit. L'échelon départemental, lieu d'intervention des préfets et des présidents de conseil général, est indispensable, mais il n'est pas suffisant dès lors que l'on passe à l'application pratique dans les villes, les communes rurales, les associations, etc.
Pour créer de véritables emplois-jeunes, il convient d'abord de mobiliser l'ensemble des partenaires locaux, à l'échelon de la commune, du bassin d'emploi ou de l'arrondissement, peu importe. Ces gens se connaissent et ont souvent déjà travaillé ensemble. Si ce n'est pas le cas - mais ce doit être devenu fort rare - alors les emplois-jeunes peuvent fournir l'occasion de mettre en place cette synergie, toujours fructueuse pour le maintien et la création d'emplois. Il reviendra aux partenaires locaux sinon de concevoir eux-mêmes des projets, au moins de soutenir leur élaboration et de prospecter pour en faire naître de nouveaux.
En effet, nous ne devons pas nourrir d'illusions : même pour répondre à des besoins émergents ou non satisfaits, les projets ne tomberont pas du ciel ; il faudra, ici ou là, les susciter et les soutenir. Mobiliser les élus, les représentants des salariés, les employeurs locaux et tous ceux qui travaillent au quotidien et dans la discrétion pour l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes est donc une nécessité en amont, mais aussi pendant le déroulement du processus, ainsi que pour faciliter la sortie des intéressés du dispositif.
Il nous reviendra en effet, en tant qu'élus, et ce que cet amendement soit adopté ou pas, de veiller au bon déroulement de l'opération. On nous demandera d'être vigilants pour éviter les dérives, particulièrement en ce qui concerne le secteur marchand, l'artisanat ou encore les entreprises d'insertion, qui craignent pour leur avenir.
Les emplois-jeunes d'initiative locale ne seront une réussite que s'ils sont d'emblée intégrés dans le tissu économique local et s'ils bénéficient du soutien actif, de la complicité, oserais-je dire, des partenaires concernés à un titre ou un autre.
Enfin, il est évident que la pérennisation de ces emplois et leur transfert, dans une proportion importante, vers le secteur marchand n'auront pas lieu sans le soutien de ces mêmes partenaires au terme des cinq ans du contrat, peut-être même avant, nous renverrons ces jeunes, après un « tour de piste », à la case départ. Cela n'est évidemment envisageable pour personne.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons au Sénat d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement présenté par la commission, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, s'il comprend bien la nature de l'ajout qui est proposé, il ne lui paraît pas souhaitable de le retenir, car la notion d'intérêt général relève plutôt du droit administratif et renvoie directement aux missions des différentes collectivités publiques, alors que nous souhaitons justement que les nouveaux emplois ne s'inscrivent pas dans les missions des collectivités publiques.
En outre, il ne nous paraît pas souhaitable d'étendre le champ d'application du dispositif dans la direction proposée par la commission. En effet, les sociétés d'économie mixte locales entrent déjà, lorsqu'elles sont chargées de la gestion d'un service public, dans le champ d'application de la loi. Lorsqu'elles ne le sont pas et qu'elles sont en fait des organismes à but lucratif, le Gouvernement ne souhaite pas les y inclure. Il en va de même pour les organismes anonymes de crédit immobilier ou gestionnaires et bailleurs sociaux à but lucratif.
Par ailleurs, le cahier des charges couvre en fait le contenu du dossier qui doit être déposé pour demander la création d'emplois-jeunes. Il ne nous semble pas souhaitable de réunir, pour l'examen d'un dossier purement formel, le Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 95, 31 rectifié, 68, 144 rectifié, 96, 52 rectifié, 97, 98, 152, 99, 69, 89 et 75, ainsi que sur les amendements n°s 23 et 60 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 95, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur un point de terminologie.
Il en va de même pour le sous-amendement n° 31 rectifié. La vie associative constitue un vivier d'activités émergentes, et la disposition proposée est intéressante.
Sur le sous-amendement n° 68, la commission a émis un avis défavorable, puisqu'il tend à rétablir une expression qu'elle a supprimée.
La commission a donné un avis favorable sur le sous-amendement n° 144 rectifié, qui vise effectivement un domaine phare en matière d'activités émergentes. Nous remercions ses auteurs.
Sur le sous-amendement n° 96, la commission a également émis un avis favorable. Elle a considéré en effet que le domaine économique - on peut ici penser aux organismes consulaires, par exemple - ne devait pas être exclu du dispositif.
Pour le sous-amendement n° 52 rectifié, la commission invoque la sagesse du Sénat. On ne peut sans doute pas exclure les activités visées, qui prennent une place de plus en plus importante au sein du mouvement associatif.
La commission a donné un avis défavorable sur le sous-amendement n° 97. Nous comprenons bien sa philosophie, qui tend à limiter les risques de dérive, mais il est contraire à la position de la commission, et il a l'inconvénient de supprimer la possibilité, pour nombre d'établissements publics administratifs - je pense ici, notamment, aux chambres consulaires, aux chambres de métiers, d'agriculture ou de commerce et d'industrie - de créer des emplois-jeunes. Je croyais même que notre collègue Alain Gournac le retirerait, mais tel n'a pas été le cas.
Sur le sous-amendement n° 98, la commission émet un avis défavorable, par coordination avec l'avis défavorable qu'elle a donné sur le sous-amendement n° 97.
Quant au sous-amendement n° 152, nous considérons qu'il est satisfait. Dans ces conditions, il ne devrait plus avoir d'objet.
S'agissant du sous-amendement n° 99, la commission a donné un avis favorable. La disposition proposée va en effet dans le sens d'une séparation nette entre les activités qui relèvent des attributions de l'Etat et celles qui ont vocation à être assurées par le secteur privé marchand.
Sur le sous-amendement n° 69, la commission a donné un avis défavorable. Je le regrette pour Mme Dusseau, mais ce sous-amendement a pour objet de supprimer la mention expresse des sociétés d'économie mixte et des organismes d'HLM, que nous avons souhaité voir figurer dans le texte.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 89 de Mme Olin, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat. Elle considère que l'exposé des motifs s'inscrit dans le droit-fil de ses propositions, mais que la rédaction, de par sa simplicité, est un peu trop largement ouverte.
La commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 75. En effet, ouvrant le dispositif aux entreprises privées, même de moins de cinquante salariés, ce sous-amendement se place en dehors du champ du projet de loi et anticipe sur le second volet du plan emploi-jeunes.
Quant à l'amendement n° 23, il a recueilli un avis défavorable. Nous comprenons le souci de M. Jean-Louis Lorrain d'éviter une concurrence déloyale, mais, en l'occurrence, la personne morale embauchera des jeunes après avoir été chargée de la gestion du service.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 60, la commission a émis un avis défavorable : la mesure proposée est redondante avec le dispositif présenté par la commission, qui confie ces rôles, dans la plupart des cas, au comité départemental de la formation professionnelle, le CODEF. En outre, si le Sénat accepte l'amendement n° 1 de la commission, l'amendement n° 60 ne devrait plus avoir d'objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 23 et 60, ainsi que sur les sous-amendements n°s 95, 31 rectifié, 68, 144 rectifié, 96, 52 rectifié, 97, 98, 152, 99, 69, 89 et 75 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sur l'amendement n° 23, le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur. Il n'y a aucune raison pour que les collectivités locales fassent pression sur les entreprises délégataires de services publics pour embaucher des jeunes, dans la mesure où celles-ci sont déjà détentrices de contrats de délégation de service public. Je ne vois donc pas l'intérêt de cet amendement, auquel le Gouvernement s'oppose.
En ce qui concerne l'amendement n° 60, je comprends très bien que ses auteurs souhaitent la mise en place de comités locaux de pilotage qui permettent de mobiliser les employeurs potentiels et d'émettre des avis sur les projets d'activités proposés. Cependant, il me semble qu'il convient de maintenir la souplesse du dispositif et de faire en sorte que ces comités puissent être créés sur l'initiative du préfet, comme nous le lui demanderons par des circulaires, sans qu'il y ait pour autant d'obligation légale. Des dispositifs sans doute différents seront mis en place département par département.
S'agissant des sous-amendements affectant l'amendement n° 1, j'en dirai simplement quelques mots, puisque le Gouvernement s'est opposé à ce dernier.
Concernant le sous-amendement n° 95, le Gouvernement préfère le mot : « émergent » au mot : « nouveau », qui est beaucoup trop restrictif. En effet, des besoins émergents peuvent ne pas être nouveaux mais ne pas être satisfaits, et il faut donc les prendre en compte dans le texte.
Quant au sous-amendement n° 31 rectifié, son objet nous semble beaucoup trop large, puisqu'il prévoit la possibilité de créer des emplois-jeunes dans l'ensemble des associations, sans qu'il s'agisse d'activités nouvelles.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 68, je suis d'accord sur le fond pour préférer les mots : « utilité sociale » à l'expression : « intérêt général ». Toutefois, le Gouvernement s'étant opposé à l'amendement n° 1, il ne peut que rejeter ce sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 144 rectifié, il me semble que le domaine de la formation aux nouvelles technologies et de leur application entre dans le thème « culture », qui est pris en compte dans le projet de loi, comme d'ailleurs dans l'amendement de la commission.
Le sous-amendement n° 96 vise quant à lui le domaine de l'économie. Il s'agit non pas, à proprement parler, d'un secteur d'activité, mais d'un domaine transversal. Les associations susceptibles de s'occuper de développement économique sont, en tout état de cause, des associations, et peuvent donc entrer dans le champ d'application du texte.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à ce sous-amendement.
Le Gouvernement ne souhaite pas davantage accepter le sous-amendement n° 52 rectifié, tendant à appliquer le dispositif emplois-jeunes aux associations humanitaires et de coopération, car il nous semble qu'il n'y a pas de solvabilisation possible, à terme, de ces emplois.
Le sous-amendement n° 97 est quelque peu en contradiction avec un autre sous-amendement, qui porte le numéro 152, déposé par M. Gournac, puisqu'il vise à écarter les établissements publics administratifs du champ d'application de la loi. Nous y sommes donc défavorables.
Aux termes du sous-amendement n° 98, les EPIC devraient figurer dans le champ d'application de la loi. Mais c'est déjà le cas, puisque celle-ci vise explicitement les personnes morales de droit public !
Le sous-amendement n° 152 tend à y intégrer les organismes consulaires, établissements publics administratifs déjà concernés par le champ d'application de la loi, mais que M. Gournac nous propose d'exclure dans le sous-amendement n° 97...
S'agissant du sous-amendement n° 99, il ne nous semble pas souhaitable d'exclure les associations qui sont financées largement par l'Etat.
Par ailleurs, si je suis d'accord avec le fond du sous-amendement n° 69, je ne puis l'accepter étant donné l'avis négatif que j'ai donné à l'amendement n° 1.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux sous-amendements n°s 89 et 75.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 95.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Mon explication de vote vaudra pour l'amendement n° 1 de la commission ainsi que pour l'ensemble des sous-amendements afférents, ce qui fera gagner du temps à la Haute Assemblée.
M. le président. Nous vous en remercions !
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen, vous n'en serez pas étonnés, votera contre l'amendement n° 1 et contre l'ensemble des sous-amendements qui s'y rapportent.
Nous ne nions pas que, comme l'affirme le rapport, à la suite du passage à l'Assemblée nationale, la lecture de l'article L. 322-4-18 du code du travail « révèle un certain désordre dans l'organisation de l'article ».
Mais il ne s'agit évidemment pas de cela avec l'amendement n° 1 ! Il s'agit, en fait, d'une partie de la complète réécriture du projet de loi à laquelle s'est livrée la commission des affaires sociales, et qui le dénature entièrement.
Nous reviendrons, au cours de la discussion, sur l'ensemble des amendements de la commission des affaires sociales, mais permettez-moi d'apporter un premier commentaire sur ceux-ci.
A l'opposé de la volonté de rompre avec la logique qui a été jusqu'à présent à l'oeuvre, je crois que le véritable « contre-texte » qui nous est proposé par la majorité du Sénat retombe dans cette logique qui a échoué - et qui a d'ailleurs été sanctionnée par le suffrage universel - avec la baisse du coût du travail par une subvention directe à l'emploi et par l'exonération des charges sociales.
Pour en revenir à l'amendement n° 1 et aux sous-amendements qui s'y rapportent, M. le rapporteur affirme qu'ils visent à clarifier et à préciser la liste des employeurs susceptibles de bénéficier du dispositif. Il indique, en particulier - c'est une innovation par rapport au projet de loi - que les entreprises privées pourraient se regrouper, dans le cadre d'associations, avec les autres employeurs énumérés à l'article pour créer des activités correspondant aux enjeux du projet de loi.
Cette évolution, lourde de menaces pour l'avenir, ne peut en aucun cas rencontrer notre accord.
Il en est de même, évidemment, des sous-amendements présentés par nos collègues du groupe du RPR, qui proposent, en excluant les employeurs publics, de vider de son contenu le projet de loi. Il aurait été plus cohérent de proposer la suppression de l'article 1er !
Mes chers collègues du RPR et de l'UDF, vous avez tout de même une étrange façon d'aimer les jeunes et les emplois-jeunes : vous me faites irrésistiblement penser à Jacques Prévert, dont chacun connaît l'impertinence et l'insolence - qui figurent parmi les valeurs de la démocratie - lorsqu'il disait à la femme aimée : « Tu dis que tu aimes les fleurs et tu leur coupes la queue. Alors, quand tu dis que tu m'aimes, j'ai un peu peur ! » (Rires.)
Aussi, lorsque je lis certains de vos amendements et sous-amendements, j'ai envie de vous dire : « N'avez-vous donc rien compris et rien appris ? » Cela étant dit, vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans ces conditions, nous vous demandions de rejeter à la fois l'amendement n° 1 et les sous-amendements qui y sont rattachés, à l'exception, s'ils sont maintenus, des sous-amendements n°s 68, 69, 60 et 61.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vais peut-être vous surprendre, mais jusqu'à un certain point je partage assez volontiers le propos que vient de tenir notre collègue M. Renar.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est très bien !
M. Jean Chérioux. Pas concernant Prévert ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. J'ai dit « jusqu'à un certain point », et je voudrais m'en expliquer, mes chers collègues.
Ce premier amendement est un test, ainsi naturellement que les sous-amendements qui l'accompagnent et dont nous allons discuter. Ce test concerne le déroulement de notre débat dans cette assemblée, car nous sommes nombreux, sur les travées de la majorité sénatoriale, à considérer, madame le ministre, que votre loi relève d'une mauvaise logique économique et comporte bon nombre de risques : risques d'illusion au détriment des jeunes, risques de confusion entre la fonction publique territoriale et le secteur privé, risques d'absence ou d'insuffisance de formation des jeunes, risques de concurrence par rapport au secteur privé. Pour nous, ces risques sont très réels et la version de ce texte telle qu'elle est issue des travaux de l'Assemblée nationale ne répond pas aux questions fondamentales que nous nous posons.
