SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidature à la délégation du Sénat pour l'Union européenne (p. 1 ).

3. Démission d'un membre d'une commission et candidatures (p. 2 ).

4. Convention avec la République tchèque relative à la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières. - Adoption d'un projet de loi (p. 3 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Maurice Lombard, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

5. Protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques. - Adoption d'un projet de loi (p. 4 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Maurice Lombard, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

6. Conventions avec le Sénégal, le Togo et le Niger relatives à la circulation et au séjour des personnes. - Adoption de trois projets de loi (p. 5 ).
Discussion générale commune : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des trois projets de loi.

7. Convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe. - Accord relatif à la participation de la France à cette association. - Adoption de deux projets de loi (p. 6 ).
Discussion générale commune : M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Mme Lucette Michaux-Chevry, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Habert.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.

8. Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et le Maroc. - Accord avec le Maroc sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. - Adoption de deux projets de loi (p. 7 ).
Discussion générale commune : M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; M. Jacques Habert.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.

9. Accord de coopération culturelle, scientifique et technique avec le Paraguay. - Adoption d'un projet de loi (p. 8 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Jacques Habert, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

10. Traité avec l'Allemagne relatif à la construction d'un pont routier sur le Rhin. - Adoption d'un projet de loi (p. 9 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 10 )

M. Daniel Eckenspieller.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

11. Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines. - Adoption d'un projet de loi (p. 11 ).
Discussion générale : M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; Mme Lucette Michaux-Chevry, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 12 )

Mme Odette Terrade, M. le ministre délégué.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

12. Nomination d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (p. 13 ).

13. Nomination de membres de commissions (p. 14 ).

14. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 15 ).

15. Dépôt de rapports d'information (p. 16 ).

16. Ordre du jour (p. 17 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
VICE-PRÉSIDENT

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures)1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ? ...
Le procès-verbal est adopté.

2

CANDIDATURE À LA DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de Mme Michelle Demessine, démissionnaire.
J'informe le Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a proposé la candidature de Mme Danielle Bidard-Reydet.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure.

3

DÉMISSION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION ET CANDIDATURES

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de Mme Nicole Borvo comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
J'informe le Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger :
- à la commission des affaires économiques et du Plan en remplacement de M. Claude Billard et de M. Félix Leyzour, dont les mandats sénatoriaux ont cessé,
- à la commission des affaires sociales en remplacement de Mme Michelle Demessine, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

4

CONVENTION
AVEC LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
RELATIVE À LA PRÉVENTION,
LA RECHERCHE ET LA POURSUITE
DES FRAUDES DOUANIÈRES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 173, 1996-1997) autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières. (Rapport n° 209, 1996-1997.)
La parole est à M. le ministre, à qui je souhaite la bienvenue au Sénat, où il vient aujourd'hui pour la première fois. (Applaudissements.)
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Je vous remercie, monsieur le président, de vos souhaits de bienvenue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la République tchèque ont signé, le 13 février 1996 à Prague, une convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière.
Cet accord doit renforcer l'efficacité de la lutte de nos deux administrations douanières contre la fraude en instaurant entre elles une coopération active. Les dispositions pertinentes du code des douanes dans le domaine de la coopération internationale n'offrent en effet qu'une faible base juridique, notamment en ce qui concerne la protection de la confidentialité des renseignements et informations échangés entre administrations.
Par ailleurs, la complexité croissante des circuits commerciaux et financiers ainsi que le développement des échanges internationaux ont conduit à une sophistication et à un accroissement des infractions douanières impliquant, dans la plupart des cas, des actes préparatoires ou de complicité commis à l'étranger. De telles infractions risquent de rester impunies dans l'Etat où elles sont perpétrées faute d'un accord permettant de recueillir les éléments de preuve attestant l'existence de ces infractions.
C'est pourquoi cette convention prévoit spécifiquement la communication spontanée de renseignements entre administrations douanières concernant les opérations illicites, la transmission sur demande des documents qui les corroborent.
En outre, elle autorise le recours à des enquêtes permettant l'audition de personnes suspectes ou de témoins et aux livraisons surveillées, ainsi que la possibilité d'utiliser à titre de preuves les documents et informations recueillis dans le cadre de la convention et, pour des agents des douanes, de comparaître en tant que témoins ou experts devant les tribunaux de l'Etat contractant requérant.
L'assistance ainsi organisée ne pourra porter atteinte à l'ordre public, à un secret industriel, commercial ou professionnel.
Cette convention devrait permettre à la fois d'assurer une meilleure perception des droits et taxes, de protéger la sécurité et la santé des citoyens français, d'assurer une protection plus efficace des entreprises contre les menaces d'irrégularités liées aux échanges internationaux - concurrence déloyale et contrefaçons - et de protéger notre patrimoine culturel.
A ce titre, elle est un élément important de nos relations bilatérales avec la République tchèque.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Maurice Lombard, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention franco-tchèque signée à Prague le 13 février 1996 concerne un domaine relativement classique : l'assistance administrative mutuelle en vue de prévenir, de recherche et de poursuivre les infractions douanières.
La France a déjà conclu une vingtaine de conventions bilatérales analogues qui permettent de donner une base juridique solide à la coopération entre les administrations douanières dans la lutte contre les fraudes.
La convention franco-tchèque reprend l'essentiel des dispositions habituelles dans ce type de texte.
Elle prévoit tout d'abord l'échange de renseignements entre administrations et la transmission de documents, qui peuvent prendre force de preuve devant les tribunaux.
Elle permet aux agents des douanes de comparaître en qualité de témoins ou d'experts dans une procédure relevant de l'autre pays.
La convention permet aussi à l'une des administrations de demander à son homologue l'exercice d'une surveillance spéciale sur les personnes ou les locaux susceptibles d'être liés à un trafic.
En ce qui concerne le trafic de stupéfiants, la convention contient une disposition novatrice que je juge très importante et qui était jusqu'alors absente des textes de même nature : elle autorise le recours à des « livraisons surveillées » impliquant la coopération des deux Etats. Ces termes « livraisons surveillées » méritent peut-être une explication. Ce type d'opérations, prévues par la législation française et, bientôt, vraisemblablement, par la législation tchèque, consiste, pour les besoins d'une enquête et sous le contrôle du parquet - je le précise bien - à infiltrer les réseaux de trafiquants pour mieux les démanteler.
Si le texte comporte pour l'essentiel des clauses classiques, il n'en présente pas moins, pour les relations franco-tchèques, une importance toute particulière.
Tout d'abord, les échanges commerciaux franco-tchèques sont relativement intenses. La France est le sixième fournisseur et le septième client de la République tchèque, et il convient de prévenir les fraudes portant sur de fausses déclarations d'origine ou de valeur qui visent à échapper aux droits de douane ; la France y est spécialement attentive.
Par ailleurs, la République tchèque - véritable carrefour en Europe centrale - a été gagnée par toutes sortes de trafics, particulièrement de stupéfiants, devant lesquels les moyens de contrôle du gouvernement tchèque paraissent encore très fragiles. Les autorités tchèques ont renforcé depuis quelques mois leur législation judiciaire, policière et douanière, en vue d'accentuer la lutte contre les infractions économiques et financières, contre l'immigration clandestine et contre la drogue.
Dans ce domaine très important, la France met en place des actions de formation et de soutien technique, au travers notamment du service de coopération technique internationale de police du ministère de l'intérieur. Ces actions sont prolongées par une coopération opérationnelle entre les administrations. La convention d'assistance douanière en est une illustration et elle contribue à la lutte contre les trafics.
Il s'agit d'un enjeu important pour la République tchèque, qui souhaite ajouter un atout supplémentaire à ceux - ils sont déjà nombreux - qui plaident pour son entrée dans l'Union européenne.
De plus, la coopération douanière s'inscrit parfaitement dans la perspective d'une bonne intégration de la République tchèque dans l'espace communautaire et elle renforce les relations entre nos deux pays.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous demande d'approuver le présent projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières, signée à Prague le 13 février 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

5

PROTOCOLE
RELATIF À L'ARRANGEMENT DE MADRID
CONCERNANT L'ENREGISTREMENT
INTERNATIONAL DES MARQUES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 245, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques. (Rapport 268. 1996-1997.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué, auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les droits de propriété intellectuelle font l'objet de nombreuses conventions internationales, dont la dernière est une annexe à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC.
Parmi ces droits, la marque est, pour les entreprises, un instrument essentiel de leur stratégie commerciale, en particulier à l'exportation. Simplifier les procédures qui leur permettent de les protéger sur leurs marchés étangers est donc un objectif particulièrement important.
Les entreprises françaises disposent déjà de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, dont la France est un Etat fondateur.
Cet accord permet de protéger une marque dans plusieurs pays au moyen d'une seule demande internationale transmise à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI, dont le siège est à Genève.
Les titulaires de marques françaises utilisent largement cet instrument : ils sont en effet à l'origine de 3 950 demandes internationales en 1995, soit 20,62 % de l'ensemble des enregistrements internationaux effectués par la voie de cet arrangement, ce qui situe la France en seconde position juste derrière l'Allemagne.
Toutefois, l'extension de l'arrangement à de nouveaux Etats, parmi lesquels des Etats industriels importants - la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou le Japon - se heurtait au refus de ces derniers d'en accepter certaines dispositions, dispositions de procédure ou dispositions financières. L'acquisition d'une protection dans ces pays supposait donc l'accomplissement des formalités exigées par leur législation nationale.
L'OMPI a donc entrepris la rédaction d'un protocole à l'arrangement de Madrid. Ce protocole, qui a été signé le 27 juin 1989 et qui vise à lever les obstacles s'opposant à l'extension de l'arrangement, est ouvert à la ratification des Etats tiers ainsi que des Etats membres de l'arrangement, avec lesquels des passerelles sont désormais établies.
Parmi les modifications, trois concernent des questions de procédure et une les émoluments rétrocédés aux Etats membres par l'OMPI.
Le dépôt de la demande internationale peut être fondé sur une simple demande d'enregistrement et non plus seulement sur une marque enregistrée. Cette faculté résout les difficultés rencontrées par les entreprises dans le cas des procédures d'enregistrement trop longues.
Le délai dans lequel les administrations nationales chargées de l'examen de la demande peuvent formuler un refus de protection est allongé. Le délai d'un an était en effet jugé trop bref, pour la raison que je viens d'évoquer.
La troisième modification est l'une des plus importantes. L'arrangement permet, par « l'attaque centrale » sur la marque de base dans ses cinq premières années d'existence, d'anéantir les effets de la marque internationale dans tous les pays désignés. Dans ce cas, le protocole prévoit la transformation de l'enregistrement international radié en autant de demandes nationales, ou régionales, qu'il y avait de pays ou groupes de pays désignés.
Pour ce qui est de la disposition financière, elle va permettre aux Etats dont les offices de propriété industrielle perçoivent des taxes de procédure plus élevées que la moyenne mondiale de recevoir, au lieu des émoluments forfaitaires fixés par l'OMPI, la taxe dite individuelle équivalente à leur taxe d'enregistrement nationale.
Ces modifications ont d'ores et déjà porté leurs fruits car dix-sept Etats sont désormais membres du protocole, dont six n'étaient pas membres de l'arrangement de Madrid, à savoir le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède. Les autres Etats déjà parties à l'arrangement, sont l'Allemagne, l'Espagne, la Chine, Cuba, Monaco, la Pologne, le Portugal, la République populaire démocratique de Corée, la République tchèque, la Suisse et la Russie. Le protocole est, de ce fait, en vigueur depuis le 1er décembre 1995 et effectif depuis le 1er avril 1996. Au total, cinquante-deux Etats sont aujourd'hui membres de l'un ou de l'autre des deux instruments.
Le protocole à l'arrangement de Madrid a également pour objectif d'établir des liens avec le système d'enregistrement de la marque communautaire créé par le règlement du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, en vigueur depuis le 15 mars 1994. C'est pourquoi il prévoit la possibilité pour certaines organisations intergouvernementales de devenir partie au protocole. La Communauté européenne, qui possède un office régional aux fins de l'enregistrement de marques communautaires, l'office de l'harmonisation dans le marché intérieur - marques, dessins et modèles -, pourra ainsi devenir membre de l'Union de Madrid. Cela aura deux conséquences : d'une part, une marque communautaire pourra servir de demande ou d'enregistrement de base pour une extension internationale ; d'autre part, les territoires couverts par la marque communautaire pourront être désignés en bloc dans un enregistrement international.
A cet égard, l'articulation à venir entre le protocole de Madrid et la marque communautaire sera aussi d'un grand intérêt pour les entreprises françaises, qui pourront alors adapter leur stratégie de dépôts de marques en fonction de leurs besoins.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole relatif à l'arrangement de Madrid qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Maurice Lombard, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le protocole adopté à Madrid le 27 juin 1989 concerne un domaine très précis et très technique, d'une grande importance pour les entreprises : l'enregistrement international des marques.
Cet enregistrement permet au déposant d'une marque - ce mot étant pris dans un sens relativement large, car une marque, ce sont des dessins déposés, des modèles, des appellations contrôlées - d'en obtenir la protection dans les différents pays qui participent à l'accord multilatéral sans qu'il lui soit nécessaire de solliciter, par une procédure particulière, la protection de la marque dans chacun des pays auxquels il souhaite s'adresser.
L'enregistrement international des marques était jusqu'à présent régi, comme vient de le rappeler M. le ministre, par un traité de 1891, appelé « arrangement de Madrid » et administré par l'Organisation mondiale de la propriété industrielle, que seuls cinquante et un Etats avaient ratifié. Si la France y a adhéré très tôt, des pays aussi importants que les Etats-Unis, le Japon ou le Royaume-Uni en sont restés à l'écart depuis plus d'un siècle, si bien que, pour obtenir la protection d'une marque dans ces pays, les entreprises étrangères doivent recourir, dans chacun d'entre eux, à une procédure de dépôt spécifique.
C'est pour encourager l'adhésion de tels pays qu'a été élaboré le protocole de 1989 que nous examinons aujourd'hui. Il établit, aux côtés de l'arrangement de Madrid, un nouveau système international d'enregistrement des marques, plus souple sur beaucoup de points et correspondant aux demandes de nombreux pays non membres.
C'est ainsi que la demande d'enregistrement international pourra désormais être effectuée avant l'obtention de l'enregistrement national dès lors que celui-ci a été demandé, ce qui accélérera considérablement les procèdures.
De même, le délai laissé à un office national pour examiner les demandes de protection, jugé trop court dans le système antérieur, pourra être porté, si l'Etat contractant le souhaite, d'un an à dix-huit mois et même, sous certaines conditions, à vingt-cinq mois.
Enfin, le lien entre l'enregistrement international et la marque de base pendant cinq ans est assoupli. Si l'enregistrement international vient à être résilié à la suite d'une radiation dans le pays d'origine, un enregistrement sera alors automatiquement demandé dans les différents pays couverts afin de maintenir la protection dont la marque bénéficiait dans ces pays.
En matière de droits, les parties pourront préférer à la taxe uniforme un système de taxe individuelle, qui apportera aux offices nationaux des recettes supérieures à celles qui sont actuellement prévues par l'arrangement de Madrid. Le droit prélevé, je le rappelle, est de 94 francs suisses en vertu de l'arrangement de Madrid.
Il convient d'ajouter que le protocole tire la conséquence de la création d'un système de protection des marques au sein de la Communauté européenne, matérialisé par l'office d'harmonisation dans le marché intérieur - l'OHMI - lequel pourra intervenir au lieu et place de chacun des pays pour obtenir la prise en compte de la protection des marques européennes.
Le présent protocole ne se substitue pas à l'Arrangement de Madrid. Ce sont donc deux systèmes d'enregistrement international des marques, quelque peu différents, qui coexisteront.
Les parties contractantes de l'un ou l'autre texte seront membres d'une même union, appelée Union de Madrid, qui comportera donc trois catégories de pays : les Etats parties au seul arrangement de Madrid, les Etats parties au seul protocole, les Etats parties aux deux instruments, auxquels appartiendra la France si nous ratifions cet accord.
Une clause de sauvegarde précise l'articulation entre les deux systèmes : lorsque l'enregistrement international de la marque émane d'un pays partie aux deux instruments, comme la France, ses effets sont régis par l'arrangement de Madrid sur le territoire des Etats parties à cet arrangement et par le protocole de 1989 sur le territoire des Etats parties au protocole.
Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions de ce protocole ouvert à la signature depuis juin 1989, qui a déjà été ratifié par neuf Etats et qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995.
La France a quelque peu tardé à engager sa ratification en l'attente, semble-t-il, de la mise en place du système communautaire de protection des marques. Il importe toutefois de ne pas prolonger ce retard. En effet, les Français sont les premiers instigateurs et les premiers utilisateurs, avec les Allemands, de l'Arrangement de Madrid, puisque plus du quart des enregistrements internationaux ont pour origine un dépôt français.
Ce protocole doit permettre aux marques françaises d'acquérir, dans des conditions simplifiées, un droit exclusif dans un nombre plus important encore de pays. Ainsi, le Royaume-Uni, le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède, qui n'étaient pas membres de l'arrangement de Madrid, ont adhéré au protocole. Il reste, bien entendu, à convaincre d'adhérer à ce nouveau protocole un certain nombre de pays très importants, en particulier les Etats-Unis.
Ce texte, au contenu très technique, présente pour les sociétés françaises un intérêt économique évident. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères souhaite l'approbation du projet de loi, déjà adopté par l'Assemblée nationale le 6 mars dernier.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation d'un protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

