SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un sénateur (p. 1 ).

3. Remplacement d'un sénateur décédé (p. 2 ).

4. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 3 ).

5. Retrait de questions orales sans débat (p. 4 ).

6. Questions orales (p. 5 ).

MAINTIEN DES EFFECTIFS DE GENDARMERIE
EN ZONE RURALE (p. 6 )

Question de M. Claude Haut. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Claude Haut.

SAUVEGARDE DU CHÂTEAU DE ROSNY-SUR-SEINE (p. 7 )

Question de M. Dominique Braye. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Dominique Braye.

RÉGIME FISCAL APPLICABLE AUX ASSOCIATIONS (p. 8 )

Question de M. Marcel Charmant. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Marcel Charmant.

CONDITIONS MATÉRIELLES DE L'ORGANISATION
DE LA PROCHAINE RENTRÉE SCOLAIRE (p. 9 )

Question de Mme Hélène Luc. - M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Mme Hélène Luc, M. le président.

BAISSE DU NIVEAU SCOLAIRE DES ÉLÈVES DU SECONDAIRE (p. 10 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Christian Demuynck.

RÉGIME DE RETRAITE
DES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES DE SURVEILLANCE (p. 11 )

Question de M. Jean-Paul Delevoye. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Jean-Paul Delevoye.

MONTANT DE L'ALLOCATION DE RENTRÉE SCOLAIRE (p. 12 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; Marie-Claude Beaudeau.

MODALITÉS DE TRANSPORT
DES MALADES EN VÉHICULES SANITAIRES LÉGERS (p. 13 )

Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. René-Pierre Signé.

DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT RELATIVE AU VERSEMENT
DE L'INDEMNITÉ SPÉCIALE DE MONTAGNE (p. 14 )

Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ; Adrien Gouteyron.

DEVENIR DU GRAND ENSEMBLE LOCATIF
SITUÉ RUE DU COMMANDANT-MOUCHOTTE (PARIS XIVe) (p. 15 )

Question de Mme Danièle Pourtaud. - M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ; Mme Danièle Pourtaud.

CONDITIONS D'EMPLOI DU PERSONNEL INTÉRIMAIRE ET SOUS CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE DANS LES CENTRES DE PRODUCTION ÉLECTRONUCLÉAIRE (p. 16 )
Question de M. Charles Descours. - MM. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications ; Charles Descours.

CONSÉQUENCES DU DÉVELOPPEMENT DES IMPORTATIONS
DE PAPIER JOURNAL D'AMÉRIQUE DU NORD (p. 17 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - MM. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications ; Daniel Hoeffel.

RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE D'ATTRIBUTION DES LICENCES IV DÉFINIES PAR LE CODE DES DÉBITS DE BOISSONS (p. 18 )
Question de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration ; Jean-Paul Delevoye.

7. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 19 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 20 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

8. Conférence des présidents (p. 21 ).

9. Diverses dispositions relatives à l'immigration. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 22 ).
Discussion générale : MM. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Paul Masson, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Larché, président de la commission des lois.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Christian Bonnet, Jean-Jacques Hyest, Jean-Paul Delevoye, Robert Badinter, le ministre, Jack Ralite, Josselin de Rohan, Mme Joëlle Dusseau, MM. Bernard Plasait, Christian Demuynck, Michel Rocard, Jacques Bimbenet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Alain Vasselle.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

10. Organisme extraparlementaire (p. 24 ).

11. Diverses dispositions relatives à l'immigration. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 25 ).

Exception d'irrecevabilité (p. 26 )

Motion n° 1 de M. Allouche. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Paul Masson, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Mme Joëlle Dusseau. - Rejet par scrutin public.

Question préalable (p. 27 )

Motion n° 2 de Mme Luc. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission (p. 28 )

Motion n° 5 de M. Allouche. - MM. Jean-Luc Mélenchon, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Articles additionnels avant l'article 1er (p. 29 )

Amendements n°s 6 à 15 de M. Pagès. - MM. Félix Leyzour, le rapporteur, le ministre, Emmanuel Hamel, Ivan Renar, Mme Danielle Bidard-Reydet, Robert Pagès, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. - Rejet des dix amendements.

Article 1er (p. 30 )

MM. Guy Allouche, Robert Pagès, le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le président, Jean-Luc Mélenchon, Mme Joëlle Dusseau, M. Robert Badinter.
Renvoi de la suite de la discussion.

12. Communication de l'adoption de propositions d'acte communautaire (p. 31 ).

13. Transmission de projets de loi (p. 32 ).

14. Transmission de propositions de loi (p. 33 ).

15. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 34 ).

16. Dépôt d'un rapport (p. 35 ).

17. Ordre du jour (p. 36 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu le 7 mars 1997, de notre collègue François Giacobbi, sénateur de la Haute-Corse.

3

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ

M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. Jean-Baptiste Motroni est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Haute-Corse, François Giacobbi, décédé le 7 mars 1997.

4

CANDIDATURE
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des affaires économiques et du Plan a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Jacques Robert pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

RETRAIT DE QUESTIONS ORALES
SANS DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que les questions orales sans débat n°s 562 de Mme Hélène Luc, 568 de M. Dominique Leclerc et 581 de M. Jean Clouet ont été retirées du rôle des questions orales sans débat en instance devant le Sénat.

6

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

MAINTIEN DES EFFECTIFS DE GENDARMERIE
EN ZONE RURALE

M. le président. M. Claude Haut souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur les inquiétudes que suscite, dans les zones rurales, la réforme désormais engagée de notre sécurité publique. Elle intervient alors même que nous constatons depuis quelques années dans nos petites villes et villages une augmentation conséquente des actes de délinquance et de la criminalité.
Cette double réforme de l'organisation territoriale et des domaines d'intervention des forces de police et de gendarmerie va entraîner un redéploiement des forces militaires dans les zones périurbaines et dans certaines banlieues difficiles, ce qui ne pourra malheureusement se réaliser qu'au détriment de notre sécurité dans nos zones rurales, car l'augmentation des effectifs demeure limitée à 4,5 % pour les cinq prochaines années. Cela demeure considérablement insuffisant pour que les forces de gendarmerie puissent désormais s'acquitter convenablement de leurs missions traditionnelles et des nouvelles qui leur sont échues.
En conséquence, il lui demande dans quelle mesure il peut garantir le maintien des effectifs des forces de gendarmerie dans nos zones rurales. (N° 572.)
La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
Je souhaite attirer son attention sur les inquiétudes que suscite, dans les zones rurales, la réforme désormais engagée de notre sécurité publique.
Celle-ci intervient alors même que nous constatons depuis quelques années, dans nos petites villes et dans nos villages, une augmentation importante des actes de délinquance et de la criminalité.
Cette double réforme de l'organisation territoriale et des domaines d'intervention des forces de police et de gendarmerie va entraîner un redéploiement des forces militaires dans les zones périurbaines et dans certaines banlieues difficiles, ce qui ne pourra malheureusement se réaliser qu'au détriment de la sécurité dans nos zones rurales, puisque l'augmentation des effectifs demeure limitée à 4,5 % pour les cinq prochaines années.
Ces effectifs demeurent considérablement insuffisants pour que les forces de gendarmerie puissent désormais s'acquitter convenablement de leurs missions traditionnelles et des nouvelles qui leur sont échues.
En conséquence, je demande à M. le ministre de la défense dans quelle mesure il peut garantir le maintien des effectifs des forces de gendarmerie dans nos zones rurales.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, il existe effectivement une réflexion sur un redéploiement possible d'effectifs, à partir d'unités implantées en zone de police d'Etat, vers les zones périurbaines qui relèvent de la compétence de la gendarmerie en matière de sécurité publique, où des besoins importants de renforcement sont apparus en raison, d'une part, de l'accroissement de la population et, d'autre part, du développement des phénomènes de délinquance et de violence de nature à entretenir un fort sentiment d'insécurité.
En tout état de cause, ce projet n'a pour seul objet que d'apporter une meilleure réponse de la gendarmerie en matière de protection des personnes et des biens dans les zones sensibles où elle exerce des responsabilités dans le domaine de la sécurité publique. Je souhaite donc vous rassurer, monsieur le sénateur : le maillage dans les secteurs ruraux où la gendarmerie doit continuer à assurer une indispensable action de proximité ne sera pas remis en cause et les effectifs actuels seront maintenus.
M. Claude Haut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai pris bonne note de vos propos. J'espère que l'avenir vous donnera raison, car nos zones rurales seraient bien démunies sans la gendarmerie.

SAUVEGARDE
DU CHÂTEAU DE ROSNY-SUR-SEINE

M. le président. M. Dominique Braye attire l'attention de M. le ministre de la culture sur la situation catastrophique que connaît le château de Rosny-sur-Seine dans les Yvelines. Dans la nuit du 23 au 24 janvier dernier, une partie très importante de ce château était entièrement détruite par un incendie, dont la police judiciaire a établi l'origine criminelle.
Depuis 1985, ce château, dont la valeur historique est unanimement reconnue, a été sciemment dépouillé de ses richesses patrimoniales et artistiques et laissé à l'abandon par ses propriétaires japonais, cela au mépris de tous les engagements qu'ils avaient contractés et de toutes les lois de notre République.
Le dernier espoir pour ce château est de trouver de nouveaux propriétaires, désireux de le restaurer. L'imbroglio qui s'est créé autour de sa situation juridique est tel qu'il décourage d'éventuels acquéreurs, et doit donc être dénoué au plus vite.
Par conséquent, il lui demande ce que le ministère de la culture, déjà sollicité à plusieurs reprises par ses soins, sans résultat concret à ce jour, compte faire pour permettre la sauvegarde du château. (N° 577.)
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture.
Dans la nuit du 23 au 24 janvier dernier, une partie très importante du château de Rosny-sur-Seine, dans les Yvelines, a été entièrement détruite par un incendie dont la police judiciaire a établi l'origine criminelle. Classé depuis 1941, ce château n'était malheureusement pas assuré.
Cela constitue la dernière étape d'un triste processus de dégradation et d'abandon subi depuis douze ans par un château qui fut la demeure de Sully et de la duchesse de Berry et qui est toujours aujourd'hui la propriété d'une société japonaise, la Nippon Sangyo, qui possède sept autres châteaux en France. Cette société a acheté ces châteaux à des conditions préférentielles, avec la bénédiction des autorités de la protection du patrimoine, parce qu'elle s'engageait à assurer des restaurations et à les ouvrir à la visite. Rien de tout cela n'a jamais été fait.
Ces châteaux, qui tous contenaient un mobilier somptueux, ont été sciemment dépouillés au mépris de toutes les lois de notre République. Depuis 1985, témoin de ce dépouillement prémédité, la mairie de Rosny-sur-Seine a tout mis en oeuvre pour obtenir, d'une part, le classement du mobilier, et, d'autre part, celui du domaine en zone naturelle sensible.
La bataille a été gagnée, mais cela n'a pas empêché que ce mobilier classé, donc théoriquement protégé, en particulier le fameux salon jaune de la duchesse de Berry et d'inestimables tapisseries, soit vendu à Drouot et dispersé, en dépit des dispositions prévues pour ce type de patrimoine.
En 1994, la municipalité et la population de Rosny-sur-Seine s'étaient battues avec succès pour obtenir une préemption d'Etat pour deux tapisseries qui sont actuellement exposées à l'hospice Saint-Charles de la ville. Cela prouve bien qu'avec une mobilisation de tous il est possible d'obtenir des résultats concrets.
Le ministère de la culture a chaque fois été prévenu de ces manoeuvres frauduleuses, tant par la mairie de Rosny-sur-Seine que par les élus du Mantois et les services de la préfecture des Yvelines. Rien n'a jamais été entrepris sérieusement en haut lieu pour mettre fin aux agissements de ces escrocs, sinon l'abandon des créances que l'administration fiscale avait auprès d'eux.
Les responsables de cette mise à sac sont connus : il s'agit de Mme Nakahara, fille du P-DG de la Nippon Sangyo et sa représentante en Europe qui a été mise en examen en janvier 1996 pour abus de confiance, faux et usage de faux. Il a été mis fin à sa détention préventive fin décembre dernier - un mois avant l'incendie - à la suite du paiement d'une caution de 4 millions de francs. Son mari et associé, M. Perez-Vanneste, alias M. Renoir, est en fuite et fait actuellement l'objet d'un mandat d'arrêt international pour la même affaire.
Les différents acquéreurs potentiels qui se sont succédé depuis cinq ans se sont découragés devant cet imbroglio juridique, alors même qu'ils apportaient une solution pour la survie de ce magnifique château. Depuis l'incendie, il s'en trouve pourtant encore à vouloir le sauver.
Je tiens aujourd'hui à vous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, du ressentiment et de la colère de la population de la région de Mantes et de ses élus, face à l'apparente inertie du ministère de la culture. Nous attendons aujourd'hui une action concrète et rapide pour que soit mis fin à cette situation rocambolesque qui n'a que trop duré et pouvoir sauver ce qui reste de ce château soumis maintenant aux méfaits des intempéries puisque la moitié de la toiture a été détruite dans l'incendie du 24 janvier dernier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous le savons tous, dans quelques mois il sera définitivement trop tard et ce château sera irrémédiablement perdu. Que comptez-vous faire pour restaurer les droits de la France sur cet élément de son patrimoine, qui fut la propriété d'un homme d'Etat, symbole d'une France forte ? Que comptez-vous faire pour redonner vie à ce château édifié par Sully en personne, sur le lieu de sa naissance ?
Quand la France, sous Henri IV, eut besoin de renflouer ses caisses, Sully fit couper la forêt de Rosny-sur-Seine au profit de l'Etat. Ne croyez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez aujourd'hui l'occasion de vous acquitter de cette dette morale envers la commune de Rosny-sur-Seine ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Je partage, monsieur le sénateur, votre émotion légitime quant à l'avenir du magnifique château de Rosny-sur-Seine, construit pour Maximilien de Béthune, duc de Sully, ministre de Henri IV, transformé au xixe siècle par le duc de Berry, qui vint y habiter en 1818.
Déjà pillé par ses propriétaires, ce magnifique monument vient en effet de subir un nouveau et terrible coup du sort, puisqu'il a été très gravement endommagé par un incendie le 24 janvier dernier.
Je souscris également, monsieur le sénateur, à votre conclusion : il est indispensable que ce château, de même que les huit autres châteaux acquis pour le compte de la société japonaise Nippon Sangyoo et d'autres sociétés qui lui sont liées, puisse être acquis par de nouveaux propriétaires dignes et capables d'en supporter la charge.
Pour autant, la vente du château de Rosny-sur-Seine, comme celle des autres propriétés qui sont dans une situation similaire, est aujourd'hui rendue très difficile par un véritable imbroglio judiciaire, que vous avez décrit, monsieur le sénateur.
En effet, la propriété des huit châteaux a été transférée, en juillet 1995, à une société en nom collectif, ultérieurement transformée en société anonyme, dénommée « Châteaux Holdings ».
Des actions pénales et civiles ont été intentées car il semble que ce transfert de propriété aurait été opéré au préjudice de la société Nippon Sangyoo à l'aide d'un mandat irrégulier.
Si ces faits étaient prouvés, il est probable que les juridictions civiles prononceraient la nullité de ce transfert de propriété. La société Nippon Sangyoo recouvrerait alors la propriété des immeubles. Mais le tribunal de grande instance de Versailles, saisi de ce dossier, a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de l'achèvement des procédures pénales en cours.
Dès lors, dans l'attente de la décision du juge pénal et de celle, qui lui sera consécutive, du juge civil, la société Châteaux Holdings est le propriétaire apparent des châteaux.
Or cette société ne peut pas vendre ces immeubles pour deux raisons : d'une part, parce qu'elle est sous administration provisoire, et qu'il est de principe qu'un administrateur provisoire ne peut accomplir d'actes de disposition, sauf habilitation par les associés ou décision de justice ; d'autre part, et surtout, parce qu'une telle vente serait extrêmement fragile, car elle risquerait d'être remise en cause par les décisions de justice qui doivent intervenir sur la question de la propriété réelle des châteaux.
C'est la raison pour laquelle l'administrateur judiciaire de la société Châteaux Holdings ne peut envisager aucune vente sans l'accord de la société Nippon Sangyoo.
Pour l'instant, aucun accord n'a pu être trouvé pour procéder à la vente de ces propriétés, sauf pour l'une d'entre elles, le domaine de La Grise, en Maine-et-Loire, qui a été vendu le 30 octobre 1996.
L'Etat ne dispose pas des moyens juridiques d'intervenir dans cette question de propriété qui relève exclusivement du droit privé et des rapports entre deux sociétés privées. L'expropriation des châteaux pour cause d'utilité publique ne peut être envisagée dès lors que ce serait uniquement pour les céder à d'autres propriétaires privés : il s'agirait d'un détournement de procédure caractérisé.
Dans le cas de Rosny-sur-Seine, selon les informations les plus récentes, un accord ne serait pas impossible entre les deux sociétés intéressées en vue d'une vente. Le ministre de la culture fera naturellement tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser cet accord, à condition, bien sûr, que la vente soit conclue au profit d'un acheteur sérieux.
Par ailleurs, compte tenu de la nécessité impérieuse de réparer les principaux dégâts causés par le récent incendie, M. le ministre de la culture a donné instruction à ses services d'engager immédiatement la procédure d'exécution d'office des travaux urgents de conservation prévue par la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.
La mise en oeuvre de cette procédure exceptionnelle permettra la mise hors d'eau du château et évitera - ce qui est déjà important - que sa dégradation ne se poursuive.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Si je me suis permis d'attirer l'attention sur le château de Rosny, alors que, dans mon département, existe un deuxième château, celui de Louveciennes, qui appartient à la même société, c'est que, à la suite de l'incendie du 24 janvier dernier, l'eau pénètre dans le château et que, si des travaux ne sont pas entrepris de toute urgence, il sera irrémédiablement perdu.
J'ai pris bonne note de ce que M. le ministre de la culture avait donné les instruction nécessaires pour que ces travaux d'urgence soient effectués le plus rapidement possible.
J'espère que, dans un proche avenir, nous pourrons assister à l'ouverture des travaux de conservation de la toiture, qui permettront d'attendre plus sereinement la solution du problème juridique.

RÉGIME FISCAL
APPLICABLE AUX ASSOCIATIONS

M. le président. M. Marcel Charmant rappelle à M. le ministre de l'économie et des finances que M. le Premier ministre a engagé, dès 1995, une réflexion avec le mouvement associatif dans le cadre du Conseil national de la vie associative. Des propositions concrètes sont nées de cette concertation et ont donné lieu à des applications qui ont recueilli la totale approbation du monde associatif.
D'autres mesures sont actuellement en discussion qui font craindre une remise en cause des conditions d'exercice et de développement de la vie associative telles qu'elles découlent de la loi de 1901.
Le mouvement associatif est inquiet. Si le Président de la République lors de la cérémonie de présentation des voeux aux associations a rappelé tout l'intérêt qu'il portait à la vie associative et combien il comptait sur les associations pour réduire la fracture sociale, les mesures de restriction budgétaire inscrites dans la loi de finances pour 1997 atteignent directement les associations. Les crédits des principaux ministères qui oeuvrent en partenariat avec le mouvement associatif sont largement amputés et les répercussions sont lourdes sur les moyens de fonctionnement des associations. La participation au financement des contrats emploi-solidarité est portée de 5 % à 15 % et l'Etat transfère, aux associations qui les accueillent, les charges afférentes aux objecteurs de conscience. Ce sont autant de mesures qui limitent la capacité d'action des associations.
Mais le plus inquiétant est le projet d'instruction fiscale préparé par le ministère des finances qui envisage, sous le prétexte de la clarification, de modifier les dispositions fiscales applicables à la vie associative, et notamment d'assujettir les associations locales à la TVA.
Ce projet interpelle la représentation nationale à double titre.
D'une part, cette réforme unilatérale de la fiscalité des associations aurait des répercussions énormes sur la vie associative et tout particulièrement sur celle de toutes les petites associations locales qui animent et dynamisent nos communes grâce aux bénévoles qui mettent au service de l'intérêt général leur temps, leur compétence et leur immense bonne volonté, les associations qui ne disposent d'autres ressources que celles qui proviennent de leurs adhérents et des manifestations qu'elles organisent pour financer leurs activités. Ce sont les plus nombreuses et leur utilité sociale n'est plus à démontrer.
D'autre part, si le processus qui est engagé est mené à terme, le Gouvernement décidera de modifier le régime fiscal applicable aux associations sans que le Parlement ait eu à se prononcer sur l'opportunité d'une telle réforme.
Le 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel rappelait que « la liberté d'association constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et confirmait que seul le législateur était en mesure de préciser, si nécessaire, le contenu de cette liberté publique.
En conséquence, il lui demande de renoncer à la mise en oeuvre de ce projet d'instruction fiscale et de saisir le Parlement de tout projet visant à modifier la fiscalité applicable aux associations. (N° 579.)
La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. le Premier ministre a engagé, dès 1995, une réflexion avec le mouvement associatif dans le cadre du Conseil national de la vie associative. Des propositions concrètes sont nées de cette concertation et ont donné lieu à des applications qui ont recueilli la totale approbation du monde associatif.
D'autres mesures sont actuellement en discussion qui font craindre une remise en cause des conditions d'exercice et de développement de la vie associative telles qu'elles découlent de la loi de 1901.
Le mouvement associatif est inquiet. Si le Président de la République lors de la cérémonie de présentation des voeux aux associations a rappelé tout l'intérêt qu'il portait à la vie associative et combien il comptait sur les associations pour réduire la fracture sociale, les mesures de restriction budgétaire inscrites dans la loi de finances pour 1997 atteignent directement les associations. Les crédits des principaux ministères qui oeuvrent en partenariat avec le mouvement associatif sont largement amputés et les répercussions sont lourdes sur les moyens de fonctionnement des associations. La participation au financement des contrats emploi-solidarité est portée de 5 % à 15 % et l'Etat transfère, aux associations qui les accueillent, les charges afférentes aux objecteurs de conscience. Ce sont autant de mesures qui limitent la capacité d'action des associations
Le plus inquiétant est le projet d'instruction fiscale préparé par le ministère des finances qui envisage, sous le prétexte de la clarification, de modifier les dispositions fiscales applicables à la vie associative, notamment d'assujettir les associations locales à la TVA.
Ce projet interpelle la représentation nationale à double titre.
D'abord, cette réforme unilatérale de la fiscalité des associations aurait des répercussions énormes sur la vie associative et tout particulièrement sur celle de toutes les petites associations locales qui animent et dynamisent nos communes grâce aux bénévoles qui mettent au service de l'intérêt général leur temps, leur compétence et leur immense bonne volonté, associations qui ne disposent d'autres ressources que celles qui proviennent de leurs adhérents et des manifestations qu'elles organisent pour financer leurs activités. Ce sont les plus nombreuses et leur utilité sociale n'est plus à démontrer.
Ensuite, si le processus qui est engagé est mené à terme, le Gouvernement décidera de modifier le régime fiscal applicable aux associations sans que le Parlement ait eu à se prononcer sur l'opportunité d'une telle réforme.
Or, le 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel rappelait que « la liberté d'association constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et confirmait que seul le législateur était en mesure de préciser, si nécessaire, le contenu de cette liberté publique.
En conséquence, je demande à M. le ministre de l'économie et des finances de renoncer à la mise en oeuvre de ce projet d'instruction fiscale et de saisir le Parlement de tout projet visant à modifier la fiscalité applicable aux associations.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'économie et des finances sur les inquiétudes du secteur associatif au regard des conditions d'exercice et de développement de la vie associative.
En ce qui concerne tout d'abord la capacité d'action des associations, je dois vous préciser que les mesures de restriction budgétaire qui on été prises s'inscrivent dans le cadre d'une politique globale de solidarité et de maîtrise des dépenses. Ces mesures ont pu conduire, il est vrai, à réduire la part des subventions publiques perçues par les associations. Cependant, les mesures prises par le Parlement dans le cadre de la loi du 24 juin 1996 portant diverses mesures en faveur des associations ont permis à la fois de favoriser leur financement par la générosité publique et de réduire leurs charges.
En effet, cette loi favorise le développement des ressources versées aux associations par les particuliers en portant à 50 % du don le montant de la réduction d'impôt sur le revenu, à 1,75 % et à 6 % du revenu imposable les plafonds de prise en compte de ces dons. Elle favorise également le financement par les entreprises, dans la mesure où celles-ci peuvent désormais déduire de leur résultat les versements effectués en période déficitaire et où les limites de déductibilité des dons ont été portées à 2,25 et à 3,25 du chiffre d'affaires.
Par ailleurs, ces organismes bénéficient d'un abattement sur la taxe sur les salaires dont ils sont redevables. Cet abattement a été porté à 28 000 francs dès 1996. Il est indexé et sera donc relevé dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu pour les années suivantes.
Je vous précise, en outre, que le projet d'instruction fiscale dont vous faites état a pour objet de clarifier les règles applicables à la détermination du régime fiscal des associations. S'appuyant sur la jurisprudence claire du Conseil d'Etat, il précise, à droit constant, les critères qui permettent de s'assurer du caractère non lucratif de l'activité d'une association et ne modifie en rien la loi fiscale, sur laquelle le Parlement s'est déjà prononcé.
En effet, le régime fiscal favorable des associations est réservé aux activités qui sont étrangères à celles que réalisent habituellement les entreprises industrielles et commerciales.
Ainsi, lorsqu'une association réalise une activité lucrative, elle est assujettie à l'ensemble des impôts commerciaux, à savoir l'impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe professionnelle, puisque la notion pertinente pour l'assujettissement à ces trois impôts se trouve être le caractère lucratif de l'activité exercée.
Tel est le cas lorsqu'une association réalise des actes de même nature que ceux qui sont, ou pourraient être, effectués par des professionnels, dans des conditions analogues au regard des prix pratiqués, du public accueilli et des modalités de mise en oeuvre de l'activité telles que, par exemple, les conditions d'un éventuel recours à la publicité.
Lorsque les associations, c'est le cas de la majorité d'entre elles, poursuivent une activité désintéressée conforme à l'esprit de la loi du 1er juillet 1901, elles n'acquittent aucun des impôts commerciaux au titre de leur activité et supportent seulement un impôt sur les sociétés à taux réduit sur leurs seuls revenus à caractère patrimonial.
J'ajoute enfin que ce projet d'instruction fiscale a été élaboré dans le cadre des travaux des différents groupes de travail relatifs à la vie associative composés de représentants de l'administration fiscale, des ministères de tutelle des associations et des membres du Conseil national de la vie associative, mis en place par le Premier ministre. Ce projet a notamment pour objet d'apporter aux associations la sécurité juridique qu'elles souhaitent à juste titre.
J'espère, monsieur le sénateur, vous avoir convaincu de la nécessité de cette instruction, laquelle a été largement débattue entre les représentants du monde associatif et ceux de l'administration.
M. Marcel Charmant. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. Tout en remerciant M. le ministre de l'économie et des finances d'avoir reconnu que l'aide publique aux associations avait diminué à partir du budget de 1997, je dirai, monsieur le secrétaire d'Etat, que les propos que vous avez tenus concernant l'instruction fiscale et le régime de TVA applicable aux associations ne me rassurent pas.
Compte tenu des services que rendent les associations, il serait logique que, pour compléter la loi de 1901, le Parlement soit saisi des projets de nature fiscale.

CONDITIONS MATÉRIELLES DE L'ORGANISATION
DE LA PROCHAINE RENTRÉE SCOLAIRE

M. le président. Mme Hélène Luc tient à attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conditions prévisibles de la prochaine rentrée scolaire. La restriction drastique des moyens inscrits dans le budget de 1997, avec notamment la suppression de 5 094 emplois d'enseignant et de 196 postes de personnel administratif, technicien, ouvrier et de service, ATOS, ne permettra pas d'assurer la rentrée autrement que dans des conditions profondément dégradées. Les mesures de carte scolaire annoncées dans chaque département, par exemple, dans le Val-de-Marne, 105 fermetures de classes, confirment les graves carences du budget que, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, elle avait dénoncées en décembre dernier. Les nombreuses fermetures de classes et la suppression d'heures d'enseignement vont affaiblir gravement le service public d'éducation, de recherche et de culture. Aucune des missions importantes de celui-ci, notamment la lutte contre l'exclusion, contre l'inégalité pour l'accès à une formation et une insertion de qualité pour chaque enfant ne pourra être menée sans l'engagement de moyens nouveaux et conséquents passant par la création de postes d'enseignant et de personnel non enseignant.
C'est pourquoi elle lui demande, comme l'ensemble des partenaires de la communauté éducative, de prévoir dans les plus brefs délais un collectif budgétaire pour l'éducation nationale afin d'assurer une rentrée scolaire satisfaisante. (N° 543.)
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me fais aujourd'hui l'interprète de l'indignation, voire de la colère qui montent dans tout le pays alors que, dans chaque département, se sont concrétisées les fermetures de classes et les suppressions de postes et de moyens sans précédent inscrites dans le budget de l'éducation nationale.
L'objectif du Gouvernement est, paraît-il, l'intégration de chaque jeune. Pour M. le Président de la République, le problème est si préoccupant qu'il a estimé nécessaire d'en parler hier soir.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, la première décision à prendre aurait été l'annonce de l'annulation des fermetures de classes. Si M. le Président de la République avait invité les parents à s'exprimer, voilà ce qu'ils lui auraient dit.
M. Marcel Charmant. Très bien !
Mme Hélène Luc. Le 3 décembre dernier, au nom du groupe des sénateurs communistes républicains et citoyens, et traduisant l'émotion déjà perceptible de la communauté éducative, je montrais l'ampleur des répercussions et des dégradations qui allaient résulter des 5 000 suppresssions de postes décidées dans votre budget. Partout en France, dans le Lot, en Seine-Maritime, dans le Doubs, où l'inspection académique a été occupée, dans la Loire, où cinq écoles sont occupées, à Tarbes, en Dordogne, à Paris, où des actions fortes sont engagées, comme dans le Val-de-Marne, mon département, dans ma commune - à Henri-Wallon en particulier - à Orly, à Saint-Maur, à Villeneuve-le-Roi, dont une représentation de parents et d'enseignants est présente dans les tribunes, on peut faire le même constat : multiplication des classes chargées de trente élèves, voire plus ; classes à double niveau ; recul de la scolarisation en maternelle ; remise en cause des projets éducatifs. Tout cela est intolérable, inacceptable, pour un pays qui se dit moderne et qui proclame que chaque jeune doit avoir sa chance !
Les suppressions de moyens touchent très fortement les établissements des zones d'éducation prioritaire, comme à Orly et Choisy, où il faut discuter âprement sur l'intégration d'un instituteur supplémentaire qui serait chargé d'apporter une aide individuelle aux élèves en difficulté. Elles touchent également les classes d'adaptation, les sections d'éducation spécialisée, comme à Villeneuve-le-Roi, c'est-à-dire précisément là où il y a des enfants en difficulté.
Ce sont eux qui ont le plus besoin de soutien personnalisé, afin de ne pas perdre pied. Ce sont eux qui doivent être tout particulièrement aidés, ne serait-ce que pour apprendre à lire, cet impératif qu'a mis en avant le Président de la République hier soir à la télévision. Sinon, il ne sauront pas lire quand ils entreront en sixième, et c'est alors qu'ils rencontreront les pires difficultés, notamment en termes d'intégration.
Que valent les discours sur la fracture sociale et les colloques sur ce fléau d'un autre âge qu'est l'illettrisme si la politique qui est effectivement mise en oeuvre se situe aux antipodes des déclarations d'intention ?
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport du Conseil d'Etat qui indique que, pour obtenir l'égalité, il faut prendre plus que jamais des mesures inégalitaires.
M. Marcel Charmant. Très bien !
Mme Hélène Luc. En son temps, M. Alain Savary l'avait déjà dit. Malheureusement, cela n'a pas été suivi d'effets.
Les mesures de suppression font insulte aux familles, qui ont à coeur, à juste titre, d'assurer la réussite des enfants, laquelle passe par l'école de la qualité, de l'égalité et de la citoyenneté. Elles font insulte aux jeunes, qui ont l'ambition d'entrer de plain-pied dans leur future vie d'adulte. Elles font insulte, aussi, aux équipes d'enseignants, qui s'engagent avec passion et dévouement, en dépit des difficultés, pour faire réussir leurs élèves et à qui il faut permettre de faire encore mieux.
Il faut impérativement annuler ces cinq mille suppressions de poste. Il est urgent de changer de cap. L'école ne doit pas être le service public minimum dont la politique de M. Bayrou est porteuse. Elle doit au contraire faire l'objet d'une politique ambitieuse, ambitieuse pour la France.
Monsieur le secrétaire d'Etat à la recherche, je souhaite que vous ayez toute la force de conviction nécessaire pour montrer au ministre de l'éducation nationale et au Premier Ministre que le développement de la recherche pédagogique en particulier et de la recherche en général exige également une telle politique.
Dans l'immédiat, il faut qu'un collectif budgétaire prévoie des crédits supplémentaires pour la rentrée prochaine.
Je demande, au nom de tous les partenaires de l'école, que le Gouvernement dégage des crédits et que, ainsi, tous les mauvais coups que j'ai dénoncés ne puissent être portés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je me permets de vous faire remarquer, madame Luc, que vous avez consommé et le temps de la question et celui de la réponse.
Mme Hélène Luc. Même les sénateurs n'ont pas le droit d'applaudir ?...
M. le président. Je ne me permettrais jamais de faire une observation sur les manifestations d'approbation des sénateurs. Ce ne serait pas du tout conforme à la manière dont je conçois la présidence d'une séance.
Je vous signalais simplement que vous aviez non seulement dépassé le temps de parole réservé à la formulation de votre question mais également entièrement utilisé celui auquel vous avez droit pour répondre au Gouvernement.
Mme Hélène Luc. Il y a eu, hier soir, une intervention télévisée à laquelle il n'était pas possible de ne pas faire allusion, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Je vous remercie, madame Luc, de l'intérêt que vous portez également à la recherche. Je me bornerai cependant, ce matin, à vous répondre sur les questions concernant l'éducation et, d'abord, sur le budget de 1997, qui a été le leitmotiv de votre question.
A cet égard, il faut rappeler l'effort exceptionnel que consent le Gouvernement.
La loi de finances pour 1997 prévoit la création de 3 043 emplois : 313 emplois au profit de l'enseignement scolaire et 2 700 emplois dans l'enseignement supérieur. La poursuite de la baisse du nombre des élèves dans les écoles et les collèges - on n'y peut rien ! - permet à la fois de poursuivre l'amélioration des conditions d'accueil dans tous les niveaux d'enseignement et de redéployer des emplois vers l'enseignement supérieur.
Dans le premier degré, les mesures de suppression d'emplois ne concerneront que les postes qui ne sont pas directement devant les élèves : par exemple, ceux qui sont consacrés aux congés de mobilité.
Quant au moratoire rural, il sera maintenu en 1997.
Dans le second degré, la mesure sera rendue possible par un meilleur ajustement entre les emplois de stagiaire et le nombre de départs en retraite. Cela s'ajoute aux moyens dégagés par la nouvelle diminution - de 18 400 élèves - des effectifs dans les collèges à la rentrée 1997, qui fait suite à celle de 20 200 élèves enregistrée à l'occasion de la dernière rentrée.
Ainsi est-il possible, d'une part, de faire face, à moyens constants, aux besoins dans les lycées et dans les classes post-baccalauréat, où les effectifs augmentent de 27 700 élèves, et, d'autre part, d'améliorer les conditions d'encadrement des établissements situés en zone défavorisées.
S'agissant des emplois de stagiaire, la structure démographique des corps de personnel enseignant des premier et second degrés et l'évolution attendue au cours des prochaines années des effectifs d'élèves, tendanciellement à la baisse de manière forte et durable, notamment à l'école et au collège, autorisent un léger resserrement de la politique de recrutement.
Cet ajustement, sans effet sur les conditions d'encadrement des élèves, aura pour conséquence, s'agissant particulièrement des enseignants du second degré, d'améliorer sensiblement les conditions d'affectation des personnels nouvellement recrutés.
Par ailleurs, afin de renforcer l'encadrement sanitaire et social des élèves et d'accroître la présence d'adultes dans les établissements, pour mieux prévenir les phénomènes de violence, 300 emplois sont créés : 150 emplois de maître d'internat et de surveillant d'externat, 80 emplois de conseiller principal d'éducation, 40 emplois d'assistante sociale et 30 emplois d'infirmière.
C'est le même souci qui préside à la décision de quasiment doubler l'effectif des appelés du contingent affectés dans les établissements scolaires, qui passera de 2 500 à 4 700. Ce dispositif, qui continue à recevoir un accueil très favorable au sein de la communauté éducative, contribue à renforcer les moyens d'encadrement et d'accueil dont disposent les établissements.
Mme Hélène Luc. Il faut créer des postes définitifs !
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat. Pour ce qui est des moyens de fonctionnement, la loi de finances pour 1997 traduit le souci de privilégier l'amélioration des conditions d'études et d'accueil des élèves dans les établissements, en tenant le plus grand compte des difficultés que rencontrent les moins favorisés d'entre eux.
A ce titre, les mesures nouvelles concernent un abondement de 30 millions de francs du fonds social collégien - il a atteint 150 millions de francs en 1996 -, qui permet aux chefs d'établissement d'intervenir pour que les difficultés financières que pourraient rencontrer certaines familles ne nuisent pas à la scolarité de leurs enfants.
Elles concernent également l'amélioration du régime des bourses servies aux élèves de lycée - celles-ci sont dotées de 26 millions de francs supplémentaires -, l'accroissement, de plus de 2 millions de francs, du montant des exonérations de frais de pension, ainsi que la mise en oeuvre des campagnes de vaccinations contre l'hépatite B, qui bénéficie de plus de 9 millions de francs.
Enfin, la contribution du ministère de l'éducation nationale au dispositif « école ouverte », qui permet d'accueillir dans certains établissements scolaires pendant les vacances scolaires les élèves qui le désirent, est portée de 4 millions à 12 millions de francs.
Ainsi, le budget de 1997 pour l'ensemble des deux sections - enseignement scolaire et enseignement supérieur - s'élève à 324 218 millions de francs, contre 317 716 millions de francs en loi de finances de 1996, soit une augmentation de 2 445 millions de francs.
Pour l'enseignement scolaire, la progression est de 4 057 millions de francs, soit 1,49 %, tandis que, pour l'enseignement supérieur, elle est, avec 2 445 millions de francs supplémentaires, de 5,48 % par rapport à la loi de finances de 1996.
Ces progressions sont à rapprocher de la réduction que connaissent les dépenses du budget général de l'Etat pour 1997, hors charge de la dette, et traduisent indiscutablement le fait que l'éducation reste l'une des priorités du Gouvernement.
Pour répondre plus précisément sur la situation de votre département, madame le sénateur, j'indique que, s'agissant des écoles, la dotation en enseignants est augmentée de dix postes, alors que les effectifs d'élèves diminuent légèrement : une centaine d'élèves en moins.
Mme Hélène Luc. Dix postes !
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat. La situation d'ensemble s'améliore donc. C'était déjà le cas l'an dernier puisque le département avait obtenu 23 postes supplémentaires, avec des effectifs très légèrement en baisse. Sur deux ans, 33 postes supplémentaires ont été attribués pour environ 200 élèves de moins.
Les mesures annoncées actuellement - 103 retraits et 37 attributions d'emploi - ne constituent qu'une première phase dans les opérations de préparation de la rentrée. La situation de toutes les écoles sera réexaminée en juin et surtout en septembre, au moment du constat des effectifs des élèves réellement présents dans les écoles. Après la rentrée, il n'y aura pas dans le département du Val-de-Marne moins de postes qu'en 1996-1997 : il y aura, au contraire, dix postes de plus.
Mme Hélène Luc. Je ne peux pas vous laisser dire cela !
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat. Ces adaptations et une réserve de rentrée suffisante sont nécessaires dans un département où la mobilité de la popolation est forte et où demeurent des incertitudes importantes quant aux élèves qui seront réellement présents par rapport aux prévisions actuellement retenues.
Il convient de souligner l'effort très important accompli en faveur des écoles situées dans les secteurs considérés comme défavorisés en fonction des critères retenus par le ministère de l'éducation nationale. C'est, en particulier, le cas pour les zones d'éducation prioritaire, du fait des normes spécifiques de 24 élèves en élémentaire et de 25 élèves en maternelle, et pour les écoles en zone intermédiaire, qui bénéficient d'une norme de 25,5 en moyenne pour l'élémentaire et, pour les maternelles, d'une attention particulière, notamment en ce qui concerne l'accueil des plus jeunes.
En outre, pour la rentrée de 1997, un effort important est consenti en faveur des directeurs d'école : une demi-décharge de service est accordée à tous les directeurs d'une école à neuf classes, et un quart de décharge est prévu pour les directeurs d'école à cinq classes.
Toutes les mesures présentées au titre de la rentrée scolaire de 1997 ont été prévues dans la plus grande transparence, en fonction de priorités clairement définies et de normes affichées aux yeux de tous, de façon que soient bien respectées à la fois l'égalité de traitement et l'équité supérieure que représente la discrimination positive en faveur des secteurs défavorisés.
Pour ce qui est des collèges, est prévue dans votre département, madame le sénateur, une baisse de 500 élèves, soit 1 % des effectifs, mais la diminution du nombre d'heures d'enseignement n'est que de 231 heures, soit, par rapport à la dotation totale, une diminution de 0,37 %. J'en conclus - mais vous ne conclurez sans doute pas la même chose ! - que le taux général d'encadrement, calculé en nombre d'heures par élève, est en amélioration.
M. le président. Madame Luc, avant de vous donner la parole pour quelques instants afin de répondre à M. le secrétaire d'Etat, bien que vous ayez dépassé le temps qui vous était imparti à la fois pour poser votre question et pour répondre au Gouvernement, je voudrais faire une mise au point.
Vous avez cru comprendre, tout à l'heure, que j'avais désapprouvé le fait que certains sénateurs aient applaudi votre intervention. Je vous ai, bien entendu, précisé qu'il n'en était rien.
En revanche, je rappelle que le public n'a pas à intervenir au cours du débat.
Mme Hélène Luc. Il a applaudi ?...
M. le président. L'article 91 du règlement est précis. Il dispose notamment :
« Le public admis dans les tribunes se tient assis, découvert et en silence.
« Toute personne donnant des marques d'approbation... » - et tel fut le cas - « ... ou d'improbation est exclue sur-le-champ par les huissiers chargés de maintenir l'ordre. »
Le Sénat siège de façon démocratique. Cela signifie que ses membres ont évidemment la possibilité d'intervenir comme ils l'entendent, dans le respect du règlement, mais que le public, lui, n'a pas à intervenir.
Madame Luc, je vous donne maintenant la parole pour quelques secondes.
Mme Hélène Luc. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner à nouveau la parole.
Pour ma part, je n'avais pas remarqué que le public avait applaudi.
Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas répondu à ma question, ce qui ne m'étonne guère.
Quand il est question de l'épanouissement des enfants, de leur réussite, de la lutte contre l'échec scolaire, de la qualité de l'accueil et des études, vous continuez à répondre par des moyennes chiffrées, en mobilisant les calculettes et en invoquant les normes établies par les services du ministère pour mieux justifier toutes les décisions régressives.
Hier soir, on a entendu le Président de la République dire que la jeunesse était formidable. Oui, elle est formidable parce qu'elle a des exigences fortes et légitimes. Mais, ce matin, on entend le Gouvernement traiter cette même jeunesse comme un matériau statistique, notamment lorsqu'il fonde ses décisions sur des variations au centième près !
C'est ainsi qu'à l'école maternelle Henri-Wallon de Choisy-le-Roi une fermeture de classe est déjà prévue, alors qu'il aurait fallu attendre la rentrée. Or, chacun le sait, lorsqu'une classe est fermée, il est difficile de la faire rouvrir.
On argue de la diminution des effectifs pour supprimer des postes et fermer des classes, au lieu de la mettre à profit pour améliorer la situation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est à la maternelle que commence l'intégration dont a parlé le Président de la République hier soir !
Non, les enfants ne sont pas des numéros, il faut s'en convaincre. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Vous ne mesurez pas l'angoisse des familles, des jeunes. Vous méprisez leur ambition de construire l'avenir, de se préparer à une vraie vie d'adulte. D'ailleurs, les jeunes l'ont dit au président de la République hier soir.
Une fois de plus, le fossé est criant entre les grandes paroles sur la jeunesse et les actes : tandis que les recrutements d'enseignants diminuent de 20 % et que des milliers de maîtres auxiliaires restent au chômage, 800 000 heures supplémentaires sont imposées aux enseignants.
Les parents, les enseignants et les élus veulent que cela change. Ils veulent que chaque jeune ait une chance de réussir. Ils le diront le 23 mars dans une grande manifestation, et le Gouvernement sera bien obligé de céder ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)

BAISSE DU NIVEAU SCOLAIRE
DES ÉLÈVES DU SECONDAIRE

M. le président. M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le niveau trop faible des classes des quartiers sensibles de banlieue. Trop d'élèves à leur arrivée en sixième ne maîtrisent ni la lecture ni les règles élémentaires de calcul, ce qui constitue un handicap presque impossible à rattraper pour la suite de leur scolarité. En Seine-Saint-Denis, à l'entrée en sixième, seulement 59 % des élèves réussissent les tests d'évaluation en français, et 55 % en mathématiques. Ces chiffres alarmants placent toute une catégorie de jeunes, essentiellement issus de familles en difficulté ou d'origine étrangère, dans une situation où ils ne pourront plus s'intégrer socialement.
Il est en fait difficile d'évaluer de manière précise les retards scolaires dans tous les départements au vu de ce seul critère de réussite aux tests. D'autre part, il est malheureusement impossible de connaître le taux d'accès d'une classe d'âge au baccalauréat en Seine-Saint-Denis, le ministère de l'éducation nationale ne disposant d'informations qu'au niveau académique ou national.
Malgré les efforts des ministères de l'éducation nationale et de la ville, la baisse du niveau des élèves tend à se généraliser tant dans les banlieues que dans les secteurs moins difficiles.
Il lui demande s'il est envisageable de rendre publics l'évolution et le détail des tests d'évaluation, ainsi que le taux d'accès d'une classe d'âge au baccalauréat. Il lui demande également quelles mesures il compte prendre afin de remédier rapidement à cette situation préoccupante. (N° 576.)
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, hier soir, le Président de la République a répondu en quelque sorte par avance à la question que je vais vous poser puisqu'il a déclaré que, à la fin de son septennat, tous les enfants devraient maîtriser les connaissances de base.
Mais je voudrais évoquer ici plus particulièrement les quartiers difficiles.
Dans bien des établissements élémentaires et dans les collèges des quartiers sensibles, le niveau des élèves est bien en dessous de la moyenne nationale.
En Seine-Saint-Denis, département où je suis élu, les élèves réussissent moins bien à l'école et accusent des retards scolaires préoccupants. A l'entrée en sixième, seulement 59 % des jeunes satisfont aux tests d'évaluation en français et 55 % en mathématiques. C'est évidemment dans ces deux matières de base qu'il y a donc lieu d'être inquiet.
De plus, le retard scolaire des élèves de quinze ans et plus en troisième est de 46 % en Seine-Saint-Denis contre 29 % en France. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Ils montrent que toute une catégorie de jeunes est dans une situation où ils ne pourront plus s'intégrer socialement.
Il est en fait difficile d'évaluer la gravité des retards scolaires dans tous les départements au vu des seuls tests d'évaluation. En ce qui concerne le Seine-Saint-Denis, il est malheureusement impossible de connaître le taux d'accès d'une classe d'âge au baccalauréat, le ministère de l'éducation nationale ne disposant, a priori, que d'informations au niveau académique.
Nous connaissons, monsieur le secrétaire d'Etat, la volonté du Gouvernement de réformer et d'adapter l'école et l'université dans notre pays. Nous savons également que les mesures décidées dans le cadre du pacte de relance pour la ville prévoient le renforcement de l'encadrement ainsi qu'une amélioration des conditions dans les établissements les plus difficiles.
Malgré les efforts annoncés, les difficultés imposent la prudence, d'autant que la baisse du niveau des élèves commence à toucher des secteurs qui semblaient jusque-là épargnés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous semble-t-il envisageable de rendre publics l'évolution et le détail des tests d'évaluation en réaffirmant votre priorité de combattre l'échec scolaire ? Est-il également possible pour l'académie de Créteil de prévoir la comptabilisation par département du taux d'accès d'une classe d'âge au baccalauréat ?
Enfin, pourriez-vous préciser quelles mesures vous envisagez de mettre en oeuvre pour réduire les retards en français et en mathématiques de nos jeunes élèves ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, je vous indique tout d'abord que le taux de bacheliers parmi une génération est connu par département : il est publié dans Géographie de l'Ecole , document que je tiens à votre disposition. Pour la dernière session et pour la Seine-Saint-Denis, ce taux était de 46 %.
Certes, cette proportion place la Seine-Saint-Denis parmi les derniers départements français, mais, d'abord, elle est plus élevée - c'est réconfortant - qu'il y a quelques années, ensuite, le classement serait différent si l'on tenait compte de la structure sociale de chaque département et, enfin, les différences entre académies et départements sont aujourd'hui moins prononcées que précédemment, illustrant non pas un accroissement des disparités géographiques mais une réduction, ce qui est heureux.
A l'entrée en sixième, et non plus à la fin du secondaire, les évaluations de masse faites par le ministère de l'éducation nationale permettent d'évaluer les élèves en français et en mathématiques. Les protocoles sur lesquels elles se fondent sont, bien entendu, publics puisqu'ils sont diffusés par centaines de milliers d'exemplaires, soit un par élève. Les résultats de ces tests sont publiés par académie, et non par département. Il n'est pas prévu de les publier au niveau départemental, même s'ils sont disponibles certaines années pour certains départements comme la Seine-Saint-Denis.
Dans l'académie de Créteil, les résultats sont moyens, parmi les plus faibles de France, et plutôt inférieurs à ce que la structure sociale permettrait d'espérer. Cependant, là encore, on ne peut pas conclure à une baisse du niveau au cours des dernières années, et l'écart des résultats de l'académie par rapport aux résultats moyens de la France ne s'est pas accru mais est plutôt stable. De même, l'écart entre la Seine-Saint-Denis et la France ne s'est pas accentué au cours de ces dernières années.
En outre, pour votre département, une analyse détaillée est menée par les services de l'inspection académique. Les résultats sont communiqués aux instances de concertation, le comité technique paritaire départemental et le conseil départemental de l'éducation nationale, et donnent lieu à une mise en perspective de l'action éducatrice de l'Etat et de la participation des services départementaux de l'éducation nationale à la politique de la ville.
Une politique pédagogique et éducative dynamique est mise en place, dans le département, afin d'aider les élèves et leurs parents, ainsi que les établissements.
Pour faciliter la lecture complexe des réalités, et pour induire la nécessaire dynamique de progrès, l'inspecteur d'académie du département, M. Bottin, a réalisé et publié, après concertation, un document intitulé Politique pédagogique et éducative pour les écoles et les collèges de la Seine-Saint-Denis, contribution au projet académique, programme pluriannuel d'actions . Ce document, destiné à assurer la cohérence des démarches et la cohésion entre les équipes enseignantes des écoles et des collèges, a été adressé à tous les établissements scolaires, comme à tous les élus du département - je peux vous en donner un exemplaire, monsieur le sénateur - de manière à favoriser la meilleure synergie possible entre les compétences qui relèvent de l'Etat et celles qui relèvent des collectivités territoriales.
Une lecture attentive de ce document, très complet, permet aisément de constater que le niveau des élèves, loin de baisser, progresse, bien que lentement. Les moyens supplémentaires dont a bénéficié la Seine-Saint-Denis et les aides obtenues au titre de la politique de la ville - dix-neuf communes sur quarante en sont attributaires - concourent à améliorer les résultats scolaires des élèves et leur orientation, ce qui est l'objectif unique du riche programme d'action axé sur trois actions pédagogiques prioritaires que je vous rappelle : la maîtrise de la langue, l'éducation à la citoyenneté, l'aide à l'émergence du projet personnel de l'élève.
Les objectifs quantitatifs quant à eux sont d'amener, en cinq ans, la moyenne des résultats départementaux au niveau des moyennes nationales. En outre, ce programme est conduit selon trois entrées privilégiées : le rattrapage des retards, déjà bien avancé, et le recentrage des moyens sur les priorités affichées ; l'aide aux écoles et établissements en difficulté par la dotation de moyens supplémentaires ; la prévention des phénomènes de violence et de délinquance en milieu scolaire. Les premiers résultats sont encourageants.
Vous avez reçu, comme tous les élus de la Seine-Saint-Denis, le document réalisé et publié par l'inspecteur d'académie dans lequel sont exposées, de manière explicite et approfondie, toutes les démarches et actions qui répondent à vos interrogations.
Il reste que, même si l'echec scolaire a, au total, diminué au cours des dernières décennies, la nécessité de le réduire encore est d'autant plus grande que les conséquences en sont plus graves, puisque les exigences de notre économie et de notre société se sont accrues. Le nouveau contrat pour l'école a, pour ce motif, placé la maîtrise de la langue française comme principal objectif du système éducatif, ce qui explique nombre des mesures prises récemment : nouveaux programmes de l'école primaire et du collège, études dirigées, études surveillées, rénovation du collège, où figure un dispositif de consolidation pour les élèves en grande difficulté.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je vous remercie de ces réponses, monsieur le secrétaire d'Etat : j'obtiens dans cette assemblée bien plus d'informations sur ce qui se passe en Seine-Saint-Denis que dans mon département ! C'est d'ailleurs après avoir interrogé l'inspecteur d'académie que j'ai décidé de m'adresser directement à vous ici. Je suis donc preneur de tous les documents que vous avez mentionnés, monsieur le secrétaire d'Etat.
J'insiste cependant sur le fait que nous ne disposons pas dans notre département du résultat des évaluations à l'entrée en sixième. Nous ne connaissons pas davantage le nombre d'élèves de Seine-Saint-Denis accédant au baccalauréat.
Ces indications seraient pourtant utiles aux maires - qui sont, évidemment, comptables devant la population de la situation dans leur ville - pour prendre éventuellement les mesures de nature à aider les enseignants à assumer leurs tâches.