Cela étant, madame le ministre, le Sénat et sa commission des affaires sociales ont voulu adopter une attitude constructive - du moins sur les travées de la majorité (Protestations sur les travées socialistes) - et c'est pour cela que notre rapporteur et les groupes de la majorité proposent un certain nombre d'améliorations et de réponses aux questions de fond que nous nous posons.
J'étais un peu déçu, madame le ministre, qu'au premier amendement proposé par la commission vous opposiez un avis défavorable. En effet, la recherche dans laquelle nous nous efforçons de nous lancer avec vous illustre notre volonté d'être concrets, positifs et tournés vers l'avenir.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Heureusement que Mme Aubry ne vous suit pas !
M. Philippe Marini. Or nous avons l'impression que cette attitude positive - du moins est-ce ainsi que je le perçois, mais peut-être vais-je changer d'opinion au cours du débat - n'a pas été appréciée à sa juste valeur.
Naturellement, en ce qui me concerne, je voterai l'amendement n° 1 de la commission, de même que je suivrai un certain nombre de sous-amendements, tout particulièrement le sous-amendement n° 95. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Edmond Lauret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Madame le ministre, vous avez émis un avis défavorable à l'encontre de mon sous-amendement n° 52 rectifié.
Permettez-moi de vous lire une déclaration d'un des ministres du gouvernement actuel, publiée vendredi dernier dans la presse locale de la Réunion et portant sur l'objet même de notre discussion.
Ainsi s'exprime ce ministre : « En ce qui concerne la Réunion, il y a des gisements d'emplois qui ne sont pas exploités. J'ai parlé avec Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération, d'emplois dans le domaine de l'action de développement, tournés vers l'environnement régional, que ce soit à Madagascar ou ailleurs. Des emplois sur lesquels on peut mobiliser sûrement des associations et, à partir de là, mobiliser les crédits. Ce pourrait être une action exemplaire, pour laquelle le ministère de la coopération pourrait donner un coup de main. Charles Josselin a été très sensible à cette idée. »
Madame le ministre, vous connaissez la fameuse formule : « faire ce qu'on dit, dire ce qu'on fait » ; encore une fois, elle est violée !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 95, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 31 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 68.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Mes chers collègues, un certain nombre d'entre vous ont insisté sur le fait qu'il ne fallait en aucun cas mettre en place une fonction publique bis ou une fonction publique territoriale bis, et nous avons été nombreux à penser qu'il y avait peut-être là, effectivement, un risque sur lequel il nous fallait être vigilant.
En imposant dans le texte la notion d'intérêt général, c'est cela même que vous permettez en réalité. En effet, que font nos collectivités locales, au travers des emplois de la fonction publique nationale et territoriale, si ce n'est de l'intérêt général ? Donc, monsieur le rapporteur, en remplaçant l'expression « utilité sociale » par l'expression « intérêt général », vous êtes en train d'introduire la confusion que vous souhaitez - à juste titre, me semble-t-il - éviter.
Je vous demande donc de bien réfléchir à votre vote !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Comme l'a dit tout à l'heure notre collègue M. Marini, cette première batterie d'amendements est un test.
Je voudrais dire à M. Renar que nous n'avons pas dénaturé le texte : nous l'avons élargi. En d'autres termes, nous avons conservé l'objectif, mais nous l'avons étendu à un certain nombre d'autres activités pour trouver davantage de possibilités d'emplois et pour participer, madame la ministre, à la souplesse dont vous avez parlé cet après-midi.
Quant au problème de l'utilité sociale, notre pays a un passé, madame, et il ne faut pas que ces emplois nouveaux et non satisfaits soient ramenés à nos pratiques actuelles des centres communaux d'action sociale. Sinon, nous nous lancerions dans un système d'emplois gratuits qui ne pourraient jamais être solvabilisés.
M. Alain Gournac. Jamais !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. La commission a beaucoup hésité - vous le savez, puisque vous assistiez à sa réunion - sur le terme à adopter. Il nous a semblé que l'expression « d'intérêt général » permettait non pas de retomber sur les activités traditionnelles des collectivités territoriales, quelles qu'elles soient,...
Mme Joëlle Dusseau. Et sur quoi donc voulez-vous retomber ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. ... mais de sortir de ce canal de l'utilité sociale qui risque de restreindre les emplois.
Vous comprendrez, chère madame, qu'on ne peut pas à la fois revenir de l'intérêt général à l'utilité sociale et adopter le sous-amendement de notre collègue M. Laffitte, qui évoque les emplois dans les nouveaux secteurs de l'audiovisuel et de la communication.
Ou bien nous voulons réellement trouver des possibilités d'emplois nouveaux dans un cadre aussi étendu que possible - et c'est tout le sens du texte que nous avons élargi, madame la ministre - ou bien nous en restons au vieux cliché de l'utilité sociale, en nous gardant bien d'employer quiconque pourrait avoir une qualification professionnelle.
Je pense ainsi au logement et à la distinction que vous faites entre les offices d'HLM et les sociétés anonymes : dans nos villes, nous savons bien que les deux gèrent des logements sociaux et que nous pouvons comparer leur gestion d'ensemble. Si vous restez dans ce cadre, c'est vous qui êtes beaucoup trop restrictive et c'est nous, je crois, madame la ministre - et ce malgré votre avis négatif - qui permettons une création réelle d'emplois nouveaux pour l'ensemble des jeunes de ce pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas que notre débat se prolonge trop longtemps, mais je souhaite tout de même apporter quelques précisions.
Certains amendements de la commission, nous le verrons au cours de la discussion, sont extrêmement importants et soulèvent énormément de sujets.
Evidemment, si nous sommes en désaccord sur l'un des points, nous serons obligés de nous y opposer.
Par ailleurs, il s'agit parfois d'un problème de termes. Encore une fois, je comprends la notion d'intérêt général que la commission a voulu retenir, et je partage son souci. J'ai simplement la crainte que la jurisprudence, qui est aujourd'hui essentiellement administrative, considère que, parce que nous mentionnons l'intérêt général, nous estimons que les missions qui entrent dans les fonctions traditionnelles des collectivités locales et des services publics peuvent relever des emplois-jeunes.
Comprenez-moi bien ! Il ne s'agit pas pour moi d'une volonté de m'opposer à ce que vous souhaitez. Je comprends votre souci de prévoir un objectif plus large que celui de l'utilité sociale, et je le partage, mais je crois que faire référence à l'intérêt général comporte d'autres risques.
De la même manière, en ce qui concerne les sociétés d'économie mixte, je pense que toutes les sociétés qui gèrent un service public relèvent de la logique du texte, mais je ne crois pas qu'il soit dans votre esprit, monsieur le président de la commission, de viser, par exemple, les sociétés d'économie mixte à but lucratif qui gèrent un réseau local câblé - qui est effectivement profitable pour cette société d'économie mixte - ou que vous souhaitiez viser des sociétés anonymes de crédit immobilier, qui font partie du champ des organismes que vous visez à l'article L. 411-2.
Je le répète, je ne veux pas m'opposer à des améliorations éventuelles du texte, mais, dans les deux cas d'espèce, si je comprends le souci de la commission, la rédaction proposée soulève d'autres problèmes qui me conduisent à m'y opposer.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je m'étonne que Mme la ministre nous dise qu'elle est d'accord avec le rapporteur et le président de la commission, qui souhaitent inclure la notion d'intérêt général, et qu'elle ajoute qu'on ne le peut pas à cause de la jurisprudence administrative.
Les tribunaux administratifs sont là pour appliquer la loi telle que nous entendons qu'elle soit appliquée. Il suffit donc qu'il ressorte clairement des travaux du Parlement que nous avons voulu donner un certain sens aux mots « intérêt général » pour que le problème soit levé. En effet, jusqu'à preuve du contraire, c'est le législateur qui fait la loi et non les tribunaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod. Selon Mme le ministre, l'expression « intérêt général » recouvre toutes les vocations classiques des collectivités locales. Mais si l'on retient les termes « utilité sociale », les conseils généraux, qui ont en charge l'aide sociale, auront également devant eux un champs extraordinairement large, peut-être un peu moins, mais à peine !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 68, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 144 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 96, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 52 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 97.
M. Alain Gournac. Je le retire, ainsi que les sous-amendements n°s 98 et 152, monsieur le président.
M. le président. Les sous-amendements n°s 97, 98 et 152 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 99, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 69.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur l'extension importante que met en place l'amendement de la commission, qui permet que soient employeurs tout un ensemble d'offices d'HLM - je les ai cités - et les sociétés anonymes de crédit immobilier.
En mentionnant l'article L. 411-2, on permet donc à des sociétés anonymes de crédit immobilier, dont on mesure le sens de l'intérêt général ou de l'utilité sociale, d'avoir des emplois-jeunes payés à 80 % par l'Etat ! Etes-vous sûrs que ce soit vraiment le but de l'opération ?
Il en va de même pour des sociétés d'économie mixte qui sont parfaitement solvables, qui fonctionnent très bien, qui opèrent dans des secteurs économiques florissants et qui n'ont donc besoin d'aucune aide. Etes-vous sûrs, mes chers collègues, que cela corresponde à votre volonté, vous qui avez, par ailleurs, l'obsession de la rentabilité ? (Rires et exclamations amusées sur les travées du RPR.)
Mais si puisqu'un amendement de la commission dont nous allons discuter bientôt prévoit que, dès le début du contrat, il faudra envisager la rentabilité à terme de ces emplois ! Or, en l'espèce, dès le départ, on permet à des sociétés qui marchent déjà très bien, qui gagnent de l'argent, d'avoir des emplois payés à 80 % par l'Etat. Etes-vous sûrs de vraiment vouloir cela ?
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suis consterné. (Sourires.) Je suis consterné parce que Mme Dusseau semble ne pas avoir du tout compris l'esprit du texte que nous présente Mme la ministre.
En effet, quel est l'objectif ? Répondre à des besoins qui actuellement ne sont pas satisfaits. C'est notamment le cas en ce qui concerne le gardiennage d'immeuble, qu'il s'agisse d'immeubles appartenant à des offices d'HLM ou à n'importe quel autre organisme qui possède des immeubles collectifs.
Mme Joëlle Dusseau. Et les sociétés de crédit immobilier ?
M. Jean Chérioux. Le problème est non pas de rentabiliser la gestion des immeubles, mais d'essayer de faire accepter, en cinq ans, aux locataires d'assumer le coût d'un gardien. Que l'immeuble dépende d'un office d'HLM ou de n'importe quel autre organisme, le problème est le même : arriver progressivement à solvabiliser le gardiennage.
Si donc Mme Dusseau avait bien suivi le débat, elle n'aurait jamais déposé ce sous-amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 69, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 89.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je ne veux pas allonger inutilement le débat, d'autant que, je le sais, les jeux sont pratiquement faits.
Mais tout de même ! Le mot « copropriété » recouvre des situations extrêmement différentes. Chacun en est bien conscient. Certaines copropriétés regroupent des gens qui ont des revenus modestes ou moyens, d'autres des gens qui ont beaucoup d'argent.
Dès lors, est-il raisonnable de prévoir que les personnes qui ont des copropriétés pourront, quelle que soit la valeur moyenne de ces copropriétés, bénéficier d'emplois payés à 80 % par l'Etat ? A l'évidence, non ! (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Ce qui me plaît chez Mme Dusseau, c'est sa capacité d'indignation !
Madame Dusseau, permettez-moi d'appeler votre attention sur les points suivants.
Dans le département que j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée, comme dans celui que représente Mme Olin, on trouve un grand nombre de copropriétés dégradées dans lesquelles habitent des gens qui ne peuvent pas accéder à une HLM parce que les organismes d'HLM considèrent qu'ils n'ont pas des revenus suffisants. Il y a donc des achats et des transmissions dans ces copropriétés dégradées.
Il nous a paru légitime d'accepter le sous-amendement de Mme Olin, car il n'est pas question de viser toutes les copropriétés, les riches, voire les luxueuses, encore qu'ils s'agisse là d'images d'Epinal !
Mme Joëlle Dusseau. Pas vraiment !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Si donc sur le plan local, procédant d'une initiative locale, on peut créer quelques emplois de gardien, de médiateur ou d'agent d'ambiance dans une copropriété dégradée, il ne faut pas se le voir interdire, d'autant que c'est le préfet - on ne change pas le système - qui jugera de la validité de la convention.
Mme Joëlle Dusseau. Dans ce cas, vous passez par la mairie, monsieur Fourcade. Pourquoi passer par la copropriété ?
M. le président. Vous n'avez pas la parole, madame Dusseau. Veuillez poursuivre, monsieur Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. C'est bien la copropriété qui sera l'utilisateur de l'emploi !
C'est donc une possibilité que nous offrons. Tout dépendra de l'examen de la convention. Fidèles à la volonté d'élargissement qui est la nôtre et que j'ai déjà rappelée, nous pensons qu'il vaut mieux prévoir le cas des copropriétés plutôt que d'établir une barrière « mythologique », dirai-je, madame Dusseau, entre ce qui est locatif et ce qui est propriété. Il y a, hélas ! dans ce pays, beaucoup trop de petits copropriétaires malheureux, qui vivent mal. Pour eux aussi il faut pouvoir créer un certain nombre de services nouveaux, car eux aussi ont des besoins.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suis désolé de voir à quel point vous persévérez, madame Dusseau, à toujours considérer le seul bénéficiaire du contrat, de l'emploi. Mais le bénéficiaire du service n'est pas forcément le propriétaire : ce peut être le locataire.
Il y a des immeubles en copropriété qui sont loués à d'autres personnes, et le but de l'opération, dans ce pays où l'on a perdu l'habitude du gardiennage, alors qu'il est particulièrement utile à quelque niveau que ce soit, est de mettre en place un système qui, en cinq ans, habitue les locataires à payer des loyers tenant compte de l'existence de gardiens qui leur apportent un service utile. Il ne s'agit pas de tout donner gratuitement, comme vous voulez toujours le faire !
M. Roland Huguet. Service à l'américaine !
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je voterai l'amendement de Mme Olin.
Cela étant, je suis surpris du propos qu'a tenu Mme Dusseau voilà quelques instants. En effet, que prévoit l'amendement ? La possibilité pour l'Etat de conclure des conventions avec les copropriétés. Possibilité ne veut pas dire obligation. Le représentant de l'Etat exercera son contrôle dans le cadre des instructions qui lui seront donnés par ses autorités.
Vraiment, j'avoue ne pas comprendre cette espèce d'idéologie antipropriétaires ( Protestations sur les travées socialistes ) qui, apparemment, semble animer une partie de cette assemblée. J'ai peur que l'on n'en revienne à des débats tout à fait éculés, d'un autre temps !