6

CONVENTIONS AVEC LE SÉNÉGAL,
LE TOGO ET LE NIGER,
RELATIVES À LA CIRCULATION
ET AU SÉJOUR DES PERSONNES

Adoption de trois projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 248, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble une annexe). [Rapport n° 255 (1996-1997).]
- du projet de loi (n° 299, 1996-1997) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble deux échanges de lettres). [Rapport n° 336 (1996-1997).]
- du projet de loi (n° 247, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble un échange de lettres). [Rapport n° 336 (1996-1997).]
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces trois projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les trois conventions relatives à la circulation et au séjour des personnes entre les gouvernements de la République française, d'une part, de la République du Niger, de la République du Sénégal et de la République togolaise, d'autre part, que vous examinez aujourd'hui s'inscrivent dans le cadre plus vaste de la renégociation, décidée et commencée en 1991, achevée en 1996, des accords de même nature que la France avait conclus, il y a plus de vingt ans, avec une douzaine de pays d'Afrique subsaharienne francophone.
Ces conventions étant de moins en moins en harmonie aussi bien avec notre législation interne, en particulier l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, qu'avec nos engagements internationaux, notamment la convention d'application de l'accord de Schengen, leur refonte devenait urgente. Alors que la France se dotait d'instruments mieux adaptés au contrôle et à la maîtrise de l'immigration, un édifice juridique cohérent s'imposait.
Destinés à se substituer à la convention franco-nigérienne du 19 février 1977 d'une part, à la convention franco-sénégalaise du 23 mars 1974 d'autre part et, enfin, à la convention franco-togolaise du 25 février 1970, de nouveaux accords ont été signés respectivement les 24 juin 1994 avec le Niger, le 1er août 1995 avec le Sénégal et le 13 juin 1996 avec le Togo. Il y a lieu de souligner que la procédure d'approbation a déjà abouti au Niger au début de cette année en dépit des difficultés de tous ordres rencontrées par ce pays depuis 1991.
En soulignant qu'aucune des mesures sur l'immigration adoptées ces dernières années n'interfère avec le dispositif de ces conventions et que ces trois textes suivent l'accord type qui avait été préparé pour les négociations avec l'ensemble de ces pays, je rappellerai brièvement leurs principales dispositions.
Tout d'abord, l'obligation de visa de court ou de long séjour, imposée unilatéralement par la France depuis septembre 1986, est confirmée.
Ensuite, la liste des justificatifs de ressources, d'hébergement et de rapatriement à produire, lors de la demande de visa, puis lors du franchissement de la frontière - ce qui constitue donc un double contrôle - est identique à celle qui est énoncée dans la convention d'application des accords de Schengen.
Par ailleurs, les cas de dispense de la production de ces justificatifs tiennent soit à la courtoisie internationale - s'agissant de membres du Gouvernement, de parlementaires, de fonctionnaires en mission - soit à des dispositions de conventions internationales - s'agissant de membres des missions diplomatiques et consulaires, de membres des équipages de navires ou d'aéronefs. Ces catégories de personnes ne constituent pas à l'évidence un risque migratoire.
En ce qui concerne les visas de long séjour, c'est-à-dire d'une durée supérieure à trois mois, les conditions de délivrance, en d'autres termes la liste des justificatifs exigés, dépendent de la nature du séjour envisagé : selon qu'il s'agit d'un salarié, d'un commerçant, d'un inactif ou d'un étudiant.
Le droit au regroupement familial est réaffirmé mais il s'inscrit dans le cadre de la législation de l'Etat d'accueil. Il exclut donc que des familles polygames puissent en bénéficier en France.
Pour tout séjour supérieur à trois mois, la possession d'un titre de séjour est obligatoire. Ce titre est délivré conformément à la législation du pays d'accueil.
Enfin, les réserves habituelles en matière d'ordre public, de protection de la santé et de la sécurité publiques figurent évidemment dans le texte de l'accord.
Par ailleurs, à la demande de nos partenaires, un échange de lettres a été annexé à la convention franco-nigérienne, qui précise la notion de garanties de rapatriement et prévoit des assouplissements en matière d'évacuation sanitaire d'urgence. Une annexe à l'accord franco-sénégalais précise la notion de moyens d'existence suffisants. Enfin, deux échanges de lettres complètent le texte franco-togolais et traitent de l'échange périodique d'informations en matière de formulaires et pièces requises comme de la possibilité d'accorder, au cas par cas, des visas aux élèves togolais.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions des conventions entre le Gouvernement de la République française et celui de la République du Niger, celui de la République du Sénégal et celui de la République togolaise relatives à la circulation et au séjour des personnes, qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui proposés à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois projets de loi que je vais rapporter tendent à autoriser l'approbation de trois conventions relatives à la circulation et au séjour des personnes, conclues avec le Niger, le 24 juin 1994, le Sénégal, le 1er août 1995 et le Togo, le 13 juin 1996.
Ces textes s'inscrivent dans un ensemble de conventions négociées depuis 1991 avec nos partenaires d'Afrique subsaharienne afin de tirer les conséquences, pour ce qui concerne le régime de circulation des personnes s'appliquant à ces pays, des engagements souscrits par la France dans le cadre des accords de Schengen.
Les conventions relatives à la circulation des personnes qui nous lient aujourd'hui à la Côte-d'Ivoire, au Bénin, au Burkina-Faso, au Congo, à la Mauritanie, au Cameroun, au Mali, à la République Centrafricaine et, plus récemment, au Sénégal, au Niger et au Togo, ont toutes été conclues sur la base d'un texte type dont elles ne s'écartent qu'à la marge, ce qui explique la cohérence de cette nouvelle génération d'accords.
L'objet de ces conventions est donc de mettre à jour un régime de circulation et de séjour qui avait été élaboré avec nos partenaires subsahariens pendant les années soixante-dix.
Jusqu'en septembre 1986, quand la menace terroriste a obligé la France à faire prévaloir l'exigence de visa en toutes circonstances, les conventions de circulation en vigueur avec ces pays s'appuyaient sur un régime privilégié d'accès à notre territoire : aucun visa n'était alors exigé, au moins pour les courts séjours, et un passeport en cours de validité n'était pas même requis de ressortissants de certains pays. Ainsi, les conventions franco-togolaise et franco-nigérienne du 25 février 1970 permettaient l'accès au territoire de l'autre partie sur présentation d'une simple carte d'identité ou d'un passeport, même périmé depuis moins de cinq ans.
Quelles sont les principales stipulations des conventions que nous examinons aujourd'hui ?
Tout d'abord, ces trois textes posent le principe de l'obligation de visa, quelle que soit la durée du séjour envisagée. L'exigence de visa, établie unilatéralement par notre pays en septembre 1986 pour lutter contre la menace terroriste, est donc assise sur des bases conventionnelles.
Les conditions d'accès au territoire de l'autre partie diffèrent cependant selon qu'il s'agit de courts ou de longs séjours.
L'admission en vue d'un séjour de moins de trois mois est subordonnée à la possession d'un passeport en cours de validité, revêtu d'un visa de court séjour, et des certificats internationaux de vaccination exigés par l'Etat d'accueil. Il convient également, pour être admis sur le territoire de l'autre partie, de justifier de moyens de subsistance suffisants, appréciés en référence au SMIC, et de la possession d'un billet de transport aller-retour nominatif.
Ces conditions sont assorties des dispenses d'usage, qui concernent notamment les parlementaires, les fonctionnaires en mission et les diplomates.
Pour ce qui est des séjours de plus de trois mois, l'accès au territoire de l'autre partie est subordonné à la possession d'un visa de long séjour, assorti de documents justificatifs qui varient selon la nature du séjour : exercice d'une activité salariée, exercice d'une activité commerciale ou artisanale, cas des étudiants et stagiaires, etc.
En conclusion, je voudrais souligner que les conventions franco-sénégalaise, franco-togolaise et franco-nigérienne sur lesquelles nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui présentent aussi, pour nous, le mérite d'asseoir la situation de nos compatriotes expatriés dans ces trois pays sur des bases conventionnelles solides. Je pense essentiellement à la clause engageant chaque partie à fixer à un « taux raisonnable » les droits et taxes exigibles lors de la délivrance ou du renouvellement des titres de séjour. Si l'on se réfère au différend qui a opposé la France au Cameroun en 1996, quand ce pays a fixé ces droits à des montants pouvant atteindre jusqu'à 8 000 francs par personne, une telle stipulation constitue une garantie appréciable pour nos compatriotes.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc conclu à l'adoption des trois projets de loi autorisant les conventions franco-sénégalaise, franco-togolaise et franco-nigérienne relatives à la circulation et au séjour des personnes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