RÉGIME DE RETRAITE
DES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES DE SURVEILLANCE

M. le président. M. Jean-Paul Delevoye interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 24 de la loi n° 96-542 du 28 mai 1996, relatif au régime particulier de retraite en faveur des fonctionnaires appartenant aux corps du personnel de surveillance, dit bonification du cinquième. Les modalités d'application sont fixées par une circulaire du directeur de l'administration pénitentiaire en date du 29 novembre 1996, selon laquelle les dispositions législatives précitées « sont applicables aux fonctionnaires rayés des cadres à compter du 31 mai 1996 ». Cela peut sembler logique mais va à l'encontre d'un engagement pris par l'administration pénitentiaire à l'égard des personnels intéressés.
Dès le mois d'octobre 1995, la lettre d'information de cette administration, dénommée Etapes, précisait : « Les dispositions transitoires s'appliqueront du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999. » A ce moment, le Parlement n'avait pas encore été saisi du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre sanitaire et statutaire. Cet engagement était donc pris en toute connaissance de cause. D'ailleurs, dans une lettre en date du 15 mars, alors que ce projet de loi venait d'être adopté par l'Assemblée nationale et que le Sénat n'en avait pas encore débattu, le directeur de l'administration pénitentiaire confirmait : « Le texte n'a pas été encore promulgué et n'est donc pas applicable en l'état. Toutefois, dès sa promulgation, ce texte législatif sera d'application au 1er janvier 1996. » Le respect de cet engagement concernerait environ une centaine d'agents qui ont cru, de bonne foi, pouvoir profiter du cinquième.
Il demande à M. le garde des sceaux de veiller au respect de la parole donnée en ce domaine. (N° 547.)
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux et porte sur les conditions de la mise en oeuvre de l'article 24 de la loi du 28 mai 1996, article relatif au régime particulier de retraite en faveur des fonctionnaires appartenant aux corps du personnel de surveillance, dit « bonification du cinquième ».
Les modalités d'application sont fixées par une circulaire de l'administration pénitentiaire, selon laquelle les dispositions législatives « sont applicables aux fonctionnaires rayés des cadres à compter du 31 mai 1996 ». Il s'agit en réalité de faire en sorte que les fonctionnaires puissent obtenir leur départ à la retraite à cinquante-cinq ans en l'an 2000, avec une dégressivité à partir de 1996. La circulaire est donc logique.
En revanche, elle va à l'encontre d'un engagement pris par l'administration pénitentiaire à l'égard des personnels intéressés. En effet, dès le mois d'octobre 1995, la lettre d'information de cette administration, dénommée Etapes, précisait : « Les dispositions transitoires s'appliqueront du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999. » A ce moment-là, le Parlement n'avait pas encore été saisi du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre sanitaire et statutaire : on peut donc considérer que cet engagement était pris en toute connaissance de cause.
De plus, par une lettre du 15 mars 1996, la direction de l'administration pénitentiaire indiquait : « L'Assemblée nationale a voté le 14 mars 1996 l'article 10 relatif à l'amélioration du régime de retraite des personnels de surveillance. » Elle poursuivait plus loin : « J'appelle votre attention sur le fait que le texte n'a pas encore été promulgué et n'est donc pas applicable en l'état. Toutefois, dès sa promulgation, ce texte législatif sera d'application au 1er janvier 1996. »
Cela signifie que leur administration a incité certains personnels à croire à l'application de la loi dès le 1er janvier 1996. Ils ont donc été frappés de stupeur lorsqu'il leur a été indiqué par circulaire qu'elle ne s'appliquerait qu'à partir du 31 mai 1996. Une centaine d'agents ont ainsi cru de bonne foi pouvoir profiter de la bonification du cinquième, et je souhaite que le Gouvernement, en particulier le garde des sceaux, assure le respect de l'engagement pris par l'administration pénitentiaire.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser M. le garde des sceaux, qui regrette de ne pas pouvoir vous répondre personnellement.
En ce qui concerne la question que vous avez soulevée, il est vrai que la mesure contenue dans l'article 24 de la loi du 28 mai 1996 relatif au régime de retraite des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire, dit « bonification du cinquième » ainsi que vous l'avez indiqué, est une mesure que le Gouvernement a décidé de proposer au Parlement au cours de l'année 1995 en signe de reconnaissance des spécificités professionnelles des personnels de surveillance pénitentiaire.
Tout acte législatif, pour être applicable, doit être publié et diffusé aux différents services de l'Etat. C'est ainsi que les dispositions de cet article de loi voté le 28 mai 1996 ont été applicables dès le 31 mai 1996 à tous les fonctionnaires qui entraient dans son champ d'action. Le principe de non-rétroactivité, en l'absence de toute disposition législative contraire, empêche que les agents admis en retraite à une date antérieure bénéficient de cette disposition.
Toutefois, ainsi que l'affirmait le mensuel d'information de l'administration pénitentiaire Etapes , les dispositions transitoires d'abaissement progressif de la limite d'âge des fonctionnaires concernés s'étendent bien du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999.
C'est donc sans contredire le principe général de non-rétroactivité de la loi que le directeur de l'administration pénitentiaire a insisté sur le fait que chaque agent qui entrait dans le cadre d'application de la loi au 1er janvier 1996 et dont, bien évidemment, la date de départ à la retraite était postérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi pouvait effectivement se prévaloir de la totalité des bénéfices du nouveau régime de retraite des personnels de surveillance.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'information que je peux vous apporter.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Madame le ministre, je me réjouis de la reconnaissance accordée au personnel pénitentiaire sous la forme de la bonification du cinquième, mais je continue à m'interroger après la réponse que vous venez de fournir, car le directeur de l'administration pénitentiaire a écrit le 15 mars 1996 : « Toutefois, dès sa promulgation, ce texte législatif sera d'application au 1er janvier 1996. »
C'est sur la base de ce texte que les personnels pénitentiaires ont demandé à partir en retraite dès le 1er janvier 1996. Cependant, le décret ne prévoit l'application de cette mesure qu'à partir du 31 mai 1996.
Je crois donc qu'une erreur a été commise. Il est dommage que les effets bénéfiques d'une mesure gouvernementale, qui était attendue depuis plus de trente ans par des fonctionnaires qui accomplissent une tâche difficile et qui avaient manifester leur reconnaissance après son obtention, soient quelque peu gâchés parce qu'une centaine de personnes ont été mal informées.

MONTANT DE L'ALLOCATION DE RENTRÉE SCOLAIRE

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau rappelle à M. le ministre du travail et des affaires sociales que chaque famille a dépensé en moyenne près de 2 000 francs par enfant lors de la dernière rentrée scolaire et que les achats scolaires et de vêtements représentent des dépenses incompressibles égales à deux tiers de l'aide reçue par les familles.
Elle lui fait observer que, pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie, de l'appauvrissement des familles, la reconduction de la majoration d'allocation scolaire doit porter le montant de l'ARS, l'allocation de rentrée scolaire, à 2 000 francs lors de la prochaine rentrée scolaire. Elle lui propose que cette allocation de rentrée de 2 000 francs soit attribuée pour chaque enfant scolarisé et jusqu'à vingt ans révolus au 15 septembre de l'année considérée aux familles ou personnes isolées dont les revenus nets, non compris les autres prestations sociales éventuellement prévues, sont inférieurs à trois fois le SMIC, augmentés de 30 % par enfant à partir du deuxième.
Elle demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour porter le montant de l'ARS à 2 000 francs et dégager les crédits nécessaires à son financement à inscrire au budget de la nation. (N° 573.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame le ministre, lors de la rentrée scolaire de 1993, deux mesures importantes ont été prises. Il s'agit, d'une part, d'une majoration de l'ARS, l'allocation de rentrée scolaire, qui a été portée à 1 500 francs par enfant. Il s'agit, d'autre part, de la création de l'AAS, l'aide à la scolarité, en remplacement des bourses des collèges.
Ces deux mesures, vous le savez, ont été financées sur le budget de l'Etat.
Elles ont eu des effets différents. La première a reçu un soutien évident. La seconde a eu des effets pervers, puisqu'elle a entraîné une diminution forte et progressive du nombre d'élèves prenant leur repas dans les collèges.
Dans des collèges rayonnant sur des cités populaires avec des populations pauvres, défavorisées, le nombre d'élèves prenant leur repas au restaurant scolaire a chuté au point que certains établissements n'accueillent plus que quelques dizaines de rationnaires.
En revanche, madame le ministre, l'allocation de rentrée scolaire s'est révélée efficace. Des études ont été faites par la caisse d'allocations familiales, qui a présenté un certain nombre de remarques.
Premièrement, l'aide versée aux familles a été consacrée dans sa quasi-totalité - 95,2 % - à la consommation.
Deuxièmement, l'essentiel des dépenses engagées, soit 85,8 %, sont liées à la scolarité.
Troisièmement, les achats de matériel scolaire et de vêtements représentent à eux seuls deux tiers de l'aide reçue par les familles, avec une part prépondérante dans ce domaine pour les enfants fréquentant l'école primaire. Une part plus importante est réservée aux frais de restaurant scolaire et de transports par les familles de grands enfants.
Il est assez rare qu'une allocation se révèle aussi efficace pour la famille, pour l'école, pour l'économie, mais surtout pour l'enfant.
L'enfant égal aux autres, ayant ses beaux vêtements de rentrée, ses affaires nouvelles de classe, c'est aussi, madame le ministre, comme vous le savez, un élément de confiance et d'égalité pour la rencontre avec les autres élèves, la nouvelle classe, le nouveau maître, et pour la réussite.
Madame le ministre, pourquoi une telle mesure a-t-elle progressivement été réduite, dévaluée, au point de ne plus être reconnue à quelques mois de la prochaine rentrée scolaire, alors que tous s'accordent à reconnaître la baisse du niveau de vie et des ressources des familles ?
Aussi, je vous propose, madame le ministre, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, dans un souci non seulement de justice sociale, éducative, mais aussi d'efficacité économique, de confirmer l'existence d'une allocation de rentrée scolaire pour chaque enfant scolarisé, d'un montant de 2 000 francs, attribuée aux familles ou aux personnes isolées dont les revenus nets, non compris, bien entendu, les autres prestations sociales, sont inférieurs à trois fois le SMIC, augmentés de 30 % par enfant à partir du deuxième.
Je souhaiterais savoir ce que vous pensez de cette proposition et quelle décision va prendre le Gouvernement pour la rentrée de septembre 1997.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, il est vrai que l'allocation de rentrée scolaire a fait l'objet, depuis 1993, sur décision gouvernementale, de majorations exceptionnelles.
Lorsque l'allocation, qui est un peu supérieure à 400 francs, a été majorée afin de porter le montant versé à 1 500 francs par enfant, ce sont plus de 6 milliards de francs supplémentaires qui ont été distribués aux familles.
En 1996, lorsque le Gouvernement a décidé, tout en prorogeant le versement d'une majoration, de limiter le montant de cette allocation afin de verser 1 000 francs d'allocation et de majoration, ce sont 3,4 milliards de francs supplémentaires dont ont bénéficié les familles.
Ces majorations successives ont été financées intégralement par le budget de l'Etat, à l'exception de l'année 1995 où le fonds national des prestations familiales a contribué à celui-ci.
Madame le sénateur, vous le savez, l'objectif de maîtrise des déficits publics que cherche à atteindre le Gouvernement ne permet pas d'envisager d'aller plus loin pour le moment, même si le problème est l'objet de toute notre attention, ne serait-ce que pour les raisons que vous avez évoquées tout à l'heure, à savoir l'efficacité, l'aide aux familles et la confiance pour l'enfant lorsqu'il arrive dans sa nouvelle école ou dans sa nouvelle classe.
Soyez assurée, madame le sénateur, de l'attention que le Gouvernement porte à cette question, mais, nous devons être vigilants sur notre objectif de maîtrise des déficits publics.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous n'avons obtenu aucune assurance de la part du Gouvernement, et je suis assez indignée de votre réponse, madame le ministre.
L'an passé, 3 millions de familles et 5,7 millions d'enfants ont bénéficié de 3 milliards de francs supplémentaires.
Avec notre proposition, on peut estimer que 10 milliards de francs seraient nécessaires.
Vous parlez des déficits publics, madame le ministre. Or, à la Bourse de Paris, au cours de la seule journée de jeudi, 13 milliards de francs ont changé de main : taux bas, spéculation sur les restructurations d'entreprises, afflux de liquidités en provenance des SICAV monétaires.
Depuis le début de 1997, la Bourse a gagné près de 17 % dans des volumes d'échanges sans cesse croissants.
Quelque 13 milliards de francs de profits ont été réalisés en un jour. Or, aujourd'hui, le Gouvernement refuse d'affecter 10 milliards de francs pour une rentrée scolaire.
Madame le ministre, le Gouvernement fait un choix injuste, inefficace et douloureux pour 4 millions de familles. Les Français vous le feront savoir !

MODALITÉS DE TRANSPORT DES MALADES
EN VÉHICULES SANITAIRES LÉGERS

M. le président. M. René-Pierre Signé rappelle à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale que les responsables de l'assurance maladie ont engagé une série de réformes dans le but louable de parvenir à des économies et que, en particulier, ils ont décidé d'exiger que tout transport de malade assis soit effectué en véhicule sanitaire léger - VSL - et non en taxi.
Il souhaite faire quelques remarques.
Tout d'abord, les chauffeurs de taxi qui pratiquent ce transport ont une obligation de formation de secouriste qui équivaut à celle que reçoivent les conducteurs de VSL.
Ensuite, les malades transportés assis ne sont pas des malades en phase aiguë de maladie mais sont véhiculés, la plupart du temps, pour subir des examens prévus depuis longtemps. Le risque généré par le transport est donc très atténué, voire nul.
Enfin, les taxis ruraux, qui exercent dans les régions les plus désertifiées où, depuis longtemps, tout service de transport public a disparu, se voient privés d'une grande partie de leur clientèle, amputation qui peut se révéler catastrophique et mettre en péril leur modeste entreprise.
Par ailleurs, le service par taxi est moins onéreux que le service par VSL. D'ailleurs, pourquoi ne pas appliquer la tarification la moins élevée ?
Il comprend mal cette mesure injustifiée sur le plan médical et pénalisante sur le plan économique pour des régions défavorisées qui peuvent perdre un service de transport indispensable.
Il considère qu'il serait souhaitable, dans l'intérêt de beaucoup, que cette mesure soit revue et rapportée. (N° 574.)
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Je tiens à attirer votre attention, madame le ministre, sur les restrictions intervenues en ce qui concerne le transport des malades assis. En effet, le transport de ces malades devra être effectué en véhicule sanitaire léger, VSL, et non en taxi.
Cette décision appelle quelques remarques.
Tout d'abord, les chauffeurs de taxis, qui pratiquent ce transport ont une obligation de formation de secouriste qui équivaut à celle que reçoivent les conducteurs de VSL.
Ensuite, les malades transportés assis ne sont pas en phase aiguë de maladie, mais, la plupart du temps, ils sont véhiculés pour subir des examens prévus depuis longtemps. Le risque entraîné par le transport est donc très atténué, voire nul.
Enfin les taxis ruraux, qui exercent dans les régions les plus désertifiées où, depuis longtemps, tout service de transport public a disparu, se voient privés d'une grande partie de leur clientèle, ce qui peut se révéler catastrophique et mettre en péril leur modeste entreprise.
En outre, le service par taxi est moins onéreux que le service par VSL.
Pourquoi, si l'on veut faire des économies, ne pas appliquer la tarification la moins élevée ? Je comprends donc assez mal cette mesure, qui est, à bien des égards, injustifiée. Dans ces conditions, il serait souhaitable, dans l'intérêt de beaucoup, de revoir cette mesure et de la rapporter.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, comme MM. Jacques Barrot et Hervé Gaymard l'ont déjà précisé à plusieurs reprises devant la représentation nationale, ce dossier fait l'objet d'un examen très attentif.
La réglementation française actuelle en matière de transport des malades assis est uniquement fondée sur des situations médico-administratives, telles que le classement de la maladie en affection de longue durée, la distance du transport ou le lien de celui-ci avec une hospitalisation.
L'état réel du malade ou son degré de dépendance ne font pas partie des critères qui déterminent la prise en charge de ces transports.
Il a donc été décidé, en octobre 1996, de procéder à une révision des textes relatifs à la prise en charge des frais de transport des assurés.
Cette révision doit faire suite à une réflexion approfondie, qui est actuellement en cours. Les nouveaux critères de prise en charge du transport des assurés sociaux font notamment l'objet des négociations nécessaires avec les professions concernées.
Je suis d'ores et déjà en mesure d'affirmer qu'il n'est pas envisagé d'exclure les taxis du transport assis des assurés sociaux.
Nous devons chercher ensemble une solution équitable, qui tienne compte des différents modes de transport et qui permette à chacun de participer à la modération de la dépense, qui demeure nécessaire.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse un peu rassurante en ce qui concerne les taxis, qui, avez-vous dit, pourront transporter des malades.
J'ai avancé quelques raisons pour lesquelles je considère - et je ne suis pas le seul - que cette mesure n'est pas adaptée aux situations locales. Je voudrais y ajouter une autre raison : la mission de service public. En effet, dans les régions défavorisées et désertifiées, il y a beau temps que tout service public de transport a disparu. En plus du service médical il faut y assurer un service social.
Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure : si on privait les taxis de la possibilité de transporter des malades, c'est leur entreprise qui serait mise en danger et qui risquerait de disparaître. On rencontrerait alors dans ces régions des difficultés pour transporter les personnes qui sont isolées. Il y a donc là un rôle social qui n'est pas négligeable et qui doit être pris en compte.
Il y a également une mission d'aménagement du territoire, en permettant aux malades qui habitent les hameaux les plus isolés d'accéder aux soins. Il y a aussi une forme de complémentarité entre les modes de transport : le train, les autocars et les taxis, qui font partie d'un tout.
Supprimer un de ces moyens de transport, c'est évidemment porter un coup à l'aménagement du territoire et, par là même, défavoriser un peu plus des régions, et ne pas encourager les gens à venir y habiter puisque lorsque l'on est à la retraite, on se soucie, à juste raison, de sa santé.

DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT RELATIVE AU VERSEMENT
DE L'INDEMNITÉ SPÉCIALE DE MONTAGNE

M. le président. M. Adrien Gouteyron appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur la décision du Conseil d'Etat en date du 27 septembre 1996, qui confirme le jugement du tribunal administratif de Toulouse.
Il lui rappelle que, par ce jugement, ce dernier a annulé la décision du directeur départemental de l'agriculture de l'Aveyron de ne verser qu'une seule indemnité spéciale de montagne pour un agriculteur et son fils au motif que les deux exploitations concernées étaient en fait une seule unité économique.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser le délai d'application de la décision du Conseil d'Etat. (N° 578.)
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de pouvoir poser cette question à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je veux en effet l'interroger sur les conséquences qu'il va tirer d'une décision du Conseil d'Etat en date du 27 septembre 1996, qui a confirmé un jugement du tribunal administratif de Toulouse.
Par ce jugement, ce tribunal a annulé la décision d'un directeur départemental de l'agriculture de ne verser qu'une seule indemnité spéciale de montagne pour un agriculteur et son fils au motif que les deux exploitations concernées étaient en fait une seule unité économique. C'était du moins l'interprétation de l'administration.
Le Conseil d'Etat a donc confirmé que, bien que ces deux agriculteurs utilisent en commun les bâtiments d'exploitation et que certains travaux soient effectués en commun, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'il y ait une seule exploitation agricole. En effet, il est vrai que chaque exploitant bénéficie d'une inscription distincte à la caisse de mutualité agricole, que les terres exploitées par chacun d'eux font l'objet de baux distincts, que chacun des cheptels bénéficie d'une inscription déposée auprès de l'organisme identificateur, que les comptabilités et les matériels d'exploitation sont distincts.
Le Conseil d'Etat ayant estimé que cela suffisait pour décider que les deux exploitations étaient distinctes, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer quelle conclusion vous allez en tirer et à partir de quelle date sera prise en compte cette décision. Sachant qu'elle a été rendue en septembre 1996, je pense que, pour l'année 1997, cela va de soi, mais j'espère qu'il en sera de même pour l'année 1996.
Je dirai tout à l'heure pourquoi cette décision me paraît importante, monsieur le ministre, et j'attends votre réponse avec impatience.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le rappeler, par une décision du 27 septembre 1996, le Conseil d'Etat a confirmé l'annulation d'une décision de l'administration concernant le versement d'une indemnité spéciale de montagne, ou ISM, à un agriculteur et à son fils.
L'exécution de la demande de remboursement par l'agriculteur bénéficiaire de l'ISM avait été suspendue dans l'attente de la décision de la juridiction administrative.
A la suite de cette décision, cette mesure de suspension sera rapportée. Je peux donc vous confirmer que l'application de la décision du Conseil d'Etat sera immédiate et que l'agriculteur et son fils conserveront une ISM pour les deux exploitations concernées.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, soyez remercié des assurances que vous venez de nous donner.
Je tiens à préciser brièvement pourquoi cette décision me semble importante. Nous sommes tous soucieux - vous le premier, monsieur le ministre - de faciliter l'installation des jeunes. Pour y parvenir, il faut accepter des formules diversifiées.
Outre celles que nous venons de décrire rapidement à travers la décision du Conseil d'Etat, il en est d'autres telles que les groupements agricoles d'exploitation en commun, qui fonctionnent bien et qui donnent maintenant parfaitement satisfaction. Je crois que ces différentes formules ne doivent pas être négligées.
Cette décision du Conseil d'Etat me paraît donc importante.

DEVENIR DU GRAND ENSEMBLE LOCATIF
SITUÉ RUE DU COMMANDANT-MOUCHOTTE (PARIS XIVe)

M. le président. Mme Danièle Pourtaud rappelle à M. le ministre délégué au logement que la SEFIMEG, après de nombreux investisseurs institutionnels, a décidé brutalement il y a quelques mois de mettre en vente, par appartement, la plus grande partie de son patrimoine locatif parisien. C'est le cas, en particulier, de l'immeuble qui est situé rue du Commandant-Mouchotte, dans le xive arrondissement, et qui est l'un des plus grands ensembles locatifs existant dans la capitale.
Ainsi, 430 locataires, c'est-à-dire plus de 1 000 personnes, sont concernés ; ils doivent donner leur réponse au plus tard le 21 mars prochain, donc dans des délais extrêmement brefs, les baux arrivant à expiration n'étant pas renouvelés.
Les appartements sont proposés à un prix relativement élevé, étant donné l'ancienneté de l'immeuble et l'état des parties communes très importantes.
Il en résulte une forte et légitime inquiétude des locataires, dont beaucoup habitent là depuis de très nombreuses années, étant âgés ou qui, n'ayant pas des ressources suffisantes pour se porter acquéreurs, risquent d'être confrontés à une situation très difficile, voire dramatique.
Il convient en outre de préciser que cet immeuble a été construit il y a trente ans sur un terrain de la SNCF et de la ville de Paris, avec l'aide de la collectivité publique dans le cadre d'une convention Etat-ville, pour répondre aux besoins de logements intermédiaires des classes moyennes ; un certain nombre de logements ont été réservés aux rapatriés d'Afrique du Nord, qui y résident toujours, et une vingtaine d'ateliers-logements d'artistes ont bénéficié d'un conventionnement spécifique.
Pour toutes ces raisons, les autorités municipales parisiennes, mais aussi le Gouvernement, ne peuvent se désintéresser du sort de ces centaines de locataires et de familles et des conséquences à la fois économiques, sociales et humaines d'une telle opération.
Aussi, elle lui demande, d'une part, d'intervenir auprès de la SEFIMEG, afin qu'elle accepte, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent, d'engager une véritable négociation avec les locataires rassemblés au sein de l'association des locataires Maine-Montparnasse, et, d'autre part, de lui indiquer les dispositions qu'il compte prendre afin que soit respecté le droit constitutionnel au logement. (N° 580.)
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la SEFIMEG, après de nombreux autres investisseurs institutionnels, a décidé brutalement, il y a quelques mois, de mettre en vente par appartements la plus grande partie de son patrimoine locatif parisien.
C'est le cas, en particulier, de l'immeuble qui est situé rue du Commandant-Mouchotte, dans le XIVe arrondissement, et qui est l'un des plus grands ensembles locatifs existant dans la capitale. C'est ainsi que 430 locataires, c'est-à-dire plus de 1 000 personnes, sont concernés. Et l'on peut craindre que, d'ici peu de temps, 2 000 autres ne soient dans le même cas, puisque le Groupement foncier français, propriétaire du deuxième immeuble de cet ensemble immobilier, a annoncé son intention de vendre.
Les locataires de la SEFIMEG doivent choisir : acheter ou partir, et donner leur réponse au plus tard le 21 mars prochain, donc dans des délais extrêmement brefs, les baux arrivant à expiration n'étant pas renouvelés.
Les appartements sont proposés à un prix relativement élevé, étant donné l'ancienneté de l'immeuble et l'état délabré de certaines parties communes très étendues. Il est d'ailleurs prévu qu'à court terme des travaux de remise aux normes de l'électricité, de rénovation du chauffage et de façade, pour ne citer que ceux-là, devront être effectués, ce qui nécessitera un coût supplémentaire de plusieurs dizaines de milliers de francs par appartement.
Il en résulte une forte et légitime inquiétude des locataires, dont beaucoup habitent là depuis de très nombreuses années. Certains, âgés ou n'ayant pas de ressources suffisantes pour se porter acquéreurs, risquent d'être confrontés à une situation très difficile, voire dramatique.
Or il semble qu'aujourd'hui la mise en vente de cet immeuble corresponde, pour la SEFIMEG, à une opération purement financière et spéculative, destinée à financer des opérations dans l'immobilier de luxe.
Il me semble important de préciser que, si la SEFIMEG est, certes, une société de droit privé, plusieurs de ses actionnaires sont des banques publiques.
Il convient, en outre, de rappeler que cet immeuble a été construit il y a trente ans sur un terrain de la SNCF et de la ville de Paris, avec l'aide de la collectivité publique, dans le cadre d'une convention Etat-ville, pour répondre aux besoins de logements intermédiaires des classes moyennes.
Un certain nombre de logements ont par ailleurs été réservés à des rapatriés d'Afrique du Nord, qui y résident depuis toujours, et une vingtaine d'ateliers-logements ont bénéficié d'un conventionnement spécifique financé par le ministère de la culture.
Par ailleurs, les immeubles concernés forment une copropriété dans laquelle l'Etat, à travers La Poste, le Groupement foncier français, Elf et la SEFIMEG sont liés par une convention d'indivision forcée, liée, en particulier, à la servitude accordée à la SNCF. L'Etat restera donc partie prenante dans cette copropriété.
Ainsi, que ce soit à travers les conditions initiales de l'opération - terrain public, subventions publiques - à travers les conditions d'attribution des logements - conditions de revenus, rapatriés, artistes - ou à travers la présence de l'Etat dans la copropriété, même si la vente des appartements de la SEFIMEG était réalisée, l'Etat a été et sera impliqué dans l'existence et le devenir de cet ensemble immobilier.
Pour toutes ces raisons, les autorités municipales parisiennes, mais aussi l'Etat, ne peuvent se désintéresser du sort de ces centaines de locataires et des conséquences à la fois économiques, sociales et humaines d'une telle opération.
Le maire de l'arrondissement et le maire de Paris ayant opposé une fin de non-recevoir aux demandes de l'association des locataires et des élus, ceux-ci se tournent légitimement vers l'Etat.
Il me semble, monsieur le ministre, que toutes les solutions doivent être recherchées avec l'association de défense des locataires pour assurer le maintien dans les lieux des locataires actuels.
Les solutions envisagées pourraient en particulier s'orienter vers le rachat global ou partiel de l'immeuble par un organisme de logement social, l'aménagement des prix - très élevés à l'heure actuelle, je le répète - ou des conditions d'emprunt comportant des bonifications de taux en fonction des situations des occupants.
Dans tous les cas, une procédure qui aboutirait à l'expulsion des plus fragiles et des plus démunis serait inacceptable.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande, d'une part, de bien vouloir faire différer la vente, la date du 21 mars ne permettant pas de rechercher valablement une solution satisfaisante, et, d'autre part, ce que vous comptez faire pour assurer le maintien dans les lieux de tous les occupants qui le souhaitent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Madame le sénateur, je vous prie d'excuser M. Pierre-André Périssol, qui ne peut pas vous répondre personnellement pour des raisons tout à fait indépendantes de sa volonté et qui m'a prié de vous fournir les éléments de réponse suivants.
La loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs a instauré un équilibre jugé généralement satisfaisant entre les intérêts respectifs des bailleurs et des locataires.
Lorsqu'un bailleur veut vendre à son locataire, il ne peut le faire qu'au terme du bail, en respectant un préavis de six mois. Le locataire bénéficie alors d'un double droit de préemption.
Le congé doit indiquer le prix et les conditions de la vente. Il vaut offre de vente au profit du locataire. Le locataire dispose alors de deux mois pour accepter l'offre, et de quatre mois supplémentaires pour réaliser la vente s'il doit recourir à un emprunt.
Lorsque le locataire n'a pas accepté l'offre de vente et que le propriétaire trouve un acquéreur pour un prix inférieur à celui qui a été proposé au locataire dans l'offre initiale, il doit en informer le locataire, qui bénéficie alors de son deuxième droit de préemption.
En outre, si le bailleur donne congé à un locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources sont inférieures à une fois et demie le SMIC, il doit lui faire une proposition de relogement. Le nouveau logement doit correspondre aux besoins et aux possibilités du locataire âgé et être situé soit dans le même arrondissement, soit dans un arrondissement ou dans une commune limitrophe. Ainsi, les locataires les plus vulnérables bénéficient d'une protection particulière.
Ces dispositions de la loi de 1989 sont mises en oeuvre par la société SEFIMEG. D'après les renseignements qui ont été fournis par cette société, les prix proposés aux locataires sont attractifs par rapport au marché, d'autant que la SEFIMEG prend à sa charge les droits de mutation, ce qui équivaut à un rabais de 10 %, et qu'elle accepte une remise supplémentaire en fonction de l'ancienneté du locataire.
Telle est, madame le sénateur, la réponse que M. Pierre-André Périssol m'a demandé de vous apporter.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, vous me répondez « loi du marché, règles du privé ». Vous me dites que les règles générales concernant les bailleurs privés s'appliquent à cette opération.
Il est un peu dommage que votre collègue le ministre Pierre-André Périssol ne se souvienne pas de ce qu'écrivait le député Pierre-André Périssol sur le droit au logement !
Mais revenons au cas des locataires de la SEFIMEG.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, cet immeuble construit avec l'aide de l'Etat va faire l'objet d'une opération purement spéculative puisqu'il s'agit, pour la SEFIMEG, de financer sa reconversion dans le logement de luxe. Peu importe, alors, le sort des personnes âgées. Certes, vous avez bien voulu rappeler qu'elles auront le droit d'être relogées dans des arrondissements limitrophes, voire dans des communes limitrophes. Je leur laisse le soin d'apprécier la générosité de l'offre !
Cette opération est détournée de son but initial. « On ne peut que regretter que le financier l'emporte sur le politique », déclarait récemment M. Jean Dubuisson, architecte de l'immeuble, qui vient de recevoir un hommage de la nation pour l'ensemble de son oeuvre.
Monsieur le ministre, je pense que votre réponse ne pourra pas donner satisfaction aux nombreux locataires de cet immeuble.

CONDITIONS D'EMPLOI DU PERSONNEL INTÉRIMAIRE
ET SOUS CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE
DANS LES CENTRES DE PRODUCTION ÉLECTRONUCLÉAIRE

M. le président. M. Charles Descours appelle l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur la modification des décrets n° 86-1103 du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les champs des rayonnements ionisants et n° 75-306 du 28 avril 1975 relatif au même objet pour les installations nucléaires de base.
Cette modification viserait à une interdiction des emplois dans toutes les « zones contrôlées » des installations nucléaires. Il est certes indispensable de surveiller la dose de rayonnements auxquels sont soumis ces salariés pour éviter le retour d'incidents type « Forbach ». Mais, depuis cette époque, les employeurs, en accord avec l'administration, ont développé : d'une part, pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut, le système de suivi informatique DOSIMO, géré par l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI ; et, d'autre part, le système de certification CEFRI, mis en oeuvre par le Comité français de certification des entreprises pour la formation et le suivi des personnels travaillant sous rayonnements ionisants et rendu obligatoire par les exploitants pour les sociétés d'intérim et qui porte ses fruits.
Il paraît donc souhaitable d'améliorer ces systèmes, mais pas d'interdire ces emplois dans les zones contrôlées au risque de voir disparaître ces emplois et leurs entreprises. Cela aurait également des conséquences dramatiques pour les chercheurs pendant leur thèse. (N° 575.)
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, et porte sur la modification des décrets n° 86-1103 du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les champs de rayonnements ionisants et n° 75-306 du 28 avril 1975 relatif au même objet pour les installations nucléaires de base.
Cette modification viserait - j'emploie le conditionnel - à interdire les emplois dans toutes les « zones contrôlées » des installations nucléaires. Or on sait que l'entretien de ces installations impose le recours à des emplois temporaires.
Certes, nous sommes tout à fait favorables à une surveillance de la dose de rayonnements à laquelle sont soumis ces salariés, afin d'éviter le renouvellement d'incidents du type de celui qui est survenu à Forbach.
Mais, depuis cette époque, et compte tenu de l'état de la réglementation européenne et des tergiversations de l'administration française, les employeurs ont finalement développé, en accord avec l'administration, d'une part, pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut, le système de suivi informatique DOSIMO, géré par l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, et, d'autre part, le système de certification CEFRI, mis en oeuvre par le Comité français de certification des entreprises pour la formation et le suivi des personnels travaillant sous rayonnements ionisants et rendu obligatoire par les exploitants pour les sociétés d'intérim, qui porte ses fruits.
Il paraît donc souhaitable d'améliorer ces systèmes, mais pas d'interdire ces emplois dans les zones contrôlées, au risque de les voir disparaître et d'entraîner la fermeture des entreprises concernées. Ce serait vraiment jeter le bébé avec l'eau du bain !
Il est évident que, si l'on exclut des zones concernées ces travailleurs, et donc les entreprises qui les emploient, il n'y aura plus de problème de dose de rayonnements, mais une telle mesure est-elle logique, et même raisonnable ? Plusieurs milliers d'emplois sont concernés !
Dans mon dossier figure une lettre de l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique, dans laquelle il indique que, dans ces conditions, il s'opposera à ce que des étudiants préparent leur thèse au CEA, puisqu'il est bien évident que ces étudiants sont des travailleurs temporaires et que l'on ne voit pas pourquoi ils auraient l'autorisation de pénétrer dans ces zones si les autres travailleurs n'en ont pas le droit.
Je sais également, monsieur le ministre, que cette affaire est en arbitrage à Matignon, mais je souhaite, en m'adressant à vous plutôt qu'aux autres ministres concernés, que vous pesiez de tout votre poids pour sauver ces entreprises et les emplois concernés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Le seul objectif que puisse s'assigner le Gouvernement, c'est de protéger de la même manière et aussi efficacement que possible l'ensemble des personnels appelés à intervenir dans les installations nucléaires, et ce quel que soit leur statut. Disant cela, je crois aller dans votre sens, monsieur Descours.
La réglementation actuelle fixe à 50 millisieverts la dose annuelle maximale pour les travailleurs du nucléaire. Cette limite a été abaissée à 20 millisieverts en dose annuelle moyenne sur cinq ans, avec un maximum annuel de 50 millisieverts, par la directive européenne du 13 mai 1996, dont la transcription est en cours.
Une étude récente réalisée par le conseil scientifique de l'office pour la protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, instance compétente sur ces questions, montre que les doses moyennes individuelles suivant le statut des travailleurs chez EDF sont de l'ordre de 6,17 millisieverts. Elles sont donc très inférieures aux limites réglementaires, elles-mêmes largement en dessous des seuils sanitaires.
Ces moyennes sont pratiquement les mêmes quels que soient les statuts des salariés : 5,99 millisieverts pour les salariés en contrat à durée déterminée ; 7,16 millisieverts pour les intérimaires ; 6,27 millisieverts pour les salariés en contrat à durée déterminée.
La conclusion que l'on peut tirer de ces éléments, c'est que l'ensemble du personnel, quel que soit son statut, amené à intervenir sur les installations nucléaires est à l'abri des conséquences de ces rayonnements ionisants.
Toutefois, compte tenu des interrogations que suscite cette question sensible, ces données font l'objet d'une analyse complémentaire, même s'il n'y a pas, à ce stade, d'élément conduisant à décider une modification de la réglementation, celle-ci apparaissant aujourd'hui adaptée.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, si je vous ai fait part de l'émotion des industriels, c'est parce que j'avais été chargé par M. le Premier ministre d'une étude sur les rayonnements auxquels pouvaient être exposés les personnels des hôpitaux. C'est donc un sujet que je connais bien.
S'agissant du problème qui nous occupe aujourd'hui, toute une série d'informations sont parues dans Le Monde, dans Libération, dans Le Quotidien du Médecin, et ont été diffusées aux journaux télévisés de France 2 et France 3, en janvier dernier, faisant état d'une note du ministère des affaires sociales qui envisageait l'interdiction du travail précaire dans le nucléaire. Depuis, on s'est montré plus flou sur le sujet.
Cette décision serait, je le répète, tout à fait stupide. Notre collègue député Claude Birraux, qui s'intéresse depuis toujours à la sécurité nucléaire et qui ne peut être suspecté d'appartenir au lobby nucléaire, nous a fait adopter, vendredi dernier, un certain nombre de recommandations qui, je l'espère, conviendront au Gouvernement et qui visent à ce que les travailleurs temporaires des entreprises sous-traitantes puissent continuer à travailler dans les institutions classées.
Ces recommandations sont convenables. Je crois très sincèrement que, autour du ministère des affaires sociales et de certaines organisations en dépendant, on a cru devoir faire du maximalisme parce que, pendant trop longtemps, on n'avait rien fait.
Aujourd'hui, il est clair qu'il ne faut pas prendre une telle décision, qui serait dramatique pour l'emploi et, ajouterai-je, complètement ridicule.

CONSÉQUENCES DU DÉVELOPPEMENT DES IMPORTATIONS
DE PAPIER JOURNAL D'AMÉRIQUE DU NORD

M. le président. M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur l'important développement de l'importation de papier journal en provenance d'Amérique du Nord, notamment du Canada, et sur son effet négatif sur l'industrie française et les emplois qui y sont liés.
Ce mouvement a été constaté en 1996. Il fait suite à une baisse de la consommation de l'ordre de 8 % aux Etats-Unis. Au lieu d'adapter leur production, les industries nord-américaines ont continué de produire quasiment à pleine capacité, contrairement à nos industries françaises, qui adaptent leur production à la capacité d'absorption du marché, en respectant des jours de fermeture « conjoncturelle » : pour ne citer que Stracel et Chapelle d'Arblay, chacune de ces deux usines a été amenée à arrêter la production pendant trois mois en 1996.
Partant, ces entreprises nord-américaines sont venues écouler leur excédent à très bas prix en Europe.
Différents groupes français ont à l'étude des projets de développement. Quelles dispositions compte prendre le ministère de l'industrie pour veiller à ce que les projets ne provoquent pas de déséquilibre sur notre marché national, mais puissent, au contraire, se réaliser en contribuant au développement harmonieux de notre territoire ? (N° 582.)
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, ma question concerne l'importation massive en Europe, et plus particulièrement en France, de papier journal en provenance d'Amérique du Nord.
Face à une importante baisse de consommation de papier journal aux Etats-Unis, les industries nord-américaines ont continué à produire quasiment à pleine capacité, contrairement à nos industries françaises, qui adaptent leur production à la capacité d'absorption du marché. C'est ainsi qu'en France, l'année dernière, l'augmentation des importations de papier journal en provenance d'Amérique du Nord a été de 134 %.
La France dispose d'un outil de production moderne avec quatre unités de production qui se sont dotées d'usines modernes capables de produire 900 000 tonnes de papier journal par an. Or, la consommation en France n'est que de l'ordre de 700 000 tonnes par an.
La presse française bénéficie d'aides publiques importantes. Dans ces conditions, n'est-il pas légitime qu'elle procède à des achats de papier journal produit d'abord en France ? A long terme, ces importations massives à bas prix, qui fragilisent notre industrie, ne constituent-elles d'ailleurs pas un risque pour l'indépendance de la presse française ?
C'est la Société professionnelle des papiers de presse qui gère le stock national de sécurité, qui fixe le prix de référence des papiers de presse et qui assume la fonction de régulateur du marché.
La mission de service public est-elle encore assurée ? Ne convient-il pas, à présent, de s'adresser directement aux producteurs français pour définir avec eux un mode de fonctionnement pour la régulation de l'approvisionnement en papier journal et de son prix ?
Les différents groupes français ont à l'étude des projets de développement de production de papier journal. Quelles dispositions le ministère de l'industrie peut-il prendre pour veiller à ce que ces projets non seulement ne provoquent pas de déséquilibre sur notre marché national, mais puissent, au contraire, se réaliser en contribuant au développement harmonieux de notre territoire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Monsieur Hoeffel, vous avez résumé de manière remarquable et très précise la situation de la production de papier dans le monde. Je tiens donc simplement, à la suite de votre intervention, à rappeler quelques faits.
Tout d'abord, le marché du papier journal est devenu mondial. Je dirai même, en employant une formule qui peut paraître un peu étonnante, que le papier circule sans entrave dans le monde. Il n'y a plus de frontière ; la concurrence est très vive.
Les Etats-Unis et le Canada représentent près de 50 % de la production mondiale. Ils sont les premiers consommateurs et ils sont devenus, du même coup, les premiers exportateurs.
A l'échelon européen, les Scandinaves représentent près de la moitié de la production européenne, soit quelque 5 millions de tonnes. Mais, comme ils sont de très modestes consommateurs, ils sont, eux aussi, fortement exportateurs.
Voilà donc le cadre général : le marché a été libéré et les capacités d'exportation sont malheureusement importantes en Europe et dans le monde.
Dans cet environnement, quelle est la situation de la France ? Des difficultés spécifiques à la presse française, notamment la diminution du nombre de lecteurs et la baisse des recettes publicitaires, aggravent la situation de l'industrie papetière française.
Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur Hoeffel, la France a produit, en 1996, 735 000 tonnes de papier, soit une diminution de 14 % par rapport à 1995. La consommation, quant à elle, a baissé sur la même période de 3 %, pour s'établir à 694 000 tonnes. Enfin, malheureusement, les exportations ont, elles aussi, fortement diminué, de 11,6 %, et il y a eu un accroissement des importations ; vous avez rappelé les chiffres tout à l'heure.
Face à cela, que pouvons-nous faire ?
D'abord, rappeler une évidence, à savoir que l'industrie française du papier ne pourra s'affirmer que si elle améliore sa compétitivité. Dans un marché devenu mondial, soit on est compétitif, soit on prend le risque d'être fortement affaibli.
La France offre des atouts appréciables : sa position géographique par rapport au marché européen ; ses excellentes ressources en bois et en vieux papiers; un coût de l'énergie électrique très attractif, plus bas que celui de la quasi-totalité des pays européens.
D'ailleurs, des investisseurs papetiers scandinaves, attirés par ces conditions, ont réalisé, dans les années quatre-vingt-dix, d'importants investissements de modernisation et de capacité dans le papier journal. Ainsi, des sites nouveaux s'inscrivent dans une nouvelle configuration.
On peut aussi, comme l'a fait le Gouvernement, s'opposer avec succès à l'accélération du démantèlement des droits de douane consécutifs aux accords de Marrakech ; on s'est donné une échéance, il faut la respecter.
On peut encore aider à l'accélération des investissements, et éventuellement à la modernisation, pour améliorer la compétitivité des approvisionnements en bois et en vieux papiers.
Enfin, il faut être très attentif aux décisions des groupes industriels concernés, de telle manière qu'ils procèdent aux investissements complémentaires qui sont envisagés.
J'ai eu personnellement des contacts avec un certain nombre de ces investisseurs. J'ai essayé de les convaincre de l'importance qu'il y a à renforcer la production française au travers d'un effort de compétitivité.
Même si je sais que je ne vous rassure pas totalement, monsieur Hoeffel, j'affirme l'importance qu'il y a à voir se maintenir une industrie papetière compétitive en France. Nous disposons incontestablement d'atouts pour cela.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir ouvert différentes pistes pour faire en sorte que cet outil de production qu'est l'industrie française du papier journal puisse être préservé.
Nous avons la chance d'avoir une industrie du papier journal qui a fait des efforts de modernisation importants, qui est performante. J'en veux pour preuve la société Stracel, que je connais plus particulièrement, dans ma région.
Tout doit être mis en oeuvre pour préserver notre industrie du papier journal. Il y va de son existence ; il y va évidemment de l'emploi dans différentes régions ; il y va aussi, à terme, de la préservation de l'indépendance de la presse française, qui, dans l'avenir, doit pouvoir continuer à s'approvisionner en papier journal venant de l'industrie française. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE D'ATTRIBUTION
DES LICENCES IV DÉFINIES
PAR LE CODE DES DÉBITS DE BOISSON

M. le président. M. Jean-Paul Delevoye souhaite alerter M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration sur un grave effet pervers de la réglementation actuellement en vigueur en matière d'attribution de licences IV dans les communes rurales.
Actuellement, l'article 41 du code des débits de boisson interdit le transfert hors commune de la dernière licence IV attribuée dans une commune donnée, lorsque le dernier café ferme. Cela semble favorable à l'aménagement du territoire et protecteur des communes rurales frappées par la désertification.
Mais, en réalité, si le dernier détenteur de la licence IV ne trouve pas repreneur sur place, compte tenu qu'il ne peut non plus la vendre à l'extérieur, celle-ci devient caduque après trois ans d'inexploitation, et elle est perdue pour tout le monde. Quant à la commune elle-même, elle peut naturellement acquérir la licence, mais elle n'en aura souvent ni le désir ni la possibilité financière, étant frappée par la désertification et n'ayant aucune certitude de trouver elle-même un repreneur. Au bout de trois années d'inexploitation, même si la commune manifeste alors une volonté de renouveau, il est trop tard ; il est devenu presque impossible de racheter une licence pour deux raisons : le coût, l'existence d'une licence disponible et surtout transférable, compte tenu des stricts critères d'éloignement et d'attrait touristique en vigueur.
La solution techniquement simple consisterait à modifier le code des débits de boisson, afin que les communes ayant perdu leur dernière licence IV depuis plus de trois ans puissent bénéficier de la création d'une nouvelle licence incessible qu'elles devraient gérer soit directement, dans un cadre communal, soit indirectement.
Il demande au ministre de lui indiquer l'état de ses réflexions sur cette question délicate mais très importante pour le développement du monde rural. (N° 548.)
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, je connais votre souci de réhabiliter la ville, d'équilibrer l'aménagement du territoire, et je sais l'intérêt que vous portez au monde rural.
Je sais aussi que vous tenez à faire en sorte que chaque lieu soit un lieu de convivialité, d'échange entre les citoyens.
A ce propos, un nombre important de communes rurales ont appelé mon attention sur une distorsion qui, actuellement, les pénalise en matière d'attribution des licences IV.
En effet, dans l'état actuel du code des débits de boisson, l'article 41 interdit le transfert hors commune de la dernière licence IV et, lorsque le dernier détenteur n'a pas trouvé repreneur, si la commune ne s'est pas portée acquéreur au bout de trois ans, cette licence est perdue pour tout le monde.
Parfois, nous voyons revivre une commune - c'est d'ailleurs un miracle que vous soutenez par votre politique - grâce à la volonté de ses élus et de ses habitants. Il est alors important de recréer un lieu de convivialité. Or, la licence IV ayant disparu, il est impossible pour la commune d'en racheter une autre, et ce pour deux raisons : le coût, mais aussi l'existence d'une licence disponible et surtout transférable.
A notre avis, le plus simple, monsieur le ministre, serait de modifier le code des débits de boissons afin de permettre aux communes ayant perdu leur dernière licence IV depuis plus de trois ans de créer une nouvelle licence incessible qu'elles devraient gérer soit directement, dans un cadre communal, soit indirectement.
Tel est le fruit de nos réflexions sur ce sujet. Peut-être pourrait-on envisager aussi cela à l'échelon intercommunal.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. C'est avec grand plaisir que je réponds au président de l'Association des maires de France. (Sourires.)
Le code des débits de boissons a été conçu au début de la IIIe République essentiellement comme un moyen de lutter contre l'alcoolisme. Il est vrai que la France connaissait alors un nombre de débits de boissons exceptionnellement élevé, puisqu'il approchait les 600 000. Pour le réduire, un système de licence particulièrement rigide fut mis en place. Ainsi réglementé, le nombre des établissements devait considérablement diminuer, évolution qui continue d'ailleurs, malgré la croissance démographique, puisque le nombre de licences IV est aujourd'hui inférieur à 150 000.
Cette réduction hautement souhaitable voilà un siècle ne l'est donc plus aujourd'hui. Si l'alcoolisme n'a certes pas disparu, les habitudes de consommation ont, elles, évolué. Dès lors, la protection des consommateurs, en particulier des mineurs, n'est plus aussi dépendante de l'ouverture des débits de boissons.
En revanche, il est certain que les débits de boissons jouent un rôle important dans l'animation et dans la vie sociale des villes et des quartiers, y compris des quartiers en difficulté. Songez que, maintenant, nous favorisons la réouverture de pizzerias ou même de « bistrots », ce qui n'était plus toléré depuis un certain nombre d'années. Notre ambition est de susciter la vie et de permettre à la jeunesse de se rassembler.
A la campagne, comme vous l'avez très justement fait remarquer, monsieur Delevoye, ces débits de boissons sont parfois les seuls lieux de réunion et de convivialité. Leur préservation, sans excès, contribue aux objectifs de la politique de la ville et à ceux du développement des zones rurales, auxquelles la Haute Assemblée est particulièrement attachée.
Le code des débits de boissons a d'ailleurs été modifié pour protéger le dernier établissement de la commune contre le risque d'un transfert. Cependant, en effet, les dispositions de l'article L. 41 du code des débits de boissons ont deux conséquences particulièrement regrettables : d'une part, la disparition définitive de la dernière licence non exploitée pendant trois ans dans le cas où le commerce périclite - hélas ! nous en avons beaucoup d'exemples ; d'autre part, l'absence d'indemnisation du dernier exploitant qui, contraint de cesser son activité, ne peut cependant revendre sa licence.
La réforme de cet article est actuellement en cours d'examen, en particulier à votre demande, dans le cadre d'un groupe de travail interministériel. Plusieurs solutions sont à l'étude, notamment une autorisation d'exploiter incessible, l'aménagement des conditions de cession des licences et le délai de péremption. Je vais d'ailleurs prier mes collègues en charge du dossier de faire en sorte que les conclusions de ce groupe de travail soient examinées très rapidement.
Nul doute, monsieur le sénateur, que ce groupe de travail souhaitera entendre les remarques du président de l'Association des maires de France et, au-delà, qu'il sera sensible aux arguments de la Haute Assemblée.
Il est exact que notre préoccupation de tous les instants est de maintenir l'activité, de maintenir la vie. Tout à l'heure, votre collègue M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra me confiait qu'il était en difficulté avec La Poste et qu'il allait donc me poser une question à ce sujet. Je veux bien être interrogé pour ce qui intéresse l'aménagement du territoire, la ville ou l'intégration. Sur La Poste, peut-être faut-il plutôt interpeller M. Fillon. Mais, qu'à cela ne tienne ! Un moratoire a été décidé en 1993 par le gouvernement de M. Balladur ; il est toujours en vigueur ; il n'a pas été supprimé et, par conséquent, tous les ministères doivent l'appliquer. Telles sont les directives du Premier ministre.
Pour revenir à la question que vous m'avez posée, monsieur Delevoye, je suis persuadé que nous allons trouver une solution, car tout cela relève du bon sens, et le bon sens, c'est ce qui plaît à la Haute Assemblée ! (Sourires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Soyez remercié, monsieur le ministre, à la fois de votre réponse et de ce jugement de valeur, certes un peu partial, compte tenu de l'affection particulière que vous portez à la Haute Assemblée. (Sourires.)
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je remercie M. le ministre du compliment qu'il vient de nous faire et c'est très volontiers que je l'inviterai à prendre une consommation dans l'un de ces cafés qui auront retrouvé leur licence IV, dans un délai que j'espère relativement bref. (Sourires.)
Plus sérieusement, monsieur le ministre, vous avez réaffirmé l'existence du moratoire et insisté sur la réflexion en cours concernant les schémas sur les départementaux des services publics dans les zones en difficulté, en milieu urbain comme en milieu rural. Sachez que j'apprécie beaucoup votre réponse, d'autant que vous entendez faire en sorte que les conclusions de ce groupe de travail soient rendues dans les meilleurs délais.
Au-delà de la situation de ces lieux de convivialité et du problème des licences IV, je vois se profiler la réflexion sur la pluriactivité et sur le maintien des services publics dans les territoires, qui sont nécessaires pour garantir un développement équilibré et éviter la fracture territoriale.

7

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et du Plan a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Robert membre du conseil d'administration de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

8

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

A. - Mercredi 12 mars 1997, à seize heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 236, 1996-1997).
B. - Jeudi 13 mars 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente :
1° Question orale avec débat n° 11 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les perspectives de la coopération intercommunale.
En application du deuxième alinéa du 1 de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion de cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 12 mars 1997.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Cantegrit et plusieurs de ses collègues tendant à reporter temporairement le renouvellement de quatre membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger élus dans la circonscription d'Algérie (n° 240, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 mars 1997, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
C. - Eventuellement, vendredi 14 mars 1997, à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Eventuellement, suite de la deuxième lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
D. - Mardi 18 mars 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures :
1° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière (n° 189, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au lundi 17 mars 1997, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
A seize heures :
2° Projet de loi relatif à la date du prochain renouvellement des conseillers généraux et à la réunion de plein droit suivant le prochain renouvellement des conseillers régionaux (n° 241, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé :
_ au lundi 17 mars 1997, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
_ à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 17 mars 1997.
E. - Mercredi 19 mars 1997, à quinze heures :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique européenne de la France.
La conférence des présidents a fixé :
_ à quinze et dix minutes les temps respectivement réservés au président de la commission des affaires étrangères et au président de la délégation pour l'Union européenne ;
_ à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 18 mars 1997.
F. - Jeudi 20 mars 1997, à quinze heures :
1° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au sercice de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi autorisant la ratification du traité sur la charte de l'énergie (ensemble un protocole) (n° 186, 1996-1997).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la protection de la Meuse (n° 169, 1996-1997).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la protection de l'Escaut (n° 168, 1996-1997).
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi, n°s 169 et 168.
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la concention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (n° 170, 1996-1997).
6° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et la désertification, en particulier en Afrique (ensemble quatre annexes) (n° 246, 1996-1997).
G. - Mardi 25 mars 1997 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 546 de M. Jean-Paul Delecoye à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Procédure de répartition des dépenses de fonctionnement des écoles primaires entre communes d'accueil et communes de résidence) ;
N° 551 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Plan d'urgence pour les IUT) ;
N° 583 de M. Josselin de Rohan à Mme le ministre de l'environnement (Politique en matière de déchets ménagers) ;
N° 584 de M. Marcel Charmant à Mme le ministre de l'environnement (Régulation de la population de cormorans en Val-de-Loire) ;
N° 585 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre du travail et des affaires sociales (Situation des chauffeurs de taxi parisiens) ;
N° 586 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Manque de cadres dans l'enseignement catholique du ressort de l'académie de Strasbourg) ;
N° 587 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications (Réorganisation de la poste dans le département de la Somme) ;
N° 589 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Politique de l'école) ;
N° 590 de M. Michel Mercier à M. le ministre de l'économie et des finances (Plafonnement de la taxe professionnelle) ;
N° 591 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'intérieur (Conséquences financières des fortes chutes de neige dans la Drôme) ;
N° 592 de M. Xavier Dugoin à M. le ministre du travail et des affaires sociales (Suppression de la caisse d'allocations familiales d'Arpajon) ;
N° 593 de M. Alfred Foy à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Conditions d'éligibilité des communautés de communes au fonds de compensation de la TVA) ;
N° 594 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Moyens permettant la scolarisation des enfants en bas âge) ;
N° 595 de M. Marcel Deneux à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale (Situation des professionnels de biologie médicale) ;
N° 596 de M. Marcel Deneux à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Situation des cadres recrutés par la voie du troisième concours des instituts régionaux d'administration, les IRA) ;
N° 597 de M. Alfred Foy à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Enseignement de l'histoire, de la géographie et de l'éducation civique) ;
N° 598 de M. Daniel Goulet à M. le ministre de l'économie et des finances (Conséquences financières des difficultés des entreprises publiques) ;
N° 599 de M. Jean Chérioux à M. le ministre du travail et des affaires sociales (Réglementation applicable au cumul emploi-retraite).