Par ailleurs, tout à l'heure, j'ai entendu une exclusive à l'encontre des sociétés anonymes de crédit immobilier. Oublie-t-on que ces sociétés font partie du mouvement HLM, de l'Union nationale des HLM, qu'elles sont représentées dans leurs instances et qu'elles ne distribuent que des crédits aidés à des personnes dont les ressources doivent être conformes à un certain barème ?
De grâce, que l'on regarde la réalité des choses et que l'on cesse de faire de l'idéologie à tout bout de champ ! ( Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste. ) Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. N'oublions pas que nous sommes en train de faire la loi. Or faire la loi, c'est faire du droit, c'est se conformer au droit.
De ce point de vue, Mme Dusseau a raison : si l'on dit que l'Etat peut signer des conventions avec des copropriétés, cela signifie qu'il peut les signer dès lors que les autres conditions de la loi sont respectées, c'est-à-dire qu'il y a, par exemple, des besoins « nouveaux et émergents ». Qu'est-ce qui justifierait, aujourd'hui, que l'Etat refuse à une copropriété, sous prétexte que ses locataires sont plus riches que d'autres, des gardiens d'immeuble que l'on accepterait pour ces autres ?
Mme Dusseau a raison : ce que nous voulons, c'est créer des emplois là où il n'y a pas de solvabilité, et où il pourrait y en avoir une demain. Aussi bien dans l'immeuble de M. Fourcade que dans le mien, où certains copropriétaires refusent d'ailleurs de payer des gardiens d'immeuble alors qu'ils le pourraient, ce n'est pas à l'Etat de se substituer à eux.
Si nous acceptions l'amendement, l'Etat ne pourrait refuser de le faire que dans la mesure où il n'y aurait pas de besoins nouveaux ou émergents. Le droit est le droit, et je suis étonnée que l'on traite avec autant de mépris, voire sur un ton un peu désagréable, les propos de Mme Dusseau, qui n'a fait que rappeler ce qu'est le droit. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. J'éviterai de prendre un ton désagréable, mais je souhaite revenir sur l'idée de rentabilité que notre collègue, Mme Dusseau, a avancée voilà un instant.
Après avoir entendu l'exposé liminaire de Mme la ministre - et M. Fourcade qui a mis en évidence encore la cohérence du dispositif proposé - j'ai compris qu'il existait en fait deux catégories d'emplois : les uns ressortissent à la puissance publique et concernent les fonctions régaliennes de l'Etat, les autres, selon Mme la ministre, corespondent à des besoins émergents mais non immédiatement rentables. Ce n'est peut-être pas le terme qu'elle a utilisé. Une démarche progressive devrait conduire à faire en sorte que des besoins actuellement non satisfaits le seraient peu à peu avec une participation croissante des bénéficiaires du financement.
Si le projet de loi ne conduisait pas à une évolution progressive vers le secteur marchand, je n'en comprendrais plus la philosophie. Aussi, j'estime que les propositions de la commission procèdent de cette démarche : au début, une aide publique contribue à faire apparaître la nécessité de satisfaire des besoins et lorsqu'ils le sont leurs bénéficiaires en en ayant découvert l'utilité doivent accepter d'en assumer le coût.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je n'avais pas l'intention d'intervenir mais ce sont les propos de Mme le ministre qui m'invitent à le faire...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est gentil !
M. Alain Vasselle. Il nous semblait que nos collègues MM. Marini et Fourcade avaient été suffisamment explicites pour démontrer que le risque que vous craignez, madame Dusseau, n'est aucunement fondé.
La procédure d'examen des amendements ne permet pas d'avoir une vue d'ensemble du texte. En effet, si l'on avait mis en discussion commune les amendements n°s 1 et 2 de la commission - vous le savez, madame Dusseau : vous siégez à la commission des affaires sociales - le dispositif imaginé par cette dernière et par son rapporteur vous serait apparu dans son ensemble.
Vos craintes ne sont donc pas fondées, compte tenu des dispositions qui sont proposées dans l'amendement n° 2, dont le dernier alinéa dispose que « les projets de convention sont soumis pour avis au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi... qui se prononce notamment sur la conformité des projets aux conditions déterminées au premier alinéa du présent article. Le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, peut déléguer aux missions locales... »
Ainsi, il existe bien un organisme qui contrôle l'ensemble du dispositif, et qui permet d'éviter les dérapages que vous craignez.
Des emplois-jeunes peuvent être solvabilisés par les membres d'une copropriété privée, auquel cas un concours financier de l'Etat ne se justifie pas.
En revanche - les exemples cités par M. Fourcade sont explicites - si, dans de petites copropriétés en difficulté, un besoin émergent non satisfait est flagrant, la disposition qui est proposée est alors tout à fait justifiée.
La commission des affaires sociales propose en fait d'élargir les possibilités du dispositif emploi-jeunes. En effet, si l'on s'en tient aux propos de Mme le ministre, elle n'a fait, au fil de ses interventions et déclarations successives depuis que ce texte a été annoncé au grand public et déposé devant le Parlement et dans la discussion générale aujourd'hui, que restreindre le champ d'action du dispositif qu'elle propose.
Nous allons donc plus loin que ce qu'elle souhaitait, car nous avons le souci de faire en sorte que ces emplois-jeunes demain - ce qui est le souci premier de Mme le ministre - soient pérennisés. Si des copropriétés privées permettent d'assurer cette pérennité, nous ne pourrons avec vous que nous en réjouir. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 89, repoussé par le Gouvernement et sur lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 75.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Je crains que l'esprit de mon sous-amendement n° 75 n'ait été mal compris. En tout cas, c'est ce que j'ai cru déceler dans les explications de la commission, qui pensait peut-être que ce sous-amendement anticipait sur les 350 000 emplois réservés au secteur privé. Or, il ne s'agit pas de cela puisque nous sommes bien dans le cadre des besoins émergents, donc dans le cadre des 350 000 emplois nouveaux et dans l'esprit de cette première partie du dispositif.
Permettez-moi de prendre un exemple concret. Si deux jeunes viennent nous voir avec un projet original, dans le cadre de besoins émergents, et qu'ils nous proposent de créer leur propre entreprise pour les satisfaire, si ces besoins, très vite, ne peuvent devenir solvables, je n'y vois alors que des avantages : l'emploi sera pérennisé, cela coûtera moins cher à l'Etat, et la jeunesse aura une façon de « s'éclater » plutôt que de faire cela dans le cadre de collectivités locales ou d'administrations un peu « touffues ». Nous nous inscrivons donc bien dans l'esprit de la première partie du dispositif.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 23 et 60 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, propose, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail, d'insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Le décret mentionné ci-dessus détermine également le contenu et la durée des conventions et, sans préjudice des dispositions de l'article L. 322-4-21, les conditions dans lesquelles leur exécution est suivie et contrôlée par le représentant de l'Etat dans le département ainsi que les modalités de dénonciation de la convention en cas de non-respect de celle-ci.
« Les conventions précisent les modalités d'encadrement de l'activité, les conditions d'une éventuelle participation financière de l'usager, les conditions de l'éventuel transfert de cette activité au secteur privé, fixent les objectifs de qualification et déterminent les conditions de la formation professionnelle, ainsi que, selon les besoins, les modalités du tutorat. Les régions dans le cadre de leurs compétences ainsi que, le cas échéant, d'autres personnes morales peuvent participer à l'effort de formation.
« Les projets de convention sont soumis pour avis au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi mentionné à l'article L. 910-1, qui se prononce notamment sur la conformité des projets aux conditions déterminées au premier alinéa du présent article. Le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi peut déléguer aux missions locales pour l'emploi, lorsque celles-ci existent, le soin de formuler cet avis. »
Cet amendement est assorti de quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 70, présenté par Mme Dusseau, tend, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, à supprimer les mots : « les conditions de l'éventuel transfert de cette activité au secteur privé ».
Le sous-amendement n° 100, présenté par M. Gournac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, vise, dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, à supprimer les mots : « , selon les besoins, ».
Le sous-amendement n° 71, présenté par Mme Dusseau, a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l'amendement n° 2.
Le sous-amendement n° 62 rectifié, présenté par Mme Dieulangard, MM. Delfau, Huguet, Mazars, Roujas, Lise et les membres du groupe socialiste et apparentés, tend à rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2 : « peut déléguer à un comité local de pilotage, dont la composition est fixée par décret, ou, si elle existe, à une mission locale pour l'emploi, le soin de formuler cet avis ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à énumérer le contenu des conventions. Il reprend et précise des dispositions figurant de façon éparse dans le texte de l'Assemblée nationale. Il ajoute que les conventions précisent les conditions d'une éventuelle participation financière de l'usager.
Mais, surtout, il introduit une consultation, préalable à la signature de la convention, du comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, le CODEF, lui-même assisté du conseil départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, afin que toutes les parties intéressées - élus locaux et nationaux et partenaires sociaux - puissent se prononcer sur le caractère novateur et émergent des activités projetées. Il s'agit ainsi d'éviter tout risque de concurrence avec le secteur privé, ou de mettre en place des activités de service public qui sont déjà assurées.
Le CODEF sera ainsi mieux à même de se prononcer sur les contitions de pérennisation de l'activité et de son éventuel transfert au secteur privé, rôle qui lui est confié par le biais d'un amendement créant un article L. 322-4-21 qui vous sera proposé ultérieurement.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter le sous-amendement n° 70.
Mme Joëlle Dusseau. Il est prévu que les contrats initiaux, les contrats que signeront les associations, les communes, etc., comportent obligatoirement - je dis bien : obligatoirement - les termes : « les conditions de l'éventuel transfert de cette activité au secteur privé ». Je propose de les supprimer.
En effet, un certain nombre de ces emplois-jeunes devront ou pourront, petit à petit, devenir solvables et être transférés au privé. Cela me paraît une démarche normale, positive et efficace.
Faire obligatoirement figurer les termes précités dès la signature du contrat rend le dispositif très restrictif, voire impossible à envisager.
Je voudrais aussi insister sur le fait qu'un certain nombre d'activités émergentes ne seront que très difficilement solvables, voire ne le seront jamais. On trouve parmi les activités possibles l'accompagnement de malades du sida ou la sauvegarde de l'environnement, de la forêt - et je suis d'une région où il y a une grande forêt ! Je ne crois pas qu'il soit très sain d'envisager, dès la signature du contrat, la rentabilité ou la solvabilité ainsi que le transfert de cette activité au secteur privé.
En conséquence, la suppression de ces termes me paraît nécessaire pour ne pas restreindre la portée du dispositif, voire rendre impossible toute signature de contrat.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 100.
M. Alain Gournac. Il s'agit de prévoir que les conventions préciseront systématiquement les modalités de tutorat, qui est un excellent moyen d'assurer l'insertion professionnelle des jeunes.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre le sous-amendement n° 71.
Mme Joëlle Dusseau. La commission propose que les contrats soient soumis à l'avis du CODEF.
Mes chers collègues, le CODEF comprend le préfet, le président du conseil général, la direction départementale du travail et de l'emploi, la DDTE, la direction départementale de l'agriculture, la DDA, le trésorier-payeur général, l'inspecteur d'académie, des représentants des salariés et des employeurs, quatre élus des collectivités territoriales, deux élus du conseil général, deux élus représentant les maires et les parlementaires. C'est un « machin » - pardonnez-moi ce terme - tellement lourd que certains dans vos propres rangs, messieurs de l'opposition, avaient même envisagé de le supprimer parce qu'il ne leur semblait pas vraiment utile !
Je propose donc de supprimer l'obligation de consulter cette instance pour deux raisons.
D'abord, je crois qu'il s'agit, dans l'esprit du projet de loi de Mme Aubry, d'un dispositif qui requiert innovation et imagination. Or, je ne suis pas tout à fait sûr que les gens que je vous ai cités soient à la pointe de l'innovation et de l'imagination. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mes chers collègues, je suis parlementaire et je m'inclus dans cette catégorie. Ne prenez pas un air de vierge effarouchée, s'il vous plaît !
La seconde raison qui motive cette suppression est que ce comité, que je « fréquente » depuis plusieurs années avec assiduité et grand intérêt, m'a appris à quel point il était attaché au fait d'avoir le moins d'administration possible, le moins de lourdeur administrative possible.
M. Jean Chérioux. C'est très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Je m'étonne de voir avec quelle constance la commission rétablit des règles et des obstacles administratifs là où, naguère, au vrai sens du terme, c'est-à-dire voilà peu de temps, elle les supprimait.
M. René Trégouët. Voilà encore une ultra-libérale ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour présenter le sous-amendement n° 62 rectifié.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je reviens à la charge avec le comité local en présentant ce sous-amendement de repli, si je puis dire, tendant à modifier l'amendement n° 2 de la commission.
Je vous propose, par ce sous-amendement, de rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2 : « peut déléguer à un comité local de pilotage, dont la composition est fixée par décret, ou, si elle existe, à une mission locale pour l'emploi, le soin de formuler cet avis. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 70, 100, 71 et 62 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Sur le sous-amendement n° 70, la commission a émis un avis défavorable. Elle a, en effet, souhaité faciliter un éventuel transfert ultérieur de l'activité en cause vers le secteur privé.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 100, la commission a émis un avis favorable car le tutorat est un bon moyen d'encadrer des activités nouvelles qui n'ont de chances de perdurer que si elles se professionnalisent rapidement.
S'agissant du sous-amendement n° 71, nous avons émis un avis défavorable, Mme Dusseau le sait. Il supprime en effet le CODEF sur lequel nous fondons une partie de notre dispositif d'évaluation et de transfert d'activité vers le secteur marchand.
Je m'étonne que Mme Dusseau, à son tour, ait poussé des cris de « vierge effarouchée »,...
M. Paul Masson. Repentante !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... pour reprendre le terme qu'elle a employé vis-à-vis de nous. (Sourires.)
M. Ivan Renar. C'est le coeur des vierges !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je lui renvoie ses arguments !
Vous nous avez souvent opposé des grand-messes, et il suffit que vous soyez l'autre côté de la barre pour nous refuser maintenant quelque chose que vous nous avez proposé si souvent. (Nouveaux sourires.)