CONVENTION AVEC LA RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 248 :
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble une annexe), signée à Dakar le 1er août 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

CONVENTION AVEC LA RÉPUBLIQUE TOGOLAISE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 299 :
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble deux échanges de lettres), signée à Lomé le 13 juin 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

CONVENTION AVEC LA RÉPUBLIQUE DU NIGER

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 247 :
« Article unique . - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble un échange de lettres), signée à Niamey le 24 juin 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

7

CONVENTION CRÉANT L'ASSOCIATION DES ÉTATS DE LA CARAÏBE. - ACCORD RELATIF À LA PARTICIPATION DE LA FRANCE À CETTE ASSOCIATION

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 187, 1996-1997) autorisant la ratification de la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes). [Rapport n° 289 (1996-1997).]
- du projet de loi (n° 188, 1996-1997) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des Etat de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique. [Rapport n° 289 (1996-1997).]
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre. M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux textes que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui concernent directement le renforcement de la présence française dans la région des Antilles par l'adhésion de la France à l'Association des Etats de la Caraïbe, l'AEC.
C'est dans cette perspective que la France a signé la convention de Carthagène, créant l'AEC, et l'accord d'association signé avec cette organisation afin de préciser les modalités de notre participation à la vie de celle-ci.
La France a, depuis 1990, souligné sa volonté de promouvoir une meilleure insertion de ses départements d'Amérique dans leur environnement régional, c'est-à-dire d'oeuvrer en faveur d'un développement des échanges économiques, culturels et sociaux entre les départements français d'Amérique et les Etats voisins.
Cette volonté a bénéficié d'un contexte régional plutôt favorable.
En effet, ces Etats, après avoir perdu l'atout que constituait en quelque sorte pour eux la division du monde en blocs, ont vu se réduire, à partir de 1990, l'aide internationale dont ils bénéficiaient.
La mise en place à leurs portes d'un nouvel espace économique, l'accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, leur a en outre inspiré la crainte d'une marginalisation croissante.
Ces Etats ont ainsi pris conscience de la nécessité de prendre davantage en main leur destin, en donnant une plus grande cohésion à leur ensemble géographique. C'est dans ce contexte qu'ils ont créé l'Association des Etats de la Caraïbe, en juillet 1994.
L'affirmation par la France d'un intérêt croissant pour la zone des Antilles et les positions favorables aux pays d'Amérique, des Caraïbes et du Pacifique, dits pays ACP, qu'elle défend au sein de l'Union européenne ne pouvaient qu'être bien reçues dans un tel contexte. Je rappelle que, à l'exception de Cuba, tous les Etats insulaires de la zone ainsi que trois petits Etats continentaux - Belize, Guyana, Surinam - appartiennent à l'ensemble ACP.
L'objectif de la France était de permettre à ses départements d'Amérique de participer à la vie de l'Association. Cet objectif a pu être atteint avec l'acceptation d'un statut spécifique : la France est « membre associé au titre de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique ». La présence aux réunions de l'AEC de nos délégations, qui comprennent toujours des responsables des départements français d'Amérique, est désormais perçue comme allant de soi. Le statut de ces départements français d'Amérique, qui sont des départemens à part entière de la République et non des territoires dépendants, comme les possessions britanniques et néerlandaises de la zone, est mieux compris.
L'accord d'association a également réglé les difficultés qui auraient pu résulter de l'appartenance de la France à l'Union européenne. Il précise en effet que les décisions prises par l'AEC sur des questions relevant, pour nous, de la compétence des Communautés européennes ne s'appliqueront pas à notre pays.
L'AEC favorisera en outre une plus grande harmonisation des efforts engagés afin de lutter contre les problèmes d'envergure régionale : catastrophes naturelles, trafic de drogue, insuffisance des liaisons maritimes et aériennes, prédominance de certaines monocultures, entre autres.
La France, j'en ai la conviction, se devait de s'associer à ces efforts. Elle ne pouvait, sous peine de marginaliser les départements français d'Amérique, rester en dehors de ce mouvement général de resserrement des liens intercaraïbes.
La convention de Carthagène nous a déjà accordé un avantage important : elle a prévu pour la langue française - c'est fondamental - un statut identique à celui des langues espagnole et anglaise, précédemment dominantes.
Notre acceptation au sein de l'AEC représente donc un indéniable succès diplomatique. La France pourra mieux affirmer sa présence dans les Caraïbes, où les Etats-Unis conservent, en dépit de la réduction générale de leurs aides, une influence prépondérante. Les échanges des départements français d'Amérique avec les Etats voisins seront également développés.
Je suis persuadé que les institutions régionales des trois départements français d'Amérique, qui ont déjà apporté une contribution importante à ce dessein, sauront poursuivre les efforts engagés.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent la convention de Carthagène créant l'AEC et l'accord d'association entre la France et l' AEC, qui font l'objet des deux projets de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Lucette Michaux-Chevry, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en place de l'Association des Etats de la Caraïbe et l'adhésion, maintenant souhaitée par les pays de la Caraïbe, de la France à cette organisation au titre de ses départements d'Amérique constituent une chance décisive pour instaurer un contrepoids à la présence du géant américain et assurer le rayonnement de notre pays. Tel est l'enjeu majeur des deux accords sur lesquels le Sénat est appelé à se prononcer.
De par leur histoire et leur statut, les départements français d'Amérique n'avaient de relations qu'avec la métropole. En dépit d'un passé commun avec leur environnement régional, leurs relations avec les Etats voisins étaient quasiment inexistantes.
Cette situation a évolué depuis le fameux discours de Cayenne, qui a lancé la coopération régionale décentralisée. Celle-ci s'est amplifiée puisque la France a accepté d'adhérer à l'Association des Etats de la Caraïbe.
La participation de notre pays en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique constitue une modalité nouvelle de présence dans une organisation internationale. L'Etat ne se dessaisit pas de la faculté d'arrêter ses positions au sein de l'AEC, mais il prend maintenant en compte les paramètres relatifs aux trois départements français d'Amérique.
Pour l'outre-mer, c'est la reconnaissance officielle de plus amples responsabilités au regard de son environnement.
L'intensification des contacts entre les départements d'outre-mer et leurs voisins apparaît comme un atout pour le développement social et culturel de ces territoires, mais aussi pour le rayonnement de notre pays.
L'AEC regroupe non seulement les Etats et territoires insulaires de la région, mais encore les pays continentaux riverains. Ainsi, la zone de la Caraïbe comprend, outre de petits Etats, des géants tels que le Mexique, la Colombie ou le Venezuela. Tous ces pays se trouvent aujourd'hui confrontés au défi de la mondialisation des échanges, qui se traduit notamment par la mise en place de vastes zones de libre-échange comme celle qui résulte de l'accord ALENA.
La dimension politique de l'AEC est évidente et la participation de la France à cette association va permettre le renforcement du rôle des départements français d'Amérique dans la région. Nos départements seront mieux à même de faire valoir la coopération régionale dans les domaines où nous disposons d'un savoir-faire reconnu : la recherche, la prévention des risques majeurs, la santé, l'éducation et la formation.
Par ailleurs, l'adhésion à l'AEC permettra de développer la concertation sur des sujets d'intérêt commun : je pense, en particulier, à la lutte contre le trafic des stupéfiants, à la maîtrise de l'immigration clandestine et à la protection de l'environnement.
Enfin, l'appartenance à l'AEC constitue une chance pour intensifier les échanges culturels favorables au rayonnement de la francophonie.
Notre adhésion présente, en deuxième lieu, un atout pour notre diplomatie et assure une meilleure approche des problèmes de la Caraïbe. La coopération régionale permet, en retour, d'obtenir le soutien des Etats de la région dont le poids n'est pas négligeable au sein des instances internationales.
Enfin, l'accord devrait favoriser une meilleure coopération économique entre les DFA, les départements français d'Amérique, et leur environnement régional. En effet, les DFA, partie intégrante du territoire douanier de l'Union européenne, admettent au titre de la convention de Lomé les produits concurrentiels des Etats et territoires associés voisins sans restriction quantitative ni droits de douane. A l'inverse, ces derniers imposent des negative lists prohibitives qui gênent les exportations des départements d'outre-mer.
Des accords commerciaux pourront ainsi être signés dans le respect de l'Union européenne à la faveur de la présente convention qui envisage notamment « l'intégration économique, y compris la libéralisation du commerce ».
En conclusion, l'Association des Etats de la Caraïbe constitue un défi, mais aussi une chance pour l'ensemble des pays de la zone. Il faudra incontestablement surmonter les obstacles de l'insularité, des clivages culturels et des disparités économiques. Mais cette association constituera aussi un vaste espace de dialogue dans lequel l'histoire vécue en commun par ces pays prendra tout son sens.
L'organisation veut dépasser ces clivages. La langue doit devenir le creuset d'une identité fondée sur l'unité géographique. Le bassin Caraïbe pourra ainsi, entre la dynamique de l'ALENA et celle du MERCOSUR, conjurer le spectre de la marginalisation et, peut-être, jouer le rôle de trait d'union que lui assigne la géographie.
L'adhésion de la France à l'AEC est aussi une chance pour l'Europe. Les DFA doivent servir de relais pour mieux coordonner les moyens disponibles au titre du Fonds européen de développement, le FED, et du Fonds européen de développement régional, le FEDER, et pour conforter ainsi une présence européenne nécessaire pour contrebalancer l'hégémonie américaine.
Particulièrement consciente des enjeux que représente l'adhésion de la France à l'Association des Etats de la Caraïbe pour le développement de nos départements des Antilles, la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à approuver ces deux projets de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne voulais pas laisser passer l'occasion d'abord de vous saluer, monsieur le ministre, et de vous faire part de notre plaisir de vous voir assis au banc du Gouvernement.
Je voulais ensuite, au nom du groupe socialiste, mais aussi au nom du groupe d'amitié sénatorial France-Caraïbe, apporter l'adhésion des uns et des autres à ces deux projets de loi.
Lors d'un voyage effectué au mois de février dernier avec Mme Bidard-Reydet et MM. Faure, Doublet et Pastor, M. Habert s'étant joint à nous pour la visite de Tahiti, nous avons eu l'occasion, dans la Caraïbe, de visiter Cuba, puis la Jamaïque.
Nous nous sommes rendu compte de l'amitié que porte à la France chaque Etat de la Caraïbe, qu'il soit de langue française ou non. Mais nous nous sommes également rendu compte des difficultés en matière de transport puisque, bien souvent, nous étions obligés de transiter par Miami pour nous rendre d'un Etat de la Caraïbe à l'autre. Travailler au rapprochement de chacun de ces pays, par la voie aérienne en particulier, pourra constituer l'une des missions de l'Association des Etats de la Caraïbe.
Je ne voulais pas, je le répète, laisser passer l'occasion de dire à quel point tous ceux - et ils sont nombreux au Sénat - qui éprouvent beaucoup de sympathie pour l'ensemble des pays de la Caraïbe se félicitent de cet accord entre ces Etats et la France, qui, grâce en effet à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Guyane, fait elle-même partie de ceux-ci. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je souhaite m'associer aux propos que vient de tenir M. Dreyfus-Schmidt. Ce traité est important car, à l'intérieur de la Caraïbe, la Martinique et la Guadeloupe ainsi que, plus au sud, la Guyane constituent des exceptions en ce sens que ces territoires ont souhaité rester rattachés à la France et n'ont pas voulu de l'indépendance dont se prévalent la plupart des autres îles.
Par conséquent, il était utile que la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane se joignent à cette association, qui témoigne de la nécessité d'établir dans ce coin du monde de réels accords de coopération entre tous les pays qui en font partie.
A cet égard, les dispositions prises en faveur de Sainte-Lucie, de la Dominique et des autres îles de langue française des Antilles, jadis possessions françaises, ont bien souligné la nécessité de nouer des liens étroits entre tous ces pays, et je remercie Mme Michaux-Chevry de l'avoir indiqué aussi clairement dans son rapport.
Nous nous associerons donc bien volontiers à l'approbation de ce traité, qui revêtira une grande importance dans cette région du monde. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

CONVENTION CRÉANT L'ASSOCIATION
DES ÉTATS DE LA CARAIBE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 187 :
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes) faite à Carthagène des Indes le 24 juillet 1994 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

ACCORD RELATIFS À LA PARTICIPATION DE LA FRANCE
À L'ASSOCIATION DES ÉTATS DE LA CARAIBE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 188 :
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des Etats de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, signé à Mexico le 24 mai 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