A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle (n° 192, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé :
_ au mardi 25 mars 1997, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
_ à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au sercice de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 24 mars 1997.
H. - Mercredi 26 mars 1997, à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi portant dispositions relatives à l'immigration.
2° Suite du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle.
I. - Jeudi 27 mars 1997, à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle.
2° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation (n° 227, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mardi 25 mars 1997, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidentes relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.

9

DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES
À L'IMMIGRATION

Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 236, 1996-1997), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration. [Rapport n° 243 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc réunis pour réexaminer un texte qui, depuis notre première rencontre, a suscité des controverses et fait se lever des passions.
Il ne me semble pas inutile, dans la sérénité de cette enceinte, de rappeler brièvement les buts et le sens de la politique du Gouvernement.
Nous entendons poursuivre, quoi qu'il arrive, l'objectif de maîtrise des flux migratoires.
Y renoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, serait coupable. Qui ne voit qu'en choisissant l'impuissance, le fatalisme ou l'irrésolution, le Gouvernement compromettrait l'intégration des étrangers en situation régulière, le succès d'une politique de la ville ambitieuse et se priverait de l'apport d'une immigration légale justifiée ?
Chacun a pu voir, ces derniers temps, se multiplier les analyses sur la place de l'immigration dans le creuset national. Tant mieux !
Mais, comme l'a rappelé le chef de l'Etat : « Rien ne nuirait davantage à notre modèle d'intégration qu'une attitude laxiste et ambiguë qui viendrait nourrir aussitôt les forces de la haine. »
Ce spectre, nous n'en voulons pas. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement entend tout à la fois que s'appliquent pleinement les lois combattant l'immigration irrégulière, que soient donnés les moyens aux autorités policières, administratives et judiciaires de réprimer le travail clandestin et de démanteler les filières d'immigration illégale, que soient renforcées les procédures visant à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière.
Tel est le sens de ce projet de loi, qui répond à la situation d'aujourd'hui. Que se passe-t-il en effet aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs ?
On reconduit à la frontière moins d'un étranger sur trois en situation illégale. L'Etat ne fait pas respecter la loi dans sa plénitude. Cela n'est pas acceptable pour la République.
Les filières d'immigration illégale se développent pour le plus grand profit des professionnels du passage clandestin des frontières, qui monnayent le travail des hommes. Cela n'est pas admissible humainement.
Le travail clandestin - le travail « au noir » comme on dit - est un fléau qui progresse. Les étrangers en situation irrégulière sont une manne pour des employeurs peu scrupuleux, qui les font travailler au mépris de leur dignité, dans des conditions qui rappellent celles du temps de Zola. Pouvons-nous rester les bras ballants devant le spectacle d'ateliers où s'entassent des étrangers honteusement exploités ? Cela ne serait pas faire honneur aux droits de l'homme que de tolérer une telle situation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais que ceux qui prétendent, en toutes circonstances, défendre et incarner ces droits, y réfléchissent et nous permettent de prendre les mesures nécessaires.
Enfin, une fraude considérable se développe par le détournement de visas de court séjour. Ce n'est pas acceptable.
Notre message est donc clair, mesdames, messieurs les sénateurs, et dépourvu d'ambigüité. Il doit être compris de tous ceux qui sont en situation irrégulière sur notre sol et de tous les candidats potentiels à l'immigration illégale.
La France - notre pays - entend fixer elle-même les règles qui président à l'entrée et à la sortie du territoire ; et la France entend elle-même faire respecter ces règles.
La France entend continuer d'assimiler à la communauté nationale les étrangers en situation régulière par le biais d'une politique d'intégration cohérente, dont vous avez pu débattre en d'autres occasions.
La République - celle que nous portons en nous - veut combattre le racisme et la xénophobie et faire reculer les tensions qu'ils engendrent, mais ni par des incantations ni par des slogans.
Oui ! Elle veut faire reculer le racisme, elle veut combattre la xénophobie, mais grâce à la politique et à la prise de décisions ! Le temps des slogans et des incantations est fini.
Le Gouvernement - vous l'avez compris - ne laissera pas se développer une immigration irrégulière qui débouche sur le rejet de l'étranger en général.
Mesdames, messieurs les sénateurs, qu'adviendrait-il de la République si l'on donnait raison à ceux qui défendent par principe l'accueil des étrangers en dehors de tout cadre légal ?
Qu'adviendrait-il si l'on acceptait que l'opinion prévale sur la loi, la manifestation sur le suffrage, ou la désobéissance sur le respect du droit ? (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
MM. Jean-Louis Carrère et Michel Rocard. Personne ne le souhaite !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Bref, que se passerait-il si la République renonçait à ses propres règles, l'Etat à ses propres missions, le Gouvernement à ses propres ambitions ? Rien de bon, assurément, pour la République, pour la République que nous devons défendre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Mahéas. C'est guignol !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Nous voyons bien que, s'il en était ainsi, la cohésion sociale n'y résisterait pas, que le racisme et la xénophobie proliféreraient, que le travail au noir et le libéralisme le plus débridé l'emporteraient.
Oui ! il est temps de dépasser les faux-semblants et de réfuter les faux procès !
L'immigration irrégulière est, pour notre pays comme pour l'ensemble des pays développés,...
Mme Hélène Luc. Qui a laissé faire ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... une menace trop lourde de conséquences pour ne pas la regarder en face, sans illusions, ce qui ne veut pas dire sans humanité.
Assumons-donc la nécessité d'une vraie maîtrise des flux migratoires !
Débattons des réalités nouvelles de l'immigration qui s'est transformée, passant, notamment, d'une immigration de travailleurs à une immigration d'ayants droit.
Récusons la résignation de ceux qui s'accommodent de textes mal appliqués, détournés ou inefficaces. Ignorons les calomnies et les comparaisons de mauvais goût.
Aux caricaturistes, rappelons simplement et fermement que la France d'aujourd'hui n'est ni l'Etat de Vichy ni la tyrannie grecque de Créon ; elle est une démocratie fondée sur le respect du droit. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Gardez votre calme, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, en République, la loi ne résulte pas d'une procédure, elle procède d'une légitimité.
J'ai entendu que l'on invoquait sa force injuste. Mais que veut-on lui substituer ? Est-ce le règne injuste de la force, la domination des groupes de pression ou le verdict des médias ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées travées du RPR et des républicains et indépendants.)
Mme Hélène Luc. La pression de la rue vous a fait reculer, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. J'en appelle à la sérénité ordinaire de la Chambre Haute pour privilégier, comme à son habitude, la qualité de la loi sur toute autre considération.
Le travail remarquable accompli par M. Paul Masson, rapporteur, et par la commission des lois, sous la présidence de M. Jacques Larché, laisse espérer que ce projet de loi sera encore amélioré par le Sénat.
Depuis la première lecture par la Haute Assemblée, ce texte a subi quelques évolutions ; tel est notamment le cas de l'article 1er.
Comme vous le savez, le dispositif concernant les certificats d'hébergement a été aménagé par l'Assemblée nationale.
Mme Joëlle Dusseau. Quelle surprise !
Mme Hélène Luc. Les manifestations servent à quelque chose !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a ratifié ce choix dès lors qu'était prévu un système alternatif aussi efficace que le projet initial. (Mme Dusseau proteste.)
Tel est bien le cas puisque la formalité désormais prescrite consiste à contrôler la sortie du territoire de l'étranger hébergé, grâce à la remise du certificat d'hébergement au service de police.
La deuxième modification introduite par l'Assemblée nationale consiste à transférer du maire au préfet le pouvoir de viser les certificats d'hébergement. C'est la garantie d'une application homogène de la loi sur tout le territoire. Cela ne saurait signifier, pour autant, la totale mise à l'écart du maire dans cette procédure. Il doit être naturellement informé des certificats d'hébergement intéressant sa commune et pouvoir, le cas échéant, être sollicité pour avis par le préfet.
Le renvoi au décret en Conseil d'Etat prévu à la fin de l'article 1er en fixera les modalités. Il sera aussi l'occasion d'engager une réflexion plus détaillée, en concertation avec l'Association des maires de France.
Ce complément d'analyse permettra, enfin, d'adapter les procédures de remise des certificats aux services de police en fonction des modalités de contrôle aux sorties du territoire.
Le cas le plus simple est celui des frontières aériennes, lorsque l'étranger retourne vers une destination extérieure à l'espace Schengen : les contrôles par les services de police sont généralement systématiques dans un tel cas.
Il en va différemment si le mode de transport est moins étroitement surveillé, par exemple en cas de voyage par la route et en particulier aux frontières de Schengen.
L'article 1er ne saurait évidemment remettre en cause nos engagements au titre de la convention d'application des accords de Schengen. Il n'est donc pas question de faire de cette formalité de remise du certificat d'hébergement à la sortie du territoire un substitut à des contrôles frontaliers.
Il faudra, en conséquence, prévoir, par voie réglementaire, un mode de transmission permettant à l'étranger hébergé de satisfaire à ses obligations.
Enfin je souhaite redire au Sénat ce que j'ai affirmé avec force, à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale : il n'y aura pas de fichier d'hébergeants. (Exclamations ironiques sur les travées socialistes.) Le Gouvernement ne le souhaite en aucune façon et ne le croit nullement nécessaire à la poursuite de son objectif de lutte contre les filières.
Les autres articles du texte n'ont été que marginalement amendés par l'Assemblée nationale ; je n'y reviens donc pas.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est nécessaire. Mais la fermeté qui l'anime n'est pas aveugle.
Nous avons voulu régler des situations individuelles qui n'étaient pas tolérables.
La République doit savoir se montrer reconnaissante envers ceux qui ont fait la preuve de leur volonté de partager avec nous un destin commun.
C'est la raison pour laquelle l'article 4 de ce projet de loi permet de mettre un terme à certaines situations aussi douloureuses qu'inhumaines.
L'équilibre de ce texte est réel. Ceux qui voudraient y voir un instrument dirigé contre les étrangers dans leur ensemble se trompent ou veulent tromper les Français. (Protestations sur les travées socialistes.)
A tous les étrangers en situation légale, je dis que ce projet de loi ne les concerne pas.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ben voyons !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. A tous ceux qui ne veulent pas le comprendre ou l'entendre, je redis que notre seul but est de combattre sans merci - j'y insiste ! - des filières d'immigration clandestine, dont la constitution et la propagation constituent des dangers pour l'équilibre de la société et notre modèle républicain.
Affirmer le contraire, ce n'est ni rendre service à la cause de l'intégration ni agir efficacement en faveur des droits de l'homme.
Bien entendu, la politique du Gouvernement ne se résume pas en la matière à la lutte contre l'immigration irrégulière, ni même à la lutte contre le travail dissimulé qu'illustrent des dispositions de l'article 10 ainsi que le projet de loi présenté par M. Barrot et adopté par le Parlement.
La politique du Gouvernement prend forme également dans les efforts d'intégration des étrangers en situation régulière dont l'aboutissement est l'attribution de la nationalité française, qui reste chez nous plus facile qu'ailleurs.
Mais peut-on reprocher au ministre de l'intérieur de faire sa part du travail ?
Peut-on se contenter de parler d'intégration sans lutter contre ce qui la menace ?
Peut-on combattre l'extrémisme sans se donner les moyens de réduire ce qui l'alimente ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ce texte, le Sénat répondra clairement à ces questions, autant qu'il apportera, j'en suis sûr, les bonnes réponses à l'un des vrais problèmes de la société française : la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, qui mettent en cause la République et ses fondements. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le mois de décembre dernier, le projet de loi qui nous réunit encore une fois aujourd'hui a fait couler beaucoup d'encre et beaucoup de salive. Je croyais au départ que sa technicité même le mettrait à l'abri des grandes polémiques.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On sait lire !
Mme Hélène Luc. Ah !
M. Paul Masson, rapporteur. Je me suis trompé. Tout débat sur l'immigration porte en lui les passions extrêmes, comme la nuée porte l'orage.
M. Paul Masson, rapporteur. Il s'agit, en effet, de l'idée que nous nous faisons de la France et de la place de notre pays dans le monde. Notre longue histoire, notre traditionnelle politique d'accueil, nos exceptionnelles facultés d'intégration ont porté le rayonnement de notre culture largement au-delà de nos frontières. Saurons-nous, aux portes du troisième millénaire, maintenir demain cette place au coeur de la nouvelle morale du monde ? Saurons-nous, en même temps, préserver notre identité nationale, assurer la sécurité de nos cités, celle de nos concitoyens, et affirmer aussi la crédibilité de nos institutions, confrontées aux fractures sociales nouvelles comme à la montée des intégrismes ?
Non, mes chers collègues, ce débat ne saurait être médiocre. Il est difficile, parce que nous devons enfermer nos passions dans un laborieux cheminement que nous impose l'analyse de textes compliqués, mais qui recouvrent toujours des situations profondément humaines, parfois douloureuses.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Paul Masson, rapporteur. Sur ce terrain, l'éloquence est facile.
M. Jean-Luc Mélenchon. L'éloquence est toujours difficile !
M. Paul Masson, rapporteur. L'opinion est toujours sensible à l'injustice. De même, l'opinion s'inquiète des poussées de l'intolérance : elle se rallie facilement aux thèmes simplificateurs. Les discours et l'image prennent alors la vérité en otage. De même que les tumultes n'ont jamais effacé la réalité, de même les bruits de la rue ne feront jamais disparaître les exigences de nos concitoyens.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce sont souvent les mêmes !
M. Paul Masson, rapporteur. Ceux qui ont gouverné savent très bien tout cela. Ils seraient avisés, aujourd'hui, de ne pas l'oublier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En cette matière, je n'ai jamais voulu tenir pour insignifiant ce qui est excessif. Je veux, en effet, croire que l'indignation, sur un tel sujet, n'est pas forcément médiocre, qu'elle n'est pas obligatoirement le fruit du calcul ou de la démagogie. J'ai pensé que certains de ceux qui nourrissent la polémique ont encore le souvenir du temps où ils gouvernaient. Ceux-là même qui étaient alors au charbon savent très bien, surtout en cette matière, que les grands sentiments ne suffisent pas à habiller la réalité. C'est cette réalité qui, tous les jours, conduit les Français et les étrangers à cohabiter dans l'esprit qui nous anime, comme dans les contraintes qui nous obligent. (MM. Machet et Chérioux applaudissent.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si vous rapportiez !
M. Paul Masson, rapporteur. Dans cette affaire, le Sénat a joué un rôle majeur et pondérateur.
Mme Hélène Luc. Il faut qu'il aille plus loin !
M. Paul Masson, rapporteur. Le texte gouvernemental, calibré au plus près pour compléter ou amender les lois de 1993, avait été profondément remanié par l'Assemblée nationale : il nous est arrivé avec douze articles supplémentaires, qui s'ajoutaient aux dix articles du projet de loi initial, et certaines propositions du texte, notamment à l'article 4, avaient été supprimées.
L'imbroglio juridique demeurait donc, dans lequel sont encore enfermés certains étrangers, toujours ni éloignables ni régularisables.
Par ailleurs, des adjonctions substantielles avaient été apportées par l'Assemblée nationale, notamment l'accès au fichier dactyloscopique détenu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
Suivant en cela les propositions de la commission des lois, la majorité sénatoriale avait fortement amendé le projet de loi. Trois mobiles nous avaient alors guidés dans cette voie : premièrement, porter une attention minutieuse aux interprétations constitutionnelles ; deuxièmement, veiller au meilleur respect des libertés individuelles ; troisièmement, s'assurer de la plus grande efficacité dans cette lutte difficile et indispensable contre l'immigration clandestine.
A l'exception de l'article 1er, profondément transformé et sur lequel je vais revenir, l'Assemblée nationale, dans sa deuxième lecture, a globalement accepté la plupart des positions adoptées par le Sénat. Aujourd'hui, sept articles restent à examiner sur les vingt-deux qui avaient été transmis, en première lecture, à notre assemblée.
Ce constat pouvait tout naturellement conduire certains à considérer qu'un vote conforme nous permettrait d'en finir au plus vite avec un débat qui s'est transformé en psychodrame national, par la grâce des médias - il faut bien le dire ! - toujours prompts à s'emparer du spectacle, surtout lorsqu'il est produit par ceux-là mêmes qui en font profession. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. C'est incroyable ! Quand les citoyens manifestent, il faut bien en rendre compte !
M. Paul Masson, rapporteur. On peut, en effet, avoir aujourd'hui la tentation de tirer le rideau sur une pièce qui commence à lasser, après que les protagonistes ont épuisé le meilleur de leur art, au bénéfice d'un répertoire insuffisamment renouvelé. « L'éloquence continue ennuie », disait déjà Pascal. Et nous sommes bien placés, ici, pour savoir qu'il avait raison.
Mme Hélène Luc. Ce que vous dites est méprisant !
M. Paul Masson, rapporteur. Cependant, je n'ai pas répondu à la tentation de suivre cette pente facile, qui nous aurait conduits, sans douleur, au vote conforme. Sans douleur peut-être, mais aussi avec une certaine complicité dans l'indulgence. Comment justifier, en deuxième lecture, l'abandon de propositions qui nous paraissaient capitales en première lecture ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh oui !
M. Paul Masson, rapporteur. Je vais donc défendre, au nom de la commission des lois, quelques amendements dont l'aspect technique ne doit pas cacher la grande importance juridique pour la validation d'un texte qui touche - faut-il encore une fois le rappeler ? - aux libertés fondamentales.
Je n'entre pas ici dans le détail du texte, vous renvoyant à mon rapport écrit pour l'analyse exhaustive de ses articles et au débat qui nous attend pour les amendements.
Il reste, mes chers collègues, l'article 1er. Celui-ci fut, pendant deux mois, dans l'épicentre du cyclone. Pourquoi le certificat d'hébergement fut-il la cause de tant d'ardeur, dont nous eûmes quelques exemples ici-même ?
C'est pour moi un mystère. Seuls les politologues pourront, peut-être, nous donner plus tard quelques motifs plausibles à ces emballements qui ne manquent pas de surprendre pour peu qu'on veuille bien lire ou relire le Journal officiel à froid, comme je me suis imposé de le faire. Il suffisait de se souvenir que cet article 1er a un long passé pour en comprendre toute la signification. C'est un texte qui date de quinze ans.
M. Guy Allouche. Sans la délation !
M. Paul Masson, rapporteur. Proposé par un ministre de l'intérieur qui, déjà en 1982, se préoccupait des effets des 130 000 régularisations décidées alors, il avait pour objet de freiner une des sources indéniables de l'immigration clandestine.
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes vraiment nostalgique !
M. Paul Masson, rapporteur. Dans une circulaire du 31 août 1982, adressée aux préfets, le ministre de l'intérieur donne alors des précisions qui n'ont aujourd'hui rien perdu de leur actualité. Je les commenterai demain.
Il en est de même d'une autre circulaire d'un autre ministre de l'intérieur encore adressée aux préfets. Elle est, celle-là, du 16 octobre 1991. Elle concerne un décret du 30 août 1991 et constitue encore aujourd'hui la base des instructions sur lesquelles s'appuient les maires pour viser ces certificats.
M. Dominique Leclerc. Très bien !
M. Charles Descours. Eh oui ?
M. Jean-Louis Carrère. Sans la délation !
M. Jean Chérioux. Quelle mauvaise foi !
M. Paul Masson, rapporteur. Ses objectifs sont clairs : « Rendre plus fiable le certificat d'hébergement grâce à des conditions de délivrance plus rigoureuses.
« En conséquence, renforcer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière. » (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours. C'est signé !
M. Paul Masson, rapporteur. C'est signé, bien sûr !
Là encore, je développerai l'analyse demain.
Revenons sur les instructions que les maires ont reçues sur ce que l'on n'appelait pas encore « le fichier » : 1991, on leur enjoint, « en tant qu'agents de l'Etat, d'enregistrer et de numéroter, de façon séquentielle, par année, les demandes de certificat en distinguant les certificats visés et les certificats refusés ». C'est clair, non ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Larcher. Cela s'appelle comment ?
MM. Christian Poncelet et Charles Descours. C'est un fichier, cela ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Quand vous faites quelque chose de bien, reconnaissez-le. Cela ne vous arrive pas si souvent !
M. Paul Masson, rapporteur. La circulaire commente encore les conditions dans lesquelles les préfets devront chaque mois renseigner le ministère de l'intérieur sur l'évolution des certificats et sur la nationalité de ceux qui les demandent.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas de délation des particuliers !
M. Paul Masson, rapporteur. Dans le projet gouvernemental actuel, il était prévu d'ajouter à ce dispositif l'obligation pour celui qui avait demandé à héberger de déclarer le départ de celui qu'il hébergeait.
M. Claude Estier. Voilà la délation ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Paul Masson, rapporteur. Devant le hourvari soulevé par cette fameuse déclaration de sortie, l'Assemblée nationale a changé le dispositif.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il fallait commencer par là !
M. Paul Masson, rapporteur. Dans le nouveau texte, le préfet remplace le maire.
M. Jean-Louis Carrère. Votez contre !
M. Paul Masson, rapporteur. C'est donc lui qui visera le certificat d'hébergement.
M. Jean-Louis Carrère. Votez contre !
M. Paul Masson, rapporteur. Des questions se posent à partir de là et nous y répondrons lors de l'examen des nombreux amendements qui ont été déposés sur l'article 1er. Mais je voudrais vider ici, dès maintenant, un nouveau faux débat qui point à ce sujet.
Le Sénat, si attentif au respect des privilèges et des prérogatives des maires, ne devrait-il pas s'émouvoir de ce que certains ont déjà qualifié de « recul de l'esprit de décentralisation » ? (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Christian Poncelet. Eh oui !
M. Paul Masson, rapporteur. A ce stade, il doit être, une fois encore, rappelé que la décentralisation n'a rien à voir avec notre affaire.
Le maire agit comme agent de l'Etat quand il vise un certificat d'hébergement ; cela a été affirmé, dès 1985, par un arrêt du Conseil d'Etat, et confirmé, en 1993, par une décision du Conseil constitutionnel. Mais, en complément, je tiens aussitôt à ajouter que, demain, le préfet ne pourra pas se passer du maire en matière d'information préalable à la délivrance du visa des certificats.
Il serait irréaliste et dangereux d'imaginer qu'un service préfectoral puisse seul remplacer l'appréciation que peuvent porter sur la demande le maire et ses services. C'est le maire qui est sur le terrain. (Absolument ! sur les travées du RPR.)
De même, il serait irresponsable de priver le maire de toute information sur la décision prise par le préfet. C'est le maire qui est comptable de l'administration de sa ville, c'est lui qui assume toutes les responsabilités de proximité vis-à-vis de ses concitoyens.
Maires et préfets sont, à cet égard, les deux maillons indissociables d'une procédure de souveraineté qu'ils tiennent de la loi. Il serait déraisonnable de briser cette chaîne au simple motif de l'humeur du temps, à partir d'un débat dont certains commencent à percevoir la vacuité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je ne proposerai pas d'amendement sur l'article 1er, dès lors, monsieur le ministre, que vous nous direz, comme vous l'avez déjà fait à l'Assemblée nationale, mais dans une formulation plus complète, que le décret d'application à venir sera, à cet égard, sans la moindre ambiguïté : le maire devra être associé à la préparation de la décision préfectorale, de même qu'il sera informé de cette décision.
MM. Jean-Pierre Fourcade et Gérard Larcher. Très bien !
M. Paul Masson, rapporteur. Sous réserve de cette précision, attendue, vous n'en doutez pas, avec le plus grand intérêt, je ne présenterai pas d'amendement sur ce point, d'abord parce que la mesure est de nature réglementaire, mais surtout parce que nous nous situons d'une manière inattendue mais, ô combien impressionnante, sur un terrain subjectif, passionnel, psychologiquement instable. Je ne pense pas utile de rouvrir en ce moment, sur l'article 1er, un débat particulièrement factive où le spectacle est plus dans le décor que dans le texte. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.)
En revanche, je présenterai trois amendements, approuvés par la commission des lois, aux articles 3, 6 bis et 8 du projet de loi. Je les commenterai dans le cours de la discussion des articles.
Pour le reste, et cela sera ma conclusion, je souhaiterais qu'il ne reste pas uniquement de cet ample, mais un peu stérile débat ce goût d'amertume et cette impression d'inachevé qui nous viennent à chaque fois que nous débattons de l'immigration.
Il faudra bien en convenir un jour : il n'y a pas, en ce domaine si difficile, d'un côté, ceux qui sont dans le camp de la morale, qui pratiquent la générosité,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais si !
M. Paul Masson, rapporteur. ... ceux qui protègent les droits de l'homme et de l'autre côté, les maniaques de l'ordre, les obstinés, les frileux ou les égoïstes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Bien sûr que si !
M. Paul Masson, rapporteur. Il y a, j'en suis persuadé, ici et là, des hommes et des femmes de bonne foi qui ont, en cette matière où le droit des gens est toujours en première ligne, le permanent souci de faire respecter notre droit souverain et inaliénable de contrôler les accès de notre pays tout en restant intransigeants sur notre aptitude traditionnelle à l'accueil.
Même s'il est vrai que toute la misère du monde ne peut trouver abri chez nous, la France est depuis si longtemps aux avant-postes qu'il serait insupportable que l'on puisse nous faire à ce sujet, de l'intérieur comme de l'extérieur, le moindre procès d'intention. Et j'invite notamment certains, confortablement installés dans des enceintes étrangères, à bien vouloir balayer leur propre pas de porte avant de commenter l'ordonnancement de notre jardin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. C'est pour le Parlement européen !
M. Paul Masson, rapporteur. Pour ma part, je me suis employé à faire, sur ce texte, et dans ce contexte, un travail objectif. Je tiens à associer dans un même remerciement M. le ministre de l'intérieur, qui a pris, en toutes occasions, un soin particulièrement attentif à l'examen de nos observations, et notre assemblée, qui, dans sa forte majorité, a fait confiance à la commission des lois, sans faiblesse et sans hésitation.
Sur les amendements que je défendrai, au nom de la commission des lois, je sollicite cette confiance, et je suis convaincu qu'elle sera accordée avec la même...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le même aveuglement !
M. Paul Masson, rapporteur. ... avec la même force tranquille...
M. Jean-Louis Carrère. Cela fait beaucoup d'emprunts !
M. Paul Masson, rapporteur. ... et dans le même esprit d'objectivité. (Applaudissements prolongés sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pourrons pas faire que ce qui s'est passé ne se soit pas produit.
Ayant suscité une émotion légitime chez certains, une agitation factice pour d'autres, le projet de loi que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, et que nous avons soutenu parce que nous sommes une majorité qui a la volonté d'appuyer l'action du Gouvernement, nous revient modifié.
Cette modification porte sur un point que certains considèrent comme essentiel.
Qu'en est-il en réalité ?
Nous gardons le souvenir de certains propos qui - je voudrais le croire - ont dépassé, sous le coup d'une émotion feinte ou réelle, la pensée de ceux qui les ont tenus.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission. En termes également émouvants et également sincères, après que j'ai cru devoir, en séance publique, rappeler un ancien Premier ministre aux convenances nécessaires, Paul Masson et Robert Badinter, qui savent, eux, pour les avoir durement vécues, ce que furent certaines réalités, ont, l'un et l'autre, au sein de notre commission, exprimé notre sentiment commun.
M. Michel Rocard. Est-ce moi que vous mettez en cause, monsieur le président de la commission ?
M. Jacques Larché, président de la commission. J'ai parlé d'un ancien Premier minsitre : je n'en vois pas beaucoup d'autres que vous, aujourd'hui, sur ces travées. (Sourires et applaudissement sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Rocard. C'est inadmissible !
M. Josselin de Rohan. Et pourquoi ?
M. Michel Rocard. Au moins, que ce soit clair !
M. Jean-Louis Carrère. Il y a un autre Premier ministre, ici, vous le savez !
M. Josselin de Rohan. M. Badinter vous a condamné !
M. Jacques Larché, président de la commission. J'aurais souhaité, pour ma part, monsieur le ministre, que l'on dise à certains juges que l'honneur d'un magistrat, en toute circonstance, consiste à respecter le devoir de réserve que la loi lui impose. Si une loi ne lui plaît pas, qu'il ait le courage de démissionner ! D'autres, en leur temps, ont su le faire.
MM. Paul Masson, rapporteur, et Pierre Fauchon. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission. Nous avons accepté, monsieur le ministre, le texte qui nous revient modifié de l'Assemblée nationale pour une raison essentielle : une agitation médiatique s'est développée autour de l'article 1er.
Nous ne devons pas pour autant oublier que, pour l'essentiel, ce dont nous déplorons la disparition est issu des propositions de M. le rapporteur, soutenues par la majorité de la commission et adoptées, mes chers collègues, par vous-mêmes.
La nouvelle rédaction de l'article 1er est-elle meilleure ? Son auteur, bien évidemment, le pense. Peut-être ne connaît-il pas suffisamment tous les impératifs qui pèsent sur notre vie quotidienne.
Nous, nous sommes au fait de la réalité locale. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)

Nous estimons que le nouvel article 1er risque d'être totalement inopérant et qu'il aurait peut-être des résultats très inférieurs à ceux qui découlent de la réglementation actuelle si des précisions nécessaires n'intervenaient pas.
M. Josselin de Rohan. C'est certain !
M. Jacques Larché, président de la commission. Un décret, je vous en donne acte, monsieur le ministre, doit être pris par le Gouvernement. Ce décret devra impérativement préciser, entre autres choses, le rôle des maires. Il faudra que ceux-ci soient consultés avant la délivrance des certificats d'hébergement. Ils devront être également informés des certificats délivrés dans leur commune.
De débat en débat, de modification en modification des règles établies, où en sommes-nous ?
Mes chers collègues, je ne me sens, et vous ne vous sentez, j'en suis sûr, nullement « lepénisés ». Nous entendons, au contraire, retirer à ce mouvement extrémiste les raisons de son action.
Pour nous, l'immigration légale est une réalité. Nous voulons faire en sorte que ceux qui vivent régulièrement sur notre sol aient un statut protégé et paisible. Et, pour ma part, je souhaiterais qu'un jour ils aient tous la faculté de devenir des Français à part entière.
Nous le savons bien, mes chers collègues, nous devrons un jour, en dehors de tout climat passionnel, comme c'est notre devoir, réfléchir sur l'ensemble du problème de l'immigration.
Notre défaut d'analyse globale en la matière pourrait en effet paraître préoccupant. Sans aller au fond des choses, parce que ce n'est pas l'objet de notre débat, on peut néanmoins, en cet instant, indiquer quelques-uns des éléments de cette nécessaire réflexion.
Quelle est, tout d'abord, notre conception de l'immigration, sachant que l'immigration zéro n'est qu'un leurre ?
A quel critère doit répondre la venue d'un immigré sur notre sol ? L'utilité nationale ou le droit qu'il aurait de bénéficier de notre accueil ?
L'immigration, je l'ai déjà dit et je le répète, est-elle de nature à favoriser cet aspect essentiel de notre génie qu'est la défense de la francophonie ?
A ce propos, monsieur le ministre, est-il exact que le nombre d'étudiants japonais admis en France tend à dépasser celui des étudiants algériens et, dans l'affirmative, n'est-ce pas inquiétant ?
M. Claude Estier. Bonne question !
M. Jacques Larché, président de la commission. Est-il exact que des maires qui voulaient se rendre à un congrès de communes francophones n'aient pas reçu l'autorisation de passer par la France et aient dû faire le détour par des Etats étrangers ?
M. Claude Estier. C'est exact !
M. Jacques Larché, président de la commission. Enfin, de ces immigrés, que voulons-nous faire ?
Samedi après-midi, grâce à l'initiative qu'avait prise notre président, 321 filles et garçons étaient rassemblés dans notre hémicycle. Je me permets de souligner au passage que, sans qu'un quota ait été imposé, il y avait 52 % de filles pour 48 % de garçons. (Sourires.)
Ils ont établi une charte dont le contenu nous a frappés par sa maturité et par le sens des valeurs qu'ils y exprimaient.
Ils ont désigné l'un d'entre eux, et il s'est trouvé que c'était une jeune fille, pour en être le rapporteur général. Manifestement, les parents de cette jeune fille étaient venus d'un ailleurs lointain. En l'écoutant, nous pouvions être fiers d'elle et nous pouvons être fiers de nous, car nous avions sous les yeux la preuve de ce dont la France est capable lorsqu'elle dispense ce qu'il y a de meilleur en elle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
MM. Claude Estier et Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas la loi Debré !