Comme il était normal qu'on vînt à votre secours, Mme Dieulangard l'a fait avec le sous-amendement n° 62 rectifié que la commission accepte. Celui-ci met en place un comité local de pilotage qui facilitera la mission du CODEF en déconcentrant l'avis au plus près du terrain.
M. Roland Huguet. Très bien !
M. Louis Souvet, rapporteur. Madame Dusseau, je vous l'assure, le CODEF peut fonctionner et, s'il ne sert vraiment à rien, proposez-en la suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 et sur l'ensemble des sous-amendements ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement rappelle d'abord que les dispositions prévues au premier alinéa de l'amendement n° 2 qui portent sur le contenu du décret, sont d'ordre réglementaire. Mais je peux comprendre que le Sénat souhaite intégrer ces précisions dans la loi.
En ce qui concerne le deuxième alinéa de cet amendement, qui prévoit que les conventions précisent les modalités de financement, les perspectives de pérénisation et les modalités d'encadrement, le Gouvernement a proposé que lesdites modalités soient indiquées dans le cahier des charges, c'est-à-dire dans le dossier sur lequel se fondera la décision d'accepter ou non le projet et donc les emplois-jeunes. On pourrait éventuellement placer ces dispositions dans la convention bien qu'il me semble, là aussi, que nous soyons dans le domaine réglementaire. Mais enfin ! pourquoi pas ?
En revanche, pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer par Mme Dusseau, je pense qu'il est extrêmement lourd et même peu réaliste de penser que le CODEF, organisme composé de nombreuses personnalités dont les emplois du temps sont chargés, pourrait se réunir dans la période que je qualifierai « de lancement » quasiment plusieurs fois par semaine pour donner un avis sur chacune des conventions.
Le CODEF, aujourd'hui, se réunit en moyenne, quand il se réunit, une fois par an pour examiner l'ensemble de la situation de l'emploi et de la formation dans un département considéré. S'il a un intérêt évident, je crois qu'il n'est pas conçu pour examiner chacune des conventions.
Le Gouvernement voulant montrer sa bonne volonté, monsieur le rapporteur, je serais prête à accepter l'amendement n° 2 si, pour le moins, le sous-amendement n° 71 de Mme Dusseau était accepté.
Enfin, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 100, qui généralise le tutorat, ce qui ne me semble pas souhaitable, alors même que vous prévoyez vous-même, monsieur le rapporteur, que l'encadrement doit exister. Il me semble effectivement que, pour des jeunes qualifiés, un tel encadrement suffit largement et qu'il n'est pas nécessaire de rendre obligatoire le tutorat.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. J'ai écouté vos propos avec beaucoup d'intérêt, madame la ministre. Je pensais que la phrase contestée de notre amendement était celle qui prévoit l'insertion dans la convention des conditions du transfert éventuel vers le secteur marchand. Or je constate que vous ne l'avez pas relevée. Je vous en remercie car il s'agit de la phrase qui, pour nous, est la clé du succès de l'opération.
Cela étant posé, s'agissant du sous-amendement n° 70, tendant à supprimer l'intervention du CODEF, nous ne pouvons pas l'accepter, nous ne pouvons entrer dans le système de réflexion de Mme Dusseau. En effet, nous avons retenu en commission, le sous-amendement de Mme Dieulangard qui présente l'avantage, dans les gros départements - ceux où le CODEF aurait vraiment trop d'importance et tiendrait trop de réunions - de permettre à cet organisme déléguer ses fonctions soit à un comité local de pilotage, soit à une mission locale.
Madame la ministre, je tiens à remarquer que, sur le point le plus sensible, vous avez donné votre accord et nous en avons pris note, car cela montre que, par rapport à tout ce qui a été dit depuis ce matin, nous avons bien une philosophie commune, malgré quelques difficultés.
Mes chers collègues, je tiens à vous dire que l'amendement n° 2 est un élément central de notre dispositif en tant qu'il prévoit les modalités de la convention ainsi que les modalités du contrôle de celle-ci. En outre, dans le CODEF, figurent aussi - Mme Dusseau ne l'a pas dit, car elle n'a pas voulu allonger l'énumération - les représentants des organisations professionnelles.
Mme Joëlle Dusseau. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Or il nous paraît très important d'associer les représentants des organisations professionnelles et syndicales dès le départ de l'opération, ce qui permettra d'éviter de créer des emplois qui soient directement en concurrence avec ceux qui sont assurés par le secteur privé.
Par conséquent, madame la ministre, je regrette de ne pouvoir accepter le marché que vous nous proposez (Mme le ministre s'en étonne.) Mais je vous remercie d'avoir fait ce pas vers nous.
Mes chers collègues, je vous demande de voter l'amendement n° 2, qui constitue l'essentiel du dispositif élaboré par la commission des affaires sociales.
Certains ont dit, ai-je entendu cet après-midi, que la commission des affaires sociales n'avait apporté aucune espèce de modification au texte. Cet amendement prouve qu'ils n'avaient pas bien lu ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 70.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Mes chers collègues, si vous maintenez l'obligation de faire figurer dans chaque contrat que vous allez signer et que vont signer les associations avec lesquelles vous travaillerez les conditions de l'éventuel transfert de cette activité au secteur privé, vous vous priverez de ces contrats.
M. Philippe Marini. L' « éventuel transfert » !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 70, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 100, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 71.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Etant donné que, d'une part, on propose de créer 350 000 emplois rapidement et que, d'autre part, il y a 100 départements, on peut envisager qu'en moyenne le nombre des contrats sera de 1 000 à 10 000, sachant que certains d'entre eux ne prévoieront la création que de un ou deux emplois. Combien de temps s'écoulera-t-il en conséquence avant que le CODEF se soit réuni suffisamment souvent pour examiner tous les contrats ?
M. Jean Delaneau. Cela permettra de créer des emplois, de secrétaires notamment !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 71, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Nous voterons contre ce deuxième amendement présenté par la commission, essentiel dans le dispositif qu'elle présente - comme l'a dit fort justement son président - et ce pour des raisons tout aussi essentielles.
M. Philippe Marini. Pour des raisons idéologiques !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Non ! Ce n'est pas pour des raisons idéologiques, ou alors cela voudrait dire que votre amendement est idéologique ! (Rires et exclamations.)
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas de l'idéologie, c'est la réalité !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Comme l'amendement n° 1, il vise à une complète réécriture du texte gouvernemental.
Nous nous sommes déjà expliqués sur l'amendement n° 1 et nous avons donné l'appréciation du groupe communiste républicain et citoyen sur cette logique de réécriture. Sans allonger les débats, sans reprendre l'argumentaire présenté par Mme le ministre, nous ne pouvons accepter la philosophie qui sous-tend cet amendement, nous voterons donc contre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 54, M. Franchis propose, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces conventions fixent, le cas échéant, les conditions de mise à disposition des jeunes auprès des membres des groupements de personnes, visés ci-dessus. »
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Cet amendement de précision a pour objet de prévoir les conditions de mise à disposition, le cas échéant, des jeunes auprès des membres des groupements de personnes de droit public et de droit privé. Cet amendement rendrait plus souple le fonctionnement de ces groupements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement semble satisfait par l'amendement n° 2 de la commission ; aussi, je demande à M. Franchis de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement qui pourrait permettre le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, ce que le Gouvernement ne souhaite pas, en dehors des cas déjà prévus par la législation.
M. le président. Monsieur Franchis, maintenez-vous votre amendement ?
M. Serge Franchis. Dans la mesure où l'amendement n° 2 contient implicitement des dispositions qui permettent ces facilités, indispensables, selon moi, pour un bon fonctionnement des groupements de communes, je suis prêt à retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.
Par amendement n° 107, M. Gournac et les membres du groupe du RPR proposent d'insérer, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, l'alinéa suivant :
« Les appels à projets devront veiller à ne pas introduire dans leur cahier des charges des activités déjà couvertes par l'insertion, ayant débouché sur la création d'emplois véritables. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Cet amendement répond au souci d'éviter que l'on ne déstabilise, avec le plan emploi-jeunes, le secteur de l'insertion, qui a créé de véritables emplois.
Nombre de collectivités territoriales ou d'associations ont en effet expérimenté avec succès les activités nouvelles. Il ne faudrait pas tout compromettre.
Il me paraît donc important de préciser qu'il sera impossible de substituer un emploi-jeunes à une activité déjà existante dans le secteur de l'insertion.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Il est certain que les activités d'insertion, notamment celles des associations intermédiaires et des entreprises d'insertion, se déploient sur les mêmes terrains. Il faut donc éviter les empiètements qui risquent de se faire au détriment des personnes les plus en difficulté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est sensible à la préoccupation exprimée par les auteurs de l'amendement.
Il est évidemment envisagé que les textes d'application prévoient l'éviction de tout projet qui porterait atteinte aux emplois d'insertion. Dès lors, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, comme il l'avait fait à l'Assemblée nationale pour un amendement du même type.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 107, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail :
« Ces conventions ne peuvent être conclues avec les associations dont l'activité concerne les services rendus aux personnes physiques à leur domicile mentionnées à l'article L. 129-1 que pour favoriser le développement et l'animation de nouveaux services répondant à des besoins émergents et non satisfaits. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Carle, Plasait, Poirieux et Serge Mathieu, vise, dans le texte proposé par l'amendement n° 3 pour le troisième alinéa de l'article L. 322-4-18 du code du travail, à remplacer le mot : « animation » par le mot : « ingénierie ».
Le sous-amendement n° 101, présenté par M. Gournac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3, à remplacer le mot : « émergents » par le mot : « nouveaux ».
Par amendement n° 118, M. Fischer, Mmes Borvo et Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Dérian, Duffour, Lefebvre et Loridant, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite, Renar et Mme Terrade proposent de supprimer la seconde phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article L. 322-4-18 du code du travail.
Par amendement n° 63, Mme Dieulangard, MM. Huguet, Mazars, Roujas, Lise et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la seconde phrase du troisième alinéa du texte présenté pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, après les mots : « le développement », d'insérer les mots : « , la gestion ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Carle, pour présenter le sous-amendement n° 32 rectifié.
M. Jean-Claude Carle. J'ai eu l'occasion de le dire lors de la discussion générale, le domaine associatif peut effectivement constituer des niches d'emplois.
Il convient cependant d'observer une grande prudence afin de ne pas déstabiliser un bénévolat ou un volontariat tout à fait nécessaires à notre société. C'est la raison pour laquelle il faut réserver aux jeunes les tâches de gestion, de comptabilité ou, d'une manière générale, d'ingénierie qui rebutent les volontaires ou les bénévoles, mais qui sont essentielles pour les associations.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter le sous-amendement n° 101.
M. Alain Gournac. Il s'agit d'un amendement de coordination tendant à remplacer le mot « émergents » par le mot « nouveaux ».
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 118.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer une précision qui apparaît superflue eu égard à celles qui ont été apportées par ailleurs dans le texte du projet de loi quant aux nouveaux métiers.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour présenter l'amendement n° 63.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement rejoint la préoccupation des auteurs du sous-amendement n° 32 rectifié, qui parlent d'ingénierie. J'évoque quant à moi la gestion.
Il s'agit de répondre aux besoins, si ce n'est émergents, du moins largement non satisfaits, d'une multitude d'associations qui accomplissent un travail remarquable, mais qui n'ont pas les moyens matériels, ni surtout humains, de se doter d'instruments de gestion.
Le bénévolat n'est pas inépuisable. Nous souhaitons donc voir cette disposition insérée dans le texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 32 rectifié et 101, ainsi que sur les amendements n°s 118 et 63 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 32 rectifié. Nous sommes au coeur d'un débat sémantique : « ingénierie » est un mot savant pour qualifier le rôle des associations au service des personnes.
La commission est favorable au sous-amendement n° 101, par coordination.
La commission est défavorable à l'amendement n° 118. Elle a adopté une nouvelle rédaction de cet alinéa qui maintient l'exception que les auteurs de cet amendement veulent supprimer, les emplois-jeunes pour les associations de service aux personnes à leur domicile.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 63. La gestion est une activité qui n'est ni nouvelle ni émergente.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n°s 32 rectifié et 101, ainsi que sur les amendements n°s 3, 118 et 63 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 3. En effet, l'article L. 129-1 du code du travail précise explicitement que les associations qui relèvent de cet article concernent exclusivement des services rendus au domicile des particuliers. Or nous souhaitons, parce qu'il existe d'autres mécanismes de financement, exclure les services à domicile du champ du projet de loi. Nous ne pouvons donc accepter que des conventions, au titre de ces associations, favorisent ou développent de nouveaux services. Le texte du Gouvernement prévoit des plates-formes d'activité à cet effet.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 32 rectifié, le terme « ingénierie » lui paraissant peu clair et les activités de gestion et de comptabilité n'étant pas des activités nouvelles.
De la même manière, le Gouvernement s'oppose au sous-amendement n° 101, le terme « nouveaux » paraissant plus restrictif que le terme « émergents ».
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 118, considérant que la précision qui est supprimée est pourtant bien utile à la compréhension du texte.
Il s'oppose également à l'amendement n° 63, considérant que la gestion, dans ces organismes, ne fait pas partie des besoins et des services nouveaux ou émergents.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 32 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 101, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 118 et 63 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 43 rectifié, M. Trégouët propose, après le troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 332-4-18 du code du travail, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les conditions prévues au présent article, l'Etat peut conclure des conventions pluriannuelles avec des personnes morales de droit privé à but lucratif inscrites au registre des métiers qui engagent des jeunes dans les conditions prévues par l'article L. 322-4-19 du code du travail et les mettent, par convention préalablement agréée, sans bénéfices, à la disposition d'une personne morale de droit public ou d'un organisme tels que prévus aux trois premiers alinéas du présent article.