8

ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN ÉTABLISSANT UNE ASSOCIATION ENTRE LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET LE MAROC
ACCORD AVEC LE MAROC SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 280, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part. [Rapport n° 321 (1996-1997).]
- du projet de loi (n° 279, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres). [Rapport n° 319 (1996-1997).]
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, la signature à Bruxelles, le 26 février 1996, de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part, a constitué un événement d'une grande portée.
Cet accord d'association ouvre, en effet, des perspectives nouvelles et prometteuses au partenariat euro-marocain et contribue, dans le cadre du processus de Barcelone, à la construction d'une zone de paix et de prospérité en Méditerranée.
Le socle de la relation euro-marocaine est solide. Le Maroc et l'Union européenne entretiennent de longue date une coopération privilégiée, que reflète l'étroitesse de leurs liens économiques.
Le Maroc réalise en effet aujourd'hui environ 70 % de ses échanges commerciaux avec l'Union européenne. Celle-ci absorbe notamment la plus grande partie des exportations textiles et agricoles du Royaume.
En matière d'investissements, la présence des pays de l'Union européenne atteint des proportions tout à fait comparables.
La force des liens qui unissent l'Europe au Maroc ne se réduit cependant pas à ces quelques données chiffrées.
L'Europe et le Maroc ont en effet une histoire commune et ils ont aujourd'hui un avenir commun. Le développement du Maroc est donc pour l'Europe un enjeu majeur, d'abord en raison de son potentiel économique et humain. La jeunesse de sa population - 58 % des jeunes ont moins de vingt-cinq ans - est un atout, si l'on sait investir en elle et en faire un moteur de la croissance future.
C'est aussi un enjeu majeur en raison de la position stratégique du Maroc, au confluent de l'Atlantique et de la Méditerranée et au carrefour de trois mondes, l'Occident, l'Afrique et le monde arabo-musulman. Affirmant sans agressivité son identité et sa fidélité au message de tolérance de l'Islam il est, par tradition et par vocation, un médiateur et un modérateur.
Le développement du Maroc est, enfin, pour l'Europe un enjeu majeur en raison de son orientation exemplaire dans le domaine économique. Le Maroc a fait, de longue date, le choix de l'économie de marché, et il y reste plus que jamais fidèle, en mettant en oeuvre depuis deux ans un vaste programme de réformes structurelles, complété par une réforme de l'environnement juridique et institutionnel des entreprises, réformes qui sont une garantie essentielle pour les investisseurs.
Pour l'ensemble de ces raisons, il est apparu nécessaire, à l'heure où l'Europe et la Méditerranée changent, de donner un élan nouveau à la coopération euro-marocaine.
La signature du nouvel accord d'association témoigne de cette volonté. Elle représente un véritable saut qualitatif dans la relation euro-marocaine.
Comme vous le savez, l'Union européenne a entrepris depuis quelques mois de renouveler les accords de coopération conclus à la fin des années soixante-dix avec les pays du Maghreb et du Machrek.
Le fait que le Maroc ait été le premier des pays méditerranéens pour lequel le processus a été lancé, et ce, dès la fin de l'année 1992, montre la priorité que l'Union attachait à l'approfondissement des relations euro-marocaines.
Le fait que cette négociation ait été longue, parfois difficile et intense reflète l'importance des questions qui se trouvaient en jeu de part et d'autre.
Si l'on peut estimer que cet accord marque un saut qualitatif important, c'est au regard de trois considérations principales.
Il y a, d'abord, un élargissement des domaines de coopération, comme le montrent la mise en place d'un dialogue politique, le développement d'une coopération dans une vaste gamme de nouveaux domaines et la prise en compte de la dimension régionale.
Il y a, ensuite, un approfondissement de la coopération. L'accès préférentiel au marché européen est consolidé et même amélioré pour quelques produits agricoles. La coopération économique est renforcée, avec l'ambition de favoriser le rapprochement des économies et de soutenir le développement des secteurs créateurs d'emplois.
Il y a, enfin, un nouvel équilibre dans la coopération. La réciprocité des engagements est, en effet, le gage d'un authentique partenariat. Cette réciprocité concerne notamment le régime des échanges, avec l'établissement progressif d'une zone de libre-échange. Par ce biais, le Maroc a fait le choix d'organiser dans le cadre euro-méditerranéen l'ouverture, devenue inéluctable, de son économie afin de favoriser sa modernisation.
L'entrée en vigueur de cet accord doit ouvrir une nouvelle période des relations euro-marocaines, plus étroites et plus sereines. Il est complété par la place éminente que le Maroc doit tenir dans le partenariat euro-méditerranéen.
Le fait que la dimension méditerranéenne ait été reconnue comme une priorité pour l'Union européenne, à Cannes puis à Barcelone, ne pourra en effet qu'enrichir une relation bilatérale déjà traditionnellement forte.
C'est donc un grand succès pour la France que d'avoir convaincu ses partenaires européens que les enjeux pour la stabilité et pour la prospérité du continent se situaient autant au Sud qu'à l'Est. Cela a permis un rééquilibrage de la politique extérieure de la Communauté, dont les décisions du Conseil européen de Cannes donnent la mesure : pour la période 1995-1999, 4 685 millions d'écus seront affectés à la Méditerranée.
L'Union européenne s'est ainsi donné les moyens d'appuyer les efforts du Maroc pour s'intégrer et prendre toute sa place dans l'espace économique euro-méditerranéen. D'ici à 1998, le Maroc devrait pouvoir compter sur une dotation indicative d'environ 450 millions d'écus de dons. Les deux priorités du programme seront l'appui à la transition économique et l'amélioration des équilibres socio-économiques.
Il convient de se réjouir aujourd'hui que le Maroc ait fait le choix et qu'il se soit, en outre, donné les moyens de vivre pleinement à l'heure de l'Europe, une Europe qui, loin de se substituer aux traditionnelles relations bilatérales avec ses Etats membres, permettra de leur donner une nouvelle dimension.
Cette complémentarité entre les relations euro-marocaines et les relations franco-marocaines est d'ailleurs parfaitement illustrée par l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements signé entre la France et le Maroc le 13 janvier 1996, que j'ai également l'honneur de présenter à votre assemblée.
Cet accord a pour objet d'établir un cadre juridique sûr, qui permette de favoriser l'activité de nos entreprises au Maroc.
Il contient les grands principes qui figurent habituellement dans les accords de ce type et qui constituent la base de la protection des investissements, telle que la conçoivent aujourd'hui les pays membres de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques.
J'en rappellerai brièvement les principaux traits.
Le premier, c'est l'octroi aux investisseurs d'un traitement juste et équitable, conforme au droit international et au moins égal au traitement accordé aux nationaux ou à celui de la nation la plus favorisée.
Le deuxième, c'est une garantie de libre transfert des revenus et du produit de la liquidation des investissements, ainsi que d'une partie des rémunérations des nationaux de l'une des parties contractantes.
Le troisième, c'est le versement, en cas de dépossession, d'une indemnisation prompte et adéquate, dont les modalités de calcul sont précisées dans l'accord.
Le quatrième, c'est la faculté de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays d'accueil.
Le cinquième, enfin, c'est la possibilité pour le Gouvernement français d'accorder sa garantie aux investissements que réaliseront à l'avenir nos entreprises dans ce pays, conformément aux dispositions de la loi de finances rectificative de 1971, qui subordonne l'octroi de cette garantie à l'existence d'un tel accord.
Comme vous le voyez, les principes auxquels nous sommes attachés et qui fondent la protection des investissements sont inscrits dans le texte que nous avons signé avec le Maroc.
Cet accord s'inscrit dans un processus global destiné à offrir la plus grande sécurité possible à nos investisseurs. Cette démarche suivie avec constance a permis de passer des accords de ce type avec plus de cinquante pays.
Par ailleurs, on ne saurait trop souligner que l'accord soumis à votre approbation a été signé avec un pays qui est en train d'effectuer d'importantes réformes de structures. Cette réalité n'a bien évidemment pas échappé aux investisseurs français, qui y sont implantés de manière plus significative que leurs concurrents.
Il s'agit, par ailleurs, d'un texte très important, par lequel le Maroc a accepté de garantir la totale liberté de transfert de tous les flux liés à un investissement. Cette décision a demandé, il faut le souligner, plusieurs années de réflexion aux autorités marocaines, puisque les négociations avaient commencé dès 1991.
Ce simple constat souligne logiquement le souci qui inspire cet accord : aider, autant que faire se peut, les entreprises françaises à renforcer leur présence et à prendre toute leur place dans une région du monde qui nous est traditionnellement proche, et de plus en plus proche.
Dans cette perspective, l'accord qui est soumis à votre approbation me paraît être un instrument nécessaire.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les deux accords qui font l'objet des projets de loi soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais vous présenter d'abord l'accord d'association entre l'Union européenne et le Maroc, avant d'évoquer l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements entre la France et le Maroc.
La conférence de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995 a donné un nouvel élan à la politique méditerranéenne de l'Union européenne. Elle a cherché à forger un véritable partenariat entre les deux rives de la Méditerranée sur deux piliers complémentaires : d'une part, une coopération globale fondée sur le triptyque « politique et de sécurité, économique et financier, social et humain » ; d'autre part, le renouvellement et le renforcement des accords de coopération conclus au cours des années soixante-dix avec plusieurs pays du sud de la Méditerranée.
L'accord euro-méditerranéen établissant une association entre l'Union européenne et le Maroc, signé à Bruxelles le 26 février 1996, après les accords comparables conclus avec la Tunisie et Israël, constitue un jalon essentiel dans la mise en oeuvre d'une intégration régionale à l'échelon du bassin méditerranéen, mais aussi une étape historique dans les relations déjà longues et fructueuses entre l'Europe et le royaume chérifien.
L'accord scelle l'ancrage du Maroc à l'Europe : un choix résolu engagé de longue date par le roi Hassan II.
Avant de présenter l'accord d'association et ses conséquences sur l'économie marocaine, je voudrais brièvement souligner les raisons pour lesquelles le Maroc constitue un partenaire privilégié du dialogue euro-méditerranéen.
D'une part, le Maroc représente d'abord un pôle de stabilité dans un environnement extrêmement troublé. D'autre part, il dispose d'un potentiel économique indispensable pour donner une nouvelle dynamique à l'intégration économique régionale.
Le pôle de stabilité repose sur un régime politique qui a su évoluer au cours des années, ainsi que sur une diplomatie équilibrée.
J'examinerai d'abord la situation politique.
La monarchie a su puiser sa force à deux sources. Il s'agit, d'abord, de sa capacité à incarner l'unité nationale au moment de l'indépendance en 1956, puis lors de « l'affaire saharienne » en 1975. Il s'agit, ensuite, de sa capacité à se réformer et à s'adapter aux nécessités du temps : la réforme constitutionnelle qui a été adoptée en septembre 1996 prévoit ainsi la mise en place d'un système bicaméral et d'une chambre des représentants, désormais élue au suffrage universel. Ainsi le roi a-t-il annoncé pour les prochains mois des élections législatives qui pourraient ouvrir une alternance au profit de l'actuelle opposition parlementaire, principalement l'Istiqlal et l'Union socialiste des forces populaires.
En outre, depuis quelques années, le roi a pris l'initiative d'un ensemble de mesures d'ouverture, notamment la désignation d'un ministre délégué chargé des droits de l'homme, la mise en place d'un réseau de tribunaux administratifs et l'assouplissement des législations relatives à la garde à vue et à la détention préventive. Sa Majesté Hassan II a accompli, par ailleurs, plusieurs gestes : fermeture de certains camps comme celui de Tazmarart, amnistie générale de quelque quatre cents prisonniers politiques.
Ces évolutions récentes restent encore inachevées mais elles sont à porter au crédit du Maroc qui a su garder le cap de l'ouverture dans un environnement où les droits de la personne apparaissent encore assez incertains.
La stabilité marocaine repose aussi sur une diplomatie équilibrée. Le Maroc a su en effet jouer un rôle de médiateur au Proche-Orient et sa modération est appréciée par les différentes parties en présence dans le cadre du processus de paix. Le Maroc, de façon générale, a su se montrer fidèle à sa vocation historique de trait d'union entre l'Orient et l'Occident.
Pôle de stabilité, le Maroc connaît cependant d'importantes transformations.
La croissance démographique et l'essor de la population urbaine constituent les deux faits décisifs de cette fin de siècle pour le Maroc.
Le royaume chérifien comptait 8 millions d'habitants au moment de l'indépendance en 1956. Aujourd'hui, la population atteint 27 millions d'habitants et pourrait dépasser 31 millions à l'horizon 2000. Les jeunes de moins de trente ans représentent 60 % de la population.
L'élan démographique s'est accompagné d'un mouvement d'exode rural. Ce phénomène s'explique par la conjonction de trois facteurs : l'essor économique des villes, la concentration foncière et la répétition de graves sécheresses au cours des dernières années, laquelle est un facteur conjoncturel.
Le décalage des conditions de vie entre les campagnes et les villes s'est aggravé. De façon générale, le revenu moyen a progressé, mais sa répartition est demeurée très inégale.
Dans cet environnement, le Maroc doit relever un triple défi : la maîtrise des mouvements intégristes, l'éducation et la lutte contre la drogue.
Le Maroc est resté à l'abri de l'intégrisme et des violences qui déchirent l'Algérie. Le roi Hassan II, « commandeur des croyants » en tant que descendant du Prophète, a su incarner un Islam ouvert et tolérant. Dans ces conditions, les orientations du pouvoir n'ont pas donné prise, contrairement à ce qui s'est produit dans les pays voisins, aux passions de l'intégrisme. Au contraire, le renforcement du sentiment religieux, constaté par les observateurs de la société marocaine, ne peut que conforter un régime politique dont la légitimité repose pour une part essentielle sur l'Islam. Toutefois, certaines mouvances islamistes ont cherché à trouver un écho au sein des universités. L'importance de l'enjeu a d'ailleurs décidé le Gouvernement à réagir avec vigueur aux récents incidents survenus à Casablanca et à Marrakech. Au-delà de la seule logique répressive, la réévaluation du statut des étudiants, dont la précarité constitue un terreau propice aux extémismes, demeure une priorité.
L'éducation constitue de façon générale l'un des défis fondamentaux auxquels le pouvoir marocain reste confronté. Aujourd'hui, le taux d'analphabétisme dépasse 60 % tandis que moins de 50 % des mineurs sont scolarisés. Il s'agit là d'un frein au développement, qui ne pourrait être levé que par la réforme et l'extension du système éducatif.
Enfin, le développement d'une « économie de la drogue » dans la région défavorisée du Rif ainsi que l'essor de la contrebande et les dysfonctionnements de l'administration qu'elle révèle constituent un troisième thème d'action pour le Gouvernement marocain. Celui-ci a pris la mesure des problèmes posés et a conduit une campagne nationale d'« assainissement » dont l'ampleur a surpris.