(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes.
Groupe socialiste, 37 minutes.
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes.
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes.
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
La parole est à M. Bonnet. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, six semaines se sont écoulées depuis l'examen, en première lecture, du texte dont nous sommes appelés à débattre.
Que s'est-il passé depuis le 4 février dernier ?
Sur un plan en quelque sorte institutionnel, une ouverture est intervenue, sur l'article 1er, à l'Assemblée nationale, et le Gouvernement y a donné son accord. Notre excellent rapporteur ainsi que l'éminent président de la commission des lois en ont développé l'économie avec la conscience que chacun se plaît à leur reconnaître ; cela me dispense d'y revenir.
Paradoxalement, cette concession a conduit le parti socialiste, qui avait axé l'essentiel de son hostilité au projet de loi sur l'article 1er,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Bonnet. ... à durcir sa position, jusqu'à demander le retrait pur et simple du texte. (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est faux !
M. Claude Estier. Nous l'avons demandé depuis le début !
M. Christian Bonnet. Qu'il l'ait demandé depuis le début ou qu'il l'ait demandé par la suite, il demeure fidèle à un stigmate dont on pouvait le croire guéri après douze années d'exercice du pouvoir : celui qui consiste à tourner le dos à la réalité pour lui préférer l'idéologie. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jacques Mahéas. C'est surtout une question d'idéal !
M. Christian Bonnet. Ainsi s'attache-t-il à culpabiliser toute initiative visant, sinon à tarir, du moins à canaliser un flot dont la crue nourrit le racisme.
M. Emmanuel Hamel. Il ne se sent pas coupable !
M. Christian Bonnet. Ainsi cultive-t-il l'amalgame entre l'indispensable vigilance dont témoigne le projet de loi et les anathèmes outranciers d'une formation que, après l'avoir tirée du néant des suffrages, il contribue à valoriser par inconscience, à moins que cela ne soit par calcul. (Applaudissements sur les mêmes travées. - Nouvelles protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Quelle honte !
M. Alain Vasselle. C'est une stratégie politicienne !
M. Christian Bonnet. Ainsi, certains de ses membres - certains seulement, car plusieurs de nos collègues du groupe socialiste, comme vient de le dire M. le président de la commission des lois, ont marqué leur réprobation de cette infamie - se sont aventurés jusqu'à opérer des rapprochements où le grotesque le dispute à l'odieux. Et ce n'est pas sans une certaine tristesse que l'on a pu entendre deux anciens Premiers ministres, l'un ici même - et il sait que j'ai toujours nourri pour lui une très grande estime - l'autre au Palais-Bourbon, prendre leur part de cet égarement.
Notre estimé collègue Guy Allouche avait, voilà un mois, plaidé pour une refonte de l'ensemble de la législation sur l'immigration.
Aussi bien ma curiosité a-t-elle été avivée par l'information relative à un document de travail soumis, mercredi dernier, à la commission sur l'immigration du bureau national du parti socialiste. (Ah ! sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une obsession !
M. Christian Bonnet. Il ne s'agit, certes, que d'une contribution sujette à débat sur une question à propos de laquelle la position du parti est apparue confuse à plus d'un, mais sa lecture m'a laissé comme interdit.
M. Jacques Mahéas. Heureusement pour nous !
M. Christian Bonnet. Qu'on en juge plutôt !
Les sanctions pour séjour irrégulier seraient limitées aux opérations à but lucratif.
Un référé serait instauré pour les étrangers en instance d'éloignement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quelle horreur ! (Sourires.)
M. Christian Bonnet. Les immigrés se verraient proposer un contrat précisant « leur projet de vie », ce qui permettrait leur « suivi social ». (Oh là là ! sur les travées socialistes.)
Les différends avec l'administration seraient arbitrés - je dis bien : « arbitrés » - par une commission de suivi et de médiation, alors que la maîtrise des mouvements de population est une prérogative qui n'est contestée à l'Etat dans aucun système juridique.
M. Claude Estier. Mais avez-vous au moins lu le document ?
M. Christian Bonnet. Et, pour couronner le tout, la direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins, la DICCILEC, anciennement dénommée « police de l'air et des frontières », serait retirée au ministère de l'intérieur pour être rattachée à celui des affaires sociales ! (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Affreux ! (Rires sur les travées socialistes et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Christian Bonnet. Face à un tel monument d'irréalisme, comment ne pas demeurer pantois ?
Un tel désordre dans les esprits surprend, et le mot est faible, venant d'une formation qui, après avoir exercé la responsabilité du pouvoir, ambitionne de l'assumer à nouveau. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Un désordre de cette nature ne saurait, en revanche, surprendre de la part de personnages en mal de vedettariat, d'associations zélatrices d'une éthique de la complaisance, de récidivistes de la pétition, voire d'intellectuels dont Mme Arlette Laguillier a fort bien dit, dans un éditorial de Lutte ouvrière du 23 février dernier... (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Ivan Renar. C'est la meilleure ! Bonnet et Arlette : le nouveau couple infernal ! Rome n'est plus dans Rome ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne citez tout de même pas Arlette ! Moralement, ce serait discutable !
M. le président. Mes chers collègues, écoutez au moins l'orateur !
M. Christian Bonnet. Attendez ! vous allez voir !
Mme Arlette Laguiller écrit donc fort justement, à propos des intellectuels, qu'ils sont, « pour la grande majorité, loin des préoccupations des travailleurs, y compris des travailleurs immigrés ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Ivan Renar. Pauvre Arlette !
M. Dominique Braye. Ils n'ont d'intellectuels que le nom !
M. Christian Bonnet. Tant d'intellectuels - je parle ici des vrais, pas de la cohorte des « pseudos » - se sont trompés avec tant de constance tout au long de ce siècle - Drieu la Rochelle, Céline avant-hier,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sont eux, pour vous, les vrais intellectuels ? Vous oubliez Brasillach ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Ils n'étaient pas des intellectuels, ils étaient des « collabos » !
M. Christian Bonnet. ... Jean-Paul Sartre, Aragon hier - que l'on ne saurait s'étonner de la présence sur le pavé parisien de tel ou tel, à peine sorti de l'abattement où l'avait plongé le désastre culturel dont il s'était fait le complice.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vous qui faites le tri des intellectuels ?
M. Christian Bonnet. « J'aime les paysans, disait Montesquieu, ils ne sont pas assez instruits pour raisonner de travers. » (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais il est temps de quitter un espace de dérèglements et de mettre l'accent sur quelques vérités premières.
Nous vivons dans un monde de signes, où toute loi comme celle-ci a une utilité d'annonce en direction des pays de forte émigration et où, à l'inverse, toute déclaration inconséquente y résonne comme un appel au départ.
Nous vivons dans un monde où les postes de travail, aujourd'hui limités par les avancées techniques et les progrès de la productivité, iront de plus en plus à des hommes et à des femmes détenteurs d'une qualification que jeunes et moins jeunes issus du tiers ou du quart monde ne possèdent pas, malheureusement pour eux. Si bien que prêcher la faiblesse vis-à-vis de l'immigration irrégulière et entretenir autour d'elle un climat émotionnel relève de l'inconséquence. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Nous vivons dans un monde de violence, et, si nous faisons nôtre l'émotion face à des situations de détresse, nous n'oublions pas, nous, pour autant, celle qu'appellent d'autres situations que les images télévisées ne véhiculent guère... ou pas du tout !
Nous ne passons pas sous silence le drame vécu par les conducteurs de bus, les machinistes du RER, les cheminots du réseau Nord agressés sur leur lieu de travail, le traumatisme éprouvé par les fonctionnaires de police traités avec sauvagerie sitôt identifiés, l'appréhension de ceux de nos compatriotes, le plus souvent de condition modeste...
M. René-Pierre Signé. Démagogie !
M. Christian Bonnet. ... qui se sentent en danger dans des quartiers où le désoeuvrement de trop d'irréguliers les accule à la délinquance.
M. Jean-Luc Mélenchon. Irréguliers ?
M. Christian Bonnet. Nous visons dans un monde ainsi fait...
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous n'y vivez pas !
M. Christian Bonnet. ... que le rayonnement de notre culture ne doit pas être recherché dans le déversement, à l'intérieur de l'Hexagone ou encore outre-mer - je pense à notre collègue M. Othily - de populations frustrées dont le comportement tend à frapper de vanité toute ambition d'intégration, mais doit bien plutôt être recherché dans la mise à disposition de pays encore éloignés de tout développement, des moyens et des hommes à même de les faire progresser.
Nous vivons dans un monde ainsi fait que s'y développent partout des réflexes de défense contre des flux incontrôlés de nature à menacer les équilibres sociaux et les identités nationales.
En janvier, le chancelier Kohl, son ministre des finances, M. Theo Waigel, et le président du plus puissant des syndicats allemands, l'IG Metall, tiraient la sonnette d'alarme.
En février, c'est l'Autriche, dont le président et le chancelier sont socialistes, qui met au point des mesures drastiques allant de la restriction du regroupement familial au retrait des permis de séjour aux étrangers sans travail y vivant depuis moins de huit ans.
Un sénateur socialiste. Ils le regrettent déjà !
M. Christian Bonnet. Nous vivons dans un monde où, nulle part, la législation relative à l'immigration irrégulière n'est plus tolérante que la nôtre...
M. René-Pierre Signé. Pas grâce à vous !
M. Christian Bonnet. ... ce dont la limitation à dix jours, hélas ! du délai de rétention fournit le témoignage le plus incontestable.
Dans un tel contexte, s'élever contre les mesures - modestes au demeurant - dont est porteur le projet du Gouvernement relève d'une inconscience...
M. René-Pierre Signé. C'est honteux !
M. Christian Bonnet. ... que les Français ont d'ailleurs condamnée sans appel, en dépit - ou à cause ? - d'une assourdissante orchestration médiatique. (Exlamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Moreigne. Ce n'est pas vrai !
M. Jacques Mahéas. Vous parlez pour vous !
M. Christian Bonnet. Ce débat, mes chers collègues, et ses prolongements en dehors des enceintes du Parlement, auront eu, en définitive, un immense mérite : celui de clarifier, aux yeux de l'opinion, les positions des uns et des autres.
M. Alain Vasselle. C'est exact !
M. Christian Bonnet. D'un côté - celui de la majorité qui soutient le Gouvernement - on estime que l'insertion des populations installées en France, plus difficile, paradoxalement, pour les générations nées sur notre sol, pose assez de problèmes pour nous interdire d'y ajouter ceux qui naissent d'une immigration désordonnée.
De l'autre - celui d'une opposition qui, reconnaissons-lui au moins ce mérite, n'avance pas en ce domaine masquée - on se livre pour la énième fois à des critiques récurrentes sans articuler la moindre proposition raisonnablement constructive.
Traduites en langage clair, ces critiques reviennent, par référence à un slogan né voilà bientôt trente ans, à proclamer qu'il est « interdit d'interdire » à un irrégulier de s'installer, au mépris des lois de la République, sur notre territoire.
M. Claude Estier. Qui a dit cela ?
M. Christian Bonnet. J'ai dit : « Traduites en langage clair, ces critiques reviennent... »
M. Jean Chérioux. C'est l'évidence !
M. Claude Estier. Traduites par vous !
M. Jacques Mahéas. Vous interprétez tout !
M. Christian Bonnet. D'un côté, on combat ce qu'il faut bien appeler un danger. De l'autre, on s'en accommode.
Entre l'une et l'autre de ces attitudes, les Français, dans un an, trancheront. (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment !
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi dont nous délibérons en deuxième lecture ne méritait sans doute pas de faire l'objet des excès oratoires qu'il suscite depuis quelques semaines.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas gentil pour M. Bonnet !
M. Emmanuel Hamel. Ce n'était pas un excès, c'était un sommet !
M. Jean-Jacques Hyest. C'était un excellent discours. Quant aux excès oratoires que j'évoquais, ils ne provenaient pas, sauf exception, de cet hémicycle.
M. Jacques Mahéas. De l'extrême droite !
M. Jean-Jacques Hyest. Bien entendu, et c'est la rançon de notre société médiatisée, un seul point du texte a focalisé lors de son examen en première lecture l'attention de l'opinion publique. Si maintenant certains réclament le rejet pur et simple de l'ensemble du texte, c'est qu'ils ont sans doute pensé que, puisqu'il n'y avait plus rien à dire sur l'article 1er, il fallait trouver autre chose pour relancer un débat sur l'immigration.
M. Claude Estier. Nous l'avons demandé depuis le début, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vous ferai observer que demander la suppression de l'article 4 paraît paradoxal pour des défenseurs des droits de l'homme.
M. Claude Estier. D'accord, on garde l'article 4 !
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne comprends pas davantage qu'en vrai défenseur des droits de l'homme on puisse refuser les dispositions en faveur de la protection des étrangers. Inévitablement aussi, chaque fois que l'on discute d'un texte concernant le contrôle de l'immigration - et, comme on l'a dit à satiété, nous changeons sans cesse notre législation -, c'est toute la politique menée dans ce domaine qui fait à nouveau l'objet de prises de position tranchées.
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Les uns ont tendance à reprocher à la politique d'être trop laxiste - on l'a vu sur certains bancs à l'Assemblée nationale - ...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Jean-Jacques Hyest. ... d'autres la trouvent répressive à l'excès et trop peu respectueuse des droits de l'homme.
Il me semble que nous avons déjà beaucoup légiféré sur ce sujet...
M. Claude Estier. Beaucoup trop !
M. Jean-Jacques Hyest. ... et que, si le projet de loi qui nous est proposé mérite un accueil favorable - je dirai pour quels motifs dans un instant - il serait opportun de ne pas modifier indéfiniment l'ordonnance de 1945, au risque de blocages et d'inefficacité. Sinon, mieux vaudrait refaire toute notre législation, ce dont nous ne sommes pas capables.
M. Jacques Mahéas. Il faut refaire les lois Pasqua !
M. Jean-Jacques Hyest. La multiplication - à laquelle chacun a mis sa patte - des procédures, des délais et, partant, des risques de contentieux, loin de protéger ceux qui sont de bonne foi, ouvre au contraire bien souvent un véritable boulevard aux filières organisées, qui, elles, savent parfaitement utiliser toutes les lacunes et les ambiguïtés de la législation. C'est ainsi dans tous les domaines !
En premier lieu et quoique en réalité sinon en théorie beaucoup de bons esprits le nient, la France a le droit et même le devoir de maîtriser les flux migratoires et de prendre des mesures pour enrayer l'immigration irrégulière.
Lorsqu'on compare notre législation aux autres, y compris à celles de nos plus proches voisins, on doit convenir qu'elle demeure l'une des plus libérales.
M. René-Pierre Signé. Qu'est-ce que ce serait !
M. Jean-Jacques Hyest. Il est donc vraiment scandaleux que les quelques mesures prévues par ce texte aient pu être comparées à celles qui ont été prises pendant les périodes les plus noires de notre histoire.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela y prépare !
M. Maurice Lombard. Soyons sérieux !
M. Jean-Jacques Hyest. Comme l'ont fait remarquer justement des personnalités telles que Me Klarsfeld, cela ne pourrait avoir pour effet que d'atténuer l'horreur de l'holocauste et d'encourager les promoteurs du révisionnisme.
M. René-Pierre Signé. N'exagérons rien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il ne s'agit pas de cela, vous le savez bien !
M. Michel Moreigne. On n'a pas de leçon à recevoir !
M. Charles Descours. Qui a commencé ?
M. Jean-Jacques Hyest. Notre pays a toujours été un pays d'immigration et la seule question qui se pose est celle de notre capacité d'intégration dans un contexte de difficultés économiques, de mutation industrielle et, il faut le dire aussi, d'affaiblissement des corps intermédiaires.
La nature de l'immigration a changé. Il faut adapter notre législation à cette évolution, comme sont amenés à le faire tous les pays développés.
Mais aussi, l'immigration est fille du sous-développement et nos pays européens, mêmes frappés par la crise, constituent un espoir pour beaucoup de peuples avec qui, de surcroît, nous avons des liens historiques et culturels forts. Il devient d'autant plus urgent, en dehors des proclamations de principe, de mener une politique de coopération plus concrète et servant réellement le développement durable.
Puisque l'occasion nous en est donnée une nouvelle fois, il faut ajouter qu'une politique d'immigration ne se juge pas par les textes, mais par la mise en oeuvre effective des mesures votées.
A ce sujet, et dans le respect des droits des personnes, il faut avant tout lutter contre les filières d'immigration irrégulière, sources de profits pour quelques-uns, sources de misère et de désenchantement pour les victimes des fraudes. Le projet de loi tend ainsi à mieux réprimer ces filières, agissant tant sur le travail illégal que sur les contrôles aux frontières des véhicules de marchandises.
Comment peut-on décrier les moyens de contrôle accordés à l'Etat, et d'ailleurs encadrés par des procédures précises, lorsqu'on sait que dans des ateliers clandestins des immigrés, parfois des enfants, vivent un véritable esclavage ?
Est-il admissible que l'on puisse mourir de froid et de faim au fond d'un camion parce qu'on a cru pouvoir passer ainsi les frontières ? Je ne le crois pas et le texte vise à trouver les moyens de contrôler ces situations.
M. Michel Moreigne. Chez eux, ce n'est pas mieux !
M. Jean-Jacques Hyest. Venons-en, maintenant, aux autres dispositions du texte voté par l'Assemblée nationale, et, pour commencer, à l'article 1er.
S'il est vrai qu'il paraissait peu efficace d'imposer au maire de très lourdes responsabilités en matière d'hébergement des étrangers, la proposition votée par l'Assemblée, qui donne les pouvoirs en la matière au préfet, soulève tout de même quelques interrogations.
En effet, l'article 1er ne précise pas - mais le décret le fera - quelles seront les responsabilités des communes et du maire. Seront-ils des intermédiaires ou seront-ils en dehors de toute la procédure ?
De plus, déléguer au préfet de nouvelles fonctions n'est pas une mesure sans conséquence. Avant de soumettre au Parlement une mesure législative, le Gouvernement procède maintenant souvent à une étude d'impact. En l'occurence, je voudrais bien entendu savoir si les préfets seront en mesure d'exercer ces missions sans problème particulier et sans que s'aggravent les difficultés que rencontrent déjà les bureaux des étrangers de plusieurs préfectures.
Enfin, la modification de l'article 1er suscite des réflexions de nature générale : signifie-t-elle comme le voudraient certains - mais pas le Gouvernement - que, dans certains domaines, la capacité d'agir au nom de l'Etat ne sera plus reconnue aux maires ? C'est l'un des fondements de notre démocratie locale qui est ainsi remis en cause. Souhaitons donc que les préfets soient en mesure d'assurer le suivi des certificats d'hébergement.
Sur l'article 8-3, l'Assemblée nationale s'est ralliée à l'avis du Sénat au sujet des empreintes digitales. Cependant, les fichiers clairement identifiés dans le texte du Sénat sont devenus, dans le texte de l'Assemblée nationale, « les fichiers détenus par les autorités publiques ». Comme M. le rapporteur, il me semble nécessaire que les fichiers visés le soient précisément et que le législateur contrôle la création éventuelle de nouveaux fichiers.
L'article 4 a lui aussi été complété par l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons que nous en réjouir, car elle s'était montrée très restrictive lors de la première lecture. Cette fois, elle a ouvert la possibilité d'attribuer, dans certains cas, à des étrangers non expulsables une carte de séjour temporaire, répondant ainsi en partie au voeu de notre collègue André Diligent, qui souhaitait que ce dispositif s'applique à tous les étrangers dans cette situation. Nous parvenons quasiment au même résultat grâce à une énumération beaucoup plus large des cas.
L'Assemblée nationale a en outre reconnu à ceux qui séjournent depuis plus de quinze ans en France la possibilité d'avoir une carte de séjour temporaire. Je m'en réjouis aussi.
Quant à l'article 25 de l'ordonnance de 1945, il a été complété par un alinéa visant les étrangers atteints d'une pathologie grave nécessitant la poursuite d'un traitement médical. Telle était la pratique habituelle, même si certaines erreurs et incompréhensions dues à un dossier mal examiné ont soulevé une émotion sincère. L'administration et les préfets le faisaient. Incrivons donc cette disposition dans la loi, ce sera beaucoup plus clair. Je me félicite de toutes ces mesures de sagesse qui viennent corriger des situations dans lesquelles les étrangers se trouvaient ni expulsables ni régularisables.
Enfin, l'article 8, relatif à l'appel du procureur, pose un véritable problème. Franchement, dans quelle situation se trouvera l'étranger si l'appel du procureur n'est pas immédiat ? Un délai de quatre heures dans ce domaine est incompréhensible ! En fait, l'appel doit être immédiat, sinon l'étranger ne pourra plus être maintenu sous l'autorité de la justice et on devra le relâcher.
Que veut-on ? Permettre l'appel et vérifier la situation de l'étranger. Le procureur a besoin d'un délai supplémentaire, dit-on. Non, l'appel est immédiat, le procureur rédige ses réquisitions...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Immédiat », cela ne veut rien dire !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est l'appel dans le délai de quatre heures qui ne veut strictement rien dire, et qui, de toute façon, ne résout pas le problème !
Telles sont les observations que je voulais formuler sur ce projet de loi. Monsieur le ministre, il s'agissait et il s'agit toujours d'un texte raisonnable. On en a fait une montagne alors qu'il ne visait qu'à résoudre des problèmes comme ceux que j'ai exposés. Il va dans le sens d'une maîtrise des filières,...
Un sénateur socialiste. C'est votre avis, ce n'est pas le nôtre !
M. Roland Courteau. C'est votre interprétation !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis aussi respectueux des droits de l'homme que d'aucuns, et j'espère qu'on veut bien le reconnaître ! Je n'ai nullement l'intention d'attenter aux libertés, et je crois l'avoir toujours prouvé, comme d'autres.
Y aurait-il d'un côté les théoriciens de la liberté et, de l'autre, les praticiens de la liberté ? Nous, nous sommes des praticiens de la liberté. Votre texte, monsieur le ministre, vise à améliorer la situation, à mieux protéger certains étrangers. Pour le peuple français, qui est toujours généreux, mais parfois inquiet parce qu'il voit qu'on ne contrôle pas un certain nombre de choses, c'est un texte d'équilibre. Souhaitons que ce projet de loi soit voté, qu'il soit bien appliqué et que nous n'ayons pas à y revenir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
MM. René-Pierre Signé et Michel Dreyfus-Schmidt. On y reviendra !
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'appartient, au moment où le débat semble se focaliser sur le rôle de l'Etat et du maire, de formuler quelques observations. Je voudrais saluer le travail du président de la commission, M. Jacques Larché, et du rapporteur, M. Paul Masson. Je voudrais aussi vous faire part, au-delà des remarques à caractère technique, des quelques réflexions personnelles que m'inspire ce débat.
Aujourd'hui, nous sommes dans un moment politique curieux : nos concitoyens ont besoin de retrouver le débat de conviction et nous, hommes politiques, nous nous laissons dériver vers le débat d'émotion.
Je suis d'autant plus frappé par cette dérive que, comme je le répète souvent, lorsque l'émotion l'emporte sur l'intelligence, c'est la porte ouverte au fascisme. On voit bien que si les vertus ont leurs contraintes, les vices ont leurs charmes. Nous sommes tentés en permanence d'osciller entre, d'une part, les plus bas instincts d'un peuple, contre lesquels nous devons résister - les événements récents nous ramènent aux débats suscités par la peine de mort ou par l'immigration - et qui trahissent en réalité la peur de l'avenir, et, d'autre part, les utopies des uns et des autres, qui trahissent la méconnaissance de notre présent. Or, l'angélisme est la tyrannie du supérieur et la barbarie la tyrannie de l'inférieur.
A chaque fois, nous devons nous efforcer de ramener les débats sur les causes plutôt que sur les effets. Le principe est-il l'immigration ou est-il la lutte contre la clandestinité, au moment où, à l'échelon du territoire communal, nous luttons en permanence contre les circuits parallèles, qu'il s'agisse de la prostitution, de la drogue, du travail clandestin ou de l'immigration ? On voit même aujourd'hui d'autres dérives, où les circuits maffieux pèsent sur le plan économique. On sent bien que le pouvoir politique est interpellé par ces dérives.
Le problème de l'immigration pose une responsabilité internationale à des Etats comme la France pour peser sur le développement des pays en difficulté au moment où, au nom du commerce international, ces derniers refusent les clauses sociales au motif que les pays développés souhaiteraient entraver leur développement.
Sommes-nous certains, les uns et les autres, que la loi a plutôt tendance à protéger le plus faible et que, aujourd'hui, en l'absence de loi, c'est toujours le plus faible qui est, malheureusement, victime ? Il convient de rendre un vibrant hommage aux élus locaux pour la politique d'intégration qu'ils mènent et pour faire partager par tous l'émotion communale.
L'intégration est-elle mise en cause, ou non, par la clandestinité, par le fait que, aujourd'hui, un certain nombre de nos concitoyens se demandent si le vice n'est pas plus récompensé que la vertu et s'interrogent sur l'utilité du politique dont il mesure, selon eux, chaque jour, l'impuissance ?
Nous devons être attentifs aux propos que nous tenons. Pour ma part, je me réjouis du débat politique qui a eu lieu sur la question de la clandestinité. Pour autant, je ne peux être interpellé, en tant que républicain, par les appels à la désobéissance civique.
J'ai été très marqué par les propos qu'ont tenus quatre de nos collègues immédiatement après leur élection : « Dorénavant, puisque nous sommes élus démocratiquement, nous allons entrer dans l'illégalité pour appliquer un certain nombre de règles sur le territoire de nos communes. »
Je suis surpris que des personnes dont notre pays a aujourd'hui besoin pour ressusciter le débat de la pensée et de l'intelligence négligent le rôle du Parlement au point de dire que, si la loi ne convient pas, il convient d'y désobéir.
Je vois là une dérive dont nous devons, en tant que républicains, mesurer le coût au regard de la stabilité de notre société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je lisais la presse internationale voilà peu de temps. Un journaliste étranger écrivait : « J'ai du mal à comprendre pourquoi les Français qui ont pesé de tout leur poids sur les instances européennes pour mettre en place des barrières de façon à éviter l'invasion culturelle et à préserver leur identité peuvent, dans le même temps, demander qu'il n'y ait plus aucune règle qui puisse mettre en cause leur propre identité. »
M. Dominique Braye. Des intellectuels !
M. Jean-Paul Delevoye. Notre pays doit peser, par les valeurs qu'il représente, sur le débat international, et il convient de mesurer aujourd'hui tout ce qui l'affaiblit ou le renforce.
Dans l'article 1er, existait en effet un couple Etat-maire. Il appartenait à l'Etat de vérifier si les citoyens étaient égaux devant la loi telle que le maire l'appliquait sur le territoire de sa commune, de veiller à ce que cette loi soit équilibrée, à savoir respect de la nécessaire humanité et application des règles tout aussi nécessaire.
Nous sentions bien que ce couple Etat-maire était le pilier de notre République. Le fait d'y ajouter l'hébergeant nous a fait réagir, car nous sortions du principe selon lequel l'Etat doit être assis dans son autorité et on ne doit pas demander au citoyen d'exercer des responsabilités qui doivent relever du seul Etat.
A partir du moment où l'on a supprimé cette obligation de déclaration de l'hébergeant, nous étions convaincus qu'allait être réaffirmé ce couple Etat-maire. Notre première réaction, lorsque l'Assemblée nationale a voté ce texte, fut de croire que nous étions passés d'un excès à un autre.
En répondant au rapporteur, M. Masson, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que vous alliez mettre en place, par décret, les règles d'une nécessaire collaboration entre les services de l'Etat et les services des mairies. Une telle mesure peut apparaître comme une garantie, pour le citoyen, de l'égalité de tous devant la loi et, pour l'application du principe, d'une excellente efficacité de ce texte,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais...
M. Jean-Paul Delevoye. ... et c'est la raison pour laquelle je soutiens la position de la commission des lois sur l'articulation de ce texte. Je n'oublie pas que, aujourd'hui, un équilibre doit être recherché, et le calendrier nous en fournit l'occasion. Si nous pesons de tout notre poids pour renforcer l'autorité de l'Etat contre la clandestinité quelle qu'elle soit, nous aurons dans un délai très proche à réfléchir sur la loi de cohésion sociale. A l'Etat, son autorité pour respecter les lois ; aux élus locaux, leur volonté de jouer l'intégration. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Badinter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus à la seconde lecture de ce projet de loi, intitulé, modestement, « portant diverses dispositions relatives à l'immigration », une sorte de DDOF ou de DDOS dans le domaine de l'immigration.
Communément, nous le savons, à ce stade de la procédure parlementaire, les questions techniques l'emportent sur l'analyse et la critique des dispositions encore en discussion.
Et pourtant, à entendre vos accents passionnés, monsieur le ministre, j'avais le sentiment que nous en étions toujours à la première lecture du projet de loi.
Pour ce qui me concerne, je voudrais d'abord marquer que, s'agissant d'une deuxième lecture, nous serons présents, actifs et résolus tout au long de la discussion. Nous ne nourrissons aucune illusion, nous savons lire et nous avons entendu annoncer de divers côtés de la majorité, et par les voix les plus autorisées, que le texte était « bouclé » et que le Sénat le voterait conforme ou, je n'ose pas dire au mieux, avec quelques corrections mineures.
M. Paul Masson, rapporteur. Non, pas mineures !
M. Robert Badinter. Nous verrons !
Pourtant, si un projet de loi a singulièrement changé, au moins sur des dispositions que l'on nous présentait comme essentielles, et qui sont les plus contestables, c'est-à-dire l'article 1er, c'est bien le présent projet de loi. En effet, le texte que vous nous soumettez aujourd'hui, monsieur le ministre, est bien différent de celui que vous avez défendu devant nous avec tant de constance, certains diraient d'obstination. Le coeur de son dispositif, c'était bien, dans l'article 1er, l'obligation faite à l'hébergeant de dénoncer à la mairie le départ de son hôte.
M. Alain Vasselle. Pourquoi « dénoncer » ?
M. Josselin de Rohan. Signaler !
M. Dominique Braye. Déclarer !
M. Robert Badinter. Je vous renvoie, messieurs, à notre commun Littré.
M. Josselin de Rohan. C'est vous qui utilisez ce terme ! Pourquoi avez-vous parlé de « lepénisation des esprits » ? Il vous faudra en rendre compte et vous expliquer sur ce point.
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, seul M. Badinter a la parole.
M. Alain Vasselle. Vous êtes un provocateur, monsieur Badinter !
M. Jean Peyrafitte. Cela vous fait mal ! Vous l'avez cherché !
M. Robert Badinter. L'orateur est toujours maître de ses termes, et je poursuis.
Sur cette obligation - les formalités, mais aussi les sanctions qu'elles faisaient peser sur celui qui, après tout, n'avait eu que le tort de pratiquer la grande vertu de l'hospitalité - les avis les plus autorisés et les moins favorables ne vous avaient pas fait défaut. Le Conseil d'Etat, la commission consultative des droits de l'homme, l'Association des maires de France, pour des motifs divers, mais tous fondés, vous avaient recommandé ou suggéré de renoncer à cette disposition. J'avais même cru percevoir au sein de la commission des lois, derrière la discipline majoritaire, certains états d'âme.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'était qu'une croyance !
M. Robert Badinter. Mais vous étiez impavide devant tant de recommandations et d'objurgations. Je vous contemplais navigant à pleines voiles vers les eaux tumultueuses des zones d'inconstitutionnalité, que certains pourtant avaient déjà décelées.
Fallait-il y voir obstination, calcul ? Je l'ignore, mais le fait est là : au soir du vote du Sénat, vous aviez fait adopter l'article 1er de votre projet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Robert Badinter. Or, aujourd'hui, vous nous présentez une nouvelle version de cet article 1er radicalement transformée...
M. Josselin de Rohan. Et alors ?
M. Charles Descours. Il faut que le Parlement serve à quelque chose !
M. Josselin de Rohan. C'est cela, le Parlement !
M. Robert Badinter. ... grâce à la capacité d'invention juridique de M. Mazeaud.
Mais cette version est la sienne, et non pas la vôtre. Elle témoigne, avant que nous ne l'analysions, de votre recul (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) - car vous avez reculé, monsieur le ministre - ...
M. Dominique Braye. Non : avancé !
M. Robert Badinter. ... mais d'un recul non devant la raison juridique, non devant les arguments du Conseil d'Etat - je ne parle pas de ceux de l'opposition : ils ne font jamais que vous impatienter - mais devant la réaction et l'émotion de l'opinion. (Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan. Ne l'invoquez pas : 63 % des personnes interrogées approuvent le Gouvernement !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Robert Badinter. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Badinter, je vous ai écouté avec attention, et je suis désolé de vous interrompre. Je vous remercie en tout cas de me permettre de le faire.
M. Robert Badinter. C'est bien normal : j'affectionne le dialogue.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Vous avez dit, monsieur Badinter, que la première version de ce projet avait soulevé l'émotion.
M. Paul Raoult. Oui !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est vrai, mais je voudrais savoir pourquoi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'a encore pas compris !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. En effet, le parti socialiste, auquel vous appartenez, n'a rien dit lorsque le maire de Strasbourg, ...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... qui est membre du parti socialiste, a publié le document que j'ai là (M. le ministre montre un feuillet) et qui est ainsi libellé : « Madame, monsieur, veuillez trouver ci-joint le certificat d'hébergement établi conformément au texte du décret... »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est spontané !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. « Nous vous rappelons que, passé le délai d'expiration du visa accordé à votre visiteur, celui-ci est en situation irrégulière en France et s'expose à une mesure de reconduite à la frontière... » (Protestations sur les travées socialistes.)
Attendez !
« Je vous prie... », ajoute ce document de la mairie de Strasbourg (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)...
M. Dominique Braye. Ne soyez pas impatients !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. « Je vous prie, au départ de votre visiteur, de me renvoyer le talon ci-dessous rempli (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), même si votre invité n'est pas venu. En cas de non-renvoi de ce talon, la délivrance du certificat ultérieur serait laissée à notre appréciation et nous obligerait par ailleurs à mettre en oeuvre une procédure de contrôle. » (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
Or voilà qui n'a pas soulevé d'émotion chez vous, et je pourrais également citer l'exemple de la municipalité de Marmande, qui est dirigée par un socialiste et qui a pris des dispositions analogues. (Nouvelles protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. C'est votre loi ! C'est la loi Pasqua !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi reculez-vous, alors ?
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter. Je poursuis en effet, monsieur le président,...
M. Josselin de Rohan. Qui a inventé le certificat, monsieur Badinter ? (Vives exclamations sur les travées socialistes.)
M. Robert Badinter. Je continue donc, si vous me le permettez, en dépit d'une nervosité dont je ne devine que trop la cause. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Mais, je le dis très clairement, monsieur le président, ces interruptions ne sont pas le fait de mes amis : c'est du haut de l'hémicycle, quelque part sur ce qui n'est guère politiquement la Montagne, que proviennent ces frémissements.
M. Alain Vasselle. Ces clameurs !
M. Robert Badinter. Monsieur le ministre, s'agissant de l'invitation faite par le maire de Strasbourg - je ne sais d'ailleurs pas de quand date ce texte - ...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le maire vient de l'arrêter !
M. Robert Badinter. A quelle date ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je parle de l'actuel maire de Strasbourg, Mme Trautmann !
M. Robert Badinter. Oui, j'entends bien : que je sache, il n'y a pas eu de nouvelles élections municipales !
Je dis simplement que, s'agissant de cette invite, si vous nous avez lu ce qui est indiqué par le maire, la loi, elle, transforme cette indication en obligation à peine de sanction. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
J'en reviens à mon propos : ce qui vous a fait reculer, monsieur le ministre, ce n'est pas la raison juridique, ce sont la réaction et l'émotion de l'opinion.
Nous sommes - ai-je besoin de le rappeler ? - dans un temps où - on peut le regretter - le débat politique ne fait pas recette dans le public, et le texte que vous avez présenté ne touchait à aucun intérêt collectif ni ne menaçait aucune situation acquise. Il n'y avait là aucune démarche corporatiste. Or nous avons vu, tous, une foule, qu'il faut bien qualifier d'immense, de femmes et d'hommes (Rires et exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)...
M. Alain Vasselle. Et les sondages ?
M. Robert Badinter. ... se rassembler pour défiler dans les rues de Paris, et aussi en province.
Cette manifestation-là était d'autant plus remarquable, je viens de le dire, qu'elle ne répondait à aucun mot d'ordre émanant de partis politiques ou de syndicats.
M. Josselin de Rohan. Mais si !
M. Jean-Pierre Schosteck. Cherchez bien !
M. Robert Badinter. C'était donc tout ce que ce projet charriait en lui qui a suscité l'émotion, et en premier lieu - et c'est bien naturel - chez les metteurs en scène, les artistes, les intellectuels...
M. Josselin de Rohan. C'était du bien mauvais cinéma !
M. Robert Badinter. Je ne suis pas sûr que, dans ce domaine du moins, vous soyez le meilleur orfèvre ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Un sénateur du RPR. C'étaient des pseudo-intellectuels !
M. Robert Badinter. Pseudo-intellectuels ? Vous employez là un qualificatif très familier à une droite que je ne voudrais jamais voir réapparaître en France ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Je dis simplement qu'il était normal que ce soient eux qui aient ressenti les premiers, par l'effet de leur sensibilité propre, tout ce que le projet charriait de contraintes et de soupçons à l'encontre des étrangers ou des immigrés.
Je veux croire que les débats menés avec fermeté par l'opposition sénatoriale ont pu contribuer à la prise de conscience de ce qui ne pouvait que susciter cette indignation et ce refus, même si, je dois le dire, comme je l'ai souligné devant la commission des lois, j'ai regretté, pour ma part, certaines confusions que je trouve déplorables - j'ai même dit qu'elles étaient pour vous personnellement, monsieur le ministre, injustes, pour des raisons que nous savons - et qui étaient de nature à blesser les victimes de Vichy.
Je tiens aussi à marquer, monsieur le président de la commission des lois, que, lié d'amitié depuis toujours à Michel Rocard et sachant tout ce que les membres de sa famille ont fait pendant la guerre, l'interprétation que vous avez donnée n'était pas conforme à sa pensée. Quoi qu'il en soit, ma solidarité avec lui est totale. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan. Il s'en expliquera !
M. Robert Badinter. Mais je poursuis : cette manifestation a été suivie par d'autres, moins importantes, certes, mais qui n'en sont pas moins significatives puisque l'article 1er avait disparu.
J'entends bien, et je le répéterai toujours, qu'il appartient au Parlement, et à lui seul, de faire la loi dans le respect de la Constitution. Et le respect de la loi, est, à mes yeux, le premier fondement de la République. (Ah ! sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Dites-le à vos amis !
M. Robert Badinter. Mais il est évident aussi que, si le Parlement veut demeurer le forum vivant de la démocratie, il se doit d'être attentif à tout ce qui constitue de puissants mouvements d'émotion, d'indignation ou de rejet que suscite un texte, et c'est bien de tels mouvements qu'a fait naître votre projet de loi et devant lesquels votre gouvernement et votre majorité ont reculé.
Dans le domaine militaire, on appellerait cela « un repli stratégique ». En politique, cela s'appelle plus simplement une défaite. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais, à nos yeux, la question essentielle n'est pas là. Il s'agit, à cet instant du débat, de mesurer les conséquences de votre texte - puisque aussi bien il va être adopté - et ces conséquences, je vous le redis avec regret, ne seront qu'échec et amertume.
Echec, tout d'abord, quant aux finalités de votre texte : la première, il ne faut pas l'oublier, était dictée non par la nécessité de durcir encore les dispositions de la loi de 1993 - son auteur y avait suffisamment pourvu ! - mais par la nécessité de remédier à leurs défauts structurels. Tous les juristes avisés avaient, dès l'origine, décelé que cette loi, si vantée par son auteur, ferait naître ces situations humaines aberrantes et douloureuses que tous nous avons pu constater l'été dernier.
Par un défi au bon sens juridique, le législateur avait créé une catégorie nouvelle du droit - ou du non-droit - celle des étrangers en situation irrégulière établis en France ou y ayant leurs proches et qui n'étaient ni régularisables ni expulsables.
Face à de telles situations, où l'illégalité naît, en quelque sorte, de la loi même, il fallait au moins adopter la solution que M. le président Mazeaud avait suggérée à l'Assemblée nationale en préconisant l'attribution de plein droit d'une carte de séjour à toutes les personnes non expulsables. Et c'est une telle solution que notre collègue M. Diligent et les représentants dans cet hémicycle du parti socialiste et du parti communiste...
M. Josselin de Rohan. Des orfèvres !
M. Robert Badinter. ... avaient proposée par voie d'amendement au Sénat. A quelques voix près, elle aurait pu être votée. A cet instant-là, l'humanité et la sagesse l'auraient emporté de concert, mais vous-même et votre majorité ne l'avez pas voulu.
Je le regrette, monsieur le ministre, et permettez-moi de vous rappeler qu'il en est des peuples comme des êtres humains : la générosité les grandit ; or l'hospitalité est l'une des formes les plus précieuses de la générosité.
Le moins que l'on puisse dire est qu'à cet égard votre article 1er nouveau traduit plutôt la frilosité.
Pis encore, certaines dispositions de votre projet de loi engendreront - comme nous le montrerons - des situations d'irrégularité ; elles fabriqueront ce que l'on appelle des « clandestins » et qui se dénomment des « sans-papiers », et des échecs aussi, inévitables.
Quant à l'autre objet de votre texte, vous avez proclamé haut et fort qu'il n'était pas, bien entendu, l'immigration zéro - une telle notion est inconcevable et serait contraire à l'intérêt national - mais l'immigration clandestine zéro.
Je ne pense pas que vous ayez entendu à ce sujet contracter devant nous une obligation de résultat. Ce serait bien imprudent, dans un monde où la circulation des personnes ne cesse de croître et où la France - pour son profit, d'ailleurs - connaît environ 90 millions d'entrées et de sorties d'étrangers par an.
Cependant, au regard de cette ambition affichée, que constatons-nous à la lecture du nouvel article ? Je suis forcé de le dire, mes chers collègues : quelle que soit la considération particulière que je porte au président Mazeaud, l'article 1er nouvelle version que vous nous présentez aujourd'hui est ce que l'on appelle communément une de ces « usines à gaz » qu'il arrive parfois aux meilleurs juristes de produire.
Nous aurons l'occasion, croyez-moi, d'y revenir dans le détail. Mais permettez-moi d'évoquer brièvement la pratique.
Aux termes de l'article 1er, l'hébergé devra donc faire viser le certificat d'hébergement à la préfecture ou à la sous-préfecture. Quand on sait les obligations de toute nature qui pèsent sur le service des étrangers dans les préfectures ou les sous-préfectures, il est douteux que les fonctionnaires puissent faire face à ce surcroît de travail sans renforcer leur effectif ou sans susciter un vif mécontentement de la part des demandeurs, voire les deux.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le but de l'opération !
M. Robert Badinter. Nous pensons - et je crois qu'il en sera ainsi - qu'il faudra en outre recueillir l'avis des maires, qui sont les mieux placés pour connaître précisément la situation des hébergeants dans leur commune. Le dossier devra ensuite remonter à la sous-préfecture ou à la préfecture afin que la décision soit prise. Que de temps gaspillé, de récriminations, de tensions et d'échecs en perspective !
Quant à l'obligation pour l'étranger hébergé de remettre le certificat d'hébergement lors de sa sortie du territoire aux services de police, nous aurons l'occasion de démontrer pourquoi elle est incompatible avec les dispositions des accords de Schengen. L'étranger qui quitte le territoire français pour gagner l'Italie, l'Allemagne ou l'Espagne n'est soumis à aucun contrôle ! Où remettra-t-il son certificat d'hébergement ? A Francfort, à Amsterdam, à Bonn ? Le remettra-t-il aux autorités locales pour qu'elles l'adressent ensuite aux autorités françaises compétentes ?
Des accords ont-ils été passés pour cette pratique au regard du traité de Schengen, qui prime la loi nationale ?
Et qui ne mesure son inefficacité quand il s'agit de jeunes étrangers insouciants ou de personnes âgées rétives aux formalités complexes ? On les croira présents, alors qu'ils seront déjà partis.
Quant à l'étranger qui entendra demeurer irrégulièrement en France - celui-là même que vous déclarez vouloir poursuivre - il lui suffira d'adresser par la poste son certificat au service préfectoral pour qu'on considère qu'il a quitté le territoire national, alors qu'il n'en sera rien. Dans ce cas, on le croira parti, alors qu'il sera toujours en France.
Pour le reste, en ce qui concerne la nouvelle procédure, nous aurons l'occasion de reparler de la généralisation des fichiers et de leur interconnexion.
Fichier départemental des hébergés, avez-vous reconnu non sans quelque difficulté devant l'Assemblée, mais aussi, j'en suis convaincu, fichier des hébergeants. Pourquoi ? Parce que déjà certaines municipalités, nous le savons, ont créé ou voulu créer...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Strasbourg !
M. Robert Badinter. ... de tels fichiers, à en croire le rapport de la CNIL.
Mais de municipal le fichier, nécessairement, deviendra départemental et, inévitablement, car il s'agit de contrôler les entrées, les séjours et les sorties à l'échelle du pays tout entier, il deviendra national.
Ce à quoi nous assisterons, c'est à la mise en place d'une sorte de vaste réseau, d'une trame de plus en plus serrée de contrôles informatisés des conditions de vie, de séjour et de déplacements des étrangers, y compris dans la sphère privée.
S'agissant des autres articles du projet, nous aurons l'occasion d'intervenir successivement sur chacun d'eux.
C'est maintenant aux conséquences de ce projet que je veux m'attacher pour conclure.
Vous avez invoqué, pour justifier ce texte, monsieur le ministre, la nécessité de lutter contre l'immigration clandestine, afin de combattre le chômage, avez-vous dit, et de mieux assurer l'intégration des immigrés.
Combattre le chômage est assurément la priorié nationale, aucun de nous n'en doute. Mais lier, comme on le fait, la question de la lutte contre le chômage à celle de la lutte contre l'immigration clandestine est une erreur qui nourrit toujours la confusion suscitée par le Front national entre chômage et immigration,...
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est le contraire !
M. Robert Badinter. ... alors que, on ne le répétera jamais assez, les deux questions ne sont pas liées.
M. Jean-Pierre Schosteck. Mais si, elles le sont, et vous le savez bien !
M. Robert Badinter. Pour ce qui est des étrangers en situation irrégulière, ce sont les entreprises qui les exploitent qu'il faut atteindre et réprimer sans faiblesse. S'il n'y avait pas ces profiteurs de la misère des étrangers, il n'y aurait pas d'organisation pour assurer leur transport, véritablement clandestin celui-là.
M. Jean-Pierre Schosteck. Enfin, vous le reconnaissez !
M. Robert Badinter. Croyez-vous sincèrement que ces filières s'organisent à partir de certificats d'hébergement visés par les maires des communes ? Allons donc !
S'agissant de ces exploitants odieux de main-d'oeuvre étrangère, je doit dire que, là où la fermeté devrait être exemplaire, je ne suis pas sûr de l'avoir vu régner, notamment dans la loi récemment votée sur ce qu'on appelle le « travail dissimulé ».
Quant à l'intégration des immigrés, elle ne passera jamais par les dispositions que vous nous proposez.
Comment ne ressentiraient-ils pas comme autant de signes de défiance les dispositions empreintes de soupçon à l'encontre des hébergeants, c'est-à-dire d'eux-mêmes, et des hébergés, c'est-à-dire leurs proches et leurs amis, dispositions que vous n'avez abandonnées que partiellement.
Je vais être plus précis encore. Qui ces exigences accrues concernent-elles en pratique, sinon, au premier chef, les Français et les immigrés d'origine maghrébine ou issus des pays francophones d'Afrique noire ?
Ceux-là, nous ne pouvons pas oublier non seulement qu'ils parlent notre langue, non seulement qu'ils ont été touchés par les rayons de notre culture, mais encore que, dans notre commune histoire, aux pires heures d'épreuves nationales, leurs pères et leurs grands-pères ont combattu sous le drapeau tricolore (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE) et sont tombés, comme tant d'étrangers volontaires, en grand nombre pour la France et pour notre liberté. Cette dette-là, comment ne pas en mesurer toute la portée ?
Nous ne pouvons pas non plus oublier que, au sein des immigrés qui sont présents en France, nombreux sont ceux, parmi leurs aînés, que les entreprises françaises ont fait venir parce qu'elles en avaient besoin et parce qu'ils représentaient, à l'époque, une force de travail nécessaire et bon marché. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Ne faites pas d'amalgame !
M. Robert Badinter. Aujourd'hui, leurs enfants sont nés ou ont grandi en France. Ils sont français ou voués à l'être, ne l'oubliez jamais.
Eh bien, je le dis à cette tribune avec toute ma force de conviction, le pire - je dis bien le pire - serait qu'à l'exploitation des pères succède l'exclusion des enfants. (Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. C'est de l'immigration clandestine et du travail illégal que l'on parle !
M. Robert Badinter. Or, les voies de l'intégration ne passeront jamais par ces textes qui, sous prétexte de lutter contre l'immigration irrégulière, font des immigrés autant de suspects potentiels.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est facile !
M. Robert Badinter. L'exclusion, voyez-vous, monsieur le ministre, ce ne sont pas seulement les préjugés, ce ne sont pas seulement les barrières économiques ou sociales qui la font naître ; l'exclusion, elle est d'abord, pour quiconque la vit ou l'a vécue, le sentiment d'être mis à part, d'être traité différemment des autres. Et cela, c'est bien ce dont rêve le Front national, et ce n'est certainement pas votre loi qui contribuera à réduire son emprise sur les esprits. (Applaudissements prolongés sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est vous qui avez fait son succès !
M. Josselin de Rohan. C'est vous qui l'avez aidé !
Un sénateur socialiste. Occupez-vous de Papon !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Badinter, je vous ai écouté avec attention. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Vous savez l'admiration que j'ai pour vous en tant que magistrat. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Messieurs, j'ai toujours eu pour M. Badinter le respect qu'a tout magistrat pour un très grand avocat et un avocat sincère.
Moi aussi, je vais être très sincère, monsieur Badinter : j'ai été scandalisé par ce que vous venez de dire. (Protestations sur les mêmes travées.)
En effet, avec votre force de conviction, avec votre talent, vous faites quelque chose d'inadmissible, de scandaleux, à savoir l'amalgame entre immigration irrégulière et étrangers. Là, vous êtes coupable, et je vous le reproche. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Paul Raoult. C'est vous qui créez des clandestins !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous jetez la suspicion !
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici donc le Sénat appelé une deuxième fois à examiner le projet de loi désignant les étrangers comme responsables de tous les maux sociaux que connaissent nombre de nos concitoyens !
Sans doute le texte a-t-il bougé dans la rédaction de son article 1er. Il n'a pas, en effet, été possible au Gouvernement de garder son dispositif obligeant les hébergeants à être des informateurs du ministère de l'intérieur dans le contrôle des départs des étrangers hébergés.
La future loi demeure toutefois une loi des suspects, donc inadmissible et irrecevable. Elle continue, après les lois Pasqua et Méhaignerie, à commencer à mettre la France dans une sorte de marécage législatif et judiciaire d'où peut naître ce que j'appellerai une « régression en avant ».
Celle-ci est d'ailleurs commencée dans le texte de loi lui-même. Le collège des médiateurs pour les Africains sans papiers en rappelle l'engrenage : « Contrôle de la sortie des étrangers avec menace d'un fichier des hébergeants ; rétention administrative prolongée avant saisine du juge, afin de faciliter les expulsions expéditives : caractère suspensif de l'appel du parquet ; fouille des véhicules ; prise d'empreintes digitales ; confiscation des passeports ».
Je sais, monsieur le ministre, que vous dites être toujours accueillant à ceux qui veulent s'intégrer et que votre texte ne vise que les clandestins.
Or, vous vous apportez dans la loi elle-même un démenti sur l'intégration puisqu'il y est prévu une réserve au renouvellement jusqu'ici automatique de la carte de résident de dix ans : dix ans cela ne suffit pas, cela ne suffit pas !
Autrement dit, l'étranger est toujours en situation de fragilité provoquée. Ceux qui viennent de cette Afrique où les blessures de notre colonialisme perdurent (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), cette loi les traite comme des colonisés sur le territoire national. L'hospitalité s'évanouit.
Votre loi invente, pour reprendre une expression que fustige le philosophe Jacques Derrida, le « délit d'hospitalité », dont Jacqueline Deltombe a été victime, avant même la loi, jusqu'à être licenciée par son employeur.
Une irrésistible négativité s'impose à chaque étranger. C'est la porte ouverte vers le malheur permanent que sont le racisme et la xénophobie.
Quant aux clandestins - votre souci unique, dites-vous ! - la loi gouvernementale sur le travail illégal que vient de voter votre majorité est un aveu de sa seule fonction idéologique.
Les inspecteurs du travail qui s'occupent de ce problème, et qui sont regroupés dans l'association Villermé, à la question de savoir si l'on s'est donné les moyens de remonter les filières de travail illégal, répondent : « Le projet de loi ne facilite pas les conditions d'incrimination de l'employeur qui a recours au travail dissimulé. On va uniquement poursuivre le dernier maillon de la chaîne. »
Ainsi, de quelque côté que l'on examine vos textes de loi, rien de ce que vous prétendez ne s'y trouve.
L'étranger commence à servir à tout. Aux chômeurs, on désigne le migrant comme bouc-émissaire ; aux salariés, on conseille de renoncer à leurs droits au nom de la concurrence d'un certain patronat impuni, et impunissable, utilisant sans droit des clandestins. L'étranger, dans cette démarche, devient un : « Sésame, ferme-toi ! ».
Vous devriez réfléchir à ce qui se passe à propos de l'usine Renault de Vilvorde, en Belgique.
Soyons transparents ! A qui fera-t-on croire que personne, à la direction de la Régie et au Gouvernement, prévenu, n'a songé que, après tout, c'étaient des Belges, des étrangers, que la préférence nationale allait être favorisée, qu'on allait être tranquille !
Et puis, rien ne s'est passé comme prévu. Très exactement comme dans le cas des « sans-papiers ».
Le monde qui bouge, qui deviendra, c'est celui qui « tape à temps de ses six doigts sur le clavier des pianos du monde ». Ce n'est qu'un début, mais le chemin est pris.
A la télévision, j'ai regardé, ce midi, la manifestation européenne des « Renault » ; elle était - parce que c'est comme ça - plurielle.
Revenons-en aux sans-papiers.
Il y a eu la réaction européenne, que je qualifie d'heureuse. En effet, prenons garde : après les « sans-papiers », les étrangers immigrés, les intellectuels - j'y viendrai - les Belges avec Renault, et maintenant l'Assemblée européenne ! La grandeur de la France, c'est d'être l'amie de tous ces gens-là, et non de se dresser contre eux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jack Ralite. Il y a donc eu cette heureuse réaction européenne.
Mais surtout, ici, en France, depuis août, on ne cesse de manifester. Les 100 000 du 22 février ont procédé à une sorte d'insurrection de liberté.
Ces 100 000 venaient de partout en région parisienne, d'Aubervilliers, par exemple, où je suis maire, mais aussi de Saint-Denis et de tant d'autres villes dont l'histoire est riche de dimensions plurielles depuis longtemps.
A Aubervilliers, en 1914, il y avait déjà 30 % de migrants, comme aujourd'hui. Ces questions, leur vécu, je connais, comme on dit. Et, précisément, le Gouvernement serait bien avisé de nous écouter plus quand nous posons les problèmes de l'exclusion, qui concernent Français et immigrés. L'intervention gouvernementale sur ce point est courte, très courte. Elle n'endigue pas l'exclusion. Elle est minimum et propose une allocation, un travail au rabais. Or le droit comme le respect ne se divisent pas et vous savez bien que le monde du peu se contente de la démocratie du petit : un petit peu plus de sous, un petit peu plus de bonheur, un petit peu plus d'égalité, unpetit peu plus de liberté et un petit peu plus d'urbain, un RMI urbain, le tout balkanisé dans tel ou tel quartier.
Les villes de banlieue ont une autre ambition. Que veulent-elles ? Membres de la communauté nationale, elles répondent : « Tout ». Il faut prendre toute la mesure de cette affirmation. Ce qui se passe en banlieue, c'est l'avenir de la société française.
Croyez-moi, s'il y a des échos à votre pensée dans notre banlieue, il y a surtout l'écho d'une revendication de dignité dont le sondage fait à Saint-Denis, au début du mois de mars, égrène le contenu. Ecoutez-en quelques éléments.
A la première question : le projet de loi du ministre de l'intérieur permettra-t-il d'aider à résoudre les problèmes économiques et sociaux qui se posent en France actuellement ? 73 % ont répondu : non.
A la deuxième question : le projet de loi permettra-t-il d'aider à résoudre des problèmes dans votre quartier ? 71 % ont répondu : non.
A la troisième question : le projet de loi permettra-t-il de lutter efficacement contre l'immigration clandestine ? 60 % ont répondu : non.
M. Emmanuel Hamel. Vous êtes mal informé !
M. Jack Ralite. A la quatrième question : le projet de loi est-il orienté contre les étrangers et peut-il favoriser le racisme ? 53 % ont répondu : oui.
Il faudrait, bien sûr, aller plus loin dans l'analyse. C'est en cours. On note ainsi, par exemple, que les personnes de nationalité française donnent des réponses négatives aux trois premières questions dans une proportion plus élevée. En revanche, pour les risques de développement du racisme, la réponse affirmative est plus faible tout en restant forte, avec 49 % de « oui ».
Une situation sociale forte peut donc s'accompagner d'un champ des valeurs retravaillé. Cette modulation prise en compte, et elle exige vigilance, il demeure que ce projet de loi est considéré à Saint-Denis comme étant tout à la fois « à côté de la plaque » pour ce qui est des problèmes sociaux et dangereux pour son orientation contre les étrangers.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. Jack Ralite. Je lisais hier matin dans un quotidien qu'en Suisse on compte 17 % de migrants et 5 % de chômeurs. En Espagne, on enregistre 1 % de migrants et 22 % de chômeurs.
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jack Ralite. Il faut en finir avec cette équation mécanique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
On le voit, ce que pense la banlieue est mieux perçu par les intellectuels que, par exemple, par le ministre M. Eric Raoult. Les intellectuels et les habitants sont, finalement, beaucoup plus en correspondance alors que le ministre et ces mêmes habitants sont souvent en dissonance.
Je veux relever ici cette propension qu'ont eue les laudateurs du projet de loi à s'en prendre aux intellectuels, aux artistes, solidaires des libertés, des étrangers et, ajouterai-je, des populations de banlieue, où d'ailleurs beaucoup habitent. Ces laudateurs continuent d'ailleurs dans le même sens ; il suffit pour s'en convaincre d'écouter les propos de M. Bonnet, qui s'exprime vraiment avec un vocabulaire d'un autre temps. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Monsieur Ralite, me permettez-vous de vous interrompre ? (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Ivan Renar. Non ! Cela suffit !
M. Jack Ralite. Je vous en prie, monsieur de Rohan.
M. le président. La parole est à M. de Rohan, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Josselin de Rohan. Je vous remercie, monsieur Ralite, de m'avoir autorisé à vous interrompre.
Vous mettez fortement en avant les intellectuels. J'ai beaucoup de respect pour eux,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. N'ayez pas de complexes !
M. Jacques Mahéas. Vous n'en connaissez pas un seul !
M. Josselin de Rohan. ... mais vous n'en êtes pas le meilleur interprète. En tout état de cause, je voudrais vous poser une question qui me brûle les lèvres depuis le début de ce débat.
J'entends vos collègues communistes se faire les grands défenseurs de la liberté. Je vous dirai une chose, monsieur Ralite : ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien ! vous êtes prévenu, monsieur Ralite !
M. Josselin de Rohan. ... le communisme a fourni à l'immigration des contingents considérables. Les boat people du Viêtnam, qu'est-ce que c'est ? (Exclamations indignées sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
Les émigrés de Cuba, qu'est-ce que c'est ? Les populations déplacées de force en Union soviétique, qu'est-ce que c'est ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais M. Ralite n'a jamais déplacé qui que ce soit !
M. Josselin de Rohan. Qu'avez-vous dit à ce moment-là ?
M. Claude Billard. Beaucoup, mais vous êtes sourd !
M. Josselin de Rohan. Quand a t-on entendu des intellectuels communistes dénoncer ces drames ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais si !
M. Josselin de Rohan. Où était, par exemple, M. Jean Ferrat quand on déportait ces gens ? (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Ivan Renar. N'importe quoi !
M. Josselin de Rohan. Qu'avez-vous dit, monsieur Ralite, quand cela s'est produit ?
M. Ivan Renar. Tout cela est d'un autre temps ! M. Josselin de Rohan. Vous n'êtes pas des professeurs de liberté. Cela suffit ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. Moi, je suis maire d'une ville de banlieue, Aubervilliers, et je vais vous citer les noms que portent nos écoles : ...
M. François Trucy. Cela ne coûte rien ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Raoult. Un peu de respect, tout de même !
M. Josselin de Rohan. Faites-en autant !
M. Jack Ralite. ... Jean Moulin, Pierre Brossolette, les Manouchian, Gabriel Péri, et d'autres encore ! C'est-à-dire que toute la Résistance, dont une partie fut intellectuelle et communiste, est honorée. Et la seule école en France qui porte le nom d'un israélite assassiné, le professeur Marc Bloch, est à Aubervilliers.
M. Josselin de Rohan. Et la rue Lénine, vous l'avez débaptisée ?
M. Jack Ralite. Il n'y a pas de rue Lénine à Aubervilliers !
M. Josselin de Rohan. Et la rue Staline, vous l'avez débaptisée ? (Vives exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur de Rohan, vous n'avez pas de leçons à donner !
M. Jack Ralite. Vous tombez mal avec moi, monsieur de Rohan, parce que cette ville prolétarienne n'a jamais débaptisé une rue. Elle a pensé que l'histoire était une succession d'actes et elle les a magnifiés au gré des années, sans que jamais elle n'ait eu a rougir d'aucune de ces dénominations. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Ivan Renar. Voilà ! A côté de la plaque, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan. Vous avez à rougir d'avoir été stalinien, voilà ! Cela, vous ne le dites jamais !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Quelles banalités !
M. Emmanuel Hamel. A décrire ainsi toute la misère, il vous faut écrire des poèmes !
M. Jack Ralite. Je reviens sur les intellectuels, dont beaucoup, comme je le disais, habitent en banlieue et y gagnent moyennement leur vie, pour ne pas dire quelquefois peu, je pense ici aux intermittents du spectacle et à leur mouvement actuel. Ils créent précisément sur les problèmes de société que posent la banlieue et non sur les problèmes que la banlieue poserait à la société, comme le prétend le Gouvernement.
Ces jeunes réalisatrices et réalisateurs de cinéma, pour me limiter à eux, sont des auteurs de vie et travaillent, à travers leur création, la totalité cachée des hommes d'aujourd'hui.
Je ne les « instrumentalise » pas, mais je note que Gérard Mordillat a fait Vive la Sociale sur le XXe arrondissement de Paris ; que Pascale Ferran, avec L'Age des possibles, nous fait rencontrer la jeunesse de province face au monde du travail ; que Claire Denis, dans Nénette et Bonie, nous entraîne dans la solidarité d'une famille populaire de Marseille ; que Sandrine Veysset, avec son étonnant Y aura-t-il de la neige à Noël ? nous fait compagnons d'une femme du monde rural ; que Claire Simon nous épluche par l'image le dépôt de bilan d'une PME ; que Jean-François Richet traite des jeunes des banlieues dans Etat des lieux .
Dans tous les concours internationnaux, la France est fière de les présenter, et ils y remportent des médailles. C'est un peu comme aux jeux Olympiques : les Noirs nous assurent des victoires, on les applaudit ; mais dès qu'ils sont chez nous, citoyens, on leur dispute la réalité citoyenne ! De la même façon, ces cinéastes nous représentent dans des festivals ; on est content de leur succès. Et quand ils disent ce qu'ils pensent, et c'est leur droit, alors on les traite comme l'a fait tout à l'heure M. Bonnet, dont je n'oublierai jamais qu'au Parlement il tenta d'interdire Les Paravents de Genêt et qu'il fut remis en place par André Malraux, car la liberté de Genêt, c'est aussi la liberté de la France ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
J'arrête là la liste de ces artistes qui, en la circonstance, sont l'honneur de ce pays et les révélateurs du mouvement profond qui habite le sous-sol de notre société. Leurs oeuvres, dirait Octavio Paz, sont « des esquifs à bord desquels les traditions et la culture traversent les mers du temps ».
Le ministre Raoult a donc tenté de leur répondre, en attribuant à l'un ou à l'autre - geste élégant - tel ou tel quartier de banlieue désigné comme étant « à problème », avec sans doute le secret désir de les disqualifier aux yeux des habitants, l'inverse étant d'ailleurs également vrai.
Eh bien ! certains sont venus, invités par les villes, les quartiers, les habitants : Bertrand Tavernier à Montreuil, au quartier des Grands Pécheurs ; Patrice Chéreau à Pierrefitte, au quartier des Poètes.
Ce furent de très fructueuses rencontres de « fertilisation croisée », comme j'aime à le dire, et qui auront des suites. On y a évoqué, bien sûr, les questions de l'immigration mais, surtout, le chômage, avec son cortège de mal-vie. Or Bertrand Tavernier, avec L. 627, et Patrice Chéreau, avec les pièces de Bernard-Marie Koltès, étaient en complicité naturelle de réflexion, de recherche et d'action avec leurs partenaires de débat.
Des liens nouveaux se nouent qui sont porteurs de devenir dans de tels rendez-vous. Des connaissances en actes du terrain se croisent avec ces chercheurs d'un type particulier que sont les artistes.
Le temps me manque pour déplisser plus avant ce que, finalement, a révélé et fait se lever le mouvement de civilisation des sans-papiers.
Il y a dans ce pays que nous aimons une aspiration à vivre, parler, respirer autrement, chez les sans-papiers et chez les « non sans-papiers » qui sont souvent des « sans autre chose » et à qui le langage de l'intelligence a su donner audience.
Permettez-moi une petite anecdote en cet instant. Le dimanche suivant notre premier débat, je me suis rendu rue des Rosiers, à Paris, pour y faire quelques emplettes. Et le commerçant de me dire : « Ce n'est pas très bien ce qui s'est passé au Sénat, sur l'immigration ». Et de me raconter la vie de sa famille juive polonaise venue ici en 1931 et son rejet du projet de loi rediscuté aujourd'hui. Il n'assimile pas mais, me dit-il, « je sens comme une résurrection de quelque chose qui n'est pas beau dans l'histoire de France, à côté de tant et tant de choses qui sont belles ».
Quand je suis sorti de sa boutique, j'ai pensé à l'affaire Dreyfus, qui coupa la France dans ses profondeurs au moment de l'enjambement du XIXe siècle et du XXe siècle. Il y avait une grande dépression et, en 1898, on pouvait lire dans un ouvrage signé André Barrier : « Nous sommes envahis et peu à peu submergés par le flot étranger. S'il n'existait pas d'étrangers en France, il y aurait du travail pour tous nos nationaux. » Des parlementaires déclaraient, eux, que les étrangers formaient « un contingent considérable de l'armée du crime », qu'il n'était pas besoin d'insister, que le danger était évident, qu'il était immédiat.
C'est dans ce contexte que s'est développée l'accusation mensongère d'espionnage portée contre le capitaine Dreyfus, de confession israélite. Au milieu d'un antisémitisme véhément, il fut condamné et déporté à l'île du Diable, dans un camp pour une personne. M. André Maman. Cela n'a rien à voir !
M. Jack Ralite. La réplique était très faible, au début, très, très faible, mais elle s'est amplifiée, notamment avec le J'accuse de Zola. C'est à ce propos que fut inventée la notion d'intellectuel.
Au passage, j'entends M. Bonnet se féliciter de ce que dit Arlette Laguiller : je suis, bien sûr, beaucoup plus près d'Arlette Laguiller que de M. Bonnet, mais je rappelle qu'une des tragédies françaises et du mouvement socialiste naissant a été que Guesde ne comprenne pas que, quand il y a des libertés à défendre, qu'elles soient bourgeoises ou pas bourgeoises, il y a des libertés, et on les défend.
Si Arlette Laguiller veut en rester à la fin du XIXe siècle, c'est son droit, mais nous, nous sommes partie prenante dans le combat des libertés, et c'est bien ce qui fait mal à M. Bonnet ! (Applaudissement sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jack Ralite. Cette bataille a vu s'affronter les dreyfusards, « hommes blessés par le mensonge », et les antidreyfusards, « hommes blessés par la vérité », selon les expressions de Péguy. Dreyfus fut réhabilité et, dans un même mouvement, la République française du XXe siècle fut fondée.
Je ne veux pas faire de rapprochement, toujours hasardeux, mais tout de même : il y a crise aussi aujourd'hui. Certaines déclarations actuelles sur les étrangers sonnent comme un bégaiement de l'histoire. Une réaction d'abord minoritaire, puis amplifiée s'est manifestée. Des milliers et des milliers d'émules de Zola ont pris part au combat. Il y a les sans-papiers, que d'aucuns veulent faire survivre dans l'infra-droit et dans des lieux qui, n'était la solidarité d'une Ariane Mnouchkine, à la Cartoucherie de Vincennes, ou d'un père Condé, à l'église Saint-Bernard, ne seraient guère habitables.
Le d'abord minoritaire a bougé, et c'est aujourd'hui « l'immense minorité » qui rejette la loi. A votre majorité dénombrable - vous êtes obnubilé par les chiffres - s'oppose notre minorité incommensurable. Elle est indéfectiblement attachée à l'humain.
Pour avoir été et être encore intraitablement de ce mouvement aux milliers de visages, à la Cartoucherie, à l'église Saint-Bernard, à Aubervilliers, dans la rue, au théâtre ou au cinéma et ailleurs encore, je pense qu'après ceux de 1995 ces jours de 1996 et 1997 travaillent, au moment du passage du XXe au XXIe siècle, à l'invention de la République française du XXIe siècle. Tâche inouïe que votre loi contrariera, mais n'arrêtera pas !
Votre loi veut afficher une sorte d'athlétisme d'Etat mais elle sera finalement écartée, quand la France se dessinera comme une couleur du monde, une France où l'on pourra dire, comme Saint-Exupéry : « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente ».
J'ajouterai un petit post scriptum.
M. le président. Je vous en prie, monsieur Ralite, un très bref post scriptum !
M. Jack Ralite. Avez-vous vu le résultat des élections de dimanche ? La démarche de la majorité avec cette loi, qu'elle le veuille ou non, ressemble, sur un aspect, à celle du Front national.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est scandaleux !
M. Josselin de Rohan. C'est honteux !
M. Jack Ralite. Que disent les chiffres ? Loin de léser le Front national, vous le renforcez à vos dépens ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - Mme Joëlle Dusseau applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de respecter vos temps de parole. Le groupe communiste républicain et citoyen a dépassé le sien de 30 % !
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Nous voici en deuxième lecture de ce projet de loi sur l'immigration, quelques semaines après la première lecture. Vous déclariez ici même qu'il n'y avait pas d'urgence, et qu'il fallait prendre tout le temps nécessaire pour l'examiner. Apparemment, votre sentiment a changé et, entre sondages d'opinion, que vous croyez favorables à votre texte, et manifestations, que vous savez hostiles, il vous est apparu qu'il fallait presser le mouvement.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit tout au long de notre récente discussion, notamment en ce qui concerne les certificats d'hébergement et l'obligation pour les particuliers de notifier le départ de leur hôte. Tous nos arguments, pourtant forts, n'ont pu vous convaincre, pas plus que mes collègues d'ailleurs. En revanche, l'indignation d'un certain nombre d'intellectuels et d'étudiants y est parvenue, ce dont je ne peux que me réjouir.
Cependant l'amendement de l'Assemblée nationale, dit « amendement Mazeaud », n'est pas satisfaisant.
Tout d'abord, qu'est-ce que ce certificat d'hébergement que l'on va chercher à la préfecture ? En quoi les préfets sont-ils plus habilités que les maires pour le délivrer ?
Ensuite, qu'est-ce que cette déclaration faite par l'hébergé à sa sortie du territoire ? Va-t-il dire : « Oui, j'étais bien chez M. Untel il y a quinze jours et j'en suis parti il y a huit jours. Donc, je n'y suis plus ! » ?
S'il est à la frontière, il n'est plus chez l'hébergeant, parce que s'il est ici, il ne peut être ailleurs ! Si vous aviez pu interroger M. de La Palice, il vous l'aurait dit, monsieur le ministre ou Raymond Devos qui est un expert en description de situations ubuesques. Et c'est une situation ubuesque que vous proposez, monsieur le ministre !
Si c'est là le seul aménagement qui ait été imaginé, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas probant. La vérité, il faut la rappeler avec un chiffre et une évidence.
Voici le chiffre : sur l'ensemble des clandestins aujourd'hui en instance de reconduite à la frontière, 90 % sont entrés en fraude, sans visa et sans certificat d'hébergement. Ils sont entrés, comme vous le disiez, dans des conditions souvent dramatiques, dans des soutes de navires, sous des bâches de camions.
Voici maintenant l'évidence : il faut supprimer cette déclaration de départ qui ne sert à rien, qui est ridicule, et qui ne fait que donner de la France une image tatillonne, administrative et répressive.
Une image administrative, puisque la philosophie qui sous-tend ce projet de loi est précisément de donner le pas à l'administratif sur le judiciaire. Or, en matière de respect des droits de l'homme, cela ne me paraît pas être un bon choix.
Confiscation de passeports ? Administratif ! Décision de non-renouvellement de la carte de dix ans en cas de menace à l'encontre de l'ordre public ? Administratif, cette menace étant laissée à l'appréciation de l'administration, sans aucune possibilité de recours judiciaire.
Il en va de même pour les régularisations de clandestins vivant en France depuis plus de quinze ans ! Eux aussi sont soumis à l'appréciation vague, mais définitive, de la menace à l'ordre public.
Même chose pour la décision administrative de retirer, la carte de séjour à toute personne qui emploierait un étranger en situation irrégulière, quel que soit le cas de figure. Il y a là une confusion totale entre le négrier et l'employeur occasionnel. Pas de moyen de se défendre, même si l'intéressé emploie pour garder des enfants une étudiante étrangère, qui ne peut travailler et fait du baby-sitting pour arrondir la bourse, de son pays que souvent elle a du mal à percevoir.
M. Emmanuel Hamel. Parlez français !
Mme Joëlle Dusseau. Baby-sitting est dans le dictionnaire, mon cher collègue.
M. Emmanuel Hamel. C'est très regrettable !
Mme Joëlle Dusseau. Baby-sitting y figure, mais pas le terme de sénatrice, hélas ! et à mon grand regret !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ce n'est pas l'objet du débat !
Mme Joëlle Dusseau. La semaine dernière, en deuxième lecture, nous avons discuté du projet de loi sur le travail clandestin. Le rapprochement est impressionnant, les apparentements, si je puis dire, sont terribles.
D'un côté, on multiplie les signes en direction du patronat pour l'apaiser, ce fut tout le débat sur le mot « sciemment ». S'ils ne déclarent pas leurs salariés, peut-être les employeurs ne sont-ils pas vraiment au courant de cette obligation. Il faut donc ajouter le terme « sciemment ».
Même chose avec les restrictions portant sur les documents comptables, qui sont exclus du texte.
Même chose pour les ruptures de contrat par les collectivités locales.
Et aujourd'hui, en deuxième lecture, nous délibérons d'un projet de loi sur l'immigration, d'un projet de loi qui prévoit le retrait des cartes de séjour par décision administrative et non pas judiciaire.
Monsieur le ministre, par ailleurs, vous maintenez aussi le fichier centralisé, mémorisé des empreintes digitales de tous ceux qui demandent un titre de séjour. Contrairement à ce qui a été dit en première lecture, vous le savez très bien, il n'existe de fichier centralisé de ce type qu'en matière de police judiciaire, puisque les autres empreintes digitales ne sont ni mémorisées ni centralisées.
Tout le monde sent bien à quel point la seule lecture d'une telle décision tend à l'assimilation entre tout demandeur d'un séjour sur notre territoire - quel que soit le motif de ce séjour - et un délinquant ou un criminel.
Comment voulez-vous que cela ne pèse pas sur les mentalités de ceux qui font ce fichier, de ceux qui savent qu'il existe et de ceux qui le subissent ?
Est-ce bien le moment de faire peser un soupçon sur celui qui demande à faire un séjour en France ? Soupçon de mensonge, puisqu'il dit qu'il vient en court séjour en France et qu'on le soupçonne de vouloir, en réalité, rester sans le dire. Soupçon de délit ou de crime, puisque le seul autre fichier de ce type est celui de la police judiciaire.
Monsieur le ministre, la France est le pays des droits de l'homme, mais elle est aussi celui d'une tradition moins noble, qui va du père Joseph à M. Pasqua en passant par Fouché.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ils ont servi la France !
Mme Joëlle Dusseau. Dans les propos initiaux qui annonçaient votre projet de loi, on avait l'impression que vous vous référiez à la première de ces traditions.
Passons sur l'épisode attristant de la première lecture de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, où nous avons assisté, de la part de votre majorité, à une sorte de frénésie lepéniste !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Et à l'absence du parti socialiste !
Mme Joëlle Dusseau. Le texte a été corrigé « à gauche » - si je puis dire - par le Sénat, en première lecture. On aura tout vu ! Quoi qu'il en soit, j'en félicite mes collègues. Et ce texte est loin des objectifs que vous affichiez. (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame.)
C'est de la deuxième tradition, monsieur le ministre, celle de la droite dure, que, visiblement, vous vous inspirez.
Votre cible, disiez-vous, était de parvenir à une immigration irrégulière « zéro ». C'était, aussi, de réussir l'intégration pour les autres.
Un examen approfondi du texte montre que nous sommes loin du compte. La cible est sans doute claire, mais les armes juridiques sont d'une efficacité douteuse, quand elles ne mettent pas directement en cause les libertés publiques ou l'intégration que vous prétendez rechercher, et ce au nom de la répression que vous mettez en place.
Ce qui a été réduit, depuis un certain nombre d'années, c'est l'immigration régulière. Le nombre des rapprochements familiaux a été réduit, il a été divisé par deux en cinq ans. Le nombre de réfugiés politiques a été réduit. Par ailleurs, 85 % des demandes d'asile politique ont été refusées en 1995. Le pourcentage des étudiants a été diminué d'un tiers depuis 1991, ce qui est une erreur fondamentale pour le rayonnement politique et économique de la France. Quant aux travailleurs non européens qui sont entrés en immigration régulière, ils sont au nombre de 5 000 seulement en 1995, et il s'agit pour 40 % d'entre eux de techniciens et de cadres.
Cette baisse de l'immigration régulière, qui est en grande partie liée aux lois de 1993, s'est faite au prix de la multiplication des pratiques expéditives et de la transformation de milliers d'étrangers en sans-papiers.
Ces pratiques expéditives ou administratives, votre projet de loi les développe. Ces milliers de sans-papiers, ni expulsables, ni régularisables, vous ne réglez qu'imparfaitement leur sort, donnant aux uns un permis d'un an, laissant dans une impasse juridique les parents d'enfants nés en France et les enfants mineurs entrés en France après l'âge de dix ans.
Monsieur le ministre, « l'image de la vraie France est celle que s'en font les étrangers qui l'aiment ». Cette belle phrase n'est pas de moi, hélas ! elle est de Malraux.
Au moment où vous allez vous prononcer, où nous allons discuter et voter sur une série d'amendements qui sont la dernière chance pour que cette loi soit à la fois efficace, humaine et respectueuse des droits de chacun, nous devons tous l'avoir en mémoire.
L'image de la vraie France est celle que s'en font les étrangers qui l'aiment. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré un titre censé traduire un caractère purement technique, ce projet de loi est devenu un enjeu de politique intérieure : pétitions, manifestations, références indécentes aux pires heures de notre histoire, appel à la désobéissance civile, tout a été tenté pour nous empêcher de débattre sur le fond de ce sujet capital pour notre pays.
D'ailleurs, c'est devenu une habitude, tout est bon pour esquiver le débat. La méthode est toujours la même, elle utilise deux leviers : d'abord, la disqualification de l'opposant par l'anathème.
Vous refusez une régularisation de sans-papiers entrés illégalement, vous êtes un sans-coeur.