« Quand une convention pluriannuelle est conclue entre l'Etat et une personne morale de droit privé à but lucratif, il est expressément convenu que celle-ci peut employer dans l'intérêt de sa propre entreprise, et pour y faire émerger de nouvelles activités, les jeunes bénéficiaires de la convention, pendant 20 % au plus du temps global prévu par la convention pluriannuelle, dans des conditions prévues par décret. »
La parole est à M. Trégouët. M. René Trégouët. Comme je l'ai dit cet après-midi, il me semble irréaliste de vouloir créer en économie de marché, dans le secteur concurrentiel - et c'est vous-même qui le dites, madame - 350 000 emplois sans penser que des entrepreneurs pourraient prendre la responsabilité d'une partie au moins de ces emplois.
Sans pour autant enlever une telle possibilité aux collectivités locales ou aux associations, ni aux divers organismes pour lesquels nous avons déjà voté favorablement, le présent amendement a pour objet de permettre à des entreprises artisanales, et seulement à des entreprises artisanales, dans le cadre de la présente loi, de signer des conventions avec l'Etat et d'engager des jeunes pour faire émerger, progressivement, dans ces entreprises, des activités nouvelles qui sont aujourd'hui non rentables.
En effet, pour préparer l'avenir, il ne suffit pas de créer des emplois dont la présente loi fixe la durée à cinq ans, sans espoir au-delà. Il nous semble primordial d'inciter les entrepreneurs de proximité que sont les artisans à prendre en main le destin d'une partie de ces emplois, si nous voulons assurer leur pérennité.
Le dispositif proposé est simple. Sur cinq emplois créés par un artisan dans le cadre de ce projet de loi, cet artisan en met quatre, sans bénéfice, à disposition de la collectivité. Par conséquent, grâce à ce dispositif, la collectivité n'a pas à payer plus cher l'emploi-jeunes. Mais le cinquième reste dans son entreprise pour lui permettre de créer une activité qui n'est pas encore rentable avec le coût actuel du travail.
L'Etat verse la subvention de 80 % du SMIC pour les cinq emplois réellement créés. Sur ces cinq subventions, quatre sont entièrement répercutées sur les collectivités locales ou associations. La cinquième subvention permet à l'artisan de créer une activité nouvelle qui, sans cette aide, n'aurait pas émergé.
Le caractère dynamique de ce dispositif - d'autres amendements viendront le confirmer - est de donner la chance à chaque jeune de trouver dans l'entreprise artisanale un emploi pérenne bien au-delà des cinq ans prévus par ce texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 43 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'auteur de cet amendement n'est pas allé jusqu'au bout de la rectification. En effet, il est dit : « après le troisième alinéa du texte ». Or il n'en existe que deux. Je crois donc qu'il est nécessaire de rectifier cet amendement une seconde fois.
C'est un dispositif que nous avons jugé complexe. L'amendement rectifié n'a pas été examiné par la commission ; mais je crois pouvoir dire que M. Fourcade lui a donné son accord.
Par conséquent, c'est à titre personnel que nous y sommes favorables.
M. le président. Monsieur Trégouët, acceptez-vous de rectifier à nouveau votre amendement, comme vous l'a suggéré M. le rapporteur ?
M. René Trégouët. Tout à fait, puisqu'il s'agit d'une erreur. M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 43 rectifié bis, présenté par M. Trégouët et tendant, après le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, à insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les conditions prévues au présent article, l'Etat peut conclure des conventions pluriannuelles avec des personnes morales de droit privé à but lucratif inscrites au registre des métiers qui engagent des jeunes dans les conditions prévues par l'article L. 322-4-19 du code du travail et les mettent, par convention préalablement agréée, sans bénéfices, à la disposition d'une personne morale de droit public ou d'un organisme tels que prévus aux trois premiers alinéas du présent article.
« Quand une convention pluriannuelle est conclue entre l'Etat et une personne morale de droit privé à but lucratif, il est expressément convenu que celle-ci peut employer dans l'intérêt de sa propre entreprise, et pour y faire émerger de nouvelles activités, les jeunes bénéficiaires de la convention, pendant 20 % au plus du temps global prévu par la convention pluriannuelle, dans des conditions prévues par décret. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'avis du Gouvernement est défavorable. Cet amendement, qui vise à étendre le dispositif aux artisans, ne correspond pas à la logique de ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 24, M. J.-L. Lorrain propose, dans la première phrase du quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, après les mots : « personne morale de droit public », d'insérer les mots : « ou de droit privé, ».
Par amendement n° 44, M. Trégouët propose, dans la première phrase du quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, après les mots : « avec une personne morale de droit public », d'insérer les mots : « ou avec une personne morale de droit privé à but lucratif ».
La parole est à M. Lorrain, pour défendre l'amendement n° 24.
M. Jean-Louis Lorrain. L'amendement n° 23 ayant été déclaré caduc, cet amendement n° 24, qui est complémentaire, n'a donc plus d'objet. En conséquence, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
La parole est à M. Trégouët, pour présenter l'amendement n° 44.
M. René Trégouët. Pour être cohérent avec l'ensemble du texte, nous précisons que les conventions conclues avec des personnes morales de droit privé, à but lucratif, ne peuvent s'appliquer qu'à des activités émergentes qu'elles n'exercent pas actuellement.
Nous allons au bout de notre raisonnement : nous voulons que ces dispositions s'appliquent non pas à des activités déjà existantes, mais bien à des activités émergentes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Par coordination avec l'amendement n° 43 rectifié bis, la commission ne peut être que favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non pas sur le fond, mais parce que le premier alinéa répond déjà à la question en prévoyant que, pour les activités privées, doit être écarté ce qui ne correspond pas à des besoins émergents et non satisfaits.
Par conséquent, nous sommes d'accord sur le fond, mais le sujet a déjà été traité. L'alinéa en question ne vise que les personnes morales de droit public.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis à présent saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 33, MM. Carle, Plasait, Poirieux et Serge Mathieu proposent, à la fin de la première phrase du quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de supprimer les mots : « par celle-ci ».
Par amendement n° 4, M. Souvet, au nom de la commission, propose, après les mots : « jusqu'alors par celle-ci », de rédiger comme suit la fin du quatrième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail : « et, lorsque l'employeur est une collectivité territoriale ou un de ses établissements publics, ne relevant ni de ses compétences ni des métiers organisés et régis par les statuts particuliers des cadres d'emploi de la fonction publique territoriale. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le premier, n° 153, présenté par M. Vasselle, tend, dans le texte proposé par l'amendement n° 4 pour rédiger la fin du quatrième alinéa de l'article L. 322-4-18 du code du travail, à remplacer les mots : « Ni de ses compétences, ni des métiers organisés et régis par les statuts particuliers des cadres d'emploi de la fonction publique territoriale » par les mots : « Ni d'une activité déjà exercée, ni des emplois recouvrant des missions organisés et régis par les cadres d'emploi des statuts particuliers de la fonction publique territoriale. »
Le second, n° 119 rectifié, déposé par M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre, Loridant, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite, Renar, Mme Terrade, vise à compléter le texte proposé par l'amendement n° 4 pour rédiger la fin du quatrième alinéa de l'article L. 322-4-18 du code du travail par une phrase ainsi rédigée : « Les conventions ne peuvent concerner des missions dont sont déjà chargés les fonctionnaires publics. »
Par amendement n° 145, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la seconde phrase du 4e alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de remplacer les mots : « et leurs établissements publics » par les mots : « et les établissements publics territoriaux ».
La parole est à M. Carle, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Jean-Claude Carle. Le dispositif, tel qu'il est proposé, menace des emplois existants, notamment dans l'artisanat. Alors que le nombre d'emplois dans le secteur marchand ne cesse de diminuer, il convient de ne pas pénaliser des gisements d'emplois productifs en créant artificiellement des activités déjà assurées, au bénéfice de l'établissement public ou de la collectivité locale, par des artisans.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à apporter une précision juridique. Le caractère traditionnel des compétences est un élément flou et peu juridique. Il semble préférable de parler des compétences pures et simples, d'une part, et des métiers relevant de la fonction publique territoriale, d'autre part.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre le sous-amendement n° 153.
M. Alain Vasselle. Mon sous-amendement n'a pas pour objet d'aller à l'encontre de l'amendement que vous avez proposé, monsieur le rapporteur, et qui a fait l'objet de l'approbation de la commission des affaires sociales, mais, après une nouvelle lecture un peu plus attentive de ce texte et après avoir consulté quelques professionnels de la fonction publique territoriale, il m'a semblé qu'il fallait procéder à une amélioration de sa rédaction. Je pense que le terme « compétences » n'est pas suffisamment précis et qu'il faut plutôt faire référence aux activités déjà exercées.
Deuxième élément : votre texte comporte une petite erreur liée au fait qu'il y est fait référence aux statuts particuliers des cadres d'emploi alors que, dans la fonction publique territoriale, ce sont des cadres d'emploi que découlent les statuts particuliers ; ce ne sont pas les statuts particuliers qui définissent les cadres d'emplois.
En conséquence, il nous faut procéder à une modification rédactionnelle.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre le sous-amendement n° 119 rectifié.
M. Guy Fischer. Ce sous-amendement vise à renforcer la limitation prévue par le projet de loi, ce qui, à notre sens, s'avère particulièrement nécessaire au vu des abus auxquels a pu donné lieu, par exemple, l'utilisation des contrats emploi-solidarité dans l'administration, que l'on a multipliés en les substituant trop souvent à des emplois publics.
J'ai bien compris que ce n'est pas là le souhait du Gouvernement, mais, je l'ai déjà dit, ce projet va perdurer de nombreuses années, peut-être bien au-delà de l'existence de l'actuel gouvernement.
Je pense qu'il est donc nécessaire, dès aujourd'hui, de mettre de puissants garde-fous contre le risque de substitution d'emplois.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 145.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le texte actuel permet aux établissements publics des collectivités territoriales de conclure des conventions pour des activités ne relevant pas de leurs compétences traditionnelles. Cette rédaction est pertinente pour les établissements territoriaux - établissements publics de coopération intercommunale, établissements publics regroupant départements ou régions - qui ne sont pas réellement soumis au principe de spécialité et peuvent intervenir de manière assez large. En revanche, elle n'est pas adaptée pour tous les autres établissements publics, qui ne peuvent assumer que les missions pour lesquelles ils ont été créés. Il convient donc d'apporter la précision pour les seuls établissements publics territoriaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 33 et 145, ainsi que sur les sous-amendements n°s 153 et 119 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 33, qui répond à son souci de ne pas concurrencer les emplois du secteur marchand.
Sur le sous-amendement n° 119 rectifié, elle a émis également un avis favorable. En effet, ce dernier contient une disposition utile, qui va dans le sens souhaité par elle, à savoir la séparation du type d'emploi.
Quant à l'amendement n° 145, la commission y est défavorable. Cet amendement nous paraît trop restrictif. En effet, même spécialisé, l'établissement public peut développer des activités émergentes dans le cadre de ses missions.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 153, je dirai que la notion de compétence est connue ; il s'agit d'une compétence légale et les activités ont en face d'elles des métiers qui sont répertoriés.
L'amendement de la commission nous paraît donc équilibré, ce qui me conduit, à titre personnel, à émettre un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 33, 4 et 145, ainsi que sur les sous-amendements n°s 153 et 119 rectifiés ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 33 pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées concernant l'amendement n° 44. En effet, l'éviction des emplois non marchands est déjà prévue par le premier alinéa de l'article L. 322-14-18.
En ce qui concerne l'amendement n° 4, nous retrouvons ici le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale : nous n'arrivons pas à trouver une rédaction qui satisfasse tout le monde. Ce que nous souhaitons dire clairement, c'est que ces emplois-jeunes ne pourront pas être proposés par une collectivité territoriale, ou un service public, pour les missions relevant de ses compétences traditionnelles.
Je crains que la mention des métiers organisés et régis par les statuts particuliers des cadres d'emploi de la fonction publique territoriale n'apporte pas de solution satisfaisante.
En effet, s'occuper de l'environnement dans une commune et y aménager des places, cela fait partie des métiers traditionnels, mais s'intéresser aux friches industrielles urbaines dont personne ne s'occupe correspond bien à un besoin nouveau et émergent.
Aussi, tout en partageant le souci qui a présidé à la rédaction de cet amendement, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Quant au sous-amendement n° 119 rectifié, il semble inutile dès lors qu'il est écrit que ces emplois ne doivent pas se trouver dans les compétences traditionnelles des collectivités locales et les services publics.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 153 pour les mêmes raisons que celles qu'a fait valoir M. le rapporteur.
Il est favorable à l'amendement n° 145, présenté par Mme Dieulangard, qui a très bien expliqué les raisons qui l'ont conduite à le déposer.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 153.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le rapporteur, je ne cherche pas, par le biais de ce sous-amendement, à apporter une touche personnelle à la nouvelle rédaction et à refaire, par plaisir, le travail qu'a effectué la commission. Mais je voudrais attirer votre attention sur un point.
Le terme « compétences » a fait l'objet de long débats au sein de la commission des affaires sociales. Vous avez souhaité supprimer l'adjectif « traditionnelles » et j'y ai souscrit ; vous en êtes donc resté au terme « compétences ». On pourrait être plus précis, mais il n'y a pas lieu de se livrer à un débat sémantique sur ce point.
En revanche, j'appelle votre attention sur un problème rédactionnel : dans la fonction publique territoriale, les cadres d'emploi ne découlent pas des statuts particuliers, mais ce sont les statuts particuliers qui découlent des cadres d'emploi.