Les différents problèmes que connaît la société marocaine soulèvent en filigrane une même interrogation : la possibilité pour le Maroc de répondre aux attentes et aux besoins d'une population soucieuse de ses conditions d'existence et de son bien-être. La réponse repose en partie sur les capacités d'adaptation et la modernisation économique du Maroc.
J'en viens ainsi à la modernisation de l'économie marocaine.
En 1982, le Maroc a mis en oeuvre, sous les auspices du Fonds monétaire international, un plan d'ajustement structurel dont la mise en oeuvre s'est étalée sur dix ans et a été couronnée d'un succès indéniable.
En 1996, la croissance devrait dépasser 10 %, après une mauvaise année 1995 liée aux effets désastreux de la sécheresse. Les grands équilibres sont mieux respectés : l'inflation est jugulée, le déficit budgétaire a été ramené à des limites supportables, les réserves de change, alimentées par un courant d'investissements multipliés par six en six ans, ont retrouvé un niveau satisfaisant.
Au-delà de cet assainissement des bases économiques, le Maroc a entrepris de façon résolue une politique de réformes structurelles fondée sur le diptyque « libéralisme, privatisations ».
Libéralisation d'abord des échanges extérieurs et des changes avec la convertibilité partielle du dirham ; privatisations ensuite dans un pays où le secteur public fournissait, voilà peu de temps encore, 20 % de la valeur ajoutée et 45 % des exportations.
Enfin, les autorités marocaines ont entrepris également une réforme de la fiscalité et des marchés financiers avec la création de la bourse de valeurs de Casablanca, qui fonctionne remarquablement bien à l'heure actuelle.
Cependant, malgré ces progrès, il reste quatre grands facteurs de fragilité.
Tout d'abord, un chômage préoccupant, puisque chaque année quelque 350 000 personnes arrivent sur le marché du travail alors que seulement 100 000 d'entre elles trouvent un emploi.
Ensuite, une industrie insuffisamment développée : elle ne contribue que pour le quart à la formation du produit intérieur brut. Dès lors, l'économie reste encore trop dépendante d'une agriculture placée elle-même à la merci des aléas climatiques.
En outre, le service de la dette, s'il se réduit, ponctionne encore le tiers des recettes publiques et entrave la mise en oeuvre des programmes d'infrastructure publics pourtant indispensables.
Enfin, l'administration et, surtout, la justice, bien que en pleine évolution, opposent encore parfois une sourde résistance à la volonté de réforme exprimée par le pouvoir.
Le double impératif de la modernisation économique et de la résorption des inégalités sociales constitue pour le Maroc le défi majeur des années à venir.
L'accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne signé en 1996 doit aider le Maroc à relever ce défi.
J'en viens à la présentation de l'accord d'association. Je dirai d'abord quelques mots sur les relations entre l'Union européenne et le Maroc.
Selon la belle formule du roi Hassan II, le Maroc est « un arbre qui plonge ses racines en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe ». Il ne faut jamais l'oublier, le détroit de Gibraltar ne sépare que de onze kilomètres le Maroc du « vieux continent ». L'histoire est venue donner tout son sens à cette proximité géographique, en confirmant la vocation du royaume à servir de trait d'union entre l'Orient et l'Occident. Voilà qui désignait le royaume chérifien comme un partenaire privilégié de l'Europe.
Un premier accord d'association signé le 27 avril 1976 a conforté des préférences commerciales accordées dès 1969 : il offrait au Maroc sans obligation de réciprocité un accès privilégié au marché commun, libre pour les produits industriels - sauf le textile - soumis à des calendriers, à des contingents et à des prix minima pour les produits agricoles.
En outre, l'accord d'association a été accompagné d'une aide financière importante, soit près de 991 millions d'écus sur la période 1978-1996.
Au cours des trois dernières décennies, les liens entre le Maroc et l'Union européenne se sont encore renforcés. L'Union est le premier partenaire économique du Maroc : le premier client avec 64 % des exportations marocaines, le premier fournisseur avec 54 % des importations, le premier investisseur avec un montant représentant entre 60 et 70 % des investissements étrangers au Maroc. L'Union européenne est aussi la première destination des expatriés marocains.
L'accord d'association de 1996 comporte deux innovations principales par rapport au précédent accord de 1976. Il s'agit, d'une part, de la mise en place d'un dialogue politique. Il s'agit, d'autre part, de l'organisation d'une zone de libre-échange.
Ces deux innovations n'ont toutefois pas la même portée. La libéralisation des échanges, certes progressive, aura un impact considérable sur l'économie marocaine. Les effets du dialogue politique ne se jugeront que sur le moyen terme. Il en sera d'ailleurs de même pour les autres volets de coopération prévus par l'accord, dont la mise en oeuvre reste suspendue, notamment, au respect des engagements financiers européens. Or, malheureusement, ceux-ci tardent à se réaliser. Si nous voulons que ce soit une réussite, il est indispensable que tous les engagements financiers que nous avons pris soient tenus.
L'accord d'association constitue un formidable défi pour le Maroc ; si le libre-échange présente à court terme des effets fortement perturbateurs, il représente une chance décisive pour le développement économique futur du royaume.
Le démantèlement tarifaire aura pour première conséquence une réduction des ressources fiscales du royaume. Aujourd'hui, 70 % des droits de douane, soit 18,5 % des ressources ordinaires du Trésor, portent sur les importations en provenance de l'Europe.
La mise en place du libre-échange conduira ensuite à d'importantes restructurations au sein du tissu industriel marocain. Cependant, les conséquences de l'accord d'association différeront notablement selon les secteurs considérés. Les entreprises tournées exclusivement vers le marché local représentent près de 40 % des sociétés marocaines : elles seront les premières à subir de plein fouet la concurrence des produits européens.
A l'inverse, les industries exportatrices marocaines, déjà bénéficiaires, pour leur grande majorité, de l'exemption des droits de douane ou taxes d'effet équivalent sur le marché communautaire en vertu de l'accord de 1976, pourront tirer parti de la baisse progressive des droits qui frappent leurs équipements ou leurs intrants importés.
Le Maroc s'est préparé à la perspective du libre-échange et a favorisé une adaptation progressive de son économie.
La libéralisation des échanges respectera, pour la plupart des produits, un rythme progressif. Ces délais permettront au Royaume de poursuivre avec méthode les réformes indispensables et de prendre les mesures d'accompagnement nécessaires, en particulier pour atténuer le coût social de certaines restructurations.
Au-delà même de l'effort d'adaptation et des garanties reconnues par l'accord d'association, le Maroc a fait un double pari conforme à l'intérêt du Royaume. Il a d'abord pris acte de la mondialisation des échanges et préféré devenir un acteur de ce vaste mouvement inéluctable plutôt qu'un témoin passif, condamné bientôt à la marginalisation et au déclin. Plus encore, le Maroc a fait le choix de l'Europe : un choix politique autant qu'économique. Il s'est résolument engagé sur la voie d'une modernisation harmonieuse, soucieuse, certes, du respect des traditions et de la fidélité au passé, mais ouverte sur l'avenir et les valeurs du monde occidental. La candidature du Maroc à l'Union européenne, plusieurs fois renouvelée depuis 1994, s'inscrit dans le droit-fil de cet engagement.
Les sacrifices consentis par le Maroc et les espérances soulevées par l'accord d'association ne sauraient demeurer sans écho de l'autre côté de la Méditerranée. La réussite de la libéralisation des échanges dépend aussi, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'engagements financiers qui ont été promis par l'Union européenne et qui tardent à se concrétiser.
Cependant, la libéralisation des échanges, l'aide financière apportée par l'Union européenne ne suffiront pas à elles seules à garantir le développement du Maroc. Il faut encore que les entreprises européennes investissent au Maroc. C'est là une condition essentielle. L'accord d'association cherche à encourager ces investissements et appelle d'ailleurs à la conclusion d'accords bilatéraux de protection d'investissement.
L'accord d'investissement entre la France et le Maroc apparaît à cet égard parfaitement cohérent avec les objectifs qui sous-tendent l'accord euro-méditerranéen, mais il constitue un nouveau jalon, à mon sens capital, dans les relations économiques entre nos deux pays.
Aussi, je voudrais, mes chers collègues, en abordant ce second texte soumis aujourd'hui à votre examen, faire le point sur les relations franco-marocaines.
Les relations franco-marocaines sont traditionnellement confiantes et très diverses, mais elles se sont particulièrement intensifiées depuis 1995. Je rappellerai que le Président de la République s'est rendu au Maroc dès juillet 1995, soit deux mois après son élection, et que le roi du Maroc est venu à Paris en mai 1996. De nombreuses visites ministérielles, dans les deux sens, se sont succédé depuis.
La France s'affirme réellement aujourd'hui comme le partenaire privilégié du Maroc au moment où celui-ci modernise ses structures, s'ouvre à l'économie internationale et se rapproche de l'Europe.
Notre pays est depuis plusieurs années le premier contributeur pour l'aide économique et financière au Maroc. Si l'on considère les fonds alloués sur protocole financier du Trésor et les fonds prêtés par la Caisse française de développement, c'est environ 1 milliard de francs par an d'aide qui a été accordé au Maroc. En 1995, année il est vrai difficile pour le Maroc en raison de la sécheresse, l'effort a doublé puisqu'il a dépassé 2 milliards de francs : les crédits céréaliers et l'ensemble des projets relatifs à l'équipement hydraulique représentaient la plus large part de cette aide.
A ces montants s'ajoutent des crédits de coopération culturelle, scientifique et technique traditionnellement importants, puisqu'ils représentent 400 millions de francs par an. Pour une bonne moitié, ces crédits sont consacrés au réseau d'enseignement français au Maroc dont chacun s'accorde à reconnaître la qualité et qui scolarise une forte proportion d'élèves marocains, soit environ 14 000.
Enfin, l'un des aspects les plus significatifs de l'aide française porte sur l'allégement de la dette. La France, premier créancier du Maroc, a consenti en 1996 un allégement de 1 milliard de francs, dont 400 millions de francs de remise de dette en échange de l'engagement du Maroc d'investir une somme équivalente dans les régions du Rif et 600 millions de francs représentant une conversion de créances en investissement pour des projets d'entreprises françaises, ce qui est actuellement extrêmement apprécié par ces dernières.
Ce dispositif original a servi de référence pour un accord comparable avec l'Espagne. Il a permis d'alléger la dette tout en favorisant l'investissement.
L'appel aux investisseurs étrangers est aujourd'hui l'un des soucis principaux du Maroc. Une législation plus favorable est entrée en vigueur à la fin de l'année 1995 et, en ce qui concerne la France, l'accord d'investissement qui nous est soumis doit apporter de nombreuses améliorations par rapport au régime actuellement en vigueur.
Quelle est aujourd'hui la situation de l'investissement français au Maroc ? Il représente, selon les années, entre le tiers et le quart de l'investissement étranger, lui-même en très forte progression. Les sociétés françaises ont marqué leur intérêt dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la distribution de l'eau et de l'électricité, de l'assainissement et de la banque. Elles ont participé au programme de privatisations, qui est appelé à se poursuivre, et suivent avec une plus grande attention encore les projets de réalisation, par concession, de grands équipements, en particulier le projet de nouveau port à Tanger, le projet d'autoroute Casablanca-El-Jadida et la concession de la distribution de l'eau et de l'électricité dans la communauté urbaine de Casablanca.
Dans ces conditions, il était important de revoir le régime d'encouragement et de protection réciproques des investissements, qui datait de 1975 et qui, sur certains points, ne paraissait plus adapté aux ambitions des autorités marocaines et aux préoccupations des investisseurs.
L'accord signé à Marrakech le 13 janvier 1996 est très proche de la quarantaine de conventions similaires signées par la France depuis 1990. Il reprend les clauses traditionnelles de ce type d'accord en matière de traitement juste et équitable des investissements, de traitement équivalant à celui des nationaux et d'indemnisation en cas de nationalisation. Il apporte cependant plusieurs améliorations très significatives par rapport à l'accord de 1975.
Ainsi, la définition des investissements couverts par l'accord est beaucoup plus précise, ce qui évitera les risques de contentieux, tout en étant très large puisqu'elle englobe les biens, les droits et les intérêts de toute nature, sans exclusive. Par ailleurs, l'accord protège les investissements réalisés avant comme après son entrée en vigueur. En outre, les règles de dédommagement en cas de nationalisation ou d'expropriation sont plus claires.
L'accord de 1996 permet enfin un recours plus facile à l'arbitrage international en cas de différend, alors que l'accord de 1975 privilégiait les règlements dans le cadre du droit interne, ce qui était beaucoup moins favorable aux investisseurs.
Même s'il ne présente pas de grande originalité par rapport aux textes de même nature, cet accord est important : il était absolument nécessaire pour donner aux investissements français au Maroc une impulsion nouvelle, conforme aux ambitions assignées aux relations franco-marocaines.
Mes chers collègues, j'ai tenté, par cet exposé, de vous montrer combien les deux accords avec le Maroc constituaient un pas en avant : le premier pour les relations avec l'Union européenne, le second pour les relations bilatérales et la présence française au Maroc. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir approuver ces deux accords. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier Mme le rapporteur. En effet, nul, dans cette enceinte, n'était mieux qualifié pour parler du Maroc que Mme Brisepierre qui, depuis trois décennies, tient, au milieu de nos compatriotes, une place tout à fait éminente.
Je souhaite par ailleurs présenter rapidement deux remarques.
La première a trait aux investissements français au Maroc. Ils sont considérables, puisqu'ils atteignent presque 3 milliards de francs. Cependant, il faut noter - cela figure d'ailleurs dans le rapport écrit de Mme Brisepierre - que les capitaux français investis au moment des privatisations sont tout à fait inférieurs tant aux capitaux américains, qui progressent de manière significative, qu'aux capitaux suisses. Il s'agit là d'une tendance à laquelle nous devons être attentifs.
Ma seconde remarque vise l'accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne, qui revêt une très grande importance du point de vue tant historique qu'humain. Le Maroc et l'Europe, séparés par un simple détroit, ont toujours été très proches et ont entretenu de fréquentes relations. Comme Mme Brisepierre l'a indiqué, il s'agit du contact entre l'Orient et l'Occident.
Le Maroc est en tout cas un pays qui reste très proche de la France par la langue, puisque le nombre de francophones y est considérable. Nos compatriotes y sont encore très nombreux et nous devons en conséquence être très attentifs à tout ce qui se passe au Maroc, conformément à ce que Mme Brisepierre a indiqué.
Nous voterons bien entendu les deux projets de loi qui nous sont soumis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN
ÉTABLISSANT UNE ASSOCIATION ENTRE
LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET LE MAROC