Vous voulez lutter contre l'immigration illégale, vous êtes xénophobe.
Vous demandez que l'on prenne les empreintes digitales des demandeurs de visas, vous êtes bien évidemment contre la dignité de l'homme alors que personne ne s'étonne que l'on relève les empreintes d'un Français pour lui délivrer une carte d'identité.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Bernard Plasait. On lance des anathèmes, on diabolise, on excommunie, c'est facile et - avantage considérable - cela dispense de connaître son sujet.
Le deuxième levier, c'est l'émotion créée par l'image. Une caméra bien placée, une photo choc pour attirer la compassion, et le tour est joué, le débat sur le fond est esquivé.
L'efficacité est d'autant plus grande que les détresses qui nous sont présentées sont, bien sûr, souvent réelles et ne peuvent pas ne pas émouvoir. Il faut régler les situations individuelles douloureuses ; il faut surtout éviter qu'elles ne se reproduisent.
Focaliser sur les droits individuels en oubliant les intérêts collectifs est en réalité humain, compréhensible, mais c'est irresponsable.
C'est ainsi que certains s'abritent derrière les droits de l'homme pour défendre l'ouverture des frontières en toute irresponsabilité, sans aucune considération pour les conséquences, pourtant prévisibles.
L'avalanche de bons sentiments tient lieu d'argument définitif. Mais émotion n'est pas raison.
Les Français ne s'y sont pas trompés, et tous les sondages concordent : près des deux tiers de nos compatriotes approuvent, en effet, la détermination du Gouvernement à lutter efficacement contre l'immigration clandestine.
Si nous sommes nombreux dans cette enceinte à soutenir votre texte, monsieur le ministre, c'est parce que nous refusons ce terrorisme moraliste...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Bernard Plasait. ... et parce que nous ressentons profondément que parler de l'immigration, c'est parler de la France.
Je sais - mais cela peut paraître désuet à certains - que les Français restent très attachés à la patrie, à l'appartenance nationale, à l'identité française. S'agit-il pour autant d'une hostilité à l'étranger, d'un refus de l'idée d'immigration ? Bien sûr que non !
La France est un pays d'accueil qui doit beaucoup à l'immigration. Mais elle constitue une nation tout à fait originale, dans laquelle se fondent, en y adhérant volontairement, tous ceux qui la rejoignent.
« Une nation est une âme, un principe spirituel » disait Renan et Malraux ajoutait : « C'est une communauté de rêves. »
Or, aujourd'hui, ce qui nous inquiète, mes chers collègues, c'est que cette conception de la nation française est contestée et menacée.
Elle est contestée par les défenseurs du droit à la différence qui ont de cette question une vision dévoyée par rapport à notre tradition.
Si le droit à la différence est l'épanouissement de coutumes, de folklore, de traditions culturelles, il est non seulement acceptable, mais également souhaitable parce qu'il enrichit la nation en permettant la coexistence harmonieuse de Français d'origines diverses.
En revanche, le droit à la différence ne peut autoriser la polygamie, l'excision ou le refus d'apprendre le français. Comme le dit Lionel Stoleru : « Oui à l'épanouissement de racines culturelles. Non à tout particularisme qui prétendrait prévaloir sur le droit républicain. »
Plus encore, notre conception de la nation française est menacée par le communautarisme.
C'est un jeune français issu de l'immigration, Rachid Kaci, qui écrivait récemment : « La France s'enfonce vers un modèle anglo-saxon de cloisonnement communautaire des populations. » Et il ajoutait : « Auparavant, l'immigré adoptait les valeurs de la France, son pays d'accueil. Aujourd'hui, cultiver sa différence en l'érigeant en véritable identité est devenu le précepte dominant. »
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Bernard Plasait. Ainsi s'efface peu à peu le modèle français de la nation au profit d'un modèle de type libanais qui juxtapose et, hélas ! finit par opposer des communautés différentes.
Tout cela montre bien que le maintien de la cohésion nationale passe par une politique de l'immigration qui doit bénéficier d'un large consensus des Français. Cette politique doit se fonder sur l'intégration.
Je souhaite dire à M. Badinter que les propos qu'il a tenus tout à l'heure m'ont choqué, parce qu'ils sont procès d'intention et amalgame.
Quand j'ai lu le dernier livre de Jean-Claude Barreau, j'y ai trouvé l'histoire si émouvante du petit juif de Vilna qui recevait des pierres et à qui sa mère disait : « Ne pleure pas mon fils, un jour tu seras ambassadeur de France. » Il ne devint pas ambassadeur mais consul, et deux fois prix Goncourt, sous deux noms différents dont une fois sous celui de Romain Gary.
Eh bien ! Monsieur Badinter, je ne peux pas raconter cette histoire sans émotion ! C'est parce que je voudrais que la France soit toujours capable d'accueillir dignement ses fils futurs que je crois nécessaire une politique d'immigration responsable, une politique qui permette, qui facilite, et non qui empêche l'intégration.
Permettez-moi de lire un texte, qui me paraît intéressant pour tout le monde.
« On a oublié surtout par quoi se définit l'identité nationale française.
« Or, il faut comprendre une chose essentielle : la France peut continuer à tirer fierté de son exceptionnalité laïque et républicaine, et de son droit du sol, mais à la condition seulement d'imposer l'intégration. Dix livres et cent éditoriaux paraissent chaque mois sur la question. Aucun, jusqu'à maintenant, ne m'a paru cerner cette évidence, à savoir que si le droit du sang peut s'accommoder de l'existence des communautés non nationales, le droit du sol, lui, ne peut s'accommoder que de l'intégration des individus dans la nation. Si tous les enfants d'étrangers que le hasard fait naître sur notre sol deviennent français sans que l'école fasse d'eux des citoyens, alors la nation ne deviendra plus qu'une juxtaposition de communautés, c'est-à-dire qu'elle sera condamnée à disparaître. »
M. Louis Boyer. Très bien !
M. Bernard Plasait. De qui est ce texte ? D'un esprit faible séduit par des thèses extrémistes ? Pas du tout ! C'est Jean Daniel qui écrivait récemment ces choses fortes. C'est donc un intellectuel de gauche qui nous dit que la politique d'immigration dont la France a besoin n'est ni celle des frontières ouvertes ni celle du retour des immigrés régulièrement installés, mais celle d'une maîtrise des flux migratoires.
Notre politique d'immigration doit être proportionnelle à notre capacité d'absorption. La priorité est à l'intégration des immigrés déjà régulièrement installés chez nous. C'est la condition première de la perpétuation de la nation française et, au bout du compte, la seule véritable garantie, me semble-t-il, du respect des droits de l'homme, non seulement aujourd'hui, mais également dans l'avenir.
Quand le « seuil de tolérance » est atteint, quand la capacité d'absorption est dépassée, toute immigration supplémentaire, surtout clandestine, exerce ses effets au détriment des Français les plus modestes, mais aussi des étrangers déjà régulièrement présents sur notre sol.
La dignité de l'homme ne peut s'accommoder de la clandestinité, qui ne profite, la nuit, qu'aux marchands de sommeil, et, le jour, à des exploiteurs sans vergogne, dans des ateliers sans droit ni loi.
Aux jeunes, si heureusement attachés à la tolérance et à l'ouverture et qui expriment si fortement l'exigence morale, il faut montrer que l'angélisme conduit tout droit à l'enfer.
Confondre humanisme et laxisme, c'est accepter un engrenage pervers qui fabrique des clandestins et du racisme.
Confondre générosité et faiblesse, c'est commettre, au nom du coeur, un péché contre nous-mêmes, contre les immigrés, contre les plus vulnérables.
En vérité, pour nous, les droits de l'homme sont non pas un slogan que l'on scande à tout propos, mais une exigence absolue pour aujourd'hui et pour demain. Notre différence avec les porteurs de pancartes, c'est que nous ne refusons pas de voir la réalité en face. Le choix est entre la guerre des communautés et la paix civile dans la nation, entre la dignité de ceux qui vivent sur notre sol et une nouvelle forme d'esclavage acceptée, voire favorisée - ô paradoxe ! - au nom des droits de l'homme.
En niant les problèmes, de bonne ou de mauvaise foi, on fait le jeu des extrêmes.
Si nous voulons voir se perpétuer la nation française, encore une fois indissolublement liée au respect réel des droits de l'homme, il nous faut réclamer à l'Etat qu'il accomplisse son devoir.
Il n'y a pas de cité sans loi. Il n'y a pas de gouvernement sans capacité à faire respecter les lois. « Proclamer, dans un Etat de droit, que l'on ne respectera pas la loi, c'est semer la violence contre la République », dit Me Francis Spizner.
L'appel à la désobéissance civique ne peut être accepté, surtout quand il est lancé par des juges, ou alors l'Etat n'existe plus.
Dans l'actualité pleine de bruit et de fureur que nous vivons, le Gouvernement a tenu bon. En dépit de quelques modifications techniques nécessaires, le processus parlementaire a suivi son cours normal, trouvant aujourd'hui son aboutissement au Sénat.
Je tiens ici à rendre hommage au remarquable travail accompli par la commission des lois, sous l'autorité de son président, M. Jacques Larché, et de son rapporteur, M. Paul Masson, dont la compétence et la sagesse ont imprégné les propositions et dont j'ai beaucoup apprécié tout à l'heure les remarquables interventions.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, est équilibré s'agissant des droits de l'individu et du devoir de l'Etat, qui doit préserver les intérêts collectifs. Je le voterai sans réserve.
Après l'émotion, le tumulte de la rue, après le travail du Gouvernement, après les travaux du Parlement, l'essentiel est que soient satisfaites les attentes légitimes des Français sur un sujet aussi important.
En démocratie, le premier mot est au peuple ; c'est lui qui désigne ses représentants pour faire la loi et gouverner. Le peuple doit aussi avoir le dernier mot.
Monsieur le ministre, vous allez disposer des moyens juridiques nécessaires à la politique d'immigration ferme et courageuse dont notre pays a besoin. Ce sera votre victoire, n'en déplaise à M. Badinter ! (Exclamations sur les travées socialistes. - Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Triste conclusion !
M. Louis Boyer. Elle en vaut bien une autre !
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Alors que nous débattons en deuxième lecture de votre projet de loi, monsieur le ministre, 70 % de nos concitoyens restent favorables, à ses dispositions. Ce pourcentage n'est pas uniquement le résultat de sondages ou d'enquêtes d'opinion auxquelles je ne crois guère et qu'il faut manier avec précaution ; il provient des pétitions et des consultations que les élus de la majorité présidentielle ont menées sur le terrain, notamment auprès des habitants de la Seine-Saint-Denis, département où je suis élu. Je puis vous assurer que nous ne cessons d'être contactés par les Séquano-Dyonisiens, qui manifestent leur volonté de voir ce texte adopté.
L'appel à la désobéissance et à l'abandon du projet de loi lancé par quelques milliers de pétitionnaires - dans la plupart des cas, ils n'en connaissent même pas le contenu - soutenus par la gauche, révèle l'ampleur du décalage avec l'opinion.
Malgré des campagnes de presse répétées, relayées par des associations et par certains parlementaires socialistes et communistes, la manifestation de dimanche dernier n'a pas obtenu, une fois de plus, le succès escompté. La situation est claire : les Français reconnaissent la nécessité de voter et d'appliquer des mesures pour lutter contre l'immigration clandestine. Ils savent que cette immigration porte un préjudice énorme aux étrangers réguliers. Ils ont bien compris également qu'elle représente un danger pour la cohésion sociale, pour l'emploi et pour l'identité nationale.
M. René-Pierre Signé ! Ce n'est pas vrai !
M. Louis Boyer. Si c'est vrai !
M. Christian Demuynck. Je souhaite aujourd'hui condamner tous les excès de langage qui ont gravité autour de ce projet de loi.
Au travers de leurs interviews, dans la presse, dans les débats au Sénat et à l'Assemblée nationale, certains parlementaires de gauche ont tenté de pratiquer l'amalgame - nous en avons eu la démonstration voilà quelques instants - entre immigrés clandestins et étrangers en situation régulière.
De ce fait, ils ont voulu mener une campagne de désinformation pour susciter l'incompréhension et la crainte de certains de nos concitoyens. Pire encore, certains élus de gauche se sont permis de comparer l'esprit de la loi Debré à celui des lois de Vichy. Leur attitude dépasse gravement les limites de la correction politique. Les Français s'en souviendront. Ils ont été choqués par de tels propos, qui sont une insulte pour notre pays, pour notre histoire et pour les victimes du nazisme. (M. Signé proteste.)
M. Philippe François. Parfaitement !
M. Christian Demuynck. Face à ces provocations, le Gouvernement a su faire preuve d'une grande sagesse et expliquer aux Français ses intentions dans un souci d'équité et d'équilibre social.
Comme nous l'avons maintes fois rappelé lors des débats en première lecture, sur de nombreux points, la législation de notre pays reste beaucoup plus souple et généreuse que celle de nos partenaires européens : c'est le cas pour l'accès aux prestations familiales ou encore pour les regroupements familiaux.
La majorité comprend bien la stratégie des socialistes qui, à la veille de chaque grande échéance électorale, multiplient les manipulations pour tenter de faire remonter le Front national. (Protestations sur les travées socialistes.) C'est leur objectif pour 1998 en agitant les esprits pour essayer de déplacer une partie de l'électorat français vers l'extrême-droite puis pour s'en servir comme épouvantail et ramener à eux l'autre partie des électeurs. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Philippe François. Exactement !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est la vérité !
M. Christian Demuynck. La gauche qui s'est réveillée tardivement dans les débats parlementaires n'a pas, c'est le moins que l'on puisse dire, fait preuve d'une grande cohérence dans ses prises de position.
M. Philippe François. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Christian Demuynck. Elle a révélé ses contradictions et ses divisions. Entre ceux qui envisagent des régularisations massives, ceux qui veulent adopter le système des quotas, ceux qui souhaitent l'abandon de tout le projet de loi, ceux qui n'ont parlé que des certificats d'hébergement en se gardant bien d'évoquer les autres articles, il y a de quoi s'y perdre.
On comprend bien l'embarras et le silence de certains de ces élus qui, dans leur for intérieur, savent que les dispositions de la loi Debré sont une nécessité, même s'ils n'osent l'avouer et préfèrent se retrancher derrière la facilité des discours démagogiques. En effet, c'est sous la gauche, en 1982, que les conditions des certificats d'hébergement ont été décidées.
M. Guy Allouche. Il n'y avait pas de délation !
M. Christian Demuynck. Dans ces débats, il faut savoir rester réaliste et ne pas occulter le fond des problèmes.
Les immigrés en situation clandestine vivent souvent un véritable calvaire. Ils sont généralement exploités par des réseaux de travailleurs clandestins, quand ils ne s'engagent pas dans les trafics de stupéfiants ou dans la délinquance pour assumer leurs propres moyens de subsistance. Les clandestins sont les premières victimes de leur situation. C'est également notre société dans son entier qui doit en supporter la charge économique et sociale. Enfin, ce sont les étrangers régulièrement installés sur notre sol qui pâtissent de leur présence.
Quoi de plus louable qu'un texte de lutte contre l'immigration clandestine à la fois équilibré et juste qui apporte des solutions pour les étrangers qui ne peuvent être expulsés pour des raisons d'ordre personnel ou familial, un texte qui contribuera à une meilleure intégration des étrangers en situation régulière ?
La question des certificats d'hébergement a concentré une grande part des discussions. Dans les départements sensibles des banlieues comme la Seine-Saint-Denis, les maires savent, et ce serait fermer les yeux que de ne pas l'admettre, que ces certificats donnent lieu à un véritable trafic. Il existe des hébergeants factices qui fournissent des documents de complaisance pour que les candidats clandestins obtiennent un visa.
Il est quelque peu regrettable que l'on ait pu mettre en doute la capacité des maires à délivrer les certificats. Souvent, ils sont les mieux placés pour connaître les cas de fraude et pour apprécier les conditions d'hébergement. Gageons que les préfets auront les moyens de traiter les demandes de certificats et que les maires pourront être autant que possible sollicités pour donner leur avis.
La publication, voilà une quinzaine de jours, du rapport annuel de la direction de la population et des migrations met en évidence une nouvelle baisse de l'immigration régulière et permanente en 1995. En 1993, on dénombrait plus de 116 000 arrivées régulières contre 68 000 en 1995. Cette tendance est également un facteur de meilleure intégration de la population étrangère sur notre sol.
Si les Français souhaitent, dans leur majorité, que l'on tende vers une immigration irrégulière zéro, ils restent également sensibles à ce que l'ensemble des flux migratoires vers notre pays respecte une limite raisonnable.
Ce raisonnement n'est pas propre à la France. Toutes les démocraties occidentales sont préoccupées par l'immigration, qu'elle soit régulière ou clandestine. Le phénomène de sous-dévelopement doit nous amener à soutenir nos efforts en direction des pays d'émigration et à multiplier les expériences locales par une coopération de proximité. Car il n'y aura pas de lutte efficace contre l'immigration clandestine sans un accroissement de l'aide au développement.
Le projet de loi que nous allons voter tombe à point nommé. Il correspond à une nécessité sociale dans un contexte international en pleine évolution. Enfin, il complète utilement les carences de la loi de 1993, que les événements de l'église Saint-Bernard de cet été avaient révélées.
Cette avancée dans la lutte contre l'immigration clandestine rendra service à notre pays. Elle rendra service aux candidats à la clandestinité eux-mêmes en les dissuadant de se lancer dans une aventure hasardeuse. Enfin, elle rendra service aux étrangers réguliers dont l'intégration est placée au rang des priorités du Gouvernement.
Oui, monsieur le ministre, les parlementaires de la majorité ne peuvent que saluer la clairvoyance et la détermination avec lesquelles vous avez présenté et défendu ce projet de loi.
Je suis persuadé que nous le voterons tous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rocard. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Rocard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de notre débat en première lecture voilà cinq semaines, débat où la vigueur de notre opposition, voire de notre indignation, avait laissé le Gouvernement de marbre, qui aurait pu prévoir le formidable mouvement d'émotion qui allait s'emparer de l'opinion de notre pays devant ce texte ?
Bien sûr, cinquante-neuf cinéastes, suivis de 120 000 pétitionnaires - et non pas quelques milliers, mon cher collègue Demuynck - accompagnés de plus de 100 000 manifestants à Paris le 22 février et plus de 30 000 le 25, auront contraint le Gouvernement à reculer sur l'article 1er, qui avait focalisé sur lui la révolte morale qui s'est si largement exprimée. C'est l'honneur de notre pays qu'il se soit trouvé autant de citoyens pour opposer un non absolu à ce qui était ressenti comme une obligation de délation.
Par l'appel à refuser de « se soumettre à des lois inhumaines » qu'ils ont lancé, les signataires qui sont aujourd'hui plusieurs centaines de milliers ont réaffirmé, avec une force de conviction que vous n'avez osé défier davantage, le fondement le plus précieux et le plus spécifique de l'identité de la France : l'attachement aux droits de l'homme.
J'avais espéré que les mêmes raisons qui ont conduit le Gouvernement à modifier l'article 1er, le conduiraient, dans la présentation finale de ses intentions, à plus de lucidité et de discrétion.
Tel n'est malheureusement pas le cas, monsieur le ministre. Le règlement de compte politique, emphatique et excessif jusqu'à en être, ici ou là, erroné par lequel vous venez d'ouvrir ce débat n'a pas honoré votre cause et ne va sûrement pas contribuer à l'apaisement des esprits ; ce n'était sans doute pas votre intention.
Quant à l'étrange réaction qui vous fait, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, rechercher si, dans la très douloureuse histoire de notre pays, il existe, sur le plan de la pure technique juridique de comparaison des lois et indépendamment du contexte historique, des précédents à une législation fondée sur le soupçon, je ne peux que l'attribuer au fait que, justement, vous sentez bien que le bât blesse.
Vous avez évoqué les convenances à ce sujet. C'était au moins ouvrir le débat sur le point de savoir où elles se situent. J'en serais presque à vous en remercier.
Monsieur le ministre, depuis août 1789, l'éthique sociale de la démocratie repose sur un principe auquel le philosophe Emmanuel Kant a donné une expression définitive dans cet impératif catégorique : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est valable pour tout le monde !
M. Michel Rocard. Si le pays a été saisi d'une émotion que le Premier ministre a lui-même saluée, c'est parce que des citoyens ont su faire entendre aux hommes politiques que nous sommes que, sur cet impératif catégorique, on ne pouvait transiger. C'est le grand acquis du débat soulevé par votre projet de loi.
C'est un acquis considérable, et s'il s'est fait contre vous, c'est parce que vous vous êtes obstiné à proposer un texte dont le Conseil d'Etat vous avait averti, dès octobre, qu'il portait atteinte aux libertés individuelles et à la vie privée. Ce faisant, vous avez choisi délibérément de désobéir à la loi fondamentale de la République, sachant parfaitement que le Conseil constitutionnel ne pourrait que vous censurer. Il est heureux pour la démocratie que ce soit d'abord la révolte morale d'une partie significative du peuple souverain qui vous ait obligé à vous soumettre, sur ce point, à la Constitution de la République. Mais cela juge éthiquement votre loi.
L'amendement Mazeaud, en effet, ne saurait suffire à rendre acceptable une loi qui demeure aussi inutile - tous les outils répressifs existaient déjà - aussi absurde et aussi inadaptée à la situation.
L'article 1er ne représentait qu'un aspect de ses dangers. Votre projet de loi est tout entier inacceptable parce qu'il repose sur la suspicion à l'égard de l'étranger. Dans l'esprit de l'impératif catégorique que je rappelais à l'instant, Kant affirmait « le droit qu'a un étranger, à son arrivée dans le territoire d'autrui, à ne pas y être traité en ennemi et le droit qu'a tout homme de se proposer comme membre de la société ». Ce droit essentiel de tout étranger, fût-il présumé « clandestin », le texte de loi que vous nous avez soumis le méconnaît, en vérité, en chacun de ses articles.
Le nouvel article 1er imposera, vous l'avez reconnu, un fichier national sur les dangers duquel je n'ai pas besoin d'insister car M. Badinter l'a fait excellemment voilà un instant.
Considérons l'article 4, celui-là même qui est censé régler quelques-unes de ces situations sans issues créées par les contradictions des lois précédentes.
Un millier peut-être des « sans-papiers » recevraient une carte de séjour temporaire d'un an. Pourquoi une carte d'un an seulement, monsieur le ministre, au terme duquel le problème se reposera, et non pas une carte de résident de dix ans alors même que toutes les personnes concernées sont inexpulsables selon l'article 25 de l'ordonnance de 1945 ?
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous m'apportiez réponse à une question précise : quelle sera la nature du titre de séjour qui sera accordé aux intéressés ? Sera-ce obligatoirement une carte temporaire « mention salarié » ? J'insiste sur ce point car, si les rares bénéficiaires de l'article 4 n'obtiennent pas de plein droit cette carte de séjour « salarié », on peut prédire, dès aujourd'hui, des conséquences pratiques désastreuses ! A quoi bon des papiers s'ils n'autorisent pas à travailler ? La carte « membre de famille » serait une solution trompeuse car elle nécessite un contrat de travail, et comment obtenir celui-ci quand on n'a pas l'autorisation de travailler ? J'aimerais être clairement rassuré sur ce point.
Autre exemple : le paragraphe 5° de ce même article prévoit que la carte de séjour temporaire sera délivrée à un père ou une mère d'un enfant français de moins de seize ans « à condition qu'il subvienne effectivement à ses besoins ».
Monsieur le ministre, reprenons nos esprits, soyons objectifs et regardons sans arrière-pensée : par définition, les personnes concernées qui demandent ce titre n'ont pas de titre de séjour et n'ont donc pas d'autorisation de travail ! Comment peuvent-elles être en possibilité de prouver qu'elles subviennent aux besoins de l'enfant ? Ne sommes-nous pas ici en pleine absurdité ?
L'article 25 de l'ordonnance de 1945 énonçait comme condition « qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ». Pourquoi rendre la situation totalement kafkaïenne ? Comment, en face d'un tel texte, l'étranger ne se sentirait-il pas traité en ennemi ? La seule solution politiquement efficace et éthiquement juste serait de faire ce que toutes les personnes raisonnables vous ont demandé, du collège des médiateurs au président Pierre Mazeaud : donner une carte de résident à toutes ces personnes qui ne sont pas expulsables et que les lois de 1993 ont privées de papiers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Michel Rocard. Le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, n'avez cessé de prétendre que ce projet de loi combattait l'immigration clandestine mais qu'il ne portait aucun tort à l'immigration régulière. Vous nous l'avez encore répété aujourd'hui au moins trois fois !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je vous ai donc convaincu ?
M. Michel Rocard. Pas du tout ! J'allais vous dire que je tiens cette argumentation pour un sophisme, et je vais entreprendre de vous le démontrer.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Vous ne me convaincrez pas !
M. Michel Rocard. Vous savez, aussi bien que nous tous, que si beaucoup de Français, hélas, désignent sans honte un homme comme « immigré » simplement d'après son apparence physique ou vestimentaire, aucun Français évidemment ne peut distinguer si l'étranger en question est régulier ou clandestin. De la sorte, à désigner le malheureux « clandestin » comme une grave menace, c'est en réalité de toute personne d'apparence étrangère - même dotée d'une carte d'identité française - que vous contribuez à faire le bouc émissaire de tous les problèmes de la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Comment pouvez-vous l'oublier : ceux qui font commerce de la xénophobie sont toujours gagnants ! M. Pasqua, en 1993, prétendait déjà qu'il fallait aggraver le caractère répressif des lois sur l'immigration pour lutter contre le Front national. Je vous le demande : avez-vous observé, depuis 1993, un recul du Front national, alors qu'il s'est emparé de quatre municipalités importantes ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous avez tout fait pour qu'il n'en soit pas ainsi !
M. Michel Rocard. Nous avons tout lieu de croire que votre loi aura le même effet. M. Mazeaud vous l'avait dit dès le début et Mme Simone Veil le répétait ce dimanche même : cette loi est totalement inutile ; il suffisait pour régulariser les quelques cas qu'elle veut bien prendre en compte - mais aussi ceux qu'elle oublie et qui doivent l'être - de recourir aux décrets et aux circulaires.
M. Claude Estier. Absolument !
M. Michel Rocard. Vous en avez le pouvoir, monsieur le ministre.
A centrer encore une fois le débat sur l'immigration, il y a fort à craindre que la loi Debré n'obtienne les mêmes résultats désastreux que les lois Pasqua : un renforcement des sentiments xénophobes et racistes que l'on veut combattre.
Notre collègue M. Demuynck évoquait à l'instant même à cette tribune le fait que nous nous servirions de ce débat pour faire monter le Front national.
M. Christian Demuynck. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est ce que vous avez fait !
M. Michel Rocard. Si c'est ce que vous craignez, il ne fallait pas faire de loi puisque vous disposez déjà des instruments répressifs nécessaires dans l'arsenal juridique français ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Le pire est que vous avez conservé l'article 4 bis introduit par la fraction extrémiste de votre majorité à l'Assemblée nationale en première lecture. Il est consacré à la seule immigration régulière et son but unique est de faire peser sur le renouvellement de la carte de résident de dix ans, jusque là automatique, la réserve d'une « menace à l'ordre public » dont l'appréciation est laissée discrétionnairement à l'administration. Cet article livre de facto toute l'immigration non européenne au soupçon et la déstabilise tout entière.
J'aimerais que vous m'expliquiez, monsieur le ministre, en quoi cet article 4 bis ne va pas au devant des voeux du Front national, dont les leaders n'hésitent pas à affirmer que leur but est de chasser tous les étrangers non occidentaux en refusant le renouvellement de leur carte de séjour !
M. Josselin de Rohan. Hier, c'était Vichy, aujourd'hui c'est le Front national !
M. Michel Rocard. Si le Front national - Dieu nous en garde ! - parvenait au pouvoir, l'article 4 bis de la loi qui portera votre nom lui permettrait de mettre son projet à exécution sans modification du droit : il suffirait d'instructions restrictives aux services de police. Cela ne peut pas, monsieur le ministre, vous laisser indifférent.
Le Président de la République, l'autre dimanche, mettait en garde contre l'« angélisme ».
M. Philippe François. Il avait raison !
M. Michel Rocard. En vérité, c'est vous qui vivez dans le rêve si vous vous aveuglez au point de ne pas voir la portée réelle de votre loi. En vérité, c'est nous qui sommes réalistes...
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est nouveau !
M. Michel Rocard. ... en vous rappelant qu'il n'y a qu'un seul chemin pour les démocrates : il s'agit de se tenir fermement accroché à un seul credo, celui du respect de l'autre, fût-il étranger, celui des droits de l'homme, fût-il « clandestin », selon ce mot terrible dont André Frossard - eh oui, André Frossard ! - écrivait en 1993, dans Le Figaro, qu'il ne supportait pas de le voir employé pour désigner un être humain.
Si nous voulons lutter sans angélisme mais avec réalisme et efficacité contre la xénophobie, nous devrions tous renoncer à utiliser l'expression « immigration clandestine ». Notre vie politique tout entière se rapprocherait d'un coup de l'impératif éthique de la démocratie.
Avez-vous conscience, mes chers collègues, de ce qu'est devenue l'image de la France à l'étranger depuis que nous avons fait semblant de penser que l'immigration était un danger pour la France, imposant toujours plus de lois répressives ?
M. Philippe François. Elle commence à être respectée !
M. Michel Rocard. Je voudrais revenir ici sur la résolution du Parlement européen, qui a été si mal reçue par les plus hautes autorités de l'Etat.
M. Josselin de Rohan. Elles ont eu raison ! C'est nous qui décidons, et non le Parlement européen !
M. Emmanuel Hamel. Nous n'avons pas de leçons à recevoir du Parlement européen !
M. Michel Rocard. Voilà un texte de résolution, qui ne fait pas deux pages, qui rappelle diverses atteintes aux droits et à la dignité de la personne humaine commises dans divers pays de l'Union - quatre ou cinq en tout, mais principalement l'Allemagne et la France - et qui, dans son alinéa 4, « invite les gouvernements de l'Union à renoncer à toute politique susceptible de renforcer la haine raciale et la xénophobie, le gouvernement français à retirer le projet de loi Debré et le gouvernement allemand à annuler le décret sur le visa des mineurs ». Un point c'est tout, pour le dispositif.
M. Josselin de Rohan. C'est déjà beaucoup !
M. Michel Rocard. Le considérant F, qui vise la France, est une analyse - hélas ! objective - de votre projet de loi, monsieur le ministre, avant la modification de l'article 1er, et cette analyse ne comporte ni dénonciation ni qualification. Il s'agit simplement de l'énonciation de faits.
Mais les plus hautes autorités de l'Etat, vous compris, se sont permis de s'en prendre à cette résolution et au Parlement européen, qui l'a votée,...
M. Josselin de Rohan. Eh oui, elles se le sont permis !
M. Michel Rocard. ... dans des termes parfaitement inacceptables et que je ne souhaite pas rappeler ici pour notre dignité collective à tous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Ignore-t-on ici que notre pays, la France, est, au Conseil de l'Europe, signataire des conventions qui donnent compétence à la Cour européenne des droits de l'homme pour juger de ces matières ? Nous avons nous-mêmes décidé d'ouvrir cette compétence. Ignorez-vous surtout, monsieur le ministre, que la Cour de justice des Communautés, qui siège à Luxembourg, est compétente pour juger de la compatibilité de ce texte avec le droit européen ?
Avec cette résolution, le Parlement européen agit pleinement dans l'exercice de ses responsabilités. Il vous annonce ce qui risque fort d'arriver à votre loi dans l'avenir proche. En l'insultant, vous avez lourdement aggravé votre cas dans l'hypothèse de contentieux futurs. Car cette Cour n'est compétente que par la décision de la République française, qui a signé le traité lui accordant cette compétence. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Paul Masson, rapporteur. Pas du tout !
M. Michel Rocard. Vous n'avez pas aimé, monsieur le ministre, l'image que l'assemblée européenne vous renvoie de ce que vous faites.
Mais attention, ce qui est ici atteint dans sa dignité, ce n'est pas seulement un gouvernement de la République,...
M. Josselin de Rohan. Vous avez voté contre la France, voilà ce que vous avez fait !
M. Michel Rocard. J'ai voté contre une mauvaise loi et pour la dignité de mon pays !
... ce qui est ici atteint, c'est aussi la réputation même du pays, la France, qui a le plus fortement contribué à proclamer justement l'universalité des droits de l'homme, au nom desquels, principe français, le Parlement européen délibère et vote comme vous venez de l'entendre.
Mes chers collègues, cette loi est inutile, mais elle est aussi nuisible parce qu'elle égare les Français sur la réalité.
C'est notre devoir d'hommes politiques de redire sans relâche à nos concitoyens que l'immigration clandestine n'est pas un danger pour la France.
M. Josselin de Rohan. Vous, vous la légitimez !
M. Michel Rocard. Les chiffres sont, sur ce point, parfaitement convaincants, et nous devons les faire connaître.
L'immigration n'est aucunement une menace qui pèserait sur nous, et seuls les démagogues prétendent le contraire. Il n'y a pas plus de 100 000 étrangers se fixant régulièrement en France chaque année, alors que 60 000 à 80 000 en repartent dans le même temps. Et l'immigration irrégulière - vous le savez tous, nos services de police en ont fait état - ne dépasse guère 30 000 personnes par an. Il faut répéter que, pour un pays de près de 60 millions d'habitants, et qui reçoit environ 100 millions de visiteurs par an, il est pratiquement impossible de descendre plus bas !
M. Jean-Pierre Schosteck. Excusez du peu !
M. Josselin de Rohan. Vous légitimez l'immigration clandestine !
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'avez pas la parole, monsieur de Rohan.
M. Michel Rocard. Si problème il y a, pourtant, aux yeux de beaucoup de nos concitoyens, c'est parce qu'une partie importante des étrangers non européens vivant en France a été conduite à se concentrer dans les banlieues des grandes villes. A ce problème, votre loi n'apportera pas la moindre réponse. Il y faut une grande politique de la ville, une grande politique d'urbanisation et, surtout, une grande politique de l'emploi.
Monsieur le ministre, vous ne renoncerez pas à votre loi, je le sais bien.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Non !
M. Michel Rocard. Souvenez-vous, pourtant, que sa seule chance de passer à l'histoire, c'est d'avoir cristallisé contre elle un formidable réveil civique. (M. Christian Bonnet s'esclaffe.) Si vous aviez su l'entendre véritablement, vous auriez retiré votre texte. Alors, vous seriez vous-même passé à l'histoire de la République, du côté non de ce qui l'affaiblit mais de ce qui la renforce et la refonde. Je regrette qu'il n'en aille pas ainsi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, enfin, le Sénat va mettre un terme à plusieurs semaines de polémique stérile en adoptant un texte qui est en parfaite adéquation avec la situation existante.
Franchement, était-il nécessaire d'en arriver jusqu'à invoquer des ressemblances avec les lois vichystes pour véhiculer un message antidémocratique et contraire aux valeurs de la République, en appelant à la désobéissance civile ?
M. Pierre Fauchon. Très bien !
M. Jacques Bimbenet. Depuis un siècle, la France a accueilli plusieurs millions d'étrangers - Polonais, Grecs, Italiens, etc. - qui ont appris notre langue et, souvent, enrichi notre culture.
Pour ma part, j'ai été particulièrement choqué qu'une minorité de Français - en particulier quelques intellectuels - puisse s'arroger le droit de parler au nom de l'ensemble des citoyens et de juger ce projet de loi négativement, alors que, justement, la majorité des citoyens approuve ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Faut-il rappeler, en effet, que, selon le dernier sondage d'opinion effectué à cette occasion,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah ! les sondages !
M. Jacques Bimbenet. ... 69 % des Français soutiennent le Gouvernement dans sa politique de lutte contre l'immigration clandestine ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais pas 69 % d'électeurs !
M. Jacques Bimbenet. Il serait d'ailleurs intéressant de réaliser un même sondage auprès des étrangers en situation régulière. Je suis convaincu que la majorité d'entre eux penserait comme les Français de souche !
M. Jean-Luc Mélenchon. De quelle souche parlez-vous ?
M. Jacques Bimbenet. La démocratie offre, certes, à chacun la possibilité de faire part de ses convictions sur un projet de loi. Encore faut-il les exprimer sans dénaturer la pensée de ses auteurs !
M. Pierre Fauchon. Voilà !
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le ministre, vous déclariez devant nos collègues députés : « C'est au Parlement et nulle part ailleurs que doit se décider et que se décidera la politique d'immigration. » Je souscris à cette affirmation et j'ajoute que, si notre rôle est d'écrire la loi, qui est l'expression de la volonté populaire, alors notre rôle est d'adopter un texte auquel les deux tiers de nos concitoyens ont manifesté leur soutien !
Il est donc aujourd'hui grand temps de réaffirmer que la lutte contre l'immigration clandestine impose de procéder à des choix qu'il serait dangereux de remettre à demain, que ces choix s'effectuent dans le respect des valeurs républicaines et de la démocratie, et qu'en conséquence assimiler ces choix aux mesures prises lors des périodes les plus tristes de notre histoire relève de la malhonnêteté, du mensonge et de la diffamation !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Pierre Fauchon. Excellent !
M. Jacques Bimbenet. Je suis convaincu que le Sénat, dans sa traditionnelle sagesse, saura travailler dignement et permettre ainsi d'apaiser les tensions constatées jusqu'à présent.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Très bien !
M. Jacques Bimbenet. Le débat porte essentiellement sur les certificats d'hébergement. C'est ce point qui se trouve à l'origine de la plupart des critiques.
Monsieur le ministre, certains affirment que vous auriez reculé, en acceptant de souscrire aux propositions du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Mes chers collègues, fait-on grief au Gouvernement d'avoir laissé au Parlement le soin de jouer son rôle ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il était temps !
M. Jacques Bimbenet. Pour ma part, je ne considère pas que le ministre de l'intérieur ait cédé face au mouvement contestataire en donnant un avis favorable sur l'amendement présenté par M. Pierre Mazaud.
Il convient bien, au contraire, de souligner la bonne volonté dont le Gouvernement a fait preuve dans le traitement de ce dossier en acceptant le dialogue avec le Parlement et les élus locaux.
M. René Régnault. C'est un peu gros !
M. Jacques Bimbenet. Ainsi, ce sont plus particulièrement les maires qui, grâce aux travaux de l'Association des maires de France, ont provoqué la modification que j'approuve.
Je crois qu'il était en effet nécessaire de modifier l'article 1er relatif aux certificats d'hébergement,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il fallait le dire la dernière fois !
M. Jacques Bimbenet. ... non pas en ce qu'il appelait à la délation, car tel n'était pas le cas, mais plutôt parce qu'il se révélait techniquement difficile à mettre en oeuvre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah !
M. Jacques Bimbenet. La tâche que le Gouvernement souhaitait voir dévolue aux maires paraissait en effet exorbitante compte tenu des moyens nécessaires à son accomplissement.
Il me semble toutefois hautement souhaitable que les maires participent à la réalisation du fichier départemental d'hébergement en émettant un avis, et seulement un avis, sur les dossiers concernant leur commune, avant l'établissement des certificats.
En effet, remédier aux difficultés que risquait de rencontrer l'application de l'article 1er dans son ancienne version ne peut avoir pour conséquence d'empêcher tout contrôle des flux migratoires, et c'est la raison pour laquelle je me réjouis qu'un dispositif différent dans sa forme mais identique quant aux objectifs visés ait été voté par l'Assemblée nationale.
Pour ma part - et je sais que plusieurs de mes collègues partagent mon opinion -, je souhaiterais que l'adoption de l'article 1er permette ou précède la mise en place d'un système analogue à celui qui est utilisé aux Etats-Unis, où chaque étranger pénétrant sur le territoire se voit remettre, dans l'avion, un coupon à remplir sur deux parties.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Surtout ceux qui viennent du Mexique ! (Sourires.)
M. Jacques Bimbenet. La première partie, remise à l'entrée, dès le passage de la frontière, est destinée aux services de police, qui la conservent jusqu'à ce que l'étranger, en quittant le territoire, remette la deuxième partie du coupon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Tu parles !
M. Jacques Bimbenet. Ainsi, les services de l'immigration américains connaissent avec précision les étrangers présents sur leur territoire, toute entrée et toute sortie leur étant déclarées.
M. Jean-Luc Mélenchon. Tu parles !
M. Jacques Bimbenet. En ce moment même, ma belle-fille est dans ce cas.
J'entends aujourd'hui les adversaires de ce projet de loi revenir à l'attaque avec les fichiers. Mes chers collègues, des fichiers sont utilisés tous les jours et dans tous les domaines sans que cela choque quiconque ! Propriétaire d'un véhicule, je suis fiché à la préfecture ; électeur, je suis fiché à la mairie ; porteur d'une carte d'identité et d'un passeport, je suis fiché. Et je dois avouer que je n'arrive pas à trouver tout cela anormal !
En quoi l'existence de fichiers départementaux d'hébergés, gardés trois mois au plus, est-elle susceptible de constituer une atteinte aux libertés fondamentales, quand de surcroît ils seront soumis au contrôle de la CNIL ?
Si j'ai tenu à intervenir au cours de cette discussion, c'est aussi pour apporter mon soutien aux dispositions de l'article 10.
Cette mesure permettra en effet de prolonger les effets bénéfiques du projet de loi relatif à la lutte contre le travail illégal que nous avons adopté récemment.
M. Jean-Luc Mélenchon. Plaisanterie !
M. Jacques Bimbenet. Rappelons que l'emploi d'étrangers sans titre, outre les conséquences néfastes qu'il suscite en matière d'immigration clandestine stricto sensu , a également des effets graves sur le plan économique. Pour l'Etat, la perte financière liée au travail illégal a été estimée à 156 milliards de francs ! Or 25 % des cas de travail illégal sont le fait d'immigrés clandestins !
M. Michel Charasse. C'est plutôt le fait des patrons !
M. Jacques Bimbenet. En mars 1996, il y a maintenant un an, j'avais attiré l'attention de Mme le ministre délégué à l'emploi sur l'impérieuse nécessité de lutter contre l'emploi d'étrangers dépourvus de titre de séjour. J'avais alors reçu du Gouvernement l'assurance qu'il serait remédié à ces situations par la présentation d'un texte approprié.
Je suis donc particulièrement satisfait de constater que la réflexion du Gouvernement a été menée à son terme et qu'elle permettra la mise en oeuvre de moyens nouveaux et efficaces.
Je souhaite, monsieur le ministre, que, disposant désormais de nouveaux outils juridiques de lutte contre ce phénomène, vous puissiez, de concert avec M. le ministre du travail, coordonner les travaux de vos services respectifs afin de renforcer l'efficacité des actions menées à cet égard.
Pour ma part, je vois dans ce texte un moyen efficace de mettre un terme à l'immigration clandestine et c'est la raison pour laquelle j'y apporte mon soutien. Je précise que M. Henri Collard, qui devait intervenir mais qui a dû s'absenter, ainsi que la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen le soutiendront également. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Paul Raoult. Oh ! Il monte à la tribune sans papiers.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. On m'a dit de faire court !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne faut pas faire court !
M. Paul Raoult. Dommage ! On vous écoute toujours avec beaucoup d'intérêt !
M. Ivan Renar. Un peu de détente ne nous ferait pas de mal !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! (Sourires.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... l'immigration suscite deux tentations.
A gauche, ou dans une partie de la gauche...
M. Paul Raoult. Qu'en savez-vous ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... on espère que l'épouvantail du laxisme fera perdre à la majorité parlementaire une partie de son électorat, qui ira renforcer le Front national.
Cette politique a été pratiquée. Je n'ai ni vu ni entendu, mais M. Max Gallo, que vous ne pouvez contester...
M. Michel Charasse. Oh si !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous le contestez ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oh oui !
Mme Joëlle Dusseau. Précisément !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est pourtant quelqu'un de bien, et un historien...
M. Michel Charasse. Ça dépend des jours !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Oui, cela dépend des jours ! (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il dit : « J'ai vu et entendu ».
Mme Joëlle Dusseau. Ça, c'est fort !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. A droite, ou dans une partie de la droite,...
M. Paul Raoult. Ah oui ?
Mme Joëlle Dusseau. Quelle partie de la droite ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... dans une partie de la droite - vous l'identifierez (Sourires) - l'idée s'est répandue que des textes répressifs...
M. Daniel Hoeffel. « Répressifs », toujours !
M. Pierre Fauchon. Oui, toujours !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... permettraient à la droite parlementaire de retrouver l'électorat égaré.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui ! Les voix perdues...
M. Paul Raoult. Perdues au Front national !
M. Michel Charasse. Quel aveu !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce sont des petits futés ces gens de droite !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Cette tentation, monsieur Mélenchon, s'est infiltrée dans la gauche (Ah ! sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants) , ce qui explique la politique de rigueur pratiquée par M. Marchand.
M. Paul Masson, rapporteur. C'est une usine à gaz !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Non, ce n'est pas une usine à gaz, et le texte du Gouvernement se tient justement à l'écart de ces deux tentations.
M. Guy Allouche. Il est centriste quoi !
M. Emmanuel Hamel. Il faut résister à la tentation ! (Sourires.)
M. Paul Blanc. C'est toute notre fierté !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il résiste en effet à la tentation : il est équilibré, et le Sénat...
M. Paul Raoult. ... résistera à la tentation !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... a d'ailleurs favorisé cette résistance.
Mme Joëlle Dusseau. Ça, c'est vrai !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Dans ce travail de retour à l'harmonie, il convient, bien entendu, de saluer le talent du rapporteur et du président de la commission des lois. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Mme Joëlle Dusseau. Et le ministre ? N'oubliez pas le ministre !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ah ! mais je le réserve pour la fin, madame ! (Rires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Chaque brosse à reluire à son soulier ! (Rires.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il reluira par lui-même : il n'a pas besoin de mon aide, mais il est bien normal que ses amis au moins lui rendent justice.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Cependant, monsieur Dreyfus-Schmidt, à peine l'équilibre était-il rétabli par le Sénat qu'aussitôt le vent s'est levé et a soufflé en tempête par rafales successives...
M. Jean-Luc Mélenchon. Et concomitantes !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... et concomitantes, suivant les cas. (Sourires.)
Et qu'avons-nous vu et entendu ?...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le vent !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Le vent d'une grande manifestation !
Etait-elle réussie ? (Oui ! sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau. Elle l'était !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Oui, mes chers collègues, consolez-vous, elle l'était.
M. Guy Allouche. Merci !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Mais ce qui aurait dû vous inquiéter, c'est l'absence de mobilisation en province !
M. René Régnault. Et que faites-vous des deux tiers de l'opinion ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous avez prononcé de grands discours, bien ordonnancés et motivés,...
M. Michel Charasse. Brillants !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... mais hérissés d'aspérités...
M. Michel Charasse. Par le vent !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... par le vent sortant de vos bouches.
M. Badinter, M. Rocard, qui sont déjà partis, ...
M. Jean-Luc Mélenchon. Entraînés par le vent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils se sont excusés !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Très bien : je comprends qu'ils aient de l'appétit !
M. Michel Charasse. On leur racontera ! Ils regretteront de ne pas avoir été là !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Quoi qu'il en soit, ils ont mis leur talent, que je reconnais, au service de propos violents, d'excès verbaux... (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Si, et je vais vous le démontrer pour tenter de vous convaincre ou, en tout cas, pour faire pénétrer un peu de doute dans vos esprits.
M. Rocard a déclaré : j'ai honte de mon pays en ce moment. N'est-ce pas un peu excessif ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah ! ça dépend des fois !
M. Claude Estier. Pendant le régime de Vichy...
Mme Joëlle Dusseau. Et les Allemands, ne croyez-vous pas qu'ils avaient honte ?...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est une idée fixe !
M. René Régnault. C'est vous qui nous la rappelez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En ce moment, oui !
M. Paul Raoult. On n'a pas envie que cela recommence !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. A quelque moment que ce soit, un patriote n'a pas honte de son pays ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Même pendant Vichy ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ne confondons pas ! Vous ne pensez qu'à Vichy...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Hélas ! J'y pense beaucoup.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... et il y a en effet à cela quelque raison, mais, comme M. Badinter et vous-même, monsieur Dreyfus-Schmidt, l'avez dit, il faut comparer ce qui est comparable : avec la loi de M. Debré, personne n'est menacé de la « question » ou de condamnation à mort...
M. Daniel Hoeffel. Très bien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... comme dans le film sur Lucie Aubrac, et il n'y a pas, que je sache, de génocide !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Très bien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Comparons donc ce qui est comparable !
M. Badinter a prophétisé une « lepénisation » des esprits...
Mme Joëlle Dusseau. Il n'y a pas que lui !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... mais sans en préciser les contours. Il est peut-être parfois visionnaire, mais, en réalité, si vous observez bien, vous verrez qu'il y a d'abord une « lepénisation » de l'électorat de gauche !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non ! Pas de la gauche ! Regardez les résultats de dimanche !
M. Paul Raoult. Vraiment n'importe quoi !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Eh oui ! Nous ne sommes plus seuls à souffrir de la progression du Front national : vous en souffrez également, et ce n'est que justice.
Mme Joëlle Dusseau. Vous avez un sens étonnant de la justice !
M. Henri de Raincourt. Eh ! C'est l'arroseur arrosé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas violent ce que vous dites ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Qui y a-t-il de violent ?
M. le président. Monsieur Ceccaldi-Raynaud, ne vous laissez pas distraire par les interruptions de vos collègues !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Mais si, je préfère me laisser distraire si M. Dreyfus-Schmidt dit quelque chose qui mérite réponse, ne serait-ce que par considération pour sa valeur et par confraternité.
M. Félix Leyzour. Ne détournons pas le débat !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Oui, cela serait mauvais !
Après cette poussée de fièvre, après ces événements importants, après cette émotion collective que vous avez su créer, beaucoup s'interrogent sur le résultat...
M. Jean-Luc Mélenchon. Des élections !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. L'opinion remarque que la majorité a su écouter et résister.
Elle a su écouter : on lui a demandé de modifier l'article 1er, elle l'a fait.
Elle a su résister : on lui a demandé de retirer l'intégralité du texte, elle a dit « non », et, vous pouvez le constater, non c'est non ! (Sourires.)
Mme Joëlle Dusseau. Nous le constatons avec tristesse !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Quand on fait ce que l'on a dit, il n'y a pas repli stratégique, il n'y a pas défaite.
La défaite serait plutôt, excusez-moi, dans votre camp. Les socialistes, principalement, ont donné l'impression que l'appel à la désobéissance civique les plaçait dans l'embarras, car M. Jospin, qui a défilé à Toulouse a, chaque fois qu'il s'est exprimé, fait état par honnêteté intellectuelle de ses réserves et de ses doutes. Aussi les socialistes n'ont-ils pas pu danser avec la rue : d'abord la valse hésitation, ensuite le paso doble frénétique, enfin le tango corse immobile. (Sourires.)
Je crains, mes chers amis, que, pour vous, l'échelle de Jacob ne se soit renversée !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Très bien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous étiez en train de gravir péniblement - et allègrement - quelques échelons...
M. Michel Charasse. C'est contradictoire !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... dans le retour à la popularité. L'échelle s'est renversée, de sorte que plus on était haut, plus maintenant on est bas.
M. Paul Raoult. On verra en 1998 !
M. Claude Estier. Vous prenez vos désirs pour des réalités !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je parle de la minute actuelle : tout est provisoire et tout peut changer.
M. Claude Estier. Il n'y a que M. Ceccaldi-Raynaud qui ne change pas !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous tirons seulement les leçons de l'événement présent. Or, du haut des échelons que vous avez gravis, que voyez-vous maintenant ?
M. Jean-Jacques Hyest. Rien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous ne voyez plus les cimes, mais le vide béant des profondeurs de l'abîme !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Très bien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Mesdames, messieurs, les événements ont eu des effets négatifs pour l'ensemble des républicains...
Mme Joëlle Dusseau. A qui la faute ? A ce projet de loi !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. A ceux qui ont manifesté !
Mme Joëlle Dusseau. A ceux qui ont voté ce projet de loi. Pis, à ceux qui en ont aggravé les dispositions en première lecture !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Tout cela repose sur une idée fausse, vous l'avez démontré ; vous êtes les meilleurs avocats dans ce domaine - ...
M. le président. Monsieur Ceccaldi-Raynaud, vous n'étiez inscrit que pour dix minutes dans la discussion générale, or vous parlez depuis quinze minutes déjà.
M. Pierre Fauchon. Mais c'est bien ! On ne s'ennuie pas !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne lui enlevez pas l'échelle, monsieur le président !
M. Claude Estier. Il tomberait dans le « vide béant des profondeurs » !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je m'étais inscrit pour quinze minutes, monsieur le président. Me laissez-vous le temps de conclure ?
M. le président. Veuillez poursuivre.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je vous remercie, monsieur le président. Je disais...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que nous étions d'éminents avocats !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... que les professionnels de la communication avaient placé le problème de l'immigration au centre de la préoccupation des Français. Alors que votre projet était baptisé à l'onction de la modestie, ils en ont fait un événement à la dimension de leur propre renommée.
M. Michel Charasse. Cela, c'est fort !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Enfin, avec ces événements, vous avez également répandu dans les esprits la fausse idée que l'immigration est bien le phénomène responsable de toutes les difficultés du pays. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Plus grave encore de votre part, vous avez répandu dans la classe ouvrière, dans les masses populaires, un peu dans le « bloc central », pour parler comme Roger Garaudy,...
M. Michel Charasse. Belle référence !
M. Claude Estier. Au début c'était drôle, mais maintenant cela ne l'est plus !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vous qui citez Garaudy ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... l'idée que les souffrances de la classe populaire n'intéressaient pas au même degré les intellectuels, du moins dans l'actualité du moment, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela s'adresse au ministre !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... ce qui constitue une défaite pour vous et pour nous.
En revanche, je crois à un grand succès pour les deux camps républicains. Chacun a affiné sa doctrine : la nôtre est dans le texte. La majorité ne combat pas les immigrés, elle ne combat que la clandestinité.
Mme Joëlle Dusseau. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est faux : elle s'en prend à tous !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Elle obéit au Lévitique, elle obéit à l'Evangile de saint Matthieu, elle obéit aux droits de l'homme.
M. le président. Cette fois, veuillez conclure, monsieur Ceccaldi-Raynaud : vous empiétez sur le temps de parole de votre collègue M. Vasselle.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je vais donc être obligé de conclure, puisque M. le président m'y oblige...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! Vous avez le droit de parler !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... bien que j'aie été interrompu à de nombreuses reprises et qu'il n'en tienne pas compte.
M. Jean-Pierre Schosteck. Il faut jouer les arrêts de jeu !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. De votre côté, vous venez de définir, avec le rapport de Mme Adeline Hazan...
M. Claude Estier. Que vous n'avez pas lu !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... que je n'ai pas pu lire (Rires sur les travées socialistes) mais dont j'ai lu des extraits dans la presse, ce qui n'est même plus de l'angélisme lyrique : il ne manque rien à la panoplie de l'épouvante.
M. Jean-Luc Mélenchon. Oh !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Le vote des immigrés, que vous proposez à nouveau ? Encore un épouvantail pour le Front national ! J'espère en tout cas - et je conclurai sur ce point, que chacun se trouve maintenant sur sa colline...
M. Michel Charasse. Inspirée ! (Sourires.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... inspiré par son idéal et que le choix offert aux Français entre deux idéaux fera reculer ceux qui n'ont ni idéal ni valeurs. J'espère que les Français reconnaîtront...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les leurs !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ... et désigneront, à travers ce débat, l'ennemi national.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oh !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Mais je termine quand même, monsieur le président. Accordez-moi un quart de seconde !
M. Paul Raoult. C'est trop court !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Monsieur le ministre, vous avez tenu la barre d'une main ferme, vous l'avez tenue sur la nappe d'écume blanche, vous l'avez tenue dans le creux noir des vagues profondes.
M. Paul Raoult. C'est la danse du ventre !
M. Michel Charasse. Le vent, la tempête, ...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous vous estimions déjà comme ministre, mais, après tous ces événements, nous vous reconnaissons comme homme d'Etat ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur quelques travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez au paysan que je suis d'intervenir, fort de la citation de Montesquieu que nous a remise en mémoire M. Bonnet : c'est donc un paysan qui vous parle, c'est-à-dire quelqu'un qui n'a pas beaucoup d'instruction, mais qui va vous exposer les sentiments que lui inspire ce texte.
Que n'a-t-on pas entendu sur ce projet de loi depuis la première lecture ! Que d'amalgames avons-nous pu lire dans la presse !
La confusion acharnée entretenue par une certaine catégorie de personnes qui se croit largement plus intellectuelle que nos concitoyens en appelant à la désobéissance civique, la tentative de récupération entreprise par plusieurs partis de l'opposition n'ont pourtant pas trompé les Français. Preuve que les plus réfléchis ne sont pas ceux qui le croient !
Les pétitions, les manifestations et les protestations, toute cette cacophonie paraît aujourd'hui dérisoire. Sans remettre en cause leur légitimité, ces démarches à grand renfort de publicité ne sauraient se substituer à la démocratie parlementaire. Notre nation a besoin de règles, au premier rang desquelles doivent figurer les conditions d'accès à la nationalité, les conditions de séjour sur notre territoire et les droits et les devoirs qui y sont attachés.
Le Président de la République et le Premier ministre n'ont-ils pas affirmé, dès 1995, que les priorités françaises devaient être de garantir la sécurité, de maîtriser l'immigration et de favoriser l'emploi ?
Mais inutile d'aller plus avant sur ce point : les sondages - M. Bimbenet l'a dit tout à l'heure - ont démontré, si besoin en était, qu'une très grande majorité des Français soutiennent la réforme que vous avez engagée, monsieur le ministre ; je tiens à vous en féciliter et je vous demande de tenir bon !
L'objectif premier de ce projet de loi est bien de mieux lutter contre l'immigration irrégulière, et notamment contre les nouvelles filières mafieuses de plus en plus développées. Ainsi, l'aménagement de la procédure de délivrance du certificat d'hébergement doit contribuer à cette politique.
Initialement, ce certificat, exigible dans certains cas, au demeurant fort rares, d'un étranger en visite privée sur notre territoire prévoyait en particulier que l'hébergeant devait déclarer, sauf circonstances personnelles ou familiales, le départ de l'étranger de son domicile. Cette disposition a fait l'objet des plus aberrantes interprétations, alors même que sa portée réelle était détournée de sa propre finalité.
En effet, la capacité d'accueil des étrangers en France n'est en rien menacée. Ce que nous devons à tout prix rechercher est la meilleure intégration pour les étrangers entrés régulièrement sur notre territoire. Mais, pour y parvenir, nous devons combattre avec fermeté tout détournement de nos lois.
Notre pays connaît aujourd'hui une fracture sociale qui ne nous permet plus d'accueillir, comme diraient certains, « toute la misère du monde ». Or immigration clandestine rime malheureusement avec clandestinité, insécurité, troubles de l'ordre public et développement de la xénophobie. Ce n'est pas ce que les Français souhaitent, et ce n'est pas ce pour quoi nous avons été élus. Il nous faut donc agir efficacement et éviter toute dérive incontrôlable.
Est-il nécessaire de rappeler que la procédure du certificat d'hébergement remonte à un décret de 1982 pris par l'opposition actuelle, par ceux-là même qui feignent aujourd'hui l'indignation ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Il s'agissait de certificats de départ !
M. Alain Vasselle. Nombre d'entre nous connaissent bien le mécanisme, puisqu'ils visent eux-mêmes, conformément à la loi, en leur qualité de maire représentant de l'Etat, les demandes d'hébergement présentées par certains ressortissants de leur commune.
Certaines communes, très logiquement, allaient même au-delà et appliquaient le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, dans sa rédaction initiale, de leur propre chef, jusqu'à ces derniers jours.
M. Jean-Pierre Schosteck. A Strasbourg !
M. Alain Vasselle. Elles exigeaient ainsi une déclaration de fin d'hébergement.
Ainsi, j'ai sous les yeux un document qui porte la mention : « Attestation sur l'honneur de fin d'hébergement ». Ce courrier, adressé par le service dit « population » de la mairie à toutes les personnes qui ont sollicité un certificat d'hébergement, leur demande de bien vouloir retourner l'attestation jointe « dûment remplie et signée » en leur rappelant que toute situation irrégulière engagerait leur responsabilité.
L'attestation en elle-même devait comporter les mentions suivantes : le nom et l'adresse de l'hébergeant, le nom et la provenance de l'étranger hébergé, la durée du séjour chez l'hébergeant, la date de départ de l'étranger et, s'il y a lieu, le motif de non-venue de l'étranger.
Certains de nos collègues, maires, membres de l'opposition, souffrent-ils d'amnésie à ce point ?
Je voudrais rafraîchir quelque peu la mémoire de nos collègues communistes qui se disent totalement solidaires du groupe socialiste et qui veulent être exemplaires en matière de solidarité. Mais ils ne sont pas exemplaires dans leurs comportements et dans leurs discours et ils ne mettent pas en rapport leurs discours et leurs actes ! En effet, leur collègue Nicole Jambu, député-maire de Bagneux, déclarait le 26 février dernier, à l'Assemblée nationale : « Avec cet article 1er, on essaie de transformer les Français en délateurs... ». Elle se faisait ainsi l'écho des intellectuels, des artistes et des quelques élus de l'opposition qui manifestaient dans la rue en dénonçant ce soi-disant acte de délation, alors que circulait, dans le même temps, dans sa ville de Bagneux, un document - dont j'ai ici un exemplaire - envoyé à tous les habitants accueillant chez eux des étrangers et exigeant déjà la communication de la date de départ.
M. Claude Estier. C'est faux !
M. Alain Vasselle. Elle appliquait donc déjà, comme Mme Trautmann à Strasbourg, monsieur le ministre, votre projet de loi, avant même son examen en première lecture par le Parlement. Cela ne provoquait pas, à l'époque, lorsqu'elle est intervenue à l'Assemblée nationale, autant d'états d'âme que lorsqu'elle appliquait ce qu'elle exigeait de la part de nos concitoyens, tout du moins des habitants de la commune de Bagneux. Et cette attitude est la même à Strasbourg.
Mais venons-en au projet de loi lui-même.
L'article 1er tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale prévoit désormais le transfert au préfet du pouvoir de viser le certificat d'hébergement. La déclaration effectuée par l'hébergeant est, quant à elle, remplacée par la remise du certificat par la personne hébergée elle-même, au moment de sa sortie du territoire.
Cette solution répond à la nécessité absolue de contrôler les entrées, le séjour et le départ des étrangers, tout en évitant certaines dérives révélées à l'occasion des débats. L'Etat est ainsi confirmé dans sa fonction régalienne, c'est à lui en premier lieu qu'incombe le devoir de faire respecter les lois ; et le rôle dévolu à son représentant garantit l'égalité des citoyens en tout point du territoire, cela a été dit et rappelé.
Toutefois, vous me permettrez, monsieur le ministre, à titre tout à fait personnel, de douter quelque peu de l'efficacité de ce système si le maire est exclu du dispositif.
En effet, le préfet est trop éloigné des réalités locales ; il lui sera difficile d'avoir, seul, une connaissance précise des conditions d'hébergement des étrangers et des mouvements de population. Exclure le maire du dispositif, c'est se priver d'informations précieuses ; ne refaisons pas les erreurs que nous avons faites s'agissant du RMI !
A-t-on oublié que le maire est le représentant de l'Etat sur le territoire communal, et qu'en cette qualité il a les mêmes responsabilités que le préfet au plan local, et donc des devoirs ? Le maire doit être considéré comme un des maillons essentiels du dispositif. M. le rapporteur l'a souligné lui-même à juste raison.
Dans leur immense majorité, les maires accomplissaient cette mission dans le plus strict respect de la loi, bien que ne disposant pas des moyens juridiques suffisants et nécessaires au traitement efficace de ces questions. Ce n'est pas parce qu'une minorité d'entre eux n'applique pas ou applique mal la loi qu'il faut jeter le discrédit sur les 36 000 maires de France.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite vivement que le maire, qui est au coeur des réalités de la vie quotidienne de ses administrés, soit associé à l'ensemble du dispositif. Vous l'avez d'ailleurs évoqué dans votre déclaration initiale, et je ne doute pas qu'il trouvera sa place dans le dispositif réglementaire : on aurait peut-être pu penser, initialement, qu'il était possible de se passer de l'article 1er et de prévoir des dispositions réglementaires seulement. Vous avez cependant souhaité légiférer et je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez nous entendre.
L'autre point de ce texte sur lequel je souhaiterais revenir rapidement, en conclusion, concerne la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire à tous les étrangers entrés clandestinement et présents sur notre territoire depuis plus de quinze ans.
Après les vagues de régularisation du début des années quatre-vingt, on aurait pu croire que de tels cas n'existeraient plus et que l'immigration clandestine était véritablement contrôlée sur l'ensemble du territoire par les gouvernements successifs. Mais il n'en fut rien, il a fallu attendre les lois Pasqua pour engager une véritable politique de maîtrise de l'immigration.
J'ai déjà souligné, à l'occasion de la première lecture de ce texte, les inquiétudes que j'avais quant à cette disposition. J'ai été attentif à vos arguments, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur ; je ne vais donc pas m'attarder à nouveau sur ce point, mais je tiens à insister sur la nécessité d'une plus grande vigilance dans l'application de cette attribution de plein droit d'une carte de séjour temporaire. En effet, cette disposition ne doit pas se traduire par une forme d'incitation à tenir la durée nécessaire sur notre territoire en situation de clandestinité, afin de bénéficier ensuite de la régularisation quasi automatique. Ni nos concitoyens ni les étrangers établis régulièrement sur notre territoire ne comprendaient une telle faiblesse à l'égard des clandestins.
Je fais confiance à votre détermination et à votre célérité, monsieur le ministre, pour que toutes les mesures soient prises afin d'éviter de telles dérives.
Pour conclure brièvement, monsieur le président, permettez-moi de réaffirmer qu'une politique laxiste serait à tout point de vue totalement irresponsable.
D'abord et avant tout, les personnes séjournant régulièrement sur notre territoire seraient les premières victimes des amalgames provoqués par leurs prétendus amis, car elles se verraient confrontées de plus en plus à des difficultés d'intégration. Ensuite, il faut être obstiné pour ne pas comprendre qu'une telle politique n'aurait pour effet que de favoriser la progression des valeurs prônées par les partis extrémistes. L'opposition actuelle prétend combattre ce danger, mais elle a déjà largement contribué à favoriser la création de tels courants, et fait maintenant tout pour encourager leur développement.
Nous ne sommes pas dupes, et il faut que l'opinion publique sache quelle est la stratégie de l'opposition, sous couvert d'une grande générosité : cette dernière est purement politicienne. Elle vise à favoriser la montée du Front national, à affaiblir coûte que coûte la majorité actuelle, afin de s'assurer d'une majorité relative en 1998. Non pas par adhésion à leur politique, mais bien par défaut.
M. le président. Merci, monsieur Vasselle, de bien vouloir conclure !
M. Alain Vasselle. Nos concitoyens n'ont-ils pas déjà fait connaître leur rejet de telles préoccupations politiciennes et de toutes ces manoeuvres aux arrière-pensées électoralistes ? Je reste convaincu que les Français ne s'y tromperont pas.
Mes chers collègues, je ne doute pas que, majoritairement, tous derrière M. le ministre, nous approuverons l'ensemble des dispositions de ce texte.
Je veux souligner le travail remarquable accompli à la fois par M. le rapporteur et par l'ensemble des membres de la commission. Votre rôle en aura été facilité, monsieur le ministre.
Je vous le dis pour terminer, monsieur le ministre : restez ferme ; les Français, dans leur très grande majorité, vous en seront reconnaissants. Cette politique sera à l'honneur de notre pays et chacun ne pourra, à mon sens, que s'en féliciter à terme.
Sachez, en tout cas, que mon soutien vous est acquis, même si j'aurais souhaité que l'on aille un peu plus loin. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je souhaite d'abord répondre à MM. Masson, Larché et Vasselle, qui m'ont interrogé, à juste titre, sur la place et le rôle des maires dans la procédure des certificats d'hébergement.
Oui, le maire sera informé du visa des certificats d'hébergement. Le maire doit être associé à la procédure. Il doit donner son avis aux préfets. Cela ne fait aucun doute pour le Gouvernement : associer les maires est une nécessité.
Je consulterai d'ailleurs - je l'ai dit - l'Association des maires de France, lors de la rédaction du décret, pour mettre en place une articulation permettant aux maires de faire valoir au mieux leur connaissance du terrain. Je réponds ainsi aux préoccupations d'un grand nombre de sénateurs, notamment M. Delevoye.
Je veux remercier M. Ceccaldi-Raynaud, dont l'analyse politique est très pertinente, ainsi que MM. Demuynck, Vasselle et Bimbenet, dont les compétences - je l'ai constaté - vont bien au-delà du seul domaine des sapeurs-pompiers, sur lequel il intervient fréquemment.
Je veux remercier également M. Plasait, dont l'analyse rejoint la mienne.
En matière d'intégration, la meilleure garantie est, en premier lieu, l'affirmation forte de l'identité nationale, comme le soulignait récemment le président du haut conseil à l'intégration.
Monsieur Hyest, les moyens nécessaires seront affectés aux préfectures. D'ores et déjà, j'ai créé cinquante nouveaux postes dans les préfectures pour traiter les dossiers des étrangers. Je saisis l'occasion pour rendre hommage aux agents du cadre des préfectures, qui sont compétents, consciencieux, et qui appliquent la loi avec diligence.
M. Robert Badinter. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne dirai pas que de vous, j'accepte tout - ce serait une erreur - mais vous avez vous-même accepté que je vous interrompe, monsieur Badinter. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Badinter, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Robert Badinter. Monsieur le ministre, vous avez eu l'obligeance de me communiquer la pièce émanant de la mairie de Strasbourg que vous avez lue tout à l'heure.
Comme il convenait, nous avons interrogé les services de Mme Trautmann - C'est la règle du débat contradictoire. Voici la réponse que nous donne M. Philippe Biès, conseiller technique au cabinet de Mme le maire.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est lui qui avait signé le document, je crois !
M. Robert Badinter. Non, pas du tout. C'est M. Jean Winter, chef du service concernant l'accueil, la population, les mairies de quartier. M. Biès, lui, est membre du cabinet de Mme Trautmann.
Je rappelle que le document que vous m'avez communiqué, monsieur le ministre, s'il est signé, n'est pas daté.
Voici le texte de la lettre de M. Biès : « Suite aux déclarations du ministre de l'intérieur au Sénat concernant les modalités de délivrance des certificats d'hébergement par la mairie de Strasbourg, il convient d'apporter les éléments suivants.
« En 1987, la municipalité de Strasbourg, dirigée alors par le sénateur Marcel Rudloff » - je profite de l'occasion pour témoigner de l'amitié et de la considération que j'avais pour lui - « a mis en place, sur l'initiative du député Marc Reymann, UDF, qui était adjoint au maire et qui avait consulté le ministre de l'intérieur, Charles Pasqua, un certificat d'hébergement muni d'un talon à renvoyer après le départ de l'hébergé.
« Suite au changement de municipalité, en 1989, Catherine Trautmann a, dès qu'elle en a eu connaissance, mis fin à cette pratique.
« Pour mémoire, la municipalité de Strasbourg n'a pas de leçon à recevoir en matière d'immigration. Pour preuve, Catherine Trautmann a signé, le 1er mars dernier, avec le conseil consultatif des étrangers, une charte des résidents étrangers, qui constitue une véritable marque de reconnaissance de citoyenneté pour l'étranger résidant à Strasbourg. » (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je vous remercie de ces précisions, monsieur Badinter.
Je constate simplement que, sur l'exemplaire qui est en ma possession et que j'ai barré, figure la date « 1993 ». Mme Trautmann a été élue maire en 1989. Par conséquent, pendant plusieurs années, elle a appliqué le même système. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
S'agissant des statistiques sur les étudiants étrangers, monsieur Jacques Larché, je relève que le nombre des étudiants japonais qui viennent faire leurs études chez nous a augmenté de plus de 25 % de 1994 à aujourd'hui, ce qui est considérable. De manière générale, le nombre des étudiants originaires d'Asie qui ont choisi la France pour étudier est en augmentation de plus de 15 %. Ce désir des étudiants asiatiques est révélateur ; il montre l'influence de notre pays hors et loin de nos frontières.
Chaque année, nous accueillons 1 700 étudiants japonais, contre 1 000 étudiants algériens.
Le nombre des étudiants accueillis en France n'a cessé de croître depuis trois ans. Je me réjouis de voir qu'en 1995 nous avons accueilli sur le territoire français 35 000 étudiants, soit 1 % de plus que l'année précédente. Voilà, qui montre l'influence de notre pays !
En ce qui concerne le Parlement européen, je veux redire à M. Rocard - il doit le savoir - que sa compétence est définie par l'article K 6 du traité de l'Union européenne. Cet article ne lui donne pas vocation à s'occuper des affaires intérieures, hors le domaine de compétence de l'Union. Nous sommes donc légitimement fondés à légiférer en toute souveraineté et nous n'avons pas de leçon à recevoir du Parlement européen en ce domaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est la Cour européenne qui jugera !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. M. Rocard - je suis désolé qu'il ne soit pas là - se trompe de direction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il croyait que vous interviendriez à la reprise de la séance de ce soir !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. M. Rocard a été très présent lors de la première lecture du texte au Sénat. Son apport a été intéressant, même si nous ne l'avons pas toujours très bien compris ! (Sourires sur les travées du RPR.) Mais peu importe !
M. Rocard, disais-je, fait une erreur de diagnostic, en prétendant que l'immigration clandestine est minime en France. C'est faux, complètement faux.
L'actualité de tous les jours montre, malheureusement, la gravité de son erreur. J'en veux pour preuve ce qui s'est passé dans la seule journée du 4 mars dernier.
Premier exemple : note d'information de la DICCILEC du 4 mars.
Filière d'immigration du Ghana vers l'Europe sur la base de la falsification de passeports ghanéens : des vignettes de séjour sur des passeports sont décollées, envoyées à des Ghanéens au Ghana, utilisées pour immigrer en Europe et récupérées par leur titulaire. Temps du circuit : huit semaines environ.
Deuxième exemple : note d'information de la DICCILEC du 4 mars.
Filière d'immigration du Zaïre, sous le couvert de fausses déclarations de paternité et de faux jugements, dans le nord de la France.
Troisième exemple : note d'information de la DICCILEC du 4 mars, sur la pression migratoire marocaine à la frontière espagnole : « Les deux enclaves espagnoles, en territoire marocain, demeurent toujours le principal point d'entrée en Espagne et, par voie de conséquence, en Europe... En juin 1996, une manifestation de clandestins exigeant la régularisation de leur situation a connu des débordements. Le processus de régularisation, mis en oeuvre du 23 avril au 23 août 1996 par les autorités espagnoles, a entraîné, au contraire de l'effet escompté, une augmentation des flux vers ce pays. »
Quatrième exemple : le même jour, cinquante-trois personnes sont interpellées à Paris, à Lille et en Seine-Saint-Denis, lors du démantèlement d'une organisation mafieuse chinoise, qui assurait la venue en Europe de main d'oeuvre chinoise de la province du Zhejiang, au tarif de 100 000 francs par personne.
Voilà la réalité quotidienne, photographiée à travers un simple échantillon de notes de mes services ! Cela, ce n'est pas contestable.
M. Rocard a été aux affaires ; il ne peut pas avoir oublié la réalité ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Monsieur Bonnet, lorsque je lis les informations développées ici ou là sur le programme du parti socialiste, je ne peux, comme vous, manquer de m'inquiéter.
Bien sûr, me direz-vous, c'est un document de travail, et vous avez pris soin de ne pas l'arrêter avant ce débat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous l'avez lu ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mais tout de même, que relève-t-on ? Politique de régularisation ; abrogation des lois de 1993 et de la loi en cours de discussion ; abrogation des lois de 1993 sur la nationalité ; régularisation de tous les malades ; suppression de toute référence à l'ordre public dans la procédure d'instruction des demandes de titres de séjour ; suppression de la condition de régularité de l'entrée et du séjour pour l'attribution de la carte de dix ans ; référé avant tout éloignement ; médiation systématique en cas de refus de séjour ; gestion par les affaires sociales ; allocations familiales majorées pour les familles demeurant à l'étranger.
Voilà ce que j'ai lu ! Chacun prend ses responsabilités.
Moi, je n'adhère pas à cette politique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un scoop !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Non, mais au moins, ainsi, les choses sont claires !
Il y a deux politiques : celle que nous voulons, que nous mettons en place, qui est destinée à lutter contre les filières d'immigration illégale et contre le travail clandestin, par-delà les slogans et les incantations ; puis il y a la politique de ceux qui, en réalité, considèrent qu'il faut ouvrir la France à tout vent et ne plus rien contrôler. (Protestations sur les travées socialistes.) Eh bien, les Français jugeront, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Paul Raoult. C'est une caricature !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Voilà ce que je voulais dire.
Vous m'aviez demandé de ne pas aller au-delà de vingt heures, monsieur le président ; vous le voyez, je me suis conformé à votre souhait. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs au sein d'un organisme extraparlementaire.
En conséquence, j'invite la commission des affaires sociales à présenter deux candidats pour siéger au sein du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement.