Toutefois, si vous le souhaitez, monsieur le rapporteur, je retirerai ce sous-amendement sous réserve que vous preniez l'engagement de trouver une meilleure rédaction en commission mixte paritaire.
M. le président. Acceptez-vous de prendre cet engagement, monsieur le rapporteur ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. Alain Vasselle. Dans ces conditions, je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 153 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 119 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je vais, bien entendu, voter cet amendement. Mais, auparavant je voudrais souligner un point.
Mme le ministre a rappelé qu'à l'Assemblée nationale certaines difficultés rédactionnelles avaient surgi à ce point de la discussion. Pour ma part, je me référerai bien volontiers à un vieil adage : ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Et les mots pour le dire arrivent aisément...
M. Philippe Marini. Si nous avons de telles difficultés pour bien définir ces emplois émergents et cette nouvelle catégorie qui n'est ni publique ni privée, ni pérenne ni temporaire, c'est parce qu'on n'arrive pas à bien les identifier.
Nous avons bien compris qu'il ne doit pas y avoir d'effet de substitution, qu'il ne faudra pas se servir de l'aide de l'Etat de 80 p. 100 comme d'un effet d'aubaine et qu'elle doit servir à la création d'activités nouvelles susceptibles d'être proposées à des jeunes qui sont sur le marché du travail et qui ont besoin qu'on leur mette le pied à l'étrier. Mais si nous disons à une collectivité locale ou à un établissement public que ces activités ne doivent relever ni de leurs compétences ni des métiers organisés et régis par les cadres d'emploi et leurs statuts, nous pouvons à la limite nous demander en vertu de quelle légitimité ils sont en charge d'une telle mission.
Je soumets à mes collègues ce trouble qui m'envahit quand je constate les difficultés conceptuelles dans lesquelles nous entraîne ce texte. Ce problème de formalisation est assez révélateur des ambiguïtés de ce dernier, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vais vous répondre sous forme de boutade, monsieur le sénateur : lorsque l'on innove, on fait, par définition, du nouveau !
Je rappelle que les collectivités territoriales sont régies à la fois par la Constitution et par des lois, dont les dernières sont les lois de décentralisation. Or, quand on assiste aux débats qui se déroulent parfois dans cette enceinte pour savoir ce qui relève des fonctions de telle ou telle collectivité territoriale, on sait bien qu'il est extrêmement difficile de trouver une formulation globale.
Cela dit, sur le terrain - et je n'imagine pas que vous n'en ayez pas conscience - on sait très bien ce que sont des besoins nouveaux et émergents qui ne sont pris en charge ni par le marché ni par la collectivité territoriale.
J'ai le souci pragmatique de créer ces activités nouvelles là où apparaissent des besoins que les élus connaissent bien sans que ces activités portent atteinte aux secteurs public ou privé. Je suis convaincue que l'on se rejoindra au moins sur ce souci de pragmatisme !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 145 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 76, M. Joyandet propose de rédiger ainsi la fin du cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail : « à but lucratif ne peuvent faire l'objet d'une convention, sauf si les activités proposées ne sont pas assurées à la date de la demande et correspondent à la définition du premier alinéa ».
Par amendement n° 108, M. Gournac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de remplacer les mots : « ne peuvent faire l'objet d'une convention, sauf » par les mots : « peuvent faire l'objet d'une convention ».
La parole est à M. Joyandet, pour défendre l'amendement n° 76.
M. Alain Joyandet. Cet amendement découle de l'adoption du sous-amendement n° 75.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter l'amendement n° 108.
M. Alain Gournac. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 76 et 108 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 76, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 108 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 61 rectifié, Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de promouvoir l'emploi des jeunes à l'étranger, l'Etat peut conclure avec les collectivités territoriales, dans le cadre de leurs relations internationales, avec des associations françaises ou mixtes et des établissements publics français à vocation internationale, des conventions semblables à celles mentionnées ci-dessus. Les modalités particulières de mise en oeuvre de ces emplois à l'étranger seront définies par décret. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, par cet amendement, attirer votre attention sur le recours au dispositif emploi-jeunes pour des emplois situés à l'étranger.
En effet, je vous le rappelle, 25 % du PNB de la France résultent aujourd'hui des exportations, ce qui représente une proportion à peu près semblable des emplois de l'Hexagone. Il nous faut donc aujourd'hui prendre conscience que la bataille pour l'emploi des jeunes se joue aussi hors de nos frontières.
Un emploi créé à l'étranger, c'est d'abord un chômeur de moins en France, mais c'est surtout un jeune qui acquiert des compétences nouvelles : la maîtrise d'une langue étrangère, l'adaptation à des méthodes de travail différentes, la capacité de communiquer avec des personnes de culture différente. C'est certainement ce dernier aspect qui présente le plus de difficultés ; c'est pourtant fondamental pour un pays qui doit être ouvert sur le monde.
Au total, s'expatrier au cours de cette période clé de la vie qui se situe entre vingt et trente ans, c'est se former aux contraintes et aux ouvertures de la mondialisation.
Par ailleurs, un emploi créé à l'étranger, c'est pour la France un renforcement de sa présence dans le monde et une augmentation de sa capacité d'exportation. Un emploi créé à l'étranger, c'est donc, par ricochet, de nouveaux emplois en France.
En effet, on ne le sait pas assez à l'intérieur de nos frontières, la corrélation entre le nombre de Français expatriés ou durablement installés dans un pays étranger et l'intensité de nos échanges commerciaux avec celui-ci est étroite. Ainsi, c'est avec l'Union européenne que nous commerçons le plus et c'est aussi là que vivent le plus de Français. Inutile de se demander qui de la poule ou de l'oeuf est la cause de l'autre : les deux phénomènes s'entraînent mutuellement, quel que soit le secteur d'activité des Français installés à l'étranger.
La secrétaire de direction française du patron italien joue son rôle, tout comme l'ingénieur franco-argentin de Buenos Aires ou l'épouse française d'un citoyen grec qui enseigne sa langue maternelle à Athènes.
L'exportateur français, qu'il vende des poulets surgelés, des usines de traitement des eaux ou de l'ingénierie télématique, trouve plus de facilité à mener ses affaires si des Français ont préparé le terrain.
Tout cela est diffus ; ce n'est pas mesurable mais tous les Français qui vivent à l'étranger en ont une conscience aiguë.
Voilà pourquoi il serait profitable de permettre la création d'emplois-jeunes à l'étranger.
Pour bien montrer que l'emploi-jeune est transposable à l'expatriation, je citerai quelques exemples.
Les collectivités territoriales peuvent renforcer leurs jumelages et leurs coopérations décentralisées par l'envoi de jeunes chez leurs partenaires.
Les chambres de commerce françaises à l'étranger ont des emplois formateurs à proposer à des jeunes en quête d'une première expérience professionnelle.
L'association pour la formation professionnelle des Français à l'étranger pourrait mettre des jeunes à la disposition des comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle - qui placent plus de Français à l'étranger que l'office des migrations internationales, et ce pour un coût nul - afin de démarcher les entreprises, détecter les postes qu'un employeur argentin ou australien jugera utile de confier à un Français.
Les écoles de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger - qui est en quelque sorte notre rectorat -, les alliances françaises pourraient, avec la formule de l'emploi-jeunes, développer de nouvelles actions.
Evidemment, la mise en oeuvre de l'emploi-jeunes à l'étranger demande des adaptations. C'est pourquoi cet amendement prévoit un décret d'application spécifique. Ce n'est pas simple, mais c'est réalisable.
De toute façon, il faudra résoudre les problèmes du coût du déplacement, de la protection sociale, du permis de séjour et de travail et, enfin, de la réinsertion des jeunes en France, dans le cadre du futur système de volontariat international dont le Gouvernement a annoncé la création dans la perspective de la disparition des coopérants du service national, les CSN.
Dès lors, je vous en prie, madame la ministre, ne perdons pas de précieuses années.
Il faudra attendre jusqu'en 2002 pour que le volontariat international atteigne sa vitesse de croisière et s'ouvre pleinement aux jeunes filles. Il faudra attendre jusqu'en 2002 pour que les jeunes moins diplômés et issus de milieux moins favorisés, pour ne pas dire moins privilégiés, que les actuels CSN bénéficient d'une expérience de travail à l'étranger, profitable pour eux comme pour la France.
Au cours des cinq ans qui nous séparent de 2002, l'emploi-jeunes à l'étranger aura ouvert des pistes, tant pour la définition des nouveaux emplois à créer et à pourvoir que pour la résolution des problèmes pratiques posés par ces nouvelles modalités d'expatriation.
Trop souvent, dans le passé, la dimension internationale de nos priorités gouvernementales a été oubliée. Ne renouvelons pas cette omission alors qu'il s'agit de l'emploi des jeunes, priorité vitale pour la crédibilité du Gouvernement et le succès de sa politique. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur quelques travées du RPR.)
M. Emmanuel Hamel. Excellente argumentation !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est défavorable. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Je suis d'ailleurs étonnée que des membres de la majorité sénatoriale qui nous ont expliqué tout à l'heure que l'Etat allait dépenser énormément d'argent pour des besoins que l'on ne connaissait pas puissent maintenant applaudir à un amendement qui prévoit le financement d'emplois-jeunes à l'étranger, notamment dans des pays où les besoins émergents sont malheureusement infinis.
Je comprends bien le souci qu'a Mme Cerisier-ben Guiga de faire en sorte que des emplois à l'étranger puissent être proposés aux jeunes Français. Toutefois, à ce stade, il s'agit pour nous de répondre d'abord aux besoins de nos concitoyens en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, au prix d'un investissement qui est déjà lourd. (Nouvelles exclamations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini. Nous sommes moins dogmatiques que vous !
M. le président. Madame Cerisier-ben Guiga, maintenez-vous l'amendement n° 61 rectifié ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je regrette qu'on oublie l'existence des 1 700 000 Français qui vivent à l'étranger. Il serait au demeurant souhaitable qu'il y en eût plus.
Toutefois, souhaitant éviter d'entrer en conflit avec un Gouvernement que je soutiens, je préfère retirer cet amendement. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. L'amendement n° 61 rectifié est retiré.
M. Philippe Marini. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Il s'agira donc de l'amendement n° 61, rectifié bis .
Je vais le mettre aux voix.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Là encore, je crains qu'il n'y ait un malentendu.
Madame la ministre, vous venez de dire que l'objet principal du texte que nous discutons était de répondre aux besoins de nos concitoyens. J'avais cru comprendre que l'objectif premier était de contribuer à la création d'emplois pour les jeunes.
Si tel est bien l'objectif, il va de soi que je voterai l'amendement repris par M. Marini. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. J'ai été convaincu par les propos tout à fait clairs qu'a tenus l'auteur initial de l'amendement. Je me rallie tout à fait à la logique de développement économique que ce texte sous-tend.
Il n'y a rien à ajouter à la démonstration extrêmement brillante que nous avons entendue et que je serais incapable de reprendre avec autant de talent.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis d'accord avec la dernière phrase de M. Marini.
Pour le reste, je relèverai simplement qu'il n'est pas à une contradiction près. On ne peut pas soutenir depuis le début de la soirée que l'Etat dépense de l'argent on ne sait trop pourquoi et accepter que ce même Etat finance l'emploi de jeunes à l'étranger pour satisfaire des besoins que nous ne connaissons pas.
Nous avons déjà indiqué avec insistance que ce projet de loi avait deux objectifs : l'emploi des jeunes et la création d'activités nouvelles pour répondre à des besoins émergents de nos concitoyens. Cela figure d'ailleurs dans l'intitulé du projet de loi.
Je réaffirme donc l'opposition du Gouvernement à cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je comprends la crainte de Mme le ministre. Bien sûr, nous savons tous qu'il faut développer les emplois à l'étranger, mais il est évident que, avec 80 % de financement par l'Etat, cela peut coûter très cher. Je me demande d'ailleurs qui, en l'espèce, paiera les 20 % restants, mais c'est une autre question !
Mme Joëlle Dusseau. M. Marini va répondre !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Cela étant, il est certain qu'il y a là un problème.
En tout cas, dans l'amendement de Mme Cerisier-ben Guiga repris par M. Marini, on offre à l'employeur une mesure que réclament depuis longtemps les entreprises françaises qui veulent envoyer à l'étranger des jeunes, à savoir un contrat à durée déterminée couvrant une période plus longue que celle que prévoit actuellement le code du travail pour ce type de contrat.
Dans ma commune, de nombreuses entreprises recrutent des jeunes, diplômés ou sans qualification, pour les envoyer travailler à l'étranger. Le fait de pouvoir leur offrir un contrat à durée déterminée de cinq ans, dénonçable chaque année, leur faciliterait grandement la tâche - surtout si elles ne paient pas ! - et, ne serait-ce que pour cette raison, je crois qu'il faut que nous adoptions cet amendement. Il y a tout de même là une possibilité d'emploi pour les jeunes qui est tout à fait importante.
Bien sûr, il sera très difficile pour les CODEF de déterminer les besoins nouveaux auxquels il s'agira de faire face, mais il est bon de mettre ce contrat à cinq ans, à la disposition des entreprises qui veulent envoyer des jeunes à l'étranger.
Madame la ministre, même si cette disposition devait ne pas être adoptée à l'Assemblée nationale, il faudrait absolument que, dans le volet de votre texte sur les emplois du secteur privé, vous prévoyiez ce système de contrat à durée déterminée dépassant deux ans pour les emplois à l'étranger, car c'est une des clefs de notre développement à l'étranger. (Applaudissements sur les travées des Républicans et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR).
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour éviter que M. le président Fourcade ne soit déçu par la suite, je rappelle que les entreprises privées ne peuvent pas bénéficier du dispositif des emplois-jeunes et que, par conséquent, le vote de cet amendement ne changera rien pour les entreprises privées de votre commune.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je parlais du deuxième volet !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'ores et déjà, des entreprises qui envoient des jeunes à l'étranger pour une mission particulière peuvent tout à fait les recruter sur contrat à durée déterminée ou indéterminée. Dans le second cas, dès lors que la mission est terminée, il y a motif de licenciement économique ; la jurisprudence est permanente en la matière.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
Mme Joëlle Dusseau. Je m'abstiens. (Rires sur les travées du RPR.)