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 280 :
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part, signé à Bruxelles le 26 février 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

ACCORD AVEC LE MAROC SUR L'ENCOURAGEMENT
ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 279 :
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres), signé à Marrakech le 13 janvier 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

9

ACCORD DE COOPÉRATION CULTURELLE,
SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
AVEC LE PARAGUAY

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 328, 1996-1997) autorisant l'approbation de l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Paraguay. [Rapport n° 356 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique entre la France et le Paraguay, qui a été signé à Asunción le 29 novembre 1995, est destiné à renouveler le cadre de notre coopération avec ce pays.
Régies auparavant par l'accord de coopération du 10 décembre 1963, nos relations dans le domaine culturel et technique n'avaient pas connu le développement que l'on pouvait en attendre, essentiellement pour des raisons de nature politique, liées au régime du pays.
Depuis l'instauration d'un régime démocratique, le Paraguay a connu, en quelques années, une remarquable ouverture vers le monde extérieur. Il a adhéré au processus d'intégration régionale du Cône Sud, le Mercosur, et la vie culturelle et intellectuelle y a repris avec une grande vivacité.
Il convenait donc de prendre acte de cette évolution. Le Président Wasmosy a été reçu deux fois à Paris, en 1994 et en 1995. Le Président de la République s'est rendu au Paraguay lors de son voyage dans plusieurs pays sud-américains, en mai dernier.
Ce nouvel accord de coopération culturelle, scientifique et technique, conclu pour une durée de cinq ans renouvable, prend en compte l'existence de nouvelles formes de coopération apparues ou développées récemment.
Il encourage l'enseignement de la langue française au Paraguay.
Il donne un cadre légal au fonctionnement de nos établissements culturels et d'enseignement tels que le collège français Marcel-Pagnol et l'Alliance française d'Asunción et de nos organismes de recherche, en particulier l'ORSTOM, l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, et le CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, qui sont très présents dans le domaine de l'agriculture.
Il réglemente la situation du personnel expatrié - enseignants, chercheurs et experts - et il accorde un régime fiscal très favorable à l'importation des produits culturels et des équipements nécessaires à la mise en oeuvre de notre coopération.
Enfin, il instaure une commission mixte dont le Président de la République a souhaité, lors de sa visite au Paraguay, qu'elle se réunisse pour la première fois avant la fin de l'année et, si possible, au niveau ministériel.
Ainsi, les autorités locales, en s'engageant à faciliter le fonctionnement de nos établissements culturels et de nos organismes de coopération, nous permettront de rentabiliser au mieux nos moyens et d'améliorer le rayonnement de la France, de sa langue et de sa culture au Paraguay.
Cela devrait se traduire par une présence accrue de nos produits culturels ainsi que par une relance de notre coopération technique, notamment en matière de santé, d'agro-industrie et de formation de hauts fonctionnaires. Cette action contribuera à favoriser le développement du pays, à y assurer le renforcement de l'Etat de droit et à créer ainsi un environnement favorable pour nos intérêts économiques.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique signé entre la France et le Paraguay à Asunción, le 29 novembre 1995, et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Habert, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi vise à l'approbation de l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique conclu le 29 novembre 1995 entre la France et le Paraguay.
Permettez-moi tout d'abord de vous renvoyer à mon rapport écrit pour ce qui concerne la situation interne, notamment politique, de ce pays. L'évolution vers la démocratie, depuis la chute en 1989 du général Stroessner, n'en est encore qu'à ses débuts et reste fragile, eu égard à l'ampleur des difficultés, d'ailleurs plus économiques et sociales que politiques, auxquelles ce pays est confronté de manière persistante, qu'il s'agisse de la drogue ou du blanchiment de l'argent provenant de ce trafic. Ces problèmes devront évidemment être éradiqués avant que puisse être assurée une démocratisation qui soit enfin moins vulnérable.
S'agissant des relations entre la France et le Paraguay, les contacts politiques bilatéraux se maintiennent à un rythme régulier depuis la première visite en France, en avril 1994, du président Juan-Carlos Wasmosy. Le séjour, en mars dernier, du Président de la République, M. Jacques Chirac, au Paraguay a été un grand succès et a confirmé la reprise des relations mises en sommeil pendant la longue dictature - elle a duré trente-cinq ans - du général Stroessner.
La France bénéficie au Paraguay d'une image très favorable, même si les autorités locales déplorent que notre présence économique, qu'il s'agisse des échanges commerciaux ou de nos investissements, demeure encore modeste. Le nombre de nos compatriotes y est faible mais il n'est cependant pas négligeable : les Français sont plus d'un millier et se montrent très actifs.
L'accord culturel du 29 novembre 1995 se situe dans le cadre de ce renouveau de la vie culturelle et intellectuelle du Paraguay. C'est ainsi que le préambule de l'accord prend acte du fait qu'« un contexte favorable permet désormais de resserrer les liens d'amitié qui unissent les deux pays ».
Dans le domaine culturel, ces liens sont appelés à se traduire, aux termes du présent accord, par des actions de coopération linguistique, éducative, artistique et audiovisuelle, mais aussi scientifique et technique.
Sur le plan linguistique, le français n'est étudié que par moins de 1 % des élèves du secondaire, soit environ 50 000 jeunes, essentiellement en raison de la concurrence intense exercée par l'anglais et par le portugais, le Brésil étant tout proche. Il n'est pas exclu, cependant, que le français bénéficie d'un intérêt nouveau de la part des autorités paraguayennes, qui commencent, à juste titre, à s'inquiéter de l'hégémonie linguistique anglo-espagnole.
Notons, par ailleurs, que nous disposons au Paraguay de deux outils importants. L'Alliance française, très présente dans toute l'Amérique latine, vous le savez, compte cette année plus de 650 élèves à Asuncion. Par ailleurs, le collège français de cette même ville, qui porte de façon un peu inattendue le nom de Marcel-Pagnol, compte actuellement 240 élèves, dont 98 Français, et les enfants paraguayens, autorisés à s'y inscrire depuis 1990, sont déjà plus de 120, tous issus de familles représentant une certaine élite qui, demain, peut jouer dans la démocratisation du pays un rôle particulièrement important.
En ce qui concerne la coopération scientifique et technique, l'accord du 29 novembre 1995 tire les conséquences des besoins du Paraguay dans les domaines traditionnels de la médecine et de la santé publique, de la recherche biomédicale, de l'agronomie et de l'agro-industrie, ainsi que dans des secteurs où la demande est plus récente, comme la formation des cadres de l'administration et l'aménagement du territoire.
Mentionnons que le Paraguay s'engage à attribuer le « traitement fiscal le plus favorable », ce dont on ne peut que se féliciter, aux organismes de recherche français implantés au Paraguay, qui sont pour l'essentiel l'ORSTOM et le CIRAD. Enfin, précisons que la modestie des moyens financiers consacrés par la France à la coopération scientifique et technique - 1,5 million de francs en 1997 - nous incite à rechercher l'appui d'organisations internationales susceptibles d'exercer un effet de levier sur nos interventions.
C'est ainsi que l'Union européenne sera appelée à intervenir de plus en plus et à contrebalancer l'action des Américains.
L'accord que nous examinons aujourd'hui ne saurait donc, à lui seul, dynamiser la présence française au Paraguay. Il présente néanmoins le mérite de fournir à la coopération culturelle, scientifique et technique avec le Paraguay un cadre juridique adapté tant aux besoins actuels de ce pays qu'aux organismes sur lesquels se fonde notre présence au Paraguay, Alliance française, CIRAD et ORSTOM. Leur existence n'était pas mentionnée par le précécent accord de 1963, mais cette omission a été réparée et il faut s'en féliciter.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a, à l'unanimité, donné un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay, signé à Assomption le 29 novembre 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