11

DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES
À L'IMMIGRATION

Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Je rappelle que la discussion générale a été close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 1, présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 236, 1996-1997). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, auteur de la motion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, soutenir devant le Sénat, comme j'ai l'honneur de le faire au nom du groupe socialiste, une motion d'irrecevabilité consiste à exhorter les membres de la Haute Assemblée à ne pas désobéir à la loi suprême et à respecter la Constitution, ses dispositions diverses, les textes auxquels elle se réfère, c'est-à-dire la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les préambules des constitutions de 1946 et de 1958 ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
En matière d'immigration comme en tant d'autres, il est à l'évidence contraire à la Constitution d'abandonner l'exécution de mesures de police à l'exécutif, à ses préfets, ses policiers et ses procureurs en éliminant leur contrôle par l'autorité judiciaire, laquelle, aux termes de l'article 66 de la Constitution, est en France la seule gardienne des libertés.
C'est donc à elle, et à elle seule, qu'il appartient de rechercher et de dire si un émigré est ou non, aux termes de la loi, régulier ou régularisable, expulsable ou non.
Certes, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 11 août 1993, a reconnu que l'autorité judiciaire « comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet », mais il n'en a pas moins souligné que, pour certains actes, « l'intervention d'un magistrat du siège peut être requise ».
Cela doit être d'autant plus vrai à une époque où le Président de la République, lui-même chargé par la Constitution de veiller à son respect, même s'il déplore que « les procureurs n'obéissent pas », reconnaît qu'il existe entre le Gouvernement et les magistrats du parquet un « cordon ombilical ».
Ce qui est d'autant plus indéniable que l'actuel exécutif, pour nommer les magistrats du parquet, passe fréquemment outre, comme il en a, hélas ! le droit, aux avis du Conseil supérieur de la magistrature, qui vient de le souligner avec éclat.
Ces principes généraux rappelés, et à leur lumière, il est clair que, dans le projet de loi dont l'examen nous réunit, est anticonstitutionnel, aux articles 2 et 10, le fait de s'en remettre précisément au procureur de la République et non à un magistrat du siège, contrairement à ce que prévoit déjà l'article L. 611-13 du code du travail, du soin d'autoriser les policiers « à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans les annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile », sans d'ailleurs qu'il soit précisé si cette restriction s'applique à l'ensemble des lieux ou seulement aux « annexes et dépendances » et sans que soit limité dans le temps l'accès à ces « locaux » - c'est la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1990 - la limitation de la validité des réquisitions du procureur de la République à un mois ne pouvant se confondre avec la limitation nécessaire de la visite elle-même.
Sont de même anticonstitutionnels, parce qu'ils visent à supprimer un dernier contrôle de l'autorité judiciaire, les articles 5 et 8 ter nouveaux du projet de loi, qui « tordent le cou » à la commission des étrangers.
Est également anticonstitutionnel l'article 8, qui double le délai au terme duquel, en matière de rétention administrative, un magistrat du siège est saisi, alors que le Conseil constitutionnel a relevé, en matière de zone de transit, dans sa décision du 25 février 1992, que cette saisine « doit intervenir dans les meilleurs délais », et ce d'autant plus que le même article permet de retenir administrativement une personne sans limitation de durée « tous les sept jours » au titre d'une même « décision de maintien », ce que la Cour de cassation a condamné, dans son arrêt Rasmi contre Préfet du Haut-Rhin du 1er mai 1996, parce que contournant la durée maximale de rétention jugée tolérable par le Conseil constitu-tionnel.
Le même article 8 est également anticonstitutionnel parce qu'il rompt la nécessaire égalité des armes des parties à un procès en accordant au seul procureur de la République la possibilité de demander que son appel soit suspensif, l'intéressé étant, en outre, retenu dans les locaux du tribunal sans limitation de durée, c'est-à-dire tant que le premier président de la cour d'appel n'a pas statué alors que - c'est la décision du Conseil constitutionnel du 3 septembre 1986 - « une telle mesure de rétention, même placée sous le contrôle du juge, ne saurait être prolongée, sauf urgence absolue et menace de particulière gravité pour l'ordre public, sans porter atteinte à la liberté individuelle garantie par la Constitution ».
Faut-il rappeler qu'en matière pénale et, plus précisément, en matière de détention provisoire la personne mise en examen comme le procureur de la République peuvent demander que l'appel soit suspensif, étant entendu qu'en tout état de cause, et si le juge d'instruction a refusé le placement en détention provisoire, vous le savez bien, monsieur le ministre, l'intéressé est immédiatement mis en liberté ?
Or ce qui est vrai de la rétention judiciaire est encore plus vrai de la rétention administrative. Et le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 1993, a considéré à juste titre « que la rétention judiciaire n'est pas une peine ; que, s'agissant d'une mesure aboutissant à priver totalement une personne de sa liberté pendant une période déterminée dans le cours d'un procès pénal, elle ne saurait être assortie de garanties moindres que celles assurées aux personnes placées en détention provisoire ; que, dès lors, la disposition contestée ne satisfait pas aux garanties légales de la liberté individuelle ».
Pour d'autres motifs, pratiquement tous les autres articles du projet de loi sont contraires à la Constitution.
Il en est ainsi du texte proposé pour l'article 8-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par l'article 3 du projet de loi, qui autorise la rétention du passeport alors que, et je cite toujours la décision du 13 août 1993 « la liberté d'aller et venir [...] n'est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ».
Or, pour que l'intéressé puisse exercer librement son droit de quitter le territoire national, ce que souhaitent par hypothèse les autorités administratives, il faut qu'il ait le choix du lieu de destination parmi ceux qui lui sont accessibles et, partant, le choix du lieu de départ, c'est-à-dire le lieu de franchissement de la frontière à partir duquel il peut atteindre cette destination. Il est donc contraire à la Constitution que les autorités aient le droit de déterminer discrétionnairement les modalités de restitution du passeport sans même prévoir le droit de l'intéressé à en choisir au moins le lieu.
Est anticonstitutionnel de prévoir à l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 proposé par l'article 3 du projet de loi, d'immobiliser quatre heures un véhicule qui ne soit pas une voiture particulière pour une visite sommaire, aucune limite n'étant prévue par le texte s'il n'y a pas lieu d'attendre d'instructions du procureur de la République !
Est anticonstitutionnelle, au même article 8-2, l'assimilation entre la Guyane et l'espace Schengen où le principe d'une libre circulation entre divers Etats justifie seul pour le Conseil constitutionnel des mesures compensatrices nécessaires à la sécurité ! C'est la décision du 5 août 1993, que vous avez citée devant l'Assemblée nationale, monsieur le ministre.
En ce qui concerne le texte proposé pour un article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, outre qu'il n'existe pas un seul pays civilisé pour relever les empreintes digitales de ceux qui demandent à y séjourner, c'est, dans le dernier état du texte, le Gouvernement lui-même qui déterminerait les fonctionnaires habilités à en consulter les fichiers, rappel étant fait que c'est M. Michel Poniatowski, et non la gauche, qui a supprimé, en France les fiches d'hôtel au motif qu'elles étaient inexploitables !
Ne sont pas moins anticonstitutionnels les articles 3 bis et 3 ter , qui permettent à l'administration de retirer, sans aucune limitation dans le temps, la carte de séjour temporaire ou la carte de résident de l'employeur étranger ayant occupé un travailleur étranger en situation irrégulière sans attendre que la justice ait constaté la réalité de l'infraction prétendue.
Or, en la matière, le tribunal a la faculté de prononcer l'interdiction du territoire français « pour une durée de cinq ans au plus », et ce en vertu de l'article L. 364-9 du code du travail.
Dès lors, pour les mêmes faits, sur le même fondement, et en vertu des articles 3 bis et 3 ter du projet de loi, l'administration pourrait prononcer une sanction plus grave que celle que le juge pénal aurait estimé appropriée.
Or il est contraire à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de laisser l'administration prononcer une peine que le juge pénal a choisi d'écarter alors qu'il pouvait l'appliquer et qui n'était donc pas « strictement et évidemment nécessaire ».
Il est, en outre, contraire à l'article 16 de la même déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et donc à la séparation des pouvoirs, de donner à l'administration le droit de mettre en cause la chose jugée par la juridiction pénale dans l'application d'une disposition répressive.
Enfin, il serait contraire à l'article 66 de la Constitution que l'administration, dans un domaine qui intéresse au plus haut point la liberté, puisse substituer son appréciation, sans présenter les mêmes garanties, à celle de l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle.
De nombreuses dispositions de l'article 4 sont anticonstitutionnelles.
Il est sans doute déjà anticonstitutionnel comme contraire au droit au travail que de laisser sans papiers, et donc sans possibilité de travailler, des étrangers inexpulsables aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Si, je m'empresse de le dire, nous sommes parfaitement d'accord pour sanctionner les polygames, ce n'en est pas moins anticonstitutionnel, car ce n'est pas la même chose de s'en prendre à l'étranger, homme ou femme, « vivant en état de polygamie ». L'expression est, en effet, malheureuse, car vivent en état de polygamie, qu'ils soient ou non sous le même toit, non seulement ceux ou celles qui ont consciemment contracté plusieurs unions, mais également ceux ou celles qui, sans savoir que les premiers étaient déjà mariés, les ont épousés. S'ils ne vivent pas sous le même toit, ils peuvent même continuer à ignorer leur infortune !
Quoi qu'il en soit, il ne serait pas acceptable qu'à cette infortune soit ajouté le malheur d'une reconduite à la frontière pouvant intervenir après des années de présence en France et sans qu'il y ait eu de la part de l'intéressé - homme ou femme - la moindre manoeuvre ni la moindre mauvaise foi...
Quant aux dispositions du 5° de l'article 4 du projet de loi, elles distinguent le père ou la mère d'un enfant français de moins de seize ans résidant en France du père ou de la mère d'un enfant français de plus de seize ans résidant en France. Il y a là une absurde, inadmissible et anticonstitutionnelle rupture d'égalité entre parents étrangers d'enfants mineurs français.
Il est encore contraire à la Constitution d'exiger d'un parent d'enfant français qu'il subvienne à ses besoins alors qu'il peut n'en avoir pas les moyens, mais n'en être pas moins un excellent parent, s'occupant de son enfant, exerçant régulièrement le droit de visite, s'occupant de ses études, bref « exerçant, même partiellement, l'autorité parentale », ce pourquoi les articles 15 et 25 de l'ordonnance mettent à juste titre sur le même plan le second cas et le premier, ce que ne fait plus le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale et que la commission des lois propose d'accepter.
Il serait contraire cette fois à la liberté d'aller et venir d'exiger de l'étranger - comme le fait l'article 4 bis dans la dernière rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale et que la commission des lois du Sénat propose d'accepter - d'exiger donc de l'étranger, pour renouveler de plein droit une carte de résident, qu'il « ait conservé sa résidence habituelle en France au moment de la demande », ce qui semble vouloir dire qu'il devra être en France à ce moment, alors qu'en vertu de l'article 18 il peut quitter le territoire français pour une période allant jusqu'à trois ans, voire plus s'il y est autorisé.
L'article 7, lui-aussi, est anticonstitutionnel : il refuse le droit d'asile à celui qui présente des demandes d'admission sous des identités différentes, même s'il a des « raisons valables » et si, au fond, la demande est en soit fondée, ce qu'a, à juste titre, estimé le Conseil d'Etat, au terme d'une jurisprudence constante, que cet article 7 a injustement pour objet de tourner.
M. Philippe François. Prenez le temps d'une gorgée d'eau, cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Est anticonstitutionnel enfin, à l'évidence, l'article 8 bis du projet de loi, qui abroge l'article 38 de l'ordonnance au motif absolument faux que ce dernier ne serait plus nécessaire du fait du 2° de l'article 4 du projet de loi.
Or, ce 2° de l'article 4 reconnaît le droit à la carte de séjour temporaire aux mineurs justifiant résider habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de dix ans, alors que l'article 38 reconnaissait le droit à la carte de résident pour les étrangers, mineurs ou non, justifiant avoir leur résidence habituelle en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans, à la condition qu'ils y soient entrés avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993.
L'administration se trouverait ainsi en droit de supprimer à ces derniers leur carte de résident, c'est-à-dire de revenir sur les droits légalement acquis et de fabriquer ainsi de nouveaux sans-papiers, pour peu que les intéressés ne soient pas mineurs !
J'ai fait ces observations aussi bien en commission qu'en séance, en première lecture ; je n'ai eu droit à aucune explication, ni de la part du rapporteur, ni de la part du ministre !
Il me reste à évoquer l'article 1er.
Dans son rapport écrit, M. Masson prétend que la majorité du Sénat aurait été sensible à la position de l'Association des maires de France, l'AMF, qui refusait pour eux un rôle qui n'est pas le leur, alors que nos collègues de la majorité n'ont cessé, en première lecture, de distinguer entre le bureau de l'association et l'association elle-même, alors que le Conseil d'Etat et la Commission consultative des droits de l'homme avaient, eux-aussi et comme nous, condamné l'article 1er première manière, dont la majorité présidentielle, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, avait en première lecture accepté le principe, alors enfin qu'un puissant mouvement populaire, alerté pour beaucoup par les interventions des sénateurs socialistes, s'est fait entendre à ce sujet !
Le Conseil constitutionnel aura à dire si cet article est conforme à la Constitution, sans qu'on sache à quoi cela servira et alors que les étrangers qui descendent à l'hôtel n'ont nul besoin d'un certificat d'hébergement, de prétendre obliger les autres à remettre leur certificat d'hébergement « aux services de police » lors de leur « sortie du territoire » quand, du fait des accords de Schengen, il n'y a plus de services de police à de nombreux points de sortie du territoire.
M. le président. Mon cher collègue, je vous demande de conclure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vais conclure, monsieur le président.
A l'Assemblée nationale, le temps de parole pour défendre les motions n'est pas limité. Au Sénat, il est limité à quinze minutes, sauf si le président de séance estime que l'intervention est suffisamment intéressante pour permettre à l'orateur de le dépasser ! (Sourires.)
M. le président. Mon cher collègue, ce genre d'appréciation n'est pas de mon fait.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je conclus donc, monsieur le président.
On le voit, les dispositions du projet de loi, tel qu'il se présente en l'état, sont ou inutiles, tatillonnes et inefficaces ou, pour leur quasi-totalité, contraires à la Constitution.
C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je vous invite, mes chers collègues, à voter par scrutin public, à sa demande, la motion d'irrecevabilité que je viens d'avoir l'honneur de défendre en son nom.
Si vous ne deviez pas voter cette motion d'irrecevabilité, nous avons été suffisamment loyaux pour vous indiquer nos moyens : il suffirait donc de voter nos amendements pour éviter une censure du Conseil constitutionnel.
M. Emmanuel Hamel. Il n'y aura pas de censure par le Conseil des sages !
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cette motion n° 1 est très exactement la motion qui avait été rédigée en première lecture à deux exceptions près.
La première, c'est que le numéro du projet de loi a changé, puisque celui-ci porte maintenant le numéro 236 à la place du n° 165.
La deuxième différence, c'est que M. Mélenchon l'avait alors défendue, et que M. Dreyfus-Schmidt l'a soutenue aujourd'hui. M. Mélenchon avait été lyrique ; M. Dreyfus-Schmidt a été plus technique.
Cela ne change rien quant au fond du débat : nous avions rejeté cette motion en première lecture parce que nous n'estimions pas que le projet était inconstitutionnel, nous vous demandons donc de la rejeter en deuxième lecture.
M. Claude Estier. Entre-temps, vous avez tout de même changé le projet de loi !
M. René Régnault. Vous auriez pu changer d'avis !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de discipline !
Quel est l'avis du Gouvernement ?...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. La discussion sur la constitutionnalité du texte a eu lieu en première lecture et chacun s'est déjà exprimé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est plus le même texte !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je vous en prie, monsieur Dreyfus-Schmidt, moi, je ne vous ai pas interrompu !
M. René Régnault. Il est l'auteur de la motion !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. La discussion se poursuivra naturellement devant le Conseil constitutionnel, et je me suis déjà exprimé.
Toutefois, monsieur Dreyfus-Schmidt, ma surprise est grande de vous voir contester la constitutionnalité de l'article 4, qui étend le droit au séjour des étrangers. C'est un paradoxe dont l'opposition devra assurer la responsabilité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai dit : « Quelques dispositions de l'article 4 » !
M. le président. Vous n'avez pas la parole, monsieur Dreyfus-Schmidt. Je vous la donnerai lorsque vous me la demanderez, et dans la mesure où le règlement me permettra de le faire.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de répondre à M. le ministre.
S'il m'avait écouté soigneusement - mais j'ai dû parler très vite - il aurait remarqué que nous n'avons pas prétendu qu'était anticonstitutionnel l'ensemble de l'article 4. J'ai seulement dit que certaines de ses dispositions l'étaient.
Un sénateur du RPR. Comme par hasard !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il avait bien voulu m'écouter, il aurait pu répondre sur les moyens.
Il en va de même pour M. le rapporteur. Répondre seulement sur la base du texte de la motion, c'est un peu court.
M. Jean Chérioux. Eternel donneur de leçons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sais bien que je ne disposais pas de beaucoup de temps pour défendre cette motion d'irrecevabilité. Mais, en un quart d'heure, on présente plus d'arguments que dans une motion d'irrecevabilité de trois lignes !
Vous avez certes fait l'effort de lire ces trois lignes, monsieur le rapporteur. Vous auriez pu faire l'effort de m'écouter pendant un quart d'heure et de nous répondre.
Vous n'avez voulu faire ni l'un ni l'autre, libre à vous !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je me suis expliqué, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais moi qui suis un juriste je suis tenu par les textes et je constate que la motion que vous avez déposée balaie tout le texte, y compris l'ensemble de l'article 4.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne nous avez pas entendus !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je m'exprime au nom d'une partie du groupe du RDSE, monsieur le président.
Un sénateur du RPR. Une petite partie !
M. le président. Il n'y a qu'un orateur par groupe, madame !
Mme Joëlle Dusseau. Je serai cet orateur.
Je n'ai pas la compétence juridique pour apprécier la constitutionnalité du texte, mais je ne peux qu'être frappée par l'emploi systématique des procédures administratives et non pas judiciaires !
M. Henri de Raincourt. Heureusement !
Mme Joëlle Dusseau. Je ne vais pas revenir sur chacun des articles, ce n'est pas le moment, mais, je le répète, la décision de retirer le passeport est le fait de l'administration et non de la justice...
M. Henri de Raincourt. C'est très bien !
Mme Joëlle Dusseau. ... la décision du non-renouvellement de la carte de dix ans, en cas d'une menace à l'ordre public, qui est une notion tout aussi vague qu'indéfinie, relève de l'administration et non de la justice, de même que la décision de retirer la carte de séjour, quel que soit le cas de figure, à toute personne qui emploierait un étranger en situation irrégulière.
M. Jean Chérioux. Il y a des recours !
Mme Joëlle Dusseau. Mes chers collègues, les pouvoirs sont donnés systématiquement à l'administration et à la police et non pas au judiciaire, ce qui exclut toute procédure permettant de contester la décision et, éventuellement, de se défendre. Voilà qui me paraît relever effectivement, sur le plan de la philosophie, d'un Etat administratif et policier et non, au fond, d'un Etat de droit.
M. Jean Chérioux. C'est un peu excessif ! Les Etats policiers sont situés plus vers l'Est !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 112:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 96
Contre 221

Question préalable

M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 2, présentée par Mme Luc, MM. Pagès, Ralite, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 236, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Pagès, auteur de la motion.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la première lecture de ce texte, ici même, plusieurs événements ont eu lieu.
En quelques semaines de débats, de pétitions et d'actions, le caractère liberticide de ce projet de loi est devenu manifeste pour une part toujours croissante de la population, qui était encore nombreuse à défiler le dimanche 9 mars pour réclamer l'abandon pur et simple du projet de loi.
M. Jean Delaneau. Ce soir, il n'y avait pas beaucoup de monde !
M. Robert Pagès. Il s'est produit un formidable sursaut, un « réveil citoyen », enclenché par le manifeste des soixante-six jeunes cinéastes.
Ces derniers, bientôt suivis par des artistes, des écrivains, des acteurs, des journalistes, des intellectuels, par bien d'autres professionnels d'horizons divers, et par les citoyens de toutes origines sociales, se sont ouvertement opposés au texte du ministre de l'intérieur et, plus spécialement, au caractère inique de son article 1er, qui visait à transformer chaque être humain en délateur de ses hôtes, jetant ainsi sur ces derniers et sur leurs hébergeants une suspicion systématique.
Rappelons pour mémoire - on l'a déjà dit ici - que le détonateur du manifeste des soixante-six cinéastes a été le procès de Jacqueline Deltombe, qui a été condamnée le 4 février dernier pour avoir hébergé un ami zaïrois en situation irrégulière...
M. Henri de Raincourt. Un repris de justice !
M. Robert Pagès. ... et ce en plein débat sur un projet de loi obligeant chaque citoyen à déclarer l'arrivée et le départ de tout étranger accueilli à son domicile. Depuis qu'elle a été reconnue coupable de ce que j'appellerai un « délit d'amitié », elle a été licenciée.
Cet appel à la désobéissance civique devant des dispositions aussi inhumaines, fondées uniquement sur l'exigence de contrôles renforcés, aura permis à des milliers de Français qui sont descendus dans la rue le 22 février dernier de dire leur rejet d'une France fermée, xénophobe, et leur attachement aux droits et aux libertés fondamentales de la personne humaine, ainsi qu'aux valeurs constitutives de la République.
Il s'agit là d'une leçon de civisme.
Devant la force de ce mouvement de protestation, le pouvoir a manoeuvré quelque peu en recul en soutenant l'amendement Mazeaud lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Ainsi les députés RPR et UDF de la commission des lois ont-ils joué les « pompiers de service » en adoptant cet amendement qui modifie l'un des nombreux articles scandaleux du projet de loi en question.
Ainsi est supprimée l'obligation, pour tout habitant de France, de rendre compte aux autorités du départ de leurs invités étrangers.
Désormais, le nouvel article 1er tend, d'une part, à transférer la responsabilité de viser ces certificats d'hébergement des maires aux préfets et, d'autre part, a conférer à l'hôte étranger la responsabilité exclusive de déclarer sa sortie du territoire.
M. Mazeaud admet que sa proposition vise, avant tout, à « éviter la sanction du Conseil constitutionnel ».
Je rappelle que, pour sa part, le Conseil d'Etat, dans un avis rendu le 31 octobre 1996, avait émis des réserves sur l'article 1er initial, qu'il avait jugé notamment attentatoire « à la liberté individuelle et à la vie privée de l'hébergeant ».
La Commission nationale consultative des droits de l'homme y voyait, quant à elle, « une incitation à la délation ».
En réalité, si le nouvel article 1er du projet de loi supprime l'invitation à la délation, il renforce le caractère policier du certificat d'hébergement et maintient la constitution de fichiers nationaux des hébergés et des hébergeants, par la remise des certificats aux services de police lors de la sortie du territoire. En effet, dès lors que l'hébergé est fiché avec l'adresse de sa résidence en France, n'y a-t-il pas, du même coup, constitution d'un fichier national des hébergeants ?
Ne peut-on pas craindre, par ailleurs, la création à l'échelon européen d'un fichier supplémentaire concernant les hébergeants, sans pour autant obliger les hébergés à respecter la législation sur l'immigration ?
Quelle garantie avons-nous que ce fichage policier ne soit pas utilisé à d'autres fins, par exemple pour traquer des étrangers en situation régulière ou pour engager des poursuites à l'encontre des hébergeants en alléguant le détournement de procédure ?
En fait, l'article 1er constitue un compromis au sein de la majorité mais, en pratique, son application va aggraver les difficultés administratives des hébergeants, sans pour autant assurer un meilleur contrôle.
Vous persistez dans la voie du soupçon a priori envers les étrangers qui veulent effectuer un court séjour en France.
Je pense que les choses iront plus mal dans la pratique et que la gestion des certificats d'hébergement par les préfectures multipliera les difficultés et les lenteurs, préparant ainsi - pourquoi pas ? - la vingt-cinquième ou la vingt-sixième réécriture de l'ordonnance de 1945.
Mais le débat sur ce projet de loi et sur l'immigration en général ne saurait se cantonner au seul article 1er du texte, tant il est vrai que c'est l'ensemble du texte qui est en cause.
Si MM. Juppé et Debré font semblant de reculer sur l'article 1er - c'est là un recul tout à fait aléatoire -, ce qu'ils souhaitent surtout c'est sauver l'essentiel de leur projet de loi, à savoir : le fichage des étrangers et des famille hôtes, la possibilité pour la police d'investir les entreprises, de collecter les empreintes digitales comme si tout visiteur immigré, tout travailleur immigré était un délinquant en puissance.
Ce sont là des dispositions qui font injure au pays qui écrivit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qui donnent une bien mauvaise image de la France en dehors de nos frontières.
Les dirigeants de notre pays connaissent l'Europe pour la monnaie unique et la finance ; ils refusent une Europe qui défende les droits de l'homme. C'est la raison de la colère, alors même que le Parlement européen a montré du doigt le gouvernement Juppé et demande l'abandon d'une loi qu'il qualifie justement de xénophobe.
On peut légitimement se demander ce qui a pu pousser le Gouvernement à proposer un tel texte, qui déstabilise, désécurise, précarise gravement les familles issues de l'immigration, alors que, je vous le rappelle, au départ, il s'agissait de régler les situations inextricables des sans-papiers.
Il n'y a aucune avancée sur les questions aussi importantes que la non-remise en cause du renouvellement de plein droit de la carte de résident de dix ans pour des motifs d'ordre public, la délivrance d'un titre de séjour de plein droit et la régularisation des parents d'enfants français mineurs et non pas seulement âgés de moins de seize ans.
On est bien loin du texte censé être « équilibré ».
En réalité, vous avez pris prétexte de l'affaire des sans-papiers pour durcir les lois Méhaignerie-Pasqua de 1993.
Vous auriez pu régler le cas des personnes ni régularisables ni expulsables par décret, mais vous avez préféré, en ces temps de crise sociale qui favorisent la montée de l'irrationnel, de la xénophobie et du racisme, montrer du doigt l'étranger comme étant la cause principale des difficultés des Français.
Ainsi, le Gouvernement, dont la politique est soumise aux marchés financiers et aux dogmes de Maastricht dont les effets ravageurs sont évidents, cherche à détourner l'attention des Français du chômage, qui touche cinq millions de personnes.
Vous faites ainsi le lit de l'extrême-droite qui, depuis trop longtemps maintenant, pratique cette politique démagogique du bouc émissaire.
En faisant ainsi des surenchères avec le Front national, vous jouez un jeu dangereux et participez à instaurer dans notre pays une atmosphère xénophobe.
Les lois Méhaignerie-Pasqua de 1993 y ont contribué, jetant le soupçon sur tous les étrangers ; le présent projet de loi a pour unique but d'y mettre le tour de vis supplémentaire !
Les discours tendant à accréditer le danger de l'immigration et les politiques répressives en la matière n'ont jamais arrêté la montée du Front national, bien au contraire. L'élection de Mme Mégret, à Vitrolles, hélas ! nous le prouve.
Contrairement à ce que prétendent le Gouvernement et sa majorité, mais aussi les responsables du Front national, l'immigration n'est pas la préoccupation centrale des Français, qui sont tourmentés en premier lieu par le chômage. Toutes les enquêtes le prouvent !
Je vous pose la question : y a-t-il « péril en la demeure française » au point de justifier la mise en place d'une telle législation d'exception, d'opportunité pour les immigrés ?
« Le fléau de l'immigration clandestine », selon vos propres propos, monsieur le ministre, met-il à ce point la patrie en danger qu'il vous ait semblé indispensable, trois ans après l'adoption des lois Pasqua, de durcir lesdites lois ?
A la fin du mois de février dernier, alors que la France était partagée entre une révolte civique, d'un côté, et des fantasmes xénophobes, de l'autre, l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, publiait les chiffres officiels de l'immigration. Ce rapport fait apparaître que, s'agissant du regroupement familial, du flux d'entrée des travailleurs étrangers, des réfugiés, la France a opéré, en trois ans, un sérieux verrouillage de ses frontières. C'est ainsi que, toutes procédures confondues, 50 387 immigrés sont entrés en France en 1995, contre 64 102 en 1994, 94 152 en 1993 et 110 669 en 1992.
Le recensement de 1990 avait établi que, sur les 55 396 580 millions d'habitants, la France comptait 4 166 000 immigrés, soit 7,4 % de la population.
Ces chiffres démontrent que le poids des seuls immigrés n'a pas bougé depuis vingt ans et qu'on dépasse à peine le niveau enregistré lors du recensement de 1931, qui était de 6,75 %. On est donc bien loin du « raz-de-marée », de l'invasion tant redoutée par certains.
Par ailleurs, au moment même où vous défendiez, monsieur le ministre, ici même, en première lecture, la nécessité de durcir encore les lois de 1993, en invoquant des arguments tels que : il en va de la cohésion nationale, de l'identité française, de la sécurité dans nos villes, un autre institut national, celui des études démographiques, l'INED, publiait son rapport annuel.
C'est un véritable pavé qu'a lancé l'INED dans la mare de ceux qui prenaient prétexte de l'immigration pour alimenter leurs campagnes de haine, d'exclusion et de division de la population.
C'est ainsi qu'on peut lire dans ce rapport : « Au 1er janvier 1986, la France métropolitaine n'aurait compté que 45 millions d'habitants s'il n'y avait pas eu d'immigration étrangère au cours des cent années précédentes, soit 10 millions de moins que la réalité. Le déficit approche sans doute aujourd'hui 12 millions. »
En décrivant ainsi l'apport de la population étrangère à l'équilibre de la France, l'INED va à l'encontre de bon nombre d'idées reçues.
« Plus de 40 % de l'accroissement démographique depuis la dernière guerre est directement ou indirectement imputable à l'immigration » précise l'INED.
Il faut savoir également qu'« une personne sur quatre est immigrée ou ascendante étrangère, en ne remontant qu'aux parents et grands-parents ».
Je vous laisse envisager ce que serait la pyramide des âges française sans l'apport de l'immigration.
Quand on sait que près de 30 % des enfants nés en 1985 avaient un parent ou un grand-parent immigré, on peut dès lors s'imaginer le déséquilibre démographique qu'aurait connu la France au début du prochain millénaire si elle avait fermé ses frontières !
Vous allez me dire que les temps ont changé et que nous devons aujourd'hui nous adapter aux exigences économiques de notre pays. Certes ! Sauf que je me suis laissé dire que plusieurs études, en France comme en Europe, prévoyaient la nécessité, d'ici à une dizaine d'années, de faire à nouveau appel à l'immigration, faute de quoi, notamment, les régimes de retraite pourraient exploser.
Une question cruciale demeure donc, qu'il ne faut pas éluder : que serait la France d'aujourd'hui sans ces immigrés qui l'ont peuplée et qui l'ont aidée à bâtir sa croissance, après-guerre et au-delà ?
La France a toujours été un grand pays d'immigration. Elle est porteuse d'un message universaliste de liberté et de défense des droits de l'homme. Historiquement, elle est un refuge, un asile pour tous les démocrates persécutés. L'intégration n'est pas aussi difficile que certains veulent bien nous le laisser croire.
Au cours des décennies, notre pays - c'est ce qui fait sa grandeur - a accueilli et intégré des centaines de milliers d'Italiens, de Belges, de Polonais, d'Arméniens, d'Espagnols, de Russes, de Portugais, d'Algériens, de Vietnamiens, etc.
Elle le fait aujourd'hui aussi efficacement qu'hier, n'en déplaise à certains qui continuent de parler d'« étrangers inassimilables ».
Si nous voulons que notre société reste ouverte sur l'universel et fidèle aux valeurs de la République, il convient de faire de la lutte contre les inégalités sociales, la précarité, le chômage et les exclusions de toutes sortes l'axe central de la politique nationale et internationale de la France.
L'aggravation de la crise économique, sociale et urbaine exacerbe la xénophobie.
Il ne faut pas laisser s'instaurer un climat de méfiance et d'insécurité : la peur est mauvaise conseillère.
Il faut combattre les thèses racistes qui présentent les travailleurs immigrés comme les responsables du chômage et du déficit de la sécurité sociale ; je pense, en particulier, aux propos tenus par le nouveau maire de Vitrolles, qui n'a toujours pas été poursuivi !
Il faut, par ailleurs, sanctionner efficacement et avec sévérité les importateurs de main-d'oeuvre clandestine, sanctionner les patrons fraudeurs et leurs complices, lutter pour l'insertion des immigrés résidant légalement dans notre pays.
Il faut, enfin, faire du codéveloppement solidaire des peuples du Nord et du Sud le projet majeur de la France et de l'Europe dans les années à venir. Cela passe, notamment, par l'annulation de la dette des pays sous-développés, souvent exportateurs de main-d'oeuvre clandestine.
Les mesures que je viens d'évoquer, dont la liste est loin d'être exhaustive, le Gouvernement et sa majorité ne semblent pas les envisager. Lutter contre le chômage, intégrer, accueillir des étrangers chez soi, tout cela n'est pas, en réalité, leurs premiers soucis.
Le texte que vous nous proposez, rejeté par une large part de la population dans toute sa diversité, est un texte de trop. De surcroît, il est dangereux pour la démocratie.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen vous demande de voter cette motion tendant à opposer la question préalable par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ? ...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Le débat que nous avons eu en première lecture a été intéressant. Il faut avouer que, si ce qui a été dit n'avait pas été dit en raison de l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable, l'opinion aurait été privée de nombreuses informations.
Vous êtes pour la liberté d'opinion ! Par conséquent, je ne comprends pas la raison pour laquelle vous déposez cette motion. La commission émet donc un avis défavorable.
M. Robert Pagès. Parce que le texte est très mauvais !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix la motion n° 2, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 113:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 96
Contre 221

Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 5, présentée par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard, les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 236, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Mélenchon, auteur de la motion.
M. Jean-Luc Mélenchon. M. le ministre a eu raison de conclure son intervention à l'issue de la discussion générale comme il l'a fait et de bien tracer la frontière qui nous sépare dans ce dossier.
Renonçant ainsi aux amalgames, à la vérité, insupportables, auxquels certains d'entre vous, mes chers collègues, s'étaient d'abord livrés - M. le ministre lui-même n'a pas su résister à la tentation de suggérer qu'en ces matières les socialistes disent une chose et en font une autre -, il a eu raison de déclarer que nous n'avons rien en commun sur ce sujet.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est vrai !
M. Michel Mercier. Heureusement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous vous accusons, en mesurant la gravité de notre propos, d'avoir, depuis les lois Pasqua, Méhaignerie, aujourd'hui avec la loi Debré,...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ce sont les lois de la République !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... ouvert en France l'ère des persécutions de masse contre les étrangers (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)...
M. Gérard Braun. C'est inadmissible !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... et, comme nous l'avons montré, contre les étrangers en situation régulière et, par contamination, comme je vais le montrer dans un instant, contre les Français d'origine étrangère.
Alors, et que cela soit dit dans cette enceinte pour ceux qui ne l'auraient pas compris...
M. Jean Delaneau. C'est délirant !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... en lisant et en écoutant la presse : si une majorité se dégage en notre faveur en 1998,...
M. Jean Delaneau. Ce n'est pas parti pour cela !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... comme l'a dit et répété notre premier secrétaire, M. Lionel Jospin, nous abrogerons votre loi et nous réviserons l'ensemble du dispositif concernant l'entrée et le séjour des immigrés sur notre territoire (Applaudissements sur les travées socialistes)...
M. Jean Delaneau. M. Rocard applaudit ! Il espère peut-être être le futur Premier ministre !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... de même que les conditions d'accès à la nationalité française en rétablissant intégralement le droit du sol. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mais si, un instant, j'accepte d'entrer dans vos raisons - M. le ministre a eu des mots très émus pour dire que nous nous livrions, en particulier mon ami Robert Badinter, à une assimilation intolérable entre l'immigration clandestine et l'immigration régulière - et d'admettre que ce texte ne concerne que l'immigration clandestine, alors on peut se demander - et c'est le premier objet de ma demande de renvoi en commission - par immigration clandestine, de quoi parlons-nous ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, de quels chiffres parlons-nous ? En effet, dans ce domaine nous ne savons rien.
Il y a bien un rapport déposé par MM. Dubuisson et Léonard à l'Assemblée nationale, qui ont confirmé leurs propos dans Le Figaro du 9 mai 1996 et qui chiffrent à 800 000 le nombre d'immigrés clandestins, ce qui induirait, selon un chiffrage qui confère au tout un air pimpant de vérité, 41,6 milliards de francs de moins-values fiscales. Ce dernier chiffre a été repris par M. le ministre au cours du débat à l'Assemblée nationale, validant ainsi toute la démonstration.
S'agit-il de 800 000 personnes ou bien, selon M. Jean-Pierre Philibert, de 300 000 à 500 000 personnes ? Voilà deux estimations variant du simple au double !
On peut en chercher ailleurs. Le Monde, citant le Bureau international du travail, fait état de 350 000 personnes. La direction du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins parle de 180 000 personnes. Son patron, Robert Broussard, que personne ne prend pour un plaisantin, a confirmé le chiffre dans une interview à La Vie catholique. Vous voyez que nous avons cherché nos sources partout ! (Rires et exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux. Vous avez de bonnes lectures, monsieur Mélenchon, sauf que cela ne s'appelle plus La Vie catholique !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dès lors, mes chers collègues, je vous demande de mesurer la gravité de la question : sommes-nous en train de légiférer pour 800 000 personnes ou pour 180 000 personnes ? Nous n'en savons rien !
Disposons-nous de quelques données de base chiffrées qui nous permettraient de nous éclairer en la matière ?
Nous connaissons, par exemple, le nombre d'étrangers mis en cause par la police et la gendarmerie pour infraction à la police des étrangers, qui est de 46 961. Vous pourrez me rétorquer que, les clandestins et les irréguliers étant ce qu'ils sont, on ne les attrape pas tous.
Si l'on suit MM. Dubuisson et Léonard, il y a donc 750 000 personnes qui errent et ne sont jamais capturées, à moins que ce ne soit seulement 250 000 ou 300 000 personnes ou tout simplement 140 000. Bref, on n'en sait strictement rien.
Une autre donnée de base peut être proposée : le nombre de personnes qui ont été expulsées. A cet égard, je citerai le chiffre de 1994. On peut évidemment imaginer un écart entre le nombre de ceux que l'on saisit et ceux que l'on parvient à expulser. Ce nombre, qui a atteint 12 020 pour 1994, est à comparer aux 800 000.
Attention, monsieur le ministre,...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je suis attentif !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... car, suivant le chiffre que vous choisirez, vous situerez le niveau de vos performances !
M. Jean-Louis Debré ministre de l'intérieur. Je ne fais jamais état de mes performances.
M. Jean-Luc Mélenchon. En effet, si, comme vous vous êtes laissé aller un instant à le confirmer, vous acceptez l'idée de la moins-value fiscale résultant du chiffrage de ceux qui prétendent qu'il y a 800 000 clandestins irréguliers dans le pays, avec vos 12 020 expulsions, vous ne réalisez par an que 1,5 % du travail à effectuer et, pour en venir à bout, il vous faudra soixante-six ans ! (Rires et applaudissements sur les travées socialistes.)
On peut évoquer encore une autre évaluation, celle que vous nous avez jetée tant de fois à la figure. Nous aurions, en 1982, procédé à des régularisations inconscientes et de masse. Combien de fois n'avez-vous pas décrit ce tableau cauchemardesque des hordes d'irréguliers régularisés par les socialistes !
M. Henri de Raincourt. Cela représente 130 000 personnes !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, avec 130 000 personnes, selon vos accusations, on aurait éclusé le stock des irréguliers qui s'étaient accumulés pendant les dix années précédentes.
Dès lors, quelles raisons auriez-vous de penser aujourd'hui, alors que l'on constate une diminution des flux migratoires, que le stock des irréguliers irait, lui, en augmentant ?
A partir de là, nous pouvons légitimement nous demander, en nous appuyant sur quelques données chiffrées, à combien vous pourriez estimer, en partant de la base de 800 000 personnes, c'est-à-dire d'une région entière, à moins que ce ne soit 250 000, 180 000, 130 000 - ceux qui se sont incrustés dans la clandestinité et l'irrégularité et qu'il faudrait maintenant pourchasser.
Lorsque vous avez eu à délibérer sur le point de savoir s'il fallait ou non régulariser ceux qui se trouvent depuis quinze ans en situation irrégulière, vous avez donné le chiffre de 45 ! Voilà le bilan cumulé des irréguliers de la gestion socialiste !
Vous devinez, bien sûr, que de tels écarts de chiffres disqualifient tous les chiffrages dont nous disposons. Et pourtant, c'est bien de la manière de traquer l'immigration clandestine que nous discutons ! Et personne ne s'est soucié de dire à combien s'élève le niveau de la délinquance que nous prétendons réprimer !
Est-ce une bonne méthode de travail ? C'est, à mon avis, plutôt le signal de la mystification qui est en cours.
Je concède que les meilleurs esprits finissent par s'y perdre ou, pire, finissent par s'y laisser prendre. Je citerai Laurent Joffrin,...
M. René-Georges Laurin. Grand homme de droite !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... dont je ne suis pas séparé par une distance philosophique immense, vous en conviendrez ! Lui aussi estime que le chiffre est élevé : il accepte le chiffre de 200 000. Pourquoi ?... Je vais vous le dire ! « Le chiffre est élevé, dit-il. Il sera contesté par beaucoup de spécialistes, mais adoptons-le pour éviter les polémiques statistiques. »
Le Parlement doit-il, lui aussi, pour éviter les polémiques statistiques, partir de l'idée du consentement mutuel qui fait qu'il suffit que, dans une salle, vienne quelqu'un qui parle de 800 000 et un autre de 180 000 pour qu'on coupe la poire en deux et qu'on dise finalement, cela fait environ 200 000 ?
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas la poire en deux !
M. Jean-Luc Mélenchon. Est-ce prouvé ou non, personne n'en sait rien ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Et c'est au nom de ces fantasmes que l'on va pourchasser toute une population et déstabiliser des gens qui vivent ou qui essaient de vivre dignement leur vie de réguliers !
Notre assemblée ne doit pas admettre de délibérer sur des chiffres qui n'en sont pas car la vérité ne peut pas procéder du consentement, ou alors Galilée aurait eu tort !
S'il y a 800 000 clandestins et même s'il n'y en a que 350 000, le problème est considérable. C'est un problème considérable, et c'est un problème insoluble.
C'est bien ce qu'ont compris les Italiens lorsqu'ils ont régularisé 230 000 personnes. En effet, monsieur le ministre, je vous pose la question : quels moyens matériels comptez-vous utiliser après que votre excellente loi...
M. Jean Delaneau. Je ne vous le fais pas dire !
M. Emmanuel Hamel. Vous reconnaissez vous-même qu'elle est excellente.
M. Jean-Luc Mélenchon. ... vous aura donné tous les moyens juridiques d'appréhender, d'expulser, pour organiser le transfert d'une population dont vous pensez qu'elle est entre 800 000 et 200 000 personnes. Combien de charters, de trains, de bateaux, d'avions faut-il affréter pour régler le problème avec les méthodes que vous proposez d'utiliser ?
Tout cela souligne assez l'absurdité de l'argument selon lequel tout n'aurait été prévu que pour parer au fléau de l'immigration irrégulière et clandestine.
Une deuxième question pourrait être à bon droit évoquée par la commission, si elle voulait sortir de l'air du temps : pour quelle raison la proportion de clandestins se serait-elle accrue tandis que le nombre d'immigrés diminuait, comme l'a établit le dernier rapport de l'INSEE sur le sujet ?
M. Jean Delaneau. La sédimentation !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il peut y avoir une raison : que vous ayez réussi à transformer en irréguliers un nombre considérable de gens qui, jusque là, étaient réguliers ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Eh bien oui, vous y êtes parvenu, mais pas au point d'en fabriquer 800 000, 350 000 ou 400 000, selon l'humeur du moment, car je crois que le tam-tam qu'aurait évoqué Charles Pasqua a eu le temps de faire le tour de la planète mais, hélas ! de bien triste manière pour l'image de notre pays.
Quoi qu'il en soit, dans la mesure où, en définitive, c'est l'immigration régulière elle-même qui se trouve déstabilisée, on devrait maintenant se demander jusqu'à quel point la décrue de l'immigration ne posera pas un problème pour l'avenir démographique et économique de notre pays. Autrement dit, avons-nous réellement toutes les raisons de nous réjouir de cette décrue qui va à rebours des prévisions des experts, notamment lorsqu'ils affirment que 40 % de l'augmentation de la population de notre pays est due à l'apport de l'immigration, ce qui représente 12 millions de nos concitoyens ?
On doit se poser cette question, mais on doit surtout renoncer à l'équation simpliste que les députés de la majorité n'ont pu s'empêcher de poser et qui consiste à rapprocher la proportion d'immigrés dans la population et le taux de chômage. C'est une absurdité qui ne résiste pas une seconde à l'analyse économique.
Mais, après tout, si vous aimez rapprocher les chiffres, voyons ce qu'il en est !
En Europe, le pays qui a la plus faible proportion d'immigrés par rapport à la population totale est l'Espagne ; or celle-ci compte 22 % de chômeurs. Et le pays qui a la plus forte proportion d'immigrés par rapport à sa population totale, 17 %, est la Suisse, qui enregistre par ailleurs le plus faible taux de chômage en Europe.
Si ce rapprochement ne suffit pas, qu'au moins le bon sens économique vienne soutenir la réflexion ! L'économie est un système global, dans lequel on ne peut pas séparer le nombre des producteurs du nombre des consommateurs, où l'on ne peut établir une équivalence entre les emplois, où l'on ne peut pratiquer aucune substitution qui, au bout du compte, ne se révèle économiquement perverse, ainsi que le savent tous ceux dont la région abritait une forte communauté d'immigrés qu'on a renvoyée chez elle ; je pense là à ce qui s'est passé dans l'Est de la France lorsqu'un important contingent de population d'origine turque a été renvoyé dans son pays.
Et pourtant, vous, monsieur le ministre, vous n'avez pas hésité à dire qu'en combattant l'immigration irrégulière, clandestine, vous participiez à la lutte globale du Gouvernement pour l'emploi. Or c'est une absurdité ! D'abord, parce que les personnes interpellées pour effectuer du travail « dissimulé » - comme on dit désormais pour ne pas parler de « travail clandestin » - ne représentent que 10 % du total des infractions constatées dans ce domaine. Ensuite, parce que vous ne substituerez jamais les uns aux autres ; n'importe quel professeur d'économie pourrait le confirmer.
C'est le moment d'aller vers ma conclusion. (Ah ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Je n'osais pas encore vous le demander, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous ne vous en prenez qu'à l'immigration clandestine, mais la preuve du contraire est apportée par le texte lui-même !
M. Jean Chérioux. C'est totalement ridicule !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si l'on n'avait à traiter que de l'immigration clandestine, pourquoi y aurait-il dans ce texte un article qui prévoit de remettre en cause le caractère automatique du renouvellement de la carte de dix ans ? Et la commission pourrait d'ailleurs se poser aussi cette question.
Là, il s'agit de réguliers, de personnes qui sont en France depuis dix ans. On a déjà privé la commission de tout rôle consultatif, de toute possibilité de formuler ne serait-ce qu'un avis. Et maintenant, ces personnes sont soumises au règne du guichet ! Des pyramides de consultations entre fonctionnaires vont décider du sort de personnes placées sous la menace comme une véritable épée de Damoclès, de, précisément, relever de la menace, de troubler l'ordre public.
Or, nous le savons, le trouble à l'ordre public est une notion des plus confuses, qui commence par l'expression de ses sentiments lorsque l'on trouve sur le pare-brise de sa voiture un procès-verbal pour mauvais stationnement.
Quoi qu'il en soit, et sans entrer davantage dans des arguments que nous avons déjà présentés à plusieurs reprises à cette tribune, c'est vous, chers collègues de la majorité, qui, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, avez sans relâche confondu les deux débats ! Et dans quels termes !
A l'Assemblée nationale, on n'a pas hésité...
M. le président. Maintenant, il faut conclure, monsieur Mélenchon !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je conclus, monsieur le président.
M. le président. Mais il faut conclure vraiment !
M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, je vous ferai grâce de ce qui s'est dit à l'Assemblée nationale, pour n'évoquer que ce qui a été exprimé ici, par certains de nos collègues.
Car c'est bien ici que M. Bonnet, dans une argumentation qui, paraît-il, n'aurait dû concerner que l'immigration clandestine, s'est senti obligé de rappeler que l'immigration du passé pouvait être assimilée parce qu'elle était d'origine judéo-chrétienne tandis que celle qui arrive maintenant ne le pourrait pas ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a effectivement dit cela !
M. le président. Cette fois, mon cher collègue, il faut conclure !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je conclus !
C'est à cette même tribune que M. Balarello a évoqué le risque que feraient courir à notre communauté nationale ceux des jeunes gens qui auraient la possibilité d'effectuer leur service militaire dans d'autres pays et qui auraient un avantage décisif, ensuite, par rapport aux jeunes Français pour disséminer les idées extrémistes.
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous demande de conclure dans les secondes qui viennent !
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh bien, ma conclusion sera d'autant plus abrupte que je n'ai pas le temps d'y mettre les formes.
Pour l'honneur des miens, tant de fois cités à cette tribune à contresens, j'affirme que nous n'avons aucune responsabilité dans la montée des sentiments que vous encouragez aujourd'hui : les « mauvaises odeurs », c'est M. Jacques Chirac ; l'« invasion », c'est M. Giscard d'Estaing ; et les « valeurs communes », c'est M. Pasqua. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Masson, rapporteur. Et la « misère du monde », qui est-ce ?
M. le président. Y a-t-il un orateur contre ? ...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a ceux qui font des amalgames ; il y a les bons avocats et les mauvais procureurs.
M. Bernard Piras. Et les mauvais ministres !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. En vous écoutant, monsieur Mélenchon, j'ai découvert en vous, certains diraient un brillant manipulateur,...
M. Bernard Piras. C'est vous qui êtes un manipulateur !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... moi, je dirai un brillant jongleur ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Maurice Lombard. Un brillant escroc !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, la parole est à M. le ministre et à lui seul.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Permettez-moi, monsieur Mélenchon, de vous remercier de penser que je pourrais rester encore soixante-six ans au ministère de l'intérieur. Je quitterais donc alors la Place Beauveau à cent seize ans ! (Sourires.) Ce n'est pas raisonnable, monsieur Mélenchon, mais je vous remercie quand même d'y avoir pensé parce que cela veut dire que vous n'imaginez pas le retour au pouvoir des socialistes avant 2057. Voilà une très bonne nouvelle pour les Français ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Bernard Piras. C'est de l'humour facile !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. S'agissant des chiffres de l'immigration clandestine, monsieur Mélenchon, vous pouvez toujours gloser, mais vous savez très bien que, par définition, il n'y a pas de certitudes en ce domaine.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Bernard Piras. Il l'a dit lui-même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Au demeurant, votre présentation se disqualifie elle-même, car elle mélange, de manière très habile, je le reconnais, les flux annuels d'étrangers en situation irrégulière qui ont été effectivement contrôlés et la photographie de la population en situation irrégulière à un moment donné.
La vérité oblige à parler d'estimations.
Il est certain, en tout cas, qu'un plancher peut être fixé, par référence au nombre d'étrangers qui ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans avoir pu être effectivement éloignés. Ce plancher est d'au moins 200 000 personnes. Mais je crains fort que cela ne soit que la partie immergée de l'iceberg !
M. Guy Allouche. Emergée !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Iceberg ? Encore un étranger !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Allouche, je vous trouve bien discipliné ce soir. En temps normal, vous vous seriez déjà levé pour faire un drame. Il faut croire que vous êtes heureusement calmé !
En fait, monsieur Mélenchon, que ce soit par résignation ou par idéologie, vous ne voulez pas mettre en échec l'immigration irrégulière.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
M. Claude Estier. Vous répétez toujours la même chose !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui donc a inventé le certificat d'hébergement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Voilà tout ce qui nous sépare. Encore une fois, les Français jugeront. Vous, vous êtes pour le laisser-faire, vous êtes pour laisser venir les étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou qu'ils soient en situation irrégulière, et comme, dès lors, la loi n'est pas appliquée, vous n'êtes pas de bons défenseurs de la Républlique ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Piras. C'est faux ! Vous êtes un démagogue !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, repoussée par la commission et par le Gouvernement.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Par amendement n° 6, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article premier, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité est abrogée. »
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Nous avons déjà défendu cet amendement en première lecture et nous le présentons de nouveau, car il s'agit pour nous d'une question fondamentale : celle des conditions d'accès à la nationalité française et, en fin de compte, celle de l'aptitude de notre pays à maintenir sa capacité d'intégration.
C'est cette capacité d'intégration qui a façonné la France d'aujourd'hui. La remettre en cause ferait courir un grand risque à notre pays, à son avenir.
Nous choisissons sans hésiter la conception progressiste et humaniste du droit à la nationalité, celle du droit du sol.
Cette conception s'oppose à celle, rétrograde, qui fait la part belle à la xénophobie et à la haine de l'autre, celle du droit du sang.
Cette dernière option est au fondement de la « loi Pasqua » relative au code de la nationalité. Nous l'avons combattue et nous la combattrons toujours avec vigueur, car nous considérons qu'elle constitue un obstacle majeur à toute nouvelle politique de l'immigration.
Nous refusons l'idée selon laquelle il y aurait deux catégories d'enfants nés en France, ceux pour qui l'acquisition de la nationalité serait automatique et ceux pour qui elle serait soumise à condition.
Nous l'avions dit en 1993 et nous le répétons avec force aujourd'hui. Cette loi est contraire aux valeurs et aux principes républicains, qui font aujourd'hui l'objet de nombreuses études et réflexions.
Je rappelle les propos propos singulièrement prémonitoires que nous tenions en 1993 au sujet de cette loi :
« En l'état, le texte nous paraît très dangereux et de nature à attiser le malaise déjà perceptible dans les cités urbaines et chez les jeunes filles et fils d'immigrés. Il n'apporte aucun commencement de réponse à leur attente. Il se situe dans un contexte de répression et d'exclusion, à l'opposé des nécessités de notre époque. »
Allons-nous, mes chers collègues, maintenir une loi flattant l'idéologie de rejet qui est celle du Front national ?
La meilleure riposte aux partisans de la haine raciale ne consiste certainement pas à aller chasser sur leurs terres. Il convient, bien au contraire, de s'attaquer aux racines de cette crise qui gangrène la France et de tenir un discours de tolérance d'intégration conforme aux vraies valeurs de notre pays.
C'est pour toutes ces raisons que je demande au Sénat d'adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur quelques travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 6 ainsi que les neuf amendements suivants ont tous été déjà déposés en première lecture. Ils ont tous été débattus et rejetés par le Sénat.
Dès lors, la commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 6.
Bien entendu, je serai amené à m'exprimer très brièvement sur les amendements suivants.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Nous ne devons pas cesser d'avoir au coeur et à l'esprit le respect de l'intérêt public et de la volonté nationale.
Si la loi de juillet 1993 était abrogée, il se produirait dans l'opinion publique un choc immense et dévastateur.
M. Félix Leyzour. Salutaire !
M. Emmanuel Hamel. Le texte qu'on nous demande d'abroger n'était pas contraire aux lois fondamentales d'une république fidèle à sa tradition de respect des droits de l'homme. Il visait, dans le respect des droits de l'homme, à la protection nationale de la France et des Français.
D'autres l'ont dit, parmi lesquels un Premier ministre, dont je ne citerai qu'une partie du propos qui l'avait rendu encore plus célèbre qu'il ne l'était lorsqu'il assumait la responsabilité du gouvernement de notre pays : la France ne peut pas, quelle que soit sa générosité, quel que soit son respect des droits de l'homme, accueillir tous ceux qui cherchent à venir vivre sur notre terre merveilleuse.
M. Guy Allouche. Nous nous sommes déjà expliqués là-dessus !
M. Claude Estier. De toute façon, on n'a jamais dit ça !
M. Emmanuel Hamel. Abroger la loi de 1993 créerait donc un choc dramatique dans l'opinion. Différer le vote du projet de loi qui nous est soumis, alors qu'il correspond à la volonté nationale, et qu'il est respectueux des droits de l'homme et de nos traditions, serait une faute grave.
Ce serait contraire non seulement à l'intérêt de la France mais aussi - je le dis pour avoir eu ce matin encore un entretien avec des étrangers en situation régulière - à l'intérêt, et à l'espoir, des étrangers déjà intégrés.
Cessons la démagogie et votons rapidement ce texte fondamental, car c'est le texte d'une république respectueuse des droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration, et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France est abrogée. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Nous vous proposons, par cet amendement, d'abroger la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration qui marqua un pas décisif dans l'instauration d'un véritable matraquage législatif ; cette loi est dangereuse pour les libertés, elle est dangereuse pour l'avenir de notre pays, car elle est source de division, de haine entre habitants de notre pays.
Ce dispositif législatif que nous avions vivement combattu en 1993 plaçait de toute évidence l'étranger en situation de bouc émissaire responsable de tous les maux de notre société.
Je ne reviendrai pas sur l'argumentation que nous avons déjà développée sur les dangers de cet amalgame, mais je souhaite souligner un détail tout à fait révélateur.
Lors des débats du 26 février à l'Assemblée nationale, mon ami André Gerin a défendu ce même amendement. Alors qu'il évoquait le droit des étrangers à bénéficier des droits fondamentaux, un député de droite, M. Jean-Marie André, l'a interrompu par ces mots : « le droit à la sécurité ».
Ainsi, selon cet élu, il fallait mettre en balance la menace que représenterait l'étranger pour la sécurité et les droits que la société doit lui garantir. Cette interruption est frappante. Elle démontre de manière inquiétante la pénétration des idées xénophobes.
Je pense que tous ceux qui souhaitent sincèrement faire reculer les idées de haine doivent bannir de leurs discours de tels propos et combattre au sein même de leur formation politique ceux qui se laissent surprendre par le racisme.
La loi du 10 août 1993 a eu pour principale conséquence de plonger des centaines de familles d'immigrés dans un imbroglio juridique inextricable et donc dans l'insécurité.
Cette loi n'a pas aidé la France ; elle a terni son caractère de patrie des droits de l'homme. Nous vous proposons donc, une nouvelle fois, de l'abroger.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Pagès. Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil est abrogée. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. La loi du 30 décembre 1993 résulte du désaveu par le Conseil constitutionnel de dispositions de la loi du 24 août de la même année.
Elle a réintroduit dans notre législation la rétention « judiciaire-administrative », l'autorisation donnée aux préfets de prononcer une interdiction du territoire en lieu et place d'une autorité judiciaire et l'institution de la suspicion en matière de mariage mixte.
Cette loi alimente donc la méfiance de l'étranger et occulte les causes réelles des difficultés de notre société. C'est pourquoi nous vous proposons de l'abroger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 9, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité est abrogée. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Nous vous proposons d'abroger l'une des lois dites « Pasqua » qui ont suscité et suscitent le plus d'opposition. Je veux parler de la loi relative aux contrôles d'identité.
Nous avions à l'époque vivement dénoncé une législation qui organisait une véritable « chasse au faciès » sous prétexte de lutte contre l'insécurité.
C'est au nom de cette dernière que le Gouvernement a jeté la suspicion sur les étrangers et les Français d'origine étrangère en généralisant la pratique du contrôle d'identité arbitraire.
Nous refusons que les jeunes, en groupe ou non, soient systématiquement soupçonnés. Or, il est frappant de le constater - et nous l'avons tous vérifié - dans certains endroits tels que le métro parisien, si vous êtes jeune et de plus d'origine étrangère, vous serez contrôlé, alors que si vous êtes blond aux yeux bleus, avec une valise, vous passerez facilement les barrages.
Nous refusons pour notre part que la population se trouve plongée dans ce climat de suspicion et de culpabilisation.
De telles lois, et celle du 10 août 1993 tout particulièrement, n'ont en rien permis de résoudre le problème réel du mal-vivre des cités frappées par la crise économique et sociale.
Le résultat certain de ces lois, et en particulier, de cette loi relative aux contrôles d'identité, c'est le franchissement d'un pas de plus vers une société sécuritaire, autoritaire, où la peur est brandie et suscite la haine de l'autre.
Le tout répressif symbolisé par les textes de 1993 ne réglera pas la situation, et chacun le sait bien.
Seule une autre politique, une réforme profonde de notre société qui mettra les immenses moyens dont un pays comme la France dispose au service de la population ramènera, un peu plus de bonheur et la soif de vivre dans nos villes.
Le vaste mouvement de protestation qui s'est développé contre le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui appelle à mettre un terme à ces dérives, qui masquent la réalité, à la grande joie des démagogues du Front national.
L'avis défavorable émis par le Gouvernement et la commission, sans explication, n'est pas acceptable face à l'ampleur des interrogations que soulèvent les « lois Pasqua ».
M. Mazeaud, quant à lui, a indiqué devant l'Assemblée nationale que, puisque le Conseil constitutionnel avait validé la loi du 10 août 1993, il n'y avait pas lieu d'y revenir. Connaissant la passion avec laquelle M. Mazeaud défend les droits du Parlement, son argumentation paraît surprenante !
Ainsi, une loi serait immuable - et nous parlons là des lois ordinaires - et ne pourrait être corrigée, revue, abrogée, sous prétexte que les juges constitutionnels, dépourvus de légitimité démocratique, l'auraient validée.
Nous n'acceptons pas cette argumentation qui fait peu cas des prérogatives parlementaires, et nous vous proposons, mes chers collègues, d'abroger la loi du 10 août 1993.
A M. le rapporteur et à M. le ministre, qui semblent s'étonner que nous ayons présenté à nouveau ces amendements, j'indique que nous jouons ainsi pleinement notre rôle de membres de l'opposition. Puisque la loi et la procédure nous le permettent, je ne vois pas pour quelles raisons nous ne le ferions pas. Nous ne travaillons pas en un milieu clos, mais sous le contrôle des Français et des électeurs qui nous ont fait confiance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. M. Pagès reproche au Gouvernement de ne pas répondre à ses questions.
Je veux seulement lui faire observer que s'il lui semble que le Conseil constitutionnel est dépourvu de légitimité démocratique, pour nous, la démocratie est une ; nous la respectons et nous respectons donc toujours les décisions du Conseil constitutionnel.
Or, je rappelle à la Haute Assemblée que le projet de loi dont M. Pagès souhaite l'abrogation est parfaitement respectueux des libertés individuelles dans un Etat de droit tel que nous le concevons. Ainsi en a jugé le Conseil constitutionnel le 5 août 1993.
Respectueux de ce jugement, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 9. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et indépendants.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 10, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 92-625 du 6 juillet 1992 sur la zone d'attente des ports et des aéroports et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est abrogée. »
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement tend à abroger la loi du 6 juillet 1992, qui avait pour objet de donner un fondement légal au maintien en zone internationale des étrangers en attente d'expulsion ou de régularisation dans le cadre du droit d'asile.
Nous avions à l'époque dénoncé la rupture avec les traditions d'accueil et d'asile de notre pays que marquait cette loi. Nous considérons que le problème du droit d'asile ne peut être traité par l'instauration de zones, bien souvent, de « non-droit ».
Nous estimons au contraire que notre pays doit avoir pour a priori d'être favorable à l'asile et non au rejet et à la fermeture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. M. Pagès demande l'abrogation d'une loi promulguée le 6 juillet 1992, époque à laquelle il soutenait le Gouvernement. Pour ne pas porter atteinte à l'union de la gauche naissante, le Gouvernement émet un avis défavorable !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
M. Félix Leyzour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Nous estimons, pour notre part, qu'il faut modifier tout ce qui peut aller à l'encontre des traditions d'accueil de notre pays. Invoquer une date pour s'y opposer n'est pas du tout à l'honneur du Gouvernement !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. C'est la date !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 11, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994 portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est abrogée. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Nous estimons que cet amendement déjà proposé lors de l'examen en première lecture est nécessaire. La loi du 27 décembre 1994 est le prolongement de la loi de 1992, que nous n'avons pas votée, monsieur le ministre. Vous pouvez vous reporter au Journal officiel de cette année. Souvenez-vous d'ailleurs de l'attitude qui était la nôtre, à l'époque, par rapport au gouvernement : nous ne votions pas toutes les lois, au grand regret d'ailleurs de nos amis socialistes. Nous avons ainsi protesté contre la création des zones d'attente que vient d'évoquer mon collègue Félix Leyzour.
Il s'agissait en 1994 d'étendre les zones d'attente aux gares ouvertes au trafic international. Plus de cent gares ont ainsi été concernées.
Nous estimons qu'une telle mesure déstabilise plus encore les étrangers sur lesquels la suspicion est jetée lorsqu'ils se déplacent en train en provenance d'autres pays.
Nous demandons donc, comme en première lecture, l'abrogation de la loi du 27 décembre 1994.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à cet amendement.
J'observe au passage que la disposition incriminée a été présentée par un ministre socialiste sous un gouvernement socialiste.
MM. Claude Estier et Guy Allouche. Pas en 1994 !
M. Paul Masson, rapporteur. En 1992 !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, le Gouvernement reste toujours cohérent et émet donc un avis défavorable, malgré les explications quelque peu embarrassées de M. Renar.
M. Ivan Renar. Pas du tout ! L'histoire, c'est l'histoire !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 12, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« D'où qu'il vienne et où qu'il soit, tout individu a en France des droits fondamentaux que la législation se doit de respecter et de protéger.
« La liberté d'aller et venir, celle de pouvoir trouver des moyens convenables d'existence, celle de pouvoir mener une vie personnelle et familiale normale, sont au premier rang de ces droits.
« Les restrictions qui peuvent y être apportées ne sauraient être discriminatoires ou arbitraires et doivent se limiter à celles qu'imposent à tous les nécessités d'une société démocratique. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Cet amendement vise à supprimer le nouveau dispositif des certificats d'hébergement, qui non seulement fait double emploi avec le système des visas, mais porte en plus atteinte aux libertés individuelles.
Face à la montée des critiques et pour tenter de faire taire les protestations, des aménagements ont été proposés. Mais la deuxième lecture à l'Assemblée nationale a montré combien les modifications apportées n'étaient pas satisfaisantes.
Ce que souhaitent les étrangers qui viennent rendre visite à des amis ou à de la famille en France ainsi que celles et ceux qui, en France, se proposent de les héberger, c'est un système simple, juste et égalitaire, c'est-à-dire tout le contraire de ce qui se pratique actuellement et à quoi le nouveau dispositif n'apporte aucun remède, tout en renforçant le caractère répressif et policier du système.
Lorsque la question de la constitution d'un fichier des hébergés et des hébergeants a été posée, vous avez d'abord dit, monsieur le ministre, qu'il n'en était aucunement question. Puis, vous avez affirmé qu'il s'agirait d'un archivage et non d'un fichier. Enfin, vous avez reconnu, à l'Assemblée nationale, qu'il y aurait bien un fichier, mais que celui-ci serait départemental, qu'il ne concernerait que les hébergés et que les informations ne seraient conservées que pendant trois mois.
Quelles garanties avons-nous ? Toutes ces mesures dites d'application seront prises par décret et pourront être facilement modifiées. N'y aura-t-il pas, dans l'avenir, un fichier national, voir européen, de plus ? Comment un fichier départemental où les informations ne seront conservées que trois mois pourrait-il être d'une quelconque utilité dans la lutte contre l'immigration clandestine ?
Nous sommes là face au paradoxe et à la limite de ce dispositif. Soit il met en cause certaines libertés individuelles, soit il est totalement inutile pour le véritable démantèlement des filières mafieuses qui exploitent les candidats à l'immigration.
C'est pourquoi, devant cette sorte d'impasse, nous vous demandons d'adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La France annule les dettes que les pays les moins avancés ont contractées auprès de l'Etat.
« II. - Les opérations sur le marché monétaire sont soumises à une taxation spécifique assise sur leur montant. Le taux de la taxe est fixé en tant que de besoin pour permettre le financement de l'annulation. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Nous avons tenu à vous proposer une nouvelle fois cet amendement qui ouvre, selon nous, les perspectives d'une nouvelle politique d'immigration, respectueuse des droits de l'homme et source de développement.
Je tiens à rappeler les propos de M. Charles Pasqua qui, en 1993, déclarait : « On peut prendre toutes les décisions administratives possibles, on ne résoudra le problème de l'immigration de l'Est comme du Sud que par le développement des pays d'origine. »
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Robert Pagès. Oui : très bien, monsieur Hamel !
Qu'a fait l'ancien ministre, aujourd'hui notre collègue, pour donner corps à ces sentiments justifiés ? Rien, ou très peu.
Que font aujourd'hui M. le ministre Debré et le Gouvernement ? Rien, ou très peu, puisque le budget de la coopération a baissé de 7 % dans le cadre de la dernière loi de finances.
Pourquoi, si l'on écoute M. Pasqua, persévérer ainsi dans la voie de l'accumulation de mesures répressives et autoritaires ? Il s'agit de toute évidence, nous l'avons maintes fois répété, de mesures idéologiques pour, d'une part, chasser sur les terres de l'extrême droite pour des raisons électoralistes et, d'autre part, masquer les raisons profondes de la crise.
Nous proposons, par notre amendement, d'annuler la dette des pays les moins avancés et de financer cette initiative essentielle par l'instauration de la taxe Tobin, du nom d'un économiste américain, prix Nobel, portant sur le marché monétaire.
Je ne reviendrai pas sur la démonstration faite sur ce point par mon amie Danielle Bidard-Reydet lors de la première lecture, mais je m'étonne de l'absence totale de débat sur nos amendements, alors que chacun s'accorde, M. Pasqua lui-même, sur le lien entre immigration et politique de développement.
Quels furent les seuls commentaires de M. Masson, rapporteur, et de M. Debré, ministre ? « Défavorable », point d'exclamation !
Cela n'est pas digne, selon nous, d'un véritable débat parlementaire. En effet, à force de mépriser les propositions de l'opposition, le Parlement risque de ne bientôt plus s'apparenter qu'à une simple chambre d'enregistrement.
Pour l'instant, nous vous proposons d'adopter cet important amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 14, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 1997, il est institué une taxation spécifique des délocalisations d'entreprises dans un pays extérieur à l'Union européenne.
« II. - Cette taxe est fixée au taux de 10 % de la valeur comptable des actifs délocalisés tels qu'inscrits au bilan de l'entreprise concernée, majorée des éventuelles reprises sur provisions ou amortissements associés à l'opération de délocalisation.
« III. - Le produit de la taxe définie au II ci-dessus est affecté au compte de prêts n° 903-17 "Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à la Caisse française de développement".
« Il est mobilisé sous forme de prêts à faible taux d'intérêt, de créances participatives ou de prêts convertibles en subventions pour faciliter la mise en oeuvre de programmes bilatéraux et multilatéraux de développement économique. »
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Cet amendement vise à instituer une taxation spécifique des délocalisations d'entreprises dans un pays extérieur à l'Union européenne.
Nous estimons en effet qu'il est dans l'ordre des choses de faire participer au développement des pays les entreprises qui y expatrient leurs moyens de production afin d'utiliser, dans la plupart des cas, une main-d'oeuvre à bon marché, dans la recherche d'un profit toujours plus grand.
Nous proposons, en effet, que le produit de la taxe que nous souhaitons instaurer soit mobilisé sous forme de prêts à faible taux d'intérêt, de créances participatives ou de prêts convertibles en subventions pour faciliter la mise en oeuvre de programmes bilatéraux et multilatéraux de développement économique.
Tel est l'objet de cet amendement, qui s'inscrit dans une démarche totalement contraire à celle du projet de loi dont nous discutons.
Notre souci, c'est l'aide, la coopération, l'amitié entre les peuples ; ce n'est pas la haine, la peur, la suspicion et la concurrence. Ainsi faisant, nous pourrions contribuer au développement économique des pays du tiers monde, ce qui est une manière de combattre l'immigration à la source.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Même avis que la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 15, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Chaque année un rapport est présenté par le Gouvernement devant le Parlement informant des initiatives internationales prises par la France pour la généralisation de l'annulation de la dette des pays les moins avancés.
« Ce rapport fera également état des initiatives prises par le Gouvernement pour que l'ensemble des pays en voie de développement obtiennent dans le cadre d'une évolution négociée l'annulation de leur dette. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. L'urgence des mesures à prendre en matière de coopération pour le développement nécessite, à notre sens, que, chaque année, un rapport soit présenté par le Gouvernement au Parlement afin d'informer ce dernier des initiatives prises par la France en ce domaine, tout particulièrement en ce qui concerne la nécessaire politique de réduction et d'annulation de la dette.
Le refus catégorique d'une telle proposition opposé par la majorité sénatoriale apparaîtrait difficilement compréhensible, étant donné qu'il faut être aveugle pour ne pas percevoir que l'équilibre des relations entre le Nord et le Sud passe par cette aide fondamentale au développement.
Nous vous proposons donc, une nouvelle fois, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je suis encore du même avis que la commission !
Mme Joëlle Dusseau. Quelle surprise !
M. Ivan Renar. Mais quel suivisme !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Vous êtes cohérents, nous aussi !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. « Art. 1er . - I. - Après les mots : "et visé", la fin du premier alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigée : "par le représentant de l'Etat dans le département où le signataire réside". »

« II. - Les deuxième et troisième alinéas du même article 5-3 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le représentant de l'Etat refuse, par décision motivée, de viser le certificat d'hébergement dans les cas suivants :