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 120, M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre, Loridant, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent, après le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, le projet d'activité fait l'objet d'une évaluation par l'ensemble des partenaires. Dans l'année précédant son expiration, chaque convention fait l'objet d'une évaluation en vue d'apprécier l'intérêt de sa pérennisation. »
La parole est à M. Derian.
M. Jean Derian. Cet amendement vise à favoriser la pérennisation des emplois faisant l'objet d'une convention.
Pour ce faire, il inscrit dans la loi l'obligation d'une évaluation annuelle du projet d'activité, évaluation rendue nécessaire, à notre sens, par le caractère expérimental des emplois prévus par le dispositif.
Dans un souci de plus grande transparence, nous pensons que l'évaluation gagnera à être conduite par l'ensemble des partenaires - élus locaux, employeurs, jeunes, organisations syndicales - au sein de chaque structure ayant recours aux emplois-jeunes.
Afin que le jeune ne soit pas dans l'incertitude totale pour préparer la sortie du dispositif et assurer la pérennisation, il nous semble utile d'évaluer chaque convention dans l'année précédant son expiration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Comme les auteurs de l'amendement n° 120, elle prévoit une évaluation, mais selon un mécanisme différent. Dans ces conditions, elle s'en tient évidemment au système qu'elle a elle-même prévu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 120, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 64, Mme Dieulangard, MM. Huguet, Mazars, Roujas et Lise, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le sixième alinéa du texte présenté pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de remplacer les mots : « informés des », par les mots : « consultés préalablement aux ».
Par amendement n° 121, M. Fischer, Mmes Borvo et Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidart-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre et Loridant, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite et Renar, Mme Terrade proposent, dans le sixième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de remplacer les mots : « sont informés des », par les mots : « sont consultés pour les ».
Par amendement n° 109, M. Gournac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le sixième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18, d'insérer dans le code du travail, après les mots : « sont informés », le mot : « préalablement ».
La parole est à M. Huguet, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Roland Huguet. Il s'agit, par cet amendement, de rendre plus efficace la consultation des institutions représentatives du personnel et des comités techniques paritaires, les CTP, en faisant intervenir celle-ci en amont de l'éventuelle conclusion d'une convention.
En outre, cette consultation permettra une information précise du personnel sur les effets de la convention, et en conséquence une meilleure insertion des jeunes dans leur milieu de travail.
S'agissant notamment des emplois-jeunes, nous estimons très important que les institutions représentatives du personnel et les comités techniques paritaires soient consultés préalablement, et non simplement informés.
En effet, il est nécessaire que le personnel soit informé de la teneur de la convention et de l'arrivée des jeunes dans la collectivité de travail. Chacun comprendra aisément qu'il s'agit d'une condition indispensable à leur bonne intégration.
Cependant, il est également nécessaire que les institutions représentatives du personnel soient consultées. Nous pensons ici particulièrement aux CTP de nos collectivités territoriales. Les jeunes qui bénéficieront de ces nouveaux emplois seront employés sous contrat de droit privé à durée déterminée de cinq ans. Il conviendra donc que nous, élus, dans le souci de maintenir un vrai dialogue social et un bon climat au sein de nos collectivités, nous consultions les personnels sur la manière de régler un certain nombre de problèmes.
Nous avons déjà, avec les CES, vécu cette cohabitation entre fonctionnaires et contractuels de droit public, et nous savons donc quels problèmes pratiques peuvent se poser. Je vous renvoie ici aux questions formulées par M. Charasse cet après-midi : comment organiser par exemple un accès aux droits sociaux, comment faire en sorte que ces jeunes puissent être entendus - sans même évoquer l'exercice d'un droit syndical - comment organiser, si nécessaire, la sortie des jeunes du dispositif ? Je crois qu'un dialogue social régulier peut contribuer à résoudre ces difficultés.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît opportun que les institutions représentatives soient consultées dans les formes.
Enfin, j'ajoute que nos collègues de la majorité sénatoriale devraient avoir été sensibles à la poignante démonstration qu'a faite notre collègue Mme Lucette Michaux-Chevry cet après-midi, laquelle demandait à être non pas informée, mais consultée. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour défendre l'amendement n° 121.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le dispositif relatif à l'emploi des jeunes trouvera d'autant mieux sa place et sa pleine justification que les personnels dans leur ensemble auront été associés à son élaboration au sein du secteur public ou associatif.
L'émergence de besoins nouveaux, la modernisation et le renforcement du secteur public appellent, nous le savons, toujours plus de démocratie.
S'agissant de l'emploi des jeunes, l'immersion de ces derniers au sein du service public ne pourra se faire sans le concours des personnels de la fonction publique. C'est, à n'en pas douter, une dimension importante de la réussite de la pérennisation de ce type d'emploi.
Les jeunes trouveront, dans les fonctions qu'ils occuperont, une écoute, voire des conseils, à la condition que les personnels de la fonction publique soient scrupuleusement associés à la démarche.
C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement, d'aller au-delà de ce que prévoit le projet de loi en matière d'information des personnels.
A cette notion d'« information », nous préférons, pour ce qui nous concerne, celle de « consultation » sur les conventions conclues selon les dispositions prévues par l'article L. 432-4-1 du code du travail.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter l'amendement n° 109.
M. Alain Gournac. Il s'agit, par cet amendement, d'assurer aux institutions représentatives du personnel une information préalable sur les conventions conclues, et non pas une simple information après coup.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 64, 121 et 109 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements n°s 64 et 121, au motif que prévoir une consultation lui paraît un peu excessif.
Sur l'amendement n° 109, elle a émis un avis favorable, étant donné qu'informer tardivement retire beaucoup d'intérêt à l'information.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 64, ainsi d'ailleurs qu'à l'amendement n° 121, qui relève d'une même préoccupation.
En effet, si l'on veut s'assurer que les emplois-jeunes créés n'empiètent pas sur les compétences des collectivités locales, il est bon que les institutions représentatives du personnel et les comités techniques paritaires puissent donner leur avis préalablement à la signature des conventions.
J'ajoute que, dès lors, on voit mal pourquoi les organismes seraient informés et non consultés : il paraît en effet difficile de leur soumettre un projet sans leur demander leur avis sur celui-ci.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 109 puisque, dès lors qu'il s'agit d'apporter une information préalable, cela implique qu'il soit procédé à une consultation, sauf à considérer que l'on informe sans que personne ne puisse s'exprimer, ce qui, je le répète, ne présente guère d'intérêt.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 64.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Une fois n'est pas coutume - il s'agira sans doute d'une occurrence exceptionnelle dans ce débat ! - je suis prêt à me ranger à l'avis de Mme le ministre et des auteurs des amendements n°s 64 et 121, lesquels s'inscrivent d'ailleurs tout à fait dans la ligne des amendements précédents de la commission, notamment de l'amendement n° 2.
A cet égard, M. le président Fourcade a rappelé à Mme Dusseau que les organisations syndicales et professionnelles étaient représentées au sein du comité consultatif, et il est donc clair qu'il est bien envisagé de les consulter avant de recourir au dispositif « emploi-jeunes », afin de s'assurer de la pérennisation et de la solvabilité de ces emplois. Il me semble que nous sommes d'accord sur ce point.
Par conséquent, que l'on préfère le terme « consultation » au mot « information » ne me choque pas. Je suis prêt à faire ce pas dans votre direction, madame le ministre, et j'espère que cette concession vous permettra de nous donner acte du fait que l'amendement n° 2 va dans le sens que vous souhaitez. Il vous appartiendra ensuite de convaincre l'Assemblée nationale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 121 et 109 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 5, M. Souvet, au nom de la commission, propose, au sixième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail, de supprimer les mots : « ainsi que des conventions conclues conformément à l'article L. 322-4-8-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Le membre de phrase dont la suppression est proposée concerne les emplois consolidés. Plutôt que d'y faire référence dans ce texte, il semble préférable d'insérer cette procédure d'information des instances représentatives du personnel dans l'article L. 322-4-8-1 du code du travail, qui traite des emplois consolidés.
Ce sera fait par un amendement ultérieur et, par coordination, il est proposé de supprimer ici la mention de cette procédure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car la rédaction proposée par la commission permet d'améliorer le texte.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté).
M. le président. Je suis, enfin, saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 6, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer les septième et huitième alinéas du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail.
Par amendement n° 122, M. Fischer, Mmes Borvo et Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre et Loridant, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite et Renar, Mme Terrade proposent :
I. - Dans le septième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail, de supprimer les mots : « et la durée ».
II. - De compléter ce même alinéa par une phrase ainsi rédigée : « La durée des conventions ne peut être inférieure à celle qui est prévue au II de l'article L. 322-4-20 ci-dessous. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. Les dispositions prévues aux septième et huitième alinéas du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-18 du code du travail ont déjà été inscrites dans le projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour présenter l'amendement n° 122.
Mme Odette Terrade. Conformément à notre souci d'assurer aux jeunes un emploi d'une longévité raisonnable, nous souhaitons inscrire dans la loi que la durée des conventions, qui sera fixée par décret, ne pourra être inférieure à cinq années, soit soixante mois. Cette garantie rédactionnelle permettra d'éviter que ne soit réduite, à un moment ou à un autre, la durée du contrat. Elle constitue, selon nous, la meilleure arme contre la précarité dont sont souvent victimes les jeunes.
En effet, nous savons tous ici combien sont fragiles les décrets. Seule la loi peut offrir suffisamment de garanties en la matière.
Tel est le sens de l'amendement que je vous invite à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 122 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Le texte a été réécrit sous une autre forme, qui ne présente aucune ambiguïté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6 et 122 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sur l'amendement n° 6, le Gouvernement a émis un avis défavorable, comme il l'avait fait sur l'amendement n° 2.
Quant à l'amendement n° 122, le Gouvernement est défavorable au paragraphe I, mais s'en remet à la sagesse du Sénat pour le paragraphe II.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
Mme Gisèle Printz. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Il est indispensable que les conventions comportent des dispositions relatives à l'adaptation et à la qualification du jeune à son poste de travail, ainsi qu'à la formation professionnelle en vue de la pérennisation de l'emploi ou de la sortie du dispositif.
Par conséquent, nous ne souscrivons pas à l'option choisie par la commission, qui consiste à confondre emploi-jeunes et apprentissage. Or il s'agit là de deux filières différentes, si l'on peut employer le terme de filière s'agissant des emplois-jeunes. Certes, l'apprentissage dans la fonction publique n'a pas connu le succès espéré, et nous devons certainement nous interroger sur les causes de cette désaffection. En toute hypothèse, il convient de ne pas créer de confusion, y compris sur le plan financier.
En revanche, il nous serait précieux d'obtenir des précisions quant à la manière dont la formation professionnelle sera organisée, et financée, pour les jeunes qui seront accueillis dans les collectivités territoriales. Quel sera notamment le rôle du Centre national de la fonction publique territoriale - le CNFPT - au regard de ces contrats de droit privé ? En dehors du cas des collectivités territoriales, le droit commun s'appliquera-t-il ? Comment, c'est-à-dire quand, où et avec quels moyens, les jeunes pourront-ils bénéficier d'une formation ?
Enfin, nous estimons indispensable que soit rappelé le rôle des régions dans l'effort de formation en faveur de ces jeunes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 122 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-18 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