10

TRAITÉ AVEC L'ALLEMAGNE RELATIF
À LA CONSTRUCTION D'UN PONT ROUTIER
SUR LE RHIN

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 304, 1996-1997) autorisant la ratification du traité entre le Gouvernement de la République française et la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction d'un pont routier sur le Rhin entre Eschau et Altenheim (ensemble une annexe). [Rapport n° 337 (1996-1987).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué, auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la construction d'un ouvrage sur le Rhin pour délester le pont de l'Europe est prévue depuis 1973, et son principe a été approuvé par la commission intergouvernementale de voisinage franco-germano-suisse en 1977.
Les négociations du traité relatif à la construction de ce pont ont été entreprises sur l'initiative du ministère des transports en 1993 et relancées en 1995 par le ministère des affaires étrangères. Elles ont permis de surmonter deux types d'obstacles particuliers.
Les premiers étaient de nature fiscale : en effet, la France assumant la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction et d'entretien du pont, ceux-ci seront logiquement soumis à la seule TVA française pendant les travaux. Afin de prévenir l'apparition de différends entre la France et l'Allemagne sur le calcul des montants de TVA à partager, des procédures de contrôle et d'échanges de données ont dû être prévues. Les Allemands ont souhaité assortir le texte d'une annexe relative à la protection des données à caractère personnel échangées.
Ensuite, se sont posées des difficultés relatives au droit d'entrée des travailleurs du chantier ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne ou de l'espace économique européen sur le territoire des parties contractantes. Une solution équilibrée a été trouvée : ces travailleurs n'auront pas à solliciter d'autorisation de travail s'ils sont employés par une entreprise ayant son siège dans l'Union européenne ou l'espace économique européen. Un titre de séjour temporaire sera cependant demandé pour un séjour de plus de trois mois.
Ce traité constitue l'aboutissement de négociations reprises en 1995 par la France et l'Allemagne, lors du sommet de Baden-Baden. Le traité a été signé lors du sommet de Dijon, le 5 juin 1996, par les ministres français et allemand des affaires étrangères et des transports.
Ce second pont sur le Rhin à Strasbourg doublera au sud le pont de l'Europe. Relié aux grands axes routiers alsaciens, cet ouvrage permettra un délestage du pont de Kehl, notamment pour le transport de marchandises, de l'ordre de 10 000 véhicules par jour. La construction de cet ouvrage, attendue depuis très longtemps, améliorera donc de façon décisive, pour l'ensemble de la région, les liaisons avec l'Allemagne.
En ce qui concerne plus particulièrement Strasbourg, le pont facilitera le développement de la plate-forme aéroportuaire de Strasbourg-Entzheim et du port autonome en améliorant les liaisons avec l'Allemagne. Il accroîtra également la qualité de vie des riverains en détournant le trafic de transit des zones urbaines.
Le coût de ce projet est estimé à 146 millions de francs et sera supporté à parts égales par les deux partenaires français et allemand, soit 73 millions de francs pour la France. Il convient d'y ajouter l'accès au pont par un viaduc dont le coût s'élève à 128 millions de francs environ.
Le projet appelle donc un financement de 200 millions de francs pour la partie française, l'Etat assurant 50 % de l'investissement et les collectivités locales le reste, à savoir 20 % pour la région Alsace et 30 % pour le département du Bas-Rhin. Le projet contribuera ainsi également à la stimulation de l'activité économique régionale.
Ce pont constituera une contribution concrète à l'accroissement des échanges entre les régions frontalières française et allemande, qui constituent l'un des piliers de la relation d'amitié franco-allemande. En jetant un nouveau pont sur le Rhin, la France et l'Allemagne témoignent de façon symbolique, mais aussi tangible, de leur volonté de resserrer encore leur relation d'amitié, par le renforcement des liens humains et économiques transfrontaliers.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction d'un pont routier sur le Rhin entre Eschau et Altenheim.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité relatif à la construction d'un second pont sur le Rhin, signé lors du sommet franco-allemand de Dijon, le 5 juin 1996, permet de lancer la réalisation d'un équipement majeur, planifié depuis plusieurs années dans les documents d'urbanisme de l'agglomération de Strasbourg.
Je rappellerai tout d'abord que, sur les quelque 180 kilomètres formant frontière avec l'Allemagne, dix ouvrages routiers permettent actuellement de franchir le Rhin, mais qu'un seul d'entre eux dessert l'agglomération de Strasbourg : le pont de l'Europe, entre Strasbourg et Kehl.
Il apparaît clairement, depuis plusieurs années, que cet unique pont ne peut répondre aux besoins générés par le développement de l'agglomération strasbourgeoise et par l'intensification des échanges avec l'Allemagne. Le pont de l'Europe reçoit actuellement un trafic supérieur à 30 000 véhicules par jour en moyenne, ce qui provoque de fréquents engorgements du pont lui-même et de ses voies d'accès.
Un projet de second pont, situé à 10 kilomètres au sud environ, a été étudié dès le milieu des années soixante-dix.
Ce projet s'intègre dans une réalisation plus vaste, tendant à créer un nouvel axe transversal franco-allemand à la périphérie sud de l'agglomération, qui relierait les deux « épines dorsales » routières de l'Alsace et du Bade-Wurtemberg : l'autoroute Strasbourg - Mulhouse et l'autoroute Bâle - Francfort.
Cet axe transversal est déjà en cours de construction côté français, sous la forme d'une rocade sud de Strasbourg, dont la mise en service est prévue pour 1999. Le nouveau pont devrait être réalisé dans le même temps. Côté allemand, des aménagements sont envisagés pour rallier la ville d'Offenburg et le grand axe autoroutier Bâle - Francfort que je viens d'évoquer.
L'intérêt socio-économique de ce second pont sur le Rhin est évident. Il permettra de délester le pont de l'Europe, d'améliorer les conditions de circulation et de réduire la pollution en centre d'agglomération, mais aussi d'assurer une excellente desserte des zones industrielles, du port autonome et de l'aéroport de Strasbourg.
Ce second franchissement du Rhin ne peut que renforcer l'attractivité et les débouchés de la grande métropole alsacienne.
Signé le 5 juin 1996 lors du sommet franco-allemand de Dijon, le traité permet désormais à ce projet d'entrer dans sa phase concrète.
Sur le plan juridique, le traité est tout à fait proche d'accords analogues conclus pour la construction d'ouvrages similaires. Si le coût de l'opération - soit près de 150 millions de francs - est réparti par moitié entre les deux pays, c'est néanmoins la France qui en assurera la construction.
Le traité comporte un certain nombre de stipulations classiques pour la construction des ouvrages transfrontaliers, notamment en matière fiscale, et pour l'accès et le séjour des travailleurs étrangers durant la construction. Il instaure également une commission mixte franco-allemande chargée de superviser la réalisation et le financement de l'ouvrage.
En ce qui concerne le pont lui-même, le traité en définit les caractéristiques précises : une longueur totale de 457 mètres, une travée centrale de 205 mètres qui permettra de dégager un gabarit navigable de 150 mètres de large, une chaussée routière à deux voies et une piste cyclable.
J'ajoute que chaque Etat supportera pleinement le coût de réalisation des voies d'accès au pont, ce qui représente, côté français, près de 130 millions de francs pour relier le pont à la rocade sud de Strasbourg.
Il s'agit donc d'une opération globale de l'ordre de 200 millions de francs pour notre pays. L'Etat prend en charge 50 % de l'opération et les collectivités locales l'autre moitié, répartie entre le département du Bas-Rhin, pour 30 %, et la région Alsace, pour 20 %.
Tels sont, mes chers collègues, les principaux éléments de ce traité, qui permettra la réalisation d'un équipement très attendu par la population ainsi que par les responsables politiques et économiques de l'Alsace.
Je vous invite, en conséquence, à adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction d'un pont routier sur le Rhin entre Eschau et Altenheim (ensemble une annexe), signé à Dijon le 5 juin 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Daniel Eckenspieller. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de sénateur alsacien, c'est avec beaucoup de conviction que je voterai le texte qui nous est soumis. Son adoption permettra, en effet, la réalisation du pont routier d'Eschau, que les populations des deux rives du Rhin attendaient avec impatience tant leurs pratiques de coopération se sont développées, au cours des années écoulées, sur les plans économique, culturel et touristique.
Notre détermination, dans le combat pour la réalisation du TGV-Est et du TVG-Rhin-Rhône, s'inscrit, pour une très large part, dans la même perspective puisque ces lignes doivent être prolongées au-delà du Rhin. Il est vital pour notre pays que ses marches de l'Est soient très largement ouvertes sur l'Allemagne et sur les pays de l'Europe centrale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