« - il ressort, soit de la teneur du certificat et des justificatifs présentés, soit de la vérification effectuée au domicile de son signataire, que l'étranger ne peut être hébergé dans des conditions normales ;
« - les mentions portées sur le certificat sont inexactes ;
« - les demandes antérieures de l'hébergeant font apparaître un détournement de la procédure au vu d'une enquête demandée par le représentant de l'Etat aux services de police ou unités de gendarmerie. »
« III. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du même article 5-3, les mots : "par le maire" sont remplacés par les mots : "par le représentant de l'Etat".
« IV. - Dans le dernier alinéa du même article 5-3, les mots : "par le maire" sont supprimés.
« V. - Le même article 5-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger hébergé remet le certificat d'hébergement dont il a bénéficié aux services de police, lors de sa sortie du territoire. »
« VI. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quand un gouvernement ne sait plus quoi faire, quand il est contraint au recul, il a tendance à faire n'importe quoi ; cela s'appelle le désarroi, et le Gouvernement est en proie au désarroi.
Depuis quatre ans, de lois Pasqua en loi Debré, le Gouvernement multiplie les lois sur l'immigration, et c'est toujours plus dur, toujours plus restrictif, toujours moins de libertés publiques.
Qui ne constate que cette stratégie est parfaitement inopérante, car les textes les plus répressifs n'ont fait que légitimer le discours de l'extrême droite, au point de rendre poreuses les frontières qui séparaient celle-ci de la droite ?
Voilà quatre ans, M. Pasqua se faisait fort de « clouer le bec au Front national ». Les succès municipaux de l'extrême droite ont sanctionné cette prétention au moment même où les lois de 1993 suscitaient le drame des sans-papiers et commençaient à grignoter les libertés fondamentales.
En remettant sans cesse sur l'établi législatif la question de l'immigration, le Gouvernement a cru calmer les ardeurs des ultras de sa majorité, alors qu'en fait la droite fait le lit du Front national.
M. Emmanuel Hamel. N'en parlez pas tout le temps !
M. Guy Allouche. Monsieur le ministre, sur ce point, votre responsabilité est écrasante. Quand les ultras de la majorité ont durci le texte en première lecture à l'Assemblée nationale, vous étiez ravi, puisqu'ils reprenaient vos propositions initiales.
Quand la droite sénatoriale a - je reprends son expression - « adouci » le texte, vous étiez enchanté.
Lorsque le Premier ministre, après avoir dit que le texte ne serait pas modifié parce qu'il était équilibré, a fini par admettre qu'il fallait reculer et vous a obligé à « faire machine arrière toute », votre félicité fut sans borne, malgré le désaveu qui vous était infligé !
Lorsqu'à l'Assemblée nationale, Julien Dray, présenté un amendement demandant que ce soit le représentant de l'Etat - en l'occurrence le préfet - qui garde autorité pour la délivrance des certificats d'hébergement, vous avez dit « non » avec une remarque qui vaut - permettez-moi - « son pesant de cacahuètes » : « Nous avons avec cet amendement un exemple caractéristique de la bureaucratie et de la contradiction socialistes. » Cela figure à la page 8574 du Journal officiel .
Je n'ai pas l'impression que vous ayez eu, un jour, la moindre conviction dans ce domaine. Comment ne pas s'interroger sur la crédibilité de votre discours ?
Votre complexe vis-à-vis de votre prédécesseur, votre obsession de faire du « chiffre » en matière d'expulsions vous plongent en plein désarroi. Vous avez ouvert la boîte de Pandore et vous vous étonnez de voir sortir Pandore !
Vos réponses embarrassées et contradictoires à l'Assemblée nationale prouvaient que vous ne maîtrisiez plus votre sujet, que l'on vous faisait jouer une partition pour laquelle vous n'aviez aucune aptitude, et ce n'est pas l'amendement du « casque bleu » Pierre Mazeaud qui réglera les difficultés à venir.
Certes, l'incitation à la délation disparaît, mais le fichage demeure, et les subtilités juridiques ne produiront que des résultats homéopathiques contre l'immigration irrégulière et, fait plus grave, ce projet répressif alimente la xénophobie et ruine peu à peu les libertés publiques.
La réaction des intellectuels ne peut que rassurer les démocrates. Ce sont les sismographes de nos crises sociales et morales, nos vigies de la mémoire, analyseurs du présent et détecteurs d'avenir. Ils ont eu raison de sonner l'alarme contre une dérive qui, au nom d'une démonisation de l'immigré, porte atteinte à la liberté de tous.
En première lecture, j'ai dénoncé l'autisme du Gouvernement, qui n'a pas voulu tenir compte des nombreux avis rappelés tout à l'heure par M. Badinter. Nous avons dénoncé non seulement la délation contenue dans l'article 1er, mais également l'ensemble du texte qui déstabilise et précarise l'immigration régulièrement installée.
Vous avez méprisé l'opinion de l'opposition, mais nous avons fortement contribué au sursaut civique de dizaines de milliers de nos concitoyens, qui a fait reculer le Gouvernement.
Nous verrons dans un moment que la nouvelle rédaction de l'article 1er ne résout pas le problème posé et qu'elle infirme nombre d'arguments avancés.
M. le ministre déclare qu'il va tenter de redonner aux maires le pouvoir que l'amendement Mazeaud leur a retiré. Mais, si les maires sont, pour l'instant, mis à l'écart du processus de décision, à qui la faute, sinon à vous, monsieur le ministre ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue, vous vous approchez de la fin de votre temps de parole.
M. Guy Allouche. Monsieur le ministre, j'ai le regret de vous dire que vous n'êtes pas le plus qualifié pour condamner la désobéissance civique, pour appeller au respect de la loi et des décisions de justice quont on connaît votre attitude dans l'affaire Le Foll !
Qu'avez-vous fait contre les maires qui se vantaient de ne pas signer de certificats d'hébergement ? En tant qu'agents de l'Etat, avaient-ils le droit de prendre un engagement électoral signifiant qu'ils n'appliqueraient pas la loi ?
M. le président. Je vous demande à nouveau de bien vouloir conclure, mon cher collègue !
M. Guy Allouche. Je vais conclure, monsieur le président, mais je vous demande ...
M. le président. Je vous demande, moi, de respecter le règlement !
M. Guy Allouche. Monsieur le président, vous avez toutes les raisons de m'interrompre, mais je peux vous dire que, dans ces conditions, sur tous les articles et sur chaque amendement, je prendrai systématiquement cinq minutes de temps de parole.
M. Jean Delaneau. C'est du chantage !
M. le président. C'est votre droit, mon cher collègue, mais vous n'avez pas le droit, pour l'instant, de dépasser votre temps de parole quand je vous rappelle qu'il est en train de s'écouler, et qu'il est même épuisé.
M. Guy Allouche. Je vais donc conclure, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas qualifié, je le disais, pour faire toutes les remarques que vous faites depuis le début.
Nos critiques ajoutées à celles de la majorité prouvent, s'il en est encore besoin, que le Gouvernement s'est laissé enfermer dans un piège. Monsieur le ministre, ce projet de loi est-il encore équilibré ? Assurément oui : pour 50 %, il est inefficace et, pour 50 %, il est inacceptable. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Robert Pagès. Très bien ! M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Le débat à l'Assemblée nationale a apporté à l'article 1er des changements de pure forme. Ce qui est présenté comme une concession au grand mouvement de protestation ne modifie en effet en rien, je tiens à le dire d'entrée, le fond de votre projet d'article 1er, monsieur le ministre.
Certes, vous avez, avec l'aide précieuse de M. Mazeaud, retiré la scandaleuse incitation à la délation, qui était incluse dans votre projet initial.
Ce recul réel est sans nul doute à mettre à l'actif du mouvement qui a pris l'ampleur que nous connaissons avec l'appel des intellectuels, qui a suscité un véritable sursaut citoyen.
Mais, sur le fond, le Gouvernement tient bon.
L'article 1er, de toute évidence, renforce le caractère policier du certificat d'hébergement. En transférant la responsabilité du certificat d'hébergement du maire au préfet, vous laissez entier, par exemple, le problème de la constitution de fichiers.
Les débats à l'Assemblée nationale ont confirmé - qui peut sincèrement. aujourd'hui, prétendre le contraire ? - l'existence future de fichiers d'hébergés, et, de ce fait, de fichiers d'hébergeants.
Les dénégations de la majorité sénatoriale n'effaceront rien. Le texte proposé par le paragraphe V de l'article 1er est, je le rappelle, ainsi conçu : « L'étranger hébergé remet le certificat d'hébergement dont il a bénéficié aux services de police, lors de sa sortie de territoire ».
Cette disposition, en particulier, entraîne, de fait, la constitution de fichiers. L'article 1er renforce donc encore le sentiment de traque, de surveillance continue qui pèse sur les étrangers en France.
Contrôle de nos frontières - il est nécessaire, qui aurait la folie de le contester ? - ne doit pas rimer avec atteinte aux libertés, remise en cause des droits de l'homme.
Nous aurons, lors de la discussion des amendements sur cet article, de nombreuses occasions de revenir sur cette proposition Debré-Mazeaud pour démonter sa nocivité.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je tenais d'entrée à rappeler notre totale opposition à ce texte, amendé ou non.
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Mon intervention de ce soir sera brève, car nous reviendrons sur le détail de l'article lors de la discussion de chacun des amendements.
Sur l'article 1er, je veux relever tout de suite une divergence d'interprétation entre M. Badinter et M. Pagès.
A en croire M. Badinter, le projet a foncièrement changé à partir de son article 1er et le coeur du dispositif en a été lui-même altéré.
Selon M. Pagès, il s'agit d'un changement de forme ; sur le fond, rien n'est changé.
Les divergences d'interprétation entre les deux orateurs des groupes de l'opposition sont donc manifestes.
M. Robert Pagès. Cela n'a rien d'étonnant ! Nous sommes pluriels !
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est la pluralité !
M. Paul Masson, rapporteur. Bien sûr !
On a parlé de recul du Gouvernement. Je laisse au Gouvernement le soin d'apprécier s'il a reculé ou non.
Sur le plan juridique, je fais toutefois observer à M. Badinter qu'il n'y a, à cet égard, aucun recul, aucune rupture de philosophie, aucune rupture de doctrine. Nous sommes dans la même filiation depuis 1985, avec l'interprétation du Conseil d'Etat, et, depuis 1993, avec l'interprétation du Conseil constitutionnel.
Jusqu'à aujourd'hui, le maire agit très exactement comme agent de l'Etat. Quant au préfet, c'est, lui aussi, un agent de l'Etat. A cet égard, et dans cette matière, ils sont donc tous deux des agents de l'Etat qui exercent une parcelle de la souveraineté nationale sous le contrôle du Gouvernement.
Effectivement, le Gouvernement a estimé que les circonstances le conduisaient à transférer du maire, agent de l'Etat, au préfet, agent de l'Etat, la responsabilité du visa d'hébergement, mais c'est exactement la même filiation.
Il en aurait été autrement, bien sûr, si le maire avait tenu son pouvoir des lois de décentralisation ou du code général des collectivités territoriales. Mais, en l'espèce, ce n'est pas le cas, et cela a été jugé deux fois.
Par conséquent, monsieur Badinter, je ne vois pas comment vous pouvez parler de bouleversement de la structure du texte, au seul motif que l'on transfère du maire au préfet la responsabilité d'exercer une obligation de souveraineté et une parcelle des prérogatives de l'Etat.
M. Claude Estier. Il n'y a pas que cela qui a été changé !
M. Paul Masson, rapporteur. J'y viens, monsieur Estier.
Vous ne comprendrez pas toute la philosophie du certificat d'hébergement si vous ne vous référez pas aux circulaires ministérielles de 1982 et 1991, qui interprètent, l'une et l'autre, des décrets puis en 1982 et en 1991.
Tout est dans ces textes, y compris - nous en reparlerons demain - les fichiers des hébergeants ! C'est très exactement dit dans le texte. Nous lirons demain la circulaire ministérielle ; elle est, à cet égard, explicite et d'une clarté absolue.
Dès lors, je ne comprends pas que l'on fasse un tel procès d'intention au ministre à ce sujet ; il est obligé de gérer la situation telle qu'elle a été générée par la circulaire de 1991, à tel point que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, a été amenée à statuer sur la demande d'un certain nombre de maires qui, entre 1992 et 1994, et depuis encore, lui ont demandé d'informatiser leurs fichiers.
Et cela, ce n'est pas maintenant, ce n'est pas pour le futur, ce n'est pas dans l'imagination des gens ; c'est dans le rapport de la CNIL de 1994, à la page 179.
M. Guy Allouche. Vous le lirez, et vous verrez qu'elle n'a pas dit cela !
M. Paul Masson, rapporteur. Mes chers collègues, je vous demande de considérer objectivement la situation réelle.
Qu'a dit la CNIL ? Avant 1991, elle refusait. Intervient le décret de 1991 : la CNIL dit qu'il faut supprimer les observations nominatives, et celles-là seulement, un mois après l'expiration du délai pendant lequel l'étranger est en France, soit - trois mois de séjour plus un mois de délai - quatre mois. Les autres observations restent.
Nous y reviendrons demain, car je ne voudrais pas, à cette heure, entrer dans le détail des textes. Mais qu'on ne fasse pas, sur ce sujet, un mauvais procès au Gouvernement.
Nous reparlerons de l'espace Schengen en temps utile.
Franchement, le procès qui est fait à l'article 1er me paraît totalement déplacé. Il procède précisément de ce psychodrame par lequel tout est né parce que personne, à l'époque, voilà un mois et demi, ne s'est donné la peine de remonter aux sources et de rechercher l'origine du texte actuel.
Il est issu, effectivement, d'un dispositif antérieur : le Gouvernement a estimé que, à partir du moment où, dans des conditions très strictes - nous y reviendrons demain - l'hébergeant devait déclarer l'hébergé qui arrivait chez lui, il pourrait aussi déclarer sa sortie.
M. Claude Estier. C'est tout de même un changement important !
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne vois pas en quoi cela ressemble à de la délation.
Et s'il devait y avoir délation, mon cher collègue, on pourrait penser qu'elle était aussi substantiellement contenue dans le dispositif élaboré en 1982 et confirmé en 1991, dans lequel il était explicitement demandé que l'hébergeant, lorsqu'il déposait sa demande auprès du maire, devait donner son numéro de téléphone personnel, son numéro de téléphone professionnel et que, en tout état de cause, une décision de refus entraînait obligatoirement la conservation de l'original de la pièce délictueuse dans un coffre spécial, de telle sorte que, le cas échéant, elle pouvait nourrir une procédure à l'encontre de celui qui avait fait une démarche obligatoire de par la réglementation de l'époque.
Je ne crois pas qu'on puisse, au travers de cette affaire, essayer de démontrer que le Gouvernement serait liberticide.
Objectivement, nous devons nous en tenir, très posément et très formellement, à l'analyse d'un texte qui n'est que la conséquence de dispositions datant de quinze ans. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier. Pourquoi a-t-il changé entre-temps ?
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'avais pas du tout l'intention d'intervenir sur l'article 1er. Je tiens toutefois, maintenant, à faire la démonstration qu'il est parfois préférable de laisser un orateur s'exprimer quelques secondes de plus plutôt que de provoquer tout un groupe.
M. Gérard Braun. C'est du chantage !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce débat est important. Le rapporteur, le président de la commission et le Gouvernement peuvent s'exprimer aussi longtemps qu'ils le souhaitent. Tous appartiennent à la majorité actuelle.
Si donc, de temps en temps, nous avons, nous, besoin d'une minute de plus que ne le prévoit le règlement, je rappelle que ce même règlement vous donne, monsieur le président, la possibilité de nous l'accorder. Nous vous le demandions. C'est ma première observation.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je n'apprécie pas spécialement cette interpellation personnelle.
Vous n'avez rien demandé du tout. M. Allouche imposait la prolongation de son discours. Tel était peut-être son souhait, mais en aucun cas son droit.
M. Guy Allouche. Faites preuves d'autorité et non pas d'autoritarisme, monsieur le président !
M. Gérard Braun. M. Dreyfus-Schmidt est mal placé pour en parler !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vous demande pas, monsieur le président, d'apprécier ou non mes propos.
Je demande au président de séance - et j'ai le droit de la faire - d'avoir l'amabilité de nous laisser les quelques minutes dont nous pouvons avoir besoin compte tenu du déséquilibre inhérent à ce débat puisque la majorité s'exprime quand elle le veut et aussi longtemps qu'elle le veut et que l'opposition ne le peut pas.
Le règlement, je le répète, donne au président de séance la possibilité de laisser les orateurs s'exprimer autant qu'il le veut, lui président. Nous avons donc le droit de demander au président de ne pas nous couper brusquement le micro dès lors que notre temps de parole est écoulé, de nous laisser au moins terminer notre phrase.
Ma seconde observation porte sur le fait de savoir, s'agissant de l'article 1er, si nous sommes les affreux laxistes que vous dénoncez, monsieur, à longueur de journée ou si, au contraire, nous partageons votre philosophie et si nous avons mis en place des systèmes efficaces pour limiter l'immigration clandestine.
Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux : nous reprocher certaines mesures qui s'apparenteraient aux vôtres et prétendre dans le même temps que nous sommes des laxistes. Là aussi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il faut choisir.
Une polémique est née de l'évocation de Vichy. Lorsque j'entends M. Bonnet reprocher à certains d'entre nous de l'avoir fait pour, ensuite, prétendre que les vrais intellectuels seraient non seulement Sartre et Arago, mais également Céline et Drieu la Rochelle, je me dois tout de même de lui dire que c'est de la provocation. Drieu la Rochelle et Céline me rappellent précisément l'époque de Vichy, et j'ai le droit de le dire.
M. Jean-Jacques Hyest. C'étaient tout de même des intellectuels !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Chacun a l'opinion qu'il veut !
J'en viens à ma troisième observation.
Les lois Pasqua ont fabriqué des sans-papiers. Celui qui en était rapporteur l'est également sur ce projet. Il fait son travail le mieux possible. Je dois dire toutefois que, si j'avais été à sa place, je n'aurais pas accepté, cette fois, ce rôle.
En effet, c'est le procès de ce qu'il nous a fait faire en 1993, par deux lois dont il était le rapporteur, qui est fait aujourd'hui puisque c'est à cause de ces lois Pasqua que nous sommes obligé de recommencer.
S'agissant du fichier, est-ce un fichier municipal, départemental ou national ? Vous nous avez dit que ce n'était pas un fichier national. Pourtant, ces papiers, on les rendra. Où le fera-t-on ? On ne sait pas.
En tout cas, ce sera à la sortie du territoire. Les services de police qui seront ou non à la sortie du territoire renverront-ils les documents au département, à la commune ? Qu'en feront-ils ?
Quant à moi, depuis le début de ce débat, je n'ai pas encore compris à quoi servait votre système, moins encore d'ailleurs, lorsque je lis ce fax qu'une personne ayant enfin obtenu son visa adresse à son ami pour lui dire que, ne voulant pas lui attirer d'ennuis, plutôt que se servir de son certificat d'hébergement, elle préfère retenir une chambre d'hôtel pour ses deux premières nuits et qu'ensuite elle avisera.
Et c'est ainsi que cela se passe. Or, si un étranger descend à l'hôtel, il n'a pas besoin de certificat d'hébergement. Il a parfaitement le droit de ne passer qu'une nuit à l'hôtel et ensuite d'aller chez qui il veut. Il n'a pas besoin de faire de déclaration ni à l'entrée ni à la sortie du territoire.
Monsieur le ministre, ceux que vous allez ennuyer, seront les gens de bonne foi. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, quitte à vous déplaire, je vous invite à conclure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je conclus en effet.
Mais, de tous ces irréguliers dont vous nous avez parlé tout à l'heure, ces irréguliers qui ont été arrêtés, certainement aucun n'était venu muni d'un certificat d'hébergement. Nul doute qu'ils étaient passés par l'Espagne grâce à des filières, et non pas sur présentation de certificats d'hébergement.
Dès lors, votre article 1er, première ou deuxième manière, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, ne sert à rien dans la lutte, qui nous est commune, contre l'immigration irrégulière. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mes amis ont bien dit, je crois, tout ce que cet article comporte, à l'analyse, d'inutilisable, de tracassier et, au fond, d'inefficace. Pour ma part, je veux revenir sur les réactions qu'a suscitées cet article et stigmatiser la manière dont vous en avez parlé, monsieur le ministre.
En effet, si vous avez voulu me traiter par l'ironie tout à l'heure, après avoir laissé entendre que peut-être j'aurais exagéré sur la façon dont vous et vos amis vous avez entouré ce débat, le moment est tout de même venu de stigmatiser ce que vous avez cru nécessaire de redire ici, les uns et les autre à la tribune.
Comment, dans un pays où en raison de la tradition démocratique on a l'habitude d'exprimer son émotion, parfois vivement, parfois fortement et jusque dans la rue, comment peut-on, d'une tribune comme la nôtre, parler des intellectuels comme vous le faites ?
Mes chers collègues, vous avez employé à l'Assemblée nationale comme dans cet hémicycle des mots qui sentent mauvais.
Mme Paulette Brisepierre. Oh !
M. Jean-Luc Mélenchon. Au Palais-Bourbon, M. Marc Fraysse, parlant des mouvements insurrectionnels des intellectuels, les désigne comme étant « des protestations très médiatisées de quelques artistes siliconés et autres intellectuels en mal de publicité ».
Nous qui nous flattons et nous honorons d'être des intellectuels, nous reconnaissons ce vocabulaire. Nous savons de quel climat il participe.
Notre collègue M. Bonnet m'aura offert une occasion nouvelle de renouer avec les sentiments de ma jeunesse, alors que, ministre de l'intérieur, il ne citait pas encore Mme Laguiller dans les termes qu'il utilise aujourd'hui. Aujourd'hui, pour désigner ceux qui se mobilisent dans notre pays, il parle des « récidivistes de la pétition », des « personnages en mal de publicité », de la « cohorte de pseudo-intellectuels ». En effet, comme chacun le sait, notre collègue M. Bonnet est habilité à distinguer l'intellectuel du pseudo-intellectuel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il connaît Céline et Drieu la Rochelle !
M. Emmanuel Hamel. M. Bonnet est un grand intellectuel !
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh bien ! ce vocabulaire d'argousin sent à plein nez la haine de l'intellectuel et la méfiance à son égard, nous rappelle trop ce petit seuil vite franchi au-delà duquel il est si fréquemment assimilé au cosmopolitisme, aux métèques, à tous ceux dont on ne contrôlerait pas assez bien et d'assez près les sentiments qu'ils expriment.
Au demeurant, il vous aura fallu à ce sujet non seulement citer les anges déchus de la littérature, notamment Drieu la Rochelle - il n'y manquait que Brasillach, qui, lui, finit sa triste carrière devant un poteau d'exécution ! -, il vous aura fallu appeler à la rescousse le général de Gaulle lui-même, pour le citer à l'Assemblée nationale - je veux le croire, hors de son contexte et sans qu'à cet instant j'aie vraiment la preuve que c'est bien dans ces termes qu'il s'exprimait - et, d'intervention en intervention, dramatiser le propos et le tirer d'un côté que je juge insoutenable.
Ainsi, Mme Suzanne Sauvaigo juge opportun de citer le général de Gaulle pour lui faire dire à ce sujet : « C'est très bien qu'il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns - ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu'elle a une vocation universelle -, mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même et avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »
M. Jean-Marie André, embrayant sur ce propos...
M. Gérard Braun. Nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale ?
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous invite à conclure.
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh bien ! je me contenterai à cet instant de M. Jean-Marie André !
« Que l'on ne me raconte pas d'histoire, fait-il dire également au général de Gaulle. ... Ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri... Essayez d'intégrer de l'huile et du vinaigre !... Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans qui, demain, seront vingt millions et après-demain quarante ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées. »
C'est tout cela qui est présent à l'esprit de nos concitoyens. Contrairement à ce que vous nous avez dit, monsieur le ministre, quand vous prétendez vous attaquer à l'immigration clandestine, tout le monde sait que, d'une certaine façon, c'est à toute la France que vous vous attaquez ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, sont encore inscrits sur l'article 1er Mme Dusseau et M. Badinter. Je me demande si l'application de l'article 38 de notre règlement, qui prévoit la clôture de la discussion dans certaines conditions, ne se profile pas à l'horizon.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Parlant sur l'article 1er, je m'interrogerai d'abord sur son efficacité. Je rappellerai à cet égard quelques chiffres.
En 1995, il y a eu 130 000 certificats d'hébergement et 1 300 000 visas de courts séjours en France. En d'autres termes, les certificats d'hébergement ne représentent que 10 % des visas de courts séjours délivrés en France en 1995.
Il est un autre chiffre sur lequel nous devons réfléchir avant de nous prononcer sur cet article - ces données qui ont été analysées par la CIMADE -, 10 % seulement des clandestins en instance de reconduite à la frontière sont entrés avec des visas. Donc, en fait, 90 % de ces clandestins en instance de reconduite à la frontière étaient entrés en France sans visa.
Si l'on combine ces deux chiffres - 10 % de clandestins en instance de reconduite à la frontière titulaires de visa et 10 % de clandestins munis d'un certificat d'hébergement -, cela nous amène pour les clandestins à 1 % !
La question que je pose est la suivante : qui va gêner le dispositif que nous mettons en place ? Certainement pas les clandestins, qui pénètrent sur notre territoire d'une autre manière, sans certificat d'hébergement, sans visa. Non ! Ce dispositif va gêner les autres, les personnes en situation régulière. Cela sera une formalité de plus, de la paperasserie supplémentaire.
Dans ces conditions, si ce dispositif est aussi peu efficace, comme les chiffres tendent à le prouver, pourquoi s'y cramponner ainsi ? J'attribue à cette attitude, pour ma part, deux explications possibles.
La première est envisageable : le Gouvernement s'était beaucoup avancé et, au fond, il n'a pas voulu se déjuger complètement ; il n'a pas voulu reconnaître qu'il avait fait un pas de clerc et rebrousser chemin. Cette explication est possible, je ne l'écarte pas, mais M. le ministre pourra lui-même nous la confirmer éventuellement.
Il est une seconde explication. Cet article, en dehors de toute considération d'efficacité, dissimulerait des intentions non dites ou non écrites. Je pense alors à ce problème de fichier, départemental, national ou municipal. Tout tourne autour de ce fichier.
De deux choses l'une : ou bien le ministre reconnaît son pas de clerc et retire ce dispositif-là ; ou bien il le maintient, ce qui signifie que ce fichier dissimule bien certaines intentions, quelles que soient les prises de position des élus, monsieur Masson, ou de la CNIL.
Mes chers collègues, il vous faut bien réfléchir à tout cela. Même si de telles intentions ne sont pas celles des gouvernants d'aujourd'hui, songez qu'une fois que vous aurez mis en place le dispositif, certains pourraient s'en servir demain.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je retournerai un instant avec précision au texte.
Monsieur le rapporteur, je comprends parfaitement que vous ne puissiez porter une attention constante à tous les propos que nous tenons. Permettez-moi simplement de reprendre le propos que j'ai tenu tout à l'heure concernant le coeur du dispositif de la loi. Et Dieu sait qu'il a soulevé en cet instant l'ire, il est vrai facile à soulever, de M. de Rohan. Le coeur de ce dispositif, c'était bien l'obligation faite à l'hébergeant de dénoncer - vous vous rappelez ce qu'il est advenu au prononcé de ce mot, pourtant, dans le Littré, très clair, et pour les juristes plus encore - donc de dénoncer à la mairie le départ de son hôte.
Ce n'était pas le problème de ce que j'appellerai « le premier étage de la fusée », c'est-à-dire le fait de savoir à quelle autorité on va demander le visa ; c'était l'adjonction qui était la nouveauté législative de ce projet, à savoir l'obligation pour l'hôte de dénoncer le départ de celui qu'il reçoit chez lui.
C'est cela, vous le savez, qui a soulevé et les réserves du Conseil d'Etat et les protestations que nous connaissons. C'est cela qui a disparu dans le système que M. Mazeaud a proposé, et qui a été retenu.
Ce système est aujourd'hui en question. Or, je tiens à le dire à la Haute Assemblée, il ne pourra pas fonctionner. Il est illusoire ; il est « déceptif » et il est facile de s'en rendre compte.
Je laisse de côté le problème du visa lui-même. Nous vivions, vaille que vaille, avec le système du visa du certificat d'hébergement délivré par le maire.
On sait l'inquiétude née récemment devant certains dévoiements et la perspective affirmée par des maires appartenant au Front national qu'aucun certificat d'hébergement ne soit visé par eux de manière à interdire la présence de tout visiteur chez les immigrés résidant dans leur commune. Face à ces dangers, je dois rappeler à la Haute Assemblée qu'il existe des possibilités de ripostes.
D'abord, cet acte, vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le rapporteur, qui s'inscrit dans le cadre de l'exercice de l'autorité de l'Etat par le maire, peut par conséquent, faire l'objet d'un recours juridictionnel. Mais il y a plus. Comme nous sommes dans le cadre de l'exercice de l'autorité de l'Etat, on peut demander par voie de recours hiérarchique au préfet de se prononcer.
Enfin, dans les cas les plus graves, on pourrait même aller jusqu'à envisager à l'encontre de tel ou tel maire des sanctions, et elles peuvent être prises jusqu'en conseil des ministres.
Nous n'étions pas et nous ne sommes toujours pas dépourvus de moyens d'agir contre ce que les maires du Front national ont annoncé et qui serait le cas le plus saisissant de violation d'une disposition à valeur législative.
Je pense qu'à cet égard la fermeté dont on veut faire preuve à l'encontre des immigrés clandestins sera la même à l'encontre de maires qui violeraient la loi.
Cela dit, l'innovation proposée par M. Mazeaud - et, je le dis encore une fois, il sait que j'ai de la considération juridique et amicale pour lui, mais il arrive qu'il se trompe - ne peut pas aboutir. Croire qu'en imposant à l'hébergé, au visiteur, de donner à sa sortie du territoire le certificat d'hébergement permettra de savoir qu'il est parti, c'est complètement illusoire.
Dans cette perspective, deux cas se présenteront.
Le premier concerne ceux qui, s'en allant, estiment qu'ils ne reviendront pas. Dans ces conditions, à quoi bon envoyer le certificat d'hébergement ? Comme ils n'auront pas envoyé le certificat d'hébergement, la conviction sera qu'ils se trouvent encore sur le territoire français. On les recherchera et où ira-t-on ? Chez l'hébergeant bien sûr ! Vous imaginez ce qui en résultera pour ceux qui recevront de telles visites, qui feront l'objet de telles investigations ? Et ils seront soit des Français, soit des immigrés.
M. le président. Monsieur Badinter, je vous invite à conclure !
M. Robert Badinter. Je conclus, mais je prendrai de nouveau la parole lors de l'examen des amendements pour poursuivre sur ce thème.
Le second cas concerne l'hébergé qui, lui, aura décidé de rester sur le territoire français. Après avoir posté la lettre à destination du préfet, il s'évanouira dans la nature.
Du point de vue de l'autorité administrative, ses représentants auront reçu la lettre et, par conséquent, seront convaincus qu'il a quitté le territoire français alors qu'il sera, lui, entré dans l'illégalité.
Donc, ce système ne peut produire aucun résultat.
Le dispositif imaginé pour pallier la dérobade, la retraite que j'évoquais tout à l'heure, le recul, ou la défaite, si vous préférez, à savoir la tentative de camouflage dans un système juridique complexe, ne résiste pas à l'analyse.
Ce que vous nous proposez est à la fois illusoire et déceptif.
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Je tiens à faire remarquer à M. Badinter que toute la polémique qu'il a organisée dans cette affaire - lui et d'autres, mais lui encore ce soir - tient à un seul mot, qui a effectivement une décharge émotionnelle considérable. En effet, alors que le texte mentionne le mot : « déclaration », M. Badinter parle de « dénonciation ».
M. Michel Rocard. Tout à fait !
M. Paul Masson, rapporteur. Il persiste ainsi constamment à enfoncer le clou avec ce terme de « dénonciation ». (M. Robert Badinter proteste.)
J'observe, mon cher collègue, que si nous avions fait la même chose du temps où nous étions dans l'opposition...
M. Claude Estier. Vous vous en êtes privés !
M. Paul Masson, rapporteur. ... quand vous avez dit « déclaration » pour l'hébergeant qui devra donner le nom de l'hébergé, sa filiation et sa parenté, nous aurions pu, nous aussi, substituer au mot « déclaration » le mot « dénonciation ». Or nous ne l'avons jamais fait parce qu'il est honnête de dire ce que contient un texte et qu'il est désagréable - pour ne pas dire plus, monsieur Badinter - d'interpréter un texte et d'en faire un brûlot qui enflamme l'opinion. (Protestations sur les travées socialistes.) Voilà tout ce que je voulais dire ce soir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. En application de l'article 38, je demande la clôture de la discussion sur l'ensemble de l'article 1er.
Je consulte le Sénat sur cette demande.

(La clôture est ordonnée.)
M. le président. M. le ministre m'a fait savoir qu'il répondrait demain aux orateurs.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

12

COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 6 mars 1997, l'informant que la proposition d'acte communautaire n° E 248 : « proposition de directive du Conseil modifiant la directive 85/337/CEE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 3 mars 1997.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 10 mars 1997, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire n° E 468 : « proposition de règlement (CE) du Conseil relatif aux actions dans le domaine de "l'aide aux populations déracinées (réfugiés, personnes déplacées et rapatriées) dans les PVD-ALA" » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 3 mars 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire n° E 517 : « proposition de décision du Conseil modifiant la décision du 4 avril 1978 sur l'application des lignes directrices dans le domaine des crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 3 mars 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire n° E 756 : « proposition de règlement (CE) du Conseil prévoyant l'admission en exonération des droits pour certains principes actifs portant une "dénomination commune internationale" (DCI) de l'Organisation mondiale de la santé et certains produits utilisés pour la fabrication de produits pharmaceutiques finis ainsi que la suppression de l'exonération des droits réservés aux produits pharmaceutiques pour certains DCI dont l'utilisation prédominante n'est pas pharmaceutique » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 3 mars 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire n° E 771 : « propositions de décision du Conseil concernant la conclusion de certains accords entre la Communauté européenne et certains pays tiers sur le commerce des produits textiles (Egypte, Malte, Maroc, Tunisie) » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 3 mars 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire n° E 784 : « propositions de décision du Conseil concernant la conclusion de certains accords entre la Communauté européenne et certains pays tiers sur le commerce des produits textiles (Egypte, Malte, Maroc, Tunisie) » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 3 mars 1997.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 10 mars 1997, l'informant que la proposition d'acte communautaire n° E 746 : « proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement CEE n° 2377/90 établissant une procédure communautaire pour la fixation des limites maximales de résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments d'origine animale » a été adoptée partiellement en ce qui concerne l'article 1er, point b, par décision du Conseil du 3 mars 1997.

13

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 245, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et la désertification, en particulier en Afrique (ensemble quatre annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 246, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble un échange de lettres).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 247, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble une annexe).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 248, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

14

TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'établissement public d'aménagement de l'étang de Berre (EPA Berre).
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 249, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'activité de mandataire en recherche ou achat de véhicules automobiles neufs.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 250, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sur les marchés des télécommunications et d'un accord sous forme de protocole de lettres concernant la passation de marchés par des opérateurs privés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-796 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
- Proposition de décisions du Conseil relatives à la conclusion de certains accords entre la Communauté européenne et certains pays tiers concernant le commerce de produits textiles (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Moldavie, Tadjikistan, Turkménistan). (Elargissement).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-797 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
- Proposition de décisions du Conseil relatives à la conclusion de certains accords entre la Communauté européenne et certains pays tiers concernant le commerce de produits textiles (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Moldavie, Tadjikistan, Turkménistan). (Renouvellement).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-798 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
- Recommandation du Conseil sur la décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1995.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-799 et distribuée.

16

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Christian Bonnet un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi relatif à la date du prochain renouvellement des conseillers généraux et à la réunion de plein droit suivant le prochain renouvellement des conseillers régionaux (n° 241, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 251 et distribué.

17

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 12 mars 1997, à seize heures et le soir :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 236, 1996-1997), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Rapport (n° 243, 1996-1997) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Question orale avec débat n° 11 sur les perspectives de la coopération intercommunale.
Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 12 mars 1997, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Cantegrit et plusieurs de ses collègues tendant à reporter temporairement le renouvellement de quatre membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger élus dans la circonscription d'Algérie (n° 240, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 mars 1997, à dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière (n° 189, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 mars 1997, à dix-sept heures.
Projet de loi relatif à la date du prochain renouvellement des conseillers généraux et à la réunion de plein droit suivant le prochain renouvellement des conseillers régionaux (n° 241, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 mars 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 mars 1997, à dix-sept heures.
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique européenne de la France.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 18 mars 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 12 mars 1997, à zéro heure vingt.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 11 mars 1997
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 12 mars 1997, à 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 236, 1996-1997).
Jeudi 13 mars 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 :
1° Question orale avec débat n° 11 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les perspectives de la coopération intercommunale.
(En application du deuxième alinéa du 1 de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion de cette question, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 12 mars 1997.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Cantegrit et plusieurs de ses collègues tendant à reporter temporairement le renouvellement de quatre membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger élus dans la circonscription d'Algérie (n° 240, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 mars 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Eventuellement, vendredi 14 mars 1997, à 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Eventuellement, suite de la deuxième lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Mardi 18 mars 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 heures :
1° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière (n° 189, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 17 mars 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
A 16 heures :
2° Projet de loi relatif à la date du prochain renouvellement des conseillers généraux et à la réunion de plein droit suivant le prochain renouvellement des conseillers régionaux (n° 241, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 17 mars 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 17 mars 1997.)
Mercredi 19 mars 1997, à 15 heures :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique européenne de la France.
(La conférence des présidents a fixé :
- à quinze et dix minutes les temps respectivement réservés au président de la commission des affaires étrangères et au président de la délégation pour l'Union européenne ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 18 mars 1997.)
Jeudi 20 mars 1997, à 15 heures :
1° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi autorisant la ratification du traité sur la Charte de l'énergie (ensemble un protocole) (n° 186, 1996-1997) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la protection de la Meuse (n° 169, 1996-1997) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la protection de l'Escaut (n° 168, 1996-1997) ;
(La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi, n°s 169 et 168.)
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (n° 170, 1996-1997) ;
6° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et la désertification, en particulier en Afrique (ensemble quatre annexes) (n° 246, 1996-1997).
Mardi 25 mars 1997 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 546 de M. Jean-Paul Delevoye à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Procédure de répartition des dépenses de fonctionnement des écoles primaires entre communes d'accueil et communes de résidence) ;

- n° 551 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Plan d'urgence pour les IUT) ;

- n° 583 de M. Josselin de Rohan à Mme le ministre de l'environnement (Politique en matière de déchets ménagers) ;
- n° 584 de M. Marcel Charmant à Mme le ministre de l'environnement (Régulation de la population de cormorans en val de Loire) ;
- n° 585 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre du travail et des affaires sociales (Situation des chauffeurs de taxi parisiens) ;
- n° 586 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Manque de cadres dans l'enseignement catholique du ressort de l'académie de Strasbourg) ;

- n° 587 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications (Réorganisation de la poste dans le département de la Somme) ;

- n° 589 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Politique de l'école) ;
- n° 590 de M. Michel Mercier à M. le ministre de l'économie et des finances (Plafonnement de la taxe professionnelle) ;
- n° 591 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'intérieur (Conséquences financières des fortes chutes de neige dans la Drôme) ;
- n° 592 de M. Xavier Dugoin à M. le ministre du travail et des affaires sociales (Suppression de la caisse d'allocations familiales d'Arpajon) ;
- n° 593 de M. Alfred Foy à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Conditions d'éligibilité des communautés de communes au fonds de compensation de la TVA) ;
- n° 594 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Moyens permettant la scolarisation des enfants en bas âge) ;
- n° 595 de M. Marcel Deneux à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale (Situation des professionnels de biologie médicale) ;
- n° 596 de M. Marcel Deneux à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Situation des cadres recrutés par la voie du troisième concours des instituts régionaux d'administration [IRA]) ;
- n° 597 de M. Alfred Foy à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Enseignement de l'histoire-géographie et de l'éducation civique) ;
- n° 598 de M. Daniel Goulet à M. le ministre de l'économie et des finances (Conséquences financières des difficultés des entreprises publiques) ;
- n° 599 de M. Jean Chérioux à M. le ministre du travail et des affaires sociales (Réglementation applicable au cumul emploi-retraite).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle (n° 192, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 25 mars 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 24 mars 1997.)
Mercredi 26 mars 1997, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi portant dispositions relatives à l'immigration ;
2° Suite du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle.
Jeudi 27 mars 1997, à 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle ;
2° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation (n° 227, 1996-1997) ;
(La conférence des présidents a fixé au mardi 25 mars 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)

A N N E X E
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
du mardi 25 mars 1997

N° 546. - M. Jean-Paul Delevoye attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'article 23 de la loi du 22 juillet 1983, modifié en 1985 et 1986, qui a permis, pour l'essentiel, de régler le problème de la répartition des dépenses de fonctionnement pour les écoles primaires entre la commune d'accueil et la commune de résidence de l'enfant, en tenant compte des intérêts des familles. Le dispositif repose sur une contribution obligatoire de la commune de résidence lorsque la capacité d'accueil de ses établissements scolaires ne lui permet pas la scolarisation des enfants concernés ou en cas d'accord du maire de celle-ci, ou encore lorsque l'on se trouve dans un des cas de dérogation prévus par la loi. Ce dispositif, basé sur la concertation et l'accord entre communes, constitue une solution viable et globalement satisfaisante, même si de nombreuses difficultés locales subsistent. Néanmoins, les procédures de conciliation ne sont pas toujours correctement appliquées par les communes d'accueil dont certaines peuvent avoir tendance à adresser aux communes de résidence la facture, avec quelques mois de décalage, sans qu'aucun autre contact n'ait été pris et sans que les représentants de l'Etat s'en émeuvent. Il semble également que nombre de cas de dérogation reconnus par les communes d'accueil ne soient pas fondés et que les formalités de saisine du préfet ne soient pas respectées. En conséquence, il lui suggère de rappeler aux préfets, et à travers eux aux maires, le contenu et l'esprit de la loi, en particulier la nécessité d'une véritable concertation. Il souhaite également qu'une circulaire puisse rapidement systématiser l'information de la commune de résidence par la commune d'accueil préalablement à l'inscription. Enfin, il lui apparaît nécessaire qu'à l'avenir les préfets puissent demander systématiquement chaque année au Conseil de l'éducation nationale de faire une recommandation s'agissant du montant de la contribution par élève. Cette procédure est déjà mise en oeuvre avec succès dans certains départements tels que l'Aisne.
N° 551. - Mme Hélène Luc tient à attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conditions d'études et de fonctionnement qui ne cessent de se dégrader pour les instituts universitaires de technologie (IUT) du fait des insuffisances de dotation budgétaire se cumulant d'année en année. Au moment où la voie technologique est présentée comme étant prioritaire dans les études supérieures et alors que les IUT ont apporté la preuve de leur efficacité et de leur performance en la matière, on ne peut que s'étonner d'un tel traitement de la part des pouvoirs publics. C'est pourquoi elle lui demande de lui faire part de ses intentions quant à la demande exprimée par la communauté des étudiants et des enseignants et à laquelle elle souscrit totalement, d'un plan d'urgence et de rattrapage pour les IUT dès le premier trimestre 1997, qui constitue la condition indispensable pour rétablir la situation de ces établissements.
N° 583. - M. Josselin de Rohan demande à Mme le ministre de l'environnement de bien vouloir faire le point sur l'évolution de la politique de son ministère en matière de déchets ménagers.
N° 584. - M. Marcel Charmant rappelle à Mme le ministre de l'environnement que, par directives du 2 avril 1979 et du 17 avril 1981, la Communauté européenne a classé les cormorans, sous-espèces sinensis et carbo, dans la liste des oiseaux menacés nécessitant des mesures de protection. Il est donc interdit de les tuer ou de porter atteinte à leurs nids ou à leurs oeufs. Cette mesure de protection s'est révélée efficace puisque l'effectif des cormorans protégés est passé de 50 000 individus en 1979 à plus de 650 000 aujourd'hui en Europe. Son efficacité n'est pas sans poser de problèmes, dans le Val de Loire notamment. En effet, la concentration et la prolifération dans le lit de la Loire de ces oiseaux exclusivement piscivores a des conséquences dramatiques sur la population piscicole des plans d'eau et piscicultures, mais également sur la faune du fleuve lui-même. A raison de 500 grammes de poisson par jour et par individu, les cormorans auront consommé en France près de neuf tonnes de poisson cet hiver. Les mesures prises en 1992 au titre de la prévention des dégâts aux piscicultures se sont révélées insuffisantes et le milieu naturel est lui aussi atteint par ce fléau. En réponse à un député, il a été proposé de permettre un prélèvement de 10 % de la population pour réguler la prolifération des cormorans et d'envisager une déconcentration des procédures permettant aux préfets d'aller au-delà de ce seuil dans les régions où les populations piscicoles sont particulièrement menacées. La vallée de la Loire est de celles-là et les fédérations de pêche s'inquiètent de plus en plus de l'extension du phénomène. Les associations de pêche ont pu constater que les efforts qu'elles réalisent pour empoissonner les plans d'eau sont immédiatement anéantis par le passage des cormorans. Ce qui est évident pour les milieux confinés devient également préoccupant pour le milieu naturel. Les quelques pêcheurs professionnels qui subsistent en Loire s'alarment eux aussi de la hauteur des prélèvements opérés par les cormorans, sur les salmonidés notamment. La protection d'une espèce d'oiseau aboutit donc à une aberration car elle met en péril la survie d'autres espèces. Sans vouloir remettre en cause les mesures prises pour assurer la protection des cormorans, il convient de s'interroger sur la durée et le maintien de toutes les mesures de protection. Peut-on encore considérer que les cormorans, qui sont aujourd'hui 650 000 en Europe, sont encore une espèce menacée ? Doit-on maintenir un tel niveau de protection ou doit-on considérer qu'une régulation est nécessaire pour éviter le déséquilibre ainsi créé ? C'est pourquoi il lui demande la mise en oeuvre au plus tôt de mesures efficaces pour réguler la population de cormorans présente dans le Val de Loire.
N° 585. - Mme Nicole Borvo attire l'attention du ministre du travail et des affaires sociales sur la situation scandaleuse faite à un grand nombre de chauffeurs de taxis parisiens qui sont victimes du système de la location. Depuis 1973, ce système est à l'origine de la dégradation de la situation des chauffeurs de taxi et de celle du taxi en général. En effet, dans le système de la location, le patronat ne se pose plus en tant que tel, mais en tant que propriétaire, et nie la notion de salaire, ce qui est inadmissible, car cette notion recouvre toute la législation sociale contenue dans le code du travail. Cela a des effets redoutables pour les chauffeurs de taxi victimes de ce système féodal : la location est de plus en plus chère alors que les recettes diminuent. Les chauffeurs sont obligés de travailler soixante à soixante-dix heures par semaine pour un revenu net ne dépassant pas 20 francs de l'heure. De plus, ils n'ont ni droit au chômage ni droit aux congés payés. Cette situation intolérable va également à l'encontre de l'intérêt du service au public que constitue le taxi. Pour toutes ces raisons elle lui demande ce qu'il compte faire pour abroger toutes les lois, ordonnances ainsi que tous les décrets qui sont à l'origine du système de location et établir une obligation de contrat de travail entre les patrons et les chauffeurs de taxi rétablissant le rôle d'employeur que devraient avoir ces patrons qui se comportent comme des rentiers.
N° 586. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation déficitaire en encadrement que connaît l'enseignement catholique en Alsace et en particulier dans l'académie de Strasbourg. Il souhaite, en effet, souligner que le ministre, dans sa réponse à la question écrite n° 19064 du 28 novembre 1996 relative à ce sujet, ne s'est référé qu'à l'enseignement privé dans sa globalité qui souffrirait d'une situation, selon lui, « légèrement déficitaire dans l'académie de Strasbourg ». Or, l'objet de la question était d'attirer son attention sur l'enseignement catholique en particulier, qui, lui, souffre d'une situation véritablement déficitaire. Il souhaite lui préciser que parmi les quatre postes supplémentaires accordés pour l'année scolaire 1996-1997 à l'ensemble de l'enseignement privé alsacien, un poste et demi était déjà réservé avant les négociations académiques, réduisant d'autant le nombre de postes à attribuer. Il lui fait ainsi remarquer que, puisqu'une des composantes de l'enseignement privé avait préalablement fait connaître les besoins d'un de ses établissements, il aurait été souhaitable d'ajouter cette dotation particulière à la dotation générale, évitant ainsi son amputation. Il lui demande par conséquent si cette méthode ne lui semblerait par envisageable pour les années à venir.
N° 587. - M. Pierre Martin interroge M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur la réorganisation que La Poste envisage pour son réseau de l'ouest du département de la Somme, et sur l'inquiétude des élus du département sur les conséquences qui en découleraient pour les petites communes rurales.
N° 589. - M. Pierre Martin interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'une part, sur les mesures qu'il envisage à terme de prendre pour remplacer le moratoire, qui ne constitue qu'une solution transitoire, pour pallier la fermeture des classes en milieu rural, et, d'autre part, sur les réponses qu'il pense pouvoir fournir pour mettre fin à l'inégalité des communes en matière d'accueil scolaire des élèves, scolarisés par dérogation dans une commune différente de leur commune de résidence.
N° 590. - M. Michel Mercier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée pour l'année 1996. En effet, depuis 1996, la cotisation à retenir pour déterminer le montant du plafonnement pour les entreprises dont le siège se situe dans une communauté de communes créée en 1996 n'est pas la cotisation due au titre de l'année 1996, mais une cotisation de référence calculée avec les bases de 1996 et les taux d'imposition de 1995 ou de 1996 s'ils sont inférieurs. L'article 34 de la loi de finances rectificative qui supprime cet effet pervers ne paraît applicable qu'à compter de 1997, alors qu'il avait précisément pour objet de supprimer cette conséquence de la loi de finances pour 1996. Aussi, il lui demande s'il n'estime pas opportun que soit remédié à cette situation afin que le texte voté atteigne totalement son objectif.
N° 591. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences financières des fortes chutes de neige qui ont touché plus particulièrement le département de la Drôme en janvier dernier. Ces intempéries ont provoqué le blocage de tous les axes de communications en vallée du Rhône et ont nécessité la mise en place d'un plan ORSEC. Elles ont, par ailleurs, occasionné de très importants dommages tant aux particuliers qu'aux collectivités locales. Il semblerait que la reconnaissance de catastrophe naturelle, procédure régie par la loi du 13 juillet 1982 modifiée, ne puisse s'appliquer en l'occurrence ou du moins que de manière très partielle. En effet, cette procédure ne concerne pas les dommages occasionnés par la neige, pour lesquels les personnes pouvaient s'assurer. Cependant, ces très fortes chutes de neige ont engendré directement ou indirectement, pour les collectivités locales notamment, une surcharge financière importante qui, compte tenu de leur budget restreint, leur est impossible à assumer. C'est pourquoi il semble que la solidarité nationale doit dans cette hypothèse jouer. En 1992, 1993 et 1994, des fonds exceptionnels ont été versés à notre département pour des dégâts dus aussi à des intempéries. Il lui demande si, en la circonstance, il envisage de débloquer à nouveau des fonds pour aider les communes concernées.
N° 592. - M. Xavier Dugoin attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur le projet de suppression de l'antenne de la caisse d'allocations familiales d'Arpajon. Devant les conséquences graves et très préjudiciables tant pour le personnel que pour les allocataires, il lui demande les mesures qu'il entend prendre afin que soit maintenue sur Arpajon, un des pôles du département, cette antenne répondant aujourd'hui rapidement et humainement par un service social de qualité et de proximité aux besoins de ses usagers.
N° 593. - M. Alfred Foy appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les conditions d'éligibilité au Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les communautés de communes. A la suite de la promulgation de la loi n° 92-125 du 6 février 1992, de nombreuses communes ont été incitées à se regrouper, avec la promesse d'un remboursement de la TVA l'année même de l'investissement sans exclure aucun type d'investissement. L'article 42-3 de la loi de finances rectificative pour 1988 n° 88-1193 du 29 décembre 1988 a prévu que les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit de tiers ne peuvent donner lieu à l'attribution du FCTVA. La circulaire INT B 94 00257 C du 23 septembre 1994 a malheureusement confirmé dans son article 2-2-2-2 que toute opération réalisée pour le compte d'un tiers non éligible était exclue du champ d'attribution de ce fonds. Or de nombreuses communautés de communes, fortes des promesses qui leur avaient été faites en 1992, ont avant cette circulaire, engagé des dépenses importantes pour équiper, par exemple, des terrains destinés à devenir zones d'activités économiques. Elles ont aujourd'hui le sentiment d'avoir été mal informées, et se retrouvent souvent dans des situations difficiles, obligées d'emprunter parce que leurs plans de financement initiaux avaient été calculés hors taxe. Certes, grâce à l'intervention du Sénat, l'article 33 de la loi de finances pour 1997 n° 96-1181 du 30 décembre 1996 a complété l'article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales par un alinéa prévoyant que « les établissements de coopération intercommunale bénéficient, en lieu et place des communes membres propriétaires, des attributions du FCTVA, à compter du 1er janvier 1997, dans l'exercice de leurs compétences relatives à la voirie ». Mais ce geste, si nécessaire soit-il, demeure insuffisant pour compenser l'amertume des communautés de communes face au désengagement de l'Etat ; celles-ci sont en effet démotivées, ce qui est d'autant plus regrettable qu'actuellement la France a besoin de mobiliser toutes les énergies. Dans le cadre de l'aménagement du territoire et de la revitalisation des zones rurales, il souhaiterait donc savoir s'il ne serait pas envisageable de réexaminer les modalités d'attribution du FCTVA.
N° 594. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le fait que, pour la rentrée 1997, l'Académie de Paris propose 58 fermetures de classes, 29 blocages et seulement 32 ouvertures et 43 ouvertures réservées. Si ces propositions sont moins provocatrices que celles de l'an dernier, elles sont cependant loin de répondre aux besoins des écoles parisiennes. En maternelle, c'est le statu quo puisqu'il est envisagé autant de fermetures que d'ouvertures. Or, Paris est, depuis plusieurs années, à la traîne pour la scolarisation des enfants de moins de trois ans, particulièrement dans l'Est parisien. Pour l'enseignement spécialisé, le solde est encore une fois négatif : 15 fermetures sont annoncées contre seulement 3 ouvertures et une ouverture réservée. De telles propositions conduiraient à une nouvelle dégradation de l'aide aux enfants en difficulté. Cette carte scolaire ne permet pas d'améliorer sensiblement les conditions d'enseignement dans les écoles parisiennes et risque de creuser encore les inégalités. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte entreprendre pour mettre en place un collectif budgétaire qui permettrait de revoir à la hausse le nombre de postes créés et programmer des constructions d'écoles nouvelles afin d'alléger les effectifs et scolariser tous les enfants de 2 à 3 ans actuellement sur liste d'attente.
N° 595. - M. Marcel Deneux attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la situation des professionnels de biologie médicale dont le projet d'accord pour 1997 avec les Caisses d'assurance maladie semble compromettre gravement l'activité future. Ces professionnels de grande qualité, dont la compétence est reconnue par tous et qui constituent un maillon essentiel de notre système de santé sont en effet durement frappés par la réduction des dépenses de santé. Le principe de cette réduction n'est contesté par personne, mais il convient qu'elle pèse équitablement sur les différentes composantes du système relativement à leur poids en son sein. Or, il apparaît que les biologistes ont été les premiers à prendre leurs responsabilités dans la maîtrise des dépenses de santé et ont par ailleurs subi indirectement les contraintes imposées aux prescripteurs. Ces différents éléments ont très sensiblement fragilisé cette profession qui se retrouve ainsi en péril avec le projet de convention pour 1997. Il lui demande de bien vouloir le rassurer sur l'avenir de ces professionnels, car en découle aussi l'avenir de notre santé publique.
N° 596. - M. Marcel Deneux attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la situation des cadres recrutés par la voie du troisième concours des instituts régionaux d'administration. Ce concours, institué par la loi du 26 juillet 1991, a pour objectif de faire bénéficier la fonction publique de personnels issus du secteur privé dont l'expérience et les compétences sont de nature à faciliter et à accélérer la réforme de l'Etat. Bien entendu, pour que cet objectif soit effectivement atteint, il convient d'assurer ces agents d'un traitement et d'un déroulement de carrière qui ne les dissuade pas de se présenter au concours, et que les années passées dans le secteur privé ne soient pas perdues et oubliées. Il faut rappeler que ces candidats exerçaient des responsabilités élevées dans le secteur privé ; d'ailleurs, les jurys d'admission ont reconnu leur haut niveau de connaissances. Or, à ce jour, aucune disposition ne permet de prendre en compte cette expérience professionnelle antérieure. Il est donc souhaitable qu'un minimum d'ancienneté soit retenu en termes de rémunération et d'avancement d'échelon. Ceci s'effectue pour les candidats issus des concours internes et ne pose aucun problème. La prise en compte d'un minimum d'ancienneté permettrait en outre à ces fonctionnaires d'accéder, comme leurs camarades, à des corps supérieurs pour lesquels les nominations au tour extérieur s'effectuent notamment sur des critères d'ancienneté. Il le remercie de bien vouloir lui faire part des mesures qu'il compte prendre pour remédier à ce problème.
N° 597. - M. Alfred Foy attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les méfaits d'une réduction du temps consacré à l'enseignement de l'histoire-géographie et de l'éducation civique qui se produiraient en cas d'adoption de l'actuel projet relatif à l'organisation des enseignements du cycle central de collège. En effet, celui-ci prévoit la disparition d'une grille horaire nationale et la remplace par des horaires modulables à l'intérieur d'une fourchette, propre à chaque discipline, soit entre trois et quatre heures hebdomadaires pour l'histoire-géographie et l'éducation civique. Cet aménagement de rythmes scolaires, tel qu'il est prévu, ne manquerait pas de porter atteinte, une fois encore, à l'enseignement de l'instruction civique, dont on ne soulignera jamais assez le rôle fondamental quant à sa mission d'éducation à la citoyenneté et aux valeurs républicaines. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir l'assurer que toutes les dispositions seront prises afin de maintenir une programmation horaire suffisante à l'enseignement de cette discipline.
N° 598. - M. Daniel Goulet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les sinistres financiers qui se succèdent à un rythme effrayant et qui touchent plus particulièrement les entreprises publiques dans une très large diversité. Il lui rappelle que, s'il est vrai qu'en premier lieu, s'agissant du Crédit lyonnais, du Crédit foncier, du Comptoir des entrepreneurs, de la SNCF, d'Air France ou du GAN, pour ne citer que les dossiers les plus sensibles, l'Etat doit dans un premier temps jouer le « pompier de service » ; le coût global de tous ces sauvetages en cascade, par voie de conséquence, atteint in fine, le contribuable. Au-delà des différentes mesures techniques et administratives susceptibles d'être mises en place, indépendamment également des injections successives et des garanties que consent l'Etat, il lui pose la question essentielle de savoir au bout du compte quelle répercussion directe toutes ces restructurations, ces renflouements auront finalement : 1° Sur le budget de l'Etat qui - comme il a pu le constater - s'est contraint à une certaine rigueur budgétaire sur l'exercice 1997 ; 2° Sur les impositions directes des contribuables français. Enfin, il lui demande de lever l'ambiguïté qui persiste à considérer que de hauts dirigeants d'entreprises publiques et ceux qui avaient la charge d'en contrôler la gestion sont considérés « coupables » sans pour autant être « responsables ».
N° 599. - M. Jean Chérioux appelle l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les difficultés d'application de l'article 46 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995, qui a modifié, à l'initiative du Sénat, l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale relatif aux règles de cumul emploi-retraite. Cet article visait à permettre à des personnes exerçant une activité non salariée de percevoir une pension de vieillesse à laquelle leur activité salariée leur a ouvert droit, sans renoncer pour autant à leur activité non salariée. Cette condition de cumul d'activités s'apprécie à la date d'effet de la pension du régime des salariés. Toutefois, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAVTS) considère que les personnes qui, à cette date, relèvent du régime d'assurance chômage, tout en exerçant une activité non salariée, ne peuvent bénéficier de cette disposition. Or les périodes de chômage sont assimilées à des périodes de travail effectif pour la détermination des droits à pension en vertu de l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale. De plus, les statistiques publiées par la CNAVTS révèlent que les deux tiers des personnes partant actuellement à la retraite sont déjà inactifs et que, parmi eux, 40 % sont des personnes au chômage. Il s'agit d'une réalité dont cet organisme ne semble pourtant pas avoir tiré toutes les conséquences. Par ailleurs, une circulaire en date du 1er décembre 1995 relative au cumul emploi-retraite a admis que, dans certains cas, la condition de pluriactivité simultanée pouvait être appréciée à la date de cessation des activités salariées. Enfin, il convient de tenir compte de l'esprit de la loi de 1995 tel que l'a défini le législateur. Le rapporteur de ce texte au Sénat avait souligné la nécessité de remédier à la situation inéquitable faite aux personnes exerçant une activité mixte et le ministre en charge des affaires sociales avait même déclaré qu'il fallait prendre en compte les « situations individuelles ». En conséquence, il souhaite savoir si le Gouvernement entend prendre les mesures de nature à permettre une application de la loi conforme à l'intention du législateur ou s'il conviendrait de préciser, par voie d'amendement, la portée de l'article 46 de la loi de 1995.

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

Lors de sa séance du mardi 11 mars 1997, le Sénat a désigné M. Jean-Jacques Robert pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.

DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président du Sénat à le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. François Giacobbi, sénateur de Haute-Corse, survenu le 7 mars 1997.

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR

Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. Jean-Baptiste Motroni est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Haute-Corse, M. François Giacobbi, décédé le 7 mars 1997.

MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE
ET SOCIAL EUROPÉEN
(21 membres au lieu de 22)

Supprimer le nom de M. François Giacobbi.

GROUPE SOCIALISTE
(73 membres au lieu de 72)

Ajouter le nom de M. Jean-Baptiste Motroni.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Pierre Hérisson a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 249 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'EPABERRE (établissement public, industriel et commercial de l'Etang de Berre).

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE
ET DES FORCES ARMÉES

M. Maurice Lombard a été nommé rapporteur du projet de loi n° 245 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques.
M. Pierre Biarnès a été nommé rapporteur du projet de loi n° 246 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et la désertification, en particulier en Afrique (ensemble quatre annexes).
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 247 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble un échange de lettres).
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 248 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mardi 11 mars 1997


SCRUTIN (n° 112)



sur la motion n° 1, présentée par M. Guy Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.

Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 317
Pour : 96
Contre : 221

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Contre : 15.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Girod, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 94.

GROUPE SOCIALISTE (76) :

Pour : 75.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :

Contre : 59.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Contre : 44.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière


Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

N'ont pas pris part au vote


MM. Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 113)



sur la motion n° 2, présentée par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.



Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 317
Pour : 96
Contre : 221

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Contre : 15.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Girod, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 94.

GROUPE SOCIALISTE (76) :

Pour : 75.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :

Contre : 59.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Contre : 44.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière


Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

N'ont pas pris part au vote


MM. Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.