9

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 24 septembre 1997, l'informant que la proposition d'acte communautaire E 834 - « recommandations de la Commission relatives à des recommandations du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en Belgique, en Allemagne, en Grèce, en Espagne, en France, en Italie, en Autriche, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni » - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 15 septembre 1997.

10

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 437, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.

11

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi portant création d'une délégation parlementaire dénommée « délégation parlementaire du renseignement ».
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 439, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Oudin une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E 211).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 438, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil concernant le développement et la consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 925 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 926 et distribuée.

14

CLÔTURE DE LA SESSION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.
Je donne lecture de ce décret :
« Le Président de la République,
« Sur le rapport du Premier ministre,
« Vu les articles 29 et 30 de la Constitution,
« Vu le décret du 3 septembre 1997 portant convocation du Parlement en session extraordinaire,
« Décrète :
« Art. 1er. - La session extraordinaire du Parlement est close.
« Art. 2. - Le Premier ministre est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 30 septembre 1997.

« Signé : Jacques Chirac

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,
« Signé : Lionel Jospin. »

Acte est donné de cette communication.
En conséquence, la session extraordinaire qui a été ouverte le 16 septembre 1997 est close.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 18 septembre 1997
LIVRE VI DU CODE RURAL

Page 2192, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 621-9, 2e ligne :
Au lieu de : « groupements ; dans »,
Lire : « groupements passent, dans ».
Page 2193, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 621-7, au début du a) du 2° :
Au lieu de : « A être »,
Lire : « Etre ».
Page 2194, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 621-26, 3e alinéa, dernière ligne :
Au lieu de : « escomptée »,
Lire : « escompté ».
Page 2202, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 641-13, 1er alinéa, 1re ligne :
Au lieu de : « à l'article 16-1 »,
Lire : « au cinquième alinéa de l'article 16-1 ».
Page 2202, 1re colonne, dans le texte proposé par l'article L. 641-13 pour l'article 16-1, 1re ligne :
Au lieu de : « Art. 16-1. - Toute »,
Lire : « Toute ».
Page 2206, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 653-15, 1er alinéa, 6e ligne :
Au lieu de : « L. 633-1 »,
Lire : « L. 653-1 ».
Page 2212, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 671-7, 1er alinéa, 2e ligne :
Au lieu de : « L. 231-1 du code de la consommation »,
Lire : « L. 213-1 du code de la consommation ».
Page 2212, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article L. 671-9 (2°), 4e ligne :
Au lieu de : « producteurs »,
Lire : « reproducteurs ».

NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mardi 30 septembre 1997, le Sénat a nommé :
- M. Michel Barnier membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial, démissionnaire de son mandat de sénateur ;

- M. Jean Arthuis membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Guy Robert, démissionnaire de son mandat de sénateur.




Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Fiscalité des carburants et lutte contre la pollution

41. - 26 septembre 1997. - Mme Danièle Pourtaud rappelle à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie que le projet de loi de finances pour 1998 prévoit que la taxe intérieure sur les produits pétroliers sera uniformément relevée de huit centimes le litre, quel que soit le carburant, essence ou gazole. L'arbitrage qui a été récemment rendu n'a donc pas tenu compte des inquiétudes légitimes suscitées par la responsabilité du gazole dans la pollution atmosphérique et les conséquences de celle-ci sur la santé publique. Les rapports se succèdent qui établissent clairement la gravité du risque sanitaire que fait courir le gazole. Dans les grandes villes, le nombre annuel de décès prématurés attribuables à la pollution d'origine automobile est estimé autour de huit cent soixante-dix pour la mortalité associée aux particules. Par ailleurs, pour Paris et la petite couronne, les chercheurs ont évalué à hauteur de un milliard de francs par an le coût médico-social lié aux particules fines essentiellement produites par les moteurs Diesel. Aujourd'hui, près d'une voiture sur deux vendue en France est désormais équipée d'un moteur diesel. Le régime de taxation privilégié dont bénéficie le diesel par rapport aux autres carburants n'est certainement pas étranger à ce succès. Un rééquilibrage de la fiscalité au profit des carburants les moins polluants, dès le budget 1998, serait un signe fort pour les Français, et notamment les Parisiens qui jugent que la lutte contre la pollution est une priorité. Après les pics de pollution enregistrés en particulier à Paris cet été et dans le courant du mois de septembre où le seuil symbolique du niveau deux fut plusieurs fois atteint, elle considère que ce serait une erreur de sous-estimer à la fois la réalité des risques que nous courons à continuer d'encourager le diesel et l'ampleur de la prise de conscience des Français quant à ce problème majeur dans les grandes métropoles. Elle lui demande de préciser la politique du Gouvernement dans ce domaine et en particulier de dire si, à défaut de taxer le diesel, le Gouvernement envisage d'aider au développement des carburants non polluants.

Politique en faveur de l'emploi

42. - 26 septembre 1997. - M. Jean Bizet attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'inquiétude de nombreux chefs d'entreprise soucieux du montant des charges afférentes aux plus bas salaires. Ces industriels voudraient voir appliquer les dispositions du « plan textile » à l'ensemble des industries de main-d'oeuvre, seule solution, à leur avis, pour permettre la création d'emplois dans la conjoncture de plus en plus ouverte à l'international. Il n'ignore pas les efforts qui ont été faits par le gouvernement précédent, efforts qui auront permis de réduire de 13 % le coût du travail rémunéré au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), en diminuant les charges sur les bas salaires. Il lui semble important de poursuivre en ce sens afin d'inciter les chefs d'entreprise à favoriser une politique de recrutement capable de générer des emplois à long terme et se demande si l'on ne pourrait pas imaginer adapter cette mesure au projet de création de trois cent cinquante mille emplois dans le secteur privé. Il lui demande si cette décision ne permettrait pas d'affirmer que le souhait du Gouvernement est bien de favoriser l'emploi tout en respectant la logique économique la plus élémentaire.

Distribution de produits d'assurance dommages par La Poste

43. - 26 septembre 1997. - M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'extrême émotion suscitée chez les professionnels de l'assurance par l'annonce de négociations entre La Poste et un groupe d'assurance pour la distribution de produits d'assurance dommages par celle-ci. En effet, le marché de l'assurance de dommages des particuliers, c'est-à-dire pour l'essentiel, l'assurance automobile et le multirisques habitation est un marché saturé puisque son développement est conditionné par celui du parc automobile et de l'immobilier. L'irruption de La Poste sur ce marché n'apporterait donc aucune création de valeur et se traduirait par un simple transfert. Celui-ci se ferait au détriment des agents généraux d'assurance et des autres réseaux distribuant de l'assurance. Il en résulterait des destructions d'emplois en grand nombre, en particulier chez les agents généraux en zones rurales ou semi-rurales. Or les assurés français bénéficient d'ores et déjà de l'offre de produits et de la distribution la plus complète et la plus diverse qui existe en Europe puisqu'à côté des agents généraux d'assurance interviennent le courtage, les « bancassureurs », les mutuelles sans intermédiare et les sociétés de vente directe. Le transfert issu de l'accord envisagé entraînerait donc une grave déstabilisation du marché. De plus, la distribution de La Poste de produits d'assurance de dommages aggraverait davantage encore les distorsions de concurrence contre lesquelles la profession de l'assurance mais aussi d'autres professions du secteur concurrentiel ne cessent de s'élever. Ces distorsions de concurrence ont donné lieu à une instance dès 1990, confirmée par un récent pourvoi en avril 1997 auprès de la Cour de justice européenne. Il est à noter d'ailleurs que dans nombre de pays européens, les services financiers distribués par La Poste ont fait l'objet d'une filialisation qui assure la transparence du système. En effet, les règles européennes exigent que les conditions d'accès au réseau postal doivent être transparentes, publiées dans les forums appropriés et proposées sur une base non discriminatoire. Une réponse à une question écrite, publiée au Journal officiel le 28 août 1997, faisait état de la volonté du Gouvernement de procéder à un examen attentif de cette question : « Il sera notamment tenu compte de la compatibilité du projet avec les règles du droit de la concurrence, de considérations de nature prudentielle, du souci d'équilibre du marché de l'assurance dommages ». En conséquence, il lui demande quels sont les résultats de cet examen et les actions qu'il entend mener dans ce domaine.

Conditions particulières de mise en oeuvre
de la prestation spécifique dépendance
pour les malvoyants

44. - 26 septembre 1997. - M. Philippe Marini appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la vive émotion suscitée par la mise en application de la nouvelle prestation spécifique dépendance chez les personnes de plus de soixante ans souffrant de déficience visuelle ou de cécité. En effet, ces personnes recevaient, jusqu'à la création de la prestation spécifique dépendance, l'allocation compensatrice de tierce personne (ACTP). Or les dispositions contenues dans la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale concernant le contrôle de l'usage de l'ACTP et dans les décrets d'application n°s 97-426 et 97-427 du 28 avril 1997 de la loi créant une prestation spécifique dépendance au profit de certaines catégories de personnes âgées traitent globalement l'ensemble des personnes handicapées sans tenir compte de la spécificité des besoins des personnes handicapées de la vue. Il est pourtant évident que les aveugles et les malvoyants profonds n'ont pas tous le même type de dépendance, même après soixante ans, que les personnes du quatrième âge, désorientées ou grabataires. Ils ont à faire face durant toute leur vie à une grave déficience sensorielle qui rend difficile leur vie quotidienne, affective et sociale. Si le montant de l'ACTP ou de la prestation spécifique dépendance est entièrement affecté à la rémunération d'une aide ménagère, cela prive les déficients visuels d'autres services pour lesquels le plus souvent l'aide ménagère n'offre pas suffisamment de garanties de compétence et de confidentialité, tels que, par exemple, la lecture et l'écriture du courrier, la surveillance du compte bancaire ou le règlement des factures. Ainsi, et par manque de moyens financiers, les déficients visuels renonceraient à certains services complémentaires comme l'usage très fréquent du téléphone, du taxi ou le recours habituel à des professionnels pour de petites interventions que tout voyant effectuerait lui-même. Celles-ci, dont la nécessité est liée directement au déficit visuel sont des demandes de confiance, de compétence et d'équipements, dont les fréquences et les durées sont très variables, qui ne peuvent manifestement être couvertes par une prestation en nature. En conséquence, il lui demande si elle envisage à court terme de réexaminer les décrets d'application des deux lois suvisées afin que les déficients visuels de tout âge conservent s'ils le souhaitent leur allocation compensatrice pour tierce personne et ne soient pas concernés par la prestation spécifique dépendance ; que le contrôle de l'effectivité de l'ACTP ne s'exerce que sur 60 % du montant, les 40 % restants étant forfaitairement attribués à la rémunération des aides diversifiées ; que les aveugles complets, quel que soit leur âge, continuent d'être dispensés de justifier de l'effectivité de l'aide d'une tierce personne.

Intégration des candidats
admis au CAPES de mathématiques

45. - 29 septembre 1997. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le fait que le nombre de postes offerts au CAPES de mathématiques a subi une forte baisse, soit 1 154 en 1997 contre 2 000 en 1996. Le jury du concours a jugé aptes à enseigner 1 154 candidats auxquels il a ajouté 230 personnes. Il a ainsi reconnu les compétences de 1 384 candidats. Les capacités des 230 admis sur la liste complémentaire semblent remises en cause dans la mesure où le ministère ne semble pas prêt à les intégrer dans leur totalité. Pour contribuer à une amélioration de l'enseignement dont le Gouvernement fait un de ses objectifs prioritaires, elle lui demande ce qu'il compte faire pour réintégrer la totalité des candidats admis sur la liste complémentaire.

Organisation des sessions du Parlement européen

46. - 30 septembre 1997. - M. Yann Gaillard appelle l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur la violation, par le Parlement européen, de la décision du Conseil européen de 1992 fixant le siège du Parlement européen à Strasbourg et prévoyant l'organisation de douze sessions plénières par an dans la capitale de l'Alsace, et de sessions additionnelles à Bruxelles. Il lui demande de bien vouloir lui préciser quelle action il envisage de prendre pour faire respecter la décision du Conseil européen de 1992.

Situation des retraités agricoles

47. - 30 septembre 1997. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation des retraitées agricoles conjointes qui doivent se contenter d'une retraite de 1 400 francs par mois pour une moyenne de cinquante années de travail. Il lui rappelle que ces agricultrices ont souvent commencé à travailler dès l'adolescence pour aider leurs parents à relever les exploitations. Dans la période des années soixante, les agriculteurs ont dû investir pour acheter les terres, construire les bâtiments agricoles et acquérir du matériel agricole. Il souligne que tous ces efforts ont permis au secteur agroalimentaire de réaliser d'énormes profits et qu'aujourd'hui les terres et les bâtiments agricoles ne représentent plus aucune valeur, faute de repreneur. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre afin que les retraitées agricoles conjointes d'exploitant puissent bénéficier d'une retraite agricole égale au moins à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

Création d'un site de stockage d'anciennes munitions

48. - 30 septembre 1997. - M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'émotion créée dans le Cambrésis par l'annonce le 16 septembre dernier de son projet de création d'un site de stockage d'anciennes munitions de guerre sur l'aérodrome militaire désaffecté de Cambra-Niergnies. Il ne s'agit pas d'une contestation du bien-fondé du ramassage et de la collecte des anciennes munitions de guerre. L'Etat est dans son rôle en réorganisant celle-ci. Mais l'ancien aérodrome militaire de Cambrai-Niergnies représente un ensemble foncier de près de 200 hectares que l'armée de l'air avait entrepris de revendre à la communauté de villes de Cambrai et à la chambre de commerce. Un projet de réutilisation en faveur des sports de l'air, d'un centre d'expériences et de recherches universitaires et d'implantations industrielles était en cours d'élaboration. L'installation d'un dépôt de vieilles munitions, même limité à 5 tonnes, stérilisera 30 hectares et dissuadera les investisseurs éventuels de s'installer à proximité. Et c'est donc toute la zone, essentielle pour l'avenir de l'agglomération, qui se trouvera lourdement pénalisée. Il demande donc à M. le ministre de l'intérieur, qui est aussi maire et peut comprendre l'émoi des collectivités locales et de la population, de renoncer en ce lieu à une implantation inacceptable et de faire rechercher ailleurs, dans l'arrondissement de Cambrai ou dans un autre arrondissement, sur un terrain militaire ou sur une friche industrielle spécialisée dans les installations classées, l'installation de ce dépôt d'anciennes munitions.