11

PROTOCOLE SUR L'INTERDICTION
OU LA LIMITATION DE L'EMPLOI DES MINES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 326, 1996-1997) autorisant la ratification du protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996 (protocole II, tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996), annexé à la convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination.
[Rapport n° 355 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le dernier texte qu'il me revient de vous présenter aujourd'hui est le protocole II modifié annexé à la convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Sa ratification revêt une double signification.
L'adoption à Genève, le 3 mai 1996, du protocole modifié de la convention de 1980 constitue, d'abord, une avancée importante concernant la réglementation de l'usage des mines antipersonnel. Le texte nouveau qui est soumis à votre ratification intègre, en effet, des dispositions qui renforcent de manière très significative les dispositions du protocole initial : extension de la portée du protocole aux conflits internes ; interdiction inédite de l'emploi et du commerce des mines antipersonnel les plus dangereuses ; première impulsion donnée à la lutte contre la prolifération de ce type d'armes ; enfin, mise en place de mesures de confiance et de sanctions nationales en cas de violation des règles du protocole.
Nombre de ces dispositions en matière d'interdiction et de suivi de l'application du protocole répondent à l'objectif que nous nous étions fixé de bénéficier d'un outil permettant de mieux lutter contre l'usage sans discrimination des mines antipersonnel et contre leur dissémination. Sur le plan national, les dispositions du code pénal et du code de justice militaire permettront, par ailleurs, de sanctionner les éventuelles violations du protocole II modifié.
Mais, au-delà de ces progrès, l'adoption du protocole II de la convention de 1980 doit être replacée dans le contexte de l'effort de la communauté internationale en vue de l'élimination totale des mines antipersonnel terrestres.
La France est favorable à l'interdiction totale des mines antipersonnel terrestres et soutient donc l'objectif de parvenir à un instrument international juridiquement contraignant et vérifiable qui interdise dans le monde entier la production, l'emploi, le stockage et l'exportation de ces armes véritablement inhumaines.
Comment parvenir à ce résultat ?
En premier lieu, nous soutenons la démarche suggérée initialement par le Canada et qui doit conduire à la conclusion et à la signature par les Etats qui le peuvent d'un accord d'interdiction totale à la fin de l'année à Ottawa. Nous participons actuellement à une conférence qui se tient à Bruxelles sur ce sujet et nous participerons activement à la conférence diplomatique qui s'ouvrira à Oslo en septembre pour négocier les termes de la future convention d'Ottawa.
En deuxième lieu, nous considérons que des négociations doivent s'ouvrir à la conférence du désarmement à Genève. Il importe, en effet, d'inclure tous les pays concernés, et notamment les grands producteurs et utilisateurs des mines antipersonnel terrestres. La conférence du désarmement constitue à cet égard l'enceinte appropriée pour dégager des solutions vérifiables et à caractère véritablement universel.
En troisième lieu - c'est là que nous retrouvons le texte qui vous est soumis - nous considérons qu'il doit y avoir une synergie entre les efforts déployés en vue de parvenir à l'interdiction des mines antipersonnel terrestres.
Le protocole II qui vous est proposé aujourd'hui est, reconnaissons-le, insuffisant. La France, à titre unilatéral, a d'ailleurs adopté depuis plusieurs mois des mesures qui vont plus loin. Néanmoins il reste un instrument capital pour fixer un standard du comportement minimal aux pays qui ne sont pas prêts, à ce stade, à renoncer totalement aux mines antipersonnel terrestres. Il constitue, en attendant la mise au point puis l'entrée en vigueur d'autres instruments, la seule base actuelle pour limiter l'usage des mines antipersonnel terrestres.
J'ajoute que son adoption a correspondu à une initiative française et que, même si le texte du protocole II modifié ne répond pas à toutes nos attentes, la longue négociation à laquelle il a donné lieu a contribué fortement à la prise de conscience de la communauté internationale sur la nécessité absolue de progresser davantage encore vers l'interdiction totale.
Notre espoir est que, à côté du protocole II de la convention de 1980, viendront prendre place d'autres instruments, d'autres étapes plus contraignantes et plus rigoureuses, allant dans le sens de l'élimination totale. J'ai cité la convention d'Ottawa, que nous souhaitons pouvoir signer avant la fin de l'année ; les travaux de la conférence du désarmement devraient également permettre de compléter le dispositif par d'autres accords à caractère universel.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole II modifié, annexé à la convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, protocole qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Lucette Michaux-Chevry, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des mines antipersonnel préoccupe vivement la communauté internationale et de nombreuses organisations non gouvernementales depuis plusieurs années.
La France figure parmi les pays les plus soucieux de limiter l'emploi de ces armes et d'enrayer leurs effets dévastateurs. Elle a pris, tant sur le plan interne que sur la scène internationale, des décisions et des initiatives très importantes en ce sens. C'est notamment elle qui est à l'origine de la révision du protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, que nous examinons aujourd'hui, et dont elle souhaiterait vivement renforcer les dispositions.
Point n'est besoin d'exposer l'ampleur du problème des mines antipersonnel et ses conséquences, en particulier sur les populations civiles.
J'ai eu la tristesse, hélas ! sur les différents théâtres d'opérations, d'en constater les ravages, surtout sur les enfants. J'évoque, dans mon rapport écrit, les circonstances qui ont conduit à une véritable prolifération des mines antipersonnel à travers le monde au cours des dernières décennies et les effets désastreux de cette situation sur la vie des pays concernés et de leurs populations longtemps encore après la fin des hostilités.
Dans le rapport écrit figurent également les estimations les plus couramment admises par la communauté internationale, qui illustrent l'ampleur d'un phénomène qui touche plus de soixante pays. J'indique simplement aujourd'hui que, selon le comité international de la Croix-Rouge, chaque mois, 800 personnes sont tuées et de 1 000 à 1 500 autres grièvement blessées par des mines antipersonnel.
Mon rapport écrit souligne, enfin, les limites du déminage, activité lente, fastidieuse, dangereuse et surtout coûteuse, hors de portée de nombreux pays.
Je veux maintenant aborder plus directement le texte qui nous est soumis et qui tente, face à ce fléau, de faire progresser le droit international.
Je rappelle, tout d'abord, que le protocole II de la convention de 1980 relatif à l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs, n'avait, à l'époque, recueilli l'adhésion que de soixante-deux Etats. Un grand nombre de pays d'Afrique, d'Asie du Sud-Est, d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud restent encore en dehors de cette convention, alors qu'ils sont pourtant très concernés par ce problème.
Limité dans sa portée géographique, le protocole II l'était aussi par ses dispositions, à bien des égards trop peu contraignantes.
Dans ces conditions, quelle appréciation peut-on porter sur le nouveau protocole II adopté, en 1996, à l'issue de la conférence de révision ?
Notre commission des affaires étrangères a considéré que ce texte comportait un certain nombre d'avancées positives.
Premièrement - c'est important - son champ d'application est étendu aux conflits armés non internationaux, qui n'étaient pas couverts par le précédent protocole.
Deuxièmement, certains types de mines antipersonnel sont désormais interdits. L'objectif poursuivi est de proscrire les mines dites « aveugles », les mines lâches.
Troisièmement, les prescriptions relatives à l'emploi des mines et à l'enregistrement des emplacements sont renforcées.
Quatrièmement, le nouveau protocole aborde la question essentielle du commerce international des mines : les parties s'engagent à ne pas transférer de mines dont l'emploi est interdit et à ne pas transférer de mines à un destinataire autre qu'un Etat.
Enfin, le nouveau protocole comporte diverses dispositions nouvelles, dont la plus significative concerne la protection des missions humanitaires qui se rendent dans les zones minées.
Aux yeux de la commission, ces avancées réelles sont toutefois atténuées par plusieurs insuffisances.
La possibilité d'une période transitoire, pouvant aller jusqu'à neuf années, pour appliquer les normes relatives à la détectabilité et à la neutralisation des mines est une concession de taille obtenue par certains pays producteurs.
L'absence de régime de vérification est une deuxième lacune.
Enfin, la principale faiblesse du nouveau protocole, comme de l'ancien, est de ne lier qu'une soixantaine d'Etats, qui ne sont pas nécessairement les plus concernés.
Il nous est donc apparu que le texte adopté par consensus à Genève, le 3 mai 1996, témoignait des grandes difficultés de la communauté internationale à trouver les moyens d'endiguer l'utilisation des mines antipersonnel.
Toutefois, la conférence de révision a incontestablement constituée un très vaste forum au sein duquel ont pu s'exprimer les multiples préoccupations humanitaires. Même si elle a débouché sur un texte insuffisant, elle a eu le mérite de relancer l'action internationale contre les mines antipersonnel.
Indépendamment des négociations internationales, un certain nombre d'Etats ont d'ores et déjà pris des mesures unilatérales, qui vont très au-delà de ce protocole. La France se situe, sur ce plan, à la tête de la lutte contre les mines antipersonnel.
Outre ses interventions humanitaires sur les champs de mines, notamment au travers du financement du déminage et d'ateliers de fabrication de prothèses, elle a pris trois décisions politiques majeures : l'arrêt des exportations, l'interdiction de la fabrication et, enfin, la renonciation à l'emploi des mines antipersonnel, « sauf en cas de nécessité absolue imposée par la protection de ses forces. »
L'interdiction de l'exportation et de la fabrication fait l'objet d'un projet de loi qui a été déposé au Sénat par le précédent gouvernement et dont nous espérons pouvoir prochainement discuter.
J'ose espérer que nous pourrons aller très loin en ce domaine. Hélas ! il n'est qu'à voir ce qui s'est passé ce matin à la conférence internationale de Bruxelles sur l'interdiction des mines antipersonnel, où notamment les Etats-Unis - pays gros producteur - la Chine, la Russie, le Pakistan ne sont ou ne seront présents qu'à titre d'observateurs, pour se convaincre que le chemin à parcourir pour arriver à ce que nous souhaitons tous, à savoir l'interdiction totale, est encore long.
Je ne doute pas, cependant, que la France, pays de la défense des droits de l'homme et de la protection des individus, aura le souci de continuer son action exemplaire.
Malgré la prise de conscience par la communauté internationale des effets dévastateurs des mines antipersonnel, surtout sur les populations civiles, les parties réunies à Genève n'ont pu s'accorder sur un texte qui soit à la hauteur de la gravité et de l'ampleur du problème posé.
Cette révision a constitué, toutefois, une étape positive dans le contexte international. Voilà pourquoi la commission des affaires étrangères, tout en déplorant certaines lacunes importantes, a décidé de recommander l'adoption de ce projet de loi, qui constitue un premier pas vers l'interdiction totale de l'emploi des mines antipersonnel. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996 (protocole II, tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996) annexé à la convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, fait à Genève, le 3 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, dont je salue la première intervention devant la Haute Assemblée.
Mme Odette Terrade. Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, seul membre du groupe communiste républicain et citoyen à intervenir cet après-midi, je souhaite d'abord, en son nom, présenter à M. le ministre nos voeux de réussite.
L'examen de ce projet de loi autorisant la ratification par notre pays du protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines nous conduit à faire plusieurs observations fondamentales.
De par son rôle dans le concert des nations, la France se doit, de prendre une part active à toutes les initiatives susceptibles de permettre que se réduisent et finissent par disparaître les facteurs de tension internationale.
Nous nous devons, notamment, de donner un relief particulier à l'ensemble des mesures et négociations permettant de faire reculer la menace nucléaire sur la planète, mais aussi de réduire les foyers de tension locaux qui génèrent pour les peuples concernés d'importants traumatismes.
Nous nous félicitons que la France ait ainsi décidé de proscrire l'usage des mines antipersonnel tout en regrettant, d'une part, que cette évolution soit plus lente au niveau international et que, d'autre part, l'usage de nouveaux types d'explosifs assimilés ne soit pas ouvertement interdit.
Il est à craindre qu'il ne faille attendre encore quelques années pour que cette situation évolue dans un sens plus favorable à la paix.
Dans l'immédiat, notre pays doit jouer un rôle particulier, de par l'action qu'il a pu mener, dans l'histoire, dans le processus de suppression des risques liés à la présence de mines antipersonnel.
Je pense aux pays de la péninsule indochinoise, où le nombre d'explosifs divers employés pendant près de cinquante années de conflits nécessite que les compétences que nous avons acquises soient mises à profit afin que cessent les trop nombreux traumatismes dont souffrent les populations.
De la même façon, nous devons jouer un rôle dans la suppression des mines et pièges recensés dans l'ensemble des pays - du Proche-Orient, d'Europe ou d'Afrique - qui ont pu connaître ou connaissent encore des conflits où ces armes ont été utilisées.
Dans un autre ordre d'idées, aux côtés des organisations internationales et des organisations non gouvernementales, la France se doit de participer à l'action en direction des trop nombreuses victimes de ces armes de terreur, victimes essentiellement civiles, et particulièrement les enfants.
Ce débat nous donne l'occasion de reposer la question des engagements de notre pays en matière d'aide au développement et de coopération avec les pays les moins développés.
Il est patent, - c'est presque un lieu commun de le dire - que le facteur principal de tension en de nombreuses régions de la planète demeure l'insuffisance du développement économique et social.
La guerre, intérieure ou extérieure, résulte le plus souvent du fait qu'il n'y a pas assez de richesses à partager ; cette situation conduit à créer un rapport de forces susceptible de modifier cet état de choses.
Cela a ainsi pu motiver l'incroyable guerre menée dans la région des Grands Lacs, comme l'ensemble des tensions qui ont résulté de la dissolution de la fédération yougoslave.
Il faut donc s'interroger, pour aujourd'hui comme pour l'avenir, sur les conditions d'une coopération plus concrète avec les pays du Sud.
Le déséquilibre persistant des termes de l'échange, la permanence de régimes politiques dans certains cas plus ou moins corrompus, les contraintes nées de la détérioration de la parité des monnaies, sont, parmi d'autres facteurs, des éléments de tension internationale en ce qu'ils concourent à enfermer les pays du Sud dans une situation économique et sociale difficile.
Il est grand temps de pratiquer une autre politique de relations commerciales et économiques avec ces pays comme de réfléchir aux contraintes qu'ils subissent du fait de la course effrénée à la spéculation monétaire qui prévaut sur les marchés financiers.
Des capacités importantes de financement sont ainsi gaspillées quotidiennement dans des opérations de pure spéculation monétaire au détriment du bien-être des peuples.
Notre pays doit prendre des initiatives fortes en ce domaine, qui constituent, sur le fond, la plus sûre prévention des conflits armés comme, dans les faits, la plus sûre prévention contre l'usage des armes dont ce projet de loi fait état.
Bien entendu, monsieur le président, nous voterons ce projet de loi.
M. Ivan Renar. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Le Gouvernement partage, bien sûr, les préoccupations qui viennent d'être exposées à la fois par Mme le rapporteur et par Mme Terrade, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, que je remercie de ses voeux.
Nous connaissons tous la lenteur du processus de désarmement ; nous en connaissons aussi les insuffisances, s'agissant, en particulier, des mines antipersonnel. C'est pourquoi j'ai indiqué, tout à l'heure, que le projet de loi que je présentais comportait des lacunes, je le reconnais bien volontiers.
Je tiens à le redire : il nous faudra, au-delà de cette première étape insuffisante, développer notre action en matière de déminage et d'aide aux victimes. Je songe, notamment, au cas des enfants, que vous avez cité toutes deux, et qui est particulièrement dramatique.
Nous pourrons nous appuyer sur l'action commune décidée par l'Union européenne dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune.
Enfin, nous devrons renforcer notre action au plan international en vue d'un désarmement global - c'est le sens des initiatives que je mentionnais, prises au sein de la conférence d'Ottawa comme au sein de la conférence sur le désarmement - et, bien sûr, notre aide au développement, car il est clair - vous avez raison - que tous ces problèmes sont largement liés aux difficultés du développement économique et social.
L'attitude que s'apprête à prendre le Sénat, qui est conscient de toutes ces insuffisances, est néanmoins celle de la sagesse : ratifier ce protocole en tant qu'il est une étape, rien qu'une étape, mais une étape significative prise sur l'initiative de la France et qui marque un progrès trop limité, certes, mais un progrès certain. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

12

NOMINATION D'UN MEMBRE
DE LA DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste, républicain et citoyen a présenté une candidature pour la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Danielle Bidard-Reydet membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de Mme Michelle Demessine.

13

NOMINATION
DE MEMBRES DE COMMISSIONS

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté des candidatures pour la commission des affaires économiques et du Plan, la commission des affaires sociales et la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- Mme Odette Terrade membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Claude Billard dont le mandat sénatorial a cessé ;
- M. Pierre Lefebvre membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Félix Leyzour dont le mandat sénatorial a cessé ;
- Mme Nicole Borvo membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Mme Michelle Demessine, démissionnaire de son mandat de sénateur ;
- M. Michel Duffour membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de Mme Nicole Borvo, démissionnaire.

14

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement CE n° 3066/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant une adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues par les accords européens afin de tenir compte de l'accord sur l'agriculture conclu dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay et abrogeant le règlement CEE n° 1988/93.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-876 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'accords bilatéraux entre la Communauté européenne et la République socialiste du Vietnam sur le commerce de produits textiles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-877 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1998 (volume O).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-878 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement CE du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord de coopération en matière de pêches maritimes entre la Communauté européenne et la République islamique de Mauritanie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-879 et distribuée.

15

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Yvon Collin un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission de contrôle effectuée sur le soutien public à la construction aéronautique civile.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 367 et distribué.
J'ai reçu de M. Yann Gaillard un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission de contrôle effectuée sur le fonctionnement du compte spécial du Trésor d'aide aux collectivités territoriales d'outre-mer.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 368 et distribué.

16

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, préalablement fixée au jeudi 26 juin 1997, à quinze heures :
1. Questions d'actualité au Gouvernement.
2. Examen des demandes d'autorisation de missions d'information suivantes :
1° Demande présentée par la commission des affaires économiques tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en Asie centrale pour étudier la situation économique et politique de cette région ainsi que ses relations économiques, commerciales et financières avec la France ;
2° Demande présentée par la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information au Danemark et aux Pays-Bas afin d'étudier l'organisation des systèmes de soins et l'évolution des dépenses de santé dans ces deux pays.
3° Discussion de la question orale avec débat portant sur un sujet européen (n° QE-1) de M. Jacques Genton à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur la politique sociale de l'Union européenne :
Constatant que, en France comme chez nos partenaires au sein de l'Union européenne, les citoyens montrent de plus en plus nettement leur souhait que l'Europe place davantage l'aspect social et humain au coeur de ses préoccupations et qu'elle mette l'emploi au rang de ses priorités, M. Jacques Genton demande à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes d'exposer au Sénat quelles doivent être, selon le Gouvernement, les politiques que l'Union européenne doit mener en ce sens, les réformes qu'elle doit mettre en oeuvre, les moyens auxquels elle doit recourir.
La discussion de cette question s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
DÉLÉGATION DU SENAT
POUR L'UNION EUROPEENNE

(En application de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Dans sa séance du mardi 24 juin 1997, le Sénat a nommé Mme Danielle Bidard-Reydet, membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de Mme Michelle Demessine, démissionnaire.

NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mardi 24 juin 1997, le Sénat a nommé :
Mme Odette Terrade, membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Claude Billard, dont le mandat sénatorial a cessé ;
M. Pierre Lefebvre, membre de la commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. Félix Leyzour, dont le mandat sénatorial a cessé ;
Mme Nicole Borvo, membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Mme Michelle Demessine, démissionnaire de son mandat de sénateur ;
M. Michel Duffour, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de Mme Nicole Borvo, démissionnaire.